Article Magazine Capital - Spécial Transports - mars 2017

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L.\ l'l\\T\S'l'IQUE l-l lS'l'OIRl1 l)ES'l'll^\\SPOlIl'S SUR TERRE .@ D concil LALOGISTIOUE DU DERilIER ](ILO}IETR= ATOUJOURS ET E UN CASSE.TETE Pour assu rcr l'ultinnc etaee des livralson.s, il faut eI le volur-ne et les villes Un vra e circulatiorr ujourd'huicomme au XIX" siècle, Ia dernière phase d'acheminement d'un produit doit se faire au plus üte. Si la logistique urbaine a beau- coup évolué, elle n'a pas pour au- tant simplifié la tâche des liweurs. Autrefois priülégiés pour faire en- trer la marchandise en ville, le fleuve et le train ont été délaissés au profit de Ia route. Mais les villes se congestionnent et les entrepôts s'éloignent du centre... Pollution inévitable. Vente par correspondance et maintenant e- commerce signifient multiplica- tion de colis. «Cela s'est traduit par une atomisation des fluxqui sont de plus en plus réduits en volume et de plus en plus fréquents», constate Jérôme Libeskind, expert en logis- tique urbaine et consultant chez Logicités. A Paris, on estime que I million de livraisons et enlève- 32 cAptrAL Dossren spÉcrar *N,1ARS-AVRIL 20r7 tt' oe colrs dar^rs défi ments sont ainsi réalisés chaque se- maine. Résultat, «les liwaisons ur- baines représentent selon les évaluations 15 à 20% du trafic mais un quartdu CO, etlamoitié des par- ticules liés au transport», précise Laetitia Dablanc, directrice de re- cherches à I'Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports). Les pouvoirs publics semblent donc vouloir durcir les règles et intetdire notamment la cir- culation des véhicules les plus pol- luants. Les professionnels du sec- teur, largement sous-traité à de petites PME dotées d'un parc de ca- mions vieillissants, doivent donc faire face à de nouvelles contraintes. Difficulté supplémentaire, les règles, décidées par les mairies, sont particulièrement hétérogènss. «Au sein de l'agglomération lyonnaise, par exemple, on a une cinquantaine de réglementations différentes sur les horaires, le poids ou les dimen- sions des véhiculesr, déplore Laetitia Dablanc. F&F#ilffi $trË æË# §4&6,fi"ffiË En plus des forts des Halles, qui déchargeaient les marchandises sur les marchés de gros, des porteurs se chargeaient de la livraison aux particuliers. Pour travailler, ils devaient obtenir une médaille auprès de la préfecture (sorte de licence), qu'ils portaient au bras droit, et une plaque bleue fixée à leur panier. lndépendants, les porteurs des Halles «fournissaient leurs prestations dans un cadre.iuridique très souple, mal adapté au versement des cotisations sociales», notait un rapport du Sénat en 1989. lls étaient 12000 en '1890, payés lO centimes de l'époque par livraison. Parallèlement, les consommateurs deviennent plus exigeants. Plus question d'attendre une journée en- tière Ie passage d'un livreur. On sou- haite récupérer ses achats chez soi dans des délais et des créneaux ré- duits et connus à l'avance. Saufque la livraison aux particuliers de- meure un véritable casse-tête pour les transporteurs. Difficultés de cir- culation et d'accès auximmeubles, présence limitée des destinataires et éparpillement des adresses à Ii- vrer conduisent à de fort taux d'échecs et àune rentabilité réduite. Ainsi, le dernier kilomètre pèse

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L.\ l'l\\T\S'l'IQUE l-l lS'l'OIRl1 l)ES'l'll^\\SPOlIl'SSUR TERRE

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LALOGISTIOUE DUDERilIER ](ILO}IETR=

ATOUJOURS ETEUN CASSE.TETE

Pour assu rcr l'ultinnc etaeedes livralson.s, il faut

eI le volur-neetles villes Un vra

e circulatiorr

ujourd'huicommeau XIX" siècle, Iadernière phased'acheminementd'un produit doitse faire au plus

üte. Si la logistique urbaine a beau-coup évolué, elle n'a pas pour au-tant simplifié la tâche des liweurs.Autrefois priülégiés pour faire en-trer la marchandise en ville, lefleuve et le train ont été délaissés auprofit de Ia route. Mais les villes se

congestionnent et les entrepôtss'éloignent du centre...

Pollution inévitable. Vente parcorrespondance et maintenante- commerce signifient multiplica-tion de colis. «Cela s'est traduit parune atomisation des fluxqui sont deplus en plus réduits en volume et deplus en plus fréquents», constateJérôme Libeskind, expert en logis-tique urbaine et consultant chezLogicités. A Paris, on estime queI million de livraisons et enlève-

32 cAptrAL Dossren spÉcrar *N,1ARS-AVRIL 20r7

tt'oe colrsdar^rsdéfi

ments sont ainsi réalisés chaque se-maine. Résultat, «les liwaisons ur-baines représentent selon lesévaluations 15 à 20% du trafic maisun quartdu CO, etlamoitié des par-ticules liés au transport», préciseLaetitia Dablanc, directrice de re-cherches à I'Ifsttar (Institut françaisdes sciences et technologies destransports). Les pouvoirs publicssemblent donc vouloir durcir lesrègles et intetdire notamment la cir-culation des véhicules les plus pol-luants. Les professionnels du sec-teur, largement sous-traité à depetites PME dotées d'un parc de ca-mions vieillissants, doivent doncfaire face à de nouvelles contraintes.Difficulté supplémentaire, lesrègles, décidées par les mairies, sontparticulièrement hétérogènss. «Ausein de l'agglomération lyonnaise,par exemple, on a une cinquantainede réglementations différentes surles horaires, le poids ou les dimen-sions des véhiculesr, déploreLaetitia Dablanc.

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En plus des forts des Halles, qui

déchargeaient les marchandises surles marchés de gros, des porteurs

se chargeaient de la livraison auxparticuliers. Pour travailler, ils

devaient obtenir une médaille auprèsde la préfecture (sorte de licence),

qu'ils portaient au bras droit, et uneplaque bleue fixée à leur panier.

lndépendants, les porteurs des Halles«fournissaient leurs prestations dans

un cadre.iuridique très souple,mal adapté au versement des

cotisations sociales», notait unrapport du Sénat en 1989. lls étaient12000 en '1890, payés lO centimes

de l'époque par livraison.

Parallèlement, les consommateursdeviennent plus exigeants. Plusquestion d'attendre une journée en-tière Ie passage d'un livreur. On sou-haite récupérer ses achats chez soidans des délais et des créneaux ré-duits et connus à l'avance. Saufquela livraison aux particuliers de-meure un véritable casse-tête pourles transporteurs. Difficultés de cir-culation et d'accès auximmeubles,présence limitée des destinataireset éparpillement des adresses à Ii-vrer conduisent à de fort tauxd'échecs et àune rentabilité réduite.Ainsi, le dernier kilomètre pèse

Travailleurs indépendants, les

coursiers à vélo se chargent de livrerà domicile des plats commandésauprès des restaurateurs. llstransportent en moyenne 3 kilospar livraison. En deux heures de«shift», ils réalisent entre 4 et6 livraisons et parcourent unetrcntaine de kilomètres. lls gagnenten moyenne entre 12 et 15 eurosde l'heure. Difficile d'évaluer leurnombre, beaucoup étant étudiantset travaillant à temps partiel et defaçon ponctuelle. En août 2016, lafermeture du service de livraisonTake Eat Easy aurait laissé 2500coursiel§ sur le carreau en France.

pour près de 20% du cofit total de lachaîne de valeur du transport demarchandises.

Vélos et triporteurs. De leurcôté, les expéditeurs, petits com-merçants ou grands noms de lavente en ligne, ont fait de la liwaisonun argument commercial, parfoisproposée gratuitement. Mais ilslaissent leurs prestataires de trans-port résoudre seuls l'équation liée àla demande pourun service de plusen plus performant et personnalisécouplé à I'aspiration générale pourune ville moins encombrée, moins

bruyante et moins polluée, qui sup-pose au contraire de regrouper lesfluxde marchandises.Certes, à l'instar de Deliveroo ou dufrançais Stuart, plusieurs start-upont pris leur essor en se position-nant sur le créneau des véhiculesnon polluants, vélos ou triporteurs.Grâce à la géolocalisation des Ii-vreurs et à des algorithmes, ellessont en mesure de proposer auxcommerçants un service à Ia de-mande, ultrarapide etpeu coûtetx,soit 6 euros pour un trajet de moinsde 3,5 kilomètres chez Stuart, parexemple. Leur recours à une flotte

de livreurs autoentrepreneursconstitue toutefois un modèle socialcritiqué qui pourrait avoir à sâdap-ter si la loi évolue. Surtout, «ces li-waisons représentent souvent desflux supplémentaires par rapport àce qui existait auparavant», rappelleJérôme Libeskind. Les restaurantsclients de Deliveroo ne proposaientainsi le plus souventpas de lil'raisonavant la mise en place de lâpplica-tion. En dépit de ces innovations, lasolution au casse-tête de la liwaisondu dernier kilomètre est donc loind'être trouvée. O

Marion Perrier

MARS-AVRIL 2OI7 *CAPITAL DOSSIER SPÉCIAL 35

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