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VADMICII DU MAGNÉTISEUR PAR J. J. A. RICARD, ANCIEN PROFESSEUR AL'ATHÉNÉE ROYAL DE PARIS, Auteur de plusieurs Ouvrages Philosophiques. HEÏ^FUiESfWÏI : A l'Institut Magnétologlquc, Rue Judaïque, 20. BORDEAUX 1848. e*

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Magnetismo animal

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VADMICII

DU

MAGNÉTISEUR

PAR

J. J. A. RICARD,

ANCIENPROFESSEURAL'ATHÉNÉEROYALDEPARIS,

AuteurdeplusieursOuvragesPhilosophiques.

HEÏ̂ FUiESfWÏI:

A l'Institut Magnétologlquc,Rue Judaïque, 20.

BORDEAUX

1848.e*

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Berdeaux.- Imp.deE.MONS,rueArnaud-Mitlueu, 3.

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UN MOT AU LECTEUR.

Tout le monde aujourd'hui parle du

Magnétisme, chacun à sa façon. La plu-

part des beaux esprits, à quelque classe

de la société qu'ils appartiennent, s'é-

vertuent à façonner des nouvelles plusou moins grotesques, soit en faveur, soit

au contraire de cette science curieuse, si

fertile en phénomènes surprenants.Les uns, partisans enthousiastes de

résultats dont ils n'ont point cherché à

pénétrer les causes, exaltent tellement

leurs récits, exagèrent si fort les consé-

quences, inappréciables pour eux, des

faits dont ils ont été les témoins plus ou

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( 4 )moins clairvoyants, qu'on serait tenté de

croire qu'ils se sont échappés de Bicétre,dans l'accès d'une affection incurable,tout exprès pour immoler la divinité

même dont ils se disent les prêtres.Les autres, détracteurs systématiquesd'une doctrine que ne saurait concevoir

leur cerveau atrophié, ou que ne saurait

avouer leur mauvaise foi, dans la crainte

que cela ne leur ôte un brin de la consi-

dération dont ils se croient environnés

par un vulgaire idolâtre qui flatte leur

vanité stupide, déclament avec rage con-

tre la vérité qui menace leur crédit.

D'autres encore, contempteurs force-

nés de toutes les innovations, de peur

que l'or qu'ils convoitent incessamment

ne passe en d'autres mains que les leurs,

dont la cupidité est insatiable, inventent

toutes sortes de mensonges, de calom-

nies, afin de renverser l'ennemi qui s'é-

lève contre leur sordide avarice.

Cependant il se rencontre peu de gensconsciencieux et instruits qui, n'écou-

tant que la voix de l'équité la plus impar-

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tiale, viennent éclairer les masses sur

l'objet le plus important peut-être pourl'humanité de tous ceux ressortant du

domaine de la philosophie.Il existe à la vérité un assez grand

nombre d'ouvrages justement estimés,traitant du Magnétisme et de ses effets;mais soit à cause du prix élevé auquelils se vendent, soit à cause dela sévérité

scientifique de leur style, ces livres ne

sont étudiés que par un nombre fort res-

treint de personnes avides de sciences.

Les masses, étrangères à la connaissance

de ces ouvrages, ne peuvent apprécierla question que d'après les on dit, et la

jugent, conséquemment, selon le bien

ou le mal qu'on leur en a fait conce-

voir.

Dans un tel état de choses, comme il

importe à la société tout entière de sa-

voir à quoi s'en tenir à l'endroit d'une

science tant et si long-temps controver-

sée, j'ai pensé qu'il serait convenable,en même temps qu'utile et opportun, de

Publier un livre à bon marché, à la por-

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tée de tout le monde, tant par le prix

que par la forme.

Je m'estimerai heureux si ce simple

petit travail porte à la connaissance de

toutes les classes la vérité pure et sincère

touchant le Magnétisme, le Somnambu-

lisme, et les effets qui naissent dela ma-

gnétisation.

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30(blicam

DEL'HISTOIREnu

MAGNÉTISME IIUIIAIN,

DEPUISMESMERJUSQU'A1848.

Nous devons la connaissance du Magné-tisme humain à Antoine Mesmer, médecin

allemand, qui annonça ses idées sur les in-

fluences, dans la thèse qu'il soutint à Vienne

( Autriche), en 17oG,pour obtenir le gradede docteur en médecine.

Mesmer,après avoir étudié les phénomènesde l'aimant et de l'électricité, pensa que le

fluide nerveux des animaux peut produire des

effets analoguesà ceux que détermine le Ma-

gnétisme minéral, et d'autres effets dignesde l'attention du philosophe.

Il vécut dans la retraite pendant douze an-nées consécutives, pour se livrer spéciale-ment aux travaux qu'il avait conçus dans le

but de fournirà l'humanité un nouveaumoyen

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( 8 )de se préserver des maladies, de guérir lesaffections qui désolent la société, de déve-

lopper chez l'homme des facultés supérieu-res.

Les recherches, les réflexions, les expé-riences du jeune docteur furent couronnéesd'un succès tel, qu'il put hardiment annonceraux savants une découverte admirable, tantsous le rapport du jour nouveauqu'elle jetaitsur la philosophie, que sous celui des avanta-

ges immensesqu'elleprésentait commemoyenthérapeutique.

Mesmer proposa donc aux savants de

Vienne d'examiner sa doctrine, et de jugerdelàvaleur des faits qu'ilspouvaientproduire.Mais, au lieu de rencontrer les sympathiesqu'il,avait espéré trouver chez ses confrèreset auxquelles il avait droit, il ne reçut d'eux

que railleries et dédain.

Il opéra des cures surprenantes, constatées

de la manière la plus authentique , chez des

personnesque les célébritésmédicalesde l'u-

niversité avaient déclaré incurables. Cesgué-risons inespérées ne firent qu'envenimer lahaine de ses ennemis, et il fut bientôt l'objetdes persécutions les plus ignobles.

Cependant, Mesmer, plein de courage et

de résolution, se rappela l'histoire des hom-

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( 9 ymes de génie qui, tour-à-tour, ont illuminéles siècles passés, et tant d'exemples de la

sottise humaine le consolèrent bientôt de ses

chagrins. Eh quoi, disait-il, Galilée a ex-

pié sur la dalle d'un cachot le tort d'avoirvoulu concilierla Bible avec Kopernik, il aété forcé de subir une condamnation infa-

mante, et de renier apparemment ce qu'il sa-

vait être la vérité même, à ce point que ses

lèvres laissèrent échapper ces mots: è pur se

muove,au momentmêmeoùon lui imposait laloi si dure'de déclarer que la terre ne tour-

nait pas! Christophe Colomb,le malheureux

spolié par Àméric-Vespuce, fut traité d'im-

posteur quand il eut annoncé la découverte

qu'il avaitfaite du nouveaumondel Cent au-tres esprits presque surhumains ont vidé lecalice d'amertume que verse méchamment

l'orgueil insensé à la raison vertueuset LeChrist lui-même a vu ses actes divins mé-

prisés des hommes, et son corps mutilé, à

cause de la morale que sa bouche avait prê-chée! Il n'est doncpas surprenant que l'oncherche à m'accabler sous le poids des ca-lomniesles plus noires, des dénégations les

Plusmensongères1. Et il sedétermina à lut-ter contre tous les obstacles que lui suscite-raient ses perfidesennemis,

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Après des luttes pénibles, Mesmer pensaque son ingrate patrie était indigne du noble

présent qu'il lui avait vainement offert tant,de fois. Il résolut de quitter Vienne, et de

chercher, chez les peuples d'Europe, unenationhospitalière au génie, à la vérité. Hé-las 1 il ne savait pas encore que les hommes

de toute l'Europe, de toute la terre peut-être se ressemblent beaucoup; que les pas-sions haineuses se réveillent sur le simplesoupçond'une vanité qui peut être blessée,d'un intérêt qui peut être froissé, d'un pré-

jugé qui peut être détruit 1

Mesmerquitta donc l'Autricheet se dirigeasur Paris, cette capitale du monde civilisé,de la science, des lumières de toutes sortes.

Il y arriva vers la fin de 1777, précédé d'une

réputation d'hommeextraordinaire; mais taxé

de charlatanisme par les uns, et considéré

commesavant consciencieuxpar le plus petitnombre. Il s'établit à l'hôtel Bouret, place

Vendôme, où il fut en quelque sorte forcéde

monter un traitement magnétique, auquelaccoururent en foule gens de cour, gens de

robe, bourgeoiset artisans.Les résultats surprenants qu'il obtint fixè-

rent bientôt l'attention des personnages les

plus éminents. La reine elle-même, Marie-

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Antoinette, s'intéressa au succès de son com-

patriote, et lui écrivit pour lui offrirune pen-sion de trente mille livres, et une terre con-

sidérable près de Paris, à la seule condition

qu'il formerait trois élèves capables d'opérerpar son moyen, et d'en propager la connais-

sance en France.Tout autre que Mesmer eût probablement

accepté des offressi généreuses; quant à lui,- il ne jugea pas convenable de souscrire aux

conditions de la reine. Il répondit à cette

princesse, par une lettre aussi respectueuseque rationnelle, qu'il n'avait pas l'intentionde se fixer en France; qu'en venant dans ce

pays, il n'avait eu en vue aulxe chose que de

voir sadécouverte j ustementappréciéepar les

corps savants; que, si ces derniers voulaient

examiner sa doctrine,suivre ses expériences,et reconnaître hautement la vérité qu'il an-

nonçait, il se soumettrait alors à tous les sa-

crificesqu'on exigeraitde lui; mais que, dansle cas où les savants français dédaigneraientd'étudier son système, il irait porter ailleursle fruit de ses travaux.

Etait-ce là le langage d'un charlatan, d'unhommeavide, d'un fourbe?.

Mesmerpossédaitune fortune patrimonialequi, ainsi qu'il le disait souvent, ne faisait

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pas dépendre ses résolutionsde sa faimou desa soif. Plutus l'avait comblé de ses dons,pour l'aider à lutter contre ses détracteurs.

Ce qui avait dicté à Mesmer sa réponse à

Marie-Antoinette, n'était certes ni vanité, ni

caprice, ni dédain. Mais il avait le cœur serréde la façonpeu délicatedontl'avaientaccueillila société royale de médecine et la société

royale des sciences, à chacune desquelles ilavaitadressé un mémoire sur le Magnétisme,mémoireoù il exposait sa doctrine en vingt-sept propositions aussi admirables par leurlaconisme que par leur haute portée philoso-

phique, et lequel n'avait pasvalu à sonauteur

le mince honneur d'une réponse bienveil-lante.

Mesmerresta encorequelque tempsà Paris,

après sa correspondanceavec la reine. Il avaitdonnéà Deslon, docteur régent, premier mé-

decin du comted'Artois, quelques notions sur

sa découverte; il venait de terminer quelquescures desplus prodigieuses; il partit pour Spaavecl'intention de ne plus revoir la France.

A peine le novateur fut-il installé dans la

petite cité où la mode d'alors amenait chaqueannée un grand concoursd'étrangers avides

de plaisirs bien plus qu'amateurs des eaux sa-

lutaires qui servent de prétexte à la plupart

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1*

des oisifs, qu'il fut informéque le gouverne-'ment français venait de prendre une décision

incroyable relativement à sa découverte. Leroi Louis XVI venait de nommer une com-missionde savantschargée d'examiner la doc-trine de Mesmer, les faits et expériences du

Magnétismehumain, et de fournir un rapportconcluant.

Choseétrange 1ce n'est pas Mesmer qui fut

chargé d'opérer en présence de la commis-

sion; mais Deslon, son disciple imparfait,l'hommequi ne savaitencore que l'a-b-c de la

doctrine, et qui en était à son noviciat quanta la pratique du Magnétisme.

Un tel déni de justice de la part d'un gou-vernement assezaveugle ou assezfourbe pouragir ainsi, et de la part d'une commissionas-

sez peu sévèrement équitable pour accepterun tel mandat, et encore de la part d'un mé-

decin, d'ailleurs instruit et estimé, assezpeudélicat pour pousser la vanité au point de se

Poser au lieu et place de son maître, un tel

déni de justice de la part de tous ces hommes

envers le savantétranger fut, à ce qu'affirme

Mesmer, la cause de ses plus profonds cha-

grins.La commissiondu gouvernementétait com-

posée, il est vrai, d'hommes dont les noms

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( H )

présentaient une garantie scientifique aussi

grande qu'on le pouvait désirer en France,mais, encore un coup, ces hommes, quelquedignes d'estime qu'ils fussent, avaient eu letort grave d'oublier que Mesmer seul était

capable de présenter convenablement sa doc-

trine, et surtout d'en démontrerla réalité pardes faits qu'il n'était pas donné à son élèveau berceau de produire d'une manière sai-sissante.

Voici les noms illustres des commissairesdu roi: Franklin, Lavoisier, Darcet, Baillyet Jussieu. Les quatre premiers suivirentavec

peu de soins les expériences trop faibles de

Deslon; l'impatience les gagna, et ils firentau roi un rapport peu favorable au Magné-tisme. Jussieu, lui, qu'un plus grand désirde pénétrer la vérité avaitrendu plus attentif,

plus patient que ses confrères, avait rencon-tré quelques faits entre mille, dont le carac-

tère particulier lui avait suffisammentprouvé

que les prétentions de Mesmer étaient fon-

dées solidement. Il se sépara des autres com-

missaires,et fit seulun rapport contradictoiredont les conclusionsétaient tout en faveur du

Magnétisme. -,-,

Cette contradiction dans la commissiondé-

note assezl'inquiétude dont les esprits setrou-

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( 15 )raient alors occultementaffectés. On était en

1784; de grands événements politiques se

préparaient sourdement; la plupart des com-

missairesavaient sans doute le noir pressen-timent d'une révolution effrénée et régicide,qui, au milieu des choses grandes et subli-

mes, viendrait au nomde la raison, de la li-

berté, de l'égalité, se gorger du sang de ses

amis aussi bien que de celui de ses adversai-

res, et ravir l'existence à sespropres auteurs,à ses défenseurs les plus dévoués. Bailly, le

savant Bailly, chargé de rédiger le rapportsur le Magnétisme, pressentait peut-être, en

écrivant cet acte, la fin tragique qui l'atten-

dait.

Cependant les amis que Mesmeravaitlais-sés en France s'agitaient de toutes parts poursoutenirle Magnétisme, tandis que les esprits

sceptiquesourailleurs n'épargnaientau nova-

teur et à sespartisansaucune injure, aucune

moquerie, aucunpersifflage. Bientôt les dis-

Putes devinrent si fréquentes entre les deux

camps opposés, que toutes les librairies de

Paris eurent à débiter des centaines de bro-

chures diverses, pour, contre, ou sur la

science annoncée par le médecin allemand.Au milieu de ce déluge d'écrits, quelqueshommes sages et prudents, comme chaque

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( 16 )siècle en fournit un trop petit nombre, ré-solurent de faire une démarche auprès de

Mesmer, afin de l'engager à revenir à Pa-

ris, à y faire un cours de Magnétisme, et

à y reprendre ses traitements. Ce fut le ban-

quier Kornmann, d'accord avec le célèbre

avocatBergasse, avecDespréménil, le mar-

quis de Puységur, le prince de Soubise et

beaucoup d'autres personnages de distinc-

tion, qui se chargea d'écrire à Mesmer les

propositionssuivantes:

Revenezà Paris, disait Kornmann, au mi-lieu de véritablesamis; ne vousoccupezplusdes menées de vosantagonistes, le temps etles circonstancesferont justice de toutes lesmisérables tracasseriesque vous suscite l'es-

prit de mensongedont on s'est armé pour vouscombattre. Revenez, je vous offre, au nomd'une société d'élite, des promesses de la-

quelle je me porte garant: cent élèves au

moins, à raison de cent louischacun; m'obli-

geant personnellement à vous compléter lasommede deux cent quarante mille francs,si le montant de la souscription que prépa-rent, en faveur de la propagation de votre

doctrine, les amis du progrès et de l'huma-

nité, ne s'élevaitpas à ce chiffre. Vousnous

ferez Votrecours de Magnétismecommevous

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( 17 )l'entendrez, nous avonsfoi en votre loyautéet en vos lumières.

Ce témoignagede sympathie toucha vive-ment Mesmer, qui souscrivit immédiatementà ces propositions.Un cours fut donc ouvertà Paris. Il y eut cent quarante souscripteursau lieu de cent, et ce nombre, déjà considé-

rable, se trouvaencoreaugmenté de plusieursmédecins des provinces, de qui Mesmer nevoulut recevoir aucune rétribution, vu leur

peu de fortune. Il fit même à quelques-unsd'entr'eux, avec une délicatesse admirable,présent de leurs frais de voyageet de séjourà Paris.

Le cours de Magnétismeterminé, une foulede personnagessemirent àpratiquer la sciencenouvelleavecun zèleinfatigable; on remar-

qua M. le marquis dcPuységur, dont la bonté

inépuisableappliquaitincessammentle moyendont il venait d'être instruit à tous les mala-des qui réclamaient ses soins. M. de Puysé-gur établit dans sa terre de Busancy, prèsde Soissons, un traitement magnétique, au-

quelil y eut bientôtaffluence.Un jour que le marquis venait d'endormir

un de ses jardiniers, atteint d'une maladie de

Poitrine, il ne fut pas peu surpris de voir ce-

lui-ci entrer dans un état singulier semblable

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( 18 )au somnambulisme.Cemalade, interrogé parson maître, répondit à toutes les questionsavec une lucidité si surprenante, que le ma-

gnétiseur pouvait à peine en croire le témoi-

gnage de ses sens. A dater de ce jour, M. de

Puységur, qui pensait avoir fait, à son tour,une découverteignoréede Mesmer,ne songeaplus qu'à faire naître le somnambulismechezses nombreux malades. Il écrivit à Mesmer,

qui se trouvaitalors à Lyon, pour lui faire

part de l'objet de sa vivesatisfaction.Mesmerlui répondit une lettre fort instructive, dans

laquelle il lui disait que lui, Mesmer, n'a-vait pas cru devoir donner à ses disciplesconnaissancede l'état extraordinaire que dé-termine le Magnétisme chez certains indivi-

dus, de peur qu'ils ne négligeassent les

applications directes du Magnétisme, pourleur préférer les indications des somnambu-

les, dont il ne faut user qu'avec réserve et

circonspection. Il ajoutait qu'il prévoyaitbien

que ceuxde ses élèvesdont les effortsseraient

consciencieuxpour la pratique, ne tarderaient

pas à déterminer cet état de somnambulisme;mais qu'il avaitpréféré laisser aller les choses

ainsi, plutôt que de leur avoir montré des

phénomènesdont l'étrangeté sublime leur eût

peut-être paru toucher au charlatanisme.

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Néanmoins, M. de Puységur rencontra desSomnambulessi clairvoyants, qu'il ne put ré-sister au désir de faire connaître à ses amis le

développementextrême qu'il avait provoquédes facultés de ses sujets.

On nia généralement d'abord le somnam-bulisme magnétique, comme on avait nié le

Magnétisme lui-même. Toutefois, il se ren-

Contra des savants équitables qui, après avoirété témoins d'expériences saisissantes, pro-clamèrent hautement la vérité. t+

Le charme nouveau que donnait le som-

nambulisme à l'étude du Magnétisme, valut àla doctrine de Mesmer un grand nombre de

prosélytes. Des sociétésde magnétiseurs s'or-

ganisèrent de toutes parts, sous le nom de So-

ciétésharmoniques. Paris, Strasbourg, Bor-

deaux, Lyon, Bayonne, Nantes et beaucoupd'autres villes, furent témoins des succès deces sociétés bienfaisantes, dont les mem-

bres travaillaient à l'envi au soulagement des

malades et opéraient des cures merveilleu-

ses. •

Le Magnétisme, malgré ses détracteurs,était en pleine voie de progrès, lorsque la ré-

Volutionéclata. Alors, il disparut, en quelque

sorte, dans la tourmente des événements. Les

magnétiseurs étant, pour la plupart, grands

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seigneurs, nobles, prêtres ou magistrats, ce

ne fut que sous l'empire de Napoléon que la

doctrine de Mesmer osareparaître en Franced'une manière ostensible.

M. le marquis de Puységur remonta ses

traitements charitables, travailla à la réorga-nisation des sociétés harmoniques et publiases observations. Le savant et modeste De-

leuze, professeur d'histoire naturelle au Jar-din des Plantes, s'adonna à la pratique du

Magnétisme.Des médecins, des naturalistes,des physiciens, s'occupèrent activementde la

découvertede Mesmer. Desjeunes gens, mê-

me, étudiants laborieux dans nos facultés,voulurent être initiés aux merveilles de ladoctrine contre laquelle s'élevait encore tantd'incrédulité.

En 1820, un jeune élève en médecine,M. Jules Dupotet, proposa à ses professeursde magnétiser sous leurs yeux. Sa proposi-tion ayant été acceptée, il prouva, dans l'Hô-tel-Dieu de Paris, que le moyen annoncé

par Mesmer, loin d'être une chimère, estd'un effetthérapeutiqueincontestable.Il opérades cures inespérées sur des malades réputésincurables par la médecine classique.

En 1825, un jeune docteur, M. Foissac,

songea à provoquer la nominationd'une com-

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( 21 )missionacadémique, pour examiner de nou-veau et le Magnétisme et le Somnambulisme

Magnétique. Après de longs et fastidieux

débats au sein de l'académie de médecine,sur la question d'opportunité, cette société

nomma, en 1826, une commissiond'examen

composée de MM. Bourdois de Lamothe,

président; Fouquier, Guéneau de Mussy,Guersent, Itard, J. J. Leroux, Marc, Thil-

laye, et Husson, rapporteur.M. Foissac s'adjoignit quelques magnéti-

seurs, et des expériences nombreuses furent

faites et répétées pendant cinq années consé-

cutivesen présence des commissaires.Cettefois, la commissionprenait son temps

pour que rien ne lui échappât de la vérité.Les précautions de défiance dont elle s'en-

toura avec une prudence et une sagesse di-

gnes d'éloges, ne lui firent pas répudier les

conditions nécessaires à la production des

phénomènes anomaux du Magnétisme. Ellene négligea aucun moyen pour juger sûre-

ment de la valeur des faits, pour en appré-cier les causes déterminantes et les résultats

conséquents.Voici, en résumé, les conclusionsdu rap-

port fait à l'académie royale de médecine,Par M. Husson, au nom de la commission:

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( 22 )« Le Magnétismea agi sur des personnes

»de sexe et d'âge différents.» Le Magnétismen'agit pas, en général,

»sur les personnesbien portantes.» Les effets réels produits par le Magné-

» tisme sont très-variés.» On peut conclure avec certitude que l'é-

»tat de somnambulisme existe, quand il» donne lieu au développementdes facultés» nouvelles qui ont été désignées sous les» noms de clairvoyance, dintuition, de

» prévision intérieure, ou qu'il produit de •

» grands changementsdans l'état physiologi-

» que, comme l'insensibilité, un accroisse-

» ment subit et considérable de forces, et

» quaud cet état ne peut être rapporté à une»autre cause.

» Le sommeilprovoquéavecplus ou moins»de promptitude et établi à un degré plus»ou moins profond, est un effet réel, mais

» non constant du Magnétisme.» Il nous est démontré qu'il a été provoqué

» dans des circonstances où les magnétisés»n'ont pu voir et ont ignoré les moyens em-

» ployés pour le déterminer.

» Il s'opèreordinairementdes changements

»plus ou moins remarquables dans les per-

» ceptions et les facultés des individus qui

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( 23 )» tombent en somnambulisme par l'effet du» Magnétisme.

» Quelques-uns, au milieudu bruit de con-» versations confuses, n'entendent que la» voixde leur magnétiseur; plusieurs répon-» dent d'une manière précise aux questions» que celui-ci ou que les personnes avec les-» quelles on les a mis en rapport leur adres-» sent; d'autres entretiennent des conversa-» tions avec toutes les personnes qui les en-» tourent; toutefois, il est rare qu'ils enten-» dent ce qui se passe autour d'eux. La plu-» part du temps, ils sontcomplètementétran-» gers au bruit extérieur et inopiné fait à leur» oreille, tel que le retentissement de vases» de cuivre vivement frappés près d'eux, la» chute d'un meuble, etc.

» Les yeux sont fermés, les paupières cè-» dent difficilement aux efforts qu'on fait» avec la main pour les ouvrir. Cette opéra-» tion, qui n'est pas sans douleur, laisse» voir le globe de' l'œil convulsé, et porté» vers le haut et quelquefois vers le bas de» l'orbite.

» Quelquefoisl'odorat est comme anéanti.» On peut leur faire respirer l'acide muriati-» que et l'ammoniaque, sans qu'ils soient» incommodés, sans même qu'ils s'en dou-

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»tent; le contraire a lieu danscertains cas,et»ils sont sensibles aux odeurs.

» La plupart des somnambulesque nous» avons vus étaient complétement insensi-

»bles; on a pu leur chatouiller les pieds,»les narines et l'angle des yeuxpar l'appro-»che d'une plume, leur pincer la peau de

» manière àl'ecchymoser,la piquer sousl'on-

»gle avec des épingles enfoncées à l'impro-»viste à une assez grande profondeur, sans

»qu'ils aient témoigné de la douleur, sans

»qu'ils s'en soientaperçus. Enfin, on en avu

» une qui a été insensible à une des opéra-»tions les plus douloureuses de la chirur-

»gic (1), et dont ni la figure, ni le pouls, ni

» même la respiration, n'ont dénoté la plus» légère émotion.

» Nous avons constammentvu le sommeil

» ordinaire, qui est le repos des organes des

» sens, des facultés intellectuelles et des

» mouvements volontaires, précéder et ter-

» miner l'état de somnambulisme.

» Nousavonsvu des somnambules distin-

(1)MadamePlantin,magnétiséeparM.ledocteurCha-

pelain,et opéréeparM.JulesCloquetd'uncancerulcéré

qu'elleportaitauseindroitdepuisplusieursannées.

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( 25 )

Il,*

» guer, les yeux fermés, les objets que l'on» a placésdevant eux; ils ont désigné, sans» les toucher, la couleur et la valeur des car-» tes; ils ont lu des mots tracés à la main, ou» quelques lignes d'un livre que l'on a ou-» vert au hasard. Ce phénomène a eu lieu» alors même qu'avec les doigts on fermait» exactementl'ouverture despaupières.

» Nousavons rencontré chezdes somnam-» bules la faculté de prévoir des actes de» l'organismeplus ou moins éloignés, plus» ou moinscompliqués.

» L'un d'eux a annoncé plusieurs jours,» plusieurs mois d'avance, le jour, l'heure* et la minute de l'invasionet du retour d'ac-» ces épileptiques; l'autre a indiqué l'époque» de sa guérison. Leurs prévisons se sont» réalisées avec une ponctualité remarqua-» ble.

» Nous n'avons rencontré qu'une seule» somnambulequi ait indiqué les symptômes» de la maladiede trois personnes avec les-» quelles on l'avait mise en rapport.

» Considéré commeagent de phénomènes» physiologiquesou commemoyenthérapeu-» tique, le Magnétisme devrait trouver sa» place dans le cadre des connaissancesmé-» dicales.

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( 26 )» La commissionn'a pu vérifier, parce

» qu'elle n'en a pas eu l'occasion,d'autres fa-» cultés que les magnétiseurs avaient an-» noncé exister chez les somnambules; mais» elle a recueilli et elle communiquedes faits» assez importants pour qu'elle pense que» l'Académie devrait encourager les re-» cherches sur le Magnétisme commeune» branche très-curieuse de psychologie et» d'histoire naturelle.

» Arrivée au terme de ses travaux, avant» de clore ce rapport, la commissions'est» demandé si, dans les précautions qu'elle» a multipliéesautour d'elle pour éviter toute» surprise, si dans le sentiment de constante» défiance avec lequel elle a toujours pro-» cédé; si, dans l'examen des phénomènes» qu'elle a observés, elle a rempli scrupuleu-» sement sonmandat. Quelle autre marche,» nous sommes-nous dit, aurions-nous pu» suivre? Quels moyens plus certains au-» rions-nous pu prendre? De quelle défiance» plus marquée et plus discrète aurions-» nous pu nous pénétrer? Notre conscience,» Messieurs, nous a répondu hautement» que vousne pouviezrien attendre de nous» que nous n'ayons fait. Ensuite, avons-» nous été des observateurs probes, exacts,

Page 27: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 27 )» fidèles? C'est à vous, qui nous connaissez» depuis longues années; c'est à vous, qui» nous voyezconstammentprès de vous, soit» dansle monde, soit dans nos fréquentes as-» blées, de répondre à cette question.

» Demeurez bien convaincus que ni l'a-» mour du merveilleux, ni le désir de la cé-» lébrité, ni un intérêt quelconque, ne nous» ont guidés dans nos travaux. Nous étions» animéspar des motifs plus élevés, plus di-» gnes de vous, par l'amour de la science, et» par le besoin de justifier les espérancesque» l'académie avait conçues de noire zèle et» de notre dévoûment.

» Ont signé: Bourdois de Lamothe, pré-» sident; Fouquier, Gaéneau de Mussy,» Guersent, Itard, J. J. Leroux, Marc,» Thillaye, Husson, rapportcur. »-

L'académie, qui, malgré les manifestations

inconvenantesd'une hostilité non molivéede

quelques membres contraires au Magnétisme,avait écouté attentivement la lecture du sa-

vant et judicieux rapport de ses commissai-

res, resta tout ébahie au récit de faits si sur-

prenants !La victoire éclatante remportée par la vé-

rité sur le scepticisme eût dû certes accrédi-

ter le Magnétismeà tout jamais; des chaires

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( 28 )eussent dù être instituées dans nos facultésen faveur de la plus importantedes décou-vertes modernes; mais trop d'intérêts au-raient été froissés.L'académieensevelit dansses cartons le rapport qui proclamait la lu-

mière, et s'abîmadansune léthargieprofonde!Le public, ignorantles travaux de la com-

mission, et habitué à suivre l'opinion qu'ilcroit être celle des élus de la fortune, conti-nua à croire que les savants dédaignaient in-cessamment le Magnétisme, et, par consé-

quent, il ne songea pas même à s'occuper decette science.

Cependant, les magnétiseurs, loin de s'en-dormir sur leurs lauriers, continuaient leurs

expériences et publiaient leurs travaux; mais

que pouvaient quelques praticiens isolés, ne

produisant des faits que dans quelques cer-cles restreints, et ayant à lutter contre la mau-vaise foi, la cupidité, le fanatismemême?.

En 1837, le Magnétismesemblait être ou-blié de nouveau à Paris, quand, sur la pro-vocationinutiled'un jeune médecin,M.Berna,l'académiedemédecine nomma une nouvellecommissionpour examinerde nouveaule Ma-

gnétisme ou plutôt le Somnambulisme, carM. Berna avait fourni un programme des ex-

périences qu'il se proposait de faire sur des

Page 29: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 29 )somnambules, et n'annonçaitpas devoirma-

gnétiser d'autres individus.Cettenouvellecommissionfut composéedes

hommesles plus hostiles au Magnétisme, àun ou deux membresprès, que l'on pouvaitjustement taxer d'indifférence.MM. Roux,Bouillaud, Hypolite Cloquet, Emery, Pelle-

tier, Caventou, Cornac, Oudet et Dubois

(d'Amiens), étaient commissaires.Or, MM.Kouxet Bouillauds'étaient bien des fois éle-vés contre les partisans du Magnétisme, en

prétendant qu'ils n'étaient que des rêveurs,

s'occupant de bêtises! M. HypoliteCloquet,contrairementàl'opinionde sonfrère M. Jules

Cloquet, témoignaittout haut de son scepti-cisme; MM. Emery, Pelletier et Caventouétaientplus contrairesquefavorables; M. Cor-nacs'étaitmontréplus d'une foisl'ennemijuréde la doctrine de Mesmer; M. Oudet était

persuadé de la réalité du Magnétisme, car ilavait opéré une dame, qui, grâce à l'agent

magnétogène, ne s'était pas même aperçuede l'opération; mais il y avait chez lui une

indifférence apathique qui ne pouvait pas,faire espérer qu'il chercherait à combattre lesassertions de ses confrères, quelles qu'ellesfussent; enfin, M.Dubois( d'Amiens), le rap-

porteur, avait écrit et publié des attaques

Page 30: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 30 )aussi déloyalesque venimeusescontre le Ma-

gnétisme et les magnétiseurs.M. Berna, dans son zèle honorable, était

d'une franchise trop confiante, d'une naïveté

trop loyale, sinon trop candide, pour récuser

de tels juges. Il eut l'imprudence de se livrer

aux commissaires, et d'essayer devant eux à

remplir le programmequ'il avaitfourni. Con-

trarié, dèsles premièresépreuves,par sesexa-

minateurs, il échoua dans beaucoup de ten-tatives. Néanmoins, des expériences réussi-

rent, qui auraient prouvé irréfragablement, àtout aréopagede bonne foi, la réalité du Som-

nambulismemagnétique, et d'un développe-ment extrême, dans cette crise, des facultésde l'état de veille. ,,

Le 7 Août 1837, M. Dubois (d'Amiens)eut le doux plaisir de lire à l'académie un

prétendu rapport dont chaque paragrapheporte le sceau du raisonnement le plus ab-

surde, de l'ironie la plus inconvenante, de lamauvaisefoi la plus insigne, et dont les con-clusionsmensongères sont en tout contraireset à M. Berna et au Magnétisme.

M. Berna protesta par la lettre suivante:

1 « MONSIEURLEPRÉSIDENT,

» Je proteste devant l'académie contre le

Page 31: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 31 )» rapport qu'elle a entendu tout récemment» sur le Magnétismeanimal. Je reproche à ce» rapport de défigurer les faits qu'il men-» tionne; de taire les plus importants; de» dissimuler la conduite de la commission,» de représenter celle-ci comme imaginant,» et n oi commerepoussant des mesures dont» j'avais fait au contraire, et le premier, mes» conditions essentielles; j'accuse enfin ce» rapport d'être un tissu d'artifices et d'insi-» nuations qui ont pour conclusionimplicite» que j'ai voulu tromper l'académie.

» Je déclare que les expériences dont la» commission a été témoin ne sont que le» commencementde celles que je me propo-» sais de faire sous ses yeux; je déclare, sur» l'honneur, queje n'ai renoncé à lui en mon-» trer d'avantage, que parce qu'elle a cons-» tamment violé l'engagement qu'elle avait» pris de se conformer à mon programme, et» principalement à la condition bien débat-» tue, il est vrai, mais aussi bien formel-» lement acceptée, de rédiger, lire et recti-8 fier les procès-verbaux séance tenante.

» La nécessité où je me trouve de faire à» l'instant mêmecette protestationneme per-» met pas de plus longs développements;» mais j'adresserai bientôt à l'académieune

Page 32: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 32 )» réfutationcomplètequi seraappuyéesurdes» pièces irrécusables, sur les termes mêmes» du rapport, sur certains aveuxqu'il ren-» ferme, sur la nature de la conviction que» ses commissairesont apporté à leur mis-» sion,et sur l'impuissancede tant d'adresse,» d'aussi nombreusesinfidélités,a édifier au-

Mtre chose qu'un soupçon fugitif.» J'ai, etc.

» Signé BERNA,» Docteur-médecindelafacultédeParis.»

L'indignation que souleva dans les cœurs

honnêtes l'étrange conduite de M. Dubois

(d'Amiens) porta le respectable M. Husson à

prendre la défensede M. Berna, et à démo-

lir, pièce à pièce, le grotesque édifice de sonbilieux collègue.

C'est au milieu des discussions, on pour-rait dire des disputes, suscitées par les ma-nœuvres de M. Dubois (d'Amiens), qu'unautre membre de l'académie, M. Burdin

jeune, proposa un prix de trois mille francs

pour la personne qui pourrait lire sans le se-cours des yeux et sans lumière, limitant àdeux années le temps des épreuves.

A l'occasion de ce défi, plusieurs magné-tiseurs écrivirent a l'académie pour proposer

Page 33: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 33 )des expériences de nature à prouver la réa-

lité de la visionmalgré l'occlusion des yeux.Moi-même, qui avais alors à ma dispositionquelques somnambulestrès-lucides, j'écrivisque si le somnambulemagnétique pouvaitdé-

signer des objets séparés de ses yeux par l'in-

terpositiond'un corps opaque, soit renfermés

dans une boîte d'épais carton, et placés de

manière à ne pouvoir donner aucune indica-

tion au sujet, le but de M. Burdin devrait,selon moi, se trouver rempli; la preuve de la

réalité de ce phénomène devrait lui être ac-

quise.M. Pariset, secrètaire perpétuel, me ré-

pondit, au nom de l'académie, que les expé-riences que j'offraisde faire n'étant pas con-

formes aux conditions du programme de M.

Burdin, je ne pouvaisêtre admis à concourir.

M. le docteur Pigeaire, de Montpellier,possédait une somnambule(sa propre fille,

MllcLéonidePigeaire, alors âgée de onzeans),lisant malgré l'occlusion des yeux, pourvuque l'écrit à être lu fût éclairé. Il avait con-

vaincude la réalité des facultésde sa filleplu-sieurs professeurs de la faculté de Montpel-lier, notamment M. Lordat, le doyen, quiavait pas hésité à certifier par écrit ce dontil avaitété témoin.

Page 34: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 34 )M. Pigeaire adressa à l'académie un mé-

moire sur le Magnétisme et sur les faits de

Somnambulismequeprésentait sa fille.Cemé-moirefut lu à la savante société par M. Bous-

quet, l'un de ses secrétaires, qui y joignit lecertificatde M. Lordat.

M. Pigeaire demandait que le programmede M. Burdin fût modifié, relativement aux

conditionsdans lesquelles le phénomène devision somnambuliquese manifestait chez sa

fille.

Dans la séancedu 20Mars1838,M. Burdin

annonça à l'académiequ'il consentaità modi-

fier sonprogramme. Ainsi,au lieu d'exiger du

sujet qu'il lût sans le secours des yeux, de la

lumière ou du toucher, il fut accordé que les

objets seraient éclairés, et que le somnam-bule pourrait promener ses doigts sur une

feuille de verre posée sur les mots à êtrelus.

Le mode d'occlusion des yeux avait été

déterminé par M. Pigeaire. Un bandeau,

composé de trois épaisseurs de velours noir,devait être appliqué sur les yeux, et collé

exactement à la peau, de manière à ne pointpermettre aux rayons lumineux d'arriver à

l'organe anatomiquede la vue.

Il fut arrêté que M. Pigeaire pourrait ex-

Page 35: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 35 )perimcnter en présence de la commissionnomméeà l'occasionde la propositionBurdin.

En conséquence, M. le docteur Pigeaire serendit àParis avec safamille; et afinde s'assu-rer denouveaude la lucidité de sa fille (qu'unvoyagelong et pénible eût pu déranger), ilfit chez lui quelques expériences préparatoi-res. Plusieurs savantset un assez grand nom-

bre de personnages de distinction curent la

faveur d'assister à ces séances, danslesquellesMlle. Pigeaire lisait admirablement dans le

premier ouvrage venu, ayant la vue recou-verte d'un bandeau de velours noir, collé àlapeau par son bord inférieur,de manièrequela lumière ne pouvaitaucunementarriver aux

yeux. La plupart des personnes qui ont vu le

fait l'ont certifiépar écrit. MM. Orfila, Bous-

quet, Ribes, Reveillé-Pariseet plusieurs au-

tres médecinsdistingués ont signéles procès-verbaux qui attestent le fait de la lecture mal-

gré l'occlusiondes yeux et sans le secours du

toucher.

Au moment où M. Pigeaire se disposait à

présenter sa somnambule à la commission

académique, les renards trouvèrent le moyendel'embarrasser tellement, qu'il dut renoncerà faire des expériences devant eux. Le ban-

deau de M. Pigeaire , qu'ils n'avaient jamais

Page 36: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 36 )vu appliquer, n'était pas, dirent-ils, suffisant

pour empêcher d'y voir; donc, M. Pigeairene devait pas s'en servir, mais il devaitcon-sentir à encaisser la tête de son enfant dansune sorte de masque confectionnéexprès parMM.les commissaires.

Ceux qui ont quelque connaissancedu Ma-

gnétismeet de ses ell'etsdoivent comprendretoute la portée de cette conduite. Aussi,M.

Pigeaire se retira-t-il sans vouloir mêmees-

sayer l'applicationde l'appareil qui lui étaitoffert.

Il est a remarquer qu'aucun des commissai-res n'a jamais vuMlle Pigeaire. Eh bien! lecroira-t-on? MM. nos adversairestrouvèrentle moyen de faire annoncer, par les feuilles

publiques, la nonréussiteen leur présence des

expériences de MllePigeaire, ce qui impli-quait nécessairementla tentative de cesexpé-riences. Qu'on juge à présent de la loyautéde ces hommes si éminents, dont la morgueen impose si puissammentau vulgaire imbé-cile.

M. le docteur Pigeaire, rendu à sa tran-

quillité, a publié un livre dans lequel ildonneexactement tous les détails qui se rattachentà sonhistoire.

M. le docteur Frapart, de son côté, a

Page 37: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 37 )

2

lancé dansle monde des lettres fort spirituel-lement écrites, dans lesquelles il traite grandset petits selon leurs mérites.

Le Magnétisme sembla s'éteindre encoreune fois sousle mauvaisvouloir de ses adver-saires.

Cependant, je m'efforçais incessammentde propager la science dont je m'étais fait

apôtre.J'eus la hardiesse d'ouvrir au centre de

Paris des cours publics de Magnétologie, et

je fus assezheureux pour attirer à mes expé-riences quotidiennesles personnages les plus

distingués. Monbut était de forcer, par l'opi-niongénérale, l'incrédulité à s'avouervaincue,et de réduire la mauvaisefoi à la dernière

extrémité. J'étais déjà directeur du Journaldu Magnétisme, à la rédaction duquel jecoopérais; je résolus depublier, en outre, les

ouvrages que j'avais composés et ceux dont

j'avais conçule plan.Aumoisd'Avril 1840,j'eus l'honneur d'être

nomméProfesseur titulaire de Magnétologieà l'Athénée royal de Paris, où je me trouvais

avoirpour collègues MM. Babinet, de l'Ins-

titut, Tavernier, Raspail, etc.

Là, le Magnétismeeut un succès tel, quela vaste salle des cours de l'Athénée était tou-

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( 38 )

jours trop étroite pour contenir la foule quiassiégeait les portes à l'heure de mes séances.Les expériences que je faisais incessamment,

rejetaient sur mes détracteurs tout le ridiculedont ils cherchaient à m'accabler dans lemonde. Peu ambitieux, peu confiant en la

loyauté des académies, je n'ai jamais voulu

opérer devant les corps savants, persuadé

que la mauvaisefoi serait opposéeà ma fran-chise.

Néanmoins, un jour que feu mon pau-vre ami, le docteur Frapart, avait porté undéfi à l'un des professeurs de la faculté de

médecine, M. Gerdy, je me laissai entrainer,et promis à M. Frapart qu'il pouvaitcomptersur moi pour opérer avec Calixte, en pré-sence de M. Gerdy et des siens. Toutefois,

j'exigeai que les conditionsde la séance se-raient réglées d'avance et par écrit. Je rédi-

geai alors mon programme d'une façon si

explicite, qu'aucun de ses points ne pouvaitdonner lieu au doute, à l'interprétation erro-

née. Ce programme, présenté par M. Fra-

partà M. Gerdy, fut approuvé par ce dernier.Au jour convenu, M. Frapart, mon som-

nambule et moi, nous rendîmes chez M.

Gerdy, lieu du rendez-vous. Le salondu pro-fesseur était plein d'académiciens, de jour-

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( 39 )

îtalistes, de savants. Après les salutations

d'usage, je demandai à M. Gerdy s'il avaitdonnécommunicationdu programmeaux per-Sonnescomposant sa société; sur sa réponseaffirmative, je dis que j'allais magnétiserCalixte, et que l'on pourrait tenir note de la

séance, dont je ne voulais pourtant pas quele caractère fût officiel.

Monopérationfut prompte: enmoinsd'une

minute, Calixte, magnétisé, annonça qu'ilétait en somnambulisme. Alors je dis à M.

Gerdy qu'il pouvait procéder à l'occlusiondes

yeux. Des tamponsde cotoncardé furent d'a-

bord placés de manière à remplir outre-me-

sure les cavités orbitaires; un épaismouchoir

plié en bandeau comprima les tampons quiformèrent aussitôt un fort bourrelet tout le

long du bord inférieur du bandeau, sur lesailes du nez, dans le sillon, au-dessous des

pommettes.Le programme portait qu'une fois le ban-

deau appliqué, personne ne toucherait plusle somnambule. Les expériences de vision

devaient être faites de diverses façons, de

manière à prouver que le sujet n'avait besoinni de compère, ni de ses yeux corporelspourdésigner les objets, jouer aux cartes, lire,Marcherà travers des ohstacles, etc.-

Page 40: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 40 )Eh bien! qu'arriva-1-il? M. Alphonse

Donné avait à peine déclaré que le bandeau

était bien appliqué, qu'un membre de l'as-

semblée vient prendre la tète du somnam-

bule, et bourre, à force, le coton sous le

bandeau, en refoulant les paupières supé-rieures. Le

somnambule

se plaint, s'irrite; je

tparviensàle calmer; une partie de cartes com- Jmence. Le somnambuleannonce qu'on vientde tourner le roi de pique, ce qui est vrai.

Alors, grande rumeur parmi les assistants;

I

plusieurs de ces messieurs s'élancent vers le Imagnétisé, on le touche, on le tourne, on le S

presse, malgré monoppositionvéhémente.Le

sujet arrache son bandeau, me dit de l'éveil-

ler, je le rends à l'état ordinaire, et il part.On semble étonné de la brusquerie de

Calixte; et sur quarante médecins des plusrenommés de Paris, il ne s'en trouve pas unseul qui ait l'air de comprendre l'état de sur-excitation cérébrale où il m'a fallu amener

Calixtepour déterminer sa clairvoyance.Je fais observer que l'on a enfreint les lois

du programme. On a oublié que ce pro-grammedevait être pris au sérieux.

Mon intention étant de seconder en tout

point lesvues de mon ami M. Frapart, je faisa haute voix la propositionsuivante:

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( 41 )

Messieurs, dis-je, ouvrez-moi vos clini-

ques, choisissezquarante malades parmi vos

incurables; sur ces quarante, j'en choisirai

dix, que je magnétiserai, en présence dedeuxou trois d'entre vous, pendant un mois;eh bien! si, dans ce laps de temps, je n'ai pasguéri au moins deux de ces malades; si, en

outre, je n'ai pas produit sur l'un d'eux le

somnambulismelucide; en un mot, si je n'aiPas fourni la preuve de la réalité des phéno-mènes que je vous ai annoncé pouvoir pro-duire sur Calixte, je consens à signer que jesuis un fou, un charlatan, comme on vou-dra. Mais si j'atteins le but que je viens d'in-

diquer, vous signerez que vous étiez dans

l'erreur, et que le Magnétisme est une vérité.A cette proposition, faite avec un ton pro-

Vocateurqui ne devait laisser aucun doutesur mes convictions, M. Chervin se lève, etMedit: Quand vous guéririez tous les mala-des de Paris, qu'est-ce que cela prouverait?

— Cela prouverait, répondis-je, que le

Magnétisme serait plus puissant, seul, quetous les agents pharmaceutiques connus.

- Pour moi, reprendM. Chervin, je pra-tique tous les jours, et depuis bien des an-

lléüs, cependant, je ne sais pas encore si j'aijamais guéri un seul malade 1

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[ 42 )'- Voire aveu est naïf, célèbre docteur,

repliquai-je 1 Eh bien, pour moi, j'affirmeque si je n'avais pas la consciencede guérirla plupart de mes malades, je cesseraisimmé-

diatement de leur donner des soins.

Les confrèresde M. Chervin rougirent de

sa naïveté; M. Frapart et moi la primes en pi-tié 1et toute discussioncessa.

Qu'onjuge maintenant de la valeur de quel-ques-uns de ces princes de la science !

Depuis quatre ans surtout, époque à la-

quelle se jugea en Cour de cassationun pro-cès célèbre, à l'occasiondu Magnétismeet du

Somnambulisme, procès dans lequel les ju-

ges suprêmes donnèrent gain de cause au

magnétiseur et à la somnambulequ'on avait

indignement attaqués, la doctrine de Mes-mer a fait d'immensesprogrès. Aujourd'hui,on s'occupe de Magnétisme dans les salonsles plus distingués; toutesles classes de la

société sont avidesdeconnaître les phénomè-nes si surprenants et si admirables du Som-

nambulisme; des cours sont professés de

toutes parts, et l'on voit s'adonner à la prati-que de la sciencereine, grands seigneurs et

grandes dames, bourgeoiset bourgeoises, sa-vants et gens de lettres, et bientôt personnene voudra rester étranger à la connaissance

Page 43: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

(43)d'une chose par laquelle on peut rendre les

plus grands services à sa famille, à ses amis,à tous les êtres souffrants, et qui fournit à

l'esprit mille sujets intéressants, d'un attrait

irrésistible.

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LA SÉANCE DE MAGNÉTOLOGIE

DONNÉE

A mmcQ aa B^imiassa ©a**\

Je fus mandé un jour au palais d'une très-

grande dame, qui me pria de lui consacrer

toute ma journée du lendemain pour l'ins-

truire du Magnétisme, sur lequel elle avait

déjà lu quelques ouvrages dont son esprit po-sitif était peu satisfait. Elle désira en même

temps que je fusse accompagné dans ma vi-

sitede l'une de mes somnambules, Mlle.Vir-

ginie, des facultés de qui certains personna-geslui avaient donnéun aperçu.

Le lendemain, Mil". Virginie et moi nous

nous rendîmes chez la duchesse, qui nous re-

çut aussitôt. Elle me demanda de lui exposersuccinctementmes idées sur le Magnétismeet

le Somnambulisme.Je le fis en ces termes:« Je définis le Magnétisme: la manifesta-

tion de la faculté que possèdent tous les in-

dividusd'agir les uns sur les autres, soit sym-

Page 46: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 46 )

pathiquement, soit antipathiquemcnt, et cha-

cun sur soi-même.» L'action qui résulte de cette faculté est

plus ou moins puissante, selon le degré d'é-

nergie auquel est monté l'individu agissant.Elle est plus oumoins ressentie par le sujet,selon qu'il est dans des conditions plus ou

moinsfavorables à l'absorptiondu fluidema-

gnétique , et qu'il se soumetavecune passivitéplus ou moins complète.

» L'agent magnétogène n'est autre chose

que le fluidequi entretient chez nous la vie,et que l'on appelle fluide nerveux. Ce fluide

même est une formedu calorique, qui est, se-

lon moi, le vrai et unique principe de tous les

fluidesimpondérables, diversementappelés àcause de leurs modesdivers de manifestation.

» Le moyen d'action est la volonté. C'est

par la volonté qu'on met en jeu le principe,qu'on l'envoie, avec plus ou moins de force,du centre vers les extrémités. C'est par la vo-

lonté qu'on dirige ce principe, qu'on le fait

franchir les extrémités organiques, et qu'onen imprègne les corps dans lesquels on a dé-

siré le fixer. Les gestes connus sous le nom

de passes ne sont que des auxiliaires; auxi-

liaires utiles, mais non indispensables. Ces

opérations ne sont pas probables à priori

Page 47: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 47 )d'une manière absolue; mais elles le sont in-contestablement d'une manière relative.

» Je vais faire en sorte de vousrendre plusévident, par quelques comparaisons, ce queje viens d'avoir l'honneur de vous exposer.

» Si un hommeveut souleverd'une main un

poids qu'il suppose très-lourd, il enverra parsa volonté, dans les nerfs qui doivent forcerles muscles de son bras à la contraction né-

cessaire, toute la puissance dont il peut dis-

poser; et, à moins que le poids ne surpasseses forces -il l'enlèvera de terre. Mais si cethommesupposeque le mêmepoids soit extrê-

mement léger, il n'apportera dans son désirde le soulever qu'une volonté faible, et alorsil ne l'ébranlera seulement pas, quelle quesoit saforce musculaire habituelle. Dans le

premier cas, il aura vouluenvoyerdes centresnerveux à l'une de ses extrémités le principed'action; dansle second,savolonté,trop faible,n'aura fait parvenir à cette extrémité qu'unePortioninsuffisantede ce principe.

» Si l'on se met en contact avec une torpilleou tout autre poisson électrique, on éprou-vera un engourdissement sensible, dû au dé-

gagement du fluide. Alors le principe aura

franchi la périphérie du corps de l'animal

Pour imprégner l'individuqui l'aura touché.

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( « )» Si un homme, doué d'un grand courage,

est froissépar un lâche, sonregard suflilpourparalyser son pusillanime adversaire. Alors,encore, le principe franchit l'épanouissementdu nerf optique et imprègne celui sur lequelil a été dirigé, même à l'insu de son déten-

teur.» En un mot, si tous les philosophes ont

reconnu la réalité des sympathies et des

antipathies, il est impossible de trouver l'ex-

plication de ces phénomènes, sans admettrecommebase fondamentalede leur production,comme cause déterminante, précisément ce

mêmeprincipe du Magnétisme.» Voilà le Magnétisme, son principe, les

effets les plus ordinaires qui en résultent;

passons, à présent, aux conditionsdu sommeil

naturel, aux différentsétats qui se présententdans cette crise, et voyons si le sommeilma-

gnétique n'offre pas des analogies indubita-

bles avec ce sommeilnaturel.

» Dans mon opinion (et en avançant l'hy-

pothèse qui va suivre, je ne crains point de

commettre une hérésie scientifique); dansmon opinion, dis-je, le sommeil naturel nenous envahit que lorsque le systèmeque j'ap-

pelle cérébro-nerveux a été surexcité, consé-

quemment fatigué par un travail quelconque

Page 49: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 49 )

2*

oupar des agentsde nature à déterminer l'ex-

citation, la fatigue. Ainsi, soit qu'or,ait beau-

coup marché, travaillé, lu, écrit ou pensé,soitqu'onait buavecexcèsdesboissonsalcooli-

ques, qu'on ait pris des narcotiquessousuneformequelconque, qu'onait mangéoutre me-

sure, ou au contraire qu'on soit en proie auxtourments de la faim (car les deux extrêmes

produisent également les mêmes résultats) ;soit, enfin, qu'on subisse quelque affection

cataleptiforme, hystérique, etc., le sommeilvient s'emparer de la machineorganique, desfacultés sensibles, et les asservit irrésistible-ment. Pour les individusqui sont dans un état

normal de santé ou qui rapprochent de cet

état, et qui suivent les habitudes socialesdes

Européens, ce sommeilest périodique. Cette

périodicitéest la conséquenceforcée de l'uni-formité de conduite; mais elle subit des per-turbations aussitôt que les habitudes sontdé-

rangées. Eh bien! si les causes que je vousai

indiquées (et à mon ayiscela est incontesta-

ble ) déterminentle sommeilordinaire, pour-quoi n'adme trait-on pas que l'accumulation,la surabondance, la superfluité, si l'on veut,du principe magnétique dans l'organisationd'un individu, puisse produire un effet iden-

tique?. Quelquesphysiciens ont prétendu,

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( 50 )

je le sais, que le sommeilprovoqué magnéti-quement n'était dû qu'à l'espèce de monoto-nie dans laquelle on ensevelit, selon eux, le

pauvre patient, à l'ennui occasionné par les

gestes, à la faiblesse de l'imagination, à l'é-réthisme de la peau, etc. Je ne nie point quecela ne puisse avoir une certaine influence,dans quelques cas, sur laproduction deseffets

magnétophœnes.Je reconnaismêmeque l'étatde l'atmosphère, la qualité de l'air ambiant, lescourants électriques, aident l'action ou nui-sent à son développement; cependant commeon peut magnétiser un individu placé dans un

milieu différent de celui où l'on se trouve soi-

même au moment de l'acte; comme on ob-

tient, sans faire aucune passe, exactementles mêmes phénomènes qu'en gesticulant, et

qu'enfin on produit ces effets à de grandesdistances, sur des animaux, sur des enfants,sur des personnes ignorant qu'on agit sur el-

les, je ne saurais accorderque les prétentionsde nos dissidentssoient fondées.

» Et si l'on ne veut pas comprendre que l'a-

gent magnétogène puisse provoquer le som-

meil, comprend-on donc mieux que chacune

des autres causes que nous avons énoncées

ait une vertu somnifère? Ou nous devons

nous en tenir a l'acceptation des faits pure-

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( 51 )ment et simplement, sans chercher à en trou-ver l'explication, ou nous devons, par le rai-

sonnement, aller du connu à l'inconnu, de ce

qui est admis pour tous, à ce qui n'est ac-

cepté quepar un petit nombre, ou mêmeparpersonne encore.

» Jusqu'ici, Madame, je suis resté dans le

champ de la physique, de la physiologie;mais en abordant les phénomènes curieux

que l'on observe dans le sommeildit naturel,je suis forcé d'entrer dans le domainede la

psychologie; car, vous le savez, la matière ne

pense point; le corps n'est qu'un automate

obéissantau ressort cachédont l'être suprêmea voulu qu'il fut temporairementpourvu.

» Dans le sommeil non magnétique, toutle monde le sait, on voit apparaître le rêve,le songe, la somnoloquie, le somnambu-

lisme, le mentambulisme, quelquefois l'ex-tase.

» Voicicommentje distingue ces différents

états:» Le rêve est un jeu bizarre d'une imagi-

nation en délire.» Le songe est une vision, une sensation,

une prévision, une intuition, quelquefoistout

cela ensemble; et il ne saurait y avoir d'er-

reur que dans l'interprétation des images, des

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( 52 )

allégories, des symboles qui s'y rencontrent

assez fréquemment.» La somnoloquic est un babil erroné,

quandelle dépend du rêve; quand elle dépenddu songe, au contraire, c'est un discours tan-tôt monologué, tantôt dialogué, tantôt polylo-gué, dont toutes les parties sonten parfait ac-

cord et d'un rationalisme admirable.» Le somnambulisme est l'obéissance de

l'appareil locomoteur à l'impulsion d'ambu-lance que lui communiquele système céré-

bro-nerveux.» Le mentambulisme est une promenade

d'esprit, pendant la station du corps, l'absorp-tion momentanéedes organes matériels.

» L'extase est un état supérieur que j'aiexaminé et décrit dans mon Traité du Ma-

gnétisme (1). C'est la contemplationdes cho-ses hyperphysiques, dansun but d'utilité mo-

rale, religieuse; c'est l'état dans lequell'homme encore lié à la terre reçoit de vérita-

bles inspirationscélestes.» Je vous ai dit les phénomènes qui appa-

raissent dans le sommeil naturel, je vous aidit les différentes formes que présentent ces

(1)Unvol.in-8°. de508pages,éditéparGermer-Cail-liire, ruedel'ÉcoledeMédecin*f 17.l'ar;" 1844,

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( 53 )différents états. Eh bien! toutes ces chosessereproduisent dans le sommeildit magnéti-que. Ainsile magnétisé, commele dormeur,ou, en d'autres termes, et pour parler un lan-

gage plus généralementcompris, le somnam-bule artificiel, tout comme le somnambule

naturel, peut voir dans les ténèbres les plusprofondes, à travers les corps opaques, à de

grandesdistances, et mêmeoutre-mer, les ob-

jets sur lesquels il fixe son attention; il sent,goûte, touche et entend, par une immenseex-tensionde sesfacultésdel'étatdeveille,cequ'ilveut sentir, goûter, toucher, entendre, soitde

près, soitde loin, quant au présent, au passé,à l'avenir; car le temps et l'espace n'existent

point pour le somnambule.Or, il a la faculté

d'apprécier le degré de santé ou de maladiede chaque individu qu'il examine, et celle dede discerner les moyens à mettre en usagepour guérir non-seulementles corpsmalades,mais encore les âmes souffranten ce monde.Et il ne faut pas croire qu'il y ait là du sur-

naturel et que les magnétistes doivent être

frappésd'excommunication,rien au contraire

n'est plus naturel, rien n'est moins hétéro-

doxe, quelque étrange que cela puisse sem-

bler au premier aperçu. Vousne verrez doncà présent aucune impossibilité à ce qu'une

Page 54: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 54 )consultationsoitdonnée par un somnambuleaParispourunmaladeàSaint-Pétersbourg,alorsmême que ce somnambulen'entrerait en con-tact avecaucunobjetpouvantfaciliter sonrap-port avec la personnequ'il doit explorer :

Dansle consentement,les âmesse conjoignent.

» Il me reste à vous dire quelques mots du

Magnétismeappliqué commeagent thérapeu-

tique. Je ne vous répéterai point ma défini-tion de ce principe et de sonmoded'action en

général; je vous soumettrai simplement ce

dilemme: si les animaux peuvent produire,

par une vertu inhérente à leur nature, des

perturbationsplus oumoinsgrandesdansl'or-

ganismed'un individuvers lequel ils dirigentleur action, est-il déraisonnablede croirequel'homme, le roi desêtres vivants, puisseopé-rer chez autrui, par une puissance qui luiest propre, des révolutions salutairesou nui-

sibles, selon la direction qu'il donne à cette

puissance?. Je pourrais ajouter que si deux

métaux acquièrent, par une dispositionparti-culière, la propriété de foudroyerun bœuf,

d'atténuer, de guérir certaines affections,jene sauraiscomprendrequ'onrefusât de recon-naître que l'agent magnétogène soit pourvud'une vertu curative.

Page 55: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( Mfl» Maintenant je me résume: La magnéti-

sation peut provoquer le sommeil; l'individu

magnétisé peut voir à distance, connaître les

moyens de traitement pour le malade qu'il a

exploré. L'agent magnétogèneà une propriétécurative. En un mot, LE MAGNÉTISMEESTUNEVÉRITÉDÉMONTRÉE,et, par cela seul,Unechoseutilel »

Cela dit, je magnétisai Mlle.Virginie. Dès

qu'elle fut entrée en somnambulisme,Mme.laduchesse l'interrogea sur des choses particu-lières, et se montra ravie de la justesse avec

laquelle ma somnambule avait répondu à ses

questions, et surtout des éclaircissements

qu'elle lui avait donnés sur des objets de la

plus grande importancepour elle.

Mlle. Virginie une fois réveillée, Mme.la

duchesse me demanda si l'on devaitmagnéti-ser un sujet nouveau, inconnu, comme j'a-vais magnétisé ma somnambule.

Voici, lui dis-je, ce que j'ai enseigné dans

mon Traité du Magnétisme:« Je commencepar faire placer le sujet de

manière qu'il soit à l'aise et dans la positionqui lui serait convenable s'il voulait goûterles douceurs d'un sommeil naturel. Le plusordinairementje le fais asseoir dans un fau-

teuil à haut dossier. Je me tiens devant lui,

Page 56: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 36 )deboutou assis,commeje le trouveplus com-

mode.» Aprèsm'être recueilli un instant, je fixe

mesyeux sur lui avecla volontéfermeet bien

déterminée d'obtenir tel ou tel effet. Au bout

d'une coupledeminutes, je dirige la pointede

mes doigtsvers le creux de l'estomac du su-

jet; puis je commence l'exercice des gestesconnus sousle nomde passes.

» Mes premières passes se font en élevantla main mollement, les doigts baissés, jus-qu'à la hauteur du col du sujet; là, j'opèrepar un mouvementde basculeun changementde directiondes doigts, de manièreque leurs

pointesse trouventplus élevéesque la paumede la main, d'un demi-pouceenviron, et diri-

gées vers le haut du corps. Je baisse ensuitele bras, en maintenant la main et les doigtsdans la même position, jusqu'à ce que les

pointes soient descenduesun peu au-dessousde l'appendicexyphoide,c'est-à-dire vis-à-visle creux de l'estomac. Je répète ces premiè-res passes jusqu'à ce que le sujet éprouvequelques symptômes de magnétisation, soitde l'oppression, des clignotementsfréquents,ou tout autre phénomènephysiologique ex-traordinaire. Alorsje monte la main jusqu'ausommet du front, et, réglant mes passes

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( 57 )comme primitivement, je les descends tou-

jours au même point. Ces gestes ne diffèrentdes premiers qu'en ce qu'ils partent de plushaut. Je faisaussi assezsouvent un petit mou-

vementsemi-circulairede la main sur le frontet les yeux, que j'impn'gne fortement de

fluide, en cas de clignotements persistants; à

cette fin, j'y présente les pointes de mes

doigts, assez long-temps, et j'y projette le

fluideen ouvrant vivementles mains, que j'aifermées préalablement.

MDisquele sujet paraît êtreen somnolence,et que ses paupières sont à-peu-près closes,jefais des passes autour de la tête, en les éten-

dant jusqu'aux cuisses, devant la poitrine etsur les côtés. Si la respiration devient gênée,je dégage la poitrine en allongeant mes pas-ses jusqu'aux jambes. Si quelques mouve-ments convulsifs, spasmodiques, se manifes-tent dans telle ou telle partie, je passe lamain sur cette partie, en entraînant le fluide

Versl'extrémité la plus voisine; souventmême

j'en dégage une certaine quantité au dehors,afinde calmer le sujet, pour que les convul-

sionsne l'empêchent pas d'arriver au sommeil

magnétique.

» Lorsqu'il me parait être dans l'état ma-

gnétiquecomplet(ce dont onne peut s'assurer

Page 58: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 58 )

rigoureusement que dans le cas de sensibilité¡à l'attraction, à la répulsion, aux impres-

sions mentalement ordonnées, ou à quel-qu'acte de clairvoyance extraordinaire), j'é-tends le fluideégalement par tout le corps, en

faisant des passes à grands courants, afin

d'empêcher des secoussesnerveuses.» Il arrive très-souvent que le sujet n'est

porté qu'à un état dedemi-crise magnétique;dans ce cas, il est commeabasourdi; sespau-pières supérieures sont abaissées et comme

frappées de paralysie; les membres ne semeuvent que fort péniblement; les lèvres, la

langue, les mâchoires sont, ou fortement

contractées, ou extrêmement relâchées. On

dirait que le sommeilmagnétique est parfait;cependant le sujet entend le bruit extérieur,il en est désagréablement affecté, et, au sor-tir de cet état, il se rappelle les circonstances

qui l'ont frappé durant sa somnolence.Dansune telle situation, je le laisse reposer tran-

quillement, en ayant soin de maintenir le

calme. Je charge fortement ses oreilles de

fluide, avecla volontéde paralyser momenta-nément les nerfs auditifs; et il arrive assez

fréquemment qu'il passe, au bout d'une àdeux heures, quelquefoisplus promptement,à l'état magnétique complet.

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( 89 )» Avant deprovoquer le somnambulisme,

je m'attache à isolerle magnétisé de tout bruitextérieur.

» Quandle sujet est complétementmagné-tisé et isolé, et que le somnambulisme nes'est pas déclaré, je provoque cet état, si jele crois nécessaire, en pratiquant avec cette

intention quelques passes croiséessur la ré-

gion épigastrique. Ces passes se font: lesunes de l'épaule droite à la hanche gauche,les autres de l'épaule gauche à la hanchedroite.

» La chose la plus importante, selon

moi, c'est l'éducation des somnambules.Voici

commentje me comporte à l'égard des nou-

veaux:» J'évite de laisser toucher le sujet et les

objets avec lesquels il est en contact; jem'abstiensde lui adresser des questions insi-

gnifiantesou indiscrètes; je l'interroge sur

des choses utiles, en le soutenant dans son

travaild'esprit; je ne le presse point, je ne le

contrarie point; mais s'il s'écarte de la vé-

rité , je le redresse avec douceur et fermeté.

lorsqu'il me paraît fatigué, je le laisse repo-ser, et j'ai soin de le dégager des fluides

morbifiques qu'il a pu absorber s'il a été

consulté pour des malades. Je développe

Page 60: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 60 )ses facultés somnambuliquesde plus en plus,à mesure que j'avance; mais je n'exige

jamais de lui des choses au-dessus de sesforces.

» Je ne partage pas l'opinion de ceux des

magnétiseurs qui prétendent qu'on doit s'en

rapporter aveuglement à la clairvoyanceplusou moins contestable des somnambules, et

qu'il ne faut jamais leur demander comptedeleurs appréciations. Je suis si convaincuqueles somnambules qui ne raisonnent pas leurs

prescriptions commettent, parfois, des er-

reurs graves, auxquelles il n'est pas toujours

possible de remédier, que j'exige le pourquoide toutes leurs indicationssérieuses. »

— Vous pensez donc, reprit la duchesse,

que les somnambules doivent être traitéscommedes enfants?.

— Sans doute, Madame, pendant un cer-tain temps, les somnambules ont besoin dessoins les plus attentifs, de l'instruction la plus

sage , tant pour réprimer ou prévenir les éga-rements de leur imagination, presque tou-

jours aventureuse, que pour la conservationde leur santé personnelle. Et alors même

qu'un somnambuleest parvenu au plus haut

degré de perfection qu'il puisse atteindre, la

direction d'un magnétiseur sage et éclairé lui

Page 61: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( Cl )

2**

est encore nécessaire, indispensableplutôt;car la folle du logis est toujours disposéeà

l'exaltation, et finit par tuer le jugement,quand elle est abandonnée à la fougue destourbillons qui l'entraînent, comme malgréla raison, dans le vague des rêveries et des

ehimires.

-Je comprends, fit la duchesse; mainte-

nant, veuillezme dire si les élèves que vous

formez, peuvent magnétiser avec succès dès

qu'ils sont imbus de vos leçons, et qu'ils sui-vant à la lettre toutes vos instructions prati-ques?

—Madame,les personnesquiveulent écou-ter et mettre en usage mes enseignements,sont toutes capables de produire des effets

magnétiques, mais à des degrés divers. Il enest de la faculté de magnétiser, comme de

toute autre faculté quelconque, chacun la

possède plus ou moins éminemment, et elle

estsusceptibledes'accroîtreprodigieusement,par l'exercice, le travail, l'attention. J'ai

formé, soit à Paris, soit en province, soit à

l'étranger, plusieurs milliers d'élevés, et jepuis affirmerque tous ceux qui l'ont voulu,ont pu magnétiser avec avantage, lors même

qu'ils étaient le moins adonnés à l'étude des

sciences physiques. Je pourrais vous citer

Page 62: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 62 )mille personnes qui ont eu des succès en

magnétisme, autant et plus, peut-être, quemoi-même, proportion gardée des condi-

tions. M. Marcillet, par exemple, dontle nomest à présent connu de tout Paris, nes'était jamais occupé de philosophieavantl'é-

poqueoù il eut la fantaisie, sinon la vocation,de se faire magnétiseur, et magnétiseurardent, infatigable, assurément. M. Mar-cillet donc, commissionnaire-expéditeur,rue

Grange-Batelière, 12, suivit mes cours de

magnétologie en 1840; en peu de temps il

devint assezfort praticien pour faire des pro--diges, et, grâce à son zèle, le Magnétisme

compta bientôt des milliers d'amis de plus,dans les salonsles plus distingués de la capi-tale. Il a aujourd'hui, pour somnambuleor-

dinaire, un jeune homme de dix-sept ans,d'une corpulence moyenne, d'un tempéra-ment nerveux, jadis en proie à une affection

cataleptiforme qui a cédé aux applications

magnétiques faites, il y a trois ans, par moi-

même, et arrivé à présent à un degré supé-rieur de lucidité.

Pour vous donner une idée du zèle éner-

gique de M. Marcillet, et de la clairvoyanced'Alexis, je vaisvous lire, si vous le permet-tez, quelques lettres que mon heureux disci-

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( 63 )pic m'a adressées il y a peu de temps, et quej'ai, par hasard, dans ma poche:

«Paris, ce 27 Mai 1843.

» MONSIEURRICARD,

» Je vous ai dit, hier, que je devais pas-ser la soirée chez M. le général Jacqueminot,où, avec Alexis, mon somnambuleordinaire,je devais donner la preuve du fait de la vision

malgré l'occlusion des yeux, à travers les

corps opaques, et à distance.» Vous connaissezAlexis, voussavezcom-

ment il joue aux cartes, ayantlesyeux recou-verts de tampons et d'un épais bandeau; vous

savezaussi qu'alors même que les cartes sont

appliquées immédiatement sur la table, laface contre le tapis, il les voit néanmoins etles indique sans les retourner. Eh bien ! toutcela n'a été hier, en présence de la société

d'élite réunie chez M. lé général Jacquemi-not, qu'un amusement pour Alexis. Il sem-

blait, en effet, se jouer des difficultés qu'onlui opposait, et non content de convaincrepardes faits qui lui sont devenus familiers, il adonné encore la preuve d'un sentiment d'ol-

factionbien remarquable, en disant à un dé-

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( 6t )

puté, M. de Chassiron, à qui il venait de faire

la description d'une propriété située à quel-

ques lieues de La Rochelle: « Commeça sent

le brûlé, ici; commeil y a eu de la fumée,il y a quelques jours. » M. de Chassirona re-connu l'exactitude du fait. Il venait de rece-

voir une lettre dont le contenu était parfaite-ment d'accord avec l'annonce d'Alexis.

» Que vous dirai-je, mon cher maître? lesomnambulea fait plus que de se surpasser,en décrivant dans ses détails un château ap-partenant à M. le général Jacqueminot.

» Votre tout dévouéet fervent disciple,

» MARCILLET. »

« Paris, ce 29 Mai 1843.

» La séance que j'ai donnée hier chez M.le comte Duchàtel, ministre de l'intérieur, aété des plus intéressantes. Alexis, après avoir

joué aux cartes d'une manière admirable,

ayant laissémettre entre lui et sonadversaireun carton par-dessus lequel il envoyaitsuc-r-cessivementles cartes convenables, a fait unevue à distance chez Mme.de Ségur. Il a dé-

crit son château situé à six lieues environ de

Fontainebleau, annonçant qu'on y faisait des

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( 65 )

réparations, que les chaises de la salleà man-

ger en avaient été retirées, que le châteauétait flanqué de tourelles dont il désigna lenombre.

» Il a été encore plus étonnant de luciditéavec M. Dumon, député. S'étant transportémentalement, sur l'ordre de ce Monsieur, à

quelques lieues de Villeneuve-d'Agen, il a

annoncéque le chàteau était d'un seul corps,c'est-à-dire uniforme, sans ornements exté-

rieurs; que les fenêtres se trouvaient plusélevéesdu sol d'un côté que de l'autre; qu'ilétait bâti sur une pente; que l'on apercevaità l'horizonde hautes montagnes; il a indiquéle logement d'un charretier dont il a fait le

portrait; le logement de l'intendant, à l'ex-trémité droite du chàteauet au premierétage.Il a fait le portrait de cet intendant, dont la

maigreur l'a frappé, et il a caractérisé sa

femme, ajoutant que celle-ci n'est pas du

pays qu'elle habite, qu'il reconnaissait cela àson langage ( cette femme est normande) ;enfin, il a dit qu'il n'y avait qu'un cheval au

château, et que ce chevalétait gris.» Tout le monde est resté dans la plus

grande admiration, etc.

» MARCILLET. »

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( 66 )«Paris, ce 30 Mai.

» Hier, la séance donnée chez M. Dailly,maître de poste, a été remarquable par desvues à distance. Alexis, conduit mentalementà Canton, a décrit parfaitement les abords de

cette ville et désigné plusieurs choses remar-

quables qui n'existent point en Europe.» Unecclésiastiquedistingué, arrivant d'A-

frique, lui ayant demandéce qu'il remarquaitentre Bône et Hippône, en Algérie, Alexis

répondit qu'il voyait un pont qui s'était en-

foncéplusieurs fois, et sur lequel on avait tou-

jours reconstruit; de sorte, a-t-il dit, que l'on

voit deux rangées d'arcades dont les inférieu-

res sont pour ainsi dire en ruine ; ce qui est

exact.» Alexisa terminé la séance par la lecture

de deux mots: NOMS,DAILLY,qu'il a lus

malgré la superposition de plusieurs feuillesde papier.

» MARCILLET. »

« Paris, ce31 Mai.

» Aujourd'hui, c'est chez M. Truelle, rue

Louis-le-Grand, 29, qu'Alexis, sur huit à dixlettres qui lui ont été présentées, a constam-

ment dit le contenu de chacune d'elles sans

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( 67 )les ouvrir, et en a nommé les différents si-

gnataires, de l'un desquels il a fait le portrait

physique et le portrait moral. Mme.la com-

tesse Duchàtel lui en ayant présente une, il

hésita plusieurs fois à la toucher; on eût dit

qu'elle le brûlait; c'était une sorte de vénéra-

tion, de respect, que semblait lui inspirercette lettre; enfin, il finit par dire qu'elle ve-

nait d'un haut et puissant personnage qu'ilnomma. Ayant prié Mme.la comtesseDuchâ-tel de s'éloigner de lui, et de tenir la lettreouverte devant elle, il en lut le contenu.

» Une autre lettre ayant été présentée à

Alexis, il dit, en la touchant, à M. Truelle, à

qui elle était adressée: Celle-ci vient d'une jo-lie dame, blonde, fraîche, je l'ai déjà vue;elle était vendredi chez M. le général Jac-

queminot. Puis, se tournant versMme.la com-tesse Duchâtel: Vous la connaissez bien,

vous, Madame, la personne qui a écrit cette

lettre; et il ajouta que c'était elle-même ; ce

qui était vrai, etc.» MARCILLET. »

« Paris, 3 Juin.

» Hier, nous étions chez M. Delvigne, rue

Taitbout, 34. Alexis s'est transporté mentale-

Page 68: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 68 )ment chezM. Lépaule, peintre, qu'il ne con-naissaitnullement ; il a vu chez ce monsieur

beaucoup de statuettes en plâtre, des bras,des jambes, des mains; il lui a décrit plu-sieurs tableaux, sonatelieret sonappartement.

» Une deuxièmeépreuve a été faitepar une

personne des environs de Grenoble (Isère).Alexisa vu les restes d'un temple bâti par les

Romains, et en a dessinéla forme.»Le maître de la maison, voyant une lu-

cidité si parfaite, pria à son tour Alexisde se

transporter à sa campagne, située à une lieue

de Ham. Le somnambule,après lui avoir fait

remarquer plusieurs choses sur le chemin,décrivit la maisonavec des détailsminutieux.Il dit qu'il y avait actuellement deux charre..

tiers, le père et le lils; que ce dernier cou-chait dans une soupente de l'écurie, et que le

père habitait une maison du villagevoisin; il

visita les écuries, supputa le nombre des

chevaux, DIX-SEPT,et annonça qu'un groscheval gris avait été blessé par le collier,ce qui l'empêchait de travailler à présent.M. Delvigne nous dit qu'une lettre qu'il ve-

nait de recevoir lui annonçaitce dernier fait;il nous déclara que tout ce qu'avait dit Alexis

était fort exact.» MARCILLET. a

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( 69 )

Permettez-moi, maintenant, Madame, devous raconter une séance récente de Ma-

gnétisme, où ont figuré encore avec gloireMM. Marcillet et Alexis:

Vendredi dernier, ces deux Messieurs,Mlle.Virginie et moi, nous avonspassé la soi-

rée chez Mme.la vicomtesse de Saint-Mars,rue d'Anjou-Saint-Honoré, 45. Il y avait une

société de personnes dont les noms sont assez

connus pour que je n'aie pas besoin de vousdire leurs capacités. MM. Victor Hugo,Théophile Gauthier, Halévy, Paul Lacroix,(le bibliophile Jacob), de Saint-Georges,le marquis de Saint-Mars, Roger de Beau-

voir, etc. etc., composaient, avec des dames

aussi instruites que gracieuses, la charmanteréunion. Quelques instants après notre arri-

vée, M. Marcillet fit placer Alexis à un boutdu salon, dans un large fauteuil, et le mit

promptement en somnambulisme.Alexis, les

yeux occlus, fit une partie d'écarté avec une

rapidité extrême, et nomma plusieurs cartes

appliquées la face contre le tapis; mais l'ex-

périence la plus concluante fut celle-ci:M. Hugo avait préparé, chez lui, un paquetcacheté au milieu duquel se trouvait un seulInot imprimé en gros caractères, cependantinvisible aux mcilUcurs yeux, à travers les

Page 70: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 70 )feuilles de papier qui l'enveloppaiententière-ment. Vous comprenezque le poète académi-cien avait pris toutes précautions pour n'être

pas abusé. Le paquet, présenté à Alexis, futd'abord retourné dans tous les sens par le

somnambule, qui, au bout d'un instant,

épelalentement ainsi: P.O. L.I.

POLL. Je ne vois pas la lettre suivante.Je vois celles qui viennent après. I. Q.U. E. Huit lettres. ; non., neuf. neuflettres. ; mais il y en a une que je ne vois

pas. Je ne peux pas dire ce mot. Cepen-dant. P O.L.I. Je ne vois pasbien. T. c'est un T. POLITIQUE.C'est bien cela. Le mot est imprimé sur un

papier VERT-CLAIR.M. Hugo l'a enlevéd'une brochure que je vois chez lui.

Cette preuve seule vaut mille preuves; il

n'y a rien à objecter, rien, à moins qu'onne veuille supposer qu'un homme comme

M. Hugo soit capable de s'abaisser au rôle de

compère, ce que les ennemis du Magnétismeoseront peut-être bien prétendre, mais ce à

quoi ils ne feront certes pas croire. Quantau hasard, que certaines gens invoquent in-

cessamment, il est impossible qu'il soit pourquelque chose dans le fait. Je donne un siè-

cle à cent millionsde lynx réunis, pour voir,

Page 71: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 71 )dans l'état normal, ou pour deviner par ha-sard un mot quelconque placé dans des con-ditions analogues à celles où se trouvait lemot choisipar M. Hugo, et lu avecpeineparAlexis. (1)

(1) Alexis est le même somnambulequi a

donnélieu, il y a peu de temps, à la lettre sui-

vante de M. AlexandreDumas:

« Le 3 Septembre 1847.

» Voulez-vousmepermettre devousécrireune longue lettre sur ce qui s'est passé chez

moi aujourd'hui, cette lettre ne sera peut-être pas sans un certain intérêt de circons-

tance.» N'allezpas croire, par ces derniersmots,

qu'il soit question du procès Teste, de l'as-

sassinat Praslin, ou des émeutes de la rue

Saint-Honoré; il est tout simplementques-tion de Magnétisme.

» Vous avezrepris, depuis trois ou quatre

jours, la publication de Joseph Balsamo,

et, dans la première partie de ce roman, le

Magnétismea joué un grand rôle.» Ce rôle ne doit pas être moinsimportant

dans la seconde partie que dans la première.

Page 72: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 72 )

Après les expériences d'Alexis, je magné-tisai Mlle.Virginie, dontla faculté spécialeest

» L'introduction de ce nouveau moyen

dramatique dans mon œuvre préoccupe bien

des gens; je puis le dire sans vanité, ayant

reçu une vingtaine de lettres anonymes, dont

les unes me disent, que si je ne crois pas à ce

que j'écris, je suis un charlatan, et les au-

tres, que si j'y crois,je suis un imbécile.» Or, il faut que j'avoue une chose, avec

cette franchise qui me caractérise, c'est qu'a-vant aujourd'hui, 5 Septembre 1847, je n'a-

vais jamais vu une séance de Magnétisme.» Il est juste de dire, en revanche, que

j'avais h-peu-près lu tout ce qui avait étéécrit sur le Magnétisme.

» D'après ces lectures, une convictionétait

passée en mon esprit, c'est que je n'avais

rien fait faire à Balsamoqui n'eût été fait, ou

tout au moins ne fût faisable. - "v

» Cependant, dans notre époque de doute,il me parut qu'une seule convictionne suffi-sait pas, et qu'il en fallait deux: uneconvictionde fait, et une convictionde droit.

» J'avais déjà la convictionde droit; je ré-

solus de rechercher la convictionde fait.

Page 73: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 73 )

3

l'appréciation et la cure des maladies; mais

qui comprend néanmoinsla pensée d'autrui,

» Je priai M. Marcillet de venir passer la

journée à Monte-Cristo, avec son somnam-

bule Alexis.» C'est jeudi dernier, je crois, que l'invita-

tion avait été faite. Depuis jeudi un accident

était arrivé dans la maison, qui m'eût fait dé-

sirer, si la chose eût été possible, de remet-

tre la séance à un autre jour.» Mon pauvre Arabe Paul, que vous m'a-

vez aidé à illustrer sous le nom d'Eau de Ben-

join, était tombé malade jeudi soir, et la ma-

ladie avait fait de tels progrès qu'aujourd'huiil était sans connaissance. J'eusse donc,comme je vous le disais, désiré remettre laséance à un autre jour; malheureusement,

quelques amis étaient prévenus, à qui jen'eusse pas eu le temps de donner avis de la

remise, et qui fussent venus inutilement à

Saint-Germain. Or, aux amis qui font cinqlieues par la pluie, on doit bien faire quel-que concession, et je leur fis celle de ne rien

changer aux dispositions prises, malgré la

triste préoccupationoume plongeait l'état dé-

sespéré du malade.

Page 74: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 74 )et qui voit parfaitement, à des milliers de

Ilieues, les objets sur lesquels on dirige son

————————————1

» Adeuxheures, tout le monde était réuni.» La scène se passait dans un salon au se-

cond.» On prépara une table; sur cette table,

on étendit un tapis; sur ce tapis, on posadeux jeux de cartes encore enfermés dansleur enveloppetimbrée de la régie, du papier,des crayons, des livres, etc.

» M. Marcillet endormit Alexis, sans faireun seul geste, et par la seule puissance de sa

volonté.» Le sommeilfut cinq à six minutes à ve-

nir. Quelques tressaillements nerveux et une

légère oppression le précédèrent. Il y avait

surabondance de fluide. M. Marcillet enleva

cette surabondance par plusieurs passes; le

sommeildevint plus calme, et au bout d'un

instant fut complet.» Alorsdeux tampons de ouate furent faits

et posés sur les yeux d'Alexis; un mouchoirassura les tamponssur les yeux; deux autres

mouchoirs, posés en sautoir et noués derrièrela tète, détruisirent jusqu'à la suppositionqu'il était possible au somnambule de voir

Page 75: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 75 )attention. M. Halévy fut mis en rapport, le

premier, avecma somnambule,à qui il adressa

par l'orgine naturel, c'est-à-dire par les yeux.» Le fauteuil où dormait le somnambule

fut roulé vers une table; de l'autre côté de la

table s'assitM. Bernard, une partie d'écarté

commença.» En touchant les cartes, Alexis déclara

qu'il se sentait parfaitement lucide, que parconséquent on pouvait exiger de lui tout ce

qu'on voudrait. Il paraissait effectivement, au

milieu de son sommeil, en proie à une vive

agitation nerveuse.» Trois parties d'écarté se firent sansqu'A-

lexis relevât une seule fois ses cartes; cons-

tamment il les vit couchées sur la table, les

retournant pour jouer et annonçant davance

quelle carte il jouait. Pendant les trois partiesil vit égalementdans le jeu de sonadversaire,soit que son adversaire relevât des cartes, ou

les laissât sur la table.» Plusieurs personnes manifestèrent le dé-

sir de voir M. Bernard céder sa place. M. Ber-nard se retira; M. CharlesLedru s'assit à sontour en face d'Alexis.

» La lucidité allait croissant. Alexis an-

Page 76: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 76 )cette queslion: « Quelles sont mes occupa-tionshabituelles?—Songez-yvous-même, dit

1

nonçait les cartes au fur et à mesure queM. Ledru les donnait.

» Enfin il repoussa le jeu en disant:— C'est trop facile. Autre chose.» On prit un livre au hasard parmi les vo-

lumes poséssurla table, et complètementin-connus au somnambule. C'était un Walter

Scott, traduction de Louis Vivien, Eaux de

Saint-Ronan.» Le somnambule l'ouvrit au hasard, à la

page 229.— A quelle page voulez-vousque je lise?

demanda-t-il.— A la page 249, répondit Maquet.— Peut-être sera-ce un peu difficile; le ca-

ractère est bien fin. N'importe, je vais es-

sayer. Puis il prit un crayon, traça une ligneaux deux tiers de la page.

Je vais lire à cette hauteur, ajouta-t-il.— Lisez, lui dit Marcillet.» Et il lut sans hésitation, écrivant les

yeux bandés, les deux lignes suivantes:« Nousne nous arrêterons pas sur les dif-

ficultés inséparables du transport. »

Page 77: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 77 )la somnambule. Des lignes. des pointssur et entre ces lignes. despetites barres.

» L'impatience fit qu'on ne lui laissa paslire plus loin. Nous lui prîmes le livre des

mains; et à la page 249, aux deux tiers de la

page, à la 35e.ligne, commençantun alinéa,nous lûmesexactementles mêmesparolesquevenait d'écrire Alexis: il avait lu à travers

onzepages.» Maquet fut invité à prendre un crayon,

à écrire un mot et à renfermer le papiersur lequel il serait écrit sous double enve-

loppe.» Il se retira à l'écart, seul, et sans que

personne sût ce qu'il devait écrire: le mot

écrit, et bien enfermé, il rapporta la double

enveloppepliée en deux au somnambule.» Alexis toucha l'enveloppe.— C'est facile à lire, dit-il, car l'écriture

est belle.» Alors, prenant le crayon à son tour, il

écrivit dans le mêmecaractère, et commes'ileût décalqué, le mot Orgue sur la seconde

enveloppe.» On tira le papier de son fourreau. Non-

seulement le mot Orgue était écrit dessus,

Page 78: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 78 )des crochets. c'est de la musique. de la

musique d'opéra. »

mais encore l'écriture de Maquet et celle d'A-lexis étaient presque identiques.

» Alors il me vint l'idée de lui parler du

pauvre malade, et je lui demandais'il croyaitpouvoirdistinguer à distance. Il me réponditqu'il se sentait dans son jour de lucidité, et

qu'il ferait tout ce que je lui ordonneraisde

faire.» Je lui pris la main et lui ordonnaide voir

dans la chambre de Paul.

» Alors il se tourna vers un point du salon -

etlevalesyeux cherchant à percer la muraille/— Non, il n'est plus là, dit-il, on l'a

changé de place.» C'étaitvrai, la veille onavait transporté

le malade dans une autre chambre.— Ah ! il est ici, fit-il en s'arrêtant vers le

point où Paul se trouvait réellement.— Voyez-vous?demandai-je.— Oui, je vois.— Dites ce que vousvoyez.— Un homme déjà vieux; non, je me

trompe; j'ai cru qu'il était vieux, parce qu'ilest noir, pas nègre cependant, mulâtre. Je

Page 79: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 79 )Certes, si Mlle.Virginie eût connu d'abord

l'auteur de la Juive, etc., ou que quelqu'un

verrais mieux encore si l'on me donnait deses cheveux.

» Un domestiquemonta et alla couper des

cheveux au malade.— Ah 1 dit le somnambule, on lui coupe

les cheveuxderrière la tête; les cheveuxsont

courts, noirs et crépus.» On lui apporte les cheveux.— Oh1dit-il, très-malade, le sang se porte

violemment à ses poumons, il étouffe. Oh!

c'est singulier ! [qu'a-t-il donc sur la tête ?

cela ressembleà un bourrelet.— En effet, lui dis-je, c'est une vessie

pleine de glace.— Non, répondit-il; la glace est fondue,

il n'y a plus que de l'eau. Le malade est at-

teint d'une fièvretyphoïde.— Croyez-vous que le médecin somnam-

bule, M. Victor Dumets, puisse quelquechose pour lui?

- Beaucoup plus que moi; je ne suis pasmédecin.

— Croyez-vousqu'il ne soit pas trop tard

de l'aller chercher demain?

Page 80: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 80 )eut prononcé son nom devant elle, il n'y eut

là rien de surprenant; mais il est certain

— Il est tard déjà, car le malade est en

grand danger; mais demain il vivra encore.

S'il lui arrive un malheur, ce ne sera quemardi. Mais s'il vit encore sept jours il est

sauvé.» Trois femmesassistaientà la séance.» J'emmenail'une d'elles dansune chambre

séparée du salonpar l'antichambre, et, dans

cette chambre, les portes fermées, elle écri-

vit quelques mots sur un morceau de papier,

plia le papier, et posa une main de marbre

sur le tout.» Nousrentrâmes.— Pouvez-vouslire ce que Madamevient

d'écrire? lui demandai-je.— Oui, je le crois.— Savez-vousoù est le papier sur lequel

elle a écrit?— Sur la cheminée; je le vois très-bien.— Lisez alors.» Au bout de quelques secondes:— Il y a trois mots, dit-il.— C'est vrai; mais quels sont ces trois

mots?

Page 81: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 81 )

qu'elle ne connaissaiten aucune façonle cé-

lèbre compositeur.

» Il redoublad'efforts.

— Oh ! je vois, dit-il, je vois.» Il prit un crayonet écrivit.— Impossibleà lire.» On alla chercher le papier. C'étaientbien

les trois mots qui étaient écrits dessus. Alexis

avait lu, non-seulement à distance, mais à

travers deux portes et une muraille.— Pourriez-vouslire une des lettres qui se

trouvent dans la poche de l'un ou de l'autrede ces Messieurs? demandaM. Marcillet.

— Je peux tout dansce moment-ci, je vois

très-bien.— Messieurs, une lettre?» M. Delaage tira une lettre de sa poche,

la remit à Alexis.» Il l'appuya contre le creux de son esto-

mac.— C'est d'un prêtre, dit-il.— C'est vrai.

—C'est de l'abbé Lacordaire.—Non.—At-tendez.—Non.— Maisc'est de quelqu'un quia beaucoupd'analogiedans le talent aveclui.

— Ah! c'est de M. l'abbé Lammenais-

Page 82: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 82 )»AM. HalévysuccédaM. Hugo,quiadressa

à la somnambulela même question: «Quelles

— Oui.— Voulez-vousque je vous enlise quelque

chose?— Oui, lis-nous la première ligne.» Presque sans hésitation, Alexislut:— « J'ai reçu, mon très-cher ami. »» On ouvrit la lettre, elle était de M. de

Lammenais,et la première ligne était exacte-ment ce qu'Alexisvenait de transcrire.

— Un autre, demanda le somnambule.» Esquiros tira de sa poche un papier plié

en quatre.-C'est la même écriture que Vautre, dit

Alexis: Ah1 c'est singulier; il y a unmot quin'est pas de la mêmemain. Tiens, c'est votre

signature.— Non, dit Esquiros, vous vous trom-

pez.-Ah! par exemple. Je lis Esquiros.Tenez,

tenez, et il me montrait le papier, ne lisez-vouspas là, là, Esquiros ?

—Je ne pouvais pas lire, le papier étaitfermé.

— Ouvrez le papier, lui dis-je, et voyons.

Page 83: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 83 )sont mes occupations habituelles? — Vous,Monsieur, vous écrivez, répondit Mademoi-

» Il ouvrit le papier.» Le papier contenait un laissez-passerde

M. de Lammenais,et effectivementétait con-

tre-signé Esquiros à l'un de ses angles. Es-

quiros avait oublié le contre-seing; Alexis

l'avait lu.» Commeon le voit, la lucidité était arrivée

au plus haut degré.» Maquets'approcha de lui, la mainfermée.

- Pol-ivez-vous.voir ce que j'ai dans lamain? dit-il.

- Otez vosbagues, la vue de l'or me gêne.» Maquet, sansôter sesbagues, se retourna

et passa l'objet de la main droite à la main

gauche.- Aht très-bien, dit Alexis, maintenant

je vois, c'est. une rose. très-flétrie.» Maquet venait de ramasserla rose à terre

et l'on avait marché dessus.

—Etes-vous fatigué? lui demandai-je.-Oui, répondit-il, mais si cependantvous

deviezfaire encoreune expérience, je voisàmerveille.

—Voulez-vousque j'aille prendre un objet

Page 84: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 84 )selle Virginie. Vous écrivez des chosesbien

fortes; mais il y a tant d'énergie dans votre

dans ma chambre, et que je vous l'apportedans une boîte?

- Très-bien.—Pourriez-vous voir à travers la boite ?— Je le crois.» J'allai dans ma chambre, seul. J'enfer-

mai un objet dans une boîte en carton, et je

l'apportai à Alexis.— Ah! c'est singulier, dit-il. Je vois des

lettres, mais je ne puis pas lire; l'objet vient

d'outremer; cela a la forme d'un médaillon,et cependant c'est une croix; oh! que de pier-res brillantes autour; je ne puis pas dire lenom de l'objet, je ne le connaispas, mais jepourrais le deviner.

» C'était un Nishan; ces lettres qu'Alexisne pouvaitpas lire, c'était la signature du beyde Tunis.

» L'objet, commeon le voit, venait biend'outremer. Il avait la formed'un médaillon,et cependant c'était une croix ou une dé-

coration, ce qui est à-peu-près synonyme.» Après cette dernière expérience, Alexis

était fatigué: on le réveilla.

Page 85: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 85 )

3*

pensée que cela doit être. Attendez, je vous

prie, je vois chez vous une grande armoire,

très-ancienne, en boisnoir, dans laquelle vous

serrez desmanuscrits,des notes, etc.» Voyez-vous, reprit le poète, ce qu'il y a sur la portede cette armoire? Oui, ce sont des dessins.

M. Hugo déclara que cela était exact, et

céda saplace à M. Théophile Gauthier. Aprèscelui-ci vintM. Rogerde Beauvoir,puis M.de

Saint-Georges, puis M. Paul Lacroix, puis,enfin, les dames qu'avaient enhardies les ex-

périences relatives aux Messieurs. Mlle.Vir-

ginie fut extrêmement remarquable dans tous

ses aperçus. Je ne sais ce qu'elle révéla tout

bas à M. de Saint-Georgeset à M. Paul La-

croix successivement; mais ces Messieurs

nous dirent qu'ils étaient émerveillés.

» Voilàce qui s'est passé aujourd'hui chezmoi. C'est ma réponse à toutes les questionsqu'on peut me faire sur Balsamo.Je n'en con-

rihispas de meilleure.Alexandre DUMAS.

» Ont signé avec moi, commeassistant à la

séance et attestant la vérité de tout ce que jeviensdedire, MM. A. MAQCET,A. ESQUIROS,

BARRTE,etc. »

Page 86: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 86 )Cette curieuse séance vint renforcer les

convictionsqui s'étaientforméesde la luciditéde ma somnambule,dans l'esprit deplusieurs

personnes présentesà une première soirée de

ce genre, une vingtainede jours auparavant,dans les mêmes salons.Il y eut alors des faits

si satisfaisants, que je ne puis résister au dé-

sir de vous en citer quelques-uns :

Alexislut, à travers un matelas de papier,le mot Àrmance, écrit par Mme.la comtessed'Ash.- Le somnambule dit aussitôt qu'ily avait quelqu'un dans le salonà qui ce nom

s'appliquait; alors il toucha successivementla main de chacune des dames qui l'entou-

raient, et désigna celle dont le petit nom esten effetArmance. Il fit encore bien des jolieschoses; mais il y est trop habitué pour quej'en cite davantage.

MI". Virginie fut mise en rapport avec lamaîtresse de la maison, à qui elle fit le por-trait de son mari, officiersupérieur, qui setrouvait alors loin de Paris; elle dit qu'il ar-riverait tel jour, et nous avons su depuis quecette prévision était juste. On apporta alorssur les genouxde la somnambule plusieurspetits portraits encadrés qu'on posa sur la

face, de façonqu'elle n'en pût voirque le dosdes cadres, et on lui demanda si parmi eux

Page 87: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 87 )se trouvait celui du personnage dont elle ve-nait deparler. -Oui, réponditMlle.Virginie,je le vois; maisle costume dont il était vêtu

quand on l'a peint était biendifférentde celui

qu'il pcrte actuellement. Tenez, voici son

portrait;- et elle releva précisément le petittableau représentant M. le vicomtede Saint-

Mars.

Après cela, on lui demandaquelles étaient

les occupationsd'un Monsieur qui lui pré-senta sa main à toucher. —Il écrit, il com-

pose, dit la somnambule; mais il n'écrit pasavecune plume, il se sert presque toujoursd'un crayonà dessiner.— M. de Saint-Geor-

ges (c'était lui que touchait la somnambule)déclara qu'il se servait habituellement d'un

crayonde dessinateurpour écrire ses piècesde théàtre. - Enfin, Mlle.Virginie, tenantencore la main de M. de Saint-Georges, luifit l'exacte description de son cabinet de

travail, désigna les meubles qui s'y trou-

vent, indiqua la place respective de chacun

d'eux, dit la couleur et la nature de l'étoffe

qui les couvre, et prit elle-mêmela pose ha-

bituelle de ce Monsieur, lorsque, s'appuyantsur son bureau, il songe à une composition.

-Monsieur, me demandala duchesse, est-il vrai, comme quelques personnes l'affir-

Page 88: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 88 )

ment, que le magnétiseur exerce sur celui

qu'il a soumis à son action magnétique un

pouvoir tellement absolu que le sujet doivenécessairement lui obéir, être son esclave

obligé?—Non, Madame,le sujet n'est soumisà la

volonté de son magnétiseur que d'une ma-

nière relative, mais non absolue. Ainsi, lors-

que le sujet est d'abord consentant, il luiobéit comme un automateobéit à celui quimet en jeu le mécanisme dont il est pourvu;

-

mais lorsque le magnétiseurexige de lui desactes contraires à ses vues, il peut résister etlutter commeil le ferait dans son état normal.Le sujet mis en somnambulismepar une per-sonne quelconque est, je vous l'assure, loinde perdre son libre-arbitre, il a même, très-

certainement, quand il le veut, une énergiedont il serait incapabledans sonétat ordinairede veille.

Cependant, il en est des rapports qui peu-vent s'établir par le Magnétisme, commede tous ceux qui s'établissent dans les au-tres conditions de la vie sociale : Le ma-

gnétiseur peut exercer sur son sujet une in-fluenceplus oumoinsgrande, commele peutfaire le médecin sur sonmalade, le profes-seur sur son élève, l'avocat sur son client, le

Page 89: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 89 )magistrat sur son justiciable, le prêtre surson pénitent.

Pour moi, j'ai à cet égard des convictions

profondes,baséessur les observationsqu'unelongueexpérience m'a mis à même de faire.Je puis affirmer, en outre, que si le magné-tiseur a parfoisune certaine influencesur ce

sujet, celui-ci peut, à son tour, influencerson magnétiseur.

Je pourraisvousciter bien des exemplesdel'influence exercée par les sujets sur leursdirecteurs. En voiciun, connude tout Paris,et dont vous-même, Madame, connaissezles

personnages:

LE PRINCEGRÉGOIREDESTOURDZAETMmeLA

COMTESSED'ÂSH.

En 1844, j'avaispour discipleM. le princeGrégoirede Stourdza, filsdu prince régnantdeMoldavie.Ce jeune homme, dehaute sta-ture , fortement constitué, douéd'une grande

énergie, et très-apte aux études philosophi-ques, suivaitavec une assiduité, rare de la

part de ses égaux, et les séancesparticulièresdans lesquelles j'exposais et développais madoctrine du Magnétisme, et les séances pu-bliques où je produisaisle somnambulisme,

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( 90 )

pour me livrer a des expériencesde nature à

convaincremes spectateurs de la réalité de

certains effets incessamment contes!és parquelques prétendus savants, qui ne veulent

point admettre ce qu'ils n'ont pas vu, et quine veulent point voir ce qu'ils ont intérêt à

repousser.J'avais alors plusieurs somnambules à ma

disposition.Le jeune prince, déjà imbu des préceptes

de la philosophieallemande, aimait à exami-ner les divers é'ats de mes différents sujets,et, il est juste de le dire, personne mieux

que lui ne savait apprécier à leur valeur leseffets qui se produisaientdans telles ou tellesconditions. Soumis volontiers aux principesque j'avais l'honneurde lui enseigner, il n'exi-

geait des somnambules que ce qu'ils pou-vaient offrir, chacun selon son degré de luci-

dité, et sa capacité plus ou moins étendue,

plus oumoinsspéciale. Loin de courir curieu-sement à la recherche des faits les plus ex-

traordinaires, il attendait avec patience qu'ilsse présentassent à lui. Il semblait mêmeavoirune sorte de prédilection pour les phénomè-nes qu'on obtient le plus communément.

Dansles essaispratiques auxquels le princese livrait quotidiennement sous mes yeux,

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( 91 )je le voyaisavec bonheur obtenir facilementles effetsque j'avais prévus, annoncés d'a-

vance, sur la simpleinspection phrénologiquedes individus qui se présentaient comme su-

jets d'expérimentation. C'est dans ces essaisnoviciauxque le prince produisit le somnam-

bulisme, d'abord sur l'un de mes domesti-

ques, jeune homme de vingt-trois ans, quifut fréquemment l'objet de nos études.

François (tel est le nom de ce domestique),semontraitextrêmementaffectible. Peu d'ins-tants suffirent, d>s la première séance, pourle plonger dans le sommeil magnétique le

plus complet, et pour déterminer chez lui lacrise de somnambulismelucide. Toutefois, lalucidité de cet homme se trouva assez res-

treinte, et ne sortit presque jamais d'une spé-cialitépour laquelle l'individu nousparut être

né; car, beaucoup plus instruit que ne lesont les valets, en général, il s'était cependantattaché à cette condition, par une vocationsans doute irrésistible. Aussi sa spécialité de

visionle portait-elle à connaître tout ce quiétait relatif à sonemploi, à pénétrer les inten-tions et à scruter les actions de ses pareilsdont il faisait souvent une critique assez mé-

chante. A la vérité, ce n'était pas seulement

dans l'éht de somnambulismeque François

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( 92 )se montrait peu charitable, et cet état n'était

pour lui qu'un moyend'investigation, servantselon son caractère les petites passionsaux-

quelles il se laissaitaller. Ainsi, quoique l'of-ficefût située assez loin de mon cabinet, où

nous le magnétisionsordinairement, il voyait,dans ses accès, tout ce qu'y faisait ma cuisi-

nière; et, quand la pauvre fille commettaitla

moindre peccadille, il me la dénonçait sans

pitié, jouissantde la peine qu'il supposait de-voir en revenir à sa co-servante.

Un jour que le prince m'avaitfait l'honneur

d'accepter à déjeuner chez moi, François,

magnétisé plus tôt que de coutume, s'écria

tout-à-coup, dans son somnambulisme: Ah !mon Dieu! mon couvert n'est pas dressé! Etle voilà qui se lève spontanément, marchevers la salle à manger, arrange sa table, yplace la vaisselle, les cristaux, le couvert en-

fin, de la manière la plus complète, la plussymétrique; tout cela, sans casser, sansheurter la moindre chose, et avecune dexté-

rité dont je pense qu'il eût été incapablepen-dant son état de veille. A peine fût-il revenuavec nous dans mon cabinet, qu'il nous dit:Je n'avais pas besoinde tant me hâter, la cui-sinière vient de laisser brûler un mets qu'illui faut remplacer, et vousne déjeunerezpas

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( 93 )aussitôt que cela devait être. Le prince, vou-

lant vérifier le fait, alla à la cuisine, et futconvaincuqueFrançoisne s'était pointtrompé.Maiscomme il s'était aperçu déjà plusieursfois des motifs qui dirigeaient la conduite de

François, il voulut le punir de son peu debienveillance. Etant donc revenu près du

somnambule, il l'excita d'abord un instant à

parler dans le sens des pensées dont il le sa-vait animé, puis, tout-à-coup, il frappa de

paralysie l'appareil qui servait si malicieuse-ment le somnambuleenvieux.

Rien n'est plus curieux à examiner, pourl'observateur philosophe, que ce singulierétat de paralysie, produit momentanémentsur une partie déterminée de l'organisme oumême sur toute l'économie animale. Certains

sujets sont, à la vérité, inaccessibles à cette

crise; d'autres, après l'avoir subie, peuvent,par une opposition mentale, s'y soustraire

plus ou moins complètement; mais François,encore tout nouvellement somnambule, y fut

pris tout aussi fort que le voulut son magné-tiseur.

L'état dans lequel François venait d'êtremis le contrariait visiblement. Jamais mimi-

que ne fut plus expressiveque celle qu'il em-

ploya pendant le temps qu'il convint à son

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( 94 )

magnétiseur de le tenir sous le joug qu'il lui

avait imposé. C'étaient des gestes de suppli-cation, de repentir, depromesses, de regrets,

d'espérance, de désolation, signifianttour-à-tour les sentiments divers dont il voulait per-suader le prince. Qui a vu Mme.Yolnys

(Léontinc Fay) dans Yelva ou l'OrphelineRusse, ne peut encore se faire une idée com-

plète des ressources immenses que sait trou-ver un somnambulesaisi de mutité, pour ob-tenir ce qu'il désire de ceux qui l'environ-nent.

Quand le prince eut jugé que la leçon était

suffisante, il réprimanda oralement le som-

nambule, et lui rendit l'usage de la parole.Celui-ci alors, renouvela de la voix ce qu'ilavaitdit du geste ; et, depuislors, il se mon-tra plus charitable, même durant son état deveille.

Une telle observation, observationqui s'est

offerte des milliers de fois aux magnétiseurs

praticiens, ne devrait-elle pas être prise en

considérationde la part de nos grands philan-thropes, de nos moralistesdévoués? Ne vau-drait-il pas mieux, dans l'intérêt de la so-ciété tout entière, recourir au Magnétismecommemoyend'éducation, pour modifierles

penchants mauvaisde certains individus, sur

Page 95: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 95 )le crâne desquels Gall nous a appris à lire le»

facultés et les instincts; ne vaudrait-il pasmieux cela, dis-je, que de laisser grandirchez les jeunes gens, chez les enfants sur-

tout, les passions les plus funestes, les pluspernicieuses?. Mais il y a sur ce point tantde choses à dire, que si je les exposaisà pré-

sent, cela m'éloignerait trop de mon sujet.

François fut encore magnétisé plusieursfois par le prince, qui devint en peu de

temps aussi bon praticien qu'il était devenufort théoricien. C'est après ses études sur

François, que le prince eut occasionde ma-

gnétiser, sans mon assistance, dent il n'avait

plus besoin, une jeune personne qui, m'a-t-il dit, lui a fourni toutes les preuves désira-

bles en faveur de ma doctrine. Cette jeunepersonne, appartenant à une famille distin-

guée, dont le nom est célèbre dans les fastesde notre histoire (Mlle. Latour-d'Auvergne,âgée alors de onze à douze ans), ne voulut

point montrer publiquement lès rares facultés

que le Magnétismeavait réveillées en elle.

C'est là, selon moi, une des chosesles plus

déplorables pour la scien e, que ce préjugésingulier dont les honnêtes gens subissent

l'influence, plutôt que de se rendre utiles àleurs semblables en mettant au grand jour

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( 96 )les preuves d'une vérité dont ils souhaitent

pourtant le crédit.

Quoiquele prince eût alors acquis un de-

gré d'instruction suffisant pour pouvoir se

passer de mes soinsdésormais, il n'en conti-nua pas moinsde suivre quotidiennement, etma cliniquemédico-magnétique, et les étu-des de somnambulismeauxquelles je me li-

vrais, soit dans l'intérêt de mes malades, soit

pour ma propre satisfaction. Le prince ne selassaitpoint de voir magnétisermes sujets. Ilse montrait joyeux toutes les fois qu'un ma-lade entrant à mon traitement voulaitbien se

laissermagnétiser par lui, et il était au com-ble du bonheur quand il parvenait à soulagerle patient dont il avait obtenu la confiance.

Danscetemps-là, je recevaistrès-fréquem-ment la visitede Mme.la comtessed'Ash (vi-comtessede Saint-Mars), qui, pour s'éclairersur des questionsque je ne doispoint révé-

ler, avait souventrecours aux lumières som-

nambuliques de l'une de mes somnambulesdont les conseilslui furent toujoursutiles.

Unjour, que j'avais réuni un petit nombrede personnesdans mon salon, pour observer

quelques faits curieux, Mme. la comtesse

d'Ash et le prince Grégoire de Stourdza liè-

rent conversation. Mes expériences termi-

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( 97 )

3**

nées, le prince me témoigna le désir qu'ilavaitde magnétiser la dame avec qui il venaitde causer, et dont il ignorait encore le nom,que je lui appris. Un instant après, Mme.la

comtessevint me demander de la magnétiser,et de faire en sorte de la rendre somnambule.J'étais fatigué, je ne voulais point refuser la

comtesse, je souhaitais d'être agréable au

prince, je proposaidonc à l'aimable dame dese laisser magnétiser par mon disciple. Elleaccéda sans peine à ma demande, et immé-

diatement la magnétisationcommença.Je réclame de vous, Madame, pour ce qui

va suivre, toute l'attention dont vous êtes ca-

pable. Il y a, du fait principal qui sera établi

tout-à-l'heure, une conséquence si positiveà

tirer, à l'appui de ce que j'ai avancéà l'oc-

casiondes influences réciproques du magné-tiseur et du magnétisé, que je crois de la plushaute importancede vous en faire faire la re-

marque. Je vousprie aussi de me rendre la

justice de croire que j'ai gàrdé, sur toutel'histoire de M. le prince de Stourdza et de

Mme.la vicomtessede Saint-Mars, la plus sé-vère discrétion, tant que cette histoire n'a

pas été éventée; mais aujourd'hui, que tousles journaux en ont publié la majeure partie,je ne crois pas déroger à la sainteté de ma

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( 98 )

profession en produisant au grand jour le5

événements curieux auxquels la magnétisa-tion de la noble dame a donné naissance.Bien loin donc de regarder commeune fautede conduite de ma part la narration qui va

suivre, je crois qu'il est de mon devoir autant

que de mon droit d'exposeret de publier telle

qu'elle est cette petite histoire si remarquablepour notre époque, nos mœurs et notre lcgis"lation. Ce sera, à mon avis, un nouveau ser-vice que j'aurai rendu à la science que je dé"

fends, et à la vérité que j'aime.Le prince magnétisa donc Mme.de Saint-

Mars et la mit en somnambulisme.Dès quecette crise fut arrivée à un certain degré de

développement, la comtessenous débita des

vers charmants, faisant allusion à l'état nou-veau dans lequel elle se trouvait. Ces verS,sortis de la bouche gracieuseet spirituelle

de

la comtesse, et que je regrette de n'avoir paS

recueillis, nous essayâmesde les lui rappe"

1er, en partie du moins, une fois qu'ellefut

rendue à l'état de veille. Elle nous affii'1^3ne les point connaître, ne les avoir jamaiSlus ni composés. Nous conclûmes de cette

assertion que, comme tant d'autres sOO"

nambules, la comtesse avait eu un sublifl16moment d'inspiration dans lequel elle avait

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(99)Improviséce que nous venions d'entendre.

Quelques autres magnétisations suivirent

Quotidiennementcette première séance. Le

Prince, en chevalier galant, ne tarda pas àQffrirà la comtessede l'aller magnétiser chez

elle, afin de lui éviter la peine de se rendre

chaquejour chez moi. La comtessene se fitPas prier, elle accepta sans façon. Je dois

lnèrne dire ici que ses mines charmantes

avaientdû enhardir le prince dans sa de-

mande.A dater de ce temps, les visites du

Princeà la comtesse ne furent point négli-

ges ; bientôt le magnétiseur et la sonlnam-bUleéprouvèrent l'un pour l'autre une telle

syiïipathiequ'ils passaient ensembleles joursEntierssans s'apercevoirde la durée des heu-

res, sans que l'ennui vînt jamais oppressereurpoitrine.I-emonde qui, dans ses suppositionsmal-

llantes ,court toujours plus vite que les

alts,exerça sa critique sur le comteduprinceetde la comtesse.On dit que leur liaisonétait

ills qu'amicale; et, comme cela arrive tou-

jpursdans de telles conditions, les amis de

t411,d'une part, les parents de l'autre, d'au-

trePart, cherchèrent à rompre le lien, quel

'1 fût, dont le princeet la comtesseéprou-vent la douceur. Les bons amis, les bons

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( 100 )

parents, à qui l'on résistait, recoururent, se-

lon l'usage, à tous ces louablespetits moyensde lettres anonymespeu flatteuses, de confi-dencesuniverselles, de révélationspeu bien-

veillantes; enfin, on alla jusqu'à faire écrireau prince régnant pour l'informerde la pré-tendue conduite de son fils; et rien ne fut

négligé pour faire savoir à M. le vicomtede

Saint-Mars les faiblesses supposées de safemme.

Quant à la comtesse, qu'une longue expé-rience des hommes et des femmes surtoutavait appris à estimer la sociétéà sa juste va-

leur, elle s'inquiétapeu des propos de l'en-

vie, elle traita le mondeen sage philosophe,et n'eut pour lui que le dédain et le méprisdont sont seulement dignes les gens qui se

plaisent à médire d'autrui.Pour le prince, trop jeune encore pour se-

couer spontanémentle joug des sotspréjugés,il se laissa bientôt aller à un chagrin qu'iln'avait pas prévu. Néanmoins,il lui fallutpeude temps pour revenir à son état normal; et,aidé des conseilsd'un hommeen qui il avait

sagement placé sa confiance, il ne se laissa

pas vaincre par les tracasseries qu'on avaitvoulu lui susciter.

L'opposition,je l'ai dit bien des fois, est,

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( 101 )pour certaines natures, un stimulant infailli-ble. Le prince et la comtesseont confirméla

justesse de cette formule. L'un et l'autre per-sistèrent à se voir d'autant plus intimement

qu'ils rencontraient plus d'obstacles,et peut-être ces obstacles mêmes les portèrent-ils à

justifier une partie des suppositions que lemonde avait faitesà leur égard.

Tel est souventle caprice du destin que lesâmes pures et chastes, attirées irrésistible-ment l'une vers l'autre par une sympathietout harmonique, se trouvant satisfaites de

goûter ensemble les joies nobles et saintesdubonheur spirituel, sans songer aucunement àdes rapports sensuels dont rien encore n'aéveillé les désirs; que ces âmes, dis-je, abais-

sées vers les choses de la terre par les mé-

chants propos d'un monde infernal, oublient

leur dignité, en s'abandonnant k des plaisirsmatériels dontles suites sont quelquefoisbien

pénibles, bien malheureuses.Ce qui se passa pendant plusieursmois en-

tre le prince et la comtesse, Dieu le sait !.

Quant à moi, j'ai toujours eu pour principede respecter le boudoiret l'alcôve, et j'espèrebftn agir toute ma vie avec la même réserve.

Un an environ après le jour où le princeavait magnétisé pour la première fois Mme,la

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( 102 )comtessed'Ash, il fut rappelé par son père, 1et ce rappel fut une sorte de disgrâce à la-

quelle, du reste, il s'était attendu. Une sépa-ration fut la conséquenceforcée de l'acte sou-

verain parti de Moldavie; mais cette sépara-tion n'eut lieu qu'après les promessesles plus

vives, les protestations les plus formelles, les

sermentsles plussolennels: leprinces'engageaà donner son nom avec sa main à sa chère

comtesse, celle-ci promit de l'aller rejoindreau pays des Boyards.

Le prince parti, la comtesse se retira à la

campagne, en attendant que les circonstan-

ces, devenues plus favorables, permissent à

son futur épouxde l'appeler près de lui. C'estdans les quelques mois de retraite qu'ellepassa dans l'attente, qu'elle écrivit ses der-niers ouvrages. Cependant elle recevait du

prince de fréquentes nouvelles; et commerien au monde ne donne plus de couragepour supporter les ennuis auquel on est en

proie, que l'espérance d'un meilleur avenir,la comtesseattendait avec résignation l'appelde son amant. Le prince se réhabilita dans

l'esprit de son père, lui fit part de ses des-

seins, et obtint, à force de persévérance,une

permission de mariage pour deux ans plus

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( 103 )tard. Le prince régnant faisait observer à son

fils que, trop jeune encore pous se marier, illui serait plus convenable de laisser s'écoulerdeux années avant de former une union ma-

trimoniale, que de s'unir drs-à-présent à unefemme étrangère, sur les mérites de qui ildevait réfléchir.

Il est probable que par cette concessionap-parente au vœu de son fils, le prince régnantn'avait d'autre but que de se ménager le

temps nécessaire, selon lui, pour effacerdela pensée du prince Grégoire jusqu'au souve-nir de la comtessed'Ash. Si peu de gens, en

effet, ont une longue persistance dans leurs

desseinsque, le plus ordinairement, le tempsamène chez eux l'indifférenceet l'oubli. Tou-

tefois, il y a des êtres organisés si différem-

ment de ceux-là, que plus le temps marche,plus leur pensée prend un caractère profond.L'objet de cette pensée spéciale devient celuide leurs songes de tous les jours, de toutesles heures; leur sommeil même en est cons-

tamment rempli, et ils emportent outre-

tombe l'espérance de se réunir à l'idole qu'ilsn'ont pu cesser d'adorer.

Le prince Grégoire, impatient de revoir la

comtesse, imaginaun moyen pour se réunir

plus promptement à elle. Il lui écrivit de se

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( 104 )rendre en Allemagne,où il se trouveraità son

arrivée,et illui fit connaîtreque là, un minis-tre de sa confessionet de son choix, à lui,consacreraitleur union, selon les usagesde la

Moldavie.La comtesse, mariée à un officier supé-

rieur de l'armée française, lequel est encoreen activitéde service, éprouva, dit-on, quel-que appréhensionà l'approchedu momentoùune dispositionnouvelleallait se déciderpourson avenir. Néanmoins, son amour pour le

prince, pour son cher Rodolphe, commeellel'avait surnommé, l'emporta aisément sur lesconsidérationsridiculesdont tant d'existencessont brisées; elle suivit la voix de son cœur,et après avoir mis ordre à ses affaires, elle

quitta la France pour peut-être n'y jamaisrentrer.

Aujourd'hui, l'ex-comtesse s'appelle prin-cesse de Stourdza, et se trouve heureuse,

quoique bigame, au milieu d'un pays où les

lois, différentesde cellesqui nous régissent,ne condamnentpoint à un esclavageindisso-luble la grande dame qui ne sympathiseplusavec le mari que des circonstances, souvent

bizarres, ont rendu en quelque sorte l'arbitrede son sort.

Depuisson nouveau mariage, la princesse

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( 105 )

Grégoire de Stourdzaa écrit à un de sesamis

une lettre publiée par les journaux de la ca-

pitale, et dont voici la reproduction:

« Perimi, le lundi 12 Mai.

» Ceciest un billet de faire part, mon cher» comte; vousvoudrezbien le recevoircomme

»tel d'une ancienne amie, et j'espère qu'il»vous fera plaisir. Le romana eu sondénoue-

» ment prévu: je suisaussiheureuse quepos-»sible; j'ai un magnifique avenir, un mari»dont le seul défaut est d'être trop beau et

»trop jeune; tout cela me semble un rêve.»J'ai changé ma vie d'isolement et de cha-

»grin contre unbonheur véritable; mesamis

le comprendront, et seront les premiers à» m'en féliciter. Le prince régnant n'a pas» encore pardonné à son filsce mariagequ'il»avait remis à deux ans, touten y ayant con-»senti néanmoins. Nous sommes exilés de» Jassy, de la cour, dans cette terre où nous

a nous trouvonsà merveille. Un autre jour,» je vousconterai ce pays, ses mœurs et san vie étrange; aujourd'hui cette lettre est

» presque officielle et de cérémonie.Le seul

» nuage à notre bonheur, c'est la colère de» S. A. S. Nous serions, le prince et moi,» profondémentaffligés si nous n'avions pas

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( 106 )» l'espoir de l'apaiser un jour. La mère du

» prince est excellentepour moi; elle est déjà» venue nous voir deux fois depuis dix jours» que nous sommes mariés. J'ai trouvé aussi» une grande sympathie dans la sociétéet la» noblesse de Moldavie. Tout cela me fait» espérer que mon beau-père nous accordera» enfin son pardon que nous désirons si vi-» vement.

» Princesse G. STOURDZA.»

Depuis la publication de cette lettre, les

journaux ont annoncé que le prince régnant,ayant réuni les prêtres grecs en conseil sou-

verain, avait obtenu d'eux la cassation du ma-

riage contracté sans son approbation.Voyez, à présent, Madame, la conséquence

à tirer de la chaîne des événements que jeviens de vousmettre sous les yeux.

Maisdemandezà la plupart des gens pour-, quoi ils s'élèvent avec force contre la science

magnétologiquc,dont ils ne savent seulement

pas l'ABCD? Ils vousrépondront, les oagotssurtout, que le Magnétisme est l'œuvre du

démon, que les magnétiseurs sont les suppôtsde Satan, et que toute femme qui consent à

se laissermagnétiser est perdue corps et âme.

La femme magnétisée, vous diront-ils, est

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( 107 )absolument soumiseà la volonté de son ma-

gnétiseur, à ce point qu'elle obéit irrésisti-blement à ses moindres désirs. Tout magné-tiseur étant animé de l'esprit du diable, les

pensées les plus obscènes germent incessam-ment danssa tète, et le moins immoralde ses

actes, c'est la séduction dont il rend victimela femme imprudente qui s'est confiée à lui.

Certes, ajoutent-ils, mieux vaut laisser mou-rir impitoyablement sa femme, sa sœur, sa

fille, que de chercher pour elles, en cas de

maladie, des secours dans le Magnétisme.Et bien! je l'ai crié tout haut, de telles sup-

positionssont aussi absurdesqu'elles sont ca-

lomnieuses.Si l'on a vu des personnes magné-tisées céder à des soi-disant magnétiseurs,c'est qu'elles y eussent consenti volontiers,sans aucune influence magnétique, propre-ment dite. Non, ce n'est point la magnétisa-tion qui fait naître des désirs sensuels, quiexciteles passions,qui subjugue les volontés.

Ceuxqui élèvent de telles prétentions n'ont

point étudié le Magnétisme, ou, s'ils l'ont

étudié, ils sont loin de le comprendre. La

Soumissiondumagnétiséau magnétiseur n'est,je le répète, que relative, elle n'est point ab-

solue. Le magnétisé conserveson libre-arbi-

tre, suffisammentdu moins, peur s'opposer

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( 108 )fermementà l'accomplissementdes actes nui-

sibles à sa santé, contraires à ses penséesfà sa volonté. Je n'entends pas dire qu'unesomnambulene cédera jamais aux instan-ces de son magnétiseur, loin de là; mais

je soutiens que sa condescendancen'est pasdue à l'état dans lequel il se trouve. L'in-

dividu dont l'esprit est stimulé par une pas-sion vive, trouve dans son imaginationdes

ressources d'éloquence, des moyens de per-suation tout-à-fait indépendants de la science

magnétologique.De tous temps, entouslieux,dans toutes les classes, il s'est trouvé des sé-

ducteurs, ignorantjusqu'au motMagnétisme;ces gens-là sont en aussi grand nombre au-

jourd'hui qu'autrefois, et, tant que la terre

tournera, ils seront dans la même propor-tion.

L'histoire de M. le prince Grégoire de

Stourdza et de Mme.la comtessed'Ash a cor-roboré les preuves que j'avais acquisesdéjàdu peu de fondementde cette prétention:

« Le magnétisé est l'esclaveabsolu du ma-

gnétiseur» ; car, selon moi, c'est là tout le

contraire qui est arrivé.

Quipourraitcroire, eneffet, queleprincedeStourdza, jeune, beau, instruit, riche, com-blé d'honneurs,entrantà peinedansle monde,

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( 109 )

A

ait séduit la comtessed'Ash, qui, ayant pres-que le doublede son âge, vivant dans les sa-lons de Paris, au milieu de toutes les fourbe-ries de la société, écrivanthabituellementdesromans très-hardis, et se trouvant dans desconditionsde fortune peu en rapport avec larichessedu prince, avaitbien plus à recevoir

qu'à donner?. Ce n'est pas vous, n'est-ce

pas , Madame. ni moinon plus!Si donc il était soutenable de prétendre

qu'un magnétiseur oblige son magnétisé àsubir le joug de sa volontéquelle qu'elle fût,il ne le seraitpas moins d'affirmerque le ma-

gnétisécommandeen maître absoluà sonpro-pre magnétiseur.Maiscommelasecondepro-positiondétruirait logiquementla première, ilfaut s'en tenir à la sage raison, et demeurer

"convaincuque la sciencemagnétologiqueelle-même n'est pour rien dans tout cela, pasplusqu'un dîner, une partie de campagne,un

spectacle, une soirée où se rencontrent, se

parlent et seplaisentréciproquementdes per-sonnes de sexe différent.

Madamela Duchesse,satisfaitede la séance,me pria de lui envoyerle soir même tous mes

ouvrages sur le Magnétisme,afin de complé-ter son instruction dans une scienceaussi at-

trayante qu'elle est utile.

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OBSERVATIONS

ET FAITS DIVERS.

Le nommé Pierre Gaubri fut conduit prèsde moi à La Rochelle, à l'époque où j'y fai-

sais un cours de Magnétisme. Cet homme,âgé de quarante-cinq ans environ, et d'uneconstitution robuste, était depuis plus de

deux ans frappé de paralysie de tout le côté

droit. Il faisait une belle journée d'été; je me

promenais dans le jardin de la maison quej'habitais avec quelques-uns de mes élèves

les plus désireux de s'instruire. Je fis entrerle malade dans la salle du cours, et là, enmoins d'une heure et demie, j'opérai la gué-rison de ce pauvre homme, qui, voyant qu'ilpouvait marcher sans gêne et mouvoir aisé-

menttousses membres, demeuraitébahi cha-

que fois que je le regardais.

Mme.B., du département de la Charente,veuved'un officierdont les mœurs avaientété

très-rclàchécs, s'était soumise, depuisquinze

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( 112 )à seize ans, à tous les traitements que ses di-

vers médecins avaient jugé à propos de lui

prescrire pour la délivrer d'une maladie af-

freuse que son mari lui avait communiquée.Elle avait souvent éprouvé du soulagement;mais la guérison tant désirée et si souventes-

pérée n'arrivait point. Elle vint me confiersa

position et me prier de la traiter à mon tour.J'eus le bonheur de la guérir radicalement,en deux mois, sans autre moyen que le Ma-

gnétisme et l'eau magnétisée administrée en

abondance, soit en lotions, soit en bains, soit

en irrigations, soit en lavements, soit en bois-

son. J'ai revu cette dame deux ans après

avoir cessé toutes magnétisations: elle était

d'une fraîcheur et d'un embonpoint extrêmes,et elle m'assuraqu'elle n'avait plusrien aperçude sa maladie, depuis que je l'avais quittée.-Cette dame ne fut jamais somnambule.

Une pauvre femme appelée MargueriteBrun, frappée de cécité depuis deux ans,

par suite d'une amaurosc, me fut présentéepar un de mes élèves. En moinsde dix minu-tes je la mis en somnambulisme.Dès sa pre-mière séance, elle vit très-bien commentj'é-tais vêtu, mais cette vision là n'était point

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( 113 )due à une amélioration notable du sens de la

vue, car une fois rendue à l'état de veille elle

n'y voyait pas mieuxqu'avant la séance. Unmoisde traitement lui a rendu l'usagede l'or-

gane dont elle était privée. L'eau magnétiséeet le Magnétisme direct furent les seuls

moyensemployés.

M. Bénèche, d'Angoulême, était affecté

depuis dix ans d'une névralgie frontale, quilui rendait l'existence insupportable.Fatigué,lassé par les remèdes de la médecine ordi-

naire, il vint me prier de le guérir. Quarante

jours ont suffi pour le délivrer entièrementde sa maladie, sans autre secours que l'eau

magnétiséeet le Magnétisme.

Mlle. ***, affectée d'une chlorose depuisplus de trois ans, ayant perdu l'espoir de

guérir par les remèdes connus dont elle avaitfait déjà un usage immodéré, me fut présen-tée par une personne amie du Magnétisme.Dès la première séance, j'obtins le somnam-bulisme ; la malade se prescrivit seulement

de

l'eau magnétisée pour boisson; des pédi-luves d'eau magnétisée, et le Magnétismeà

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( 114 )

grands courants. Un mois et demi m'a suffi

pour lui rendre la santé et la fraîcheur.

M. Simoncau, de la Rochefoucault, atteintd'un rhumatismeà l'épaule droite, contre le-

quel tous les moyens employéspendant dix-

huit mois avaient complétement échoué, fut

magnétisé par moi pendant quinze jours de

suite. Lesmagnétisationset l'applicationcons-tante d'un morceau de flanelle magnétiséechaque jour, l'ont guéri radicalement.

M. le docteur C., en proie aux souffran-ces d'une orchite chronique, me manda prèsde lui à Bordeaux, et me pria d'essayer de le

soulager. Il était au lit excessivementaffaissé

par la douleur.

Après la première magnétisationque je di-

rigeai principalementvers l'épididyme, il putse lever et marcher; au bout de huit jours,

quoique non radicalement guéri, il put entre-

prendre, dans le courrier, le voyage de Bor-

deauxà Paris, où des affaires d'une haute iIJl"

portance exigeaient sa présence.

M. Eugène Garrau, âgé de vingt-trois anS,

frappé d'unehémoptysie qui désolait sa fa"

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( 115 )

^ule, désira être magnétisé par moi. Huit

Joursde traitement ont suffipour le guérir.

Mlle.Berthet, âgée de vingt-six ans, at-

teinte d'une aménorrhée depuis plus de huit

mois,voulut recourir au Magnétisme.Je lui

rendisla santé en trois séances.

Le 30 Janvier 1839, M. Justin Cénac, âgédevingt-sixà vingt-huit ans, fils d'un haut

Magistratdu département du Gers, me fit ap-Pelerprès de lui à l'hôtel Béchère, rue des

A-rts,à Toulouse, où il était descendu. Je le

Couvaiau lit extrêmement frappé de l'état

Maladifdans lequel il était alors. Je l'exami-nai et reconnus qu'il était atteint d'une car-

dialgie; la face du malade était profondément

altérée,sa voix, faible et chevrotante; il avaitlafièvre.Je lui demandais'il éprouvaitde fré-

quentsmauxde tête? Oui, me dit-il, surtout

lorsquej'ai des palpitations; de plus, quoi-qUej'aie appétit, je digère si péniblement lePeud'aliments que je prends, que je n'ose

I^esquerien manger. Il y a cinq ans que j'aietéatteint de tous les maux qui m'accablent,et je vais toujours souffrantde plus en plus

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( 116 )

cependant je n'ai rien négligé pour me gué-rir. Je me suis soumisaux médecinsde mon

pays, à quelques-uns des plus réputés de

Toulouseet à deux des premiers deParis, au-

cun n'a pu me proeurer même un soulage-ment appréciable.

Pendant que le malade parlait, je conti-

nuais tacitement mon examen; et commejem'assurai bien que le système nerveux était

principalement affecté, je lui donnai l'espoirque je le guérirais, s'il se soumettaitau Ma-

gnétisme. Il l'accepta, et je commençaile

traitement dès le lendemain.

Douzemagnétisationsont suffipour guérir

ce malade; et en voicila preuve:

A M. RICARD,PROFESSEURDEMAGNÉTISME,A TOULOUSE.

« Monsieur, fidèle à la promesse que je» vous ai faite avant de quitter Toulouse, je» prends la plumeaujourd'huipourvousdon-» ner des nouvelles de ma santé et de mon» voyage.

» Je suisenvéritébien redevableau Magné-» tismeet àl'habiletéaveclaquelle vousl'avez» dirigé, puisque je jouis maintenant d'une

» santé parfaite, moi qui, il y a un mois et

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( 117 )» demià peine, étais si souffrant, si accablé1» Inquiétépar desdouleurs et des battements» de cœur depuis plus de cinq ans, batte-» ments de cœur qui, à la vérité, me don-» naient d'assez long relâches, mais qui re-» venaient toujours avec une nouvelle inten-» sité. Je ne sais pas en vérité ce que je» seraisdevenusi je m'en étais tenu aux trai-» tements desmédecinsque j'avais consultés.» Les caractères nerveux que presque tous» avaient reconnus à ma maladie, étaient» pour eux un motif de ne rien m'ordonner» pour la combattre; et s'ils essayaient par-» foisde quelque chose, c'était des antispas-» modiquesimpuissantsou des saignéesnui-» sibles. Grâce au ciel, mon heureuse étoile» m'a conduit vers vous, monsieur, et grâce»à vossoins, à votrehabileté, douzeséances» de Magnétisme, dont plusieurs très-légè-» res, ont suffipour rétablir enmoi cet équi-» libre normal si fortement ébranlé, et me» rendre une santé parfaite. Depuis quinze» jours que je suis en voyage pour exécuter» votre dernière ordonnance, je cours, je» grimpe des escaliers et des coteaux, sans» éprouver la moindre oppression.Je mange» bien, mes digestionsne me fatiguentplus;» et il ne me reste que deux chosesà dési-

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( 118 )» rer: continuation de santé pour moi, et

» confiance au Magnétisme pour ceux qui» restent encore incrédules !

» Recevez, etc.

» Signé: Justin CÉNÁC.

» Toulon, le 11Mars 1839. »

Le 10 Juin suivant, je reçus de M. Justin

Cénac une lettre qui m'annonçait son ma-

riage.

Le 26 Mai 1839, commeje sortais de chez

moi, un domestique me remit le billet ci-

après:

« M. le docteur ***prie M. Ricard de ve-

» nir au plus tôt chez Mme.la marquise de» P***.il l'obligera. »

J'accouruschez cette dame, que je trou-vai dans un état alarmant; elle était prise de

convulsionset setordait danslespluspoignan-tes angoisses; sa raison l'abandonnait parmoments, il y avaitdélire. Je priai alors les

personnes qui l'entouraient de s'éloigner dela malade et d'observerun silencereligieux.Je magnétisaipendant une heure; et au bout

de ce temps, Madamela marquise fut calme,

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( 119 )

reprit l'usage de sa raison et de ses sens, eteut assezde force pour me remercier.

Mme.G., atteinte d'une pleurodynie, mefit appeler le 6 Juillet 1839, pour me prierde la soulager d'une douleur de côté accom-

pagnée de toux et de difficulté de respirer.Je magnétisai cette maladedix minutes envi-

ron, et elle se trouva parfaitement bien. De-

puis, rien de semblable àce qu'elle éprou-vait alors ne s'est manifesté chez elle.

M. l'abbé Pérès du Pinin, prêtre habituéde l'église du Taur, à Toulouse, me fut pré-senté le 4 Mai 1839, sous les auspices deM. le docteur ***

, qui avaitjugé incurable lamaladie dont était frappé cet ecclésiastique;car il est de principe que l'épilepsie invé-térée et habituelle ne peut se guérir. Or,M. l'abbé Pérès était atteint du mal caducde-

puis quatorzeans et avaithabituellement plu-sieurs attaques par jour. Il fallait donc, pour

opérer sa guérison, l'emploide moyensautres

que ceux adoptéspar la médecine ordinaire.Je magnétisaiM. l'abbé Pérès pour la pre-

mière fois, le 5 Mai, à une distance de qua-

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( 120 )tre à cinq pieds; à peine eus-je fait quelquespasses qu'il entra dans une crise d'où je ne leretirai qu'une demi-heure après. Le lende-main et les jours suivants, j'agis de la même

manière, et j'obtins constammentles mêmes

résultats, à quelques légères modifications

près. Le 11 Mai, trois médecins distinguésde cette ville se rendirent chez moi à l'heureoù je magnétisaisordinairementM. l'abbé, etme témoignèrent le désir d'assister à cetteséance. Cesmessieurs se placèrent à un boutde la salle, et moi je me mis à l'autre bout endevoir d'opérer; tous les effets que j'avaisproduits dans les séances précédentes, je les

reproduisis successivementdanscette séance,et à ma volonté.Cesmessieursconvinrentquela spontanéité avec laquelle je faisaispasserd'un extrême à l'autre ce malade, qu'ils con-naissaient avant moi et bien mieux que moi,ne leur laissait aucun doute sur ma puissance

magnétiqueet sur ma bonne foi. Alors, pourrenforcer encore leur conviction, et aussi

dans l'intérêt du malade, je plongeaice der-

nier dans une syncope profonde, d'où je le

retirai à volonté et si subitement que ces

messieurs furent saisis d'épouvante. J'avais

lancé vers le patient une colonne de fluide

magnétique qui lui avait occasionnéune se'

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( 121 )

4*

cousseélectrique, à l'instant de laquelle il selevaet seprit à courir par la chambrecommeun furieux, cherchant à battre et à mordre.Je l'arrêtai aussitôtpar une forte passe faite à

distance, qui le jetta contre terre sans mou-vement. Cette séance, dont je ne puis donnertous les détails, dura près de cinq heures.Les médecinsqui y assistaient affirmeraientau besoinque tout ce que je rapporte ici n'est

que bien au-dessousde la réalité.Je continuai à magnétiser chaque jour

M. l'abbé Pérès, jusqu'au 23 du même moisde Mai, époque à laquelle il se trouva radi-

calement guéri, mais en convalescence.De-

puis ce jour, le malade a été de mieux en

mieux, et n'a plus eu la moindreatteinte. Au

surplus, je suis autorisé à publier les lettres

qu'il m'a écrites, et que je conservesoigneu-sement :

PREUIÈRE LETTRE.

A M. RICARD,PROFESSEURDEMAGNÉTISME,A TOULOUSE.

« Monsieur, vous ne devez pas être peu» surpris de mon silence; mais j'espère que» vous le serez moins quand je vous aurai» fait connaître le pourquoi.Depuis la mi-

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( 122 )» Juin que je reçus votre lettre du 11 du

» même mois, en réponse à la mienne, j'au-»rais eu l'honneur de vous écrire, je vous» aurais même adressé mes lentilles dépour-» vues depuis plus d'un mois de tout fluide

» magnétique bienfaisant; mais je comptais,»de semaine en semaine, faire le voyagede» Toulouse, pour y accompagner une per-» sonne qui me l'avait demandé avec prière;»voilà, Monsieur, l'unique cause du retard

» que j'ai mis à vous donner signe de vie.

» Cependant je dois avouer que si mon état»l'eût exigé vous auriez eu de mes nouvel-»les avant ce jour. Oui, Monsieur,mon état»est tout-à-fait changé: je souffrais conti-

» nuellement, et je ne souffre plus; j'a-»vais tous les jours, et fort souvent plu-»sieurs foispar jour, des accès d'atonie ac-

» compagnés le plus souvent et toujours»suivis de spasmes et de contractions mus-

» culaires, et je n'en ai plus éprouvédepuis» que je me suis soumis à votre salutaire

» traitement; des crises nerveuses et de ca-

» talepsie, alors que je m'y attendais le

» moins, me traitaient commeleur proie, et

»elles n'ont plus d'empire sur moi; ces di-» verses crises (et c'est ce qui me faisait le

a plus de peine en revenant à moi) étaient

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( 123 )» suiviesd'accèsd'idiotisme(je croisquec'est» le mot propre), état dans lequel je par-» lais et j'agissais comme un imbécile;et,» n'éprouvantplus decrises, je ne passeplus,» par conséquent, par un état aussi déplora-» ble. Je n'ai plus ni suffocations, ni op-» pressions de poitrine, ni palpitations de» cœur, les fonctions digestives qui se fai-» saient fort mal se font bien. En un mot, et» je serais injuste si je ne l'avouaispas, il y» a de mon état présent à mon état passé une» différenceaussi grandeque celle qui existe» entre une nuit obscureet un beau jour. Ce-» pendant je ne puis encore m'appliquer au» travail; toutefois, je ne m'en étonne pas,» après avoirtant et silong-tempssouffert. Je» ne souffrede rien, je puismanger etmepro-» mener, moiquisouffraistant, qui ne pouvais» presquerienmanger, qui étaissiincommodé» du peu de nourriture que je prenais, et qui» avais bien souvent de la peine à passer de» ma chambre dans celle de ma mère.

» Dans le but d'abréger le temps de ma» convalescence, j'ai le projet d'aller passer» quelques jours à Toulouse aussitôt que je» le pourrai. Il me semble que quelques» nouvellesséances, que votre bonté ne me« refusera pas, me ferontun très-grand bien.

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( 124 )» Je tiens d'un de mes confrères, apparte-

» nant au diocèse d'Auch, que le Magné-» tisme est connu parmi le haut clergé de» cette dernière ville depuis qu'un profes-» seur du séminaire (M. A. , ) s'est fait ma-» gnétiser à Paris, et que l'affectiondont il

» était atteint a disparu par le moyen du Ma-» gnétisme.

» Je voudrais vous entretenir un peu plus» longuement; mais je suis un peu fatigué et» je termine ma lettre.

» J'aurai l'honneur de vousécrire souspeu» de jours; en attendant, je vous prie d'a-» gréer l'expression de ma vive reconnais-» sance, et des autres sentiments avec les-» quels j'ai l'honneur, etc. etc.

» Signé: PÉRÈSDUPININ.

» Ce 5 Août 1839. »

DEUXIÈME LETTRE.

A M. RICARD,PROFESSEURDEMAGNÉTISME,- A TOULOUSE.

« Monsieur, ma santé se soutient, j'ai bon» appétit, je dors bien, je me promène et je» ne souffre de rien. Relativementà l'affaire

» malheureuse dont j'eus l'honneur de vous

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( 125 )» parler dernièrement, j'ai eu bien des tra-» casseries et du désagrément, et rien n'est» encore fini; cependant, je n'ai pas eu un» symptôme ni d'attaques de nerfs, ni de» spasmes, tandis que ma mère en a eu deMterribles.

» Voilà le Magnétismeéprouvé, ou plutôt» votre puissancemagnétique.Il y a sixmois,» un simple souvenir me tuait, et aujour-» d'hui un grand désagrément ne me fait» rien. Quelle puissance que la vôtre, Mon-» sieur! Vousm'avezenlevé un mal terrible» et cruel; vous avez été un ange pour moi,» c'est-à-dire un envoyé du ciel! Vous m'a-» vez délivré d'une maladie autrement diffi-» cile à guérir que la cécité de Tobie; vous» avez été assez puissant pour détruire en» moi la racine du mal!. etc.

» Je vousprie d'agréer, etc.

» Signé: PÉRÈSDUPININ.

» Le 5 Septembre 1839. »

Mais, m'objectera-t-on peut-être, vous

n'avez guéri M. l'abbé Pérès que parce quevous avez frappé son imagination, et toui le

monde sait que les affectionsnerveuses peu-

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( 126 )vent être guéries ainsi; eh bien, je consens,si l'on veut, à ce que cela soit. Je supposeque ce soit en agissant sur l'esprit que j'aieguéri le corps, et que tout autre eûtpu le

faire commemoi; mais alors, dirai-je à mon

tour, pourquoi depuis quatorze ans queM. l'abbé était atteint de cette maladie, aucun

des médecins qui l'ont traité n'a-t-il essayéde ce moyen? Outous ces messieurs sont desêtres criminels et barbares, puisque pou-vant guérir ils ne l'ont point voulu faire, outous manquaient des connaissancesnécessai-res pour le traiter convenablement; dans le

premier cas, il y aurait infamie, dans le se-cond il y aurait ignorance profonde! Voilà ce

que je pourrais dire. Cependant, il faut re-

connaître, et j'aime à le penser, que nul nese trouve ainsi placé; je crois sincèrement

que les médecins ont mis toute la bonne vo-

lonté.possible à guérir; que tous auraientvoulu opérer la guérison; mais que, malgrétout leur talent, toute leur science, ils n'ont

pu parvenir à leur but, parce que les moyensque met à leur disposition la médecine ordi-naire sont tout-à-fait impuissants pour com-battre certaines affections.Et voilà pourquoiles médecins consciencieux,qui agissentsans

prévention, se livrent aujourd'hui à la prati-

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( 127 )que du Magnétisme, pour l'employerlorsquela médecinehippocratiqueest insuffisanteoude nul effet.

Au surplus, les faits sont et seront tou-

jours des faits, que ni les sarcasmesde l'en-vie ni la mauvaise foi du scepticisme ne

pourront détruire.

LE JEUNE DAUBAS,DE ROCHEFORT.

M. Daubas, après avoir épuisé les ressour-ces de la médecine ordinaire sans pouvoirobtenirpour son fils,âgé de treizeans, la gué-rison d'une surdité complète, voulut recourir

au Magnétisme. Il me présenta son enfant,au milieud'une séancepublique, et, sur mon

avis, consentit que le jeune malade fût ma-

gnétisé sur le ehamp. Cinq minutes suffirent

pour obtenir le somnambulismeavec preuvede clairvoyance.Le sujet annonça que cinqou six magnétisationssuffiraientpour opérersa guérison; ce qui se réalisa admirable-ment.

Après quelques séances, le jeune Daubasarriva à un point extraordinaire de lucidité.Il n'était jamais sorti de Rochefort;je le con-

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( 128 )duisuismentalement à Paris: il me décrivitexactement les Tuileries, le Louvre, le Pa-

lais-Royal, la Bourse, etc. Je lui fis voir An-vers qu'il me retraça exactement; son ex-

ploration de la citadelle de cette Place fut

extrêmementminutieuse; car, après m'avoirdit qu'un fleuve en baignait les murs d'un

côté, que sur tel point se trouvait une brè-

che, sur tel autre, une autre, il me désignal'endroit où se trouvait le mortier-monstre

auquel je ne pensais pas moi-même dans lemoment. Conduit de même à la bourse decette ville, il dit qu'elle était bien différentede celle de Paris, et en donnal'exacte des-

cription. Un jour nous voulûmes essayer dele faire lire, je lui demandai s'il pourraitsupporter sans gêne l'application d'un ban-

deau. - Pourquoi un bandeau? me répon-dit-il. — Afin que personne ne supposequevous voyez comme tout le monde.— Ehbien! rien n'est plus facile à prouver: ap-pliquez-moi le livre au milieu du dos. Nousle fîmes, et il lut. — Placez-moi un écritsous le pied, sur la tête, où vousvoudrez, jele lirai. Nous essayâmes, et il lut. M. ledocteur S., médecin de la marine, encoredans le doute sur le fait de transposition du

sens de la vue oudivision malgré l'occlusion

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( 129 )des yeux, proposa une épreuve péremptoire;un billet secrètement écrit par lui, cacheté

par lui, fut placé par lui sous le pied du

magnétisé, qui lut très-couramment le con-tenu.

Un autre jour, nous voulûmes savoir s'il

comprendrait ce que nous lui dirions en

langues qui lui étaient étrangères ( nous sa-vions qu'il n'avait fait aucune étude, si cen'est d'apprendre à lire, à écrire, à compterun peu). M. S. lui parla anglais; il ré-

pondit juste à ce qu'on lui demandait, maisen français. Je lui adressai en latin, puis en

espagnol, plusieurs questions auxquelles il

répondit avec la plus grande justesse. Jele priai de me donner la traduction d'une

phrase latine que j'articulai lentement et

nettement, il me dit le sens, mais non latraduction littérale. Enfin, je lui citai un

passage de Virgile qu'il ne put traduire,parce que, me dit-il, je ne songeaispas moi-même à la significationgénérale de la phrase.Toutefois, il reconnutque c'était de la poésie,car il se récria en ces termes-: — Commentvoulez-vous que je comprenne cette musi-

que? vous la chantez sans y penser.Daubas, comme plusieurs autres de mes

somnambules, comprenait admirablement

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( 130 )l'ordre qui lui était mentalement donné, soit

par son magnétiseur, soit par les personnesqui étaient en rapport avec lui. Il n'étaitdoncpas surprenant, d'après cela, qu'il com-

prît la pensée qu'on lui manifestait par un

moyen quelconque, suffisant pour éveillerson attention et la stimuler; ainsi ce n'était

pas le mot à mot qu'il comprenait, mais l'es-

prit de la phrase.

MARGUERITE, DE NIORT.

« Le 17 Mai 1836,un des élèvesde M. Ri-card ayant conduit au cours de ce professeurune fille nommée Marguerite, cette fille aété endormieen moins d'un quart d'heure. Le

magnétiseuraétabli sur sonsujet l'insensibilitéla plus complète, aupoint que lui ayantappli-qué sousle nez un flacond'ammoniaquecon-

centré, bien reconnu tel par toutes les per-sonnes présentes, il n'en a pas éprouvé lemoindre effet.

» L'un des élèveslui a chatouilléles lèvreset les fossesnasalesavec une barbe de plume,et lui a enfoncé à plusieurs reprises dans les

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( 131 )joues la partie acérée de la plume; le sujetn'a pas fait le moindremouvement.

» Unechaiseprécipitée inopinémentet avecviolencepar l'un des élèves de cette ville, nelui a pas fait éprouver la plus légère sensa-tion.

» Chacun séparément, et tous ensemble,lui ont criéf siffléaux oreilles, sans pouvoirexciter en elle la moindre sensibilité.

» Maisle spectacle le plus curieux qui nousait été révélé durant cette première séance,c'est que le sujet qui entendait son magnéti-seur et lui répondait lors même qu'il parlaitle plus bas possible, et qui setaisait auxques-tions de tout autre, répondait instantanémentà chacun dès qu'il s'était mis en rapport avec

lui, soit en le touchant, soit en touchant sachaise ou quelque partie de son vêtement,soit même en touchant le magnétiseur ou

quelque objet qui lui appartînt.» Le 18, trois nouveauxsujets ont été con-

duits et endormis dans cette séance.» La fille Marguerite a subi sa seconde

expérience. Endormie en sept minutes, et

après avoir subi les épreuves, elle a chanté

des couplets qu'elle a dit à son réveil ne passavoir, mais qu'à la vérité savait la personneavec qui elle était en rapport magnétique.

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( 132 )» Elle s'est prise à marcher, et a conduit

sonmagnétiseurà travers une foule d'obsta-

cles, dans plusieurs chambres et greniersd'une maisonoù elle n'était jamais venue. Undes élèvesayant, improvisémentet avecforce,

jeté une chaise sur son passage, la somnam-

bule, sans avoir tressailli le moinsdu monde,l'a ôtée de devant elle. Et commel'élèves'estlui-même mis en obstacle au-devant d'elle,elle lui a fait signede la main et lui a dit dese retirer. Unemontre lui ayant été posée sur

l'épigastre, elle a dit l'heure à quelques mi-nutes près; elle a chanté.

» Le 19, à cette séance, un phénomèneexorbitant nous a plongés dans la stupéfac-tion la plus profonde.

» La fille Marguerite était endormie lors-

que M. le docteur Bonnenfant s'étant pré-senté comme investigateur, a été mis en

rapport avec elle. Cette fille, sur la demandede monsieur le docteur, a fait l'exacte des-

cription de sa maison de campagne, bien

qu'elle ne fût jamais allée dans le lieu où elleest située.

» La même fille ayant prétendu, étant ré-

veillée, n'avoir jamais dormi, et ayant de-mandé la preuve de son sommeil, M. Ricarda répondu: Retirez-vous chez vosmaîtres,

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( 133 )

4**

et dans moins d'un quart d'heure vous au-rez cette preuve.

» A peine dix minutes étaient écoulées

qu'on est venu en toute hâte chercher M. Ri-card pour réveiller cette fille, qui avait été

endormie par la seule volonté de son magné-tiseur.

» Étaient présents à cette expérienced'ho-

norables personnes étrangères au cours, et

notamment M. Vauguyon, agent de change.» Le 23, la nommée Marguerite a décrit

plusieurs localités éloignéeset qui lui étaienttout-à-fait inconnues. Elle a indiqué à un

maître de fabrique la quantité d'ouvriers qu'il

y employait.» Le 26, elle a désigné au docteur Asse-

gond les malades qu'il avait visités dans la

matinée, en spécifiantle genre d'affectionde

chacun; puis, s'interrompant, elle a dit à

monsieur le docteur: Vous-mêmevous souf-frez de l'estomac, et vous éprouvez un mor-

laise général. — C'est vrai dit M. le doc-

teur. -

» Une lettre lui ayant été présentée parM. R***, avocat, elle lui a dit: Cette lettre

a été adressée à vous, et vient de Poitiers.

(Marguerite ne sait pas lire.) »

(Extrait du Mémorial de l'Ouest).

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( ïU )

LE JEUNE VICTOR, DE PARIS.

« Le hasard m'a conduit cet enfant dont

l'affectibilité magnétique a surpris tant de

personnes de haute intelligence. On sait que

je me procure des sujets avec assez de faci-

lité, parce que j'agis sans façon sur tousceux

qui se présentent. Un de mes élèvesm'amena,un soir, quelques gamins du boulevard. J'en

magnétisai quatre ensemble, je les endormistous les quatre. L'un d'eux, le jeune Victor,entra en somnambulismeimmédiatement, et

commeil m'annonça qu'il était malade, je le

séparai de la chaîneet ne m'attachaiplus qu'àlui seul, laissant les autres magnétisés auxmains de mes aides.

» Lorsque j'eus calmé quelques mouve-ments convulsifs qui s'étaient manifestés, jedemandaià cet enfant quelleétait samaladie?— Dites mes maladies, me répondit-il; car

j'en ai deux:» 1°. Je pisse au lit toutes les nuits sans

m'en apercevoir, et même le jour il m'arrivesouventde sentir s'échapper mon urine sans

que je puisse la retenir;2°. J'ai très-fréquemment des attaques de

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( 135 )nerfs qui me jettent par terre sans connais-

sance, qui me tordent les membres et le

corps, me font écumer la bouche et me lais-sent ensuite commeun imbécile.

» — Puis-je vousguérir?» — Oui. Si vous voulez me magnétiser

pendant cinq jours, je pourrai me retenir de

pisser. Cette maudite urine ne s'en ira plusmalgré moi. Si vous me magnétisezpendantun mois, je serai radicalement guéri de mesdeux maladies.

» Quatre jours plus tard, Victor me dit,

dans son somnambulisme,que si je lui faisais

boire coup sur couptrois verres d'eau magné-tisée, il serait guéri de son incontinence d'u-

rine; et qu'en continuant l'usage du même

moyen, il serait promptement guéri de sonaffectionnerveuse principale; car, ajouta-t-il, ces deux maladies sont dues à la mêmecause.

» Je lui donnai les trois verres d'eau ma-

gnétisée)qu'il avala avec une avidité sans

égale.» Dansla suite, il eut des crises nerveuses

cataleptiformes pendantsonétat magnétique;mais il devint si impressionnabledans l'in-

tervalle

de ses crises, que monintentionétait

admirablementsentie par lui. Je lui dçman-

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( 136 )dai s'il ne lui serait pas nuisible de parlerlong-temps: —Non, me dit-il, je puis mêmechanter si vous le voulez.Je lui proposaialorsde ne chanter quesur mon ordre mental et de

cesser de chanter sur un ordre pareil. Il medit qu'il le ferait. Et en effet, vingt fois au

moinsnous avons éprouvéque dès que je lui

commandaisvolontairementde chanter, il semettait à le faire, s'arrêtait dès que je le vou-

lais, et reprenait son morceau où il l'avait

laissé, dès que je lui ordonnais, toujoursmentalement, de continuer.

» Cet enfant était un des sujets les plus af-fectiblesque j'aie rencontré. Cent personnesm'ont vu exercer sur lui dans l'état de veilleles mêmes influences que dans l'état magné-tique; et elles étaient senties avec plus d'in-tensité peut-être. Ainsi, je le plaçais la facecontre la muraille, je me tenais à trois pasderrière lui éveillé, une tierce-personne medonnait le signalconvenupour que je le fisse

chanter, je prenais la volontéque cela s'exé-cutàt et il m'obéissaitimmédiatement.Quandsur un autre signal je voulais qu'il s'arrêtât,il obéissait encore, et si rapidement, quetoute idéede compéragetombaitauxyeuxdes

plus sceptiques.» M. le docteurFrapart, connupoursone1-

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( 137 )trème méfianceet son tact observateur, a ététémoin et acteur dans plusieurs des expé-riences que j'ai faites avec cet enfant, et ilest demeuré bien convaincude la réalité deseffetsmagnétiquesque je viens de mention-ner.

» La guérisontotale de cet enfant, que j'aiperdu de vue, ne m'a pas été suffisammentdémontréepour que j'avance qu'elle a eu lieucommeil l'avait annoncé, bien que tout me

porte à croire qu'elle a dû s'effectuer.» Ce somnambuleest aussi un de ceuxqui

ont cherché à me tromperen feignantle som-meil magnétique. Heureusement que depuisbien des années je me tiens constammenten

garde contre la supercheriedes sujets, et que

je ne me suis pas laissé prendre à la feinte.

Je lui ai même donnéune sévère leçon pourle corriger de sa fourberie; j'ignore si elle a

porté ses fruits. »

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mmi

SUR LE SOMNAMBULE

CALIXTE RENAUD.

CalixteRenaud fut magnétisé, pour la pre-mière fois, dans un cours public, en pré-sence de plus de quarante personnes consi-dérables de la ville de Niort. L'opérationfutun peu longue, en raisonde la grande irrita-

bilité du sujet, qui n'arriva au somnambu-lismequ'uneheure environaprès le commen-cement des passes magnétiquesdirigées vers

lui, d'une distance de quatre à cinq pas.Dès que le somnambulismese fut mani-

festé, il fallut agir avec beaucoupde ména-

gements, car Calixteétait tellement affectible

que, lorsque le maitre avait la moindredis-

traction, il était pris de convulsionsviolen-tes. Si quelqu'un des assistants passait, parinadvertance, près de lui, magnétisé, des

spasmesarrivaientincontinent, puis une sorte

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( 140 )de catalepsies'établissait dans les membres,et il fallait beaucoup de soinspour détruireceseffets.

Unefois que le calme fut bien établi chezle somnambule,on chercha à éprouversa lu-

cidité, et à provoquer divers phénomènes. Il

sembla, alors, que l'on n'avait qu'à souhaiterles effets les plus surprenants, pour que lesfacultésnouvellesdu crisiaquese développas-sent soudainement au plus haut point, et,chose rare, il offrit,dès cettepremièreséance,ce que l'on ne rencontre d'ordinaire que chezles sujets anciens.

Je vaisrapporter seulement quelques-unesdes plus intéressantes séances données soit à

Niort, soit à Angoulême, soit dans les autresvillesoù j'ai séjourné avec ce jeune homme.

I.

Calixteayant été magnétisé, une carte luifut appliquée sur la cavité du cœur, et il

nomma, sans hésiter, l'as de trèfle. On lui

tamponna les yeux que l'on recouvrit d'un

épais bandeau, et il fit, avec des cartes neu-

ves, contre les plus sceptiques, plusieurs

parties d'écarté, sans commettre la moindre

erreur. Si sonadversaireannonçait,en jouant,

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( 141 )une carte autre que cellequ'il lançait, le som-nambule était contrarié, se plaignait de lamauvaise foi, et ajoutait ordinairement:

Pourquoi voulez-vousme tromper? j'y voismieux que vous; et, pour preuve, il vousreste en main, telle, telle et telle cartes. -

Un des joueurs, défiant à l'extrême, ayantsoulevé le bandeau du magnétisé pour se con-

vaincre qu'aucun rayon lumineux ne pût ar-

river à l'organe de la vue, reçut de la part du

somnambuleune violente apostrophe en ter-mes fort peu ménagés, et dut à l'expériencesuivantesa conversionau Magnétisme.

Vous croyezdonc que j'y puis voir par les

yeux? lui dit le somnambule; vousêtes donc,vous, assezaveugle pour ne pas comprendre

que mes paupières étant compriméespar des

tamponset un bandeau qui me gênent horri-

blement, il m'est impossible de rien aperce-voir par mon sens ordinaire? Eh bien! pas-sez dans la pièce voisine, collez-contre la

muraille, avecun pain à cacheter blanc, unecarte de votre choix, et voussaurezbientôt si

je la reconnaîtrai ou non. Cela fut fait, et Ca-lixte nomma, sans long-temps chercher, leroi de carreau; ce qui était exact.

On alla chercher douze morceaux de ru-bans de diversescouleursou nuances, on les

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( 142 )remit au sujet, qui les distingua de la ma-

nière la plus précise.Une montre à savonnette, dont on avait

préalablement dérangé les aiguilles, lui fut

appliquéesur la cavitédu cœur, et il indiquajustement l'heure que marquait cette montre.

II.

Un personnage de distinction fut mis en

rapport avec Calixte, magnétisé; il y eutentr'eux ce singulier dialogue provoqué parM. ***:

- Pourquoimonépousene peut-elledeve-

nir mère?— Par la mêmeraison que vousne pouvez

devenir père.— Croyez-vousdonc que si nous sommes

privés d'enfants, c'est qu'il ya incapacité de

part et d'autre?— Je n'ai pas dit cela; j'ai dit qu'il y avait

une cause opposante; mais je n'ai pas pré-tendu que vous fussiez essentiellementinca-

pable.— Quevoulez-vousdonc dire? je ne vous

comprendspas bien?— Je veux dire que vous et madamevotre

épousevousviveztrop mollementl'un et l'au-

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( 143 )tre, et que si vous meniez une vie moins en

rapport avec votre fortune, vousne seriezpasprivés d'enfants.

— Pensez-vousque nous pourrions encoreen espérer?

— Sans doute; pourquoi pas? si vousvou-lez faire ce que je vais vous indiquer, jevous prometsun beau garçon avant un an. ,

- Eh bien! nous suivronsvos indications;

je vous le promets; parlez.— Alors, voici ce qu'il vous faut faire:Pendant un mois, une promenade à pied,

d'unelieue environ,chaquematin;prendreunenourriture grossièrecomme celle de vos fer-miers ; boire commeeux de la piquette au lieude vosvins délicats; chaque soir, une prome-naded'une demi-lieueaumoins; point de bals,point de spectacles, point de dîners excel-

lents; coucher sur un lit composésimplementd'une paillasse et d'un matelas, et dépourvude rideaux; vouscouvrir tout juste assezpourn'avoir pas froid; enfin, vous faire magnéti-ser tous les deux ensemble, trois fois, à neuf

jours d'intervalle, une heure avant de vous

coucher. Voilà tout.

Dix mois environ après cette s ance, la

chronique annonçait comme un ;;';;'>•• >;f

remarquable la naissance d'un entai.

Page 144: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 144 )

masculin, que venait de mettre au jour Ma-dame***.

III.

Calixte, misdans l'état extatique, se fait de

vives et graves réprimandes sur la légèretéde sa conduite habituelle. Il se parle comme

s'il s'adressait à un autre, et discourt avec un

ton, une facilité dignes d'un moraliste delaSorbonne.

Ramenéau simple somnambulisme,Calixteobéit aux ordres que lui donne mentalement

sonmagnétiseur. Celui-ci,entre autres choses

bienconvaincantes,lui commande,tacitement,

d'aprèsl'invitationquelui en fait un tiers, d'al-ler prendre surune table un verre plein d'eau,

qui s'y trouve, et de le porter sur un briquetphosphorique, en forme d'étui, qu'on a dé-

posé, ainsi que plusieurs autres objets, surla cheminée. Alors, marchant au pas de

course, le magnétisé va prendre le verre, le

porte et le pose vivement sur le briquet, où il

reste collé, au grand étonnement des témoins

qui, ayant voulu, après, faire la même chose,ne purent jamais trouver l'équilibre parfait,

M. S., avocat, voulut ensuite être mis en

rapport avec le somnambule, et lui faire ex-

plorer sa maison:

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( US )

5

- Voulez-vousvoirma maison, et me direcommentest disposéle rez-de-chaussée?

— Je le veux bien. J'y suis. J'entre parune porte à deux battants dans un large cor-ridor: je voisdeux portes à droite, deux por-tes à gauche, un grand escalier, au fond, un

peu à gauche) et près de l'escalier, à droite,une petite porte qui donnesur la cour.

— Eh bien! montez au premier étage, etentrez dans la première chambre à gauche.

— J'y suis. C'est votre cabinet. J'y vois

partout des livres et des papiers. - Je vaisfaire le tour de cette pièce, en partant par la

droite, et vous indiquer ce qu'il y a. Allons,suivez-moi. Ici, près de la porte, votre bi-

bliothèque, qui tient tout ce côté; là, quatrechaises; là, la cheminée, sur laquelle setrouve une pendule en bronze; il y a aussideux flambeaux, un livre ouvert, quelquespapiers: plus loin, une table à écrire; là, enface de la bibliothèque, deux fenêtres; il n'ya rien qu'un fauteuil entre les deux. Les gar-nitures des fenêtres sont en soiebleue, et lesrideaux en blanc avec des broderies; là, enfacede la cheminée, quatre fauteuils.Au mi-lieude la chambre,une grande table en formede bureau, garnie d'un tapis en drap vertorné de franges jaunes; il n'y a dessus que

Page 146: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 146 )des papiers, une écritoire et. et une boîte

dont le dessus est peint et représente un

paysage.— Tout ce que vous venez de dire est par-

faitement exact, excepté un point; c'est le

dernier que vous avez annoncé. Il n'y a pasde boîte sur ma table de travail.

— Il n'y a pas de boîte, dites-vous? vous

vous trompez; je suis certain que la boîte estlà ; je la vois bien encore. Tenez, regardezdonc, à la place où vous écrivez, là. Vousne

la voyez pas? C'est étonnant, elle est pour-tans assezgrande.

— Je vous assure, mon ami, que c'est vous

qui êtes dans l'erreur, et non pas moi; mais

en voilà bien assez; d'ailleurs je suis contentde vous, je vous remercie.

Le somnambule paraissait fort contrarié,relativement à la boîte; et puis il était fati-

gué; le magnétiseur l'éveilla et l'envoya res-

pirer en plein air.

Alors plusieurs personnes demandèrenten-core à M. S. s'il était bien assuré qu'il n'yeût pas de boîte sur sa table; il affirma de

nouveau qu'il n'y avait rien de pareil, et

ajouta: —J'ai bien une boîte conformeà la

descripton qu'a donnée le somnambule decelle qu'il a prétendu voir; mais elle est dans

Page 147: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 1*7 )on meuble de ma chambre à coucher, d'un

elle ne sort jamais. Cet aveu que fit M. S.de la propriété d'une boîte à-peu-près sem-blable à celle indiquée par Calixte, engageale magnétiseur à prier M. S. de s'assurer,en rentrant chez lui, du fait en question.AI. S. proposa alors à plusieurs personneset au magnétiseur lui-même de l'accompa-gner chez lui, afin de vérifier l'erreur qu'a-vait commise, selon lui, le somnambule. La

proposition fut acceptée, et en entrant dansle cabinet de M. S. chacun put reconnaître

que la lucidité de Calixte n'avait point étéen défaut, mais que la mémoire de M. S.lui avait été infidèle; car la boîte était bien là,à la même place indiquée par le magnétisé.M. S., tout stupéfait, se rappela que le

matin il avait eu besoin d'ouvrir cette boîte,et que, distrait ou préoccupé, il l'avait ap-portée et laissée à cette place.

IV.

Calixte, en état de somnambulismemagné-tique, est mis en rapport avec M. le docteur

Assegond, de NiorL Il indique à cet habilemédecin les différentesaffectionsde trois ma-ladesproposés immédiatementà sonexamen,

Page 148: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 148 )et prescrit des moyens de traitement que le

docteur reconnaît devoir être convenables.Le magnétiseur donna à tenir au sujet le

bout d'un fil, qu'il déroula jusqu'à l'extré-mité d'un long corridor; et, après avoir fait

écrire, par une personne encore incrédule,

plusieurs questionsà faire, il les adressa d'une

distance d'environ vingt pas au somnambule

qui y répondit parfaitement. Cependant deux

observateurs, placés tout près du magnéti-seur, ne purent distinguer aucune parole.

V.

Calixteétait magnétisé, lorsque M. le doc-teur Clauzure, d'Angoulême, demanda à

être mis en rapport avec lui. Cela fait, ledocteur pria le somnambulede lui dire com-

ment, lui, M. Clauzure, avait employé la ma-tinée.

— Vous êtes sorti de chez vous à sept heu-

res, lui dit Calixte, vous vous êtes rendu à

la prison. Là, vous avez vu quatre hommés

malades, deux fiévreux et deux galeux; vousavezordonné des médicamentsaux premiers;vous avez saigné les derniers. Vous vous êtesrendu près d'une vieille femme à qui vous

n'avez prescrit qu'une tisanne; cette femme

Page 149: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 149 )est usée, elle ne guérira jamais; vous le pen-sez commemoi. Vousvous dirigez vers votre

maison, vous rencontrez un hommequi vousconduit près d'un malade,. hors ville,.vous entrez dans une chambre, qui n'est ni

parquetée, ni carrelée ;. vous allez au lit,

qui est près de la cheminée;. vousregardezun jeune homme de quinze à seize ans dont

le corps fait le cerceau en arrière;. il souffre

bien;. il ne peut plus respirer;. il est

perdu, ce malheureux!. Mais, non, non,vous le sauverez, voyez-vous, les nerfs se

calment, la rigidité du corpscessepeu apeu.C'est cela, bien;. continuez encore; faitesretourner le malade, magnétisezfortement lacolonnevertébrale. Bien,. le jeune hommeest sauvé! mais il faut y retourner ce soir etcontinuer pendant deux jours de le magnéti-ser, matin et soir.

— Vous croyez doncque je guérirai ce ma-lade? reprit le docteur, étonné de.la luciditédu somnambule.

— Sans doute vous êtes venu ici tout ex-

près pour en parler à M. Ricard ; vous avezété surpris des effets que vous avez produits;eh bien 1M. Ricard va vous dire commemoi

que ce jeune homme peut être guéri par le

Magnétisme.

Page 150: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 150 )—Connaissez-vouscette maladie? pour-

riez-vous m'en dire le nom?— Je n'ai jamaisvu personnedans l'état où

a été ce matin le jeune hommequi nous oc-

cupe ; vous savezque je n'ai jamais étudié la

médecine;. mais vous. et M. Ricard, vousme dites tous les deux que cela s'appelle.té,. té,. ta,. téta. nos,. tétanos, té-

tanos, oui,c'est bien cela; je me rappelleraice nom-là.

- Pensez-vous que je doive, indépendam-ment du Magnétisme, faire quelqu'autrechose? des saignées, par exemple?

— Celane nuirait point; mais c'est inutile,à présent; car je voisque vous avezpratiquéune petite opérationpour délivrer le maladed'un corps étranger qui avait piqué un nerf.

Magnétisez-le seulement; et vous réussirez.— Je suis bien fatigué. C'est assez, assez,MonsieurRicard, éveillez-moi.

VI.

Le somnambuleCalixte, dans l'état magné-tique complet, est mis en rapport avec M. ledocteur Cowsewictz, qui lui présente unemèche de cheveux:

— Voulez-vousvoir la personne qui m'aremis ces cheveux?

Page 151: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 151 )— C'est une dame,. elle a environvingt-

huit ans,. je ne la connais pas;. elle estbien malade, cette pauvre dame!. Qu'est-ce qu'elle a donc! Ahî mon Dieu1 elle est at-teinte d'une maladie secrète;. je ne peuxpas voircela; tenez, reprenez ces cheveux,.cela me fait mal.

— Je vousprie de vous assurer si cela estbien la maladieque vousindiquez.Cettedameest vertueuse, et n'a pu s'exposer.

— Allons, puisque vous le voulez!.

voyons!. Ah! la pauvre dame! je vois à pré-sent; c'est. c'est son mari qui lui a commu-

niqué cela, et il y a déjà bien long-temps,-car elle est veuve depuis près de cinq ans.

Tenez, docteur, priez cette malade de selaisser examiner par vous, et vous verrez

bien, comme je le vois actuellement, quec'est ce que je vous dis, vous aurez bien dela peine à la décider à cela; cependant, il le

faut, c'est indispensable, si vous.voulez la

guérir.Le lendemain, le docteur Cowsewictzfut

convaincuque le somnambuleavait dit vrai.

VII.

M. le docteur Clauzure, désirantvérifierce

qu'il y avait de vrai dans la vision somnam-

Page 152: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 152 )

bulique à distance, et à travers les corpsopa-ques, demande à M. Ricard de le mettre en

rapport avec Calixte, magnétisé; cela fait,

voulez-vous, dit-il au somnambule, m'ac-

compagner chezmoi?— Je le veux bien, par où passons-nous?— Par la place du Palais; nous allons jus-

qu'à l'église Saint-Pierre: y êtes-vous?- J'y suis, je voisvotre maison. Il y a une

grille en fer qui sépare la rue de votre jar-din, où il faut passer pour entrer dans la

maison,— C'est bien. Allezà l'entrée de la maison.— J'y suis. J'entre dans une espèce de

vestibule. A ma droite se trouve l'escalier; à

gauche, une porte.— C'est cela. Ouvrez cette porte et entrez.

Quelle est la destination de cette pièce?— C'est un salon de compagnie. Je ne vois

que des chaises, des fauteuils, des bergères,une table chargée de porcelaineset un meu-ble que je ne connais pas.

-Examinez ce meuble.Qu'est-ceque c'est?

- Attendez, j'y suis. C'est un piano.— Très-bien. Voyez-vous une cheminée

dans ce salon?— Oui, elle est là, à droite de la porte, en

entrant,

Page 153: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 153 )- Que voyez-voussur cette cheminée?- Deux flambeaux; deux vases garnis de

fleursnaturelles, et puis quelques autres pe-tits objets.

— Ne voyez-vouspas une pendule sur lacheminée?

- Non, non, il n'y en a pas; mais à la

place que devrait occuper la pendule, il y aune carafe.

— Est-elle vide cette carafe?— Non, il y a quelquechosededans; mais

je ne distingue pas bien ce que c'est.— Allons, tâchez de le voir, dites-le

nous.— Je ne sais,. cela me fatique. c'est.

c'est. Cela représente le tombeaude Napo-léon.

— C'est exact, je vous remercie; en voilàassez,

VIII.

Calixte, en état de somnambulisme, estmis en rapport avec M. le docteur Roussel,de Vars, près Angoulême.

— Voulez-vous, dit le docteur au magné-tisé, vous transporter chez moi?

— Je le veux bien. Quel chemin faut-ilprendre ?

Page 154: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 154 )— Allonsaufaubourg Saint-Cibard. Voyez-

vous un pont?— Oui, j'y suis.— Arrivons à l'extrémité du faubourg. Y

êtes-vous ?— M'y voilà.— Prenez la route la plus large, et alleztou-

jours sans vous détourner jusqu'à ce que vous

rencontriez un autre pont. Y êtes vous?

- J'y suis. Ah! c'est là votre pays. Je

vois votre maison à présent; faut-il y en-

trer?

- Oui, entrez et allez au salon. Y êtes-

vous?— J'y suis. Il y a deux dames: l'une d'une

quarantaine d'années, l'autre de seize à dix-huit ans tout au plus. Voulez-vous que jeleur parle?

— Oui, demandez à la plus jeune de ces

dames si elle est bien portante.— Elle me dit qu'elle est malade..Vous le

savezbien aussi, vous, puisque vous la trai-

tez. Mais, attendez donc. c'est votre dé-

moiselle, cette personne.— C'est vrai. Pouvez-voussavoirquelle est

sa maladie?— Si elle veut me le dire, certainement.

Elle me dit que c'est. je ne comprends pas

Page 155: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 155 )cela. que c'est. son âge qui la rend ma-

lade. je n'y comprendsrien.—C'est bien. Je saisce que cela veut dire.

Pensez-vousque je puissela guérir aisément,sans trop la fatiguer par des remèdes?

— Oui, vous le pouvez bien. Il faut pourcela la magnétiser tous les jours pendant.Maiselle vous dira elle-même le temps; elleentrera en somnambulismedès la premièreséance, j'en suiscertain.

— Je vous remercie. C'est tout ce que j'a-vais à vous demander.

Quelques jours après, M. Rousselnous dit

que dès le soir de son arrivée chez lui il avait

magnétisésa fille; qu'elle avait été endormieen quatre minutes, et en somnambulisme

presqu'aussitôt; il ajouta que son état s'était

déjà bien amélioréet que la guérisonparais-sait devoir être prochaine. Plus tard, il nousmanda que la santéde la jeune personneétait

parfaitement rétablie, bien qu'il n'eût em-

ployé autre chose que le Magnétismeet l'eau

magnétisée.

IX.

Madame Lacroix, sage-femme et profes-seur d'accouchementà la Pointe-à-Pître, setrouvant récemmentà Toulouse, demandeà

Page 156: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 1S6 )être mise en rapport avec Calixte, magné-tisé.

—Voulez-vous, dit cette dame au sujet,

que nous fassionsensembleun long voyage?— Je le veuxbien; où allons-nous?— A Bordeauxd'abord. Là, nous embar-

querons et nous traverserons l'Océan, pourarriver à la Pointe-à-Pître. Y êtes-vous?

— Non, pas encore. c'est bien loin.

nous approchons, car j'aperçois beaucoup debâtiments ensemble. voilà. voilàla terre.

nous sommesarrivés.— Eh bien! entrons dans la ville. Suivons

cette grande rue et allons ensemble au cime-

tière. (Mouvementpénible du somnambule.)Y êtes-vous?

- Oui, j'y suis. Ah!. j'y suis.— Commentest faite la porte?•—C'est une grille. une grille en bois.- Entrez et suivezle chemin qui est de-

vant vous. Que voyez-vous?— Je voisune maison, là-bas au bout.— Vousvous trompez, il n'y a pas de mai-

son.— Je vois une maison, pourtant.— Non, vousdis-je, c'est une église.— C'estpossible, mais à voirl'extérieur de

ce côté on croirait une maison.

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( 151 )

5*

— C'est vrai, cela ressemble à une maison.Revenezau milieu du cimetière, je vousprie,et dites-moi ce que vous remarquez.

— Je voisun arbre.— Un petit arbre, n'est-ce pas?— Au contraire, c'est un arbre très-grand.—'C'est bien. Regardezà votre gauche , et

voyezla troisième tombe. Là, y êtes-vous?— Je voisbien. c'est une tombe.— Est-ce bien celle que je veux que vous

voyiez ? ",-,-

- Oui. c'est bien la même.- Alors dites-moi, je vous prie, quelle

est la couleur du marbre qui la couvre?— Vous voulezme tromper, il n'y a pas de

marbre. MonsieurRicard, dégagez-moi.Madame Lacroix nous dit que cela était

exact.Cette séance a eu lieu chez M. Toussaint,

chef d'institution, rue du Taur, en présencede MM. Fournier, Toussaint, Romestens, etde plusieurs autres personnes.

Le journal la France Méridionale, dansson numéro du 1er. Novembre 1839, rend

compte d'une séance concernant Calixte,ainsi qu'ilsuit:

« Nous avonsassisté, mardi dernier, à une

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( 158 )séance d'expériences magnétiques, dont les

résultats ont entièrement dissipéce qu'il nousrestait encore de doute dans l'esprit sur lefait tant contesté de vision sans le secoursdes yeux.

» M. Ricard, qui s'efforceconstammentdefaire des prosélytes au Magnétisme, soit en

soumettantà l'examen des personnes compé-tentes les phénomènes surprenants du som-nambulismeet de l'extase, soit en guérissantdes malades réputés incurables, a donné,dans la séance dont nous parlons, les preu-ves les plus évidentesde sa prodigieuse puis-sancemorale et de l'admirablelucidité de sonsomnambuleCalixte. Ce dernier, dont nousne citerons aujourd'hui qu'un trait, aprèsavoir été soumis à la magnétisationdu pro-fesseur, a joué aux cartes une partie de pi-quet et une partie d'écarté, avec une pré-cisionet une rapidité effrayantes.Cependant,il avait les yeuxparfaitementclos, recouverts

par des tamponset un épais bandeau; et lescartes avaient été apportéespar un médecinencorepeu croyant, et vérifiéespar plusieurspersonnes, notammentpar un physicien quise pique de connaîtretoutes les fraudes pos-sibles en physique amusante.

» Au surplus, chacun peut voir, comme

Page 159: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 139 )nous l'avons vu, ce phénomène extraordi-

naire, et se convaincre par soi-même de lavérité que nous avançons. »

LETTRE

EXTRAITEDELAGAZETTEDESHOPITAUX.

A M. Bazile, à Courquetaine.

« Paris, 8 Juin 1840.

» Monbon ami, dans ma dernière lettre,

je vous ai dit que M. Ricard m'avait promisd'amener prochainement chez moi Calixte,son meilleur somnambule, de l'endormir de-vant les personnes que j'inviterais, et lors-

qu'il serait dans le sommeilmagnétique, dele faire jouer aux cartes les yeux bandés;

puis, s'il était bien disposé, de lui faire exé-

cuter d'autres expériences tout aussi incom-

préhensibles, tout aussimerveilleuses.» Hier donc, la séance promisepar M. Ri-

card a eu lieu en présence de soixante per,sonnes, dont toutes, excepté le docteur

Page 160: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 160 )Teste, étaient incrédules. Je vais vous ra-

conter les faits qui se sont passés dans cette

séance, et les discuter.» Calixteune fois endormi, ou paraissant

l'être, car je ne connaisaucun signe irréfra-

gable du sommeil, deux étrangers mettentsur chacun de ses yeux une poignée de co-

ton, et par-dessus un grand foulard dont les

extrémités sont ramenées vers le nez où onles noue. Ensuite, on vérifie que le bandeauest bien serré, bien mis, et qu'à son bord in-

férieur, précaution capitale, le coton formeun gros bourrelet qui sert d'obstacle infran-chissableaux rayons lumineux. Aussitôt huit

jeux d'écarté encore intacts sont offerts, on

en prend un au hasard, on déchire sonenve-

loppe et l'on commence.M. Ricard ne tou-che pas son somnambule, ne lui parle pas, etse trouve dans l'impossibilité d'apercevoir le

jeu de la personne qui va faire la partie. Leschoses ainsi disposées, tout se passe comme

entre deux joueurs habiles et parfaitementéveillés: ainsi le somnambule nomme lescartes qu'il tient et celles que joue son ad-

versaire; de plus, lorsqu'il doit battre les

cartes, il retourne celles qui sont à l'envers,enfin il indiqueassez fréquemment, du moinson croit le remarquer, des cartes que sonad"

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( 161 )versairen'a point encore jetées sur la table.

» Tel est le fait. Il s'est renouvelé avectrois personnes dont chacune a joué deux

parties, de sorte qu'une centaine de cartesont passé devant Calixte, qui les a souventnommées et toujours vues, puisqu'il jouaittoujours ce qu'il fallaitjouer.

» J'arrive à une autre série d'expériences,celle de l'obéissanceà l'ordre mental. Commeil y a soixantepersonnes à convaincre, ou aumoins à ébranler, j'ai préparé une centainede petits cartonssur chacun desquelsest écritun ordre analogue aux suivants: Tourner latête. à droite, à gauche; la baisser, larenverser. Lever la jambe. droite, gau-che,. une, deux, trois ou quatre fois.Marcher. de un à dix pas,. en avant, en

arrière, obliquement. Se mettre sur le ge-nou. droit, gauche ; sur un pied. Poser tellemain à terre,. tel doigt. Mettre la main surtelle partie du magnétiseur,. sur la tète, la

poitrine, le dos, etc. Aller prendre sur tel

meuble le chapeau, les gants ou la montre

du magnétiseur. Faire le tour d'une chaise,monter dessus, en descendre, s'en laisser

tomber. Se pencher en avant, en arrière, sur

tel côté. Se réveiller de loin sans que le ma-

gnétiseur fasseaucun mouvement;. se ren-

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( 162 )dormir de la même manière. Parmi quinze

pièces de cuivre, d'argent ou d'or, distinguercelle qui a été magnétisée, etc. etc. Bref, surces cent cartons, il y a peut-être plus de

quatre cents mouvementsindiqués.» Voicimaintenant ce qui a lieu:» Messieurs, dit M. Ricard, nous allons

essayer de faire exécuter à Calixte, sans au-cune apparence de communication, les mou-vements que vous me signalerez; dès que la

carte sur laquelle les mouvementsà exécuter

m'aura été remise, je ne lui parlerai plus etne bougerai plus. - «Calixte, dit-il en se

plaçant devant son somnambulequi est assis,

je vais t'ordonner quelque chose, écoute-moi

bien, et fais ce que je t'ordonnerai. » En ce

moment, M. L. prend un des cartons et leremet à M. Ricard, qui, après l'avoir lu,abaisseles bras, regarde Calixte et reste im-mobile. Au bout de quelques minutes d'at-

tente, « Je ne sais que faire, » dit le som-nambule , et la première expérience est man-quée. Une seconde, une troisième manquentégalement.

» — Messieurs, dis-je alors, les faitsnéga-tifs. quelque nombreux qu'ils soient, ne peu-vent infirmer les faits positifs; ainsi, toutesles expériences que M. Ricard va tenter

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( 163 )échoueraient-elles, la vision, malgré l'occlu-sion des yeux au moyend'un épais bandeau,ne vous en resterait pas moins prouvée.Du

reste, nous sommespeut-être trop nombreux,et je ne serais pas surpris que la clairvoyancedu somnambulefut épuiséepour aujourd'hui;cependant nous allons continuer. En consé-

quence, une quatrièmeexpérience, puis une

cinquième sont tentées; elles réussissent,mais seulement en partie, car on est obligéd'aider un peu le somnambule. On arrive àune sixième que je vais tâcher de décrire,parce que son succès a été complet; la voici:

» Calixte, les yeuxbandés, s'asseoitla facetournée contre la muraille; à dixpas derrièrelui sont M. Ricard et M. Teste, et à vingt setrouve un orgue de Barbarie. On se tait, lebruit de l'orgue commence,et enmêmetempsCalixtebat la mesure; mais au bout de quel-ques minutes, immédiatementaprès un signede la main que M. Teste fait à M. Ricard, le

somnambule cesse de marquer la mesure,

quoique le magnétiseur ne dise rien et que le

bruit de l'orgue continue.» Telle est la sixième expérience. Enfin,

je vais vous raconter la dernière, qui, elle

aussi, a été couronnéed'un plein succès.» Aussitôtque l'attention du somnambule

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( 164 )

est, pour ainsi dire, assujétie par le magnéti-seur, M. L. remet à celui-ci l'une des cent

petites cartes dont j'ai parlé; alors Calixte,

toujours les yeux bandés, se lève, avance de

quelquespas vers sonmagnétiseur, s'arrêteun

instant, repart, s'arrête de nouveau, monte

sur une chaise, y piétine un peu, met dé-

finitivement les talons sur l'un des coins,

applique ses bras le long du corps, se roi-dit de partout, s'incline en arrière, et tombetout d'une pièce dans les bras de M. Ricard

qui était venu se placer à temps derrière lui.» On nous livre le carton, il contient la

phrase suivante: « Faire monter le somnam-

bule sur une chaise, puis le faire tomber dansles bras de son magnétiseur, en arrière. »

» Voilà, mon ami, notre séance; la plusbelle et la plus complète peut-être qui jamaisait eu lieu à Paris. J'en ai remercié M. Ri-

card, comme d'un service qu'il m'a rendu.

Que pourrais-je sans des faits de cette sorte?et !e temps me manque pour en produire! ,

» Actuellementje vais peser la valeur des

expériences que je viens de décrire; je les

désignerai par: celle des cartes, celle de la

musique, celle de la chaise.» Et d'abord posonsdes principes: Quand

on observe de visu, pour la première fois, un

Page 165: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 165 )fait nié par tous, et inaccessible à l'intelli-

gence de tous, il faut se dire:» Cefait qui meparaît incontestable, est le

résultat, ou d'une jonglerie que je n'aperçoispas, ou d'un hasard que je ne comprendspas,ou d'une faculté que je ne connais pas. Puis,il faut examinerle fait sous ces trois pointsdevue successifs, et n'arriver au dernier que parl'exclusion des deux autres. Faisons passernos expériences par cette filirre.

» Première expérience, celle des cartes :» 4°. Cette expérience est-elle le résultat

d'une jonglerie?» En toute chose, on est rarement certain

archi-certain, de n'avoir pas été choisipour

dupe. Cependant lorsque le fait est facile à

vérifier, commele nôtre, et qu'en outre on a

pris toutes les précautions qu'inspire la mé-fiance la plus expérimentée, on peut croires'être mis à l'abri de la fraude.

» Or, sommes-noustoujours restés sur nos

gardes et avons-noustout scruté, tout palpé-,tout analysé? Ainsi, par exemple, le ban-

deau avait-il quelque fissure imperceptible?Non, car il était composé de deux poignéesde coton cardé et d'un foulard que des in-

crédules fort experts ont appliqué.» Le bandeau était-il appliqué de telle

Page 166: 0548 Ricard Vade Mecum Du Magnétiseur

( 166 )sorte que le somnambule pût voir par-des-sous? Non, car outre le coton placé sur les

yeux avec le foulard, onen avaitintroduitparen bas sous le bandeau, de manière que le

coton formaitun bourrelet.» Les cartes étaient-ellespréparées? Non,

car toutes les enveloppes des jeux offraientencore le cachet de la régie.

» Le somnambule ne reconnaissait-il pasles cartes en les touchant? Non, car il nom-mait cellesde son adversaire sans les toucher.

» Le magnétiseur n'avait-il pas un moyende communicationavec son somnambulepourlui donner connaissancedes cartes? Non, car

le magnétiseur ne parlait pas, ne bougeait

pas, ne touchait pas Calixte, et ne regardaitpas les cartes.

» Enfin quelqu'un ne pouvait-il pas, parquoi que ce soit, indiquer à Calixteson pro-pre jeu et celui de son adversaire? Non, car

chacun restait silencieux dans une attente quin'était pas sans inquiétude, mais à laquellesuccédait bientôt l'étonnemcnt et l'admira-tion.

» Donc, soit du côté du bandeau, soit ducôté des cartes, soit du côté du somnambule,soit du côté du magnétiseur, soit du côté des

assistants, soit du côté de l'adversaire lui-

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( 161 )même, nous sommes aussi certains qu'mipeut l'être de ne pas avoirété trompés.

» 2°. Cette expérience est-elle le résultatdu hasard?

» Pour résoudre cette question, il faut au-

paravant rechercher quellesconditionsun faitdoit remplir afin que l'intelligence ne puissel'attribuer au hasard.

» Unfait doit ou peut être attribué au ha-sard quand il y aégalité entre les chances deson affirmationet de sanégation, commeen-tre pair et impair. Mais à mesure que cette

égalité diminue, c'est-à-direàmesure que l'af-

firmationse répète sans interruption, la partde ce qu'on nommele hasard diminue égale-ment; et, à la fin, il arrive une borne à la-

quelle l'esprit s'arrête pour dire: non, lehasard ne va pas jusque-là.

» Ceci posé, je puis dire: parmi les faitsde la nature de ceux qui nous occupent, il ya tel fait qui ne prouve rien, et qui partantest probablement l'effet du hasard, parce

que les chances de son affirmation et de sa

négation sont égales. Il y a tel fait qui prouvebeaucoup, et qui partant n'est probablement

pas l'effet du hasard, parce que les chancesde son affirmationet de sanégation sont très-

inégales. Enfin, il y a tel fait qui prouve in-

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( 168 )Uniment, et qui partant n'est certainement

pas l'effet du hasard, parce que Leschancesde son affirmationet de sa négation sont im-

mensément inégales.» Je vais développer ma pensée par trois

suppositions.» Première espèce de faits. -— Si, par

exemple, un somnambuleprétendait pouvoirdeviner le sexe d'un enfant contenu encoredans le sein de sa mère, pour croire que cefait n'est pas le résultat du hasard, je vou-drais le constater trente fois de suite; car il

n'y a ici, pour chaque expérience prise iso-

lément, qu'un contre un à parier que le som-nambule se trompera; mais sur deux expé-riences, il y a trois contre un; sur trois, sept;sur quatre, quinze, ainsi de suite; de tellesorte que sur trente expériences, il y a 1bil-lion 73 millions741,823à parier contre 1 quele somnambule se trompera au moins une

fois; 1 billion 73 millions 741,794 à pariercontre 30 qu'il se trompera au moins deux

fois; 1 billion 73 millions 741,389 à pariercontre 435 qu'il se trompera au moins troisfois. Enfin, et pour ne pas aller plus avant,1 billion73 millions 737,764à parier contre

4,060qu'il se trompera au moinsquatre fois.» Seconde espèce de faits. - Si, par

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( 169 )

S.,

exemple, un somnambuleprétendait pouvoirlire par la nuque, et dans chaque séanceuneseule lettre de l'alphabet, pour me convain-cre j'exigerais plusieurs séances, mais moinsde trente; car, si pour chaque expérienceprise isolément il n'y a que 24 à parier con-tre1 que le somnambule se trompera, surdeux expériences il y a 624; sur trois, 15,624,et sur sept, 4 billions540millions 115,624à

parier contre 1 que le somnambulese trom-

pera au moinsune fois.» Troisième espèce de faits. - Enfin, si

un somnambule prétendait pouvoir lire parla nuque, et dans chaque séance un seul

mot, pour me convaincre, je ne demanderais

que deux ou trois séances (ou deux ou troismots dans une séance), car il y a ici pourchaque expérienceprise isolément au moins

40,000à parier contre 1 que le somnambulese trompera; sur deux expériences, 1 billion600 millions, et sur trois, 64 trillions! ce quirend aux yeux du sens communson rôle dedevinateur absolument impossible; ou il fau-drait admettre qu'en jetant à la fois et pêle-mêle du haut des tours Notre-Dame toute

l'imprimerie de Didot, il faudrait admettre

qu'il fut possiblequ'une fois arrivés en bas,les caractères de cette imprimeriecomposas-

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( 170 )sent à volontél'Iliade, l'Énéide ou la Bible.

»Après cette courte dissertation, si quelquestupide esprit-fort vient de rechef me deman-

der: l'expérience des cartes n'est-elle pas lerésultat du hasard? Je lui répondrai: non, et

je motiveraima réponse en disant: c'est non,

parce que, si à la première carte qu'on lui a

présentée, le somnambulen'avait que trente etune chancescontre lui sur trente-deux, dès la

quatrième il en avaitdes millions,à la dixièmeil trouvaitl'impossible,et plus loinl'infini.Or;il a été jusqu'à cent, et plus peut-être1 sans

se tromper une fois. Jugez, Monsieur, incli-

nez-vous et soumettez-vous. Le hasard n'estici pour rien. la Providencea passé par là.

» 3°. Cette expérience est-elle le résultatd'une faculté?

» Fidèle à la méthode d'exclusion que jeme suis imposée en commençant, je répon-drai : oui, et je motiverai ma réponse en di-

sant : c'est oui, parce qu'ainsi que je l'ai

démontré, ce fait n'est le résultat ni d'une

jonglerie ni du hasard, et que, puisqu'il est

indubitable, il est nécessairement le résultat

d'une faculté que nous constatons sans la

comprendre; en d'autres termes, d'une pro-

priété inhérente à l'individu sur lequel le fait

a été observé. C'est tout. H,.

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( 171 )» Assurément, je pourrais en dire bien

d'autres à cette occasion; mais ce serait met-tre le pied sur un terrain vague et courir le

risque de parler jusqu'à extinction, sansm'entendre ni me faire entendre. Or, passez-moi le mot, je n'aime point Patauger.

» Deuxième expérience, celle de la mu-

sique. — Cette expérience est d'une natureautre que la précédente. Celle dont je viensde parler prouve la vision malgré l'occlusion

mécaniquedes yeux, celledont je vaisparlerprouve la transmissionde la volontésans au-cun signe appliquableà l'observateur le plusattentif.

» Arrivésoù nous sommes,je devrais éga-lement examiner si cette expérience est lerésultat d'une jonglerie, d'un hasard ou d'une

faculté; par conséquent, je devrais repro-duire tous les raisonnementsénoncés ci-des-sus. Mais ici ces trois questionsme paraissentinsolublespar les motifsque je vaisdéduire.

» Sous le rapport de la fraude? A la ri-

gueur, l'argutie ne peut-elle pas prétendreque M. Teste, qui a fait le signe d'arrêt àM. Ricard, s'entendait avec celui-ci sur lenombre des mesures à battre, et qu'à son

tour, M. Ricard s'entendaitavecson somnam-bule? Certainement tout cela serait d'uno

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( 172 )

conception bien ignoble et d'une exécutionbien difficile;mais il suffitque cela soit pos-sible pour que je n'insiste pas sur la valeurde ce fait. L'expérience serait au contrairedevenuebeaucoupplus concluante si le ha-sard eût été choisipour indiquer non-seule-ment la personne qui, sur soixante, devaitfaire au magnétiseur le signe d'arrêter lesomnambulemarquant le rhythme, mais en-core si le hasard eût aussi indiqué l'air à joueret le nombre de mesures à battre.

» Sousle rapport du hasard? L'expériencede la musique, en la supposant faite loyale-ment, comme d'ailleurs elle l'a été, et avectoutes les précautions que je sors d'exposer,serait encore loin d'offrir le mêmedegré d'é-vidence que l'expérience des cartes, parceque l'orgue n'ayant joué, je suppose, quecinq cents mesures, il n'y avait que 499 à

parier contre 1 que Calixtese tromperait.» Or, quoique la différence entre 499 et 1

paraisse considérable, pour mon compte,lorsqu'il s'agit d'un fait à défendre contre les

académies, je la veux plus considérableen-

core; trois 9 de plus à droite ou à gauche neme suffiraientmême pas. Mais, je l'ai dit,cette différence incommensurable s'obtient

aisémentpar la répétition binaire ou ternaire

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( 173 )du fait à constater. Pour rendre l'expériencede la musique absolument irrécusable, il au-rait donc fallu la répéter au moinsune fois.

» Troisième expérience, celle de la chaise.- » Cette expérience est de mêmenature quecelle de la musique, et conduit à la même

conclusion: la transmissionde la volonté sans

le secoursde signes, et conséquemmentparcequ'on nommela pensée.

» Tout ce que j'ai dit du fait de la musiqueest applicableau fait de la chaise, et sous le

rapport de la fraude et sous celui du hasard.

Ainsi, avais-je détruit toute possibilité defraude? Non, et personne n'a le droit logi-que, notez-bien que je dis logique, d'affir-

mer que M. L., choisissant et donnant les

petits cartons, ne s'entendait point avec M.

Ricard; puis,en repoussanttoute connivence,n'avais-je laissé aucune porte ouverte au ha-sard? Non, puisqu'une seule expérience dece genre sur 400 a complétement réussi, et

que, comme je l'ai démontré, la différenceentre ces deux nombres est trop petite pourêtre concluante. Il fallait répéter.

» Voilà, mon ami, l'appréciation que j'aicru devoirfaire des phénomènesmagnétiquesque M. Ricard a produits chez moi, diman-che dernier, en présence de soixanteperson-

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( 174 )

nés, qui toutes sont parties émerveillées.sauf deux médecins qui n'ont rien trouvé à

répondre à cette interpellation que je leuradressais en les quittant: — Eh bien, Mes-

sieurs, croyez-vous qu'avec de pareils faitson puisse avancer ou qu'on doive reculer?

Quantau docteur Teste, le nouvel apostat!dans son fervent prosélytisme, il me disait:— Depuis cinquante ans les académies sont

liguées contre nous, à notre tour de nous li-

guer contre elles, et de crier; Vive la ligue!» Du reste, mon ami, vous accuserez sans

doute mon appréciation d'être sévère aux dé-

pens du magnétisme; mais au point de vue

du rationnel et du juste où je suis placé, jene pouvais en agir autrement, parce que la

logiqueest impitoyable, et que la justice veutla sévérité pour soi et les siens comme pourles autres.

» Adieu, mon ami.

FRAPART,D. M. P.»

EXTRAITDUJOURNALDUMAGNÉTISME.

Le somnambule Calixte, après avoir été

magnétisé en peu d'instants, se laisse mate-

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I 175 )lasser les yeux avec d'énormes tampons decotonen poil et un épais bandeau. Dans cet

état, il fait une partie de piquet avecun in-crédule avoué, qui a eu soin d'apporter les

cartes; non-seulement le somnambuleaccuse

son jeu, et le manie avec une rapidité et uneexactitude exquises, mais encore il signaleles cartes que tient en main sonadversaireetcelles qui sont écartéespar ce dernier.

« Une personne que son rang, sa fortuneet son savoir mettent à l'abri de toute suspi-cion, propose à M. Ricard de faire explorerpar le magnétisé un château situé à une

vingtainede lieues de Paris; après quelquespréliminaires utiles, le sujet donne la dési-

gnation exacte de plusieurs pièces, invento-riant à mesure les meubles qui les garnissentet indiquant leur positionrespective.

» Un Anglais de distinction conduit lesomnambule dans une maison de Paris. Le

sujet donne de ce nouveaulieu une descrip-tion parfaite, et va jusqu'à dire: dans telle

chambre, je vois une dame malade qui estcouchée.— Ce qui est vrai. »

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( 176 j

I,ECTUREMALGRÉL'OCCLUSIONDESYEUX.

Le 21 Juillet 1840, à huit heures du soir;M.Ricard magnétise Calixte, dont il a appli-qué la vision somnambulique à la lecture;fait que, pour la première fois, il essaie de

produire publiquement.Dès que le sujet est magnétisé au degré

voulu, deux personnes lui mettent sur les

yeux des tampons de coton cardé, qu'ellescompriment par l'application d'un mouchoir

plié en bandeau; puis, pour surcroît de pré-caution, elles bourrent encore du coton sousle bord inférieur du bandeau, de manière

que, pour les plus exigeants, il demeureavéré

qu'aucun rayon lumineux ne peut arriver àl'œil du patient.

Plusieurs personnes présentent successive-ment à Calixte des livres, des journaux, des

imprimés de diverses sortes, que celui-ci lit

avec une rapidité extrême. Deux des plus

sceptiques écrivent chacuneune phrase sur

leur calepin, et dès qu'un calepinest présentéau somnambule, la phrase est lue rapidement

malgré la distance.

Enfin, il reste prouvéde la manière la plus

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( 177 )èvidente que Calixtelit malgré l'occlusionla

plus parfaite des yeux.Les personnes qui assistent à cette séance

sont reconnues capablesd'observer; voicilesnoms de quelques-unes : MM. le docteur

FRAPART,le docteur GRABOWSIU,le docteur

MOLIN,le docteur BERNA,le docteur Pi-

GEAIRE;DUVERT,homme de lettres; LAU-

ZANNE,homme de lettres; MIALLE,hommede lettres; HAREL,économiste; le chevalier

BRICE, ingénieur-géographe; YANSON, ma-

thématicien; SAUZET, ROUSSILLON, DEQUEN,JAVAL,BUSCH,FROMENT,BÉCHEREL,ren-

tiers, etc.

UNEVISITEDUDOCTEURELLIOTSON.

Jeudi, 28 Octobre 1841, M. le docteurELLIOTSON, célèbre magnétiste de Londres,est venu rendre visite à M. RICARD.Le doc-teur anglais, amené par M. le docteur FRA-PART,était accompagnéde deux autres mes-sieurs ses confrères et ses compatriotes.Commele désir de M. Elliotson était de voir

par ses propres yeux ce que la renomméelui

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( 178 )avait rapporté de CALIXTE,M. Ricard s'em-

pressa de magnétiser ce somnambuleextraor-dinaire pour répondre à l'attente de son illus-tre visiteur.Les deux autres médecinsanglaisn'avaient jamais assisté à aucune expériencede visionmalgré l'occlusiondes yeux.

M. Elliotson manifesta l'intention de ban-

der lui-même les yeux du somnambule. M.Ricard lui laissa à cet égard pleine liberté.Par une heureuse rencontre, Calixte, mieux

disposé que jamais, se mit de suite à lirecouramment tout ce qui lui fut présenté, soit

imprimé, soit manuscrit.Le fait le plus remarquable qu'on eut lieu

d'observer dans le cours de cette belle expé-rience fut celui-ci. On venait de placer de-

vant le somnambule un volumedu Cours de

Philosophie de Descartes; et à peine avait-il commencéla lecture des lignes petit-texte,sur lesquelles on avait appelé son attention,

que ces messieurs interposèrent leurs mains

entre les yeux de Calixte etle livre qu'il li-

sait; or, malgré ce surcroît de difficulté, son

étonnante faculté ne fut nullement abolie, et,à la grande surprise des nouveaux specta-teurs, il continua sa lecture.

Toutefois, le somnambule déclara après

l'expérience que cela l'avait beaucoupfatigué.

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( 179 )Le somnambulefut éveillé. AussitôtM.El-

liotson, en expérimentateur défiant, voulut

que l'appareil employé pour Calixte lui fut

appliqué à lui-même. M. Ricard prit doncles mêmes tamponsde coton, le même mou-

choir, et appliqua le tout avec beaucoupmoinsdé soinsque ces messieursn'en avaient

pris à l'égard du somnambule.Une choseen-core fort importante à noter, c'est que, du-rant l'applicationdu bandeau, le magnétisteanglais ne cessa de faire contracter tous lesmuscles de sonvisage; il continua lesmêmesmanœuvres tout le temps qu'il demeura les

yeux bandés, et néanmoins il déclara qu'illui était impossible de rien distinguer, pasmême la moindrelueur du jour. Bien plus, ilfit jouer son bandeau, il glissases doigtsjus-qu'auxyeux, entre le cotonet les ailesdu nez;mêmeobscurité profonde.

FIN