Révision - Horguelin

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PAUL A. HORGUELIN MICHELLE PHARAND PRATIQUE DE LA REVISION 4e edition revue et augmentee - _ ___________ __ ... ...

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PAUL A. HORGUELIN MICHELLE PHARAND

PRATIQUE DE LA REVISION

4e edition revue et augmentee

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PREMIERE PARTIE

PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION .

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......_ _ ___________ j UJ'.'JilllDRDE REVISION : DEFINITIONS ET RETROSPECTIVE 3

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LA NOTION DE REVISION:

DEFINITIONS ET RETROSPECTIVE

1 .1 LA VERIFICATION DE LA QUALITE

Tout texte peut faire l'objet de diverses formes d 'intervention visant a ameliorer OU a evaluer sa qualite. Si !'intervention a lieu au stade du produit semi-fini, elle consiste en une revision ou en une correction d'epreuves; si elle porte sur un produit fini , elle revet la forme d'une critique OU d'une evaluation.

11 importe de distinguer ces divers stades et modes d'intervention. Ils correspondent en effet a des objectifs differents et, clans la pratique, mettent en jeu des techniques tout aussi differ en tes .

1.1 .1 La revision

La revision, au sens ou nous l'entendons ici, est « !'amelioration (d'un texte) par des corrections » (Le Nouveau Petit Robert). On retiendra tout de suite, en· attendant d'y revenir de fa<;on detaillee, qu'il s'agit d'une amelioration, et non d'une retraduction OU d'une reecriture, pas plus que d'une modification purement gratuite. Le reviseur est « la personne qui revise OU

qui revoit. Reviseur de traductions » (Le Nouveau Petit Robert). L'Office quebecois de la langue fran<;aise (OQLF) recommande la forme feminine reviseure de preference a reviseuse.

On distingue deux grands types de revision, selon que le texte a revoir est un original OU

une traduction. La revision unilingue consiste a assurer la qualite informative et linguistique (contenu et forme) d'un texte en vue d'atteindre l'objectif de la communication: informer, inciter a agir, faire partager une opinion ... Dans le cas d'une revision bilingue, s'ajoute un element d 'importance : le texte de depart, dont il s'agit de verifier l'equivalence en langue d'arrivee. La revision bilingue est done comparative.

Une autre distinction tient compte de la fonction. Si la revision a pour seule fonction de rendre un texte conforme a certains criteres avant de le diffuser, sans qu'il y ait de communication entre le reviseur et !'auteur OU le traducteur, on parlera de revision pragmatique. Si a cette fonction s'ajoute celle du perfectionnement de redacteurs OU de traducteurs, OU bien

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4 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVlSION

si la revision prend la forme d'un exercice en vue de la formation d'erudiants, on <lira qu'il s'agit d'une revision didactique.

11 existe enfin divers modes de revision differencies par la nature des intervenants. D'une fac;on generale, la revision implique l'intervention d'un tiers dont le metier OU la fonction principale consiste a revoir des textes·. La relecture, OU autorevision, est une verification effectuee par }'auteur OU le traducteur lui-meme. La revision reciproque, OU interrevision, se pratique entre pairs: deux redacteurs OU deux traducteurs se revisent mutuellement. Cas plus rare, la revision collective fait appel a plusieurs personnes - groupe de redacteurs OU de traducteurs auxquels on peut adjoindre divers collaborateurs (terminologue, conseiller juridique, publi­citaire, representant du client ... ).

1.1.2 La correction d'epreuves

La correction d'epreuves ne concerne que les textes destines a !'impression. Elle consiste a indiquer sur une epreuve d'imprimerie (placard) les fautes d'impression, les coquilles et Jes changements a effectuer. Ces corrections typographiques sont notees a l'aide de signes conventionnels qu'utilisent tousles imprimeurs, avec quelques variantes.

La correction d'epreuves est done un stade intermediaire entre la revision et l'impres­sion definitive. Elle assure la qualite typographique du texte imprime. Selon les entreprises, cabinets OU agences, les epreuves sont corrigees par le traducteur-reviseur, le reviseur OU Uil

correcteur d'epreuves attitre. La personne qui assume cette tache doit connaitre le protocole des corrections typographiques (voir section 4.2).

Avec l'avenement de l'informatique, la production de textes - de la redaction OU

traduction a !'impression - a subi de profonds changements. Et la revision a du s'adapter en consequence, comme nous le verrons notamment au chapitre 5. L'un de ces changements concerne la correction d'epreuves, dont !'importance clans le processus de la communication ecrite a ere considerablement reduite.

1.1.3 La critique

La critique est « !'appreciation [ ... ] de la valeur d'un texte » ou encore le « jugement porte sur une reuvre » (Le Petit Larousse illustre). Dans ce sens, la critique s'exerce rarement a l'egard des textes dits utilitaires ou informatifs, qui constituent la majeure partie de la production des redacteurs et des traducteurs. Elle prend plus souvent la forme d'une recension d'ouvrages originaux ou d'une analyse de traductions litteraires. S'apparentant a la critique litteraire, elle n 'obeit pas aux memes regles que la revision. Comme nous le verrons brievement (section 2.1.1 ), c'est un art qui est encore a la recherche d'une merhode.

1.1.4 !.:evaluation

Comme la critique, l'evaluation porte sur un produit fini. Elle consiste a determiner la qualite d'un texte en lui attribuant une cote d'appreciation. L'evaluation des textes, ongmaux ou

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------~----~~-- .LA NOTION DE REVISION : DEFINITIONS ET RETROSPECTIVE 5

traduits, sert notamment a mesurer les progres d'etudiants, la competence de communicateurs OU le rendement qualitatif de services de traduction OU de redaction (voir chapitre 2).

1.1.5 Le controle et !'assurance de la qualite

Ces termes designent !'ensemble des dispositions prises clans un service ou un cabinet de traduction-redaction en vue de garantir la qualite des textes produits, en tenant compte des criteres reconnus et des attentes du client. Le controle s'exerce aux differents stades de la production des textes, tandis que !'assurance intervient a posteriori.

1.1 .6 La postedition

Selon Le grand dictionnaire terminologique de l'OQLF, la postedition est la « correction de la sortie machine d'une traduction automatique. [Elle] correspond a l'etape de revision en traduction humaine ».Nous en indiquons les modalites au chapitre 5 sur la revision au terminal.

1 .2 BREF HISTORIOUE DE LA REVISION

Les personnes qui exercent une profession ou une activite ne devraient pas rester indifferentes a son passe. En effet, celui-ci comporte toujours d'utiles enseignements et fait partie du bagage culture! du praticien, quel qu'il soit. Or, s'il est vrai que la revision est une activite professionnelle relativement recente, l'attestation de son existence comme operation connexe a la traduction rerrionte aux premiers siecles de notre ere.

1.2.1 Ouelques precurseurs

Si l'on en croit la Lettre d'Aristee, il semble bien que le premier reviseur de l'Histoire soit nul autre que le Saint-Esprit ... En effet, selon ce document apocryphe datant du me siecle av. J.-C., le pharaon d 'Egypte Ptolemee II Philadelphe (283-246 av. J.-C.) aurait fait venir clans l''ile de Pharos, pres d'Alexandrie, 72 Israelites (ou 70 selon d'autres sources) qui, clans 72 cellules separees, auraient produit en 72 jours 72 traductions identiques de l' Ancien Testament. Cette premiere traduction de la Bible hebra"ique en grec est depuis connue sous le nom de version des Septante ou la Septante. On peut penser qu'a defaut d'une inspiration divine, elle suppose !'intervention d'un OU de plusieurs reviseurs OU COOrdonnateurS.

Quelques siecles plus tard, le pape Damase charge son secretaire Jerome d'etablir une revision critique des versions existantes de la Bible. Retire a Bethleem (390-405), saint Jerome produit en fait une nouvelle traduction latine de la Bible, la Vulgate, s'attirant critiques et remontrances, notamment de saint Augustin, son contemporain. Celui-ci lui ecrit : « Si les choses a traduire sont obscures, il semble que toi aussi tu puisses t'y tromper; si elles sont claires, il semble que ces auteurs [les Septante] n'aient pas pu s'y tromper. » La Vulgate finira neanmoins par s'imposer, mais ce n'est qu'au Concile de Trente, en 1546, qu'elle fut reconnue authentique par l'Eglise catholique. Si, comme nous l'avons dit, la revision ne doit pas fare une retraduction, le patron des traducteurs n'est pas un modele pour les reviseurs ...

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6 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

Hors du domaine biblique, on pourrait mentionner que les Romains pratiquaient, sinon la revision, du mains la critique de traductions litteraires. Il faut toutefois attendre le IXe siecle pour trouver une activite de revision systematiquement organisee. A cette epoque, les califes de Bagdad entreprennent de rendre accessibles au monde arabe les reuvres des savants et des philosophes grecs. Fondateur d 'une Maison de la sagesse, le calife Al-Mamoun y etablit un veritable centre de traduction ou, sous la direction d'un traducteur-reviseur, une equipe de traducteurs specialises (en medecine, mathematiques, philosophie ... ) traduisent quelque deux cents ouvrages et revisent des traductions existantes, tout en assurant la formation et le perfectionnement des nouvelles recrues. On doit a ces traducteurs des reflexions Sur la maniere de traduire que l'on retrouvera en Europe plusieurs siecles plus tard. En ce qui concerne plus precisement la revision, des temoignages nous apprennent qu'une pratique courante consistait a demander a des collegues specialises clans un domaine de verifier l'exactittide scientifique de la traduction. On faisait egalement retraduire les traductions jugees non revisables. Enfin, a l'oc;casion de la revision d'anciennes traductions, les reviseurs indiquaient leurs criteres d'evaluation.

De Bagdad, la capitale de la traduction se deplace vers !'Occident ou a lieu une nouvelle transmission des connaiss.ances humaines d'une civilisation a une autre. Au xne siecle, l'archeveque Raymond de Tolede cree un « College des traducteurs » qui attire bientot des erudits venant des quatre coins de !'Europe. A l'origine, c'est le « donneur d'ordre » -

l'archeveque lui-meme - qui verifie la qualite des traductions. Puis, comme a Bagdad, cette fonction est assumee par le plus celebre traducteur de cette ecole, Gerard de Cremone. Au siecle suivant, les traducteurs au service d' Alphonse X le Sage voient leurs traductions revisees par le roi, ecrivain et poete, ou par ses secretaires.

Le siecle de la Renaissance est notamment marque par !'emergence des langues natio­nales, qui vont progressivement detroner le latin comme langue de l'ecrit. A la faveur du grand mouvement de la Reforme apparaissent les premieres Bibles traduites clans la langue des fideles, ce qui donne lieu a plusieurs experiences de revision. En France, la premiere grande Bible protestante, <lite d'Olivetan (1535), est revisee par Calvin; celui-ci, clans les annees qui suivront, pratiquera l'autorevision a !'occasion de nouvelles editions de son reuvre capitale, L'institution de la religion chretienne. C'est toutefois en Angleterre qu'est organisee la plus grande opera­tion de revision au temps de la Reforme. Des 1525, William Tyndale avait fait imprimer en Allemagne sa traduction du Nouveau Testament. La traduction de l' Ancien Testament, interrompue par sa mort, fut completee par Miles Coverdale. Cette version· fondatrice allait servir de base aux nouvelles editions et versions qui se succedent jusqu' a la fin du siecle. En 1603, le roi Jacques 1er demande aux membres du haut clerge de produire une traduction de la Bible qui recevrait !'approbation des autorites religieuses et civiles. Quarante-sept erudits, formant un « Comite des reviseurs », se mettent a la tache. Se servant des versions existantes et les confrontant aux originaux, ils appliquent clans leur travail de revision ·collective un ensemble de regles imposees par Jacques 1er. Le resultat de leurs efforts, l'Authorized Version (1611), fut une remarquable reussite, notamment par sa qualite stylistique, et elle ne sera a nouveau revisee qu'a la fin du x1xe siecle.

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"---------------------1..LA.NOIION DE REVISION: DEFINITIONS EI REIROSPECIIVE 7

A notre connaissance, c'est en France qu'on releve une des premieres cnuques systematiques d'une traduction. En 1635, uncertain Bachet de Meziriac fait lire a l'Academie frarn;aise, nouvellement fondee, un Discours de la traduction qui est un veritable requisitoire contre Jacques Amyot, traducteur des Vies paralleles de Plutarque (1559), lui reprochant d'avoir « peche contre les regles qu'un fidele Traducteur doit observer ponctuellement ». Le « prince des traducteurs » devait etre de nouveau la cible d'un critique, Paul-Louis Courier, qui publie au debut du x1xe siecle Les Pastora/es de Longus, « traduction de messire Jacques Amyot, revue, corrigee, completee, de nouveau refaite en grande partie ». Sa version revisee est accompagnee de nombreuses notes signalant les « grossieretes » et les « sottises » de· son predecesseur, qu'il credite neanmoins de « quelques passages rendus avec tant de grace et de precision, qu'il ne se peut rien de mieux ».

Entre-temps, l'intensification de la traduction d'reuvres contemporaines, a l'oree du xvme siecle, avait produit les premiers exemples de collaboration entre auteur et traducteur. Pierre Coste, qui a fait connaitre en France le philosophe anglais John Locke, se felicite d'avoir beneficie de« l'assistance de Mr. Locke, qui a eu la bonte de revoir [sa] traduction ».II a pu ainsi « bien representer la pensee de l'Auteur », tout en prenant « un tour un peu different» ... sans reussir, toutefois, a le convaincre de supprimer les « repetitions inutiles ».

Mis a part ces differents cas de critique OU de revision par des tiers, les traducteurs de toutes les epoques ont pratique l'autorevision, mais avec un decalage variable. Si Andre Gide remettait au lendemain la revision des passages difficiles, Chateaubriand allait plus loin: « J'ai refondu trois fois la traduction sur le manuscrit et le placard; je l'ai remaniee quatre fois d'un bout a l'autre sur les epreuves. » Imprimeur et editeur Ont du apprecier! D'autres, comme Gerard de Nerval (traducteur du Faust de Goethe) ou Pamphile Le May (traducteur de l' Evangeline de Longfellow), revisent leur traduction a chaque nouvelle edition.

1.2.2 La revision professionnelle

A partir du xxe siecle, les rraducteurs liueraires remplacent peu a. peu les ecrivains-traducteurs, et le recours a la revision tend a se generaliser chez les editeurs. Parallelement, l'accroissement rapide du volume des traductions non litteraires necessite l'organisation de services de traduction qui, en se structurant, vont en quelque sorte institutionnaliser la fonction de reviseur.

Ce sont les services de traduction des grands organismes internationaux qui ouvrent la voie: Societe des Nations, puis, apres la Deuxieme Guerre mondiale, Organisation des Nations Unies et Commission.des communautes europeennes. A l'ONU, par exemple, on estime que 80 % des textes traduits sont revus par des reviseurs attitres. A la Communaute europeenne, la majo­rite des traductions sont egalement revisees. Le poste de reviseur est un des paliers de la structure hierarchique, mais il existe aussi une categorie de « traducteurs principaux » qui s'autorevisent. Dans le secteur prive, la revision par des tiers ne semble pas generalisee en Europe.

En resume, on peut dire que la revision professionnelle est une consequence de la specialisation des fonctions qui s'est produite des que la traduction est devenue une activite organisee. Le meme processus est intervenu au Canada, comme nous le verrons au chapitre 7.

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8 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVLSION

1.3 ~EVOLUTION DES CRITERES DE OUALITE

Qu'elle SOit unilingue OU bilingue, la revision implique necessairement Un jugement SUf la qualite d'un texte. Or, a moins d'etre purement subjectif, et done contestable, ce jugement doit se faire en fonction de criteres reconnus. C'est la que les choses se compliquent, car a la question fondamentale « Qu'est-ce qu'un bon texte? » ou « Qu'est-ce qu'une bonne traduction? » il n'y a pas toujours de reponse faisant l'unanimite. Il n'en demeure pas moins que !'amelioration d'un texte n'est possible et valable que si le reviseur sait exactement quels sont les criteres qui vont le guider. C'est ce que nous allons tenter de preciser brievement - avant d'y revenir de fa~on plus exhaustive au chapitre 3 - par un rappel du cheminement qui devait conduire aux concepts contemporains.

1.3.1 Revision bilingue

Les criteres applicables a la revision bilingue sont evidemment associes a ceux de la traduction. Or, historiquement, les regles concernant la maniere de traduire Ont ere enoncees en fonction de deux genres dominants: la traduction religieuse et la traduction litteraire. Cet heritage pesera lourd lorsque viendra le moment d'erablir des criteres applicables aux autres genres. En outre, on a longtemps accepte comme une dichotomie essentielle a la traduction !'opposition - ou la coexistence - de deux modes : la traduction litterale et la traduction libre. Et de fait, on peut delimiter des epoques au cours desquelles l'une des deux tendances a predomine ( « belles infideles » au xvnc siecle, litteralite au x1xe), tout comme on peut observer que les traducteurs bibliques contemporains se divisent encore en deux grandes ecoles, celle de !'equivalence dynamique et celle de !'equivalence formelle. Enfin, en erudiant !'evolution de l'art de traduire au cours des ages, on arrive a une troisieme COnStatation: a chaque postulat OU critere enonce correspond un postulat ou critere diametralement oppose ...

Sans doute est-il illusoire de vouloir edicter des criteres immuables, valables pour toutes les traductions. C'est pourquoi on emprunta assez tot une autre voie qui tenait davantage compte de la diversite de !'operation traduisante et permettait d'aborder la question des criteres de qualite clans une nouvelle perspective. Au lieu de rechercher des criteres universels, on distingue trois degres ou modes possibles de traduction: le mot a mot, qui calque la structure de l'original; la traduction proprement dite, ou le sens a priorite sur la forme; et !'imitation, ou !'original sert simplement de modele. A chaque mode correspondent des criteres particuliers qu'il est plus aise de definir.

Ce n'est toutefois qu'a partir de la seconde moitie du xxe siecle que se degage, apres plusieurs siecles de maturation, un ensemble de principes generaux qui, sans faire l'unanimite parmi les traducteurs et les theoriciens, refletent neanmoins la tendance dominante. Plusieurs faits nouveaux contribuent a relancer la question des criteres de qualite. D'une part, on assiste au developpement rapide du domaine de la traduction non litteraire, ce qui remet en cause les preceptes herites du passe. D'autre part, une theorie de la traduction commence a s'echafauder sur des bases plus scientifiques qu'au cours des siecles precedents. Enfin, la multiplication des echanges et le perfectionnement des moyens de communication donnent a la traduction un role de premier plan, rendant necessaire une redefinition de ses objectifs.

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Au terme de cette retrospective, on peut tirer une conclusion : les criteres de qualite en matiere de traduction sont une notion relative qui varie en fonction de plusieurs facteurs, notamment le temps, le lieu, les circonstances de la communication, le genre de traduction, la nature du texte et sa finalite et, enfin, le destinataire. Cette relativite admise, il est possible d'arriver a une definition de la traduction qui constitue une synthese des crireres contempo­rains generalement acceptes - et peut done servir de guide pour la revision. Les deux citations ci-dessous nous semblent repondre a cette exigence :

Essentiellement une traduction doit, pour etre a L'abri de tout reproche: 1) transmettre exactement Le message de !'original; 2) observer /es normes grammaticales de son temps; 3) etre idiomatique; 4) etre dans Le meme ton que !'original (equivalence stylistique}; 5) etre pleinement intelligible pour Le Lecteur qui appartient a une autre culture (adaptation culturelle)1•

Traduire, c' est rendre Le message du texte de depart avec exactitude, en une langue d'arrivee correcte, authentique et adaptee au sujet et a La destination 2.

1.3.2 Revision unilingue

Si l'on convient que pour bien traduire il faut savoir rediger, il s'ensuit que traduction et redaction obeissent a des criteres communs. Il existe certes quelques divergences, du fait que !'operation en jeu est, selon le cas, interlinguale ou intralinguale. Mais les specificites sont attenuees par le partage d'un meme objectif: transmettre efficacement un message.

Que la traduction et la redaction professionnelles soient des actes de communication semble aujourd'hui un point acquis, mais il n'en a pas toujours ere ainsi. La tradition litteraire, transmise par l'enseignement, a longtemps tenu lieu de norme pour tousles types d'ecrit. L'ecole enseignait l'art de la composition et de la dissertation par !'imitation des « bons auteurs », exercice fort recommandable, mais qui privilegiait une forme d'ecriture au detriment des autres. Tousles precis, manuels, exercices de style puisaient leurs modeles et leurs exemples clans la langue litteraire, et c'est sans doute avec surprise que nombre de bacheliers constataient, en entamant Jeur Carriere professionnelle, que « Ja Jittfaature n'est pas une bonne ecole de redaction3 ».

Outre cette confusion avec l'ecriture litteraire, la communication ecrite a ere reduite a sa dimension linguistique et a ses composantes traditionnelles: orthographe, grammaire et style. C'est le seul aspect dont traitent la plupart des manuels de redaction professionnelle publies vers le milieu du siecle, qu'il s'agisse de correspondance commerciale, de redaction de rapports ou de « litterarure administrative». Cette conception a ere remise en cause par les theoriciens de !'infor­mation, qui ont place l'accent sur la lisibilite et l'efficacite des textes. II en est resulte de nouveaux criteres concernant notamment la comprehension, la memorisation et la perception du message par le destinataire, criteres que ]'on peut evaluer par des systemes de mesure (voir section 2.2). Pour resumer cette evolution, disons qu'elle est passee du savoir ecrire au savoir communiquer.

1 Jean DARBELNET, « Traduction li~terale ou traduction libre? >>, Meta, vol. 15, n° 2, 1970, p. 89. 2 A. CovACS, « Vers une doctrine traductionnelle >>, L'actualite terminologique, vol. 10, n° 6, 1977, p. 1. 3 S. SAlNDERICHIN, Ecrire pour etre Lu, Paris, Entreprise moderne d'edition, 1975, p. 17.

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10 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNLQUE DE LA RE\ll.SlON

En revision unilingue, on ne peut done se contenter de verifier la qualite linguistique des textes. 11 faut aller plus loin et, pratiquant l'empathie (aptitude a se mettre a la place du destinataire), s'assurer que le texte revise a atteint la cible, c'est-a-dire qu'il sera lu et qu'il provoquera la reaction attendue.

1.3.3 La norme et l'usage

Les questions de norme et d'usage sont au creur meme du travail de revision, et tout reviseur conscient de son role se doit d'y reflechir. D'ailleurs, la pratique quotidienne se charge de lui rappeler cette exigence: d'une part, chacune de ses interventions fait appel a son « jugement linguistique », lequel s'inspire necessairement d'une certaine conception de la langue et du « bon usage»; d'autre part, ses rapports avec revises, donneurs d'ouvrage ou utilisateurs sont souvent ponctues d'affrontements entre idiolectes. « La plus part des occasions des troubles du monde sont grammairiennes », constatait deja Montaigne; et, de fait, le debat sur la qualite de la langue se poursuit depuis des siecles.

En simplifiant, on peut dire que deux tendances s'opposent. A la premiere adherent les theoriciens et grammairiens qui veulent fixer le langage a ['aide de regles fondees sur la raison et la logique. Heritee de l' Antiquite, cette tendance conna!t son apogee au xvne siecle, epoque marquee par une grande entreprise d'epuration et de codification du langage a laquelle parti­cipent des ecrivains comme Malherbe, les grammairiens de Port-Royal et l'Academie franc;aise nouvellement fondee. L'objectif etait louable: perfectionner la langue comme instrument de pensee et eviter qu'une evolution trop rapide ne rende incomprehensibles les ecrits des siecles passes. Mais c'etait faire abstraction de deux realites, a savoir que les langues ne sont pas guidees par la raison et qu'il est vain de vouloir en arreter !'evolution.

Quant a la seconde tendance, elle reunit ceux pour qui le seul critere est l'usage. Or, l'usage est un concept mouvant: il varie selon l'epoque et le lieu. En outre, se pose la question essentielle: qui determine l'usage? Pour certains, c'est !'ensemble ou la majorite de la collectivite linguistique. Mais clans les cas litigieux, ceux qui font vraiment probleme, on constate que les avis sont a peu pres egalement partages .. . Pour d'autres, c'est un groupe social : « Le bon usage actuel est le consentement des bons ecrivains et des gens qui ont souci de bien s'exprimer », affirme Grevisse - apres Vaugelas, Voltaire et beaucoup d'autres. Mais on ne precise pas ce qu'il faut entendre par « bon ecrivain » et « bien s'exprimer ». De plus, cette conception « elitiste » de l'usage a ere contestee a l'epoque contemporaine, du fait qu'elle privilegie la langue ecrite et exclut l'apport d'autres elements de la sociere.

Pour sortir du dilemme norme I usage, et ne pas ramener le debat a une simple querelle entre puristes et laxistes, on a avantage a fa ire intervenir la notion de niveaux de langue. 11 ne s'agit plus alors de rechercher le critere absolu en matiere de qualite de langue, mais plus simplement de constater « qu'il n'y a pas une norme mais des normes, differentes selon les niveaux sociolinguistiques et les circonstances de la communication4 ».En outre, on se rappellera que la dispersion geographique des collectivites linguistiques engendre des usages regionaux

4 E. BEDARD et J. MAURAJS, La norme linguistique, Quebec, Conseil de la langue fran\:aise; Paris, Le Robert, 1983.

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qui. c..:u- a iilnure OU .: L ~blen.- des lacunes de la langue commune OU repondem a un besoin d"expi"es n;re d"un groupe d0nne. relhenr de la pluralire des normes.

En conclusion, le rhiseur doir certes avoir une connaissance profonde de la langue, de -es ressources er de ses difficultes, mais cetre connaissance ne doit pas conduire au dogmatisme ni au ' fixisme » . Peur-erre devrait-il s'inspirer de cette opinion peu orthodoxe: « Savoir sa langue, c'est en conna!tre assez bien les regles [et les usages] pour se permettre de ne les violer qu'a propos » (Marcel Jouhandeau). Pour affiner son jugement linguistique, le meilleur moyen est encore la lecture. Lire des ouvrages traitant de problemes de langage, pour se faire une opinion eclairee a partir de la diversite des points de vue et aussi pour se persuader de la relativite des normes et des usages; lire aussi, regulierement, un echantillon varie de publications (ceuvres littfaaires, magazines d'actualite, revues specialisees, publications professionnelles ... ) pour constater de visu que la langue, « comme tout ce qui vit, est en perperuelle evolution » (Albert Dauzat). Et, enfin, se rappeler constamment que le but primordial de la revision est de faciliter la communication.

En une fois com me en cent: tout est dans /'USAGE.

• L'USAGE, voila le grand mot et le vrai maitre.

Mais pour bien le servir, ii nous faut le connaitre.

Lisons, lisons beaucoup, lisons comme des brutes.

Ouvrons l'ceil et le bon; et puis aussi l'oreille;

ecoutons sans cesse ce qui se dit

la ou l'on parle un bon fran~ais;

prenons le vent, tournons-nous de cote et d'autre,

ne laissons rien echapper, car

seu le une vigilance constante pourra,

a la longue,

faire de nous des gens possedant bien

leur instrument d'expression et,

par consequent,

de bons traducteurs.

Source: Irene de BursSERET, Deux langues, six idiomes, Ottawa, Carlton-Green Publishing Co., 1975, p. 38.

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2 LA R.ECHERCHE o'uNE METHODE 13

2

LA RECHERCHE D'UNE METHODE

La critique et !'evaluation des traductions ont longtemps ere une operation empirique, souvent teintee de subjectivisme. Ce n'est qu'a une epoque relativement recente que sont apparus les premiers signes d'une approche plus methodique, a la faveur des progres accomplis depuis le milieu du xxc siecle clans le domaine de la theorie de la traduction. Des qu'on a cesse de considerer que la traduction erait uniquement un art pour l'envisager aussi comme une science ou, du moins, comme « une discipline exacte, possedant ses techniques et ses problemes particuliers1 »,et qu'on s'est attache a systematiser le processus de !'operation traduisante, il est devenu possible d'evaluer les traductions selon des criteres moins aleatoires.

Parallelement, les recherches en theorie de !'information ont donne une importance nouvelle a l'efficacite de la communication ecrite, qu'il s'agisse de textes originaux ou traduits. A !'evaluation traditionnelle, essentiellement axee sur la qualite stylistique, sont venus s'ajouter d'autres criteres qui tiennent davantage compte de la reaction du destinataire. On a ainsi ere amene a erablir des grilles OU systemes d'evaluation permettant une analyse plus complete et plus systematique.

S'il importe de faire une distinction entre revision et evaluation, comme nous l'avons dit plus haut, la connaissance des modes d'evaluation pratiques ou proposes n'en est pas moins utile a une etude des techniques de la revision, car les elements d'appreciation sont sensiblement les memes clans les deux cas. Seules different les fins poursuivies.

2.1 !.:EVALUATION DES TRADUCTIONS

A l'epoque contemporaine, !'appreciation de la qualite des traductions est progressivement passee d'un debat sur des criteres generaux et vagues, difficilement mesurables, a la recherche de systemes d'evaluation objective. Ceux-ci vont du simple bareme de correction, d'application rapide mais de portee restreinte, au modele global tres sophistique, dont !'utilisation est parfois trop complexe pour se prerer a une generalisation.

1 Jean-Pa ul VJNAY et Jean DARBELNET, Stylistique comparee du franr;ais et de l'anglais, Montreal, Beauchemin, 1958, p. 23. Reimpression: 1977.

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14 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE\LISION

2.1.1 Bref historique

En 1959, la Federation internationale des traducteurs tenait un congres mondial ayant pour theme: «La qualite en matiere de traduction2 ».En preparation de cette rencontre, une enquete avait permis a plus de cent traducteurs, ecrivains et pedagogues d'exprimer leur opinion sur la question. De cette somme de temoignages ii ressort que la plupart des traducteurs litteraires cherchaient encore a concilier la beaute et la fidelite, tandis que certains traducteurs techniques ramenaient !'evaluation de la qualite a une simple affaire d'equivalence terminologique. Pourtant, les communications presentees au congres denotent un souci reel de faire progresser le debar en elargissant la notion de qualite. Qu'il s'agisse de traduction Jitteraire OU technoscientifique, les opinions se rejoignent : « La qualite d'une traduction est toujours fonction de la fin poursuivie plutot que de criteres abstraits tires d'une definition a priori. [ ... ] En outre, des qu'on parle de fin, on est tenu de faire entrer en ligne de compte le public pour lequel travaille le traducteur »

(E. Cary); « ... each mode of translation (literary, technical, etc.) is governed by a_set of {specific) criteria which depend on the type of text, such criteria being in turn conditioned by the ends to which translations are prepared » (R. W. Jumpelt) . On constate neanmoins qu'a partir de ces postulats, personne ne propose de mode d'evaluation.

La situation ne devait guere evoluer clans les annees qui suivirent. Les criteres cl' evaluation proposes varient selon les auteurs de la critique. Ceux-ci se rangent en deux categories : les critiques litteraires et les traducteurs. Les premiers jugent souvent une traduction sans reference au texte original, soit qu'ils en ignorent la langue, soit qu'ils considerent qu'une traduction litteraire est une ceuvre d'art per se et doit done erre evaluee comme telle. Le jugement porte exclusivement sur la qualite litteraire. Pour ceux qui tiennent compte de l'original, les criteres ne sont pas toujours evidents. L'un d'eux declare: « Je prefere des traductions avec des contresens, mais qui respectent l'esprit de l'auteur » , pour ajouter du meme souffle: «Les traductions des ceuvres d'Edgar Poe par Baudelaire, pleines de contresens et d'erreurs, seraient aujourd'hui refusees par tous les editeurs3• » Un autre considere que « ce n'est pas tres grave de faire des contresens, du moins clans le cas de textes litteraires », qu'il faut viser une « parfaite credibilite » (transparence), mais deplore neanmoins que certains traducteurs censurent ou expliquent au lieu de traduire4

• Les critiques traducteurs, de leur cote, procedent toujours a une evaluation comparative, et c'est certainement a eux qu'on doit les analyses les plus pertinentes.

2.1.2 Baremes et parametres

Au Canada, la recherche de modes d'evaluation reposant sur une base plus systematique que l'appreciation subjective s'est principalement manifestee clans trois secteurs: l'enseignement, !es associations professionnelles et le Bureau des traductions du gouvernement federal.

2 E. CARY et R. W. jUMPELT (dir.), La qualite en matiere de traduction, Oxford, Pergamon; New York, Macmillan, 1963.

3 Michel MOHRT, interview a Radio-Canada, 1972. 4 Denis ROCHE, « Ecrire et traduire >>,conference a l'Universite .de Montreal, 1984.

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2 LA RECHERCHE D1UNE METHODE · 15

C'est au debut des annees 1970 qu'ont ete etablis les premiers baremes de correction, aussi bien clans les ecoles de traduction que clans les associations de traducteurs. Dans les deux cas, le but vise etait, d'une part, l'uniformisation des corrections en vue d'eviter Jes ecarts d'appreciation entre professeurs ou correcteurs et, d'autre part, la justification des notes par l'indication des types d'erreurs commises ou des passages bien rendus, ce qui permettait de signaler aux etudiants ou aux candidats leurs points faibles et leurs points forts.

A titre d'exemple, le mode de correction utilise pour l'examen d'agrement du Conseil des traducteurs et interpretes du Canada (CTIC) distingue trois categories de fautes : semantiques, syntaxiques et stylistiques. Selon sa gravite, chaque faute est sanctionnee par la soustraction de 2 a 20 points; on accorde des points supplementaires (2 a 5) pour les passages bien rendus. La note obtenue par !'application du bareme est ensuite redressee en fonction du niveau de competence que l'on desire reconnaitre.

En 1977, le Bureau des traductions du gouvernement federal, desirant evaluer et ameliorer la qualite de ses services, met au point un instrument de mesure appele Sical ou Systeme canadien d'appreciation de la qualite linguistique5 . Ce systeme comprenait deux opera­tions principales: le decoupage du texte de depart en unites de traduction et le recensement des cas de reussite ou q'echec au moyen d'une grille d'evaluation. Celle-ci permettait une analyse comparative des deux textes (original et traduction) a l'aide de quinze parametres repartis en trois groupes : cinq parametres de transfert, six parametres de redaction et quatre parametres a cheval sur la langue de depart et la langue d'arrivee. Le Sical etait done un instrument de mesure beaucoup plus raffine que les simples baremes de correction. Neanmoins, malgre !'adoption d'une version simplifiee apres une periode d'essai, il ne repondait pas aux exigences d'une activite de correction et de revision pratiquee sur un grand nombre de copies ou de textes traduits : le facteur temps entre alors en jeu et on ne peut en faire abstraction.

Dans le prolongement des travaux ayant conduit a !'elaboration du Sical, les parametres de !'evaluation des traductions ont fait l'objet d'une etude realisee pour le compte du Bureau des traductions6 . Selon son auteur, l'un des buts vises etait d' « eliminer l'enorme part de subjectivite presente clans la relation du correcteur au texte traduit » . Estimant que « les categories traditionnelles de la correction et de la revision (contresens, faux sens, barbarisme ... ) ne peuvent servir, car elles sont floues et subjectives », il propose une serie de parametres auxquels il attribue un coefficient, ce qui permet d'evaluer un texte.

2.1.3 Unites d'analyse et modele global

Si la recherche d'une methode d'evaluation des traductions s'est orientee presque necessairement vers le choix de criteres objectifs ou quantifiables, elle a aussi pose la question des unites d'analyse. Dans le cours des annees 1970-1980, plusieurs chercheurs vont apporter leur contribution a la definition de ces unites. Avec le recul du temps, force est de constater que ces recherches n'ont pas depasse le stade de la theorie. Plus fructueuses, par contre, furent Jes tentatives d'elaboration de systemes globaux d'evaluation.

5 A. CovACS, Le Systeme canadien d 'appreciation de la qualite linguistique, Ottawa, Bureau des traductions, 1978. 6 D. GOUADEC, « Parametres de ]'evaluation des traductions >>, Meta, vol. 26, n° 2, 1981, P: 94-116.

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16 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REYlSION

2.1.3.1 ~equivalence dynamique

Une premiere orientation est donnee par le linguiste americain Eugene A. Nida et son collabo­rateur Charles A. Taber7 . Bien que leurs travaux s'inspirent exclusivement de la traduction biblique, les auteurs estiment que leur demarche est egalement applicable « a la traduction en general».

Nida et Taber ecartent la correspondance formelle, qui vise a « reproduire clans la traduction la forme de l'original »,et y substituent I' equivalence dynamique, « qualite d'une traduction clans laquelle le message du texte original a ete transfere clans la langue receptrice de telle maniere que la reaction du recepteur est essentiellement la meme que celle des recepteurs du texte original ». Pour atteindre cette equivalence, la traduction doit respecter trois criteres, enonces sous forme de questions :

1. « Les recepteurs comprennent-ils le message d'une maniere correcte? » (Intelligibilite)

2. « Comprennent-ils facilement? » (Lisibilite)

3. « Se sentent-ils attires et concernes par la traduction, parce qu'elle a une forme agreable et convaincante? » (Reaction affective et volitive)

Dans le chapitre qu'ils consacrent a I' evaluation de la traduction, les auteurs traitent de la longueur du texte. Sans en faire un critere de qualite, ils considerent qu'une bonne traduction est habituellement plus longue que !'original. Plusieurs procedes d'evaluation sont ensuite proposes. Ils mettent largement a contribution le recepteur du message, dont la competence peut varier, et excluent pratiquement la confrontation avec le texte de depart. Dans son ensemble, le systeme d'evaluation reposant sur l'equivalence dynamique devient done teinte de subjectivisme, et son application pratique peut difficilement sortir du cadre particulier ou il a ete conc.:u.

2.1.3.2 Typologie et equivalence fonctionnelle

Dans les annees 70, la recherche d'un modele d'evaluation prend une autre orientation. Selon une nouvelle ecole de pensee, ce n'est pas la reaction du destinataire qui _permet de determiner la qualite d'une traduction, mais le type et la fonction du texte de depart.

S'inspirant d'etudes precedentes sur les fonctions du langage, Katharina Reiss8 distingue trois types de textes, selon que leur element dominant est le contenu (articles de journaux, textes techniques et scientifiques), la forme (ceuvres litteraires) ou l'effet produit sur le recepteur (textes publicitaires, polemiques, etc.). Aces categories correspondent des criteres d'equivalence primordiaux: invariance du contenu; invariance du contenu et du mode d'expression; effet comparable. Aucune merhode d'application de ces criteres n'est toutefois proposee.

7 Charles A. TABER et Eugene A. NIDA, La traduction: Theorie et methode, Londres, Alliance biblique universelle, 1971.

8 On trouvera un resume et une critique de ses travaux clans Juliane HOUSE, « A Model for Assessing Translation Quality>>, Meta, vol. 22, n° 2, 1977, p. 103-109, et clans H. BDHLER, « Suprasentential Semantics and Translation >>, Meta, vol. 24, n° 4, 1979, p . 451-458.

.. .. .. .. .. .. .. .. .. Iii .. fiili .. .. .. .. • .. .. .. .. .. ..

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2 LA RECHERCHE D1UNE METHODE 17

De son cote, Peter Newmark reprend la distinction seculaire entre deux modes de traduction, qu'il definit ainsi :

Communicative translation attempts to produce on its readers an effect as close as possible to that obtained on the readers of the original. Semantic translation attempts to render, as closely as the semantic and syntactic structures of the second Language allow, the exact contextual meaning of the original9.

Newmark devait par la suite preciser le domaine de la traduction communicative et indiquer les limites du critere d'effet equivalent10. Ii differencie les textes a fonction informative (journaux et revues, manuels scolaires, rapports ... ) des textes a fonction vocative (propagande, publicite, avis, directives, ecrits polemiques). On peut certes viser !'equivalence d'effet entre !'original et la traduction, mais cette equivalence ne se realise que s'il ya chevauchement culture! des deux langues. En outre, il est impossible de determiner si les lecteurs du texte de depart reagiront de la meme fa<;on que les destinataires de la traduction, et il est peu probable que chez chacun de ces derniers l'effet produit soit le meme.

Juliane House11 identifie aussi deux types de traduction: overt et covert, correspondant respectivement a la traduction semantique et a la traduction communicative de Newmark. Le choix du mode de traduction depend de l'objectif vise: un texte biblique pourra faire l'objet d'une overt translation si on le considere comme un document historique et litteraire, ou d'une covert translation si l'objectif est de transmettre un message a !'ensemble de l'humanite.

Le modele d'evaluation propose a pour critere de base la fonction du texte, c'est-a-dire son utilisation dans le contexte d'une situation donnee. Cette fonction, determinee a l'aide de huit parametres, doit fare la meme dans les deux langues pour que la traduction soit consideree comme adequate (equivalence fonctionnelle). Voici les parametres retenus:

1. Origine geographique Langue utilisee par l'emetteur (standard ou dialecte).

2. Classe sociale Niveau de langue.

3. Epoque Situation du texte dans le temps.

4. Moyen Texte ecrit pour fare lu OU entendu.

5. Participation Monologue ou dialogue; personnalisation du message.

6. Rapport social Role social de l'emetteur par rapport au recepteur.

7. Attitude « Style » de l'emetteur: distant, informel...

8. Domaine Activite professionnelle de l'emetteur et sujet du texte.

Le « profil textuel » ainsi etabli caracterise la fonction du texte de depart et constitue le critere d'evaluation de la qualite de la traduction.

9 Peter NEWMARK,« Communicative and Semantic Translation >>, Babel, vol. 23, n° 4, 1977, p. 163-180. 10 Peter NEWMARK, «Further Note on Communicative and Semantic Translation », Babel, vol. 28, n° 1, 1982,

p. 18-20. 11 Juliane HOUSE, A Model for Translation Quality Assessment, Tiibingen, TBL Verlag Gunter Narr, 1977.

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18 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVJSIO

Apres avoir experimente le modele a l'aide de huit textes de type different, House constate que seule la covert translation permet d'atteindre !'equivalence fonctionnelle. Dans les cas d'overt translation, il faut introduire une « fonction de second niveau » qui tienne compte du fait qu 'a l'origine le texte de depart avait pour ses destinataires une fonction qui ne peut fare equivalente a celle du texte d'arrivee. En conclusion, l'auteure reconnait que son modele « contient inevitablement un element subjectif, hermeneutique », et estime que !'evaluation de la qualite des traductions n 'atteindra sans doute jamais le degre d'objectivation des sciences exactes, car « le facteur ~umain est une variable importante ».

Au debut des annees 1990, l'ecole de Ia typologie trouve de nouveaux adeptes. Basil Hatim et Ian Mason 12 identifient trois types de textes : factuels, argumentatifs et incitatifs. A pres avoir faabli a quelle categorie appartient le texte de depart, le reviseur doit s'assurer que le texte d'arrivee a la meme finalite. On retrouve ce meme critere cl' evaluation chez Christine Durieux13.

2.1.3.3 Etudes recentes

Dans le dossier « La revision revue et corrigee », publie en 2000 par la revue Circuit, on peut lire un article presentant les resultats d'une enquete menee aupres de seize bureaux de traduction et « portant sur les parametres effectivement appliques par la profession clans l'operation de verification de la qualite14 ». Ces parametres sont: l'adaptation fonctionnelle (adaptation au destinataire OU a la destination du texte), !'exactitude (respect des idees) , le style, la correction idiomatique, les uniformites diverses (terminologie, presentation ... ), !'adaptation a l'expediteur, l'exhaustivite, la rentabilite et le respect des echeances. Pour chacun de ces parametres, on indique en pourcentage !' importance qui lui est accordee.

Dans le meme dossier, le reviseur et professeur Brian Mossop15 expose le dilemme que connaissent bien des reviseurs - et leurs employeurs : comment concilier la qualite et la rapidite d 'execution? Il propose une definition de la qualite et retient deux parametres principaux : !'exactitude et le succes de la communication. En 2007, le meme auteur a publie une deuxieme edition de son ouvrage Revising and Editing for Translators16• Il y traite de tous les aspects de la revision et consacre notamment un chapitre aux parametres et une annexe a !'evaluation de la qualite.

Pour conclure, signalons que Ja revue Meta 17 a consacre un numero au theme « L'evaluation des traductions ». Sur Jes seize articles qu'on y presente, dix traitent directement de !'evaluation des traductions, soit clans les cours de traduction, soit clans la pratique de la profession. En voici la liste, clans l'ordre de publication:

12 Basil HATIM et Ian MASON, Discourse and the Translator, New York, Longman, 1990. 13 Christine DURIEUX, :' La finalite : Critere de tax inomie des traductions '» Contrastes, n° 10, 1991; « L'evaluation

de la qualite en traduction '"Hieronymus, n° 2, 1999. 14 Louise BRUNETTE et M arie-Eve RACETTE, « Portrait de la revision >>, Circuit, n° 69, automne 2000, p . 6-7. 15 Brian Mossor, « Quality versus Speed >>, Circuit, n° 69, auromne 2000, p. 9-10. 16 Brian Mossor, Revising and Editing for Translators, 2c ed., Manchester, St. Jerome Publishing, 2007. 17 « L'evaluation des traductions '" Meta, vol. 46, n° 2, 2001.

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2 LA RECHERCHE o'UNE METHODE 19

• « L'evaluation des traductions par l'historien » (Jean Delisle).

• «Equivalence Parameters and Evaluation» (Heidrun Gerzymisch-Arbogast) - Les parametres d 'equivalence: coherence, reseaux thematiques et I ou isotopiques.

• «Translation Quality Assessment: Linguistic Description versus Social Evaluation » (Juliane House) - Trois approches de !'evaluation des traductions.

• «Aspects pedagogiques de l'evaluation en traduction » (Hannelore Lee-Jahnke) -L'evaluation formative clans l'enseignement de la revision.

• «Assessment in Translation Studies: Research Needs » (Nicole Martinez Melis et Amparo Hurtado Albir) - L'evaluation clans l'exercice de la profession et clans l'enseignement de la traduction.

• « Quality Factors in Documentary Translation » (Maria Pinto) - Traduction pragmatique et assurance de qualite; aspects merhodologiques.

• « Different Methods of Evaluating Student Translations: The Question of Validity» (Christopher Waddington) - Quatre merhodes · de ·revision en enseignement universitaire.

• « The Application of Argumentation Theory to Translation Quality Assessment » (Malcolm Williams) - Les modeles d'evaluation de la qualite des traductions: quantitatifs et non quantitatifs.

• «Towards a Methodology of a Corpus-Based Approach to Translation Evaluation» (Lynne Bowker) - L'evaluation en traduction assistee par ordinateur.

• « Quality and Efficiency: Incompatible Elements in Translation Practice? » (Jeannette 0rsted) - L'evaluation de la qualite clans un bureau de traduction.

Ces articles sont accessibles par Internet : http://W.WW.erudit.org (revues, Meta, vol. 46, numero 2, 2001).

2.2 CEFFICACITE DE LA COMMUNICATION

L'avenement de l'ere des communications a eu notamment comme consequence decreer une surabondance d'informations au point d'atteindre « le stade d'economie de gaspillage »

(Fran~ois Richaudeau). Or, clans une sociere quantitativement surinformee, les communica­teurs doivent affronter une tres vive concurrence pour faire passer Ieurs messages. 11 leur faut constamment attirer et surtout retenir !'attention de lecteurs ou d'auditeurs sollicites de toutes parts par une multitude d'informations. C'est ce qui explique l'interer suscite par les recherches sur l'efficacite de la communication.

2.2.1 Les methodes de mesure

A partir de 1950, la mesure de l'efficacite de la communication fait l'objet de recherches et de publications aux Etats-Unis. Dans le prolongement des travaux sur la theorie de !'information,

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20 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION -------~----~-

on s'efforce principalement de determiner le degre de « lisibilite » (c'est-a-dire la facilite de comprehension) des textes a l'aide de decomptes statistiques. Voici, a titre indicatif, les principaux moyens de controle proposes:

• Test de closure - Con<;u par Wilson L. Taylor, ce test consiste a supprimer les mots qui figurent clans un texte a intervalles reguliers (tous les cinq mots, par exemple) et a demander a un lecteur de remplir les espaces blancs. Plus le lecteur devine de mots, plus la lisibilite est grande.

• Formule Dale-Chall - La lisibilite d'un texte est fonction du nombre de mots usuels qui y sont employes.

• Formule Gunning - « L'indice de brouillard » est calcule d'apres la moyenne de mots par phrase et le pourcentage de mots comptant plus de trois syllabes.

. • Methode Flesch - Cette methode repose sur le calcul de deux indices :

1. l'indice de lisibilite, erabli d'apres la longueur moyenne des mots et des phrases;

2. l'indice d'interer humain, obtenu par decompte des phrases et des mots « personnels » (par opposition a « neutres » ).

Dans le monde francophone, les travaux des chercheurs americains seront principale­ment vulgarises par Richaudeau, qui en fera la synthese et les completera en les adaptant au fran<;ais18 . Plutot que des formules mathematiques, !'auteur propose des elements de lisibilite, dont voici un resume :

• Le mot - Employer des mots courts, usuels, concrets et personnels. Expliquer les mots nouveaux ou peu connus.

La sous-phrase (phrase simple ou element autonome d'une phrase complexe) - Viser une moyenne de 15 mots (plus ou moins selon le degre de culture du lecteur). Toutefois, la structure compte davantage que la longueur. Placer en tete les mots les plus importants et utiliser des «constructions predictives » (qui permettent de prevoir ce qui suit) . Limiter a 10 mots l'espace entre le sujet et le verbe.

La redondance - Eviter les redondances inutiles a la comprehension, mais expliciter au besoin a l'aide de repetitions, d'exemples, d'analogies. lndiquer les enchainements logiques.

Richaudeau traite d'autres facteurs de l'efficacite d'un texte, notamment la presentation materielle (typographie, mise en page). En outre; ses analyses de differents types de textes mettent en lumiere des moyens d'ordre affectif qui, associes aux procedes techniques, influent sur le comportement des destinataires. La conclusion a retenir est que le controle statistique de la lisibilite est un instrument de mesure commode, mais qui ne peut suffire a evaluer la qualite globale d'un texte.

18 Fram;ois RJCHAUDEAU, Recherches actuelles sur la lisibilite, Paris, Retz, coll. « Actualite des sciences humaines '" 1984; Ecrire avec efficacite, Paris, Albin Michel, 1992.

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2 LA RECHERCHE D1UNE METHODE 21

2.2.2 Public cible et retroaction

L'application des merhodes de mesure de l'efficacite peut rarement se faire clans l'absolu, c'est-a-dire sans tenir compte des circonstances de la communication. On a vu, par exemple, que la longueur moyenne de la phrase optimale variait selon le degre de culture du destinataire. Comme par ailleurs toute communication efficace suppose la determination prealable du public cible, on corn;oit aisement !'importance des etudes d'audience.

Pourtant, c'est un domaine qui, semble-t-il, n'a guere fait l'objet de recherches en vue d'une meilleure systematisation. La plupart des traites de redaction qui abordent la question s'en tiennent aux generalites : il faut se mettre a la place du destinataire, tenir compte de son degre d'instruction, satisfaire son interet ... Certains sont toutefois plus explicites, mais il s'agit generalement d'ouvrages traitant d'un type particulier de redaction. Ainsi, a des redacteurs techniques on propose un mode de classification des lecteurs selon leur niveau de competence ou selon l'utilisation qu'ils feront de !'information. A des publicitaires on conseille de tracer le portrait robot du consommateur vise: age, sexe, revenu, lieu de residenc~, attitudes, traits physiques pertinents, personnalite, mode de vie. Il serait sans doute utile d'accompagner ces principes generaux d'un guide du communicateur detective ...

Peut-etre est-il effectivement difficile, et parfois impossible, d'etablir avec precision la « fiche signaletique » du destinataire, soit que le communicateur ne dispose pas des renseigne­ments necessaires, soit que le message s'adresse a un public vaste ou heterogene. Ilse peut aussi que, clans la plupart des cas, il suffise d'erablir un denominateur commun. Quoi qu'il en soit, l'important est de ne pas communiquer avec des fantomes.

En derniere analyse, l'efficacite de la communication - independamment des moyens linguistiques ou autres utilises pour la transmission du message - se mesure en fonction de la « reponse-comportement » du destinataire.

Dans certains cas, le degre d'efficacite est directement evaluable: pourcentage d'augmentation des ventes a la suite d'une annonce publicitaire, nombre de personnes ayant repondu a une Campagne de souscription ... Dans d'autres, il faut interroger le destinataire pour connaitre sa reaction : le mode d'emploi ou la notice de montage lui ont-ils permis d'utiliser ou d'assembler l'appareil? Il s'agit toutefois d'evaluations a posteriori, et done de peu d'utilite.

Pour mesurer l'efficacite d'un message avant sa diffusion, il faut faire appel a des destinataires temoins. (C'est l'un des procedes de controle de l'equivalence dynamique.) Si la reaction de plusieurs personnes est conforme a celle qu'on attendait, c'est que le message est bien passe. Mais, clans la pratique, ce test n'est pas toujours possible en raison d'un manque de temps ou de la non-disponibilite de « sujets d'expfaience ». C'est done une responsabilite qui SOUVent incombe au reviseur: etant plus detache du texte que ne J'est le redacteur OU Je traducteur, il se trouve en meilleure position pour tenir le role du destinataire.

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22 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE_ DE LA RE\LJSLON

2.3 APPLICATION A. LA REVISION

Au terme de ce tour d'horizon, on peut constater que la recherche d'une merhode d'evaluation de la qualite des textes - originaux ou traductions - a enregistre de nets progres au cours des annees. Si la demarche et les instruments de mesure varient, le but vise reste le meme: elaborer un moyen de controle objectif et systematique laissant le moins de place possible a !'appreciation empirique et subjective. Il subsiste, certes, des obstacles difficilement surrriontables. D'une part, certaines composantes de la qualite ne sont guere quantifiables; d'autre part, la complexite des systemes d'evaluation croit avec leur degre de perfectionnement, ce qui en limite l'utilisation clans les cas frequents OU intervient le facteur temps. Neanmoins, des voies nouvelles Ont ere ouvertes, et les applications pratiques des recherches ou experimentations sont deja appreciables.

Indirectement, la revision a beneficie de cet effort de systematisation. En effet, la recherche de criteres objectifs est une preoccupation commune de l'evaluateur et du reviseur, meme si la finalite de !'application de ces criteres est differente. En outre, grace aux recherches en theorie de l'inforrnation, une dimension importante - celle de. l'efficacite de la communica­tion - est venue s'ajouter a l'eventail des criteres traditionnels, essentiellement linguistiques. Ainsi s'est elargi le role du reviseur, appele a participer plus erroitement au processus de la communication. Enfin, aide appreciable sur le plan des rapports entre reviseur et revise, on dispose maintenant d'erudes scientifiques et de donnees statistiques qui permettent de justifier, preuves a l'appui, certaines corrections dont la pertinence pourrait fare contestee.

Notre breve incursion clans le domaine connexe de l'evaluation de la qualite des textes n'erait done pas inutile: elle nous a fourni des bases pour l'erablissement des parametres de la revision, en meme temps que certains moyens de controle, tout en repla\:ant clans sa veritable perspective - celle de la communication - l'intervention du reviseur.

Geneviève
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3 LES PRINCIPES GENERAUX DE LA REVISION 23

3

LES PRINCIPES GENERAUX

DE LA REVISION

Comme nous l'avons vu au chapitre precedent, les recherches portant sur !'evaluation des traductions et l'efficacite du langage ne sont pas directement reliees au travail du reviseur. Neanmoins, la somme des erudes theoriques et des experimentations qui en a resulte constitue une excellente base a partir de laquelle il nous faut maintenant etablir des principes et des parametres applicable,s plus specifiquement a la revision.

Si, dans l'exercice de son activite, le reviseur doit etre guide par des « balises » qui delimitent son intervention et la justifient, cela ne saurait suffire. 11 doit aussi utiliser une technique lui permettant d'executer un travail merhodique et rentable. Enfin, il lui incombe d'entretenir de bons rapports professionnels avec les personnes qu'il revise afin que son intervention soit vraiment utile. Ces aspects feront l'objet des chapitres 4 et 6.

3.1 LE CHOIX DES PARAMETRES

En faisant la synthese de l'acquis et en nous aidant d'une experience pratique, nous allons d 'abord tenter de definir des parametres qui puissent avoir une application tant pedagogique que professionnelle. Nous devrons de ce fait eliminer les systemes trop complexes. S'il importe en effet que les parametres retenus permettent de verifier la qualite d'un texte, on ne peut faire abstraction, dans la pratique, de certaines contraintes comme le temps d'execution et la rentabilite de !'operation.

3.1.1 Revision bilingue

Parmi les rares textes consacres aux parametr·es de la revision, une erude de Jean Darbelnet1

merite d 'etre signalee, car elle erablit une correspondance entre les niveaux de la traduction et les criteres de la revision, posant ainsi les jalons d'une demarche merhodique.

L Jean DARBELNET, « Niveaux de la traduction >>, Babel, vol. 23, n° 1, 1977, p. 6-17.

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24 PREMIERE PARTIE: PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

Le « niveau » est defini comme un moyen permettant « de denombrer les diverses obligations du traducteur a l'egard de son texte » . En corollaire, le mot ecart est un generique englobant « les formes et les degres de deficience » que l'on peut relever clans une traduction. Ce sonr ces ecarts que le reviseur doit corriger, en exer~ant son jugement avec competence et objectivite. Or, « il semble bien difficile d'erablir des criteres, de fixer des parametres qui echappent entierement a la subjectivite ».

Cette reserve faite, l'auteur distingue sept niveaux de la traduction (et done de la revision), dont il fait !'analyse.

1. Le niveau semantique - C'est le premier en importance: « Le traducteur est avant tout responsable du sens de son texte. » Les ecarts sont, selon la « nomenclature traditionnelle »,le non-sens, le contresens et le faux sens.

2. Le niveau idiomatique - On oppose ici l'idiomatique au grammatical : « II existe des tours qui sont corrects au point de vue grammatical, mais qui ne sont pas conformes a la demarche de la langue. » Le calque est un exemple d'ecart a ce niveau, auquel appartiennent aussi la propriere des termes et les meraphores.

3. Le niveau stylistique - « Le traducteur est tenu, clans la mesure du possible, de garder la tonalite de !'original, ce qui signifie qu'il doit eviter les ecarts stylistiques. » Si cette tonalite ne peut porter sur le meme element d'enonce clans Jes deux langues, on rerablit !'equivalence au moyen de la compensation.

4. Le niveau culture! - Tl s'agit « de rendre compte des differences que revelent les langues en presence quant au mode de vie de ceux qui les parlent ». Cas probleme : non-existence en langue d 'arrivee d'une realite existant clans la culture de la langue de depart.

5. Le niveau des allusions - Ce niveau se rattache au niveau culture!. Exemple: traduction des titres de films ou de livres, de slogans publicitaires.

6. Le niveau de « l'interiorite » - II est parfois necessaire d'expliciter « un element de sens implicite clans !'original ».

7. Le niveau du public pour lequel on traduit - « Du fait que la traduction est une forme de communication, il s'ensuit qu'elle doit tenir compte de ceux a qui elle est destinee. » Les adaptations necessaires peuvent se faire a tous les niveaux, sauf les deux premiers (semantique et idiomatique).

Aces niveaux correspondent, pour Darbelnet, autant de questions que le reviseur devrait se poser2 :

1. Le sens est-ii exact, globalement et organiquement?

2. La langue d'arrivee est-elle idiomatique et astreinte a la propriete des termes?

3. La tonalite est-elle respectee?

- Loe. cit.

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3 LES PRINCIPES GENERAUX DE LA REVISION 25

4. Les differences de culture sont-elles observees?

5. Les allusions litteraires et folkloriques sont-elles traitees judicieusement?

6. Est-ii tenu compte des intentions de /'auteur qui ne s'exteriorisent pas dans le discours?

7. La traduction est-elle adaptee a son destinataire?

Apres avoir precise que, clans le domaine technique, la revision peut parfois se limiter aux criteres semantique et stylistique, !'auteur resume !'application pratique de !'analyse des niveaux: « faciliter la tache des reviseurs » et « corriger l'impressionnisme qui trop souvent nuit a la credibilite des appreciations portees sur les traductions » .

Ce sont la, indeniablement, les objectifs que doit viser toute recherche d'une methode de revision.

3.1 .2 Revision unilingue

Qu'il s'agisse d'une version originale ou d'une traduction, les criteres de qualite d'un texte sont sensiblement les memes. Dans les deux cas, en effet, l'objectif est de communiquer efficacement un message. C'est pourquoi les parametres que nous allons proposer peuvent s'appliquer aux deux types de revision, unilingue OU bilingue.

Quelques adaptations sont toutefois necessaires. En ce qui concerne !'exactitude, par exemple, il est evident que la fidelite clans la transmission du message ne peut fare verifiee, en revision unilingue, par confrontation avec un texte de depart inexistant. Par contre, on peut alleguer que le redacteur doit egalement « traduire » fidelement Sa pensee - OU Celle de la personne OU de l'entreprise pour laquelle il redige. D'ailleurs, comme l'attestent les dictionnaires, la communication intralinguale comporte, elle aussi, des risques de faux sens, de contresens ou de non-sens.

La lisibilite recouvre a la fois le critere de la transparence, qui appartient plus parti­culierement a la traduction, et celui de l' « idiomaticite » , plus souvent utilise en revision unilingue.

Les autres parametres sont ambivalents. Tout au plus doit-on en modifier legerement !' interpretation selon le type de revision en cause. C'est ce que nous ferons clans les definitions qui suivent.

3.1.3 Les parametres de la revision professionnelle

Toute tentative de systematisation comporte une part d'approximation; nous ne pretendons pas que la notre echappe a cette regle. Cela <lit, les parametres que nous proposons englobent, a notre avis, toute la realite sans la compliquer outre mesure. D'une part, ils permettent de verifier que le contenu du message est transmis au moyen d'un code intelligible et sous une forme assurant l'efficacite de la communication. D'autre part, ils sont fonctionnels: leur nombre est limite a cinq, ce qui facilite la memorisation. Ce sont autant de « voyants » qui doivent

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26 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE\IISION.

s'allumer sur le tableau de bord du reviseur, celui-ci n'ayant generalement pas le temps d'utiliser une grille ou une liste de controle deraillee. Voici ces parametres:

1. Exactitude

2. Correction

3. Lisibilite

4. Tonalite

5. Adaptation au destinataire

Avant d 'en donner un exemple d'application, nous allons passer en revue ces differents parametres pour en preciser la nature.

1. Exactitude - La premiere qualite que l'on doit exiger d'une traduction est qu'elle soit fidele, c'est-a-dire qu'elle transmette integralement et exactement le message du texte de depart. Il s'agit done ici d 'une fidelite au sens. Cette qualite est absente lorsque la transmission est nulle (non-sens et charabia), faussee (contresens, faux sens), partielle (omissions non justifiees) ou « brouillee » (termes imprecis et nuances non rendues). En revision unilingue, il s'agit de s'assurer que }'auteur a <lit ce qu'il voulait dire.

2. Correction - Ce parametre permet de s'assurer que le code linguistique a ere res­pecte. Il concerne notamment l'orthographe d'usage et d'accord, les barbarismes, solecismes, etc. On n'oubliera pas que la correction peut varier en fonction des niveaux de langue. C'est ici qu'interviennent plus particulierement les notions de norme et d'usage.

3. Lisibilite - Ce parametre correspond aux criteres de « transparence » (revision bilingue) et de « caractere idiomatique » (revision unilingue). Il rend compte de la demarche de la langue et vise a assurer la facilite de comprehension d'un enonce. C'est done la qualite stylistique du texte et sa valeur communicationnelle qui sont ici en jeu. On peut utiliser comme pierre de touche la trilogie traditionnelle - logique, clarte, concision - a la lumiere des theories de !'information en ce qui concerne notamment le choix des mots, les cooccurrents, la redondance ainsi que la structure, la longueur et l'articulation des phrases (voir section 2.2.1).

4. Tonalite - Le parametre de la tonalite incite a se demander si le bon registre de la langue a ete utilise: tonalite neutre OU affective, langue ecrite OU parlee, commune ou specialisee, niveau litteraire, tenu, familier ... Ce parametre peut porter sur l'ensemble de l'enonce (texte humoristique) ou seulement sur une partie (passage du niveau tenu au niveau familier, clans le cas d'un dialogue ou d' une citation).

5. Adaptation au destinataire - Les communicateurs doivent « moduler » le message en fonction de son destinataire. Avant tout, il faut s'assurer que la reaction ne sera pas negative (incomprehension, indignation, ironie). Ce parametre est particulierement important en revision bilingue, en raison de divergences entre faits de culture.

.. .. ..

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3 LES PRINClPES GENERAUX DE LA REVISION 27

Il est evident qu'il n'y a pas de cloisonnement etanche entre parametres, pas plus qu'il n'en existe entre fond et forme, sens et style, qualite et efficacite. De meme, il n'est pas toujours facile ni possible de classer sous un parametre un fait de langue ou de traduction donne. Mais, clans la pratique de la revision, il importe davantage de corriger les erreurs que de les classer en categories. Il peut etre utile, par contre, de les designer par des termes precis; c'est pourquoi on trouvera en annexe un vocabulaire de la revision ou sont repertories et definis les principaux « termes du metier ».

Les cinq parametres que nous venons de passer en revue visent a assurer la qualite linguistique et « communicante » des textes. Or, comme le savent tous les reviseurs, salaries ou autonomes, il faut aussi tenir compte du temps d'execution, dont depend la rentabilite de !'intervention.

EXEMPLE

L'enonce suivant est la paraphrase d'une nouvelle pa rue dans les pages financieres d'un quotidien montrealais.

La <<Fed» a fa it savoir dons le semaine que dons le but de rapprocher le taux charge aux banques qui y effectuent des ti rages des taux en vigueur sur le marche financier americain, elle avait decrete une hausse du taux d'escompte au sommet jamais atteint auparavant de 7 7 %.

PARAMETRES

Exactitude

Le marche financier est celui des capitaux a long terme; ii s'agit ici du marche monetaire.

Correction

«le semaine »: coquille; « charge » : anglicisme.

Lisibilite

• Repetitions:« dans la semaine ... dans le but»; taux (3 occurrences).

• Redondances : « a fa it savoir ... avait decrete »; « jamais atteint auparavant ». '---<'. ~

Construction equivoque : « des tirages des taux ». '-- _,

• Phrase trop longue (48 mots).

• Structure complexe.

Tona lite

«Fed »: familier; « decrete » : affectif.

Adaptation au destinataire

« Le taux charge aux banques qui y effectuent des tirages »est une definition mal formulee du taux d'escompte, notion connue des destinataires. ----

TEXTE REVISE

La Reserve federate a an nonce cette semaine qu'elle portait son taux d'escompte au sommet record de 7 7 %. Objectif: rapprocher ce taux de ceux du marche monetaire americain.

\ /

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28 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVJSION

3.2 PRINCIPES DIRECTEURS

Les parametres fournissent au reviseur une reponse a la question: « Que faut-il verifier et corriger? » Ce sont des balises utiles ma is insuffisantes, car ell es ne permettent pas de repondre a une deuxieme question: «Comment proceder? » II n'existe pas de merhode unique en revision, car trop de variantes interviennent: habitudes de travail du reviseur, mode d'exercice de son activite (autonome ou salarie), pratiques du service ou exigences du donneur d'ouvrage, sans parler des contraintes inherentes au metier, notamment le temps et la rentabilite . On peut neanmoins enoncer quelques principes d'application generale et preciser certaines limites de l'intervention du reviseur, tout en laissant a chacun le soin de faire les adaptations que dictent les circonstances.

1. Mise en situation - Avant d'entreprendre· la revision proprement dire, le reviseur doit situer son intervention clans le processus de la communication. Quelques questions prealables s'imposent: typologie (nature du texte a reviser: contrat, rapport, discours ... ), diffusion (usage interne, ephemere OU publication durable) , finalite du message (informer, inciter a l'action, creer une image favorable ... ), destination (techniciens, actionnaires, grand public ... ), rentabilite {temps imparti ).

2. Etapes - Idealement, la revision devrait se faire en plusieurs era pes : 1) lecture complete du texte original; 2) lecture comparative des deux textes (revision bilingue); 3) correction; 4) lecture du texte revise. En pratique, on ne procede generalement qu'a une seule lecture (comparative s'il s'agit d'une traduction) au cours de laquelle se fair la correction, suivie d' une relecture definitive.

3. Ordre de priorite - S'il est presse par le temps ou en presence d'un texte tres defi­cient, le reviseur corrigera d'abord les erreurs manifestes relevant des parametres « exactitude » et « correction » , se contentant de verifier rapidement les autres parametres (sauf cas particuliers ou ceux-ci sont predominants : par exemple, la tonalite, s'il s'agit d'un texte humoristique).

4. Revision comparative - La tache du reviseur est de s'assurer que les textes traduits qu 'il revise ont les qualites d 'une traduction professionnelle. Au premier .rang de ces qualites vient la fidelite a l'original (fidelite n'erant pas synonyme de servilite). Il s'ensuit que la revision bilingue doit etre comparative, car ii n'y a pas d 'autre moyen de verifier que le transfert a ere correctement effectue, c'est-a-dire que la traduction transmet integralement et exactement le message. On ne peut envisager a la rigueur qu'une exception ace principe (outre le cas de la revision unilingue) : la revision « linguistique » d'un texte qui a deja fair l'objet d'une revision comparative par un expert n'ayant assure que la fidelite au sens.

5. Cohesion - Si le texte a reviser est l'reuvre de plusieurs traducteurs OU redacteurs, c'est au stade de la revision qu'on doit en assurer !'harmonisation du style et de la presentation ainsi que l'uniformisation terminologique.

6. Passages obscurs et erreurs - Le reviseur ne doit laisser subsister que les obscurires volontaires {brevets, discours politiques, par exemple). S'il releve des erreurs de fond. il doit les signaler a I' auteur ou au donneur d'ouvrage avant d'apporter une correction.

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3 LES PRINCIPES GENERAUX DE LA REVISION 29

7. Restructuration - La revision ne doit pas erre une retraduction ni une reecriture, mais il peut arriver qu'il soit necessaire de restructurer certaines phrases, notamment clans le cas de passages complexes ou de textes dictes. Il est alors conseille d'ecrire la phrase sur un bloc de papier et de la transcrire ensuite sur le texte revise afin d'eviter un exces de ratures.

8. Textes non revisables - Le reviseur a avantage a refuser tout texte qui, en raison de sa mediocrite, ne peut erre ameliore par quelques corrections. La revision de ce genre de textes n'aboutit qu'a des resultats negatifs: l'operation n'est pas rentable; la qualite du produit fini n'est jamais satisfaisante; la reputation du reviseur peut etre compromise (il ne sera juge qu'en fonction du texte revise).

9. Textes trop specialises - Le reviseur doit avoir l'honnetete (non infamante!) de se declarer incompetent pour reviser un texte dont il ne pourrait assurer l'exactitude en raison de son haut degre de technicite. Il peut par contre accepter de verifier les autres parametres, en indiquant les limites de son intervention. Dans ce cas, la revision du « fond » pourra fare confiee a un expert clans le domaine concerne.

10. Indication des sources - Pour eviter les recherches inutiles, le reviseur peut exiger qu'on lui fournisse OU qu'on lui indique toute la documentation pertinente a laquelle le traducteur OU le redacteur a eu acces : OUVrages de reference, textes portant Sur Je meme sujet, illustrations, etc. n peut aussi demander au traducteur de citer ses sources et d'annexer les fiches terminologiques erablies a !'occasion de la traduction.

11. Justification - Le reviseur doit pouvoir justifier toutes ses corrections, notamment en s'appuyant sur des dictionnaires, grammaires ou ouvrages de reference, et ne pas apporter de changements motives uniquement par des preferences personnelles. Toutefois, clans le cas d'ameliorations stylistiques, il n'est pas toujours possible d'invoquer des ouvrages faisant autorite. S'il y a contestation, il faut consulter des collegues dont la competence est reconnue.

12. Collaboration - La revision bien comprise est un travail de collaboration. 11 importe done que le traducteur ou le redacteur ait la possibilite de revoir son texte, de prefe­rence avant la frappe definitive. (Ce principe n'est pas observe en revision pragmatique.)

13. Identification - Le reviseur doit s'identifier pour que les autres intervenants (tra­ducteur, redacteur, operateur de traitement de texte) sachem a qui demander des eclaircissements. Cette identification se fait habituellement Sur la fiche de chemi­nement qui accompagne le texte.

14. Responsabilite du reviseur - Qui assume, en derniere analyse, la responsabilite du texte revise? Dans les cas OU le traducteur OU le redacteur ne revoit pas le texte, la reponse est evidente: c'est le reviseur. N'ayant pas eu la possibilite de « defendre »

son texte et ne connaissant pas la nature des corrections qui y ont ere apportees, le traducteur OU le redacteur doit renoncer, en quelque SOrte, a SOn droit d'auteur; il a meme interet, clans ce cas, a degager entierement sa responsabilite.

Par contre, lorsque la revision est faite clans des conditions normales, c'est-a-dire en collaboration, le traducteur ou le redacteur reste ma1tre de son reuvre et en assume · la responsabilite. Le reviseur n'intervient que pour s'assurer que le texte repond aux

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30 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVIS

normes de qualite de l' employeur ou du client. Sa responsabilite se limite done a attester cette conformite aux normes; c'est une forme de nihil obstat.

Si le reviseur et le revise estiment qu'on leur impose des contraintes (choix des termes, niveau de langue ... ) contraires a leurs normes professionnelles, ils doivent a leur tour degager leur responsabilite en ce qui concerne les corrections qu 'ils n'acceptent pas.

3.3 CONSEILS PRATIQUES

La relecture des textes est une tache astreignante qui demande beaucoup d'attention. L'expe­rience prouve qu'il est difficile de ne pas laisser passer quelques coquilles, tant l'reil est habitue a lire des groupes de lettres ou de mots plutot qu'a isoler chaque caractere. Or, il est toujours deplaisant de buter sur des fautes de frappe, sans parler des cas ou les erreurs peuvent avoir des consequences graves - le plus bel exemple etant la transcription erronee des chiffres.

L'objectif vise est evidemment de ne laisser subsister aucune erreur clans le texte corrige. Or, certaines coquilles OU fautes de frappe sont particulierement difficiles a derecter: les reviseurs d'experience les connaissent et s'en defient. Les conseils suivants visent a signaler les pieges les plus frequents .

2.

3.

On est mauvais correcteur de ses propres textes : les connaissant bien, on est porte a en faire une lecture globale. En autorevision, il est done souhaitable de faire relire les textes par une autre personne.

On doit s'habituer a lire des signes, c'est-a-dire des lettres et non des mots, des chiffres et non des nombres. Ces derniers demandent une attention toute particuliere. Il est conseille de les lire a haute voix, en les decomposant: « en 1985 - un, neuf, huit, cinq ». Accorder une attention particuliere aux signes composant les adresses electroniques.

Se mefier des titres : les fautes de frappe les affectionnent ... et passent souvent inaper~ues. Resultat: le lecteur a une mauvaise impression des le depart.

4. Les erreurs semblent avoir un instinct gregaire : lorsqu'on en releve une, attention aux suivantes ...

5. Surveiller les « couples » : parentheses, crochets, tirets et guillemets perdent sou vent leur deuxieme element. Ne pas oublier non plus qu'un ap.pel de note ... appelle une note - a la meme page.

6. Verifier la pagination (numero manquant OU repete) , la sequence des paragraphes, tableaux ou figures, les renvois a une autre page.

7. S'assurer que les coupures de mots en fin de ligne sont conformes aux regles - qui ne sont pas les memes en anglais et en fran~ais.

8. Redoubler de vigilance lorsqu'on relit un texte portant sur des questions de langue : attention aux « fautes d'ortographe » , au « singe linguistique » et aux acceptions

, qui deviennent des « acceptations ».

-

-.. -.. .. • --..

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3 LES PRINCIP£S GENERAUX DE LA REVISION 31

3.4 LES PIEGES DE LA REVISION

Le reviseur debutant (ou reste a ce niveau) est souvent porte a effectuer des corrections non justifiees, en raison d 'une fausse conception de la langue ou de la revision, ou tout simplement par erourderie OU negligence. La connaissance des parametres et des principes de la revision ne permet pas toujours d'eviter ces pieges. C'est pourquoi nous en avons regroupe les principaux, presentes sous forme d 'allusions ou de paraphrases. La plupart des exemples cites ci-dessous sont extraits de copies d'erudiants, mais certains proviennent de textes revises par des professionnels.

1. La paille et la poutre - Le travail de revision doit respecter un ordre de priorite: d'abord les erreurs graves, ensuite les ameliorations stylistiques. Un defaut frequent chez les reviseurs debutants est de s'attarder a aes broutilles, de faire passer l'accessoire avant l'essentiel.

~XEMPLE I Original

Au moment d 'aller sous presse, la nouvelle voulant qu'il ait demissionne n'avait pas ete confirmee.

Revision

Au moment d'aller sous presse, on n'avait pas confirme la nouvelle de sa demission.

Commentaire

Pour respecter l'ordre de priorite, avant d'effectuer !'amelioration stylistique, ii aurait fallu corriger l'anglicisme «a lier sous presse »par !'expression correcte mettre sous presse.

EXEMPLE

Traduction

... equivaut a environ 550 billions de barils.

Revision

... equivaut a quelque 550 bi llions de barils.

Commentaire

Le mot environ figurait deux fois dans la meme phrase; le reviseur l'a done rem place par le synonyme quelque, mais ii a laisse subsister la poutre: « bil lions » plut6t que milliards. (Rappel : En anglais d'Amerique du Nord, billion est !'equivalent du milliard [109], et c'est trillion qui correspond au billion [1012].)

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32 PREMIERE PARTIE: PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE_\.'ISION

2. Bonnet blanc et blanc bonnet - Toute correction qui n'ameliore pas la traduction ne peut se justifier. C'est le cas notamment du remplacement d'un terme ou d'une expression par un synonyme, ou d'une phrase correctement construite par une autre phrase egalement correcte. Rappelons que les preferences personnelles ne sont pas un critere de revision.

EXEMPLE

Original

Les ressources energetiques du Canada ...

Revision

Les reserves energetiques du Canada ...

Commentaire

« les reserves mondiales de petrole », « les reserves franc;aises de charbon »; « les ressources en energie [ ... ],en mineraux »(Le Grand Robert).« Les ressources energetiques du Canada» (Revue fran<;aise de lenergie).

EXEMPLE

Original

Le plus rapidement possible.

Revision

Dans les meilleurs delais.

Commentaire

Expressions synonymes.

3. Petites causes, grands effets - Le meilleur des traducteurs n'est pas a l'abri de certaines erreurs dues a un manque d'attention et non de competence, mais qui peuvent etre lourdes de consequences. Or, ce sont justement ces erreurs qui echappent souvent a la revision. On peut citer comme exemple les nombres en chiffres OU en lettres (100 000, six, thirteen: 10 000, dix, trente) et les negations rendues par des affirmations (he shall not: il doit). La necessite d' une revision comparative est ici evidente. En revision unilingue, on se defiera de certains sosies : au-dessus I au-dessous, au mains I en mains.

4. « Ce qui n'est pas clans le dictionnaire n'est pas frarn;ais. » - Erreur! Aucun diction­naire ne contient tous les mots d'une langue et toutes leurs acceptions, a plus forte raison clans le cas des terminologies specialisees. Il faut done se montrer prudent avant de decrfaer qu 'un terme « n' est pas frarn;ais ». Le corollaire est a ussi faux : « C'est clans le dictionnaire, done c'est correct. » L'existence d'un terme clans les

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3 LESJ>RINCIPES GENERAUX DE LA REVISION 33

dictionnaires ne justifie pas son emploi clans un contexte donne; outre le sens, il faut considerer le niveau de langue, la tonalite, la frequence d'utilisation, etc.

EXEMPLE

Loose-leaf binder ne peut se traduire par« grebiche », meme si ce mot se trouve dans le dictionnaire. II s'agit d'un classeur (Le Nouveau Petit Robert) ou d'une reliure a anneaux (OQLF).

5. « Je crains le reviseur d'un seul dictionnaire. » - Les dictionnaires de langue et de traduction comportent des erreurs, des contradictions et des omissions. Le reviseur ne peut done se fier a un seul dictionnaire pour effectuer et justifier ses correc­tions. La meme mise en garde s'applique aux dictionnaires de bon usage et, clans une certaine mesure, aux grammaires. Dans les cas litigieux (usage, orthographe, grammaire), il est prudent de verifier a plusieurs sources.

EXEMPLE

Standard

• Employe adjectivement, s'accorde au pluriel: pieces standards (Ra mat, Thomas).

• Com me adjectif, toujours invariable (Colin, Girodet, Le Nouveau Petit Robert ... ).

• Generalement invariable (Hanse et Blampain).

Conclusion

L'exception ne confirme pas la regle!

EXEMPLE

Compte rendu

• Sans trait d'union (Le Nouveau Petit Robert, Thomas).

• Mieux vaut eviter le trait d'union (Hanse et Blampain).

• Avec ou sans trait d'union (Le Petit Larousse illustre).

Morale

L'un et l'autre se dit ou se disent!

6. Revision n'est pas retraduction - Il peut arriver que le reviseur doive retraduire quelques phrases d'un texte pour les rendre plus idiomatiques OU eviter des ambigu'ites. Toutefois, clans le cadre de son travail de revision, il ne devrait jamais retraduire un texte complet. De deux choses l'une : si le texte erait revisable, il fallait le reviser; s'il ne l'erait pas, il fallait le refuser. Tres souvent, la retraduction denote un manque d'egard pour le style du traducteur: on n'a pas retraduit par necessite,

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34 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE\llSION

mais pour imposer ses preferences personnelles. Il est vrai que le reviseur peut parfois penser, a bon droit, qu'il aurait pu faire mieux que le traducteur; ce n'est pas une raison suffisante pour retraduire. Le meme principe s'applique a la revision unilingue.

7. Plus catholique que le pape - Le purisme outrancier n'a pas sa place en revision. Le reviseur doit eviter de jouer au censeur: assurer !'exactitude e~ la clarte du message, le respect de la langue et de la culture du destinataire, telles sont les priorites auxquelles il doit se tenir. 11 peut, certes, comme tout usager, avoir une certaine conception de la langue, sans que cela l'autorise a imposer son idiolecte aux autres. Tout exces de rigueur, tout combat d'arriere-garde contre un usage erabli ou accepte par la majorite des usagers ne peut avoir que des effets negatifs: !'intervention du reviseur devient alors une operation purement subjective, tatillonne et vite irritante pour l'auteur ou le traducteur. On est loin des objectifs vises.

EXEMPLE

Original

Les difficultes auxquelles nous sommes confrontes.

Revision

Les difficultes auxquelles nous devons faire face.

Commentaire

Cet emploi a deja ete critique, mais !'usage et les dictionnaires lui ont donne droit de cite (Le Nouveau Petit Robert).

EXEMPLE

Original

Par ailleurs, ii serait facile de prouver que ...

Revision

D'autre part, ii serait facile de prouver que ...

Commentaire

Purisme! (Thomas et autres).

EXEMPLE

Reviseur

En fran<;:ais, on ne commence jamais une phrase par mais.

Commentaire

Mais marque une transition en tete de phrase (Le Nouveau Petit Robert).

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3 LES PRINCJPES GENERAUX DE LA REVISION 35

8. De Charybde en Scylla - Si la correction de fautes fictives ne contribue en rien a erablir la credibilite du reviseur, l'erreur de jugement est encore plus grave lorsque les « ameliorations » introduisent des faux sens OU des incorrections.

EXEMPLE

Traduction

La legislation antitrust.

Revision

La legislation anti-trust.

Commentaire

Voir Le Petit Larousse illustre, Le Nouveau Petit Robert.

EXEMPLE

Original

Vous n'avez qu'a nous appeler.

Revision

II ne suffit que d'un appel telephonique.

Commentaire

Lenonce original eta it correct. En voulant sans doute en rehausser le niveau stylistique (// vous suffit de nous appeler), on a introduit une redondance (« II ne suffit que »).

EXEMPLE

Original

Les marches des valeurs mobilieres ont baisse au cours de la seconde moitie de l'annee.

Revision

Les Bourses ont con nu un redressement a la baisse au cours du second semestre.

Commentaire

Deux ameliorations (Bourses, semestre) ne compensent pas un non-sens (« redressement a la baisse »).

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36 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

9. Dans le doute, abstiens-toi - Lorsque l'usage hesite, que les grammairiens ou les lexicographes ne font pas l'unanimite, il est preferable d'opter pour la solution la moins contestable. On evite ainsi bien des discussions oiseuses.

jexEMPLES

Suite a Certains considerent que cette locution « appartient au langage commercial » et« fa it neglige ».On dira done: comme suite a, pour faire suite a OU en reponse a (votre commande, votre lettre ... ).

Apres que

Cette conjonction regit normalement l'indicatif, mais on note une nette tendance vers l'emploi du subjonctif, comme l'indiquent notamment les editions successives du Bon usage de Grevisse. 11 est neanmoins conseille de s'en tenir a l'indicatif.

Realiser

Dans le sens de « se rendre compte »,realiser a ete emprunte a l'anglais en 1895,

mais les puristes lui refusent encore la citoyennete frarn;:aise ... qu'ils accordent a crucial (1911 ), a cybernetique (1945) OU a majorite si/encieuse (1970). Dans les communications destinees a un large public, ii est done prudent de ne pas aller au-devant des coups!

3.5 FEMINISATION, DESEXUALISATION ET NOUVELLE ORTHOGRAPHE

La langue reflete clans une certaine mesure !'evolution de la collectivite qui la parle. Cette adaptation se manifeste principalement clans son vocabulaire: des mots tombent en desuetude, devenant inusites ou archaiques, d'autres apparaissent clans l'usage, puis clans les dictionnaires. Ce sont les neologismes. La grammaire est plus stable, mais on constate, au fil d'editions d'ouvrages sur le bon usage, que certaines regles naguere strictes deviennent facultatives ou comportent des exceptions. Troisieme element de la langue, l'orthographe fran\:aise n'avait guere subi de modifications depuis plusieurs siecles. Or, voici qu'apparait la nouvelle ortho­graphe dont l'objectif est la simplification et qui, malgre de fortes reticences, gagne du terrain. Par ailleurs, le fran\:ais commence a porter la trace, clans sa forme et ses usages, d'un fait marquant de la fin du xxe siecle : la presence accrue des femmes clans presque tous les domaines d'activite.

Tous les professionnels de la communication sont conscients de cette evolution de la langue et ils y contribuent par la vulgarisation de nombreux mots OU usages. Du fait que les personnes qui pratiquent la revision se trouvent au bout de la chaine de production des textes et peuvent fare appelees a « negocier » avec la clientele l'observance ou non de nombreux usages linguistiques, il importe qu'elles connaissent les nouvelles tendances et realites.

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3 LES P..RINCIPES GENERAUX DE LA REVISION 37

3.5.1 La feminisation des titres et des fonctions

L'Office quebecois de la langue frarn;aise recommande d'utiliser, quand il y a lieu, les formes feminines des titres et des fonctions. II propose aussi de faire preceder les noms epicenes, qui designent aussi bien le masculin que le feminin, par le determinant feminin et de former, en respectant les regles de la morphologie, les feminins des autres mots chaque fois que cela s'avere possible.

3.5.2 La desexualisation des textes

Dans un texte qui s'adresse egalement aux hommes et aux femmes, il convient d'eliminer les irritants (doublets, tirets, parentheses et repetition d'articles) qui rompent la fluidite de la lecture. Cela s'applique egalement aux logiciels de reconnaissance sonore destines aux personnes qui eprouvent des _difficultes de lecture et qui souffrent de deficience visuelle OU de troubles d 'a pprentissage.

Les ressources de la langue erant multiples, on suggere d'avoir recours aux noms epicenes, aux termes generiques, a une au~re forme verbale, a la formulation neutre OU encore a la reformulation.

3.5.3 La nouvelle orthographa

Le but de la nouvelle orthographe est de simplifier certaines graphies, de supprimer quelques anomalies et de franciser des mots errangers entres clans la langue. Pour le reviseur, devient-elle, des lors, synonyme de casse-tete? Apres l'avis favorable de l'Academie frarn;aise en 1990 et son adoption progressive en Suisse, en Belgique et en France, la nouvelle orthographe est desormais acceptee au Quebec clans les examens officiels, du primaire a l'universite. Mais comme elle n'est pas systematiquement enseignee partout, les risques de confusion sont grands.

Certains dictionnaires (Grand Dictionnaire Hachette encyclopedique illustre, Le Nouveau Littre, collection « Bescherelle ») ont deja integre les nouvelles graphies. C'est aussi le cas des logiciels de correction Antidote, Myriade, ProLexis, Co.rdial et du correcteur Word. Des dictionnaires plus conservateurs (Le Nouveau Petit Robert, Le Petit Larous$e illustre) s'y mettent lentement.

Sans entrainer de changement radical de la grammaire et de la syntaxe, les rectifications orthographiques soulevent neanmoins des debars et provoquent chez les professionnels de la langue de nombreuses interrogations. Ainsi, clans le cadre d'un cours de revision, y aura-t-il a ce sujet une politique claire? A quels dictionnaires devra-t-on se fier? Que faudra-t-il vraiment considerer comme une faute? Devra-t-on s'en remettre entierement et uniquement a ce que proposent les logiciels de correction? Dans l'exercice de la profession, quelle attitude et quelle orthographe adopter?

A l'instar de Marie-Eva de Villers, auteure du Multidictionnaire de la langue franr;.aise, les auteurs du present manuel ne considerent pour !'instant les rectifications orthographiques que comme de nouvelles variantes orthographiques. On ne « penalisera » done pas le scripteur

Page 37: Révision - Horguelin

38 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECH~IQUE DE..lA..RE.-VJSLQN ________________ _

de nenuphar, pas plus que celui de nenufar. Il faudra cependant garder l'ceil ouvert, et le bon, pour distinguer les vraies fautes d'orthographe de celles qui n'en sont pas.

3.5.4 En conclusion

Tout en etant conscients des nouveaux usages et de la necessite d'en tenir compte clans l'optique de l'efficacite de la communication - la premiere regle etant de ne pas indisposer les destina­taires -, nous devons raison garder. Dans les courts messages, comme les offres d'emploi et les textes ou les occurrences de doublets masculin I feminin sont peu nombreuses, la feminisation et la desexualisation devraient s'imposer. Par contre, celles-ci deviennent raisonnablement impossibles clans le cas des ecrits ou l'on mentionne frequemment des personnes des deux sexes: outre l'allongement des textes, on risque de lasser ou de perdre des lecteurs. Prenons le present manuel a titre d 'exemple. Si, a longueur de pages, nous avions repete les doublets « les reviseurs et les reviseures », « les redacteurs et les redactrices », nous pensons que « nos lecteurs et nos lectrices » se seraient vite « lasse(e)s » . Cela dit, rien n 'empeche les maisons qui publient notamment des ouvrages didactiques d'avoir recours, comme nous, a une formule liminaire: « Par simple souci de faciliter la lecture et d'alleger le style, nous avons opte pour la forme masculine des fonctions. »

Geneviève
Highlight
Page 38: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 39

4

LA TECHNIQUE DE LA REVISION

Apres avoir etabli les parametres et les principes generaux de la revision, nous allons maintenant indiquer comment, clans la pr~tique, se concretise l'intervention du reviseur. Il s'agit essentielle­ment d'utiliser un mode de notation des corrections qui permette d'atteindre les objectifs de chaque type de revision : amelioration du texte, en revision pragmatique, amelioration du texte et perfectionnement du revise, en revision didactique.

Nous proposerons ensuite quelques erudes de cas - du texte « irrecuperable » a celui qui necessite une simple lecture critique - ainsi que des specimens de textes revises.

4.1 REGLES ET MODES DE NOTATION

La methode de notation des corrections est la meme clans le cas des revisions unilingue et bilingue. Elle differe, par contre, selon la fonction de la revision : pragmatique OU didactique.

4.1.1 Regles generales

Quel que soit le systeme de notation adopte, la grande regle a observer en revision sur copie papier est de toujours effectuer les corrections de fa<;on claire et nette afin de faciliter le travail des premiers destinataires du texte revise.

lnterlignes - Tous les textes a reviser doivent erre tapes a double OU a triple interligne. Sauf exception, il est impossible de reviser proprement un texte a simple interligne.

Lisibilite - Les corrections doivent erre indiquees proprement, a l'encre, clans une ecriture lisible. On prendra soin, en particulier, de noter clairement les signes de ponctuation et les accents.

Mode de notation - On indique les corrections directement sur le texte ou en interligne.

Page 39: Révision - Horguelin

40 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVlSION.

4.1 .2 Revision pragmatique

Lorsque la personne qui a redige ou traduit le texte n'a pas la possibilite de revoir la version revisee et d'en discuter avant la frappe definitive_, on s'en tient a une simple notation des corrections.

Solutions au choix - Le texte revise etant destine a la saisie, on ne doit pas indiquer de solutions au choix. C'est au reviseur de decider.

Annotations - Le texte revise ne doit porter aucune annotation: justification de corrections, references, commentaires personnels. Si le reviseur desire attirer l'attention du donneur d'ouvrage sur des points particuliers tels que la qualite de la traduction ou les contraintes de la revision, il peut le faire sur une feuille annexe.

SYMBOLES DE CORRECTIONS

Voici les principaux types de correction et leur notation. On se rappellera que, dans la pratique, toutes ces corrections seraient effectuees en couleur, ce qui s'impose notamment dans le cas des accents et des signes de ponctuation.

Suppressions (0 Cet exernple indique comment supprimer un signe{!ponctuation, une lettre, un moi!:f'u

un passage~orsqu'ofl rcvi~

Adjonctions c,,

On ajoute les signes de ponctuation directement sur le texte~les autres adjo1:ions se font en

interligne et sont generalement signalees par un V renverse (/\) ou un lambda(,\).

Changements { f4HfA.jM

On b.iffe ~e~ lettres, mots oujparagraphe~ a changer et on indique la cor~ection ~u €less~ e,rv Uvtu{lJn,e,

fde la lign~ ·

Deplacements

fi ya deux~d'indiquer un de~ement de lettres ou de mot . f_omme on

peut le voir par cet exemple_,

Majuscules ou minuscules

Pour remplacer une majuscule par une ~inuscule, on se contente generalement d'une barre

oblique.J_a majuscule est indiquee par trois petits traits.

Page 40: Révision - Horguelin

--

-.. ... .. .. .. -

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 41

Caracteres superieurs (exposants) ou inferieurs (indices)

Ce type de correction s'applique aux abreviations courantes (M~ 1V, aux symboles

chimiques (r{2p) et aux unites de mesure (rAli.

Paragraphes

On indique le debut d'un paragraphe par le symbole ~ ou §. ----

Pour sup primer un paragraphe; on utilise une fleche.

Espaces ou rapprochements

On se sert - com me pour les corrections typographique~u signe:#= pour espacer, du

signer---. pour rapprocher sans joindre et du signe 8 pour joindre. Les dit{.}gnes sont

conventionnels.

Changement de caracteres

On souligne d'un trait continu pour obtenir l'italique et d'un trait ondule pour le gras :

italique ~ ita/ique, gras ~ gras. /'VV'\.

Corrections a annuler

Pour annuler une .correction, on souligne d'un traitJ~is~c:_n-~~n-~le mot corrige et on ecrit en

dessous « Bon » ou « Stet». Sfot

Passage omis

Si un passage om is ne peut etre insere en interligne (segment de phrase, phrase ou

paragraphe), on l'ajoute sur une feuille distincte qui sera annexee a la page revisee. Dans ce

cas, ii faut clairement indiquer a la personne qui saisira les corrections l'endroit ou le nouveau

texte doit etre integre .

4.1.3 Revision didactique

Dans la pratique du metier, le reviseur est limite par le temps et doit done s'en tenir a l'essentiel. 11 s'ensuit que le texte revise est rarement le nee plus ultra. Pour atteindre un plus haut degre de qualite, il faudrait consacrer des heures a la documentation et a la recherche terminologique, restructurer nombre de phrases, questionner l'auteur du texte ... autant de demarches incompa­tibles avec les criteres de rentabilite.

Page 41: Révision - Horguelin

42 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE'iJSiON

La situation est differente dans les cas ou l'on considere la revision comme un excellent moyen de perfectionner des traducteurs debutants ou de fournir au personnel une aide a la redaction. L'investissement du reviseur devient alors rentable, car les revises profitent de !'experience d'une personne de metier et evitent de refaire constamment les memes erreurs. L'enseignement de la revision vise un but similaire: il s'agit de former de futurS traducteurs OU

redacteurs et de bien les preparer a la pratique de la revision. La seule difference est que, clans ce cas, l'etudiant « joue » au reviseur, tandis que le professeur controle la qualite de son travail.

La revision didactique n'est pas soumise a autant de contraintes que la revision pragmatique; elle autorise done une recherche plus poussee, et un travail plus « raffine » et moins impersonnel. Ses regles particulieres refletent cette realite.

4.1.3.1 Corrections et ameliorations

Une premiere caracteristique de la revision a fonction didactique est d'aller plus loin clans la recherche de la qualite, ce qui est rendu possible par ['intervention moins imperieuse du facteur temps. Aux corrections « pragmatiques » viennent s'ajouter des ameliorations, c'est-a-dire des changements non indispensables mais qui contribuent a rehausser la qualite semantique, syntaxique et stylistique du texte. La personne revisee demeure libre d'accepter ou non ces suggestions qui, traduites en langue parlee, pourraient fare presentees comme suit :

EXEMPLES

Le reviseur au revise:« Ce que vous avez ecrit est exact et correct. Je vous propose une amelioration. Qu'en pensez-vous? » Et c'est le traducteur (ou le redacteur) qui decide.

L'etudiant au professeur: « J'estime que ce mot, ce passage ne necessite pas une correction. Toutefois, personnellement, voici ce que j'ecrirais. »

Pour eviter la « confusion des genres », il importe de faire une nette distinction entre !es corrections obligatoires et les ameliorations proposees, notamment par le recours a des couleurs differentes. Cette distinction doit apparaitre clans le mode de notation.

4.1 .3.2 Notation des ameliorations

La premiere regle est de ne pas biffer les elements 'd'enonce pour lesquels on propose une amelioration. Le reviseur les delimite par des crochets OU un trait ondule, puis indique !'amelioration en interligne. On pousse le raffinement jusqu'a l'emploi de couleurs differentes, les corrections obligatoires erant notees en rouge (tradition oblige!) et les ameliorations clans une autre couleur ou au crayon de mine. L'emploi de la mine presente un avantage en revision professionnelle: il permet au traducteur OU au redacteur d'effacer les ameliorations qu'il a decide de ne pas retenir et d'envoyer a la saisie un texte propre. Le reviseur, par contre, doit constam­ment jongler avec deux instruments de couleur differente. (Nous traitons de la postedition au chapitre 5, «Revision au terminal».)

Page 42: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 43

SYMBOLES DES AMELIORATIONS

iUl1MAU:s d'in,-o ru;,i II ya deux fac;on{egalement ac.ceptable~d 'indiquer les ~pour lesquels

on propose une amelioratio{s;~les crochets et le trait ondule.

4.1.3.3 Notes, fiches et annotations

La deuxieme caracteristique de la revision a fonction didactique est de rendre moins impersonnel le travail du reviseur. Les ameliorations favorisent l'amorce d'un dialogue qui peut se poursuivre sous forme de notes, de fiches et d'annotations.

Dans le cadre d'un cours de revision, le professeur demande aux etudiants de justifier leurs corrections et ameliorations, et d'indiquer les ouvrages consultes ou le motif du change­ment propose. Pour ce faire, les etudiants inscriront, par exemple, un numero de note apres chaque mot ou expression qu'ils desirent justifier et redigeront la note sur une feuille distincte annexee au texte revise. Dans le cas d'une recherche terminologique, ils pourront joindre une fiche. Il est evident que les notes OU fiches ne doivent porter que Sur des difficulteS reelJes OU des points litigieux (terminologie, grammaire, orthographe, usage flottant) et non sur des corrections evidentes, du type « Le participe passe conjugue avec avoir s'accorde avec le complement d'objet direct place avant (Grevisse) ». De son cote, le professeur « rectifiera le tir », signalant les corrections injustifiees et les ameliorations discutables. Au besoin, il justifiera aussi ses annotations. La correction en classe fournira a chaque etudiant l'occasion de demander des precisions et de fa ire valoir son point de vue.

Dans le cas du reviseur professionnel, !'intervention a lieu en deux etapes. Dans un premier temps, il revise le texte en indiquant les corrections et les ameliorations. Occasionnellement, il attirera !'attention du traducteur OU du redacteur Sur une regle de grammaire a revoir, un probleme de terminologie ayant deja fait l'objet d'une erude ou d 'une fiche, un procede de traduction ou un « true du metier»; on ne peut cependant lui demander de justifier par ecrit toutes ses corrections. Si l'on travaille sur une copie pa pier, mieux vaut indiquer les annotations au crayon ou sur une feuille en annexe, de fa<;on a ne pas surcharger le texte revise. Dans un deuxieme temps, le reviseur doit fournir au traducteur OU au redacteur toutes les precisions et explications que celui-ci peut raisonnablement demander. C'est au stade des justifications que les choses risquent de se compliquer; nous reviendrons sur cet aspect de la' revision au chapitre 6, « Revision et relations humaines » .

4.2 LA CORRECTION D'EPREUVES

A l'ere de la traduction a l'ordinateur et du traitement de texte, il est evident que la correction d'epreuves, autrefois etape inevitable de !'edition, n'occupe plus qu'une place marginale clans la production de textes. Neanmoins, ses principes ... et ses pieges subsistent et, quel que soit le mode d'intervention utilise, sa justification reste la meme : assurer la qualite du produit fini.

Page 43: Révision - Horguelin

44 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE. LA REVlSION

4.2.1 Objectif et mode de correction

La correction d'epreuves a le meme objectif que la revision : la production d'un texte definitif, apres elimination de ses deficiences. Mais la s'arrere la similitude. En fait, la correction d'epreuves se limite aux fautes typographiques, appelees coquilles; si l'on releve d'autres fautes (orthographe, grammaire ... ), on les signale par un point d'interrogation, et c'est a !'auteur de decider. Une autre divergence importante tient au mode de correction. Alors qu'en revision, comme nous venons de le voir, les rectifications sont indiquees « en clair » directement sur la copie, c'est au moyen d'un code conventionnel, ou protocole, qu'il est d'usage de marquer les corrections typographiques. On precise a l'aide d 'un signe l'endroit ou se trouve l'erreur dans le texte et, dans la marge, la correction a apporter. En correction d 'epreuves, on intervient done deux fois pour chaque erreur.

Nous presentons ci-apres un modele de corrections typographiques. Quant aux signes de correction d'epreuves, ils sont repertories clans Le Ramat de la typographie, ouvrage qui devrait faire partie de la bibliotheque de tout langagier (voir bibliographie).

4.2.2 Modele de corrections typographiques

Texte original envoye a l'imprimeur

LA TYPOGRAPHIE

Au xvne siecle ce sont les Elzevier, famille de grands imprimeurs

hollandais, qui se placent au premier rang grace a la qualite de leurs travaux. Ils

lancent des livres de petit format (in-douze); ce format, trop petit pour faire appel

aux illustrations en vogue a cette epoque, impose au contraire des recherches

typographiques vers la simplicite, une etude plus poussee des vignettes, des cadres,

des frontispices. Les ceuvres des Elzevier sont tout a fait remarquables pour

!'aplomb de la mise en page, la nettete de la typographie. Les caracteres qu'ils ont

fait graver Ont cree une famille qui porte toujours leur nom. En France, c'est plus

tard, en 1656, qu' Abraham Bosse fait conna!tre ses lettres ornees, ses teres de

pages et ses culs-de-lampe. La mode erait alors fort repandue de calligraphies

savantes et harmonieuses, et les ouvrages ecrits ainsi d'une main attentive et

experte, en belles lettres ornees, enrichies de couleurs et d'or, sont fort nombreux.

Page 44: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 45

Epreuve corrigee

LA TYPOGRAPHIE

1' J l J @\) <fF [!i.u xvdrj siecle ce sont les~ famille de grands imprimeurs hJandaiJqui

0J lJ) se placent au Wfr)nier rang grace a la qualite de leurs travau~Ils lancent des

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Jutte-/ illustrations en vogue a~poque, impose (i:-M tie---'-~ .

~ au contraire des recherches typographiques vers la simplicit{, une erude

plu~poussee des vignettes, des cadres, des frontispices. Les ~uvres des

~lzevier sont toutf a fait remarquables pour l'aplomb de la mise en page,

la .nettete de la typographi~ Les caracreres qu'ils ont fait graver ont cree une

8 " " famille"quiporte to€}ours leur nom. ---

(fM tk~ s En. France, c'est plus tard, en 16f6, qu'Abraham Bosse fait conna1tre

ses lettres ornees, ses tetes de pages et ses(iuls-de-lamfij) La mode erait alor~ r repandue de; calligraphies savantes et harmonieuses,

1t les ouvrages ecrits ainsi d'une main attentive et experte, e~belles lettres

ornee~enrichies de couleu+t d'or, sont fort nombreux.

Page 45: Révision - Horguelin

46 PREMIERE PARTIE: PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE\LJSIO

PETIT SOTTIS1ER DE LA CORRECTION D'EPREUVES

Rectificatif 1

« N'allez pas employer de l'acide nitrique dans la mise en conserve des tomates! Dans notre edition du 13 septembre (bas de vignette de la page 7), on disait: "II faut employer l'acide nitrique:' Or, ii fallait lire "acide citrique''. Nous nous excusons de cette malencontreuse et explosive erreur. »

Rectificatif 2

«A la suite d'une regrettable erreur, nous avons ecrit ces derniers jours que M. Aristides Moschakis etait president de !'Association cretaine. II aura it fa llu lire, bien entendu, !'Association cretoise. »

Rectificatif 3

« Une erreur de transcription de l'agence Reuter nous a fait ecrire hier que le Quotidien du Peuple reclamait la rehabilitation de toutes les victimes de la Bande des quatre et de celle de Lin Piao. En realite, ce que le Quotidien du Peuple reclame, c'est la rehabilitation des victimes de la Bande des quatre et de celles (les victimes) de Lin Piao.»

Alumin(i)um

Si l'on en croit la petite histoire, c'est a la suite d 'une coquille typographique que les America ins se distinguent des autres anglophones en ecrivant « aluminum »et non «aluminium».

Coquille humoristique

« "L'Universite encourage vivement ses membres a oublier les resultats de leurs travaux ... '; pouvait-on lire dans notre derniere edition. De quoi faire dresser les cheveux sur la tete du chercheur le mieux intentionne, qui sera vite revenu de son etonnement, dans un grand eclat de rire, puisqu'il aura tot fait de conclure qu'un o s'est malencontreusement substitue au p. Une seule lettre se transforme, et le sens de la phrase s'en trouve change ... »

Coquille couteuse

La sonde Mariner I a rate sa cible, la planete Mars, parce qu'on avait omis un trait d'union dans les instructions de son systeme de guidage. Coat de !'omission : deux mill ions de dollars.

Coquille dangereuse

« Un correcteur d'une maison d'edition envoya un jour une note de service dactylographiee a un c.ollegue dans laquelle ii declarait que, dans un ouvrage, ii y avait beaucoup de . coquilles et qu'il fa Ila it done faire faire les corrections par le typographe: "II faudra lui faire enlever les coquilles'; disait-il en conclusion. Malheureusement, sa dactylo fit elle aussi une coquille, ace mot me me, et fit sauter, l'etourdie, la lettre q. Ayant pris connaissance de la note, le typographe n'en mena pas large pendant un certain temps, craignant pour sa ... vie. Ce qui prouve que les coquilles, qui sont inevitables dans un livre ou un journal (et meme dans le Larousse) peuvent etre ennuyeuses, dangereuses, emasculantes (voi r ci-dessus). » (Louis-Paul Beguin)

Page 46: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 47

4.3 ETUDES DE CAS ET MODELES DE REVISION

4.3.1 Revision unilingue, pragmatique

L'article de journal transcrit ci-dessous contient des fautes qui relevent principalement du parametre de la correction, ou respect du code. 11 est done facilement revisable.

LE BRAS DROIT DU MAIRE S'EN VA ...

G veleJJr~ f; Le parrain de l'escouade combinee anti~erroristes et du/notoire/reglement municipal antxf(~

dlN u 11.±M1.i:WA,,x manifestations, ~Jean Blais, quitte son poste de directeur µes se£vices legamef et d'avocat en

chef de la Ville.

Le Comite executif"?i en effet accepte hier la demission de Nfv/Jean Blais. Ce dernier ne 8~~>

sera plus a l'emploi de la ~ille a compter du 16 decembre prochain. ~JAdorinjretourne a la - d'

pratique privee/et jointlcomme associe~un bureau d'avocat5bien connu.

dr~ La rumeur de la demission de ~Blais/trninaitjdans les corridors de l'g'6tel de ville depuis

quelques semaines deja. On repetait volontiers que le torchon br~lait entre le maire et son bras

droit. JP11oint au telephone hier, MVlais a cependant nie tout de€)ccord avec }'administration

municipale. Le chef du contentieux a alors affirme que sa decision etait prise depuis plusieurs

mois et qu'il avait retarde son depart pour mener a terme uncertain nombre de dossiers.

s Les militants de la gauche connaissent bien Jean Blais. 11 fu~avant son accession au pofte

4 un,,;dUu j tkrUlut_ tVe,

fd'aviscur legal/ de la police, procureur de la £Ouronne clans de nombreuses causes. C'est ~>tMM'tV = h

egalement Jean Blais qui~ la pratique de photographiel(f, ~;ur-le-champ /et SUf placeJ toutes

les personnes arrfaees pendant les manifestations. ~Jean Blais est aussi celui qui entretint des

contacts tres etroits avec la Law Enforcement Intelligence Unit, sorte d 'Interpol politique ~:#= :#=

americain. 11 fut un des maltres d'€Juvre de la poli!ique de~~ligne dur~» adoptee par le

gouvernement du Quebec et l'adrninistration municip1

Page 47: Révision - Horguelin

48 PREMIERE PARTIE : PRINCLPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

4.3.2 Revision unilingue, didactique

La lettre qui suit a un caractere publicitaire. Or, elle contient des ambigu'ites, des redondances et des incorrections - autant de deficiences qui nuisent a l'efficacite du message. En outre, on devrait y compter plus de vous que de je.

@herj~mis lecteurs,

tPv c,o/iutwn, ~ /

J'avais fait parvenir aux~rand~amateurs de ~@ANTICIPATION@une lettre les

. f . rn ~1offra,d~f .. ;;i l . A , p,~ mtclfe- , . le-~as1~d· m ormant que 1el!:1etta1s a eur isposltlo~tous es m01s, grace a urr ~c~r spec1a ""')! /

iteur, c,Uyj · utte- ---4f f#(AUM,{,,U

les 5 nouveautes de la collection a seulement~1J95/(plus/lcgcrs[fraislde poste) . A./ .A/\. /1

uvcviAvtuuu1i:

La formule ayant ete un succes, jc peux ~offrir aux grands amateurs de romans

f¢~f¢1.~'f..~ ~11¥~fjr/Ytfl/J/¢'1es"J!nouveautes mensuelles aux memes conditions Jans les

collecti/SPiCIAL POLI~et~• eellectiesi~IONNAGE~----~ c,/uu,UA1,, V-OU/f rifJvl(,,ff!,Z

Ces /m€mes[ volumes sont vendus partout p~,9.fphaque[: ~ one une economie de

@12,71 tout en les recevant to<;f,s les mois a domicile.

tPv (,{/ de- (,' Jc vous rappelle la qualite de~ presentation, df pa pier et fimpression de ces trois

fl n, y tro UA/e- MvM Wf do uvcv~f f ici.4.iif i,,f a,i,,n,f I,, U/e- Uf collection~u l'on retrouven1 les plus grands auteurs frarn;;ais traductions 'auteurs anglais

et am6ricains.

Pour vous abonner, ilEou~ suffit de@ou~renvoyer la formule@'abonnemen:!1ci-jointe ~ a,n,n,tde,r /)""{) tre- aiJ {) ~l#Mlt

dument remplie. Je@ens ~vous signaler que vous pourrez d'ailleurspes cancellerjsur s1mp ea vis.

re-f'OJUlre- PvU/ de-fw de- tPv rz( Certaine de~ de tous ceux qui 6prouvent~ertainesfdifficulte1 a se procurer

trol,,f les nouveautes de cesl.. collections) je- V-OU/f 1ww d'Pvjriu f/e-x1wufwn, de- l#M l#e-i,,Ue-u+"f

fe+ti"uu.,e,nb.

/Je rnste votre toute devouee,J

Page 48: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 49

Page 49: Révision - Horguelin

50 PREMIERE PARtlE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REYLSJQL...__ _______________ ._

4.3.3 Revision bilingue,· pragmatique

Cas limite d'une traduction comportant de nombreuses deficiences, notamment des contresens et des non-sens, mais qu'il est neanmoins possible de reviser en rendant acceptable le produit fini.

THE PLANNING STUDY AND SOME EVENTS LEADING

UP TO SELECTION OF ROBERTS BANK

The Vancouver Harbour area within Burrard Inlet encompasses some 49 square miles

of water area, contains 64 deepsea berths and possesses a minimum low water depth at the

entrance of the Harbour of 39 feet. Vancouver is one of the world's largest wheat shipping

ports and is the busiest dry cargo port on the west coast of the Americas. The annual tonnage

throughput of approximately 23 million tons is mainly in the form of bulk raw material

exports.

The existing harbour is well equipped to handle these exports as it contains seven grain

elevators as well as three bulk terminals.

Two factors have placed great importance on the planning and development of

Vancouver in its role as the major seaport on the west coast of Canada.

1. Vancouver is the spout of a single funnel receiving over 90 percent of all rail goods shipped

overseas from Western Canada.

2. Nowhere along the whole of the B.C. Mainland coast is there undeveloped level land of any

consequence other than the 90 square miles of Fraser Delta tidal flats.

With the two foregoing considerations in mind the Federal Government extended the

boundaries ·of Vancouver Harbour south to the 49th Parallel at the Canadian-U.S. Border,

increasing the total water area of the harbour to over 200 square miles.

Page 50: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 51

Pour s'initier concretement a la rev1s1on, il sera1t mteressant ici non seulement d 'observer les corrections, mais aussi de se mettre a la place du reviseur et de tenter de justifier ses corrections.

LE CHOIX DE ROBERTS BANK

zo!U., de,LiM,U;tU, ~Y ta., baif k,1 a, UA'V p-ta.,/IV La jregionj portuaire de Vancouver, pirconscrite dansl Burrard ~' /represente une superficie d'uuv ldtouve,,tru uurir e-t ~rtu d'a,c,u;rt~ mafitime(de quelque 126~comprend/un bassin de mouillage d~ 64fpieaf en eau profonde:

{ /obMriflV fet!ia profondeur a l'entree du~n'est pas inferieure a 12 metres. Vancouver est l'un des plus

;~=antsjports d'expedition: ~~port en ca;Ie sec~le plus~o~~~frablejde la cote ouest f'!.U-Y ti uwr,w-e,14W11£~ m,a,rc.lw.,11Aikr u r o~.

des Ameriques Son tya, U/ ~ annuel r quelque 23 millions de tonnes Test constitue en grande

partie d'exportations de matieres premieres . ..,_ ___ _

de, c.luu". e-Uf/Mt± e,rv vr a,c, Le port actuel, dote de sept elevateurs a grains et de trois terminaux permet ce genre

a,vtW-itir . 3r~ d'pJcportation{~beux facteurs on~contribue au choix de Vancouver pour l'amenagement du

principal port de mer de la cote ouest du Canada:

1f:" f'OW de, vorwu-3~ de, d'e-xf'Ortat:w/IV 1.)Vancouver est lelbec d'un entonnoir ou aboutissentlplus de 90 % des marchandisesjexpediees a,v~ du r.ottifwe,r de, {'Ou,e,rt ~r c./u,~ de, ju. outrc mer par voic ferrec depuis l'ouest du Canada.\

A t'e-xc.ep-twflV d'u,n,e, it~ de, 233 kUouve,,tru uurir da,M {e,, ...::> /IV'offn 2./Sauf les :633 km2 des marees d~(<ielta dfFraser, le littoral de la Colombie-Britanniquejse prete

MVVUA-V rite-fa.-v-ortVbte- a. t'Uu,,p-La.,n,t:a,tw/IV d'UA-V ["Ort. a des transformations.I

LiM,U;te,r Ces deux considerations Ont amene le gouvernement federal a erendre les lfronticresl du port de

V . ' 49 ll ' lro+it a,l f ., , . . . ~ f'Ort;rt ~ . . l rr/k~ ancouver iusqu au e para e eJ a ront1ere amencame,gran issan ams1 areg10n totm du,. p;{a,flV d'uuv a. {UM de, 518 /dtouU.,tru uurir. porwaire oe plus de 51 km2 I .

Page 51: Révision - Horguelin

52 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISl'-LL>,_ ____ ~-~-------

4.3.4 Revision bilingue, didactique

La traduction du texte ci-dessous ne necessite que quelques corrections. Par contre, on peut proposer des ameliorations portant sur la concision et le choix des mots.

The real Gross National Product increased at an encouraging annual rate of 5.8% during the

first quarter of the year, then remained relatively stagnant before finally dropping to a negative

rate during the last quarter. Nevertheless, the GNP should increase by 3.7% in Canada by next

year. In the United States, it decreased by 2.2 %, the largest drop since the Second World War.

The economic slowdown which occurred in several countries with which Canada trades

exerted a depressive force on our economy, to a lesser degree on the whole, however, than with

most of our trading partners. Nevertheless, overall domestic demand remained relatively

strong, principally because of investments. Canadian imports increased significantly as our

exports, in real figures, decreased. This imbalance resulted in a deficit of some $2 billion in

the current account of our balance of payments, compared to a deficit of $425 million last

year.

While the rate of growth of the Canadian economy, which began to decline during the

second quarter, was mainly attributable to outside factors, the drop in consumer spending

and the rise in work stoppages also contributed greatly to offsetting the favorable results of

the first quarter.

Page 52: Révision - Horguelin

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 53

Le produit national brut reel s'est d'abord accru a un rythme annuel encourageant de 5J8 %

durant le premier trimestre@e l'anne.9, pour ensuite connaitre une stagnation relative et

finalement enregistrer un taux negatif au cours du dernier trimestre. Neanmoins, le PNB a

augmente de 3J7 % au Canada, alors qu'aux Erats-Uni~ccusait un recul de 2J2 %, soit le plus

, d . l d . ' d. 1 L l . , . · 1s'rut rrol~I . prononce epms a _ eux1eme ~uerre mon ia e. e ra ent1ssement econom1que qma preya u = = vo ~c,e, - [,(AU, ru±&o fV ire,,

clans plusieurs/tieslpays avec lesquels/transigej le Canada a exerce ~ depressi/ sur/suif notre .rv ~-de,gri

economie, mais ~moindreJ clans l'ensembleJ que chez la plupart de nos partenaires

commerciaux. Notre demande globale interieure est§"ependan_!)demeuree relativement forte, en

raison surtout des investissements. Les importations canadiennes se sont sensiblement accrues e,,xrw~ cluffns Ce; disiJ tVUiJJ :!::.,

au moment ou survenait une baisse de nos exportations~enjterme/reel~ Cette evolution a entraine de, dolUNrs ~

un deficit de l'ordre de %2 milliard~ au compte courant de notre balance des · paiement{

comparativement a celui ~25 millions l'an dernie).

rtJ.iedusut1.UC± de,~ UO~SStUC,,Ch ivorw . ~ a.NV Ca-~ Si le freinage du rythme de croissance enregistre(Ear l'economie canadienn~a compter du

rut - ~ ba-~sse; deuxieme trimestrel-ftttj principalement attribuable a des facteurs exterieurs, ~

des depenses de consommation et la multiplication des arrets de travail ont aussi largement

contribue a neutraliser les resultats favorables du premier trimestre.

l

Page 53: Révision - Horguelin

54 PREMIERE PARTIE : PRINCIPE$ ET TECHNIQUE DE LA.REVISLON

4.3.5 Revision, lecture critique

Le texte suivant, extrait d'une publication gouvernementale, aurait pu erre ameliore par une rapide revision se limitant a une lecture critique.

PRESENTATION DU MANUSCRIT

Toutes les personnes ayant une experience de !'edition sont d'accord sur un point: le bon

deroulement du processus d 'une publication est intimement~9lie a la qualite du [email protected]

lequel on travaill~.

. 1uv Trois caracteristiques permettent d'eva~uer cette qualite : le contenu proprement dit;,}loit

1(/(/(/

erre definitif; la parfaite connaissance du suje~doit se traduire par un texte ·, respectant e,,t l'uu;lMWl'V tU

la grammaire et l'orthographe~ simple et clair p doit, enfin, comporterjtous les elements fiq fNY e,,y 011.i:

hors-texte qui /apimral'trontj clans la publication.fels que lesj notes explicatives,flesi references

bibliographiques,~ation de l'espace prevu pour un graphique ou une illustration .. )

l'ol'V rd En definitive, si u temps/est perduj a cause d'un manuscrit mal prepare pour l'edition ou

~l'VtU~ . s~des changements~ont demandeslulterieurement,~le client/q.Yijen paiefaj les frais.

/,a, fYMtoUJ~ Meme les manuscrits destines a/ctre photocopiesj doivent repondre a des normes de

qualite, tant au point de vue du contenu qu'a celui de la forme. Ces normes sont a peu de choses r~usse,n;t

pres celles qui/pre'1alent pourjla presentation deStravaux de recherche, desrapports ou destheses.

La Direction generale des publications gouvernementales a prepare une serie de guides

consacres a la presentation des manuscrits.~ ~lie se reserve le droit de refuser d'imprimer ou

d'editer un manuscrit qui ne repondrait pas a ses normes.

Page 54: Révision - Horguelin

4 lA TECHNIQUE DE LA REVISION 55

4.4 TEXTES NON REVISABLES

Toute tentative de revision des textes qui suivent se revelerait non rentable et une evidente perte de temps.

4.4.1 « Fait a China »

Notice accompagnant une auto a monter, fabriquee en Chine:

Avant de vous commencez : - Soigneusement l'etude et comprend le drap d'instruction entier.

- Le Cheque pour etre sur que vous avez rer;u toutes Les parties que vous aurez besoin de.

- Utiliser un couteau de passe-temps aigu pour en/ever des parties des arbres. Ne pas tordre ou courber des parties des arbres. Utilise le couteau ou un emery en/ever et eclat.

- Comme vous procede «EXAMEN A]USTE » Les parties assurer propre emplacement et alignement.

- Ou « plaquer » du domaine a qui le ciment devrait etre applique.

- Nous recommandons /'usage de cyanoacrylate (adherer d'instant) le ciment. Quand possible localiser des parties et appliquer le ciment du cote posterieur pour cacher Les marques de ciment. Le ciment d'usage frugalement ou un travail peu soigne 'resultera.

- Lit Toutes Prudences et Avertires Etiquettes

4.4.2 Travail de detective!

Voici, sous !'original, une traduction Google.

Welcome to Ian Fleming Centre Welcome to the official website of Ian Fleming Publications Limited. Ian Fleming is best known as the creator of the world's best known secret agent, James Bond. That is not the end of the story, however: he also wrote Chitty Chitty Bang Bang, worked extensively as a journalist and played an important role in Naval Intelligence. We hope you enjoy looking around the site, where you can read about Fleming's life and work and about the other projects featuring his characters currently licensed by IFP, including the Young Bond novels and the Moneypenny Diaries.

Bienvenue au centre d'Ian Fleming Bienvenue au site Web _officiel des publications d'Ian Fleming limitees. Ian Fleming est le plus connu en tant que createur de l' agent secret le plus connu du monde, lien de James. Ce n'est pas la fin de l'histoire, de quelque maniere

Page 55: Révision - Horguelin

56 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

que : ii a egalement ecrit le coup de coup de Chitty Chitty, a travaille intensivement en tant que journaliste et a joue un role important dans /'intelligence navale. Nous esperons que vous avez plaisir a regarder autour de /'emplacement, ou vous pouvez avoir connaissance au sujet de la vie de Fleming et travail/er et des autres projets comportant ses caracteres actuellement autorises par IFP, y compris Les jeunes romans en esclavage et Les journaux intimes de Moneypenny.

4.4.3 Et pour etirer le plaisir ...

BIOGRAPHY Gordon was born in Toronto, but spent his formative years in the Montreal area. He attended primary and secondary school in the English Catholic system, then went on to receive a Bachelor of Science degree in mathematics and physics at Concordia University. He later completed a Bachelor of Arts degree in Philosophy at York University.

Gordon comes from a family with a strong military tradition going back to World War One. His father was a member of the Air Force, his uncles served in WWII and his brother is currently a member of the Air Force. Gordon joined the army in the Armour Branch, and during a distinguished career rose to the rank of Brigadier General.

After retiring from the military, Gordon achieved success in the private sector as Vice-President of Business Development for a large facility management firm, and Vice-President Operations for a vehicle testing centre. He then went on to become a Senior Associate at Hill & Knowlton Canada, one of the largest public affairs firms in the world. Acting in a consultative capacity, Gordon helped private sector firms pursue business opportunities with the federal government.

Gordon was elected as the first Member of Parliament for the new riding of Carleton-Mississippi Mills on June 28, 2004. He was appointed Defence Critic for the Official Opposition in August, 2004. He was elected again in January 2006, and sworn into Cabinet as the Minister of National Defence on 06 February 2006.

Gordon is married and has two adult children. He has lived in Kanata for over 20-years.

Page 56: Révision - Horguelin

... .. ... ...

... .. ... -.. -... -.. .. ... .. .. -

4 LA TECHNIQUE DE LA REVISION 57

BIOGRAPHY Gordon a ete soutenu a Toronto, mais a passe ses annees formatrices dans la region de Montreal. 1l s' est occupe de primaire et /' ecole secondaire dans le systeme catholique anglais, a a/ors continue pour recevoir un licencie en le degre de la Science dans !es mathematiques et physique a l'universite de Concordia. II plus tard a accompli un licencie en degre d'arts en philosophie a /'universite d'York .

Gordon vient d'une famille avec une tradition militaire forte allant de nouveau a la guerre mondiale un que son pere etait un membre de /' Armee de /'Air, ses oncles servis dans WWII et son frere est actuellement un membre de l'Armee de /'Air. Gordon a joint l'armee dans la branche d'armure, et pendant une carriere distinguee s'est !eve au rang de general de brigade General .

Apres le retrait des militaires, Gordon a realise le succes dans le secteur prive comme vice-president de developpement des affair es pour une grande societe de gestion de service, et vice-president Operations pour un centre d' essai de vehicule. II a a/ors continue pour devenir un associe aine chez la colline et le Knowlton Canada, un des plus grandes societes d' aff a ires publiques dans le monde. Agissant dans une capacite consultative, /es societes aidees par Gordon de secteur prive poursuivent des debouches avec le gouvernement federal .

Gordon a he elu en tant que premier parlementaire pour la nouvelle equitation des moulins du Carleton-Mississippi juin 28, 2004. II a he nomme critique de la defense pour !'opposition officielle en aout, 2004. II a ete elu encore en janvier 2006, et jure dans le Cabinet en tant que ministre de la defense nationale 06 f evrier 2006 .

Gordon est marie et a deux enfants d'adulte. Ila habite dans Kanata pour 20-years fini .

Page 57: Révision - Horguelin

5 LA REVISION AU TERMINAL 59

5

LA REVISION AU TERMINAL1

L'avenement de l'informatique a eu, sur la cha!ne de production de textes - redaction, traduc­tion, revision, impression -, un effet que l'on peut comparer, sans exageration, a !'invention de l'imprimerie. Avec les nouvelles realites est apparu un nouveau vocabulaire : traduction automatique (TA), traduction assistee par ordinateur (TAO), postedition, correcteur ... La profession de reviseur a du s'adapter a ces changements, certains pessimistes allant meme jusqu'a predire sa disparition. Une realite demeure : il y aura toujours une demande pour des textes de qualite. Cela suppose un controle, c'est-a-dire un second regard par le redacteur ou Je traducteur (autorevision), une deuxieme lecture par le reviseur OU le destinataire du texte (revision ou postedition).

Nous indiquons clans le present chapitre les notions de base de la revision au terminal.. L'utilisation des outils et ressources informatiques suppose evidemment une connaissance pratique du traitement de texte.

La section « Outils informatiques » de la bibliographie (p. 243) complete ce chapitre. En plus d'y indiquer quelques articles traitant de postedition, nous avons r~pertorie les diction­naires et autres ressources electroniques les plus frequemment consultes. On constatera que la revision au terminal permet d'acceder a de nombreux outils facilitant la tache du reviseur, qu'il revise Sur papier avant d'entrer ses corrections clans le fichier OU qu'il revise directement a l'ecran, pratique de plus en plus courante.

5.1 REVISION UNILINGUE

5.1.1 Logiciels de traitement de texte

La plupart des logiciels de traitement de texte offerts sur le marche disposent d'outils integres permettant au reviseur d'assurer le suivi des modifications qu'il apporte au texte. Nous presentons ici les programmes les plus couramment utilises.

1 Chapitre prepare avec la collaboration de Marc-Andre Seguin, traducteur et reviseur.

Page 58: Révision - Horguelin

60 PREMIERE PARTIE : PRINClPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION.. -------------.....111111~

5.1.2 Word

Texteur le plus utilise et le plus populaire, Word fait partie de la suite Office de Microsoft. Depuis sa version 97, le logiciel comprend la fonction Suivi des modifications (Track Changes) qui permet d'indiquer clairement les suppressions et les ajouts .

Pour activer cette fonction clans un texte, selectionner, clans la barre de menu :

Outils > Suivi des modifications

ou appuyer sur :

Ctrl +Maj. + E (ou pomme +Maj. + E sur Mac OS)

Par defaut, Word affiche les modifications comme suit :

Les texteurs disponiblcs offcrts sur le marcbe offrent presentent differentes alternatives options !possibilitesj d'affichage des corrections.

Les suppressions sont baHces, les ajouts, soulignes. Mais on peut personnaliser les options d'affichage, comme les infobulles, selon ses preferences ou les exigences auxquelles on est soumis.

Il est egalement possible de choisir des couleurs distinctes pour differencier les corrections de plusieurs personnes (reviseur et correcteur d 'epreuves, par exemple). Il est alors facile de voir lequel des correcteurs a apporte les modifications. Cette option se revele particulierement utile lorsqu'un reviseur principal forme un collegue et qu'il lui indique les changements refuses ou ajoutes.

L'outil permet, en outre, d'accepter OU de refuser les modifications, une a la fois, a l'aide du menu contextuel (clic droit de la souris) ou du menu de la barre des taches, ou toutes en meme temps (option Accepter toutes les modifications clans le document).

5.1 .3 OpenOffice

La suite libre OpenOffice, adoptee par un nombre croissant d'utilisateurs et d'organismes gouvernementaux, dispose aussi d'une fonction de suivi des modifications. Pour y acceder, selectionner :

Editer > Modifications >. Enregistrer

Par defaut, OpenOffice utilise le style des corrections de Word (souligne pour les ajouts, barre pour les suppressions), rriais il reste possible de personnaliser les options d'affichage.

.. -., ., -.. .. ..

--

Page 59: Révision - Horguelin

5 LA REVISION AU TERMINAL 61

5.2 REVISION BILINGUE

5.2.1 Mise en tableau de Word

Pour eviter de devoir continuellement passer d'un document a un autre lorsqu'il revise une traduction, le reviseur pourra utiliser la fonction de mise en tableau de Word (figure 1) OU

d'autres texteurs. Il verra ainsi, cote a cote, !'original anglais et son equivalent franc;ais.

Use Bluetooth connections to connect wirelessly to other compatible devices, such as mobile phones, computers, and enhancements such as headsets and car kits.

You can use Bluetooth wireless technology to send files; to connect wirelessly to your compatible PC (for example to transfer files or use your device as a modem); or connect to a compatible printer.

For more information on modem use, see the Nokia PC Suite instructions on the CD-ROM, if supplied with the device.

Utilisez le connection pour La conncctivitc Bluetooth permct d'etablir une liaison sans fil avec d'autres appareils compatibles rel5 tttte (telephones cellulaires, ordinateurs .. . ) ou avec des accessoires tels que les (ecouteurs, equipement pour voiture ... ).

Vous pouvei'. utiliserUtilisez la technologie sans fil Bluetooth pour transferer des fichiers, pour erablir une liaison sans fil avec. un PG ordinateur compatible (per exeHi:ple, transffaer destransfert de fichiers~ ou utiliGer ¥etre utilisation du telephone comme modem) ou encore pour vous connecter a une imprimante compatible.

Pour plus d'informetioAsde renseignements sur !'utilisation du telephone cornme modern, consultez les instructions relatives au logiciel PC Suite de Nokia sur le cederorn fourni avec l'appareil.

Figure 1 - Mise en tableau de Word

5.2.2 Logiciels de TAO

De nos jours, les programmes de traduction assistee par ordinateur (TAO) sont des logiciels quasi indispensables, rant pour le traducteur que pour le reviseur. Ils permettent non seulement de recuperer des traductions existantes, rnais aussi d'assurer l'uniforrnite de textes presentant des caracteristiques sernblables (une serie de guides d'utilisation, par exernple).

Page 60: Révision - Horguelin

62 PREMIERE PARTIE: PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISLON

La plupart de ces logiciels comprennent, par ailleurs, une fonction qui permet d 'assurer le suivi des corrections. Parmi les plus populaires, citons Trados et SDLX, deux produits offerts par la societe SDL International.

5.2.3 Trados

L'edit_ion se fait en grande partie sous format Word. Il suffit done, si l'on travaille avec le logiciel Trados, d 'activer la fonction Suivi des modifications qui permet d'afficher clairement les corrections.

Le reviseur peut alors indiquer au traducteur tout changement apporte a son texte.

S'il se sert du Tag Editor de Trados, le reviseur doit avoir recours a un outil externe, C?mpare ou ApSIC Comparator. Les deux sont decrits plus loin.

5.2.4 SDLX

L'interface de SDLX presente le texte source et le texte cible sur deux colonnes juxtaposees (figure 2):

t="""'~"~'~T'lf""J,,~T7:~-, '""1' £ r '"~ ~ '< ,~ --~~ - ::--~- ~- ~ =:- """~="""~ =«':""' ~ :::"'"" '7 """

:,;.· 6275i_mv1_VMC_24AUGUST2006.itd. SOL Etl1t • • • • • .

~~~!§~ !:le L;dit FQ.m14t Forrnate:mt Y:iew Iools Tromlabon ~y T~:;< tt:I!>

Cl ~ rml 6 l?l. l!l ii QQ ., " <fi5 es- '~

jC:IADMIN\TAO\Memoi .. SDlX\SLCUG.mcli 3 ~'ti Gtfl ~ ·~ )? ~&. ~

69 Read·these·simple· iguidelines " ~'Veuillez·fire-ces· lconsignes·de-securite ~

10111ot·foltowmg·tnem·may-oe·dangerous-or·lllegal. 1011·peut·s'averer·dangereux,voire·il!egal,·de·ne·passy- ,. contom1e1.

11Read·tlle·complete·user·guide·for·turther·infom1ation. 7LPour·de-rinfom1ation·plus·detaill0e,·lisez·le·gukle-d'utilisation-au·complet

12 SWJtch·on·safely 72 Altumez·votre-t~·avecdiscemement

730o·not·switch·the·phone·on·when-wireless·phone· 73N'allumez·pasvotre·tet0phone-lorsque·l'utiisation·des· use·is·prohibited·or when·it·maycause-mterference-or· telephones·sans·til·est·interdite·ou·risque·de-provoquer· dange1 des·interferences·ou·de·eresenter·un·danger

1• Road-safe!}': comes- first 7' La-secu.ril6-routtere-avanHoo1 -1~ Obey· aU·local-laws. 7'Respectez·toutes·les·lois·locales·en·\Jigueu1 1,; Always· keep your·hands·rree·to·operate·the·vetncle- 7°Gardez·toujOUrs·les·mains·libres·pour·condUire-votre-

while·q11Vmg. vehicule. n Y our-tirst·considerabon· while·driving·should·be· road· 77la·securite·rouliere·est·la·premiere·responsabilite·du· sate~. conducteu1

n Interference 78 lnlerterences 79 AU wireless·phones·may-be·suscepbble·to- 79'fous·les·te!0phones·sans·fil-peuvent·recevoir·des·

interference, wh!ch·could·affect·performance. lnterferences-qui·risquent·de-perturber·leur· fonctionnement. -

ao Swifch·otf·in-hospitals so Eteignez-volre-telepnone-dans·les·hOpitaux u FoUow·an~·restrictions. s1eontormez-vous·a·toutes·les·restrictions·envigueur 82: <;:u.fttf'h.th-0·1"\hf'\t,a.Aff.no?r.ni011fP"3J.Q11~•inmQOt v 82. i=to;r1nc 7, '"'ho. tOJ6nhAnn.-:i.nrA'AmltO.fioi::•C,-,t 1it '()fllOf" t"<:· v

x "

,. .

r'

" ,;

"' " For Hei> / pr~ss F t Eriqlsh (\-"1ibod Stat.<) • >-{O>Mdo} - .,

Figure 2 - Affichage de SDLX

. ,

--• .. .. ., .. (II .. ~ .. ..

Page 61: Révision - Horguelin

5 LA REVISION AU TERMINAL 63

Il est alors possible de reviser en comparant une phrase a la fois et d'entrer les corrections au fur et a mesure. Et comme le logiciel place les phrases cote a cote, il suffit de faire defiler le document pour se reporter a un point precis du contexte.

On ne peut assurer le suivi des modifications clans un meme document sans .avoir recours a un module externe (Compare OU ApSIC Comparator).

5.2.5 Compare

Compare est fourni clans la suite OU telechargeable separement .. Il cree un fichier HTML sur trois colonnes (figure 3).

c ! > * < t :. ft'le .:ifi.ce .. ~~b.Q1$ $l.lp~ ~tme.l !S~' · "'t'J(ff i:I ~ \\'or.:L ::Oxe~1t., _,r d &cal

!MJcroJOl't t'litiO! ? i . ?~. i.a~. XP . .,oo :.-.>0J1.

Figure 3 - Affichage de Compare

5.2.6 ApSIC Comparator

ApSIC (www.apsic.com/fr/products comparator.html) offre un affichage plus evolue que celui de Compare. Il permet, entre autres, de comparer deux documents de format Trados (.ttx) ou SDLX (.itd), avant et apres revision, et d'afficher les changements a la maniere de Word figure 4).

Page 62: Révision - Horguelin

64 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

] ApSIC Comp.orator Geroeroted File Mitrosoit Internet Explo1e1 EJ~ ~~fg]

" z UC:',AclllleC-\lSJ9_~Presenta00nffl-cA'ft"""""'--·""°"~"='·h=tm~=~~~~-~-~--"--=~=-oc- --=....!- :.__

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Tiie :s'ew 24-inch i).fru: Le 0011\o~ iM.1C de 14 pouces

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L"«ran pauoowuque de ~4-_pouces cjspose QllllC SUifa<:.: d'affichage supdicure de JQ • 9 par rappon au ~ ~ 20-_pouces

Ct bas HDresolub¢11 wll11 19::0 bv 1:00 n o1!'e wie,nisolut1011 pan~t11qu< °! pi.<d>3lld1Sols<>40'•bnghtcr~tbc 19-0• l _00p<<elset,dest-IO-"v;l...:.ll1lus

r 'O l11Cb Mac • brilliant bribu ~ ~ 1.\lac de _o pouces, ~ des - • " ror lll>ages anages tout sliiplanet" ~~

L'~uabOn de J0-_0 •doe la surface JOO• more scrc¢ll real e$1Dle is biued 011 cl affichagc est c'1ku!Ce cf apr~s le L10U1bre cot.al !>l'els fur 20-llChdaspla.- m lO- tot.al de pneb de r.;_"T311d:10 po Ju inch L\fuc: 11.oo.I wrth 1650 < lOSO ~;).lac de ::!O pouc-'S.,,.. ,.;.;.,lution pL<ds !Or a total of 1 ·s:ooo. cowpar<d ~ I 650 x t oso pL<eb, soil I ·s2 000 to 1 i-....,h display m ::! I -inch iM:ic pc<els. compore 311 uouibre to~ de pL'<ds model w1dl 1910 x 1200 p~ fora de !'man de 2~ pouces du~ tic cotal of~30-l000 pi.~ls, or 306°. more ~-! pouccs on 1 920 x I ~()() pa:els, SOii

1~11'lllg area. 1 }04 000 pixels, oo 30,6-_0 o tic sutface

Figure 4 - Affichage de ApSic Comparator

5.3 REVISION DE DOCUMENTS GRAPHIQUES OU MULTIMEDIAS

Le reviseur pourra etre appele a assurer la qualite et la fiabilite de documents multimedias (brochures, guides) traites par des logiciels de graphisme. Pour faciliter l'echange entre 'les differents intervenants, le plus simple consiste a utiliser le format PDF, format d'echange le plus utilise au monde. Les ordinateurs sur plate-forme Windows, MacOS, Linux et FreeBSD, par exemple, peuvent lire et imprimer les documents ainsi presentes, peu importe le logiciel utilise pour les creer.

La societe Adobe a cree le logiciel Acrobat qui permet d'annoter les documents PDF de fac;ons diverses. Par exemple :

----~-

La fonction Text Edits (figure 5) permet d'afficher les suppressions en les barrant et d'ajouter une note contenant les corrections.

d'acceder a une myriade <\?utils pouvarfll ses corrections dans le fich1er par la suit c'est de plus en plus le cas, ou lorsqu'on _____ lf

Figure 5 - Fonction Text Edits

Page 63: Révision - Horguelin

5 LA REVISION AU TERMINAL 65

L'outil Rectangle (figure 6) permet de delimiter clans un document ce sur quoi l'on desire attirer }'attention. Il se revele particulierement utile si l'on a des commentaires a formuler re}ativement a des logos OU a des illustrations.

~ Expedia. ccUJ

Figure 6 - Outil Rectangle

L'outil Arrow

Figure 7 - Outil Arrow

L'outil Pencil

Ramener a la ligne precedente.

Figure 8 - Outil Pencil

Quant a l'outil Notes (figure 9), il permet d'inserer clans un document des notes generales.

Les outils informatiques en revision ~ Note r::i.s

Ob •)9 n.:: ~

Oocons •

Changet la police du document ~n T.mes et un1formiser !es styles de

la fote presence ~dicta abir tltrrnton1equ1d•A7. ;E

d'acceder a une myriade d'outHs pouvant. - ·- - · --· ·- ____ c

Figure 9 - Outil Notes

Page 64: Révision - Horguelin

66 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISIOL'll----------------1

5.4 PETIT CONSEIL PRATIQUE

La revision a l'ecran offre des avantages certains. Il faut cependant redoubler cl' attention, car de nouvelles erreurs (coquilles, mots non effaces, espaces en trop ou en moins, types de caracteres ... ) risquent de s'etre glissees clans le texte.

L'ideal, une fois toutes les corrections apportees, est done de decocher l'affichage des marques de revision et de relire attentivement tout le texte, de preference sur copie papier.

Page 65: Révision - Horguelin

6 REVISION ET RELATIONS HUMAINES 67

6

REVISION ET RELATIONS HUMAINES

On n'insistera jamais trop sur l'importance des relations humaines clans le processus de la revision bien comprise. 11 est en effet impossible de concevoir une revision a fonction didactigue qui soit a la fois fructueuse et rentable s'il n'existe pas de bons rapports entre reviseur et revise. A cet egard, on peut done dire que la revision est une ecole de relations humaines et peut-etre souhaiter gue son enseignement comprenne les principes de la psychologie appliquee aux rapports interpersonnels.

6.1 UN ROLE DELICAT

Si la revision consiste a corriger un texte en vue de l'ameliorer, il est sans doute humain qu'auteurs et traducteurs revises soient habituellement plus sensibles a l'aspect correctif qu'a l'aspect ameliorateur de l'intervention du reviseur. Nul n'aime se faire prendre OU reprendre, et une reaction instinctive porte les revises a citer le dicton: « La critique est aisee, et l'art est difficile. »

De tout temps les traducteurs se sont plaints des critiques de leurs reuvres. Deja au debut de notre ere, saint Jerome oubliait quelques instants la charite chretienne pour vilipender, avec un humour acerbe, ses detracteurs. Au xvue siecle, le grand traducteur fran\:ais Perrot d'Ablancourt exprimait en termes mesures ce que beaucoup .de traducteurs ont pense ou dit apres lui, parfois plus vertement: ·

Tout le monde n'est pas capable de juger d'une traduction, quay que tout le monde s'en attribue la connaissance, et, icy comme ailleurs, la maxime d'Aristote devrait servir de regle qu'il faut croire chacun en son Art.

Precisons t9utefois que ces reactions tres humaines s'adressent generalement a des critiques incompetents et non aux reviseurs professionnels qui, sauf exception, n'entrent pas clans cette categorie. Neanmoins, la competence du reviseur est un premier sujet de dispute, d'ou la necessite pour lui d'erablir sa credibilite par la pertinence de ses interventions. C'est alors qu'il pourra citer sans complexe ce conseil de Boileau:

]e vous l'ai deja dit: aimez qu'on vous censure, Et, souple a la raison, corrigez sans murmure. Mais ne vous rendez pas des qu'un sot vous reprend.

Page 66: Révision - Horguelin

68 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE l.A RE\LISION

Un deuxieme handicap tient a la structure hierarchique. Tres souvent, la fonction du reviseur deborde le cadre purement linguistique de son intervention pour englober des respon­sabilites de gestion et de controle. C'est toutefois plus particulierement le cumul des taches de correction et d'evaluation qui fait probleme. Ainsi, du fait de ses attributions, le reviseur peut facilement erre per<;u comme un «sous-patron » et non comme un collegue et collaborateur.

Enfin, le reviseur competent et non « imbu de ses prerogatives·» a un troisieme obstacle a surmonter : il doit savoir communiquer avec les traducteurs ou redacteurs clans un esprit de franche collaboration, de fa<;on a ne pas provoquer chez ces demiers une reaction d'autodefense. Cette aptitude ne va pas necessairement de pair avec la competence, et les cas ne sont pas rares OU un reviseur, par ailleurs excellent, eprouve de graves difficultes sur le plan des rapports professionnels normaux. Ajoutons aussitot qu'en ce domaine les torts sont souvent partages, le reviseur ne pouvant imposer sa collaboration a des redacteurs OU a des traducteurs par trop retifs.

On pourrait conclure que le travail du reviseur n'est pas une sinecure ... et c'est souvent vrai. Par contre, pratiquee clans un climat favorable, la revision est une activite tres enrichissante, car elle met a contribution toutes les qualites intellectuelles et humaines de la personne qui l'exerce. Or, ce climat, c'est au reviseur qu'il incombe en grande partie de le ~reer.

6.2 LES ~APPORTS AVEC LE TRADUCTEUR

Il est difficile d'etablir un « code de comportement » applicable d'une fac;on generale aux rapports entre reviseur et traducteur, tant ces rapports peuvent varier selon le milieu de travail, le type de revision et la personnalite des parties en cause. On peut neanmoins enoncer quelques principes generaux que le reviseur devrait suivre clans l'exercice normal de son activite.

6.2.1 Communaute d'objectifs

Le reviseur et le traducteur Ont en commun les deux grands objectifs de la revision didactique: assurer la qualite du produit fini et contribuer au perfectionnement du revise. Cette communaute d'objectifs, lorsqu'elle est bien comprise_, peut ser.vir de base a une collaboration fructueuse. .

Dans la recherche de la qualite, chacun joue un role d'egale valeur. 11 s'agit done d'une collaboration entre pairs, mettant en jeu des competences distinctes, certes, mais pas neces­sairement clans un rapport inferieur I superieur. En effet, s'il peut arriver que le reviseur joue le role de mentor aupres d'un traducteur debutant, le cas est egalement frequent OU la revision porte sur le travail d 'un traducteur professionnel dont la competence ne peut etre mise en doute.

La collaboration est egalement facilitee si le traducteur constate que la revision est pour lui un excellent moyen de se perfectionner. C'est d'abord la seule fac;on d'eviter la repetition des memes erreurs : nous a.vons tous nos petites lacunes e.t quelques mauvaises habitudes langagieres, qui ne peuvent erre corrigees que si quelqu'un nous les signale. En outre, le reviseur

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6 REVISION ET RELATIONS HUMAINES 69

peut apporter une aide positive en inculquant une merhode de travail, en enseignant quelques « trues du metier », en recommandant des lectures orientees vers la correction des deficiences constatees ou l'enrichissement des connaissances.

Les rapports qui s'erablissent ainsi ne sont nullement a sens unique: clans certains cas, le reviseur apprend tout autant sinon plus que le traduct'eur. Il peut alors noter un equivalent judicieusement choisi, un neologisme utile, une tournure bien rendue. Et rien ne l'empeche de feliciter le traducteur de sa trouvaille.

6.2.2 Aide a la recherche

Un bon moyen pour le reviseur d'amorcer une franche collaboration avec le traducteur est de l'aider a l'erape preliminaire de la documentation. Ayant .generalement une longue experience qui l'a amene a lire des textes clans les domaines les plus varies, le reviseur peut orienter la recherche du traducteur en lui indiquant des ouvrages pertinents et des sources de documen­tation. En fair, clans les entreprises sans documentaliste-terminologue, le reviseur est souvent la seule personne ayant des connaissances suffisamment encyclopediques pour assumer cette fonction. Parfois, il doit aussi s'assurer que le traducteur dispose de tout le materiel, de route la documentation et de routes les informations necessaires a !'execution de son travail. Il est done regrettable qu'a la suite de !'evolution de la profession, les diplomes en traduction ou en redaction soient frequemment prives des conseils d'une personne chevronnee.

6.2.3 Notes et fiches

Service pour service, le reviseur est en droit d'attendre que le traducteur collabore au travail de revision en le facilitant. Il semble notamment elementaire que le traducteur cite ses sources, clans la marge ou sur un feuillet joint a la traduction, et qu'il annexe ses fiches terminologiques. Il evite ainsi au reviseur d'avoir a faire les memes recherches, ce qui entra!nerait une perte de temps injustifiable. Lorsque le donneur d'ouvrage a exprime des preferences ou des exigences, le traducteur doit egalement en informer le reviseur. Notons enfin que, clans certains services et cabinets de traduction ou l'erablissement de fiches est exige, en vue notamment d 'enrichir la base de donnees terminologiques, c'est au reviseur qu'il incombe de verifier si ce travail a ere execute.

6.2.4 Attitude positive

Adopter une attitude positive est sans doute la regle d'or de la revision. Le reviseur ne peut se contenter de « rougir » les textes; il doit constamment montrer que son principal souci est d'en ameliorer la qualite.

Il est certes clans l'interer du traducteur qu'on lui indique ses lacunes et ses maladresses, non pas pour lui signifier son incompetence, mais pour contribuer a son perfectionnement. On ne doit pas, toutefois, oublier de faire ressortir ses points forts: recherche merhodique, passage bien rendu, style coulant, restructuration adequate ... Tres souvent, tout est clans la maniere.

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70 PREMIERE PARTIE : PRINCIPE$ ET TECHNIQUE.DE LA RE\LJS10N

Et c'est la que le reviseur doit exercer ses talents en relations interpersonnelles, qu'il doit faire preuve d'empathie et appliquer le principe de substitution: « Si c'etait moi qu'on revisait, comment reagirais-je a cette correction? » S'etant pose cette question, il rayera d'office de son vocabulaire toute une serie de remarques desobligeantes qui n'ont pas leur place en revision. Le tableau ci-dessous en fournit quelques exemples.

Vous ecrivez comme un pied.

C'est plein de contresens.

Vous n'avez rien compris.

Vous faites trop de fautes d'orthographe.

Tout le vocabulaire technique est faux.

Ou eres-vous alle chercher \:a?

<;a sent la traduction!

Il faut surveiller votre style.

Vous devriez lire plus attentivement le texte anglais.

Vous eres-vous documente avant de traduire? Avez-vous consulte tel ouvrage?

En cas de doute, verifiez l'orth9graphe des mots.

Je vous recommande tel glossaire.

Citez vos sources.

11 faut vous efforcer de repenser vos phrases en fran\:ais.

La nature humaine etant ce qu'elle est, on ne peut empecher le reviseur de penser ce qui est ecrit clans la colonne de gauche, mais ii doit dire ce qui figure a droite!

Les traducteurs Ont la reputation d'avoir l'epiderme sensible. Conscient de ce fait, Valery Larbaud proposait avec humour « un ceremonial comme on peut imaginer qu'il y en eut entre les mandarins-traducteurs de l'ancienne Chine: saluts, compliments, sourires, et: "Ta lumiere, o tres exact, n'a pas daigne resplendir sur les tenebres de cette phrase." » On comprend qu'en !'occurrence il eut ere delicat de dire: « Cette phrase est du chinois », mais une touche de politesse orientale contribuerait sans doute a « civiliser » les rapports entre reviseurs et traducteurs.

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6 REVISION ET RELATIONS HUMAINES 71

6.2.5 Traductions inacceptables

Xous avons vu precedemment que la revision ne doit pas fare une retraduction, ne serait-ce que pour une simple question de rentabilite. L'intervention du reviseur devrait se limiter a un travail de verification et de polissage. Si un texte n'est pas revisable parce qu'il est l'ceuvre d'un traducteur peu consciencieux, le reviseur doit en informer son superieur : reviser un brouillon serait un encouragement a l'incompetence OU a la negligence. Par contre, il peut arriver qu'un traducteur produisant normalement des textes convenables ait eu une defaillance, soit qu'il ne connaissait pas le domaine, soit qu'il ne se sentait pas inspire, ou pour toute autre raison. Si c'est le cas, le reviseur do it lui demander de reprendre sa traduction . en corrigeant les deficiences: recherche insuffisante, traduction trop litterale, orthographe defectueuse, style neglige ... S'il s'agit d'un debutant, on fera naturellement preuve de plus de tolerance.

6.2.6 Le danger des palabres

La revision ne peut fare formatrice que si le traducteur revoit son texte revise et a la possibilite de se faire expliquer les corrections dont la pertinence lui echappe. Sauf clans le cas de debutants, il ne peut fare question pour le reviseur de justifier chacune de ses interventions: la majorite des corrections doivent fare evidentes, libre au traducteur de verifier clans Un dictionnaire OU

une grammaire s'il a des doutes.

Le traducteur doit neanmoins savoir que son reviseur est ouvert a la discussion et qu'il accepte volontiers de justifier ses decisions. Un echange de vues peut alors fare tres enrichissant, a condition qu'il ne degenere pas en parlotte et arguties ... C'est evidemment la un des dangers de la revision didactique contre lequel ii faut se premunir. Il suffit bien souvent d'enoncer des le depart les regles du jeu.

6.2.7 Agent de motivation

De parses fonctions, qui comportent souvent l'encadrement d'un petit groupe de traducteurs, le reviseur est generalement appele a jouer le role d'agent de motivation. Il doit veiller a maintenir ou a accro!tre le rendement qualitatif et quantitatif des traducteurs dont il a la responsabilite. C'est un role qui n'est pas toujours facile ni agreable, car il place le reviseur entre le marteau et l'enclume: d'un cote, il doit faire respecter des normes de production; de l'autre, ii ne peut s'aliener la bonne volonte des traducteurs en les transformant en machines a traduire. Ainsi place en position intermediaire, le reviseur est presque necessairement amene a transiger, a accepter un compromis entre unideal perfectionniste et les contraintes de la rentabilite.

6.3 LES RAPPORTS AVEC ~AUTEUR

En revision unilingue, c'est avec l'auteur du texte que le reviseur doit traiter. Si la plupart des principes generaux enonces plus haut peuvent s'appliquer moyennant quelques legeres adaptations, la revision unilingue a aussi des particularites et des exigences specifiques.

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72 PREMIERE PARTIE: PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVlSJON

6.3.1 La connaissance de l'interlocuteur

Traducteurs et reviseurs appartiennent a la meme famille de meriers; ils parlent le meme langage, connaissent les memes problemes, travaillent SOUVent dans le meme service OU pour le meme client. Ce sont des specialistes de la langue. Meme si un degre hierarchique les separe, ils se cotoient continuellement et entretiennent generalement des rapports d'egal a egal.

Tout autre est la situation en revision unilingue. Les auteurs des textes peuvent appartenir a tous les rangs hierarchiques, depuis le president d'une entreprise jusqu'au magasinier, en passant par des ingenieurs, des techniciens, des agents commerciaux ... Ces personnes ne sont pas des professionnels de la langue; elles ont rec;u des formations tres differentes et exercent leur activite dans des secteurs d'une grande variere. Enfin, elles ne reagissent pas de la meme fac;on a !'invitation OU a !'obligation qui leur est faite de rediger clans une langue soignee OU d'utiliser une nouvelle terminologie. Pour toutes ces raisons, le reviseur doit redoubler de prudence : une attitude rigide, une remarque desobligeante risquent de decourager les bonnes volontes et d'annuler tout desir de perfectionnement.

6.3.2 Tact, discernement et patience

A vrai dire, on exige beaucoup de qualites de la part du reviseur unilingue ... Sur le plan des relations humaines, ii doit faire preuve de tact et de souplesse, adapter son comportement au rang hierarchique et a la persor'l.nalite de l'auteur du texte a reviser, ne jamais se poser en expert transmettant sa science a des non-inities. Il doit aussi agir avec discernement, consacrer tout le temps necessaire a la personne desireuse de se perfectionner, mais se limiter a une simple correction si on lui demande sechement: « Mettez-moi c;a en franc;ais » (equivalent du Type it in French). Enfin, il doit se montrer patient face a ses interlocuteurs, car ce n'est pas en quelques instants que l'on apprend OU reapprend a rediger.

Sur le plan linguistique, le reviseur doit fuir le purisme outrancier et viser essentielle­ment la clarte et la correction. Il doit eviter d'utiliser un langage esoterique pour decrire son intervention (les schemes de pensee, un deictique, !'aspect inchoatif ... ). Sa collaboration sera d 'autant mieux acceptee s'il sait la replacer clans sa vraie perspective: assurer l'efficacite du message et non se livrer a des exercices de style.

Pour justifier son nom et sa raison d'etre, l'aide a la redaction ne doit pas se restreindre a la correction de fautes, element necessaire mais negatif. Il importe que, le plus rapidement possible, les redacteurs puissent (( voler de leurs propres ailes »' et le reviseur peut leur faciliter la tache en leur indiquant des ouvrages a lire, en leur fournissant de la documentation, en leur conseillant de s'abonner a une revue professionnelle. Bref, plus encore qu'en revision bilingue, ii Jui faut adopter une attitude resolument positive et faire preuve d'une grande ouverture d'esprit.

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6 REVISION ET RELATIONS HUMAINES 73

6.4 LES RAPPORTS AVEC LE DONNEUR D10UVRAGE

Dans !es entreprises, comme clans le secteur public, la responsabilite des contacts avec le donneur d'ouvrage, qui peut fare !'auteur, incombe de plus en plus au traducteur lorsqu'il faut obtenir des explications OU des precisions sur un texte. Le cas e<;::heant, le reviseur ne s'adresse alors au donneur d'ouvrage que pour verifier !'exactitude de la traduction en fonction du sens de !'original (ou de !'intention de !'auteur).

Les agences et les cabinets de traduction, par contre, demandent souvent a leurs pigistes de ne pas entrer directement en contact avec le client. Dans ce cas, c'est le reviseur-coordonnateur qui assure la liaison. Il doit alors exiger que le traducteur formule clairement ses questions, en indiquant Jes references precises au texte; il peut aussi « filtrer » ces questions, c'est-a-dire donner directement les reponses qu'il conna1t et ne transmettre au donneur d'ouvrage que les points non eclaircis. En regle generale, Jes clients fournissent tres volontiers les renseignements demandes, mais ii arrive parfois qu'on se fasse repondre: « Contentez-vous de traduire » ..• C'est toutefois a une etape ulterieure que les rapports· entre reviseur et client peuvent se compliquer.

Suivant en cela une pratique aussi ancienne que la traduction, et s'inspirant peut-etre du dicton « Le client a toujours raison » , certains donneurs d'ouvrage s'estiment en droit d'ameliorer a leur fa~on les textes traduits. Le succes de !'operation n'est pas toujours evident, mais malheureusement on ne constate souvent les degats qu'apres !'impression et la diffusion du texte. Que faire? Tout d'abord, moderer sa colere legitime. Il est evident que ces interventions intempestives faites a la derobee sont contraires a toute conception professionnelle de la traduction (le meme donneur d'ouvrage s'aviserait-il de modifier les chiffres des etats financiers etablis par son expert-comptable?). Mais on comprend aussi que peu d'agences ou de cabinets soient prets a perdre un client pour quelques anglicismes ou solecismes introduits subrepticement. Rien n'empeche toutefois de sauver l'honneur en touchant la corde sensible : « Yous avez paye cher pour obtenir un texte de qualite. Aussi, n'hesitez pas a communiquer avec nous lorsque vous souhaitez y apporter des changements. » Enfin, clans certains cas, une fois le risque calcule, le recours aux moyens detournes n'est pas non plus interdit: rares sont les donneurs d'ouvrage qui restent indifffaentS a une lettre de protestation emanant d'un actionnaire OU d'un consommateur indigne ...

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7 4 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISLO

DEFINITIONS

Voici des definitions fantaisistes, de type encyclopedique, des termes traducteur et reviseur. Elles font encore sourire meme si ell es portent la marque d'une epoque anterieure au feminisme et a !'emergence des comportements politiquement corrects; elles refletent aussi un temps ou les personnes etaient au mains aussi nombreuses que les machines la ou ii se faisait de la traduction.

TRADUCTEUR [tRadyktoeR] n. (lat. traductor). Mammifere a toison (Traductor scribile Linnaeus 1775). De taille et d'intelligence variables, cet animal a ete tres tot domestique par les hommes de langue anglaise pour se faire comprendre de leurs semblables francophones. Zool. Animal diurne, parfois nocturne. A tendance a dormir tres peu. A l'etat sauvage, c'est un animal timide qui vit presque en reclus. Afin de les faire connaitre du grand public, le gouvernement canadien a ouvert plusieurs reserves ou ils vivent en semi-liberte. Le traducteur se nourrit essentiellement de papier et marque une nette preference pour les feuilles couvertes de caracteres d'imprimerie. Son regime se complete de petites branches (V. Crayon), raison pour laquelle on a longtemps hesite a le classer parmi les rongeurs. Le traducteur manifeste une vive repulsion pour tout ce qui est de couleur rouge, exception faite des feuilles d'Urgent (vo ir ce mot) qui l'attirent

inexorablement. Les feuilles de cet arbre constituent d'ailleurs un appat tres recherche des chasseurs lorsque la saison est ouverte. L'equilibre mental de ce mammifere est instable et ii passe rapidement de !'exuberance a la depression la plus profonde. Taniere du traducteur. V. Section. Traductrice, femelle du traducteur. Petit du traducteur. V. Traduction. Loe. fig. Cela n'est pas fait pour les traducteurs : on peut, on doit s'en servir, l'utiliser. -Faire le jeune traducteur, etre bete comme un jeune traducteur, etre etourdi, folatre. - Norn d'un traducteur! juron familier. Par denigr. loc. de traducteur. Metier, travail de traducteur: tres penible. - Vie de traducteur: miserable, difficile. - Caractere de traducteur: tres mauvais, hargneux.

(Le Petit Norbert, p. 16985432 bis)

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6 REVISION ET RELATIONS HUMAINES 75

R~VISEUR [RevizoeR] n. (lat. revisor). Mammifere carnivore (Revisor implacabile L.) de la meme fa mi lie que le traducteur (voir ce mot) dont ii est l'ennemi hereditaire. Le reviseur implacable n'hesite pas a s'attaquer aux petits du traducteur. V. Traduction. C'est d'ailleurs a cette occasion qu'il est possible de faire la distinction entre les deux animaux par ailleurs d'apparence semblable. En effet, quand ii attaque, le reviseur excrete un epais liquide rouge destine a paralyser le traducteur. Celui-ci semble neanmoins acquerir une immunite de plus en plus grande a cette toxine et l'on a vu parfois un reviseur terrasse par son opposant. Les traducteurs entierement immunises peuvent c6toyer des reviseurs sans manifester d'inquietude. Certains zoologistes envisagent la possibilite d'un drift genetique qui conduirait eventuellement a la fonte des deux races en une seule. Pline le Jeune parle d'un reviseur apprivoise par un traducteur

(l'authenticite de cette source a ete mise en doute). Le reviseur a une alimentation essentiellement liquide, si l'on excepte son gout de carnassier pour les traductions (voir ce mot). II raffole particulierement d'un produit qui rappelle le papier par sa couleur et qui degage une forte odeur que d'aucuns ont qualifiee d'enivrante. Un, une reviseur. Petit du reviseur. V. Revision. Loe. et prov. Quand le reviseur n'est pas la, les traducteurs dansent: . les subordonnes s'emancipent quand le maTtre est absent. Jouer avec sa victime comme un reviseur avec un traducteur. - ttre, vivre com me traducteur et reviseur: eprouver de l'antipathie, de la haine l'un pour l'autre. -Ecrire comme un reviseur: d'une maniere illisible,

....... _____ ...u;;;.;;..c.t:;;;..:;a;;,;;;oc.,;,;, .. ;;:;"';..._-----1 desordonnee. Donner sa langue au reviseur: s'avouer incapable de trouver une solution.

(Le Petit Norbert, p. 67549003)

JEAN-PIERRE DAVIDTS

Sou_rce: 2007, organe du personnel du Bureau des traductions - Secretariat d'Etat, vol. 2, n° 1, janvier 1978. Reproduction autorisee.

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7 LA REV1SION, ACTIVITE PROFESSIONNELLE 77

7

LA REVISION, ACTIVITE PROFESSIONNELLE . .

Si la revision a des origines lointaines, ce n'est qu'a une epoque relativement recente qu'elle a acquis le statut de profession. Et, a l'heure de la traduction automatique OU assistee par ordinateur, son evolution au sein des professions de la communication n'est pas encore terminee. C'est sous cet aspect professionnel que nous allons maintenant envisager la revision, en precisant le role du reviseur, les connaissances et aptitudes requises, les modes d'exercice de la profession et les conditions de travail.

7 .1 ~EVOLUTION DE LA PROFESSION

Au Canada, la revision a d'abord ere essentiellement bilingue, et c'est sous cette forme qu'elle a fait sa premiere apparition clans les organigrammes. Il erait alors d 'usage de confier le poste de reviseur a un traducteur chevronne; cette promotion marquait en quelque sorte le couron­nement de sa Carriere. Pendant longtemps, le critere de competence s'est resume a ]'experience acquise, puisque nulle formation specifique ne preparait a la fonction de reviseur.

7 .1 .1 La specialisation des fonctions

Le developpement qu'a connu l'activite de traduction vers 1970 a entraine une repartition plus nette des taches, et done une specialisation des fonctions. La revision est ainsi devenue, clans les structures fonctionnelles, ·une erape bien definie integree au processus de traduction. En outre, le recrutement intensif de traducteurs a cree un besoin d'encadrement. Pour y repondre, on a eu recours aux traducteurs en place, mais aussi a de jeunes dipl6mes en traduction ayant quelques annees d'experience. La necessite de donner aux etudiants des notions de revision s'est alors imposee. D'abord integre a d'autres cours, l'enseignement de la revision figure pour la premiere fois comme cours autonome clans l'annuaire 1978-1979 de l'Universite de Montreal. L'accroissement du volume des traductions .a touche les secteurs public et prive, provoquant une expansion des services de traduction et la multiplication des cabinets ou agences. La revision y trouva de nouveaux debouches.

Quant a la revision unilingue, elle doit son essor a !'adoption des lois linguistiques au Quebec et a !'effort de francisation consequemment exige des entreprises et de la fonction

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78 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

publique. A l'origine, le reviseur unilingue a surtout pratique l'aide a la redaction a titre de conseiller linguistique. Progressivement, son role a evolue vers celui d'agent de communication et d 'edition travaillant en collaboration avec des redacteurs.

7 .1.2 Le role de la revision

Institutionnalisee, la revision n'a pas tarde a voir son role et meme son existence remis en cause. Du cote des traducteurs, on a fait valoir que la structure hierarchique dans laquelle s'inscrit la revision etablit presque necessairement entre reviseur et revise un rapport de superieur a inferieur, et non de collaborateurs. 11 en resulte un climat d'irritation et une demotivation. Les traducteurs alleguent que la traduction faant un acre professionnel, ils doivent en assumer l'entiere responsabilite. Certains employeurs partagent cette opinion, mais pour des raisons d'efficacite: la revision nuirait a la rentabilite (couts et delais supplementaires) et creerait au sein du personnel des situations conflictuelles qui affectent le rendement.

Ces remises en question ont donne lieu a !'experimentation de nouveaux modes de revision qui remplacent la structure hierarchique par des rapports orientes selon un axe horizontal. Ainsi, la traduction en equipe supprime la distinction entre reviseur et traducteur puisque chaque membre de l'equipe remplit les deux fonctions de fa~on interchangeable, selon ses competences. Dans le cas de la revision reciproque, .OU interrevision, les traducteurs se revisent entre eux. Pour reussir, c'est-a-dire assurer a la fois la qualite des textes et le perfec­tionnement des traducteurs, cette formule suppose une coordination suivie, en particulier aux stades de la repartition des textes et du choix des tandems reviseur-revise.

Siles modes de revision enumeres ci-dessus eliminent !'intervention d'un reviseur attitre, ils n 'escamotent pas pour autant l'erape de la revision. Or, selon une autre tendance, il semblerait que la fonction meme de revision soit vouee aussi a la disparition, du moins clans certains cas. C'est ainsi qu'on a vu appara1tre, clans quelques services de traduction, une categorie de « traducteurs principaux » ou de « traducteurs autonomes » dont les textes ne sont pas revises. Voici la justification de cette orientation :

Le concept de traducteur autonome qui assume l'entiere responsabilite de son travail - ce qui n'exclut pas le travail en equipe - est ne du desir a la fois d'elimi­ner la necessite de la revision, d'ameliorer le service et d'accroitre la satisfaction professionnelle du traducteur, quel que soit son niveau. Il est normal de penser qu'apres quelques annees d'apprentissage, tout traducteur devrait etre en mesure de travail/er sans revision et d' assumer, vis-a-vis du client et de son chef, l' entiere responsabilite de ses textes1

.

L'avenement de la traduction au terminal a egalement remis en cause l'erape de la revision par une tierce personne. II est evident que l'autorevision elimine les problemes des rapports traducteur-reviseur, mais elle ne se justifie que si le traducteur autonome a atteint un haut niveau de competence. Sinon, la qualite du texte traduit et done la reputation de son auteur peuvent en subir les consequences.

1 L. R. FILLION, « Gestion et traduction: Un mariage de raison '» Meta, vol. 29, n° 4, 1984, p. 350.

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7 LA REVISION, ACTIVITE PROFESSIONNELLE 79

Jeune profession, discipline plus jeune encore, la revision est done deja appelee sinon a defendre son existence, du moins a justifier son role. Elle y parviendra si les reviseurs situent !eur intervention sur deux plans : celui de la formation et celui de la communication. Principal responsable de la formation pratique et du perfectionnement des traducteurs et des redacteurs, !e reviseur (et son employeur) devrait accepter que cette fonction didactique prenne fin ou s'estompe des que l'apprentissage est termine. La revision systematique et continue n'a guere de •ustification a partir d'un certain niveau de competence. Sur un deuxieme plan, le reviseur devrait se considerer et etre per\:u comme un agent de communication, une personne-ressource au service des traducteurs et des redacteurs. S'il semble difficile et meme peu souhaitable d'eliminer rout controle de la qualite, on peut cependant s'efforcer d'en amoindrir le caractere contraignant et autoritaire. Ce qui est realisable en se fixant comme objectif l'efficacite de la communication.

7 .2 CONNAISSANCES ET APTITUDES

En simplifiant, on pourrait dire que les connaissances requises du reviseur sont les memes que celles qu'on exige d'un bon traducteur et d'un bon redacteur, mais a la puissance n! Elles concernent la forme et le fond des textes a reviser.

7 .2.1 Bagage linguistique et culture!

Le reviseur doit evidemment connaitre le code de la langue, y compris des « details» qui ne sont pas toujours enseignes a l'ecole: regles de ponctuation, abreviations, usage des majuscules, notation des nombres, coupure des mots, protocoles epistolaires, etc. Il lui faut aussi avoir une connaissance approfondie, et sans cesse enrichie, des ressources expressives du fran\:ais. Ce sont la des conditions essentielles pour assurer la qualite linguistique des textes. Enfin, clans le cas de la revision bilingue, s'ajoute une bonne connaissance de la langue de depart - ses nuances, particularites nationales OU regionales, niveaux d'emploi, idiotismes, jargons et technolectes.

En raison de la diversite des domaines couverts par le travail de revision, on attend presque du reviseur qu'il soit une banque de documentation universelle .. : Pour fare plus modeste, contentons-nous de lui demander une excellente connaissance des sources de documentation traditionnelles OU electroniques pour guider, et au besoin verifier, les recherches du traducteur ou du redacteur. Une bonne culture generale, sur laquelle viendront se greffer des lectures specialisees choisies en fonction des textes a reviser, semble egalement une condition primordiale a l'exercice competent de la revision. Er comme cette culture a constamment besoin d'actua­lisation, le reviseur doit s'imposer un programme suivi de lectures.

Connaissance des langues et connaissance de la matiere, certes, ipais aussi, participant des deux, connaissance des cultures afin de pouvoir s'assurer que le texte revise ne trahit pas !'auteur et est adapte au destinataire.

Ce bagage de connaissances repond aux exigences de la revision pragmatique, mais ne saurait suffire en revision didactique. 11 faut, clans ce cas, y ajouter des aptitudes qui conditionnent les rapports avec les revises.

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80 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA Rt\llSION

7 .2.2 Les aptitudes requises

Les aptitudes que doit posseder le reviseur sont presque aussi importantes que ses connaissances, car d'elles depend l'etablissement d'un climat de collaboration sans lequel la revision ·pourra degenerer rapidement en hostilite ouverte. L'aspect des « relations humaines » est capital en revision didactique et fait partie integrante de la qualification professionnelle du reviseur.

Jugement - La revision suppose un sens critique guide par un bon jugement. Celui-ci, en matiere de langue, se situe habituellement entre le purisme et le laxisme. Les corrections injustifiees, et les reactions negatives qu'elles provoquent, sont souvent attribuables a des erreurs de jugement dues a des connaissances lacunaires OU a une conception trop etriquee et figee de la langue. Pour etablir sa credibilite, le reviseur doit developper son discernement en exerc;ant son esprit d'observation: au cours de ses lectures de documentation ou d 'actualisation des connaissances, il note les variantes stylistiques, les neologismes et !'evolution de l'usage afin de constamment remettre en cause son idiolecte et de l'enrichir. Le jugement reste sans doute la qualite primordiale, car il conditionne en grande partie l'objectivite et le sens pratique du reviseur.

Sociabilite - Il est evident que le reviseur qui n'aime pas les contacts humains est mal prepare a exercer son metier clans un service de traduction, une bonne partie du travail bien compris consistant a discuter avec les revises des modifications apportees a leurs textes. C'est seulement clans les cas desesperes - incompetence irremediable ou refus de collaboration - que le reviseur s'en tiendra a l'aspect linguistique de son intervention. La sociabilite implique la mise en pratique de quelques notions de psychologie; il faut notamment suivre le principe de base des rapports humains: l'empathie. Lebon reviseur est diplomate.

Respect d'<;tutrui - Tout bon reviseur respecte l'autonomie professionnelle des personnes avec lesquelles il collabore. Traitant celles-ci d'egal a egal, il lui faut en outre faire abstraction de ses preferences en matiere d'usage et de modes d'expression. Proposer et convaincre, mais non imposer.

Modestie - Du fait qu' il « corrige » le revise et qu'il occupe souvent un poste plus eleve clans la hierarchie, le reviseur peut fare tente d'adopter une attitude de superiorite. Il doit toutefois se rappeler que la traduction et la redaction sont au moins aussi difficiles que la revision, que le traducteur OU le redacteur n 'a pas toujours le temps de donner le meilleur de lui-meme et que la revision n 'est qu'une etape du processus de la communication. Les interventions autoritaires compromettent les relations de travail et faussent les objectifs de la revision - qui peut etre didactique sans donner clans le dogmatisme.

Patience - Place. devant un produit semi-fini, le texte a reviser, le reviseur pourra erre porte a n'cn voir que les defauts et a s'impatienter devant leur accumulation. Si le texte est fonciere­ment mauvais en raison d'un manque de competence ou d'application, cette reaction s'explique. Mais, en situation normale, !'amelioration des textes fait partie du travail du reviseur et justifie Sa presence; iJ n'a done pas a exprimer du mecontentement devant chaque maladresse OU chaque gaucherie. Gare aux inutiles ulceres d'estomac!

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7 LA REVISION, ACTIVITE PROFESSIONNELLE 81

Lorsque ces conditions sont remplies, la revision est une activite enrichissante, a la fois sur le plan linguistique et sur le plan humain. Reviseurs et revises ne se comportent plus comme des concurrents, mais comme des collaborateurs animes du meme souci : produire des textes de qualite.

7.3 ~EXERCICE DE LA PROFESSION

Nous allons maintenant passer en revue les principaux aspects de l'exercice de la profession: profil du reviseur, modes de revision, fonctions connexes et conditions de travail. Comme nous l'avons mentionne clans les chapitres precedents, l'exercice de la profession de reviseur a connu des changements majeurs au tournant du siecle. Ces changements sont attribuables a trois causes principales : 1) le volume croissant de travaux confies a des cabinets de traduction OU a des reviseurs autonomes; 2) l'avenement de la traduction automatique et de la postedition; 3) l'evolution de !'edition.

7 .3.1 Profil du reviseur

La majorite des reviseurs du Quebec sont des salaries au service de l'entreprise privee ou du secteur public, et les trois quarts des membres de la profession sont des reviseures. En ce qui concerne le niveau d'erudes, plus de 80 % ont un diplome de premier ou de deuxieme cycle en traduction et 70 % possedent un baccalaureat ou un diplome superieur clans une autre discipline.

Une fraction croissante du travail de revision est confiee a des reviseurs autonomes OU

pigistes. On fait appel a eux pour des textes tres specialises qui sortent de la competence du donneur d'ouvrage ou lorsqu'un surcroit de travail ou un manque de personnel oblige le client a sous-traiter la revision. L'autorevision et la postedition constituant une part croissante de la profession, on pei.lt supposer que la demande de reviseurs salaries ira en decroissant.

7 .3.2 Modes de revision

Selon differentes enquetes, le rapport reviseur I revise varie de 1 pour 2 a 1 pour 5, mais se situe le plus souvent a 1 pour 3. Environ 90 % des textes passent par un reviseur, attitre OU non. ) 11

On note egalement un pourcentage appreciable d'interrevision. Quant a l'autorevision, elle a fait un bond remarquable, sans doute relie a la· creation de postes de traducteurs dirs principaux I ou autonomes et, surtout, au recours croissant a la postedition.

7 .3.3 Fonctions conn exes

Rares sont les reviseurs salaries qui se consacrent exclusivement a la revision. Un bon nombre d'entre eux cumulent d'autres fonctions: direction d'un service, encadrement didactique, activite occasionnelle de traduction OU de redaction. En outre, la fonction de revision comporte des taches connexes qui en elargissent considerablement le champ.

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82 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA REVISION

Coordination et controle - En regle generale, le reviseur est le responsable et l'animateur d'une equipe de traducteurs OU de redacteurs. Il controle la production sur les plans qualitatif et quantitatif, assurant ainsi une fonction d'evaluation du rendement. Dans certains cas, il repartit les raches, coordonne le travail, s'assure que les delais sont respectes. Bref, il participe a la gestion de son service.

Formation et perfectionnement - Le reviseur salarie dirige la formation en cours d'emploi et le perfectionnement des traducteurs et des redacteurs. Il enseigne une merhode de travail aux debutants, suit leurs progres et les aide a combler leurs lacunes. Par ses contacts .constants avec les membres de son equipe, il est le mieux place pour assurer leur encadrement didactique et feur avancement professionnel.

Recherche terminologique et documentaire - Le reviseur pourra erre a ppele a orienter les recherches terminologiques des traducteurs, a collaborer a l'erablissement de vocabulaires, glossaires et banques de donnees terminologiques. Sans jouer le role de documentaliste, il conseille les traducteurs clans leurs recherches documentaires; il doit done conna!tre les ressources de la bibliotheque du service et les autres sources de documentation.

Suppleance - Le reviseur remplace parfois le chef de service en son absence ou le represente clans diverses reunions. Par ailleurs, comme il collabore etroitement avec les traducteurs ou les redacteurs, il est souvent leur porte-parole au niveau administratif, notamment en ce qui concerne la repartition du travail.

7 .4 LES. CONDITIONS DE TRAVAIL

Selon les sondages, la majorite des reviseurs salaries sont satisfaits de leurs conditions generales de travail. On ne conna!t pas toutefois leur opinion sur les rapports qu'ils entretiennent avec les revises; or, c'est souvent sur ce plan que se manifestent les inconvenients du metier.

Traitement - D'apres les offres d'emploi publiees, le salaire annuel des reviseurs se situe entre 45 000 $et 65 000 $.Quant au reviseur autonome, son tarif horaire varie entre 25 $et 60 $, ou plus. Divers facteurs interviennent clans la fixation du tarif: appartenance a une association professionnelle reconnue, domaines traites, annees d'experience du reviseur, etc.

Charge de travail - La tache des reviseurs est lourde, et environ la moitie disent avoir toujours trop de travail. La grande majorite travaillent « sous pression » presque continuellement. Cette situation constitue un element de stress pour les uns, une stimulation pour les autres. En revision, la production quotidienne moyenne des salaries va de 5000 a 7000 mots. Elle est superieure chez les independants et pigistes.

A notre connaissance, il n'existe pas de donnees canadiennes sur !'evaluation du rende­ment qualitatif des reviseurs. Cependant, a titre indicatif, il ressort d'une etude effectuee en Europe que la revision ameliore les traductions clans 73 % des interventions. Les « manques »

se repartissent ainsi: corrections injustifiees (11 % ), corrections omises (9 % ) et erreurs introduites (7 %).

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7 LA REVISION, ACTIVITE PROFESSIONNELLE 83

7 .5 NOUVEAUX HORIZONS

Nous citons ci-dessous des extraits de trois articles publies en 2000 clans le dossier « La revision revue et corrigee » de la revue Circuit. Ils donnent un bon aperc;u des nouvelles orientations de la profession a l'aube du xx1e siecle.

Un reviseur indique les changements qu'il a vecus depuis la publication de son «Portrait type du reviseur en 1990 )) .

Depuis dix ans, notre environnement et nos conditions de travail se sont consi­derablement modifies. [ .. . ] ]e dispose de nouveaux outils qui me donnent une certaine audace, mais en revanche, je tiens davantage compte du lecteur eventuel du texte a reviser. [ .. . ] ]e me suis en partie affranchi des dictionnaires. Le Web me fournit un constat de ['usage beaucoup plus a jour et pertinent que n'importe quel ouvrage. [ ... ] Par ailleurs, !es textes que je revise sont de plus en plus difficiles, de plus en plus techniques et de mains en mains bien rediges. [ ... ] Quand je revise aujourd'hui, j'ai /'impression de travail/er mains comme traducteur d'experience que comme « specialiste ad hoc » du domaine. [ ... ] Par ailleurs, la fonction forma­tion assumee par le reviseur est mains linguistique et plus technique et culturelle [ ... ] Dans un autre ordre d'idee, que nous traduisions ou que nous revisions, produ~tivite oblige, ii nous faut travailler au mains deux fois plus rapidement2•

Deux formatrices du Bureau de la traduction du gouvernement federal decrivent la formation en revision donnee au Service de la formation et de !'evaluation (SFE).

Comme ailleurs dans le monde de la traduction, la situation a evolue au Bureau de la traduction. Si la fonction [de reviseur] existe toujours, le titre, lui, a change. Ce sont aujourd'hui des traducteurs-conseils qui exercent la fonction, parmi d'autres. [ ... ] Le recrutement, qui prend de plus en plus d'importance depuis quelques annees, met en lumiere la necessite pour le reviseur (notre traducteur­conseil) d'aiguiser ses reflexes de formateur, voire de pedagogue. Voila qui a amene le SFE a mettre sur pied des seances d'initiation a l'encadrement. On y abordera les difficultes qu'eprouve le reviseur a expliquer les corrections au traducteur. [ ... ] Le Bureau de la traduction n'echappe pas a !'evolution fulgurante de la technologie. [ ... ] Actualisation Constante des connaissances langagieres, bien sur, mais aussi des competences techniques, pour permettre aux traducteurs-conseils d'exploiter les nouveaux outils dans l'exercice de la revision3.

Dans un troisieme article de Circuit, la directrice des Services linguistiques d'une entreprise constate l'elargissement du champ d'activite de la revision.

Dans tous Les contextes de tradu.ction, en plus de veil/er a la qualite des textes, Les reviseurs jouent un autre role. En effet, leurs efforts contribuent a l'enrichissement des connaissances de leurs collegues revises. Ils font ainsi office de formateurs. [ ... ] La creativite et /'aptitude a communiquer figurent maintenant parmi les

2 Jean-Jacques LAVOIE, « Le reviseur de l'an 2000 »,Circuit, n° 69, automne 2000, p. 8-9. 3 -Lyne GAGNON-Roux et Marina SCHMITT, «La formation en revision au Bureau de la traduction: Mythe OU

realite? '"Circuit, n° 69, automne 2000, p. 11.

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84 PREMIERE PARTIE : PRINCIPES ET TECHNIQUE DE LA RE\llSION

competences recherchees par Les entreprises. Celles-ci veulent transmettre de /'information a l'interne et se soucient davantage de la qualite des communications destinees aux clients. [ ... ] Ainsi, le reviseur d'aujourd'hui est un professionnel dont Les services sont tres prises. [ ... ] Desormais consideree comme dissociable de l'activite traductionnelle, la revision s'est taille une place de choix dans la gamme des services de communications. Dans Les services linguistiques et dans !es cabinets de traduction, la revision est commercialisee comme un produit a part entiere, qui ne cesse de gagner en popularite4.

7 .6 LES ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES

Les reviseurs, autonomes OU salaries, ont interer a devenir membres d'associations profession­nelles. Ils y trouveront l'occasion de s'informer, de rencontrer des collegues et, clans le cas de pigistes ou d'independants, peut-etre meme d'y accro1tre leur clientele! Voici la liste de ces associations :

Association canadienne des reviseurs Permanence nationale 505-27 Carlton St. Toronto (Ontario) M5B 1L2 Tel.: 416 975-1379 ou 1 866 226-3848 Site Web : www.editors.ca Courriel : [email protected]

Association canadienne des reviseurs Quebec-Atlantique C.P. 46042 Pointe-Claire (Quebec) H9R 5R4 Tel.: 514 990-0972 Courriel : [email protected]

Association canadienne des reviseurs Region de la capitale nationale C.P. 62035 Ottawa (Ontario) KlC 7HB Tel. : 613 820-5731 Courriel: [email protected]

Association des traducteurs et interpretes de !'Ontario (ATIO) 1, rue Nicholas, bureau 1202 Ottawa {Ontario) KlN 7B7 Tel.: 613 241-2846 Site Web : www.atio.on.ca

4 Johanne LECLERC, « Une nouvelle perspective >>, Circuit, n° 69, automne 2000, p. 13.

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~----------------~- 7 LA_REVISION, ACTJVITE PROFESSIONNELLE 85

Ordre des traducteurs, terminologues et interpretes du Quebec (OTTIAQ) 2021, avenue Union, bureau 1108 Montreal (Quebec) H3A 259 Tel.: 514 845-4411ou1 800 265-48.15 Site Web: www.ottiaq.org

Sociere quebecoise de la redaction professionnelle 3509, rue Hutchison, bureau 61 Montreal (Quebec) H2X 2H1 Tel.: 514 990-0430 Site Web : www.sqrp.org

7. 7 EXEMPLES o' OFFRES o' EMPLOI

Pour conclure ce tour d'horizon de la revision professionnelle, nous reproduisons ci-dessous quelques offres d'emploi parues clans les journaux ou sur Internet.

REVISEUR(E) polyvalent(e) a l'ecrit pour firme de traduction, a l'aise en public, parfaitement bil ingue a l'oral et excellent niveau en anglais ou en fram;:ais a l'ecrit.

Fonctions Sous la supervision generale de la directrice des Services des communications, participe a la planification et a !'organisation des services de traduction; coordonne la traduction de l'anglais au fran~ais; re~oit les demandes des cl ients internes, traduit les textes ou les confie aux pigistes, contr61e la qualite du travail des pigistes et le revise au besoin pour s'assurer qu'il est conforme aux normes de l'entreprise; gere un reseau de traductrices et traducteurs pigistes, offre des conse ils linguistiques au sujet de la qualite de la langue utilisee par l'entreprise; accomplit d'autres taches.

Qualifications La personne recherchee possede un dipl6me universitaire en traduction ou dans une discipline appropriee et au moins cinq (5) annees d'experience pertinente, ou toute combinaison equivalente de formation et d'experience. Possedant une maitrise superieure de la grammaire et de l'orthographe, elle est reconnue pour la qua lite de son ecriture. Elle maitrise les logiciels bureautiques tels que Word et Outlook et a une connaissance de base d'Excel et de PowerPoint. Elle est ha bile a faire des recherches dans Internet et connait bien les outils de recherche terminologique tels que TERMIUM• . Un inten~t pour la traduction assistee par ordinateur serait aussi un atout. Rapide dans !'execution de ses taches, elle est capable de livrer des textes de grande qualite tout en fournissant regulierement un volume de travail eleve. Elle peut travailler a plusieurs taches simultanement, gerer les priorites et respecter des echeances serrees. Ell~ est capable de maintenir des communications efficaces avec les collegues, les clients et les pigistes. Entin, elle possede une bonne culture generale et les qualites personnelles appropriees telles que l'autonomie, le sens des responsabilites, la capacite de travailler en equipe, le sens de !'organisation, la minutie, le jugement et la discretion.

REVISEUR LINGUISTIQUE (PIGISTE)

Exigences: • Diplome universitaire de premier cycle en etudes

frarn;aises, en communication ou !'equivalent; • Experience d'au moins 2 ans en revision linguistique; • Excellente connaissance du franc;ais ecrit, des regles

typographiques et des signes de correction d' epreuves; • Capacite de travailler a toutes Jes etapes de la

production d' un livre : de la revision linguistique du manuscrit jusqu'a la correction des epreuves.

Remuneration : Tarif horaire fixe selon les normes de la Societe.

r·-·-·-~-·-·-·-·-·-·-·-·- · -·-·, REVISEUR-E, SERVICES LINGUISTIOUES

(ANGLAIS-FRAN~AIS)

Les Services linguistiques de notre societe recherchent une personne motivee, orientee sur le service au cl ient et qui sait faire preuve d'imagination. Encadree par la directrice des Services linguistiques, l'equipe de traduction se compose de deux traductrices et de deux reviseurs.

Le candidat recherche a un minimum de cinq ans d'experience comme traducteur principal ou reviseur dans les domaines des finances, de l'economie, du droit ou de !'assurance commerciale. litulaire d'un dipl6me universitaire en traduction ou de I' equivalent, ii a acquis de tres bonnes connaissances du logiciel MS Word et quelques notions des logiciels Excel et PowerPoint. Grace a sa grande faculte d'adaptation et a ses aptitudes en communication, ii peut bien comprendre les besoins des clients internes de la Societe et y repondre efficacement. Ayant demontre qu'il peut planifier et gerer de nombreuses priorites, ii n'est pas effraye par les delais porteurs de defi et ii travaille de fa~on autonome. La connaissance d'une ou de plusieurs langues etrangeres sera consideree comme un atout.

L·-·-·-·-·- ·- ·- ·-· -·- · -·-·-·-·~