Phonologie et Morphologie du Japhug (rGyalrong) · UNIVERSITE PARIS VII – DENIS DIDEROT U.F.R. DE...

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HAL Id: tel-00138568 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00138568 Submitted on 26 Mar 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Phonologie et Morphologie du Japhug (rGyalrong) Guillaume Jacques To cite this version: Guillaume Jacques. Phonologie et Morphologie du Japhug (rGyalrong). Linguistique. Université Paris-Diderot - Paris VII, 2004. Français. <tel-00138568>

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    Submitted on 26 Mar 2007

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

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    Phonologie et Morphologie du Japhug (rGyalrong)Guillaume Jacques

    To cite this version:Guillaume Jacques. Phonologie et Morphologie du Japhug (rGyalrong). Linguistique. UniversitParis-Diderot - Paris VII, 2004. Franais.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00138568https://hal.archives-ouvertes.fr

  • UNIVERSITE PARIS VII DENIS DIDEROT

    U.F.R. DE LINGUISTIQUE

    PHONOLOGIE ET MORPHOLOGIE

    DU JAPHUG (rGyalrong)

    Thse en vue de lobtention du Doctorat de Linguistique

    prsente par

    Guillaume JACQUES

    Directrice de thse : Mme. Marie-Claude PARIS

    Soutenue le 9 Septembre 2004

    Jury : M. Boyd MICHAILOVSKY M. Laurent SAGART M. Jackson T.-S. SUN M. Nicolas TOURNADRE

  • Je tiens tout dabord remercier mes informateurs, Tshe-dzin ,

    dPal-can , Kebei , Jigs-thar . Sans leur aide, ce

    travail naurait jamais pu tre achev.

    Je remercie galement :

    Marie-Claude Paris, qui a accept de me diriger et grce laquelle

    jai pu obtenir un financement pour mener bien cette thse.

    Laurent Sagart, qui sest charg de ma formation en phonologie

    historique du chinois depuis le dbut de mes tudes et qui a supervis

    lavancement de cette thse.

    Jackson T.-S.Sun , qui ma guid dans mon premier terrain

    sur le japhug en 2002, qui a inspir un grand nombre dides

    prsentes dans cette thse et qui a revu en dtail lensemble du texte

    de cette thse.

    Boyd Michailovsky et Martine Mazaudon, pour leur aide avec le

    programme archivage et leur enseignement sur les langues

    tibto-birmanes du Npal.

    Nicolas Tournadre, pour son aide avec les dialectes tibtains.

    Lin Youjing pour mavoir aimablement prt ses donnes sur

    le dialecte japhug de Da-tshang, et pour ses critiques sur mes analyses

    de la morphologie du japhug.

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    1 Introduction

    Une part importante des langues sino-tibtaines, telles que le chinois ou le birman, sont habituellement prsentes comme des exemples typiques de langues isolantes. Des recherches rcentes (Sagart 1999) montrent toutefois que le chinois archaque, cest dire la langue reprsente dans les textes davant 200 av. JC., prsente les traces dune morphologie autrefois plus complexe. Cette morphologie est mieux prserve en tibtain classique, en jingpo, mais surtout dans les langues rgyalronguiques, qui vont faire lobjet de cette thse.

    Les langues rgyalronguiques sont dun archasme remarquable autant du point de vue morphologique (les prfixes quon ne retrouve que sous forme de traces dans les autres langues y sont encore productifs) que du point de vue phonologique (des groupes de consonnes initiaux complexes y sont conservs). Une description aussi complte que possible de la phonologie et de la morphologie de chacune des langues de ce groupe est donc dune importance capitale pour la reconstruction du proto-sino-tibtain.

    Or, la plupart des langues rgyalronguiques ne sont pas dcrites de faon suffisamment dtaille pour permettre une utilisation systmatique en reconstruction du sino-tibtain. Ce travail a pour but de documenter la phonologie et la morphologie dune des langues rgyalronguiques, le japhug, et de proposer une reconstruction prliminaire de lhistoire de cette langue par la comparaison entre les dialectes japhug et avec les autres langues rgyalronguiques.

    Dans cette introduction, nous prsenterons tout dabord un aperu historique de la rgion o sont parles ces langues, la localisation et la classification des langues rgyalronguiques, un rsum succinct des tudes antrieures sur les langues rgyalronguiques et enfin la structuration de cette thse.

    1.1 Le pays rGyal-rong

    Le terme rGyal-rong (jiarong - ) est purement gographique. Il ne dsigne en aucun cas les langues de la rgion. Le terme complet est rGyal-mo tsha-ba rong. Selon Wang et Awang (1992) ainsi que dPal-bzang rgya-mtsho (2000), ce nom viendrait de la montagne rGyal-rong dmu-rdo (moerduoshan ) qui se situe au sud de la rgion. Ce nom est probablement li aussi celui du Daduhe en tibtain : rgyal-mo dngul-chu. Toutefois, la plupart des Tibtains dsigne cette rgion par le terme tsha-kho, une abrviation de tsha-ba rong et de kho-phan, nom de famille de nobles de

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    cette rgion. La proposition de Chang et Chang (1975 : 398) qui suggrent que la syllabe rong du nom rGyal-rong soit apparente lautonyme rong des lepcha et celui des Dulong tru, est donc rejeter pour deux raisons : dune part, la syllabe rong signifie simplement valle en tibtain, et dautre part, le terme rGyal-rong nest pas lautonyme des rgyalrongois eux-mmes, qui se dsignent sous le nom de k-r1.

    Les Tibtains considrent la rgion rGyal-rong comme tibtaine, et les langues de cette rgion comme des dialectes du tibtain. Les intellectuels tibtains daujourdhui remettent en cause la valeur des travaux qui prtendent dmontrer que le rGyalrong est une langue indpendante ou que les habitants du rGyalrong ne sont pas des Tibtains comme les autres . Ainsi Nyan-shul (1999 : 80) et dPal-bzang (2000 : 115) reconnaissent que les langues du rGyal-rong ne sont pas intercomprhensibles avec le tibtain standard, mais attribuent cette diffrence des volutions phontiques (skad-zur-ba) propres ces dialectes les rendant distincts des autres. Ils nenvisagent pas que ces langues puissent avoir une origine autre que le tibtain ancien.

    De mme, les lettrs tibtains tentent de faire remonter lorigine des habitants du rGyal-rong des anctres tibtains prestigieux. Selon dPal-bzang (2000 : 107), la ligne des rois de bTsan-lha serait la plus ancienne famille du rGyal-rong. Cet auteur les fait remonter soit Bya-khri btsan-po, un des fils du roi mythique Gri-gum btsan-po (le 8me roi de la dynastie de gNya-khri btsan-po), soit sNya-bring, un fils cadet du roi lgendaire Khri-sgra dpung-btsan (le 25me roi de la dynastie de gNya-khri btsan-po). Etant donn lauthenticit historique incertaine de ces rois2, ces hypothses ne sont pas retenir.

    Le texte du XIXme sicle mDo-smad chos-byung histoire religieuse de lAmdo infrieur rattache les habitants du rGyal-rong une ligne de la famille sbra du Zhang-zhung (Stein 1961 : 27-28, dPal-bzang 2000 : 109). L encore, la vracit historique de cette affirmation est difficile tablir. Le plus ancien fait historique concernant le rGyal-rong sur lequel tout le monde saccorde est lexil du moine Vairocana au rGyal-rong sous lempereur Khri-srong lde-btsan (755-797)3.

    Seule une varit de rgyalronguique (voir section suivante), le rgyalrong oriental semble avoir t crit en alphabet tibtain par les secrtaires (drung-yig ) des rois (

    1 Nous donnons ici la forme japhug, mais des cognats de ce mot se trouvent dans les autres langues. 2 Le premier roi donc lauthenticit est avre, gNam-ri srong bTsan, le pre de Srong-btsan sgam-po, est 32me dans cette dynastie, et a vcu au VIIme sicle. 3 Pour un rsum du rcit de la vie de Vairocana et de son sjour au rGyal-rong, voir Samten (1993). Pour une description plus gnrale de la rgion rgyalrong incluant lhistoire et la gographie, voir Que (1995), et pour un travail sur lhistoire de la partie de la rgion rgyalrong o est parl le japhug, voir Daerji et Garangta (2000). Pour un rcit de linvasion du sud du rGyal-rong par les mandchous au XVIIIe sicle, voir Haenisch (1934).

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    tusi / rgyal-po) du rGyal-rong : Ces textes nont pas fait lobjet dune dition et seul lun dentre eux jusquici a t traduit (Prins 2003). En revanche, il est quasiment certain que les autres langues rgyalronguiques telles que le japhug ou le zbu nont jamais t des langues crites. On ignore quand remontent les textes les plus anciens en rgyalrong oriental. Cette tradition dcrire le rgyalrong oriental en alphabet tibtain est distinguer de lalphabet rGyal-rong (tsha-ba-rong gi yi-ge) dont parlent Wang et Awang (1992 : 168-174) et dPal-bzang (2000 : 112-115). Ce dernier semble tre une sorte dalphabet ornemental bas sur lalphabet tibtain, et utilis pour crire le tibtain. Enfin, on trouve quelques mots rgyalrongs dans le mDo-smad Chos-byung, transcrits en alphabet tibtain, comme par exemple ta-ro chef de village (japhug t-ru) dans les noms de certains personnages dont parle cet ouvrage historique.

    En franais, il convient de distinguer rGyal-rong (le nom du pays) de rgyalrong (le nom des langues) par la majuscule.

    1.2 Rpartition et classification des langues rgyalronguiques

    Les langues rgyalronguiques sont parles par environ cent mille personnes, classes comme Tibtains par ladministration chinoise, dans les prfectures autonomes tibtaines de rNga-ba (aba ) et de dKar-mdzes (ganzi ) au nord-ouest du Sichuan en Chine. Deux cartes en couleurs ont t ajoutes en annexe : une carte indiquant la localisation du pays rGyalrong au Sichuan, et une carte de la rpartition des langues rgyalronguiques individuelles. Pour les noms des lieux en chinois et en tibtain, nous avons utilis la srie douvrages Gong et al. (1985abcde, 1986) o les noms de districts, de rgions, de cantons et des villages sont indiqus en tibtain et en chinois. Les noms de lieux dans les langues rgyalronguiques proviennent de nos donnes de terrain.

    Selon la plupart des auteurs (Sun 1983, Huang 1991), les langues rgyalronguiques appartiendraient au groupe qianguique, auxquelles appartiennent le tangoute, le qiang , le pumi et un certain nombre de langues obscures rcemment dcrites : le muya (mi-nyag skad), le zhaba , le queyu , le shixing , le guiqiong et peut-tre aussi le namuzi 4. Bien quaucune innovation commune nait t mise en vidence, la parent entre ces langues semble manifeste si lon considre la ressemblance dans le vocabulaire. Ces langues sont galement typologiquement trs semblables, car elles possdent toutes un systme daccord personnel et un systme verbal o lon trouve des alternances de thmes (en pumi voir Lu 1998 : 303-306, en tangoute voir Gong 2001).

    Dans un travail prliminaire de comparaison du rgyalrong avec le tangoute, nous

    4 Pour des descriptions rcentes de ces langues, voir Liu (1998) et Lu (1998), ainsi que les donnes dans Huang et al. 1992.

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    avons dcouvert un certain nombre de mots partags exclusivement par ces deux langues et absents en chinois, en tibtain, ou en birman (Jacques 2003b). Ce sont parmi ces mots exclusivement partags que nous pouvons rechercher dmontrer lexistence dinnovations communes entre ces langues. Certains auteurs ont mis lhypothse que les langues qianguiques seraient particulirement proches des langues lolo-birmanes (Li Yongsui 1998).

    Selon Sun (2000b), on compte six groupes de langues rgyalronguiques : horpa (aussi appel ergong ou daofu dans les sources chinoises).

    Cet ensemble de dialectes mutuellement inintelligibles est parl rTau / Daofu , Rong-brag / Danba et Nyag-rong / Xinlong dans la prfecture de dKar-mdzes / Ganzi .

    shangzhai (stod-sde). Parl au sud de Dzam-thang / Rangtang dans la prfecture de rNga-ba / Aba .

    lavrung . Parl au sud de Dzam-thang / Rangtang , , louest de Chuchen/ Jinchuan (dialecte de Thugs-rje chen-mo / Guanyinqiao et de Dzo-rogs ) et au sud de Bar-khams / Maerkang (dialecte de Brong-rdzong / Muerzong ) dans la prfecture de rNga-ba / Aba .

    sidaba (stod-pa), parl au nord de Bar-khams / Maerkang dans la prfecture de rNga-ba / Aba .

    chabao (japhug) , parl au nord de Bar-khams / Maerkang dans la prfecture de rNga-ba / Aba .

    situ (rgyalrong oriental). Cest la langue la mieux dcrite, la plus parle et la plus rpandue. Celle-ci se rparti sur trois prfectures :

    Dans la prfecture de rNga-ba / Aba : bTsan-lha / Xiaojin Chu-chen / Jinchuan , Bar-khams / Maerkang , louest de Khro-chu / Heishui louest de bKra-shis-gling / Lixian (anciennement appel

    Zagunao ) Dans la prfecture de dKar-mdzes / Ganzi , le district de Rong-brag /

    Danba . Dans la prfecture Yaan le dpartment de Baoxing .

    Sun (2000b) propose le Stammbaum suivant, reproduit dans le Tableau 1.

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    rgyalrongic Horpa-Shangzhai rgyalrong Horpa Shangzhai lavrung sidaba chabao situ

    Tableau 1 : Stammbaum des langues rgyalronguiques selon Jackson Sun (2000b).

    En franais, nous appellerons macro-rgyalronguique la sous-famille entire (incluant

    horpa, lavrong et rgyalronguique) et rgyalronguique le clade quil appelle rgyalrong . Nous naborderons dans le prsent travail que les langues de la sous-branche rgyalronguique.

    Pour faciliter lutilisation de ce travail par les tibtologues, nous utilisons en priorit les formes tibtaines des noms de districts et de cantons. Nous indiquons le nom en japhug de chacun de ces endroits entre parenthses. Pour les villages, en revanche, nous nemploierons que le nom rgyalrong local, car les noms de villages sont des toponymes gnralement purement rgyalronguiques, et les formes tibtaines donnes dans Gong et al. (1985abcde, 1986) pour les noms des villages ne sont en gnral que des transcriptions du rgyalrong.

    Par ailleurs, nous appellerons rgyalrong oriental la langue que J. Sun dsigne comme situ , suivant lexpression chinoise dongbu fangyan . Le terme situhua ne dsigne en effet au sens strict que le dialecte de Bar-khams. Il exclut les formes de rgyalrong oriental parl dans les autres rgions (bTsan-lha, bKra-shis-gling, Chu-chen etc.)

    Concernant lorganisation du Stammbaum, nous considrons le zbu (rdzong-bur, Ribu ) et le tsho-bdun (Caodeng ), que J. Sun regroupe sous un clade sidaba / stod-pa comme deux langues indpendantes :

    rgyalronguique zbu / rdzong-bur / ribu

    tshobdun / caodeng

    japhug / chabao

    rgyalrong oriental

    Tableau 2 : Stammbaum des langues rgyalronguiques (nincluant pas le lavrong et le horpa)

    Ces quatre langues sont parles dans le district de Bar-khams / Maerkhang

    (mbarkom) dans la prfecture de rNga-ba / Aba ; seul le rgyalrong oriental est

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    parl par une population importante dans dautres districts. Voici la distribution gographique plus prcise de ces langues :

    zbu Le zbu est parl dans les cantons de rDzong-bur / Ribu (zb) et Khang-gsar / Kangshan (tawi). Nous employons le nom rgyalrong de cet endroit plutt que le nom tibtain, car le nom tibtain semble tre une corruption de la forme rgyalrong. Selon Sun (2000a), cette langue serait galement parle dans le district de Dzam-thang / Rangtang (ndzamta) et le district de rNga-ba / Aba (rawa). La varit tudie dans cette thse est le dialecte de bKur-bsam (appel fkrsm en zbu). Nous avons tudi ce dialecte auprs de Jigs-thar (ndxtar).

    tshobdun Le tshobdun est parl dans le canton de tsho-bdun (mtshodn) et dans un village du canton de gDong-brgyad / Longerjia (drt). Nous navons aucune donne de premire main sur cette langue, et par consquent nous ne nous en sommes quasiment pas servi dans cette thse.

    japhug Le japhug est parl dans les cantons de gDong-brgyad / Longerjia (drt), gSar-rdzong / Shaerzong (sarndzu) et Da-tshang / Dazang (tatsi). Le nom japhug vient de la rivire qui passe par gSar-rdzong et Da-tshang (en tibtain Ja-phug, japhug tp). Ce nom ne sapplique pas traditionnellement au canton de gDong-brgyad, dont le nom traditionnel est so, mais cest le seul terme qui nous permet de dsigner lensemble de la rgion o est parle cette langue. La diversit dialectale maximale se concentre gDong-brgyad. Dans cette thse, nous utilisons pour lessentiel deux varits de japhug :

    le dialecte de km / ganmuniao parl gDong-brgyad, que nous a enseign Tshe-dzin / Chenzhen (tsndzn). Elle est ne en 1951. Bien quelle ait une trs bonne matrise du chinois parl et crit, et bien quelle ait vcu une partie importante de sa vie Tsho-bdun et Bar-khams, elle a gard une remarquable capacit ressentir les nuances grammaticales en japhug et les diffrences entre dialectes (elle sait parler aussi les langues de Tsho-bdun et de Bar-khams). Elle emploie quotidiennement sa langue avec son mari dPal-can / Boerqing (paltin)5, et ses enfants sont eux aussi bilingues. Cest le dialecte sur lequel porte lessentiel de notre travail. Nous avons galement enregistr des histoires racontes par rDo-rje mtsho (dri mtsu), la mre de

    5 Celui-ci nous a galement servi dinformateur, en particulier pour le nom japhug des oiseaux et des mammifres.

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    Tshe-dzin, Kun-bzang mtsho (knza mtsu), sa nice, et andzn, son oncle maternel.

    le dialecte de ja / heierya parl gSar-rdzong, que nous avons appris de Kebei (ne en 1948).

    Le rgyalrong oriental Le rgyalrong oriental est parl sur une rgion trs tendue. Cette langue est appele roba skt en japhug du tibtain rong-ba-skad langue des agriculteurs 6. Le rgyalrong oriental est divis en quatre dialectes plus ou moins intercomprhensibles :

    bTsan-lha / Xiaojin (tsanla) Chu-chen / Jinchuan (ttin) Bar-khams / Maerkang (mbarkom) bKra-shis-gling / Lixian (kusrip).

    Le parler de Bar-khams est appel en chinois situhua , la langue des quatre rois (tusi / rgyalpo) :

    So-mang / suomo (smo) Kyom-kyo / jiaomujiao 7 (comuco) rDzong-gag / rDzi-gag / songgang (rza). Cog-tse / lCog-rtse / mChog-rtse / zhuokeji (tsotsi)

    Ces quatre rois tendaient leur pouvoir sur lensemble de la rgion actuelle du district de Bar-khams. Le rgyalrong oriental servait de lingua franca dans la rgion jusquen 1949, et dans les rgions o le japhug, le tshobdun ou le zbu taient parls, les hommes taient tous capables de parler le rgyalrong oriental. Le dialecte de Bar-khams se divise en plusieurs varits, dont les mieux tudies sont celles de Cog-tse et de So-mang. Ces sous-dialectes sont trs proches les uns des autres, et ne se distinguent que par quelques mots, et peut-tre aussi par certains dtails dans le fonctionnement de lalternance de thme verbal. Les varits dialectales ne correspondent pas ncessairement aux frontires administratives, mais trop peu dinformations sont actuellement publies pour tablir une carte dialectologique du rgyalrong oriental. Ayant effectu lessentiel de notre terrain Bar-khams, o le rgyalrong oriental est la langue locale, et bien que nous navons pas effectu dtude spcifique sur cette langue, nous avons pu nanmoins directement vrifier avec les locuteurs de ces langues

    6 Le terme roba en japhug ne veut pas dire agriculteur (on utilise pour cela rowa, un emprunt driv du mme mot tibtain), il dsigne spcifiquement les locuteurs du rgyalrong oriental; cest trange si lon considre que lensemble de la rgion rGyalrong est foncirement une zone dagriculture, et que de ce fait, tout le monde est rong-ba. 7 Le nom chinois scrit jiaomuzu mais se prononce jiaomujiao. Lexplication des gens de la rgion est que ceux qui ont transcrit ce nom en chinois ne voulaient pas crire deux fois un mme caractre dans le mme mot et ont donc sciemment vit lorthographe .

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    certaines donnes dj publies.

    1.3 Histoire des tudes rgyalrong

    Les travaux les plus anciens sur les langues rgyalrong remontent au XVIIIme sicle : un document du bureau imprial des traducteurs (huayiyiyu ) contient prs de 800 mots dans dix langues du Sichuan, transcrits en tibtain et en chinois. Sur ces dix langues, lune appartient au groupe rgyalronguique. Ce document remarquable a t publi et partiellement tudi par Sun Hongkai et Nishida Tatsuo (1990).

    Les tudes occidentales des langues rgyalrong ont commenc par les travaux de Hodgson (1853) sur une varit de rgyalrong horpa, von Rosthorn (1894), Laufer (1916), Edgar (1932), Wolfenden (1936) et Migot (1957). Les travaux de ces auteurs sont trs limits et difficilement rutilisables.

    Par la suite, une tradition chinoise dtudes rgyalrong a vu le jour avec Wen You (1943, 1945ab), Jin Peng (1949), et Jin et al. (1957-8) : ce sont les premiers travaux o une langue rgyalronguique est transcrite fidlement en alphabet phontique international et o lexistence de tons est remarque. Au cours des annes 50, une vingtaine de dialectes rgyalrong ont t tudis par lquipe de recherche dirige par Jin Peng. Ces donnes monumentales nont malheureusement pas t publies jusqu ce jour, sauf partiellement dans les travaux de Lin Xiangrong et Qu Aitang, mais une publication lectronique est en projet8.

    A cette priode se rattache aussi Chang (1968) une publication tardive de donnes rcoltes la mme poque que Wen You et Jin Peng. Chang et Chang (1975) est la premire tentative de reconstruction du proto-rgyalronguique, sur la base du terrain dun des auteurs et des autres donnes publies. Cet article souffre de deux limitations : dune part, les auteurs ne disposaient que de donnes sur des dialectes du rgyalrong oriental relativement proches les uns les autres ; dautre part, ils avaient une volont de comparer de faon force lensemble des tymons rgyalrong avec des mots tibtains, et nont pas propos de critres clairs pour distinguer cognats et emprunts pour lensemble du lexique. La recherche sur le rgyalrong a repris partir du dbut des annes 1980 : les travaux se succdent en quelques annes : Mansier (1983), Li (1980), Lin (1983, 1990, 1993), Qu (1983, 1984, 1990), bTsan-lha (1983, 1992) et Wang et Awang (1992), Nagano (1979ab, 1984), Huang Bufan (1990, 1991), Huang Liangrong (1993). Nagano Yasuhiko a travaill sur le dialecte rgyalrong oriental de Cog-tse au Npal, et a tent de proposer une reconstruction du proto-rgyalronguique. Pour un

    8 Sun Hongkai, communication personnelle, juillet 2002.

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    compte rendu critique de son ouvrage sur le systme verbal (Nagano 1984), voir Lin (2000). La reconstruction de Nagano (1979ab) ne prsente pas un progrs par rapport Chang et Chang (1975) : il souffre des deux mmes limitations que cet article. Cet auteur a publi rcemment deux articles (Nagano 2001, 2003), mais il na effectu de terrain sur aucune langue rgyalronguique depuis son dpart du Npal : il ne prsente rien de nouveau par rapport son ouvrage de 1984. bTsan-lha Ngag-dbang Tshul-khrims a crit plusieurs articles (bTsan-lha 1983, 1992) sur le rgyalrong oriental de bTsan-lha, sa langue maternelle, quil transcrit en alphabet tibtain, ainsi quun livre en chinois (Wang et Awang 1992) o il utilise galement lAPI en plus de lcriture tibtaine. Son travail a beaucoup dinfluence auprs des intellectuels tibtains, car il tente de dmontrer que le rgyalrong est un dialecte du tibtain. Mme si sa transcription et sa description grammaticale souffrent de ses a-prioris guids par des considrations extra-linguistiques, son travail a le mrite de prsenter des comparaisons entre le tibtain ancien (celui des textes de Dun-huang et des inscriptions sur les rdo-ring) et le rgyalrong, dont certaines ont t reprises dans cette thse. Cet auteur est un rudit qui connait profondment le tibtain ancien, dont il a publi un dictionnaire (bTsan-lha 1997). Par ailleurs, Ngag-dbang Tshul-khrims a servi P.Mansier comme informateur ; ce dernier en a tir une thse (Mansier 1983).

    Li Fanwen (1980) propose une comparaison prliminaire du vocabulaire et de la grammaire du rgyalrong oriental et du rgyalrong horpa avec le tangoute. Les travaux de Lin Xiangrong , Qu Aitang et de Huang Bufan se distinguent de tous les prcdents en cela que ce sont les premiers prsenter des donnes sur des langues rgyalronguiques autres que le rgyalrong oriental de faon extensive. Lin (1993) est la premire grammaire dune langue rgyalronguique, le rgyalrong oriental de Cog-tse, qui est la langue maternelle de cet auteur. Cet ouvrage contient une grande quantit de donnes sur les langues rgyalronguiques de toutes les branches, ainsi quun essai prliminaire de phonologie historique : Lin Xiangrong est le premier auteur avoir dtermin des correspondances phontiques entre diffrentes branches du rGyalrong, mme sil ne propose pas de reconstruction du proto-rgyalronguique. Un lexique de 1800 mots en rgyalrong oriental et en rgyalrong horpa est inclu dans Huang (1992). Des tudiants de Huang Bufan ont publi des travaux sur des langues rgyalronguiques : Duoerji (1998) sur le rgyalrong horpa de dGe-shi-rtsa / Geshizha , sa langue maternelle, et Yin Weibin (2000, 2002) sur le lavrung de Dzo-rogs / Yelong .

    Jackson T.-S. Sun , partir de 1994, a effectu des recherches sur quasiment toutes les branches des langues rgyalronguiques (Sun 1994, 1998ab, 1999, 2000ab, 2003, Sun et Shi 2002). Cest le premier chercheur avoir dcouvert lexistence de

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    verbes irrguliers dans les langues rgyalronguiques et distinguer de faon rigoureuse les alternances de thmes des phnomnes dUmlaut. A sa suite, plusieurs tudiants en linguistique luniversit Qinghua Taiwan ont produit des travaux de qualit remarquable sur le rgyalrong oriental de Cog-tse (Hsie Feng-fan 1998,1999, Lin Youjing 2000, 2002, 2003, Wei Jiewu 2001) et sur le japhug (Lin et Luo 2003). Notre tude du systme verbal du japhug a profit considrablement de ces travaux. Yang Dongfang , locuteur natif du dialecte de Cog-tse, linformateur de Hsie Fengfan, Lin You-jing et Wei Jiewu, est en train de prparer un recueil de chansons traditionnelles en rgyalrong oriental (skor-bro gzhas ).

    Mei Guang , un autre chercheur de Taiwan, a galement crit plusieurs travaux non publis sur la morphologie verbale du rgyalrong oriental (Mei 2001, 2002). Paralllement, Marielle Prins travaille sur le rgyalrong oriental de Kyom-kyo ainsi que sur les textes en rgyalrong oriental ancien. Elle a prsent un travail sur ces textes (Prins 2003).

    Rcemment, un dictionnaire de rgyalrong oriental (Huang Liangrong et Sun Hongkai 2002) est paru. Cest le premier dictionnaire dun langue rgyalronguique, et il contient davantage de mots que Lin (1993) ou Hsie (1999). Malheureusement, ce dictionnaire est organis dans lordre chinois rgyalrong, ce qui rend la recherche dun mot particulier souvent alatoire. Ce dictionnaire contient par ailleurs beaucoup de rptitions, la transcription nest pas toujours consistante, la flexion verbale nest pas indique, il ne distingue pas les phonmes /a/ et // ainsi que les sries de palatales et dalvolo-palatales, et il contient des mots du vocabulaire moderne qui sont tous des emprunts chinois rcents sans intrt. Toutefois, il a lavantage de donner des phrases dexemple. Cet ouvrage se prsente comme un dictionnaire du dialecte cogtse, mais le dialecte dcrit est en fait le somang. Ce dictionnaire est la source principal du rgyalrong oriental utilis dans cette thse, mais les travaux de Hsie (1999) et Lin (2000, 2003) seront utiliss galement pour parer ses insuffisances. Bien que ces travaux traitent du dialecte de cogtse, la diffrence entre les deux dialectes est suffisamment minime pour que cela ne pose pas de problme (les rares cas o ces deux dialectes diffrent seront indiqus systmatiquement dans ce travail).

    1.4 Structure de la thse

    La prsente thse est un essai de phonologie et de morphologie descriptive et historique de la langue japhug.

    Les chapitres 2,3 et 4 sont consacrs la phonologie. Dans le chapitre 2, nous proposons une analyse synchronique de la structure de la syllabe en japhug de km. Ensuite, nous abordons ltude historique du japhug : le chapitre 3 est consacr aux

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    emprunts tibtains en japhug, et le chapitre 4 consiste en une comparaison des dialectes japhug entre eux et avec deux autres langues rgyalronguiques : le zbu et le rgyalrong oriental de So-mang. Nous avons donc dabord effectu une tude approfondie des couches demprunts puis tabli des critres explicites et exhaustifs pour distinguer les emprunts des cognats, afin de traiter sparment le vocabulaire emprunt au tibtain et le vocabulaire proprement rgyalronguique en japhug. Dans le chapitre 4, nous proposons une reconstruction prliminaire du proto-rgyalronguique et nous mettons en vidence les changements phontiques qui se sont produits entre le proto-rgyalronguique et le japhug. Les quatre chapitres suivants traitent de la morphologie verbale : le chapitre 5 propose une description et une reconstruction de la morphologie flexionnelle, le chapitre 6 traite de la morphologie drivationnelle, le chapitre 7 traite des verbes contractes (une classe de verbes irrguliers) et le chapitre 8 est consacr la nominalisation. Dcrire la phonologie ou la morphologie verbale du japhug indpendamment lune de lautre aurait t impossible, et cest pourquoi nous avons regroup ces deux thmes majeurs dans cette thse. En effet, la phonologie ne peut tre comprise que si lon prend en compte les alternances morphophologiques observes dans la conjugaison :

    La rduplication partielle (chapitre 5 et 6) nous donne des informations capitales sur la structure des groupes de consonnes (chapitre 2).

    Les alternances de thme verbal et les sries de prfixes directionnels (chapitre 5) nous informent sur le vocalisme de la proto-langue (chapitre 4).

    La formation des verbes contractes fait intervenir des phnomnes phonologiques trs particuliers, tels que la fusion des voyelles (chapitre 7).

    Un des critres employs pour distinguer emprunts et cognats (chapitre 3) est la prsence de morphologie tibtaine dans certaines formes verbales (par exemple, le prfixe b- de pass). Or, pour prouver que cest l un critre valide pour montrer quon mot est un emprunt, il est ncessaire de prouver que les affixes en question nexistent pas en japhug : une description complte de la morphologie verbale est donc ncessaire (chapitre 5 et 6).

    La morphologie nominale, en revanche, interagit peu avec la phonologie, car peu dalternances morphophonologiques y sont prsentes. Cest pourquoi nous avons jug plus profitable de nous concentrer exclusivement sur la morphologie verbale dans cette thse.

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    2 Phonologie

    Les langues rgyalronguiques sont connues pour leur riche inventaire de phonmes consonantiques et leurs groupes de consonnes initiaux nombreux et complexes. Dans ce chapitre, nous prsenterons tout dabord un modle de la syllabe dans la langue tudie. Ce modle est bas sur un phnomne morphophonologique de la langue, la rduplication partielle, dont le fonctionnement permet de distinguer diffrents types de consonnes dans les groupes initiaux.

    Ensuite, nous tablirons la liste des phonmes consonantiques de la langue, puis nous tudierons le fonctionnement des groupes de consonnes initiaux.

    Enfin, la fin de ce chapitre nous aborderons les voyelles et les rimes, dont lanalyse pose moins de difficults que celle des groupes de consonnes initiaux.

    2.1 La syllabe et la rduplication partielle

    Nous allons prsenter dans cette section une analyse de la structure de la syllabe en rgyalrong de km. Un processus morphophonologique important de la langue nous servira de fondement dans notre analyse des diffrents types de positions consonantiques initiales : il sagit de la rduplication partielle9. Sur cette base, nous proposerons une analyse des groupes de consonnes en japhug. Par ailleurs, lintention des tibtologues, une comparaison avec la terminologie traditionnelle de la grammaire tibtaine est propose pour clarifier le propos.

    En rgyalrong japhug de km, on trouve au maximum trois consonnes linitiale et une consonne finale. Seule une voyelle est admise par syllabe. Le groupe form par la voyelle et la consonne finale est appel rime. Dans une reprsentation traditionnelle en C (consonne) et V (voyelle), o les positions optionnelles sont indiques entre parenthses, la structure de la syllabe en japhug ne pose pas de problme : elle peut se rsumer comme (C)(C)C(C)V(C).

    Si la structure de la rime ne pose pas dambigut, en revanche les consonnes qui prcdent la voyelle ont des proprits diffrentes selon leur position. Il est donc

    9 La rduplication partielle sapplique parfois la premire syllabe du verbe, parfois la dernire syllabe de la racine du verbe, et a un grand nombre de fonctions varies. Voir les sections 5.4.4 p.392, 6.7 p.413, et 8.3.4 p.461 pour une description des diverses fonctions de ce procd morphophonologique ; il nest attest que dans la morphologie verbale.

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    ncessaire de trouver un moyen objectif de distinguer ces diffrentes positions et de leur attribuer un nom. Nous nous servons pour cela de la rduplication partielle.

    La rduplication partielle transforme une syllabe en deux syllabes, dont le second membre est semblable la syllabe de base, mais dont le premier membre subit deux changements : sa voyelle et la consonne qui la suit ventuellement est remplace par -, et parfois la consonne prcdant la voyelle tombe (il faut pout cela quil y ait au moins deux consonnes initiales).

    En utilisant un gabarit simple en C et V, on peut reprsenter ce processus de la faon suivante avec une syllabe de base deux ou trois consonnes initiales. Nous illustrons aussi nos gabarits par des exemples10 : (1)

    a) CCVC C-CCVC mbro mb-mbro 11 (k-mbro haut )

    b) CCVC CC-CCVC spe sp-spe (k-spa pouvoir )

    c) CCCVC CC-CCCVC zgro zg-zgro (k-zgro attacher )

    d) CCCVC CCC-CCCVC fstn fst-fstn (k-fstn servir )

    A partir de (1), nous pouvons dfinir deux types de structures dinitiales : le cas de a) et c), o la consonne directement adjacente la voyelle tombe dans la premire syllabe, et celui de b) et d), o aucune consonne ne tombe.

    Nous considrons que la consonne qui tombe dans la premire syllabe doit donc tre distingue des autres consonnes. Nous appellerons cette position mdiane. Comme le montrent les donnes en (1), certaines syllabes nont pas de mdiane.

    La consonne prcdant directement la mdiane ou, dans le cas o la syllabe na pas de mdiane, la consonne prcdant la voyelle est appele initiale. Dans le cas des syllabes ayant un groupe initial limit une consonne, cette consonne ne tombe jamais lors de la rduplication partielle. On peut donc en conclure quune syllabe ne peut avoir de mdiane que si elle a dj une initiale.

    Les consonnes prcdant linitiale seront appeles prinitiales 12 . Le terme antprinitiale pourra aussi tre utilis pour dsigner la consonne qui prcde la

    10 Aucune glose na t insre tant donn que la fonction de la rduplication ne nous concerne pas pour ce chapitre. 11 Nous montrerons dans la section sur les groupes initiaux que les prnasalises sont des phonmes uniques et non des groupes nasale + occlusive. 12 Dans la terminologie de Venneman (1988 : 10), les prinitiales sont appeles prependix.

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    prinitiale dans le cas de type d). Les antprinitiales sont rares, et elles ont deux origines : dune part, des emprunts tibtains (on pourra consulter la liste de ces mots en 2.3.2.1 dans le Tableau 12) et dautre part, quelques rares groupes se trouvant dans certains mots natifs tels, que mp- ou jm-, qui demandent une explication historique particulire. Lide de distinguer prinitiale, initiale et mdiane est inspire de la grammaire tibtaine traditionnelle et de la phonologie historique du chinois.

    Dans la suite de ce travail, nous prsenterons des formules pour reprsenter les gabarits des syllabes en utilisant des lettres symbolisant chacune des positions dans la syllabe : C (consonne : prinitiale, initiale et finale), M (mdiane), V (voyelle). Ainsi, en reprenant les exemples de (1) avec cette notation, nous obtenons : (2)

    a) CMVC C-CMVC mbro mb-mbro (k-mbro haut )

    b) CCVC CC-CCVC spe sp-spe (k-spa pouvoir )

    c) CCMVC CC-CCMVC zgro zg-zgro (k-zgro attacher )

    d) CCCVC CCC-CCCVC fstn fst-fstn (k-fstn servir )

    Notre terminologie peut se comparer partiellement celle des grammairiens tibtains. En effet, malgr quelques diffrences, rgyalrong et tibtain ancien ont une structure syllabique proche du point de vue typologique. Ainsi le terme initiale correspond au ming-gzhi lettre de base , la mdiane correspond au dogs-can yi-ge lettre accroche au bas , la prinitiale correspond la fois au sngon-jug lettre prfixe ou au mgo-can yi-ge lettre superfixe , et la finale correspond au rjes-jug lettre suffixe . Etant donn que le japhug nadmet pas plus dune consonne finale, il ny a pas dquivalent au yang-rjes lettre post-suffixe dans notre terminologie.

    On peut illustrer cette comparaison en analysant un emprunt tibtain en japhug, la syllabe zgro de k-zgro attacher selon notre terminologie et le mot tibtain dorigine sgrog attacher selon la terminologie traditionnelle : z g r o japhug prinitiale initiale mdiane voyelle finale s g r o g tibtain classique mgo-can ming-gzhi dogs-can dbyangs rjes-jug

    Tableau 3 : Comparaison de notre terminologie avec la terminologie tibtaine traditionnelle

    Du point de vue de la phonologie historique du chinois, ce que nous appelons initiale

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    correspond au terme shengmu, la mdiane correspond au jieyin ou yuntou, la finale correspond au yunwei. Il ny a toutefois pas de terme correspondant la prinitiale.

    Le cas des deux syllabes fstn et frtn qui ont deux prinitiales est simple, puisquil sagit demprunts au tibtain : dans brtan, /t/ est considr comme linitiale ming-gzhi, /r/ est prinitiale mgo-can, et /b/ est aussi prinitiale sngon-jug. En japhug, nous analysons de la mme manire frtn avec /t/ comme initiale, /r/ comme prinitiale et /w/ comme antprinitiale.

    Ce que nous appelons antprinitiale est donc, du point de vue de la grammaire tibtaine, un sngon-jug prcdant un mgo-can (le sngon-jug seul tant considr comme prinitiale). Ce type de sngon-jug en tibtain classique est toujours un /b/. En rgyalrong, de mme, les antprinitiales que nous trouvons dans ces deux emprunts sont des allophones f- du phonme /w/.

    Il est notable quon ne trouve aucun exemple de syllabe ayant la fois une antprinitiale et une mdiane ; un groupe de ce type aurait 4 consonnes diffrentes. Il nest pas clair si cela est d une contrainte phonologique ou simplement un hasard du fait de la raret de tels groupes.

    Maintenant que la structure de la syllabe a t explicite et analyse, nous allons dcrire linventaire des phonmes consonantiques du japhug.

    2.2 Phonmes consonantiques initiaux

    On distingue en japhug 49 phonmes consonantiques. Dans cette section, nous allons prouver la distinctivit de chacun de ces phonmes. Comme ils apparaissent tous en position initiale telle que nous lavons dfinie dans la section prcdente, nous naborderons ici les phonmes consonantiques que dans cette position. Pour tre sr davoir affaire des phonmes initiaux, nous ne considrerons ici que les syllabes nayant quune seule consonne initiale. Les autres positions seront vues dans les sections ultrieures : antprinitiales, prinitiales et mdiales seront tudies dans la section sur les groupes initiaux, et les finales seront abordes dans la section sur les rimes.

    Nous fournirons des paires minimales entre les phonmes ayant le mme lieu darticulation, et avec dautres phonmes ayant un autre lieu darticulation lorsquils prsentent une ressemblance acoustique (par exemple, nous donnerons des exemples des paires /w/ :: //, // :: // et /l/ :: /r/).

    Dans tout ce travail, nous donnons des exemples de phonmes initiaux de syllabe et non de mots, car la plupart des mots rgyalrong tant prfixs, il et t impossible de trouver des exemples de paires minimales en utilisant des mots non-prfixs. Nos exemples sont donc pour la plupart prcds de prfixes ayant un vocalisme - ou -. En

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    revanche, nous navons pas accept parmi nos exemples de syllabes prcdes dune syllabe ferme. Ainsi le mot mthrnda rnes13 na pas t pris en compte dans nos paires minimales faisant intervenir des dentales, car ce mot peut se syllabifier soit comme mthr-nda (o /r/ est en position finale de la premire syllabe), soit comme mth-rnda (o /r/ est en position prinitiale de deuxime syllabe) ce qui fait que ce mot nest pas un exemple sr de syllabe initiale nd- sans prinitiale.

    On remarque qu la diffrence de la plupart des langues rgyalronguiques, locclusive glottale nest pas un phonme dans la langue tudie.

    Une justification de lanalyse des prnasalises comme tant des phonmes et non des composs de deux phonmes ne pourra tre prsente que dans la section 2.3.2.9.2. Toutefois, nous ne risquons pas de commettre un raisonnement circulaire en procdant de cette manire, car lensemble de notre travail jusqu ce chapitre resterait valable mme si ces phonmes taient analyss comme des groupes de consonnes.

    apicales dorsales labiales

    dentales alvolo- palatales

    rtroflexes palatales vlaires uvulaires

    occlusives sourdes p t c k q occlusives sourdes aspires

    p t c k q

    occlusives voises b d g occlusives prnasalises mb nd g affriques sourdes ts t t affriques aspires ts t t affriques sonores dz d d affriques prnasalises ndz nd nd occlusives nasales m n fricatives sourdes s x fricatives sonores z sonantes non-nasales w l r j latrale aspire

    Tableau 4 : Les phonmes consonantiques.

    2.2.1 Les labiales

    Les paires minimales suivantes permettent de dmontrer la distinctivit de chacun

    13 Emprunt du tibtain mthur mda, mot de mme sens.

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    des phonmes labiaux entre eux : (3) Avec la rime - : /p/ :: /p/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/ -p enfant, intrt t-ph motte de terre k-bwa porter un enfant sur le dos t-mb sexe masculin t-m ciel khw troisime tage dune maison traditionnelle (4) Avec la rime o : /p/ :: /p/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/ k-npo embrasser (un enfant) k-po puiser de leau t-bo troupeau k-mbo exploser k-mo manger de la rTsam-pa qa-wo grotte

    Le phonme /b/ en initiale de syllabe est trs rare. On ne le trouve dans nos donnes que sept mots ayant /b/ dont cette position : buka mycose du pied , t-bo troupeau , kb brioche aux poireaux , b son dun objet que lon jette par terre de toute ses forces , blqho tortue , blbali qui ne respecte pas lavis des autres , k-bwa porter un enfant sur le dos et bb en touffe (champignons)

    On peut dmontrer que /w/ et // sont des phonmes distincts grce aux exemples ci-dessous : (5) Avec la rime ur : /w/ :: // t-wur habit de pluie t-ur givre (6) Avec la rime a : /b/ :: /mb/ :: /w/ :: // blbali qui ne respecte pas lavis des autres k-mba mince k-bwa porter un enfant sur le dos k-na acquiescer

    Les rimes ayant les voyelles postrieures arrondies /u/ et /o/ napparaissent jamais sans consonne initiale. Linitiale w- qui sobserve dans des exemples ayant ces voyelles tels que t-wur et qa-wo peut sinterprter de deux faons : ou bien comme le phonme /w/ lui-mme en position initiale, ou bien comme une position initiale vide. Nous choisirons ici nanmoins de linterprter comme une initiale vide dans ces positions.

    Le phonme /w/ a trois allophones, que nous marquons dans notre transcription de manire distincte : w- en position initiale et en mdiane, f- en prinitiale lorsque linitiale est sourde, et - en finale ou en prinitiale lorsque linitiale est sonore.

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    2.2.2 Les dentales

    Les paires minimales suivantes permettent de dmontrer la distinctivit de chacun des phonmes dentaux entre eux : (7) Avec la rime a : /t/ :: /t/ :: /d/ :: /n/ :: /ts/ :: /ts/ :: /ndz/ :: /s/ :: /z/ :: /la/ :: /a/ k-ta mettre, poser ta un instant, sinon k-nkhada convaincre, calmer, raisonner qqun k-nna arrter t-tsa enclume tsa sel t-ndza nourriture t-sa molaire aza mouche k-la bouillir a divinit (8) Avec la rime i : /t/ :: /t/ :: /d/ :: /nd/ :: /n/ :: /ts/ :: /ts/ :: /s/ :: /z/ k-ti dire thitsuku quoi que ce soit t-di arc fs-ndi aprs-demain k-rmani rciter des mai t-tsi longvit k-tshi boire si bois mzi poudre canon (9) Avec la rime -r : /dz/ :: /ndz/ dzr poli et duqu (mouvements) ndzr na gupe Deux phonmes parmi les dentales sont particulirement rares : /dz/ et //. On ne rencontre que deux exemples de /dz/ : dzr poli et duqu et k-dzlt sagiter (et les drivs de ce dernier verbe tels que k-sdzlt agiter ).

    // est moins rare, on en trouve au moins onze exemples (sans compter les drivs rguliers des verbes), les cinq premiers tant des emprunts au tibtain : opo sud , a divinit , ar de race divine , apo avoir envie, mais ne pas pouvoir (Adv.) , ftss endroit sur le toit o lon plante un rlung-rta et o lon lve un tas de silex , t-a tante , woa martre , k-t se dgrader , k-t tre en dsordre ,

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    k-o sortir , o devoir (V.Modal) , za pika . Il doit tre not que // est distinct en japhug de la combinaison /lx/, o /x/ est initiale

    et /l/ prinitiale. On ne trouve que trois exemples de ce groupe initial : k-lxj tre ngligs (habits) , lx-lx pais et peu pratiques (habits) et lx-lxi maladroit . On ne trouve pas de paire minimale entre // et /lx/, mais il est probable que cette absence est fortuite, une consquence du peu dexemples du phonme // et du groupe /lx/.

    2.2.3 Les alvolo-palatales et les rtroflexes

    Suivant la tradition tablie par Jin Peng (1949, 1956) et Lin Xiangrong (1993), beaucoup de spcialistes du rgyalrong notent les alvolo-palatales et (ou laminales post-alvolaires palatalises) avec les symboles pour les palato-alvolaires et (ou laminales post-alvolaires bombes14). Nous avons fait le choix de suivre strictement lalphabet phontique international dans notre transcription.

    Les sons que nous appelons rtroflexes sont prononcs comme les initiales du chinois mandarin (selon leur notation en pinyin), qui selon Ladefoged et Maddieson (1996 : 154) sont non pas des rtroflexes au sens propre du terme mais des laminales post-alvolaires plates (laminal flat postalveolars). La notation quils proposent pour ces sons est pour la fricative sourde et pour la sonore. Pour rendre notre travail plus accessible et en labsence de donnes palatographiques, nous conserverons le terme rtroflexe pour toute la suite de ce travail ainsi que les symboles et .

    Les sries alvolo-palatales et rtroflexes ont ceci de commun quelles ne comportent pas docclusives simples, mais seulement des affriques. On note deux trous dans la distribution des rtroflexes : dune part, //, la diffrence de /s/ et //, na pas dquivalent sonore *//. Dautre part, /r/ na pas de version aspire */r/, linverse de /l/ qui soppose //.

    Les paires minimales suivantes permettent de dmontrer la distinctivit de chacun des phonmes alvolo-palataux et rtroflexes entre eux : (10) Avec la rime a : /t/ :: /t/ :: /nd/ :: // :: // :: /t/ :: /t/ :: /nd/ :: // :: /r/ ta k sac pour feuilles de th t-ta information nda arc-en-ciel a viande crue atsa bientt tapa rez-de-chausse o habitent les cochons

    14 En anglais : laminal domed post-alveolar (Ladefoged et Maddieson 1996 : 154).

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    ta th ti nda comment, pourquoi k-a capable k-ra devoir (11) Avec la rime - : /t/ :: /d/ :: /nd/ :: // :: // :: /t/ :: /d/ :: /r/ t-t germe k-dd tre maquill excessivement t-nd rsine de pin ra crible gros trous sa sige (honorifique) t pa sixime mois d d fort (th) r pa mmoire

    On peut par ailleurs dmontrer que /r/ et /l/ sont des phonmes distincts grce la paire suivante : (12) Avec la rime u : /l/ :: /r/ t-lu lait t-ru chef de village Parmi ces phonmes, trois sont particulirement rares et ne se trouvent que dans les emprunts tibtains, les onomatopes et les idophones : /d/, /d/ et //. On trouve deux exemples de /d/ : k-dd tre maquill excessivement et dr-dr debout tout droit et trois exemples de /d/ : dd fort (th) , dd tendre et charnue (plante) , rtsd compte . Il nexiste pas de paire minimale entre /d/ et /nd/. // est reprsent par cinq exemples : k-a tre capable , om-mani-pnme-o-i un mantra , t bruit que fait un oiseau en senvolant , a k-ta se brler (au fer rouge) k-st crire, lire un soutra de manire trs courante . Les rtroflexes et alvolo-palatales ne peuvent pas tre considres comme des groupes composs respectivement de [dentale + /r/], et de [dentale + /j/]. Le comportement de ces deux sries daffriques dans les rduplications partielles permet de prouver quelles se comportent comme des initiales simples et non comme des groupes.

    Ainsi k-xti petit se rduplique comme k-xt-xti (rduplication radicale) et non *k-xt-xti comme on lattendrait si /t/ pouvait sanalyser comme /t/ + /j/. De mme, k-nrta envier se rduplique comme k-nrt-ta senvier les uns les autres (rduplication radicale valeur rciproque : se reporter aux sections 6.7 p.413 et 7.2.3 p. 432) et non *k-nrt-ta comme ce devrait tre le cas si /t/ pouvait sanalyser

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    comme /t/ + /r/. Sil nexiste pas de groupes tels que */tj-/ ou */tr/ en japhug, on trouve un unique

    exemple de /dr-/ : dr-dr plein de salets (eau) . Cet exemple confirme notre analyse sur limpossibilit danalyser les rtroflexes comme [dentales + /r/]. On trouve aussi un exemple de /tj/ : ltj-ltjt propre et bien repass (habit) , qui fait paire minimale avec lt-ltt pendre (de fils ou de crales en touffes) et un exemple de /ndj/ : ndj-ndjt altire et svelte (allure dune femme). Avec affriques et fricatives, on a les mots -tsi moiti et siu peau de serpent o [i] est un allophone de /j/.

    2.2.4 Les palatales

    Les palatales sont souvent notes , et par les linguistes de Chine continentale, mais nous nous contenterons des graphies simples , et pour dsigner ces phonmes, comme dans Sun (2003a : 490).

    Les paires minimales suivantes permettent de dmontrer la distinctivit de chacun des phonmes palataux entre eux : (13) Avec la rime -r : // :: // r colle r-r dodu (14) Avec la rime o : /c/ :: /c/ :: // :: // :: /j/ zgo co valle co et (conjonction) k-o tre abm k-o dj prpar qa-jo rcipient en terre utilis pour faire du th (15) Avec la rime a : /c/ :: /c/ :: // :: // : /j/ k-ca clbre t-pca nombril k-a cajoler k-a noir t-ja main Le dialecte de Somang dcrit dans le dictionnaire de Sun et Huang (2002) ne marque pas la distinction entre palatales et alvolo-palatales, alors que dautres auteurs (Jin et al. 1956 et Lin 1993) ayant travaill sur le mme dialecte lindiquent systmatiquement. En japhug, cette distinction est bien conserve et ne fait aucun doute. Les paires minimales suivantes montrent la distinctivit de ces deux sries (on ne trouve pas de paire minimale pour // et /nd/ uniquement) : (16) Avec la rime a : /c/ :: /c/ :: /t/ :: /t/

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    ca chevrotain ca alcool ta k sac pour feuilles de th t-ta information (17) Avec la rime - : // :: /d/ meuble (terre) k-dd tre maquill excessivement Le phonme /j/ a une ralisation spciale -i- lorsquil est en mdiane devant une uvulaire ou une vlaire. Ainsi, nous transcrivons qi ubac et non *qj.

    Les palatales ne peuvent pas tre analyses comme une combinaison [vlaire + /j/] en japhug de km, mme sil est possible que cette analyse soit valide pour certaines langues de la famille. En effet, on trouve dans ce dialecte un cas dinitiale /k/ suivie dune mdiane /j/ : le verbe k-kio faire glisser (et son driv rgulier k-gio glisser ).

    Par ailleurs, de la mme manire quelle permet de prouver que palato-alvolaires et rtroflexes ne sont composes que dun seul phonme, la rduplication partielle permet de confirmer ce mme fait concernant les palatales : un prfixe tel que c- (directionnel de srie 3 : vers laval) sera rdupliqu c-c- et non *k-c. Il est toutefois probable qu un stade plus ancien de la langue au moins certains mots palatales taient analysables comme [vlaire+/j/], car on trouve des exemples de rduplications partielles o la palatale est rduplique comme une vlaire, dans les deux mots k-ga et k-g signifiant glisser rapidement .

    Enfin, on trouve un mot onomatopique cit bruit de glissement o une occlusive palatale est suivie de la mdiane /j/ (sous la forme de lallophone [i]). Ce mot montre que mme les palatales peuvent tre suivies de /j/, ce qui serait impossible si ce groupe docclusive tait dj un groupe [vlaire + /j/].

    2.2.5 Les vlaires et les uvulaires

    Selon Ladefoged et Maddieson (1996 : 35), les langues qui distinguent uvulaires, vlaires et vraies palatales sont trs rares. Ils nen citent gure quun exemple, le Jaqaru (apparente au Quechua), dans laquelle les palatales contrastent non seulement avec vlaires et uvulaires, mais aussi avec affriques rtroflexes et alvolo-palatales. Le japhug est un nouvel exemple du mme type, qui distingue en plus des groupes [vlaires + /j/], [uvulaires + /j/] et mme [palatales + /j/]. Si lon compte les groupes avec la mdiane /j/, on a en tout sept sries diffrentes entre les alvolo-palatales et les uvulaires. Le japhug est peut-tre lune des langues qui distinguent le plus de sries diffrentes dans cette rgion de la cavit buccale.

    Toutes les langues rgyalronguiques ont une srie duvulaires, lexception du

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    rgyalrong oriental o elles se confondent avec les vlaires. On constate deux trous dans la distribution des uvulaires : elles ne comptent pas parmi elles de phonme vois *// , ni de phonme nasal *// mais seulement un phonme prnasalis //.

    Les paires minimales suivantes permettent de dmontrer la distinctivit de chacun des phonmes vlaires et uvulaires entre eux :

    (18) Avec la rime a : /k/ :: /k/ :: /g/ :: // :: // ::

    /q/ :: /q/ :: // :: // ka collier avec pendentif en argent ka maison k-ga shabiller na vache a oui -qa patte (danimal) k-qa dtester k-a manquer un morceau t-a temps libre (19) Avec la rime ar : /k/ :: /g/ :: /q/ :: // k-skhar enfermer (les animaux) t-gar tissu de laine k-qar choisir t-ar crachat (20) Avec la rime o : /q/ :: // qo-qo lingot t-o vannerie (21) Avec la rime - : /k/ :: /g/ :: /g/ k-k courber (Tr.) gg instable sur ses pieds k-g tre courb (22) Avec la rime -r : /x/ :: // t-t-xr un tour r-r beaucoup de gens rassembls (23) Avec la rime -l : /x/ :: // xl-n-xl marcher dun pas assur l-l se sentir relch aprs avoir t dtach Deux phonmes vlaires sont particulirement rares : /g/ et /x/. Le phonme /g/ nest attest linitiale dans le dialecte de km que par cinq exemples : gg instable sur ses pieds , g-g trs noir (ciel) , k-gg faire du bruit en dmarrant

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    (moteur) , et les mots k-ga et k-g signifiant tous deux glisser rapidement . /x/ ne se rencontre que dans sept mots dans nos donnes : xl-n-xl marcher dun pas assur , x-ch-cho soupir de fatigue , k-xx faire du bruit en soufflant (vent) , xi brillant , x-x claire (pice) , t-t-xr un tour , x-x chaud . Il napparat que devant les voyelles // et //. Le phonme // se ralise comme une fricative pharynguale sonore [] en position finale et prinitiale devant les sonores. Nous ne notons pas ce dtail dans notre transcription phonologique.

    2.2.6 Conclusion

    Un certain nombre de phonmes consonantiques napparaissent en position initiale que dans quelques mots qui sont pour lessentiel des emprunts au tibtain, des idophones ou onomatopes. Ces phonmes ont un statut marginal dans le systme du japhug, mme si leur existence est indniable. Il faut noter que nous navons abord dans cette section que les exemples o ces phonmes apparaissent en position initiale sans mdiane et sans prinitiale. Les cas o les phonmes marginaux sont inclus dans un groupe initial seront discuts en dtail dans la section suivante.

    Voici la liste des huit phonmes marginaux dcrits dans cette section : /b/, /dz/, //, /d/, /d/, //, /g/ et /x/.

    Dans ce groupe, nous trouvons tout dabord des occlusives et affriques voises non-prnasalises. Il est toutefois notable que toutes les occlusives voises non-prnasalises de la langue nont pas un statut aussi marginal : /d/ et // sont chacune attestes par plus dune vingtaine dexemples. Une explication pour cet tat de fait sera prsente dans la section 4.3.3 p.310. Nous montrerons que les voises ne sont pas hrites du proto-rgyalrong mais quelles sont une innovation du japhug, et que les initiales /d/ et // ont des origines secondaires (simplication de groupes consonantiques tels que *ld- dans le cas de /d/ et changement de *j- //).

    En ce qui concerne les deux fricatives /x/ et //, il est notable que la marginalit du phonme // se manifeste dans le systme du japhug non seulement par sa raret, mais aussi par labsence de corrlat vois *//. Or, si /x/ semble bien avoir un corrlat sonore //, ce dernier phonme, mme sil est une fricative voise, a des proprits de sonante (il peut se trouver en position mdiane, comme nous le verrons dans la section suivante), et il vient dun *w- en proto-rgyalrong. Si lon analyse donc // comme une sonante vlaire, /x/ se retrouve sans corrlat sonore tout comme //. La raret de ces phonmes, leur absence de corrlat vois et labsence de mots contenant ces phonmes reconstructibles en proto-rgyalrong montre quil sagit de dveloppements tardifs en japhug de km.

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    2.3 Les groupes de consonnes initiaux

    Dans les sections prcdentes, nous avons propos une analyse de la syllabe et nous avons relev les phonmes consonantiques qui existent en japhug en position initiale et certaines de leurs proprits. Dans les positions autres quinitiales, les phonmes subissent des neutralisations et des restrictions que nous tudierons en dtail dans cette section. Nous allons aborder tout dabord les mdianes, puis nous discuterons des prinitiales. Enfin, nous aborderons le cas des syllabes pour lesquelles le test morphologique de la rduplication partielle nest pas applicable. Nous nous fonderons sur les rsultats tirs des sous-sections sur les mdianes et les prinitiales non-ambigus pour proposer une analyse de ces syllabes.

    En fin de section, nous ferons une synthse de tous les groupes initiaux et nous tudierons en dtail la distribution des phonmes.

    2.3.1 Les mdianes

    Dans la section sur la syllabe, nous avons dfini la mdiane comme la consonne qui disparat dans la premire syllabe du couple de syllabes rdupliques lors de la rduplication partielle. Cette rduplication partielle peut tre obtenue soit par rduplication de la premire syllabe dun verbe conjugu la troisime personne singulier du non-pass (une forme o le verbe nest pas prfix), soit par la rduplication de la racine du verbe, notamment dans des verbes onomatopiques tels que k--r gargouiller .

    Cette dfinition a lavantage dtre base sur les donnes internes de la langue et non sur des considrations typologiques, et dtre aisment testable, tant donn que la rduplication partielle peut sappliquer tous les verbes de manire productive. Toutefois, cette dfinition pose deux problmes.

    Premirement, certaines combinaisons de consonnes peuvent se rdupliquer de deux faons diffrentes : ainsi lu il va labourer se rduplique soit comme -lu (la forme la plus courante), soit comme l-lu. Dans ces cas, nous considrons que ce type de syllabe est ambigu. Plusieurs structures syllabiques sont possibles pour la mme syllabe : dans /lu/, /l/ peut tre soit initiale, soit mdiane.

    Deuximement, certains groupes de consonnes ne sont pas attests avec des verbes et le test morphologique est donc impossible. Cest le cas de /lj-/ par exemple. Ce type de cas sera trait dans une section spare. Nous y montrerons quune partie de ces groupes peuvent tout de mme tre analyss comme initiale et mdiane, mais quil faut pour cela tout dabord tudier les proprits des prinitiales avec des groupes initiaux non-ambigus auxquels le test de la rduplication est applicable.

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    Linventaire des consonnes en position mdiane en japhug est trs limit. Seuls les phonmes /w/, /l/, /r/, /j/ et // peuvent occuper cette position (ce sont les seules consonnes susceptibles de disparatre dans la premire syllabe dun bisyllabe rdupliqu par rduplication partielle). Dans ce chapitre nous donnons tous les cas non-ambigus de groupes initiaux avec mdiane, y compris ceux qui napparaissent quavec un certain type de prinitiale (par exemple, le groupe pr- nest attest que prcd de la prinitiale m- : mpr-15) et pour lesquels on ne trouve donc aucun exemple dinitiale simple.

    Nos tableaux dexemples incluent des paires minimales ou quasi-minimales avec des formes sans mdiane dans la mesure o lon peut en trouver.

    2.3.1.1 Le phonme /w/ en mdiane

    On nen trouve que deux cas de -w- mdiane dans des racines susceptibles de se soumettre au test de rduplication :

    groupe initial

    exemples avec mdiane

    signification paire minimales : exemples sans mdiane

    signification

    lw- k-lwo asperger k-lo sortir rw- k-rwt creuser k-rt crire

    Tableau 5 : Groupes avec -w- comme mdiane non-ambigu.

    On trouve aussi les groupes jw-, w-, kw-, kw-, []qw-, zw-, pour lesquels aucun exemple de racine verbale nexiste. Ils seront traits dans la sous section 2.3.3. On note labsence de groupes [labiales + /w/] dans la langue.

    2.3.1.2 Le phonme /l/ en mdiane

    On trouve sept exemples de /l/ en mdiane non-ambigu :

    groupe initial

    exemples avec mdiane

    signification paires minimales : exemples sans mdiane

    signification

    pl- k-plt anantir mbl- k-mblt tre ananti k-mbt scrouler l- k-lu labourer k-u frais

    15 Il convient de noter que mp- et mp- (nasale + sourde ou sourde aspire) sont des groupes [prinitiale + initiale], tandis que mb- (nasale + voise) est un phonme lui tout seul.

  • 27

    ql- k-qlt rompre, casser ql- k-qlt sombrer t-psqt estomac l- k-lt tre cass

    Tableau 6 : Groupes avec -l- comme mdiane non-ambigu.

    Le groupe l- peut sanalyser soit comme CM-, soit comme CC- : dune part, le /l/ peut tre soit initiale, soit mdiane, et dautre part, // peut tre soit initiale soit prinitiale (voir p. 40). Toutefois la forme rduplique -lu est considre comme la plus courante , ce qui indique que notre informatrice prfre analyser ce /l/ comme une mdiane. On trouve six groupes pour lesquels le test de la rduplication nest pas applicable : tsl-, zl-, jl-, gl-, gl- et l- qui seront tudis en 2.3.3. Quasiment tous les lieux darticulations sont compatibles avec /l/ en japhug : seules les rtroflexes, les alvolo-palatales et les palatales autres que j- ne peuvent pas prcder ce phonme.

    Enfin, on doit aussi prendre en compte les groupes l-, sl-, rl- et l- o /l/ est initiale et non mdiane mme si -, s-, r- et - sont des prinitiales possibles : le du verbe k-le frotter se rduplique l-le et non *-le, et rle il va dtacher (un noeud) du verbe k-rla dtacher se rduplique rl-rle et non *r-rle, li du verbe k-li planter se rduplique l-li et non *w-li, et enfin slo du verbe k-slo fouir (cochon ou sanglier) donne sl-slo et non *s-slo.

    2.3.1.3 Le phonme /r/ en position mdiane

    Le phonme /r/ est le plus courant parmi les phonmes consonantiques pouvant se trouver en position mdiane. On trouve dix-huit exemples de groupes prsents dans des verbes et pouvant donc tre soumis au test de rduplication :

    groupe initial

    exemples avec mdiane

    signification paire minimale : exemples sans mdiane

    signification

    pr- k-pri dchirer qapi pierre blanche

    pr- k-smp-mpri transmettre de gnration en gnration

    mbr- k-mbri crier k-mbi donner

    tsr- k-tsri sal -tsi moment

    ndzr- k-ndzri tordre randzi bovid noir avec une tache blanche sur la tte

  • 28

    sr- k-fsro protger

    zr- k-zri long

    r- k-ru grand et fort u yaourt

    chr- k-ch-chr faire du bruit en se cassant (objet dur)

    r- k--r gargouiller (ventre) - meuble (terre)

    kr- k-kra faire tomber ka pendentif

    kr- k-kra bariol ka maison

    gr- k-zgro attacher

    gr- k-gra tomber k-ga porter un habit

    qr- k-qr casser

    qr- k-qrt gratter compltement

    r- k-r se casser

    Tableau 7 : Groupes avec -r- comme mdiane non-ambigu.

    Le groupe sr- nest attest dans un verbe que dans k-fsro protger . La rduplication de ce verbe au non-pass peut seffectuer de deux manires : soit fsr-fsro, soit fs-fsro, ce qui montre que /r/ peut tre analys soit comme mdiane, soit comme initiale dans ce groupe.

    On doit ajouter aux groupes prsents dans le Tableau 7 les groupes [z]br-, tr-, r-, r- et jr-, pour lesquels nous navons pas dexemples rduplicables et qui seront tudis en 2.3.3. Tous les lieux darticulation sauf les rtroflexes sont compatibles avec /r/.

    Dans les groupes r- et r-, /r/ est initiale : la forme ra du verbe k-ra attacher un poteau se rduplique r-ra et non *w-ra, et la forme rum du verbe ku-rum blanc se rduplique r-rum et non *-rum.

    2.3.1.4 Le phonme /j/ en position mdiane

    On compte huit exemples de groupes initiaux avec -j- pour lesquels on peut dmontrer que -j- est mdiane et non initiale. Nous rappelons que le phonme /j/ a deux allophones : [i] aprs les dorsales (palatales, vlaires, uvulaires) et aprs les fricatives dentales /s/ et /ts/ et [j] partout ailleurs. Un certain nombre de mots emprunts au tibtain avec les groupes initiaux khy- et phy- dans cette langue correspondent au japhug k- et p-. On ne trouve pas dexemples de *kj- en japhug, et le seul exemple de pj- a une prinitiale s- (voir Tableau 8), si bien quil ny a aucune vraie paire minimale entre pj- et p-. Le groupe p- apparat dans plusieurs verbes, tels que k-ps essuyer (emprunt au pass phyis de byid-pa essuyer ). La forme au non-pass ps de ce

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    verbe se rduplique p-ps, ce qui montre que dans ces groupes, // doit tre considr comme initiale et /p/ comme une prinitiale selon nos critres. Voir un complment de discussion sur ce groupe en 2.3.2.1.

    groupe initial

    exemples avec mdiane

    signification paires minimales : exemples sans mdiane

    signification

    pj- k-pjl contourner -pl paume de la main

    pj- k-spja sinfiltrer mbj- k-mbjom rapide zj- k-zjos tudier rj- k-rju parler k-ru regarder ki- k-kio faire glisser kowa mthode gi- k-gio glisser qi- k-qia amer ta-qa aiguille

    Tableau 8 : Groupes avec -j- comme mdiane non-ambigu.

    Pour le groupe rj-, on a comme seul exemple de verbe le mot k-rju, mais celui-ci tant un verbe contracte (voir le chapitre 7 p.418 sur ces verbes), sa forme au non-pass arju ne permet pas de tester la rduplication. Heureusement, la forme grondive m-s-r-rju en cachette (voir 8.1.4 p.446) donne un exemple de rduplication partielle de cette mme racine : rju r-rju et non *rj-rju.

    On doit ajouter les neuf groupes j-, tj-, dj-, ()tsi-, ()si-, lj-, chi-, i- et j- pour lesquels nous navons pas dexemples rduplicables et qui seront tudis en 2.3.3 p.53. Tous les lieux darticulation sauf les palato-alvolaires et les rtroflexes sont compatibles avec /j/.

    Dans le groupe j- /j/ est initiale. On ne peut pas tester ce groupe par un verbe au non-pass, mais la forme -ju-s-j-j afin de le faire finir du verbe k-sj faire finir nous permet deffectuer le teste de la rduplication. Comme /j/ est rdupliqu dans la premire syllabe, cest une initiale selon nos critres. Si /j/ tait une mdiane, on attendrait *-ju-s--j (voir galement 8.1.4 p.446).

  • 30

    2.3.1.5 le phonme // en position mdiane

    On compte huit exemples de groupes initiaux avec -- pour lesquels on peut dmontrer par le test de la rduplication que -- est mdiane et non initiale :

    groupe initial

    exemples avec mdiane

    signification paire minimale : exemples sans mdiane

    signification

    p- k-pa retourner pa cochon

    p- k-po fuir phoro corvus macrorhynchos

    mb- k-mba tre retourn k-mba se casser

    t- k-ta rcolter k-ta mettre

    ts- k-tsi pourrir -tsi moment

    t- k-ta presser k-rta fouler du pied

    t- k-nta asperger k-ntha rue

    - k-s rendre un objet t-rnams me

    Tableau 9 : Groupes avec -- comme mdiane non-ambigu.

    Le groupe - peut sanalyser de deux faons. Un verbe tel que k-s rendre peut se rdupliquer soit comme -s, soit comme -s. On peut en conclure que dans ce groupe // peut sanalyser aussi bien comme mdiane que comme initiale.

    Le groupe t- est attest avec verbe k-ntar rebondir , mais ce verbe tant contracte, sa forme au non-pass est antar et la rduplication est impossible. On compte donc 11 groupes initiaux en -- pour lesquels la rduplication nest pas applicable : -, t-, nd-, ndz-, s-, nd-, -, -, r-, c-, c-. Nous tudierons ces groupes en 2.3.3. // nest pas possible aprs les vlaires et les uvulaires, alors que cest le seul apparatre aprs une rtroflexe autre que /r/ dans le groupe -.

    Dans les trois groupes j-, l- et z-, // est initiale et non mdiane. La rduplication partielle radicale dans le verbe k-njjt aller et revenir , o jt est rdupliqu en j-jt et non *j-jt, permet de le montrer pour j-. La forme zt du verbe k-zt arriver se rduplique z-zt et non *z-zt et la forme le du verbe k-la creuser donne l-le et non *l-le, ce qui dmontre que dans l- et z-, // se trouve en position initiale.

  • 31

    2.3.1.6 Conclusion

    La rduplication nous donne un moyen puissant de distinguer mdianes et initiales. Nous avons vu que seuls cinq phonmes consonantiques sont susceptibles de disparatre dans le premier membre dune rduplication partielle : il sagit de /w/, /l/, /r/, /j/ et //. Ces phonmes appartiennent la classe des sonantes dans le Tableau 4, lexception de // qui y est class comme une fricative sonore. Toutefois, du point du vue acoustique, il est connu que les fricatives sonores telles que // ont des proprits acoustiques de sonantes : elles ont des formants sur un spectrogramme bande large. Par ailleurs, nous montrerons dans la section 4.3.4 p.327 que // vient pour une part du phonme /w/ en proto-rgyalrong. Il ne serait donc pas absurde de considrer // dans le systme phonologique japhug comme une sonante vlaire.

    La rduplication nest ambigu que pour trois groupes : l-, - et fsr-, o /l/, // et /r/ respectivement peuvent tre la fois initiales et mdianes.

    Malheureusement, il existe un grand nombre de groupes initiaux pour lesquels le test de la rduplication nest pas applicable : cest le cas lorsquaucun verbe na une racine largie commenant par le groupe en question. Il nest alors pas possible deffectuer le test en utilisant la forme du non-pass. Nous ne proposerons danalyse pour ces groupes qu la fin de la section 2.3.2, lorsque linventaire des prinitiales aura t tabli.

    Nous verrons aussi dans la section suivante que la mthode utilise ici nous a fait omettre une des consonnes pouvant jouer le rle de mdiane : le phonme //. Celui-ci, dans les deux verbes pour lesquels on peut effectuer le test de rduplication, k-a gagner et k-nrra grimper , se comporte comme une initiale. Toutefois, on trouve un cas o // ne peut tre considr que comme une mdiane, car il est prcd dune consonne qui ne sert jamais de prinitiale. La mise en vidence de ce problme ne pourra tre prsente que dans la conclusion de la section suivante 2.3.2.

    2.3.2 Les prinitiales

    Pour tablir linventaire des consonnes pouvant se trouver en position prinitiale, nous avons le choix entre trouver des mots dont la consonne la plus proche de la voyelle ne fait pas partie des cinq consonnes susceptibles de se trouver en position mdiane, soit de prendre des verbes pour lesquels le test de rduplication est applicable. Cette prcaution est ncessaire pour ne pas confondre initiale et prinitiale.

    Nous avons fait usage de ces deux types dexemples pour distinguer 17 prinitiales diffrentes : /p/, /w/ (sous ses allophones f- et -), /s/ et /z/, // et //, //, /l/, /r/, /j/, /k/, /x/ et //, // et // et les nasales /m/, /n/. Le voisement des fricatives en position prinitiale,

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    comme nous le verrons, nest distinctif que dans un cas (voir 2.3.2.2), cest pourquoi les fricatives prinitiales seront traites par couple sourde/sonore. Chacune de ces prinitiales fera lobjet dune sous-section o nous prsenterons lensemble des groupes non-ambigus possibles o elle peut apparatre. Nous noterons larchiphonme en crivant les deux phonmes sourds et sonores lun la suite de lautre spar dun tilde : /s/ ~ /z/, // ~ // etc. Nous prsenterons dans chaque sous-section un tableau dexemples de mots dans la langue pour illustrer chacun des groupes, puis nous prsenterons un autre tableau o la distribution de la prinitiale (incluant les groupes possibles et ceux non attests) sera rsume. Le lecteur est invit lire attentivement la premire sous-section sur les phonmes /p/ et /w/ pour une explication des conventions utilises dans chaque tableau.

    On trouve par ailleurs trois phonmes susceptibles de se trouver en antprinitiale : /w/, /m/ et /j/. Le cas de /m/ prinitial dans le groupe mp- sera trait dans la sous-section 2.3.2.1.

    En 2.3.2.9.2, nous synthtiserons les proprits des groupes de consonnes initiales, pour justifier entre autre notre analyse des prnasalises comme des phonmes uniques et non comme des groupes de consonnes.

    Dans la section suivante 2.3.3, nous montrerons que le phonme // doit au moins dans un cas tre considr comme une mdiane. Pour cette raison, nous ne traiterons pas dans cette section de groupes consonne suivie de //.

    2.3.2.1 Les phonmes /p/ et /w/ en position prinitiale.

    Le phonme /w/ a deux allophones en position prinitiale : [f] et []. Cest lun des seuls phonmes qui peut se trouver en position dantprinitiale. /w/ peut servir de prinitiale devant 14 consonnes (sans compter les cinq consonnes /l/, /r/, /j/, // et // qui sont susceptibles dtre mdianes) :

    groupe initial

    exemples signification des exemples

    paire minimale : exemples sans prinitiale

    signification

    ft- -fta signe k-ta tisser

    fts- t-ftsa eau qui coule du plafond dans la maison lorsquil pleut

    tsa au moins

    fts- k-ftsi bnigne (maladie) k-tsi boire

    ft- k-fts castrer t-ts trace de pied

    ft- k-ftur verser compltement

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    ft- k-fti faire fondre

    fs- k-fse pareil

    f- k-fa rparer une faute k-aa trs amer

    fk- k-fka tre rassasi mika humiliation

    d- k-di beau -di odeur

    - k-o plucher

    z- k-zu faire zu seau pour traire les vaches

    - k-i ancien iga chemin tortueux

    g- k-gos prparer

    Tableau 10 : Groupes de consonnes avec /w/ comme prinitiale (nincluant pas les cas o linitiale est un phonme susceptible de servir de mdiane)

    On remarque les trous suivants dans la distribution de /w/ par rapport aux initiales (nous indiquons chaque fois entre parenthses des exemples de groupes dinitiales non attestes) : tout dabord, il napparat jamais devant les labiales (*fp-, *b), ni devant les prnasalises ou les nasales (*nd-, *g-, *-).

    Ensuite, pour certains groupes, /w/ nest attest quavec un ou deux des modes de voisement (sourd, sonore, aspir), comme on peut lobserver dans le Tableau 11. Ainsi les groupes *ft-, *dz-, *d-, *ft-, *d-, *fc-, *fc- et *fk- ne sont pas attests. Ces trous dans la distribution sont probablement dus labsence dexemples plutt qu une contrainte phonologique. Nous prsenterons un tel tableau pour chaque prinitiale.

    Les groupes attests par un seul exemple dans la langue sont indiqus entre parenthses. Les groupes non attests sont marqus en gris. Pour rendre la prsentation plus aise, nous reprsentons les affriques dentales comme un lieu darticulation diffrent et nous incluons les affriques dans la mme colonne que les occlusives. Les cases vides indiquent celles qui ne pourraient pas tre remplies parce que linitiale en question nexiste pas. Par exemple, dans le Tableau 11, comme [] nest pas un phonme indpendant en japhug, lintersection de la ligne rtroflexe avec la colonne fricative est marque en noir. En revanche, comme // est un phonme indpendant, nous marquons la case d ct en gris pour indiquer que le groupe *f- nexiste pas.

    Enfin, les groupes suivis dun astrisque * ont comme deuxime membre // ou //, phonmes qui sont susceptibles de servir de mdianes. Ces groupes seront tudis plus en dtail en 2.3.3.

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    occlusive sourde

    occlusive aspire

    occlusive sonore

    fricative sourde

    fricative sonore

    occlusives dentales ft- d- fs- z-

    affriques dentales fts- (fts-)

    alvolo-palatales ft- (ft-) f- -

    rtroflexes (ft-)

    palatales -

    vlaires fk- (g-) -*

    uvulaires -*

    Tableau 11 : Distribution de /w/ devant les occlusives et les fricatives.

    Le phonme /w/ est galement un des rares phonmes qui puisse se trouver en position antprinitiale. Dans ces cas, qui sont tous des emprunts au tibtain, la prinitiale est toujours /r/ ou /s/ ~ /z/.16

    Par ailleurs, bien quen tibtain on trouve des groupes de quatre consonnes, en japhug on nen trouve jamais plus de trois : le verbe k-zgr accomplir jusquau bout , emprunt de sgrub-pa accomplir par exemple na pas lantprinitiale /w/. Pourtant, la forme pass de ce sgrub-pa en tibtain est bsgrubs, ce qui aurait d donner *zgr en japhug. On ne peut pas savoir si de telles formes seraient possibles en japhug. Le verbe k-zr changer semble reflter les quatre consonnes initiales de la forme bsgyur, pass de sgyur-ba changer , mais le mot japhug na en fait que trois consonnes, puisque le groupe -gy- du tibtain a t interprt comme le phonme unique //.

    japhug sens en japhug tibtain sens en tibtain

    k-frtn fiable brtan-po stable, fiable k-fstn servir bstun pass ou futur de stun-pa suivre, se

    conduire selon

    k-fsro protger17 bsrungs pass de srung-ba protger k-fskr contourner bskor pass ou futur de skor-ba faire

    tourner, entourer, voyager

    k-zd ramasser bsdu futur de sdu-ba ramasser

    16 On aurait thoriquement pu trouver des exemples avec une prinitiale /l/ aussi si par exemple une forme telle que bltas, pass de lta-ba voir avait t emprunte. Toutefois, nous navons pu jusquici trouver aucun cas de ce type. 17 Comme nous le montrerons en 2.3.1.3, le /r/ de k-fsro peut sanalyser soit comme linitiale, soit comme la mdiane, ce qui fait que f- nest pas ncessairement une antprinitiale ici.

  • 35

    k-zr changer bsgyur pass ou futur de sgyur-ba changer

    k-zgr

    (1) faire retarder (2) envahir

    (1) *bsgor (2) *bsgar

    (1) pass dune forme *sgor-ba non-atteste apparente gor-ba tre en retard 18

    (2) pass dune forme *sgar-ba non atteste signifiant planter son camps

    Tableau 12 : Mots ayant lantprinitiale /w/ en japhug et leurs quivalents en tibtain.

    Le phonme /p/, la diffrence de /w/, a une distribution trs limite. On ne le trouve que devant linitiale // (voir 2.3.1.4 pour une confirmation que // est bien ici une initiale et ne peut en aucun cas tre considre comme une mdiane). Quelques paires minimales existent entre /p/ et /w/ en prinitiale : k-fi forger :: -pi dehors .

    On trouve aussi un groupe mp- dans quelques mots : k-mpr beau k-mpu lisse t-mpar une feuille (classifieur) k-mpa reprocher mpimr fte

    Comment analyser le groupe mp- ? Dans les cinq mots ci-dessus, seulement deux peuvent tre compars des mots dautres langues.

    Le premier, k-mpa est un emprunt au tibtain phya-ba reprocher . Le second, k-mpr correspond au Somang k-mr beau , est un mot apparent au tibtain mchor-po beau . La forme du Somang suggre que le tibtain viendrait dune forme *m-syor19. La forme du japhug, quant elle provient aussi dun *mr, avec un [p] penthtique automatique sans valeur phonologique. Notons que le groupe *m- nexiste pas en japhug. Aprs le changement phontique *m- mp- en japhug, lopposition entre les groupes venant de *m- et ceux venant de *mpj- a t perdue. Dans ces mots, nous considrons /m/ comme antprinitiale et /p/ comme prinitiale20.

    La seule autre occlusive pouvant apparatre comme prinitiale (elle aussi devant //) est /k/, qui quant elle soppose /x/ dans cette position (voir p. 45).

    18 Ltymologie de ce verbe japhug sera dtaille dans le chapitre sur la stratification des emprunts tibtains, la section des groupes de consonnes. 19 On sait que les fricatives prcdes de nasales en tibtain deviennent automatiquement affriques : chags-pa se repentir , pass bshags : chags < *N-sraks, bshags < *p-sraks 20 Il faut noter que dans le systme du proto-japhug, les mp- venaient de groupes une seule prinitiale : *m- et *mpj-.

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    2.3.2.2 Les fricatives /s/ et /z/ en position prinitiale.

    /s/ et /z/ sont les seuls phonmes pouvant tre placs en prinitiale pour lesquels la distinction de voisement est pertinente dans certains cas. Devant les occlusives sourdes et aspires, on ne peut placer que /s/, et devant voises et prnasalises, seul /z/ est acceptable : dans ces contextes, /s/ et /z/ ne sont pas distinctifs. Toutefois, devant les nasales /m/ et /n/, ainsi que devant la sonante non-nasale //, on trouve s- lorsque la prinitiale fait partie de la racine, et z- lorsquil sagit dun prfixe. Cette opposition nest pas partage par tous les dialectes japhug : le parler de smlju ne la fait pas.

    /s/ ~ /z/ peuvent servir de prinitiales devant 22 consonnes (sans compter les six consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, // et // qui sont susceptibles dtre mdianes) :

    groupe initial exemples signification des exemples

    paire minimale : exemples sans prinitiale

    signification

    sp- k-spa pouvoir k-pa fermer

    sp- k-spja sinfiltrer (eau)

    zb- k-zba sec

    zmb- k-szmbr tre nerv contre t-mbr colre

    sm- k-nsma admirer k-nma travailler

    zm- k-zmnmu faire bouger k-mnmu bouger

    st- ka-sta fondations (maison) k-ta poser

    st- k-msta tre lun ct de lautre (morceaux)

    zd- t-zda compagnon k-nkhada convaincre

    znd- znde mur en pierre jinde maintenant

    sn- k-sna utilisable, digne k-nna se reposer

    zn- k-znja chrir k-nja tre dommage

    sc- scaa pie ca cerf

    sc- k-sct se retirer (eau)

    z- zi sac en poil de yak iga chemin tortueux

    z- t-zo branche flexible pour frapper les animaux

    k-o coller

    s- t-sa tresse aa agneau

    sk- k-sko fumer kowa mthode

    sk- rski vannerie t-ki chance

    zg- tazga gingembre

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    zg- k-khzga crier k-ga shabiller

    s- k-sa revivre k-a devoir de largent

    sq- k-sqa cuire -qa patte

    sq- t-sqj soeur

    Tableau 13 : Groupes de consonnes avec /s/ ou /z/ comme prinitiale (nincluant pas les cas o linitiale est un phonme susceptible de servir de mdiane).

    On remarque qu la diffrence de /w/, dont la distribution devant les occlusives tait dfective, /s/ ~ /z/ peuvent apparatre devant toutes les occlusives orales et nasales sauf //, mais devant aucune affrique ou fricative. Certaines combinaisons, comme sp-, zmb-, sc-, zg-, ne sont attestes que par un seul exemple.

    /s/ ~ /z/ sourde aspire sonore pr-nas. nasale

    labiales sp- (sp-) zb- (zmb-) sm- // zm-

    occlusives dentales st- st- zd- (znd-) sn- // zn-

    palatales sc- sc- z- (z-) s-

    vlaires sk- sk- zg- zg- s-

    uvulaires sq- sq-

    Tableau 14 : Distribution de /s/ ~ /z/ devant les occlusives.

    Les groupes faisant intervenir plusieurs fricatives sourdes, tels que *s-, *s-, *sx-,*s- ne sont pas attests. Le groupe z- a t discut en 2.3.1.5. En 2.3.3, nous prsenterons une analyse de ce groupe, ainsi que de s- et z-.

    2.3.2.3 La sonante /l/ en position prinitiale.

    La distribution du phonme /l/ en prinitiale est plus restreinte. Il napparat que devant 10 phonmes diffrents (sans compter les cinq consonnes /w/, /r/, /j/, // et // qui sont susceptibles dtre mdianes), et les exemples en sont peu nombreux :

    groupe initial exemples signification des exemples

    paire minimale : exemples sans prinitiale

    signification

    lp- t-lp plage

    lt- lt-lt riche et meuble (terre)

    th bouc / taureau non castr

    ld- ldi bharal (un bovid)

    ln- k-lni fltrir cause de la chaleur

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    ldz- ldzm paille

    lt- k-znltm partager les biens tmla gobelet

    lt- lt-lt tremp

    ld- t-lda brin

    lc- t-lc mesure (partie dun rcipient ou dun sac)

    lx- lx-lx pais et peu pratiques (habits)

    l- ?? k-nndzls somnoler

    Tableau 15 : Groupes de consonnes avec /l/ comme prinitiale (nincluant pas les cas o linitiale est un phonme susceptible de servir de mdiane)

    Les combinaisons lp-, ln-, ldz-, lc- et l- napparaissent que dans les exemples fournis dans le tableau. Il nest pas certain que k-nndzls soit un exemple fiable du groupe l- : nous navons pas de raison pour syllabifier ce mot comme k-nndz-ls plutt que comme k-nndzl-s.

    Comme on peut le constater dans le Tableau 16, /l/ ne se place jamais devant les uvulaires et les rtroflexes, ni devant les prnasalises. Les groupes *lp-, *lb-, *lm-, *lt-, *lts-, *ls-, *lz-, *lts-, *l-, *l-, *lc-, *l-, *l-, *lk-, *lk-, *lg- ne sont pas attests. On remarque dune part que la seule fricative devant laquelle /l/ peut se trouver est /x/, et dautre part que les groupes avec labiales, palatales ou vlaires (phonmes acoustiquement graves) sont moins courants en varit et en frquence dans la langue que ceux faisant intervenir des apicales / laminales (phonmes aigus).

    occlusive sourde

    occlusive aspire

    occlusive sonore

    nasale fricative sourde

    fricative sonore

    bilabiales (lp-)

    occlusives dentales

    lt- ld- (ln-)

    affriques dentales

    (ldz-)

    alvolo-palatales lt- lt- ld-

    palatales (lc-)

    vlaires (l-) lx- l-*

    uvulaires l-*

    Tableau 16 : Distribution de /l/ devant les occlusives et les fricatives.

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    2.3.2.4 Les fricatives // ~ // en position prinitiale.

    Les phonmes // et // perdent leur distinctivit en position prinitiale. // est plac avant les sourdes, les aspires et les nasales, tandis que // se trouve avant les sonores et les prnasalises. // ~ // peuvent servir de prinitiales devant 16 consonnes (sans compter les six consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, // et // qui sont susceptibles dtre mdianes) :

    groupe initial exemples signification des exemples

    paire minimale : exemples sans prinitiale

    signification

    p- qapa grenouille k-pa fermer

    p- k-pt rparer

    mb- mbar ulcre t-mbar ventre de bovid

    m- k-mar crales mar beurre

    t- k-mta froid ta haut

    t- k-ts tourner vers

    n- t-na nez k-nna sarrter

    t- k-tat conomiser

    - o-o belle et svelte

    k- kala boteux ka pendentif

    k- k-ko faire scher k-ko donner

    g- ga tout juste

    g- k-ga habiller qqun k-ga shabiller

    - a-a jaune vif

    q- k-nqa supporter -qa patte

    q- qalo bton pour caler la porte

    k-qa dtester

    - k-u plucher k-u relch

    Tableau 17 : Groupes de consonnes avec // ou // comme prinitiale (nincluant pas les cas o linitiale est un phonme susceptible de servir de mdiane)

    La distribution de // ~ // est plus restreinte que celle de /s/ ~ /z/ en prinitiale. On peut rsumer la distribution de ces prinitiales devant les occlusives par le tableau suivant :

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    // ~ // sourde aspire sonore pr-nas. nasale

    labiales p- p- mb- m-

    occlusives dentales t- t- n-

    rtroflexes t-

    palatale -

    vlaires k- k- g- g- -

    uvulaires q- q- -

    Tableau 18 : Distribution de // ~ // devant les occlusives.

    A la diffrence de /s/ ~ /z/, les prinitiales // ~ // napparaissent pas devant les palatales sauf la nasale et devant les phonmes /b/, /d/ et /nd/. En revanche, ils peuvent se trouver devant /t/ et //.

    On a dj vu que les prinitiales /s/ ~ /z/ ne se trouvaient jamais devant les fricatives sourdes. Cest aussi le cas des alvolo-palatales