Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-être en ...

19
HAL Id: hal-01878307 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01878307 Submitted on 22 Sep 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Copyright Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-être en période de crise financière : le cas des entreprises familiales belges Olivier Colot, Anne-Claire Dupont, Romina Giuliano To cite this version: Olivier Colot, Anne-Claire Dupont, Romina Giuliano. Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-être en période de crise financière : le cas des entreprises familiales belges. Management & Sciences Sociales, Kedge Business School, 2012, Performance et entreprise responsable, pp.87-104. hal-01878307

Transcript of Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-être en ...

HAL Id: hal-01878307https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01878307

Submitted on 22 Sep 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Copyright

Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-êtreen période de crise financière : le cas des entreprises

familiales belgesOlivier Colot, Anne-Claire Dupont, Romina Giuliano

To cite this version:Olivier Colot, Anne-Claire Dupont, Romina Giuliano. Évolution des pratiques de GRH affectantle bien-être en période de crise financière : le cas des entreprises familiales belges. Management &Sciences Sociales, Kedge Business School, 2012, Performance et entreprise responsable, pp.87-104.�hal-01878307�

87Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Évolution des pratiques de GRH affectant le bien-être en période de crisefinancière : le cas des entreprises familiales belges

Olivier ColotUMONS, Institut de recherche humanOrg

Cet article est centré sur les particularités des conditions de travail développées dansles entreprises familiales et leur évolution durant la crise financière. Plus précisément,nous nous sommes intéressés aux déterminants intrinsèques à l’entreprise qui pour-raient influencer le bien-être des travailleurs. Nous avons ainsi analysé la manière dontles entreprises familiales belges ont fait face à la crise comparé à leurs homologuesnon familiales, en observant l’évolution de certains indicateurs sociaux qui pourraient,en se focalisant sur des conditions de travail spécifiques, refléter l’intérêt accordé aubien-être des travailleurs. Sur base de la méthodologie de l’appairage statistique, nousconstatons que, sur la période 2005-2009, les entreprises familiales auraient desdépenses moins élevées en personnel, recourraient moins aux contrats à temps partielet aux CDI que les entreprises non familiales. Cependant, le nombre de sorties sous CDIserait moins élevé dans les entreprises familiales, ce qui reflèterait le principe de fidéli-sation du personnel caractérisant ces entreprises.

Mots-clés : entreprise familiale, crise financière, ressource humaine, performance sociale, bien-être.

Introduction

Les entreprises doivent constamments’adapter aux changements provenant deleur environnement, ce qui ne peut queperturber la nature et les conditions du

travail. Ainsi, on remarque entre autresune atténuation des contrats de typepermanents au profit de contrats plusprécaires, une pression de plus en plusforte en termes de performance, despratiques de délocalisation. Il est clair

Claire DupontUMONS, Institut de recherche humanOrg

Romina GiulianoUMONS, Institut de recherche [email protected]

88 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

que ces différentes pratiques peuventaffecter les membres de l’organisation et lesperceptions qu’ils développent de leurtravail. La question du bien-être au travail etdes conditions qui le favorisent est doncposée. Si la crise financière a fortementbouleversé le fonctionnement desentreprises, on peut penser qu’elle aégalement modifié les perceptions dessalariés. Craignant de perdre leur emploi etconfrontés à une modification des pratiquesmises en place par leur entreprise pour faireface à la crise (chômage économique, gel dessalaires,…), ces salariés ont sans doute vécudes temps particulièrement difficiles qui ontpeut-être détérioré leur sentiment de bien-être au travail. En effet, selon Brun et al.(2002), le sentiment d’incertitude découlantd’une période de changement estgénéralement relié à une détérioration dubien-être mental des salariés. L’objectif decet article est d’analyser l’évolution desconditions de travail, susceptiblesd’influencer le sentiment de bien-être autravail durant la crise, au sein d’entreprisesfamiliales et non familiales. Après avoirdéveloppé une approche du bien-être autravail et des conditions de travail pouvantl’influencer, nous aborderons les conditionsde travail particulières généralement misesen place au sein des entreprises familiales ettenterons de déterminer leur influenceéventuelle sur le bien-être au travail. Noustraiterons également de l’impact de la crisesur le bien-être des travailleurs. Nousprésenterons ensuite la méthodologieutilisée pour analyser, sur base d’unéchantillon d’entreprises familiales et nonfamiliales, l’évolution d’indicateurs sociaux àtravers la crise.

Le bien-être au travail

Le bien-être serait caractérisé par uneexpérience subjective, marquée par un grandnombre d’affects positifs (et par des affectsnégatifs peu influents), résultant d’unjugement global (Guibbert, 2005). Colle(2005) précise que le sentiment de bien-être

pourrait se traduire par la satisfaction debesoins physiques et l’absence de tensionspsychologiques. Développer le bien-être dupersonnel au travail reviendrait à « faire ensorte que le travailleur, dans l’exercicespécifique de ses tâches, puisse tirer toutesatisfaction possible qu’il est en droitd’attendre de l’exercice spécifique de sesfonctions » (Robert, 2007).

Guibbert (2005) distingue :- le bien-être contextuel qui concerne les

caractéristiques environnementales (physi-ques, chimiques,…) et de l’activité exercée.On y retrouve notamment les conditions detravail (charge et horaires de travail, variétédes tâches, responsabilités du salarié, …)mais aussi des préoccupations pour lasécurité d’emploi et financière desressources humaines ;

- le bien-être relationnel renvoie à la qualité des relations professionnelles développéesdans l’entreprise ainsi que des informationsqui y circulent. Cette forme de bien-êtres’intéresse notamment à la coopération, aupartage d’informations entre collabo-rateurs, aux rapports avec la hiérarchie,etc ;

- le bien-être psychologique s’intéresse davantage à la satisfaction du besoind’épanouissement, de développementpersonnel, et peut passer par desprogrammes de formation, des possibilitésde promotion, le développement del’autonomie au travail.

Le bien-être au travail serait donc relié à « l'ensemble des facteurs concernant lesconditions dans lesquelles le travail esteffectué » (Service public fédéral, Emploi,Travail et Concertation sociale, 2008).L’entreprise pourrait donc être un acteuressentiel dans le développement de ce bien-être au travail en développant des conditionsparticulières dans lesquelles les individussont amenés à exercer leur fonction. D’aprèsStiglitz et al. (2009), le bien-être estpluridimensionnel et dépendrait desconditions de vie matérielles (revenu,consommation et richesse), de la santé, de

l’éducation, des activités personnelles, dontle travail, de la participation à la vie politiqueet la gouvernance, des liens et rapportssociaux, de l’environnement, d’un niveaud’insécurité faible, tant économique quephysique. Ces auteurs mettent égalementl’accent sur le travail décent (horairesdécents, protection sociale, rémunérationconvenable, …) qui va permettre l’évaluationde la qualité de vie de la population. D’aprèsSen (1999), le bien-être humain fait référenceaux préférences ainsi qu’aux valeurs de lasociété (qualité de l’environnement, égalitédes chances, libertés civiles, répartition desressources et accès à l’éducation). La santéest un paramètre important dans ladétermination du bien-être et de laperformance organisationnelle tout en alliantégalement l’âge, le mode de vie, le niveau deformation. Néanmoins, le bien-être varied’une personne à l’autre : « les personnesplus enclines à apprécier les choses oujouissant d’une meilleure aptitude à laréussite dans des domaines qu’ellesvalorisent peuvent être mieux loties même sielles disposent de ressources économiquesmoindres » (Stiglitz et al., 2009).

Le bien-être peut donc être associé à lasatisfaction et à l’épanouissement procurépar le travail et le contexte de travail. Dolanet al. (2008) considèrent d’ailleurs lecontexte organisationnel (types d’emploisproposés, technologies, horaires de travail,incertitude quant aux perspectivesprofessionnelles…) comme l’un desdéterminants du bien-être. De leur côté, Vetset al. (2009) entrevoient, à travers unerecherche sur le bien-être du travailleurbelge, des influences positives entrecertaines pratiques organisationnelles et ledéveloppement du bien-être. Ainsi, lespossibilités d’apprentissage continu dans lafonction contribueraient à l’épanouissementdes individus. De même, les conflits de rôleétant un élément prédictif négatif du bien-être, les employeurs devraient éviter dedonner des missions contradictoires quant autravail à exécuter. Enfin, une bonne entente

entre dirigeant et membres du personnel etune ambiance agréable favoriseraientl’implication dans l’organisation etentretiendraient le bien-être du personnel.En France, Askenazy et Caroli (2003) ouencore El Akremi et al. (2006) notent uneinfluence négative de la polyvalence ouflexibilité du temps de travail sur le bien-êtredes salariés, en suscitant davantage de stressmais aussi des comportements dedésengagement et d’infidélité à l’entreprise.De leur côté, Brun et al. (2002) soulignentque les salariés ayant peu de contrôle etd’autonomie sur leur travail et étant soumis àde fortes exigences pourraient davantageressentir une détérioration de leur bien-être.Selon l’IFOP (2007), la modification despratiques managériales serait la premièremesure à prendre pour améliorer la santé etle bien-être des salariés. En effet, certainescaractéristiques de l’environnement et de lasituation de travail (reconnaissance desefforts, contenu des tâches, contextesocial…) représenteraient des facteurs derisque pour le bien-être des salariés.Beaucoup de recherches relatives au stressévoquent d’ailleurs le modèle de Siegrist(1996) selon qui le stress au travail résulteraitde la faible récompense obtenue(gratification financière, récompense socio-émotionnelle et possibilité d’évoluer dans sacarrière) par un individu qui aurait réaliséd’importants efforts (responsabilités,motivations, surengagement…).

Il existerait donc un grand nombre d’actionsqui éviteraient aux entreprises de voirapparaître un mal-être profond sur le lieu detravail. Cependant, qu’en est-il dans laréalité ? Quelles conditions de travail lesentreprises peuvent-elles développer poursusciter un sentiment de bien-être ? Cettequestion nous amène à nous intéresser plusparticulièrement au contexte des entreprisesfamiliales qui seraient marquées, selon lalittérature, par un fonctionnement particulierqui pourrait peut-être jouer un rôle dans ledéveloppement du sentiment de bien-être autravail.

N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable Management & Sciences Sociales 89

90 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Conditions de travail et bien-êtredans les entreprises familiales

Si l’entreprise a un rôle à jouer dans ledéveloppement de conditions de travailsusceptibles d’influencer le sentiment debien-être au travail, un courant de lalittérature laisse entendre que les entreprisesfamiliales pourraient plus facilement mettreen place de telles conditions. Ainsi, Clergeauet al. (2007) et Harris et al. (2004) soulignentla prédominance au sein des entreprisesfamiliales de la confiance qui faciliterait ladélégation. Allouche et Amann (2000)évoquent aussi la proximité affective plusforte entre le dirigeant, figure emblématiquede ce type de société, et les membres du personnel. De telles entreprisesdévelopperaient de meilleures politiquessociales et respecteraient beaucoup plus lestraditions que les entreprises non familiales.Elles créeraient également beaucoup plusd’emplois que les autres types d’entrepriseset contribueraient activement au maintien del’emploi de leur région (KPMG, 2007). Ellesseraient également marquées par unturnover plus faible dû au fait que l’onquitterait plus difficilement une famillequ’une entreprise.

La politique de gestion des ressourceshumaines (GRH) développée dans de tellesentreprises serait plus paternaliste etprotectrice, marquée par un souci d’égalitéde traitement entre collaborateurs et par lavolonté de s’assurer leur fidélité et leurloyauté sur le long terme. De plus, lesmembres de la famille accepteraient biensouvent de faire de plus grands sacrifices etdes pertes de longue durée afin de sauverleur société. L’engagement et la loyauté desindividus vis-à-vis de leur entreprise familialefavoriseraient ainsi « une atmosphère uniquequi crée un sentiment d’appartenance et meten valeur les buts communs de l’ensemble dela main-d’œuvre » (Flament, 2006, p. 31). Ausein des sociétés familiales, « le bonheur desemployés passe par le maintien des emploiset la stabilité que véhiculent ces entreprises.

Ainsi, elles favoriseraient, davantage que lesautres, l’avancement social par l’écoute deleurs employés et le fait d’être un bon citoyencorporatif » (Flament, 2006, p. 27).

Même si l’esprit de famille spécifique régnantdans ces entreprises peut constituer unfacteur influençant l’attachement dessalariés à leur entreprise, nous pensons que,en raison de l’horizon temporel qu’ellespoursuivent, ces entreprises tendent peut-être à investir davantage dans leur personnelde façon à développer une réelle politiqued’implication et de rétention de leursressources humaines. Selon Cascio (1995), lesapproches de GRH développées au sein desentreprises familiales seraient ainsi beaucoupplus flexibles. Astrachan et Kolenko (1994)évoquent l’utilisation fréquente deprocédures formelles et régulières decontacts avec les employés, des politiquesspécifiques de rémunération ou encore desdescriptifs écrits de postes et de procédures.En France, Allouche et Amann (1995) ontconstaté que les ingénieurs et cadres desentreprises familiales y sont présents sur uneplus longue durée. Les dirigeants de tellessociétés ont un salaire mensuel moyeninférieur au salaire des dirigeants des firmesnon familiales alors que l’encadrementtechnique intermédiaire y reçoit un salairemoyen plus élevé. En distribuant desrétributions hors-salaires plus élevées et enrecourant moins au temps partiel, lesentreprises familiales contribueraient enquelque sorte à favoriser une forme de bien-être contextuel (Guibbert, 2005). En effet,des recherches menées par Ferrie et al.(1995) ou King (2000) ont montré que laperception d’une certaine insécurité autravail est négativement corrélée ausentiment de bien-être au travail et conduitles individus à faire moins d’efforts au travailet à éventuellement rechercher un autreemploi. Par contre, les entreprises familialesrecourraient davantage au personnelintérimaire de façon à faire face aux surplusde productivité et surtout, à ne pas perturberle personnel déjà en place. Enfin, lesentreprises familiales consacreraient une

91Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

part plus importante de leur masse salariale àla formation des salariés. Or, d’aprèsGuibbert (2005), de telles pratiques seraientà la base du sentiment de bien-êtrepsychologique. Selon PriceWaterhouse-Coopers (2011), les entreprises familialesdévelopperaient diverses actions relatives aubien-être au travail, notamment lacouverture sociale et prévoyance dessalariés, l’encouragement de la formation etde l’apprentissage, l’amélioration de lasécurité des salariés et la prévention desrisques. Les principales mesures utiliséespour fidéliser les équipes seraient lessystèmes de promotion interne, larémunération et la formation.

Cependant, un autre courant de la littératuresemble plus sceptique quant à la particularitéde la GRH dans de telles entreprises. D’aprèsHayton (2006), les entreprises familialesinvestiraient beaucoup moins en formationet utiliseraient des pratiques de GRHbeaucoup moins complexes que leurshomologues non familiales. Ellesmanqueraient aussi de pratiques de GRHprofessionnelles telles que des systèmesd’évaluation ou de rémunération au mérite(De Kok et al., 2006). Cela s’expliquerait parles interactions sociales plus fréquentes entreles membres de la famille qui faciliteraientl’utilisation de procédures davantageinformelles, mais aussi par la crainte deperdre une certaine flexibilité dans lesrelations avec les employés (De Kok et al.,2006). Harris et al. (2004) constatent euxaussi un niveau de pratiques visant l’inclusiondu personnel beaucoup plus faible au seindes entreprises familiales (par exemple, pasd’informations fournies au personnel sur lasanté financière de leur entreprise, pas derencontres régulières avec le personnel…).Selon ces auteurs, la culture développée ausein des entreprises familiales ne justifieraitpas l’usage de pratiques visant plusspécifiquement à inclure le personnel.

Toutefois, l’absence de pratiques RHformelles au sein des entreprises familialesne signifie pas que le bien-être n’y soit pas

présent. Au contraire, il est possible que cetteabsence de formalisme et la culture familialeplus paternaliste contribuent davantage ausentiment de bien-être que des pratiquesspécifiques de rémunération, communica-tion, etc. Face à ces perceptions contra-dictoires sur les conditions de travail desentreprises familiales susceptibles decontribuer au bien-être, nous pensons queces entreprises sont peut-être davantagemarquées par une culture particulièreconduisant à développer une ambiance detravail spécifique, des pratiques RHparticulières ou des valeurs qui lui sontpropres (fierté, loyauté…) et qui amèneraientle personnel à s’y sentir bien. Les spécificitésde l’entreprise familiale pourraient doncinfluencer favorablement le bien-être dessalariés. Cependant, cette culture spécifiqueaux entreprises familiales pourrait très biense voir « diluée » au fur et à mesure quel’entreprise grandit.

Influence de la crise financière sur les conditions de travailsusceptibles d’influencer le bien-être

Selon Autissier et Bensebaa (2009), la criserenforcerait la centralisation des décisionsdans les mains des dirigeants de l’entreprise,au détriment de l’autonomie laissée auxindividus. Or, plus l'individu a une latituded’action dans son travail, plus il pourraitdévelopper un sentiment de bien-être(Sparks et al., 2001). Une grande majorité dessondés ayant participé à l’enquête d’Autissieret Bensebaa (2009) estime également que lesdirigeants gèrent mal la crise ; 40 % descadres craignent d’ailleurs pour leur emploiet redoutent une augmentation descontrôles. Ces constats pourraient êtrerévélateurs d’un sentiment de mal-êtreapparaissant chez les salariés à la suite de lacrise. Une étude lancée par l’APEC (2009)révèle que la crise aurait beaucoup plusd’impact au sein des grandes entreprises et qu’elle a fait émerger parmi lespréoccupations essentielles des entreprises

92 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

le renforcement des compétences, lafidélisation des collaborateurs ainsi quel’amélioration du climat social, soit autant depratiques pouvant générer du bien-êtrerelationnel et psychologique.

En Belgique, une enquête de SD Worx (2010)a montré que les salariés belges, en raison dela crise, étaient moins satisfaits de leurtravail, de leur package salarial et de lapression au travail. Même si les efforts et lesheures supplémentaires accomplis en 2009ont aidé leur entreprise à mieux traverser lacrise, ces salariés estiment ne plus avoirl’énergie suffisante pour faire des effortssupplémentaires et s’interrogent sur lareconnaissance qu’ils recevront de leurentreprise en contrepartie. Au niveauinternational, 67 % des managers ayantparticipé à l’enquête menée par le BPI/BVA(2009) estiment que la crise aura desrépercussions sur le niveau de stress dansl’entreprise. Ils prévoient également uneaugmentation des horaires de travail. S’ils semontrent confiants dans la capacité de leurentreprise à faire face à la crise, ils sontbeaucoup plus sceptiques quant à l’intérêt deleur entreprise pour le bien-être de sonpersonnel.

D’après une étude réalisée parPriceWaterhouseCoopers (2011), le caractèrefamilial de l’entreprise peut constituer unallié pour mieux traverser la crise. Cela seraitnotamment dû à la solidarité (préservationdu personnel), à la gestion prudente, àl’anticipation et à l’absence de pression desactionnaires. Ainsi, les dirigeants ont indiquéavoir voulu éviter à tout prix leslicenciements et restructurations durant lacrise, pratiques considérées commecontradictoires avec les valeurs et les intérêtsde leur entreprise. Certains d’entre euxindiquent avoir accepté de baisser leurrémunération ou refusé de verser desdividendes à leurs actionnaires familiaux defaçon à mieux traverser la crise.

Méthodologie

Nous nous interrogeons donc sur la manièredont les entreprises familiales ont traversé lacrise, comparé à leurs homologues nonfamiliales. Plus précisément, nous nousquestionnons sur l’évolution de certains deleurs indicateurs sociaux qui pourraient, ense focalisant sur des conditions de travailspécifiques, refléter la manière dont cesentreprises tiennent compte du bien-être dupersonnel. Les données sociales nécessaires àla constitution de la base de données ont étéextraites de la base de données Belfirst1.

Population ciblée

Après avoir sélectionné les entreprises deplus de 100 personnes, nous considérons quel’entreprise est familiale si elle satisfait à aumoins deux des critères suivants : a) unefamille détient au moins 50 % des actions del’entreprise ; b) une famille a une influencedécisive sur la stratégie de l’entreprise et surses décisions de transmission ; c) la majoritédu conseil d’administration est composée demembres d’une famille.

Cette définition se rapproche des définitionsmulticritères élaborées au cours de ladernière décennie (Arregle et al., 2008). Eneffet, en utilisant la base de donnéesfinancières Belfirst, il est possible d’accéderaux données relatives aux structuresactionnariales de l’ensemble des entreprises.De plus, celles-ci disposent de sites Internetpermettant de corroborer les informationsrecueillies par Belfirst et d’obtenir les détailsrelatifs à la composition de leur conseild’administration et de leur équipe dirigeante.Par ailleurs, la définition retenue tientégalement compte du recours aux structurespyramidales. En effet, les travaux d’Aytac(2007) ont mis en évidence la prégnance del’utilisation de ce type d’outil comme moyen

1. Base de données regroupant les comptes annuels desentreprises belges soumises à l’obligation de dépôt auprèsde la Banque Nationale de Belgique.

93Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

de contrôle par les membres familiaux. Nousnous sommes donc attachés à analyserl’actionnariat des sociétés holding afin deremonter au sommet de la pyramide et ainsidéterminer l’implication familiale réelle dansles entreprises constituant la base de lastructure.

Pairage statistique

La technique des échantillons appariés a étéutilisée pour analyser l’évolution desvariables sociales. Ainsi, nous avons choisi decomparer chaque entreprise familiale del’échantillon à une entreprise aussi similaireque possible, excepté qu’elle est nonfamiliale. Cette technique permet entreautres d’éliminer les données démo-graphiques (taille, secteur d’activités).D’après des études empiriques recourant àcette méthode (Bughin et Colot, 2008), lescritères les plus plébiscités sont l’activitééconomique (code NACEBEL2 à 4 chiffres) etla taille (approchée par le total actif qui nepeut pas varier de plus ou moins 20 %3). Nousajoutons également un troisième critèrepermettant de distinguer l’entreprisefamiliale de la non familiale. Chaqueentreprise familiale est ainsi appariée à uneentreprise non familiale de même taille et demême secteur d’activités.

Nous avons construit 111 paires « entreprisefamiliale/entreprise non familiale », soit 222entreprises. Pour tester la représentativitéstatistique, nous avons considéré troiscritères : la localisation géographique, lesecteur d’activités et le nombre detravailleurs. Au seuil de probabilité de 5 %,l’hypothèse nulle de distributions identiquesne peut être rejetée pour chacune desvariables prises en considération.

Test de comparaison

L’échantillon des entreprises familiales a étécomparé à l’échantillon de contrôle(entreprises non familiales) au moyen d’untest statistique permettant de comparer des

observations appariées. Ainsi, pour chaquevariable étudiée, il faut calculer lesdifférences entre les paires en soustrayantsystématiquement, de la valeur du ratio del’entreprise familiale, la valeurcorrespondante pour l’entreprise nonfamiliale appariée. Le test de comparaison est pratiqué sur lamoyenne des différences entre valeursappariées : l’hypothèse à tester est que cesdifférences sont nulles tandis quel’hypothèse alternative affirme l’existence dedifférences. Un test de Student permetd’accepter ou de rejeter l’hypothèse nulle(Cooper et Schindler, 2006). Cette méthodene suppose pas la normalité des distributions,ce qui est particulièrement intéressant dansla mesure où de nombreux ratios ne sont pasdistribués normalement (Ooghe et VanWymeersch, 2006). Par ailleurs, il estconseillé d’éliminer les différencesaberrantes qui pourraient être dues à unélément isolé, indépendant descaractéristiques des transmissions. Le test deCochran permet précisément d’éliminer cesvaleurs extrêmes. Pour chaque indicateurretenu, il s’agit de déterminer, à partir desdifférences entre paires d’entreprises(appelées Di), les valeurs Gi quicorrespondent au rapport des Di² de chaquepaire sur la somme des Di² de l’ensemble despaires pour un indicateur donné. Le testrecommande ensuite d’éliminer lesdifférences Di auxquelles correspond un Gi >0,12.

Résultats

Nous avons effectué les tests de comparaisonde moyenne sur les échantillons appariés enanalysant 254 variables. Les résultatscomplets sont disponibles en annexe dans lestableaux 1, 2 et 3. Nous constatons que les

2. Nomenclature des activités économiques belges.3. Lorsque plusieurs entreprises familiales corres-pondaient au profil recherché, celle présentant le totalbilanciel le plus proche de celui de sa jumelle non familialea été retenue.

94 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

entreprises familiales belges sont plus âgéesde quatre années que les entreprises nonfamiliales belges. Le degré d’auto-financement est plus élevé dans le cas desentreprises familiales, mais la différence demoyenne reste relativement stable entre lesentreprises familiales et non familiales(résultats statistiquement significatifs). Entre2007 et 2008, période pendant laquelle lacrise financière est apparue, il ne subsistequasiment aucune différence importante auniveau du degré d’autofinancement. Celui-ciaurait même tendance à augmenter. Si lacapacité d’autofinancement est la force del’entreprise à dégager des fonds sur base deson activité, alors les entreprises familialesseraient capables de s’autofinancerdavantage et donc de limiter l’appel à desfonds de tiers. Par ailleurs, les entreprisesfamiliales seraient susceptibles de mieuxtraverser la crise financière en raison d’une gestion prudente ainsi que del’absence de pression des actionnaires(PriceWaterhouseCoopers, 2011). Larentabilité financière (ROE) des entreprisesfamiliales est plus faible que celle desentreprises non familiales, et ce jusqu’en2008. Nous avons aussi constaté une baissedu ROE moyen des entreprises non familiales,ce qui entraîne une différence de moyennepositive en faveur des entreprises familialesen 2009 (qui ont gardé des ROE moyensstables sur toute la période).

Enfin, la valeur ajoutée par travailleur desentreprises familiales est légèrement plusfaible que celle des entreprises nonfamiliales, avec un écart se réduisant entre2007 et 2009. Cela rejoint notre constat quistipulait que le ROE des entreprises familialesserait plus faible que celui des entreprisesnon familiales. Ainsi, si la valeur ajoutée del’entreprise (la production créée et venduepar une entreprise) est faible, celaproviendrait certainement d’une faible valeurajoutée de la part du travailleur, ce qui auraitune répercussion sur la rentabilité financièrede l’entreprise. Les entreprises familiales ontdes frais de personnel par travailleuréquivalent temps plein moins élevés que

ceux des entreprises non familiales (résultatsstatistiquement significatifs). D’après Hayton(2006), les entreprises familiales investiraientmoins en formation et utiliseraient despratiques de GRH moins complexes que lesentreprises non familiales. Si Sanséau et al.(2010) ont constaté qu’en période de crise,les DRH développaient une nouvelle gestiondes budgets RH (consacrés aux salaires,formations…) en devant faire plus avecmoins, on peut penser que le principe degestion prudente caractérisant lesentreprises familiales peut éventuellementexpliquer les plus faibles montants consacrésà la gestion du personnel, sans pour autantque cela reflète une dégradation del’attention accordée aux ressourceshumaines. Néanmoins, cela pourrait avoirdes conséquences néfastes sur le bien-êtredes travailleurs. En effet, d’après une étuderéalisée par SD Worx (2010), les travailleursbelges seraient moins satisfaits de leur travailet de leurs avantages suite à la crisefinancière.

La proportion de contrats « Full Time », parrapport à l’ensemble des contrats, est restéerelativement stable durant la périodeanalysée même si les entreprises familialesutilisent un peu plus ce type de contrat parrapport aux entreprises non familiales. Cesrésultats sont statistiquement significatifspour les années 2008 et 2009. La proportionde contrats de type temps partiel est restéeelle aussi relativement stable sur la périodeanalysée (résultats significatifs), l’utilisationde tels contrats étant un peu moins élevéedans les entreprises familiales. Allouche etAmann (1995) avaient eux aussi constaté queles entreprises familiales recouraient moinsau temps partiel dans un souci de fidélisationdes salariés.

Les entreprises familiales semblent proposer,dans l’ensemble des contrats offerts, moinsde contrats CDI par rapport à ce queproposent les entreprises non familiales.Cependant, la différence reste assez faibleentre ces deux types d’entreprises. Laproportion de CDD par rapport aux différents

95Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

contrats pouvant être proposés reste elleaussi assez stable durant la période analysée,avec une proportion légèrement plus élevéede contrats CDD proposés par les entreprisesfamiliales. Si une majorité de la littératureconsacrée à l’entreprise familiale indique quece type d’entreprise cherche avant tout às’assurer la fidélité et la loyauté de sonpersonnel, nous aurions pu penser que cetype d’entreprise serait, de manièregénérale, une plus grande utilisatrice de CDIque les entreprises non familiales, ce qui nesemble pas vraiment être le cas d’après nosrésultats. Cependant, nous pourrionséventuellement penser que ces CDDconstituent à terme un tremplin vers un CDI.

Les entreprises familiales ont davantagerecouru aux contrats d’intérim durant lapériode analysée, comparé aux entreprisesnon familiales. Au moment où la crisefinancière est apparue, le nombre de contratsd’intérim a augmenté. Notons cependant unediminution du nombre d’intérimairesengagés, dans les deux types d’entreprises,en 2009. Cela corrobore la thèse de Alloucheet Amann (1995, p. 15) qui affirmaient queles entreprises familiales recourraientdavantage aux intérimaires afin de « préserver les emplois des salariés-maison »et d’ajuster les effectifs aux « à-coups » de laproductivité. En moyenne, les frais liés aurecours aux contrats intérimaires (plus élevésdans les entreprises familiales) ont étérelativement stables jusqu’en 2008, pour seréduire ensuite en 2009. Cela semblelogique : en période de crise, les entreprisessuppriment sans doute en priorité lepersonnel intérimaire avant d’envisager deréduire le nombre de personnel engagé souscontrat permanent. La diminution del’intérim a d’ailleurs été l’un des leviers lesplus utilisés durant la crise (Sanséau et al.,2010).

En termes de recrutements, la part de CDIdans les différents contrats proposés par lesentreprises familiales est moins élevée parrapport aux entreprises non familiales. Lerecours aux CDI commence à diminuer à

partir de 2008. Sanséau et al. (2010) ont euxaussi constaté un gel des recrutementsdurant la période de crise. Cette baisse dunombre de personnes engagées sous CDIpeut éventuellement s’expliquer par lerecours plus important aux intérimaires,aidant l’entreprise à s’ajuster aux variationsde productivité dans un contexteéconomique de plus en plus incertain.L’enquête de PriceWaterhouseCoopers(2007) a également montré que lesentreprises familiales luxembourgeoisesavaient de plus en plus de difficultés àrecruter, ce qui pourrait expliquer la baisseprogressive des CDI dans les entreprisesfamiliales analysées. Celles-ci semblent deplus grandes utilisatrices de CDD que lesentreprises non familiales.

En ce qui concerne les sorties de personnel,les départs sous contrat CDI, par rapport àl’ensemble des départs, sont moins élevésdans les entreprises familiales. Si lesentreprises non familiales tendent à seséparer de plus en plus de personnel engagésous CDI sur la période 2005-2009, lesentreprises familiales recourent moins auxsorties sous CDI à partir de 2008. Par contre,les entreprises familiales connaissentdavantage de sorties sous CDD à partir de2008 et sont davantage marquées par ce typede sortie que les entreprises non familiales.Cela conforterait les thèses de Allouche etAmann (1995) et Flament (2006) quiévoquent la volonté des entreprisesfamiliales à s’assurer de la loyauté et fidélitéde leurs salariés et leur souci de maintenirleurs emplois. Des sorties sous CDDpermettraient en quelque sorte de protégerles membres du personnel sous contratspermanents. Sur la période 2005-2009, lesentreprises familiales licencient moins queles entreprises non familiales, même si latendance aux licenciements tend àaugmenter à partir de 2008. Notons que leslicenciements constituent la principale cause de sortie quand on analyse lesdifférents types de départs enregistrés parl’entreprise. Selon l’enquête effectuée par PriceWaterhouseCoopers (2011), les

96 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

dirigeants considéreraient les licenciementsou restructurations comme recours ultimescar rentrant en contradiction avec les valeursde leur entreprise. De telles mesurespourraient donc contribuer à maintenir uncertain bien-être contextuel grâce à lasatisfaction des besoins de sécurité(Guibbert, 2005).

Si de 2005 à 2007, les entreprises familialessemblent davantage former leurs travailleursen comparaison avec les entreprises nonfamiliales, cette tendance s’inverse à partir de 2008 (résultats statistiquementsignificatifs en 2008 et 2009). Il en va demême pour les coûts de la formation. Notonsqu’en 2009, les entreprises familialessemblent à nouveau davantage investir dansla formation que les entreprises nonfamiliales. Ces constatations confortent enpartie les observations d’Allouche et Amann(2000, 1995) et de Carlson et al. (2006) selonqui, les entreprises familiales seraient plusactives que les autres entreprises dans ledomaine de la formation en termes denombre de personnes formées et dedépenses qui y sont consacrées. On peutéventuellement penser que l’entrée dans lapériode de crise a poussé ces entreprises àconcentrer leurs dépenses sur d’autresaspects RH permettant éventuellement deconserver le personnel engagé sous contratspermanents.

Conclusion

Cet article avait pour but de comparer, ausein d’entreprises familiales et non familiales,l’évolution, durant la crise, de variablessociales susceptibles d’influencer le bien-êtredes salariés. L’analyse des données socialeset financières de 222 entreprises (111 pairesd’entreprises) montre que les entreprisesfamiliales ont des frais de personnel moinsélevés. Par ailleurs, elles recourent plus auxcontrats « Full time » qu’aux contrats « Parttime » et proposent un peu plus de CDD quede CDI, par rapport aux entreprises nonfamiliales. Si la tendance observée sur les

contrats Full time/Part time conforte l’idéede fidélisation des salariés, l’utilisation plusimportante de contrats CDD par rapport auxCDI pourrait peut-être s’expliquer par leprincipe de gestion prudente développé parces entreprises pendant la crise. D’ailleurs,d’après nos résultats, ces entreprisesengageraient moins sous CDI que sous CDD.En lien avec la volonté de maintenir lesemplois, nous observons que les entreprisesfamiliales connaissent davantage de sortiessous CDD que sous CDI, ce qui permettrait deprotéger le personnel permanent. Enlicenciant moins que les entreprises nonfamiliales, les entreprises familialespourraient peut-être favoriser une forme debien-être contextuel chez les travailleurs.Enfin, la crise semble avoir influencénégativement l’investissement en formationsdes entreprises familiales, ce qui pourraitéventuellement s’expliquer par desréorientations du budget consacré aupersonnel. Si le recours plus important auxCDD et aux contrats intérimaires peut refléterle principe de prudence développé par cesentreprises pendant la crise, une attentionparticulière doit toutefois être apportée aubien-être des salariés suite à l’utilisation detelles mesures. En effet, Askenazy et Caroli(2003) ont mis en évidence un lien négatifentre le recours accru à la flexibilité du tempsde travail et le bien-être. Dès lors, desintérimaires ou des membres du personnelen CDD, incertains quant à leur avenir dansl’entreprise, pourraient propager leurincertitude au sein du personnel et faireémerger par là un sentiment de mal-êtregénéral dans l’entreprise. Notons aussi que sile fait de réduire ses frais de personnelconstitue une réponse logique à la crise, celapourrait éventuellement contribuer audéveloppement d’un sentiment de mal-êtreau sein du personnel (Siegrist, 1996) qui,malgré les efforts accomplis pour aider leurentreprise durant la crise, pourrait s’estimerinsatisfait des récompenses fournies parcelle-ci. Dès lors, même si certainschercheurs laissent entendre que lesentreprises familiales présentent descaractéristiques particulières qui font que

97Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

l’on s’y sent bien, la période de crisenécessite d’être particulièrement attentif auxperceptions des salariés et requiertcertainement un dialogue accru afin demaintenir leur confiance.

Si ces résultats reflètent des évolutions dansles conditions de travail des entreprisesfamiliales, ils permettent de développer des hypothèses sur l’évolution du bien-être au travail qui nécessiteraient unapprofondissement, au moyen de donnéesplus qualitatives (entretiens) mais égalementpar le biais d’indicateurs qui contribueraientà mieux refléter le bien-être au travail (tauxd’absentéisme, taux d’accident, niveau destress, …). Même si le bien-être au travailreste un sujet d’actualité, il reste néanmoinsdifficile à détecter et les moyens mis enœuvre aujourd’hui pourraient faire l’objetd’approfondissements plus pertinents.

Si cette étude nous a permis de comparercertains indicateurs sociaux entre lesentreprises familiales et non familiales, ilserait opportun de la poursuivre de façonplus qualitative par la réalisation d’entretiensde manière à mettre en évidence certainsaspects indétectables dans les comptesannuels des entreprises mais pourtantimportants pour une meilleure compré-hension des pratiques de GRH affectant lebien-être en période de crise financière.Enfin, il serait intéressant de réaliser uneétude économétrique, qui permettraitd’introduire des variables de contrôle plusrigoureusement et, ainsi, d’améliorer larobustesse des résultats.

Références bibliographiquesAllouche, J. & Amann, B. (2000). L’entreprisefamiliale : un état de l’art, Finance Contrôle Stratégie,3(1), 33-79.

Allouche, J. & Amann, B. (1995). Le retour triomphantdu capitalisme familial, in De Jacques Cœur à Renault : Gestionnaires et Organisations, Presses del’Université des sciences sociales de Toulouse.

APEC (2009). 10 ans de pratiques RH, … et demain, 8 p.

Arregle, J.-L., Sirmon, D. G., Hitt, M. A. & Webb, J. W.(2008). The Role of Family Influence in Firms StrategicResponses to Threat of Imitation, EntrepreneurshipTheory and Practice, 32(6), 979–998.

Askenazy, P. & Caroli, E. (2003). New OrganizationalPractices and Well-being at Work: Evidence fromFrance in 1998, LEA Working-Paper 03-11.

Astrachan, J.H. & Kolenko, T.A. (1994). A NeglectedFactor Explaining Family Business Success: HumanResource Practices, Family Business Review, 7(3), 251-262.

Autissier, D. & Bensebaa, F. (2009). Impact de la crisefinancière sur la vie en entreprise. Perception etcomportements des salariés, Enquête, 29 p.

Aytac B. (2007). L’affiliation à une structurepyramidale implique-t-elle des différencesconséquentes quant à la structure des entreprisesturques, 38 p.

BPI/BVA (2009). Les managers face à la crise, Étudeinternationale réalisée par BPI en partenariat avecBVA, janvier, 32 p.

Brun, J.-P., Biron, C., Martel, J. & Ivers, H. (2002).Évaluation de la santé mentale au travail : une analysedes pratiques de gestion des ressources humaines,Chaire en gestion de la santé et de la sécurité dutravail dans les organisations, Rapport de recherche,décembre.

Bughin, C. & Colot, O. (2008). La performance desPME familiales belges : une étude empirique, Revuefrançaise de gestion, 34/186, 1-17.

Carlson, D.S., Upton, N., Seaman, S. (2006). TheImpact of Human Resource Practices andCompensation Design on Performance : An Analysis ofFamily-Owned SMEs, Journal of Small BusinessManagement, 44(4), pp. 531-543.

Cascio, W.F. (2010). Managing Human Resources :Productivity, Quality of Work Life, Profits, New-York :McGraw-Hill/Irwin.

Cascio, W.F. (1995). Managing Human Resources :Productivity, Quality of Work Life, Profits, 4th Edition,Mc Graw-Hill : London, cité par Reid R., Morrow T.,Kelly B., Adams J., McCartan P. (2000), HumanResource Management Practices in SME’s : A

98 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Comparative Analysis of Family and Non-FamilyBusinesses, IBAR, 21(2), pp. 157-181.

Clergeau, C., Geffroy-Maronnat, B. & Pihel, L. (2007).Les déterminants organisationnels et managériaux dela santé au travail. Étude exploratoire au sein d’unePME, Actes du 18e congrès de l’AGRH, 18 p.

Colle, R. (2005). L’influence des temps de travailpersonnalisés sur le bien-être des salariés, Actes du16e Congrès de l’AGRH, 27 p.

Cooper, D. R. & Schindler, P. S. (2006). Businessresearch methods, Mc Graw-Hill International Edition,Ninth Edition

De Kok, J.M.P., Uhlaner, R.L.M. & Thurik, A.R. (2006).Professional HRM Practices in Family Owned-Managed Enterprises, Journal of Small BusinessManagement, 44(3), 441-460.

Dolan, S.L., Saba, T., Jackson, S.E. & Schuler, R.S.(2008). La gestion des ressources humaines.Tendances, enjeux et pratiques actuelles, PearsonEducation, 4e édition.

El Akremi, A., Haddaji, N. & Sassi, N. (2006). Étude del’impact des stresseurs organisationnels sur le bien-être et les comportements pro-sociaux des salariésdans un contexte de flexibilité, Actes du 17e Congrèsde l’AGRH, 17 p.

Ferrie, J.-E., Shipley, M.J., Marmot, M.G., Stansfeld, S.,Smith, G. D. (1995). Health effects of anticipation ofjob change and non-employment : longitudinal datafrom the Whitehall II study, British Medical Journal,311, p. 1264-1269.

Flament, F. (2006). La stratégie et la gestion desressources humaines en PME familiale : recension desécrits, Note de recherche n° 2006-05, Chaire derecherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir, mai, 72 p.

Guibbert, L.-L. (2005). Examen du processussynergique de valeur : exigences et répercussions,Actes du 16e congrès de l’AGRH, 25 p.

Harris, R., Reid, R. & McAdam, R. (2004). EmployeeInvolvement in Family and Non Family-ownedBusinesses in Great Britain, International Journal ofEntrepreneurial Behaviour and Research, 10(1-2), 49-58.

Hayton, J.C. (2006). Explaining CompetitiveAdvantage in Family Firms : the effectuation paradox,

US Association of Small Business andEntrepreneurship (USASBE) Annual Conference,Tucson AZ, January, 8 p.

IFOP (2007). Le bien-être psychologique des salariésau travail, 25 p.

King, J. E. (2000). White Collar-Reactions to JobInsecurity and the Role of the Psychological Contract :Implications for Human Resource Management,Human Resource Management, 39, 79-91, cité parSparks, K., Faragher, B. & Cooper, C.L. (2001). Well-being and Occupational Health in the 21stCentury Workplace, Journal of Occupational andOrganizational Psychology, 74, 489-509.

KPMG (2007). L’entreprise familiale : une entreprisedécidément pas comme les autres, 46 p.

Ooghe, H. & Van Wymeersch, C. (2006). Traitéd’analyse financière, Louvain-La-Neuve : Anthémis.

PriceWaterhouseCoopers (2011). L’entreprisefamiliale, un modèle durable, Family Business Survey(France), mars, 69 p.

PriceWaterhouseCoopers (2007). Les entreprisesfamiliales luxembourgeoises, 2e édition, novembre,48 p.

Robert, N. (2007). Bien-être au travail : une approchecentrée sur la cohérence de rôle, INRS.

Sanséau, P.-Y., Matmati, M. & Calamel L. (2010). LeDRH au cœur de la crise économique : rôle, activité etnouveau visage, Actes du congrès de l’AGRH, 24 p.

SD Worx (2010). La crise diminue la motivation et lasatisfaction des travailleurs belges, juillet.

Sen, A. (1999). L’économie est une science morale,Paris : Editions La Découverte.

Service public fédéral, Emploi, Travail et Concertationsociale (2008). Le bien-être des travailleurs lors del’exécution de leur travail, Direction généraleHumanisation du travail, 71 p.

Siegrist, J. (1996). Adverse health effects of higheffort/low reward conditions, Journal of OccupationalHealth Psychology, vol. 1, 27-41.

Stiglitz, J., Amartya, S. & Fitoussi, J.-P. (2009). Rapportde la Commission sur la mesure des performanceséconomiques et du progrès social.

99Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Vets, C., De Witte, H. & Notelaers, G. (2009).Caractéristiques du travail et bien-être destravailleurs belges au cours de la dernière décennie,Mission du Service public fédéral Emploi, Travail etConcertation sociale, 37 p.

Olivier COLOT Docteur en Sciences de Gestion, il est Maître deconférences HDR à la Faculté Warocqué d’Economie etde Gestion de l’Université de Mons où il enseigne dans ledomaine de la comptabilité et de l’entrepreneuriat. Il estégalement responsable académique des stages desétudiants en entreprise. Ses recherches portentprincipalement dans les domaines de la comptabilité, del’entreprise familiale et de l’entrepreneuriat.

Claire DUPONT Docteur en Sciences de Gestion, elle est Maître deconférences à la Faculté Warocqué d’Economie et deGestion de l’Université de Mons. Elle enseignenotamment les matières ayant trait à la gestion desressources humaines. Ses domaines de rechercheportent sur la gestion des ressources humaines encontexte de changement et sur la gestion stratégiquedes ressources humaines. Elle s'intéresse également auxrelations pouvant exister entre la fonction RH et laresponsabilité sociale des entreprises.

Romina GIULIANO Doctorante en Sciences Economiques et de Gestion etAssistante au sein du service d’Analyse économique dutravail de la Faculté Warocqué d’Economie et deGestion, elle dirige les travaux pratiques dans les coursde Statistique de 2ème Bachelier et d’Econométrie de3ème Bachelier. Sa thèse vise à analysermicroéconométriquement la mesure selon laquellecertaines pratiques de GRH en matière d’embaucheinfluencent la performance financière de la firme. À cestade, son champ d’analyse porte sur les pratiquesd’embauche en termes de contrats de travail. Elles’intéresse également au concept de la ResponsabilitéSociale des Entreprises.

100 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Annexe

Tableau 1Test d’échantillons appariés sur le personnel

101Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

102 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Tableau 2Test d’échantillons appariés sur les mouvements de personnel

103Management & Sciences SocialesN° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

104 Management & Sciences Sociales N° 17 Juillet-Décembre 2014 • Performance et entreprise responsable

Tableau 3Test d’échantillons appariés sur les formations