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Aix Marseille Université Pôle universitaire de Gap, 2 rue Bayard, 05 000 GAP
Master 2 « Métiers de la Montagne »
L
FDC 48, 2010 M. Cornillon
A. Lagrave
Mémoire de stage rédigé par Gilles TRAUCHESSEC
Tuteur universitaire : Olivier SENN
Maître de stage : Arnaud JULIEN, Chargé de Mission à la Fédération des Chasseurs de Lozère (FDC 48)
Année universitaire 2011- 2012 Mémoire pour l’obtention du Master II Métiers de la Montagne
Etude de faisabilité de la réintroduction du
Chamois en Lozère (48)
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. Sénèque
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu Arnaud Julien, sans qui ce stage n’aurait pas eu
lieu. Sa détermination, son bouillonnement d’idée et la « stère » de publications qu’il m’a
fourni ont été essentiels.
En second lieu, un grand merci à M. Suau et toute son équipe pour leur accueil
chaleureux et tous ces bons moments passés en leur compagnie.
Un grand merci à mon tuteur de stage, Olivier Senn, pour ses conseils avisés, son
recadrage et sa grande patience.
Merci également, à Jean Pierre Choisy pour m’avoir fait part de ces compétences et
pour ces deux jours passés en sa compagnie à observer des chamois dans les Barronies et le
Diois.
Je remercie aussi Emmanuel Marquet de m’avoir permis de participer au comptage
chamois dans les Monts du Cantal.
Enfin, je suis reconnaissant envers tous les experts contactés qui, de près ou de loin,
ont participé à cette étude.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Table des abréviations
FDC 48 : Fédération Des Chasseurs (48, département de la Lozère)
CNERA : Centre National d’Etudes et de Recherches Appliquées
CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
CRPF : Centre Régional de la Propriété Forestière
DER : Direction E Régionale
DDT : Direction Départementale des Territoires
FRAPNA : Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature
LPO : Ligue pour la Protection des Oiseaux
ONCFS : Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage
ONF : Office National des Forêts
SFEPM : Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
6
Sommaire
Remerciements ......................................................................................................................... 4
Table des abréviations ............................................................................................................. 5
Sommaire .................................................................................................................................. 6
Introduction .............................................................................................................................. 8
Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du chamois en Lozère ........... 11
I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables .................................... 11
I.1 Réintroduction : retours d’expériences .................................................................. 11
I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil ............................................ 14
II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts ....................... 18
II.1 Présentation succincte du chamois ........................................................................ 18
II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne ......................................... 21
II.3 Une bonne capacité d’adaptation .......................................................................... 22
II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts ................................................................ 24
III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du chamois .......... 27
III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés .............................. 27
III.2 Le retour du Chamois en Lozère ? ....................................................................... 32
IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans des projets
de réintroduction ................................................................................................................ 38
Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement accueillants pour le chamois ?
.................................................................................................................................................. 40
I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités humaines ......... 40
I.1 Exigences écologiques ............................................................................................... 40
I.2 Organisation spatiale ................................................................................................ 44
I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages.......................................................... 45
I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines .............................................................. 46
II Sélection des massifs étudiés ......................................................................................... 51
II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie ................................................................... 51
II.2 Description générale ................................................................................................ 54
III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif ..................................... 59
III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites 59
III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini .... 86
III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs ............................... 99
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion 101
Conclusion ............................................................................................................................. 103
Table des matières ................................................................................................................ 105
Bibliographie ......................................................................................................................... 108
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Introduction
L’exode rural qu’ont subi de nombreuses régions entre la fin du XIXème et tout au long du
XXème siècle a permis un retour de la forêt sur des milieux autrefois ouverts par les activités
humaines1. Cette importante modification, associée à une meilleure gestion cynégétique a
souvent favorisé le retour d’ongulés sauvages disparus. Cependant, par manque de
connexions écologiques, certains d’entre eux ne pourront réoccuper leur enveloppe
biogéographique. Pourtant, « par leur biomasse, leur impact sur les milieux naturels, leur rôle
primordial comme proie pour les grands prédateurs, comme nécromasse pour les
nécrophages et comme point de départ des communautés de coprophages, ils occupent une
place de premier plan dans le fonctionnement des écosystèmes » (Cochet2, 2008). C’est le cas
par exemple du chamois (Rupicapra rupicapra) qui est, de nos jours, absent de la moitié sud
du Massif Central et notamment de la Lozère, alors qu’il occupait, semble-t-il, cette région
dans le passé. Des observations de cette espèce sont faites depuis une dizaine d’années mais
aucune population ne s’est, jusqu’à présent installée dans cette région. Cette dernière occupe
pourtant sur le plan écologique, une position géographique clé à l’échelle nationale car elle est
située à mi-chemin entre les Alpes et les Pyrénées et constitue par conséquent un véritable
corridor écologique entre ces deux massifs.
Nous sommes donc en droit de nous poser la question suivante : La réintroduction d’une
population viable et pérenne de chamois (Rupicapra rupicapra) en Lozère est-elle justifiée,
possible sur le plan écologique et compatible avec les activités socio-économiques régissant
ce territoire ?
Selon la définition de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) la
réintroduction d’une espèce sauvage animale ou végétale correspond à « l’implantation d’une
espèce dans une zone qu’elle occupait autrefois, mais d’où elle a été éliminée ou d’où elle a
disparu »3. La notion «d’implantation », sous entend l’établissement d’une population viable
et pérenne.
1 Source : G. Rayé, http://colloque-reintroductions.blogspot.fr/p/programme-en-details.html, consulté le 15/08/2012. 2 Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne, Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche. 3 Sources : Lignes directrices relatives aux réintroductions, IUCN 1995.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Le Colloque sur le thème des réintroductions (Lyon, Février 2012)4 présidé par M. Lefeuvre5,
a montré que les projets de réintroduction peuvent encore être considérés comme un outil de
restauration de la biodiversité et, plus généralement, de valorisation du territoire. Ainsi, les
réintroductions d’espèces animales ont permis d’améliorer l’état de conservation de plusieurs
espèces parfois menacées de disparition. Les exemples ne manquent pas : le castor d’Europe
(Castor fiber), le bouquetin (Capra Ibex), le gypaète barbu (Gypaète barbatus) ou encore le
vautour moine (Aegypius monachus) sont autant d’espèces sauvées d’une extinction grâce à
des réintroductions. La politique remarquable de restauration de la biodiversité, menée par le
Parc Naturel Régional du Vercors et qui a permis le retour d’espèces emblématiques comme
le bouquetin (Capra ibex), en est une parfaite illustration.
Cependant, certaines réintroductions qui se sont soldées par un échec écologique ou par un
conflit social, ont participé à rendre de nos jours, les réintroductions comme un sujet de plus
en plus délicat. Pour éviter ce type d’échec, un projet de réintroduction doit être justifié sur le
plan écologique et biogéographique6. En effet, selon Choisy7 (2003), pour ce type de projet, il
est bien plus pertinent de raisonner à l’échelle biogéographique que de se limiter à la
recherche de preuves de présence ancienne de l’espèce sur le site étudié. Une réintroduction
doit également relever du bon sens. Ainsi comme le dit Choisy (2003), « éthiquement
préférable, scientifiquement bien plus intéressant et en outre gratuit », le retour d’une espèce
dans un territoire est toujours préférable à une réintroduction. Enfin, elle doit être en accord
avec les activités socio-économiques régissant le territoire.
Dans le contexte lozérien ce sujet suscite diverses interrogations auxquelles l’étude tentera de
répondre. Tout d’abord, la Lozère appartient-elle réellement à l’enveloppe biogéographique
du chamois ? Cette présence ancienne est-elle réellement avérée? Une colonisation naturelle
du chamois depuis l’arc alpin et/ou les Monts du Cantal est-elle possible dans les années,
décennies ou siècles à venir ? La colonisation du chamois à court terme, délégitimerait ainsi
un projet de réintroduction. Une telle présence, serait-elle bénéfique pour le territoire et ses
habitants ainsi que pour l’espèce elle-même, à l’échelle du Massif Central ? Le chamois est,
dans l’imaginaire collectif, associé à la haute montagne. Nous sommes donc en droit de nous
4 Ce colloque organisé à Lyon courant février 2012 était organisé par le Centre Ornithologique Rhône-Alpes Faune Sauvage (CORA Faune Sauvage) et la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) 5 Président du Centre National de la Protection de la Nature 6 La biogéographie détermine les aires de répartition potentielles et réelles des différentes espèces, ainsi que l’évolution de ces aires en fonction des variations de l’environnement ou des activités humaines. 7 Ancien gestionnaire au Parc Naturel Régional du Vercors. Auteur de diverses opérations de réintroduction d’espèces animales.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
10
demander si la Lozère département, de moyenne montagne8 présente réellement des milieux
favorables à l’accueil de cette espèce ? Enfin, la présence d’une population de chamois est-
elle compatible au vu des activités socio-économiques du territoire ?
Pour répondre à cette problématique, nous analyserons en détail le contexte dans lequel
s’insère le projet et nous essayerons de savoir s’il se justifie. Pour cela, nous aurons une
approche pluridisciplinaire et aborderons des aspects d’ordre écologique, éthique, touristique
et cynégétique. Dans un second temps, nous tenterons de déterminer, si la Lozère présente
véritablement des milieux favorables d’un point de vue écologique à l’accueil d’une
population de chamois et si cette espèce est compatible avec les activités socio-économiques
du territoire. Nous étudierons pour cela, le cas précis de massifs lozériens qui nous paraissent
les plus susceptibles d’être favorables.
8 D’une altitude moyenne de 1000 m ; Source : http://www.anem.org/, consulté le 17/08/2012.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
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Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du
chamois en Lozère
Le sujet des réintroductions est de nos jours un sujet délicat. Il croise des notions habituelles
dans ce type dossier (végétation, topographie…) mais aussi et surtout des notions d’ordre
éthique, politique et financier. Pour avoir des chances d’aboutir, le projet de réintroduction du
chamois en Lozère doit donc présenter des fondements solides, et notamment au niveau
écologique, ainsi que de réels intérêts pour le territoire d’accueil.
I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables
Après une brève présentation de diverses opérations de réintroduction du chamois, nous
analyserons les intérêts que peut susciter une telle opération.
I.1 Réintroduction : retours d’expériences
De nombreuses réintroductions de chamois ainsi que des renforcements de populations ont eu
lieu en France, la première datant de 1956 dans les Vosges, la dernière de 2005 dans le Var.
La figure 1 présente une synthèse, résultant d’une recherche bibliographique couplée
d’entretiens téléphoniques, de trois opérations de réintroductions de chamois. Ces exemples
ont été choisis car, bien qu’ils se soient déroulés en moyenne montagne, chacun d’eux
présentait, une situation géographique et un contexte écologique et humain particulier.
Chacune d’entre elles s’est soldée par un succès et ceci, grâce a, une forte capacité
d’adaptation de l’espèce. Ce point sera par la suite abordé avec plus de détails. Les services
rendus par chacune de ces réintroductions touchent les domaines social, esthétique,
touristique, économique et bien évidemment écologique.
Certaines remarques de l’ordre « opérationnel » peuvent êtres faites à partir de ces exemples.
Tout d’abord, en ce qui concerne la chasse, plusieurs politiques ont été adoptées. Bien sur,
dans les trois cas la chasse au chamois était interdite durant les premières années qui ont suivi
les lâchers mais l’expérience de la Sainte Baume dans laquelle la pression cynégétique (aux
autres gibiers) demeurait forte, prouve que si le milieu est réellement accueillant et riche en
zones refuges (escarpements rocheux, etc.) celle-ci n’est pas incompatible avec une telle
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
12
opération. De plus, les trois populations enregistrent un taux de reproduction élevé durant les
premières années après les lâchers (entre 25 et 30% selon les cas). Ceci peut s’expliquer par le
contexte « moyenne montagne » qui fournit des ressources alimentaires importantes durant
une très grande partie de l’année, mais aussi par le fait que les populations sont (étaient) en
phase d’expansion et non à saturation. Enfin, l’extension géographique des populations du
Puy Mary et des Vosges démontre la capacité de colonisation de l’espèce.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
13
(Ré)Introduction du chamois dans le massif des Vosges (Haut-Rhin) Présence historique ou préhistorique de l’animal ? -Des fossiles datant des grandes glaciations quaternaires auraient été retrouvés (Labarrière et Al., 1986). -Quelques documents douteux attestent de sa présence au cours des derniers siècles (Labarrière et Al., 1986). Date : 1956, 1959 et 1970 Nombre de chamois lâchés : 11, 2 et 3 Provenance des animaux lâchés : Zastlestal (province de Bade-Wurtemberg) et réserve nationale de chasse des Bauges Extension géographique : Colonisation du département des Vosges (années 70), puis de la Haute Saône et du Territoire de Belfort. Chasse : - Création de la réserve nationale du Markstein, le 4 mars 1963. - Nombre d’années avant le premier plan de chasse : 19 ans après le premier lâcher Estimation de la taille de la population actuelle : 800 dans les Vosges Rhinoises (Boehly1, Com. Pers., Mars 2012) Dégâts causés aux cultures : aucun (Boehly, Com. Pers., Mars 2012)
Source : Enquête sur les ongulés
de montagne (R.Corti, 2005)
Réintroduction du chamois dans le massif du Puy-Mary (Cantal) Présence historique ou préhistorique de l’animal ? - Pas de présence historique (à l’échelle humaine). - Des fossiles datant de la seconde moitié du Wurm (-50 000 à -10 000 ans) ont été retrouvés dans les départements voisins et notamment en Ardèche (FDC 07 & ONCFS, 2011). Date : Du 22 avril 1978 au 3 novembre 1979. Nb de chamois lâchés : 45 (21 femelles, 5 mâles, 7 éterles, 7 éterlous, 2 chevreaux femelles et 5 chevreaux mâles). Provenance des animaux lâchés : Réserve de chasse du Markstein Extension géographique : Colonisation d’une très grande partie des reliefs du nord-ouest du Massif central : Massif du Puy de Sancy, vallée de l’Alagnon, vallée de la Rhue, etc… Chasse : - Mise en réserve du site (3000 ha) pendant 4 ans - Nombre d’années avant le 1er plan de chasse : 6 ans Estimation de la taille de la population actuelle : environ 900 animaux dans le Cantal et plus de 250 animaux dans le département du Puy de Dôme. Dégâts causés aux cultures : aucun
Type de milieux occupés par le chamois dans le Massif central
Type de milieux occupés par le chamois dans les Vosges
Réintroduction du chamois dans le massif de la Sainte Baume (Var)
Présence historique ou préhistorique de l’animal ? - L’espèce était déjà présente au nord du département, suite à la colonisation récente des Préalpes du sud depuis les Alpes Internes. Cette forte expansion était cependant bloquée en direction du sud par l’Autoroute A8. Cette dernière empêchait donc la présence du chamois dans le massif de la Sainte Baume. - Présence au Néolithique (fossiles retrouvés) Date : 2005 Nombre de chamois lâchés : 27 (13 femelles et 14 mâles) Provenance des animaux lâchés : Parc Naturel du Mercantour Extension géographique : Un éclatement a été observé sur le massif (un an après le lâcher, environ) pouvant être lié à la présence d’un loup. Cette présence n’a cependant pas mis en échec l’opération. Chasse : - Pas de mise en réserve du site de lâcher - Pression cynégétique au moment du lâcher et pendant les années qui ont suivie, forte. On compte en effet, sur cette zone, deux équipes de chasseurs pratiquant la chasse en battue (au sanglier) au moins une fois par semaine. - Nombre d’années avant le 1er plan de chasse : la chasse n’est pas encore envisagée sur le massif. Dégâts causés aux cultures : aucun
Source : Enquête sur les ongulés de montagne (R.Corti, 2005)
Source : Corine Land Cover 2006
Type de milieu occupé par le chamois sur le site de lâcher
Figure 1 : Quelques exemples de réintroduction de chamois en France Source : FDC 48 à l’aide de données fournies par les FDC 83, FDC 15, FDC 68 et FDC 07.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
14
I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil
Les bienfaits que peut générer le retour du chamois en Lozère sont importants. Ils relèvent
aussi bien du domaine écologique que touristique ou encore cynégétique.
I.2.1 Des intérêts écologiques
Le retour du chamois dans la moitié sud du Massif central, et particulièrement en Lozère,
constitue un enjeu écologique fort pour plusieurs raisons.
Ce retour participerait, tout d’abord, au processus de restauration biogéographique de l’espèce
qui était autrefois présente dans une très grande partie de la France. Malgré une dynamique
récente de recolonisation, tant du coté alpin où son retour dans les Préalpes est naturel que du
coté des Monts du Cantal où elle a fait l’objet de lâchers9, elle demeure absente dans la moitié
sud du Massif central (la Lozère se situant en son sein). Cette zone offre pourtant certains
vastes biotopes autrefois en partie occupés par l’espèce et qui paraissent à première vue
favorables.
De plus, la Lozère occupe une position stratégique à l’échelle macro régionale (Massif
central). Par conséquent, la présence d’une population de chamois dans le département
permettrait certainement de rétablir deux connexions principales (Cf. figure 2) :
- un premier corridor entre les contreforts sud du Massif central (dont la présence
historique est avérée) et sa moitié nord actuellement peuplée (Monts du Cantal et
Massif du Sancy) ;
- une deuxième connexion entre la bordure orientale du Massif central (et notamment
l’Ardèche) où des observations de chamois en provenance des Alpes ont été faites ces
dernières années (Ariagno, 2006) et où deux projets de réintroduction sont à l’étude10,
et les populations du Cantal.
9 Certains experts considèrent cette opération comme une introduction étant donné l’absence de fossiles retrouvés ou de données historiques dans le département du Cantal. Pour d’autres, au contraire le Cantal faisant parti de l’aire biogéographique du chamois, il s’agit bien d’une réintroduction. 10 Dans le massif du Tanargue et dans les gorges de l’Ardèche. Le projet dans ces gorges n’est qu’au stade « embryonnaire ».
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
15
Figure 2 : Répartition du chamois (2005) et position stratégique de la Lozère
Enfin, le retour du chamois en Lozère permettrait un retour à la fonctionnalité écologique11
qui est normalement assurée par les ongulés rupestres. Excepté le mouflon méditerranéen12
(Ovis gmelini musimon x Ovis sp.), les autres ongulés rupestres ont disparu du département
laissant une niche écologique vacante. Par conséquent, le chamois, s’il est réintroduit, utilisera
cette niche écologique vacante et profitera à des prédateurs comme l’aigle royal (Aquila
chrysaetos). La guilde des nécrophages, remarquablement reconstituée, en serait également
bénéficiaire. C’est le cas notamment du gypaète barbu (Gypaetus barbatus) actuellement
réintroduit dans le département (depuis juin 2012), sous l’impulsion de LPO et du parc
national des Cévennes et dont la préférence pour des ongulés sauvages tels que le chamois ou
le bouquetin a été démontrée (Hirzel et al., 2004). Celle-ci s’explique par le fait que l’habitat
de ces ongulés est en grande partie rocheux ce qui maximalise la probabilité de détection des
cadavres et facilite le cassage des os. La présence du chamois constitue donc une garantie
supplémentaire pour compléter les disponibilités alimentaires du gypaète barbu. C’est
d’ailleurs, en partie pour cette raison mais aussi et surtout pour un souci de restauration de la
biodiversité que la LPO soutient cette étude de faisabilité (Cf. annexe 1).
11 Il constituerait un maillon supplémentaire dans la chaîne alimentaire. 12 Espèce exotique et dont les populations en Lozère sont très limitées.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
16
I.2.2 Une plus-value touristique
Outres ses apports purement écologiques, le chamois représente une plus-value touristique
difficilement chiffrable mais importante pour le territoire d’accueil. Il pourrait tout d’abord,
devenir un véritable marqueur territorial pour la Lozère, au même titre que le sont par
exemple les vautours. Cette espèce permettrait aussi une mise en valeur des aspects « grands
espaces » et « montagne13 » que recèle ce département de moyenne montagne.
Figure 3 : Le chamois, l’emblème du parc naturel régional des Bauges
Source : http://www.parcdesbauges.com/nature-et-paysages.html, consulté le 10/042012
Le chamois, tout comme d’autres ongulés sauvages (exemple : le bouquetin), constitue
également un véritable atout pour les Activités Physiques de Pleine Nature (APPN). Il est
d’ailleurs courant que des manifestations sportives de plein air (Trail, VTT, etc.) se
l’approprient. La présence d’une telle espèce en Lozère, aurait donc un impact positif
considérable sur ces activités qui sont considérés par le département comme clés14 pour son
développement touristique.
Source : http://parapente.ffvl.fr/compet/1377, consulté le 12/04/2012
13 Nous verrons par la suite que bien qu’il soit associé à cette image, le chamois n’est pas exclusif à la montagne. 14 L’écotourisme et particulièrement les activités physiques de pleines natures constituent en effet, un axe majeur du Schéma Départemental de Développement Touristique de la Lozère 2010-2016.
Figure 4 : Le « Raid Chamois », une manifestation sportive qui utilise le chamois comme emblème
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
17
De plus, la présence du chamois en Lozère placerait le département au rang de destination
« nature » par excellence, avec la présence simultanée, et de manière intégrée, de cinq espèces
emblématiques de grands rapaces (les quatre espèces de vautours15 et l’Aigle royal) et cinq
espèces d’ongulés sauvages (Cerf élaphe, Chevreuil, Sanglier, Mouflon méditerranéen,
Chamois). Elle constituerait un élément supplémentaire pour développer l’écotourisme
lozérien et en particulier une niche de marché : la photographie et l’observation de la faune de
montagne. La mise en place de circuits et de cabanes d’observation, l’organisation de
concours photos de faune sauvage, sont autant de pistes qui pourraient être développées.
Le chamois engendre aussi des retombées économiques directes. Dans les massifs où il est
présent, des sorties à thème organisées par exemple par des accompagnateurs de moyenne
montagne indépendants ou encore par des parcs nationaux et régionaux lui sont consacrées.
Aucune étude à ce jour, chiffrant la valeur économique de ces sorties n’a semble-il était faite.
Des sentiers pédagogiques relatant l’écologie de l’animal ou même des musées lui sont
également lui dédiés.
Bien que difficilement chiffrable car il engendre plus de retombées indirectes que directes, il
ne fait donc aucun doute que le chamois apporte une plus value touristique importante pour le
territoire d’accueil. Cette plus value serait d’autant plus marquée en Lozère où le tourisme
représente une part importante de l’économie du département16. Elle dépend cependant de la
volonté, des élus et des acteurs de la filière touristique, de vouloir mener une véritable
politique autour de cette espèce (ex : promotion, mise en place de cabanes d’observation…).
I.2.3 Un plus pour l’activité cynégétique
Il est évident que si cette étude débouche, sur une opération de réintroduction, la chasse de ce
gibier ne sera autorisée qu’à partir du moment où les populations seront jugées pérennes et
viables17. Elle fera l’objet d’un plan de chasse définit conjointement avec les autres acteurs
territoriaux (agriculteurs, sylviculteurs…) et fixé par un arrêté préfectoral. Il déterminera
quantitativement et qualitativement les individus à prélever.
15 Les vautours fauves, moines, percnoptère et le gypaète barbu. 16 Le secteur tertiaire représente 70% des emplois salariés du département, « au sein duquel le tourisme occupe une part importante ». Source : http://www.insee.fr/fr/insee_regions/languedoc/themes/synthese/syn0810/ chapitre21.pdf , consulté le 15/08/2012. 17 Cette étude, n’ayant pas pour vocation d’être opérationnelle, mais juste prospective, nous ne pouvons nous prononcer sur un laps minimum avant la mise en place d’un tel plan.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
18
La présence du chamois constituerait une aubaine pour la chasse dans le département. Elle
permettrait une diversification des espèces gibiers et offrirait un mode de chasse encore peu
développé dans le département : la chasse à l’approche18. Elle constituerait ainsi une
alternative à la chasse en battue (chasse la plus pratiquée dans le département) pour les
chasseurs en quête de nouvelles pratiques plus physiques et notamment pour les nouvelles
générations. A l’échelle nationale ce mode de chasse a d’ailleurs une notoriété grandissante19.
De plus les apports financiers engendraient par le tourisme cynégétique (vente de bracelets20,
etc.) et récoltaient par les sociétés de chasses permettent a ces dernières de s’autofinancer et
de maintenir à bas coût le droit de chasse aux autochtones.
La réintroduction du chamois en Lozère présente donc de multiples intérêts qui dépendent de
la politique touristique et cynégétique21 qui sera menée vis-à-vis de cette espèce, si le projet
aboutit.
II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts
Si la plupart des opérations d’introduction ou de réintroductions du chamois se sont soldées,
jusqu’à maintenant par un succès, y compris en moyenne montagne et dans des régions
rurales habitées, c’est notamment grâce à la capacité d’adaptation que présente cette espèce et
aux faibles impacts qu’elle cause. Avant de développer ces deux aspects et pour mieux les
comprendre, une brève présentation de l’espèce s’impose.
II.1 Présentation succincte du chamois
(Classe, Famille, Sous-famille, Tribu, Genre) : Mammalia, Bovidae, Caprinae, Rupicaprini,
Rupicapra.
Le chamois (Rupicapra rupicapra) et l’isard (Rupicapra pyrenaica) sont deux espèces de
Bovidés, appartenant à la sous famille des Caprinés et à la tribu des Rupicaprini. Le genre
Rupicapra (ou « chèvre des rochers »), d’origine asiatique, est apparu au début de la glaciation
18 La chasse à l’approche consiste à explorer un territoire seul, pour parvenir à portée de tir d'un animal. 19 Source : http://www.chasseurdefrance.com/Chasser-en-France/Les-modes-de-chasse-en-France/Le-Grand-Gibier.html, consulté le 15/05/2012. 20 Le coût d’un bracelet de chamois pour les personnes extérieures au département peut, en effet, s’élever à quelques centaines d’euro. 21 La gestion cynégétique découle directement des objectifs qui pourraient être définis dans une phase ultérieure à cette étude avec l’ensemble des acteurs territoriaux. L’objectif principal visé peut par exemple être, une colonisation du chamois sur l’ensemble du massif central où au contraire la création d’une petite population.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
19
du Riss, il y a 250 000 à 400 000 ans. Au cours de la glaciation du Würm, 10 000 à 100 000
ans avant notre ère, les chamois peuplèrent la majeure partie de l’Europe et y compris à basse
altitude.
De nos jours, le genre Rupicapra vit dans la plupart des montagnes d’Europe et d’Asie
orientale. On le retrouve ainsi des Cantabriques à l’extrême Est Caucasien en passant par les
montagnes Turques, les Carpates, les Apennins, les Alpes, le Massif central et les Pyrénées. Il
a également était introduit en Nouvelle Zélande. On distingue dans le monde dix formes
géographiques regroupées en deux espèces : le Chamois (Rupicapra rupicapra) et l’Isard
(Rupicapra pyrenaica) (Nascetti et al. 1985, in Loison 1995). Trois de ces formes
géographiques vivent en France : le chamois des Alpes (R. rupicapra rupicapra), le chamois
de Chartreuse (R. rupicapra cartusiana) et le chamois des Pyrénnées ou Isard (R. pyrenaïca
pyrenaïca). La présente étude ne concerne que le chamois des Alpes, car, nous le verrons par
la suite, les données actuelles et historiques légitiment le choix de cette espèce en Lozère.
Cependant, étant donné qu’aucune différence comportementale ou démographique entre le
chamois et l’isard n’apparaît clairement dans la littérature (Krämer 1969, Henderson & Clarke
1986, etc.), il arrivera et notamment lors de la présentation des exigences du chamois que
nous nous intéressions à l’Isard. Le terme « chamois » désignera alors, le genre Rupicapra,
chamois et isards confondus.
Figure 5 : Le chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra rupicapra)
Source : Marc Cornillon, 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
20
Figure 6 : Répartition européenne des espèces et sous-espèces de Rupicapra
1. Rupicapra pyrenaica parva (isard des Cantabriques) ; 2. Rupicapra pyrenaica pyrenaica (isard) ; 3. Rupicapra pyrenaica ornata (chamois des Abruzzes) ; 4. Rupicapra rupicapra rupicapra (chamois des Alpes) ; 5. Rupricapra rupicapra tatrica (chamois des Tatras) ; 6. Rupicapra rupicapra carpatica (Chamois des Carpates) ; 7. Rupicapra rupicapra balcanica (chamois des Balkans) ; La flèche pointe la répartition de Rupicapra rupicapra cartusiana (chamois de Chartreuse). Source : Julien JM (2012) Le chamois, biologie et écologie; études dans le massif des Bauges, Biotope, Mèze.
Le chamois est un herbivore. Doté d’un puissant cœur et de sabots très adhérents, il
affectionne particulièrement les fortes pentes et les escarpements rocheux. Cette préférence
s’explique par son comportement de fuite et son agilité sur le rocher. La présence de ce type
de topographie est d’ailleurs le seul critère véritablement indispensable pour l’accueil de
populations (Catusse et Al., 1996).
Figure 7 : Chamois en activité sur une zone rocheuse
Source : Marc Cornillon, 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
21
II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne
Contrairement aux idées reçues, le chamois n’est pas une espèce vivant exclusivement en
haute montagne.
S’il est associé à cette image, c’est parce que jusque dans les années 80, on le retrouvait
exclusivement dans de tels milieux. La pression directe de l’homme et particulièrement une
chasse excessive, l’avait en effet éliminé des zones de moyenne montagne. La haute
montagne, difficilement accessible constituait donc la seule zone refuge pour cette espèce.
L’obligation, à partir de la saison 1990-1991, pour chaque département de mettre en place un
plan de chasse22 concernant le chamois (JM Julien, 2012), ainsi que différentes opérations de
réintroductions ont permis son retour dans des milieux de plus en plus bas en altitude. On le
retrouve, ainsi à 800 m d’altitude dans le Cantal, jusqu’à 200 m en Drôme provençale, ou
encore dans le massif de la Sainte Baume à seulement 15 kilomètres de la mer et à une
altitude minimale de 300m (Corti, 2010). Il a désormais atteint la mer à Roquebrune, dans le
département du Var (Giaminardi, 2012). Il est donc, de nos jours, admis que l’altitude importe
peu au chamois pourvu qu’il y rencontre des zones fraiches et/ou ombragés (Catusse et Al.,
1996).
Certains résultats d’études semblent même prouver que les populations vivant à des altitudes
modestes présentent des dynamiques beaucoup plus importantes avec un taux s’élevant
jusqu’à 30%. Ceci s’explique par le fait que les pertes accidentelles inhérentes à la montagne
dues aux avalanches, aux chutes de pierres et aux décrochages sont beaucoup moins
fréquentes dans de tels milieux. Parallèlement à cela, la ressource fourragère, bien que parfois
de moins bonne qualité, est disponible une très grande partie de l’année en moyenne
montagne, alors qu’elle l’est beaucoup moins à des altitudes plus élevées ; ceci en raison d’un
épais manteau neigeux empêchant l’extraction de cette ressource. Ainsi le chamois vosgien
est, par exemple, en moyenne plus lourd que celui des Alpes internes et la perte de poids
hivernale est également moins marquée (Boillot, 1986). Le taux de reproduction des
populations des Monts du Cantal sont également plus élevés que ceux des populations alpines
22 Les plans de chasses sont fixés par des arrêtés préfectoraux. Ils établissent le nombre d’individu à prélever et sont le plus souvent qualitatifs.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
22
(Albaret, 1984). Il est cependant difficile de prouver que ces bons résultats (des Vosges et du
Cantal) ne sont uniquement liés à l’altitude modeste de ces milieux23.
II.3 Une bonne capacité d’adaptation
Outre le fait qu’il puisse vivre à tout type d’altitude, le chamois est également présent dans
des milieux extrêmement variés (à altitude similaire). Il peut aussi bien vivre dans une
topographie de type « montagne » que de type « gorges ». De plus, il peut évoluer aux étages
méditerranéens (où la sécheresse et les chaleurs estivales sont marquées) tout comme à l’étage
collinéen mais bien sur aussi aux étages montagnards et alpins. Il peut également vivre dans
des milieux presque totalement forestiers (comme en Chartreuse par exemple). Afin de se
rendre réellement compte de cette capacité d’adaptation voici en annexe 2, une présentation
de trois régions françaises (Gorges du Verdon, Massif des Vosges et Baronnies provençales),
au contexte écologique et topographique très différent et dans lesquelles vivent des
populations de chamois24.
Figure 8 : Chamois dans un milieu méditerranéen (Var)
Source : B. Giaminardi, 2012
Cette capacité à peupler des milieux si différents sous entend donc de sa part une forte
plasticité comportementale mais aussi alimentaire.
23 En effet, la dynamique d’une population dépend de nombreux autres facteurs comme le degré d’ouverture d’un milieu, son utilisation par les autres ongulés, ou encore, l’histoire des populations. 24 Ces trois exemples ne décrivent que des zones de moyennes montagne ; le contexte « haute montagne » étant considéré comme connu par tout le monde.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
23
II.3.1 Une plasticité comportementale
Sa plasticité comportementale est telle, qu’elle lui permet d’ajuster son fonctionnement spatial
par rapport aux potentialités du milieu (Julien, 2002). Par exemple, afin de remédier aux
chaleurs estivales très marquées à basse altitude et dont il semble être assez craintif (Julien,
2002), il choisira dans ce type de milieu, les endroits ombragés, frais et humides (Catusse et
al, 1996, Choisy, com. pers). La modification du rythme d’activité dans des zones très
fréquentées par les randonneurs 25 (Julien, 2002) et le phénomène d’habituation vis-à-vis de
ces derniers (Gander & Ingold 1997, Patterson 1988, Pépin et al. 1996) sont d’autant de
comportements qui témoignent de cette capacité d’adaptation.
II.3.2 Une plasticité alimentaire
Le Chamois se nourrit avant tout de plantes herbacées. Cependant, il présente la capacité de
pouvoir adapter ses habitudes alimentaires en fonction de la ressource présente (Berducou,
1975 ; Resche-Rigon, 1987 ; Garcia-Gonzales & Cuartas, 1996 ; Babad, 1997). Ainsi son
alimentation varie au cours des saisons et selon le milieu qu’il occupe.
Il lui arrive, par exemple, en hiver, de consommer des végétaux semi-ligneux ou ligneux, tels
que des bourgeons, des rameaux de l’année, de la mousse ou des feuilles et parfois même des
mousses et des lichens (en période de très forte disette). Cette consommation n’a
généralement lieu que lorsque le manteau neigeux est trop épais (supérieur environ à 30
centimètres) pour lui permettre de dégager de la nourriture herbacée, où parfois lorsque cette
dernière est en quantité et en qualité insuffisante (Lefebvre 2011). Il peut consommer une très
large gamme d’espèces ligneuses, allant aussi bien d’essences montagnardes comme le sapin
pectiné (Abies alba) (Babad, 1997) que d’espèces appartenant à l’étage collinéen comme le
frêne (Fraxinus excelsior) où l’alisier blanc (Sorbus Aria) (Babad, 1997, Lefebvre, 2011) où
même méditerranéen comme le genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) ou, encore plus
surprenant, le buis (Buxus sempervirens). La colonisation du chamois dans les zones
méditerranéennes étant relativement récente, aucune étude approfondie sur son régime
alimentaire dans ces milieux n’a été, à ce jour, réalisée mais le degré d’appétence des essences
25 Il a en effet été observé dans la réserve des Bauges que lorsque la fréquentation des sentiers était la plus intense les femelles fréquentait les pâturages à des horaires légèrement différents afin de pouvoir s’alimenter correctement sans être dérangés (Julien, 2002)
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
24
méditerranéennes est, selon Gilles Rayé26 (Com. Pers), à ne pas à sous estimer. Landry (1993)
et Garcia-Gonzalez & Cuartas (1996) insiste sur la plasticité alimentaire de cette espèce qui,
selon eux, peut même consommer des espèces végétales dites « anti-herbivores ».
Enfin, lorsqu’il est victime d’une compétition interspécifique27 avec d’autres ongulés, il peut
adapter ses habitudes alimentaires (Landry 1993) et ainsi limiter les interactions avec d’autres
ongulés (comme le bouquetin par exemple) ayant une niche écologique qui initialement se
chevauche.
II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts
Comme nous allons le voir, contrairement aux cerfs élaphes (Cervus elaphus) causant parfois
des impacts importants sur les plantations forestières ou aux sangliers (Sus scrofa) provoquant
des dégâts conséquents vis-à-vis des cultures, le chamois ne cause que peu de problèmes sur
les activités sylvicoles, pastorales et agricoles.
II.4.1 Une propension à causer des dommages sur la végétation très réduite
Il peut, tout d’abord, causer quelques dommages sur les forêts, mais ceux-ci sont beaucoup
moins importants que ceux pouvant être occasionnés, par exemple, par les cervidés et n’ont
lieu que sur des zones très localisées correspondant aux « stations refuges » (Berducou,
1982). De plus, contrairement aux cervidés, les chamois ne sont jamais auteurs d’écorçages
ou de frottis, mais seulement d’abroutissements (Babad, 1997).
Comme vu précédemment, le chamois est (avant tout) herbivore. S’il lui arrive de consommer
des végétaux ligneux ou semi-ligneux, ce n’est, généralement, que par défaut de rencontrer
suffisamment de nourriture herbacée (principalement en hiver et au printemps) (Lefebvre,
2011). Les jeunes pousses sont dans ce cas les plus appréciées et les jeunes plantations sont
donc les plus vulnérables. Bourgeons, rameaux et feuilles peuvent être atteints.
Il est très difficile d’anticiper avec précision, l’ampleur des dégâts sylvicoles que peuvent
engendrer les chamois sur une région donnée car ces déprédations dépendent de nombreux
facteurs tels que l’épaisseur du manteau neigeux, le degré d’appétence des espèces non
26 Agrégé, enseignant en biologie de la conservation, recherche en génétique non invasive sur les régimes alimentaires de la faune sauvage (LECA Grenoble). 27 Compétition alimentaire entre diverses espèces
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
25
sylvicoles28 présentes et leur disponibilité (Gill, 1992), la surface que représente les forêts de
production au sein d’un massif et surtout les densités de chamois peuplant le site. Il est bien
évident, qu’une population à faible densité risque d’engendrer beaucoup moins voire aucun
dégât sylvicole.
En ce qui concerne les dégâts pouvant êtres causés aux cultures, ils sont par exemples, plus
faibles que ceux occasionnés par le mouflon car, selon Garcia-Gonzalez & Cuartas (1996), le
statut du chamois est intermédiaire (Redjadj, 2011) entre le statut de brouteur29 et celui de
cueilleur30. Benoit Guibert, responsable du service « dégâts » de la Fédération Nationale des
Chasseurs, confirme que les dégâts de chamois sur les cultures sont négligeables : la
fédération n’a en effet reçu qu’environ 4 dossiers de dégâts agricoles sur ces dix dernières
années (Com. Pers, 2012). Ces chiffres sont toutes fois à nuancer car il est possible que
certains dégâts causés par l’espèce soient attribués, par les estimateurs, à une autre espèce.
Concernant, de manière plus globale, la flore, le chamois et l’ensemble des ongulés auraient
un effet positif sur la richesse et la diversité floristique ainsi que sur la capacité fourragère, en
intervenant de manière complémentaire sur la physiologie des plantes et en limitant
l’expansion du monde végétal (Catusse et Al; 1996). Cet effet n’est bien sur accompli que
lorsque les densités d’ongulés ne sont pas excessives.
II.4.2 Une interaction avec le bétail généralement inoffensive
Dans aucun cas, une hybridation est possible entre le chamois et quelconque ongulé
domestique, pour des raisons génétiques. Il s’avère que c’est généralement le bétail qui peut
avoir un impact comportemental sur le chamois et non le contraire. Selon les travaux de
Resche-Rigon & Dubost (1988) il n’y aurait pas de compétition alimentaire (entre les ovins et
les chamois) décalée dans le temps, consistant en l’exploitation d’une même ressource par les
ovins en été et par les chamois en hiver. On observe un partage relatif de l’espace en trois
ensembles dont l’un est utilisé par le chamois, l’autre par le bétail et le dernier par les deux
« espèces » à la fois, mais de façon successive. La compétition alimentaire ne peut apparaître
qu’en cas de forte densité. L’étude ramènera, par la suite, cet aspect au contexte local.
28 Comme par exemple les ronces, le sorbier des oiseleurs 29 Le mouflon est par exemple classé dans la catégorie brouteur. Cela signifie qu’il se nourrit d’une très grande gamme de plante herbacée, en favorisant plutôt la quantité que la qualité. 30 Le chevreuil est l’exemple même du cueilleur : il favorise la qualité à la quantité et est donc très sélectif.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
26
II.4.3 Le chamois, le plus souvent victime de maladies infectieuses que vecteur
Comme tous les êtres vivants, les chamois peuvent contracter un grand nombre de maladies
d’origines très diverses telles que la brucellose, la kérato-conjonctivite, la fièvre aphteuse,
etc. Elles peuvent être aussi bien d’origine virale, bactérienne que parasitaires ou dues à une
intoxication (à l’If (Taxus baccata) par exemple).
La plupart des auteurs s’accordent sur le fait que, s’il est vrai que les ongulés sauvages et
domestiques sont plus ou moins touchés par les mêmes maladies (qui sont donc transmissibles
d’une espèce à l’autre), les animaux sauvages ne constituent pas pour autant un réservoir pour
les ruminants domestiques (Cordier, 1991 ; Pinget & Gibert, 1993). A travers une expérience
réalisée dans le massif des Bauges, Pinget & Gibert (1993), prouvent par exemple que malgré
les dispositions mises en place pour favoriser l’infestation parasitaire d’un troupeau caprin31,
le chamois n’a pas joué un rôle de réservoir essentiel en matière de parasitisme interne des
chèvres. Les animaux sauvages seraient même, selon Catusse et al. (1996), très souvent
victimes d’une contamination par les ongulés domestiques. Gibert (2011), précise également
que les contaminations des animaux domestiques se font rarement en contact à partir des
animaux sauvages, mais majoritairement au sein des exploitations agricoles
Cette forte capacité d’adaptation ainsi qu’une propension à causer des dommages très
limités constituent donc un facteur clé de réussite, à ne pas sous estimer, dans l’optique
d’une opération de réintroduction. Ces éléments seront cependant à ramener au contexte
local.
31 La chèvre domestique est l’espèce la plus à même d’être infectée par des maladies contractées au préalable par les chamois, car elle partage avec ce dernier un espace commun (de manière différée).
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
27
III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du
chamois
Située dans la moitié sud du Massif central, la Lozère est un département rural, de moyenne
montagne et qui présente certaines zones très escarpées au dénivelé important. Il parait donc à
première vue, propice à l’accueil d’une population de chamois. Les preuves d’une présence
ancienne ainsi que l’observation récente d’individus isolés confirment cette hypothèse.
III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés
La Lozère, d’une superficie de 5 167km², située en Languedoc Roussillon se trouve en limite
de trois régions administratives : la région Midi-Pyrénées à l’ouest, l’Auvergne au nord et la
région Rhône-Alpes à l’Est. Son altitude moyenne est de 1000m et l’ensemble du département
est situé en zone de montagne32. C’est également le département le moins peuplé de France
avec 77 163 habitants33 et une densité de seulement 15 hab/km². Son chef-lieu est Mende, la
plus petite préfecture de France.
L'économie de la Lozère repose essentiellement sur l’agriculture34, l'exploitation forestière et
l'activité touristique (tourisme vert). L’agriculture lozérienne est extensive et relève
principalement de l’élevage bovin (au nord du département), ovin (au centre et au sud-ouest)
et caprin (au sud-est). La tradition agro-pastorale du département a été récemment
récompensée par l’UNESCO : l’ensemble Causse et Cévennes est en effet, depuis 2011,
inscrit au patrimoine mondial de l’humanité pour ses « paysages culturels de l’agro-
pastoralisme méditerranéen » 35.
Le relief lozérien pourrait se décrire schématiquement comme un vaste plateau entrecoupé de
gorges et de vallées plus ou moins profondes. Cette description est cependant erronée
concernant la région des Cévennes au relief très tourmenté. La forêt couvre 45% du
département36 et se compose essentiellement de résineux (71% de la surface boisée). Le
« tissu forestier » lozérien étant assez récent, on rencontre une grande variété de stades de
32 Source : Association Nationale des Elus de Montagne (ANEM). 33 Source : Insee, 2009. 34 Les agriculteurs lozériens représentent 14 % de la population active. Source : http://www.polen-mende.com/35-agriculture.html, consulté le 06/06/2012. 35 Source : http://www.lozere.pref.gouv.fr/fre, consulté le 18/08/2012. 36 Source : www.lozere.chambagri.fr/la-foret.html.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
28
développement (lande, fruticée, taillis, futaie), permettant d’accueillir une biodiversité
importante. La mosaïque entre bois et parcelles agricoles laisse encore une place importante
aux lisières, milieux particulièrement riches. Le climat lozérien est soumis aux influences
méditerranéenne, océanique et continentale et selon les secteurs, ces influences sont plus ou
moins marquées. Associée aux écarts d’altitude, cette variabilité entraîne de fortes différences
climatiques selon les régions naturelles du département.
La Lozère abrite également, dans sa partie sud/sud-est, le parc national des Cévennes. Ce
dernier est le seul parc national français habité en zone cœur et où certaines activités
traditionnelles de loisirs (ex : la chasse, la pêche, etc) et économiques (ex : la sylviculture) y
sont autorisées. Le territoire concerné par le parc est à l’image du département : vivant et en
équilibre avec une nature relativement préservée. Ce contexte humain (récompensé par
l’UNESCO) aura d’ailleurs toute son importance lors de l’analyse de la compatibilité du
chamois avec le département.
Figure 9 : Situation géographique et relief de la Lozère
Source : FDC 48, Juin 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
29
La Lozère se décompose en quatre grandes régions
géographiques. A chacune de ces régions correspond un
relief, un climat, un substrat et une végétation
particulière.
Voici, ci-dessous, une description rapide de ces régions.
� L’Aubrac
Situé au nord-est du département, l’Aubrac est un vaste plateau basaltique et granitique au
climat montagnard (forte influence océanique) et d’une altitude moyenne de 1200 m. Il
présente de nombreuses sources. Sa végétation correspond initialement à celle de l’étage
montagnard mais elle résulte d’une forte tradition pastorale. Elle se compose, en effet,
essentiellement de pelouses utilisées pour l’élevage bovin viande. Seules quelques hêtraies
subsistent, et particulièrement sur les contreforts où la pente est plus marquée. Des plantations
d’épicéa (Picéa abies) sont également présentes.
Figure 11 : Paysage typique de l’Aubrac
Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2010
� La Margeride
Ce plateau granitique couvre plus des trois quarts de la moitié nord du département et se situe
à une altitude moyenne de 1100m. Il est marqué par un climat montagnard à dominante
continentale. Il est composé d’une véritable mosaïque de forêts de pins sylvestre (Pinus
silvestris), de tourbières, de prairies et de landes à callune (Calluna vulgaris) et à genêt
purgatif (Cytisus oromediterraneus). Les bovins lait à l’est et les bovins viande à l’ouest sont
les productions agricoles dominantes.
Figure 10 : Régions géographiques de Lozère Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2004
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
30
Figure 12 : La Margeride
Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2010
� La région des Grand Causses
Cette région calcaire se décompose en plateaux (les Grands Causses), gorges (du Tarn et de la
Jonte) et vallées (du Bramont et du Lot).
Les Grands Causses sont situés à une altitude moyenne de 1000m et sont dédiés à l’élevage
extensif des ovins. Ils présentent la particularité d’être totalement dépourvus de rivières et de
ruisseaux, l’eau de pluie s’infiltrant directement dans les nombreuses cavités souterraines de
la région. Leur végétation, appartenant à l’étage montagnard inférieur et au collinéen sur les
parties les plus basses, est originale puisqu’elle bénéficie à la fois d’une influence
méditerranéenne et d’une influence continentale. Ils sont entaillés par de profondes gorges et
vallées : les gorges du Tarn et de la Jonte ainsi que la vallée du Lot et du Bramont.
Figure 12 : Causse de type « nu » (Causse Méjean) et Causse « boisé » (Causse de Sauveterre)
Source : FDC 48, 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
31
Figure 13 : Gorges du Tarn
Source : Alain Lagrave, 2012
� Les Cévennes, le mont Lozère et l’Aigoual
Cet ensemble à dominante schisteuse, est marqué par un relief très mouvementé s’échelonnant
de 350 m d’altitude à plus de 1000m. Il est occupé par de grands massifs de châtaigniers
(Castanea sativa), de pins maritimes (Pinus pinaster), et de chênes verts (Quercus ilex), sur
sa partie la plus basse. Le climat est marqué par une forte influence méditerranéenne mais
varie fortement selon les tranches altitudinales. L’élevage caprin prédomine dans cette région.
Elle est bordée au sud-ouest par le Massif de l’Aigoual et à l’est par celui du Mont Lozère.
Ces deux massifs granitiques, surplombant les Cévennes, culminent respectivement à 1565m
et à 1699m d’altitude1. Ils sont surmontés d’un plateau sommital et offrent des fortes pentes
ainsi que des escarpements rocheux sur leurs contreforts. La végétation présente correspond à
celle de l’étage montagnard (Hêtraies sapinières) et subalpin pour le massif du Mont Lozère2.
Lozère2.
Figure 14 : Plateau sommital du Mont Lozère Figure 15 : Les Cévennes
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Source : FDC 48
1 Sommet du Finiels, point culminant de Lozère 2 Présence de pelouses pseudo-alpines
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
32
La Lozère présente donc des espaces relativement préservés (peu impactés par des
infrastructures routières), et une très grande diversité de milieux. Certains d’entre eux
pourraient répondre aux exigences écologiques du chamois qui recherche avant tout des zones
accidentées. C’est le cas notamment, de la frange sud du département1 où le relief est
beaucoup plus marqué.
III.2 Le retour du Chamois en Lozère ?
Divers éléments semblent prouver que l’espèce était autrefois présente dans le département.
Nous allons donc, à présent, voir ce qu’il en est réellement. Nous essayerons également de
savoir si son retour naturel est envisageable à court terme ce qui délégitimerait tout projet
d’implantation de l’espèce.
III.2.1 Les preuves d’une présence ancienne
Des fossiles de chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) datant de la seconde moitié du
Würm (-50 000 à -10 000) ont été retrouvés sur les trois-quarts de la France (Catusse et al.,
1996) et notamment dans le Massif central.
Figure 16 : Répartition du chamois fossile en Europe de l’ouest
Source : Couturier (1938) et Massimi (1985) ;
1 C'est-à-dire, les contreforts du Mont Lozère et de l’Aigoual, les Cévennes ainsi que les gorges et vallées de la région des Grands Causses
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
33
Selon, E. Crégut1 contactée à ce sujet2, bien qu’aucun fossile n’ait été jusqu’à maintenant
trouvé en Lozère, et étant donné la présence d’ossements dans des départements limitrophes
comme le Gard, l’Ardèche3, la Haute Loire ou le Lot (Couturier, 1964), « il n’y a pas de
raison que cet animal ne fut pas présent » en Lozère durant cette époque. Ceci est, selon elle,
d’autant plus plausible que des restes osseux de bouquetin, ongulé sauvage lui aussi rupestre,
ont été découverts dans les gorges du Tarn.
Il semblerait également que le chamois ait été présent au XVIIème siècle et jusqu’au début du
XVIIIème sur la bordure sud-ouest de la Lozère, à cheval avec l’Aveyron. En effet selon des
écrits de M. Affre, retrouvés par M. Cugnasse4 aux archives départementales de l’Aveyron,
«( …) les Millavois se donnaient le plaisir d’une chasse royale en se lançant à la poursuite
du chamois, plus connu sous le nom d’Isard5, dans les gorges du Tarn (…) le chevreuil et
l’isard abondaient dans la région de Millau » (LPO, 2008). Les gorges du Tarn se situant à
90% en Lozère il y a une forte probabilité que si des chamois ont réellement été présents à
cette époque dans ces gorges, ils l’étaient aussi en Lozère. Selon, M. Cugnasse, la description
du chamois faite par l’auteur et le fait qu’il la décrive dans des milieux rupestres, prouve qu’il
connaissait véritablement l’espèce et qu’il ne pouvait la confondre avec une autre (Cugnasse,
Com. Pers., juin 2012). Cette présence n’est cependant pas mentionnée par d’autres auteurs.
De plus, il est impossible de savoir si cette population était naturellement présente ou était le
fruit d’un lâcher. Il est probable que l’espèce ce soit éteinte dans l’anonymat, sans que cet état
de fait ne soit abondamment décrit à l’époque.
Compte tenu de la répartition des fossiles retrouvés, des continuités géographiques avec la
Lozère et d’une probable présence de chamois dans un passé récent, il ne fait aucun doute que
la Lozère appartienne à l’enveloppe biogéographique de cette espèce. D’autant plus qu’à cette
époque le territoire était moins fragmenté. Le projet d’implantation du chamois en Lozère
relève donc bien du domaine de la réintroduction.
1 Docteur d’Etat ès Sciences, conservatrice du Musée d’Histoire naturelle d’Avignon. 2 Juin 2012 3 Les restes osseux retrouvés sur la commune de Casteljau dateraient du paléolithique moyen et supérieur (-200 000 à -9 500 ans). 4 DR ONCFS Midi Pyrénées 5 Certainement en raison de la proximité de cette zone avec les Pyrénées.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
34
III.2.2 Les causes de disparitions sont-elles encore présentes ?
Selon les directives de l’UICN relatives aux réintroductions, il est nécessaire de s’assurer que
les causes de disparition d’une espèce aient cessé avant d’envisager une réintroduction
(UICN, 1998).
Concernant la disparition du chamois dans le Massif central, les causes ne sont pas
exactement connues. Les principaux facteurs ayant pu entrainer sa disparition sont : la perte
d’habitats favorables, la concurrence avec d’autres espèces et notamment domestiques, une
chasse excessive et une forte prédation. Selon Cugnasse (1989 et 1992), la surpopulation des
campagnes (et notamment au XVIIe et XVIIIe siècle) dont l’économie reposait sur
l’agriculture est en grande partie responsable de la disparition ou de la réduction des
populations d’ongulés sauvages. En effet, cette surpopulation agricole s’accompagnait
souvent d’une éradication des forêts, utiles par exemple au chamois, et d’une forte pression
pastorale privant la faune de ressources alimentaires. Une chasse excessive venait ensuite
s’exercer sur des populations déjà affaiblies.
Le chamois étant, de nos jours, soumis à un plan de chasse fixé par arrêté préfectoral, aucune
population française installée n’est menacée par la chasse.
Il cohabite dans de nombreuses régions françaises, avec des ongulés sauvages et domestiques,
sans qu’une compétition excessive ne devienne une menace pour l’espèce. Les seuls
prédateurs présents dans le département sont : l’aigle royal (Aquila chrysaetos) dont une
dizaine de couples sont recensés, le renard (Vulpes vulpes) et des chiens divagants. Ces
prédateurs n’ont qu’une action très réduite, et particulièrement pour le renard qui bien que
physiquement apte à attaquer un jeune chamois ne constitue pas un véritable prédateur
(Julien, 2012). De plus ils ne peuvent que s’attaquer aux individus affaiblis et aux jeunes. Le
Lynx (Lynx lynx) est vraisemblablement absent du département. Quant au loup (Canis lupus)
bien qu’il ait été observé récemment1, la Lozère n’est pas encore déclaré comme une « Zone
de Présence Permanente2 ». Même s’il venait à s’installer durablement, l’expérience montre
qu’il ne peut menacer une population de chamois (Julien, 2012). La présence simultanée de
1 Présence confirmé par des agents du parc national des Cévennes durant le printemps et l’été 2012. 2 Une Zone de Présence Permanente est une zone sur laquelle la présence du loup est avérée durant deux hivers consécutifs.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
35
ces deux espèces depuis plusieurs décennies en est la preuve. De plus, le succès de l’opération
de réintroduction menée dans le massif de la Sainte Baume malgré la présence, très probable
d’un loup (Giaminardi, Com. Pers, 2012), montre bien que si le milieu d’accueil est vraiment
favorable et amplement fourni en escarpement rocheux, une telle opération ne peut être
remise en cause par le loup, qui s’attaquera beaucoup plus aisément aux chevreuils et aux
mouflons (Julien, 2012).
Enfin, la présente étude a pour objectif d’étudier la faisabilité d’un projet de réintroduction en
s’assurant que le département présente toujours des habitats favorables au chamois et que
celui-ci soit compatible avec les activités humaines.
Figure 17 : Répartition des observations de chamois en Lozère (1997-2009)
Source : FDC 48, à partir de la base de données de l’ALEPE (2012).
III.2.3 Une présence actuelle, sporadique
Depuis plus de 10 ans, le chamois est signalé de façon sporadique dans le département, dans
des secteurs éloignés les uns des autres. On peut citer divers exemples1 : un chamois filmé en
février 2009 au nord du département (Commune de St-Chély-d’Apcher), ainsi qu’un chamois
1 Source : Alepe (Association Lozérienne pour l’étude et la protection de l’environnement), février 2012.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
36
facilement reconnaissable, avec une corne cassée, observé sur la bordure est du Mont Lozère
(à proximité du pic du Cassini) pendant près de 6 ans jusqu’en 20011 par des gardes du parc
national des Cévennes. Ces animaux et en particulier ceux observés dans le nord-ouest du
département, proviennent certainement des monts du Cantal. Pour les individus observés sur
la façade est du département, l’origine depuis l’arc alpin n’est pas à exclure. Les observations
actuelles en Ardèche, sur la façade rhodanienne, d’individus en provenance des Alpes
(Cochet2, Com. Pers, 2012) convergent vers cette hypothèse. Il ne s’agit pour l’instant que
d’individus erratiques et aucun noyau de population ne s’est formé.
II.2.4 Un retour spontané à moyen terme est-il possible ?
Si la Lozère présente, comme le pressent le service technique de la FDC 48, des milieux
favorables, il semble étrange qu’aucun noyau de population ne se soit encore formé après plus
de dix ans de présence sporadique. Certains freins et obstacles peuvent expliquer ceci. Tout
d’abord la colonisation de la Lozère depuis la population des Monts du Cantal présente trois
principaux freins :
- l’éloignement des biotopes lozériens a priori favorables. En effet, bien que le Cantal
soit limitrophe à la Lozère, les milieux qui paraissent favorables à l’espèce se situent à
plus de 100 km à vol d’oiseau des noyaux de populations cantaliens. Une série de
plateaux peu favorables séparent les deux entités.
- la présence de l’autoroute A 75 séparant les Monts du Cantal de la Lozère.
- la difficulté à franchir la vallée du Rhône à cause de ses infrastructures linéaires
lourdes (Autoroutes, Ligne à Grande Vitesse (LGV), etc.) et de l’obstacle naturel que
représente le fleuve. Ceci limite ainsi la colonisation du Massif central depuis l’arc
alpin.
Il faut ajouter à cela, le fait que les plans de chasse (sur les populations sources) réduisent les
densités de chamois et donc le nombre d’individus migrants à la recherche de nouveaux
territoires. Enfin, la constatation de cas de braconnages en Lozère sur d’autres espèces
1 Source : Grégory Anglio (Garde du Parc National des Cévennes, antenne Mont Lozère), février 2012. 2 G. Cochet est : -Correspondant et attaché au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris -Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne -Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
37
gibiers1 est certainement un frein à l’implantation du chamois mais elle ne peut en aucun cas
constituer la cause principale
Ainsi selon divers experts, tels que M. Choisy, la colonisation à long terme de la Lozère est
une certitude (Com Pers, février 2012). Le projet de réintroduction a donc une pertinence
biogéographique. A court et à moyen terme, la probabilité de colonisation naturelle est
cependant faible. Par conséquent, un projet de réintroduction est judicieux afin d’atteindre
l’objectif de recolonisation de la Lozère par le chamois.
II.3.5 Un risque de contact entre le chamois des Alpes et l’isard ?
Il est difficile de savoir si l’isard (Rupicapra pyrenaica) était présent dans le massif central.
Selon G. Cochet, « une logique biogéographique peut nous amener à penser que, par
l’intermédiaire des Corbières, une population d’isard, à répartition ibérico-cévenole, a pu
occuper les Pyrénées, les Corbières et le Massif central » (Com.Pers., 2012). D’un autre coté,
la thèse de la colonisation du Massif central à partir des Alpes plaide pour le chamois
(Rupicapra rupicapra). De toute façon étant donné que les populations cantaliennes et du
massif du Sancy sont des chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) et surtout, que la
colonisation du chamois depuis l’arc alpin aurait certainement facilement franchi la vallée du
Rhône sans des facteurs anthropiques, il paraît illogique de se projeter sur une réintroduction
de l’isard.
Ce projet de réintroduction du chamois peut soulever cependant quelques interrogations quant
au risque d’un contact entre le chamois des alpes et son homologue pyrénéen. Divers experts
ont été questionnés à ce sujet. Selon M. Rayé, le contact entre ces deux espèces a
certainement déjà eu lieu par le passé (Com. Pers., 2012). Le chamois des Apennins
appartenant à la même espèce que l’Isard (Rupicapra pyrenaica) est, en effet, très
probablement rentré en contact avec celui des Alpes (Rupicapra rupicapra). Un contact entre
ces deux derniers risque d’ailleurs d’avoir de nouveau lieu étant donné la progression spatiale
des espèces et la continuité écologique entre ces deux massifs. D’après M. Gibert, vétérinaire
à l’ONCFS, le contact entre les deux (Rupicapra rupicapra et Rupicapra pyrenaica) aboutira
en principe à une hybridation mais ceci n’engendrera aucun problème écologique. Enfin
1 Source : Service technique de la FDC 48
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
38
comme le font remarquer M. Choisy et M. Gauthier1, la continuité écologique entre les
Pyrénées et le Massif central est beaucoup moins marquée que celle entre les Alpes et le
Massif central. Le risque de contact est donc relativement faible. Aucun Isard n’a, d’ailleurs à
ce jour été identifié dans ce massif. Même dans le massif du Caroux, situé pourtant au sud-
ouest du massif central et à quelques encablures des Pyrénées, l’unique individu identifié était
un chamois des Alpes.
L’appartenance de la Lozère à l’aire biogéographique du chamois (Rupicapra rupicapra) et la
difficulté de ce dernier à coloniser le département dans une échelle à court terme malgré une
présence sporadique (et ceci à cause de facteurs anthropiques), tendent donc à légitimer un
projet de réintroduction, à condition que les milieux s’avèrent favorables (tant d’un point de
vue écologique qu’humain). Le contexte parait d’autant plus favorable que le projet est porté
par une structure compétente en matière de gestion de faune sauvage, la Fédération des
Chasseurs de Lozère (FDC 48).
IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans
des projets de réintroduction
La Fédération Départementale des Chasseurs de la Lozère (FDC 48), est une association du
type loi de 1901, créée le 22 mars 1927. Elle est dirigée par un conseil d’administration de 15
membres élus2 par les représentants des sociétés de chasses, et un président, M. André
Giscard. Elle est basée à Mende et s’insère dans l’organigramme des différentes instances de
gouvernance de la chasse. Elle est donc régie et représentée au niveau régional par la
Fédération Régionale des Chasseurs du Languedoc Roussillon et au niveau national par la
Fédération Nationale des Chasseurs. Tout comme les autres fédérations de chasseurs, elle est
agréée au titre de la protection de la nature (article 40 de la loi du 10 juillet 1976). Elle
dénombre à ce jour3 7000 chasseurs, représentant environ 10% de la population totale du
département. Cette proportion, très forte comparée aux autres départements de la région où
elle oscille plutôt autour des 3%, montre la place importante que tient la chasse dans cet
espace rural.
1 Président du Conseil Scientifique du Parc de la Vanoise 2 Dont un tiers des effectif est renouvelé tous les trois ans. 3 Saison 2011-2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
39
À l’origine, la FDC 48 a été créée pour représenter les chasseurs et organiser la police de la
chasse. De nos jours, elle ne participe plus à cette dernière tâche qui est désormais confiée à
l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS). Cependant, en plus de jouer
un rôle d’interface entre les chasseurs et les divers acteurs territoriaux1, elle participe aussi à
la sauvegarde des espèces et des milieux naturels. Dans ce cadre, elle collabore avec les autres
structures locales chargées de la gestion et de la protection de la faune et de ses habitats telles
que l’ONCFS, le Parc National des Cévennes, l’antenne « Grands Causses » de la Ligue de
Protection des Oiseaux (LPO), etc.
Les missions de la FDC 48 se répartissent selon 6 axes :
-La formation et la sensibilisation des chasseurs.
-La coordination des actions des associations communales ou intercommunales de
chasse agréées.
-Le suivi et la gestion des « espèces gibiers ».
-La protection de l’ensemble de la faune sauvage et la restauration de ses habitats.
-L’indemnisation et la prévention des dégâts causés par le grand gibier.
-L’information et la sensibilisation auprès du grand public.
La FDC 48 en tant que gestionnaire de la faune sauvage, est à l’origine de nombreuses
opérations d’introduction et de réintroduction. Ainsi, grâce à celles-ci, il est maintenant
possible d’observer, des chevreuils (Capreolus capreolus), des mouflons méditerranéens (Ovis
gmelini musimon x Ovis sp.) introduits à partir de 1966, ou encore des cerfs élaphes (Cervus
elaphus) réintroduits dans le nord du département à partir de 1956 alors que ces derniers
n’étaient présents, jusqu’alors, qu’au sud du département.
Les intérêts que présentent de nos jours l’implantation d’une population de chamois, le peu
d’impacts que génère cette espèce et sa bonne capacité d’adaptation, la présence de milieux
lozériens autrefois peuplés (essentiellement dans la partie sud du département) et qui offrent
des habitats à priori de nouveau favorables, sont autant d’éléments qui prônent, a priori, en
faveur d’une réintroduction. Il est à présent nécessaire de ramener ces éléments au contexte
local afin de s’assurer de la réelle faisabilité de ce type d’opération.
1 Représentants du monde agricole et forestier, la Direction Départementale des Territoires, les associations de protections de la nature, les représentants des autres usagers de la nature, etc.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
40
Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement
accueillants pour le chamois ?
Afin de pouvoir répondre à cette question clé, il est dans un premier temps nécessaire de
connaître avec précision l’écologie du chamois, son comportement social et spatial ainsi que
sa tolérance vis-à-vis des activités humaines. Une fois ces éléments renseignés, il sera alors
plus facile d’évaluer les massifs lozériens choisis, quant à leur potentialité d’accueil et de
diffusion de l’espèce et à la propension de celle-ci à engendrer des problèmes (impacts sur les
cultures et les forêts, interaction avec la faune locale…). Cette évaluation qui s’appuiera sur
diverses méthodes et analyses prendra aussi bien en compte l’aspect écologique que les
aspects socio-économiques régissant le territoire.
I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités
humaines
Bien que relativement « plastique », cette espèce présente cependant certaines exigences
indispensables pour espérer l’implantation d’une population viable et pérenne.
I.1 Exigences écologiques
Les exigences du chamois relèvent avant tout de la topographie des milieux. La végétation a
également son importance dans le choix des habitats de l’espèce.
I.1.1) Nécessité d’un relief tourmenté
Tous les spécialistes du chamois s’accordent sur le fait que le relief constitue la variable clé la
plus importante pour pouvoir accueillir une population de chamois. Des individus isolés sont
parfois observés en plaine ou sur des plateaux mais ce ne sont en réalité que des animaux
errants à la recherche de nouveaux territoires et qui ne resterons en aucun cas dans ce type
d’habitat.
Comme vu précédemment, l’altitude importe peu pour le chamois, mais en revanche la
présence d’un relief accidenté, d’escarpements rocheux et d’éboulis est indispensable pour
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
41
l’installation durable d’une population. Cette préférence pour des zones escarpées et/ ou
rocheuses s’explique par le comportement de fuite du chamois, par son agilité sur le rocher, et
sa capacité à gravir des pentes raides en un temps limité (de l’ordre de 1000 m de dénivelé en
15 minutes). Ainsi, ces zones lui assurent une sécurité vis-à-vis de potentiels prédateurs et des
perturbations humaines (Hamr, 1985 ; Julien, 2002). De plus les zones rocheuses, jouent
également le rôle de refuge pour les femelles lors de la mise bas.
En ce qui concerne l’inclinaison des versants, le degré minimum d’inclinaison idéal recherché
par l’espèce oscille, selon les auteurs aux alentours de 30°. Ainsi, Bögel et al. (1998) estime
que les secteurs dont la pente est inférieure à 30° sont évités et notamment par les femelles. Il
arrive cependant que le chamois s’éloigne de quelques dizaines ou centaines de mètres des
zones pentues, pour s’alimenter sur des zones plates (Choisy, Com.Pers ; Rayé, Com.Pers).
L’orientation des versants ne semble, quant à elle, pas être déterminante en ce qui concerne le
choix des habitats (Saubusse, 20011). Cependant, les chamois ne buvant que très rarement
(Weber, 2002 ; Julien, 2012), ont une préférence en période estivale pour les zones fraîches et
ombragés (Homolka & Matous, 1999 ; Julien, 2002) et d’autant plus à basse altitude et sous
un climat à dominante méditerranéenne (Choisy, Com Pers). Or, ces zones sont généralement
situées en ubac, mais peuvent parfois être présentes en adret et notamment lorsque le couvert
forestier est suffisamment dense ou lorsque le versant présente des zones très encaissées.
De manière générale, un fort modelage des versants, est très apprécié par le chamois car, en
plus d’apporter une diversité d’expositions (et donc de conditions climatiques), il fournit une
variété de milieux et de végétation. L’animal retrouve ainsi toutes les facettes écologiques
dont il a besoin sur une surface réduite (Loison, 1999). Il profitera par exemple de l’herbe
présente sur les versants sud rapidement déneigés ou encore de zones d’ombre en été. Une
topographie de type « gorges » ou « vallées » très sinueuses, présentant par conséquent un fort
modelage, ou bien une topographie de type « arrête » offrant une double exposition, semblent
donc constituer des biotopes privilégiés.
Enfin, comme il a été observé dans le massif des Bauges, une strate altitudinale d’environ 200
à 300 mètres semble suffisante pour satisfaire les besoins du chamois (Julien, 2012).
1 Résultat tiré de l’analyse statistique réalisée par l’ONCFS dans le cadre de l’ « étude de faisabilité sur la réintroduction du Chamois en Ardèche » menée par la Fédération Départementale des Chasseurs d’Ardèche.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
42
I.1.2) Une préférence marquée pour une végétation à double fonctionnalité :
alimentation/abri
La végétation est une autre composante importante de l’habitat du chamois. Elle a bien sur
une fonction alimentaire mais elle joue également le rôle d’abri. Même si ce thème a déjà été
brièvement abordé, il est maintenant utile de connaître avec plus de détails les exigences
alimentaires du chamois afin de savoir précisément quel(s) type(s) de milieu(x) lui
convienne(nt).
Comme dit précédemment, le chamois se nourrit principalement de plantes herbacées : des
graminées et des légumineuses (ex: trèfle alpestre, trèfle blanc, etc.). Il recherche, avant tout,
des pelouses naturelles lui fournissant des ressources alimentaires de qualité.
En hiver, lorsque le manteau neigeux est trop épais pour extraire de la ressource herbacée ou
que celle-ci devient d’une qualité très médiocre ou en quantité insuffisante, il s’oriente alors
vers la végétation ligneuse ou semi-ligneuse (Redjadj, 2012). Il a une préférence marquée
pour les jeunes peuplements ainsi que pour les forêts mixtes (feuillus et conifères) (Homolka,
1990) plutôt que pour les peuplements purs (résineux ou feuillus) et réguliers. Les plantations
adultes, et notamment celles de pins noirs d’Autriche (Pinus Nigra) ou d’épicéas (Picea
abies), dépourvus totalement de sous bois sont peu appétentes pour le Chamois (Babad,
1997). Il en est de même pour le hêtre qui, selon Babad (1997), est également peu apprécié.
Des fruticées2 à amélanchier (Amélanchier ovalis) ou à genévrier commun (Junipernus
communis) sont particulièrement prisées (Lefebvre, 2011).
Le régime alimentaire du chamois et par conséquent le choix des habitats qu’il pâture varient
fortement selon les saisons. Au printemps par exemple, lorsque les exigences alimentaires
sont les plus fortes pour se remettre du précédent hiver et répondre à la forte demande
énergétique due à la lactation des femelles, il favorise les plantes à forte biomasse, en
consommant notamment des buissons décidus3 (Lefebvre, 2011). En été, par contre, il
sélectionne, avant tout, les plantes de qualité. En automne, sa sélection va, au fil des jours, se
réaliser de plus en plus, selon le critère de la disponibilité. A la fin du printemps et surtout
pendant l’hiver, il consommera des buissons sempervirents, une des rares ressources
disponibles en quantité quand la majorité des plantes sont sénescentes (Lefebvre 2011).
2 Une fruticée est une formation végétale formée d'arbustes ou d'arbrisseaux. 3 A feuilles caduques
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
43
Figure 18 : Intensité de la sélection du chamois selon la saison
Source : Herbivorie Info N°14, 2011
Cependant, la Lozère se situe dans un contexte de moyenne voire de basse altitude où la neige
est beaucoup moins persistante que dans un contexte alpin (le plus souvent étudié) et où par
conséquent la ressource herbacée est disponible une beaucoup plus grande partie de l’année
(voire toute l’année). Cette composante risque de lisser quelque peu les variations
saisonnières et la forte demande alimentaire au printemps sera probablement, moins
importante.
La forêt joue également un autre rôle important dans l’habitat du chamois : elle lui procure
des zones d’hivernage en hiver et surtout un abri face aux intempéries en toute saison (Clarke
& Henderson 1984). En effet, s’il ne semble pas craindre les très basses températures, il paraît
en revanche beaucoup moins apprécier les fortes pluies. Le couvert forestier s’avère aussi très
utile en été et d’autant plus dans un contexte de « montagne méditerranéenne », où il fournit
de l’ombre et une certaine fraicheur. Les chamois peuvent par exemple, être couramment
observés durant les périodes de forte chaleur dans des peuplements de jeunes pins
(Herrero et al. 1996, Homolka & Matous 1999). Enfin, tout comme les escarpements
rocheux, les milieux très fermés peuvent assurer également une certaine quiétude.
Une variété de milieux alliant pelouses naturelles, fruticées, peuplements clairs et mélangés
de feuillus et de conifères, le tout sur une forte pente et entrecoupé d’escarpements rocheux et
d’éboulis semble donc constituer l’habitat idéal du Chamois. L’aspect alimentaire reste
cependant un critère de moindre importance par rapport à la topographie du milieu. La
plasticité alimentaire de l’espèce nous le rappelle.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
44
I.2 Organisation spatiale
Toujours dans l’optique de savoir si les massifs sélectionnés sont favorables à l’accueil d’une
population de chamois mais aussi et surtout afin de pouvoir anticiper sur la manière dont
l’espèce pourrait occuper ces massifs, il est nécessaire de s’intéresser à l’occupation de
l’espace par l’espèce. Ce chapitre permettra également, par la suite, de savoir si une
colonisation de biotope secondaire est facilement envisageable à partir des massifs étudiés.
Selon la définition de Burt (1943), le domaine vital du chamois est la surface traversée, au
cours d’une période déterminée, par l’individu pendant ses activités normale de recherche de
nourriture, de reproduction, d’élevage des jeunes et de repos. Le domaine vital annuel, appelé
aussi espace vital, recouvre, quant à lui, l’ensemble des domaines vitaux occupés aux
différentes époques de l’année et les voies de liaisons entre eux (Catusse et Al., 1996). Il
comprend le plus souvent un domaine d’été et un domaine d’hiver. Ces derniers peuvent être
plus ou moins confondus ou totalement distincts.
La taille du domaine vital, varie énormément suivant les individus, le sexe, l’âge, la saison et
la disponibilité des ressources (Clarke & Henderson, 1984; Loison, 1995, Von Hardenberg et
al. 2000). Plus le biotope est hétérogène, et plus la taille des domaines vitaux sera réduite, car
l’animal disposera, sur une surface réduite, de toutes les facettes écologiques nécessaires à la
satisfaction de ses besoins vitaux (Catusse et Al.,1996). Un domaine vital peut donc aussi
bien mesurer quelques dizaines d’hectares que des centaines. Il est, par conséquent, difficile et
peu pertinent de calculer une taille moyenne. A titre d’exemple, dans les Vosges, massif de
moyenne montagne qui par certains aspects se rapproche de certains massifs lozériens, Boillot
(1986) trouve pour les femelles (de plus de 1 ans) un domaine vital moyen de 170 ha, hiver
comme été (les deux domaines vitaux étant confondus) et pour les mâles (de plus de 1 an) un
domaine hivernal moyen de 100 ha et un estival de 130 ha. Ces deux derniers domaines étant
généralement séparés d’une distance allant de quelques centaines de mètres à plusieurs
kilomètres.
Selon Loison et al. (1999), la topographie joue un rôle important dans l’organisation spatiale
du chamois. Elle démontre par exemple, que dans la réserve des Bauges, les fonds de vallées
divisent la population en trois sous-populations partiellement autonomes. Dans des gorges ou
vallées, il est souvent peu probable voire impossible que la connexion d’une rive à l’autre,
bien qu’elle existe soit suffisamment forte pour qu’un chamois ait un domaine vital s’étalant
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
45
sur deux rives. La constitution d’une métapopulation4 au sein d’une même vallée est donc très
probante. Ceci sera à prendre en compte lors de l’analyse des massifs étudiés qui se situent,
pour la plupart dans un « contexte de gorges et de vallées ».
Les mâles se dispersent généralement plus que les femelles. Capables de déplacements
pouvant dépasser une vingtaine de kilomètres, ils sont peu fidèles à leur domaine saisonnier et
annuel (ONCFS, 2002). Enfin, comme le prouve la colonisation récente du « Bas Verdon »
depuis l’amont, les gorges et vallées, tout comme les crêtes (Clarke & Henderson, 1984),
constituent un très bon canal de diffusion de l’espèce. La dispersion des chamois se ferait
alors le long des versants plutôt que de façon verticale afin d’éviter de descendre au fond des
vallées (Cassar 2007).
I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages
L’arrivée d’une population de chamois peut engendrer une compétition spatiale ou alimentaire
avec les espèces partageant la même niche écologique si elles présentent de fortes densités.
Les grands ongulés tels que les chevreuils (Capreolus capreolus) ou les cerfs (Cervus
elaphus) ont généralement un habitat qui se recoupe assez peu avec celui des chamois. Ces
derniers, ne s’installent par exemple, jamais loin des reliefs. Inversement, les cervidés n’étant
pas rupestres, sont rebutés par les pierrailles et la neige profonde, où ils sont loin d’avoir
l’aisance du chamois (Darmon et Al., 2010). Il arrive cependant que dans certaines régions
présentant une topographie intermédiaire (des pentes à fortes inclinaisons mais avec peu
d’escarpements rocheux, par exemple), les cervidés et les chamois aient une niche écologique
se chevauchant. Ainsi certains auteurs comme Schröder (1984) ou Herrero (1996) ont montré
l’existence d’une compétition entre une population de chamois et de chevreuils.
Concernant le sanglier (Sus scrofa), il existe encore peu de régions où il côtoie le chamois et
par conséquent, peu d’études ont été réalisées à ce sujet. Nous avons donc interrogé plusieurs
personnes et notamment des techniciens en charge de la gestion du grand gibier dans des
départements où les deux espèces présentent de fortes densités. Ainsi M. Giaminardi de la
Fédération des Chasseurs du Var et M. Siméon des Alpes Maritimes, n’ont pas constaté de
compétitions significatives entre les deux espèces (Com. Pers., Juin 2012).
4 Une métapopulation est un ensemble de populations d’une même espèce réparties dans l’espace, entre lesquelles il existe des échanges plus ou moins réguliers et importants d’individus.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
46
Les ongulés les plus susceptibles d’entrer en compétition avec le chamois sont ceux qui sont
rupestres, car ils partagent sensiblement la même niche écologique. C’est le cas du mouflon
méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) et du bouquetin des Alpes (Capra ibex). Ce
dernier, n’étant pas présent en Lozère, nous ne développerons pas ce sujet. Pour ce qui est du
mouflon, sa niche écologique se chevauche avec celle du chamois, mais il existe cependant
des différences entre les deux. Le chamois a par exemple une préférence beaucoup plus
marquée pour les éboulis, que son homologue. Sa niche écologique est également plus petite
car il est plus sélectif (Darmon, 2003). Le risque de compétition entre les deux espèces est
assez marqué en hiver où la ressource alimentaire est limitée (Pfeffer & Settimo, 1973 ;
Ramanzin et al., 2002). Il est selon Darmon (2003), d’autant plus important au printemps, où
les femelles suitées vont principalement occuper les zones offrant à la fois un accès aux
ressources les plus énergétiques (pour compenser leur dépense énergétique en vue de la
lactation) ainsi qu’une certaine sécurité face aux prédateurs ou à diverses sources de
dérangements. Or, les secteurs fournissant ce compromis sont relativement peu nombreux et
peu étendus. Ce sont principalement des vires herbeuses ou des pentes à inclinaison
importante. Enfin, un dérangement important peut avoir une influence sur la répartition
spatiale des deux espèces et les pousser à se concentrer sur des zones accidentées
difficilement accessibles, ce qui accentue le risque de compétition.
Toutefois, bien que le risque existe, la compétition n’est pas systématique. Dans le massif des
Bauges par exemple, Darmon (2003) démontre que, bien que les deux espèces se côtoient et
que le risque de compétition soit fort, la ressource alimentaire est suffisamment importante
pour satisfaire les besoins des deux espèces.
Le risque de compétition dépend donc principalement de deux facteurs qui devront être pris
en compte dans l’analyse des massifs Lozériens : l’abondance des ressources alimentaires et
notamment en période « critique », et les densités de population des espèces déjà présentes sur
le site, en portant une attention particulière au mouflon.
I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines
Les activités humaines peuvent constituer une source dérangement, plus ou moins importante,
à prendre en compte particulièrement dans le cadre d’une opération de réintroduction. En
effet, si elles s’avèrent particulièrement perturbatrices dès le premier lâcher, elles risquent de
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
47
disperser les quelques individus réintroduits5 et empêcher ainsi la création d’un noyau de
population indispensable pour mener à bien une telle opération.
Outres ces effets dévastateurs, un dérangement important peut également avoir un impact
direct sur la dynamique de population. Par exemple, un individu dérangé sur les zones de
pâtures se réfugiera en forêt ou sur des zones escarpées pauvres en ressources alimentaires. Ce
dérangement répétitif entrainera alors une diminution de son activité alimentaire (Homolka &
Matous, 1999) ainsi qu’un stress accumulé important. Cependant Julien (2002) suppose que,
dans le massif des Bauges, cette baisse d’activité alimentaire diurne est compensée par une
activité nocturne.
Deux variables sont importantes dans l’analyse d’une fuite due à un quelconque
dérangement : la distance de fuite qui désigne la distance par rapport à la source de
dérangement à partir de laquelle les animaux fuient et le temps nécessaire avant la
réapparition du chamois. Outres l’action des prédateurs, les principales sources de
dérangement des chamois sont la chasse, les Activités Physiques de Pleine Nature (APPN) et
plus globalement les activités touristiques et dans une moindre mesure le pastoralisme.
I.4.1 La chasse aux chiens courant : un mode de chasse particulièrement dérangeant
La chasse, même si elle n’est pas pratiquée sur le chamois, peut avoir une influence sur les
chances de réussite d’une opération de réintroduction. Si la pression cynégétique est trop
importante, l’effet perturbateur de cette activité peut en effet provoquer une trop forte
dispersion des individus lâchés et par conséquent mettre en échec une telle opération.
Cependant, comme vu précédemment, bien que la pression cynégétique fût forte sur le massif
de la Sainte Baume, avec notamment deux équipes chassant en battue au moins une fois par
semaine, l’opération de réintroduction a été un succès.
Une fois l’espèce installée, la pression de chasse ne semble pas constituer un frein à sa
colonisation dans les secteurs environnants. La colonisation du chamois dans les Préalpes où
la chasse au sanglier prédomine (et notamment dans la Drôme ou dans les Alpes Maritimes)
en est la preuve.
La chasse la plus perturbante est celle pratiquée aux chiens courants et particulièrement celle
en battue. Si le milieu est suffisamment fourni en zones rocheuses, l’impact de l’activité
cynégétique sur l’espèce sera atténué.
5 Un minimum de trente individus doit être lâché afin de maximiser la garantie de décollage démographique (ONCFS, 2008) et de minimiser la perte de diversité génétique par rapport à la population mère (Choisy, 2003).
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
48
I.4.2 Les activités physiques de pleine nature : le vol libre, l’activité la moins tolérée
Elles sont nombreuses et ont des conséquences sur le chamois très différentes. Nous pouvons
distinguer deux types d’activités. Celles qui sont « imprévisibles » dans le temps et l’espace
comme la course d’orientation, le ski de randonnée ou le vol libre et celles qui au contraire
sont « prévisibles » telles que la randonnée où plus simplement la ballade, le VTT, ou encore
le canoë-kayak.
� Les activités « prévisibles »
Les activités dites prévisibles sont généralement les moins perturbatrices. Lorsque les
itinéraires sont régulièrement parcourus, on observe un phénomène « d’habituation » (hormis
chez les femelles suitées) vis-à-vis des pratiquants. Ainsi, dans ces secteurs, les chamois
peuvent supporter la proximité humaine à condition que ce dernier sache rester discret : la
distance de fuite est alors fortement réduite (Patterson 1988, Pépin et al. 1996, Gander &
Ingold 1997). Cette « habituation » est basée sur un comportement d’intégration des humains
en tant qu’élément local du paysage (Pépin et al. 1996).
Toutefois, l’impact de ces activités est conditionné par de nombreux facteurs. Tout
d’abord, le dérangement des amateurs de ce type d’activité est d’autant plus marqué pour
l’espèce quand les itinéraires traversent des zones pâturées. En effet, les chamois dérangés
dans ces zones doivent interrompre leur activité alimentaire pour se réfugier, le plus souvent
(dans 70% des cas selon Ingold et al., 1996), dans les zones de rochers et d’éboulis. Ils se
cantonnent alors dans ces zones refuges de nombreuses heures. Ingold (1996) observe par
exemple, que les chèvres ne reviennent dans leur pâturage initial que 4h30 après une fuite
occasionnée par un dérangement. Le dérangement a, dans ce cas, un impact non négligeable
sur l’activité alimentaire de l’espèce et peut être à l’origine de certains troubles.
De plus, selon Patterson (1988), les réactions ne diffèrent pas significativement entre les sexes
mais en fonction de la classe d’âge. Les jeunes chamois ont des distances de fuite plus faibles
que les adultes, ce qui est peut-être lié à une plus forte curiosité (Patterson 1988). Divers
auteurs (Cederna et Lovari, 1985 ; Hamr, 1988) remarquent également que les femelles
suitées6 sont beaucoup plus sensibles au dérangement que les autres femelles ou les mâles.
6 Accompagnées d’un chevreau
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
49
De plus, il semblerait que les distances de fuites soient inversement corrélées à la taille des
groupes : les groupes comptant plus de 15 individus ont une distance de fuite plus réduite que
les groupes inférieurs à 15 individus ou que les animaux isolés.
La distance moyenne de fuite varie également selon le comportement des pratiquants. Elle est,
largement plus importante lorsque ces derniers se trouvent en dehors des « chemins ». Les
bruits (cris, sifflements) provoqueraient des réactions doubles par rapport aux autres cas de
perturbation (Cederna & Lovari, 1985). Selon Schaal & Boillot (1992), les personnes qui
s’immobilisent sur un sentier traversant un secteur occupé par les chamois, déclenchent plus
fréquemment une réaction de déplacement que les personnes mobiles.
Enfin, la présence de chien aux côtés des randonneurs ou autres amateurs induit une
augmentation des distances de fuites (Baumgartner, 1993). La réaction est d’autant plus
violente si le chien n’est pas en laisse.
Au sein même de ce groupe d’activités on observe également des différences notables
quant aux réactions des chamois. Concernant le VTT et la course à pied par exemple, les
distances de fuite sont en moyenne équivalentes à celles observées vis-à-vis des randonneurs,
cependant la réaction des chamois est plus violente : les trajets de fuite sont beaucoup plus
important (Ingold et Al. 1996). Il semblerait aussi que vis-à-vis de ces loisirs, il n’y a pas ou
peu de phénomène d’habituation (Ingold et Al. 1996).
Ceci laisse penser que les réactions face aux motos soient elles aussi assez violentes bien que
l’effet de surprise soit atténué grâce au bruit du moteur perceptible longtemps en avance. Pour
ce qui est du ski pratiqué en station et en particulier pour le ski de fond où le hors piste est très
rare, il est assez courant d’observer des chamois en position de repos à, à peine quelques
centaines de mètres des pistes (Weber, 2001). Ce phénomène d’habituation est également
transposable aux autres activités linéaires où il est impossible de sortir « des itinéraires
définis » et où le flux est important mais régulier comme le canyoning, le canoë-kayak où
encore l’escalade ou la via-ferrata.
Les distances de fuites engendrées par un amateur d’activités dites « prévisibles » dépendent
donc de nombreux facteurs tels que : l’âge et la situation des individus (femelles suitées ou
pas), le comportement humain et le type d’activité pratiquée, le degré d’ouverture ou de
fermeture du milieu dans lequel se situe la zone potentiellement perturbée, etc. Il est par
conséquent impertinent de donner une distance moyenne de fuite pour tous les massifs
peuplant de chamois. A titre d’exemple, dans l’Oberland bernois (Suisse) la distance moyenne
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
50
de fuite vis-à-vis des randonneurs pédestres est de 130 mètres (OFEP, 1996). Dans le massif
des bauges, A. Julien (2002), estime cette distance à environ 100 m.
� Les activités de type « imprévisible »
Ces activités sont généralement plus perturbantes et empêchent surtout, de par leur
nature « imprévisible » tout phénomène « d’habituation » (Patterson 1988, Pépin et al. 1996,
Gander & Ingold 1997). Celles-ci regroupent les activités, telles que la course d’orientation, le
ski de randonnée ou le vol libre.
La majorité des auteurs s’accordent sur le fait que le vol libre est l’activité la plus perturbante
(Schaal et Boillot, 1992; Ingold et al., 1993). Parce qu’il est assimilé, à un prédateur de type
« aigle géant », le parapente en est la forme la plus dérangeante (Weber, 2001). De plus
comparé à d’autres « appareils volants », celui-ci est très maniable et permet de réaliser des
vols à proximité des pentes. Il semble à l’observation, que ce soit plus l’ombre de la voile
portée au sol que le parapentiste lui-même qui déclenche des réactions de panique (JM. Julien,
2012). De nombreux auteurs tels qu’Ingold et al. (1996), Bögel & Härer (2002) mentionnent
une réaction limitée des chamois lorsque les amateurs de vol libre les survolent à une hauteur
de plus de 600 mètres du sol. Par contre, en dessous de cette hauteur, si les chamois se situent
sur des zones ouvertes, ils déclenchent des réactions de fuite panique sur de longues distances.
Les animaux se réfugient alors, dans la majorité des cas, en forêt et y restent de longues
heures (Ingold et Al. 1996). Il suffit d’un seul parapente pour déclencher de violentes
réactions (Ingold et Al., 1996). Ce dérangement répété entraine une diminution du temps de
pâturage (Schaal & Boillot, 1992) et parfois même une diminution du taux de survie et du
succès reproducteur (Ingold et al. 1996). Les Chamois ne semblent pas s’habituer au passage
des engins volants, y compris dans des zones très fréquentées par ces derniers. La course
d’orientation ou le ski de randonnée peuvent également provoquer des réactions violentes par
effet de surprise mais dans une moindre mesure que le vol libre.
I.4.3 Le pastoralisme : une gêne liée au mode de gestion et à la pression pastorale
Selon J.P Choisy (Com. Pers, février 2012), la présence d’ongulés domestiques est un facteur
trophique négatif pour le chamois, la mauvaise saison étant abordée avec des herbages tondus
ras. L’impact des troupeaux domestiques sur les chamois dépend de la pression et du mode de
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
51
gestion pastorale. La présence d’un chien de garde ainsi que des cloches peuvent, par
exemple, rendre les ongulés sauvages plus craintifs (Chauvière 1978, Pilar-Izquierdo 1998).
Au contraire, le gardiennage permet de limiter l’expansion des troupeaux domestiques et par
conséquent les contacts directs ou indirects avec les ongulés sauvages.
Cependant, certains experts attribuent à l’activité pastorale un impact bénéfique pour le
chamois. Pour D’Herbomez (1985) par exemple, elle permet d’entretenir les pâturages en
empêchant leur envahissement par les ligneux. Berducou (1982) ajoute que cette activité
favorise, par l’apport fertilisant des déjections, la repousse printanière et automnale des
herbacées.
Pour pouvoir accueillir une population de chamois, un milieu doit donc principalement offrir
un relief tourmenté, des zones de quiétudes et de pâturages, ainsi qu’un couvert forestier. Les
ongulés rupestres sont ceux qui sont les plus susceptibles d’engendrer une compétition
spatiale ou alimentaire avec le chamois.
II Sélection des massifs étudiés
Afin de cibler l’étude, il a été nécessaire de se concentrer sur quelques biotopes qui
paraissaient les plus à même d’accueillir une population de chamois.
II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie
Les délimitations des massifs qui seront évalués dans la suite de l’étude, résultent à la fois
d’un travail de réflexion mais aussi d’une bonne connaissance du département ainsi que de
nombreuses sorties sur le terrain. Un premier tri se base sur des critères strictement
topographiques. Pour être sélectionnés, les massifs devaient présenter :
-une tranche altitudinale d’au moins 250 m7 ;
-des versants à forte inclinaison ;
-des affleurements rocheux.
L’altitude ne faisant pas partie des exigences du chamois, elle n’a pas été prise en compte.
Les massifs lozériens présentant ces caractéristiques étant nombreux et étendus (surtout sur la
moitié sud du département), une deuxième sélection plus précise a dû être réalisée. Certains
7 Comme vue précédemment, le seuil minimal se situe entre 200 et 300m de dénivelé ;
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
52
massifs ont été considérés comme appartenant à un même « ensemble » car ils présentaient
des contextes écologiques8 et humains9, a priori, similaires et qu’ils étaient souvent
frontaliers. Afin que l’étude se focalise sur des massifs les plus divers possibles (dans
l’optique d’optimiser les chances que l’un d’entre eux soit favorable), il a été décidé de
choisir au sein de chaque « ensemble » le massif qui paraissait à première vue, le plus
favorable d’un point de vue topographique. Ainsi, certaines régions naturelles qui semblaient
pourtant répondre aux exigences du chamois ont été préférées pour d’autres au contexte
similaire mais avec des caractéristiques topographiques plus favorables. Au contraire, certains
autres massifs qui n’apparaissent pas, dans un premier temps, comme les plus accueillants ont
été choisis car ils présentent des caractéristiques écologiques ou un contexte humain bien
différent des autres.
Les massifs sur lesquels porte l’étude sont :
- la bordure est du Mont Lozère. Elle est dominée par le pic Cassini ; nous la citerons donc à
présent sous le nom de massif du Cassini ;
- l’ensemble composé des gorges de l’Enfer et de la vallée de la Colagne. Nous nommerons
cet ensemble, le massif des Gorges de l’Enfer ;
- la totalité des gorges du Tarn ;
- le versant bordant la partie est du Causse Méjean que nous appellerons le massif de la
bordure est du Causse Méjean.
8 Type de milieux, conditions climatiques…. 9 L’expression « contexte humain » sous entend la prise en compte de toutes activité humaines présentent sur le territoire : tourisme, agriculture, chasse….
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
53
Voici la répartition des 4 massifs sélectionnés :
Figure 19 : Relief et répartition des massifs choisis en Lozère
Ces limites ne sont bien sur que théorique et il y a de fortes chances que si un lâcher de
chamois a lieu sur un massif déterminé, ces derniers se dispersent bien au-delà des limites et
colonise de nouveaux biotopes. En réalité, les contours ne délimitent que les zones « cœurs »,
c'est-à-dire celles qui nous ont paru les plus susceptibles de répondre aux besoins du chamois
mais elles ne sont parfois pas si nettes sur le terrain. C’est le cas par exemple, du massif du
Cassini où ses limites ouest auraient pu être prolongées, mais le dénivelé qu’offrait cette zone
ouest était beaucoup moins intéressant.
A chaque massif correspond donc, un contexte écologique ou humain différent. Le massif des
Gorges de l’Enfer, bien que présentant une superficie très modeste, a par exemple été choisi
car il présentait un contexte cynégétique et touristique particulier10 ainsi qu’une situation
géographique originale11. La délimitation12 des massifs respecte au maximum le continuum
10 La pression concernant ces deux points sur ce massif est faible ; l’étude devra le confirmer. 11 C’est le seul situé dans la moitié nord du département
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
54
topographique et paysager de chacun d’eux. Ceci explique le fait que le massif du Cassini
s’étende en parti sur le département du Gard (15% de sa surface).
II.2 Description générale
Afin de mieux les appréhender, voici une description une rapide des massifs étudiés.
� Le massif du Cassini (Cf. carte 1)
Ce massif granitique d’une superficie de 9 300 hectares, appartient à l’entité géographique du
Mont Lozère. Il offre une strate altitudinale de plus de 1000 m (de 630 m, à 1680m au Pic
Cassini), ainsi qu’une variété d’exposition ce qui lui assure une importante diversité de
milieux et d’étages de végétations. Il s’étend ainsi de l’étage collinéen et supraméditerranéen
à l’étage subalpin (présence de pelouses subalpines) en passant bien sûr par l’étage
montagnard. Il présente un climat montagnard à tendance méditerranéennes13. Le manteau
neigeux très irrégulier peut, sur la partie haute du massif, être conséquent et ceci durant
plusieurs mois consécutifs (en moyenne 2 ou 3 mois).
On retrouve principalement sur ce site :
- des châtaigneraies (Quercion ilicis)
- quelques chênaies à feuilles caduques sur silice (Quercion ilicis, Quercion roboris)
- quelques plantations d’épicéa (Picea abies) ;
- des hêtraies sapinières sur sol peu acide (Geranio nodosi-Fagenion sylvaticae)
- des hêtraies d’altitude (Acerion pseudoplatani))
- des buissons à genêt à balais ou à ronces et lisières à fougères aigle sur sol siliceux
(Pruno spinosae-Rubion radulae, Sarothamnion scoparii)
- des landes à genêts purgatifs (Cytision oromediterraneo-scoparil).
- des landes basses à bruyères, à callunes ou à myrtilles (Genisto pilosae- Vaccinion
uliginosi)
- des pelouses à Nard raide (Nardion strictae) 12 Cette délimitation peut au contraire, paraître parfois trop théorique et peu en adéquation avec la réalité du terrain, car elle coupe brutalement un versant. Ceci est dû au fait, qu’au-delà de cette limite, les conditions topographiques étaient jugés moins favorables à l’accueil d’une population de chamois ; la délimitation s’étant bornée aux zones « cœurs » ; 13 Source : http://www.meteo-mc.fr/climat-Lozere.html
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
55
Figure 20 : Rocher du Trenze (Massif du Cassini)
Source : Alain LAGRAVE, 2012
Figure 21 : Rocher de l’Aigle (Massif du Cassini)
Source : FDC 48, 2012
� Le massif des gorges de l’Enfer (Cf. carte 2)
Ce massif granitique d’une superficie d’environ 2800 ha est localisé au pied du plateau de la
Margeride. Il se situe à la confluence de deux vallées/gorges encaissées (la vallée de la
Colagne et les Gorges de l’Enfer), dominées par un plateau. Il présente un dénivelé moyen de
300 mètres et se situe entre 700 et 1000m d’altitude. Il est caractérisé par un climat
montagnard relativement sec. La neige n’est pas rare sur ce massif mais le manteau neigeux
ne dépasse que très rarement les 30 centimètres14. Sa végétation s’étend de l’étage collinéen
au montagnard.
On retrouve principalement sur ce site très fermé :
- des chênaies de chêne pubescent (Quercion pubescenti) ;
- des pineraies de pin sylvestre (Pinion sylvestris) ;
14 Source : http://www.meteo-mc.fr/climat-Lozere.html
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
56
- des hêtraies d’altitude (Acerion pseudoplatani) ;
- quelques plantations d’épicéa (Picea Abies) ;
- des landes à genet purgatif (Cytision oromediterraneo-scoparil) ;
- quelques prairies à fourrage des montagnes (Triseto flavvescentis-Polygoniom
bistortae).
Figure 22 : Gorges de l’Enfer
Source : FDC 48, 2012
� Le massif des gorges du Tarn (Cf. carte 3)
Ces gorges calcaires d’une superficie de 12 000 hectares, traversent de part et d’autre la
région des Grand Causses avec sur la rive droite le Causse de Sauveterre et sur la rive gauche
le Causse Méjean. D’une profondeur moyenne de 450m, elles s’étendent sur un peu plus de
50 km et offrent un relief marqué s’échelonnant entre 400 et 1050m d’altitude. La végétation
bénéficie d’une double influence : continentale et méditerranéenne. On retrouve ainsi, en aval
et dans la partie la plus basse des Gorges, l’étage meso-méditerranéen supérieur, puis en
prenant de l’altitude, le supra-méditerranéen et le collinéen et enfin en bordure de plateaux (et
en particulier sur la partie la plus en amont) l’étage montagnard inférieur.
On retrouve principalement sur ce site :
- des chênaies de chêne pubescent (Quercion pubescenti) ;
- des pineraies de pin sylvestre (Pinion sylvestris) et de pin noir d’Autriche (Pinus
nigra)
- des fruticées à amélanchier (Amelanchier ovalis) et à prunellier (Prunus spinosa) ;
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
57
- des pelouses sèches d’allure steppiques des Causses (Helianthemo italici-
Aphyllanthion monspeliensis, Ononidion striatae) ;
Le climat y est relativement sec et ensoleillé. La neige est assez fréquente sur les causses mais
en faible quantité15. Elle ne fait que de très rares apparitions au fond des gorges (de l’ordre de
quelques jours par an lors des hivers les plus rigoureux). En période estivale, les températures
élevées sont souvent au rendez-vous. Les maximales d’août sont par exemple proches en
moyenne de 25°C16.
Figure 23 : Les gorges du Tarn
Source : FDC 48, 2012
� La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 3)
Ce massif calcaire, constitue en réalité la partie amont de la rive gauche des Gorges du Tarn.
S’il est étudié à part, c’est parce qu’il présente des caractéristiques écologiques et un contexte
humain différent. Il est par exemple, beaucoup moins touristique que les Gorges du Tarn. Il se
présente sous la forme d’un seul versant surmonté d’un plateau (le Causse Méjean) et
s’étendant sur environ 25 km et d’un dénivelé moyen de 500m17. La végétation18 est assez
similaire à celle des Gorges du Tarn mais le milieu y est beaucoup plus ouvert.
On y retrouve principalement :
- des châtaigneraies (Quercion ilicis) ;
15 Le manteau neigeux ne dépassant que très rarement les 30cm. 16 Source : Météo France 17 Altitude minimale : 520 m, maximale 1200 m. 18 Etage collinéen et montagnard inférieur.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
58
- des fruticées à genévrier commun (Junipernus communis) ;
- des fruticées à amélanchier (Amelanchier ovalis) et à prunellier (Prunus spinosa) ;
- des tâches plus ou moins importantes de pin sylvestre (Pinus silvestris) et de Chêne
pubescent (Quercus pubescens).
- des pelouses sèches d’allure steppiques des Causses (Helianthemo italici-
Aphyllanthion monspeliensis, Ononidion striatae) ;
Le climat est le même que celui des Gorges du Tarn : froid et sec en hiver et chaud et
ensoleillé en été.
Figure 24 : Bordure est du Causse Méjean
Source : FDC 48, 2012
Les quatre massifs retenus, qui sont le massif du Cassini, les gorges de l’Enfer, les
gorges du Tarn et la bordure est du Causse Méjean, s’insèrent donc tous dans un contexte
qui leur est propre. L’étude va, à présent, se concentrer sur ces massifs clés, afin de
déterminer avec précision, si la Lozère présente des milieux réellement favorables et si
l’implantation du chamois, serait compatible avec les activités économiques régissant le
territoire.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
59
III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif
L’évaluation des potentialités d’accueil des massifs étudiés prendra, dans un premier temps,
en compte les aspects écologiques caractérisant ces massifs. Dans un second temps, la
compatibilité du chamois avec les activités humaines présentes sur les territoires sera étudiée.
Enfin, les capacités de diffusions de l’espèce à partir de chaque massif seront évaluées.
III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites
III.1.1 Analyse cartographique
Suite à l’étude des exigences écologiques de l’espèce, les trois aspects qui apparaissent
comme les plus importants, seront développés dans cette analyse. Il s’agit du relief, de la
végétation et de la compatibilité ou non du chamois avec les espèces déjà présentes sur
chaque massif étudié.
Comme vu précédemment, dans une configuration de type gorges ou vallées, il est peu
probable voire impossible que la connexion d’une rive à l’autre, bien qu’existante, soit
suffisamment importante pour qu’un chamois ait un domaine vital s’étalant sur deux rives.
Ceci signifie donc qu’il lui sera impossible de traverser quotidiennement un fond de vallée
afin de satisfaire tous ses besoins. Il est donc primordial de recentrer nos analyses sur chaque
entité (c'est-à-dire sur chaque zone isolée des autres) et non sur chaque massif afin de
s’assurer que chacune d’elle comporte toutes les caractéristiques écologiques nécessaires à
l’accueil d’une population de chamois. Les massifs du Cassini et de la « bordure est du
Causse Méjean », n’ayant pas ce type de configuration ne sont constitués que d’une seule et
même entité. En revanche, les gorges du Tarn se décomposent en deux entités (la rive droite
et la rive gauche) et le massif des gorges de l’Enfer se décompose quand à lui en trois entités
(Cf. Cartes 1, 2 et 3)
Toutes les cartes servant de base à l’analyse cartographique ont été réalisées à l’aide du
logiciel MapInfo 7.0.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
60
a) Les massifs du Cassini et des Gorges du Tarn : une topographie particulièrement
favorable
� Méthodologie
Comme vu précédemment, les exigences principales du chamois sont avant tout de l’ordre
topographique. Pour être le plus favorable possible à l’implantation d’une population de
chamois un territoire doit en effet présenter une pente d’une inclinaison minimale de 25° et de
préférence de 30° ainsi que des zones rocheuses.
Cette analyse distinguera deux types d’affleurements rocheux qui chacun, remplissent une
fonction différente. Il y a tout d’abord les zones rocheuses de types éboulis, arêtes et versant
rocheux inclinés qui ne sont pas infranchissables par les prédateurs mais difficilement
traversables. Le chamois est dans ces zones, relativement habile. Elles leur constituent donc
« une marge de sécurité » vis-à-vis de dérangements plus ou moins marqués. Il y a ensuite les
zones rocheuses ou entourées d’escarpements rocheux qui sont inaccessibles aux prédateurs et
à toutes sources de dérangements hormis au chamois. Ces zones dites « zones refuges » sont
utilisées par le chamois lorsque le dérangement est très marqué ou lorsqu’il est menacé par un
prédateur. Elles sont également appréciées pour la mise-bas (mais pas indispensables) ainsi
que par les femelles et leur chevreau, moins habile et surtout moins rapide dans les fortes
pentes que leur mère. En cas de faible dérangement, les affleurements rocheux de type
« éboulis et versant rocheux » peuvent êtres suffisants mais les zones refuges deviennent
indispensables lorsque le dérangement s’accroît. La chasse aux chiens courants, par exemple,
est une source importante de dérangement et surtout lorsque les chiens poursuivent
malencontreusement le chamois. Ce dernier se réfugie alors dans des zones refuges.
L’analyse des zones favorables au chamois doit donc avant tout, prendre en compte le degré
d’inclinaison des versants mais aussi la bonne répartition sur l’ensemble des entités19, des
affleurements rocheux de type « refuge » et de ceux du type « éboulis et versants rocheux
inclinés ».
Il a par conséquent été décidé de cartographier les zones dites « strictement favorables au
chamois » regroupant les affleurements rocheux (tous types confondus) et les pentes
19 Rappel : Une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le Chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
61
supérieures à 25°. Une distance de 200 m20 vis-à-vis des routes départementales et nationales
ainsi que des villages importants (supérieurs à 50 habitants) bordant les différents massifs a
été respectée. Une mise en évidence des zones présentant une inclinaison supérieure à 30°
(seuil véritablement clé pour de nombreux auteurs) a également été réalisée.
� Analyse
Tous les massifs présentent la caractéristique de s’insérer dans un contexte très
« longitudinal » avec des hauts plateaux présentant un dénivelé faible mais des piémonts
escarpés. Ce contexte est donc bien différent de celui de la montagne « classique » surmontée
de crêtes et de sommets.
o Le massif du Cassini (Cf. carte 4)
Figure 25 : P
Massif du Cassini
18,87%
26,50%44,34%
10,28%
0 à 15 °
15 à 20°
20 à 30°
>30°
Source : BD Topo IGN, 2008
Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 4.93%
Ce massif est celui présentant, le dénivelé (en absolu) le plus important. Certains de ces
versants présentent en effet environ 800 mètres de dénivelé et le massif dans son ensemble
offre une tanche altitudinale de 1100 mètres21. Cette amplitude altitudinale associée à un très
bon modelage offrant toutes les expositions, lui permettent d’offrir une importante diversité
20 Distance minimale de fuite observée, vis-à-vis de ce type d’infrastructure 21 Point le plus bas : 580m, point culiminant (Pic du Cassini) :1680m d’altitude.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
62
de milieux et de conditions climatiques sur une surface réduite (5725ha). Sa proportion en
zone rocheuse et notamment de type « refuge » est assez faible dans le tiers nord du massif. Il
sera nécessaire, par la suite, de recouper cette donnée avec le degré de dérangement du site.
Dans sa partie sud, la proportion et la répartition d’affleurements rocheux (tous types
confondus) paraît convenable.
o Le massif des Gorges de l’Enfer (Cf carte 5)
Figure 26 : Proportion du massif des Gorges de l’Enfer en fonction de la pente
Massif des Gorges de l'Enfer
26,66%
26,78%
35,30%
11,26%
0 à 15 °
15 à 20°
20 à 30°
>30°
Source : BD Topo IGN, 2008
Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 1.1%
La zone « strictement favorable au chamois » ne représente que 470ha de l’entité A sur 950ha
(soit la moitié). Cette faible surface associée à l’absence presque totale d’affleurement
rocheux rend cette entité très peu favorable à l’accueil d’une population de chamois ; tout au
plus quelques individus pourraient la peupler. Le constat est presque le même sur l’entité C où
la zone favorable d’un point de vue topographique, bien que plus étendue, ne représente que
460 ha (sur les 720 que compte l’entité) et où surtout, les affleurements rocheux sont encore
une fois absents (ou presque) ce qui rendrait le chamois très vulnérable à un fort dérangement.
L’analyse des activités humaines sur cette entité aura donc toute son utilité. Seule l’entité B,
semble réellement correspondre aux attentes du chamois. Elle présente en effet, une bonne
proportion et répartition de pentes raides (inclinaison supérieure à 30°), de zones rocheuses de
type « refuge » et de versants rocheux inclinés très utiles en cas de fuite. De plus, elle
présente une variété d’exposition et un fort modelage fournissant au chamois toutes les
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
63
facettes écologiques dont il a besoin au cours d’une année22.Sa surface modeste (900 ha, pour
ce qui est de la zone « strictement favorable ») réduit cependant fortement les chances
d’accueil d’une population d’au moins 50 individus, seuil minimal estimé pour qu’elle soit
viable (Andrello, 2011).
La topographie et surtout la surface que représente les zones dites « strictement favorables »,
compromet donc déjà très fortement les chances de réussite d’une opération de réintroduction.
Les autres caractéristiques écologiques du site, sa tranquillité ainsi que son éventuelle
connexion avec des biotopes proches sont autant de facteurs qui seront déterminants quant
aux réelles chances de succès d’une opération de réintroduction sur ce massif.
o Les Gorges du Tarn (Cf. carte 6)
Figure 27 : Proportion du massif des Gorges du Tarn, rive gauche, en fonction de la pente
Figure 28 : Proportion du massif des Gorges du Tarn, rive droite, en fonction de la pente
Rive gauche des Gorges du Tarn
21,96%
11,12%
21,75%
45,17%0 à 15 °
15 à 20°
20 à 30°
>30°
Rive droite des Gorges du Tarn
23,83%
12,94%
27,36%
35,87%
0 à 15 °
15 à 20°
20 à 30°
>30°
Source: BD Topo IGN, 2008 Source: BD Topo IGN, 2008
Pourcentage de la rive gauche recouverte par les rochers : 11.4%
Pourcentage de la rive droite recouverte par les rochers : 7.34 %
Ce massif, présentant une strate altitudinale allant de 400 à 450m, est dans son ensemble très
satisfaisant au regard de la topographie qu’il présente aussi bien sur sa rive droite que sur
celle de gauche. Chacune présentent respectivement 35,9% et 45,17% de zones dont
l’inclinaison est supérieure à 30° (sur leur surface totale). La surface en affleurements rocheux
est également importante puisqu’elle représente 7,34% de la rive droite et 11,4% de la rive
22 Ombre bien qu’elle soit assez modeste étant donné que l’exposition prédominante est celle du sud, zones rapidement déneigées, etc
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
64
gauche. Ces derniers sont très bien répartis sur l’ensemble des deux rives et remplissent aussi
bien leur rôle de refuge que de « zones de fuite » (éboulis). Une très forte concentration de
rochers du type « refuge » est d’ailleurs notable entre le village des Vignes et celui de la
Malène, aussi bien en rive droite qu’en rive gauche. Les nombreux microreliefs qu’offrent ces
gorges constituent également un atout capital.
Figure 29 : Les gorges du Tarn
Source : FDC 48, 2012
Comme vu précédemment, ce massif, situé à une altitude modeste (entre 400 et 1000 m) est
très rarement recouvert d’un épais manteau neigeux mais en revanche il peut être soumis à des
températures élevées en période estivale. Dans ce contexte, la rive gauche située en ubac et
donc plus à même de fournir des zones fraiches en période estivale, semble la plus adéquate.
La plus forte proportion de zones rocheuses et escarpées, appuie d’ailleurs cette hypothèse.
D’un point de vue purement topographique, ce massif semble donc très favorable à l’accueil
d’une population de chamois avec cependant une légère préférence pour la rive gauche. Afin
de maximiser les chances de succès d’une opération de réintroduction, il est préférable de
réaliser des lâchers sur une même entité et dans ce cadre la rive gauche parait la plus à même
de les accueillir. Cependant, si nous nous basons uniquement sur l’aspect topographique, il y
a de grandes chances que les chamois et notamment les jeunes nés sur place (en phase
d’émancipation), colonisent la rive opposée (Choisy, Com. Pers.).
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
65
o La « Bordure Est du Causse Méjean » (Cf. carte 7)
Figure 30 : Proportion du massif de la bordure est du Causse Méjean en fonction de la pente
Bordure est du Causse Méjean
23,26%
22,58%
33,12%
21,03%
0 à 15 °
15 à 20°
20 à 30°
>30°
Source : BD Topo IGN, 2008
Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 5.12%
Ce massif, présentant une strate altitudinale allant de 400 à 500m, présente une topographie
favorable. Il offre en effet, de nombreux affleurements rocheux (5,12% du massif) remplissant
aussi bien leur fonction de refuge que de « zones de fuite », et très bien répartis. La proportion
de zones dont l’inclinaison est supérieure à 30° (21%) est également très convenable, et une
fois encore, réparties sur l’ensemble du massif. Un modelage peu marqué et une exposition
presque unique (nord-est et surtout est) sont cependant à déplorer sur ce massif constitué d’un
seul versant. Il semble, à cause de cela, moins favorable que les Gorges du Tarn tout du moins
dans sa partie centrale. La jonction de ce massif avec la rive gauche des gorges, où le
continuum est total, constitue une zone, aux expositions variées, certainement très favorable.
Les Gorges du Tarn, avec une préférence pour sa rive gauche dans une optique de
lâchers, et le massif du Cassini apparaissent donc comme les plus favorables sur le plan
topographique. La modeste proportion rocheuse de ce dernier sera cependant à prendre en
compte lors de l’étude du degré de tranquillité du site. La bordure est du Causse Méjean
arrive, quand à elle en troisième position mais doit être avant tout considérée comme un
complément de la rive gauche des Gorges du Tarn. Enfin, les Gorges de l’Enfer, n’offrant
qu’une seule entité vraiment accueillante, semble limitées en surface pour offrir toutes les
chances de succès d’une opération de réintroduction.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
66
b) La végétation : des rôles inégalement remplis selon les massifs
Comme dit précédemment, la végétation doit remplir principalement trois rôles :
-procurer, tout au long de l’année, une alimentation en quantité suffisante et de qualité.
-servir d’abri face aux intempéries et aux fortes chaleurs estivales
- fournir des zones d’hivernages23 lorsque la neige, présente en forte quantité, limite les
déplacements et la disponibilité en ressources alimentaires.
La fonction « alimentation » doit être assurée par la présence d’une végétation herbacée et
secondée par une végétation ligneuse, riche et appétente, lorsque la première fait défaut en
hiver. La fonction « abri » est quand elle assurée par une couverture forestière importante.
Etant donné que les massifs concernés ne sont peu (et jamais dans leur totalité) concernés par
de fortes chutes de neige, l’apport en « zones d’hivernages » ne sera pas étudié.
L’analyse devra donc vérifier que, pour chaque entité, ces deux fonctions soient correctement
remplies et surtout bien réparties : plus elles seront assurées, de manière quasi simultanée, sur
une surface réduite et plus la zone analysée sera favorable.
Les données choisies pour analyser la qualité des milieux sont issues de la classification
Corine Land Cover (2006). Bien que faible, le degré de détail de cette classification est
suffisant pour ce type d’analyse qui s’appuie sur une logique d’habitat et qui ne cherche pas à
connaître et à quantifier avec une extrême précision les différentes espèces végétales peuplant
les massifs. Une refonte de certaines classes jugées, peu pertinentes pour notre étude et dont le
libellé n’était pas toujours très clair, a été faite. Voici les classes retenues :
- Territoires agricoles (hors prairies)
- Prairies
- Forêt de feuillus
- Forets de conifères
- Forets mélangées
- Pelouses et pâturages naturels
- Milieux à végétation arbustive
- Végétation clairsemée ou absente 23 La forêt peut assurer ce rôle, mais elle n’est pas la seule.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
67
La catégorie nommée « Territoire agricoles (hors prairies) » regroupe comme son nom
l’indique l’ensemble des territoires agricoles, c'est-à-dire les terres arables, les cultures
permanentes et les zones dites « agricoles hétérogènes », mais en y excluant les prairies. Ces
dernières sont traitées à part car elles apportent une ressource fourragère importante et utile au
chamois. Le libellé « milieux à végétation arbustive » comprend les catégories Corine Land
Cover « landes et broussailles » et « végétation arbustive en mutation ». Les « pelouses et
pâturages naturels », d’une grande importance dans notre étude, sont également traitées à part.
Afin la classe que nous avons nommé « Végétation clairsemée ou absente » englobe les
« Roches nues », la « Végétation clairsemée » et les « Zones incendiées ».
Vu que la distance de fuite vis-à-vis d’un quelconque dérangement24 est de l’ordre de 150 m,
que les chamois peuvent s’alimenter à quelques centaines de mètres des zones pentues et/ou
rocheuses (Rayé, Choisy, Com. Pers.), et que les plateaux surmontant les 4 massifs sont plus
fréquentés que les zones pentues, il est estimé que les animaux ne devraient pas s’éloigner, à
plus de 300m des zones « strictement favorables » déterminées lors de l’analyse
topographique. Les secteurs concernés par cette analyse comprennent donc ces zones
« strictement favorables » majorées d’une zone tampon de 300m. Afin de réduire le biais de
calcul des surfaces pentues, dû au fait que la classification Corine Land Cover soit réalisée à
partir d’une vue aérienne, un coefficient rectificateur25 égal à 1,2 dans les zones présentant
une pente moyenne de 35° et à 1.1 dans celles ayant une pente moyenne 25° a été appliqué.
L’analyse se décompose en deux approches:
-une première approche globale permettant d’étayer certaines conclusions globales ;
-une deuxième approche cartographique plus précise.
� L’approche globale
Cette approche s’appuie sur une analyse des différents types de végétation présents pour
chaque massif. Voici les grands types de végétation peuplant chaque massif et leur proportion
(exprimée en pourcentage de la surface totale du massif) :
24 Hormis d’un dérangement venu du ciel 25 Se basant sur le théorème de Pythagore.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
68
Figure 31 : Composition de l’habitat du massif du Cassini selon la classification Corine Land
Cover (2006)
Massif du Cassini
2% 3%
12%
25%
26%
30%
2%Territoires agricoles (horsprairies)
Prairies
Pelouses et pâturagesnaturels
Forêts de conifères
Forêts mélangées
Milieux à végétationarbustive
Forêt de feuillus
Source: Corine Land Cover 2006
Figure 32 : Composition de l’habitat du massif des gorges de l’Enfer selon la classification
Corine Land
Massif des Gorges de l'Enfer
4% 4%
8%
11%
15%
17%
41%
Pelouses et pâturagesnaturels
Prairies
Forêt de feuillus
Forêts de conifères
Territoires agricoles(hors prairies)
Milieux à végétationarbustive
Forêts mélangées
Source : Corine Land Cover 2006
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
69
Figure 33 : Composition de l’habitat de la rive droite des gorges du Tarn selon la
classification Corine Land
Rive droite des Gorges du Tarn
1% 6%
7%
12%
13%
13%14%
34%
Prairies
Forets mélangées
Territoires agricoles(hors prairies)
Pelouses et pâturagesnaturels
Forets de conifères
Forêt de feuillus
Végétation clairseméeou absente
Milieux à végétationarbustive
Source: Corine Land Cover 2006
Figure 34: Composition de l’habitat de la rive gauche de gorges du Tarn selon la classification
Corine Land
Rive gauche des Gorges du Tarn
3% 3%
3%
8%
12%
30%
39%
2%
Prairies
Végétation clairsemée ouabsente
Territoires agricoles (horsprairies)
Forêt de feuillus
Pelouses et pâturagesnaturels
Milieux à végétationarbustive
Forêts de conifères
Forêts mélangées
Source : Corine Land Cover 2006
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
70
Figure 35 : Composition de l’habitat du massif de la bordure est du Causse Méjean selon la
classification Corine Land
Massif de la "Bordure Est du Causse Méjean"
3% 3%
8%
9%
11%
31%
34%
1%
Forets de conifères
Territoires agricoles(hors prairies)
Prairies
Végétation clairseméeou absente
Forets mélangées
Forêt de feuillus
Milieux à végétationarbustive
Pelouses et pâturagesnaturels
Source : Corine Land Cover 2006
Les massifs du Cassini et des gorges de l’Enfer présentent une ressource herbagère (prairies et
pâturages naturels) faible puisqu’elle ne représente que respectivement 5 et 8%. Elle est
légèrement supérieure dans les gorges du Tarn où elle s’élève à 13% en rive droite et à 10%
en rive gauche. Cette faible proportion, est quelque peu compensée par une bonne proportion
de forêts mélangées, assez riches en ligneux appétant, et de végétation arbustive qui autorise
souvent un développement en son sein d’une strate herbeuse. La bordure est du Causse
Méjean présente, quant à elle, une proportion en ressource herbagère convenable qui s’élève à
plus de 35%. Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte de la qualité fourragère qui est
certainement meilleure sur le massif du Cassini et dans une moindre mesure sur celui des
Gorges de l’Enfer, au climat plus montagnard et humide que sur les autres massifs plus arides.
Tous les massifs présentent une proportion convenable en forêt assurant ainsi leur rôle d’abri
face aux conditions climatiques y compris la bordure est du Causse Méjean, qui bien que plus
ouverte, est riche en végétation arbustive (31%). Il n’y a, à priori, pas de différences
flagrantes entre les deux rives des Gorges du Tarn : elles remplissent toutes les deux leur
fonction « d’abris » et dans une moindre mesure celle « d’alimentation ». Cependant, la rive
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
71
gauche est plus fermée26 et présente surtout moins de terres agricoles (3% contre 7% en rive
droite) ce qui sera à prendre en compte lors de l’analyse des dégâts potentiels que peut créer le
chamois.
Suite à cette première analyse, le massif le plus favorable au regard de sa végétation et des
fonctions qu’elles remplissent est celui de « la bordure est du Causse Méjean ». Arrive ensuite
les massifs du Cassini et des Gorges du Tarn. Cette approche ne permet pas de les départager.
Enfin, le massif des Gorges l’Enfer semble le moins favorable car il présente une faible
quantité en ressource fourragère
Nous allons donc, à présent, à travers l’approche dite « cartographique », rajouter une
composante primordiale à l’analyse : la répartition spatiale des deux rôles que doit remplir la
végétation.
� L’approche cartographique
Elle s’appuie dans un premier temps, sur la création d’une carte pour chaque massif,
répertoriant les différents types de végétation présents sur les zones concernées (Cf. cartes 7,
8 et 9). Afin de conserver la même logique, les classes de végétation déterminées lors de
l’approche globale sont conservées. Les plantations forestières, généralement peu riches en
ressources alimentaires, ont été rajoutées à la cartographie. Une bande de trois cent mètres
depuis les zones strictement favorables au chamois (pentes supérieures à 25°) a aussi été
respectée27.
Cette représentation cartographique débouche sur une analyse de chaque massif. L’objet de
celle-ci n’est pas de connaître avec précision où les chamois seront de manière très précise à
une période donnée de l’année, mais plutôt de savoir si, sur une même entité géographique28
les fonctions « abri » et « alimentation » sont suffisamment assurées pour accueillir des
densités convenables de chamois et surtout de manière la plus alternée possible (voire
simultanée). Etant donné la surface couverte par certaines entités, elles ont été découpées, en
26 72% de forêts et 12% de végétation arbustive en rive gauche, contre 32% de forêts et 34% de végétation arbustive en rive droite. 27 Cette bande est parfois réduite ou inexistante en raison d’une trop forte proximité des infrastructures routières importantes ou des zones urbanisées. 28 Rappel : l’ensemble des analyses cartographiques raisonnent en terme d’entités. Une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
72
sous-ensembles jugés cohérents et plus proches de la taille d’un domaine vital de chamois.
Afin de qualifier avec précision dans quelle mesure les fonctions « alimentations » et/ou
« abri » sont remplies, un indice de 0 à 4 a été attribué pour chaque sous-ensemble et pour
chaque fonction. L’indice 0 signifie que dans le sous-ensemble concerné la végétation ne
remplit pas du tout son rôle, le 4 au contraire, signifie qu’elle le remplit parfaitement. Cet
indice bien que subjectif, s’appuie sur des données objectives concernant l’alimentation du
chamois ainsi que sur une bonne connaissance des diverses essences forestières peuplant
chaque massif ; plusieurs sorties sur le terrain ont eu lieu à cet effet.
o Le massif du Cassini (Cf. carte 7)
La végétation dite « arbustive » désigne dans ce cas précis les genêts purgatifs (Cytisus
oromediterraneus) qui sont très répandus sur ce massif et qui empêchent le développement
d’une végétation herbacée. Les massifs où le chamois est actuellement présent, n’étant que
peu concernés par cet arbrisseau, aucune donnée concernant son appétence n’a été trouvée.
Appartenant à la famille des légumineuses, il n’est cependant pas impossible qu’il soit
apprécié par le chamois. La végétation herbacée se répartie principalement sur le plateau sous
forme de « pelouses naturelles » et dans le vallon de la Palhères sous forme de prairies.
Tableau 1 : Etude de la végétation du massif du Cassini
Aspects positifs
notables Aspects négatifs
notables Fonction Surface
Sous-ensemble A
-Mosaïque de milieux ; bonne alternance de forêts mélangées, de feuillus et de conifères, de végétation arbustive, de pâturages naturels et de prairies. -Abri assuré.
-Manque de pâturages naturels
Alimentation/abri (Alimentation : 2 Abri : 3)
3031 ha
Sous-ensemble B
-Abri assuré.
-Milieux très fermés et en partie composées de forêts pures
Abri (Alimentation : 1 Abri : 4)
2418 ha
Sous-ensemble C
-Milieux semi-ouverts (arbustifs)
- Forêts pures Alimentation / abri (Alimentation : 3
2497 ha
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
73
permettant le développement d’une végétation herbacée. -Présence de pâturages.
Abri : 3)
Superficie totale du massif : 7946 ha.
La végétation du sous-ensemble B, ne semble pas pouvoir assumer convenablement sa
fonction « alimentation ». Cependant, ces sous-ensembles ne constituent que des limites
fictives et non topographiques. Il est donc très probable que les domaines vitaux des
chamois29 s’étendent en bordure (voire en son cœur) de ce sous-ensemble B pour pouvoir
bénéficier du couvert forestier qu’il apporte, tout en profitant des ressources fourragères des
sous-ensembles périphériques. Un tel couvert à d’ailleurs une importance particulière dans ce
massif de moyenne montagne où le manteau neigeux peut être assez conséquent.
o Le massif des gorges de l’Enfer (Cf. carte 8)
Comme dans le massif du Cassini, les genêts purgatifs (Cytisus oromediterraneus) sont très
répandus et correspondent à la classe « végétation arbustive ». Sur ce massif, les sous-
ensembles sélectionnés correspondent aux limites des trois entités30. Il est donc important que
la végétation de chacun d’eux rassemble simultanément les fonctions « abri » et
« alimentation ».
Tableau 2 : Etude de la végétation du massif des gorges de l’Enfer
Aspects positifs
notables Aspects négatifs
notables Fonction
prédominante Surface
Sous-ensemble A
- Forêts pour la pluparts composées de diverses essences forestières (feuillus et conifères) apportant une ressource
-Absence de pâturages naturels
Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)
945 ha
29 Ayant une taille allant d’une centaine à plusieurs centaines d’hectares. 30 Rappel : une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le Chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
74
alimentaire (ligneux) non négligeable. -Abri assuré.
Sous-ensemble B
-Mosaïque de milieux ; bonne alternance de forêts mélangées, de végétation arbustive, de pâturages naturels et de prairies.
-Proportion non négligeable de genêts purgatifs ;
Alimentation/ abri (Alimentation : 3 Abri : 3)
1182 ha
Sous-ensemble C
-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale.
-Absence de pâturages naturels et de prairies -Présence marquée de plantations (d’épicéas communs) peu riche en ressources alimentaires.
Abri (Alimentation : 0 Abri : 3)
548 ha
Superficie totale du massif: 2666 ha.
Dans ce massif, seule l’entité B d’une modeste surface de 1182 ha, semble réellement propice
(au regard de sa végétation), à l’accueil d’une densité importante de chamois. Les deux autres
entités, ne paraissent pas fournir une ressource alimentaire suffisante pour accueillir des
densités convenables.
o Les gorges du Tarn (Cf. carte 9)
Dans ce massif, la ressource alimentaire est souvent plus abondante en bordure des Causses
que dans les gorges en elles-mêmes où la végétation ligneuse prédomine. Il existe cependant
des variations importantes.
Tableau 3 : Etude de la végétation du massif des gorges du Tarn, rive droite
Aspects positifs
notables Aspects négatifs
notables Fonction
prédominante Surface
Sous-ensemble A
-Prédominance de pelouses naturelles en bordure de plateau. -Forte présence de milieux semi-ouverts (arbustifs) permettant
-Quelques plantations de Pin Noir d’Autriche
Alimentation (Alimentation : 4 Abri : 2 )
2647 ha
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
75
le développement d’une végétation herbacée.
Sous-ensemble B
-Prédominance de terres arables et de prairies en bordure de plateau. -Milieux semi-ouverts et arbustifs (Chênes pubescent) permettant le développement d’une végétation herbacée tout en assurant un abri.
-Absence (ou presque) de pâturages naturels.
Alimentation / Abri (Alimentation : 3 Abri : 3)
2560 ha
Sous-ensemble C
-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale. - Présence de chênaies (chênes pubescents) et de pré-bois assurant une disponibilité alimentaire.
-Absence de pâturages naturels et de prairies, y compris sur le plateau -Présence d’une importante plantation de Pin Noir d’Autriche.
Abri (Alimentation : 2 Abri : 4)
1232 ha
Superficie totale de la rive droite : 6439 ha Cette rive présente dans son ensemble, une bonne alternance de ressource herbagère et de
végétation arbustive assurant ainsi sur n’importe quelle surface d’une ou quelques centaines
d’hectares (taille la plus courante d’un domaine vital de chamois) la double fonction
« alimentation » et « abri ». Le sous ensemble C est cependant trop fermé est semble donc
moins propice à l’accueil d’une forte densité de chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
76
Tableau 4 : Etude de la végétation du massif des gorges du Tarn, rive gauche
Aspects positifs
notables Aspects négatifs
notables Fonction
prédominante Surface
Sous-ensemble A
-Bonne alternance de pâturages naturels, et de landes sur le plateau.
-Quelques plantations de Pins Noirs d’Autriche -Forêts, pour l’essentiel, régulières1 et pures2
Alimentation/ Abri (Alimentation : 2 Abri : 2)
1105 ha
Sous-ensemble B
-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale.
-Prédominances de plantations de Pins Noirs d’Autriche
Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)
1350 ha
Sous-ensemble C
- Répartition équitable (et proportion correcte) de pâturages naturels sur le plateau. -Forêts, pour la plupart, mélangées (feuillus et conifères).
-Milieux ouverts ou semi-ouverts pas assez représentés dans la partie pentue
Alimentation/ Abri (Alimentation : 3 Abri : 4)
2137 ha
Sous-ensemble D
-Forêts, pour la plupart, mélangées (feuillus et conifères) apportant une ressource alimentaire (ligneux) non négligeable.
- Très peu de pâturages naturels et de landes y compris sur le plateau.
Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)
1004 ha
Superficie totale de la rive gauche : 5596 ha. Tout comme sa rive opposée, celle-ci présente dans son ensemble, une bonne alternance de
ressource herbagère et de forêt assurant ainsi sur n’importe quelle surface d’une ou quelques
centaines d’hectares la double fonction « alimentation » et « abri ». Comme pressenti lors de
l’approche globale, il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux rives, mis à part que
la rive droite est plus ouverte que l’autre.
1 Un peuplement régulier ne contient que des arbres ayant des âges et des hauteurs comparables. Il change donc d’aspect dans le temps en passant successivement par les différents stades de croissance. Le chamois a une préférence pour des futaies irrégulières où jeunes. 2 Une forêt pure est une forêt qui ne présente qu’une seule essence forestière.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
77
o La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 10)
Ce massif présentant dans son ensemble, un milieu sensiblement homogène, il n’a pas été
jugé opportun de le découper en sous-ensembles. Une distinction peut cependant être faite
entre la bordure du plateau composé essentiellement de pâturages naturels et la zone pentue.
Cette dernière se constitue d’une mosaïque de milieux alliant forêt et végétation arbustive3
plus ou moins dense permettant le développement d’une strate herbacée, auxquelles viennent
s’ajouter des terrasses herbeuses anciennement cultivées. Ce subtil mélange de végétation
assure donc et presque de façon simultanée les fonctions « abri » (indice 3) et « alimentation »
(indice 4).
� Confrontation des deux approches (globale et cartographique)
Au regard du critère « végétation », le massif de la « bordure est du Causse Méjean »
est donc bel et bien celui qui apparaît le plus favorable car il fournit de façon presque
simultanée un couvert forestier convenable et de bonnes ressources alimentaires qui sont
avant tout fourragères. L’évolution du milieu est cependant à surveiller car ce dernier pourrait
par manque d’entretien se fermer (dans sa partie « piémont »). Il est en effet, en pleine
mutation. Ceci aurait un effet direct sur la quantité des ressources herbagères fournies mais la
forte présence de pâturage naturel en bordure de plateau ne peut remettre totalement en cause
ce classement.
La répartition assez équitable des fonctions « alimentation » et « abri » sur le massif du
Cassini et dans les Gorges du Tarn ne modifie pas les premières conclusions de l’approche
globale. Ces deux massifs arrivent en deuxième position ex aequo et présentent chacun des
avantages et des inconvénients. Du côté des gorges du Tarn, la ressource fourragère est un peu
plus importante et généralement présente toute l’année contrairement au massif du Cassini où
le manteau neigeux peut être conséquent4. Cependant sur ce dernier, la qualité de la ressource
alimentaire est généralement supérieure et en particulier l’été. Ces deux massifs présentent la
particularité de fournir les ressources herbagères essentiellement sur les plateaux sommitaux.
Il sera donc par la suite impératif de veiller à ce que les bordures de ces plateaux, situées à
3 Composée essentiellement de chênes pubescents (Quercus pubescens). 4 Cet argument est cependant à prendre avec précaution car la partie basse du massif située à seulement 600m d’altitude présente généralement des conditions neigeuses clémentes et le vent habituellement important sur les hauteurs permet de maintenir des pelouses non recouvertes de neige.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
78
moins de 300 mètres des zones pentues et rocheuses soient suffisamment peu dérangées pour
permettre aux animaux une alimentation correcte.
Enfin, la conclusion tirée lors l’approche globale concernant le manque de ressource
herbagère sur massif des Gorges de l’Enfer se confirme et s’accentue même : la végétation
herbacée est très mal répartie. Seule une entité sur les trois paraît propice, au regard de sa
végétation, à l’accueil d’une certaine densité de chamois. Cette dernière est, comme vu
précédemment, également propice sur le plan topographique. Ce qui réduit la zone réellement
favorable du massif à seulement 1182 hectares.
Au vu de sa végétation la bordure est du Causse Méjean est donc la plus favorable. Elle est
suivie des massifs du Cassini et des gorges du Tarn. Le massif des gorges de l’Enfer arrive en
dernière position.
c) Un risque de compétition interspécifique faible
Globalement, les massifs du Cassini, des gorges de l’Enfer et de la bordure est du Causse
Méjean ne présentent pas de risques significatifs de compétition alimentaire et spatial en cas
de réintroduction du chamois.
Concernant le massif du Cassini les ongulés sauvages principalement présents sont le sanglier
(Sus scrofa) et le cerf (Cervus elaphus). La présence marquée de milieux rupestres, non ou
peu occupés par ces espèces, constitue une niche écologique vacante pour le chamois.
Les gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean, peuplées de sangliers, ne sont que
peu concernées par le cerf. Comme précisé précédemment, aucune compétition significative
n’a été observée entre le sanglier et le chamois, dans des secteurs en France où les deux
espèces sont densément présentes.
Les gorges du Tarn, ne sont pas concernées par les cerfs qui se cantonnent sur les plateaux.
Elles sont en revanche occupées par le sanglier et le mouflon méditerranéen. L’étude va donc
s’attarder sur ce dernier ongulé, le plus susceptible de rentrer en compétition avec le chamois
car il est, lui aussi, rupestre.
� Le cas du mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) dans les
gorges du Tarn
Le but de cette analyse est de connaître, dans un premier temps, la répartition des mouflons
sur le massif des gorges du Tarn et de savoir, dans un second temps, si, lors des périodes où le
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
79
risque est le plus élevé, la superposition d’une nouvelle espèce est possible sans porter atteinte
aux deux autres espèces (chamois et mouflons). Elle s’appuie sur les tableaux de chasses
annuels, les comptages réalisés par la FDC 48, ainsi que sur les témoignages des techniciens
de la FDC 48 chargés de coordonner la gestion de cette espèce. Elle aboutit sur une
cartographie précise des zones où le risque de compétition est important.
Comme vu précédemment le risque de compétition entre chamois et mouflon est plus élevé en
hiver et au début du printemps. Il est également marqué en période de fort dérangement car
les animaux se concentrent sur des zones refuges. Dans le cas des gorges du Tarn, la période
où ce dérangement est le plus important correspond, selon les techniciens de la FDC 48, à la
saison de chasse5. Celle-ci étant généralement autorisée, à partir de la fin du mois d’août (aux
alentours du 27) jusqu’à fin janvier (aux alentours du 31), la période où le risque de
compétition est le plus fort s’étend donc du début du mois de septembre jusqu’à mi-avril. Une
attention toute particulière devra donc être portée sur cette période.
L’introduction du mouflon a été réalisée à partir de 1966. Elle n’est donc pas récente et, par
ailleurs, nous avons pu constater que les effectifs sont assez stables ces dernières années. Il
semble donc correct d’analyser le risque de compétition chamois/mouflon à partir des
données actuelles qui devraient être représentatives des années à venir.
De nos jours, on distingue deux noyaux de population de mouflons6 : une en aval de Saint
Rome de Dolan (rive droite) et une aux alentours de Sainte Enimie (rive droite et rive
gauche).
En ce qui concerne la population présente sur la zone de Sainte Enimie, elle a toujours été
davantage représentée en rive droite (c'est-à-dire sur le Causse de Sauveterre) qu’en rive
gauche (sur le Causse Méjean). Cependant, une baisse significative du nombre de mouflons
vivant en rive droite a été enregistrée7 lors du comptage réalisé au mois de mars 2012. La
tendance est au contraire à la hausse sur la rive opposée. La pression exercée par le mouflon
sur cette rive, risque dans les années à venir de s’accroître.
5 La chasse la plus pratiquée au sein des gorges est celle en battue à l’aide de chiens courants. Or ce type de chasse est jugé comme le plus gênant vis-à-vis de la faune sauvage. Ceci est d’autant plus vrai dans les gorges du Tarn où les chiens de chasse constituent la principale source de dérangement dans des versants très abruptes, difficilement accessibles et donc très peu fréquentés par l’homme. 6 Et 3 unités de populations. 7 Des cas de prédations encore inexpliqués durant l’hiver 2012 sont à l’origine de cette diminution.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
80
Figure 36 : Evolution interannuelle des résultats des comptages Mouflons en fonction des Causses.
Figure 37 : Evolution du plan de chasse Mouflon sur la population de Ste Enimie.
Source : FDC 48, 2012 La population de St Rome de Dolan est, quant à elle, considérée comme stable depuis 2006. Figure 38 : Evolution interannuelle des résultats des comptages Mouflons de St Rome de Dolan et des Vignes. Figure 39 : Evolution du plan de chasse Mouflon sur la population de St Rome de Dolan
Source : FDC 48, 2012 En dehors de ces deux noyaux, des individus sont parfois observés sur le reste des gorges,
mais de façon sporadique.
Suite à ces constatations, et aux conseils des techniciens de la FDC 48, le risque potentiel de
compétition entre le chamois et le mouflon a été cartographié (Cf. carte 10). Si l’on considère
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
81
les gorges dans leur ensemble, les zones a priori favorables8 au chamois et où le mouflon
exerce peu ou pas de pression9 sur son milieu, sont nombreuses et étendues, et en particulier
sur la rive gauche. Elles représentent en effet, 60 % de la rive droite contre 75 % de la rive
gauche.
Par conséquent, s’il est probable au niveau local, le risque de compétition, dans les gorges
du Tarn, entre le chamois et le mouflon parait très faible à l’échelle globale.
L’implantation d’une population de chamois pourrait entrainer une modification quant à
l’utilisation de l’espace, mais elle ne porterait en aucun cas, atteinte à la dynamique des
populations des deux espèces. Pour les autres massifs étudiés, l’implantation d’une
population de chamois ne devrait pas, entraîner une quelconque compétition avec la faune
sauvage locale.
d) Un premier bilan cartographique
Afin de réaliser un premier bilan écologique, une carte synthétique (pour chaque massif),
déterminant les zones favorables10 à l’accueil d’une population de chamois et celles qui le
sont moins, a été élaborée.
Les facteurs pris en compte sont :
- le degré d’inclinaison des versants et la proportion en affleurements rocheux
- l’exposition (les versants aux expositions diverses étant préférés)
- la végétation.
La faune sauvage peuplant les massifs étant jugée compatible avec l’implantation d’une
population de chamois, elle n’a donc pas été prise en compte dans ce bilan. Pour chaque
ensemble jugé cohérent et pour chaque variable, une note de 1 à 4 a été affectée. Le degré
d’inclinaison des versants et la proportion en affleurement rocheux étant considérés comme le
facteur numéro un pour l’accueil du chamois, ces éléments ont bénéficié d’un coefficient de 2
contre un coefficient 1 pour les autres variables. Une moyenne globale allant de 1 (« peu
favorable ») à 4 (« très favorable) a ensuite été calculée pour chaque sous-ensemble.
Voici dans l’atlas cartographique le résultat de ce travail : Cf. cartes 11, 12 et 13.
8 Les zones à priori favorables sont notées sur la carte 10 comme les zones de présences potentielles du Chamois 9 Y compris en période critique. 10 Du point de vue écologique
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
82
Le massif des gorges du Tarn et du Cassini apparaissent donc comme les plus à même pour
accueillir une population de chamois de par leur topographie mais aussi de par leur
végétation qui remplit aussi bien une fonction « alimentation » qu’« abri ». Au sein de ces
deux massifs et particulièrement pour les gorges du Tarn, une préférence pour les versants
à fort modelage et avec une exposition prédominante au nord, est notée. Ce choix
s’explique par un climat de type méditerranéen où de fortes chaleurs estivales peuvent
sévir. A ce titre, la rive gauche des gorges du Tarn, située en ubac semble beaucoup plus
accueillante que la rive droite.
La bordure est du Causse Méjean, quoique très intéressante et notamment au regard de sa
végétation, ne présente qu’une très faible diversité d’exposition11 et peut être considérée,
plutôt, comme un complément de la rive gauche des gorges du Tarn.
Le massif des gorges de l’Enfer ne présente, comme vu précédemment, qu’une zone d’à
peine plus de 1100ha, jugée12 comme trop petite pour maximiser les chances de succès
d’une opération de réintroduction.
III.1.2 Analyse statistique interrompue
A l’origine, il était prévu de réaliser une étude statistique, dont le but était d’identifier le ou
les massifs lozériens les plus favorables à la réintroduction du chamois. Pour cela, elle devait
s’appuyer sur une Analyse en Composantes Principales (ACP) qui devait permettre, dans un
premier temps, de déterminer quelles variables écologiques étaient jugées comme
indispensables pour l’accueil de fortes densités de chamois. Dans un seconde temps, cette
ACP consistait, suite aux résultats précédents, à comparer les massifs lozériens à des massifs
densément peuplés par le chamois afin de savoir si ces deux ensembles présentaient
sensiblement les mêmes caractéristiques. Si cela avait été le cas, nous aurions alors pu
affirmer que les massifs lozériens étaient favorables à l’accueil de fortes densités de chamois.
Pour plus de cohérence, il avait été décidé d’étudier uniquement des populations de chamois
peuplant des milieux à première vue, similaires aux nôtres.
Après environ une semaine et demi de travail, devant le manque de données récoltées, il a été
décidé de suspendre cette analyse. Certaines de ces données n’existaient pas et leur création
nécessitait trop de temps ce qui risquait de compromettre la suite de l’étude. C’était le cas par
11 Où l’orientation Est prédomine 12 Si l’on se réfère à la taille des différents massifs français accueillant un noyau de plus de 50 chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
83
exemple, de la couche répertoriant les affleurements rocheux des divers milieux étudiés qui
nécessitait plus de 10 jours de travail pour sa création. De plus les résultats peu fiables de
certaines analyses du même type, réalisées pour d’autres études de faisabilité,
n’encourageaient pas à continuer cette ACP.
III.1.3 Avis d’experts
Parallèlement à la démarche basée sur des analyses cartographiques, une consultation
d’experts, à l’échelle nationale, a été réalisée. Le but de celle-ci était de savoir, si les massifs
lozériens sélectionnés étaient favorables ou non, d’un point de vue purement écologique, à
l’accueil d’une population viable de chamois. Afin d’avoir un avis le plus juste et complet
possible, nous avons sollicité un large de personnes les plus diversifiées possibles. Ainsi les
experts contactés étaient sont aussi bien des techniciens de terrain ayant une approche
appliquée que des chercheurs dont l’approche est parfois plus théorique. Tous ont travaillé où
travaillent régulièrement sur le chamois.
Pour répondre au questionnaire qui leur était fourni, les experts avaient à leur disposition (un
exemple est fourni en annexe 3), pour chaque massif :
- une description générale des massifs étudiés, ainsi que le contexte dans lequel se
déroulait l’étude ;
- un scan 100 IGN ;
- une photo aérienne agrémentée de courbes de niveau et de la répartition des
affleurements rocheux ;
- un descriptif des caractéristiques environnementales du massif basé sur les variables
utilisées pour l’analyse cartographique.
Sur 40 personnes ou organismes contactées, 20 ont répondu.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
84
Voici dans le tableau ci-dessous les personnes qui ont participé à cette consultation.
Tableau 5 : Personnes ayant participer à l’avis d’expert
Personne consultée Structure/ statut
M. Giaminardi FDC 83
M. Auliac FDC 73
M. Griffe FDC 11
M. Brillot FDC 88
M. Marquet FDC 15
M. Jean FDC 05
M. Bibal FDC 64
M.Guillot FDC 63
M. Fraty ONF 48 + Ex-responsable ONF de l’école de chasse au sein de la RNCFS1
Mme Lajoie Parc Naturel Régional des Volcans d'Auvergne
M. Michel Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges Responsable du pôle environnement
Mme. Lisbeth Zechner Parc naturel régional du Massif des Bauges (Chargée de mission faune sauvage / Technicienne de la RNCFS)
M. Corti M. Jullien M. Dubray M. Maillard
CNERA Faune de Montagne
M. Bugaud DDT 48 (Responsable de l’unité biodiversité)
M.Gravelat Bureau d’étude ECOTER
M. Nappée Ex-chargé de mission faune au parc national des Cévennes
M. Cochet -Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche ; -Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne - Correspondant et attaché au Muséum National
1 Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
85
d’Histoire Naturelle de Paris
M. Choisy Ex-chargé mission faune du Parc Naturel Régional du Vercors
Mme. Loison CNRS Ecologie Alpine (Grenoble)
M. Noblet - Membre du comité scientifique de la réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors. -Membre de la FRAPNA, LPO et SFEPM
Le résultat global de cette consultation est présenté ci-dessous. Tableau 6 : classement des massifs lozériens par la méthode du dire d’expert
Massifs Jugement des massifs (en pourcentage de réponse)
De la note « pas favorable » (=1) à « très favorable » (=4) 1 2 3 4
Massif du Cassini
5,88 % 23,52 % 41,17 % 29,41 %
Gorges de l’Enfer
35,29 % 47,05 % 17,64 % 0 %
Rive droite des gorges du Tarn
17,65 % 11,76 % 41,18 % 29,41 %
Rive gauche des gorges du Tarn
5,88 % 23,53 % 35,29 % 35,29 %
Bordure est du Causse Méjean
17,65 % 17,65 % 52,94 % 11,77 %
Pour plus de précision et dans l’optique de choisir un lieu préférentiel pour un éventuel lâcher,
il a été demandé aux experts d’analyser séparément la rive droite des gorges du Tarn et la rive
gauche. Il s’avère que plus de 80 % des interrogés jugent plus judicieux de considérer la
« bordure est du Causse Méjean » ainsi que le massif des gorges du Tarn comme une seule et
même entité.
Ce dernier massif (les gorges du Tarn) ainsi que celui du Cassini apparaissent comme les plus
favorables à l’accueil du chamois, avec plus de 70 % d’avis favorables ou très favorables. Au
sein de l’entité « gorges du Tarn / bordure est du Causse Méjean », nous notons une
préférence pour la rive gauche des gorges du Tarn, 35,3 % des experts l’ayant jugé comme
« très favorable » en raison notamment de son exposition dans l’ensemble, nord. Au contraire
la « bordure est du Causse Méjean » ne récolte que 11,8 % des avis « très favorables »
puisqu’elle est considérée par la majorité des experts comme un simple complément des
gorges (et notamment de la rive droite).
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
86
Les gorges de l’Enfer sont en revanche, reléguées en dernière position, avec plus de quatre
cinquième des experts les jugeant comme plutôt favorables ou pas favorables (note 1 et 2). Ce
choix est justifié par un manque de connexion de ce massif, présentant déjà une surface très
réduite, à d’autres biotopes.
La pente, la présence de rochers ainsi que l’exposition des versants sont les autres critères
auxquels les experts se sont le plus attachés pour réaliser cette évaluation.
Les analyses cartographiques nous ont permis d’identifier le massif du Cassini et les
gorges du Tarn comme les plus favorables (ex aequo) d’un point de vue écologique, avec au
sein de ces dernières, une préférence marquée pour la rive gauche car elle est beaucoup
moins soumise aux fortes chaleurs estivales. La bordure est du Causse Méjean est, quant à
elle, considérée comme un complément de la rive gauche des gorges du Tarn. Ces résultats
sont totalement confirmés par la consultation d’experts.
III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini
III.2.1 Une pression cynégétique inégale selon les massifs
En Lozère, la saison de chasse, débute aux alentours fin août et se termine fin janvier.
L’activité cynégétique est donc nulle en période de mise bas (mai et juin) et de lactation du
chamois.
Comme précisé précédemment, la chasse la plus dérangeante pour le chamois est celle
réalisée aux chiens courants. Il n’y a pas de réserve réglementaire de chasse au sein des
massifs étudiés. Il existe cependant certaines réserves « de fait » dans des secteurs si abruptes
qu’ils sont pratiquement inaccessibles. La chasse est donc autorisée sur tous les massifs y
compris sur celui du Cassini, situé en zone cœur du parc national des Cévennes2.
La chasse au sanglier en battue (à l’aide de chiens courants) est celle qui prédomine. Celle au
petit gibier a également un poids important en Lozère mais elle est très peu pratiquée dans les
massifs concernés car trop pentus et accidentés. L’étude de la pression exercée par la chasse
au sanglier constituera donc un indicateur fiable et représentatif quant à la pression
cynégétique auxquels sont soumis les massifs.
2 Le parc national des Cévennes est le seul parc national français dans lequel la chasse est pratiquée, y compris en zone cœur.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
87
Grâce au recueil et au traitement annuel des carnets de battues, la FDC 48 possède les
données exactes concernant le nombre de battues sur une saison de chasse et par communes
ainsi que le nombre de participants à chaque battue. Celles-ci nous ont permis de calculer le
nombre annuel de participants aux battues3. Afin de limiter le biais dû aux fluctuations
annuelles, une moyenne a été calculée sur les quatre dernières saisons de chasse (depuis la
saison 2007/2008) Ce nombre moyen annuel a ensuite été ramené à la surface totale du
massif. Nous obtenons ainsi le coefficient de « Pression Cynégétique » qui désigne le nombre
annuel de participants aux battues par hectare. Il a été calculé par massif mais aussi pour
chaque commune ou parfois pour un groupement de communes lorsqu’il a été jugé plus
logique de s’affranchir de certaines limites communales.
Les communes étant parfois que partiellement inclue dans les limites des massifs, il a fallu
imposer certaines règles. En ce qui concerne le massif des gorges de l’Enfer ainsi que celui
des gorges du Tarn, la chasse au sanglier est essentiellement pratiquée dans les gorges et peu
sur les plateaux. Par conséquent, bien que certaines communes des gorges s’étendent en partie
sur les plateaux, nous sommes partis du principe que toutes les battues qui ont eu lieu ce sont
forcément déroulées dans les massifs étudiés (ou au moins en partie). Concernant les
communes appartenant au massif du Cassini et à celui de la bordure est du Causse Méjean, la
chasse en battue est, en règle générale, répartie plus équitablement : elle peut se dérouler aussi
bien à l’intérieur des limites des massifs qu’à l’extérieur. Dans ce cas, le nombre de
participants aux battues est pondéré par un coefficient « rectificateur ». Ce dernier est égal à la
part de la commune où le chamois peut être potentiellement présent, divisé par la surface
totale de la commune. Cette méthode présente cependant un biais : sur le territoire où le
coefficient rectificateur est appliqué, les battues ne se répartissent pas toujours de manière
totalement homogène ; l’estimation du nombre de battues est donc parfois légèrement biaisé.
3 Un chasseur qui a, par exemple, participé à 3 battues différentes est comptabilisé 3 fois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
88
Voici, ci-dessous, les résultats bruts puis affinés, de cette analyse, pour chaque massif.
� Massif du Cassini
Tableau 7 : Pression cynégétique sur le massif du Cassini
Commune
Nombre annuel moyen (sur 4 ans) de participants aux battues
(pondéré par le coefficient rectificateur)
Superficie de la commune sur le massif
(ha)
Altier 439 1886
Pourcharesse 595 2092
Villefort 93 293
Saint André de Capcèze 315 189
Ponteils-et-Brésis Non renseignées Non renseignées
Concoules Non renseignées Non renseignées
Génolhac Non renseignées Non renseignées
Vialas 1601 2000
Saint Maurice de Ventalon 195 450
L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif du Cassini est égal à 0.468. Figure 40 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif du Cassini
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
89
Le massif du Cassini est bordé par deux « zones de tranquillités » appartenant au Parc
National des Cévennes. Dans ces zones, la chasse au petit gibier est interdite et celle au grand
gibier est autorisée mais pratiquée4 à l’affut où à l’approche. Etant situées en bordure des
secteurs favorables au chamois, elles ne peuvent avoir d’impact significatif sur la pression
cynégétique exercée sur ce massif.
� Massif des gorges de l’Enfer
Tableau 8 : Pression cynégétique sur le massif des gorges de l’Enfer
Commune Nombre annuel moyen (sur 4
ans) de participants aux battues
Superficie de la commune sur le massif
(ha) Saint Léger de Peyre 364 1528
Lachamp 240 1494 L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif des Gorges de l’Enfer est égal à 0.2. Figure 41 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif des gorges de l’Enfer
4 Sauf exception
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
90
� Massif des gorges du Tarn Tableau 9 : Pression cynégétique sur le massif des gorges du Tarn
Commune Nombre annuel moyen (sur 4
ans) de participants aux battues
Superficie de la commune sur le massif (ha)
Le Rozier 0 232
Saint Pierre des Tripiers 266 582
Les Vignes 502 1707
Saint Rome de Dolan 604 196,5
La Malène 458 1390
Saint Georges de Lévejac 309 749
Mas Saint Chély 336 790
Ste Enimie 799 2765
Laval du Tarn 1426 76
Montbrun 244 676
Quezac / Ispagnac 538 2908
L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif des Gorges du Tarn est égal à 0,454.
� Massif de la bordure est du Causse Méjean Tableau 10 : Pression cynégétique sur le massif de la bordure est du Causse Méjean
Commune
Nombre annuel moyen (sur 4 ans) de participants aux battues (pondéré par le coefficient rectificateur)
Superficie de la commune sur le massif (ha)
Florac 248 1073
Saint Laurent de Trève 256,8 329
Vébron 278,5 936
Fraissinet de Fourques 359,1 558
L’indice de « Pression Cynégétique » sur « la bordure est du Causse Méjean » est égal à 0.394.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
91
Figure 42 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif de la bordure est du Causse Méjean
En comparant les « Indices de Pression Cynégétiques » pour chaque massif, nous nous
apercevons donc que le massif des gorges de l’Enfer présente la plus faible pression
cynégétique. Les massifs du Cassini et des gorges du Tarn sont au contraire ceux qui
présentent la plus forte pression. Ces résultats sont cependant à nuancer. Tout d’abord,
concernant les gorges du Tarn, les zones où la pression est la plus forte présentent une
importante proportion en zone refuges ce qui a tendance à réduire le dérangement occasionné
par la chasse. Le constat est le même sur le massif du « Cassini » à la différence que cette
proportion est beaucoup moins importante. Au contraire, dans le massif des Gorges de
l’Enfer, la proportion en zones refuges est très faible, ce qui accroit l’effet perturbateur de la
chasse au chien courant. Enfin, pour ce qui est de la « bordure est du Causse Méjean », la
pression cynégétique relativement faible, couplée à une bonne proportion en zone refuge
place ce massif comme un des plus, voire le plus apte à assurer une certaine tranquillité au
chamois, tout du moins d’un point de vue cynégétique.
Par conséquent, au regard de l’activité cynégétique pratiquée sur les divers biotopes étudiés,
les massifs les plus calmes sont ceux des gorges de l’Enfer et de la bordure est du Causse
Méjean. Arrivent ensuite les gorges du Tarn, dont l’abondance de zones abruptes et rocheuses
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
92
compense une pression cynégétique non négligeable. Le massif du Cassini est considéré
comme le moins tranquille mais cette pression est relative.
Une réduction de la pression cynégétique durant les premières années après un lâcher
augmenterait certainement les chances de succès d’une opération de réintroduction et en
particulier sur le massif du Cassini. Mais, dans tous les cas, cette réduction n’est pas
obligatoire. La pression cynégétique, telle qu’elle est exercée de nos jours, ne peut être
prétexte à l’annulation d’un projet de réintroduction. L’exemple du massif de la Sainte Baume
en est la preuve. Elle peut cependant y participer si elle est couplée à d’autres aspects négatifs
(et notamment en terme de fréquentation humaine).
III.2.2 Les Gorges de l’Enfer et la « bordure est du Causse Méjean » : des massifs peu
fréquentés au regard des activités touristiques et de loisirs
La Lozère étant un département touristique et de pleine nature par excellence, il semble
obligatoire de s’intéresser à cette source de dérangement. Bien qu’importante, la fréquentation
touristique lozérienne n’est cependant pas comparable avec celle de nombreux massifs
montagneux peuplés de chamois et notamment alpins. De plus la fréquentation touristique
n’est généralement qu’estivale.
Rappelons que le vol libre et tout particulièrement le parapente constitue l’activité la plus
dérangeante si la zone est survolée à moins de 600m de haut. De plus, les chiens
accompagnant, les touristes ou les amateurs d’ Activités Physiques de Pleine Nature (APPN),
peuvent s’avérer particulièrement perturbants d’autant plus s’ils ne sont pas en laisse. Les
autres activités linéaires et « prévisibles », comme le canoë-kayak, le canyonisme ou le ski de
fond, qui se traduisent par un flux régulier et où les participants ne peuvent s’éloigner des
itinéraires, sont largement tolérés par le chamois qui finit par s’habituer à ce passage
monotone. Toutes ces composantes doivent être prises en compte dans cette analyse.
Un état des lieux concernant les APNN pratiquées sur les massifs étudiés a était réalisé. Les
organismes contactés pour le compléter sont :
-le Conseil Général de la Lozère ;
-la station du Mas de la Barque ;
-le Comité Départemental du Vol Libre de la Lozère ;
-le club Loz’Air Parapente ;
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
93
-l’Association Marvejolaise d’Escalade,
-la Fédération Départementale de Randonnée Pédestre (Lozère).
Voici les activités pratiquées sur les quatre massifs étudiés.
Tableau 11 : Liste des activités de loisirs pratiquées sur les massifs du Cassini et des Gorges
de l’Enfer.
Activités Massif du Cassini Massif des Gorges de l’Enfer
Randonnées Pédestre GR 72 ; GR 68 PR
Equestre Oui Occasionnel
Escalade Oui Oui
VTT Oui (location VTT au Mas de
la Barque) Oui
Vol libre Non Non
Canyonisme Canyon du Rieutort Non
Course d’orientation/
Géocaching Oui Non
Ski de fond Bordure (Mas de la Barque) Non
Chien de traineau/ Calèche Bordure (Mas de la Barque) Non
Raquette Bordure (Mas de la Barque) Non
Ski alpin/ Ski de randonnée Non Non
Via ferrata Bordure (Villefort) Non
Canoë-Kayak Non Non
Source : Conseil Général de la Lozère, Station du Mas de la Barque, 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
94
Tableau 12 : Liste des activités de loisirs pratiquées sur les massifs du Cassini et des gorges
de l’Enfer l
Activités Massif des Gorges du Tarn Bordure est du Causse
Méjean
Randonnée Pédestre
-GRP Tour du Sauveterre
(bordure)
-GRP Tour du Méjean
(bordure)
-GR 6 (bordure)
-GR 6 A
-GR 60
-GRP Tour du Méjean
(bordure)
Equestre oui Occasionnel
Escalade Oui, réputation mondiale Oui (très faible fréquentation)
VTT Oui Occasionnel
Vol libre Site décollage Parapente Site décollage Parapente
Canyonisme Non Non
Course d’orientation/
Géocaching Non Non
Ski de fond Non Non
Chien de traineau/
Traineau à cheval
Non Non
Raquette Non Non
Ski alpin Non Non
Via ferrata/ Randonnée
verticale/ Via corda
Oui Une via corda encadrée
Canoë-Kayak Oui Non
Source : Conseil Général de la Lozère, Loz’Air Parapente, Association Marvejolaise d’Escalade, mai 2012
Afin de mieux appréhender l’impact possible des différentes activités sur le chamois et surtout
de connaître leur répartition exacte, une carte répertoriant les différentes APPN, les points
touristiques ainsi que les infrastructures routières et chemins a été réalisée pour chaque massif
(Cf. cartes 14, 15 et 16).
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
95
La bordure est du Causse Méjean et le massif des gorges de l’Enfer apparaissent, comme les
moins impactés par les activités touristiques et de loisir. Au contraire les gorges du Tarn et le
massif du Cassini semblent à première vue beaucoup plus fréquentés.
Bien que situé à proximité de Marvejols (5000 habitants), le massif des gorges de l’enfer
apparaît comme très tranquille aussi bien en période estivale que tout au long de l’année (Cf.
carte 15). L’autoroute A75 pourtant en bordure du massif ne peut engendrer un quelconque
dérangement car elle se situe en réalité derrière une ligne de crête. Une route départementale,
peu fréquentée, sillonne le fond des Gorges. Le secteur le plus touristique du massif est celui
du Parc à Loup de Sainte Lucie. Il est cependant situé en bordure du Massif (sur le plateau de
la Margeride) et il ne peut, là encore avoir un impact quant à la tranquillité des gorges car son
accès n’est possible que par une route externe au massif. En ce qui concerne les APPN, seuls
quelques sentiers traversent le massif. Ils sont peu nombreux, assez peu fréquentés car très
pentus, et traversent essentiellement des milieux fermés, ce qui réduit l’impact potentiel des
randonneurs. Enfin, les engins de vol libre ne survolent que très rarement la zone et lorsque
c’est le cas, ils la survolent à une hauteur supérieure à 600 mètre depuis le sol car aucun
atterrissage n’est possible au fond des Gorges5. L’impact du vol libre peut donc être considéré
comme nul.
La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 16) est également peu impactée. Deux routes
seulement traversent la zone. Ce massif présente la particularité de ne pas être habité hormis
en périphérie (Florac, Vébron). Quelques sentiers traversent la zone mais une fois encore, leur
fréquentation est relativement faible. Le sentier « GR de Pays du tour du Causse Méjean »
dont la fréquentation est seulement marquée en période estivale, borde le massif depuis le
plateau. Etant dans la zone cœur du parc national des Cévennes, les chiens accompagnant
éventuellement les randonneurs doivent être obligatoirement en laisse ce qui réduit
considérablement l’impact de cette activité. Enfin, ce GR de Pays est d’autant moins
impactant sur l’activité alimentaire du chamois car, comme précisé précédemment, le massif
présente des ressources alimentaires importantes dans sa partie pentue. Une aire de décollage
de parapente est située sur le causse Méjean en bordure du massif. Le club Loz’Air Parapente
ainsi que le président du Comité Départemental de Vol Libre6 confirment que la fréquentation
de cette aire d’envol est faible en raison de conditions météorologiques qui lui sont souvent
défavorables. Les décollages ont essentiellement lieu l’été et ils restent anecdotiques. Le
5 Source : Olivier Gingembre, membre du Club Loz’Air Parapente (Juin 2012) 6 Claude Donnadieu, juin 2012 ;
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
96
nombre de vols simultanés n’excède jamais la dizaine et est le plus souvent proche du zéro.
La zone survolée à moins de 600 m du sol est le plus souvent réduite, à quelques dizaines
d’hectares car il n’y a, dans cette zone, qu’une seule zone d’atterrissage située sur la
commune de Quézac (Cf carte 16).
Concernant les gorges du Tarn (Cf. carte16), ses deux versants, grâce à leur relief très marqué
et la présence de barres rocheuses dépassant parfois les 100 mètres de haut, ne présentent que
peu d’infrastructures routières et touristiques et échappent ainsi à une forte fréquentation
touristique. Quelques sentiers traversent la zone mais ils restent peu nombreux, très pentus et
donc en majorité peu fréquentés (Ambec7, Com Pers.).
La fréquentation touristique se concentre en réalité au fond des Gorges, où quelques villages
de caractères (Ste Enimie, La Malène, Les Vignes…) reliés par une unique route, voient leur
population tripler en période estivale. Concernant les activités physiques de pleine nature, le
canoë-kayak est l’activité phare. Comme vue précédemment, elle ne peut constituer une
source significative de dérangement. L’escalade rassemble également de nombreux adeptes,
mais les falaises sur lesquelles se pratique l’activité sont, elles aussi au fond des gorges, et une
fois encore les versants pentus favorables au chamois sont épargnés. Cette effervescence
estivale de fond de gorges, n’aurait donc qu’un impact très limité sur le chamois.
Deux sources de dérangement pourraient réellement avoir un impact sur le chamois, mais
elles sont là aussi très limitées dans l’espace et le temps: le vol libre et les sentiers en bordure
du massif, sur les Causses. Une aire de décollage de parapente est en effet présente en
périphérie des Gorges du Tarn : l’aire de Paros (Cf carte 16). Cependant, le nombre de vols
simultanés en été n’excède pas la dizaine et ceci seulement 3 ou 4 jours par an8. Le reste de
l’année, la fréquentation est très faible. De plus, les vols réalisés à moins de 600 m du sol ne
se cantonnent que sur quelques centaines d’hectares (Cf carte 16). Les conditions
aérologiques, et la topographie empêchent, en effet, les adeptes de ce sport de s’aventurer au
sein des gorges, à moins de 600 m du sol. Enfin les GR et GRP longeant les Causses et
dominant les gorges sont raisonnablement parcourus et souvent assez éloignés des zones
potentiellement favorables au chamois. La partie du GR 6 s’étendant sur environ 10
kilomètres et située en aval des Vignes, côté Causse Méjean (à l’extrême sud du massif), est
7 Maurice Ambec : Président de la Fédération Départementale de la Randonnée Pédestre (Lozère), juin 2012 ; 8 Source : Olivier Gingembre, membre du Club Loz’Air Parapente et Claude Donnadieu président du Comité Départemental de Vol Libre (juin 2012) ; Bertrand Burlot : vice président de la fédération nationale de parapente, juin 2012.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
97
la plus prisée. Elle traverse des zones très boisées et escarpées, ce qui réduit, une fois de plus,
considérablement les désagréments possibles engendrés par les randonneurs.
Contrairement aux autres secteurs étudiés, le massif du Cassini (Cf. carte 14) présente la
particularité d’être fréquenté aussi bien en été qu’en hiver. Cependant, sa fréquentation
hivernale est concentrée autour de la station du Mas de la Barque (ski de fond, chien de
traineau, etc.) et ne concerne que très peu, voire pas du tout les zones potentiellement
favorables au chamois.
En période estivale (essentiellement), deux activités peuvent à première vue s’avérer
problématiques : la randonnée pédestre, et le « géocaching ». Le massif recense en effet, deux
GR (le GR 68 et le 72) qui le traversent de long en large. Il n’existe pas de données exactes
concernant la fréquentation réelle de ces GR mais ils ne sont parcourus que pendant la saison
estivale et sont beaucoup moins fréquentés que certains GR historiques traversant le
département comme le Chemin de Stevenson où le chemin de St Jacques de Compostelle9. De
plus, ils évoluent à travers un milieu très fermé. Le « géocaching » est une activité qui
s’apparente à une course d’orientation. Elle consiste à rechercher des « caches » placées au
préalable grâce à un GPS. Elle présente l’inconvénient de pousser ces participants à sortir des
sentiers et donc d’engendrer un dérangement beaucoup plus marqué chez le chamois qui ne
peut s’habituer à cette activité. Il existe actuellement une dizaine de « caches » aux alentours
du Pic Cassini. La station du Mas de la Barque n’a pas été en mesure de nous fournir les
chiffres exacts mais elle assure que la location de GPS (dans le but de participer à cette
activité) est pour l’instant anecdotique. Bien que limité, il semble important de suivre
l’évolution dans les années à venir, de ce loisir qui peut avoir un impact non négligeable sur
l’activité alimentaire du chamois.
Les autres activités estivales sont très limitées. Le VTT par exemple, qui est réglementé par le
Parc National des Cévennes10, est essentiellement pratiqué autour du Mas de la Barque et
donc en dehors de zones favorables à l’accueil du Chamois. La réglementation de la zone
cœur du Parc National des Cévennes interdit également le survol des engins de vol libre à
moins de 1000 mètres du sol.
9 Source : M. Ambec (Président de la Fédération Départementale de la Randonnée Pédestre), juin 2012 ; 10 La circulation des VTT, de la moto ou de la voiture est interdite en zone cœur du Parc, en dehors des voies autorisées.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
98
Le massif du Cassini apparaît donc comme le moins tranquille, au niveau des activités
touristiques et de loisirs. Ce dérangement est toutefois très relatif11 et l’ensemble des activités
telles qu’elles le sont pratiquées actuellement ne peuvent, dans aucun des massifs, remettre en
question un projet de réintroduction du chamois. Les gorges du Tarn qui présentaient, à
première vue, un risque de dérangement important s’avèrent en réalité calmes dans les zones
clés, c’est à dire au sein même des zones favorables au chamois. Enfin, comme pressenti, les
gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean sont les massifs les plus calmes. Bien
que le vol libre demeure une activité très limitée, il faudra tenir compte des zones survolées à
moins de 600 m du sol et éviter d’y envisager un lâcher.
III.2.3 Une activité pastorale réduite sur tous les massifs
L’activité pastorale est très limitée sur l’ensemble des massifs étudiés et d’autant plus dans les
zones favorables aux chamois (pente supérieure à 25°).
A titre d’exemple, les chargements globaux sur l’ensemble du massif du Cassini, caractérisé
par un élevage bovin et ovin, sont de l’ordre de 0.5 à 1 Unité Gros Bétail12 (UGB) par
hectare4. Pour ce qui est des Causses (plateaux surmontant les gorges du Tarn et la bordure est
du Causse Méjean) où l’élevage ovin prédomine, la pression est encore plus faible puisque le
chargement global se situe entre environ 0,15 et 0,2 UGB par hectare13. Concernant le massif
des gorges de l’Enfer, la pression pastorale (essentiellement ovine) est là encore, faible3, mais
il n’a pas été possible de se procurer des chiffres la quantifiant.
Le pastoralisme ne constitue donc pas un obstacle significatif quant à l’implantation d’une
population de chamois.
Le dérangement lié à l’ensemble des activités humaines est, par conséquent, surtout
marqué sur le massif du Cassini où une activité touristique et de loisir assez importante
vient s’ajouter à une pression cynégétique non négligeable. Ce dérangement a un impact
d’autant plus marqué qu’il est difficilement compensé par une abondance d’escarpements
rocheux servant de refuges. Les gorges du Tarn, bien qu’a priori fréquentées, sont en
réalité relativement protégées des activités humaines grâce à leur topographie qui se
caractérise par un continuum de pentes très fortes (inclinaison supérieure à 30°) et la
11 Et la présence dans cette zone, d’un bouc, pendant environ 8 ans en est la preuve. 12 L’Unité de Gros Bétail est une unité utilisée en statistique pour unifier les différentes catégories d’animaux en se basant sur leurs besoins alimentaires. 13 Sources : Chambre d’Agriculture Lozère (COPAGE), 2012
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
99
présence de très nombreuses barres rocheuses rendant certaines zones inaccessibles. Enfin
les gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean sont plutôt épargnées de
l’agitation humaine.
III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs
L’agriculture et la sylviculture occupant une part importante de l’économie Lozérienne, il
est impératif de s’assurer que le chamois ne causera pas d’impacts significatifs sur les
cultures et les forêts de productions.
III.3.1 Des risques de dommages sur les forêts de production plus marqués sur le
massif du Cassini
Dans un contexte de moyenne altitude, où le manteau neigeux ne dépasse rarement les 30
centimètres et où les crêtes sont suffisamment ventées pour éviter une accumulation de neige,
il est probable que l’alimentation du chamois en végétaux ligneux soit largement inférieure à
celle qui peut être constatée à plus haute altitude. Cependant, le manteau neigeux ayant un
effet protecteur sur les jeunes pousses, il est possible que bien que l’abroutissement soit plus
faible, ces jeunes pousses soient plus touchées par des dégâts sylvicoles (Saint Andrieux14,
Com. Pers, juillet 2012).
A l’heure actuelle, il n’existe aucune carte répertoriant toutes les forêts lozériennes qui sont
exploitées de façon certaine. Afin de savoir quels massifs présentent le plus de risque d’être
touchés par les dégâts sylvicoles causés par le chamois, il a donc fallu créer, pour chaque
massif, une carte recensant les forêts susceptibles d’être exploitées. Ces dernières sont celles
gérées par l’Office National des Forêts ainsi que les forêts privées soumises à un Plan Simple
de Gestion15(PSG) ou dotées de Codes de Bonnes Pratiques Sylvicoles (CBPS). Partant du
principe qu’une forêt ne peut pas être exploitée si elle se situe sur une pente d’une inclinaison
supérieure à environ 30° (Loic Molines16, Com.Pers (2012)), les forêts répondant à ce critère
sur la majorité de leur surface ont également été omises de la carte. La délimitation des
massifs, prend en compte les zones « strictement favorables » au chamois (pentes supérieures
14 Christine Saint Andrieux est responsable scientifique du réseau ongulé sauvage à l’ONCFS. 15 Les forêts soumises à un plan simple de gestion ont obligatoirement une superficie de plus de 25 hectares et doivent posséder un document d’aménagement. 16 Ingénieur au Centre Régional de la Propriété Forestière.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
100
à 25° et zones rocheuses) majorées d’une bande de 500 m sur les plateaux où la présence
ponctuelle du chamois est probable.
Voici dans l’atlas cartographique, les cartes 17, 18 et 19 qui présentent les forêts susceptibles
d’être exploitées (c'est-à-dire de production) dans les massifs du Cassini, des gorges de
l’Enfer, des gorges du Tarn et de la bordure Est du Causse Méjean.
Le massif du Cassini présente la plus grande proportion de forêts susceptibles d’être de
production (environ 40 % de la surface totale du massif). C’est donc le massif où les
dommages sylvicoles causés par le chamois risquent d’avoir le plus de conséquences (bien
qu’ils restent relatifs). Les autres massifs sont beaucoup moins concernés par les risques de
dommages et particulièrement la bordure est du causse Méjean.
III.3.2 Un risque de dommage sur les cultures faible mais contrasté selon les massifs
Comme vu précédemment, les impacts que peuvent causer les chamois aux cultures sont
généralement faibles voire inexistants. Nous avons, quand même, tenu à ramener cet aspect au
contexte local en cartographiant les types de cultures présents dans les différents massifs
étudiés (Cf. Cartes 20, 21 et 22). Une première zone tampon depuis les zones dites
« strictement favorables » (pentes supérieures à 25° ou zones rocheuses) au chamois a été
délimitée. La présence régulière du chamois dans cette zone est considérée comme probable.
Afin de prendre le moins de risque possible quant à notre jugement, une zone tampon
supplémentaire de 200 m venant s’ajouter à la première a été dessinée. Il est estimé qu’il est
« assez peu probable » que des chamois fréquentent régulièrement la zone mais cette
fréquence peut varier selon le degré de dérangement de la zone. Il est impossible que des
chamois s’alimentent régulièrement au delà de cette zone, en raison d’un relief trop arrondi ou
parfois même inexistant.
L’analyse de ces trois cartes permet de tirer quelques conclusions. Tout d’abord le massif du
Cassini, la rive gauche des gorges du Tarn et la bordure est du Causse Méjean présentent un
risque faible voire inexistant de dégâts de cultures car l’agriculture y est quasiment inexistante
dans la zone étudiée. La rive droite des gorges du Tarn présente, quant à elle, quelques
cultures céréalières ainsi que des prairies temporaires et permanentes. Sous ce point de vue,
elle paraît donc moins favorable à l’accueil de fortes densités de chamois. Enfin, le massif des
gorges de l’Enfer apparaît comme le plus vulnérable à d’éventuels impacts causés par le
chamois.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
101
Bien que globalement faible, du fait que les chamois ne s’éloignent que peu des
zones pentues17, le risque de dégâts sylvicoles est un peu plus marqué sur le massif du
Cassini tandis que celui vis-à-vis des cultures semble plus important sur la rive droite des
gorges du Tarn. La rive gauche de ces gorges présente peu de risques de dégâts (sylvicoles
ou vis-à-vis des cultures), ce qui légitime une fois encore, le choix de celle-ci, si une
opération de réintroduction devait avoir lieu. Notons que le chamois étant une espèce
chassable, une politique de gestion, élaborée avec l’ensemble des acteurs territoriaux,
visant à n’autoriser l’espèce que sur une rive des gorges du Tarn (ex : la rive gauche)
semble réalisable.
III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion
Afin d’étudier la capacité de diffusion que présentent les massifs étudiés et leur connexion
avec d’autres milieux, une carte à l’échelle du sud du Massif central, répertoriant les biotopes
à première vue favorables au chamois a été élaborée (Cf. carte 23). La détermination de ces
biotopes a été faite au regard de l’inclinaison des pentes qu’ils présentaient et de la présence
d’affleurements rocheux.
Au vu de cette carte, certaines conclusions peuvent être tirées. Tout d’abord, le massif du
Cassini et l’ensemble composé des gorges du Tarn et de la bordure est du Causse Méjean sont
à proximité de vastes biotopes, a priori favorables et bien connectés. Leur pouvoir de
diffusion est donc important et un lâcher à partir d’un de ces deux milieux permettrait sans
doute de coloniser l’ensemble de la zone s’étalant des gorges de la Dourbie au nord des Monts
d’Ardèche soit l’essentiel de la moitié sud du Massif central. Les gorges du Tarn, de par leur
position géographique, leur étendue et leur topographie18 sont d’autant plus favorables à la
diffusion de l’espèce. Si l’opération de réintroduction se concrétise, ces hypothèses
dépendront de la politique de gestion des populations de chamois, définie suite à une
concertation avec les différents acteurs territoriaux (dans une phase ultérieure à cette étude).
En effet, si l’objectif de cette opération et la politique cynégétique qui s’y applique ne vise
qu’à développer une petite population alors la colonisation des autres biotopes sera largement
freinée.
17 Or l’inclinaison de ces zones limite fortement l’agriculture et la sylviculture. 18 Comme l’a prouvée la colonisation du chamois des gorges du Verdon depuis le Haut Verdon, une topographie de type gorge constitue un excellent canal de diffusion.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
102
Le massif des gorges de l’Enfer, en grande partie à l’écart des activités humaines, pourrait
constituer, quant à lui, un biotope intermédiaire entre les gorges du Tarn par exemple (via la
haute vallée du Lot), et les Monts du Cantal. Cependant la présence de l’autoroute A 75 entre
ces deux régions semble compromettre cette hypothèse.
Etant donné l’écologie de l’espèce19, les gorges du Tarn apparaissent comme le
massif le plus à même d’accueillir une population de chamois. Au sein de ces gorges, nous
notons une préférence pour la rive gauche en raison de son exposition à dominante nord
lui assurant ainsi plus de fraîcheur. Cet élément a, en effet, toute son importance sous un
climat à influence méditerranéenne et dans un contexte de « basse altitude ». Les gorges du
Tarn ne présentent qu’un risque réduit d’impact du chamois envers les cultures et les forêts
de productions. Elles apparaissent également comme le massif le plus à même d’enclencher
une colonisation de l’espèce sur l’ensemble de la moitié sud du Massif central. La bordure
est du causse Méjean, de par son manque de diversité d’exposition et du fait qu’elle
présente une continuité totale avec la rive gauche des gorges du Tarn, peut être considérée,
plutôt, comme un complément de celle-ci.
Le massif du Cassini, bien que lui aussi très favorable et notamment d’un point de vue
écologique (ressources alimentaires assez abondantes et de qualités, etc.), est cependant
relégué en deuxième position. Ce choix s’explique par une pression humaine relativement
importante, peu compensée par la présence de zones refuges (escarpements rocheux). Ces
dernières n’étant, en effet, pas équitablement réparties, les chamois risquent20 de se
concentrer sur ces zones qui sont limitées en surface. Le potentiel d’accueil du chamois (en
termes d’effectif) s’en trouverait alors réduit. Le risque de dégâts sylvicoles que présente le
chamois sur ce massif, bien que relativement faible, sera un aspect important à prendre en
compte lors d’une phase de concertation (ultérieure à cette étude) avec l’ensemble des
acteurs territoriaux.
Enfin les gorges de l’Enfer, quoique peu dérangées par les activités humaines, ne semblent
pas favorables à une opération de lâcher. La zone véritablement propice à l’accueil du
chamois ne s’étend que sur un peu plus de 1000 ha ce qui réduit fortement les chances de
succès d’une opération de réintroduction, d’autant plus qu’elle n’est pas directement
connectée avec d’autres biotopes plus importants.
19 C'est-à-dire, ses exigences écologiques, sa tolérance vis-à-vis des activités humaines, et les possibles impacts sylvicoles ou sur les cultures qu’il peut engendrer. 20 Si la pression cynégétique reste la même.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
103
Conclusion
Le chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) a donc bien été présent en Lozère et plus
globalement dans l’ensemble du Massif central. La présence de fossiles dans cette région en
constitue la preuve. L’étude concerne donc la réintroduction d’une espèce autrefois bien
implantée dans le territoire et non l’introduction d’une espèce exotique. Il semble également
qu’une population de chamois ait été présente dans un passé « récent » du côté des gorges du
Tarn au XVIIème et jusqu’au début du XVIIIème siècle. Des doutes existent cependant quant à
l’origine de cette population, il se pourrait en effet qu’elle soit issue de lâchers. Bien que des
individus erratiques soient, depuis une dizaine d’années, régulièrement observés dans le
département, une colonisation à court terme21 depuis les Monts du Cantal ou depuis l’arc alpin
semble difficilement envisageable. Outre ces effets positifs sur la biodiversité et la pertinence
biogéographique du projet, le retour du chamois constituerait un atout important pour
l’activité cynégétique et touristique du département.
La Lozère offre, d’une part des milieux favorables à l’accueil de cette espèce (Rupicapra
rupicapra) et d’autre part, les activités socio-économiques présentes sur ces milieux, sont
compatibles avec cet animal. Cette étude a permis de déterminer le massif des gorges du Tarn
et dans une moindre mesure, celui du Cassini comme des milieux favorables à l’accueil d’une
population de chamois. Le choix entre ces deux entités dépendra de l’objectif visé, sachant
que les chances de succès d’une telle opération sont presque égales sur les deux massifs, avec
cependant une légère préférence pour la rive gauche des gorges du Tarn. Si l’objectif s’insère
dans une approche globale et a pour ambition une recolonisation du sud du Massif Central
alors les gorges du Tarn au potentiel plus important, devraient être visées en premier lieu,
pour une opération de réintroduction.
S’il s’avère que le département présente des milieux favorables à l’accueil du chamois, il
semblerait en revanche, qu’une partie de la population ne soit pour l’instant pas prête, à
accueillir cette espèce22, et ceci pour plusieurs raisons. La première, repose simplement sur le
fait que le chamois est encore associé, dans l’imaginaire collectif, à la haute montagne. Un
21 Dans les décennies qui viennent. 22 Les retombées qui sont survenues à la suite d’une première campagne de communication ont renforcé ce pressentiment.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
104
travail d’information envers le grand public, complémentaire à celui déjà réalisé, devrait
permettre de renverser facilement la tendance. Un deuxième facteur, plus problématique, est
susceptible de fédérer une partie de la population, et notamment des agriculteurs et des
sylviculteurs, contre ce projet : l’acceptation d’un nouvel animal sauvage, alors même que le
contexte actuel local, prône plutôt en défaveur de la faune sauvage. En effet des récentes
attaques de loups sur des troupeaux d’ovins23 ainsi qu’une réticence de plus en plus marquée
envers les vautours24, les sangliers25 et les cervidés26 sont autant d’éléments négatifs pour le
projet de réintroduction du chamois. Un long travail d’information et de concertation avec
l’ensemble des acteurs territoriaux (agriculteurs, monde sylvicole, etc.) est nécessaire pour
éviter qu’un amalgame entre le chamois et d’autres espèces qui sont sources de conflits et
sujets à problèmes, se crée. Enfin il semble également, qu’au sein même des chasseurs, le
projet ne fasse pas l’unanimité et ceci principalement à cause d’un manque d’engouement
pour cette espèce gibier dont la chasse n’est pas ancrée dans les mentalités. Malgré ces
animosités, l’étude et la communication organisée autour de celle-ci, ont permis de soulever la
question du chamois dans ce département, et un certain enthousiasme a pu être observé,
notamment concernant des élus locaux conscients de l’enjeu touristique et cynégétique de
cette espèce. Le conseil général de la Lozère a d’ailleurs apporté son soutien à l’étude et suit
le projet de très près.
Maintenant que l’étude a apporté des certitudes, une seconde phase de communication auprès
du grand public et de concertation de l’ensemble des acteurs territoriaux devrait être
enclenchée. Elle pourrait se traduire, notamment, par la création d’un comité de pilotage ayant
pour ambition, d’une part de fédérer l’ensemble des acteurs autour de ce projet et d’autre part,
de déterminer les axes et objectifs précis quant aux modalités de lâchers et de gestion d’une
population de chamois et au choix du massif. L’expérience de ce type de projet, montre que
cette phase de concertation et de communication est vitale et qu’elle ne doit pas être réalisée
trop rapidement afin de laisser le temps aux mentalités d’évoluer.
23 Survenues lors de la rédaction de cette étude (juillet 20012). 24 Dont certains les suspectent de s’attaquer à des animaux vivant (ovins). 25 Qui créent des dégâts sur les cultures. 26 Qui sont eux, à l’origine de dégâts sur les forêts.
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
105
Table des matières Remerciements ......................................................................................................................... 4
Table des abréviations ............................................................................................................. 5
Sommaire .................................................................................................................................. 6
Introduction .............................................................................................................................. 8
Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du chamois en Lozère ........... 11
I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables .................................... 11
I.1 Réintroduction : retours d’expériences .................................................................. 11
I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil ............................................ 14
I.2.1 Des intérêts écologiques ..................................................................................... 14
I.2.2 Une plus-value touristique ................................................................................... 16
I.2.3 Un plus pour l’activité cynégétique ..................................................................... 17
II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts ....................... 18
II.1 Présentation succincte du chamois ........................................................................ 18
II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne ......................................... 21
II.3 Une bonne capacité d’adaptation .......................................................................... 22
II.3.1 Une plasticité comportementale ......................................................................... 23
II.3.2 Une plasticité alimentaire ................................................................................... 23
II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts ................................................................ 24
II.4.1 Une propension à causer des dommages sur la végétation très réduite .............. 24
II.4.2 Une interaction avec le bétail généralement inoffensive .................................... 25
II.4.3 Le chamois, le plus souvent victime de maladies infectieuses que vecteur ....... 26
III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du chamois .......... 27
III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés .............................. 27
III.2 Le retour du Chamois en Lozère ? ....................................................................... 32
III.2.1 Les preuves d’une présence ancienne ............................................................... 32
III.2.2 Les causes de disparitions sont-elles encore présentes ? ................................... 34
III.2.3 Une présence actuelle, sporadique .................................................................... 35
II.2.4 Un retour spontané à moyen terme est-il possible ? ........................................... 36
II.3.5 Un risque de contact entre le chamois des Alpes et l’isard ? ............................. 37
IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans des projets
de réintroduction ................................................................................................................ 38
Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère
106
Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement accueillants pour le chamois ?
.................................................................................................................................................. 40
I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités humaines ......... 40
I.1 Exigences écologiques ............................................................................................... 40
I.1.1) Nécessité d’un relief tourmenté .......................................................................... 40
I.1.2) Une préférence marquée pour une végétation à double fonctionnalité :
alimentation/abri ........................................................................................................... 42
I.2 Organisation spatiale ................................................................................................ 44
I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages.......................................................... 45
I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines .............................................................. 46
I.4.1 La chasse aux chiens courant : un mode de chasse particulièrement dérangeant 47
I.4.2 Les activités physiques de pleine nature : le vol libre, l’activité la moins tolérée48
I.4.3 Le pastoralisme : une gêne liée au mode de gestion et à la pression pastorale .... 50
II Sélection des massifs étudiés ......................................................................................... 51
II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie ................................................................... 51
II.2 Description générale ................................................................................................ 54
III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif ..................................... 59
III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites 59
III.1.1 Analyse cartographique ..................................................................................... 59
III.1.2 Analyse statistique interrompue ........................................................................ 82
III.1.3 Avis d’experts ................................................................................................... 83
III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini .... 86
III.2.1 Une pression cynégétique inégale selon les massifs ......................................... 86
III.2.2 Les Gorges de l’Enfer et la « bordure est du Causse Méjean » : des massifs peu
fréquentés au regard des activités touristiques et de loisirs ......................................... 92
III.2.3 Une activité pastorale réduite sur tous les massifs ............................................ 98
III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs ............................... 99
III.3.1 Des risques de dommages sur les forêts de production plus marqués sur le
massif du Cassini .......................................................................................................... 99
III.3.2 Un risque de dommage sur les cultures faible mais contrasté selon les massifs
.................................................................................................................................... 100
III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion 101
Conclusion ............................................................................................................................. 103
Table des matières ................................................................................................................ 105
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Bibliographie ......................................................................................................................... 108
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Bibliographie
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