Le Monde - 12 06 2020
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2 | INTERNATIONAL VENDREDI 12 JUIN 20200123
Donald Trump dans une mauvaise passeEn chute dans les sondages, le prĂ©sident amĂ©ricain mise sur la reprise de lâĂ©conomie pour rebondir
washington  correspondant
D onald Trump attenÂdait cet instant avecimpatience. Les meeÂtings politiques qui
lui donnent lâoccasion de galvaÂniser sa base Ă©lectorale reprenÂdront le 19 juin Ă Tulsa, dans lâOklahoma, aÂtÂil annoncĂ©, merÂcredi 10 juin. Il nâa donnĂ© aucuneindication Ă propos dâĂ©ventuelÂles mesures visant Ă rĂ©duire lesrisques de contamination alors que la pandĂ©mie de CovidÂ19progresse dans des Etats jusquâĂ prĂ©sent Ă©pargnĂ©s.
Le prĂ©sident des EtatsÂUnis esÂpĂšre Ă cette occasion sortir de la posture dĂ©fensive Ă laquelle il aĂ©tĂ© contraint depuis lâĂ©clatementde la maladie, en mars, jusquâaux manifestations contre les violenÂces policiĂšres dĂ©clenchĂ©es par la mort tragique de George Floyd,un AfroÂAmĂ©ricain Ă©touffĂ© le25 mai par le genou dâun policier de Minneapolis (Minnesota) alorsquâil gisait au sol, menottĂ©.
Son image a Ă©tĂ© abĂźmĂ©e par cestrois mois de crise. Selon lâagrĂ©gaÂteur de sondages du site RealÂClearPolitics, son taux dâapprobaÂtion a chutĂ© de 47 % Ă 42 % penÂdant cette pĂ©riode alors que lesavis contraires ont augmentĂ© dans la mĂȘme proportion. Lesmoyennes des mesures dâintenÂtions de vote calculĂ©es par RealÂClearPolitics montrent que son
adversaire dĂ©mocrate, Joe Biden, dispose, au 10 juin, dâune avance deux fois supĂ©rieure Ă celle dâHillary Clinton Ă la mĂȘme date en 2016 (8,1 points contre 3,8).
Ces rĂ©sultats sont purementindicatifs puisque les Ă©lections sejouent au niveau des Etats, maislâancien viceÂprĂ©sident devanceĂ©galement pour lâinstant son adversaire dans la majoritĂ© des EtatsÂclĂ©s de 2016 â le Michigan, laPennsylvanie et le Wisconsin â, tout comme dans lâancienbastion rĂ©publicain de lâArizona.LâĂ©cart entre les deux hommes reste cependant proche de la marge dâerreur dans de nomÂbreuses enquĂȘtes.
Rencontre improvisĂ©eLa cote dâalerte est donc loin dâĂȘtre atteinte, mais Donald Trump nâest visiblement pas Ă son aise dans la sĂ©quence ouvertepar la mort de George Floyd. Le prĂ©sident a, dans un premier temps, dĂ©noncĂ© le rĂŽle majeur jouĂ©, selon lui, par lâextrĂȘme gauche dans les troubles qui ontĂ©maillĂ© les premiĂšres manifestaÂtions, une accusation que rien nâest vraiment venu Ă©tayer. Il lâa reprise pourtant pour exonĂ©rer les policiers qui avaient bousculĂ© un manifestant de 75 ans Ă Buffalo, dans lâEtat de New York,hospitalisĂ© depuis. Donald Trump sâest inspirĂ© Ă cette occasion des affirmations dâun
journaliste de lâagence de presse russe Sputnik, qui travaille Ă©galeÂment pour la chaĂźne de tĂ©lĂ©visionprĂ©fĂ©rĂ©e du prĂ©sident, OAN (One America News), depuis quâiltrouve Fox News parfois tropcritique. Il a ajoutĂ© que le maniÂfestant Ă©tait selon lui « tombĂ© plusdurement quâil avait Ă©tĂ© poussĂ© », lâindice selon lui dâun « piĂšge »tendu aux policiers.
Donald Trump a Ă©tĂ© ensuitecritiquĂ© pour avoir privilĂ©giĂ© unerĂ©ponse strictement rĂ©pressiveĂ la mobilisation dĂ©clenchĂ©e parla mort de George Floyd, niant Ă rebours de lâopinion amĂ©riÂcaine toute forme de racismesystĂ©mique. La Maison Blanchea laissĂ© entendre que le prĂ©siÂdent pourrait prononcer undiscours consacrĂ© Ă ce sujet, peutÂĂȘtre lors dâun dĂ©placementĂ Dallas, au Texas, jeudi.
Une table ronde avec des figuresafroÂamĂ©ricaines a bien Ă©tĂ© imÂprovisĂ©e, mercredi, mais Donald Trump a ouvert la discussion en annonçant la reprise de ses meeÂtings, lâĂ©ventualitĂ© du dĂ©placeÂment de la convention nationale dâinvestiture rĂ©publicaine â iniÂtialement prĂ©vue en Caroline du Nord â, avant de se fĂ©liciter lonÂguement des signes annonciaÂteurs, selon lui, dâune reprise de lâĂ©conomie. Ses interlocuteurscomptaient parmi ses thurifĂ©Âraires. « Je voudrais dire Ă tous les mĂ©dias que jâaimerais quâils
cessent de mentir sur ce que [le prĂ©sident a] fait, en particulier pour la communautĂ© noire », a asÂsurĂ© lâun dâentre eux.
LâĂ©volution rapide de lâopinionamĂ©ricaine sur la question des violences policiĂšres ne cesse deplacer Donald Trump en porteÂĂ Âfaux. Il sâest indignĂ© du revireÂment du patron de la NationalFootball League (NFL), RogerGoodell, dĂ©sormais ouvert Ă ceque les joueurs de la ligue profesÂsionnelle de football amĂ©ricain expriment publiquement leur condamnation de ces violences.
Enfin, la National Associationfor Stock Car Auto Racing (NasÂcar), qui organise un championÂnat automobile trĂšs populaire, a banni, mercredi, « la prĂ©sence du drapeau des confĂ©dĂ©rĂ©s », celui des Etats sudistes esclavagistes pendant la guerre de SĂ©cession (1861Â1865), pour tous les Ă©vĂ©neÂments quâelle organise.
« Manque de respect »Donald Trump sâest singularisĂ© en annonçant, mercredi, surTwitter, son intention de sâoppoÂser Ă lâhypothĂšse envisagĂ©e par lePentagone de rebaptiser lesbases militaires portant le nomdâofficiers confĂ©dĂ©rĂ©s. Unebonne partie dâentre elles ont Ă©tĂ©crĂ©Ă©es au pic du mouvement ditde la « cause perdue » consacrĂ© Ă la rĂ©habilitation des Sudistes,pendant les annĂ©es de la sĂ©grĂ©gaÂtion. Les statues en hommage Ă ces hommes se sont Ă©galementmultipliĂ©es au cours de la mĂȘmepĂ©riode. Un ancien gĂ©nĂ©ral,David Petraeus, a pris publiqueÂment position en faveur dâunchangement de nom dans lescolonnes du magazine TheAtlantic, dĂ©nonçant lâhonneurfait selon lui Ă des « traĂźtres ».
La porteÂparole du prĂ©sident,Kayleigh McEnany, a dĂ©fendu Donald Trump en assurant quâune telle dĂ©cision revenait Ă
« manquer de respect » visÂĂ Âvisdes militaires qui sont passĂ©s par ces bases. Le prĂ©sident avait dĂ©Âfendu cette mĂ©moire sudisteaprĂšs les heurts qui avaient opÂposĂ© Ă Charlottesville (Virginie) des suprĂ©macistes blancs et des militants antiracistes, en 2017.
Dâanciens militaires, commelâexÂministre de la dĂ©fense JamesMattis, avaient Ă©galement critiÂquĂ© la volontĂ© du prĂ©sident dâenÂvoyer lâarmĂ©e contre les manifesÂtants, un vĆu qui avait suscitĂ© unrĂ©el malaise au Pentagone.
Les difficultĂ©s rencontrĂ©es parDonald Trump nâont cependantpas Ă©branlĂ© sa base Ă©lectorale, etrares ont Ă©tĂ© les voix au CongrĂšsĂ condamner la thĂ©orie ducomplot popularisĂ©e par le prĂ©siÂdent Ă propos du manifestant deBuffalo. InterrogĂ©s par le journaÂliste parlementaire de la chaĂźneCNN Manu Raju, de nombreuxsĂ©nateurs ont ainsi assurĂ©, mardi, nâen avoir pas eu connaisÂsance. Ils ont de mĂȘme refusĂ© delire la copie du message qui avaitĂ©tĂ© prĂ©parĂ© Ă leur intention.
Comme lâa montrĂ© la teneur deson intervention lors de la tableronde de mercredi, DonaldTrump espĂšre que la reprise delâĂ©conomie lui permettra dâeffaÂcer cette pĂ©riode dĂ©licate. LâefÂfondrement entraĂźnĂ© par la miseĂ lâarrĂȘt du pays du fait de la pandĂ©mie peut jouer paradoxaÂ
lement en sa faveur, en replaçantles prĂ©occupations Ă©conomiÂques en tĂȘte des prioritĂ©s desAmĂ©ricains.
Le baromĂštre de lâinstitut Ipsospour lâagence de presse Reutersen atteste. Sa derniĂšre enquĂȘte, effectuĂ©e les 8 et 9 juin, montre que lâĂ©conomie est redevenue lesujet de prĂ©occupation principal (20 %) devant la santĂ© (18 %), longÂtemps dominante, lâemploi (10 %), lâimmigration (6 %) et leterrorisme (3 %). Alors que les dĂ©mocrates continuent de consiÂdĂ©rer la santĂ© comme une prioÂritĂ©, ce nâest pas le cas des rĂ©publiÂcains ni des indĂ©pendants.
Image favorable sur lâĂ©conomieDonald Trump jouit en la maÂtiĂšre dâune image favorable. Son action pour lâĂ©conomie estapprouvĂ©e par une majoritĂ© depersonnes interrogĂ©es (50 %contre 44 % dâavis opposĂ©s), toutcomme en matiĂšre dâemploi (52 % contre 42 %). En revanche, ilest minoritaire Ă propos de lalutte contre le CovidÂ19 (43 %contre 52 %), de la rĂ©forme de la santĂ© (40 % contre 53 %), et plusencore sur sa « capacitĂ© Ă unifierle pays » (38 % contre 57 %).
Donald Trump a donc toutesles raisons de se concentrersur ce domaine mĂȘme si les prĂ©Âvisions de la RĂ©serve fĂ©dĂ©raleamĂ©ricaine (Fed, la banque cenÂtrale) communiquĂ©es mercredi10 juin ne nourrissent pas unoptimisme Ă©chevelĂ©. Pour lâinsÂtant supĂ©rieur Ă 13 %, le tauxde chĂŽmage pourrait en effetdĂ©passer encore 9 % Ă la fin delâannĂ©e, et 5 % en 2022, soit unchiffre plus Ă©levĂ© que celui dontDonald Trump avait hĂ©ritĂ© en arÂrivant Ă la Maison Blanche (4,5 %)en 2017. La bonne santĂ© persisÂtante de lâĂ©conomie avait ensuitepermis dâatteindre un Ă©tiagehistorique de 3,5 %.
gilles paris
Donald Trump rentre Ă la Maison BlancheaprĂšs sâĂȘtre rendu Ă lâĂ©glise SaintÂJohn, Ă Washington, le 1er juin.BRENDAN SMIALOWSKI/AFP
Selon un agrégateur de
sondages, le tauxdâapprobation
de Donald Trump a chuté de 47 %
Ă 42 % entre mars et mai
Si la cote dâalerteest loin dâĂȘtre
atteinte,le prĂ©sident nâest
pas à son aise dans la séquence
ouvertepar la mort
de George Floyd
Des statues de Christophe Colomb ciblĂ©es par des manifestantsUne statue de Christophe Colomb a Ă©tĂ© dĂ©capitĂ©e, mardi 9 juin au soir, Ă Boston, et une autre traĂźnĂ©e dans un lac en Virginie, dans la foulĂ©e du mouvement antiraciste relancĂ© aux Etats-Unis par la mort de George Floyd, le 25 mai. De son cĂŽtĂ©, la prĂ©sidente de la Chambre des reprĂ©sentants, Nancy Pelosi, a appelĂ©, mercredi, au retrait des statues de confĂ©dĂ©rĂ©s du Capitole, Ă Washington. « Jâappelle encore une fois Ă retirer du Capitole les onze statues reprĂ©sentant des soldats et des responsables confĂ©dĂ©rĂ©s », a tweetĂ© lâĂ©lue dĂ©mocrate de Californie.
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« Le statu quo nâest pas tenable » au sein des VingtÂSept sur lâasileNina Gregori, la directrice du Bureau europĂ©en sur lâasile, dĂ©fend une refonte du systĂšme
ENTRETIEN
N ina Gregori est directricede lâEASO, le BureaueuropĂ©en dâappui en
matiĂšre dâasile. Elle estime que lesflux de rĂ©fugiĂ©s vers lâEurope pourraient augmenter en raison de la pandĂ©mie due au CovidÂ19.
Quel a Ă©tĂ© lâimpact du CovidÂ19 sur lâasile en Europe ?
Le nombre de demandes dâasileenregistrĂ©es en Europe a chutĂ© de 43 % en mars et de 86 % en avril, avec 8 730 demandes. A cause de lacrise, les entrĂ©es en Europe ont Ă©tĂ©pratiquement stoppĂ©es et, dans la plupart des Etats, les procĂ©duÂres dâasile ont Ă©tĂ© suspendues. Leschoses sont en train de reprendre doucement. Si on regarde la situaÂtion avant la crise due au CovidÂ19,il y avait plutĂŽt une augmentationdes demandes de protection en Europe, principalement du fait de ressortissants de pays exempÂtĂ©s de visa, comme les VĂ©nĂ©zuĂ©Âliens et les Colombiens. Alors quâily a quelques annĂ©es, ces pays nâĂ©taient pas dans le top 10 des deÂmandes dâasile, plus de 45 600 VĂ©ÂnĂ©zuĂ©liens et 32 400 Colombiens ont dĂ©posĂ© une demande en 2019.
Comment voyezÂvous la demande de protection Ă©voluer Ă moyen terme ?
Les pays Ă faibles revenus sontplus vulnĂ©rables face aux pandĂ©Âmies. Et ce sont des pays dont sonttraditionnellement originaires les principaux demandeurs dâasile enEurope, comme la Syrie, lâAfghaÂnistan, lâIrak ou le Pakistan. On ne peut pas faire de spĂ©culation, maisles Etats membres doivent ĂȘtre atÂtentifs au fait que cela peut faire augmenter les flux vers lâEurope.
La crise sanitaire peutÂelle remettre en cause la capacitĂ© dâaccueil des pays de premiĂšre entrĂ©e en Europe ?
En 2019, lâEspagne a reçu le troiÂsiĂšme plus grand nombre de demandes dâasile, la GrĂšce le quatriĂšme et lâItalie le sixiĂšme. Malte, qui a la plus petite populaÂtion de lâUE, sâest retrouvĂ© au 15e rang. Je rejette lâidĂ©e selon laÂquelle les pays en premiĂšre lignene sont pas ouverts. La situation sur le terrain dit le contraire et,bien quâil y ait toujours des Ă©vĂ©neÂments regrettables trĂšs mĂ©diatiÂsĂ©s, tels que des bateaux de miÂgrants qui restent bloquĂ©s, la rĂ©aÂlitĂ© est que les Etats en premiĂšre liÂgne font largement de leur mieux.
Je ne pense pas que le CovidÂ19aura un impact direct immĂ©diat sur les attitudes envers la migraÂtion et lâasile. Il pourrait, cepenÂdant, inciter Ă accorder plus de vaÂleur Ă la vie humaine, contrant ainsi les discours extrĂ©mistes. Dans le mĂȘme temps, ses retomÂbĂ©es Ă©conomiques pourraient exercer encore plus de pression sur les finances nationales, au dĂ©Âtriment des services dâasile et des structures dâaccueil. Il est encore trop tĂŽt pour le dire.
Il nâexiste toujours pas de cadre lĂ©gal de rĂ©partition des migrants secourus en mer MĂ©diterranĂ©eâŠ
Câest un blocage politique. DesEtats veulent un systĂšme obligaÂtoire de relocalisation, dâautres non ; certains veulent faire respecÂter le rĂšglement de Dublin [selon
lequel le pays dâentrĂ©e est chargĂ© dâexaminer la demande de protecÂtion], dâautres considĂšrent quâil nefonctionne pas⊠Il nây a pas dâapÂproche commune sur lâasile. Ces diffĂ©rences de perception sont noÂtamment liĂ©es aux positions gĂ©oÂgraphiques des Etats. Ceux de preÂmiĂšre entrĂ©e sont soumis Ă une forte pression. La Commission doit proposer un nouveau paquet europĂ©en sur lâasile prochaineÂment. Les Etats membres peuventtrouver un compromis.
Ce que lâUE fait ici est sans prĂ©cĂ©Âdent dans le monde. LâĂ©laborationdâun rĂ©gime dâasile commun juÂridiquement contraignant pour 27 pays nâa jamais Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e auparavant. Trois Ă©lĂ©ments sont essentiels pour le futur « paquet asile ». Il doit dâabord ĂȘtre juste. Lestatu quo nâest pas tenable. Tout comme les Etats membres se sontrĂ©unis pendant la crise, ce doitĂȘtre le cas ici aussi. Le fait de ne pasavoir de solution Ă©quitable nuira non seulement Ă ceux qui fuient les guerres et la persĂ©cution, mais Ă©galement au projet europĂ©en.
Le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment imporÂtant est que ce pacte doit ĂȘtre duÂrable. Nous ne savons pas comÂment Ă©voluera la sĂ©curitĂ© internaÂtionale au cours des prochaines annĂ©es et nous devons donc disÂposer dâun systĂšme qui puisse sâadapter. Si ce sont actuellement les Etats du Bassin mĂ©diterranĂ©enqui sont en premiĂšre ligne, rien negarantit que ce sera le cas Ă lâaveÂnir. Un systĂšme dâasile durable estun systĂšme dâassurance pour tousles Etats membres. Enfin, il devrasâagir dâun compromis. Il est clairquâil nây a pas de solution dont tout le monde sera entiĂšrement satisfait. Il vaut mieux avancer lentement que pas du tout.
Les Ă©quipes de lâEASO contribuent Ă lâharmonisation des systĂšmes dâasile en Europe. Que doitÂon attendre dâune telle convergence ?
Lâharmonisation des procĂ©Âdures dâasile signifie que si un Afghan demande lâasile Ă Malte, il recevra le mĂȘme rĂ©sultat Ă sademande que sâil avait fait une deÂmande en France. Aujourdâhui, le taux de protection dâunAfghan sâĂ©tablit Ă 64 % en AngleÂterre, mais atteint 93 % en Italie.
Lâimpact principal de lâharmoniÂsation est quâelle contribue Ă Ă©liÂminer ce que lâon appelle le « shopÂping de lâasile », par lequel un miÂgrant cherche Ă faire sa demande dans un Etat membre qui offre le rĂ©sultat le plus avantageux. Cela ouvre Ă©galement la porte Ă une soÂlidaritĂ© plus facile au sein de lâUE elleÂmĂȘme. MĂȘme au niveau poliÂtique, cela signifie que les taux de reconnaissance Ă©tant similaires, les citoyens ne pensent pas que leur pays applique aux demanÂdeurs dâasile des normes diffĂ©renÂtes de celles dâun autre pays.
LâUE a rĂ©alisĂ© des progrĂšs aucours de la derniĂšre dĂ©cennie. Cela est notamment dĂ» Ă la forÂmation intensive que lâEASO a disÂpensĂ©e aux fonctionnaires natioÂnaux ou aux documents sources qui fournissent des informations standardisĂ©es sur la situation dans les pays dâorigine. Il reste, bien sĂ»r, encore du travail Ă faire en matiĂšre de convergence.
propos recueillis par julia pascual
A AthĂšnes, la dĂ©tresse des rĂ©fugiĂ©s en voie dâexpulsion de leur logementLe gouvernement a rĂ©duit la durĂ©e dâhĂ©bergement des Ă©trangers bĂ©nĂ©ficiant de lâasile
athÚnes  correspondance
V ous ĂȘtes dĂ©sormais resÂponsables de votre vie,vous devez quitter lâapÂ
partement dont vous avez bĂ©nĂ©fiÂciĂ© durant votre demande dâasile. »Ces mots rĂ©sonnent encore cruelÂlement dans la tĂȘte de Mohamed AlÂRifaie, un Syrien de 19 ans qui vit avec sa mĂšre et son frĂšre aĂźnĂ©dans un deuxÂpiĂšces dâun quarÂtier populaire du port du PirĂ©e.
Le 1er juin, lâONG Nostos qui leuravait attribuĂ© le logement dans le cadre du programme dâhĂ©bergeÂment Estia gĂ©rĂ© par le HautÂComÂmissariat aux rĂ©fugiĂ©s (HCR) et fiÂnancĂ© par la Commission euroÂpĂ©enne, leur a ordonnĂ© de quitter les lieux. Ils avaient dĂ©jĂ reçu unavertissement quinze jours aupaÂravant. « LâONG nous a prĂ©venus que la police pourrait dĂ©sormais venir nous dĂ©loger. Mais nous nâavons aucune alternative, nousleur avons expliquĂ© que nous ne pouvions pas nous retrouver Ă larue, surtout en raison des proÂblĂšmes de santĂ© de mon frĂšre »,constate Mohamed.
Son frĂšre Ahmad, 25 ans, a subiune opĂ©ration du cerveau Ă sonarrivĂ©e en GrĂšce il y a trois ans et doit ĂȘtre suivi rĂ©guliĂšrement Ă lâhĂŽpital. LâONG, qui les emmĂšne habituellement chez les mĂ©deÂcins, a arrĂȘtĂ© de sâoccuper de leur
situation. Leur aide financiÚre demoins de 400 euros a également cessé au début du mois.
Selon une loi votĂ©e en novemÂbre 2019 Ă lâinitiative du premier ministre conservateur, Kyriakos Mitsotakis, et appliquĂ©e tardiveÂment en raison du CovidÂ19, la pĂ©Âriode pendant laquelle les rĂ©fuÂgiĂ©s ayant obtenu lâasile peuventrester dans les appartements mis Ă leur disposition a Ă©tĂ© rĂ©duite de six Ă un mois. DâaprĂšs le ministĂšredes migrations, quelque 11 200 rĂ©ÂfugiĂ©s doivent ĂȘtre expulsĂ©s de ces logements sociaux, mais aussides camps et des chambres dâhĂŽÂtel Ă travers le pays.
« Quâallons-nous devenir ? »« Ces mesures dâexpulsion des rĂ©fuÂgiĂ©s reconnus sont en fait dans le prolongement de la ligne durechoisie par le gouvernement grec en matiĂšre migratoire, soutient FiÂlippa Chatzistavrou, professeure associĂ©e en sciences politiques Ă lâuniversitĂ© dâAthĂšnes. LâidĂ©e est demontrer aux rĂ©fugiĂ©s quâils ne sontpas les bienvenus en GrĂšce, dâavoir un effet dâĂ©pouvantail sur les canÂdidats Ă lâasile mais aussi de sĂ©Âduire les Ă©lecteurs attirĂ©s par le disÂcours de lâextrĂȘme droite. »
Les ONG qui sâoccupent de lagestion des appartements se reÂtrouvent dans la dĂ©licate situaÂtion de dĂ©loger les occupants. CerÂ
taines associations sây refusentpour lâinstant. Câest le cas de SoliÂdarity Now, qui, sur 411 locataires, affirme nâavoir eu que dix dĂ©partsdepuis le 1er juin. « Une grande maÂjoritĂ© sont des rĂ©fugiĂ©s syriens vicÂtimes de stress postÂtraumatique, des familles, des mĂšres seules avec enfants, des personnes en situaÂtion dâhandicap », commente Eva Giannakaki, en charge des quesÂtions de logement pour lâONG.
Au deuxiĂšme Ă©tage de lâimmeuÂble de Mohamed AlÂRifaie, la siÂtuation de la famille Nadaoui, desIrakiens, est elle aussi alarmante. Asil Nadaoui a cinq enfants, dont Maya, 5 ans, qui ne peut sâalimenÂter quâĂ lâaide dâune sonde gastriÂque. Son mari est, lui, paralysĂ© desjambes. « Nous devons thĂ©oriqueÂment partir fin juin⊠Mais nousnâavons ni travail ni aide finanÂciĂšre, quâallonsÂnous devenir ? », estime Mustafa, lâaĂźnĂ© de 20 ans.
Le gouvernement grec soutientque les rĂ©fugiĂ©s expulsĂ©s peuvent postuler Ă un autre programme, « Helios », mis en place par lâOIM (Organisation internationale pourles migrations), afin de bĂ©nĂ©ficier de cours de grec et dâune allocaÂtion pour leur logement. Mais il nepermet pour le moment de souteÂnir que 3 500 personnes et les dĂ©Âmarches administratives sont lourdes, comme le constate Nahla Salama, une Syrienne de Rakka,
qui doit quitter son studio du cenÂtre dâAthĂšnes dĂ©but juillet : « Il fautdâabord signer un contrat de locaÂtion pour ensuite obtenir lâaide de lâOIM. Or, les propriĂ©taires demanÂdent deux loyers dâavance, une somme trop importante pour moi, et sont souvent rĂ©ticents Ă louer aux Ă©trangers⊠», soupire la jeune femme de 26 ans, veuve et mĂšre dâune enfant de 3 ans.
Les autoritĂ©s estiment pourtantque cette politique est nĂ©cessairepour faire de la place aux nouÂveaux arrivants : « Les camps des Ăźles du nord de la mer EgĂ©e sont dĂ©ÂbordĂ©s [environ 32 500 demanÂdeurs dâasile pour une capacitĂ© de6 000 places], il est indispensablede poursuivre les transferts pour les plus vulnĂ©rables et de leur faire bĂ©nĂ©ficier de ces logements », sejustifie Manos Logothetis, secrĂ©Âtaire gĂ©nĂ©ral chargĂ© de lâasile au ministĂšre grec de lâimmigration.
Mais au lieu dâaugmenter la caÂpacitĂ© dâaccueil sur le continent, comme le recommande le HCR, le gouvernement veut fermer des camps : « Avec la diminution des arÂrivĂ©es sur les Ăźles ces derniers mois et lâaccĂ©lĂ©ration des examens des demandes dâasile, nous pouvons envisager la fermeture de camps en 2020 », a dĂ©clarĂ© mardi le minisÂtre des migrations, Notis MitaÂrachi, sur la chaĂźne Open.
marina rafenberg
Le « pacte migratoire », un dossier sensible pour lâAllemagne et lâUELa Commission plaide pour une « politique rĂ©aliste » de lâimmigration
bruxelles  bureau européen
Câ est le brouillon de cequi devait ĂȘtre lâunedes grandes prioriÂtĂ©s de la CommisÂ
sion europĂ©enne. Avant la pandĂ©Âmie de CovidÂ19, la nĂ©cessitĂ© de reÂlancer lâĂ©conomie, les dĂ©saccords sur le futur budget de lâUnion oulâenlisement de la nĂ©gociation surle Brexit. Le « Pacte pour la migraÂtion », annoncĂ© dĂšs son entrĂ©e en fonctions par la prĂ©sidente Ursulavon der Leyen, reste sans doute un sujet important pour les VingtÂSept, mais la future prĂ©siÂdence allemande de lâUnion â le 1er juillet pour six mois â ne deÂvrait pas mettre ce texte dâune vingtaine de pages, lu par Le Monde, en tĂȘte de son agenda. « Il y a bien dâautres soucis et, en outre,les positions politiques nâont pas bougĂ© », rĂ©sume un diplomate.
AnnoncĂ©e pour le premier triÂmestre de 2020, sans doute dĂ©ÂvoilĂ©e officiellement Ă la fin dudeuxiĂšme, lâinitiative des comÂmissaires Margaritis Schinas (promotion du mode de vie euÂropĂ©en) et Ylva Johansson (affaiÂres intĂ©rieures) vise Ă rĂ©gler un dĂ©bat minĂ©, depuis des annĂ©es, par un dĂ©faut de solidaritĂ© entre les pays. Avec certains dirigeantsqui prospĂšrent grĂące Ă leur refus obstinĂ© dâaccueillir des « miÂgrants » qui sont souvent des deÂmandeurs dâasile et des rĂ©fugiĂ©s.
« Outils pratiques »Ce texte pourraitÂil faire cesserles polĂ©miques qui ont marquĂ© lâactualitĂ© depuis 2015 ? Elles porÂtaient sur lâaccueil des demanÂdeurs, les rĂšgles divergentes qui rĂ©gissent lâasile selon les Etats, le rĂšglement de Dublin qui oblige le premier pays dâentrĂ©e dans lâUnion Ă se charger de lâinstrucÂtion des dossiers, ou encore les mĂ©canismes de dĂ©barquement
des migrants secourus en mer. Pour Bruxelles, le moment est venu de poser les bases dâun dĂ©batserein, alors que le nombre dâarriÂvĂ©es irrĂ©guliĂšres dans lâUE est Ă son niveau le plus bas depuis 2014 et que, comme le mentionne le doÂcument, « il est temps de se rĂ©fĂ©rer aux faits plus quâaux perceptions ».
Selon ce projet de texte « confiÂdentiel » actuellement en discusÂsion avec les capitales, les ressorÂtissants de pays tiers comptent acÂtuellement pour 4,4 % de la popuÂlation totale de lâUE, la migration restera un phĂ©nomĂšne durable etelle serait parfaitement gĂ©rable dans le cadre dâun systĂšme effiÂcace et rĂ©silient. En outre, soulignele texte, une Europe vieillissante et en manque de mainÂdâĆuvre spĂ©cialisĂ©e aurait intĂ©rĂȘt à « attirerceux dont elle a besoin pour lacompĂ©titivitĂ© de son Ă©conomie et lemaintien de son bienÂĂȘtre ». Sur ce point comme sur dâautres, le doÂcument note toutefois prudemÂment « certaines hĂ©sitations ».
La Commission prĂŽne « une poÂlitique rĂ©aliste, qui ne crĂ©e ni faux espoirs ni effets dâaspiration ». Tout en respectant le devoir huÂmanitaire et le principe de nonÂrefoulement, cette politique deÂvrait donc souligner aussi la nĂ©ÂcessitĂ© dâune gestion des retours plus efficace, alors que 66 % des demandes dâasile ont Ă©tĂ© rejetĂ©es par les pays membres en 2019 et
quâun tiers seulement des perÂsonnes dĂ©boutĂ©es quittent effecÂtivement le territoire.
La Commission suggĂšre trois« outils pratiques » Ă mettre en Ćuvre parallĂšlement : des parteÂnariats internationaux « robusÂtes » avec les pays dâorigine ou detransit, des frontiĂšres extĂ©rieures mieux surveillĂ©es et des procĂ©duÂres plus efficaces et plus rapides.
Les accords conclus avec le MaÂroc, le Niger et surtout la Turquie, devraient ainsi ĂȘtre maintenus et Ă©tendus. La Tunisie, lâEthiopie, lâIrak, le Bangladesh ou les paysdes Balkans devraient recevoir desinvestissements et de lâargent afinde dĂ©velopper la lutte contre la miÂgration irrĂ©guliĂšre, contrĂŽler leursfrontiĂšres et rĂ©admettre leurs naÂtionaux. Le Liban, lâEgypte ou la Jordanie, qui accueillent de nomÂbreux rĂ©fugiĂ©s, devraient bĂ©nĂ©fiÂcier dâaides accrues dans le cadre de la hausse dâun budget « Asile et migration » que Bruxelles espĂšre voir passer de 12 Ă 32 milliards dâeuros (sur la pĂ©riode 2020/2027).
DĂ©bat « Ă©pidermique »Aux frontiĂšres extĂ©rieures, le renforcement de lâagence FronÂtex, couplĂ© au dĂ©veloppement des techniques dâintelligence artiÂficielle â prĂ©vu, au mieux, pour2023Â2025 â, devrait permettredes contrĂŽles plus efficaces et unelutte renforcĂ©e contre les rĂ©seaux qui acheminent aujourdâhui quelque 90 % des clandestins versles portes de lâEurope. Bruxelles prĂŽne aussi la gĂ©nĂ©ralisation desprocĂ©dures dites dâ« asile Ă lafrontiĂšre », Ă savoir des mĂ©thodes dâexamen rapide des demandes.
Pas de quoi, toutefois, calmer ledĂ©bat quâun diplomate dĂ©crit comme « Ă©pidermique » sur deuxquestionsÂclĂ©s et indissociables : la solidaritĂ© pour lâaccueil â le texte prĂ©fĂšre dâailleurs Ă©voquer « une vraie responsabilitĂ© partaÂ
gĂ©e » â et les dispositions du rĂšgleÂment de Dublin, jugĂ©es insupporÂtables par les pays du Sud, lâItalie, la GrĂšce ou Malte, qui exigent unerĂ©partition de la charge.
Si la Commission Ă©voque lanĂ©cessitĂ© dâune politique « coorÂdonnĂ©e, harmonisĂ©e, stratĂ©giÂque », les pays du Groupe de ViseÂgrad â Hongrie, Pologne, RĂ©publiÂque tchĂšque, Slovaquie â campentsur leur refus obstinĂ© dâaccueillirtout Ă©tranger issu dâun pays tiers. LâAutriche, les PaysÂBas, le DaneÂmark ont, eux, dĂ©veloppĂ© des poÂlitiques restrictives. Et un groupelimitĂ© (France, Allemagne, PortuÂgal, Irlande, SuĂšde, Luxembourg) est prĂȘt Ă ouvrir une discussion, tout en sachant que ces pays ont accueilli quelque 90 % des « rĂ©insÂtallations » depuis 2015. Soit enviÂron 100 000 personnes, alors que les Nations unies chiffrent les beÂsoins Ă 1,44 million de places dâacÂcueil pour la seule annĂ©e 2020âŠ
La Commission est donc Ă larecherche dâun compromis que pourrait endosser la prĂ©sidenceallemande, avec diffĂ©rents scĂ©naÂrios possibles (une pression miÂgratoire faible, intense ou trĂšs inÂtense), qui entraĂźnerait un engageÂment Ă gĂ©omĂ©trie variable des difÂfĂ©rents Etats membres. Il lui reste Ă trouver la « masse critique » de pays qui accepteraient des relocaÂlisations, tandis que les autres seÂraient contraints de les aider fiÂnanciĂšrement â et massivement.
« On pourrait accorder des dĂ©Ârogations Ă certains et les obligeren mĂȘme temps Ă âpasser Ă la caisseâ. Mais il reste encore Ă trouÂver les pays acceptant dâaccueillir et, dans le contexte actuel, on nây est vraiment pas », juge un expert.Avec, Ă la clĂ©, une seule certitude : Berlin ne sâengagera pas dans une discussion qui rĂ©vĂ©lerait, unefois encore, des divisions bĂ©antes au sein de lâUnion.
jeanÂpierre stroobants
Selon lâUE, une Europe
vieillissante et enmanque de main-
dâĆuvre auraitintĂ©rĂȘt à « attirer
ceux dont elle a besoin »
« Un systĂšme dâasile durableest un systĂšme
dâassurance pour tous les
Etats membres »
« Le Covid-19 pourrait inciter à accorder plus
de valeur à la vie humaine »
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4 | international VENDREDI 12 JUIN 20200123
Au Nicaragua, lâinaction « irrationnelle » face au CovidÂ19Une dizaine de mĂ©decins hospitaliers, qui alertaient sur la gestion dĂ©sastreuse de la pandĂ©mie par le rĂ©gime Ortega, ont Ă©tĂ© licenciĂ©s
V oici ma lettre de licenÂciement, et il nây figureaucune raison valable !De toute ma vie profesÂ
sionnelle, je nâai jamais eu ne seraitÂce quâun avertissement. »Maria Nela Escoto Lopez, anesÂthĂ©siste de lâhĂŽpital LeninÂFonÂseca, Ă Managua, sâĂ©trangle dâinÂdignation sur une vidĂ©o publiĂ©e mardi 9 juin sur les rĂ©seaux soÂciaux, aprĂšs avoir appris son renÂvoi du jour au lendemain. « Je fais partie de ces personnes qui ont donnĂ© de la voix et qui ont rĂ©clamĂ©ce qui est juste », continueÂtÂelle,masquĂ©e et en blouse blanche.
Alors que la situation sanitairesâest aggravĂ©e de maniĂšre expoÂnentielle au Nicaragua ces derniĂšÂres semaines, une dizaine de mĂ©Âdecins qui, comme elle, avaient critiquĂ© lâinaction du gouverneÂment pour lutter contre lâĂ©pidĂ©Âmie de CovidÂ19, ont Ă©tĂ© licenciĂ©s,mardi, des Ă©tablissements puÂblics oĂč ils exerçaient.
Tous avaient signĂ©, le 28 mai,aux cĂŽtĂ©s de 700 autres mĂ©deÂcins, une lettre ouverte alertantsur la quasiÂsaturation du sysÂtĂšme de santĂ© public « avec uneforte probabilitĂ© dâeffondrement dans les prochains jours » et « unrisque de mort Ă©levĂ© pour la popuÂlation », rĂ©clamant des Ă©quipeÂments de protection pour le perÂsonnel mĂ©dical. « LâEtat continuede ne pas appliquer les mesuresqui permettraient de contrĂŽlerlâĂ©ruption, ignorant de maniĂšre indolente la rĂ©alitĂ© de la pandĂ©Âmie dans notre pays », ajoutaientles mĂ©decins.
« ReprĂ©sailles »Le gouvernement de DanielOrtega, au pouvoir depuis 2007et qui fait face Ă un mouvement de contestation â rĂ©primĂ© dans lesang â depuis deux ans, a refusĂ©de confiner la population ou defermer les Ă©coles et a, au conÂtraire, promu des manifestationsde masse depuis le dĂ©but de lâĂ©piÂdĂ©mie. Une marche de solidaritĂ©
sâappelait mĂȘme « Lâamour auxtemps du CovidÂ19 »âŠ
La veille du licenciement desdix mĂ©decins, un des principaux infectiologues du pays (qui nâen compte que cinq), Carlos Quant, avait aussi Ă©tĂ© brutalement mis Ă la porte de lâhĂŽpital RobertoÂCalÂderon de Managua. « Ce sont desreprĂ©sailles de la part du ministĂšrede la santĂ© », assureÂtÂil. Signatairede la tribune de 700 mĂ©decins, Carlos Quant fait partie du coÂmitĂ© scientifique multidiscipliÂnaire mis en place par une douÂzaine de spĂ©cialistes de la santĂ© pour conseiller la population sur la maniĂšre de prĂ©venir les contaÂminations, et trĂšs critique du manque du gouvernement.
LâObservatoire citoyen CovidÂ19,une plateÂforme indĂ©pendantecrĂ©Ă©e pour suivre lâĂ©volution de lapandĂ©mie, dĂ©nombrait, lui, plusde 5 000 cas et 1 000 morts au 3 juin, pour une population de 6 millions dâhabitants, alors que les autoritĂ©s reconnaissaient, le 9 juin, 55 morts pour 1 354 cas.
Les mĂ©decins sont aux premiĂšÂres loges de lâĂ©pidĂ©mie. LâObservaÂtoire citoyen recense 48 mortssuspectes du CovidÂ19 parmi le personnel soignant. « Dans monhĂŽpital, six membres du corps mĂ©Âdical sont morts du virus, sâindiÂgne Carlos Quant, et au moins 50 % en mĂ©decine interne sont ou ont Ă©tĂ© malades. » JusquâĂ il y a un mois et demi, le ministĂšre de la santĂ© avait interdit aux mĂ©decins de porter des masques et desgants dans les hĂŽpitaux pour ne pas alarmer les patients. « Câest enÂcore le cas dans deux hĂŽpitauxhors de Managua », prĂ©cise lâĂ©piÂdĂ©miologiste Leonel ArgĂŒello, membre du comitĂ© scientifique multidisciplinaire.
LâĂ©pidĂ©mie touche tout le pays.Et si les hĂŽpitaux ne sont pas enÂcore arrivĂ©s Ă saturation, « câest parce que le taux de mortalitĂ© esttrĂšs Ă©levĂ© et que les lits se libĂšÂrent », soupire Carlos Quant. Beaucoup de patients prĂ©fĂšrent
également quitter les lieux « pouraller mourir chez eux ».
De nombreuses vidĂ©os circulentsur les rĂ©seaux sociaux et les mĂ©Âdias dâopposition, montrant des « enterrements express », de jour comme de nuit, des cercueils sorÂtant directement des hĂŽpitaux, entourĂ©s de personnel en combiÂnaison complĂšte et escortĂ©s par des policiers. Les vidĂ©os ont fait rĂ©agir la viceÂprĂ©sidente et Ă©pouse du prĂ©sident Ortega, Rosario Murillo, qui dĂ©nonce ceux qui « prĂ©tendent crĂ©er de fausses rĂ©aliÂtĂ©s en utilisant des vidĂ©os dâautres pays, en faisant croire quâil sâagit devidĂ©os du Nicaragua ». Le couple prĂ©sidentiel nâa pas Ă©tĂ© vu hors de sa rĂ©sidence dâEl Carmen depuis au moins quatre mois.
Le gouvernement justifie sa dĂ©Âcision de ne pas dĂ©crĂ©ter de confiÂnement par la nĂ©cessitĂ© de protĂ©Âger lâĂ©conomie. Dans un Livreblanc rendu public fin mai, le miÂnistĂšre de la santĂ© souligne sa« stratĂ©gie dâĂ©quilibre entre la panÂdĂ©mie et lâĂ©conomie », dans un pays oĂč « 40 % de la population vitĂ la campagne et 80 % des traÂvailleurs des zones urbaines traÂvaillent de maniĂšre informelle ».
« Une chose est ne pas vouloir paÂralyser lâĂ©conomie, une autre estcelle de promouvoir des rassemÂblements de masse, dĂ©nonce CarÂlos Quant. On aurait pu au moins fermer les Ă©coles et les universitĂ©s, prendre des mesures graduelles qui nâauraient pas signifiĂ© lâarrĂȘt total de lâĂ©conomie. »
Lâinaction du gouvernement estdâautant plus « irrationnelle », conÂ
sidĂšre lâĂ©pidĂ©miologiste Leonel ArgĂŒello, que le virus semble ne pas avoir Ă©pargnĂ© le rĂ©gime. Une vingtaine de ministres, conÂseillers prĂ©sidentiels, dĂ©putĂ©s, maires ou dirigeants du Front sanÂdiniste de libĂ©ration nationale (FSLN), le parti au pouvoir, auraient succombĂ© du CovidÂ19ces derniĂšres semaines. Tous se souviennent de la maniĂšre dont Edwin Castro, prĂ©sident du groupeparlementaire du FSLN, sâĂ©tait moÂquĂ© de dĂ©putĂ©s de lâopposition arÂrivĂ©s masquĂ©s dans lâhĂ©micycledĂ©but mars. Trois mois plus tard, Edwin Castro Ă©tait hospitalisĂ©pendant deux semaines avec des symptĂŽmes de la maladie.
« Enterrement express »Ce fut ensuite le tour du ministre des tĂ©lĂ©communications, OrÂlando Castillo â sous le coup de sanctions imposĂ©es par WashingÂton pour son rĂŽle dans la rĂ©presÂsion de manifestants et de mĂ©diasen 2018 â, et du maire de Masaya, Orlando Noguera â qui avait menĂ©dâune main de fer lâĂ©touffement de la contestation dans sa ville â, tous deux dĂ©cĂ©dĂ©s dĂ©but juin dans des unitĂ©s hospitaliĂšres conÂsacrĂ©es au CovidÂ19. Noguera a en outre Ă©tĂ© inhumĂ© lors dâun « enÂterrement express ».
Face Ă la situation, trenteÂquatreassociations mĂ©dicales ont publiĂ©un appel, le 1er juin, Ă un confineÂment volontaire de la population « pendant trois ou quatre semaiÂnes », demandant des mesures « Ă grande Ă©chelle ». Un appel souÂtenu par le secteur privĂ©, mais reÂlativement peu suivi. « La majoÂritĂ© de la population sâen tient aux mĂ©dias officiels aux mains du gouÂvernement ou de la famille du prĂ©Âsident », regrette Leonel ArgĂŒello,qui craint que la courbe ascenÂdante de cas ne se maintienne pendant au moins six mois. « La situation, alerte Carlos Quant, neva pas devenir catastrophique, mais apocalyptique. »
angeline montoya
LâenquĂȘte Palme bouclĂ©e, la SuĂšde déçueLes critiques se multiplient aprĂšs lâidentification du meurtrier de lâancien premier ministre
malmö (suĂšde) Âcorrespondante rĂ©gionale
D es tĂ©moignages contraÂdictoires, un rĂ©cit en dĂ©Âcalage avec celui des tĂ©Â
moins sur place et lâenvie consÂtante dâinterfĂ©rer dans lâenquĂȘte. VoilĂ les Ă©lĂ©ments qui ont conduit,mercredi 10 juin, le procureur KrisÂter Petersson, chargĂ© du dossier depuis 2017, Ă dĂ©signer Stig EngsÂtröm comme le meurtrier prĂ©ÂsumĂ© du premier ministre Olof Palme, tuĂ© en plein centre de StocÂkholm, le 28 fĂ©vrier 1986. TrenteÂquatre ans que les SuĂ©dois attenÂdaient ce moment. Mais lâannoncea suscitĂ© un mĂ©lange de dĂ©ceptionet de colĂšre, accompagnĂ© du sentiÂment dâun immense gĂąchis.
En fĂ©vrier, le procureur avaitlaissĂ© entendre quâil pourrait prĂ©Âsenter des preuves concrĂštes. MerÂcredi, il a admis que les Ă©lĂ©ments Ă charge contre le graphiste, ĂągĂ© de52 ans au moment des faits, « nâauraient pas suffi Ă le mettre en examen », mais quâils auraient perÂmis de lâinterpeller et de le placer en dĂ©tention provisoire.
Ce ne sera pas possible. Stig EngsÂtröm sâest suicidĂ© en juin 2000. NĂ©en 1934 en Inde, Ă Bombay, oĂč son pĂšre travaillait comme ingĂ©nieur,
il est envoyĂ© en SuĂšde Ă 12 ans. Il seretrouve dans un pensionnat Ă Stockholm, le mĂȘme quâOlof Palme a frĂ©quentĂ© quelques anÂnĂ©es plus tĂŽt. Stig Engström traÂvaille dans lâarmĂ©e, puis Ă la radio suĂ©doise, avant dâĂȘtre embauchĂ© par la compagnie dâassurances Skandia. DivorcĂ©, puis remariĂ©, sans enfant, il est engagĂ© au Parti conservateur et Ă©volue dans un milieu oĂč la haine de Palme est la rĂšgle. En mars 2018, le journaliste Thomas Pettersson rĂ©vĂšle quâil a appartenu Ă un club de tir et frĂ©ÂquentĂ© un collectionneur dâarmes.
« SĂ»rs de rien »Hans Melander, chef du « groupePalme », composĂ© de quatre poliÂciers, confirme au Monde que lesenquĂȘteurs « ne sont sĂ»rs de rien »,mais mentionne des « circonstanÂces fortes ». Stig Engström, rappelÂleÂtÂil, « avait des difficultĂ©s finanÂciĂšres, souffrait dâalcoolisme et du sentiment de ne pas avoir accomÂpli ce quâil aurait dĂ» ».
Le 28 février 1986, à 23 h 19, legraphiste quitte son bureau, à quelques dizaines de mÚtres dulieu du meurtre. Olof Palme est tué deux minutes plus tard.Le lendemain, Stig Engström contacte la police et le journal
Svenska Dagbladet. Il dit avoir parlĂ© avec la femme du premier ministre, Lisbeth Palme â qui dĂ©Âment. Il identifie un suspect, « avec une veste bleue ».
Pour les policiers, il sâagit dâundes tĂ©moins que Stig Engström nepeut pas avoir vu de lâendroit oĂč ilaffirme se trouver. Il sâempresse aussi de mettre en garde les enÂquĂȘteurs : il craint que les personÂnes sur place lâaient pris pour letueur et que les policiers partent sur une mauvaise piste. « Si on Ă©tait conspirationniste ou cyniÂque, on peut se dire que câest trĂšsintelligent de la part dâun meurÂtrier », a notĂ©, mercredi, le procuÂreur. Durant des annĂ©es, Stig Engström continuera de donnerdes interviews, clamant que la poÂlice ne lâa pas pris au sĂ©rieux. Il tĂ©Âmoignera mĂȘme au procĂšs de Christer Pettersson, condamnĂ© en premiĂšre instance pour lemeurtre, puis relaxĂ© en appel.
Des policiers le voient commeune piste sĂ©rieuse. Hans Holmer,le chef de la police de Stockholm,obsĂ©dĂ© par le Parti des traÂvailleurs kurdes, lâĂ©carte. Il faut atÂtendre 2017 pour que « SkandiaÂmannen » â « lâhomme de SkanÂdia », surnom dâEngström â deÂvienne le suspect principal,
quand le « groupe Palme » reÂprend lâenquĂȘte Ă zĂ©ro.
En 1994, IngaÂBritt Ahlenius,haut fonctionnaire, avait siĂ©gĂ© au sein de la commission dâenquĂȘte, chargĂ©e par le Parlement dâĂ©vaÂluer le travail de la police. Elle avoue sa dĂ©ception : « Lâhistoire netient pas. Ăa ne peut pas ĂȘtre aussi simple quâun pur hasard qui vouÂdrait que Stig Engström, sortant du travail Ă 23 h 29, une arme dans sa poche, croise Olof Palme dans larue et dĂ©cide de le tuer. » Pour le journaliste Gunnar Wall, auteur dâouvrages sur le sujet, « cette conÂclusion choquante est dans la liÂgnĂ©e de ce quâa Ă©tĂ© lâenquĂȘte, un immense Ă©chec pour notre sysÂtĂšme judiciaire ». En SuĂšde, la critiÂque est massive contre ce qui estprĂ©sentĂ© comme un « fiasco ».
Regrettant lâabsence de condamÂnation, le premier ministre socialÂdĂ©mocrate, Stefan Löfven, a afÂfirmĂ©, mercredi, que lâenquĂȘte pourrait reprendre si des informaÂtions sĂ©rieuses faisaient surface. Dâune immense dignitĂ© depuis le dĂ©but, les trois fils dâOlof Palme ont assurĂ©, pour leur part, ĂȘtre convaincus par les arguments du procureur, mĂȘme sâils regrettent lâabsence de preuves concrĂštes.
anneÂfrançoise hivert
Le gouvernement ajustifié sa décisionde ne pas confiner
par sa volontéde protéger
lâĂ©conomie du pays
Au PĂ©rou, lâoxygĂšne se vendĂ prix dâor au marchĂ© noir
Câ est un « crime », une « trahison Ă la patrie ». Pilar MazÂzetti, mĂ©decin et prĂ©sidente du dĂ©nommĂ© « comÂmando CovidÂ19 » chargĂ© de la lutte contre lâĂ©pidĂ©mie,
nâa pas de mots assez durs pour qualifier la spĂ©culation sur les prix de lâoxygĂšne, tandis que le PĂ©rou est confrontĂ© Ă une inquiĂ©Âtante pĂ©nurie de gaz mĂ©dical et que pas loin de 10 000 patients sont actuellement hospitalisĂ©s. DeuxiĂšme pays le plus touchĂ© par le CovidÂ19 en AmĂ©rique latine en nombre de cas, aprĂšs le BrĂ©sil, le PĂ©rou a dĂ©passĂ© la barre symbolique des 200 000 malaÂdes et 5 903 morts au dernier bilan en date du jeudi 11 juin.
La demande dâoxygĂšne dans les hĂŽpitaux est de 40 % supĂ©Ârieure Ă la production disponible, selon le prĂ©sident du conseildes ministres, Vicente Zeballos. Actuellement, 216 tonnes dâoxyÂgĂšne sont utilisĂ©es chaque jour et il en manque 136 tonnes. Les besoins sont en constante augmentation. Le gouvernement calÂcule quâils seraient de lâordre de 400 tonnes par jour, dâici la fin du mois de juin. Des estimations qui cachent une rĂ©alitĂ© encore plus prĂ©occupante. Selon Cesar Chaname, porteÂparole de la sĂ©ÂcuritĂ© sociale Essalud, câest un « vĂ©ritable tsunami » qui a dĂ©ferlĂ©sur le pays, avec une augmentation exponentielle de la demandede « 500 % Ă 600 % » depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie.
La pĂ©nurie a dâabord frappĂ© la ville dâIquitos en Amazonie â oĂčdes mĂ©decins avaient tirĂ© le signal dâalarme il y a plusieurs seÂmaines â, puis dâautres rĂ©gions du nord du pays. Elle touchemaintenant la capitale Lima, oĂč vit un tiers de la population et qui concentre plus de 70 % des cas de malades du CovidÂ19. La
semaine derniĂšre, le gouverneÂment a annoncĂ© que le PĂ©rouĂ©tait arrivĂ© au maximum de saproduction. A Lima, des imagesdiffusĂ©es sur les chaĂźnes de tĂ©lĂ©Âvision nationale montrent des fiÂles dâattente de plusieurs dizaiÂnes de mĂštres devant des fourÂnisseurs spĂ©cialisĂ©s. Les acheÂteurs sont prĂȘts Ă patienter desheures, voire toute une nuit,
pour se procurer de lâoxygĂšne pour leurs parents malades. Le marchĂ© noir sâest dĂ©veloppĂ© et la spĂ©culation va bon train. SeÂlon le bureau du dĂ©fenseur des droits, le prix du ballon dâoxyÂgĂšne de 10 m3 coĂ»terait entre 3 500 et 6 000 soles, environ 900 Ă 1 500 euros. Un prix multipliĂ© par dix par rapport au dĂ©but de lâĂ©pidĂ©mie, dont le premier cas a Ă©tĂ© recensĂ© le 5 mars. TouteÂfois, Cesar Chaname tempĂšre : « Le marchĂ© noir reprĂ©sente seuleÂment 2 % Ă 3 % de lâoxygĂšne en circulation. »
Un rapport publiĂ© le 6 juin par le dĂ©fenseur des droits, WalterGutierrez, accuse le gouvernement du prĂ©sident Martin Vizcarrade ne pas avoir anticipĂ©, alors quâil avait Ă©tĂ© informĂ© fin avril de lapĂ©nurie Ă venir. Jeudi 4 juin, le gouvernement a enfin dĂ©crĂ©tĂ© desmesures dâurgence. LâoxygĂšne a Ă©tĂ© qualifiĂ© de « bien public » et de « ressource dâintĂ©rĂȘt stratĂ©gique ». Le dĂ©cret ordonne de donÂner la prioritĂ© Ă lâoxygĂšne mĂ©dical sur lâoxygĂšne industriel. Mais ces dĂ©clarations arrivent tard et sont « insuffisantes », juge WalterGutierrez, pour qui il faut des « mesures contraignantes ».
Avec la reprise de lâĂ©conomie dĂ©cidĂ©e en juin et le redĂ©marragede certaines activitĂ©s stratĂ©giques comme le secteur minier et la mĂ©tallurgie, les besoins en oxygĂšne industriel vont de nouveau augmenter et peser sur le secteur de la santĂ©, sâinquiĂšte le bureaudu dĂ©fenseur des droits. Le PĂ©rou a annoncĂ© lâimportation de gazmĂ©dical Ă ses voisins colombien, Ă©quatorien et chilien. « Nous nesommes quâau dĂ©but de la crise de lâoxygĂšne, estime Ciro Vargas, mĂ©decin Ă©pidĂ©miologiste et viceÂprĂ©sident du CollĂšge des mĂ©deÂcins, il faut agir dans les plus brefs dĂ©lais. »
amanda chaparro (lima, correspondance)
SELON UN BILAN ĂTABLI AU 11 JUIN, LE COVIDÂ19 A TOUCHĂ PLUS DE 200 000 PERSONNESET FAIT 5 903 MORTS
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 international | 5
En baisse dans les sondages, Erdogan rĂ©primeAlors que lâopinion turque critique la gestion de la crise sanitaire, des journalistes et des dĂ©putĂ©s sont arrĂȘtĂ©s
istanbul  correspondante
M ilitaires, gendarÂmes, policiers, jourÂnalistes, mĂ©decins,dĂ©putĂ©s, le rĂ©gime
turc a renouĂ© avec les purges ces derniers jours, multipliant les arÂrestations, les destitutions et les tentatives de restreindre la libertĂ© dâexpression, du moins ce quâil en reste. Mardi 9 juin, 414 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es, des militaires surtout, pour leurs liens prĂ©sumĂ©savec le mouvement religieux du prĂ©dicateur GĂŒlen, accusĂ© dâavoir orchestrĂ© la tentative de coup dâĂtat ratĂ©e de 2016.
La veille, la police turque a placĂ©en garde Ă vue deux journalistes dans le cadre dâune enquĂȘte pour « espionnage politique et miliÂtaire ». Ismail Dukel, le reprĂ©senÂtant dâAnkara de la chaĂźne de tĂ©lĂ©Âvision TelE1, et MĂŒyesser Yildiz,du site dâinformation OdaTV, ont Ă©tĂ© interrogĂ©s par la police antiÂterroriste. Ils sont accusĂ©s dâavoir diffusĂ© des informations sur la mort, en Libye, dâun officier turc du renseignement.
En mai, six autres journalistesavaient Ă©tĂ© placĂ©s en dĂ©tention pour la mĂȘme raison. Ils risquent dixÂsept ans de prison pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des « secrets dâEtat ». QuatreÂvingtÂquinze journalistes sont acÂtuellement emprisonnĂ©s en TurÂquie selon lâAssemblĂ©e parlemenÂtaire du Conseil de lâEurope. La purge nâa pas Ă©pargnĂ© les dĂ©putĂ©s de lâopposition. Jeudi dernier, le Parlement turc, dominĂ© par la coaÂlition formĂ©e par le Parti de la jusÂtice et du dĂ©veloppement (AKP, au pouvoir) et le Parti dâaction natioÂnaliste (MHP), a dĂ©chu de leur mandat trois dĂ©putĂ©s condamnĂ©s dans le cadre de diffĂ©rents procĂšs.
Obsession du contrĂŽleEnis Berberoglu, du Parti rĂ©publiÂcain du peuple (CHP, centre gauÂche, laĂŻque) ainsi que Leyla GĂŒvenet Musa Farisogullari, du Parti dĂ©mocratique des peuples (HDP,gauche, prokurde) ont perdu leur mandat et ne pourront donc plus siĂ©ger au Parlement. Dans la fouÂlĂ©e, les trois parlementaires dĂ©Âchus ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. Quelquesjours plus tard, deux dâentre eux,Enis Berberoglu et Leyla GĂŒven, ont Ă©tĂ© relĂąchĂ©s.
Depuis la crise sanitaire liĂ©e auCovidÂ19, le corps mĂ©dical est plusque jamais dans le collimateur des autoritĂ©s. Ces derniers mois,
des enquĂȘtes judiciaires ont Ă©tĂ© ouvertes contre plusieurs mĂ©deÂcins dans les provinces Ă majoritĂ©kurde de Van, Mardin et Sanliurfa,Ă lâest et au sud est du pays. AccuÂsĂ©s dâavoir suscitĂ© « la peur et la panique parmi lâopinion », une acÂcusation brandie contre tousceux qui critiquent la gestion de la crise sanitaire par le gouverneÂment, ils risquent entre deux et quatre ans de prison.
Le rĂ©gime nâest pas gĂȘnĂ© par le« deux poids deux mesures ». Autant lâopposition se fait tapersur les doigts Ă la moindre critiÂque, autant les zĂ©lotes du pouvoiren place ont toute latitude poursâexprimer, y compris lorsquâils appellent au meurtre.
Le 9 mai, Sevda Noyan, unecommentatrice de la chaĂźne ĂlkeTV, a dĂ©clarĂ© que sa famille « Ă©tait prĂȘte Ă tuer cinquante personnes »pour sauver Erdogan. « Ma liste est prĂȘte. Quatre Ă cinq de mes voiÂsins y figurent », sâestÂelle vantĂ©e.InterrogĂ© par des journalistes soucieux de savoir si ce genre dediscours ne constituait pas une
infraction, Ebubekir Sahin, le diÂrecteur du RTĂK (lâĂ©quivalent duCSA en France), a rĂ©pondu quâil « ne fallait pas exagĂ©rer ».
La nouvelle vague de rĂ©pressionintervient alors que le Parlement turc a adoptĂ©, jeudi 11 juin au maÂtin, un projet de loi controversĂ© visant Ă renforcer les prĂ©rogativesdes « gardiens de quartier », une police parallĂšle forte de 28 000 membres. La loi leur perÂmet dĂ©sormais de fouiller les pasÂsants et leurs vĂ©hicules, vĂ©rifierles identitĂ©s et, au besoin, utiliser leurs armes. Un autre projet de loien cours dâexamen prĂ©voit dâobliÂger les internautes Ă se doter dâunnumĂ©ro dâidentification pour acÂcĂ©der aux rĂ©seaux sociaux tels WhatApp, Facebook, Twitter,Instagram. Le gouvernement enÂtend ainsi repĂ©rer plus aisĂ©ment les voix dissonantes et neutraliÂser la moindre pensĂ©e critique.
Cette obsession du contrĂŽle reÂprĂ©sente lâultime effort du prĂ©siÂdent turc Recep Tayyip Erdogan pour tenter de renforcer son emÂprise sur le pays. Et ce, pour une
raison. A en croire les derniers sondages, lui et son parti AKP semblent avoir perdu son pouÂvoir dâattraction.
Ăzer Sencar, le directeur de lâinsÂtitut de sondages Metropoll, lâa confirmĂ© lors dâune interview difÂfusĂ©e mercredi 10 juin sur la tĂ©lĂ©viÂsion en ligne Medyascope : « Selon nos derniers sondages, la populaÂritĂ© de lâAKP est tombĂ©e Ă 30 %. (âŠ). Avec le MHP son partenaire de coalition, lâAKP est crĂ©ditĂ©e de 45 % Ă 46 % des intentions de vote en vuede la prĂ©sidentielle [prĂ©vue pour 2023]. » Avec lâancien systĂšme parlementaire, 30 % des voix suffiÂsaient Ă former une majoritĂ©.
En 2002, lâAKP a dâailleurs remÂportĂ© les lĂ©gislatives avec 34 % des voix, ce qui a permis Ă Erdogan, son chef, dâĂȘtre Ă©lu premier minisÂtre par le Parlement quelques mois plus tard. Mais depuis la mise en place du nouveau sysÂtĂšme prĂ©sidentiel, Ă lâinitiative du numĂ©ro un, la barre a Ă©tĂ© placĂ©e plus haut. Le prĂ©sident doit dĂ©sorÂmais recueillir 51 % des voix pour lâemporter. Une perte de voix de lâordre de 1 % ou 2 % pourrait sufÂfire Ă Ă©branler son assise.
« Perte de leadership »« Les gens sont mĂ©contents dâErdoÂgan et de son gouvernement en raiÂson de leur mauvaise gestion de la crise due au coronavirus. Aucun fiÂlet social nâa Ă©tĂ© mis en place, la poÂpulation est déçue. Les enquĂȘtes dâopinion traduisent cette dĂ©cepÂtion », explique Baris Yarkadas, un ancien dĂ©putĂ© du CHP (2015Â2018).Lâacharnement du prĂ©sident turc envers les dĂ©putĂ©s, les journalisÂtes, les maires HDP et plus largeÂment envers toutes les voix critiÂques est, selon lui, « liĂ© Ă sa perte de
leadership ». Il en est sĂ»r, « Erdoganne supporte pas le fait que deux personnalitĂ©s du CHP, Ă savoir le maire dâAnkara, Mansur Yavas, et celui dâIstanbul, Ekrem Imamoglu, affichent des scores de popularitĂ© plus Ă©levĂ©s que le sien ».
Le facteur Ă©conomique est dĂ©Âterminant. « Le plus souvent en Turquie, ce sont difficultĂ©s Ă©conoÂmiques qui font chuter les politiÂciens. Les restrictions en matiĂšrede dĂ©mocratie et de libertĂ©s ne comptent pas aux yeux de lâĂ©lectoÂrat qui privilĂ©gie un pouvoir fort.En revanche, lâĂ©conomie est priÂmordiale », explique Ăzer Sencar,de lâinstitut Metropoll.
DĂšs lors, lâhabillage historicoÂreÂligieux prisĂ© par Erdogan pour asÂseoir sa lĂ©gitimitĂ© ne fonctionne plus. « Evoquer la transformation de la basilique SainteÂSophie en mosquĂ©e pouvait ĂȘtre perçu positiÂvement par la population il y a quelques annĂ©es, plus aujourdâhui. Lâargument est Ă©culĂ©, il nâapporte aucun point de plus Ă lâAKP », conÂclut le politologue.
marie jégo
LâArabie saoudite peine Ă juguler la pandĂ©mie de CovidÂ19Alors que le nombre de cas augmente, Riyad a annoncĂ© de nouvelles restrictions quelques jours Ă peine aprĂšs lâallĂ©gement du couvreÂfeu
beyrouth  correspondant
E n Arabie saoudite, lâĂ©pidĂ©Âmie de CovidÂ19 est tĂȘtue.Alors que le processus de
dĂ©confinement a commencĂ© finmai, avec notamment la rĂ©ouverÂture des mosquĂ©es, le rythme de propagation de la maladie nemontre aucun signe de ralentisÂsement. Au contraire : 3 717 nouÂvelles contaminations ont Ă©tĂ© enÂregistrĂ©es sur la seule journĂ©e de mercredi 10 juin, un chiffre jaÂmais atteint jusqueÂlĂ .
Au total, 112 288 cas ont Ă©tĂ© rĂ©ÂpertoriĂ©s, ce qui fait de lâArabie saoudite le pays du monde arabele plus touchĂ© par la pandĂ©mie.Le nombre de dĂ©cĂšs est Ă©galeÂment en forte augmentation, avec 36 morts mercredi â alors que la moyenne sâĂ©tablissaitautour de vingt au dĂ©but du mois â et un total de 819 dĂ©cĂšs.
Ces statistiques prennent lesautoritĂ©s de Riyad Ă contreÂpied.La Couronne, impatiente de tourÂner la page dâune Ă©pidĂ©mie qui,
couplĂ©e Ă lâeffondrement des prixdu pĂ©trole, a eu un impact dĂ©sasÂtreux sur lâĂ©conomie locale, se reÂtrouve obligĂ©e dâimposer de nouÂveau des restrictions.
Le couvreÂfeu, qui avait Ă©tĂ© levĂ©le 31 mai dans tout le pays entre6 heures et 20 heures, Ă lâexcepÂtion de la ville sainte de La MecÂque, a Ă©tĂ© rĂ©tabli vendredi 5 juin Ă partir de 15 heures Ă Djedda, legrand port sur la mer Rouge, oĂčles unitĂ©s de soins intensifs sontsaturĂ©es. Les fonctionnaires, de retour sur leur lieu de travail deÂpuis Ă peine une semaine, ont Ă©tĂ©renvoyĂ©s Ă leur domicile et lespriĂšres dans les mosquĂ©es ontĂ©tĂ© de nouveau suspendues.
Lundi 8 juin, un nouveau coupde frein a Ă©tĂ© donnĂ© dans la stratĂ©Âgie de dĂ©confinement : aprĂšs que des employĂ©s de mosquĂ©es ont Ă©tĂ© testĂ©s et dĂ©clarĂ©s positifs auCovidÂ19, 70 lieux de culte supplĂ©Âmentaires ont Ă©tĂ© fermĂ©s. Ces meÂsures de reconfinement pourÂraient ĂȘtre Ă©tendues Ă la capitale,Riyad, en raison dâ« une augmenÂ
tation continue au cours des derÂniers jours » des cas critiques seÂlon le ministĂšre de lâintĂ©rieur.
La levĂ©e des restrictions se vouÂlait pourtant prudente. Dans lesmosquĂ©es, pour rĂ©duire au maxiÂmum le risque de contamination,les exemplaires du Coran, tradiÂtionnellement Ă disposition des croyants, devaient ĂȘtre retirĂ©s. LesfidĂšles devaient effectuer leurs ablutions â un rituel de purificaÂtion â Ă leur domicile, apporter leur propre tapis de priĂšre et resÂpecter une distance dâau moins
2,5 mĂštres. En guise de prĂ©cauÂtion, le gouvernement a aussi orÂdonnĂ© que les mosquĂ©es referÂment leur porte dix minutesaprĂšs la fin de la priĂšre et que lesermon du vendredi ne dure pas plus dâun quart dâheure. Une amende de 1 000 riyals (235 euros)est prĂ©vue pour les rĂ©fractaires auport du masque, obligatoire enpublic. Sur Twitter, le ministĂšrede la santĂ© a mĂȘme prĂ©cisĂ©, Ă lâinÂtention des Saoudiennes, que leniqab (voile couvrant le visage Ă lâexception des yeux) ne pouvaittenir lieu de masque que sâil Ă©tait constituĂ© de plusieurs couches detissu, solidement maintenues surla bouche et le nez.
« Pas assez de policiers »« Le problĂšme est que ces consiÂgnes ne sont pas respectĂ©es », dĂ©plore un journaliste saoudien,sous le couvert de lâanonyÂmat. Selon cette source, « la dĂ©ciÂsion de dĂ©confiner a Ă©tĂ© prise sousla pression des milieux religieux, pour lesquels le confinement en
pĂ©riode de ramadan a Ă©tĂ© difficile Ă vivre. Lâurgence de relancer lâacÂtivitĂ© Ă©conomique a pesĂ© aussi, ainsi que des considĂ©rations poliÂtiques. Il Ă©tait inconcevable demaintenir les mosquĂ©es fermĂ©es au moment oĂč la Turquie, legrand rival de lâArabie, les rouÂvrait. Mais ici, ce nâest pas DubaĂŻ [un Ă©mirat qui a lancĂ© lui aussi ledĂ©confinement alors que lâĂ©pidĂ©Âmie battait son plein]. Le pays est immense, il nây a pas assez de poliÂciers pour faire respecter les mesuÂres de prudence. »
La suspension de lâoumra, le peÂtit pĂšlerinage, qui se pratique toute lâannĂ©e, reste en vigueur. Lepouvoir observe aussi un silence embarrassĂ© sur le hadj, le grandpĂšlerinage Ă La Mecque, prĂ©vu en thĂ©orie fin juillet. A la fin mars, lesdirigeants saoudiens avaient apÂpelĂ© les candidats Ă ce voyage saÂcrĂ© Ă suspendre leurs prĂ©paratifs, sans toutefois proclamer lâannuÂlation explicite de lâĂ©vĂ©nement,qui a attirĂ© 2,5 millions de musulÂmans dans le royaume lâannĂ©e
passĂ©. Les ratĂ©s du dĂ©confineÂment rendent son maintien enÂcore un peu plus improbable.
La lenteur du retour Ă la norÂmale en Arabie saoudite pĂšse aussi sur le moral des famillesde prisonniers. Câest le cas desparents de Loujain AlÂHathloul, une dĂ©fenseuse des droits des femmes, incarcĂ©rĂ©e depuis deuxans avec plusieurs autres miliÂtantes fĂ©ministes. Alors que son pĂšre et sa mĂšre parvenaientĂ lui parler environ une fois parsemaine avant la crise sanitaire,depuis un mois, aucune commuÂnication tĂ©lĂ©phonique nâa pu ĂȘtreĂ©tablie avec elle.
« On a contactĂ© la prison, ni leministĂšre de lâintĂ©rieur, ni le minisÂtĂšre de la justice, ni qui que ce soit nâont pu nous renseigner, tĂ©moiÂgne Alia AlÂAthloul, lâune de ses sĆurs. On commence Ă sâinquiĂ©Âter. On espĂšre que câest juste dĂ» Ă un manque de personnel, du fait de lâĂ©pidĂ©mie. On veut croire que cenâest pas grave. »
benjamin barthe
« Il était inconcevable
de maintenir les mosquées fermées
au momentoĂč la Turquie les
rouvrait », expliqueun journaliste
Manifestation Ă Istanbul, le 6 juin, pour la libĂ©ration de Leyla GĂŒven, du Parti de la dĂ©mocratie des peuples (prokurde). Y. AKGUL/AFP
« Aucun filet social nâa Ă©tĂ© mis
en place, la population est
déçue »BARIS YARKADAS
ancien député du CHP
LE CONTEXTE
RĂOUVERTURERecep Tayyip Erdogan aannoncĂ©, mardi 9 juin, la levĂ©e sous conditions du confinement imposĂ© aux seniors et aux jeunes et la rĂ©ouverture, le 1er juillet,des thĂ©Ăątres et des salles decinĂ©ma. La Turquie avait levĂ©,le 1er juin, la plupart des restric-tions en vigueur pour lutter con-tre le Covid-19, qui a fait plus de 4 700 morts sur plus de 173 000 cas recensĂ©s dans le pays.BibliothĂšques, restaurants et crĂš-ches ont pu rouvrir et les dĂ©pla-cements entre les principalesvilles du pays sont Ă nouveau autorisĂ©s. Les centres commer-ciaux et salons de coiffure ont rouvert depuis mai. Le chef de lâEtat a annulĂ© le confinement imposĂ© uniquement en fin desemaine. Lâannonce soudaine,en avril, dâun premier week-end de confinement avait conduitĂ une ruĂ©e sur les biens depremiĂšre nĂ©cessitĂ©. Erdogana prĂ©cisĂ© que la prioritĂ© Ă©taitdĂ©sormais de mĂ©nager une Ă©co-nomie fragilisĂ©e par la pandĂ©mie.
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6 | PLANĂTE VENDREDI 12 JUIN 20200123
« Nous ne sommes quâau dĂ©but de lâĂ©pidĂ©mie »Le microbiologiste belge Peter Piot estime que lâhumanitĂ© va devoir apprendre Ă vivre avec le CovidÂ19
ENTRETIEN
D irecteur de la LondonSchool of Hygiene& Tropical Medicine,le mĂ©decin et microÂ
biologiste belge Peter Piot fut lâundes codĂ©couvreurs du virus Ebola, avant dâĂȘtre Ă la tĂȘte de lâOnusida (Programme commundes Nations unies sur le VIHÂsida),de 1995 Ă 2008. RĂ©cemment nommĂ© conseiller de la prĂ©siÂdente de la Commission euroÂpĂ©enne, Ursula von der Leyen, pour la recherche sur le nouveau coronavirus, il a Ă©tĂ© luiÂmĂȘme sĂ©ÂvĂšrement touchĂ© par le CovidÂ19.
Quel regard portezÂvous sur la maniĂšre dont le monde a rĂ©agi face au CovidÂ19 ?
Ce que le CovidÂ19 nous a monÂtrĂ©, câest lâimportance dâun leaÂdership et dâun bon systĂšme de santĂ© publique prĂ©existant. A part Singapour, TaĂŻwan et Hongkong, tout le monde a sousÂestimĂ© lâamÂpleur et la vitesse avec lesquelles levirus pouvait se rĂ©pandre. Les naÂtions asiatiques avaient conservĂ© le mauvais souvenir de lâĂ©pidĂ©mie de SRAS [syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre] en 2003 et Ă©taient plussensibilisĂ©es. Ils ont rĂ©agi en conÂsĂ©quence. Les pays qui ont immĂ©Âdiatement mis en place des dispoÂsitifs de dĂ©pistage ont eu le moins de dĂ©cĂšs. LâAllemagne a montrĂ© le chemin. DĂšs fin janvier, elle dispoÂsait dâun test diagnostique et nâa pas attendu dâavoir beaucoup de cas pour lâutiliser Ă grande Ă©chelle. Le RoyaumeÂUni a rĂ©agi tardivement et a commencĂ© Ă parÂler de mise en quarantaine pour les voyageurs quand le nombre de cas Ă©tait en diminution. CâĂ©tait trop et trop tard. En France comme outreÂManche, les stocks de masques constituĂ©s aprĂšs la pandĂ©mie grippale [A(H1N1)] de 2009Â2010 ont disparu des budÂgets. Et il y a eu un sousÂinvestisseÂment dans la santĂ© publique.
Vous Ă©voquiez le reflux de la pandĂ©mie. PourrionsÂnous en ĂȘtre bientĂŽt dĂ©barrassĂ©s ?
Nous ne sommes quâau dĂ©butde lâĂ©pidĂ©mie. Il nây a aucune raiÂson quâaprĂšs avoir atteint cetteampleur, elle disparaisse spontaÂnĂ©ment. Nous nâavons pas encoreune immunitĂ© de groupe, mĂȘme en SuĂšde, oĂč la stratĂ©gie misant lĂ Âdessus a Ă©chouĂ©. Ce nâest que dans un an ou deux ans que nous pourrons faire le bilan de la riÂposte la plus efficace.
La situation dans le monde, mais aussi Ă lâintĂ©rieur des
frontiĂšres nationales est hĂ©tĂ©rogĂšneâŠ
Cette pandĂ©mie est un ensemÂble de nombreuses Ă©pidĂ©mies loÂcales. Toutes les rĂ©gions dâun paysne sont pas touchĂ©es uniformĂ©Âment. Lâaction doit donc ĂȘtre loÂcale ou rĂ©gionale. La majoritĂ© des pays relĂąchent les mesures de disÂtanciation physique. Des flamÂbĂ©es Ă©pidĂ©miques sont probaÂbles, mais pas de grande ampleur dans lâimmĂ©diat. Nous ne devons pas adopter une approche « bullÂdozer » et fermer tous les pays, mais cela suppose un niveau dâinÂformation en temps rĂ©el, trĂšs prĂ©Âcis et trĂšs local, sur lâĂ©pidĂ©mie.
Donc, cela implique de vivre avec le CovidÂ19âŠ
Oui, nous devons vivre avec leCovidÂ19, comme nous vivons avec le VIH. Nous devons admettreque lâĂ©radication de ce virus nâest pas rĂ©alisable actuellement. La seule maladie infectieuse qui ait Ă©tĂ© Ă©radiquĂ©e est la variole, et nousnâen sommes pas trĂšs loin avec la polio. Mais câest tout. Si nous ne
contrĂŽlons pas le CovidÂ19, le sysÂtĂšme de santĂ© ne peut fonctionnernormalement. Il nous faut donc une approche de rĂ©duction des risÂques en minimisant lâimpact de cette maladie et en rĂ©flĂ©chissant Ă ce que nos sociĂ©tĂ©s sont prĂȘtes Ă accepter pour cela.
Il nâest pas possible de revenir aumĂȘme confinement, pas tous les deux mois⊠Il a des effets seconÂdaires Ă©normes et des rĂ©percusÂsions sur les autres pathologies : une surmortalitĂ© par infarctus du myocarde, AVC, cancer, faute dâacÂcĂšs aux soins essentiels ; il y a unfort retentissement sur la santĂ©
mentale. Sans parler des problĂšÂmes Ă©conomiques. Vivre avec le CovidÂ19, cela signifie trouver des compromis entre la protection de la population et ne pas aggraver les problĂšmes. Il est nĂ©cessaire de modifier les comportements Ă grande Ă©chelle sur le port du masÂque, le lavage des mains et la disÂtanciation physique. Dans beauÂcoup de pays, lâĂ©pidĂ©mie a surtouttouchĂ© les maisons de retraite, les hĂŽpitaux, les foyers des traÂvailleurs du secteur de la santĂ© et les prisons. Nous devons concenÂtrer nos efforts sur ces lieux.
Comment le continent africain vaÂtÂil faire face Ă la pandĂ©mie ?
Les Ă©pidĂ©mies voyagent. Il nây apas de raison que celleÂci Ă©vitelâAfrique. Le CovidÂ19 sâest pas mal implantĂ©, notamment enAfrique du Sud, dans la rĂ©gion duCap, mais ce nâest pas aussi specÂtaculaire quâen Europe ou dansles AmĂ©riques. EstÂce une simplequestion de temps ? Le faitdâavoir une population plusjeune, en moyenne, que celle du
Vieux Continent pourrait jouer.Des facteurs climatiques pourÂraientÂils attĂ©nuer le risque ?Nous lâignorons. Reste que lesmesures de distanciation physiÂque ne sont pas applicables dansles grands townships, commeKhayelitsha, en Afrique du Sud, Kibera, au Kenya, ou dans lesgrandes villes africaines surpeuÂplĂ©es. Câest le mĂȘme problĂšme enInde. A Bombay, les cas exploÂsent, certains hĂŽpitaux placentdeux malades par litâŠ
Que vous inspire la mobilisaÂtion internationale pour mettre au point un vaccin ?
Ce qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© accompli encinq mois est impressionnant. Des laboratoires universitaires ou commerciaux ont commencĂ© Ă travailler dĂšs janvier. Lors du Forum de Davos [21 au 24 janvier],la Coalition pour les innovations en matiĂšre de prĂ©paration aux Ă©piÂdĂ©mies a accordĂ© des finanÂcements Ă quatre projets de reÂcherche sur les vaccins. Il existe plus dâune centaine dâinitatives.
Les PaysÂBas abattent des visons contaminĂ©s par le SARSÂCoVÂ2Les autoritĂ©s, qui suspectent que deux personnes ont Ă©tĂ© infectĂ©es par les mustĂ©lidĂ©s, espĂšrent prĂ©venir un rebond Ă©pidĂ©mique
L es autorités sanitairesnéerlandaises procÚdent,depuis le 5 juin et pour une
dizaine de jours, Ă lâabattage de plusieurs milliers de visons, dont une partie a Ă©tĂ© infectĂ©e par le SARSÂCoVÂ2. Une dĂ©cision priseen dĂ©pit des protestations des associations de protection aniÂmale, qui appelaient Ă isoler stricÂtement les animaux malades pluÂtĂŽt que de tuer toutes les bĂȘtes, et qui provoque la perte dâune saiÂson de travail dans ces Ă©levages. Tandis que lâĂ©pidĂ©mie de CovidÂ19dĂ©croĂźt aux PaysÂBas, la prĂ©sence persistante du virus parmi cesanimaux faisait craindre unrebond possible dans la populaÂtion, les autoritĂ©s estimant que deux personnes ont pu ĂȘtre conÂtaminĂ©es par des mustĂ©lidĂ©s.
Courant mai, des vĂ©tĂ©rinaires etĂ©leveurs observent des pneumoÂnies suspectes et une mortalitĂ© accrue dans certains Ă©levages siÂtuĂ©s dans le sudÂest des PaysÂBas, une des zones les plus touchĂ©espar le CovidÂ19. Le 19 mai, la prĂ©Âsence du virus est confirmĂ©e dans trois Ă©levages et des mesuÂres sanitaires y sont dĂ©crĂ©tĂ©es. Le 28 mai, aprĂšs la dĂ©couverte dâune quatriĂšme ferme infectĂ©e, elles sont Ă©tendues Ă toutes les visonÂniĂšres nĂ©erlandaises : plus aucun transport dâanimaux nâest autoÂrisĂ© et un dĂ©pistage obligatoire est lancĂ©. Mais entreÂtemps, le viÂrus a pu circuler plusieurs semaiÂnes dans ces milieux confinĂ©s Ă forte densitĂ©. Au 10 juin, treizeĂ©levages Ă©taient concernĂ©s, selon le ministĂšre de lâagriculture.
Aux PaysÂBas, les Ă©levages de viÂsons vivent leurs derniĂšres heuÂres. AprĂšs des annĂ©es de campaÂgne contre le secteur de la fourÂrure, le pays a dĂ©cidĂ© en 2013 dâinÂterdire toute nouvelle installationet de faire cesser lâactivitĂ© des viÂsonniĂšres existantes dâici Ă 2024. Erwin Vermeulen, de lâassociation Animal Rights, qui a tentĂ© en vainde faire annuler en justice la dĂ©ciÂsion dâabattage, dĂ©plore les condiÂtions dans ces Ă©levages. « Les viÂsons vivent dans des cages grillaÂgĂ©es, les uns sur les autres, alors quece sont des animaux solitaires. » Avec la fin programmĂ©e de cette activitĂ©, plus aucun investisseÂment nâa Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© ces derniĂšres annĂ©es dans les installations. Le virus est apparu au printemps auxPaysÂBas, au moment oĂč les viÂ
sons mettent bas et les fermes se densifient. « LâĂ©levage de visons est saisonnier, poursuit Erwin VerÂmeulen. En marsÂavril, on compÂtait 800 000 femelles gestantes. Ce sont dĂ©sormais 4 Ă 5 millions dâaniÂmaux qui vivent dans les Ă©levages. »
Protection immunitaire fragileSelon les comptes rendus des traÂvaux du comitĂ© de gestion des zoonoses, les experts estiment que les petits ont reçu des antiÂcorps Ă la naissance, mais craiÂgnent que cette protection immuÂnitaire dĂ©croisse au fil des semaiÂnes. La dĂ©couverte de transmisÂsions suspectes Ă lâhomme a fini de convaincre les autoritĂ©s dâorÂdonner lâabattage sur toutes les fermes contaminĂ©es. Sans pouÂvoir lâaffirmer avec certitude, les
experts du comitĂ© de gestion des zoonoses estiment « probable », auvu de lâanalyse du sĂ©quençage gĂ©ÂnĂ©tique du virus, que les visons aient infectĂ© au moins deux perÂsonnes. Cette contamination aniÂmalÂhomme serait la premiĂšre ainsi observĂ©e dans le monde, seÂlon lâOrganisation mondiale de la santĂ© â la question de lâorigine aniÂmale du SARSÂCoVÂ2 restant, elle, toujours ouverte. « A lâorigine, on pense que le virus Ă©tait diffĂ©rent dans le rĂ©servoir animal, relĂšve SoÂphie Le Poder, professeure de viroÂlogie Ă lâEcole nationale vĂ©tĂ©riÂnaire dâAlfort. LĂ , on parle du mĂȘme virus, passant de lâhomme au vison puis du vison Ă lâhomme, sans savoir comment prĂ©cisĂ©Âment. » Pour mieux comprendre les chaĂźnes de transmission, des
analyses sont en cours auprĂšs de la population environnante des visonniĂšres pour retracer lâarbre gĂ©nĂ©alogique du virus.
A lâĂ©chelle mondiale de la pandĂ©Âmie, ces visons contaminĂ©s resÂtent une exception. « On ne voit pas dâĂ©pizootie animale de SARSÂCoVÂ2, mais des cas sporadiques marginaux par rapport Ă la contaÂmination humaine », assure SoÂphie Le Poder. Pour elle, les Ă©levaÂges de visons ont agi Ă lâinstar dâautres milieux clos infectĂ©s, tels les bateaux de croisiĂšre. Cet Ă©piÂsode vaÂtÂil accĂ©lĂ©rer la reconverÂsion des Ă©levages de visons ? Les associations de protection aniÂmale lâespĂšrent ; les Ă©leveurs, eux, nâexcluent pas de redĂ©marrer lâacÂtivitĂ© dans quelques mois.
mathilde gérard
Le conseiller de la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne pour la recherche sur le CovidÂ19, Ă Londres, le 8 mai. HEIDI LARSON
Une dizaine dâentre elles, peutÂĂȘtre, aboutiront.
QuâattendÂon dâun vaccin contre le CovidÂ19 ?
Son cahier des charges comÂprend quatre conditions. Le vacÂcin doit dĂ©montrer quâil protĂšge contre lâinfection ou, au moins, atÂtĂ©nue les effets de la maladie et rĂ©Âduit le nombre des dĂ©cĂšs. Cela imÂplique des essais cliniques dansune population oĂč lâincidence duCovidÂ19 soit suffisante. Elle dimiÂnue en Europe. PeutÂĂȘtre au BrĂ©Âsil⊠Le vaccin doit aussi ne pas avoir dâeffets secondaires. Avec une administration Ă trĂšs grande Ă©chelle, des effets indĂ©sirables rares toucheraient un nombre imÂportant de personnes. Une fois ces deux premiĂšres conditionsremplies, il ne faut pas espĂ©rer une autorisation de mise sur le marchĂ© avant 2021.
TroisiĂšme condition, des milÂliards de doses dâun vaccin contre le CovidÂ19 devront ĂȘtre produiÂtes. Une capacitĂ© de production qui nâexiste pas Ă lâheure actuelle. Il faut investir pour acquĂ©rir et construire des unitĂ©s de producÂtion rĂ©pondant aux normes, avant de savoir si le candidat vacÂcin va marcher. Enfin, il faut tout faire pour que tous ceux qui ontbesoin du vaccin y aient accĂšs. La collaboration internationale ACT souligne la nĂ©cessitĂ© dâun accĂšs Ă©quitable. Câest trĂšs important au moment oĂč lâon voit apparaĂźtre un nationalisme vaccinal. DonaldTrump affirme que les vaccins produits aux EtatsÂUnis seront rĂ©ÂservĂ©s aux EtatsÂUnis. Il fautĂ tout prix Ă©viter cela. NĂ©anÂmoins, il faudra faire des choixsur les prioritĂ©s. Cela donnera lieuĂ des dĂ©bats trĂšs durs tant quâil y aura une pĂ©nurie de vaccins.
Vous avez Ă©tĂ© atteint du CovidÂ19. Comment avezÂvous vĂ©cu votre maladie ?
Câest une sale maladie, avec desaspects chroniques chez beauÂcoup de ceux qui lâont eue. IroniÂquement, jâai passĂ© la plus grande partie de ma vie dâadulte Ă comÂbattre les virus, Ă leur mener la viedure. LĂ , un virus a pris sa revanÂche sur moi ! Câest quand mĂȘmediffĂ©rent quand on en fait lâexpĂ©Ârience personnelle : je deviens â pour reprendre une expression nĂ©erlandaise â un « expert dâexÂpĂ©rience ». Comme cela est deÂvenu habituel dans la lutte contrele sida, il faut impliquer les perÂsonnes touchĂ©es dans la rĂ©ponseĂ cette maladie.
propos recueillis par paul benkimoun
« Il nâest pas possible
de revenir au mĂȘme
confinement, pas tous
les deux mois »
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 planĂšte | 7
CovidÂ19 : des avocats en quĂȘte de victimesCertains auxiliaires de justice opportunistes nâhĂ©sitent pas Ă dĂ©marcher des malades
ENQUĂTE
A mesure que lâĂ©pidĂ©miede CovidÂ19, qui a causĂ©plus de 29 000 dĂ©cĂšs enFrance, semble sâĂ©teinÂ
dre, des familles endeuillĂ©es ou des citoyens ulcĂ©rĂ©s par la gestion gouvernementale de cette crise sanitaire demandent des compÂtes. « La judiciarisation est en place,sur le mode amĂ©ricain, notait Roselyne Bachelot, ancienne miÂnistre de la santĂ© aujourdâhui chroniqueuse sur TF1, le 28 mai, ausujet de la dimension judiciaire que prend la pandĂ©mie. Il y a des cabinets dâavocats qui se sont fait une spĂ©cialitĂ© dâaller contacter les malades ».
Dans leur quĂȘte de rĂ©ponses etde vĂ©ritĂ©, les justiciables ne sont en effet pas seuls. Pris dâune soudaine passion pour la santĂ© publique, nombre dâavocats sesont lancĂ©s dans la recherche de victimes pour ĂȘtre parmi les preÂmiers Ă dĂ©poser des plaintes en tout genre. Souvent rĂ©digĂ©es Ă la hĂąte, cellesÂci ne reflĂštent pas forcĂ©ment les prĂ©occupations desvictimes et risquent de crĂ©er delourdes dĂ©ceptions.
Olivia Mokiejewski, dont lagrandÂmĂšre est morte du CoÂvidÂ19 Ă lâhĂŽpital aprĂšs avoir Ă©tĂ©contaminĂ©e dans un EtablisseÂment dâhĂ©bergement pour perÂsonnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes (EhÂpad) francilien, a fait lâexpĂ©rience de lâempressement dâune poiÂgnĂ©e de ces auxiliaires de justice. « DĂ©but avril, sur Facebook, jâaivoulu alerter mes confrĂšres sur lapropagation de lâĂ©pidĂ©mie et le dĂ©Âfaut dâinformation dramatique dans les maisons de retraite, a exÂpliquĂ© au Monde cette journaliste de 43 ans. RĂ©sultat, jâai Ă©tĂ© littĂ©raleÂment draguĂ©e par une demiÂdouÂzaine dâavocats insistant pour me rencontrer, me reprĂ©senter. »
Sites sans contenu rĂ©elDâinstinct, elle a rĂ©sistĂ©. Elle sâest alliĂ©e Ă Arnaud Noyer, rencontrĂ© Ă travers une amie commune et dont la grandÂmĂšre a aussi sucÂcombĂ© du CovidÂ19 dans un EhÂpad des AlpesÂMaritimes. Tousdeux ont fondĂ©, le 5 mai, lâassociaÂtion Collectif 9471, en rĂ©fĂ©renceau nombre de morts recensĂ©s dans les Ehpad Ă cette date. Et, pour dĂ©poser plainte, ils ont reÂcrutĂ© un conseil soigneusement choisi pour « son approche humaine, sa dĂ©ontologie et ses tarifs raisonnables ».
Certains avocats sont passĂ©s Ă des mĂ©thodes plus systĂ©matiÂques en crĂ©ant des sites Internet spĂ©cifiques sâaffichant comme « associations de victimes ». Des sites au look attrayant, mais dĂ©Âpourvus de contenu rĂ©el, Ă lâopÂposĂ© de ce que proposent habiÂtuellement les associations devictimes. Pas de liste de revendiÂcations, de communiquĂ©s depresse ou dâinterpellation des pouvoirs publics⊠Tout juste ydemandeÂtÂon de rĂ©pondre Ă un« sondage » ou de laisser un bref« tĂ©moignage ». « Ce type deprocĂ©dĂ© est un filet pour rĂ©colterles adresses mail et lâidentitĂ© dâadÂhĂ©rents susceptibles de devenir defuturs clients », dĂ©crypte unavocat habituĂ© des dossiersjudiciaires de santĂ© publique quia requis lâanonymat.
Avant mĂȘme de dĂ©poser en prĂ©Âfecture les statuts de lâAssociation française des victimes, malades etimpactĂ©s du coronavirusÂCoÂvidÂ19 (Corona Victimes), qui le dĂ©signent comme « dirigeant no 1 », Me JeanÂBaptiste Soufron, avocat spĂ©cialisĂ© dans le droit des startÂup, a ainsi crĂ©Ă© un site. « Monter des associations loi de 1901 et des sites Internet, je sais faire, jâen ai montĂ© 200 », a expliÂquĂ© au Monde le quadragĂ©naire, qui fut membre de lâĂ©quipe de campagne de François Hollande, conseiller de la ministre chargĂ©e de lâĂ©conomie numĂ©rique Fleur Pellerin, puis secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Conseil national du numĂ©riÂque, aprĂšs avoir Ă©tĂ© journaliste et entrepreneur. Me Soufron se dit sensible Ă la cause des victimes duCovidÂ19 car sa mĂšre a Ă©tĂ© touchĂ©epar une forme lĂ©gĂšre du virus.
Le rĂ©fĂ©rencement du site enpremiĂšre page sur les moteurs de recherche est essentiel pour ralÂlier des victimes. « Ce serait bien sivous pouvez mentionner [son] nom, câest par lĂ quâon communiÂque⊠», nâoublie dâailleurs pas desuggĂ©rer cet expert du numĂ©riÂque. Sur le site de Corona Victimes ne figure aucune information concernant lâidenÂtitĂ© des autres membres fondaÂteurs de lâassociation.
EbranlĂ© par la mort de sa mĂšredans un Ehpad francilien, le1er avril, aprĂšs que cette derniĂšre sâĂ©tait vue refuser un transport Ă lâhĂŽpital par le SAMU, Gilles, 62 ans â qui prĂ©fĂšre conserver lâanonymat â, sâest briĂšvementfait prendre dans ce « filet », alorsquâil cherchait Ă rejoindre Coronavictimes (en un seul mot).Moins bien classĂ©e dans les moÂteurs de recherche, cette derniĂšreassociation sâĂ©tait fait connaĂźtrepar une requĂȘte, dĂ©posĂ©e le2 avril devant le Conseil dâEtat,contre lâinĂ©galitĂ© dâaccĂšs auxsoins hospitaliers.
Gilles, qui a, depuis, rejointCoronavictimes, explique avoir « contactĂ© par mail, le 8 avril » lâasÂsociation de Me Soufron, puislâavoir relancĂ©e par deux fois les jours suivants. Un mois et demi plus tard, il a finalement reçu unenewsletter lui proposant de sâasÂsocier Ă une plainte contre le diÂrecteur gĂ©nĂ©ral de la santĂ©, JĂ©ÂrĂŽme Salomon, et de lancer un reÂcours⊠pour faire annuler les Ă©lections municipales. MaisGilles sây refuse. « Lâunion fait, cerÂtes, la force, mais il nâest pas quesÂtion pour moi de mâengager dans des procĂ©dures tous azimuts que jenâai pas choisies », confieÂtÂil.
Dâautres avocats ont montĂ© desassociations dont les objectifssont en Ă©troite relation avec les compĂ©tences de leur cabinet.
CovidÂGrand Est, lâAssociationGrandÂEst des victimes du CoÂvidÂ19, par exemple, qui se dĂ©finitcomme une « association de droit local » mais dont rien sur son site nâindique quâelle a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par les cabinets de Me Xavier Iochum et Me Laurent PatĂ©. « En ce moÂment, les gens ont un besoin de droit (âŠ), relĂšve Me Iochum. Alors, on les informe, on leur explique comment bien remplir des reconÂnaissances en accident du travailou en maladie professionnelle. »
Me Christophe LĂšguevaques,installĂ© Ă Paris et qui dispose dâunassociĂ© Ă Toulouse, se dĂ©finit, lui, comme un « activateur de jusÂtice ». De longue date, il proposedu « fast droit » sous forme de procĂ©dures « standardisĂ©es » sur sa plateÂforme MySMARTcab. Il contourne ainsi lâinterdictionfaite aux avocats dâĂȘtre Ă lâinitiaÂtive des « actions de groupe »crĂ©Ă©es par la loi de 2014 relative Ă la consommation.
A travers « Nâoublions rien »,son site consacrĂ© au CovidÂ19, lâavocat invite Ă rĂ©pondre Ă un sondage en laissant obligatoireÂment son adresse courriel. Et il propose quatre « actions collectiÂves » clĂ© en main en faveur de lâutilisation de « lâhydroxychloroÂquine et de lâazithromycine etdâautres bithĂ©rapies prometteuses contre le CovidÂ19 », qui subissent, selon lui, « un blocage ».
« DĂ©tournement de la justice »Ces diverses initiatives sontÂellesbien conformes au code de dĂ©ontologie des avocats ? InterÂrogĂ©e, la commission des rĂšgles et usages de la profession dâavoÂcat au Conseil national des barÂreaux ne dĂ©cĂšle, « en façade, riende rĂ©prĂ©hensible » sur ces sites, mĂȘme si elle considĂšre quâil faudra « surveiller » le contenu des eÂmails adressĂ©s auxadhĂ©rents pour sâassurer du « resÂpect du code de dĂ©ontologie ». Mais qui sâen chargera ?
De son cabinet grenoblois,Me HervĂ© Gerbi, spĂ©cialisĂ© dans lâindemnisation des dommages corporels, observe cette hyperÂactivitĂ© dâune partie de ses pairs avec circonspection. « Chaquejusticiable a une histoire Ă part, souligneÂtÂil. Il sâagit de sonprocĂšs, dans lequel lâavocat est lĂ pour lâaccompagner. » Pour lui, le dĂ©marchage des victimes Ă grande Ă©chelle est « un manqueÂment Ă lâobligation de dĂ©licatesse et dâindĂ©pendance qui interdit Ă lâavocat de prendre en compte son intĂ©rĂȘt personnel ».
Un point de vue partagĂ© pardâautres dĂ©fenseurs de victimes. Un pĂ©naliste intervenant dansdes dossiers sanitaires dâamÂpleur, qui a requis lâanonymat, explique : « On est en train de crĂ©er des clients quâon agrĂšgepour inventer des causes. CâestdĂ©ontologiquement hors desclous et moralement inacceptaÂble, dâautant que ces plaintes, souÂvent rĂ©digĂ©es Ă lâemporteÂpiĂšce,sont dâune qualitĂ© mĂ©diocre. »
Michel Ledoux, avocat des victiÂmes de lâamiante depuis vingtÂcinq ans, juge, lui aussi, ces mĂ©Âthodes « extrĂȘmement douteuÂses ». « Les avocats sont au service de lâassociation pour lui apporter les Ă©clairages juridiques indispenÂsables, pas lâinverse », ditÂil. Il sâinÂquiĂšte du dĂ©calage entre les proÂmesses faites aux victimes « sur lethĂšme, vous allez voir ce que vous allez voir » et les plaintes dĂ©poÂsĂ©es prĂ©cipitamment par des confrĂšres totalement dĂ©pourvus dâexpĂ©rience dans ce type dâafÂfaire. « Le rĂŽle dâun avocat est deconseiller, pas de jeter ses clients contre un mur », insisteÂtÂil.
Les associations qui accompaÂgnent de longue date les victiÂmes mettent Ă©galement en gardeles familles en situation de vulnĂ©rabilitĂ© contre le dĂ©marÂchage par les avocats. Ellesrecommandent notamment de
prendre son temps avant designer une convention dâhonoÂraires et de consulter plusieursconseils ayant dĂ©jĂ fait preuve deleur compĂ©tence sur le sujet avant de choisir.
Selon Françoise Rudetzki, griĂšÂvement blessĂ©e dans lâattentat durestaurant parisien Le Grand VĂ©four en 1983 et fondatriceen 1986 de lâassociation dâaideaux victimes SOS Attentats visantaussi Ă agir auprĂšs des autoritĂ©s politiques françaises, « le rĂŽle des associations est dâĂ©couter, dâinforÂmer et de guider les adhĂ©rents afinquâils deviennent acteurs de leur propre parcours, pas dâen faire des victimes passives en les entraĂźnantdans des procĂ©dures judiciairesdont la conduite leur Ă©chappe ».
Michel Parigot, prĂ©sident deCoronavictimes et engagĂ© danslâaide aux victimes de lâamiantedepuis le dĂ©but des annĂ©es 1990,pose la question directement :« Pourquoi se prĂ©senter comme association de victimes quand onest un cabinet dâavocats, sinonpour tromper ? » Pour lui, cette
« dĂ©rive » est imputable Ă la rĂ©Âcente ouverture de la professiondâavocat « Ă la publicitĂ© et au dĂ©marchage ». Et il estime « urÂgent que le lĂ©gislateur interviennepour la stopper ». « Les avocatsont un monopole de la reprĂ©senÂtation des victimes devant les triÂbunaux, mais il ne leur donne pasle droit dâagir par et pour euxÂmĂȘÂmes, rappelleÂtÂil. Câest un dĂ©tourÂnement de la justice Ă des fins commerciales, qui instrumentaÂlise les victimes et, au final, dĂ©staÂbilise lâĂ©tat de droit. »
A la lumiĂšre de son expĂ©rience,M. Parigot attire lâattention sur les « consĂ©quences dommageaÂbles » de la mainmise que tentent dâexercer certains avocats. « En reÂgroupant les victimes sous lâangle extrĂȘmement rĂ©ducteur de lâacÂtion judiciaire, ils empĂȘchent la crĂ©ation de vĂ©ritables associationsde victimes, capables dâagir en maÂtiĂšre de prĂ©vention et de peser surles choix de sociĂ©tĂ©. Des associaÂtions ayant une rĂ©elle influence sur la politique menĂ©e â commecelles des victimes de lâamiante Ă la fin des annĂ©es 1990 â ne pourÂraient plus Ă©merger dans ce nouÂveau contexte. »
A lâĂ©poque, ces associations ontpu obtenir lâinterdiction de lâusagede lâamiante et la crĂ©ation dâun fonds dâindemnisation des victiÂmes de ce matĂ©riau cancĂ©rogĂšne, influer sur la rĂ©glementation de protection des personnes qui y Ă©taient encore exposĂ©es, et aussi participer Ă la gouvernance des agences de sĂ©curitĂ© sanitaire.
patricia jolly
« Jâai Ă©tĂ© littĂ©ralement
draguée par unedemi-douzaine
dâavocats insistant pour
me rencontrer »OLIVIA MOKIEJEWSKI
petite-fille dâune victimecontaminĂ©e dans un Ehpad
« Câest moralementinacceptable,
dâautant que ces plaintes sont
souvent rĂ©digĂ©es Ă lâemporte-piĂšce »,
commente un pénaliste
Un fonds dâindemnisation proposĂ©Les dĂ©putĂ©s du groupe socialiste de lâAssemblĂ©e nationale ont dĂ©posĂ©, mercredi 10 juin, une proposition de loi visant Ă crĂ©er un fonds dâindemnisation pour les victimes du Covid-19, qui serait financĂ© grĂące Ă une contribution de lâEtat et de la branche acci-dent du travail de la SĂ©curitĂ© sociale. Plus ambitieux que la re-connaissance automatique en maladie professionnelle promise, fin mars, par le gouvernement, aux seuls personnels soignants et du ministĂšre de lâintĂ©rieur en cas de contamination, ce texte â portĂ© par Christian Hutin et RĂ©gis Juanico, apparentĂ©s socialis-tes â garantirait la rĂ©paration intĂ©grale de leurs prĂ©judices Ă tou-tes « les personnes connaissant des sĂ©quelles temporaires ou dĂ©fi-nitives du fait de leur infection » ainsi quâaux « ayants droit des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es » du Covid-19.
PESTICIDESUn projet de collĂšge proche de vignes abandonnĂ©Un collĂšge de Gironde, dont le projet de reconstruction prĂšs dâun vignoble avait susÂcitĂ© lâopposition de riverains et de parents dâĂ©lĂšves en raiÂson de craintes liĂ©es aux traiÂtements par les pesticides, sera finalement rebĂąti ou agrandi ailleurs, a annoncĂ© mercredi 10 juin le conseil dĂ©Âpartemental. Lâemplacement prĂ©vu pour accueillir ce colÂlĂšge de Parempuyre jouxtait des vignobles du chĂąteau ClĂ©mentÂPichon, et devait accueillir 900 Ă©lĂšves. â (AFP.)
SĂRETĂ NUCLĂAIREEDF mis en demeure sur la centrale de GravelinesLâAutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN) a mis en demeure EDF de rĂ©aliser des travaux dâici Ă la fin octobre sur sa centralede Gravelines (Nord) afin de pouvoir faire face Ă une Ă©ventuelle explosion au terÂminal gazier de Dunkerque, voisin de la centrale, a anÂnoncĂ© lâASN mercredi 10 juin. Un accident de ce type pourÂrait entraĂźner une perte des moyens de refroidissement du combustible.
FAUNEUn ours mĂąle abattu dans les PyrĂ©nĂ©esLâours brun retrouvĂ© mort mardi 9 juin dans les PyrĂ©ÂnĂ©es portait des traces de tir par balle, a annoncĂ© le procuÂreur de Foix mercredi. Une enquĂȘte a Ă©tĂ© ouverte pour « destruction non autorisĂ©e dâune espĂšce protĂ©gĂ©e », une infraction passible de trois ans de prison et 150 000 euros dâamende. â (AFP.)
PARIS 3e âą PARIS 7e âą PARIS 12e âą PARIS 14e âą PARIS 17e âą ATHIS-MONS âą DOMUS C. CIAL âą COIGNIĂRES âą HERBLAY/MONTIGNY-LĂS-C.(1)
ORGEVAL âą SAINTE-GENEVIĂVE-DES-BOIS âą SAINT-MAXIMIN âą SURESNES âą VAL DâEUROPE C. CIAL /SERRIS âą VERSAILLES.
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8 | FRANCE VENDREDI 12 JUIN 20200123
Macron prĂ©pare lâaprĂšs sans changer de capLe prĂ©sident de la RĂ©publique doitsâexprimer dimanche 14 juin pour accĂ©lĂ©rer le dĂ©confinement
E mmanuel Macron a dĂ©ÂcidĂ© de passer Ă la vitessesupĂ©rieure. Trois moispresque jour pour jour
aprĂšs avoir dĂ©cidĂ© de confiner lepays pour lutter contre lâĂ©pidĂ©Âmie due au coronavirus, le prĂ©siÂdent de la RĂ©publique sâadressera de nouveau aux Français, dimanÂche 14 juin Ă 20 heures. Une quaÂtriĂšme allocution depuis lâElysĂ©edestinĂ©e non plus cette fois Ă moÂbiliser pour la « guerre » contre leCovidÂ19 mais Ă accĂ©lĂ©rer le dĂ©Âconfinement, alors que les miÂlieux Ă©conomiques piaffent et que lâĂ©pidĂ©mie est « contrĂŽlĂ©e », comme lâa rappelĂ© le conseil scientifique mercredi 10 juin.
Le prĂ©sident de la RĂ©publiqueconsidĂšre en effet que lâurgence Ă©conomique et sociale a dĂ©sorÂmais pris le pas sur lâurgence saniÂtaire. Lâimpatience perceptible deÂpuis quelques jours chez les FranÂçais lâest aussi Ă lâElysĂ©e, oĂč lâon sâirrite du « dĂ©faitisme » manifestĂ©par certains intellectuels et de lâefÂfet ouate crĂ©e par le confinement.
Pour repartir de lâavant, EmmaÂnuel Macron veut, au plus vite,donner du sens Ă la « nouvelle Ă©tape de la vie du pays » qui vasâouvrir Ă la rentrĂ©e de septembre et durer jusquâĂ la fin du quinÂquennat. Dâautant que la campaÂgne du second tour des Ă©lections municipales sâouvre lundi 15 juin.
Une « nouvelle Ă©tape »« Lors de son allocution, le prĂ©siÂdent va expliquer ce quâil sâest passĂ©,saluer lâengagement des Français, revenir aussi sur les manqueÂments », Ă©numĂšre un conseiller. Un prĂ©alable nĂ©cessaire avant de passer Ă cette fameuse « nouvelle Ă©tape », dont il devrait tracer les grandes lignes avant dâen dĂ©tailler le contenu entre le second tour des municipales et le 14ÂJuillet.
Emmanuel Macron, qui souÂhaite impulser une relance « Ă©coÂlogique et sociale », doit, dâici lĂ , reÂcevoir les reprĂ©sentants de la conÂvention citoyenne sur le climat et dĂ©cider de la forme quâil donnera Ă leurs propositions â lâhypothĂšsedâun rĂ©fĂ©rendum reste envisagĂ©e. Le prĂ©sident doit aussi prendre connaissance des contributions quâil a demandĂ©es aux prĂ©sidents de lâAssemblĂ©e nationale, du SĂ©nat et du Conseil Ă©conomique, social et environnemental.
En attendant, Emmanuel MaÂcron nâentend pas se laisser emÂporter trop loin de son port dâatÂtache. En parlant de « nouvelle Ă©tape », les hommes du prĂ©sident rĂ©cusent de fait tout changement de cap. Aux yeux du chef de lâEtat,la politique Ă©conomique engagĂ©e au dĂ©but du quinquennat Ă©tait la bonne car elle avait permis, avant le confinement, de rĂ©tablir lâatÂ
tractivitĂ© et de faire substantielleÂment baisser le chĂŽmage. Hors dequestion, donc, de revenir sur les baisses dâimpĂŽts engagĂ©es depuisle dĂ©but du mandat ou de crĂ©erune imposition sur les riches, comme le rĂ©clame la gauche.
Le chef de lâEtat ne veut pas nonplus dâun Grenelle des salaires quiaboutirait, selon lui, Ă renforcer lâavantage de ceux qui ont un emÂploi au dĂ©triment de ceux qui vont le perdre et de ceux qui nâen ont pas. Dans le secteur privĂ©, il prĂ©fĂšre jouer sur lâintĂ©ressement et la participation, au risque de crĂ©er des frustrations dans les enÂtreprises qui nâauront pas immĂ©Âdiatement les moyens de la verÂser. Dans ses Ă©changes avec ses proches, lâintĂ©gration des « outsiÂders » revient comme un leitmoÂtiv, de mĂȘme que la lutte contre les corporatismes, deux points qui ne sont pas sans rappeler sa campagne prĂ©sidentielle de 2017.
Signe de cette rĂ©solution, le prĂ©Âsident de la RĂ©publique a fait saÂvoir quâil nâentendait pas non plusabandonner lâidĂ©e de la retraite
par points, qui a pourtant suscitĂ© une trĂšs forte crispation socialeces derniers mois. A ses proches, ilfait valoir quâelle serait particuliĂšÂrement avantageuse pour les « premiers de corvĂ©e », les caissiĂšÂres, les livreurs, les Ă©boueurs, tousceux qui ont tenu le pays pendantla crise. Il estime quâelle a encore une chance dâĂȘtre comprise, pourvu que du temps soit laissĂ© aux partenaires sociaux et que ses dispositions les plus clivantes,comme lâĂąge pivot, soient remisessur la table de nĂ©gociation.
On lâaura compris, câest essenÂtiellement sur la mĂ©thode quâEmÂ
manuel Macron devrait prometÂtre du changement. AccusĂ© de concentrer les pouvoirs, il se diten petit comitĂ© prĂȘt Ă partager laresponsabilitĂ© avec les partenaiÂres sociaux et les Ă©lus locaux. Pourle jacobin Macron qui promet de se « rĂ©inventer », cela Ă©quivaut Ă une rĂ©volution copernicienne.Encore fautÂil que les partenaires saisissent la balle au bond. Pas faÂcile, alors que la prĂ©sidentielle de 2022, dĂ©jĂ dans toutes les tĂȘtes,aiguise les appĂ©tits et freine toute vellĂ©itĂ© de concorde nationale.
Alors que la question du chĂŽÂmage va dominer toutes les autres, lâElysĂ©e met en avant le modĂšle de « flexisĂ©curitĂ© » quâil tente, depuis quelques semaines, dâimpulser avec les partenaires sociaux Ă lâoccasion des plans de soutien aux secteurs en difficulÂtĂ©s : sauvegarde autant que possiÂble de lâemploi contre modĂ©ration salariale et dĂ©veloppement de la formation. Une politique ouverteÂment inspirĂ©e des rĂ©formes Hartz menĂ©es en Allemagne au dĂ©but des annĂ©es 2000, qui ont permis Ă
nos voisins de retrouver le pleinÂemploi aprĂšs la rĂ©unification. PreÂnant appui sur les nĂ©gociations menĂ©es par lâUnion des industrieset mĂ©tiers de la mĂ©tallurgie, le prĂ©Âsident espĂšre un accord interproÂfessionnel et des nĂ©gociations par branche et par entreprise.
Partager le fardeauAvec les collectivitĂ©s locales, EmÂmanuel Macron se dit Ă©galementprĂȘt Ă partager le fardeau. Il dit resÂsentir ce que le gĂ©nĂ©ral de Gaulle avait Ă©prouvĂ© en 1969 et que FranÂçois Mitterrand avait compris en 1981 : lâexcĂšs de tension sur le sommet conduit Ă demander toutet son contraire au prĂ©sident de la RĂ©publique, au point de fragiliser la fonction et, avec elle, la dĂ©moÂcratie. Pour dĂ©tendre lâĂ©lastique, il se dit prĂȘt Ă mieux rĂ©partir « lescharges et les pouvoirs », mais Ă condition que lâĂ©lu local soit prĂȘt Ă endosser la responsabilitĂ© pleine et entiĂšre des compĂ©tences qui luiseront dĂ©volues.
En attendant, lâElysĂ©e mise surun mouvement de dĂ©concentraÂ
tion pour remettre au niveau du dĂ©partement les compĂ©tences adÂministratives qui y ont Ă©tĂ© dĂ©truiÂtes au rythme des diffĂ©rentes rĂ©viÂsions des politiques publiques. EndĂ©gonflant les effectifs parisiens au bĂ©nĂ©fice du reste de la France, Emmanuel Macron espĂšre redoÂrer le blason dâun Etat central vĂ©cucomme lointain et tatillon.
Mais aÂtÂil les moyens, Ă cet insÂtant du mandat, de crĂ©er un large mouvement de dĂ©localisation ? Au fil de son quinquennat, le prĂ©Âsident a pu mesurer comme nomÂbre de ses prĂ©dĂ©cesseurs, combience quâil appelle « lâEtat profond » lui rĂ©sistait. La rĂ©forme de lâENA, quâil avait souhaitĂ©e aprĂšs le mouvement des « gilets jaunes », nâest toujours pas faite. Il veut la remettre en chantier, en rĂ©pĂ©tant Ă ses proches quâil est lĂ pour « seÂcouer ». Avec toujours Edouard Philippe Ă la tĂȘte du gouverneÂment ? Le prĂ©sident le rĂ©pĂšte : câestla ligne politique qui fait le choix des hommes, pas lâinverse.
françoise fressozet cédric pietralunga
LâElysĂ©e veut rĂ©pondre au malÂĂȘtre dâune partie de la jeunesseLors de sa prochaine allocution, M. Macron adressera un message aux jeunes qui se rassemblent contre le racisme et les violences policiĂšres
J usquâici silencieux sur lemouvement de protestationcontre les violences policiĂšreset le racisme, Emmanuel MaÂ
cron devrait sâexprimer sur le sujetdimanche 14 juin, lors de son alloÂcution. Lâoccasion dâapparaĂźtre en pĂšre de la nation, alors que les maÂnifestations se multiplient et que certains craignent des dĂ©bordeÂments lors du rassemblement qui doit se tenir samedi 13 juin, Ă Paris,Ă lâappel de la famille dâAdama TraorĂ©. « Le prĂ©sident va montrerquâil est le prĂ©sident de tous les Français, quâil considĂšre et protĂšge tous les enfants de la RĂ©publique », estime un proche soutien.
Au sein de lâexĂ©cutif, on necache plus la crainte de voir se
lever un vent de rĂ©volte au sein dela jeunesse. Si les EtatsÂUnis nesont pas la France, lâaffaire GeorgeFloyd sert de vecteur au malÂĂȘtre de la partie la plus jeune de la poÂpulation, estimeÂtÂon Ă lâElysĂ©e.
« On a fait vivre Ă la jeunessequelque chose de terrible Ă travers le confinement : on a interrompu leurs Ă©tudes, ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplĂŽmes et leur entrĂ©e dans lâemploi. Il est normal quâils trouvent dans la lutte contre le racisme un idĂ©al, un universalisme », rĂ©pĂšte M. MacronĂ ses interlocuteurs. Pour le chef de lâEtat, le confinement a Ă©tĂ©pĂ©nalisant avant tout pour lesjeunes, alors quâil a dâabord Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© pour protĂ©ger les plus
ĂągĂ©s, davantage exposĂ©s au coroÂnavirus. Un paradoxe qui, si lâonnây prend garde, pourrait dĂ©bouÂcher sur un « conflit de gĂ©nĂ©raÂtions », craint Emmanuel Macron.
La maxime du dentifriceLe prĂ©sident partage les analysesde ceux qui estiment que la gĂ©nĂ©Âration de Mai 68 est responsable dâun certain nombre de maux du pays mais aussi du monde, notamment en matiĂšre dâĂ©coloÂgie. « Il ne faut pas perdre la jeuÂnesse », rĂ©sumeÂtÂon au sommetde lâEtat, oĂč lâon rĂ©pĂšte Ă lâenvi la maxime du dentifrice, qui veut quâune fois les lycĂ©ens ou les Ă©tuÂdiants sortis dans la rue, il est difÂficile de les faire rentrer chez eux.
Le risque est dâautant plus grandpour la RĂ©publique que la menacesĂ©cessionniste est rĂ©elle au sein du pays, affirmeÂtÂon au sein de lâexĂ©cutif. Pour le chef de lâEtat, lâaffaire George Floyd entre en rĂ©Âsonance avec un passĂ© colonial non encore digĂ©rĂ©. « La guerre dâAlÂgĂ©rie reste un impensĂ© », aime rĂ©ÂpĂ©ter le locataire de lâElysĂ©e, qui a tentĂ© Ă plusieurs reprises de faire Ă©voluer les mentalitĂ©s sur ce sujet mais dit se heurter Ă lâabsence dâinterlocuteurs. « Il y a tout un travail Ă faire avec les historiens, mais cela prend du temps », expliÂqueÂtÂon au cabinet prĂ©sidentiel.
De la mĂȘme façon, le chef delâEtat tient des propos trĂšs durscontre une partie des Ă©lites qui
se trompe de combat en raisonÂnant sur le plan des communauÂtĂ©s. « Le monde universitaire a Ă©tĂ© coupable. Il a encouragĂ© lâethniciÂsation de la question sociale en pensant que câĂ©tait un bon filon. Or, le dĂ©bouchĂ© ne peut ĂȘtre que sĂ©Âcessionniste. Cela revient Ă casserla RĂ©publique en deux », estime enprivĂ© le chef de lâEtat, qui soulignenotamment les ambivalences desdiscours racisĂ©s ou sur lâintersecÂtionnalitĂ©. Pas question de dĂ©Âboulonner les statues au nom de la lutte contre le racisme, comme certains le rĂ©clament pour cellede Colbert Ă lâAssemblĂ©e natioÂnale. « Effacer les traces ne traitepas le traumatisme », rappelleÂtÂil. En revanche, il faut amplifier la
lutte contre les discriminations, notamment Ă lâembauche.
Quelle rĂ©ponse le chef de lâEtatpeutÂil apporter sur les violences policiĂšres ? Emmanuel Macron ditne pas craindre une « FNisation » de la police. « Ce sont des citoyens comme les autres », rĂ©pĂšteÂtÂil. Il sedit prĂȘt Ă faire Ă©voluer les techniÂques dâinterpellation, comme leministre de lâintĂ©rieur, ChristopheCastaner, a commencĂ© Ă le faire eninterdisant lâĂ©tranglement. De mĂȘme, il milite pour la multiplicaÂtion des camĂ©rasÂpiĂ©tons portĂ©es par les policiers. « Il faut aller vers davantage de transparence, on nâest pas encore allĂ©s au bout », ditÂon au sommet de lâEtat.
f. f. et c. pi.
Le président a fait savoir
quâil nâentendait pas abandonner
lâidĂ©e de la retraite par points
Edouard Philippe et Emmanuel Macron, à Paris, le 8 mai. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 france | 9
B onjour, câest AgnĂšsBuzyn⊠» En mars, Ă peinebombardĂ©e candidate Ă la
Mairie de Paris, lâexÂministre de lasantĂ© avait fait appeler au tĂ©lĂ©Âphone 500 000 Ă©lecteurs pour lesinciter Ă voter pour elle. Trois mois aprĂšs lâenvoi massif de ce message prĂ©enregistrĂ©, la tĂȘte deliste de La RĂ©publique en marche (LRM) Ă Paris sâapprĂȘte Ă renouveÂler lâexpĂ©rience avec, cette foisÂci, des SMS. Environ 250 000 messaÂges vont ĂȘtre envoyĂ©s dans les prochaines semaines, a annoncĂ©, mardi 9 juin, son Ă©quipe de camÂpagne. En parallĂšle, 250 000 courÂriers vont ĂȘtre postĂ©s.
Le parti prĂ©sidentiel a, en outre,prĂ©vu « une Ă©norme opĂ©ration dephoning », avec « 50 000 coups defil au minimum ». Ils viseront avant tout les adhĂ©rents de LRM,les Ă©lecteurs qui ont laissĂ© leurscoordonnĂ©es au fil de la campaÂgne, et les « amis dâamis ». ObjecÂtif : les inciter Ă se dĂ©placer dans les bureaux de vote le 28 juin, ou, sinon, Ă confier une procuration au parti. « Nous voulons en rĂ©cuÂ
pĂ©rer 10 000 Ă 20 000 », prĂ©ciseÂtÂon au siĂšge de la campagne. Et puisque Emmanuel Macronmultiplie les rĂ©fĂ©rences Ă Charles de Gaulle, lâopĂ©ration a Ă©tĂ© appeÂlĂ©e « lâappel du 28 juin ».
AgnĂšs Buzyn et ses colistierssavent quâils ne sont pas les favoÂris de lâĂ©lection municipale. AprĂšsavoir recueilli 17,3 % des voix le 15 mars, un score dĂ©cevant qui sâexpliquait en partie par la concurrence des listes de CĂ©dric Villani (7,9 %), lâancienne minisÂtre de la santĂ© nâest crĂ©ditĂ©e que de 20 % des intentions de votepour le second tour, selon unsondage IFOPÂFiducial pour Le Journal du dimanche et Sud RaÂdio rĂ©alisĂ© du 2 au 5 juin, le preÂmier publiĂ© depuis la sortie du confinement.
Elle se trouve ainsi largementdistancĂ©e par ses adversaires, la maire sortante socialiste AnneHidalgo (44 %) et lâexÂministresarkozyste, et maire du 7e arronÂdissement Rachida Dati (33 %).
Limiter la casseEn juin 2019, dans le mĂȘme matchĂ trois, lâIFOP accordait non pas 20 %, mais 37 % des suffrages dusecond tour au candidat de LRM, alors Benjamin Griveaux. EntreÂtemps, le mouvement prĂ©sidenÂtiel a connu une succession de catastrophes : la dissidence de CĂ©dric Villani, le renoncement de Benjamin Griveaux aprĂšs la diffuÂsion de vidĂ©os intimes Ă caractĂšresexuel, les confessions maladroiÂtes dâAgnĂšs Buzyn au Monde surle « cauchemar » de sa fin de camÂ
pagne, ses deux mois de silence,ses hĂ©sitations, enfin, Ă rester candidate⊠Compte tenu de cecontexte, « plus personne ne pensequâAgnĂšs Buzyn va ĂȘtre Ă©lue maire de Paris », affirmait, vendredi, lasecrĂ©taire dâEtat Ă lâĂ©galitĂ© entre les hommes et les femmes, MarÂlĂšne Schiappa, dans un messageinterne destinĂ© Ă ses colistiers du 14e arrondissement et rĂ©vĂ©lĂ© quelÂques heures plus tard par Le Point.
Les artisans de la campagne nebaissent pas les bras pour autant. « AgnĂšs est plus combative que jamais, trĂšs prĂ©sente sur le terÂrain », assure ainsi DĂ©borah PawÂlik, sa colistiĂšre dans le 17e arronÂdissement. Et Ă dĂ©faut de remporÂter une victoire, les macronistesentendent conserver un maxiÂmum dâĂ©lus au conseil municipal.Un pari loin dâĂȘtre gagnĂ©. Alors que le conseil de Paris compteaujourdâhui environ 50 soutiens du gouvernement sur 163 Ă©lus,leur nombre pourrait tomber autour de vingt Ă vingtÂcinq, selon diverses projections.
Pour limiter la casse, difficile desâappuyer sur AgnĂšs Buzyn,devenue lâune des personnalitĂ©s politiques les moins apprĂ©ciĂ©es des Français. Au sein mĂȘme des
sympathisants de LRM, elle reÂcueille davantage dâopinions dĂ©Âfavorables que favorables, selon ledernier baromĂštre dâIpsos pour Le Point. Les stratĂšges de la camÂpagne ont donc pris une autre opÂtion. Ils misent dĂ©sormais sur lâimage dâEmmanuel Macron et du gouvernement.
Plan dâinvestissementTous les tracts, les affiches, les professions de foi soulignerontlâappartenance des candidats Ă la « majoritĂ© prĂ©sidentielle soutenue par Emmanuel Macron ». Ce sera le message clĂ©. Des photos du chefde lâEtat et du premier ministre Edouard Philippe sont prĂ©vuessur tous les documents. Dans son tract distribuĂ© le weekÂend du 6 etdu 7 juin, Gaspard Gantzer, tĂȘte deliste dans le 6e arrondissement, sâaffiche aux cĂŽtĂ©s du chef dugouvernement et ne mentionne mĂȘme pas le nom dâAgnĂšs Buzyn.
« Le 28 juin, les Parisiens aurontle choix entre trois candidates,dont deux, Anne Hidalgo et RaÂchida Dati, critiquent systĂ©matiÂquement lâaction du prĂ©sident de la RĂ©publique et de son gouverneÂment, explique PierreÂYves BourÂnazel, lâun des porteÂparole
dâAgnĂšs Buzyn. Nous, nous la soutenons. Et pour gĂ©rer la crise qui arrive, avoir une maire alignĂ©e politiquement avec la majoritĂ©prĂ©sidentielle peut constituer un atout dĂ©cisif. »
En se prĂ©sentant ainsi commeles fantassins dâEmmanuel MaÂcron Ă Paris, les candidats rĂ©unis autour dâAgnĂšs Buzyn espĂšrentremobiliser le socle Ă©lectoral deLRM dans la capitale. Et convainÂcre Ă nouveau ceux, nombreux,qui ont votĂ© un jour en faveur duprĂ©sident et de ses Ă©quipes et sâensont parfois Ă©loignĂ©s. Il sâagit de sâassurer que les Ă©lecteurs dâAgnĂšs Buzyn au premier tour ne la lĂącheront pas au second,
mais aussi de sĂ©duire les souÂtiens de CĂ©dric Villani, dĂ©sormaisĂ©cartĂ© de la course. Pour y parveÂnir, la candidate Ă la Mairie a reÂpris dans son programme pluÂsieurs projets du mathĂ©maticien,comme un plan dâinvestisseÂment de 5 milliards dâeuros dans la transition Ă©cologique. A ce stade, cependant, environ 40 %Ă©lecteurs de CĂ©dric Villani compÂtent se reporter sur Anne HiÂdalgo, et un tiers seulement sur AgnĂšs Buzyn, selon lâIFOP.
AuÂdelĂ , les macronistes espĂšÂrent attirer certains Ă©lecteurs centristes, en insistant sur leurs diffĂ©rences jugĂ©es « extrĂȘmes » avec la « droite dure » de Rachida Dati, selon les mots des militants. « Elle a des valeurs qui ne corresÂpondent pas du tout Ă notre vision », affirme Paul Midy, le diÂrecteur de campagne. Cet arguÂment se heurte, cependant, Ă lâalÂliance conclue avec la mĂȘme RaÂchida Dati dans le 5e arrondisseÂment. La maire sortante, Florence Berthout, figure de proue locale dâAgnĂšs Buzyn, y a fusionnĂ© sa liste avec celle de LR. Un accord vaÂlidĂ© par la direction de LRM, afin de sauver le fauteuil de lâĂ©lue.
denis cosnard
« Avoir une maire alignée politiquement
avec la majoritéprésidentielle
peut constituerun atout décisif »
PIERRE-YVES BOURNAZELporte-parole dâAgnĂšs Buzyn
AgnĂšs Buzyn, candidate LRM aux municipales, Ă Paris, le 15 mars. JULIEN DE ROSA/AFP
Des photos dâEmmanuel Macron et du
premier ministre,Edouard Philippe,
sont prévues sur tous
les documents
Majorité et oppositions en accord sur la retraite des agriculteursLes députés ont voté en commission des affaires sociales une proposition de loi qui revalorise le montant minimal des pensions agricoles
L es députés de la majorité etdes oppositions viennentde réussir un tour de force :
sâentendre Ă propos des retraites, alors quâils croisaient le fer sur le sujet, il y a trois mois. A lâissue de dĂ©bats en commission des affaiÂres sociales, ils ont adoptĂ©, merÂcredi 10 juin, Ă lâunanimitĂ©, une proposition de loi (PPL) commuÂniste visant Ă garantir aux agriÂculteurs une pension minimumĂ©gale Ă 85 % du smic â Ă conditiondâavoir accompli une carriĂšre complĂšte. Le texte poursuit ainsi un but similaire au projet de loi instituant un systĂšme universel de retraites, qui est passĂ© en premiĂšre lecture, dĂ©but mars, Ă lâaide du 49.3. Une rĂ©forme Ă lâoriÂgine, donc, dâempoignades viriles Ă lâAssemblĂ©e nationale et dont lâexamen au Parlement a Ă©tĂ© suspendu Ă cause du CovidÂ19.
Il sâagit dâun rebondissementinattendu pour cette PPL qui aenjambĂ© deux lĂ©gislatures. PortĂ©edepuis trois ans par le prĂ©sident du groupe de la Gauche dĂ©moÂcrate et rĂ©publicaine (GDR), AndrĂ©Chassaigne (PCF), elle avait Ă©tĂ©approuvĂ©e en premiĂšre lecture auPalaisÂBourbon dĂ©but 2017, peu avant lâĂ©lection prĂ©sidentielle. Mais son cheminement avait Ă©tĂ© stoppĂ©, un an plus tard, au SĂ©nat : le gouvernement avait alors demandĂ© un vote bloquĂ©, arguant
que la question des pensions agricoles serait traitĂ©e Ă lâoccasionde la rĂ©forme des retraites.
Lâissue des discussions encommission des affaires sociales, mercredi, constitue donc un reviÂrement, dont se rĂ©jouit M. ChasÂsaigne. Le texte adoptĂ© ne va, cependant, pas aussi loin quâil lâaurait voulu. Les dĂ©putĂ©s de la majoritĂ© ont souhaitĂ© repousser lâentrĂ©e en vigueur de la revaloriÂsation. « Nous aurions voulu que ce soit dĂšs 2021, mais pour des raisons techniques, rien ne nous dit que ce soit possible, justifieOlivier Damaisin, dĂ©putĂ© LRM du LotÂetÂGaronne. Du coup, nous avons optĂ© pour 2022, afin dâĂ©viter les mauvaises surprises. »
Autre modification substanÂtielle, par rapport Ă la version iniÂtiale de la PPL : lâinstauration dâun
« Ă©crĂȘtement ». Ce mĂ©canisme concerne les personnes qui, ayantcotisĂ© Ă plusieurs caisses durantleur vie professionnelle, ont, dumĂȘme coup, droit Ă plusieurspensions : il aura pour effet de limiter le coup de pouce financieraccordĂ© Ă lâagriculteur afin que lemontant de pension perçu, tousrĂ©gimes confondus, nâexcĂšde pas un certain seuil. Une telle mesurepoursuit un objectif dâ« Ă©quitĂ© » entre ceux qui ne bĂ©nĂ©ficient que dâune seule pension et les « polyÂpensionnĂ©s », explique M. DamaiÂsin. Câest aussi une façon de cirÂconscrire le coĂ»t du dispositif. SeÂlon le dĂ©putĂ© du LotÂetÂGaronne, « on passe ainsi de 400 Ă 280 milÂlions dâeuros » par an â « 258 milÂlions », dâaprĂšs M. Chassaigne.
« Une Ćuvre collective »Le patron du groupe GDR reÂgrette, bien Ă©videmment, les corÂrections apportĂ©es par ses collĂšÂgues macronistes et leurs alliĂ©s centristes car le nombre de bĂ©nĂ©Âficiaires sera, in fine, moins imÂportant : 196 000, dâaprĂšs lui, alors que la mouture originelle desa PPL permettait de couvrir prĂšs de 100 000 individus supplĂ©menÂtaires. « Mais câest quand mĂȘme unprogrĂšs », confieÂtÂil. « Il sâagitdâune avancĂ©e », renchĂ©rit Boris Vallaud (PS, Landes), car la mesuremise en place va aussi concerner
des paysans qui sont dĂ©jĂ Ă la retraite â ce qui nâest pas le cas dans le projet de loi relatif au sysÂtĂšme universel adoptĂ© dĂ©but mars Ă lâAssemblĂ©e.
M. Chassaigne pense queplusieurs Ă©lĂ©ments ont jouĂ© en sa faveur : « Jâai travaillĂ© avec les dĂ©ÂputĂ©s de toutes les sensibilitĂ©s pourque ce texte soit vu comme une Ćuvre collective et non pas commeune dĂ©marche partisane », dĂ©claÂreÂtÂil. LâĂ©lu communiste affirmemĂȘme avoir plaidĂ© sa causeauprĂšs dâEmmanuel Macron, alors quâils revenaient, tous deux, en avion, des obsĂšques de lâancienministre Michel Charasse, fin fĂ©Âvrier. « Du point de vue de la majoÂritĂ©, câest gagnantÂgagnant, comÂplĂšteÂtÂil : elle se donne une imageplus ouverte, sur un texte Ă dimenÂsion sociale, ce qui ne peut quâĂȘtre accueilli favorablement dans le contexte actuel. » « Il Ă©tait logiqueque cette proposition de loi soit apÂprouvĂ©e car elle rencontrait un Ă©cho fort chez des dĂ©putĂ©s provinÂciaux de la majoritĂ© », observe NiÂcolas Turquois (Modem, Vienne).
La proposition de loi de M. ChasÂsaigne devrait ĂȘtre approuvĂ©e sansencombre lors de son examen en sĂ©ance, le 18 juin. Ce retournementde situation augureÂtÂil dâune voÂlontĂ© de lâexĂ©cutif de reprendre la rĂ©forme qui avait enflammĂ© le pays cet hiver ? Rapporteur gĂ©nĂ©Â
ral du projet de loi relatif au sysÂtĂšme universel, Guillaume GoufÂfierÂCha (LRM, ValÂdeÂMarne) fait remarquer que la question du miÂnimum de pension pour dâautres catĂ©gories dâindĂ©pendants, noÂtamment les artisans et les comÂ
merçants, nâest pas abordĂ©e dans le texte. Or, « il y a des attentes » en la matiĂšre, souligneÂtÂil : « Notre ambition de crĂ©er le systĂšme uniÂversel est toujours intacte. »
raphaëlle besse desmouliÚreset bertrand bissuel
« La majoritése donne
une image plus ouverte, sur un texte Ă dimension
sociale »ANDRà CHASSAIGNE
député PCF
A Paris, Buzyn mise sur lâaction gouvernementale pour se relancerDes milliers de SMS appelant Ă voter pour la candidate LRM vont ĂȘtre envoyĂ©s
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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE EUROPE SA/NV, sis CĆur DĂ©fenseâ Tour A â 110 esplanade du GĂ©nĂ©ral deGaulle â 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont lesiĂšge social est Ă 37, Boulevard du RĂ©gent,1000 BRUXELLES - BELGIQUE, faitsavoir que, la garantie financiĂšre dont bĂ©nĂ©-ficiait la :
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10 | france VENDREDI 12 JUIN 20200123
Un an dans la vie des extrĂȘmes droites en Europe« Le Monde » a pu consulter une note sur lâĂ©volution des mouvements populistes depuis mai 2019
T entatives dâunion ratĂ©esdurant la campagneeuropĂ©enne, accentuaÂtion du vote en faveur
des partis populistes, globalisaÂtion du nationalisme⊠La chaire citoyennetĂ© de Sciences Po SaintÂGermainÂenÂLaye publie, jeudi11 juin, une note, Ă laquelle Le Monde a eu accĂšs. Dans ce doÂcument, les chercheurs dĂ©crypÂtent lâannĂ©e passĂ©e par les extrĂȘÂmes droites europĂ©ennes.
Du scrutin de mai 2019 Ă la panÂdĂ©mie de CovidÂ19, le coordinaÂteur, Nicolas Lebourg, historien etchercheur au Centre dâĂ©tudes poÂlitiques de lâEurope latine (CNRSÂUniversitĂ© de Montpellier), et ledirecteur de lâobservatoire des radicalitĂ©s politiques de la FonÂdation JeanÂJaurĂšs, JeanÂYves Camus, analysent les dynamiÂques et les impasses des partis de la famille des droites nationalesÂconservatrices comme des mouÂvements nationalistes radicaux.
« PhĂ©nomĂšne dynamique »Lâobjectif ? Raconter que les mouÂvements Ă lâintĂ©rieur du champ de lâextrĂȘme droite sont structuÂrels. « On ne peut pas parler de âvague populisteâ, câest donner les mauvaises clĂ©s de comprĂ©hension,prĂ©vient Nicolas Lebourg. Une vaÂgue surgit, dĂ©ferle et passe. Ce nâestpas du tout ce quâon observe dans le champ de lâextrĂȘme droite, quiest un phĂ©nomĂšne dynamiquedepuis le XIXe siĂšcle, les dĂ©buts de la globalisation et le premier choc pĂ©trolier. »
En se plongeant dans la vie desgroupes constituĂ©s au sein duParlement europĂ©en, les auteursrelĂšvent un premier point notaÂble. Lors du mandat prĂ©cĂ©dent,les dĂ©putĂ©s du groupe Europe des nations et des libertĂ©s (ENL)â parmi lesquels siĂ©geaient noÂ
tamment le Front national, laLega italienne, lâAfD allemandeou encore le FPĂ autrichien â nese sont accordĂ©s que sur 69 % deleurs votes, contre au moins90 % au sein des groupes conserÂvateurs, Ă©cologistes ou libĂ©raux.« LâidĂ©e dâune âvague populisteâou dâune possible âinternationalepopulisteâ repose donc dâabordsur une surestimation du niveaude cohĂ©rence idĂ©ologique des partis de lâENL », rĂ©sument les spĂ©cialistes.
Etudier les tentatives dâunionratĂ©es des droites populistes lors de la campagne pour les Ă©lectionseuropĂ©ennes de 2019 leur permetensuite de remettre ces partis Ă leur place dans lâespace politiqueeuropĂ©en. LâĂ©chec de lâancienconseiller du prĂ©sident amĂ©ricainDonald Trump, Steve Bannon,dĂ©barquant en Europe dans lâoptiÂque de fĂ©dĂ©rer les partis populisÂtes europĂ©ens, montre que cesderniers « restaient confinĂ©s pourlâimmense majoritĂ© dâentre eux en
dehors du mainstream politique ».A contrario, si « Donald Trumpavait gagnĂ© la prĂ©sidentielle deÂpuis lâextĂ©rieur du Parti rĂ©publiÂcain, il nâavait pu vaincre quâune fois devenu le candidat de celuiÂci, grĂące Ă son appareil et Ă ses Ă©lecÂteurs », prĂ©cise le document.
Sans compter lâincapacitĂ© de cespartis, ensuite, Ă constituer un groupe unique au Parlement europĂ©en et à « recruter les partis qui auraient permis de proclamer quâune Ăšre nouvelle sâouvrait en
Europe », notamment le BrexitParty de Nigel Farage au RoyauÂmeÂUni et le Fidesz de ViktorOrban en Hongrie.
Selon les chercheurs, unederniĂšre dĂ©confiture finit dâancrerles nationalistes dans la marge de lâespace de dĂ©cision politique europĂ©en : le groupe IdentitĂ© et DĂ©mocratie (qui rĂ©unit notamÂment le Rassemblement national et la Lega) a Ă©chouĂ© Ă obtenir les deux postes de viceÂprĂ©sidents du Parlement europĂ©en et les deux prĂ©sidences de commission quâil aurait dĂ» avoir au regard de ses 73 siĂšges obtenus. « Il nâa obtenu aucun poste car les autres groupes ont maintenu le cordon sanitaire Ă son Ă©gard », rĂ©sument Nicolas LeÂbourg et JeanÂYves Camus.
SuprĂ©macisme blancDes dĂ©convenues politiques quimĂšnent Ă la deuxiĂšme partie de lanote, consacrĂ©e Ă la « tentation terroriste » des mouvements radiÂcaux dâextrĂȘme droite en Europe.
Les deux chercheurs y expliÂquent que « la concordance entrerecul politique et tentation terroÂriste est possible » : « Le manque
dâissue politique Ă une radicalitĂ©dont les thĂšmes (type âgrand remÂplacementâ) sont pourtant ampleÂment diffusĂ©s, et participent, demaniĂšre diluĂ©e, aux succĂšs despartis lĂ©galistes dâextrĂȘme droite,peut amener certains de ses miliÂtants Ă considĂ©rer que le passage Ă la violence devient la seule option rationnelle pour obtenir le bascuÂlement auquel ils aspirent. »
Une « tentation » que le suprĂ©Âmacisme blanc exprime dĂ©sorÂmais dans le cadre de la globalisaÂtion, « quoiquâil vomisse le âmonÂdialismeâ », ajoutent les cherÂcheurs en sâappuyant sur plusieurs exemples parlants.
Au printemps 2020, le MouveÂment impĂ©rial russe a ainsi Ă©tĂ© qualifiĂ© par les EtatsÂUnis comme relevant du « terrorisme internaÂtional ». Une premiĂšre. Quelques mois plus tĂŽt, en novembre 2019,la Pologne expulsait quant Ă elle un membre du Mouvement de rĂ©Âsistance nordique â un mouveÂment nĂ©onazi transnational. CeluiÂci, aprĂšs sa sortie de prison en SuĂšde « pour un attentat Ă lâexÂplosif contre un centre de rĂ©fugiĂ©s, sâĂ©tait rendu en Pologne pour suivre un entraĂźnement paramiliÂtaire en ayant le dessein manifeste dâimiter [Brenton Tarrent], le terroriste de Christchurch ».
Les deux chercheurs concluentque les crises sociale et politiquese mĂȘlant actuellement Ă la crise sanitaire ne peuvent « quâaider Ă cette symbiose des sentiments dedĂ©classements personnels et nationaux qui contribue Ă la dynaÂmique de la droitisation ».
En rĂ©sumĂ©, « si le scrutin euroÂpĂ©en de 2019 nâa aucunement Ă©tĂ© le tsunami populiste que certains avaient rĂȘvĂ© ou cauchemardĂ©, lâacÂtuelle pandĂ©mie paraĂźt en capacitĂ©de pouvoir au moins fidĂ©liser les clientĂšles acquises par les extrĂȘÂmes droites et aggraver les procesÂsus de radicalisation violente ».
lucie soullier
Le plan Ă 130 milliards du PS pour un « rebond social et Ă©cologique »Le parti de gauche dĂ©taille, dans une note, 45 propositions pour faire face Ă la crise provoquĂ©e par la pandĂ©mie de CovidÂ19
Lâ Ă©laboration des mesuresde relance postÂCovid duParti socialiste (PS) aura
Ă©tĂ© longue. Des dizaines dâaudiÂtions, des allers et retours nomÂbreux entre membres de la direcÂtion et dĂ©putĂ©s chargĂ©s du dosÂsier⊠Ce travail aura pris prĂšs dâunmois. Finalement, le plan « pour un rebond Ă©conomique, social, etĂ©cologique » se veut une rĂ©ponse immĂ©diate Ă lâurgence provoquĂ©epar la pandĂ©mie et des mesures de moyen terme pour prĂ©parerlâavenir, panachant relance par la consommation et schĂ©ma dedĂ©veloppement prenant en compte lâurgence climatique.
Pour concocter ce plan, le PS aconsultĂ© nombre dâexperts, dechercheurs, de syndicalistes, de responsables associatifs et dâĂ©luslocaux. Le document qui enrĂ©sulte, coordonnĂ© par BorisVallaud, dĂ©putĂ© des Landes, est Ă lâimage de lâentreÂdeux dans lequel se trouve un parti poussĂ©par ses alliances avec Europe
EcologieÂLes Verts, la prise deconscience de ses maires degrandes villes qui ont largement verdi leur propre programme et son logiciel Ă©conomique historiÂque, trĂšs classiquement keynĂ©Âsien. Son coĂ»t est chiffrĂ© Ă 130 milliards dâeuros.
250 000 emplois aidĂ©sPartant du constat dâune crisedâune ampleur majeure, avec un chĂŽmage en hausse vertigineuse, des plans de licenciements Ă veÂnir et quelque 600 000 jeunes arrivant prochainement sur le marchĂ© du travail, et donc une situation sociale dramatique pour des millions de Français, lanote de quarante pages prĂ©sente 45 propositions. « Nous voulonsmontrer que nous sommes de ceux sur lesquels la France peut compter dans lâĂ©preuve », a dĂ©clarĂ©Olivier Faure, premier secrĂ©taireet dĂ©putĂ© de SeineÂetÂMarne, lors de la prĂ©sentation, mardi 9 juin, Ă lâAssemblĂ©e nationale.
Le plan veut dâabord sâadresseraux victimes de la crise, ceux « quine mangent pas Ă leur faim, ne peuvent payer leur loyer, ceux qui nâont pas dâemploi ou craignent dele perdre », prĂ©cise la note. RĂ©duction « transitoire » du temps de travail dans les entrepriÂses touchĂ©es par une activitĂ© ralentie, revenu de base de550 euros ouverts aux jeunes, prime premier emploi, prolongaÂtion des bourses Ă©tudiantes, limitation des frais bancaires pour les plus fragilesâŠ, les systĂšÂ
mes dâaide dâurgence sont nomÂbreux et prĂ©cis. Pour revaloriserles salaires des « premiers de tranÂchĂ©e », une confĂ©rence rĂ©unissantles partenaires sociaux est propoÂsĂ©e pour les professions telles queles caissiĂšres, les aidesÂsoignants ou les Ă©boueurs.
LâhĂŽpital comme les Ă©tablisseÂments dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes (Ehpad) doivent devenir « prioritĂ© nationale », continue le docuÂment, mettant en avant un invesÂtissement annuel de 6 milliards pour les premiers et de 2 milÂliards pour les seconds et la revaÂlorisation durable de leurs personnels. Afin dâaider le secÂteur associatif, notamment dans les quartiers populaires, le PS prĂ©conise la crĂ©ation de 250 000 emplois aidĂ©s.
Le deuxiĂšme axe met lâaccentsur les territoires et le rĂŽle quâils peuvent jouer, tant dans la relance que parce quâils « sont enpremiĂšre ligne » de la conversion
Ă©cologique de lâĂ©conomie. Le plansuggĂšre donc un investissementde 50 milliards dâeuros, pour les « projets de rĂ©silience » : agroforesÂterie, rĂ©novation thermique des bĂątiments, circuits courts et dĂ©veÂloppement des mobilitĂ©s douÂces⊠Deux pistes avancĂ©es retienÂnent lâattention : la mise en place dâune « prime climat » pour finanÂcer les travaux dâisolation desparticuliers et un « chĂšque rebondlocal », sorte dâallocation de 300 Ă 700 euros pour les plus modestes,flĂ©chĂ©e vers la consommation locale, saine et Ă©cologique.
« Hiatus »Enfin, et câest lĂ le volet Ă la facture la plus classique, la reconÂquĂȘte Ă©conomique. Plan de sauÂvetage des petites et moyennes entreprises (PME) avec mise Ă contribution des assureurs,protection par lâEtat des brevets et entreprises « fleurons » contretout achat par des investisseurs Ă©trangers, nationalisation des
sociĂ©tĂ©s indispensables Ă lâindĂ©Âpendance dans le secteur saniÂtaire, recapitalisation des entreÂprises par un pĂŽle dâinvestisseurs publics conditionnĂ©e Ă des engaÂgements sociaux et Ă©cologiques,plan de relance du bĂątiment et dulogement⊠les mesures reprenÂnent bon nombre de proposiÂtions de loi passĂ©es et discutĂ©es lors des niches parlementaires.
Lâensemble de ce plan derelance, plutĂŽt de qualitĂ©, laisse cependant un goĂ»t dâinachevĂ©. Certains dans la direction le reconnaissent : « On ne sent pas lapleine prise en compte de lâurÂgence face Ă la crise dâun systĂšmedans ce quâelle impose en termesde rupture », juge lâun. « Il y aencore un hiatus avec les discours trĂšs Ă©colos tenus depuis des mois »,remarque une autre. La direction prĂ©voit un autre plan Ă la rentrĂ©e, pour dessiner une « autre » reprise. Les Ă©colos du PS seront alors peutÂĂȘtre plus Ă©coutĂ©s.
sylvia zappi
LâhĂŽpital commeles Ehpad
doivent devenir« priorité
nationale », selon
le document
« On ne peut pasparler de âvague
populisteâ, câest donner
les mauvaises clés de
compréhension »NICOLAS LEBOURG
historien
Dirigeants des partis dâextrĂȘme droite europĂ©ens, Ă Bruxelles, le 13 juin 2019. ARIS OIKONOMOU/AFP
aprĂšs son hommage au gĂ©nĂ©ral deGaulle dĂ©but juin, Marine Le Pen a une nouvelle fois mis la barre Ă droite.Mercredi, sur France Inter, la prĂ©sidente du Rassemblement national a apportĂ© untrĂšs rare concours au parti Les RĂ©publiÂcains (LR) en affirmant son soutien Ă la candidate du parti de droite Ă la Mairie deParis, Rachida Dati : « Si effectivement le choix est entre Mme Hidalgo et Mme Dati, moi Ă titre personnel, si jâĂ©tais Ă©lecteur Ă Paris, je voterais largement Dati plutĂŽtquâHidalgo. »
Finies la critique de lâ« UMPS » ou les attaÂques contre les « sĆurs jumelles » Anne Hidalgo et Nathalie KosciuskoÂMorizet, telles que Marine Le Pen qualifiaient les candidates socialiste et UMP lors de la campagne municipale de 2014 Ă Paris. Sixans plus tard, faute dâalliances malgrĂ© sastratĂ©gie dâouverture affichĂ©e, la prĂ©siÂdente de lâexÂFront national a donc choisi la candidate de lâexÂUMP. DĂšs le mois de fĂ©vrier, JeanÂMarie Le Pen avait, lui aussi, confiĂ© sa prĂ©fĂ©rence pour lâancienne garde des sceaux de Nicolas Sarkozy.
Marine Le Pen et son pĂšre ne votent pasdans la capitale, oĂč le Rassemblement national a officiellement soutenu Serge Federbusch, qui sâest classĂ© avantÂdernier au premier tour avec 1,5 % des voix, juste devant le forain Marcel Campion.
Rachida Dati, elle, a prĂ©fĂ©rĂ© prendre sesdistances avec cet encombrant soutien. « En quoi suisÂje responsable de ses propos ?,a rĂ©agi mercredi matin la candidate LR.Vous connaissez ma vie, mon nom, mon prĂ©nom : Rachida. Alors⊠»
denis cosnard et l. so
Pour la Mairie de Paris, Marine le Pen choisit Rachida Dati
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 france | 11
A TonnayÂCharente, les morts oubliĂ©s de lâEhpadSeize rĂ©sidents sont dĂ©cĂ©dĂ©s du CovidÂ19 entre mars et mai. Ni le maire ni le prĂ©fet nâont Ă©tĂ© informĂ©s de la situation
D ominique Bussereaune dĂ©colĂšre pas. A demultiples reprises, leprĂ©sident de lâAssemÂ
blĂ©e des dĂ©partements de France (ADF) a alertĂ© sur les dysfonctionÂnements des agences rĂ©gionales de santĂ© (ARS) et leur inadaptaÂtion Ă la gestion de la crise liĂ©e au CovidÂ19. AuditionnĂ©, mardi 9 juin, par une mission dâinforÂmation du SĂ©nat, le prĂ©sident duconseil dĂ©partemental de ChaÂrenteÂMaritime a Ă©voquĂ© le casdâun Ă©tablissement dâhĂ©bergeÂment pour personnes ĂągĂ©es dĂ©Âpendantes (Ehpad) pour illustrer le manque de communication enÂtre les ARS et les Ă©lus locaux.
Lâaffaire a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par le quoÂtidien rĂ©gional Sud Ouest du29 mai : seize rĂ©sidents de lâĂ©taÂblissement Les Portes du jardin,du groupe DomusVi, Ă TonnayÂCharente (CharenteÂMaritime), sont dĂ©cĂ©dĂ©s des suites du SARSÂCoV2 entre les mois de mars et de mai. Câest dans cet Ă©tablissement, qui compte cent vingt lits, que sont mortes un tiers des victimes comptabilisĂ©es dans le dĂ©parteÂment â quaranteÂhuit, selon lebilan, Ă©tabli le 1er juin, par lâARS de NouvelleÂAquitaine. Mais ni le maire de la commune, Eric AuÂthiat, ni le prĂ©sident du conseil dĂ©partemental, en sa qualitĂ© de cotutelle, ni le prĂ©fet nâont Ă©tĂ©
informĂ©s de la situation. Câest enparcourant le site Internet de Sud Ouest que M. Bussereau en a pris connaissance.
Comment se faitÂil que les auÂtoritĂ©s et Ă©lus concernĂ©s nâaient pas Ă©tĂ© prĂ©venus de la situationdans cet Ă©tablissement ? SollicitĂ©,le directeur de lâĂ©tablissement,Gilles Bastier, renvoie sur le siĂšge national de DomusVi, un des troisplus grands groupes dâEhpad, avec Korian et OrpĂ©a, qui reprĂ©Âsentent Ă eux seuls le dixiĂšme desplaces en rĂ©sidence mĂ©dicalisĂ©e sur le territoire. « Nous nây somÂmes pour rien. Nous sommes dans lâobligation de communiquer Ă lâautoritĂ© de tutelle, lâARS, ce que nous faisons, assure le responÂsable de la communication du
groupe, Ludovic Boursin, jointpar Le Monde. AprĂšs, quâil y ait des problĂšmes de communication enÂtre eux et le dĂ©partement⊠»
Dans cette commune de8 000 habitants, proche de RoÂchefort, les habitants et les Ă©lussont tombĂ©s des nues. Câest parune de ses adjointes, dont un membre de la famille rĂ©sidait auxPortes du jardin, que le maire,M. Authiat, a eu connaissance, dĂ©Âbut mars, dâune suspicion de cas de CovidÂ19 dans lâĂ©tablissement.« Jâai trouvĂ© curieux que la direcÂtion ne mâait pas appelĂ© », confieÂtÂil. Il sâenquiert de la situation, sans obtenir de plus amples inÂformations. Quelques jours plustard, un responsable de lâARS luiindique que tous les rĂ©sidents etles personnels de lâĂ©tablissement vont ĂȘtre testĂ©s.
Les personnes positives peuÂvent alors soit rester sur place, soit ĂȘtre hospitalisĂ©es Ă La RoÂchelle. Aucun Ă©tat de ces transÂferts nâest communiquĂ© Ă la maiÂrie : onze rĂ©sidents de lâĂ©tablisseÂment vont dĂ©cĂ©der Ă lâhĂŽpital. Seuls les permis dâinhumer de rĂ©Âsidents morts Ă lâEhpad passent par le maire. « Jâai eu des permisdâinhumer Ă signer, mais il nâestpas fait mention de la cause du dĂ©ÂcĂšs, note M. Authiat. Aucun indicaÂteur qui puisse mâalerter. Je suis toÂtalement insatisfait de la maniĂšre
dont lâĂ©tablissement a communiÂquĂ©, ou plutĂŽt nâa pas communiÂquĂ©. » Une version contestĂ©e par DomusVi. « Le directeur de la rĂ©siÂdence a communiquĂ© avec lâenÂsemble des parties prenantes, asÂsure M. Boursin. La mairie a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement informĂ©e par tĂ©lĂ©Âphone. Ainsi que les familles. »
Dans Sud Ouest, la belleÂfilledâun rĂ©sident mort Ă lâhĂŽpital du CovidÂ19 rapporte avoir appelĂ© son beauÂpĂšre, dĂ©but avril, qui se plaignait de mal respirer. Trois jours aprĂšs, il Ă©tait transfĂ©rĂ© Ă lâhĂŽpital de La Rochelle, oĂč il est mort le 18 avril. « LâEhpad ne mâa pas informĂ©e du dĂ©cĂšs et ne mâa pas prĂ©sentĂ© ses condolĂ©ances », dĂ©plore Sophie Caillaud. QuelÂques jours aprĂšs, elle recevait par courrier la carte Vitale de son beauÂpĂšre. « Sans un mot, sans unelettre, câest ignoble », ditÂelle. Le directeur de lâĂ©tablissement sâest excusĂ©, reconnaissant dans Sud Ouest quâil y avait eu un « loupĂ© ».
ArriĂšre-pensĂ©es« Il y a eu une erreur, le directeur sâen est excusĂ©, admet M. Boursin.Il y a souvent des tĂ©moignages nĂ©Âgatifs, mais nous avons eu beauÂcoup de messages de soutien. Les Ă©quipes ont Ă©tĂ© remarquables. Je ne pense pas quâil y ait Ă polĂ©Âmiquer. » Pour lui, les rĂ©actionsindignĂ©es quâa suscitĂ©es cette afÂfaire ne sont pas exemptes dâarÂriĂšreÂpensĂ©es. « Nous ne ferons pas de commentaires sur des comÂmentaires, poursuitÂil. Câest tropfacile de pointer un Ehpad privĂ©. Il y a des volontĂ©s politiques derÂriĂšre. » ContactĂ©e par Le Monde,lâARS prĂ©fĂšre ne pas commenter.« Il ne nous est pas possible de rĂ©Âpondre, pour cause de rĂ©serve Ă©lecÂtorale », avant les municipales, explique le service de presse.
Le 11 avril, câest le directeur gĂ©ÂnĂ©ral du centre hospitalier de
La Rochelle, Pierre ThĂ©pot, qui avait fait Ă©tat, lors dâun pointpresse sanitaire, de lâapparition du CovidÂ19 aux Portes du jardin, aprĂšs que quatre pensionnaires de lâĂ©tablissement eurent Ă©tĂ© hospitalisĂ©s. A la suite de cetteintervention, lâARS avait finaleÂment signalĂ© que onze salariĂ©s etdeux rĂ©sidents avaient Ă©tĂ© dĂ©tecÂtĂ©s positifs au CovidÂ19. Mais sansfaire Ă©tat des dĂ©cĂšs.
Egalement joint par Le Monde,le directeur de la dĂ©lĂ©gation dĂ©Âpartementale CharenteÂMaritimede lâARS, Eric Morival, nâest pas plus disert : « Je ne peux pas vous rĂ©pondre. A ce stade, je nâĂ©changepas. » Force est de se reporter aux propos quâil tenait dans lescolonnes de Sud Ouest, fin mai : « On a mis le paquet pour Ă©viter lesdĂ©gĂąts », affirmaitÂil, ajoutant que« les choses sont globalement gĂ©rĂ©es aujourdâhui ».
Bien quâil assure avoir reçuaprĂšs coup des excuses du resÂponsable de lâARS reconnaissant que lâagence avait pĂ©chĂ© par manÂque de communication, M. AuÂthiat juge lâaffaire inquiĂ©tante. « Si je nâavais pas percutĂ©, jâai lesentiment que personne nâaurait Ă©tĂ© informĂ©, dĂ©plore le maire. Nous Ă©tions probablement le prinÂcipal point de dĂ©veloppement de lâĂ©pidĂ©mie dans le dĂ©partement, et nous ne le savions pas. Si le preÂmier maillon de la dĂ©mocratie, lemaire, nâest pas informĂ©, ni les conseillers dĂ©partementaux, câest absolument anormal. »
« Un tel comportement estinadmissible. Câest invraisemblaÂble. Je condamne le silence assourÂdissant de lâARS, sâinsurge M. BusÂsereau. Cela ne fait que conforter,hĂ©las, tout ce qui mâest remontĂ©de mes collĂšgues sur les problĂšÂmes quâils ont eus, globalement,avec les ARS. »
patrick roger
« Nous étions probablement le
principal point dedéveloppement
de lâĂ©pidĂ©mie en Charente-
Maritime et nousne le savions pas »
ĂRIC AUTHIATmaire de Tonnay-Charente
JUSTICELe DĂ©fenseur des droits ouvre une enquĂȘte sur lâaffaire GabrielLe DĂ©fenseur des droitsa ouvert, mercredi 10 juin, une enquĂȘte sur lâinterpellaÂtion brutale de Gabriel D., 14 ans, Ă Bobigny. LâadolesÂcent accuse des policiers de lâavoir frappĂ© et gravement blessĂ© Ă lâĆil. Il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans la nuit du 25au 26 mai alors quâil tentait de voler un scooter. Sa faÂmille a dĂ©posĂ© deux plaintes. Le parquet de Bobigny a dĂ©jĂ ouvert une enquĂȘte, confiĂ©e Ă lâinspection gĂ©nĂ©rale de la police nationale. â (AFP.)
VIOLENCES POLICIĂRESChristophe Castaner reçoit les syndicatsLe ministre de lâintĂ©rieur deÂvait recevoir, jeudi 11 et venÂdredi 12 juin, les syndicats de policiers pour tenter de calÂmer leur colĂšre. Tous ont tirĂ© le signal dâalarme aprĂšs les dĂ©clarations de Christophe Castaner qui a prĂŽnĂ©, lundi, la « tolĂ©rance zĂ©ro » contre le racisme dans la police et interdit plusieurs techniques dâinterpellation. â (AFP.)
MUNICIPALESQuatre communes sans maire, faute de candidatFaute de candidat, quatre communes de plus de 1 000 habitants se retrouveÂront sans maire Ă lâissue du second tour des municipales le 28 juin. Trois se situent dans lâAin (Buellas, PĂ©ron et PontÂdâAin), la quatriĂšme en EureÂetÂLoir (PrunayÂleÂGillon). Dans les communes de ce type, si aucune liste nâest enregistrĂ©e, lâĂ©lection ne peut avoir lieu. â (AFP.)
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12 | france VENDREDI 12 JUIN 20200123
A lâhĂŽpital, la course aux financementsLES MAUX DE LâHĂPITAL 4|6 La tarification Ă lâactivitĂ©, ou « T2A », fait bondir les soignants. A lâoccasion du SĂ©gur de la santĂ©, « Le Monde » se penche sur les sujets qui agitent le secteur hospitalier
D epuis le 23 septemÂbre 2019, StĂ©phaneDauger est en grĂšve.Une grĂšve un peu parÂ
ticuliĂšre : dans le sillon du mouveÂment de contestation dans les hĂŽÂpitaux, ce mĂ©decin, chef du serÂvice de rĂ©animation pĂ©diatriquede lâhĂŽpital parisien RobertÂDeÂbrĂ© (APÂHP) et ses Ă©quipes ont dĂ©cidĂ© dâarrĂȘter le « codage ».
DerriĂšre le mot technique, câest Ă lâun des cordons de la bourse que sâest attaquĂ© le professeur, coprĂ©Âsident du Collectif interÂhĂŽpitaux,en refusant de faire remonter les informations correspondant Ă son activitĂ© mĂ©dicale. Ces fameux« codes » dĂ©terminent ensuite lesrecettes versĂ©es par lâAssuranceÂmaladie aux Ă©tablissements. Les pressions de sa hiĂ©rarchie admiÂnistrative nây ont rien changĂ© : lui comme la majoritĂ© des services deRobertÂDebrĂ©, et dâautres en France, poursuivent cette grĂšve.
Lâaction vise lâune des clĂ©s degestion des hĂŽpitaux les plus conÂtestĂ©es : le systĂšme de tarification Ă lâactivitĂ©. La « T2A ». Prononcez ce sigle et vous obtenez la mĂȘme rĂ©action chez les mĂ©decins : un
long soupir. « La seule chose qui compte aujourdâhui, câest de faire toujours plus dâactivitĂ©, dâavoir plus de malades pour ramenerplus dâargent », dĂ©nonce StĂ©phaneDauger, qui voit revenir cette logiÂque, aprĂšs la parenthĂšse de la crise sanitaire du CovidÂ19.
« Il nây a pas dâalternative »HĂŽpital entreprise, politique du chiffre, course Ă la rentabilitĂ©, conÂcurrence entre Ă©tablissements⊠Les critiques pleuvent depuis des annĂ©es sur ce systĂšme dâallocationdes moyens dĂ©ployĂ© au dĂ©but des annĂ©es 2000. Son avenir est de nouveau sur la table : il figure parmi les chantiers Ă lâordre du jour des discussions du SĂ©gur de lasantĂ©, ouvert par le gouvernementle 25 mai, qui doivent aboutir Ă unerĂ©forme dâici Ă la miÂjuillet.
Pourquoi cette pierre dâachoppeÂment dans le monde mĂ©dical ? Faire dĂ©pendre les financements de lâactivitĂ© de lâhĂŽpital : lâidĂ©einitiale paraĂźt pragmatique. Son principe est simple, derriĂšre des siÂgles complexes. LâactivitĂ© de lâhĂŽÂpital est classĂ©e, selon le profil du patient, son diagnostic, les actes
mĂ©dicaux rĂ©alisĂ©s⊠Ce sont les « groupes homogĂšnes de malaÂdes » (GHM). Il y en a environ 2 600aujourdâhui. Pour chaque groupe, on Ă©value un coĂ»t moyen de prise en charge, puis un tarif lui est attriÂbuĂ© par lâEtat. Câest ce tarif qui est reversĂ©, ensuite, par lâAssuranceÂmaladie Ă lâhĂŽpital. Pour 2020 parexemple, un accouchement par voie basse sans complication est payĂ© 2 012,72 euros, une transplanÂtation cardiaque du niveau de sĂ©ÂvĂ©ritĂ© le plus Ă©levĂ©, 72 146,14 euros.
« Il nây a pas dâalternative », dĂ©fenÂdait le ministre de la santĂ© JeanÂFrançois Mattei, en 2004, dans le gouvernement de JeanÂPierre RafÂfarin. Sans rencontrer de rĂ©sisÂtance, il dĂ©ploie alors progressiveÂment le mĂ©canisme, dont les jalons Ă©taient posĂ©s depuis quelÂques annĂ©es dĂ©jĂ , en mĂ©decine, enchirurgie et obstĂ©trique pour les sĂ©jours hospitaliers. A lâorĂ©e des annĂ©es 2000, il y a urgence Ă rĂ©Âpondre aux maux des systĂšmes definancement prĂ©cĂ©dents, alors que le « trou de la SĂ©cu » ne cesse de se creuser. Le plus ancien, le « prix Ă la journĂ©e », ne permet pasdâendiguer lâaugmentation des dĂ©Âpenses et incite mĂȘme Ă lâinflationdes sĂ©jours. La dotation globale, dĂ©ployĂ©e dans les annĂ©es 1980 â soit une enveloppe attribuĂ©e par lâEtat Ă chaque Ă©tablissement â rĂ©ÂvĂšle assez vite dâautres limites.
Reconduite dâannĂ©e en annĂ©e demaniĂšre relativement figĂ©e, la dotation pĂ©nalise les hĂŽpitaux les plus actifs, enfermĂ©s dans cette enveloppe, tout en donnant Ă lâinÂverse une rente aux mieux pourÂvus historiquement. Son Ă©voluÂtion nâest pas exempte des « jeux de pouvoirs locaux et des nĂ©gociaÂtions politiques pour obtenir des rallonges », rappelle le chercheur PierreÂAndrĂ© Juven, coauteur dâun ouvrage sur les rĂ©formes de lâhĂŽpiÂ
tal public, La Casse du siĂšcle, publiĂ©en avril 2019 (Ă©d. Raisons dâagir).
Rapidement, la tarification Ă lâacÂtivitĂ© monte en puissance, avec untournant sous lâĂšre Sarkozy : elle est gĂ©nĂ©ralisĂ©e en 2008, pour atÂteindre 100 % du financement en mĂ©decine, chirurgie, et obstĂ©triÂque. Certains domaines, comme lapsychiatrie ou lâactivitĂ© de soins de suite et de rĂ©adaptation, restenten dehors, avec des systĂšmes dâenÂveloppes ou de forfaits.
« Au dĂ©part, la T2A apporte unebouffĂ©e dâoxygĂšne et des gains dâefÂficience dans les hĂŽpitaux », rapÂpelle Laurence Hartmann, cherÂcheuse en Ă©conomie de la santĂ© auConservatoire national des arts et mĂ©tiers. Au grĂ© des ajustements, lâalgorithme Ă lâactivitĂ© ne cesse dâĂȘtre Ă©toffĂ©, avec des groupes et sousÂgroupes tarifĂ©s dans la grille, pour coller au mieux aux subtiliÂtĂ©s des parcours des patients. Des services spĂ©ciaux se dĂ©veloppent dans de nombreux hĂŽpitaux pour « optimiser le codage ». Une « boĂźtenoire », Ă©trilleÂtÂon chez les mĂ©deÂcins, peu enclins, souvent, Ă remÂplir cette tĂąche administrative.
SystĂšme « ubuesque »Les effets pervers de la machine moderne apparaissent assez vite : peu Ă peu, de nombreux « tarifs » versĂ©s par lâEtat ne suivent plus lescoĂ»ts rĂ©els que doit dĂ©bourser lâhĂŽpital pour accomplir cette activitĂ©. « Cela dĂ©rape dĂšs les annĂ©es 2010 », reprend Laurence Hartmann, qui y voit un « dĂ©voieÂment » du mĂ©canisme initial : « Lespouvoirs publics vont moduler les prix et utiliser la T2A pour rester dans les clous de lâenveloppe de lâOndam [Objectif national des dĂ©Âpenses dâAssuranceÂmaladie] ».
« Avec cette distorsion, la T2Apousse Ă une productivitĂ© sans fin dans les hĂŽpitaux, pour essayer de maintenir les finances Ă flot », souliÂgne PierreÂAndrĂ© Juven. Les Ă©taÂblissements sont nombreux Ă enÂchaĂźner des plans de redresseÂment, Ă tenter de rĂ©duire les coĂ»ts, sans jamais rĂ©ussir Ă pĂ©daler assez vite. « Cela crĂ©e aussi des patients rentables et dâautres trop coĂ»teux », ajouteÂtÂil, car certains sĂ©jours sontmieux remboursĂ©s que dâautres.
Les anecdotes sont légion chezles médecins pour brocarder les petits travers et grandes dérives
que provoque le systĂšme. Pour ce manipulateur en radiologie de 43 ans en CHU, qui souhaite rester anonyme, « on en est arrivĂ© au point de devoir dissuader ceux qui veulent aller uriner avant lâexaÂmen », lĂącheÂtÂil. Le chronomĂštre tourne : pas question de laisser la machine vide cinq minutes, sous peine de se faire remonter les bretelles. IRM, scanner, radiograÂphie⊠lâimagerie mĂ©dicale est un secteur « qui rapporte » Ă lâhĂŽpital. « Il faut remplir les plannings au maximum, rĂ©duire les temps dâexamens⊠» Au point parfois de faire des choses « limite » dans ce systĂšme « ubuesque », jugeÂtÂil, comme faire revenir le patient une autre fois, officiellement « pour des raisons techniques », officieusement parce que seuls deux actes sur trois sont rembourÂsĂ©s, dans tel ou tel examen.
Dâautres racontent aussi comÂment ce « carcan » tarifaire en vient de facto Ă orienter certaines prioritĂ©s. « Le bloc opĂ©ratoire concentre beaucoup dâattention de notre administration, car lâactivitĂ© chirurgicale gĂ©nĂšre une grande partie de recettes », raconte Marc Leone, un chef du service dâanesÂthĂ©sieÂrĂ©animation Ă lâhĂŽpital Nord de Marseille. RĂ©sultat : « Nos anesthĂ©sistesÂrĂ©animateurs sont challengĂ©s pour faire le maximum dâendoscopies car, dâune part, lâactiÂvitĂ© est bien rĂ©munĂ©rĂ©e mais, en plus, câest un pourvoyeur de paÂtients potentiels pour la chirurgie. »
Opposant de la premiĂšre heurede la T2A, AndrĂ© Grimaldi, profesÂseur Ă la PitiĂ©ÂSalpĂȘtriĂšre Ă Paris, lerĂ©pĂšte inlassablement : « On a voulu utiliser la T2A pour une actiÂvitĂ© pour laquelle elle nâest pas faite,estimeÂtÂil. On lâa fait exprĂšs, pourfaire rentrer lâhĂŽpital dans une loÂgique commerciale. » Selon le diaÂ
bĂ©tologue, si la T2A peut ĂȘtre pertiÂnente en chirurgie, lĂ oĂč lâon peut facilement « quantifier, mesurer, avec une activitĂ© standardisĂ©e et programmĂ©e », « cela ne marche pas dans toute une partie de la mĂ©Âdecine, particuliĂšrement les malaÂdies chroniques, qui sont Ă©volutiÂves ». Il prĂŽne un retour dans ce casĂ un systĂšme de dotation globale, ou encore Ă un « prix Ă la journĂ©e »quand cela est pertinent, comme en soins palliatifs.
A dâautres Ă©tages de lâhĂŽpital,chez les administratifs, on porte un discours plus nuancĂ© sur le sortĂ rĂ©server Ă cette T2A. « On se trompe de cible », entendÂon Ă laFĂ©dĂ©ration hospitaliĂšre de France. « On sent bien cette volontĂ© de fairede la T2A le bouc Ă©missaire facile,estime Camille Dumas, directeur des affaires financiĂšres aux HospiÂces civils de Lyon. On sâen sortira peutÂĂȘtre politiquement, mais ce nâest pas sa suppression qui va sauÂver lâhĂŽpital public. »
55 % des recettesPour le gestionnaire, si lâoutil nâest pas parfait et nĂ©cessite des adaptaÂtions, il donne tout de mĂȘme « un peu de libertĂ© et de souplesse aux hĂŽpitaux, avec la possibilitĂ© dâaller chercher des recettes pour denouvelles activitĂ©s ». Pour lui, le problĂšme se trouve avant tout dans cet Ă©cart entre les tarifs verÂsĂ©s par lâEtat et les coĂ»ts. « On peut sacrifier lâoutil, mais si lâenveloppe reste insuffisante, rien ne va chanÂger », dĂ©fend le responsable.
La T2A est sur la table du SĂ©gur dela santĂ©, et le gouvernement a dĂ©jĂ les idĂ©es bien arrĂȘtĂ©es. Ce systĂšme a « dĂ©montrĂ© toutes ses limites », a estimĂ© Edouard Philippe, le preÂmier ministre, le 25 mai, prĂŽnant un « systĂšme plus intelligent », « plus respectueux de la qualitĂ© des soins », « moins ancrĂ© sur la nĂ©cesÂsitĂ© de multiplier les actes pour dĂ©Âgager des recettes ». Pas question non plus de tout changer : il faut rĂ©duire sa part en dessous de 50 %,aÂtÂil avancĂ©, rappelant ainsi lâune des promesses de campagne du candidat Macron. Pour y arriver, il a Ă©voquĂ© lâaugmentation de la « part Ă la qualitĂ© ».
Reste Ă savoir comment cela vaĂȘtre mis en musique. « Câest assez facile Ă formuler, a reconnu le preÂmier ministre, plus difficile Ă metÂtre en Ćuvre ». Dans le monde mĂ©Âdical, on reste sur ses gardes. Chez les dĂ©fenseurs de la T2A comme chez ses dĂ©tracteurs, on souligne que ce mode dâallocation ne reprĂ©Âsente dĂ©jĂ que 55 % des recettes des hĂŽpitaux publics. Toute une partie du financement demeure sous la forme de dotations, pour les missions dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, ou encore la recherche, lâenseigneÂment. « Cela ne pourra passer que par un schĂ©ma de paiement plus sophistiquĂ©, avec une combinaison de diffĂ©rents mĂ©canismes », estime Laurence Hartmann, qui cite pĂȘleÂmĂȘle la T2A, le financement Ă la qualitĂ©, au forfait, Ă la dotationâŠ
Les premiĂšres tentatives pour rĂ©Âpondre aux effets pervers de la T2A, enclenchĂ©es en 2018 par AgnĂšs Buzyn, alors ministre de la santĂ©, vont en ce sens. Difficile dâen dresser le bilan Ă ce stade : pour les maladies rĂ©nales chroniÂques, la mise en place dâun forfait global Ă lâannĂ©e pour un patient, avec des indicateurs de qualitĂ©, nâacommencĂ© Ă sâappliquer quâen janvier. Quant au diabĂšte, les disÂcussions achoppent entre le miÂnistĂšre et les professionnels pour sâaccorder sur une alternative.
Les mĂ©decins sâen souviennent :ce nâest pas la premiĂšre fois quâun gouvernement fait des promesses sur la question. Le candidat FranÂçois Hollande dĂ©nonçait, en 2012, « lâidĂ©ologie dogmatique de lâhĂŽpiÂtalÂentreprise » et sâengageait à « reÂdĂ©finir le mode de financement de lâhĂŽpital ». En pratique, rien nâa bougĂ© ou presque. En toute fin de mandat, un ancien dĂ©putĂ© sociaÂliste avait rendu un rapport sur le sujet, prĂŽnant un systĂšme « transÂformĂ© » et « modulĂ© lorsque nĂ©cesÂsaire ». Un certain Olivier VĂ©ran.
camille stromboni
Prochain Ă©pisode Quel modĂšle dâhĂŽpital pour demain ?
A lâhĂŽpital HenriÂMondor de CrĂ©teil (ValÂdeÂMarne),le 5 juin 2019.STĂPHANE DE SAKUTIN/AFP
« On lâa fait exprĂšs, pour faire
entrer lâhĂŽpitaldans une logique
commerciale »ANDRà GRIMALDI
diabĂ©tologue Ă lâhĂŽpital de la PitiĂ©-SalpĂȘtriĂšre
Peu Ă peu, de nombreux
« tarifs » versĂ©spar lâEtat ne
suivent plus lescoûts réels quedoit débourser
lâhĂŽpital
du lundiau vendredi
11Hâ11H5
FlorianDelorme
Lâespritdâouver-ture.
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CULTURESMONDE.
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owitz
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La rĂ©ussite« Ă gĂ©omĂ©trie variable » des cours Ă distanceLa continuitĂ© pĂ©dagogique promise aux Ă©lĂšves nâa pas toujours Ă©tĂ© tenue, selon des familles
ENQUĂTE
A lice, collĂ©gienne en rĂ©Âgion parisienne, a« menĂ© un effort consÂtant durant tout le
trimestre ». Câest en tout cas ce qui sâest dit dâelle lors de son troisiĂšmeâ et dernier â conseil de classe. « CetroisiĂšme trimestre, câest du vent, lĂąche lâĂ©lĂšve de 3e. Dâailleurs, on a pratiquement tous eu la mĂȘme apprĂ©ciation. » ElĂšve assidue, Alice, 15 ans, « rumine depuis des semaines », confient ses parents, cadres supĂ©rieurs, sur un ton « sans filtre » quâils ne lui connaisÂsaient pas. « Elle est en boucle sur sa prof de français qui annule les âvisioâ en derniĂšre minute, le prof dâhistoire qui ne maĂźtrise pas le numĂ©rique⊠Tout est devenu lâobÂjet de critiques », se dĂ©sole Guillaume, son pĂšre. Lâannoncede la suppression des Ă©preuves dubrevet a eu raison de sa motivaÂtion. « Chaque soir, quand on luidemande comment sâest passĂ©e sa journĂ©e, elle nous rĂ©pĂšte quâelle esten vacances⊠comme ses profs ! »
« Aux abonnĂ©s absents »Chez Laurent et CĂ©line, qui ont deux enfants au lycĂ©e, Ă Bordeaux,lâenseignement Ă distance fait aussi lâobjet de dĂ©bats animĂ©s autour de la table du dĂźner. Pour lecadet, en 2de, cela a « Ă peu prĂšs fonctionnĂ© » jusquâĂ PĂąques. « EnÂsuite, je nâai pratiquement plus eu de contact avec la classe », ditÂil. LâaĂźnĂ©, en 1re, a vĂ©cu lâ« inverse » : peu dâĂ©changes au dĂ©but, une « tonne de devoirs » depuis mai. « Comme si on pouvait rattraper le temps perdu ! » « On a Ă©crit au lycĂ©e,la direction nous a rĂ©pondu que lâĂ©quipe faisait au mieux, raconÂtent les parents, restaurateurs. Nosfils ne sont pas les plus Ă plaindre. Ce mieux, il faut sâen contenter. »
CĂ©cile, deux enfants eux aussilycĂ©ens, Ă Paris, pense au contrairequâil faut « pointer ce qui coince. On nous a rĂ©pĂ©tĂ©, au dĂ©but du confinement, que tout Ă©tait prĂȘt. Cenâest pas honteux de tĂ©moigner que
ça nâa pas toujours Ă©tĂ© le cas ». Son aĂźnĂ©e, en terminale, rĂ©sume la pĂ©Âriode : « Deux mois et demi de conÂfinement, et six profs sur huit aux abonnĂ©s absents. » Ses deux enseiÂgnants « trĂšs impliquĂ©s » ont, ditÂelle, « fait le job du dĂ©but Ă la fin ».
Dans les rangs des fĂ©dĂ©rations deparents dâĂ©lĂšves, on reconnaĂźt enÂtendre « monter » des tĂ©moignaÂges de ce type. Un peu toujours les mĂȘmes, dâailleurs : sur des enseiÂgnants qui ont mis la « barre haut au dĂ©but » et qui, aprĂšs quinze jours dâĂ©cole Ă distance, nâont plus donnĂ© signe de vie. Sur dâautres qui ont « bombardĂ© » leurs classes dâexercices, y compris pendant les vacances ou un 1erÂMai. Sur dâautres, encore, qui ne rĂ©pondentpas aux sollicitations des Ă©lĂšves⊠« Cela nâefface en rien les âbravosâ et les hommages rendus aux proÂfesseurs, nuance GĂ©rard Pommier, prĂ©sident de la PEEP. Mais il y a desexceptions pour confirmer la rĂšgle. Et ces exceptions sont toujours vĂ©Âcues comme trop nombreuses. »
Selon un sondage IFOP rĂ©alisĂ© enavril, 75 % des familles se sont diÂtes satisfaites du dĂ©roulement de lâenseignement Ă distance. Autant se sont senties capables dâaccomÂpagner leur enfant, et plus de 8 sur10 affirment que celuiÂci a Ă©tĂ© en contact avec un enseignant « au moins une fois par semaine ». En creux, on entraperçoit la part, trĂšs minoritaire et nĂ©anmoins audiÂble, des expĂ©riences problĂ©matiÂques. « Evidemment que la pĂ©riode a Ă©tĂ© difficile, mais il ne faudrait pasque ces retoursÂlĂ soient lâarbre qui
cache la forĂȘt, indique au Monde JeanÂMichel Blanquer, le ministre de lâĂ©ducation. La France est lâun des pays qui a le mieux rĂ©ussi, pendant le confinement, Ă mainteÂnir un lien avec les Ă©lĂšves et Ă leur Ă©viter de dĂ©crocher. La relation entre lâĂ©cole et les familles en est ressortie plutĂŽt renforcĂ©e. Je veux lerĂ©pĂ©ter : la mobilisation des enseiÂgnants est restĂ©e remarquable. »
Câest aussi ce que met en avant laFCPE. « Souvent, les parents qui nous interpellent mĂ©langent la dĂ©motivation de leurs enfants et celle, supposĂ©e, des enseignants, note JeanÂAndrĂ© Lasserre, Ă Paris. Ils veulent croire que si leurs enÂfants travaillent moins, câest que lâoffre scolaire nâest pas Ă la hauÂteur. Quand les attentes sont forÂtes, la dĂ©sillusion peut lâĂȘtre aussi. »
Dâun Ă©tablissement Ă lâautre, onle reconnaĂźt : les « dysfonctionneÂments » existent, mais Ă la marge. « Et ils ne sont pas une surprise, inÂdique Philippe Vincent, secrĂ©taire
gĂ©nĂ©ral du syndicat de proviseursSNPDENÂUNSA. Comme dans toutes les entreprises, on connaĂźt les personnels plus fragiles. Ceux qui ont un problĂšme de santĂ© ou des difficultĂ©s familiales ; ceux quisont mal Ă©quipĂ©s ou mal Ă lâaise avec le numĂ©rique. »
Les chercheurs le disent : lapĂ©riode, inĂ©dite, a mis en lumiĂšre et exacerbĂ© des difficultĂ©s qui lui prĂ©existaient. Braquer les projecÂteurs sur des personnels plus ou moins investis, plus ou moins geeks, inĂ©gaux face Ă la crise, Ă lâanxiĂ©tĂ©, Ă la maladie⊠« LâexpĂ©Ârience du confinement a Ă©tĂ© brutaleet trĂšs diversement vĂ©cue, observe Bruno Devauchelle, du laboratoireTechnĂ© de lâuniversitĂ© de Poitiers, qui travaille sur le dĂ©veloppement du numĂ©rique dans les sciences delâĂ©ducation. Les fragilitĂ©s personÂnelles ajoutĂ©es Ă lâabsence dâaccomÂpagnement ont pu en pousser cerÂtains Ă se mettre en retrait. »
Sans compter les quelquesautres qui, « presque par principe »,disent les proviseurs, refusent lâinstallation Ă la maison dâoutils de liaison avec leur Ă©tablissement. Un ou deux, « pas plus », sur une Ă©quipe de 140 dans telle citĂ© scoÂlaire du ValÂdeÂMarne. Trois ou quatre sur 120 dans ce lycĂ©e marÂseillais. Deux qui ont « totalement disparu de la circulation », trois ou quatre qui ont « travaillotĂ© » dans ce grand Ă©tablissement parisien.
Dans son collĂšge de Montauban(TarnÂetÂGaronne), le plus gros de
lâacadĂ©mie de Toulouse, le princiÂpal JosĂ© Jorge a vite repĂ©rĂ© quâune« portion non nĂ©gligeable » de lâĂ©quipe (prĂšs dâun cinquiĂšme) pourrait « plonger » faute de maÂtĂ©riel et de compĂ©tences numĂ©riÂques. Pour y remĂ©dier, il a multiÂpliĂ© les temps de formation.
« Faire au mieux »« Nos premiĂšres analyses identiÂfient un bon quart de la profession qui Ă©tait dĂ©jĂ acculturĂ©e aux techÂnologies numĂ©riques. Ces enseiÂgnants sâen sont plutĂŽt bien tirĂ©s pour recrĂ©er, mĂȘme Ă distance, unedynamique de classe et inventer dâautres façons de travailler », exÂplique Pascal Plantard, professeur dâanthropologie des usages nuÂmĂ©riques Ă lâuniversitĂ© RennesÂ2.
Il suit depuis trois ans, en BretaÂgne, une cohorte de 1 800 collĂ©Âgiens et une autre de 1 000 enseiÂgnants. « Environ la moitiĂ© des professeurs ont tĂątonnĂ© pour faire au mieux, poursuit le chercheur ; leur capacitĂ© dâadaptation mĂ©ritedâĂȘtre applaudie. Les problĂšmes se concentrent sur le quart restant : des enseignants qui, dâordinaire, nâont pas dâusage ou un usage a minima du numĂ©rique en classe (un tableau blanc interactif, des diaporamas). Eux ont rencontrĂ© le plus de difficultĂ©s. »
Au point de « dĂ©crocher » ? Leverbe, jusquâĂ prĂ©sent rĂ©servĂ© auxĂ©lĂšves, heurte de plein fouet lemonde enseignant. « On joue sur la corde de la culpabilitĂ© mais,
parmi nos collĂšgues, beaucoup doivent encore prendre soin de leurs proches, quand ils ne sont paseuxÂmĂȘmes tombĂ©s malades », fait observer Claire GuĂ©ville, porteÂparole du SNESÂFSU. « Le dĂ©bat se focalise sur les profs rĂ©calcitrants, poursuitÂelle, mais, vu lâĂ©nergie dĂ©ÂployĂ©e collectivement pour rĂ©ponÂdre au dĂ©fi du confinement, il fauÂdrait plutĂŽt saluer un miracle ! »
« Soyons honnĂȘtes : aucun profnâĂ©tait prĂȘt Ă vivre ça, assure, sous couvert dâanonymat, une enseiÂgnante en SeineÂSaintÂDenis. A unmoment ou Ă un autre, on sâesttous retrouvĂ©s en difficultĂ©. Mais câest un tabou que de dire quâon nâyarrive pas⊠» Certains lâassument, pourtant. « Que le lien dâapprentisÂsage ait pu ĂȘtre altĂ©rĂ© durant la pĂ©riode, câest une Ă©vidence, tĂ©moiÂgne Thibaut Poirot, professeur dâhistoireÂgĂ©ographie en lycĂ©e. Nous avons laissĂ© des enfants sur le bord de la route, câest un fait. Mais peutÂon rendre responsables dâinĂ©galitĂ©s amplifiĂ©es par le confiÂnement des enseignants Ă qui on ademandĂ© de faire tenir le systĂšmequel quâen soit le prix ? »
« Quoi quâon fasse, le succĂšs de lacontinuitĂ© pĂ©dagogique est Ă gĂ©omĂ©trie variable, souligne aussiMarc Charbonnier, enseignant enlycĂ©e Ă ChĂątenayÂMalabry (HautsÂdeÂSeine), ne seraitÂce que parceque le âĂ distanceâ ne pourra jamais remplacer ce qui se joue, enclasse, dans la relation directe aux Ă©lĂšves. » MĂȘmes rĂ©serves dâAmĂ©lieHartÂHutasse, enseignante dansun collĂšge en CĂŽteÂdâOr. Semaine aprĂšs semaine, elle a rĂ©ussi Ă maintenir ses rendezÂvous « enaudio » avec ses quatre classes â y compris avec les Ă©lĂšves habitanten zone blanche. « Rarement avant 11 heures », concĂšdeÂtÂelle.Mais sur la qualitĂ© du lien mainÂtenu, cette militante du SNESÂFSUreste prudente : « QuâestÂce que les Ă©lĂšves auront rĂ©ellement appris ? Jenâai aucune certitude sur la valeurpĂ©dagogique de cette continuité⊠Il faudra le vĂ©rifier. »
Câest ce quâa prĂ©vu lâĂ©ducationnationale. Si les Ă©preuves de findâannĂ©e, pour le bac et le brevet,ont Ă©tĂ© annulĂ©es, le ministre delâĂ©ducation sâengage à « accompaÂgner les professeurs pour leur permettre dâĂ©valuer les besoins desĂ©lĂšves, Ă tous les niveaux, dĂšs la rentrĂ©e ». A lâautomne auront lieu les Ă©tats gĂ©nĂ©raux du numĂ©rique Ă lâĂ©cole. Lâoccasion de tirer un biÂlan de ce qui sâest jouĂ©, le meilleurcomme le moins bon.
mattea battaglia
« Je ne suis pas maĂźtresse dâĂ©cole, câest sĂ»r, mais jâai jouĂ© un rĂŽle »De nombreux grandsÂparents ont endossĂ© un rĂŽle de professeur pour leurs petitsÂenfants pendant et aprĂšs le confinement
TĂMOIGNAGES
M a grandÂmĂšre est forteen histoire et en franÂçais, mon grandÂpĂšre
prĂ©fĂšre les maths, la SVT et la techno. » Dimitri, 12 ans, aura appris beaucoup de choses penÂdant le confinement. Et, entre autres, que ses grandsÂparentsfont dâexcellents rĂ©pĂ©titeurs. ConÂfinĂ© en Bretagne avec ses parents et son petit frĂšre, ce collĂ©giendâun Ă©tablissement privĂ© du 12e arrondissement de Paris sâest vite senti noyĂ© sous la masse desdevoirs Ă faire « Ă distance », qui « arrivaient de partout », parfois par mail, parfois sur la plateÂforme numĂ©rique du collĂšge.
Un dimanche, sur Facetime, sesgrandsÂparents paternels lui ont proposĂ© de lâaider. Depuis, AndrĂ© et Lucette se rĂ©partissent les
matiĂšres. Ils disposent des identiÂfiants de leur petitÂfils sur lâespacenumĂ©rique de travail du collĂšge. « On sây met Ă 9 h 30, on regarde ce quâil y a Ă faire et on organise la journĂ©e en fonction, explique Dimitri, qui a rĂ©pondu Ă un appel Ă tĂ©moignages sur Lemonde.fr. Avant, je ne faisais pas lâhistoireÂgĂ©o, la techno et la SVT parce que jene comprenais pas ce quâil fallaitfaire, parce quâil y en avait trop. Maintenant, on en vient Ă bout. »
Avec la fermeture des Ă©coles, le16 mars, et jusquâĂ aujourdâhui â le dĂ©confinement scolaireconcernant toujours une minoÂritĂ© dâĂ©lĂšves â, les parents se sont retrouvĂ©s Ă jongler entre tĂ©lĂ©traÂvail, gestion des tĂąches mĂ©nagĂšÂres et devoirs des enfants. Pour certaines familles, faire assurer« lâĂ©cole Ă la maison » par les grandsÂparents a Ă©tĂ© la solution.
Charlotte, qui prĂ©fĂšre garderlâanonymat, sâest retrouvĂ©e confiÂnĂ©e dans son troisÂpiĂšces de BoulogneÂBillancourt (HautsÂdeÂSeine) avec son conjoint et ses jumeaux, RaphaĂ«l et Laura, en classe de CP. « MiÂavril, ma fille mâa confiĂ© quâelle nây arrivait pas, raÂconte sa mĂšre, Michelle, qui vit surle bassin dâArcachon. Jâai proposĂ©de leur faire faire une sĂ©ance de lecÂture sur Facetime. On a essayĂ©, pas forcĂ©ment trĂšs convaincues⊠Et ça a incroyablement bien marchĂ© ! »
« Les petits sont appliquĂ© »Les enfants ont rendezÂvouschaque jour avec leur grandÂmĂšrepour des sĂ©ances de deux heureset demie : lâun le matin, lâautrelâaprĂšsÂmidi. « Les petits jouent lejeu, constate Michelle. Ils sont concentrĂ©s, appliquĂ©s, ils ont compris que ce temps avec leur
mamie Ă©tait un temps dâĂ©cole et non un temps pour sâamuser. »Pour Charlotte, ce soutien a toutchangĂ©. « Au dĂ©but du confineÂment, je venais de prendre un nouÂveau poste, raconteÂtÂelle. Je gĂ©Ârais lâĂ©cole par Ă Âcoups. Entre deuxappels, je disais âok les enfants, on a une heure pour faire les devoirsâ. Mais ça ne fonctionnait pas. Il fautpouvoir y consacrer du temps longet ĂȘtre structurĂ©. » Le rythme sur Facetime a changĂ© depuis la reÂprise « en prĂ©sentiel », deux jours par semaine, mais les enfantscontinuent Ă voir leur grandÂmĂšre les deux jours restants.
Pour les grandsÂparents qui sesont improvisĂ©s « professeurs » Ă distance, assurer le suivi du travail scolaire a Ă©tĂ© lâoccasion de maintenir un lien mis Ă lâĂ©preuve par le confinement. « Le contact quotidien avec eux a dĂ©veloppĂ©
dâautres choses », explique AndrĂ©, le grandÂpĂšre de Dimitri. Un lien journalier qui nâest pas le mĂȘme que celui des seules vacances scoÂlaires. « On sent quâeux aussi ontapprĂ©ciĂ©, ajoute AndrĂ©. Ils nous le disent et leurs parents aussi. Et ça, câest extrĂȘmement gratifiant. »
Les grandsÂparents rapportenten effet avoir « appris des choses »,tant dans lâusage des outils numĂ©riques que sur les programÂmes scolaires. Ils disent sâĂȘtre senÂtis « utiles », voire « honorĂ©s » defaire progresser leurs petitsÂenÂfants. « Je ne suis pas maĂźtresse dâĂ©cole, câest sĂ»r, dit ainsi Michelle.Mais je vois bien, maintenant que lâĂ©cole a repris, quâils ne sont pas enretard sur le programme. Et je sais que jâai jouĂ© un rĂŽle lĂ Âdedans. »
Avec une plusÂvalue certaine parrapport aux devoirs faits par les parents : « Ma fille me dit quâils
sont plus disciplinĂ©s avec moiquâavec elle, ils font moins la comĂ©Âdie », avance Claude Philiponnet, mĂ©decin du travail Ă la retraite quia fait « lâĂ©cole Ă la maison » depuis AixÂenÂProvence (BouchesÂduÂRhĂŽne) pour deux petits PariÂsiens. « Les devoirs Ă la maison sont une source importante de tension entre parents et enfants, abonde le pĂ©dagogue Philippe Meirieu. Pour les parents, lâĂ©chec dans les devoirs est comme une mise en cause de leur autoritĂ©. »
Les grandsÂparents, par leur « reÂlation affective » avec leurs petitsÂenfants, sont des personnes« tierces » essentielles dans lâĂ©duÂcation, avance le pĂ©dagogue. « Ilssont Ă une place qui leur permetdâapprendre des choses aux enfants, sans entrer dans un bras de fer si ça ne fonctionne pas. »
violaine morin
« Soyons honnĂȘtes : aucunprof nâĂ©tait prĂȘt
à vivre ça », assure une
enseignante deSeine-Saint-Denis
35 %Câest la part dâenseignants qui continuent de faire cours Ă distance, estimait-on au ministĂšre de lâĂ©ducation le 10 juin. Environ 5 % des en-seignants sont « excusĂ©s pour maladie, empĂȘchĂ©s de reprendre le tra-vail pour cause de fragilitĂ© ou pour un autre motif. Cela ne veut pas dire que ces 5 % ont dĂ©crochĂ© ». Il nâempĂȘche : « Quelquâun qui ne fait pas son travail est sanctionnable », a affirmĂ© le ministre sur RTL, mer-credi soir. 60 % des professeurs ont repris le travail « en prĂ©sentiel ».
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14 | france VENDREDI 12 JUIN 20200123
Lâattribution dâun HLM : un systĂšme discriminantSelon une Ă©tude publiĂ©e jeudi 11 juin, plus un mĂ©nage est pauvre, moins il ade chances dâobtenir un logement social
I l sâagit lĂ dâun paradoxe. Alorsque la vocation premiĂšre dulogement social est dâacÂ
cueillir les mĂ©nages les plus moÂdestes, plus on est pauvre, moins on a de chances dâen obtenir un. Câest la cinglante conclusion Ă laÂquelle aboutit lâenquĂȘte, publiĂ©e jeudi 11 juin, menĂ©e par six assoÂciations Ă partir des donnĂ©es exÂtraites du systĂšme national dâenÂregistrement de la demande de logement social, de lâanalyse des dossiers de 96 mĂ©nages, en prinÂcipe prioritaires, mais victimes de cette logique de refus et dâentreÂtiens avec des travailleurs sociaux.
« AprĂšs avoir Ă©tĂ© broyĂ©es par lemĂ©canisme opaque et sĂ©lectif dâatÂtribution, les familles pauvres qui pensent avoir enfin franchi la derÂniĂšre Ă©tape sont bloquĂ©es par la chertĂ© des loyers qui, bien que soÂciaux, sont encore trop Ă©levĂ©s pour elles », analyse Michel Platzer, viceÂprĂ©sident de ATD Quart Monde, partenaire, pour cette enquĂȘte, du Secours catholique, de SolidaritĂ©s nouvelles pour le logement, de la Fondation AbbĂ© Pierre, dâHabitat et humanisme et de SolidaritĂ© DALO. Depuis 1973, le nombre de demandeurs dâun logement socialnâa pas cessĂ© dâaugmenter â plus de deux millions depuis 2018 â, tandis que leur situation finanÂciĂšre sâest dĂ©gradĂ©e : 51 % des canÂdidats appartiennent au quart de la population aux revenus les plusbas, contre 25 % en 1978.
Dans son rapport, publiĂ©en 2017, la Cour des comptes consÂtatait que le taux dâattributions dâun logement social aux famillesdisposant de moins de 500 eurospar mois et par unitĂ© de consomÂmation nâĂ©tait, en 2015, que de 19 %, contre 26 % pour lâensemble des mĂ©nages demandeurs, sept points dâĂ©cart qui constituent uneforme de discrimination fineÂment analysĂ©e par cette enquĂȘte. Les auteurs estiment Ă 224 000 lenombre de familles bloquĂ©es penÂdant des annĂ©es sur la liste dâatÂtente sans quâaucune proposition leur ait Ă©tĂ© faite ou, pire, ayant Ă©tĂ© refusĂ©es Ă la toute derniĂšre Ă©tapedu long parcours dâattributionpar le bailleur social, qui a, de droit, le dernier mot.
« Câest dĂ©courageant »Moussa (le prĂ©nom a Ă©tĂ© changĂ©), 32 ans, français dâorigine maÂlienne, est intĂ©rimaire dans les travaux publics, notamment pour Eurovia, filiale de Vinci spĂ©ÂcialisĂ©e dans les chantiers rouÂtiers. Il gagne entre 2 300 et 2 600 euros par mois. Depuis 2016, il habite le 14e arrondisseÂment de Paris, dans une sousÂpente de 2,5 mĂštres carrĂ©s dĂ©claÂrĂ©e « impropre Ă lâhabitation » par arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral. Prioritaire par dĂ©finition pour accĂ©der Ă un logeÂment social, solidement soutenu par la Fondation AbbĂ© Pierre, il a dĂ©jĂ essuyĂ© quatre refus en comÂmission dâattribution, Ă Nanterre, Courbevoie et BoisÂColombes (HautsÂdeÂSeine), alors que son dossier Ă©tait classĂ© deuxiĂšme destrois candidats sĂ©lectionnĂ©s. « Je ne comprends pas, tĂ©moigneÂtÂil.Il manque toujours un papier, onoublie de me tĂ©lĂ©phoner, on mâinÂvente une dette locative⊠Câest dĂ©Âcourageant, car, Ă chaque fois, jâai lâespoir, mais rien ne se passe. »
AprĂšs quatre ans et demi dâhĂ©Âbergement, Ă cinq (grandsÂpaÂrents, parents et fils) dans une chambre dâhĂŽtel, la famille A., arrivĂ©e dâArmĂ©nie en Bretagne en 2012, avait rĂ©ussi Ă rĂ©unir touÂtes les conditions exigĂ©es pour acÂcĂ©der Ă un logement social â titres de sĂ©jour, bourse dâĂ©tudes pour le fils â, mais sâest vu refuser un apÂpartement par le bailleur social,qui a jugĂ© trop incertaines les ressources de la mĂšre, en CDD comme femme de mĂ©nage. « Cette
attitude nous a dĂ©concertĂ©s, car lesressources couvraient largement leloyer et, surtout, il y avait des apÂpartements vides disponibles », se souvient MarieÂAnnonciade Petit, chargĂ©e des relations publiques pour Habitat et humanisme. Pour rassurer le bailleur, lâassociation a signĂ© le bail et la famille a pu emÂmĂ©nager en 2018.
La rĂ©ticence des bailleurs soÂciaux sâexplique par leur souci de ne pas prendre de risque dâimpayĂ©de loyer. Alors, dĂšs quâils sentent que les finances sont fragiles, quâune dette de loyer a pu ĂȘtre contractĂ©e auparavant, ils referÂment la porte. Par ailleurs, la prĂ©Âsence dâenfants proches de la maÂjoritĂ©, qui fera bientĂŽt chuter lemontant des allocations familiaÂles et des aides au logement, ou la prĂ©caritĂ© des emplois les rendent frileux. Le risque financier nâest pourtant pas un critĂšre lĂ©gal de prise en compte du dossier, et il cache parfois des motifs moins avouables, comme lâorigine des demandeurs : « Jâai entendu des phrases comme : âAvec un ComoÂrien, câest toute la famille qui arÂrive.â », raconte Mme Petit. Un canÂdidat qui ose refuser le logementquâon lui propose prend, lui, le risÂque de voir son dossier enterrĂ©.
Le lĂ©gislateur a bien tentĂ©, et ceĂ plusieurs reprises, de forcerlâouverture des portes des HLM aux cas les plus difficiles. La loi surle droit au logement opposable (DALO, du 5 mars 2007), un statut accordĂ© au demandeur qui oblige lâEtat Ă le reloger dans les six mois,laisse toujours 54 360 « mĂ©nages DALO » sans solution. « Nous avons bien un accord dĂ©partemenÂtal avec les bailleurs sociaux de lâIleÂdeÂFrance pour quâils mettent Ă la disposition des associations et des personnes hĂ©bergĂ©es 2 000 logeÂments par an, mais ils nâen propoÂsent que 1 000 et beaucoup dâentre eux ne jouent pas le jeu et refusent nos candidats », dit Odile PĂ©cout, travailleuse sociale pour SolidariÂtĂ©s nouvelles pour le logement.
En 2009, la loi de mobilisationpour le logement et la lutte contrelâexclusion oblige Action LogeÂment (exÂ1 % logement) Ă rĂ©server un quart de ses attributions aux publics prioritaires, ce qui nâa jaÂmais Ă©tĂ© fait. La loi relative Ă lâĂ©gaÂlitĂ© et Ă la citoyennetĂ©, du 27 janÂvier 2017, a, elle, instaurĂ© lâobligaÂtion faite aux bailleurs de rĂ©serÂver, hors quartiers prioritaires de la ville, 25 % des attributions aux 25 % des demandeurs les plus moÂdestes ; 18,7 % des demandeurs en ont profitĂ© sur le plan national, mais seulement 15 % Ă Nice ou 11 %en IleÂdeÂFrance.
Un obstacle majeur est le loyertrop Ă©levĂ© des logements sociaux qui se libĂšrent. Leur montant est dĂ©connectĂ© de la situation des deÂmandeurs, ainsi victimes, selon lerapport, « dâexclusion Ă©conomiÂque ». Les six associations Ă lâoriÂgine de lâenquĂȘte demandent, entre autres, la revalorisation de lâaide personnalisĂ©e au logement et une nouvelle politique des loyers sociaux, Ă ajuster aux resÂsources des candidats pour parveÂnir Ă une « quittance adaptĂ©e ». Une possibilitĂ© dĂ©jĂ envisagĂ©e parles lois ELAN (2018) et « Ă©galitĂ© etcitoyennetĂ© », mais trĂšs peu usiÂtĂ©e, sauf Ă Rennes.
isabelle reyÂlefebvre
Une vaste enquĂȘte pour mieux comprendre et amĂ©liorer les soins palliatifsLes rĂ©sultats viendront nourrir le prochain plan national dâaccompagnement de la fin de vie
E n entraĂźnant la mort deplusieurs milliers de perÂsonnes ĂągĂ©es, lâĂ©pidĂ©mie
due au coronavirus a posĂ© de maÂniĂšre aiguĂ« la question des soins palliatifs. Les structures existant en France pour accompagner ces fins de vie Ă©taientÂelles suffisanÂtes ? OntÂelles pu fonctionner corÂrectement ? Sur ce point, lâheure du bilan exhaustif nâest pas enÂcore venue. Mais lâĂ©tat des lieux des structures et ressources en soins palliatifs rendu public, jeudi 11 juin, par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), tombe Ă point nommĂ©, tant ce sujet est revenu dans lâactualitĂ© avec la crise sanitaire.
Cette enquĂȘte, premiĂšre dugenre, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en ligne en ocÂtobre 2019, auprĂšs des deux prinÂcipaux types de structures charÂgĂ©es de lâaccompagnement des fins de vie : les unitĂ©s de soins palÂliatifs (USP), services hospitaliersconstituĂ©s de lits allouĂ©s aux soinspalliatifs ; et les Ă©quipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), Ă©quipes pluriprofessionnelles qui accomÂpagnent la prise en charge des fins de vie Ă lâhĂŽpital, en Ă©tablisseÂment mĂ©dicoÂsocial ou Ă domicile.LâĂ©tude comporte deux volets : lepremier, quantitatif, recense le nombre de lits et de ressources humaines ; le second, qualitatif,reflĂšte le ressenti des Ă©quipes quant Ă leurs conditions dâexerÂcice quotidien. Le taux de rĂ©ponse est de 85 % parmi les 158 USP, et de75 % des 408 EMSP que compte le territoire national. Une participaÂ
tion satisfaisante et gĂ©ographiÂquement bien rĂ©partie, qui perÂmet, prĂ©cise le CNSPFV, de consiÂdĂ©rer cet Ă©tat des lieux comme « reprĂ©sentatif de la situation moyenne française et de la situaÂtion moyenne rĂ©gion par rĂ©gion ».
Pour toutes les Ă©quipes dâUSP etdâEMSP, la difficultĂ© la plus frĂ©Âquente signalĂ©e est un manque depersonnel, notamment de mĂ©deÂcins. On compte en moyenne 1,5 mĂ©decin et 7,5 infirmiĂšres pour10 lits dâUSP (une USP dispose en moyenne de 12,5 lits), et 0,7 mĂ©deÂcin et 1 infirmiĂšre dâEMSP pour 100 000 habitants. Relativement homogĂšne Ă lâĂ©chelle des rĂ©gions, cette rĂ©alitĂ© nâen cache pas moins de fortes inĂ©galitĂ©s dĂ©partemenÂtales en ce qui concerne le nomÂbre de lits dĂ©volus aux soins palÂliatifs. Une autre Ă©tude du CNSPFVrĂ©vĂšle ainsi que 27 dĂ©partements ne disposent mĂȘme pas dâun lit dâUSP pour 100 000 habitants, contre 9,4 lits Ă Paris.
InterrogĂ©es quant Ă la « presÂsion » ressentie dans leur exercice quotidien, les Ă©quipes dâUSP lâont qualifiĂ©e de « gĂ©rable » Ă 54 %, « liÂmite » Ă 37 % et « ingĂ©rable » Ă 9 %. La situation est plus dĂ©licate dans les EMSP : elle nâest vĂ©cue comme « gĂ©rable » que pour 42 % des Ă©quiÂpes rĂ©pondantes, alors quâelle est « limite » pour 52 % et « ingĂ©rable » pour 6 % dâentre elles. « GlobaleÂment, les EMSP apparaissent donc comme plus en difficultĂ© de foncÂtionnement que les USP », soulignele CNSPFV. La raison principale en est lâaugmentation rĂ©cente de leur
activitĂ© extraÂhospitaliĂšre. AprĂšs que fut promulguĂ©e, en 2005, la loi garantissant le droit Ă lâaccĂšs detoutes les personnes en fin de vie aux soins palliatifs, il est apparuque lâaccĂšs Ă cette pratique restaitproblĂ©matique dans les structuÂres mĂ©dicoÂsociales, notamment dans les Ă©tablissements dâhĂ©berÂgement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©Âpendantes (Ehpad). Les pouvoirs publics y ont donc encouragĂ© lâinÂtervention des EMSP, et certainesde ces Ă©quipes mobiles ont passĂ© convention avec plusieurs dizaiÂnes dâEhpad, afin de les aider Ă gĂ©Ârer les fins de vie de leurs rĂ©siÂdents. Soit une nette augmentaÂtion de leur activitĂ© clinique, alors mĂȘme que leurs dotations « nâont guĂšre augmentĂ© depuis 2012 ».
Pistes dâamĂ©lioration« Quand vous ĂȘtes une petiteĂ©quipe de soins palliatifs et que vous avez sous votre responsabilitĂ©une centaine dâEhpad, Ă quoi sâajoutent les patients Ă domicile, et que vous ĂȘtes âmobileâ mais que vous ne disposez pas de voiture, câest assez kafkaĂŻen », rĂ©sume le docteur VĂ©ronique Fournier, qui prĂ©side le CNSPFV depuis sa crĂ©aÂtion, en 2016. Et de pointer un autre problĂšme, relatif cette fois aux USP : « On leur demande, par exemple, de prendre des personnes en fin de vie en sĂ©jour de rĂ©pit, le temps que la famille se repose. » Certaines Ă©quipes soulignent le risque de ne plus pouvoir accomÂpagner leurs patients jusquâĂ la mort, faute de places suffisantes.
Quelles mesures envisager pourenrayer ces dysfonctionnements ?« La prioritĂ© est de mettre autourdâune table les diffĂ©rents acteurs concernĂ©s, et de voir ensemble ce quâil est rĂ©aliste de faire », rĂ©pondprudemment le docteur Fournier. Les Ă©lĂ©ments fournis par cette enquĂȘte devraient permettre de poser les jalons dâune rĂ©flexion,notamment dans le cadre du prochain plan national dâaccomÂpagnement de la fin de vie et dessoins palliatifs. Lequel se fait atÂtendre : prĂ©vu pour succĂ©der auplan 2015Â2018, il devait ĂȘtre lancĂ© en 2019, avant dâĂȘtre repoussĂ©en 2020⊠puis dâĂȘtre Ă nouveau ajournĂ© du fait de la crise.
A quelque chose malheur Ă©tantbon, lâĂ©pidĂ©mie a peutÂĂȘtre monÂtrĂ© quelques pistes dâamĂ©lioration.En touchant majoritairement les personnes ĂągĂ©es, elle a mis Ă lâĂ©preuve les dispositifs existants. Pour certains, ce fut lâoccasion de rĂ©vĂ©ler leur efficacitĂ© : dans la rĂ©Âgion du GrandÂEst, cruellement atÂteint par le CovidÂ19, le rĂ©seau de soins palliatifs, qui avait Ă gĂ©rer une bonne centaine dâEhpad, est ainsi globalement parvenu Ă maĂźÂtriser la situation. « LâĂ©pidĂ©mie a aussi permis Ă de nombreux soiÂgnants de vaincre la peur que leur inspiraient les soins palliatifs. Ils ont Ă©tĂ© mis en demeure dâaccompaÂgner leurs patients en fin de vie, et ça sâest plutĂŽt bien passĂ©, remarquele docteur Fournier. Il faut tirer parti de cette expĂ©rience, et en dĂ©Âgager les bonnes pratiques. »
catherine vincent
Prison avec sursis et inéligibilité requises contre le maire de SanaryFerdinand Bernhard était jugé pour plusieurs infractions liées à sa fonction
marseille  correspondant
L es choix que jâopĂšre sonttoujours faits pour servirau mieux les intĂ©rĂȘts de lacommune. Il arrive que je
me trompe mais dans ce casÂlĂ , je ne me suis pas trompĂ©. » Devant le tribunal correctionnel de MarÂseille, le maire (divers droite) de SanaryÂsurÂMer (Var), Ă©lu depuis 1989, sâest dĂ©fendu dâavoir mĂ©ÂlangĂ© intĂ©rĂȘts publics et fins priÂvĂ©es. Ferdinand Bernhard, 68 ans, Ă©tait jugĂ© pour plusieurs infracÂtions liĂ©es Ă sa fonction : prise illĂ©gale dâintĂ©rĂȘts, dĂ©tournement de fonds publics et favoritisme.
Evoquant « un professionnel de lavie publique qui sait trĂšs bien ce quâil fait », le procureur Etienne Perrin a brocardĂ© « un serviteur quisâest servi », « le pivot dâun systĂšme »qui se serait ancrĂ© dans cette comÂmune balnĂ©aire. Le magistrat a reÂquis, mercredi 10 juin, trois ans de prison avec sursis, une amende de100 000 euros, une privation des droits civils, civiques et de faÂmille â dont ceux de vote et dâĂ©ligiÂbilitĂ© â pendant cinq ans.
« Comment apprĂ©cier les atteinÂtes Ă la probitĂ©, sâest interrogĂ© M. Perrin. Le voleur passe en comÂparution immĂ©diate car câest gravemais lĂ câest plus grave car il y a disÂsimulation, car les fonctions et les responsabilitĂ©s qui lui sont conÂfiĂ©es ont Ă©tĂ© totalement dĂ©voyĂ©es, sans Ă©tat dâĂąme. » Et pour souliÂgner cette gravitĂ©, le procureur a requis la confiscation du terrain sur lequel M. Bernhard, un chirurÂgienÂdentiste aux revenus conforÂtables, a construit quatre maisons dont la sienne, un ensemble Ă©vaÂluĂ© Ă prĂšs de 1,5 million dâeuros.
Cette opĂ©ration immobiliĂšrecompose lâun des pans de ce dosÂsier. LâĂ©lu avait impliquĂ© les serviÂces de lâurbanisme et les services techniques de SanaryÂsurÂMer dans lâinstruction de son permis de construire. « Ce nâest pas un priÂvilĂšge, nâimporte quel administrĂ© peut solliciter les services et bĂ©nĂ©fiÂcier dâune prĂ©Âinstruction », aÂtÂil soutenu, reconnaissant juste que les choses Ă©taient allĂ©es un peu plus vite pour lui. En guerre avec des opposants, il savait que son projet serait attaquĂ©. « Jâai une seule obsession : ĂȘtre dans la lĂ©gaÂlitĂ©. » A ses fonctionnaires, il lance donc : « Regardez ce que le plustordu des tordus pourrait trouver. »
« Promotion canapĂ© »En juillet 2010, le conseil municiÂpal vote une procĂ©dure de dĂ©claraÂtion dâutilitĂ© publique en vue de lâexpropriation de terrains, ce qui permettra de faire passer une canalisation dâassainissement mais aussi de desservir son terÂrain et le dĂ©senclaver. Un projet deliaison portĂ© par la commune bien avant son Ă©lection, se dĂ©fend lâĂ©lu pour lequel « cette voie nâavaitaucun intĂ©rĂȘt » pour lui, disposantdĂ©jĂ dâune servitude de passage.
Ce « mĂ©lange dâintĂ©rĂȘts personÂnels Ă ceux de la commune », cet « arbitraire » quâil dĂ©nonce dans son rĂ©quisitoire, le procureur le souligne aussi dans « lâascension fulgurante au sein de la mairie » dâune attachĂ©e territoriale deveÂnue sa compagne Ă lâĂ©tĂ© 2009. « Ilnâest pas question dâĂȘtre indiscret, avait campĂ© dâemblĂ©e la prĂ©siÂdente du tribunal CĂ©line BallĂ©rini. Mais câest le fond de notre dossier. »RecrutĂ©e dĂ©but 2009 comme conÂ
trĂŽleuse de gestion, cette comptaÂble avait Ă©tĂ© nommĂ©e, en aoĂ»t suiÂvant, Ă lâun des deux postes de colÂlaborateur de cabinet, avant defaire fonction de directrice gĂ©nĂ©Ârale des services en 2011. Son saÂlaire avait quasiment doublĂ©.
Sur le long banc des prĂ©venus,le maire et son exÂcompagne se sont assis aux deux extrĂ©mitĂ©s. Lorsquâelle parle de lui, elle emÂploie lâexpression « lâautoritĂ© ».« Jâai mĂ©ritĂ© ce poste ! Câest impenÂsable que je sois recrutĂ©e pour autre chose que pour mes qualitĂ©s professionnelles et ce que jâavais pu prouver », martĂšleÂtÂelle. DâailÂleurs Ă lâentendre, la relation sentimentale nâaurait dĂ©butĂ© quâaprĂšs sa nomination au postede collaborateur de cabinet. InterÂrogĂ©e en 2015 par les gendarmes, elle avait nĂ©anmoins reconnu deÂvoir un accĂšs aussi rapide Ă ce poste â et au troisiĂšme salaire le plus haut de la commune â Ă sa reÂlation avec le maire.
« On est dans une relation detravail et notre vie privĂ©e est accesÂsoire, elle nâa pas Ă sâimmiscer dansla vie professionnelle », abonde Ferdinand Bernhard pour qui « on peut les sĂ©parer sans se priver du
bonheur dâĂȘtre ensemble ». Une peine de six mois de prison avec sursis, une amende de 50 000 euros et deux ans de privaÂtion des droits civils, civiques et defamille ont Ă©tĂ© requis contre lâexÂdirectrice gĂ©nĂ©rale des services.
Personne ne conteste les capaciÂtĂ©s professionnelles de cette anÂcienne compagne du maire, ni le travail fourni, mais le procureur rappelle que le second poste de collaborateur Ă©tait, un temps, ocÂcupĂ© par une prĂ©cĂ©dente petiteamie de M. Bernhard. « EstÂce que les fonctions de collaborateur decabinet nâont pas Ă©tĂ© un moyen de gratifier des personnes pour les reÂlations intimes quâelles avaient avec vous ? », demande le magisÂtrat. Pour lâĂ©lu, « câest vraiment faire un raccourci de la vie publiÂque que dâimaginer cela » et câest« indĂ©cent et malvenu quâon puise considĂ©rer quâune femme a sa carÂriĂšre du fait dâune relation ».
Face Ă des rĂ©quisitions quâil aqualifiĂ©es de « demande de mise Ă mort politique et de mise Ă mort patrimoniale », Me Julien Pinelli a rĂ©clamĂ© la relaxe de Ferdinand Bernhard qui « nâa jamais, ne seÂraitÂce que tentĂ©, de violer la loi ». « La promotion canapĂ©, aÂtÂil expliquĂ©, câest offrir Ă quelquâun une ascension professionnelle pour laquelle elle nâa pas les capaciÂtĂ©s. Ici, je nâai pas entendu une courtisane mais quelquâun qui a gagnĂ© ses galons par son travail. »
Le maire a Ă©tĂ© rĂ©Ă©lu haut la mainau premier tour des municipales et, au tribunal, il a dĂ©clarĂ© vivre, auvu et au su des habitants de SaÂnary, avec sa secrĂ©taire. Le jugeÂment sera rendu le 7 septembre.
luc leroux
Le procureur dénonce dans
son réquisitoirele « mélange
dâintĂ©rĂȘts personnels
de lâĂ©lu Ă ceux de la commune »
Le législateur atenté à plusieurs
reprises de forcerlâouverture des portes
des HLM aux casles plus difficiles
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 ĂCONOMIE & ENTREPRISE | 15
Au BrĂ©sil, une dĂ©bĂącle Ă©conomique inĂ©diteLes experts prĂ©voient pour 2020 un plongeon de 6 % Ă 10 % de la richesse nationale. Du jamaisÂvu
rio de janeiro  correspondant
L e BrĂ©sil nâen est pas Ă unecrise prĂšs. FrappĂ© de pleinfouet par la pandĂ©mie deCovidÂ19, en proie aux cirÂ
convolutions politiques de sonprĂ©sident, Jair Bolsonaro, le gĂ©ant sudÂamĂ©ricain doit aussi faire face Ă un crash Ă©conomique dâunegravitĂ© sans prĂ©cĂ©dent.
Les perspectives sont trĂšs somÂbres : le ministĂšre de lâĂ©conomie table dĂ©sormais sur un recul duproduit intĂ©rieur brut (PIB) de 4,7 % en 2020. Des prĂ©visions draÂmatiques, mais qui paraissent bien optimistes Ă une majoritĂ© dâinstituts dâĂ©tudes et dâĂ©conoÂmistes. Ces derniers prĂ©voient plutĂŽt un plongeon de 6 % Ă 10 % de la richesse nationale cette anÂnĂ©e : une rĂ©cession jamais enreÂgistrĂ©e dans lâhistoire du BrĂ©sil.
La vague du CovidÂ19 a provoÂquĂ© un ralentissement gĂ©nĂ©ral de lâĂ©conomie, notamment aprĂšs les mesures de restrictions mises en place par les autoritĂ©s locales, maires ou gouverneurs, qui ontfait fermer, depuis la miÂmars, la plupart des commerces et activiÂtĂ©s non essentielles. Les mesures ont Ă©tĂ© particuliĂšrement strictesdans lâEtat de Sao Paulo, Ă©picentrede lâĂ©pidĂ©mie et poumon Ă©conoÂmique du pays, qui gĂ©nĂšre un tiers du PIB national.
On manque encore de donnĂ©esofficielles pour connaĂźtre lâinciÂdence de la pandĂ©mie sur le chĂŽÂmage et la pauvretĂ©. Mais, dĂšs lamiÂmai, la trĂšs sĂ©rieuse FondaÂtion Getulio Vargas (FGV) a publiĂ©des chiffres inquiĂ©tants : dâaprĂšs elle, 40 % des entreprises des secÂteurs du commerce, de lâindusÂtrie, des services et de la construcÂtion auraient dĂ©jĂ Ă©tĂ© contraints de licencier tout ou partie de leur personnel Ă cause de la crise. Plus dâun mĂ©nage sur deux a vu lâun deses membres touchĂ© par le chĂŽÂmage ou une baisse de salaire. PrĂšs de huit BrĂ©siliens sur dix diÂsent aujourdâhui limiter leursachats aux biens essentiels.
La situation est dâautant plusdifficile que la crise frappe un pays « Ă peine remis de la granderĂ©cession de 2016Â2017, avec un chĂŽmage fort, supĂ©rieur Ă 11 %, et des inĂ©galitĂ©s trĂšs creusĂ©es, oĂč lesdeux tiers de la population viventdans la pauvretĂ© ou la prĂ©caritĂ© », insiste Monica de Bolle, Ă©conoÂmiste et professeure Ă lâuniversitĂ©amĂ©ricaine JohnsÂHopkins. SurÂ
tout, selon elle, « le BrĂ©sil est malÂheureusement dirigĂ© par un gouÂvernement passif, qui a niĂ© des semaines durant la gravitĂ© de la pandĂ©mie, ainsi que son impact sur lâĂ©conomie, et qui rĂ©agit aujourdâhui de maniĂšre totaleÂment improvisĂ©e ».
« Aucun projet structurĂ© »La seule mesure forte prise par le pouvoir dâextrĂȘme droite de Jair Bolsonaro est une aide dâurÂgence mensuelle de 600 reais (109 euros). « Mais le gouverneÂment a adoptĂ© cette mesure Ă contrecĆur, sous pression de la sociĂ©tĂ© civile et du Parlement. Aujourdâhui, il nâa plus aucun projetstructurĂ© sur la façon dâaider lâĂ©coÂnomie Ă faire face Ă la rĂ©cession », dĂ©nonce Mme de Bolle. Le minisÂtĂšre de lâĂ©conomie a dâailleurs annoncĂ©, mardi 9 juin, que lâaide
dâurgence serait encore versĂ©e pour deux mois de plus, mais quâelle ne serait que de 300 reais.
La situation nâest pas prĂšs desâamĂ©liorer : alors quâune bonne partie de la planĂšte vit Ă lâheure du dĂ©confinement, le BrĂ©sil est enpasse de devenir le principal foyeractif de lâĂ©pidĂ©mie, avec prĂšs de 40 000 victimes et 772 000 cas reÂcensĂ©s au 10 juin. Les menaces de destitution ou de coup dâEtat nerassurent pas les investisseurs.Selon lâagence Reuters, les invesÂtissements directs Ă destination du pays se sont rĂ©duits Ă peau dechagrin au mois dâavril : 234 milÂlions de dollars (207,8 millionsdâeuros), le plus mauvais rĂ©sultat mensuel depuis 1995.
Le gouvernement brésilien vadonc devoir faire face seul, et ce, alors que les caisses se vident. Une étude publiée par le journal
Folha de S.Paulo et coordonnĂ©e par lâĂ©conomiste renommĂ© MarÂcos Lisboa anticipe un dĂ©ficit reÂcord des comptes publics pour2020, supĂ©rieur Ă 1,2 trillion de reais, et une dette qui devrait sansnul doute exploser et dĂ©passer la barre symbolique des 100 % duPIB (contre 76 % avant la crise).
Pour ne rien arranger, une lutteoppose deux camps au sommet
de lâEtat. Dâun cĂŽtĂ©, lâultralibĂ©ralministre de lâĂ©conomie Paulo Guedes, qui souhaiterait dĂ©rĂ©guÂler davantage encore le marchĂ© du travail et poursuivre un vaste plan de privatisations. De lâautre, lâaile militaire, reprĂ©sentĂ©e par Walter Braga Netto, ministreÂchef de la Casa Civil (Ă©quivalent de chefde cabinet du prĂ©sident), qui miÂlite pour un grand programme dedĂ©penses dâinvestissement dans les infrastructures, conçu commeun « plan Marshal brĂ©silien », et chiffrĂ© Ă 300 milliards de reais.
Pour le moment, Jair Bolsonaroa donnĂ© raison Ă son ministre de lâĂ©conomie. « Un seul homme dĂ©Âcide de la direction de lâĂ©conomie au BrĂ©sil : il sâappelle Paulo GueÂdes », aÂtÂil dĂ©clarĂ©, fin avril. DeÂpuis le dĂ©but de la crise, le chef de lâEtat nie la gravitĂ© de la pandĂ©mieet appelle Ă une rĂ©ouverture toÂ
A Hongkong, les milieux dâaffaires sâalignent sans ciller sur PĂ©kinLes menaces de riposte amĂ©ricaines nâinquiĂštent pas vraiment la place financiĂšre, dont lâactivitĂ© est intrinsĂšquement liĂ©e Ă la Chine
hongkong  correspondance
L es banques et tous lesacteurs importants dela place financiĂšre de
Hongkong, qui ont toujours priviÂlĂ©giĂ© la neutralitĂ© politique, sont dĂ©sormais contraints de choisir leur camp. Dâun cĂŽtĂ©, PĂ©kin, qui va imposer Ă Hongkong une loidraconienne de sĂ©curitĂ© natioÂnale dans les mois Ă venir ; de lâautre, Washington, qui a promis des mesures de rĂ©torsion Ă cette atteinte Ă lâautonomie du terriÂtoire chinois, en lui enlevant son statut « spĂ©cial » garanti par le Hongkong Policy Act de 1992. Or, tout indique que les milieux dâafÂfaires, tant hongkongais quâocciÂdentaux, optent pour PĂ©kin, sans hĂ©sitation ni Ă©tats dâĂąme, sous couvert de pragmatisme.
Mercredi 10 juin, le secrĂ©tairedâEtat amĂ©ricain, Mike Pompeo, a dâailleurs accusĂ© HSBC de faire des « courbettes intĂ©ressĂ©es » Ă la
Chine, et lâĂ©norme fonds dâinvesÂtissement britannique Aviva InÂvestors (250 milliards de dollars dâactifs, soit 220 milliards dâeuros)sâest dĂ©clarĂ© « mal Ă lâaise » et « mĂ©Âcontent » quant Ă la prise de posiÂtion des banques HSBC et de StanÂdard Chartered, toutes deux favoÂrables Ă la future loi chinoise. « UnmarchĂ© financier a besoin, avanttoute chose, de stabilitĂ© politique.Peu importe par quel moyen elleest obtenue », commente, pour sa part, Fabrice Jacob, prĂ©sident deJK Capital Management, Ă©tabli Ă Hongkong, dont tous les fondsont gagnĂ© 10 % en dix jours.
AprĂšs que le Parlement chinoisa annoncĂ©, le 21 mai, quâil se saisiÂrait dâune loi sur la « protection de la sĂ©curitĂ© nationale » Ă Hongkong, la Chine a dĂ©ployĂ© desĂ©missaires pour tenter de persuaÂder le monde entier du bienÂfondĂ© de sa mesure. CelleÂci est « principalement vouĂ©e Ă ramener lâordre », un argument doux aux
oreilles du camp de lâargent danslâexÂcolonie britannique, qui rĂȘve de retrouver une stabilitĂ© sociale et politique disparue depuis un an, afin de continuer de prospĂ©Ârer. Lâancien chef de lâexĂ©cutifhongkongais (de 2012 Ă 2017), C. Y. Leung, tout dĂ©vouĂ© Ă PĂ©kin, avaitdâailleurs publiquement interÂpellĂ© HSBC sur sa position.
« Un atout formidable »Pour ou contre la loi de sĂ©curitĂ© nationale ? HSBC a vite tranchĂ©,Hongkong et la Chine ayant reÂprĂ©sentĂ© 75 % de ses profits en 2019. Le 3 juin, la banque a mis en ligne une photo de son direcÂteur AsieÂPacifique, Peter Wong, en train de signer une pĂ©tition faÂvorable Ă la dĂ©cision de PĂ©kin⊠Un peu plus tard, un porteÂparole de Standard Chartered se dĂ©claÂrait « convaincu que la loi de sĂ©cuÂritĂ© nationale [pouvait] maintenir la stabilitĂ© sociale et Ă©conomique de Hongkong Ă long terme ».
Quelques jours avant, Li KaÂshing, le plus cĂ©lĂšbre des tycoons,avait ouvert la danse des allĂ©geanÂces Ă PĂ©kin, en Ă©tant le premier Ă se dĂ©clarer « favorable » Ă la loi de sĂ©curitĂ© nationale. Les autres sonttombĂ©s comme des dominos. Sir Michael Kadoorie, qui partage avec Li KaÂshing le monopole de lâĂ©lectricitĂ© Ă Hongkong, les grouÂpes Swire Pacific (Cathay) et JarÂdine Matheson (HĂŽtels MandaÂrin) lui ont emboĂźtĂ© le pas.
« Personne ne crache dans lamain de celui qui le nourrit, câest aussi simple que cela. Si vous tenezĂ vos affaires en Chine, vous resÂpectez lâautoritĂ© chinoise. Il nây a pas de question morale lĂ ÂdeÂdans », rĂ©sume un banquier euroÂpĂ©en. Dâautant quâaucune place chinoise â ni ShanghaĂŻ ni ShenÂzhen ni mĂȘme Singapour â nâesten mesure de concurrencer sĂ©Ârieusement Hongkong, son Ă©coÂsystĂšme bien rodĂ© et bien rĂ©gleÂmentĂ©, son cadre juridique fondĂ©
sur la common law (le droit coutuÂmier), son trĂšs faible taux dâimpoÂsition, son vivier de talents interÂnationaux, ses infrastructures et, surtout, son accĂšs presque direct Ă la manne de capitaux chinois.
Selon le discours qui prĂ©vautparmi les acteurs de la place fiÂnanciĂšre, la Chine a dâailleurs, elleaussi, grand besoin de Hongkong,et nâa donc aucunement lâintenÂtion de la sacrifier. « Une zone dolÂlar en territoire chinois, câest un atout formidable et la Chine y tientbeaucoup ! », affirme lâun dâeux. Dâailleurs, si la Bourse a dâabord dĂ©crochĂ© de 5 % lors de lâannonce du projet de loi, elle sâest, depuis,amplement remise.
Dans ce contexte, les mesurespunitives amĂ©ricaines qui, selonle prĂ©sident Donald Trump, deÂvaient faire « trĂšs mal », nâinquiĂšÂtent personne. MĂȘme si les dĂ©tailsne sont toujours pas connus, la menace ressemble Ă du bluff. InÂterpellĂ©, mercredi, au Parlement
local sur les consĂ©quences Ă©venÂtuelles de ce changement de la poÂlitique amĂ©ricaine Ă lâĂ©gard de Hongkong, le secrĂ©taire au comÂmerce et au dĂ©veloppement Ă©coÂnomique, Edward Yau, a soulignĂ©que les exportations HongkonÂgaises vers les EtatsÂUnis qui bĂ©ÂnĂ©ficiaient de privilĂšges douaÂniers au titre du statut spĂ©cial ne reprĂ©sentaient que⊠0,1 % du toÂtal des exportations.
« Les gesticulations de Trump nesont quâun show Ă©lectoral. Les ChiÂnois ne sont pas dupes », juge M. JaÂcob. En revanche, depuis le vote auSĂ©nat amĂ©ricain, en mai, de nouÂvelles mesures de contrĂŽle des enÂtreprises chinoises cotĂ©es Ă Wall Street, les 146 entreprises chinoiÂses concernĂ©es, et les 1 300 milÂliards de dollars quâelles portent, risquent de migrer de New York Ă Hongkong, sur les traces dâAliÂbaba. Un cadeau inespĂ©rĂ© pour la place financiĂšre asiatique.
florence de changy
Devant un magasin,Ă Rio de Janeiro (sudÂest du BrĂ©sil), le 2 juin. PILAR OLIVARES/REUTERS
« Les deux tiersde la population
vivent dans la pauvreté
ou la précarité »MONICA DE BOLLE
Ă©conomiste et professeure Ă lâuniversitĂ© Johns-Hopkins
tale de lâĂ©conomie. AprĂšs des seÂmaines de conflits avec les maireset les gouverneurs, il semble proÂche de remporter son pari : face Ă lâĂ©tendue de la rĂ©cession, pluÂsieurs Etats, dont Sao Paulo et Rio de Janeiro, ont amorcĂ© une reÂprise graduelle des commerces et activitĂ©s non essentiels.
Tout cela ne signifie cependantpas le retour de la croissance. La reprise sera lente, voire trĂšs lente. Quand bien mĂȘme la pandĂ©mie marquerait le pas, le BrĂ©sil ne reÂtrouvera pas avant plusieurs anÂnĂ©es sa situation dâavantÂcoronaÂvirus (dĂ©jĂ bien moroseâŠ). Dâici Ă la fin de son mandat, en 2022, Jair Bolsonaro pourrait donc bel et bien ĂȘtre rĂ©duit Ă devoir gĂ©rer lacrise. Un comble pour un hommequi sâest vantĂ© de ne « rien comÂprendre » Ă lâĂ©conomie.
bruno meyerfeld
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18 | Ă©conomie & entreprise VENDREDI 12 JUIN 20200123
Le plan de soutien de lâEtat au BTP ne convainc pasLe secteur estime que les mesures, insuffisantes, sont à « contretemps »
C e nâest pas faute dâavoir esÂsayĂ© dâattirer lâattention.Mardi 9 juin encore, la
veille de la prĂ©sentation enconseil des ministres du projet deloi de finances rectificative, le troisiĂšme depuis le dĂ©but de lacrise sanitaire, les fĂ©dĂ©rations du bĂątiment et des travaux publics sâoffraient des publicitĂ©s pleine page dans les journaux pour supÂplier « monsieur le prĂ©sident de la RĂ©publique » « dâaider le BTP ». « Il ya urgence : aider le BTP, câest sauverlâemploi partout en France. »
Certes, la plupart des chantiersont repris. Mais voir les grues et tunneliers tourner de nouveau « ne signifie pas la fin des problĂšÂmes pour nos entreprises », insisÂtentÂelles. La crise a engendrĂ© des surcoĂ»ts. Qui va les payer ? SurÂtout si les commandes ne sontpas relancĂ©es dĂšs Ă prĂ©sent, elles craignent des faillites en cascade.
Le gouvernement sait le secteursensible. Le BTP en France reprĂ©Âsente 2 millions dâemplois, 11 % duproduit intĂ©rieur brut, une multiÂtude de PME rĂ©parties sur tout le territoire et de puissants lobbys. Il a donc essayĂ© dây mettre lesformes, en prĂ©sentant, mercredi 10 juin, un « plan de soutien au secteur », avec des « mesures dâurÂgence pour soutenir la reprise dâacÂtivitĂ© ». Les fĂ©dĂ©rations nâont pas marchĂ©. « Un projet extrĂȘmementdĂ©ceptif », « qui nâempĂȘchera pas lâeffondrement rapide du secteur »,commente la FĂ©dĂ©ration natioÂnale des travaux publics. « Le gouÂvernement avait annoncĂ© (âŠ) unplan de soutien du BTP (âŠ) Force
est de constater quâil nâen est rien⊠ou presque ! », complĂšte saconsĆur du bĂątiment.
Il y a dâabord cette question rĂ©Âcurrente posĂ©e depuis la reprise des travaux : qui, du donneur dâordre ou de lâentreprise, rĂ©glerales surcoĂ»ts liĂ©s Ă la crise saniÂtaire ? Evidemment, comme parÂtout, il a fallu commander des masques et du gel hydroalcooliÂque. Mais sur un chantier commecelui du mĂ©tro du Grand Paris, Ă SĂšvres (HautsÂdeÂSeine), des perÂceuses, des meuleuses, des bouÂlonneuses, ont dĂ» aussi ĂȘtre raÂchetĂ©es pour Ă©viter les Ă©changes entre ouvriers. Une grue immobiÂlisĂ©e pendant deux mois, ce sont aussi des frais de location supplĂ©Âmentaires. Et que dire de la baissede productivitĂ© liĂ©e aux mesures de distanciation physique ? Les estimations varient, mais le surÂcoĂ»t moyen est estimĂ© Ă 10 %. Or, les entreprises refusent dâacquitÂter seules la facture.
VĆu dâexemplaritĂ©Le sujet a Ă©tĂ© abordĂ© Ă lâAssemÂblĂ©e, le 2 juin, et Bruno Le Maire, leministre de lâĂ©conomie et des fiÂnances, avait assurĂ© que « les moyens de prendre en charge ces surcoĂ»ts » seraient examinĂ©s. Lamesure prĂ©sentĂ©e par le gouverÂnement mercredi est en rĂ©alitĂ© unvĆu dâexemplaritĂ©. Il est ainsi deÂmandĂ© aux maĂźtres dâouvrage dâEtat de nĂ©gocier « rapidement » la prise en charge « dâune partie des surcoĂ»ts directs » sur ses chanÂtiers, de maniĂšre que tous suiventderriĂšre. Les coĂ»ts indirects, eux,
seront évalués par un comité de suivi. Ce travail servira de baseaux négociations futures.
Vient ensuite une sĂ©rie de meÂsures dites de « soutien Ă la reÂprise ». Parmi elles, le renforceÂment du dispositif de garantie de lâEtat Ă lâassuranceÂcrĂ©dit pour pallier la rĂ©ticence des assureurs Ă couvrir des entreprises suscepÂtibles de faire faillite. « Une meÂsure importante qui, on lâespĂšre, aura un impact sur les entreprises du BTP », insiste lâentourage de M. Le Maire. Câest le mĂȘme disÂcours employĂ© pour prĂ©senter le dispositif de remises de chargessociales aux entreprises de moinsde 50 salariĂ©s, ou encore les aides au recrutement des apprentis. Cesdispositifs valent pour tous, mais le BTP est directement concernĂ©.
Quant au milliard dâeuros supÂplĂ©mentaires versĂ© Ă la dotation de soutien Ă lâinvestissement localâ cette enveloppe dont disposent les prĂ©fets pour soutenir les invesÂtissements des collectivitĂ©s, qui passera Ă 1,6 milliard dâeuros â, lâannonce avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© faite fin mai par le premier ministre, Edouard Philippe, dans son plan dâaide aux collectivitĂ©s locales.
Ce projet est surtout « Ă contreÂtemps », souligne enfin la fĂ©dĂ©Âration des travaux publics. Pourelle, ce nâest plus de « reprise »quâil doit ĂȘtre question, mais de « relance ». Or, avec un plan de reÂlance de lâĂ©conomie annoncĂ© Ă larentrĂ©e, et pas avant, elle craintque les nouveaux chantiers ne dĂ©marrent quâen 2021.
Ă©meline cazi
Lactalis va baisser le prix du lait payé aux éleveurs en 2020Exaspérés, certains producteurs ont décidé de saisir le médiateur
L es Ă©leveurs laitiers franÂçais font grise mine. Lacrise liĂ©e au coronaviÂrus a soudain assombri
les perspectives. En janvier, ils se frottaient les mains, anticipant une nouvelle hausse du prix du lait en 2020. Las, la pandĂ©mie a bousculĂ© le jeu. Et certains indusÂtriels ont alors changĂ© de disÂcours. A lâexemple du poids lourd Lactalis.
« Sur les cinq premiers mois delâannĂ©e, le prix du lait payĂ© au proÂducteur est supĂ©rieur Ă celui payĂ© en 2019. Mais au second semestre, le prix moyen sera en baisse et nous sommes sur un repli enmoyenne sur lâensemble de lâanÂnĂ©e », dĂ©clare Emmanuel Besnier, prĂ©sident du conseil de surÂveillance de lâentreprise familiale mayennaise, qui revendique le tiÂtre de premier groupe laitier mondial. Son chiffre dâaffaires a tutoyĂ© la barre des 20 milliards dâeuros en 2019. Cette inversion de tendance nâest guĂšre du goĂ»tde certains Ă©leveurs qui traÂvaillent pour Lactalis. En particuÂlier ceux regroupĂ©s au sein de lâOrganisation des producteurs delait Grand Ouest (OPLGO), soit prĂšs de 1 300 agriculteurs qui ontdĂ©cidĂ© de saisir le mĂ©diateur desrelations commerciales agricoles.
« DĂ©jĂ fin 2019, nous nâavions passignĂ© dâaccord cadre et nous somÂmes allĂ©s en mĂ©diation. Nousavons trouvĂ© un accord tempoÂraire pour le premier trimestre 2020 avec une formule de prix qui tient compte des coĂ»ts de producÂtion de lâĂ©leveur et de lâĂ©volution des marchĂ©s. Mais en avrilÂmai, Lactalis nous a dit que le prix Ă©tait
dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ© Ă©conoÂmique et ils ont appliquĂ© un prix imposĂ© », explique le prĂ©sident de lâOPLGO, JeanÂMichel Yvard.
Les Ă©leveurs, qui avaient touÂchĂ© en moyenne 330 euros la tonne de lait en 2019, ont perçu 333 euros au premier trimestre2020, puis 326 euros en avril et,pour finir, 315 euros en mai et juin. « Les Etats gĂ©nĂ©raux de lâaliÂmentation devaient apporter unerĂ©ponse Ă la crise laitiĂšre de 2015 avec la prise en compte des coĂ»tsde production des Ă©leveurs. Il y a euun dĂ©but de rĂ©ponse en 2019. Mais lĂ , on nous ramĂšne Ă la rĂ©aÂlitĂ© du marchĂ© international. Câest exaspĂ©rant dâĂȘtre mis en concurÂrence avec des producteurs qui nerespectent pas les mĂȘmes rĂšgles »,affirme M. Yvard.
La crise due au coronavirus,aprĂšs avoir frappĂ© la Chine, est arÂrivĂ©e au moment crucial du pic deproduction laitiĂšre saisonniĂšre en Europe. « Fin mars, dĂ©but avril,tout le monde Ă©tait trĂšs inquietavec le pic de collecte de lait », souÂligne BenoĂźt Rouyer, directeur de la prospective Ă©conomiquedu Centre national interprofesÂsionnel de lâĂ©conomie laitiĂšre. Dâautant quâen face, les rĂ©seaux
de distribution Ă©taient bouleverÂsĂ©s avec, dâun cĂŽtĂ©, la grande disÂtribution Ă©coulant des volumesinĂ©dits de lait, de beurre, deyaourts et dâemmental rĂąpĂ©, et, de lâautre, des cantines, des resÂtaurants et des marchĂ©s en plein air contraints de fermer, mettant Ă mal les fabricants de fromagestraditionnels. En parallĂšle, les circuits dâexportation Ă©taient euxaussi bousculĂ©s et les cotationsinternationales des produits laiÂtiers perdaient de la valeur.
Trouver un terrain dâententeLâinterprofession a immĂ©diateÂment rĂ©agi en dĂ©bloquant 10 milÂlions dâeuros pour inciter les agriÂculteurs français Ă rĂ©duire leur production. En parallĂšle, BruxelÂles a acceptĂ© de dĂ©bloquer 30 milÂlions dâeuros afin de financer lestockage privĂ© de produits laitierspour absorber dâĂ©ventuels tropÂpleins. Finalement, les cours nesont pas descendus au niveau du prix dâintervention (prix auquel Bruxelles sâengage Ă acheter) et les industriels comme Lactalis nâont pas sollicitĂ© ces aides.
« Ce qui nous a rassurĂ©s, ce sontles moyens colossaux mis en place par les EtatsÂUnis pour soutenirleur secteur agricole. MĂȘme si la production laitiĂšre nâa pas baissĂ© outreÂAtlantique, on constate un rebond des cours depuis fin avril,dĂ©but mai », explique M. Rouyer.En outre, les exportations de proÂduits laitiers français qui avaientsubi un retrait en janvier et fĂ©Âvrier, liĂ© Ă la situation chinoise, sesont redressĂ©es en mars. FinaleÂment la filiĂšre laitiĂšre a, dansson ensemble, plutĂŽt mieux
passĂ© la pĂ©riode de crise sanitaire que dâautres secteurs. « MainteÂnant, on va entrer dans la crise Ă©coÂnomique, avec la problĂ©matiquedu prix dans la grande distributionet le risque dâun retour du discourssur la lutte pour le pouvoir dâachat.Nous allons voir quelle sera la position de la grande distribuÂtion », explique M. Besnier.
Lactalis nâest pas le seul groupe,Ă rĂ©agir Ă ces anticipations en baissant le prix du lait. DâoĂč la rĂ©action de France OP Lait, qui fĂ©ÂdĂšre diffĂ©rentes organisations deproducteurs, et a aussi saisi le mĂ©Âdiateur fin avril. « PrĂ©textant de la crise du CovidÂ19, de nombreux inÂdustriels nâont pas respectĂ© les acÂcords ni les contrats en imposantunilatĂ©ralement et brutalement des rĂ©ductions de prix. Certains en profitent Ă©galement pour reporter aux calendes grecques la mise en conformitĂ© de leurs relations comÂmerciales avec les organisationsde producteurs conformĂ©ment aux exigences de la loi Egalim », sâest Ă©mue France OP Lait.
Dans sa rĂ©ponse, miÂmai, le mĂ©Âdiateur incite les acteurs Ă trouverun terrain dâentente avant lesnouvelles nĂ©gociations commerÂciales entre industriels et distriÂbuteurs fin 2020, au risque de sanctions financiĂšres. « Si lâonveut garder des Ă©leveurs en France,il faut donner une rĂ©ponse en terÂmes de valeur et de prix. La crise du Covid a crĂ©Ă© un trou dâair, mais il faut remettre de lâoptiÂmisme dans la filiĂšre », conclut MarieÂThĂ©rĂšse Bonneau, viceÂprĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration natioÂnale des producteurs de lait.
laurence girard
Les éleveurs ontperçu 333 eurosla tonne de lait
au premier trimestre 2020,
contre 315 eurosen mai et juin
Câest maintenant acquis, le grand gagnant de la crise sanitaire mondiale est le monde de lâInterÂnet. Pendant le confinement, le tĂ©lĂ©travail et le commerce en liÂgne se sont installĂ©s durablement dans le quotidien et la culture de tous les pays. Le Nasdaq, la Bourse amĂ©ricaine des valeurs technologiques, vole de record en record. Et les stars du secteur, les Google, Apple, Facebook, Amazonou Microsoft (Gafam) dĂ©passent dĂ©sormais toutes allĂšgrement les 1 000 milliards de dollars (880 milliards dâeuros) de capitaÂlisations faisant dâelles les entreÂprises les plus chĂšres du monde.
Il nâest donc pas Ă©tonnant que labataille de la livraison de repas Ă domicile par Internet dĂ©clenche elle aussi sa pluie de milliards. Mercredi 10 juin, la sociĂ©tĂ© nĂ©erÂlandaise Just Eat Takeaway a anÂnoncĂ© quâelle allait acheter son homologue amĂ©ricaine, GruÂHhub, pour 7,3 milliards de dolÂlars en actions. Pas mal pour une entreprise dont les ventes de reÂpas dĂ©passent Ă peine le milliard et qui ne gagne pas dâargent. Cela ne lâa pas empĂȘchĂ©e dâĂȘtre convoiÂtĂ©e aussi par le gĂ©ant du secteur, Uber Eats, leader aux EtatsÂUnis. Une acquisition qui a achoppĂ© non pour des raisons de prix, mais de risque dâaction antitrust.
Câest donc finalement le nĂ©erÂlandais Takeway qui rafle la mise. La sociĂ©tĂ©, fondĂ©e en 2000 dans un dortoir dâuniversitĂ© par Jitse Groen, sâoffre ainsi un accĂšs Ă lâimmense marchĂ© amĂ©ricain, ainsi quâen Australie, au BrĂ©sil et au Canada. Devenu milliardaire Ă 42 ans, il utilise la valorisation boursiĂšre de sa sociĂ©tĂ©, de plus de 12 milliards dâeuros, pour faire le
mĂ©nage dans le secteur. Il avait dĂ©jĂ achetĂ©, en 2018, les opĂ©raÂtions de Delivery Hero en AllemaÂgne, puis celle de son concurrent britannique Just Eat, en 2019. Il est maintenant en lutte frontale avec Uber Eats dans le monde et DoorDash aux EtatsÂUnis.
Course pour la survieMais un seul petit dĂ©tail sĂ©pare encore ces ambitieuses startÂup des Gafam aux 1 000 milliards de dollars : aucune ne gagne dâargent. Et, Ă vrai dire, personne ne peut affirmer avec certitude que ce mĂ©tier sera rentable un jour. La concentration actuelle revĂȘt donc des allures de course pour la survie. CelleÂci dĂ©pend fiÂnalement de deux facteurs : le niveau de concurrence et le moÂdĂšle Ă©conomique.
La concurrence est dâautant plus forte que dâinnombrables startÂup locales tentent leur chance sur le mĂ©tier de mise en relation entre restaurateurs et clients. Pour se distinguer, il faut investir des millions en publicitĂ© sur Google ou Facebook, alors que la guerre des prix ruine la rentabilitĂ©. Afin dây Ă©chapper et de conquĂ©rir plus de restaurants, certains, comme Deliveroo ou Uber Eats, construisent leur rĂ©Âseau de livreurs. Mais le coĂ»t de celuiÂci est considĂ©rable, et les entreprises peinent Ă accorder un salaire et une protection dĂ©Âcente Ă leurs livreurs, dâoĂč la multiplication de conflits soÂciaux. Finalement, chacun espĂšre ĂȘtre le dernier debout pour emÂporter la mise, comme cela a Ă©tĂ© le cas avec Booking.com dans lâhĂŽtellerie. Câest le pari de Takeaway et dâUber.
PERTES & PROFITS | JUST EAT TAKEAWAYpar philippe escande
Bataille de livreurset pluie de milliards
CONJONCTURELa Fed prĂ©voit une baisse de 6,5 % du PIB des Etats-Unis en 2020La RĂ©serve fĂ©dĂ©rale amĂ©riÂcaine (Fed) a promis, merÂcredi 10 juin, de continuer Ă soutenir lâĂ©conomie pendant plusieurs annĂ©es aprĂšs la crise provoquĂ©e par la pandĂ©Âmie de CovidÂ19, qui devrait se solder par une chute du produit intĂ©rieur brut (PIB) de 6,5 % en 2020 et porter le taux de chĂŽmage Ă 9,3 % en fin dâannĂ©e. â (Reuters.)
MĂDIASDenis Olivennes nommĂ© directeur gĂ©nĂ©ral de « LibĂ©ration »Denis Olivennes a Ă©tĂ© nommĂ© directeur gĂ©nĂ©ral et cogĂ©rant du journal LibĂ©raÂtion, en remplacement de ClĂ©ment Delpirou, selon un courriel interne envoyĂ© par la direction jeudi et consultĂ© par lâAgence FranceÂPresse. Il quitte donc la prĂ©sidence de CMI France, le groupe de mĂ©Âdias français du milliardaire tchĂšque Daniel Kretinsky (acÂtionnaire indirect et minoriÂtaire du Monde), quâil assurait depuis dĂ©but 2019.
INTERNETAmazon suspend lâaccĂšs de la police amĂ©ricaine Ă son logiciel de reconnaissance facialeAmazon a annoncĂ©, mercredi 10 juin, un moratoire dâun an sur lâutilisation, par la police amĂ©ricaine, de son logiciel de reconnaissance faciale, alors que des manifestations de masse se dĂ©roulent aux EtatsÂUnis pour dĂ©noncer la brutaÂlitĂ© policiĂšre contre les perÂsonnes de couleur, aprĂšs la mort de George Floyd, le 25 mai Ă Minneapolis (MinneÂsota) â (Reuters.)
Des liens inquiétants entre chÎmage et suicide
L e lien entre travail et suicide rĂ©sonne particuliĂšrementdans lâactualitĂ© puisque la crise sanitaire se double dâunecrise Ă©conomique et sociale. » Câest ainsi que Fabrice LenÂ
glart, Ă la tĂȘte de la direction de la recherche, des Ă©tudes, de lâĂ©valuation et des statistiques (Drees), et prĂ©sident dĂ©lĂ©guĂ© de lâObservatoire national du suicide (ONS), a prĂ©sentĂ©, mercredi 10 juin, le quatriĂšme rapport de lâONS.
La relation de cause Ă effet nâest pas Ă©vidente. « Le chĂŽmagepeut dĂ©tĂ©riorer la santĂ© mentale, mais une mauvaise santĂ© menÂtale peut, Ă terme, limiter la participation au marchĂ© du travail, la recherche et lâobtention dâun emploi », rappelle lâONS. Et pourÂtant, les chiffres sont lĂ : 30 % des chĂŽmeurs songent sĂ©rieuseÂment au suicide, contre 19 % des actifs en poste, et « le risque dedĂ©cĂšs par suicide des chĂŽmeurs est supĂ©rieur Ă celui des actifs en emploi, en particulier chez les hommes entre 25 et 49 ans ».
La perte dâemploi a une incidence sur tous les domaines de lavie (famille, relations sociales) et des effets dĂ©lĂ©tĂšres sur la santĂ© du chĂŽmeur (troubles du sommeil, alimentation dĂ©sĂ©ÂquilibrĂ©e, moindre activitĂ© physique, comportements addicÂ
tifs). « Le chĂŽmage entraĂźne une dĂ©tĂ©Ârioration de la santĂ© mentale pouvantaller de lâanxiĂ©tĂ© Ă la dĂ©pression, voire,dans sa forme la plus dramatique, ausuicide », peutÂon lire dans le rapport.
Le psychiatre Michel Debout, coauÂteur du document, alerte les pouÂvoirs publics sur lâurgence de propoÂser des accompagnements psychiÂques aux demandeurs dâemploi. Ildistingue diffĂ©rents types de suiÂcide : « le suicide retrait », qui clĂŽt unepĂ©riode dâisolement et de dĂ©socialiÂ
sation provoquĂ©e par le chĂŽmage et qui pourrait ĂȘtre Ă©vitĂ© par une proposition de formation ou dâemploi, mĂȘme prĂ©caire ; « lesuicide protestation », qui manifeste lâopposition Ă tout ce qui aconduit au licenciement ; enfin, « le suicide sacrifice », qui estaussi un acte de dĂ©nonciation, pour faire bouger les lignes.
Lâacte suicidaire nâest pas quâun problĂšme avec soi, mais unerĂ©ponse Ă la sociĂ©tĂ©. « Câest bien Ă âlâĂȘtre socialâ que sâadresse la violence gĂ©nĂ©rĂ©e par la perte dâemploi, les licenciements, les plans sociaux et les dĂ©pĂŽts de bilan », souligne M. Debout. Vu lesperspectives Ă©conomiques, la baisse du nombre de morts par suicide rĂ©vĂ©lĂ©e par le rapport (9 300 en 2016) est fragile. « HĂ©las,cette Ă©volution est en cours dâinversion rapide. On constate dĂ©jĂ une remontĂ©e des actes suicidaires avec la crise », affirme JeanÂClaude DelgĂšnes, prĂ©sident fondateur du cabinet Technologia, spĂ©cialisĂ© dans la prĂ©vention des risques psychosociaux.
anne rodier
LA PERTE DâEMPLOI A UNE INCIDENCE SUR TOUS LES DOMAINES DE LA VIE ET DES EFFETS DĂLĂTĂRES SUR LA SANTĂ
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 horizons | 19
En IsraĂ«l, sur les traces du colon bĂątisseurZeâev Hever, entrepreneur au passĂ© terroriste, est le principal constructeur des colonies dans les territoires palestiniens. LâEtat israĂ©lien sâapprĂȘte Ă lĂ©galiser son « Ćuvre », en annexant une partie de la Cisjordanie Ă partir du 1er juillet
jérusalem  correspondant
T oute sa vie, le « roi » des colonsisraĂ©liens, Zeâev Hever, a atÂtendu ce jour. VoilĂ trente ansque le patron dâAmana, lâentreÂprise de bĂątiment des colons,construit en Cisjordanie occuÂ
pĂ©e, peuplant de centaines de milliers de juifs son empire de caravanes et de pavillons Ă tuiles rouges. A compter du 1er juillet, le gouÂvernement de Benyamin NĂ©tanyahou sâest engagĂ© Ă lĂ©galiser son Ćuvre, accomplie en violation du droit international. Avec le souÂtien de Washington, M. NĂ©tanyahou a promisde rompre avec le rĂ©gime dâoccupation en viÂgueur depuis la victoire militaire de 1967 pour annexer la vallĂ©e du Jourdain et les coloÂnies en Cisjordanie. Il entend appliquer la« souverainetĂ© » israĂ©lienne sur ces terrespromises au peuple juif par la Bible. A 66 ans,M. Hever, que tout le monde surnomme« Zambish » en IsraĂ«l, pourrait exulter. PourÂtant, il se tait. Il Ă©tudie les cartes des implanÂtations. Il laisse son propre camp se diviser sur le projet dâannexion conçu par M. NĂ©tanÂyahou et ses alliĂ©s amĂ©ricains.
Une partie des colons rejettent le « planTrump », qui envisage encore la crĂ©ation dâunEtat palestinien, mĂȘme rĂ©duit Ă presque rien.Ils craignent aussi que ce programme ne lescontraigne Ă abandonner certaines de leursconquĂȘtes. Ils veulent tout, tout de suite, ou bien rien. Et Zambish, homme de rĂ©seaux etdâargent, est leur relais au sein de lâEtat. Un hĂ©ros pour beaucoup, un traĂźtre pourdâautres, qui lâaccusent de comploter avec M. NĂ©tanyahou afin de brader leur terre.
Zeâev Hever nâa pas toujours Ă©tĂ© ce notable,cet homme dâantichambre Ă la voix forte et aux maniĂšres respectueuses, que les puisÂsants admirent. NĂ© dans une famille reliÂgieuse, il est issu du creuset dâHĂ©bron, colonieultraviolente, oĂč un petit noyau dâidĂ©ologuessâĂ©tablit dĂšs 1968, aprĂšs la guerre des SixÂJours,Ă lâombre du tombeau des Patriarches (la mosÂquĂ©e dâIbrahim pour les musulmans). AdolesÂcent, il y prĂ©pare son service militaire dans une acadĂ©mie religieuse, puis gravite dans lâentourage du rabbin Moshe Levinger, au seindu Bloc de la foi, le Gush Emunim, qui se veut le fer de lance de la reconquĂȘte du « grand IsraĂ«l », du Jourdain Ă la MĂ©diterranĂ©e.
« MENEUR DâHOMMES »Zambish, grand garçon bien bĂąti, un peu voĂ»tĂ©, Ă la barbe noire broussailleuse et auxbeaux yeux sombres, ne craint pas defaire le coup de feu. Il suit son camaradeYehuda Etzion lorsque celuiÂci contribue Ă former, en 1979, un rĂ©seau vouĂ© Ă lâactionviolente et secrĂšte, Hamakhteret hayehudit,« la rĂ©sistance juive ». En juin 1980, il se jointĂ lâun des commandos envoyĂ©s poser desbombes sous les voitures des maires de troisgrandes villes palestiniennes.
En juillet 1983, des membres du rĂ©seausont les auteurs dâune fusillade dans lâuniÂversitĂ© islamique dâHĂ©bron (3 morts, 33 blesÂsĂ©s). Zambish nâĂ©tait pas de cette Ă©quipĂ©eÂlĂ .Il a Ă©tĂ© auparavant « grillĂ© » par le Shin Bet, leservice de renseignement intĂ©rieur israĂ©Âlien. Les agents ont trouvĂ© une bombe, que son commando avait Ă©chouĂ© Ă placer sous levĂ©hicule du maire de BethlĂ©em trois ansplus tĂŽt, et que Zambish avait cachĂ©e prĂšsdâHĂ©bron. InterrogĂ©, ce dernier reste muet.Mais les agents finissent par prendre sescamarades la main dans le sac, une nuitdâavril 1984, alors quâils posent des bombessous des bus arabes, Ă JĂ©rusalem. « Zambishne faisait pas partie de la direction dugroupe, mais il Ă©tait influent et il connaissaitcertains de leurs plans », estime aujourdâhui Yaakov Peri, lâun des enquĂȘteurs, qui prit parla suite la direction du Shin Bet.
Leur procĂšs fait grand bruit. Zambish estcondamnĂ© Ă onze mois de prison. YehudaEtzion y passe cinq ans pour avoir planifiĂ© ladestruction du dĂŽme du Rocher, le troisiĂšmelieu saint de lâislam. « Zambish a montrĂ© sescapacitĂ©s de meneur dâhommes durant sadĂ©tention parmi eux », assure au Monde un ancien responsable du mouvement colon,soucieux de demeurer anonyme. Une fois sortis, « nous avons continuĂ© dâagir chacunselon nos moyens, qui sont complĂ©mentaiÂres », prĂ©cise, pour sa part, Yehuda Etzion. A69 ans, le vieux radical milite encore pour laconstruction du « troisiĂšme temple » juif surle mont du Temple (ou lâesplanade des MosÂquĂ©es), et mesure avec admiration le cheminparcouru par son compĂšre Zambish.
En 1989, celuiÂci est Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©raldâAmana, une association qui finance, grĂące Ă sa compagnie commerciale de bĂątiment, le conseil de Yesha, reprĂ©sentant des colonies auprĂšs de lâEtat. « Zambish nâavait pas de titrede chef ou de gĂ©nĂ©ral, mais il a Ă©tĂ© le plus inÂfluent dâentre nous depuis au moins vingt ans,
dit lâexÂresponsable du mouvement colon. Nos institutions venaient Ă lui pour obtenir des prĂȘts, elles sont devenues dĂ©pendantes de lui, parce quâil avait accĂšs Ă lâargent. » Son objectifdĂ©clarĂ© : hĂ©berger, Ă terme, 1 million de juifs enCisjordanie. Il se tient aujourdâhui Ă miÂcheÂmin : les colons sont environ 450 000 en Cisjordanie, et 200 000 autour de JĂ©rusalem.
Zambish, mariĂ© et pĂšre de sept enfants,conserve de ses annĂ©es de terrorisme le goĂ»t du secret : il ne donne pas dâinterviews Ă lapresse. Son obsession : les « avantÂpostes », ces colonies construites loin dans les territoiÂres palestiniens, au mĂ©pris du droit internaÂtional et, souvent, de la loi israĂ©lienne.« Amana choisit le lieu, le moment appropriĂ©,le type dâavantÂposte Ă construire et fournit lâargent », rĂ©sume Dror Etkes, lâun des plusfins observateurs de la colonisation, qui la combat au sein de lâONG de gauche KeremNavot. Par la suite, Zambish nĂ©gocie avec legouvernement pour quâil tolĂšre et lĂ©galise Ă©ventuellement le nouveau bĂąti.
Cette influence, le leader colon lâa acquiseauprĂšs dâAriel Sharon, ministre de la consÂtruction au dĂ©but des annĂ©es 1990. « ZamÂbish est, dans une trĂšs large mesure, une crĂ©aÂture de Sharon, qui est tombĂ© amoureux delui. CâĂ©tait le genre de type quâil a toujours adÂmirĂ© : jeune, fort et bien bĂąti, vĂ©tĂ©ran dâuneunitĂ© de combat, religieux, efficace et courantles collines », estime Ehoud Olmert, succesÂseur de M. Sharon Ă la tĂȘte du gouverneÂment, aprĂšs lâattaque cĂ©rĂ©brale qui le plonÂgea dans le coma en 2006.
Nombre de colons nâont jamais pardonnĂ© Ă Zambish cette amitiĂ©, qui les a pourtant serÂvis. Ils soupçonnent celuiÂci dâavoir acquiescĂ© secrĂštement au retrait de lâarmĂ©e et Ă lâĂ©vacuaÂtion des colonies de la bande de Gaza, dĂ©crĂ©ÂtĂ©es par M. Sharon en 2005. Zambish, lui, est demeurĂ© fidĂšle. « Ton dĂ©sengagement du cheÂmin que nous avons parcouru ensemble, penÂdant tes deux derniĂšres annĂ©es au pouvoir, Ă©tait difficile et pĂ©nible. Les questions restent sans rĂ©ponse, la douleur est immense, et tout sera recouvert dâun grand amour », dĂ©clareÂtÂil Ă la Knesset, en 2014, aprĂšs la mort de
M. Sharon, quâil appelle encore « notre pĂšre ». Zambish ne sâest cependant jamais enfermĂ© dans un seul camp. Depuis les annĂ©es 1990, il a frĂ©quentĂ© tous les gouvernements israĂ©Âliens, de droite comme de gauche. Ses alliĂ©s aiment Ă rappeler que Yitzak Rabbin lui avait fait montrer les cartes sur lesquelles se nĂ©goÂciaient les futurs accords dâOslo, signĂ©s en 1993. Zambish y est hostile, mais il proposedes ajustements et tire le meilleur parti dâun processus quâil ne peut contrecarrer, en miliÂtant notamment pour la construction de rouÂtes reliant les colonies aux grandes villes.
Le travailliste Ehoud Barak (au pouvoir de1999 Ă 2001) lui donnait lâaccolade, lorsquâille croisait Ă la cafĂ©tĂ©ria du Parlement. Ses successeurs, Ehoud Olmert et Benyamin NĂ©tanyahou, respectent son savoirÂfaire et samĂ©moire des chemins de traverse de CisÂjordanie, saisissante selon ses proches. Il les parcourt Ă pied ou en 4 Ă 4, parfois seul et avec prudence, lorsquâil sâapproche de cerÂtaines colonies, parmi les plus radicales.
« IL PĂCHE PAR FIERTà »« Pendant des annĂ©es, jâai pris des jeunes[colons] qui faisaient de lâautoÂstop au bord des routes, mais depuis un an, je vois la ragedans leurs yeux et parfois je ne mâarrĂȘte plus,pour Ă©viter une situation dĂ©plaisante », ditÂil publiquement dĂšs lâĂ©tĂ© 2012. ContestĂ© par certains radicaux dâHĂ©bron, il a quittĂ© saville pour sâĂ©tablir auprĂšs de lâune de sesfilles, dâabord dans une caravane puis dans une belle maison de pierre jaune, juchĂ©e surune colline dâElÂAzar (centre), dans un quarÂtier illĂ©gal au regard du droit israĂ©lien.
« Zambish partage sans aucun doute notreidĂ©ologie, reconnaĂźt Daniella Weiss, 75 ans,son aĂźnĂ©e au sein du Gush Emunim. Mais ilnâa pas dâĂ©cole, pas de rabbin, pas de groupe oĂčles choses peuvent ĂȘtre exposĂ©es et discutĂ©es. IlpĂšche par fiertĂ©, par hubris ! » Cette critique est commune : Zambish exerce le pouvoir en solitaire, supervisant jusquâaux plus petitestĂąches. « MĂȘme auprĂšs de ses amis les plus proches ou des gens en qui il a confiance, il garde ses plans secrets. Nombre de gens qui
travaillaient avec lui ont fini par le quitter,parce quâils nâavaient pas de place pour granÂdir », dit lâancien responsable du mouvementcolon dĂ©sireux de rester anonyme.
Câest lâune des rares ressemblances entreZambish et Benyamin NĂ©tanyahou. Lesdeux hommes se connaissent depuis lepremier mandat de M. NĂ©tanyahou, en 1996. Ils se savent indispensables lâun Ă lâautre. Mais Zambish, sans formation uniÂversitaire, indiffĂ©rent Ă lâargent pour luiÂmĂȘme, ne parle pas la mĂȘme langue que lepremier ministre, cet homme du monde,peu portĂ© sur la religion, plus prĂ©occupĂ© de la grande histoire du peuple juif et de sesdroits que des basses rĂ©alitĂ©s de la terre.
Depuis cinq ans, M. NĂ©tanyahou a su satisÂfaire son alliĂ©, en tolĂ©rant le dĂ©veloppement de colonies agricoles, gourmandes en terre, dans le nord et lâest de la Cisjordanie. Il a aussiautorisĂ© une hausse spectaculaire des consÂtructions depuis 2018. Ce rapport de force pousse les colons Ă durcir encore leur posiÂtion Ă lâapproche de la date promise de lâanÂnexion. « NĂ©tanyahou craint avant tout dâĂȘtre contestĂ© par sa droite. Il nâa pas dâautre choix que de garder Zambish heureux. Câest lui quidĂ©cide, in fine, si âBibiâ est encore lâun des leurs, si les colons doivent rester derriĂšre lui »,estime le journaliste Anshel Pfeffer, biograÂphe du premier ministre.
DĂ©but juin, sâestimant tenus Ă lâĂ©cart desnĂ©gociations avec lâadministration amĂ©riÂcaine, les colons ont lancĂ© une vaste campaÂgne dâaffichage pour critiquer le planTrump. Washington a fait savoir son dĂ©plaiÂsir. M. NĂ©tanyahou a luiÂmĂȘme dĂ©noncĂ© lâinÂgratitude de ses alliĂ©s, qui risquent degĂącher « une occasion historique ». Au fond, les colons craignent que leur premier minisÂtre se contente dâannexer quelques terres symboliques, ou quâil abandonne sa proÂmesse Ă©lectorale, lancĂ©e alors quâil luttait pour demeurer au pouvoir, au fil de trois Ă©lections lĂ©gislatives en Ă peine un an.
Quant Ă Zambish, il sâest laissĂ© photograÂphier dĂ©but juin, la mine soucieuse, devant une carte des colonies. « Il est pour lâannexion,veut croire un interlocuteur de confiance. Câest la maniĂšre des gens pragmatiques qui ont fondĂ© lâEtat dâIsraĂ«l. David Ben Gourionavait acceptĂ© le plan de partition [de la PalesÂtine sous mandat britannique, en 1947],quand les idĂ©ologues le refusaient. Il disait :âPrenons un petit morceau et nous le dĂ©velopÂperons. Un jour nous aurons tous les territoiÂres que nous voulons, le futur sera avec nous.â » Mais dans ce jeu de poker menteur, Zeâev Hever se tait, comme Ă son habitude.
louis imbert
Zeâev Hever, dit « Zambish », Ă JĂ©rusalem, le 18 juin 2017. YONATAN SINDEL/FLASH90
« CâEST âZAMBISHâ QUI DĂCIDE, IN FINE,
SI BENYAMIN NĂTANYAHOU EST ENCORE
LâUN DES LEURS, SI LES COLONS
DOIVENT RESTER DERRIĂRE LUI »
ANSHEL PFEFFERjournaliste, biographe
du premier ministre
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20 | CULTURE VENDREDI 12 JUIN 20200123
Spike Lee mĂšne la guerre des hĂ©ros fatiguĂ©sLe rĂ©alisateur militant a bĂąti une fable autour de quatre vĂ©tĂ©rans afroÂamĂ©ricains qui retournent au Vietnam
DA 5 BLOODS
C hantre inlassable et raÂgeur de la cause noireaux EtatsÂUnis, SpikeLee â qui a failli cette anÂ
nĂ©e prĂ©sider le jury du Festival de Cannes â divulgue son nouveau film sur la plateÂforme Netflix Ă compter du 12 juin. Da 5 Bloods sedĂ©couvre sous les feux dâune acÂtualitĂ© tragique, alors quâune vaÂgue de manifestations et de trouÂbles traverse les EtatsÂUnis, consĂ©Âcutivement Ă lâĂ©tranglement mortel dâun homme noir, George Floyd, par un policier blanc lors deson arrestation le 25 mai. Ce lieu commun de la violence racisteamĂ©ricaine, Lee lâavait dĂ©jĂ filmĂ©en 1989 dans le mĂ©morable Do the Right Thing (1989), oĂč le meurÂtre dâun jeune Noir, semblableÂment tuĂ© par lâeffet dâune stranÂgulation portĂ©e par un policier blanc, entraĂźne la rĂ©volte dâunquartier de Brooklyn, Ă New York. Plus que quiconque conscient de cette rĂ©currence, Lee a dâailleursrĂ©itĂ©rĂ© son geste voici quelques jours en publiant sur son compte Twitter un montage percutant qui relie trois morts dâhommesnoirs par Ă©touffement, celle ficÂtive de Do the Right Thing, lesdeux autres, bien rĂ©elles et filÂmĂ©es par des tĂ©moins, Ă©tant cellesde George Floyd et dâEric Garner, en 2014 Ă Staten Island, victime dâun plaquage ventral.
Titrant ce court film LâhistoirecesseraÂtÂelle de se rĂ©pĂ©ter ?, le rĂ©aÂlisateur nous rappelle au passageque câest toujours Ă lâhistoire, si cenâest exclusivement Ă cette part maudite de lâhistoire amĂ©ricaine,que se confronte obsessivement son cinĂ©ma depuis bientĂŽt quaÂrante ans. Da 5 Bloods, cela nâĂ©tonÂnera personne, nây fait pas excepÂtion. Cinquante ans aprĂšs les Ă©vĂ©Ânements, quatre vĂ©tĂ©rans afroÂamĂ©ricains retournent auVietnam pour y retrouver le corpsde leur officier et ami, mort aucours dâune mission. Mais il sâagitaussi de remettre la main sur le trĂ©sor de guerre quâils ont dĂ» enÂterrer sur place au cours de cette mĂȘme mission. Une malle remÂplie de lingots dâor, dĂ©pĂȘchĂ©e par la CIA aux indigĂšnes qui combatÂtaient le Vietcong.
Romanesque flamboyantPas grandÂchose ne se passera comme prĂ©vu, eu Ă©gard Ă la moÂrale que Spike Lee semble vouloir confĂ©rer Ă sa fable, le groupe deÂvant Ă cet effet exploser en cours de route. Il sâagit en lâoccurrence de deux choses. Montrer dâabord que les soldats noirs amĂ©ricains, aliĂ©nĂ©s par un Etat qui nâa jamais rĂ©ellement fait cesser la sĂ©grĂ©gaÂtion dans la vie civile, se sont trompĂ©s de guerre. Rappeler enÂsuite que les idĂ©aux de lutte et de solidaritĂ© des annĂ©es 1970 se sont Ă©moussĂ©s, y compris au sein de la communautĂ© noire au profit dâun individualisme dissolvant. Si lâon perçoit assez clairement cettedouble intention, les moyens emÂployĂ©s par Lee pour lâadministrer
manquent toutefois de la tenue adĂ©quate pour le faire avec le miÂnimum de complexitĂ© requis.
Spike aura ici pĂ©chĂ© prĂ©cisĂ©mentpar oĂč on lâaime. Ce goĂ»t toujours limite du romanesque flamÂboyant, du baroque, de lâimpuretĂ© du rĂ©cit. Il semble quâon soit passĂ© cette foisÂci de lâautre cĂŽtĂ© du kitsch. Quelque part entre Le TrĂ©Âsor de la Sierra Madre (1948), de John Huston, et Apocalypse Now (1979), de Francis Ford Coppola â Ă propos duquel les rĂ©fĂ©rences Ă©craÂsantes abondent â, le cinĂ©aste compose un rĂ©cit largement emÂpĂȘchĂ© par ses propres faiblesses.
Qui tiennent Ă lâaspect monolithiÂque et trop souvent sommaire despersonnages, Ă la fusion ratĂ©e du grotesque et du sublime par quoiLee rejoint Hugo dans la dĂ©finiÂtion du romantisme, Ă la prolifĂ©raÂtion des intrigues secondaires, quifinissent par faire perdre de vue laligne du rĂ©cit.
Entrons dans le dĂ©tail. Deux desmembres du quatuor nâexistent simplement pas comme personÂnages, câest dĂ©jĂ fĂącheux. Les deuxautres, Paul (Delroy Lindo) et Otis (Clarke Peters), en sont rĂ©duits Ă ilÂlustrer une partition antagoniqueentre lâĂȘtre noir aliĂ©nĂ© par le sysÂ
tĂšme blanc (Paul, Ă moitiĂ© paraÂnoĂŻaque, est devenu trumpiste) et lâhomme cultivant encore lâidĂ©al combatif de sa jeunesse. Les reÂtours en arriĂšre sur les scĂšnes de guerre sont, quant Ă eux, problĂ©Âmatiques pour deux raisons : une certaine platitude, Ă©crasĂ©e si beÂsoin Ă©tait par le petit Ă©cran, etlâĂ©cart dâĂąge incongru entre les quatre acteurs et lâinterprĂšte de lâofficier qui Ă©tait Ă leurs cĂŽtĂ©s, en lâoccurrence Chadwick Boseman (alias Black Panther), qui pourrait ĂȘtre leur fils. Ajoutez Ă cela un JeanReno incertain en crapule franÂçaise grand style, une MĂ©lanieThierry expiant le passĂ© coloniaÂliste de sa famille en devenant dĂ©Âmineuse, le fils malÂaimĂ© de Paul, la fille cachĂ©e dâOtis, le cancer caÂchĂ© de Paul dĂ» Ă lâagent orange, lâamante vietnamienne dĂ©voilĂ©e dâOtis⊠Une barque dĂ©cidĂ©ment un peu trop pleine pour voguer.
Portraits en miroirReste lâomniprĂ©sence de Marvin Gaye et des traits dâhumour qui portent parfois, telle cette cheÂvauchĂ©e des Walkyries qui remĂ©Âmore lâattaque des hĂ©licos dâApoÂcalypse Now, mais rĂ©sonne ici sur lâimage dâun pauvre rafiot danslequel un soldat noir tente de voÂler une paire de chaussures susÂpendue Ă un fil. Câest peu. FautÂil en infĂ©rer que le film de guerre ne
sied pas Ă Spike Lee ? On pourrait lâimaginer, aprĂšs la mĂ©saventure similaire du Miracle Ă Santa Annaen 2008, qui relate lui aussi, avecune certaine dĂ©sinvolture et forceressorts mĂ©lodramatiques, lâimÂplication et le sacrifice de soldats afroÂamĂ©ricains sur le front itaÂlien en 1944. Autant dĂ©centrerson regard du propos sur lequel lefilm voudrait nous contraindre Ă nous appesantir, pour aller cherÂcher ailleurs, sur un chemin de traverse, une bonne raison de sâallĂ©ger et de sâĂ©mouvoir.
Ce serait, en lâespĂšce, lâentrĂ©edans la vieillesse dâun cinĂ©maamĂ©ricain postclassique quâonaurait pu croire Ă©ternel, puisque procĂ©dant luiÂmĂȘme dâune reÂnaissance. Ce cinĂ©ma dont Lee (63 ans) partagerait aujourdâhui leterritoire avec un Clint Eastwood (90 ans), un Martin Scorsese
Cinquante ans aprĂšs les Ă©vĂ©nements, dâanciens soldats veulent retrouver la dĂ©pouille de leur officier mort au cours dâune mission. DAVID LEE/NETFLIX
Spike Lee aura ici péché
prĂ©cisĂ©ment paroĂč on lâaime.
Il semble quâonsoit passĂ© cettefois-ci de lâautre
cÎté du kitsch
(77 ans) ou un Quentin Tarantino (57 ans). Chacun dâentre eux couÂrait dĂšs lâorigine derriĂšre un ciÂnĂ©ma dĂ©sirĂ© mais moribond, quâilaura relancĂ© Ă nouveaux frais. LâĂąge dâor hollywoodien pour le nĂ©oclassique Eastwood. LâauteuÂrisme europĂ©en pour le torturĂ© Scorsese. Le cinĂ©ma bis pour le maniĂ©riste Tarantino. Le cinĂ©mamilitant pour le vibrion afroÂamĂ©ricain Spike Lee. AujourdâhuiĂ©loignĂ©s de ces sources comme deleur jeunesse, ils se retournent sur leur propre crĂ©ation pour y reÂjouer leur carte favorite, celle de lacontinuitĂ© dans la rupture. Leurs hĂ©ros vieillissants, dĂ©barquant pour solder des affaires dĂ©clinanÂtes, sont autant de portraits en miroir, tour Ă tour drĂŽles, pathĂ©tiÂques et cruels. En ce sens, les perÂsonnages principaux de Space Cowboys (2000), The Irishman(2018), Once Upon a Time⊠in HolÂlywood (2019) et Da 5 Bloods sont frĂšres : leur victoire nous Ă©meut,mais elle a lâamertume inexoraÂble du temps qui passe et qui la reÂtourne en dĂ©faite.
jacques mandelbaum
Film américain de Spike Lee. Avec Chadwick Boseman, Delroy Lindo, Clarke Peters, Giancarlo Esposito, Paul Walter Hauser, Jean Reno, Mélanie Thierry (2 h 35).
« Autant en emporte le vent » retirĂ© de la plate-forme de streaming HBO MaxEn plein mouvement de protestation contre le racisme et les vio-lences policiĂšres visant les Noirs aux Etats-Unis, le film « Autant en emporte le vent » (1939) a Ă©tĂ© retirĂ© de la plate-forme de streaming HBO Max. Le long-mĂ©trage est considĂ©rĂ© par de nom-breux universitaires comme lâinstrument le plus ambitieux et ef-ficace du rĂ©visionnisme sudiste. Il prĂ©sente une version romanti-que du Sud et une vision trĂšs Ă©dulcorĂ©e de lâesclavage, avec notamment du personnel de maison dĂ©peint comme satisfait de son sort et traitĂ© comme des employĂ©s ordinaires. « Autant en emporte le vent est le produit de son Ă©poque et dĂ©peint des prĂ©ju-gĂ©s racistes qui Ă©taient communs dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine », a commentĂ©, mardi 9 juin, un porte-parole de HBO Max. Maintenir ce film dans son catalogue « sans explication et dĂ©nonciation de cette reprĂ©sentation aurait Ă©tĂ© irresponsable ». La plate-forme prĂ©voit de remettre le film en ligne mais avec une contextualisa-tion pour restituer lâĆuvre dans son Ă©poque.
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 culture | 21
Les histoires naturelles de Jochen LempertA IvryÂsurÂSeine, le CrĂ©dac a rouvert et prolonge jusquâĂ lâĂ©tĂ© lâexposition consacrĂ©e au photographe allemand
PHOTOGRAPHIE
L e Centre dâart contemÂporain dâIvryÂsurÂSeine(ValÂdeÂMarne) a rouvertavant la grande majoritĂ©
des musĂ©es parisiens, encore ferÂmĂ©s, et lâoccasion est belle dâaller y faire un tour. Anciennement installĂ© au pied du mĂ©tro de la Porte dâIvry, le terminus de la liÂgne 7, le CrĂ©dac est parti prendre de la hauteur il y a une dizaine dâannĂ©es dans lâexÂManufacturedes Ćillets, devenue un pĂŽle culturel, avec un thĂ©Ăątre et une Ă©cole dâart. En attendant quâune signalĂ©tique plus entreprenantevienne guider les visiteurs, on peut se perdre un peu sur le cheÂmin, les yeux en lâair, car la baladeest architecturale, parmi les enÂsembles modernistes du quartier jusquâĂ lâancienne usine, elleÂmĂȘme une cage de verre des anÂnĂ©es 1910, Ă la vue imprenable.
LâAllemand Jochen Lempert ena fait un « Jardin dâhiver », uneserre pour ses photographies saiÂsies comme autrefois il captait inÂsectes et oiseaux. La lumiĂšre inÂtense des lieux, avec laquelle lesartistes invitĂ©s doivent toujourscomposer, devait de fait ĂȘtre une lumiĂšre dâhiver, plus douce pourles tirages, non encadrĂ©s, quâil adirectement fixĂ©s au mur ou poÂsĂ©s dans des vitrines.
Le confinement en a dĂ©cidĂ©autrement, et lâexposition, initiaÂlement prĂ©vue du 24 janvier au5 avril, vient de rouvrir et est proÂlongĂ©e jusquâaux premiers joursde lâĂ©tĂ©. Une chance pour ceux quiseraient passĂ©s Ă cĂŽtĂ© du travail de ce photographe peu montrĂ©, donc peu connu en France.
NĂ© en 1958 et installĂ© Ă HamÂbourg, Jochen Lempert est dâabordun scientifique : câest en tant quâorÂnithologue quâil emploie la photoÂgraphie, qui fut un outil, avant queles processus de fabrication des images ne prennent le pas sur sa pratique, au dĂ©but des annĂ©es 1990. Restent le goĂ»t des expĂ©riÂ
mentations de laboratoire sur paÂpiers sensibles et les formules des rĂ©vĂ©lateurs et fixateurs de ses tirages argentiques en noir et blanc. Reste aussi lâĆil du bioloÂgiste, qui attrape le rĂ©el.
Son regard, câest dĂ©jĂ lâutilisationpresque exclusive du 50 mm, une optique au plus proche de la vue humaine. Un regard modeste qui tranche avec la monumentalitĂ© de ses compatriotes de lâEcole de DĂŒsÂseldorf, Thomas Struth, Thomas Ruff, Andreas Gursky ou encore Bernd et Hilla Becher. Nâusant ni du zoom ni du grandÂangle, son observation des mondes vĂ©gĂ©tal, animal et minĂ©ral sâarticule dâailleurs toujours avec lâhumain dâune façon ou dâune autre.
Chercher lâhumain dans laphoto en devient presque un jeu, car cette prĂ©sence est discrĂšte. Le photographe recourt Ă des leurresvisuels de toute nature. PoĂ©tiquesparĂ©idolies, oĂč lâon croit deviner
les trois salles de lâexposition.Lâagencement est une orchestraÂtion sur mesure, comme lorsque les fils dâune toile dâaraignĂ©e appaÂraissent telles des portĂ©es musicaÂles dĂ©nuĂ©es de notes, tandis quâĂ cĂŽtĂ©, deux cerises aux queues paÂrallĂšles prennent des airs de notessuspendues. Ces mĂȘmes cerises sauvages sont accrochĂ©es dans
une autre salle, mais ni au mĂȘme format, ni dans le mĂȘme contexte,ni avec le mĂȘme cadrage : lâartisteen a coupĂ© une au cutter comme ilaurait taillĂ© le cerisier.
Un petit miracle de la naturechasse lâautre, mais câest le rapÂprochement des photos par Ă©chosformels ou conceptuels qui crĂ©e des narrations imprĂ©visibles. Ici un jeu de troncs et de souches, lĂ un rĂ©bus visuel de coquilles, caraÂpaces et enveloppes en tout genre, de la coccinelle Ă une voiÂture vue depuis son atelier. Un hippocampe, une feuille, un hipÂpocampe feuillu, une sculpturede Jean Arp qui semble avoir reÂmĂ©langĂ© toutes ces formes. Le dĂ©Âtail de fleurs aux pieds dâunenymphe de Botticelli cĂŽtoie un clichĂ© au ras de pĂąquerettes Ă la mĂȘme Ă©chelle, mais foulĂ©es par un pneu de voiture.
Partout, lâĆil cherche aussi Ă Ă©luÂcider la nature de lâimage. Jochen
Lempert brouille les pistes, noÂtamment en jouant sur le graindes tirages, qui ressemblent parÂfois Ă des dessins : les papiers sontinsolĂ©s ou trempĂ©s dans de lâeausalĂ©e, et les images extraites du rĂ©el basculent volontiers dans de semiÂabstractions. Dans une maÂgnifique sĂ©rie, deux oiseaux mĂȘÂlent leurs becs et leurs blancheurs surexposĂ©es dans dâinfinies variaÂtions. Avec un simple photoÂgramme de sable, le micro devientmacro par projection mentale, les grains ressemblant Ă une vue du cosmos dans une nuĂ©e de points blancs. Chez Jochen Lempert, mĂȘme lâhumour se distille de maÂniĂšre minimaliste.
emmanuelle jardonnet
« Jardin dâhiver. Jochen Lempert », jusquâau 27 juin, Ă La Manufacture des Ćillets, 1, place PierreÂGosnat, IvryÂsurÂSeine. EntrĂ©e libre, sur rĂ©servation.
« Swans (StockÂholm) » (2018),de Jochen Lempert. JOCHEN LEMPERT/ADAGP, PARIS 2020/COURTESY PROJECTESD (BARCELONE)ET BQ (BERLIN)
A la basilique de SaintÂDenis, sâinitierau travail de la pierre dans les rĂšgles de lâartDes ateliers sont proposĂ©s pour dĂ©couvrir les mĂ©tiers de la restauration architecturale
REPORTAGE
B im, bim, bim, bim. » CiÂseau dans une main, masÂsette dans lâautre, Alice et
HĂ©loĂŻse, 9 ans, taillent avec appliÂcation le cube en pierre de SaintÂLeu posĂ© sur un Ă©tabli. DĂ©livranceMakingson et FrĂ©dĂ©ric Thibault, tailleurs professionnels, se penÂchent sur leur Ă©paule pour les guiÂder dans leur travail. Non loindes fillettes, deux dames sâiniÂtient au travail du fer, en compaÂgnie de Mathieu Bonnemaison et de Bakary Yatera, forgerons.
Ils sont une dizaine, adultes etenfants, Ă avoir ignorĂ© le ciel meÂnaçant de ce dĂ©but juin pour parÂticiper aux ateliers de dĂ©couverte des mĂ©tiers de la restauration proposĂ©s sur le parvis de la basiliÂque de SaintÂDenis (SeineÂSaintÂDenis). OrganisĂ©es par lâassociaÂtion Suivez la flĂšche et la mairie, ces sĂ©ances, sur rĂ©servation (et avec masque), visent Ă associer la population au projet de reconsÂtruction de la flĂšche de la tour nord de lâĂ©difice. Haute de 85 mĂšÂtres, elle avait Ă©tĂ© dĂ©montĂ©e pierre Ă pierre en 1847, Ă la suitedâune sĂ©rie de tornades qui en avait fragilisĂ© la base, et nâavait jaÂmais Ă©tĂ© rebĂątie depuis.
Comme pour NotreÂDame deParis, les spĂ©cialistes se sont afÂfrontĂ©s pour savoir sâil fallait reÂ
monter Ă lâidentique le clocherou sâorienter vers une crĂ©ationcontemporaine. Voire laisser lâĂ©difice amputĂ© de sa tour Nord. AprĂšs des annĂ©es de tergiversaÂtions, le projet de remontage « Ă lâancienne » a reçu lâaval de lâEtat,qui a signĂ© une conventionÂcadre avec lâassociation Suivez la flĂšche, le Centre des monuments natioÂnaux et le diocĂšse en 2017.
Contrairement Ă NotreÂDame, letravail ne se fera pas au pas de course. Les responsables ont optĂ© pour le temps long, dix ans enviÂron, en utilisant les outils et les matĂ©riaux de lâĂ©poque de sa construction, au XIIe siĂšcle. Et ils ont choisi de faire Ćuvre de pĂ©daÂgogie : outre ces ateliers, ouverts jusquâau 22 octobre, oĂč lâon dĂ©Âcouvre les savoirÂfaire des artiÂsans, lâhistoire de la nĂ©cropole desrois de France est prĂ©sentĂ©e Ă lâaide de cartes et de maquettes. Par la suite, explique Benjamin Masure, coordinateur du projet,des formations Ă visĂ©e dâinserÂtion seront assurĂ©es sur le chanÂtier pour des jeunes dĂ©sireuxdâacquĂ©rir ces compĂ©tences.
Retrouver les gestes de lâĂ©poqueA partir du moment oĂč dĂ©marreÂront les travaux, en 2022, une structure en belvĂ©dĂšre, avec rampe dâaccĂšs et ascenseurs, serainstallĂ©e pour permettre aux
curieux dâaller observer, Ă 40 mĂštres de hauteur, les opĂ©raÂtions. Payant, ce parcours dedĂ©couverte permettra de particiÂper au financement du projet,Ă©valuĂ© Ă 25 millions dâeuros. Leprincipe a Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ© auchĂąteau de GuĂ©delon (Yonne)qui, depuis vingt ans, reçoit enmoyenne 300 000 visiteurs par an, venus dĂ©couvrir la construcÂtion dâune forteresse mĂ©diĂ©valeavec les techniques et les outilsdu Moyen Age.
« AuÂdelĂ de lâenjeu patrimonialet touristique, le projet a un objecÂtif fĂ©dĂ©rateur pour les SĂ©quanoÂDyonisiens, trĂšs attachĂ©s Ă leur baÂsilique, que lâon peut voir de tous les quartiers de la ville », souligne le maire (PCF), Laurent Russier. Lamairie, la rĂ©gion et lâEtat apporÂtent leur contribution, mais « des mĂ©cĂšnes sont sollicitĂ©s pour avanÂcer les frais du parcours de dĂ©couÂverte », prĂ©cise lâarchitecte du projet, FrĂ©dĂ©ric Keiff.
« Câest un privilĂšge de pouvoirtravailler comme on le fait ici et de partager avec le public », confie le forgeron Mathieu Bonnemaison, qui explique avec passion son traÂvail de taillandier (fabricant dâoutils pour creuser la pierre). Il sâinspire de gravures anciennes pour reproduire les instrumentsqui Ă©taient utilisĂ©s au Moyen Age et retrouver les gestes des artiÂsans de lâĂ©poque.
Serrant contre elles le pavĂ©portant lâinitiale de leur prĂ©nomsculptĂ©e de leur main, Alice etHĂ©loĂŻse Ă©coutent DĂ©livrance Makingson Ă©numĂ©rer les grandschantiers de restauration â NoÂtreÂDame, le pont Neuf, Bastille,Versailles â auxquels il a partiÂcipĂ© depuis vingtÂcinq ans quâilopĂšre dans la rĂ©gion. Lui se dit heureux de transmettre au puÂblic son « amour du minĂ©ral »,comme son collĂšgue FrĂ©dĂ©ric Thibault, intarissable sur lesvoĂ»tes sur croisĂ©e dâogive, typiÂques de lâarchitecture gothiqueinventĂ©e ici, Ă la basilique deSaintÂDenis, avant dâessaimer Ă travers lâEurope.
sylvie kerviel
Basilique de SaintÂDenis, rĂ©servation sur Exploreparis.com.Groupes de 10 personnes maximum, gratuit (1 h 30). Jusquâau 22 octobre.
La reconstructionde la flĂšchede lâĂ©difice, dĂ©montĂ©e
en 1847, débuteraen 2022
ARTSUne Ćuvre attribuĂ©eĂ Banksy, volĂ©eau Bataclan, retrouvĂ©e en ItalieVolĂ©e en 2019 au Bataclan Ă Paris, une Ćuvre attribuĂ©e au streetÂartiste Banksy, rĂ©alisĂ©e sur une porte de lâĂ©tablisseÂment en hommage aux victiÂmes des attentats de novemÂbre 2015, a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans le centre de lâItalie. LâopĂ©ration a Ă©tĂ© menĂ©e Ă la demande de la police franÂçaise et en prĂ©sence de poliÂciers français. Selon le quotiÂdien La Repubblica, la porte a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans une ferme de la campagne des AbruzÂzes. RĂ©alisĂ©e au pochoir et Ă la peinture blanche, lâĆuvre reprĂ©sente un personnage fĂ©minin Ă lâair triste. Elle avait Ă©tĂ© peinte sur lâune des sorÂties de secours, situĂ©e derÂriĂšre le Bataclan, dans le pasÂsage par lequel de nombreux spectateurs du concert des Eagles of Death Metal sâĂ©taient Ă©chappĂ©s pendant lâattaque terroriste. â (AFP.)
SPECTACLEUne cinquantaine dâartistes donnent rendez-vous au publicĂ La Villette cet Ă©tĂ©A partir du 1er juillet, dans le cadre de « lâĂ©tĂ© culturel et apprenant » lancĂ© par le ministre de la culture, une cinquantaine dâartistes, de toutes disciplines (le chorĂ©Âgraphe Angelin Preljocaj, le fondateur du ThĂ©Ăątre Ă©quesÂtre Zingaro Bartabas, la danÂseuse Anne Nguyen, le magiÂcien Thierry Collet, etc.), se
dĂ©ploieront sur le site deLa Villette Ă Paris pour prĂ©Âsenter leur travail au public. Tous les espaces extĂ©rieurs et intĂ©rieurs (Grande Halle, Folies, etc.), accessibles graÂtuitement, seront mis Ă disÂposition pour des ateliers de dĂ©couverte des coulisses de la crĂ©ation. En collaboraÂtion avec le Centre PompiÂdou, des Ćuvres Ă©phĂ©mĂšres seront rĂ©alisĂ©es par huit arÂtistes dans les espaces de la Grande Halle, en utilisant les matĂ©riaux provenant des rĂ©serves du site de La Villette pour une collection intitulĂ©e« Les Moyens du bord ».Par ailleurs, le traditionnel festival de cinĂ©ma en plein air, du 24 juillet au 22 aoĂ»t, aura pour thĂšme cette annĂ©e « Grandeur nature ».
CINĂMALa rĂ©alisatrice afro-amĂ©ricaine Ava DuVernay au comitĂ© directeur des OscarsLa rĂ©alisatrice afroÂamĂ©riÂcaine Ava DuVernay, connue pour ses prises de position et Ćuvres antiracistes, a Ă©tĂ© Ă©lue, mercredi 10 juin, au coÂmitĂ© directeur de lâAcadĂ©mie des Oscars. Avec 26 femmes et 12 personnes de couleur sur 54 gouverneurs, la comÂposition du comitĂ© qui dirige lâAcadĂ©mie nâa jamais Ă©tĂ© aussi diversifiĂ©e, selon les mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s. LâAcadĂ©Âmie a Ă©tĂ© critiquĂ©e ces derniĂšres annĂ©es pour son manque de diversitĂ©, parmi ses membres mais aussi dans le choix de ses nommĂ©s et vainqueurs. â (AFP.)
des visages dans les plis de vĂ©gĂ©Âtaux butinĂ©s, photogrammes luÂdiques, comme cette petite fouÂgĂšre fantomatique rĂ©vĂ©lĂ©e par la lumiĂšre de lâĂ©cran dâordinateursur laquelle elle est posĂ©e. MĂ©duÂses et sacs plastiques ondulant de concert sous lâeau, vraiÂfaux enÂchaĂźnements de photos.
Echos formels ou conceptuelsLorsque aucune trace de prĂ©sencehumaine nâest dĂ©tectable, il fauten savoir plus sur lâespĂšce ou lelieu montrĂ© sur lâimage. Un moÂdeste plantin sur un chemin ? Cette plante, qui se dissĂ©mine par le piĂ©tinement humain, a Ă©tĂ© surÂnommĂ©e « pied de lâhomme blanc » par les Indiens dâAmĂ©riquedu Nord, oĂč elle a Ă©tĂ© importĂ©e par les premiers colons. La photo est prise sur un de ces chemins dela colonisation, Ă Vancouver.
Le photographe a déployé prÚsde 150 photos de tout format dans
Lâobservation desmondes vĂ©gĂ©tal,
animal et minĂ©ralsâarticule
toujours, chez Jochen Lempert,
avec lâhumain dâune façon
ou dâune autre
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22 | télévision VENDREDI 12 JUIN 20200123
HORIZONTALEMENT
I. Ne fera pas beaucoup dâeffet, mĂȘme rĂ©duit en poudre. II. VĂ©nus est la pre-miĂšre Ă lâallumage. Solide rapproche-ment. III. Trop malin pour ĂȘtre bien aimĂ©. Grecque. Sâuse sous nos pieds. IV. Pousse au dĂ©part. Lentilles. Sem-blable. V. Noter trĂšs sĂ©vĂšrement. Points en opposition. VI. Manifesta-tion enfantine. AccaparĂ©e. VII. BrisĂ© pour rĂ©sister. PiĂšce de la charrue. Contre tout. VIII. RejetĂ©e globale-ment. Mis Ă sa place. Golfe prĂšs de Marseille. IX. Risque de lĂącher Ă tout moment. MĂ©tal jaune et mou. X. Dif-ficile de lui rĂ©sister.
VERTICALEMENT
1. Insensible aux rigueurs du temps, elle va durer. 2. Pour une bonne prĂ©sentation. Suiveur hĂ©rĂ©tique. 3. Expulsas les gaz. Le prix Ă payer pour sâexprimer. 4. Mesure chez Mao. Pianiste français. Fut capitale chez les Nippons. 5. Prend lâeau de tous les cĂŽtĂ©s. Gens de bonnes compagnies. CitĂ© dâAbraham. 6. Victimes dâun dĂ©lit de sale gueule depuis Moustaki. 7. Voit lâavenir aprĂšs ouverture. 8. Per-sonnel. Evite de sortir une nappe. A sa place Ă table. 9. TrĂ©sor Ă©gyptien. Faci-lite la traction. Structure dâentreprise. 10. Se nourrit dâherbe tendre. En arri-vant au bout de la succession. 11. En feu. Grand ensemble. 12. Enrichit notre vocabulaire.
SOLUTION DE LA GRILLE N° 20 - 135
HORIZONTALEMENT I. DĂ©liquescent. II. Erebus. Pamir. III. Proie. Solive. IV. Lens. Materas. V. Ane. Sac. Salo. VI. It. HaĂŻra. Ter. VII. Se. Seul. Si. VIII. Amour. Etes. IX. Nuirez. Espar. X. Tentaculaire.
VERTICALEMENT 1. Déplaisant. 2. Errent. Mue. 3. Leone. Soin. 4. Ibis. Heurt. 5. Que. Sa. Réa. 6. Us. Maïs. Zc. 7. Sacrée. 8. Spot. Autel. 9. Calés. Lésa. 10. Emirat. Spi. 11. Nivales. Ar. 12. TrésoriÚre.
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GRILLE N° 20 - 136PAR PHILIPPE DUPUIS
SUDOKUN°20Â136
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9 7 4 6 8 5 3 1 2
8 1 2 3 4 9 7 5 6
DifficileCompletez toute la
grille avec des chiffres
allant de 1 a 9.
Chaque chiffre ne doit
etre utilise quâune
seule fois par ligne,
par colonne et par
carre de neuf cases.
CHEZ VOTRE MARCHANDDE JOURNAUX
Chaque jeudi,lâessentielde la presseĂ©trangĂšre
LâAMĂRIQUESE RĂVOLTE
Face Ă unprĂ©sidentqui attiselesdivisions, les manifestationscontre les violencespoliciĂšreset le racismeaux Ătats-Unissemblentpartiespourdurer
Afriq
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Tunisie7,20
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No 1545 du 11 au 17 juin 2020courrierinternational.comFrance : 4,50âŹ
RĂCIT MA LUNE DE MIELAVEC UNE INTELLIGENCEARTIFICIELLE
GRĂCE â PLUS DURE SERA LA CRISEALGĂRIEâ LE RAPPEUR SOOLKING,VOIX DU HIRAK
AVEC UNE INTELLIGENCE
V E N D R E D I 1 2 J U I N
TF121.05 La Chanson de lâannĂ©eDivertissement prĂ©sentĂ©par Nikos Aliagas.23.05 La Chanson de lâannĂ©eDivertissement prĂ©sentĂ©par Nikos Aliagas.
France 221.05 Candice RenoirSérie. Avec Cécile Bois,Raphaël Lenglet, Yeelem Jappain (Fr., 2017 et 2016).23.40 Basique, le concertEmission musicale.Avec Claudio Capéo.
France 321.05 Famille, je vous chanteDocumentaire de Mireille Dumaset Alain Chaufour (Fr., 2018, 110 min).22.55 La Vie secrÚtedes chansonsLes papas chanteursMagazine musical présentépar André Manoukianet Wendy Bouchard.
Canal+21.05 VenomFilm de Ruben Fleischer.Avec Tom Hardy, Michelle Williams (EU, 2018, 110 min).22.55 Gemini ManFilm dâAng Lee. Avec Will Smith,Clive Owen (EU-Ch., 2019, 115 min).
France 520.55 La Maison France 5Magazine présentépar Stéphane Thebaut.22.25 Silence, ça pousse !Magazine présentépar Stéphane Marie et Carole Tolila.
Arte20.55 Un cĆur pour ma filleFilm de Steffen Weinert. Avec Christoph Bach, Maggie Valentina Salomon (All., 2019, 90 min).22.25 ZZ Top. That Little OlâBand from TexasDocumentaire de Sam Dunn(RU, 2019, 95 min).
M621.05 NCISSĂ©rie. Avec Mark Harmon,Emily Wickersham, Pauley Perrette(EU, 2018).23.30 NCISSĂ©rie. Avec Sean Murray,Michael Weatherly (EU, 2016).
Hannah Gadsby, humoriste de la différenceLe nouveau spectacle de la comédienne australienne dynamite tranquillement patriarcat et sexisme
NETFLIXĂ LA DEMANDE
SEULE-EN-SCĂNE
C est par ses adieux austandÂup, quâelle pratiÂquait depuis une diÂzaine dâannĂ©es en AusÂ
tralie, quâHannah Gadsby sâest faitconnaĂźtre du public international.La comĂ©dienne lesbienne, origiÂnaire de lâĂźle de Tasmanie, bien connue en son pays pour son huÂmour impitoyable contre le sexisme et lâhomophobie, annonÂçait, dans Nanette, mis en ligne en 2018 sur Netflix, renoncer Ă cetype de spectacle. « Quand cet huÂmour [lâautodĂ©rision] vient de gens maintenus dans les marges, ce nâest pas de lâhumilitĂ©, mais de lâhumiliation. » Mais, trois ansaprĂšs le carton de son spectacle,qui lui a valu rĂ©compenses, louanÂges de la presse et prolongations, Hannah Gadsby se risque au « difÂficile deuxiĂšme album ».
Quoi de mieux pour ce faire, etpour impliquer pleinement le puÂblic, que dâajouter un obstacle Ă ce retour trĂšs attendu ? Hannah Gadsby, experte de la montĂ©e en tension, commence donc par dĂ©Ârouler, en un prĂ©lude hilarant, le plan dĂ©taillĂ© de son spectacle. Au menu : de lâhumour dâobservaÂtion, autour des diffĂ©rences de voÂcabulaire entre lâanglais amĂ©riÂcain et lâanglais australien
â moins accessible Ă un tĂ©lĂ©specÂtateur français ; une histoire dâanatomie dont le dĂ©cor est celui du parc canin oĂč elle promĂšne son chien Douglas ; un mauvais diagnostic chez un gynĂ©cologue ;un hameçon tendu Ă ses haters sur les rĂ©seaux sociaux ; une raÂpide leçon sur la reprĂ©sentationdes femmes dans les peintures de la Renaissance italienne ; la rĂ©vĂ©Â
lation de son autisme de « haut niÂveau » ; le dĂ©montage de lâarguÂmentaire des antivaccins ; et uneblague sur lâhumoriste Louis C.K.
Puissant et subversifAlternant anecdotes du quotidien et punchlines bien senties, la coÂmĂ©dienne procĂšde Ă une « gentillemise en boĂźte du patriarcat » et reÂlĂšve, avec lâironie piquante qui caÂ
ractĂ©rise son Ă©criture, lâomniprĂ©Âsence du regard masculin, qui nomme, diagnostique ou domine lâart et lâhistoire de lâart. Câest drĂŽle, politique, bouleversant et dĂ©stabilisant, sans glisser dans lepathos. « Une blague, câest essenÂtiellement une question avec une rĂ©ponse surprenante. Mais ici, une blague est une question que jâai inÂsĂ©minĂ©e artificiellement. La tenÂ
sion, câest mon travail, ironisait Hannah Gadsby dans Nanette. Câest moi qui vous stresse, vous ĂȘtesdans une relation abusive. »
La puissance du spectacledâHannah Gadsby tient Ă la rĂ©aliÂsation brillante de toutes les proÂmesses annoncĂ©es et Ă son Ă©criÂture dense, qui ne laisse pas de rĂ©Âpit au tĂ©lĂ©spectateur. Tout sâemÂboĂźte Ă merveille dans ce show subversif, mĂ©thodiquement mis en scĂšne, comme un cri en faveur de lâaffirmation de soi et du droit, pour tous, Ă la diffĂ©rence.
« Ce spectacle est une comĂ©dieromantique », risque dâentrĂ©e de jeu celle qui excelle Ă tourner en ridicule toutes les idĂ©ologies disÂcriminantes, autant quâĂ quesÂtionner la portĂ©e politique de lâhumour ou Ă casser les codes classiques du standÂup. Câest aussile rĂ©cit et une belle invitation Ă la rĂ©silience, pour celle qui a grandidans une Tasmanie oĂč lâhomoÂsexualitĂ© nâa Ă©tĂ© dĂ©pĂ©nalisĂ©e quâen 1997, fut victime dâun pasÂsage Ă tabac homophobe, de viol et sâest pratiquement retrouvĂ©e Ă la rue avant de connaĂźtre le succĂšssur les planches. « Mon cerveau mâemmĂšne dans des endroits oĂč personne dâautre ne vit. » On est raÂvis dâĂȘtre du voyage.
mouna el mokhtari
Douglas, écrit et joué par Hannah Gadsby (2020, 72 min).
AprĂšs « Nanette » (2018), « Douglas » est le deuxiĂšme spectacle dâHannah Gadsby. NETFLIX
Boires et dĂ©boires dâAmy Schumer, comĂ©dienne de standÂupDans « Crazy Amy », dont elle est aussi la scĂ©nariste et coproductrice, lâactrice incarne une journaliste newÂyorkaise
OCS MAXVENDREDI 12 - 20 H 40
FILM
A vec Crazy Amy, JuddApatow ajoute Ă sa casÂquette de producteur
celle de rĂ©alisateur, mais cĂšde Ă une femme, Amy Schumer, les clĂ©sdu vĂ©hicule. Comme Kristen Wiig dans Mes meilleures amies (2011), de Paul Feig, cette comĂ©dienne de standÂup, qui a construit son perÂsonnage public en parlant de sexe avec une frontalitĂ© candide, est lâactrice principale, la scĂ©nariste et
la coproductrice du film. Elle en donne le ton, elle en fait le charme,elle en est lâargument commercial.
Amy, la journaliste newÂyorkaisequâelle interprĂšte, enchaĂźne jourÂnĂ©es de travail harassantes et soiÂrĂ©es alcoolisĂ©es, pour gĂ©nĂ©raleÂment finir dans le lit dâun inconnuquâelle se fait un devoir de quitteravant lâaube, souvent dans un saleĂ©tat, mais sans Ă©tats dâĂąme. Les choses changent quand sa rĂ©dacÂtrice en chef (Tilda Swinton, excelÂlente en dominatrice perverse casÂtratrice) lâenvoie portraiturer unmĂ©decin du sport aux mĆurs trĂšs
conventionnelles (lâexcellent BillHader) qui, en la sortant de son milieu, va rĂ©tablir les connexions de son cortex sentimental.
Le film porte la marque de sonauteur, qui nâa pas seulement eu letalent de solliciter Amy Schumer, mais aussi celui dâavoir transÂformĂ© son Ă©nergie en une matiĂšrecinĂ©gĂ©nique. On y retrouve les qualitĂ©s des productions Apatow : dialogues qui claquent, Ă©toffĂ©s parun pingÂpong gaguesque de rĂ©fĂ©Ârences Ă la culture pop, attention minutieuse Ă tous les personnaÂges, y compris les plus pĂ©riphĂ©riÂ
ques (comme le rappeur Method Man qui joue un mĂ©decin africain relĂ©guĂ© par lâhĂŽpital amĂ©ricain au rang dâaideÂsoignant), dont les singularitĂ©s font le relief du filmâŠ
On reconnaĂźt aussi cette platiÂtude caractĂ©ristique de la mise enscĂšne dâApatow, cette saveur parÂfois un peu douceĂątre, emblĂ©matiÂque dâune vision traditionaliste dumonde et de la famille. Mais la renÂcontre avec Amy Schumer en reÂlĂšve le goĂ»t. Tout se passe comme si le rĂ©alisateur et son actriceÂscĂ©Ânariste confrontaient leurs points de vue, comme si chaque scĂšne rĂ©Â
sultait dâune forme de nĂ©gociaÂtion, voire de bras de fer.
Si cette comĂ©die romantiquetend, comme le veut le genre, vers une forme dâapaisement (lâamour, lâouverture Ă lâautreâŠ), elle ne basÂcule jamais dans la miĂšvrerie de lâidĂ©al familialiste amĂ©ricain, et sâarrĂȘte toujours juste avant, de maniĂšre abrupte, suspendue auÂdessus du vide.
isabelle regnier
Crazy Amy, de Judd Apatow.Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (EU, 2015, 125 min).
V O T R ES O I R Ă E
T Ă L Ă
0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SA. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 124.610.348,70 €.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
RĂ©daction 67-69, avenue Pierre-MendĂšs-France, 75013 Paris. TĂ©l. : 01-57-28-20-00
Abonnements par tĂ©lĂ©phone au 03 28 25 71 71 (prix dâun appel local) de 9 heures Ă 18 heures. Depuis lâĂ©tranger au : 00 33 3 28 25 71 71. Par courrier Ă©lectronique : [email protected]. Tarif 1 an : France mĂ©tropolitaine : 399 €
Courrier des lecteursPar courrier Ă©lectronique : [email protected]
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67-69, avenue Pierre-MendĂšs-France
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Origine du papier : France. Taux de fibres recyclĂ©es : 100 %. Ce journal est imprimĂ© sur un papier UPM issu de forĂȘts gĂ©rĂ©es
durablement, porteur de lâEcolabel europĂ©en sous le N°FI/37/001. Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 carnet | 23
SociĂ©tĂ© Ă©ditrice du « Monde » SAPrĂ©sident du directoire, directeur de la publicationLouis DreyfusDirecteur du « Monde », directeur dĂ©lĂ©guĂ© de lapublication,membre du directoire JĂ©rĂŽme FenoglioDirecteur de la rĂ©daction Luc BronnerDirectrice dĂ©lĂ©guĂ©e Ă lâorganisation des rĂ©dactionsFrançoise TovoDirection adjointe de la rĂ©dactionGrĂ©goire Allix, Philippe Broussard, EmmanuelleChevallereau, Alexis Delcambre, BenoĂźt Hopquin,Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot,CĂ©cile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (EvĂ©nements)Directrice Ă©ditoriale Sylvie KauffmannRĂ©daction en chef numĂ©riqueHĂ©lĂšne BekmezianRĂ©daction en chef quotidienMichel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws,Franck Nouchi (DĂ©bats et IdĂ©es)Directeur dĂ©lĂ©guĂ© aux relations avec les lecteursGilles van KoteDirecteur du numĂ©rique Julien Laroche-JoubertChef dâĂ©dition Sabine LedouxDirectrice du design MĂ©lina ZerbibDirection artistique du quotidien Sylvain PeiraniPhotographie Nicolas JimenezInfographie Delphine PapinDirectrice des ressources humaines du groupeEmilie ConteSecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la rĂ©daction Christine LagetConseil de surveillance Jean-Louis Beffa, prĂ©sident,SĂ©bastien Carganico, vice-prĂ©sident
un Ă©vĂ©nement heureuxdoit ĂȘtre partagĂ© !
Tarif : 20 ⏠TTCPrix à la ligne
Pour toute information :[email protected]
Le Carnet
Tarif : 20 ⏠TTC
Le Carnet
AU CARNET DU «MONDE»
DĂ©cĂšs
LâĂcole normale supĂ©rieure - PSLEt lâA-Ulm,
font part du décÚs de
M. Yash Kumar BHATI,doctorant
au département de chimie,
survenu le 24mai 2020, Ă Paris.
Un hommage lui a Ă©tĂ© rendu Ă lâENS le 3 juin.
Les obsĂšques auront lieu le 12 juinau cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise, Ă Paris.
La communautĂ© normaliennesâassocie Ă la douleur de sa famille.
The Ăcole normale supĂ©rieure - PSLAnd A-Ulm, the ENS alumni
association
are deeply saddened to announcethat
Mr. Yash Kumar BHATI,a PhD student
in the department of chemistry,
passed away on may 24, 2020, inParis.
A tribute was paid to him at theENS on 3 june.
The funeral will take place on 12June at PĂšre-Lachaise cemetery inParis.
The ENS community expressestheir sincere condolences to hisfamily.
M. Jacques Delors,son Ă©poux,MmeMartine Aubry,
sa fille,M. Jean-Louis Brochen,
son gendre,Mme Clémentine Aubry,
sa petite-filleet M. Edouard Fouré,Augustin, Olympe,
ses arriĂšre-petits-enfants,Mme Jacqueline HousseauxEt toute sa famille,
ont la douleur de faire part du décÚsde
Mme Marie DELORS,née LEPHAILLE,
survenu à Lille, le 5 juin 2020,dans sa quatre-vingt-dix-septiÚmeannée.
Les funĂ©railles religieuses onteu lieu en lâĂ©glise de Fontaine-la-Gaillarde, le mardi 9 juin, dans laplus stricte intimitĂ© familiale, suiviesde lâinhumation dans la sĂ©pulture dela famille.
Une pensée pour son fils,
Jean-Paul,
décédé en 1982.
La famille tient Ă dire toute sareconnaissance aux mĂ©decins etpersonnels soignants de lâhĂŽpitalSaint-Vincent-de-Paul, Ă Lille, pourleur grande humanitĂ©.
Le prĂ©sident de lâĂcole pratiquedes hautes Ă©tudes,Le doyen de la Section des sciences
historiques et philologiques,Les directeurs dâĂ©tudes et les
maßtres de conférences,Les étudiants et auditeurs,Le personnel administratif,
ont la tristesse de faire part du décÚs,survenu le 6 juin 2020, de
AlainERLANDE-BRANDENBURG,
ancien titulairede la direction dâĂ©tudes« Art et archĂ©ologie
duMoyen Ăge occidental ».
Ils sâassocient Ă la douleur de lafamille.
Marie-Christine Labourdette,prĂ©sidente de la CitĂ© de lâarchitectureet du patrimoine,directrice des MusĂ©es de France de2008 Ă 2018,BenoĂźt Melon,
directeur de lâEcole de Chaillot,ses prĂ©dĂ©cesseurs,Lâensemble des Ă©quipes de lâEcole
de Chaillot et de la Cité,
ont la tristesse de faire part du décÚsde
M. AlainERLANDE-BRANDENBURG.
Enseignant Ă lâĂcole de Chaillot de1979 Ă 1993, son cours « Histoire delâarchitecture romane et gothique,suivi de lâarchitecture civile etmonastique » a passionnĂ© desgĂ©nĂ©rations dâĂ©tudiants. Cet Ă©ruditdâexception entraĂźnait ses Ă©lĂšves surle terrain et les incitait Ă publierleurs travaux de recherche dans leBulletin monumental. Certainsdeviendront enseignants grĂące Ă lui.
Il laisse Ă Chaillot et auxarchitectes qui sont passĂ©s oupasseront par lâĂcole, un ouvrage derĂ©fĂ©rence, co-Ă©crit avec son Ă©pouse,Anne-BĂ©nĂ©dicte, «Histoire delâarchitecture française. Du MoyenĂge Ă la Renaissance».
Alain Erlande-Brandenburg restera« le roi des Ă©tudes sur lâart gothiqueet les cathĂ©drales » pour lâEcole deChaillot, qui lui a rendu un hommagelĂ©gitime avec la publication dâunvolume de MĂ©langes « Materiamsuperabat opus » en 2006.
Les enseignants, les Ă©lĂšves et lespersonnels de lâEcole et ceux de laCitĂ© sâassocient Ă la douleur de sonĂ©pouse et de sa famille.
Rennes. Saint-Cast-le-Guildo.
Mme Léon Faure,née Martine Berthoux,Ses enfants,Ses petits-enfantsEt ses arriÚre-petits-enfants,
ont la grande tristesse de faire partdu décÚs du
docteur LĂ©on FAURE,
survenu le 7 juin 2020,Ă lâĂąge de quatre-vingt-douze ans.
La cĂ©rĂ©monie religieuse aura lieule 12 juin, Ă 11 heures, en lâĂ©gliseSaint-Germain, Ă Rennes.
A
Mathieu SARDA
parti le 8 juin 2020,Ă lâĂąge de quarante et un ans.
Mathieu, nous tâaimions et terespections tant. Tristesse et dĂ©sarroisubmergent aujourdâhui FranceInter, la chaĂźne pour laquelle tu astant donnĂ©.
Nous ne tâoublierons pas.
Nous nous associons Ă la peine detous les tiens.
Tes collĂšgues et amisde France Inter.
Courcelottecommune de Dompierre-en-Morvan(CĂŽte-dâOr).Boulogne-Billancourt
(Hauts-de-Seine).
Patrick,son Ă©poux,Chrystelle,
sa filleEt toute la famille,
ont la douleur de faire part du décÚsde
Chantal LARGILLIĂRE,nĂ©e BRADIER,
survenu Ă Garches (Hauts-de-Seine),Ă lâĂąge de soixante et onze ans.
La cĂ©rĂ©monie religieuse seracĂ©lĂ©brĂ©e le samedi 13 juin 2020,Ă 14 h 30, en lâĂ©glise de Dompierre-en-Morvan, suivie de lâinhumationau cimetiĂšre du village.
Chantal repose Ă lâespace funĂ©rairede Semur-en-Auxois, 9, avenuePasteur.
Christian, Denise, Serge, Jean Luc,Pascal et Aude,ses enfants,Son gendre,Ses belles-filles,Ses petits-enfants,Lâensemble de la famille,
ont la douleur et le chagrin de fairepart du décÚs de
Mme Josiane PhilippeLATOUCHE,
née THEODORE,
survenu Ă Paris, le 8 juin 2020,Ă lâĂąge de quatre-vingt-quatre ans.
Elle rejoint son Ă©poux,
Serge LATOUCHE,
dans lâĂ©ternitĂ©.
La cĂ©rĂ©monie religieuse aura lieule vendredi 12 juin, Ă 10 h 30, enlâĂ©glise Notre-Dame-de-la-NativitĂ©,9, place Lachambeaudie, Paris 12e.
Lâinhumation aura lieu aucimetiĂšre parisien dâIvry, dans laplus stricte intimitĂ©.
Pauline de MaziÚres,née Cheremeteff,Catherine,
sa fille,Sarah et Niels,
ses petits-enfants,Ses proches,Ses amis, et compagnons de route,
ont la tristesse de faire part du décÚsde
M. Jean, Patrice DEMAZIĂRES,
survenu Ă Rabat (Maroc), le 8 juin2020, Ă lâĂąge de quatre-vingt-dix ans.
Anne Rosenberg,sa compagne,Fabien, Matthieu, Clément, Adrien
Onimus, Myriam et Daniel Suchet,ses enfants,Nathalie Hoang, Delphine Laugier,
Stéphanie Cheron et Aline Aurias,ses beaux-enfants,SolÚne, Mathias, Thomas, Ernestine,
LĂ©on et Elias,ses petits-enfants,Ses frĂšres et sĆurs
et leurs grandes familles,
ont la tristesse dâannoncer le dĂ©cĂšsde
Jean-Louis ONIMUS,
survenu le 8 juin 2020, Ă son domicile.
Les obsĂšques auront lieu levendredi 12 juin, Ă 16 h 15, aucimetiĂšre parisien de Pantin.
Michel Lescure,sonmari,Frédérique Larmagnac,
sa fille,Nicolas et Caroline Larmagnac,
son fils et sa belle-fille,Marin, Hugo et CĂ©limĂšne,
ses petits-enfants,Nadine Sausset,
sa sĆur,
ont la profonde tristesse dâannoncerle dĂ©cĂšs le 8 juin 2020, de
Michelle SAUSSET-LESCURE.
7, rue du Bourg Neuf,41000 Blois.
Dominique et Marie-ChristineSchwartz,son frĂšre et sa belle-sĆur,Jean-Laurent et Shaheen Schwartz,Nathalie et Olivier Sambourg,
son neveu, sa niÚce et leurs conjoints,Chloé et Elsa,
ses petites-niĂšces,Adam,
son petit-neveu,
ont la douleur de faire part du décÚsaccidentel de
Jean-Marie SCHWARTZ,ENS Saint-Cloud 1967,agrégé, docteur, HDR
enmathématiques pures,ancien directeur de recherche
au CNRS,
survenu Ă Paris, le 29mai 2020,Ă lâĂąge de soixante-treize ans.
Homme libre, il a toujours prĂ©fĂ©rĂ©lâhonneur aux honneurs et refusĂ© lesdĂ©corations, suivant en celalâexemple de sa mĂšre, HuguetteSchwartz, rĂ©sistante de la premiĂšreheure.
Homme de science brillant, il aconsacrĂ© aux mathĂ©matiques puresles premiĂšres annĂ©es de sa carriĂšreau CNRS, avant de sâattacher Ă lâorganisation de la recherche enFrance, dĂ©fendant sans relĂąche larecherche fondamentale au sein dela direction gĂ©nĂ©rale du CNRS.
Homme engagĂ©, vice-prĂ©sidentuniversitaire de lâUnef en mai 1968,il est toujours restĂ© fidĂšle Ă sesidĂ©aux en menant une vieassociative trĂšs active.
Les obsÚques ont eu lieu aucrématorium du cimetiÚre du PÚre-Lachaise, Paris 20e, ce 11 juin 2020.
Cet avis tient lieu de faire-part.Marie Cécile TRICON,ancienne infirmiÚre chefà la Compagnie générale
transatlantique,
nous a quittés le jeudi 4 juin 2020,dans sa quatre-vingt-treiziÚmeannée, en la résidence, Champ deMars, Paris 15e.
La famille remercie le personnelde lâĂ©tablissement pour ses soinsattentionnĂ©s.
La cĂ©rĂ©monie religieuse seracĂ©lĂ©brĂ©e le vendredi 12 juin, Ă 10 h 30,en lâĂ©glise Notre-Dame-des-Champs,91, boulevard du Montparnasse,Paris 14e.
La cĂ©rĂ©monie pourra ĂȘtre suivie Ă lâadresse : Paroisse Notre-Dame desChamps - youtube.
Lâinhumation aura lieu le mĂȘmejour au cimetiĂšre du Montparnasse,Paris 14e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
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des deuxmusées nationaux(1981-1987),
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24 | IDĂES VENDREDI 12 JUIN 20200123
La surmortalitĂ©en SeineÂSaintÂDenis
confirme ce quela recherche avait dĂ©jĂ
constatĂ©, les minoritĂ©s ethnoÂraciales
souffrent dâinĂ©galitĂ©s et de discriminations
en matiÚre de santé, rappelle la sociologue
ENTRETIEN
SolĂšne Brun est sociologue,chercheuse postdoctorante Ă lâInstitut Convergences MigraÂtions, coordinatrice scientifiquedu dĂ©partement Integer (intĂ©Âgration et discrimination) de
cet institut. Ses recherches portent sur lesinĂ©galitĂ©s ethnoÂraciales en France et lesrapports sociaux de race dans la famille.Avec le dĂ©mographe Patrick Simon, elle vient de publier un article intitulĂ© « LâinÂvisibilitĂ© des minoritĂ©s dans les chiffres du coronavirus : le dĂ©tour par la SeineÂSaintÂDenis », paru dans la revue en ligne De Facto, Ă©ditĂ©e par lâInstitut ConvergencesMigrations.
Pour vous, on ne doit pas ignorer la dimension ethnoÂraciale de la pandĂ©Âmie. Vous vous intĂ©ressez, pour cette raison, Ă la SeineÂSaintÂDenis, oĂč la population est largement composĂ©e dâimmigrĂ©s et de descendants dâimmiÂgrĂ©s. Quel est lâimpact du CovidÂ19 dans ce dĂ©partement ?
LâInsee publie chaque semaine desdonnĂ©es et des analyses qui font le dĂ©compte des dĂ©cĂšs en fonction de lacommune oĂč ils se produisent. Ainsi, du 1er mars au 27 avril, il y a en SeineÂSaintÂDenis une surmortalitĂ© de 128,9 % par rapport Ă la mĂȘme pĂ©riode en 2019. Avec mon collĂšgue Patrick Simon, nous avons voulu aller plus loin, car la pandĂ©mie a provoquĂ© une rapide saturation des hĂŽpiÂtaux en SeineÂSaintÂDenis, des malades ont donc Ă©tĂ© hospitalisĂ©s dans dâautresdĂ©partements et, pour certains, y sont morts. Nous avons analysĂ© des donnĂ©esbrutes, mises Ă disposition par lâInsee, qui portent sur la mortalitĂ© en fonction du lieu de rĂ©sidence. Sur cette base, nous avons pu constater quâentre le 1er mars et le 19 avril, la SeineÂSaintÂDenis enregistre le plus fort taux de surmortalitĂ© en IleÂdeÂFrance. Elle y atteint 134 %, alors que dansles HautsÂdeÂSeine, elle est de 114 %, et de 99 % pour Paris.
Pour la tranche dâĂąge la plus Ă risque,les personnes ĂągĂ©es de 75 Ă 84 ans, cetaux est de 188 % en SeineÂSaintÂDenis,
de 150 % pour les HautsÂdeÂSeine et de 137 % pour Paris. Les chiffres compilĂ©spar lâInsee concernent cependant lâenÂsemble des dĂ©cĂšs, et pas uniquementceux liĂ©s au CovidÂ19. La comparaison avec 2019 nous permet de mesurer des Ă©carts que lâon peut raisonnablement atÂtribuer Ă la pandĂ©mie.
Pourquoi estÂil pertinent, selon vous, de sâintĂ©resser aux inĂ©galitĂ©s ethnoÂraciales pour expliquer la surmortalitĂ© en SeineÂSaintÂDenis ?
La question des inĂ©galitĂ©s ethnoÂraciaÂles nâest que rarement prise en comptepar la recherche en France. De fait, laproduction de statistiques ethnoÂraciaÂles est fortement encadrĂ©e et limitĂ©edans le pays, et les chercheurs sont leplus souvent contraints dâutiliser desdonnĂ©es dâapproximation, comme lepays de naissance ou le pays de naisÂsance des parents. La pandĂ©mie actuellenâĂ©chappe pas Ă cette rĂšgle, et mĂȘme lesrares donnĂ©es disponibles, comme lepays de naissance des personnes morÂtes, nâont pas Ă©tĂ© mises Ă disposition parlâInsee.
Cependant, la SeineÂSaintÂDenis nâestpas seulement le dĂ©partement le plus pauvre de France mĂ©tropolitaine, câestaussi celui qui compte la plus grande proÂportion dâimmigrĂ©s et de descendantsdâimmigrĂ©s. Les immigrĂ©s forment 30 % des rĂ©sidents du « 93 », contre 9 % ailleursen France. De plus, 50 % des moins de 18 ans de SeineÂSaintÂDenis sont des desÂcendants dâimmigrĂ©s, dâaprĂšs lâInstitut Paris RĂ©gion. La surmortalitĂ© dans un dĂ©Âpartement oĂč se concentrent les minoriÂtĂ©s laisse donc Ă penser que les immigrĂ©s et leurs descendants sont particuliĂšreÂment exposĂ©s Ă la pandĂ©mie.
La recherche devrait pouvoir Ă©tudier lerĂŽle et lâeffet des discriminations dans la crise actuelle, dâautant que des travauxrĂ©alisĂ©s Ă lâĂ©tranger attestent de lâintĂ©rĂȘt dâune telle dĂ©marche. Aux EtatsÂUnis, par exemple, une Ă©tude a dĂ©montrĂ© que lespatients noirs qui se prĂ©sentent Ă lâhĂŽpiÂtal avec des symptĂŽmes du CovidÂ19 ont moins de chances que les patients blancs Ă symptĂŽmes Ă©quivalents dâĂȘtre testĂ©s et dâĂȘtre pris en charge.
DisposonsÂnous dâĂ©tudes rĂ©alisĂ©es avant la crise qui tendent Ă confirmer que les minoritĂ©s pourraient ĂȘtre plus vulnĂ©rables face Ă la pandĂ©mie ?
Plusieurs travaux ont en effet Ă©tabli delongue date lâexistence en France dâinĂ©gaÂlitĂ©s et de discriminations ethnoÂraciales en matiĂšre de santĂ©, et permettent dâafÂfirmer que les immigrĂ©s et leurs descenÂdants sont en moins bonne position pour affronter le CovidÂ19.
Par exemple, une Ă©tude publiĂ©e en 2019par les dĂ©mographes Michel Guillot, MyÂriam Khlat et Matthew Wallace a dĂ©monÂtrĂ© que les hommes descendants dâimmiÂgrĂ©s maghrĂ©bins risquent davantage demourir entre 18 et 65 ans que la populaÂtion majoritaire, mais aussi que les desÂcendants dâimmigrĂ©s dâEurope du Sud, Ă niveau dâĂ©ducation comparable.
En outre, les immigrĂ©s voient leur santĂ©se dĂ©grader plus rapidement que le reste de la population. Des facteurs socioÂĂ©coÂnomiques expliquent en grande partiecette diffĂ©rence, mais aussi lâexpĂ©rience de discriminations, comme en attesteune enquĂȘte quantitative et qualitativepubliĂ©e en 2012 dans la Revue europĂ©ennedes migrations internationales.
GrĂące Ă un rapport de SantĂ© publiqueFrance, on sait Ă©galement que le diabĂšte et le surpoids, qui peuvent entraĂźner une plus grande mortalitĂ© chez les patients atteints par le CovidÂ19, sont plus rĂ©panÂdus dans les milieux moins favorisĂ©s, mais aussi chez les personnes dâorigine maghrĂ©bine.
Enfin, diffĂ©rentes enquĂȘtes qualitatives,Ă plus petite Ă©chelle, ont Ă©tudiĂ© lâeffet dela discrimination ethnoÂraciale dans le domaine de la santĂ©. Par exemple, PrisÂcille Sauvegrain, sociologue et sageÂfemme, a mis en Ă©vidence le fait quâĂ Ă©tat de santĂ© et Ăąge Ă©gaux, les femmes catĂ©goÂrisĂ©es comme noires ou « africaines » acÂcouchaient beaucoup plus par cĂ©sarienneque les autres femmes en France, en raiÂson de prĂ©jugĂ©s ethnoÂraciaux portantsur leurs caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©tiques, anatomiques et physiologiques. La socioÂlogue DorothĂ©e Prudâhomme a pour sapart Ă©tudiĂ© les effets de la racialisation sur les patients roms dans les servicesdâurgence. Au moment oĂč les soignants font preuve dâun grand courage, il ne sâagit pas de les pointer du doigt, mais simplement de rappeler que, si le racismeexiste dans notre sociĂ©tĂ©, il nây a pas deraison pour que la santĂ© y Ă©chappe.
Plus gĂ©nĂ©ralement, quel Ă©tait lâĂ©tat desantĂ© de la SeineÂSaintÂDenis avant lapandĂ©mie ?
Les indicateurs de santĂ© de la populaÂtion y sont gĂ©nĂ©ralement sous la moyenne nationale, en particulier en ce qui concerne les facteurs de comorbiditĂ©associĂ©s au CovidÂ19. On y trouve des fortstaux de diabĂšte, dâasthme, de maladiescardioÂvasculaires, comme le rapporte lâObservatoire rĂ©gionale de santĂ© (ORS).
Lâoffre de soin est Ă©galement plus limiÂtĂ©e dans ce dĂ©partement quâailleurs dans la rĂ©gion, la densitĂ© mĂ©dicale y est plus faible pour la mĂ©decine de ville, les placesen hospitalisation y sont Ă©galement moins nombreuses (ORS). Sur le plan Ă©coÂnomique, la SeineÂSaintÂDenis souffre aussi, avec une pauvretĂ© et un chĂŽmage inĂ©galĂ©s en France mĂ©tropolitaine.
Lâeffet dĂ©lĂ©tĂšre sur la santĂ© de la prĂ©caÂritĂ© est bien documentĂ©. Les ouvriers viÂvent moins longtemps que les cadres, et
en moins bonne santĂ©. On sait Ă©galementque les personnes dĂ©favorisĂ©es ont moins recours aux soins. Dans le « 93 »,inĂ©galitĂ©s sociales et inĂ©galitĂ©s ethnoÂraÂciales sâentremĂȘlent. Il me paraĂźt urgent de pouvoir isoler lâeffet de chacun de ces phĂ©nomĂšnes sur la santĂ©, mais il faudraitpour cela disposer de donnĂ©es concrĂštes. Sans statistiques solides, nous sommes rĂ©duits Ă nâĂ©mettre que des hypothĂšses : on ne pourra pas mesurer les inĂ©galitĂ©s ethnoÂraciales ni lâampleur des discrimiÂnations dans la prĂ©sente crise sanitaire, etle domaine de la santĂ© en gĂ©nĂ©ral, sansune mise Ă disposition de donnĂ©es qui permettent dâidentifier les populations racialisĂ©es comme non blanches. Et, sans outils de mesure robustes, il est trĂšs comÂpliquĂ© de lutter efficacement contre les discriminations.
PeutÂon croire que la crise sanitaire a eu un impact sur les relations entre police et populations minoritaires ?
Avec le confinement, la crise sanitairesâest accompagnĂ©e dâune restriction des dĂ©placements et de lâaccĂšs Ă lâespace puÂblic. Cette situation a crĂ©Ă© un renforceÂment du contrĂŽle et de la pression poliÂciĂšre sur les quartiers populaires et surles populations racialisĂ©es comme non blanches. En SeineÂSaintÂDenis, le tauxde verbalisation pour nonÂrespect de confinement a Ă©tĂ© presque trois fois plusĂ©levĂ© que la moyenne nationale (17 %, contre 6 %).
On a donc une verbalisation disproporÂtionnĂ©e (dâailleurs dĂ©noncĂ©e par un colÂlectif dâassociations et de syndicats), quireflĂšte en rĂ©alitĂ© davantage la prĂ©sence etle contrĂŽle policiers exceptionnels dansce dĂ©partement que lâimportance des inÂfractions au confinement, dont il a Ă©tĂ© reÂconnu par le prĂ©fet de la SeineÂSaintÂDeÂnis luiÂmĂȘme quâil avait Ă©tĂ© bien respectĂ©.La pĂ©riode du confinement a Ă©tĂ© une pĂ©Âriode dans laquelle de nombreux cas de brutalitĂ© policiĂšre ont Ă©tĂ© signalĂ©s, souÂvent filmĂ©s par les habitants. Les soupÂçons dâincivisme ont ainsi largementvisĂ© les populations pauvres et non blanÂches, quand les infractions au confineÂment des Parisiens rejoignant leurs maiÂsons secondaires ou des Français sur laCosta Brava ont suscitĂ© moins dâĂ©moi.Les violences policiĂšres et le racisme nesont pas des faits nouveaux, mais le conÂfinement a Ă©tĂ© une nouvelle fois lâoccaÂsion dâen mesurer lâampleur, commelâĂ©crit le sociologue JĂ©rĂ©mie Gauthier,dans la revue De Facto.
propos recueillis parmarcÂolivier bherer
DU 1ER MARSAU 27 AVRIL, IL Y A EU EN SEINE-SAINT-DENIS UNE SURMORTALITĂ DE 128,9 % PAR RAPPORT Ă LA MĂME PĂRIODE EN 2019
YANN LEGENDRE
SolÚne Brun « Les immigrés et leurs
descendants sont en moins bonne position
face au Covid-19 »
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0123VENDREDI 12 JUIN 2020 idées | 25
Jay S. Kaufman et Joanna Merckx La rĂ©action biologiqueau Covid-19 nâest pas une question dâappartenance racialeSi les minoritĂ©s ethniques sont davantage touchĂ©es par le virus, les scientifiques doivent considĂ©rer cette disproportion comme le rĂ©sultat dâinĂ©galitĂ©s sociales, et non comme la manifestation de diffĂ©rences biologiques, relĂšvent les deux Ă©pidĂ©miologistes canadiens
Nous en apprenons chaque jourun peu plus sur le virus SARSÂCoVÂ2 et sur la maladie CovidÂ19quâil provoque. Notre comprĂ©Â
hension des facteurs de transmission, de lâinfection et de la maladie reste limiÂtĂ©e, et, malheureusement, des interprĂ©Âtations erronĂ©es circulent.
Au RoyaumeÂUni comme aux EtatsÂUnis, les mĂ©dias et les revues mĂ©dicalesse font largement lâĂ©cho du nombre disÂproportionnĂ© de victimes du SARSÂCoVÂ2 parmi les minoritĂ©s ethniques etles migrants. Bien entendu, cette disÂproportion sâexplique en grande partie par les diffĂ©rences socioÂĂ©conomiqueset les inĂ©galitĂ©s professionnelles. Car ce sont ces segments de la population quiconduisent les bus, qui font le mĂ©nagedans les hĂŽpitaux, qui livrent les courseset qui sâoccupent des personnes ĂągĂ©esdans les maisons de retraite. En rĂšgle gĂ©ÂnĂ©rale, ce sont eux qui occupent un traÂvail qui ne leur permet pas dâĂ©chapperau virus, et des logements oĂč sâisoler desautres est plus difficile.
Au RoyaumeÂUni, la revue mĂ©dicaleThe Lancet sâest intĂ©ressĂ©e au trĂšs grandnombre de professionnels de la santĂ©noirs et dâorigines asiatiques, morts duCovidÂ19 dans le pays â poussant le gouÂvernement Ă enquĂȘter sur cette inĂ©gaÂlitĂ© choquante. Aux EtatsÂUnis, les donÂnĂ©es rĂ©vĂšlent Ă©galement des inĂ©galitĂ©scriantes. Les groupes afroÂamĂ©ricains etlatinos sont bien plus touchĂ©s que lesautres segments de la population,
comme lâa montrĂ© une Ă©tude rĂ©alisĂ©epar un centre de recherche indĂ©pendant(APM Research Lab), et la maladie seconcentre dans les quartiers quâils habiÂtent, selon un article publiĂ© par deux chercheurs de lâuniversitĂ© Harvard (JarÂvis T. Chen et Nancy Krieger). Au RoyauÂmeÂUni et aux EtatsÂUnis, ces injusticessont connues car des donnĂ©es ont Ă©tĂ©collectĂ©es et analysĂ©es.
Sociologie du racismeAlors que chaque pays a son approchepour dĂ©finir les catĂ©gories dĂ©mographiÂques comme lâ« appartenance ethniÂque » et la « race », la France sâoppose ferÂmement Ă lâutilisation de ce genre dâĂ©tiÂquettes pour catĂ©goriser officiellement les individus. Lâabsence de classificationraciale permet dâĂ©viter une interprĂ©taÂtion fallacieuse, courante au RoyaumeÂUni et aux EtatsÂUnis, selon laquelle cerÂtaines inĂ©galitĂ©s que lâon observe indiÂqueraient lâexistence de prĂ©dispositionsgĂ©nĂ©tiques, comme le rappelle un artiÂcle publiĂ© par la journaliste scientifiÂque Angela Saini (« Stereotype threat »)dans The Lancet, le 23 mai.
Malheureusement, que ce soit dans lesmĂ©dias ou les milieux scientifiques, il esttrĂšs courant dâentendre que la rĂ©actionbiologique Ă lâinfection semble diffĂ©rerselon lâappartenance raciale. La socioloÂgie du racisme nâa rien dâagrĂ©able, et, au lieu de regarder les choses en face, les gens se tournent vers les vieux mythes des diffĂ©rences raciales pour expliquer
lâinjustice. La pression monte sur les pays europĂ©ens autres que le RoyaumeÂUni : certains souhaitent que ces pays rĂ©Âcoltent des donnĂ©es sur les inĂ©galitĂ©s ethnoraciales face au CovidÂ19. Ce seraiten effet un bon moyen de comprendre latragĂ©die sociale liĂ©e au virus, mĂȘme sâilfaut se garder de croire que ces catĂ©goÂries ont quelque chose de biologique.
Nos connaissances actuelles sur lapandĂ©mie reposent sur des donnĂ©escollectĂ©es auprĂšs de cas testĂ©s positifs. Or, le fait de tester ou non une personnedĂ©pend principalement de la prĂ©senceou non de symptĂŽmes, mais aussi dâinÂnombrables barriĂšres, linguistiques et gĂ©ographiques, toutes Ă©troitement liĂ©esĂ des facteurs socioÂĂ©conomiques et dĂ©Âmographiques.
Ainsi, lorsquâon mĂšne des Ă©tudes surles malades du CovidÂ19 pour observerleurs caractĂ©ristiques, on prend en conÂsidĂ©ration, non pas tous les malades,mais seulement la partie Ă©mergĂ©e delâiceberg â une partie fortement dĂ©forÂmĂ©e par les dĂ©terminants sociaux destests. Certains chercheurs estiment
nĂ©anmoins que lâorigine ethnique pourÂrait constituer un facteur de risque chezdes enfants pour lesquels a Ă©tĂ© diagnosÂtiquĂ© un syndrome inflammatoire postÂinfectieux associĂ© au SARSÂCoVÂ2 (unsyndrome trĂšs rare, rĂ©cemment dĂ©couÂvert). ConnaĂźtre lâorigine ethnique desmalades nâamĂ©liorera pas notre comÂprĂ©hension de lâĂ©tiologie et de la gĂ©nĂ©tiÂque de ce syndrome en particulier, ni duCovidÂ19 en gĂ©nĂ©ral.
Ces chercheurs motivent leur intĂ©rĂȘtpour la question en invoquant le nomÂbre disproportionnĂ© dâenfants issus deminoritĂ©s qui ont Ă©tĂ© hospitalisĂ©s au RoyaumeÂUni avec ce syndrome. Or lâexÂposition au virus et les tests dĂ©pendentfortement des hiĂ©rarchies raciales dans la sociĂ©tĂ©, et ces inĂ©galitĂ©s en disent plussur nous que sur le virus.
Des stĂ©rĂ©otypes archaĂŻquesOn croit Ă©galement Ă tort que ces inĂ©galiÂtĂ©s indiqueraient lâexistence de diffĂ©renÂces gĂ©nĂ©tiques ou de gĂšnes uniques. Le gĂ©nome humain Ă©tant Ă prĂ©sent sĂ©ÂquencĂ©, nous savons que la quasiÂtotalitĂ©des variations gĂ©nĂ©tiques humaines se produisent Ă lâintĂ©rieur des groupes raÂciaux, et non dâun groupe Ă lâautre. Bien entendu, comme la « race » est une consÂtruction historique et sociologique, sadĂ©finition (arbitraire) diffĂšre dâun pays Ă lâautre, mais, quelle que soit la dĂ©finitionretenue, les recherches montrent que, sâil existe bien des diffĂ©rences entre les personnes, la race et lâorigine ethnique sont de fort mauvaises catĂ©gories pourexpliquer ces diffĂ©rences.
De surcroĂźt, au XXIe siĂšcle, alors quelâextraction dâADN est devenue une opĂ©Âration routiniĂšre et que nâimporte qui peut ĂȘtre gĂ©notypĂ© Ă moindre coĂ»t, cescatĂ©gories sont dĂ©pourvues de toutepertinence. A notre Ă©poque, lorsquâonveut Ă©tudier la gĂ©nĂ©tique, câest aux gĂšÂnes que lâon sâintĂ©resse. Nous ne pouÂ
vons plus recourir à des catégories duXIXe siÚcle basées sur des mythes et desstéréotypes archaïques.
Si certaines variantes ou mutations gĂ©ÂnĂ©tiques paraissent rĂ©ellement jouer un rĂŽle important dans lâĂ©pidĂ©mie de CoÂvidÂ19, les scientifiques exploreront cettehypothĂšse en collectant et en analysant les gĂ©notypes de personnes qui sont maÂlades et de personnes qui ne le sont pas. Ils ne feraient que se fourvoyer en preÂnant en compte lâappartenance ethniquedes individus. Le lien simpliste que lâonfait entre la « race » et la gĂ©nĂ©tique relĂšve dâune croyance populaire erronĂ©e, mais il ne lĂšvera pas le mystĂšre mĂ©dical du CoÂvidÂ19 â il nâa, de fait, jamais levĂ© aucun mystĂšre par le passĂ©. Historiquement, ce lien sâest avĂ©rĂ© ĂȘtre une sinistre impasse, et câest la raison pour laquelle la France a choisi dâinterdire la collecte de donnĂ©es « raciales ». Mais câest une arme Ă double tranchant car, si dâun cĂŽtĂ©, il dĂ©courageles mythes biologiques, de lâautre, il disÂsimule les rĂ©alitĂ©s sociales.
Traduit de lâanglais par Valentine Morizot
Jay S. Kaufman est professeur au dĂ©partement dâĂ©pidĂ©miologie, biostatistiques et santĂ© au travail Ă lâuniversitĂ© McGill (MontrĂ©al, Canada) ; il est lâun des rĂ©dacteurs en chef de la revue scientifique « Epidemiology », publiĂ©e par lâInternational Society for Environmental Epidemiology ; Joanna Merckx est directrice des affaires mĂ©dicales au laboratoire bioMĂ©rieux Canada Inc. Les opinions exprimĂ©es sont les siennes et sont sans lien avec sa fonction chez bioMĂ©rieux. Elle enseigne lâĂ©pidĂ©miologie des mala-dies infectieuses Ă lâuniversitĂ© McGill
LE LIEN SIMPLISTE ENTRE « RACE » ET GĂNĂTIQUE RELĂVE DâUNE CROYANCE POPULAIRE ERRONĂE ET NâA JAMAIS LEVĂ AUCUN MYSTĂRE MĂDICAL
Juan Guaido Marquez Sauvons le Venezuela ensemble !Le prĂ©sident par intĂ©rim autoproclamĂ© du Venezuela appelle Ă la formation dâun gouvernement dâurgence nationale afin de convoquer des Ă©lections libres et de dĂ©finir un plan de sauvegarde du pays
Selon les Nations unies, plus de9 millions de Vénézuélienssouffrent actuellement de la faim.La crise migratoire en cours
constitue lâexode le plus important delâhistoire contemporaine, aprĂšs celui de la Syrie. Plus de 5 millions de personnes ont quittĂ© le pays depuis 2014. Pendantce temps, la dictature criminelle de Nicolas Maduro, impliquĂ©e dans le trafic de drogue et le terrorisme [selon la justice amĂ©ricaine], sourde Ă la crisesocioÂĂ©conomique et au dĂ©sastre saniÂtaire, refusait les dons internationaux denourriture et de mĂ©dicaments, condamÂnant nombre de mes concitoyens Ă mourir. MĂȘme en pleine pandĂ©mie de CovidÂ19, ce rĂ©gime ne souhaitait pasaccepter lâaide internationale.
Ma prioritĂ© est de mettre fin Ă la soufÂfrance du peuple vĂ©nĂ©zuĂ©lien le plus rapidement possible. Nous, les VĂ©nĂ©zuĂ©Âliens, ne mĂ©ritons pas de mourir defaim ou Ă cause dâune pandĂ©mie.Câest pour cette raison que nous avonsrĂ©ussi Ă faire en sorte que le rĂ©gimelaisse entrer dans le pays lâaide humaniÂtaire de lâOrganisation panamĂ©ricainede la santĂ© (OPS) pour sâattaquer au CovidÂ19, et nous remercions la comÂ
munautĂ© internationale qui a beaucoupĆuvrĂ© en ce sens.
Ceci dĂ©montre pleinement notrevolontĂ© politique de trouver des soluÂtions adaptĂ©es aux problĂšmes desVĂ©nĂ©zuĂ©liens. Nous sommes dĂ©terminĂ©sĂ mettre fin Ă cette grave crise en rasÂsemblant largement ceux qui, commemoi, ont chevillĂ©s au corps les intĂ©rĂȘts du peuple vĂ©nĂ©zuĂ©lien, celui restĂ© au pays comme celui de la diaspora.
La solution ne peut ĂȘtre que politiqueToutefois, la rĂ©alitĂ© est la suivante : unenarcodictature sâest saisie des instituÂtions et confisque tous les pouvoirs auVenezuela. EffrayĂ© et intimidĂ©, le rĂ©gimede Nicolas Maduro nâa ni la capacitĂ© ni lâintention de mettre fin Ă la crise Ă©conoÂmique, sociale, sanitaire et politiquedont il est luiÂmĂȘme responsable.
Je dirige un gouvernement par intĂ©rimreconnu par plusieurs pays, dont la France, par le Parlement national et par la sociĂ©tĂ© civile. Afin de parvenir Ă undĂ©nouement de crise et Ă trouver une soÂlution structurelle, nous proposonsquâun gouvernement national dâurgencevoie le jour. Ce gouvernement compteÂrait avec la participation de tous les secÂ
teurs politiques et sociaux du pays. Il exÂclurait toute personne impliquĂ©e dans des violations aux droits humains. Ce gouvernement national dâurgence serait principalement chargĂ© de rĂ©soudre la situation humanitaire, de garantir lasĂ©paration des pouvoirs et de gĂ©nĂ©rer lesgaranties nĂ©cessaires pour la tenuedâĂ©lections lĂ©gislatives et prĂ©sidentielleslibres, justes et transparentes.
Mais la solution dĂ©finitive ne peut ĂȘtreque politique. Les dĂ©clarations de JeanÂYves Le Drian, ministre de lâEurope et des affaires Ă©trangĂšres, lors de la confĂ©Ârence des donateurs en solidaritĂ© avecles rĂ©fugiĂ©s et les migrants vĂ©nĂ©zuĂ©lienstenue en mai, vont dans ce sens. Selon leministre Le Drian, la communautĂ© inÂternationale doit redoubler dâefforts
pour créer les conditions nécessaires à une solution politique au Venezuela.
Nous appelons la communautĂ© interÂnationale Ă ĂȘtre particuliĂšrement vigilante sur les efforts de Nicolas Maduro pour mettre dĂ©finitivement finĂ la dĂ©mocratie au Venezuela. Il compteen effet organiser de nouvelles Ă©lections lĂ©gislatives cette annĂ©e. Ces Ă©lections, Ă lâinstar de celles de 2018, promettentdâĂȘtre une nouvelle mascarade. Il nesâagira en aucun cas dâun processus Ă©lecÂtoral libre et Ă©quitable.
PremiĂšrement, les principales forcespolitiques ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es illĂ©gales et leurs dirigeants sont emprisonnĂ©s, en exil ou dĂ©clarĂ©s politiquement inĂ©ligiÂbles. DeuxiĂšmement, il nâexiste pas de registre Ă©lectoral fiable qui puisse garantir le droit de vote Ă tous les VĂ©nĂ©ÂzuĂ©liens Ă lâintĂ©rieur et Ă lâextĂ©rieur du pays. TroisiĂšmement, le rĂ©gime empĂȘÂche toute observation Ă©lectorale internaÂtionale. Enfin, lâautoritĂ© compĂ©tente en matiĂšre dâĂ©lections, le Conseil national Ă©lectoral, nâest pas neutre. Il nâest pas garant de la bonne tenue ou de la transÂparence des Ă©lections.
Mon gouvernement, et les principauxpartis politiques vĂ©nĂ©zuĂ©liens qui y sont reprĂ©sentĂ©s, ont toujours encouragĂ© et continueront Ă encourager la tenue dâĂ©lections libres afin de rĂ©tablir la dĂ©Âmocratie au Venezuela. Nous sommesdonc en faveur de la tenue dâĂ©lections dans le pays en 2020, Ă condition quâellessoient organisĂ©es en toute transparence, selon le cadre juridique prĂ©vu par notre
Constitution, et Ă condition que les Ă©lecÂtions prĂ©sidentielles exigĂ©es par la Constitution depuis 2018 soient aussicĂ©lĂ©brĂ©es. En accord avec toutes les parÂties, des observateurs internationaux doivent Ă©galement pouvoir veiller libreÂment sur le scrutin.
Nous sommes bien conscients que lerĂ©gime de Nicolas Maduro nâa pas la volontĂ© politique, ni la volontĂ© humaniÂtaire, de donner au peuple vĂ©nĂ©zuĂ©lien la possibilitĂ© de voter lors dâĂ©lectionstransparentes, libres et Ă©quitables. Nous rĂ©itĂ©rons donc que la seule façon de metÂtre fin Ă cette crise sans prĂ©cĂ©dent est la formation dâun gouvernement nationaldâurgence qui se chargerait de convoquerces Ă©lections libres et de mettre en Ćuvre un plan de sauvegarde du pays.
Nous devons sauver ce Venezuela, qui aĂ©tĂ© gravement touchĂ© par la misĂšre et la corruption, et nous devons le faire avecla participation de la plus grande reprĂ©Âsentation de la nation. VoilĂ la seule amÂbition du gouvernement par intĂ©rim :reconstruire le Venezuela ensemble. Nenous dĂ©courageons pas et continuons Ă travailler avec toute notre bonne volontĂ©pour sauver notre peuple et notre pays.
Juan Guaido Marquez est reconnu comme « président par intérim »de son pays par les Etats-Unis,la France et plus de cinquante pays
LA RĂALITĂ ESTLA SUIVANTE : UNE NARCO-DICTATURE SâEST SAISIEDES INSTITUTIONS ET CONFISQUE TOUS LES POUVOIRS AU VENEZUELA
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26 | 0123 VENDREDI 12 JUIN 20200123
P etit dialogue sinoÂamĂ©Âricain rapportĂ© par leFinancial Times. A unporteÂparole du dĂ©parÂ
tement dâEtat qui, la semaine derÂniĂšre, Ă Washington, dĂ©nonçait les restrictions des libertĂ©s impoÂsĂ©es Ă Hongkong, un fonctionÂnaire du ministĂšre chinois desaffaires Ă©trangĂšres, Ă PĂ©kin, rĂ©Âpondait dâun Tweet vengeur : « Je nâarrive plus Ă respirer. »
En deux mots, la rĂ©plique rapÂpelait cette vĂ©ritĂ© : la politiqueĂ©trangĂšre, câest de la politiqueintĂ©rieure â et vice versa. La capaÂcitĂ© dâun pays Ă dĂ©fendre ses intĂ©ÂrĂȘts et Ă promouvoir ses valeursĂ lâextĂ©rieur dĂ©pend aussi de sasituation intĂ©rieure. Les imagesdu policier blanc Ă©crasant la nuÂque dâun homme noir, menottĂ©et jetĂ© Ă terre Ă Minneapolis,dans le Minnesota, avaient fait letour du monde. La derniĂšre phrase prononcĂ©e par GeorgeFloyd â « je nâarrive plus Ă respiÂrer » â avant de succomber sousla pression du policier Ă©tait deveÂnue le symbole universel de lapersistance du racisme dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine. Le fonctionÂnaire chinois avait beau jeu dedire Ă son collĂšgue du dĂ©parteÂment dâEtat : vous nâavez pas deleçon de morale Ă nous donner.
Lâimage de Minneapolis lâemÂporte sur toute autre rĂ©alitĂ©. Elle gomme allĂšgrement le fait que le policier va ĂȘtre jugĂ© pour meurÂtre. Elle ne dit rien de lâindĂ©penÂdance de la justice (mĂȘme si elle est permĂ©able Ă lâargent), de la liÂbertĂ© de la presse ou du droit de manifester aux EtatsÂUnis â tout ce qui nâexiste pas en Chine. Mais câest ainsi, lâimage commande. Elle va peser sur lâaptitude des EtatsÂUnis Ă incarner la dĂ©mocraÂtie et Ă dĂ©noncer, chez les autres, lâautocratie. Elle va devenir lâundes Ă©lĂ©ments de la bataille que se livrent PĂ©kin et Washington pour dominer le siĂšcle. La politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine passe par Minneapolis. Et, en se dĂ©solidariÂsant de la grande vague de maniÂfestations contre le racisme qui asuivi la mort de George Floyd, DoÂnald Trump a dĂ©gradĂ© un peu plus lâimage de son pays â pour le plus grand plaisir de PĂ©kin.
En son temps, un autre prĂ©siÂdent rĂ©publicain, Dwight EisenÂhower, avait diffĂ©remment rĂ©agi. CâĂ©tait en 1957, Ă un moment clĂ© de la lutte des Noirs amĂ©ricains pour lâĂ©galitĂ© civique, rapporte lâhistorienne Mary L. Dudziakdans le New York Times. LĂ encore,lâĂ©pisode ne fut pas sans consĂ©Âquences pour la politique Ă©tranÂgĂšre amĂ©ricaine alors tout occuÂpĂ©e Ă la guerre froide opposant les EtatsÂUnis Ă lâURSS. GouverÂneur de lâArkansas, lâun des Etats du sud du pays, le dĂ©mocrateOrval Faubus refusait dâappliquer une dĂ©cision de la Cour suprĂȘme sur lâinterdiction de la sĂ©grĂ©gaÂtion scolaire. Faubus avait mobiÂlisĂ© la garde nationale locale pour empĂȘcher neuf Ă©coliers noirs de faire leur rentrĂ©e au lycĂ©e publicde la capitale de lâEtat, Little Rock. Image forte : des soldats blancs enarmes contre des enfants noirs avec leur cartable.
A Moscou, la presse soviĂ©tiquesâen empare, publie, commente, stigmatise. A lâONU, le reprĂ©senÂ
tant des EtatsÂUnis, John FosterDulles, sâinquiĂšte : « Nous perdonsdes votes, notre politique Ă©tranÂgĂšre est en ruines. » Les images de Little Rock â mais ce sera vraidurant toute la lutte des NoirsamĂ©ricains pour lâĂ©galitĂ© civique, dans les annĂ©es 1960 â Ă©branlent nombre de pays, particuliĂšreÂment africains, que Washingtonveut rassembler dans le campantisoviĂ©tique. Eisenhower rĂ©aÂgit, renvoie la garde nationaledans ses foyers et dĂ©pĂȘche desparachutistes de la 101e divisionaĂ©roportĂ©e pour escorter les enÂfants noirs dans lâĂ©cole.
Trump est incapable dâun pareilgeste. Il a façonnĂ© lâimage des EtatsÂUnis dâaujourdâhui : plus de110 000 morts du CovidÂ19, des dizaines de millions de chĂŽÂmeurs, un prĂ©sident qui appellelâarmĂ©e à « dominer » la rue amĂ©Âricaine thĂ©Ăątre de manifestations antiracistes. Dans la bataille idĂ©oÂlogique en cours entre la Chine et les EtatsÂUnis, entre lâautocratieet la dĂ©mocratie, le prĂ©sident offre Ă Xi Jinping, son homologuechinois, le portrait dâun pays afÂfaibli, divisĂ©, en proie Ă de vieuxdĂ©mons, ceuxÂlĂ mĂȘmes queTrump sâemploie Ă raviver Ă des fins Ă©lectorales. Lâimpact stratĂ©giÂque nâest pas nĂ©gligeable. Commesâils « sentaient » les EtatsÂUnis diminuĂ©s, la Chine, la Russie etlâIran ont multipliĂ© ces trois derÂniers mois les provocations Ă lâadresse de Washington â en merde Chine, Ă Hongkong, en MĂ©diÂterranĂ©e, au Venezuela.
CapacitĂ© de sĂ©ductionLa diplomatie de lâimage ne dit pas tout. Elle ne rend pas comptede la puissance intouchĂ©e desEtatsÂUnis â Ă©conomique, technoÂlogique, monĂ©taire, culturelle. LâĂ©conomie amĂ©ricaine a crĂ©Ă©2,5 millions dâemplois en mai. A ceux qui gambergent sur le softpower perdu du pays, on rappelÂlera que les chefs communistes chinois envoient leurs enfants Ă Harvard, oĂč a Ă©tudiĂ© la fille deXi Jinping, pas Ă PĂ©kin, Moscou niTĂ©hĂ©ran.
Mais le lien entre les patholoÂgies intĂ©rieures des EtatsÂUnis etleur aptitude Ă projeter leur pouÂvoir Ă lâextĂ©rieur demeure. EstÂce un hasard si, au plus fort des temps sombres que les EtatsÂUnistraversent au dĂ©but des annĂ©es1970, quand se cumulent Ă©meuÂtes raciales et manifestationscontre la guerre du Vietnam, la politique Ă©trangĂšre change ? Il yavait une prioritĂ©, le feu Ă la maiÂson : la guerre froide glisse vers la dĂ©tente (relative) avec lâURSS.
Barack Obama lâavait compris. Ilpensait quâil fallait rĂ©parer la dĂ©Âmocratie amĂ©ricaine Ă lâintĂ©rieur avant dâen vanter les valeurs Ă lâexÂtĂ©riexur. Il jugeait que la capacitĂ©de sĂ©duction dâun des pays les plus riches du monde dĂ©pendait aussi des performances de son systĂšme dâassuranceÂsantĂ©. Le maintien du leadership des EtatsÂUnis sur la scĂšne internationale, jugeaitÂil, supposait de panser certaines des plaies du pays. DoÂnald Trump, son successeur, sâemÂploie, lui, Ă y verser du sel. Pour se faire rĂ©Ă©lire en novembre, il diviseles EtatsÂUnis â la peur des uns contre la colĂšre des autres.
A prĂšs lâurgence sanitaire, la Franceentre en convalescence sur le planĂ©conomique. Face au choc provoÂ
quĂ© par lâarrĂȘt brutal de lâactivitĂ© pour endiÂguer la pandĂ©mie de CovidÂ19, les prĂ©viÂsionnistes tĂątonnent en Ă©laborant des scĂ©narios instables. Seule certitude : le dĂ©Âcrochage sâannonce violent et la rapiditĂ© dela reprise difficile Ă Ă©valuer.
Dans ses prĂ©visions publiĂ©es mercredi10 juin, lâOCDE anticipe un affaissement de la richesse nationale situĂ© entre 11,4 % et 14,1 %, selon lâapparition ou non dâune seÂconde vague de CovidÂ19 au cours de lâautomne. La France devrait ĂȘtre ainsi lâun des pays oĂč la rĂ©cession sera la plus sĂ©vĂšre. Un confinement particuliĂšrement strict et une exposition plus forte aux secteurs les
plus touchĂ©s par lâarrĂȘt de lâactivitĂ© (aĂ©roÂnautique, services, tourisme, luxe) expliÂquent lâampleur du recul.
Les nouvelles rassurantes se sont pourÂtant multipliĂ©es ces derniers jours. Le dĂ©Âconfinement se rĂ©vĂšle moins compliÂquĂ© que prĂ©vu. Les foyers de contaminaÂtion restent isolĂ©s et sous contrĂŽle. Dansles hĂŽpitaux, les services de rĂ©animaÂtion se vident peu Ă peu. MĂȘme si les meÂsures barriĂšres au virus restent contraiÂgnantes, la consommation commence Ă repartir, tandis que la production et leschantiers redĂ©marrent.
Les stigmates laissĂ©s par le confinementsur lâĂ©conomie sont pourtant dĂ©jĂ visibles, mĂȘme si les mesures de chĂŽmage partiel etde soutien aux entreprises financĂ©es par ladette publique ont jouĂ© leur rĂŽle dâamorÂtisseur. NĂ©cessaires, ces dispositifs ne seÂront pas pour autant suffisants pour totaÂlement absorber le choc.
Surtout, ils ne seront pas tenables dans ladurĂ©e. Selon le budget rectificatif prĂ©sentĂ© le10 juin par le gouvernement, la dĂ©pense puÂblique en France en 2020 va reprĂ©senter les deux tiers de la richesse produite, « un niÂveau jamais atteint au cours de ces soixanteÂdix derniĂšres annĂ©es », souligne le Haut ConÂseil des finances publiques, tandis que le dĂ©Âficit dĂ©passera 11,4 % du PIB. LâEtat ne pourrapas soutenir Ă bout de bras salariĂ©s et entreÂprises beaucoup plus longtemps.
La bonne nouvelle, câest que la grandemajoritĂ© des Français nâa pas eu Ă subir Ă cestade une baisse substantielle de ses reveÂnus. LâĂ©pargne accumulĂ©e pourrait sâĂ©lever Ă une centaine de milliards dâeuros dâici Ă lafin de lâannĂ©e. Mais, avec la peur grandisÂsante du chĂŽmage, rien ne dit que ce mateÂlas de prĂ©caution sera utilisĂ© pour consomÂmer et donc soutenir le carnet de commanÂdes des entreprises.
Or, si la demande ne repart pas rapideÂment, on risque dâassister Ă une vague de faillites et de licenciements. Le gouverneÂment table dĂ©jĂ sur 800 000 suppressionsdâemplois dâici Ă 2021. La situation estdâautant plus prĂ©occupante que beaucoup dâentreprises nâont plus de marges demanĆuvre. Depuis 2008, la faiblesse destaux dâintĂ©rĂȘt les a incitĂ©es Ă sâendetter plusque de raison, Ă commencer par les plus fragiles dâentre elles. Sans les politiques monĂ©taires accommodantes des banques centrales, un grand nombre auraient dĂ©jĂ dĂ» disparaĂźtre. Ce nâest pas en sâendettant encore plus avec la bĂ©nĂ©diction de lâEtat quâelles surmonteront leurs difficultĂ©s. Trier le bon grain de lâivraie sera inĂ©vitable.
Le paradoxe de cette rĂ©cession, câest que laspirale de la dette fait Ă la fois partie de la soÂlution et du problĂšme. Mais aprĂšs lâurgence, il faudra bien sortir un jour de cette impassequi, de crise en crise, fragilise durablement lâĂ©conomie au lieu de la renforcer.
LâIMAGE DE MINNEAPOLIS VA
PESER SUR LâAPTITUDE DES ĂTATSÂUNIS
Ă INCARNER LA DĂMOCRATIE
LA DETTE, SOLUTION ET PROBLĂME DE LA CRISE
INTERNATIONAL | CHRONIQUEpar alain frachon
Quand Trumpdévalue son pays
CHINE, RUSSIE ET IRAN ONT MULTIPLIĂ
LES PROVOCATIONS Ă LâADRESSE
DE WASHINGTONTirage du Monde daté jeudi 11 juin : 127 941 exemplaires
E N V E N T E C H E Z V O T R E M A R C H A N D D E J O U R N A U X
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Cahier du « Monde » No 23459 datĂ© Vendredi 12 juin 2020  Ne peut ĂȘtre vendu sĂ©parĂ©ment
2|3DOSSIERv SPINOZA : Lâ« ĂTHIQUE » REDĂCOUVERTEv Une nouvelle traduction, fondĂ©e sur un manuscrit inĂ©dit, paraĂźt. Retour sur lâhistoire et lâinfluence dâun texte philosophique majeur
4|5LITTĂRATUREHĂ©lĂšne Gestern,Daniel Grenier,Akwaeke Emezi,Elena Ferrante
6HISTOIRE DâUN LIVREv « Le DĂ©tour », de Luce dâEramo
7ESSAISLâart menacĂ© de la conversation, selon Sherry Turkle
8CHRONIQUESv LE FEUILLETONCamille Laurens a trouvĂ© bien long « Isabelle, lâaprĂšs-midi », de Douglas Kennedy
9POLARDominique Manotti ravive lâambiance dĂ©lĂ©tĂšre des annĂ©es 1970 dans « Marseille 73 »
10RENCONTREAnna Hope : « Ecrire, une forme de puissance »
raphaële botte
U n tout petit bonhommea fait de TimothĂ©e deFombelle lâun des plusgrands noms de la littĂ©Ârature jeunesse franÂçaise. Tobie Lolness,
13 ans, 1,5 millimĂštre de hauteur, vivantdans les arbres avec son peuple minusÂcule, Ă©tait le hĂ©ros des deux premiers roÂmans de lâĂ©crivain nĂ© en 1973 (La Vie susÂpendue et Les Yeux dâElisha, GallimardJeunesse, comme tous ses livres pour les jeunes, 2006 et 2007), qui lui valurent des traductions et prix littĂ©raires Ă traÂvers le monde. Vango (2010Â2011) â uneautre saga en deux tomes â, puis Le Livre de Perle (2014), notamment, ont confirmĂ© quel formidable auteur de roÂmans dâaventures pour les jeunes adolesÂcents (mais pas seulement) est TimothĂ©e de Fombelle.
Câest Ă nouveau cette veine quâil creusedans Alma. Le vent se lĂšve, premier tome dâun triptyque annoncĂ©, dans lequel il se confronte Ă la traite nĂ©griĂšre et au comÂbat pour lâabolition de lâesclavage. Son
hĂ©roĂŻne est la jeune Alma. « Chez les Oko, le mot âalmaâ signifie âlibreâ. Mais ce genre de libertĂ© nâexiste dans aucune autrelangue. Câest un mot rare, une libertĂ© imÂprenable, une libertĂ© qui remplit lâĂȘtre pourtoujours. » Elle a 13 ans quand lâhistoirecommence, en Afrique, dans une prairie sauvage. Une nuit, son petit frĂšre, tenaillĂ©par lâenvie dâexplorer le monde, sâenfuit, et elle part Ă sa recherche. Nous sommes en 1786 et le danger est de taille pour ces enfants noirs. Au mĂȘme moment, en EuÂrope, Joseph, un autre adolescent, embarÂque Ă bord dâun navire nĂ©grier.
Le romancier tresse son intrigue sur lestrois continents du commerce trianguÂlaire, et conjugue aventure, fresque histoÂrique et rĂ©cit initiatique. Son architecÂture, si prĂ©cise, est lâune des forces dutexte. Comme dans Victoria rĂȘve (GalliÂmard, 2012), chaque chapitre sâachĂšve parles mots qui ont servi de titre. Pour le romancier, câest peutÂĂȘtre une contrainteafin de dompter sa crĂ©ativitĂ©. Pour lelecteur, cela crĂ©e des effets poĂ©tiques qui lâaccompagnent dans lâaventure.
Si TimothĂ©e de Fombelle, qui a dĂ©couÂvert lâhistoire de la traite Ă 13 ans, alors quâil vivait en Afrique, sâest beaucoup doÂcumentĂ© afin dâĂ©crire Alma, le savoir qui transparaĂźt dans les pages est au servicede la prĂ©cision et de la concision : pas question que le lecteur sâennuie. Le rythme cousine avec celui des grands
feuilletons du XIXe siĂšcle Ă la Dumas. Bien sĂ»r, les destins des hĂ©ros vont secroiser, mais les mystĂšres sont si fournis quâil semble impossible dâimaginer les rebondissements Ă venir.
Lâauteur parvient surtout Ă aborder latraite nĂ©griĂšre avec une ampleur rare pour un roman jeunesse. Dâautres ont bien sĂ»r dĂ©jĂ Ă©voquĂ© ce sujet, mais en saÂcrifiant souvent le romanesque Ă la voÂlontĂ© bienveillante de faire des lecteurs des abolitionnistes convaincus. Chez Fombelle, lâindignation de ses lecteurs nâest pas lâobjectif. Il avance, concentrĂ©
sur la puissance de son rĂ©cit, et câest une arme bien plus redoutable. Jamais ses hĂ©Âros ne virent Ă lâarchĂ©type. Tous existent,souffrent, vibrent, empĂȘtrĂ©s dans leursdestins et leurs secrets.
On croise ici certains thĂšmes de prĂ©diÂlection de lâauteur. Ainsi, en quittant sa vallĂ©e, Alma laisse son enfance derriĂšre elle, comme lâont fait les inoubliables ToÂbie et Vango. Mais rencontrer Alma, câest dâabord trembler Ă ses cĂŽtĂ©s dans les caÂles sombres et puantes de la DouceÂAmĂ©Âlie, câest pleurer en Ă©coutant le chant desa mĂšre, câest aussi accepter de se sentir
dĂ©sarmĂ© face Ă lâabsurditĂ© de la monsÂtruositĂ© humaine. Câest rencontrer une hĂ©roĂŻne libre et inoubliable. Et grandir Ă ses cĂŽtĂ©s. A tout Ăąge.
TimothĂ©e de Fombelle libĂšre les jeunes esclavesAvec « Alma. Le vent se lĂšve », lâauteur jeunesse ne fait pas que conjuguer aventure, fresque historique et rĂ©cit initiatique. Il aborde surtout la traite nĂ©griĂšre avec une justesse rare
Une illustration de François Place extraite dâ« Alma ». GALLIMARD JEUNESSE
alma. le vent se lĂšve, de TimothĂ©e de Fombelle, illustrĂ© par François Place, Gallimard Jeunesse, 400 p., 18 âŹ, numĂ©rique 13 âŹ. DĂšs 11 ans.Signalons, du mĂȘme auteur, la parution de Le Jour oĂč je serai grande. Une histoire de Poucette, photographies de Marie Liesse, Gallimard Jeunesse, 32 p., 14,50 âŹ. DĂšs 3 ans.
Si lâauteur sâest beaucoup documentĂ© afin dâĂ©crire « Alma », le savoir qui transparaĂźt dans les pages estau service de la prĂ©cision et
que le lecteur sâennuie
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2 | Dossier Vendredi 12 juin 20200123
Spinoza : lâ« Ethique » redĂ©couverte
Une nouvelle traduction du
maĂźtre ouvrage du philosophe
néerlandais paraßt, fondée sur
le manuscrit inédit retrouvé au Vatican
en 2010.Une histoire
rocambolesque, pour un texte qui
donne Ă penser depuis quatre
siĂšcles
LES SPĂCIALISTES trouvent souvent insolite la mobilisaÂtion de Spinoza par une pensĂ©e critique contemporaine qui, dâAlthusser Ă Toni Negri et MiÂchael Hardt â lesquels lui ont empruntĂ© le concept de « mulÂtitude », titre de leur bestÂseller paru en 2004 (La DĂ©couverte) â,lâĂ©rige en apĂŽtre de lâathĂ©isme ou de la rĂ©volution. Ils remarÂquent que, ce faisant, ces Ă©loges reprennent, sur un mode positif, les reproches adressĂ©s autrefois Ă Spinoza par ses contempteurs. « AthĂ©isme », « sĂ©dition », « gĂ©omĂ©trisme » : autant de jugements qui, affirÂmait le philosophe AndrĂ© PesÂsel (Dans lâEthique de Spinoza, Klincksieck, 2018), ont fini par faire « disparaĂźtre Spinoza sous le spinozisme ».
Spinoza seraitÂil « de gauche » ?Celui qui revendiquait la libertĂ© de philosopher pour les philosoÂphes la voulaitÂil tant que cela pour le peuple ? LâAllemand WolfÂgang Bartuschat, qui a consacrĂ© de nombreux livres Ă Spinoza, trouve partiales ces lectures poliÂtisĂ©es. Elles font fi « de la mĂ©taÂphysique comme de la mĂ©thode du philosophe », expliqueÂtÂil au « Monde des livres ». Jusquâau milieu du XIXe siĂšcle, lâAllemaÂgne a Ă©tĂ© la premiĂšre terre dâĂ©lecÂtion du spinozisme, inspirant notamment Leibniz, MendelsÂsohn, le romantisme, lâidĂ©alisme, puis Marx comme Nietzsche. AprĂšs quoi, son empreinte sâefÂface. MĂȘme lâĂ©cole de Francfort, cette influente thĂ©orie imprĂ©ÂgnĂ©e de marxisme et de socioloÂgie, lâa plutĂŽt nĂ©gligĂ© jusquâĂ il y
a peu, avec Martin Saar, proche des idées foucaldiennes.
Le creuset françaisDans le monde angloÂsaxon,
Spinoza, longtemps considĂ©rĂ© comme un mĂ©taphysicien extraÂvagant, bĂ©nĂ©ficie depuis les anÂnĂ©es 1990 dâun retour en grĂące (lire lâentretien page suivante), comme en tĂ©moignent les traÂvaux de Steven Nadler (Spinoza, Bayard, 2003), Richard Popkin (Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen Age Ă lâaube du XIXe siĂšcle, Agone, 2019) ou JonaÂthan Israel, auteur des LumiĂšres radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernitĂ© (Amsterdam, 2005).
La France, elle, constitue un foyer des Ă©tudes spinoziennes grĂące aux magistrales lectures et
traductions de lâEthique par MarÂtial GuĂ©roult (Spinoza, AubierÂMontaigne, 1968, 1974), PierreÂFrançois Moreau, Bernard Pautrat, Gilles Deleuze (Spinoza et le problĂšme de lâexpression, MiÂnuit, 1969) et tant dâautres. Au sein de ce creuset sâest opĂ©rĂ© lâalÂliage entre le marxisme et SpiÂnoza. Il fut initiĂ© par le philosoÂphe communiste JeanÂToussaint Desanti (dans son Introduction Ă lâhistoire de la philosophie, EdiÂtions de La Nouvelle Critique, 1956) puis repris par Louis Althusser et ses disciples, en particulier Etienne Balibar et Jacques RanciĂšre.
Charles Ramond, de lâuniverÂsitĂ© ParisÂVIII, auteur de QualitĂ© et quantitĂ© dans la philosophie de Spinoza (PUF, 1995), sâĂ©tonne de cette mĂ©tamorphose de lâauteur
du TraitĂ© politique en subversif, quasiÂprĂ©curseur de lâaltermonÂdialisme et libreÂpenseur. « Câest exactement le contraire, ditÂil au âMonde des livresâ. Spinoza souÂtient que le message unique et constant des Ecritures, de tous les prophĂštes de lâAncien Testament comme du Christ, est parfaiteÂment clair : âLes ignorants seront sauvĂ©s par lâobĂ©issance.â »
UltramodernitĂ©Si le spinozisme sâimpose
comme la philosophie de lâultraÂmodernitĂ©, selon lui, câest surÂtout par sa volontĂ©, hĂ©ritĂ©e de Descartes, de rĂ©duire le rĂ©el Ă la quantitĂ© et Ă lâordre gĂ©omĂ©triÂque. Spinoza professerait un « conservatisme paradoxal ». Conservateur, il lâest parce que, pour lui, « ce qui est rationnel
dure, et que son but est de construire des systĂšmes politiÂques si solides et durables que rien ne puisse les renverser ». Maisil est aussi dĂ©mocrate car, « bien loin dâappuyer la politique sur des âvaleursâ, il ne lâappuie que sur des âcomptesâ, et par excellence sur les comptes dĂ©mocratiques ».
PierreÂFrançois Moreau, quantĂ lui, se souvient, amusĂ©, dâun dĂ©bat tĂ©lĂ©visĂ© de 1977 oĂč lâon mĂȘlait le spinozisme Ă lâautogesÂtion, chĂšre Ă Michel Rocard et alors en vogue Ă gauche. La moÂdernitĂ© dĂ©modera toujours plus vite ses notions que la « boĂźte Ă outils » spinozienne, oĂč elle puise pour les penser. n. w.
Lire lâintĂ©gralitĂ© de lâentretien avec Charles Ramond sur Lemonde. fr/livres
analyse Spinoza estÂil vraiment un prĂ©curseur de la gauche critique ?
nicolas weill
O n peut sans exagĂ©rer parÂler dâĂ©vĂ©nement, lorsquecâest en France que paraĂźtune Ă©dition de rĂ©fĂ©rencede lâEthique, Ćuvre maÂjeure de Benedictus de
Spinoza (1632Â1677) Ă laquelle le philosoÂphe a consacrĂ© prĂšs de treize annĂ©es (de 1662 Ă 1676). Il la considĂ©rait comme lâexposition par excellence de sa pensĂ©e, mais dut renoncer Ă la publier de son vivant. Dans sa correspondance, Spinoza parle des rumeurs rĂ©pandues par « cerÂtains thĂ©ologiens » prĂ©tendant que son liÂvre montrerait « que Dieu nâexistait pas ». AprĂšs son dĂ©cĂšs, ses Ćuvres complĂštes, dont lâEthique, sont finalement publiĂ©es, en 1677, grĂące Ă un groupe soudĂ© dâadmiÂrateurs et de disciples, en latin et en nĂ©erÂlandais, sous les titres respectifs dâOpera Posthuma et de De nagelate schriften.
Les manuscrits autographes ont disÂparu. Seules les variantes entre ces deux
sources ont depuis constituĂ© la base des Ă©ditions scientifiques de ses Ćuvres.Lâhistorien de la philosophie PierreÂFranÂçois Moreau, traducteur de la nouvelle version de lâEthique (les NĂ©erlandais Fokke Akkerman et Piet Steenbakkers en ont Ă©tabli le texte latin), ne trouve Ă cela rien dâĂ©tonnant. Depuis le XVIe siĂšcle, la destruction du manuscrit Ă©tait de mise aprĂšs publication.
133 feuillets copiés à la mainQuoique excellent latiniste, Spinoza
nâutilisait pas un latin exclusivement « classique ». Son cercle nâa pas manquĂ© dâintervenir dans son Ă©criture afin de la retoucher, Ă lâoccasion. JusquâĂ prĂ©sent, ilĂ©tait difficile, voire impossible, de locaÂliser ces interventions et de jauger leurĂ©tendue, sinon par conjectures. LongÂtemps, lâĂ©dition de lâEthique due Ă lâĂ©ruditallemand Carl Gebhardt (Opera, 1925) a fait foi, qui recourait Ă cet expĂ©dient. Or, en 2010, lâhistorien nĂ©erlandais LeenSpruit, aidĂ© par lâItalienne Pina Totaro,dĂ©couvre 133 feuillets copiĂ©s Ă la main, non reliĂ©s et sans nom dâauteur, dĂ©posĂ©sĂ la BibliothĂšque apostolique vaticane(Rome). On sâaperçoit quâils contiennent le texte de lâEthique. La trouvaille vachanger la donne et rĂ©inscrire lâhistoirede ce monument philosophique dans les romanesques circuits de lâEurope savante du Grand SiĂšcle, Ă la veille des LumiĂšres.
Le protagoniste en est, cette fois, unAllemand luthĂ©rien, EhrenÂfried Walther von TschirnÂhaus (1651Â1708), futur maÂthĂ©maticien et physicien. Il parcourt le continent enquĂȘte de savoir et rĂ©side aux PaysÂBas de 1669 Ă 1675. Ce jeune baron bombarde SpiÂnoza de lettres et de demanÂdes dâĂ©claircissements. A laveille de son dĂ©part dâAmsterÂdam, en mai 1675, TschirnÂhaus sait que lâEthique est en passe dâĂȘtre publiĂ© mais ne peut attendre. Un ami du phiÂlosophe, Pieter van Gent, eneffectue promptement une copie Ă son intention, supervisĂ©e par le philosophe. Elle a la forme dâun manusÂcrit de travail de la taille de nos actuelslivres de poche. Tschirnhaus, qui croise Leibniz Ă Paris, sollicite de Spinoza, par lettre, la permission de lui montrer cette copie. Spinoza, mĂ©fiant, refuse.
A Rome, en 1677, Tschirnhaus fait la
connaissance dâun Danois, protestantconverti au catholicisme. Niels Steensen,Ă©galement connu sous le nom de NicolasStĂ©non (1638Â1686), a Ă©tĂ© un anatomiste de renom, qui avait luiÂmĂȘme frĂ©quentĂ© Spinoza bien plus tĂŽt que Tschirnhaus, Ă lâuniversitĂ© de Leyde (PaysÂBas). Ses disÂsections ont prouvĂ© lâinexistence de la fameuse « glande pinĂ©ale » par laquelleDescartes croyait pouvoir articuler lâĂąmeau cerveau â thĂšme Ă©voquĂ© dans la cinÂquiĂšme partie de lâEthique. Mais StĂ©non a dĂ©laissĂ© la science pour la thĂ©ologie.
Il tente avec lâardeur du nĂ©ophyte, quoiÂque en vain, de convaincre lâaristocrateluthĂ©rien du nĂ©cessaire retour au gironde lâEglise romaine. Dans ces circonstanÂces, il reçoit ou subtilise le manuscrit anonyme possĂ©dĂ© par Tschirnhaus, qui ypuise son contreÂargumentaire. StĂ©non reconnaĂźt aussitĂŽt la patte spinozienne et, en fidĂšle prosĂ©lyte, le livre Ă lâInquiÂsition, laquelle sâempresse de mettre lâouvrage Ă lâIndex. La dĂ©nonciation auSaintÂOffice et lâexplication qui lâaccomÂpagne ont Ă©tĂ© tout rĂ©cemment prĂ©senÂtĂ©es et traduites par StĂ©phane Ferret dans la revue Philosophie (n° 145,mars 2020, Minuit, 160 p., 13 âŹ).
« Ecarts lexicaux »Quel type de modification entraßne ce
matĂ©riau dâĂ©poque ? Tout dâabord le repĂ©Ârage dâune soixantaine dâ« Ă©carts lexiÂcaux » entre les sources latines, dĂ©sorÂmais au nombre de deux. Pour PierreÂ
François Moreau, grĂące Ă cemanuscrit, on peut voir le« dernier Spinoza » (de 1675 Ă 1677) devenir plus incisif. Ilpermet aussi de rectifier descorrections introduites parles Ă©diteurs des Opera posÂthuma. Ainsi Spinoza avaitÂilĂ©crit en 1675 (Ethique IV, chaÂpitre V de lâAppendice) quâilĂ©tait impossible, sans intelliÂgence, de mener « vie dignedâĂȘtre vĂ©cue » (vita vitalis). LesĂ©diteurs de 1677, gĂȘnĂ©s par laredondance, lâavaient corrigĂ©en « vie rationnelle » (vitarationalis).
AbandonnĂ© dans les coursives duSaintÂOffice, le « manuscrit du Vatican » a surgi, en 2010, alors que lâentreprise dâĂ©dition et de traduction de PierreÂFranÂçois Moreau et Piet Steenbakkers Ă©tait dĂ©jĂ en cours, retardant leur travail dâune dizaine dâannĂ©es. MĂȘme si la verÂsion des Opera posthuma reste fiable Ă
leurs yeux, une confrontation avec le « manuscrit du Vatican » sâest imposĂ©e,tant il est vrai quâon nâavait jamais disÂposĂ© jusqueÂlĂ dâun texte aussi proche des volontĂ©s de Spinoza. Du patient
Ćuvres iv. ethica. Ă©thique, de Spinoza, texte Ă©tabli par Fokke Akkerman et Piet Steenbakkers, traduit du latin par PierreÂFrançois Moreau, Ă©ditĂ© par PierreÂFrançois Moreau et Piet Steenbakkers, Ă©dition bilingue, PUF, « EpimĂ©thĂ©e », 696 p., 32 âŹ.
labeur de comparaison entre les troissources Ă prĂ©sent disponibles naĂźt la prĂ©Âcieuse Ă©dition que nous avons enfin enÂtre les mains, dĂ©finitive, au moins pour quelques dĂ©cennies.
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0123Vendredi 12 juin 2020 Dossier | 3
Quatre portraits de Spinoza, quatre Ćuvres dâimagination : il nâexisterait pas de portrait sur le vif du philosophe. De gauche Ă droite et de haut en bas : gravure colorisĂ©e, non datĂ©e ; gravure extraite dâ« Icones virorum », de Friedrich RothÂScholtz, 1725 ; gravure sur bois du XIXe siĂšcle, colorisĂ©e ; peinture de Francisco Fonollosa, XXIe siĂšcle.RUE DES ARCHIVES/TALLANDIER. WORLD HISTORY ARCHIVE/ABACA. AKG-IMAGES. PRISMAARCHIVO/LEEMAGE
« Le grand profanateur de la âtradition sacrĂ©eâ humaniste »Lâuniversitaire amĂ©ricain Yitzhak Melamed, spĂ©cialiste de Spinoza, Ă©voque la modernitĂ© et lâimportance renouvelĂ©e de sa philosophie
Quelle est la place de Spinoza dans la pensĂ©e amĂ©ricaine contemporaine et dans le monde angloÂsaxon en gĂ©nĂ©ral ?
LâhostilitĂ© de la philosophieanalytique angloÂamĂ©ricaine Ă lamĂ©taphysique a Ă©tĂ© dominante. Mais les choses ont changĂ© du tout au tout depuis vingt outrente ans. Spinoza reprĂ©sentantle mĂ©taphysicien de la moderÂnitĂ© par excellence, il nâest pas surprenant que la rĂ©cente reÂmontĂ©e en puissance de la mĂ©taÂphysique comme discipline phiÂlosophique centrale se traduise par un intĂ©rĂȘt exponentiel pour Spinoza.
Actuellement, Spinoza mobiliseĂ©normĂ©ment les historiens de la philosophie comme les philosoÂphes (en mĂ©taphysique et, dans une certaine mesure, en Ă©pistĂ©Âmologie, Ă©thique et thĂ©orie politiÂque). Le naturalisme de Spinoza jouit dâune grande faveur dans le discours philosophique actuel en AmĂ©rique du Nord. Mais le tempsde la dĂ©couverte de sa critique de lâhumanisme et de son sens deÂmeure Ă venir.
Quelle influence la dĂ©couverte, en 2010, Ă la BibliothĂšque vaticane, dâune copie manuscrite de lâ« Ethique » auraÂtÂelle sur la rĂ©ception de Spinoza et sur votre lecture en particulier ?
Je pense quâil est encore troptĂŽt pour le dire. Les diffĂ©rences entre le manuscrit du Vatican et les Opera posthuma [la premiĂšreĂ©dition de 1677, lâannĂ©e mĂȘme dela mort de Spinoza] semblentassez minimes. Cela dit, il y a encore bon nombre de notionscentrales chez Spinoza dontnous nâavons simplement quâune idĂ©e. Dâinfimes variaÂtions dans le manuscrit du VatiÂcan pourraient se rĂ©vĂ©ler fort utiÂles pour comprendre commentlâEthique sâest constituĂ©e.
propos recueillis par n. w.
Lire lâintĂ©gralitĂ© de cet entretien sur Lemonde. fr/livres
Cinq ruptures et une fidĂ©litĂ©Ce que contient lâ« Ethique » et qui en fait un des livres indĂ©passables de la philosophie occidentale
rogerÂpol droit
P ourquoi, depuis 1677, lâEthiquede Spinoza nâaÂtÂelle cessĂ© dâĂȘtrelue, scrutĂ©e, commentĂ©e, de gĂ©ÂnĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, par des
lecteurs trĂšs dissemblables ? Quâa doncdâinĂ©puisable cet Ă©trange livreÂunivers,organisĂ© comme un traitĂ© de gĂ©omĂ©trie qui veut Ă©lucider nos passions et notresalut en ce monde ? RĂ©pondre en dĂ©tail occuperait quelques volumes. En schĂ©Âmatisant Ă lâextrĂȘme, cinq points peuÂvent indiquer des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse.
La rupture premiĂšre tient en trois motsde latin : Deus sive Natura. Le terme cenÂtral, sive, brise avec des siĂšcles de mĂ©taÂphysique et de thĂ©ologie. Dieu « ou bien, si tu prĂ©fĂšres », la Nature. Dieu, « câestÂĂ Âdire » la Nature. Pas de diffĂ©rence, lâun et lâautre sâĂ©quivalent. Dieu nâest donc plus
pur esprit, sĂ©parĂ© du monde. Il est lâuniÂvers, dont nous sommes une partie, et toute chose est en lui. Cause de soi, il est sans autre. Au revoir Platon, le PentaÂteuque, toutes les pensĂ©es de la sĂ©paraÂtion absolue.
AthĂ©isme ? Oui, en un sens, si lâon comÂpare la doctrine aux anciennes transcenÂdances. Mais rien nâest si simple. Carcette Ă©quivalence proclamĂ©e possĂšde une autre face : la Nature est presque diÂvinisĂ©e, puisque la rĂ©alitĂ© physique toutentiĂšre, y compris nos corps et nos penÂsĂ©es, Ă©quivaut dĂ©sormais Ă la substance unique et infinie.
Une deuxiĂšme rupture sâensuit, pasmoins bouleversante : DieuÂla Nature se trouve dĂ©pourvu de volontĂ© libre, et nous Ă©galement. Chaque Ă©vĂ©nement dĂ©Âcoule nĂ©cessairement des propriĂ©tĂ©s intrinsĂšques de la substance infinie, comme les propriĂ©tĂ©s gĂ©omĂ©triques dutriangle dĂ©coulent de sa nature propre. Personne nâest Ă lâorigine de ses propres actes, pas plus Dieu que le petit dĂ©linÂquant, ou le grand hĂ©ros. Si les hommes
se croient libres, câest quâils ne savent pasce qui les dĂ©termine. Par ignorance, ils sâattribuent un pouvoir de dĂ©cider, pure illusion, et forgent la chimĂšre dâune « voÂlontĂ© » de Dieu.
FautÂil en consĂ©quence dire adieu Ă tout jugement moral, Ă toute action de
justice ? Pas complĂštement. Une rupture no 3 sauve les tribunaux, lâordre public,les chĂątiments, alors mĂȘme que les fonÂdements anciens de la morale se trouÂvent ruinĂ©s. BlĂąmer le criminel est vain, puisquâil nâest pas responsable de son
crime, si le libre arbitre est un fantĂŽme. Mais on peut lâemprisonner pour lâemÂpĂȘcher de nuire. Personne ne considĂšre lâorage comme librement responsable de la grĂȘle, malgrĂ© tout on protĂšge les rĂ©coltes. Les dĂ©sirs des criminels sont nuisibles, mĂȘme sâils nâen sont pas
responsables.Car le désir mÚne toutes les
affaires humaines. Ce dĂ©sirâ nouvelle rupture avec latradition â est une plĂ©nitudeet non un manque, unepositivitĂ© et non la marquedâune privation. Ce qui imÂplique un renversement caÂpital : un homme ne dĂ©sirepas une femme parce quâelleest belle, il la trouve belleparce quâil la dĂ©sire. Nos
Ă©lans, nos jugements ne sont pas façonÂnĂ©s du dehors, ils Ă©manent du dedans. EstÂce Ă dire que nous sommes enchaĂźÂnĂ©s Ă jamais Ă nos travers, que nos actes sont conditionnĂ©s et mĂ©caniques ? Pas du tout. LâEthique explique comment
la joie, la bĂ©atitude, lâĂ©ternitĂ©, le salut sont possiblesâŠ
Par quelle voie ? La connaissance descauses qui nous dĂ©terminent. Ce savoir rend libre, mais en un sens neuf, aux antipodes de lâarbitraire et du caprice.Rupture ultime avec la rĂ©vĂ©lation et les peurs. Par la raison et la connaissancedes causes, le sageÂsavant se dĂ©fait des illusions, vains espoirs, rancĆurs absurÂdes, passions tristes. Il comprend que la rĂ©alitĂ© est perfection : rien nây manÂque. Alors ses pensĂ©es, donc sa vie, partiÂcipent de lâĂ©ternitĂ©.
Lâincomparable prouesse de Spinoza,dans lâEthique, est dâavoir conjuguĂ© ces mutations radicales en quelques dizaiÂnes de pages. VoilĂ pourquoi on ne cesse de le lire et de lâinterprĂ©ter. Son paradoxeultime est sa fidĂ©litĂ© Ă lâidĂ©al antique dâune vie philosophique placĂ©e sous le contrĂŽle absolu de la raison. Il ne rompt pas avec ce rĂȘve, et le porte au contraireĂ son paroxysme. Pour quitter cethorizon, il faut attendre Schopenhauer,Freud, et plus encore Nietzsche.
SommesÂnous enchaĂźnĂ©s Ă jamais Ă nos travers, nos actes sontÂils conditionnĂ©s et mĂ©caniques ? Pas du tout. Lâ« Ethique » explique comment la joie, la bĂ©atitude, lâĂ©ternitĂ©, le salut sont possiblesâŠ
E N T R E T I E N
Ă C L A I R A G E
P rofesseur de philosophieĂ lâuniversitĂ© JohnsÂHopÂkins (Baltimore), YitzhakMelamed, nĂ© en 1968 en
IsraĂ«l, sâest imposĂ© comme un des spĂ©cialistes majeurs de la phiÂlosophie de Spinoza. Son travail tĂ©moigne du renouveau des Ă©tuÂdes spinoziennes et de la populaÂritĂ© retrouvĂ©e de la mĂ©taphysiqueoutreÂAtlantique. Il est notamÂment lâauteur de Spinozaâs MetaÂphysics. Substance and Thought(« La mĂ©taphysique de Spinoza. Substance et pensĂ©e », 2013, non traduit) et prĂ©pare un ouvragesur lâimportance de Spinoza pourlâidĂ©alisme allemand (Fichte, Hegel, Schelling).
Poursuivant un geste inaugurĂ© en France par des penseurs marxistes dâaprĂšsÂguerre comme JeanÂToussaint DeÂsanti, Louis Althusser et ses disciples â notamment Etienne Balibar â, Spinoza est devenu une sorte dâemblĂšme de la radicalitĂ©. PensezÂvous que cette lecture de Spinoza en tantquâapĂŽtre de la modernitĂ© soit cohĂ©rente avec lâĆuvre ?
Absolument. LâantihumanismequâAlthusser a vu en Spinoza sâytrouve effectivement (bien quecela nĂ©cessite de savoir prĂ©cisĂ©Âment ce que nous entendons par « antihumanisme »). Althusser nâa cependant, Ă mon avis, pasassez pris la mesure de la profonÂdeur et de lâaudace que recĂšle lâantihumanisme de Spinoza, surtout Ă cause de sa surditĂ© Ă la dimension profondĂ©ment
religieuse de ce philosophe. Par« humanisme », jâentends, moi,une conception qui met lâaccent sur la centralitĂ© ou, si vous prĂ©fĂ©Ârez, le rĂŽle constitutif de la persÂpective humaine. Cette idĂ©e quele point de vue humain serait lamesure de toute chose a eu sesdĂ©fenseurs dans la philosophie ancienne et moderne.
Pour moi, Spinoza est le grandprofanateur de cette « traditionsacrĂ©e ». Quelques antihumanisÂtes (Hume, par exemple) dĂ©fient lâhumanisme en dĂ©niant le caracÂtĂšre unique de lâĂȘtre humain parrapport au reste de la nature.Dâautres insistent sur la marginaÂlitĂ© de lâhomme par rapport au divin. Spinoza semble attaquerlâhumanisme sur deux fronts Ă la fois. Chez lui, le naturalisme comme lâinfinitĂ© de Dieu ravalentlâhomme Ă une place plutĂŽt moÂdeste. Jâai beaucoup de sympathiepour Marx, mais une certaine lecture marxiste de Spinoza deÂmeure insensible Ă sa pensĂ©e reliÂgieuse et, pour cette raison, perdbeaucoup du potentiel iconoÂclaste de son antihumanisme.
Dans « Spinozaâs Metaphysics », vous affirmez que le philosoÂphe a dĂ©sormais remplacĂ© Kant ou Hegel en tant que « bousÂsole de la modernitĂ© ». En quoi ? EstÂce parce que, selon vous, il sâagit dâun penseur qui prend la religion au sĂ©rieux ?
Tout Ă fait. La religion ne va pasdisparaĂźtre. On peut certes remÂplacer les religions traditionÂnelles par une religion sĂ©culiĂšreinventĂ©e par la modernitĂ© : le naÂtionalisme, le culte de lâart, certaiÂnes variantes du marxisme, etc. Mais le type de religiositĂ© que le spinozisme propose combine la profondeur de la tradition et lâabÂsence de superficialitĂ©, tout en Ă©tant la plus libĂ©rĂ©e des illusions anthropocentriques et anthropoÂmorphiques. Câest dĂ©jĂ beaucoup.Bien sĂ»r, certains peuvent contiÂnuer Ă ajouter foi Ă des faribolescomme lâhomo noumenon kanÂtien [lâhomme considĂ©rĂ© comme une fin en soi et « auÂdessus de tout prix »]âŠ
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0123Vendredi 12 juin 2020 Critiques | Littérature | 5
Le jour et la nuit Ă New YorkA la fin des annĂ©es 1960, Jonathan Rosen Ă©tudie la littĂ©raÂture Ă New York tout en se rĂȘvant Ă©crivain. Entre universitĂ©et petits boulots, il suit les jolies filles dans la rue avec sonappareil photo. Un jour, il fait la connaissance dâun dandyquinquagĂ©naire, Josef Eisenstein, qui, en quelques mots,sĂ©duit la jeune femme que Jonathan nâosait pas aborder. EtvoilĂ que Rosen se retrouve dans lâatelier dâartiste dâEisensÂtein en train de faire lâamour pour la premiĂšre fois. EisensÂtein lui apprend comment sây prendre en matiĂšre de sĂ©ducÂtion et, peu Ă peu, Jonathan tombe sous sa coupe, tout enne pouvant se dĂ©faire cependant de lâidĂ©e quâEisenstein,bibliophile aussi fascinant quâinquiĂ©tant, cache un secret.
Quand il apparaĂźt quâun serial killer, « lâEcorÂcheur », sĂ©vit dans la ville, Rosen refoule sessoupçons jusquâĂ ce que, vingt ans plus tard, lepassĂ© le rattrape de la maniĂšre la plus inattenÂdue. Le lecteur se laisse prendre et surprendrepar cet opulent premier roman sur les forces dudestin, Ă miÂchemin entre thriller et rĂ©citdâĂ©ducation. pierre deshusses Dans la peau (Unter der Haut), de Gunnar Kaiser,traduit de lâallemand par Yasmin Hoffman, Fayard, 510 p., 24 âŹ, numĂ©rique 17 âŹ.
Routard dâun Ă©tĂ© lointainSubrepticement, les annĂ©es 1970, avec leur lot de vĂ©cupersonnel et passionnel, sont devenues « de lâHistoire ».Une distanciation qui profite Ă lâanalyse, mais qui dĂ©sinÂcarne son objet. Entre les deux, le roman dâEinar MarGudmundsson (nĂ© en 1954), son deuxiĂšme traduit en franÂçais aprĂšs Les Rois dâIslande (Zulma, 2018), tente une synÂthĂšse : profiter de la distance temporelle pour mieux cernerla pĂ©riode, recrĂ©er lâambiance en puisant dans ses propressouvenirs de jeunesse. En rĂ©sulte une narration capricieuseet fĂ©brile, une sorte de recherche du temps perdu doublĂ©edâune quĂȘte de lâespace perdu : AthĂšnes, Rome, Paris⊠Et laNorvĂšge, oĂč le narrateur sâĂ©tait rendu le temps dâun Ă©tĂ©,sans but prĂ©cis, si ce nâest de « devenir Ă©crivain ». A prĂ©sent,il y revient en pensĂ©e, au grĂ© de rencontres fortuites avecses amis dâantan. Il revit sa jeunesse, avec lâomniscience decelui qui, commençant une histoire, en connaĂźt dĂ©jĂ la fin.
Un Ă©tĂ© norvĂ©gien est lâinstantanĂ©, tout en mouÂvement, dâune gĂ©nĂ©ration en quĂȘte dâaction,proie facile dâĂ©garements idĂ©ologiques, crĂ©duleet irresponsable, dĂ©sarmante dans sa bonne foi.EmportĂ© par ce tourbillon, le lecteur respire Ă pleins poumons lâair dâune Ă©poque quâil nâapeutÂĂȘtre pas connue.
elena balzamo Un Ă©tĂ© norvĂ©gien (Passmyndir), dâEinar Mar Gudmundsson, traduit de lâislandais par Eric Boury, Zulma, 336 p., 21 âŹ.
LâhĂ©roĂŻne du singulier « Eau douce », du NigĂ©rian Akwaeke Emezi, se cherche. Les esprits qui narrent son histoire ne lâaident guĂšre
Quels démons piquent Ada
gladys marivat
I ls sâappellent FumĂ©e et Ombre, AsuÂghara ou Saint Vincent. Ce sont desesprits qui, selon la cosmogonie delâethnie igbo, au Nigeria, forment la
personnalitĂ© et lâavenir des enfants, dansle ventre de la mĂšre. La tradition veut quâils sâeffacent aprĂšs la naissance. Mais quelque chose a vrillĂ© pour Ada. Ils sontrestĂ©s dans son corps et sa tĂȘte. « Il Ă©tait clair quâelle allait devenir folle », affirmentces esprits. La suite leur donnera raison. BĂ©bĂ© Ă©trange qui ne marche pas, mais« rampe comme un serpent » et hurle trĂšs fort, Ada traverse une enfance brisĂ©e, enÂtre une mĂšre dĂ©pressive partie travailler Ă lâĂ©tranger et un pĂšre mĂ©decin dĂ©vorĂ© par lâĂ©chec de sa carriĂšre. TrĂšs vite, elle se mutile, encouragĂ©e par les multiples voix qui lui dictent ses actes.
Les esprits sont les narrateurs dâEaudouce, premier roman trĂšs remarquĂ© auxEtatsÂUnis Ă sa parution, en 2018. Son auteur, Akwaeke Emezi, nĂ© au Nigeriaen 1987 dâun pĂšre nigĂ©rian et dâune mĂšre malaisienne, se dĂ©finit comme noir,trans et non binaire, et se vit comme Ă©tant plusieurs. Dans Eau douce, qui tire une part de sa puissance et de sa singulaÂritĂ© de sa biographie, Akwaeke Emezi fait le choix de mettre de cĂŽtĂ© la vision occiÂdentale de la sexualitĂ© et des troubles de la personnalitĂ© au profit du regard ancesÂtral igbo. Un peu Ă la maniĂšre de son compatriote Chigozie Obioma dans La PriĂšre des oiseaux (BuchetÂChastel, 2020, lire « Le Monde des livres » du 3 janvier), oĂčun esprit narrateur igbo sonde le caracÂtĂšre aliĂ©nant dâune histoire dâamour.
Loin du continent africainEt si les esprits qui habitent Ada
nâĂ©taient pas une manifestation de sa folie, mais des recours qui lâaident Ă sâacÂcepter ? Câest lâune des questions stimuÂlantes que pose Akwaeke Emezi dans ce roman dâapprentissage hors norme. A16 ans, lâhĂ©roĂŻne paraĂźt reprendre le contrĂŽle de sa vie. Elle part Ă©tudier aux EtatsÂUnis. Loin du continent africain, lespuissances igbo enragent, leur pouvoir sâamenuise. La transplantation dâAda en Virginie agit pareillement sur le genre duroman, qui, dans sa deuxiĂšme partie, joue avec les codes du campus novel et duroman de lâacculturation. Le passagemontrant Ada se faisant lisser les
cheveux « jusquâĂ ce quâils soient dĂ©finis etraides comme des baguettes » fait assurĂ©Âment Ă©cho Ă la scĂšne du salon afroÂamĂ©Âricain dans Americanah, le roman phĂ©ÂnomĂšne de Chimamanda Ngozi Adichie(Gallimard, 2015). Plus loin, lorsque AdasâĂ©tonne que la fille qui tient le fer Ă lisserchante en chĆur les publicitĂ©s qui pasÂsent Ă la tĂ©lĂ©, cette derniĂšre lui rĂ©pond : « Ne tâen fais pas (âŠ). Quand tu auraspassĂ© un moment ici, toi aussi tu chanteÂras tous les jingles. »
Akwaeke Emezi distille quelque chosedâinquiĂ©tant, de lĂ©gĂšrement Ă©trange qui vient dĂ©construire lâunivers dâinnocence heureuse et aseptisĂ©e des universitĂ©s amĂ©ricaines, dâune maniĂšre qui nâest pas sans rappeler La Couronne verte et Les ReÂvenants, de Laura Kasischke (Christian Bourgois, 2008 et 2011). Ada change, « enÂdossant le rĂŽle dâune fille normale Ă la fac ».Des deux expĂ©riences quâelle aura avec leshommes, lâune se soldera par un viol, lâautre par une relation toxique, loin des images cauteleuses des bals de promo.
Câest en accouchant dâun esprit quelâhĂ©roĂŻne parviendra Ă surmonter son traumatisme. Asughara est un « ogÂbanje », une crĂ©ature de Dieu qui exerce ses pouvoirs sur les mortels, et nuit pour le plaisir. « JâĂ©tais la fureur sous sa peau, la
peau faite arme, lâarme brandie sur la chair. JâĂ©tais lĂ . Plus personne ne la touÂcherait jamais », prĂ©vientÂil.
ExcĂšs de fantasmagorieSous son emprise, Ada change dâappaÂ
rence, devenant une mangeuse dâhomÂmes sans scrupule. La derniĂšre partie du rĂ©cit bascule dans une grande noirceur, Ă©touffante, au risque de nous perdre par excĂšs de fantasmagorie. Toutefois, il est impossible dâabandonner Ada qui, par ses blessures, son indĂ©cision et ses vaiÂnes tentatives, Ă©voque une hĂ©roĂŻne de roman de formation classique â on penseĂ Judith Earle dans PoussiĂšre, de RosaÂmond Lehmann (Plon, 1929). Ou Ă ces personnages aux vies spirituelles intenÂses que la littĂ©rature gothique dĂ©peintcomme folles. « Le monde dans ma tĂȘte a toujours Ă©tĂ© bien plus rĂ©el que celui du deÂhors », conclut Ada dans une de ses rares et lucides interventions.
Rituel nocturne prĂšs de Benin City, au Nigeria, en 1982. PETER MARLOW/MAGNUM PHOTOS
eau douce (Freshwater), dâAkwaeke Emezi, traduit de lâanglais (Nigeria) par Marguerite Capelle, Gallimard, « Du monde entier », 256 p., 20,50 âŹ, numĂ©rique 15 âŹ.
Le charme un peu passĂ© dâElena FerrantePortraits de femmes ciselĂ©s et Naples en toile de fond. Le talent est lĂ , guĂšre la surprise
florence noiville
F rantumaglia. Câest ainsique la mystĂ©rieuse Ă©criÂvaine italienne ElenaFerrante avait intitulĂ© sa
rĂ©flexion sur la crĂ©ation romaÂnesque : un texte subtil et pleindâĂ©lan, sousÂtitrĂ© LâĂ©criture et ma vie (Gallimard, 2019), oĂč elle revenait notamment sur les grandes figures littĂ©raires fĂ©miÂnines quâelle affectionne, VirginiaWoolf, Anna Maria Ortese, Elsa Morante⊠Dans le dialecte napoÂlitain jadis utilisĂ© par sa mĂšre, ce terme Ă©trange dĂ©signe « des morÂceaux qui font du bruit dans latĂȘte et vous mettent mal Ă lâaise ».
Ce malÂĂȘtre « frantumaÂgliesque », indistinct et diffus,Ferrante nous en livre un bel Ă©chantillon dans son nouveau roÂman, La Vie mensongĂšre des adulÂtes. DĂšs lâincipit, il est lĂ qui trouÂble et paralyse Giovanna, la jeune narratrice. « En rĂ©alitĂ©, je ne suis
rien, rien qui soit vraiment Ă moi, rien qui ait vraiment commencĂ© ou vraiment abouti : je ne suisquâun Ă©cheveau emmĂȘlĂ© dont perÂsonne ne sait, pas mĂȘme celle quiĂ©crit en ce moment, sâil contient le juste fil dâun rĂ©cit, ou si tout nâestque douleur confuse, sans rĂ©Âdemption possible. »
Dans la tĂȘte de Giovanna,12 ans, ces « morceaux » comÂmencent Ă sâentrechoquer le jouroĂč elle intercepte une conversaÂtion quâelle nâaurait pas dĂ» entenÂdre, et au cours de laquelle sonpĂšre, discutant Ă miÂvoix avec sa mĂšre, assĂšne tout de go que GioÂvanna est laide. Pas Ă cause de lâadolescence ou de quelque inÂgratitude passagĂšre, mais parcequâelle est, ditÂil, en train de prenÂdre les traits de sa sĆur, Vittoria.Or, dâaussi loin que Giovanna sesouvienne, cette tante, Zia VittoÂria, « alliance parfaite de la laiÂdeur et du Mal », a toujours proÂvoquĂ© chez ses parents le dĂ©goĂ»t et la peur. Pourquoi ? La jeune fille lâignore, mais, aprĂšs un moÂment de dĂ©sespoir, elle se perÂsuade que son seul salut estdâaller voir Ă quoi ressemble
rĂ©ellement cette Zia Vittoria dontla photo a disparu dans les alÂbums de famille et quâelle nâa pas vue depuis longtemps.
Regard sur le mondeAprĂšs LâAmour harcelant, Les
Jours de mon abandon ou la cĂ©lĂšÂbre tĂ©tralogie de LâAmie prodiÂgieuse (tous chez Gallimard, 1995, 2004, et 2014Â2018), La Vie menÂsongĂšre des adultes est le huiÂtiĂšme roman traduit dâElena Ferrante. On y trouve, comme toujours chez cette talentueuse dentelliĂšre, des portraits fĂ©miÂnins dĂ©coupĂ©s et ciselĂ©s â celui deGiovanna et de ses deux amies, mais aussi et surtout celui de cette tante, qui jure comme uncharretier en nâĂ©pargnant perÂsonne, mais dont le charme agit immĂ©diatement sur sa niĂšce.
Au point que Vittoria devientbientĂŽt indispensable pour desÂsiller son regard sur le monde, lestrahisons des adultes, les hypoÂcrisies de ses parents et les seÂcrets de sa famille. (« Vittoria diÂsait que jâavais des ĆillĂšres,comme les chevaux, je regardaismais ne voyais pas (âŠ). Regarde,
regarde, regarde, martelaitÂelle. »)Comme toujours aussi chez
Elena Ferrante, Naples est lĂ , enarriĂšreÂfond dĂ©crĂ©pit et sublime, avec ses murs bleus ou jaunĂątres et ses chiens hurlant derriĂšre laCinquecento de Zia Vittoria, dansles ruelles lĂ©preuses de la ville.Cela suffitÂil Ă Ferrante pour trouÂver et tirer « le juste fil dâun rĂ©cit » ?En dĂ©pit de ces ingrĂ©dients famiÂliers, quelque chose ne « prend » pas dans ce roman dâinitiationpourtant lancĂ© Ă grand renfort demarketing, en novembre 2019, par lâĂ©diteur romain e/o et dĂ©jĂ achetĂ© par Netflix. On ne sâattaÂche ni ne sâĂ©meut rĂ©ellement. Et lâon reste finalement Ă la porte, oscillant entre le doute, le regret et la frantumaglia.
la vie mensongĂšre des adultes(La vita bugiarda degli adulti),dâElena Ferrante,traduit de lâitalien par Elsa Damien, Gallimard, « Du monde entier », 416 p., 22 âŹ, numĂ©rique 16 âŹ.Signalons, de la mĂȘme autrice, la parution en poche de LâAmour harcelant, traduit par JeanÂNoĂ«l Schifano, 224 p., 7,50 âŹ.
âCâest un recueil passionnant et joyeux. VoilĂ un livre qui mâa Ă©patĂ©.â
François Busnel,France 5 âLa Grande Librairieâ
âUne telle excursion offre relief et profondeur,confĂšre poĂ©sie autant quâespiĂšglerie, sous laplume dâun Ă©rudit de premiĂšre.â
Antoine Perraud, La Croix
ALBERTO MANGUEL
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0123Vendredi 12 juin 2020 MĂ©lange des genres | 9
POĂSIE
Tout un monde de nuagesLe temps ne passe pas, il aide Ă faire passer. Il y a dĂ©jĂ bien desannĂ©es, Enza Palamara Ă©tait frappĂ©e dâun deuil trĂšs doulouÂreux puis, comme sâil fallait quâelle fĂ»t atteinte Ă son tour, elleĂ©tait tombĂ©e gravement malade. La vocation de cette univerÂsitaire sensible avait toujours consistĂ© Ă recueillir les motsdes poĂštes. A cheminer avec eux Ă la recherche de ces « passages secrets » entre poĂ©sie et peinture.Et voilĂ quâelle se retrouvait dans un terrible vide, sans possiÂbilitĂ©, sans capacitĂ© de lire, les phrases empĂȘchĂ©es, enfermĂ©edans lâimpouvoir. Sur des carnets, de sa main gauche, elleavait alors commencĂ© Ă Ă©baucher des dessins dont, peu Ă peu,elle Ă©tait parvenue Ă recueillir lâessence. Ecrire, rĂ©Ă©crire, deveÂnant ainsi une tentative de traduction. Elle poursuit cette
quĂȘte, commencĂ©e avec Rassembler les traitsĂ©pars (Orizons, 2008). Dans ce nouveau« cahier dâheures », elle est « Errante/ par lesnuages ». Au creux des images, dans lâemÂbrouillement des lignes, se rĂ©vĂšle un autre Ă©tatde conscience, dâappartenance au monde queles mots maintenant accompagnent. Et « Leschemins/ sâouvrent/ lĂ©gers ». Ainsi passent lesnuages. xavier houssin Ce que dit le nuage, dâEnza Palamara, PoĂ©sis, 192 p., 19 âŹ.
Magique marivaudage
B A N D E D E S S I N Ă E
Les violences racistes des années 1970 ? TrÚs sale ambiance, que Dominique Manotti rappelle crûment dans « Marseille 73 »
Au temps honni des ratonnades
abel mestre
C e sont des crimes racistesoubliés, voire occultés. DansMarseille 73, passionnant polar,Dominique Manotti revient sur
les agressions et les meurtres de MaghÂrĂ©bins qui ont eu lieu dans le sud dela France au dĂ©but des annĂ©es 1970. En 1972, les circulaires MarcellinÂFontaÂnet imposent aux immigrĂ©s dâavoir un contrat de travail et un logement dĂ©cent pour pouvoir rester lĂ©galement sur le territoire français. Cette volontĂ© de rĂ©guÂler lâimmigration sâexplique par la fin des« trente glorieuses » et la hausse du chĂŽÂmage. Câest aussi le moment de la naisÂsance du Front national. Lâun des grouÂpuscules Ă lâorigine de ce parti, les nĂ©oÂfascistes dâOrdre nouveau, lance Ă cemomentÂlĂ une campagne contre « lâimÂmigration sauvage », avant dâĂȘtre dissous Ă lâĂ©tĂ© 1973.
Sur le pourtour mĂ©diterranĂ©en, lacolĂšre monte. Dix ans aprĂšs la guerredâAlgĂ©rie (1954Â1962), la sociĂ©tĂ© mĂ©riÂdionale est encore fortement marquĂ©epar le conflit, avec, Ă la fois, une forte population piedÂnoir et de nombreuxtravailleurs nordÂafricains. Du jour au lendemain, des milliers dâentre ces derÂniers deviennent expulsables. En signede protestation, une manifestation est organisĂ©e Ă Grasse, en juin 1973, par les travailleurs tunisiens. HervĂ© de FontmiÂchel, maire centriste de la ville, ne lâacÂcepte pas et fait intervenir les forces de lâordre. Dans la soirĂ©e, des habitants se mettent à « chasser » les immigrĂ©s. La « ratonnade de Grasse » commence.
Une affaire pour ThĂ©odore DaquinLoin dâĂȘtre un incident isolĂ©, cette nuit
de violence dĂ©clenche une sĂ©rie dâattaÂques xĂ©nophobes dont lâĂ©picentre se siÂtue Ă Marseille. En six mois, plus de cinÂquante MaghrĂ©bins sont tuĂ©s, dont une vingtaine dans la citĂ© phocĂ©enne. Câest ledĂ©cor du roman de Manotti, qui sâinspirede cet Ă©pisode historique en mĂȘlant perÂsonnages rĂ©els et hĂ©ros de fiction.
On retrouve dans Marseille 73 le perÂsonnage fĂ©tiche de lâautrice, ThĂ©odore Daquin. Il vient de boucler une grosseaffaire (Or noir, Gallimard, 2015, premier volume de ces prĂ©quelles aux romans ayant rendu cĂ©lĂšbre le hĂ©ros de Manotti),mais goĂ»te peu aux plaisirs de la
CanebiĂšre. Lâambiance macho etsurtout la menace de voir sonhomosexualitĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e au grandjour le poussent au dĂ©part. Le raÂcisme, qui infuse partout, le dĂ©ÂgoĂ»te. « Daquin jette un dernierregard sur le VieuxÂPort Ă sespieds, lâeau glauque, immobile, les
quais dĂ©serts, pas un bruit, pas un mouveÂment, la vie est suspendue. La ville ne resÂpire plus. (âŠ) Elle attend, elle pue le sang. »
Il lui faudra rĂ©soudre une ultime enÂquĂȘte. Un jeune dâorigine algĂ©rienne a Ă©tĂ© tuĂ© en pleine rue, quelques heuresaprĂšs lâenterrement dâun traminot Ă©gorgĂ© par un dĂ©sĂ©quilibrĂ© arabe. La justice et la police veulent Ă©touffer
lâaffaire. Pas Daquin ni ses hommes, qui devront enquĂȘter en sousÂmarin pour contourner lâinfluence des anciens comÂbattants et sympathisants de lâOrganiÂsation de lâarmĂ©e secrĂšte (OAS, groupeterroriste dâextrĂȘme droite opposĂ© Ă lâindĂ©pendance de lâAlgĂ©rie) parmi lesforces de lâordre.
Comme son hĂ©ros, Manotti travaille « Ă lâancienne ». Phrases courtes, ultraÂdesÂcriptives, fil rouge politique⊠Les livres de cette agrĂ©gĂ©e dâhistoire, colaurĂ©ate duGrand Prix de littĂ©rature policiĂšreen 2011 pour LâHonorable SociĂ©tĂ© (avec DOA, « SĂ©rie noire »), sâinscrivent dans lâhĂ©ritage du nĂ©opolar français. NotamÂment des romans de Didier Daeninckx (Meurtres pour mĂ©moire, Gallimard, 1983), qui ont contribuĂ© Ă faire connaĂźtre les ratonnades dâoctobre 1961 Ă Paris, et ceux de FrĂ©dĂ©ric H. Fajardie (1947Â2008)pour la description dâune police raciste et corrompue. Une veine devenue rare,que lâon prend plaisir Ă retrouver.
marseille 73, de Dominique Manotti, Les ArĂšnes, 384 p., 20 âŹ, numĂ©rique 15 âŹ.
macha séry
H iver 1748, dans lâouestde la Virginie. Le froid,la faim, les attaques deloups ou dâours, sans
compter la variole qui rĂŽde, les hussards français et les tribus inÂdiennes qui massacrent colons et trappeurs⊠Les chances de survie dans ces montagnes enneigĂ©es sont, comme les tempĂ©ratures,rudement basses.
Pour Della, une sangÂmĂȘlĂ© quisâest Ă©chappĂ©e dâun sordide borÂdel, le bĂ©bĂ© quâelle vient de mettreau monde dans une cabane cerÂnĂ©e par les congĂšres nâaura probaÂblement que quelques jours Ă viÂvre. « Vaut mieux pas trop compÂter que la vie prenne racine dans ces contrĂ©es. »
Reathel, le voyageur en perdiÂtion qui a tuĂ© lâhomme avec lequelDella sâĂ©tait enfuie, prend vite conscience que la jeune mĂšre est recherchĂ©e. MissionnĂ©s par un mĂ©decin militaire, deux frĂšres mercenaires, une brute borgne et un adepte de lâopium et du lauÂdanum, la traquent. Car lâenfant deDella, comme tous les enfants de prostituĂ©es, a Ă©tĂ© promis Ă Black
HĂ©catombe pionniĂšreLâhomme est Ă la fois un loup et un ours pour lâhomme dans la glaciale AmĂ©rique anglaise. Alex Taylor, cruel
Tooth, le chef des Shawnees, afin quâil Ă©pargne Fort Bannock, un casernement anglais oĂč, les routesde ravitaillement Ă©tant coupĂ©es, les rĂ©serves sâamenuisent tragiÂquement. Pourtant Reathel, jeune veuf dont la femme et le fils ont Ă©tĂ© emportĂ©s par la maladie, va escorter lâĂ©nigmatique Della dans son pĂ©riple vers la libertĂ©, au prix dâune terrible hĂ©catombe.
Sang et jus de tabacTandis quâun grĂ©sil glacial sâabat
sur ces Ă©tendues sauvages et quâune ourse furieuse suit Ă la trace ceux qui sâaventurent dans les sentiers escarpĂ©s, les esprits sâĂ©chauffent, les mousquets pĂ©taÂradent. Le blanc de la neige sera tachĂ© du jus noir du tabac et du sang de pionniers Ă©chouĂ©s enenfer. Avec ce thriller proche de lâĂ©pure, le styliste du Verger de marbre (Gallmeister, Grand Prix du roman noir Ă©tranger deBeaune 2017) signe un cruel roÂman dâaventures rappelant le film The Revenant, dâAlejandroGonzalez Iñarritu (2016).
le sang ne suffit pas (Blood Speeds the Traveler), dâAlex Taylor, traduit de lâanglais (EtatsÂUnis) par Anatole PonsÂReumaux, Gallmeister, 316 p., 23 âŹ, numĂ©rique 16 âŹ.
N O I R H I S T O R I Q U E
A Marseille. RIJASOLO/RIJASOLO/RIVA PRESS
P O L A R H I S T O R I Q U E
MORT BRUTALEMENT Ă LâĂGE DE 49 ANS, en fĂ©vrier, le scĂ©naÂriste et coloriste Hubert a laissĂ© deux albums posthumes, dont cette fable joliment Ă©crite sur le thĂšme du genre. Lâaction se dĂ©roule pendant la Renaissance italienne, dans une petite ville quâun curĂ© fanatique entend soumettre au joug de la pudiÂbonderie. Sa sĆur, Bianca, ne veut pas du mariage arrangĂ© que sa famille bourgeoise a prĂ©vu pour elle. Sa marraine lui confie alors une tunique magique, une « peau dâhomme » lui permetÂtant de voyager incognito dans le monde du sexe opposĂ©, et faire ainsi la connaissance de Giovanni, son futur Ă©poux. LâhomosexualitĂ© dissimulĂ©e de ce dernier ne sera pas la plus curieuse des dĂ©couvertes que va faire lâhĂ©roĂŻne devenue hĂ©ros. Prise de conscience de la sexualitĂ©, libĂ©ration des mĆurs, tyrannie de la morale religieuse, acceptation de la marginalité⊠Soutenu par le trait faussement innocent de Zanzim, ce mariÂvaudage fantastique rĂ©examine des questionnements Ă©ternels, pour mieux porter le fer dans lâĂ©piderme de lâĂ©poque actuelle. frĂ©dĂ©ric potet Peau dâhomme, dâHubert (scĂ©nario) et Zanzim (dessin), GlĂ©nat, 160 p., 27 âŹ, numĂ©rique 19 âŹ.
GLĂNAT
Terres et cieux rebellesDes dĂ©esses capricieuses, un dragon mĂ©lomane et uneconfrĂ©rie dâassassins⊠Le premier tome de lâambitieux cyclede lâAmĂ©ricaine Jenn Lyons est rĂ©solument Ă©pique. Le FlĂ©audes rois raconte lâhistoire dâun adolescent dĂ©racinĂ©, Kihrin,musicien le jour et voleur la nuit. RecherchĂ© par de puissantsmages, Ă la suite dâune invocation dĂ©moniaque Ă laquelle ilnâaurait pas dĂ» assister, il devient la cible dâune machinationpolitique. Pour fuir lâempire de Quur et son destin, Kihrinembarque dans une aventure ponctuĂ©e de meurtres et de traÂhisons. Ce faisant, il sâengage dans un faceÂĂ Âface douloureuxavec son passĂ©, sur fond dâapocalypse, de prophĂ©tie sanglanteet de rĂ©bellions cĂ©lestes. Dans cet exigeant roman dâepicfantasy portĂ© par une narration Ă trois voix, lâautrice subverÂ
tit astucieusement les canons du genre et bĂątit ununivers dense, peuplĂ© de personnages vibrants,dĂ©licieusement cruels et attachants. MalgrĂ©quelques circonvolutions accessoires, Le FlĂ©au desrois propulse Jenn Lyons dans la liste des auteurs Ă suivre. elisa thĂ©venet Le FlĂ©au des rois. Le chĆur des dragons, tome I (The Ruin of Kings. A Chorus of Dragons I), de Jenn Lyons, traduit de lâanglais (EtatsÂUnis) par Louise Malagoli, Bragelonne, 696 p., 25 âŹ, numĂ©rique 13 âŹ.
FANTASY
Magie du jeuDans lâempire des Sicles, secouĂ© par des intrigues politiques,oĂč la mĂ©fiance divise les peuples, MoĂŻra peine Ă trouver saplace. A la mort de son pĂšre, la jeune princesse, intuitive ettĂ©mĂ©raire, se lance sur les traces de son frĂšre disparu. Unemission diplomatique devenue une quĂȘte intime Ă la dĂ©couverte des forces qui traversent le monde. Au contactde mystĂ©rieux voyageurs Ă la peau tatouĂ©e, sa vie bascule.EnrĂŽlĂ©e dans un jeu de stratĂ©gie oĂč lâexpertise des cartoÂgraphes se conjugue Ă la puissance des principes cĂ©lestes,
MoĂŻra sâaffirme. Dans ce roman ingĂ©nieux, Ă lâorĂ©ede la fantasy classique, LĂ©o Henry rĂ©alise un subtilpas de cĂŽtĂ©. Lâintrigue dĂ©ploie ses ailes avecdĂ©licatesse, en trois mouvements millimĂ©trĂ©s.Une exploration initiatique de soi et de lâautre.Lâauteur français sculpte avec poĂ©sie un univers oĂčle murmure devient la plus puissante des armes.Une incursion rĂ©ussie sur les terres impitoyablesdes dragons. e. th. Thecel, de LĂ©o Henry, Folio, « SF », inĂ©dit, 304 p., 8,50 âŹ, numĂ©rique 8,50 âŹ.
Kristell GuĂ©vel-DelaruePrĂ©face dâAlain Fischer
Se vacciner contre les idées reçues
En librairie20 ⏠⹠208 pages
presses.ehesp.fr
Collection « VADEMECUM PRO »
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