Analyse PLF 2013

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ALLEGRE Guillaume 2012/2013 PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 Analyses des mesures fiscales Guillaume

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Analyse des mesures fiscales

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ALLEGRE Guillaume

2012/2013

PROJET DE LOI DE

FINANCES POUR 2013 Analyses des mesures fiscales

Guillaume

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Analyse des mesures fiscales du PLF 2013 – Document édité le 29 octobre 2012 – ALLEGRE Guillaume

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Le projet de loi de finances pour 2013 marque un tournant dans la politique fiscale et budgétaire de la France. En 2013, le Gouvernement Ayrault prévoit de réduire le déficit public de la France en deçà des 3% du produit intérieur brut – PIB. Cet objectif pour être tenu nécessite d’importantes réformes étatiques tant en matière de dépenses que de recettes. A cet effet, ce n’est pas moins de 35 milliards d’euros qu’il faudra trouver pour respecter les engagements précédemment énoncés. Sur ces 35 milliards d’euros, dix d’entre eux seront couverts par une économie sur les dépenses publiques (fonctionnement des ministères notamment). Les 25 milliards restants feront l’objet de réformes fiscales.

Concernant les mesures fiscales envisagées, le Gouvernement a rapidement écarté l’hypothèse d’une augmentation des impôts dits universels (taxe sur la valeur ajoutée et contribution sociale généralisée – CSG). Les efforts se concentreront donc sur les deux principaux impôts contributifs que sont l’impôt sur le revenu – IR et l’impôt sur les sociétés – IS. A ces nouvelles mesures fiscales pour 2013 il faut rajouter les réformes entreprises par l’ancien Gouvernement Fillon qui permettront également d’accroitre les recettes de l’Etat (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, augmentation récente des prélèvements sociaux) ainsi que les mesures liées à la loi sur le financement de la sécurité sociale (augmentation de la taxe sur la bière, hausse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, fiscalité des indemnités de rupture conventionnelle, taxe de 0.15% sur les pensions des retraités imposables, suppression de la déclaration au forfait pour le travail au domicile etc.).

Les mesures fiscales prévues dans le projet de loi de finances pour 2013 se divisent en plusieurs catégories ; celles qui touchent l’impôt sur les sociétés (I), l’impôt sur le revenu (II), le plafonnement des niches fiscales (III), les plus-values (IV) et l’ISF (V).

I – Les mesures fiscales concernant l’impôt sur les sociétés.

En matière de fiscalité des sociétés, on peut identifier quatre grandes réformes figurant dans le projet de loi de finances que le Gouvernement souhaite mettre en application très prochainement.

- D’abord, une mesure qui vise à limiter la possibilité de déduire les charges financières nettes des entreprises. A cet égard, le Gouvernement est parti du postulat suivant ; en France, le taux de l’impôt sur les sociétés est officiellement de 33,33%, mais en réalité, les entreprises cotées ou du moins, celles dotées de ressources suffisantes pour élaborer des montages fiscaux parviennent à éluder l’impôt pour plus sa moitié. Il y avait donc selon le Gouvernement une rupture d’égalité devant l’impôt, d’où la réforme fiscale en matière de déductibilité des charges financières.

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En la matière, le projet de loi de finances instaure ce que l’on pourrait appeler un véritable plafond de déductibilité des charges financières nettes afférentes à l’entreprise. Désormais, une société soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés ne pourra déduire au maximum de son résultat global que 85% de ses charges financières nettes. Attention, la loi de finances entrant en vigueur le 31 décembre 2012, elle frappera donc les exercices sociaux clos à cette date. Par ailleurs, il faut savoir que dès le 1er janvier 2014, ce taux sera revu à la baisse puisqu’il sera alors de 75%.

Notons toutefois en la matière que la loi ne corrige pas l’intégralité des inégalités existantes puisqu’elle offre à la fiscalité des groupes de sociétés un régime dérogatoire. A cet effet, les sociétés membres d’un groupe fiscal au sens de l’article 223 A du Code général des impôts qui vise explicitement le régime d’intégration, se verront certes appliquer le dispositif précité dans les mêmes conditions qu’énoncées précédemment, mais seulement en ce qui concerne les charges financières nettes réalisées lors d’opérations externes au groupe fiscal ainsi constitué.

Ce dispositif plafonnant la déductibilité ne s’applique pas lorsque le total des charges financières nettes de l’entreprise est inférieur à 3 millions d’euros. Autrement dit on voit bien que cette mesure ne vise pas l’entrepreneur lambda mais bel et bien les sociétés d’une certaine envergure.

Fiscalement, cette mesure devrait rapporter à l’Etat 4 milliards d’euros pour 2013 et ce, en sachant que les comptes IS 2012 des sociétés visées par le dispositif sera impacté. D’un point de vue juridique, aucune critique ne semble être opposable au gouvernement et le Conseil constitutionnel ne censurera certainement pas cet article.

- Ensuite, une autre réforme fiscale, toujours en matière d’imposition des entreprises, aura lieu quant au report en avant des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. Petit rappel, à l’heure actuelle et ce depuis la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011, les déficits constatés dans la société sont soumis à une règle de plafonnement quant à leur report en avant : l’article 2 de la loi précitée dispose en effet que l’imputation des déficits antérieurs sur le bénéfice constaté sur l’année N n’est envisageable que dans la limite de 1 million d’euros, avec une majoration de 60% du bénéfice imposable de l’exercice excédant le plafond légal précité. Quant à la temporalité des reports en avant, aucune limite n’a pour le moment été prévue par le législateur ce qui fait qu’un déficit constaté en N – 20 peut très bien être reporté, s’il remplit ces conditions, sur l’année N. Le présent projet de loi de finances pour 2013 a pour objectif de réduire la marge de manœuvre des entreprises en matière de report en avant, non pas quant à la durée qui elle reste illimitée, mais quant au montant de la fraction de déficit non admise en déduction les années précédentes. C’est en ce sens que le Gouvernement a prévu d’abaisser le taux de majoration applicable à la fraction du bénéfice excédant 1 million d’euros. Ce taux passerait de 60% à 50%.

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Fiscalement, cette mesure devrait rapporter au budget de l’Etat environ 1 milliard d’euros.

- Une autre réforme fiscale, plus technique, vise quant à elle le régime des plus-values sur cession de titres de participation. Il y a environ une dizaine d’années, ces plus-values (portant sur des titres de participation détenus depuis au moins 2 ans) faisaient l’objet d’une imposition classique au taux de 19% (plus prélèvements sociaux). Fin 2004, Jean François Copé décida d’amender le projet de loi de finances rectificative pour 2005 en y intégrant ce que l’on a appelé la « niche Copé ». Validé par la Commission des finances du Sénat, le dispositif n’a pas depuis été supprimé même si le Gouvernement Fillon l’a légèrement modifié en 2011 lors du dépôt du projet pour la quatrième loi de finances rectificative pour 2012. Ce dispositif est un cuisant échec et constitue un lourd fardeau pour l’ancienne majorité de l’UMP puisqu’il n’a pas eu les effets escomptés. En effet, élaboré à l’origine pour éviter l’exil fiscal dans des juridictions offshores des sociétés holdings françaises détenant plus de 10% de participation dans leurs filiales, il a eu pour unique conséquence une perte de recettes fiscales pour le budget de l’Etat (en 2009, l’Etat a perdu pas moins de 4 milliards d’euros à cause de la niche Copé, selon les chiffres du Conseil sur les prélèvements obligatoires). Néanmoins pour relativiser cet excès de zèle, il faut savoir que le dispositif Copé prévoyait qu’une quote-part de frais et charges égale à 5% du résultat net des plus-values de cession de titres de participation serait réintégrée dans la détermination du bénéfice. Sous Nicolas Sarkozy, le taux de 5% avait été doublé, passant ainsi à 10%.

La réforme envisagée par l’actuel Gouvernement vise à alourdir l’imposition en modifiant la méthode technique du calcul de la quote-part de frais et charges réintégrée pour la détermination résultat. En effet désormais, la réintégration dans le résultat de la quote-part des frais et charges sera calculée sur le montant brut de la plus-value, et non plus sur le montant net.

Fiscalement, cette mesure sournoise permettrait de rapporter pas moins de 2 milliards d’euros à l’Etat en 2013. Juridiquement, la question se pose tout de même de savoir si la réintégration dans un résultat net d’une fraction d’un montant de plus-value brute ne contrevient pas au principe d’égalité devant l’impôt venant du fait qu’une telle imposition serait contraire aux critères de rationalité et d’objectivité dégagés dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel en 1986, reprise depuis (pour exemple, décision 2012-238 sous forme de QPC rendue le 20 avril 2012). La décision et la motivation de la juridiction suprême sera donc intéressante à suivre sur ce point.

- Enfin, la dernière mesure phare en matière d’imposition sur les sociétés vise la réserve de capitalisation des compagnies d’assurances. Il y a 2 ans de ça, les sommes placées par les entreprises d’assurance sur la réserve de capitalisation ne faisaient l’objet d’aucun prélèvement fiscal, d’où une première réforme par la loi de finances

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du 29 décembre 2010 pour 2011 qui instaura une taxe exceptionnelle de 10% assise sur la réserve de capitalisation. Le problème posé par cette loi était assez évident ; elle n’instaurait aucune taxation supplémentaire sur les reprises des sommes placées sur la réserve de capitalisation par l’entreprise en question. C’est sur ce point que la réforme de Gouvernement Ayrault apportera quelques millions d’euros supplémentaires pour le budget de l’Etat.

En effet, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit qu’une contribution exceptionnelle supplémentaire au taux de 7% frappera les sommes placées sur la réserve de capitalisation (assiette identique d’imposition) ou s’il est inférieur, le montant de la réserve de capitalisation constaté à l’ouverture de l’exercice en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2013 (soit le 31 décembre 2012). Il faut savoir que cette contribution ne sera pas déductible du résultat soumis postérieurement à l’impôt sur les sociétés.

Juridiquement, cette mesure pose un sérieux problème. En effet, le projet de loi de finances pour 2013 dispose que cette contribution supplémentaire est cumulée avec la taxe exceptionnelle de 10% instauré dans la loi de finances 2010 pour 2011. Dès lors et très logiquement, il est évident que le Gouvernement Ayrault souhaite grâce à cette mesure asseoir un complément d’impôt sur des bases déclarées en 2010, se pose alors la question de la rétroactivité de l’impôt instauré. Cette réforme peut-elle entrainer une censure de la part du Conseil constitutionnel ? En la matière, c’est une jurisprudence constante du Conseil depuis 1998 (décision 98-404 DC du 18 décembre 1998) qui conditionne la rétroactivité de la loi fiscale à deux éléments. D’une part, la rétroactivité fiscale est conditionnée par un motif d’intérêt général. D’autre part, la mesure envisagée comme rétroactive ne doit pas créer une situation de rupture d’égalité devant les charges publiques pour les contribuables.

II – Les mesures fiscales concernant l’impôt sur le revenu.

Le 27 septembre dernier, Jean Marc Ayrault déclarait « neuf français sur dix seront épargnés par les hausses d’impôts ». En réalité, ce ne sont pas neuf français sur dix qui vont être épargnés par les hausses d’impôts, ce sont neuf français sur dix qui vont devoir épargner pour payer ces augmentations d’impôts.

Plusieurs mesures seront successivement étudiées.

- D’abord, quelques mots quant à la non revalorisation des tranches du barème, mesure adoptée sous l’ancien Gouvernement Fillon en 2011 (s’appliquant donc pour les revenus de 2012). Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en principe, les tranches du barème de l’impôt sur le revenu subissent chaque année une hausse proportionnelle à l’inflation et ce afin que la base de calcul de l’impôt prennent en compte la hausse des prix qu’ont connu les ménages/consommateurs. Par exemple, si l’on prend la première tranche d’imposition à 0%, celle-ci était de 5.963 euros en 2011 et avec

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revalorisation, elle aurait été de 6.088 euros en 2012. Cependant, la mesure adoptée par le Gouvernement Fillon a pour conséquence de laisser inchangé le barème progressif. Très concrètement, les seuils d’imposition seront les mêmes alors qu’automatiquement en vertu de l’inflation, vos revenus auront augmenté d’environ 2%. Cette mesure de gel du barème est donc très impopulaire, mais le Gouvernement Ayrault a prévu d’en neutraliser, du moins en partie, les effets en revalorisant les décoté, les seuils d’exonération et les abattements en matière de fiscalité directe locale pour les ménages modestes, sous-entendu les classes moyennes et les classes populaires.

En effet, le montant de la décote qui corrige le montant d’IR dû tel qu’il résulte du barème progressif sera revalorisé, passant de 439 à 480 euros soit une revalorisation de 9%. Attention, cette décote ne joue que pour les contribuables entrant dans le barème progressif de l’IR dont le montant de l’imposition qui en résulte est égal au double du montant de la décote soit 960 euros. Par ailleurs, la mesure prévoir de relever identiquement à l’inflation (soit 2% pour 2012) les plafonds de revenus pris en compte pour accorder les exonérations, plafonnements et dégrèvements de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre de 2013. Attention, la revalorisation de la décote ne jouera que pour les revenus perçus en 2013 pour la déclaration 2013, et les mesures relatives à la fiscalité directe locale ne joueront qu’à compter du 1er janvier 2013.

- Ensuite, il faut bien évidemment évoquer la création d’une tranche supplémentaire d’imposition dans le barème de l’IR. Cette nouvelle tranche sera taxée à 45% et vise les personnes ayant des revenus annuels supérieurs à 150.000 euros (par part). En pratique et très concrètement, cette mesure va toucher environ 50.000 foyers qui devront s’acquitter d’une somme plus ou moins égale à 70.000 euros d’impôts supplémentaires. Fiscalement, cette réforme est assez inutile, elle ne rapportera que 320 millions d’euros à l’Etat. Ainsi, l’article 197 – I 1°) du Code général des impôts sera prochainement modifié.

- Dans la continuité de la mesure précédente, on peut également étudier la mesure consistant à instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité. Cette contribution qui n’aura d’exceptionnelle que le nom vise à taxer à 75% les revenus annuels supérieurs à 1 million d’euro. Plus précisément, il convient de diviser le taux de 75% en quatre tranches. En effet, les revenus annuels supérieurs à 1 million d’euros se verront imposer selon quatre taux différents ; d’une part, le taux de 45% que j’ai évoqué précédemment. D’autre part, le taux de la contribution exceptionnelle proprement dite qui est de l’ordre de 4%. Ensuite, il faut y ajouter l’imposition due au titre des prélèvements sociaux soit 8% sur les revenus d’activité, et enfin, une imposition spécifique au taux de 18% pour aboutir au total à la fameuse imposition à 75% souhaitée par le Président de la République.

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Cette taxe est une taxe individuelle autrement dit, dans un couple marié où le mari gagne 1.100.000 € par an et l’épouse 900.000 € annuel, seul l’époux sera concerné. Les revenus pris en compte pour le calcul de l’assiette sont tous les revenus d’origine professionnelle à l’exclusion des revenus du patrimoine. Sur ce point, le choix du Gouvernement semble être objectif et rationnel, ce qui nous laisse croire que le Conseil constitutionnel suivra le pouvoir politique en place et ne sanctionnera pas cette distinction en fonction des revenus. Dans le même sens, on doit remarquer que les revenus exceptionnels sont également exclus de l’assiette d’imposition, par conséquent on pourrait se demander si cette exclusion ne constitue pas une rupture d’égalité devant les charges publiques pour les contribuables.

En principe, et en principe seulement, cette contribution exceptionnelle ne s’appliquera qu’aux revenus de 2012 et 2013. Mais juridiquement, la question se pose d’ores et déjà de savoir si le Conseil constitutionnel ne pourrait pas censurer une telle mesure en se basant plus précisément sur le caractère confiscatoire de l’impôt. En réalité, cela semble très difficile car une jurisprudence constante de la juridiction consiste à laisser une grande marge de manœuvre au législateur pour d’une part, accroitre le nombre de tranches du barème progressif de l’IR, et d’autre part, rehaussé les taux d’imposition pesant sur les revenus afin de dégager de nouvelles recettes fiscales. Par exemple, dans une décision d’aout 2012 (décision n° 2012-654 DC du 9 aout 2012), le Conseil avait refusé de voir dans la contribution exceptionnelle sur la fortune une imposition à caractère confiscatoire au seul motif d’une absence de plafonnement du dispositif. Dans cette décision, le Conseil avait raisonné de manière globale en liant la contribution exceptionnelle sur la fortune à l’impôt de solidarité sur la fortune. La juridiction suprême fait donc masse de l’impôt sur le revenu et de la CSG, des prélèvements sociaux, de l’ISF, de la CRDS. Toutefois, et toujours en ce qui concerne le caractère confiscatoire de l’impôt, on pourra rappeler qu’en 1986, le Conseil constitutionnel avait été saisi d’un litige relatif au cumul « emploi/retraite » (décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986). En l’espèce, le Conseil avait censuré le dispositif envisagé.

- Une autre mesure qui fait parler, c’est l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial. Le quotient familial consiste à diviser le revenu imposable de chaque contribuable en un certain nombre de parts qui est fonction de sa situation de famille (célibataire, marié, Pacsé, séparé, divorcé, veuf etc.) et du nombre de personnes fiscalement considérées comme étant à sa charge (enfants et certaines personnes invalides). Pour l’imposition des revenus de 2011, le plafond de l’avantage en impôt été fixé à 2.336 euros pour chaque demi part additionnelle et 1.168 euros pour chaque quart de part additionnel. Ce plafond est diminué dans le projet de loi de finances pour 2013. Cet abaissement du plafond va toucher environ 1 million de foyers fiscaux, et cela leur coutera environ 500/600 euros en plus. En effet, l’article 197 – II 1°) du Code général des impôts se verra modifié quant au montant de 2.336 euros qui sera alors de seulement 2.000 euros. Notons toutefois que l’avantage lié au montant du plafonnement général des effets du quotient familial accordé en

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vertu de dispositions particulières liées à la qualité du contribuable (par exemple, pour un ancien combattant invalide) est inchangé. Notons aussi que le plafond à 2.336 euros est préservé pour le rattachement d’un enfant majeur au foyer fiscal et en matière de déduction de pensions alimentaires.

Cet abaissement général du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial soulève un problème juridique important. En effet le Préambule à la Constitution du 27 octobre 1946 protège en son article 10 le développement de l’individu et de sa famille, dès lors se poserait la question de savoir si la réforme du dispositif envisagée par le Gouvernement Ayrault est conforme à ce principe. Pour anticiper la réponse de la juridiction suprême à cette question, il faut revenir quelques années en arrière. La loi de finances pour 1982 du 30 décembre 1981 avait été la première à instaurer un plafond des avantages procurés par le système du quotient familial, puis, la loi de financement de la sécurité sociale du 4 décembre 1998 pour 1999 avait à nouveau abaissé ce plafond (au passage, on relèvera qu’à la fois en 1981 et 1998, c’est la gauche qui au pouvoir, a durcit la fiscalité relative au quotient familial). Dans une décision du 18 décembre 1998 (décision n°98-404 DC), le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré l’abaissement du plafond. Il est donc fortement possible que le Conseil maintienne sa jurisprudence et ne censure pas ce nouvel abaissement pour 2013.

- Une autre mesure qui va faire parler d’elle, c’est la barémisation des dividendes et des produits de placement à revenu fixe. Concrètement, il faut savoir que la notion de barémisation consiste à soumettre des revenus jusqu’alors imposés à des taux proportionnels à une imposition progressive : celle déclinant du barème de l’IR. Il faut savoir que jusqu’à maintenant, les dividendes pouvaient faire l’objet d’un prélèvement forfaitaire libératoire – PFL – lequel est passé depuis la loi de finances rectificative de 2011 pour 2012 de 19% à 21%. L’option pour ce PFL entrainait de facto pour le contribuable la perte de tous les avantages résultant du régime de droit commun de l’imposition des dividendes à savoir, un abattement général de 40% sur la valeur brute, un abattement spécial de 3.050 € pour un couple marié ou Pacsé, de 1.525 € pour un célibataire et la déduction pour l’année suivant celle d’imposition d’une partie de la CSG soit 5.8% des dividendes. Très concrètement, l’option pour le PFL était plutôt intéressante pour les « gros » contribuables, ceux déjà taxés à la tranche maximale de l’IR soit 41% (45% si l’on raisonne en 2013). Quoi qu’il en soit désormais, cette option est révoquée, le PFL n’existera plus. En outre, il faut noter dès lors, que si l’abattement général de 40% sur le montant brut des dividendes n’est pas pour l’instant modifié, l’abattement spécial lui, de 1.525 ou 3.050 € est purement balayé par le projet de loi de finances. En contrepartie de ces inconvénients, il faut bien reconnaitre au Gouvernement l’intelligence de ne pas avoir supprimé l’option pour le PFL en matière d’assurance vie ou de bons anonymes et à l’épargne solidaire, c’est ainsi que les petits contribuables ne seront pas touchés par la mesure. Enfin, il faut savoir que la déduction de CSG en N +1 ne sera plus de 5.8% mais de 5.1%.

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La suppression de l’option pour le PFL s’ajoute à l’instauration d’un acompte prélevé à la source dès 2013 pour les ménages dont le revenu fiscal de référence sera supérieur à 50.000 €. Cet acompte suit le taux de l’ancien PFL (21%) pour les dividendes, mais sera majoré à 24% pour les intérêts.

Fiscalement, cette mesure est relativement importante puisque le Gouvernement envisage des recettes fiscales pour un montant de 2 milliards d’euros supplémentaires. Encore une fois juridiquement, on peut se poser la question de savoir si ce dispositif à caractère rétroactif (les revenus versés sous forme de dividendes en 2012 seront touchés, s’il le faut un crédit d’impôt sera accordé) est d’intérêt général. Le Conseil constitutionnel ne censurera sûrement pas cette disposition mais cela semble fortement critiquable.

- Toujours dans cette logique, une autre mesure vise à barémiser cette fois ci non pas les dividendes mais les gains de cession de valeurs mobilières de placement – VMP. Dans la même logique que pour les dividendes, il faut savoir que ces cessions font aujourd’hui l’objet d’une imposition à 19%, à laquelle s’ajoutent 15.5% de prélèvements sociaux. A cet effet, la barémisation des cessions de VMP rapportera environ 1 milliard d’euros au budget de l’Etat. Cette réforme, identique sur la forme à celle des dividendes, vise à rapprocher dans un souhait de justice sociale la fiscalité des revenus du travail de celle qui touche les revenus du capital. Le taux d’imposition forfaitaire jusqu’alors applicable est supprimé pour les cessions de VMP, OPCVM de capitalisation ou de distribution, titres de sociétés à prépondérance immobilières mais soumises à l’IS acquis en 2003 etc. Cependant et contrairement à la barémisation connue en matière de dividendes, l’imposition progressive que connaitront les cessions de VMP et autres droits sociaux des particuliers sera atténuée par deux dispositifs.

D’une part, un système de quotient variable en fonction de la durée de détention des titres concernés (durée comprise entre 2 et 4 ans, ou durée de détention supérieure à 4 ans). D’autre part, l’instauration d’un abattement au taux proportionnel, progressif en fonction de la durée de détention comme connait actuellement le régime des plus-values immobilières des particuliers ; abattement de 5% pour une durée de détention inférieur à 4 ans, 10% pour une durée comprise entre 4 et 6 ans, et 5% en plus chaque année à compter de la sixième jusqu’à la douzième. Attention et c’est là le piège du Gouvernement, le point de départ de la durée de détention pour les titres acquis avant le 1er janvier 2013 n’est pas la date l’acquisition des titres mais le 1er janvier 2013.

Autrement dit, pour des titres acquis en 1990, la durée de détention commencera à courir dès le 1er janvier 2013. En revanche pour les titres acquis postérieurement à cette date, ce sera le système classique qui s’appliquera (date de souscription ou

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d’acquisition). Autrement dit, l’angle possible d’attaque de la réforme est tout trouvé ; le fait de distinguer les contribuables selon la date d’acquisition des titres n’est-il pas contraire au principe d’égalité devant l’impôt ? Ce principe découle directement de l’article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et il est protégé par le Conseil constitutionnel, pour exemple une décision de 2000 portant sur une loi de finances rectificative pour 2001 (décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000). De là est-ce à dire que le Conseil sanctionnera cette disposition en y voyant une discrimination des contribuables en fonction de la date d’acquisition ou de souscription des titres objets du litige…

- l’article 7 de la loi de finances pour 2013 vise une autre mesure intéressante ; la barémisation des gains de levées d’options sur action et des attributions d’actions gratuites. Cette mesure ne rapportera que 45 millions d’euros au budget de l’Etat en 2013, elle ne peut donc se justifier par référence à des critères économiques, mais plus encore, elle ne saurait être justifiée par référence à des critères sociaux ou idéologiques puisqu’elle tend tout simplement à taxer au titre du barème de l’IR les gains de nature salariale constatés en matière d’actionnariat salarié. Comme pour les dividendes et les VMP, les taux d’imposition forfaitaire seront également supprimés en la matière. De la même façon, un quotient permettra de lisser et d’atténuer la progressivité de l’IR, cette fois sans condition de montant mais avec une condition de durée ; 4 ans de détention minimum. La CSG ou du moins une partie, 5.1% sans doute, sera déductible.

III – Les mesures relatives au plafonnement des niches fiscales.

Théoriquement, la niche fiscale est une lacune du législateur en matière de fiscalité qui permet à certains contribuables d’échapper à l’impôt sans pour autant être en infraction. A l’heure actuelle, les réductions ou crédits d’impôts sont plafonnés à 18.000 euros + 4% du revenu imposable pour 2012 (6% pour les revenus de 2011) et ce pour chaque foyer fiscal (et non par personne). Ce plafonnement vise une très grande partie de niches fiscales ; l’amortissement dit « amortissement Robien », les travaux de grosses réparations du nu propriétaire, intérêts des prêts étudiants, dividendes d’actions etc. Pour 2013, le gouvernement envisage d’abaisse le plafond à 10.000 euros par foyer fiscal et sans y ajouter les 4% du revenu imposable. Cependant, certaines niches fiscales ne rentreront pas dans ce nouveau dispositif ; les Sofica (société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) et le dispositif Malraux. Les particuliers qui acquièrent des parts de Sofica pourront donc bénéficier de réduction de 36 voire 43% d’impôts sur leur montant d’investissement. Même solution pour le dispositif Malraux qui s’applique quant à lui aux particuliers qui acquièrent des bâtiments historiques, les remettent en état et les louent pendant au moins 9 ans.

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IV – Les mesures fiscales concernant le régime des plus-values immobilières des particuliers.

Le domaine de l’immobilier est toujours sensible pour le pouvoir politique en place, d’autant plus en période de crise lorsque la demande en logements est grande alors que l’offre elle, tend à reculer. A cet égard, le raisonnement des pouvoirs publics s’est centré sur le régime applicable à la cession d’immeubles et plus précisément, à l’imposition à laquelle elles donnent lieu lorsqu’il y a réalisation d’une plus-value.

Actuellement, les plus-values réalisées par les particuliers à l’occasion de la cession de biens immobiliers sont soumises à l’IR au taux de 19%, à quoi s’ajoutent les prélèvements sociaux de 15.5%. le champ d’application de l’imposition des plus-value se trouve substantiellement réduit par un certain nombre d’exonérations (résidence principale, bien détenu depuis plus de 15 ans, remembrement de propriété, retraités ou invalides de condition modeste etc.).

La plus-value imposable est constituée par la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien. Lorsque la vente porte sur un immeuble détenu depuis plus de 5 ans, la plus-value est diminuée d’un abattement dit « pour durée de détention ». La plus-value est également diminuée d’un abattement fixe.

La réforme du Gouvernement Ayrault vise le régime des abattements ; aujourd’hui, lorsque l’immeuble cédé est détenu depuis au moins 5 ans, le montant de la plus-value imposable est diminué de 10% par année de possession de l’immeuble au-delà de la cinquième année (pour les ventes consenties avant le 1er février 2012). Ce régime avait déjà été substantiellement modifié sous le Gouvernement Fillon qui avait réduit l’abattement à 2% par année au-delà de la cinquième année de détention, puis instauré une progressivité dans le montant de l’abattement, pour une exonération totale seulement au-delà de la trentième année.

Le Gouvernement Ayrault va plus loin. En matière de terrains à bâtir, il veut supprimer l’abattement pour durée de détention de l’immeuble. Le raisonnement est acceptable et compréhensible, puisqu’il est bien évident qu’un propriétaire foncier qui voit son imposition diminuer proportionnellement à la détention du terrain n’est guère incité à le vendre immédiatement, et donc, ralentit le marché de l’immobilier et frein l’offre de nouveaux logements. Par ailleurs, il faut savoir qu’en 2015, les plus-values immobilières subiront le même sort que les dividendes cette année ; elles seront soumises au barème de l’IR et donc, il en sera fini du taux forfaitaire de 19%. Pour le moment, la suppression de l’abattement pour durée de détention en ce qui concerne les terrains bâtis n’est pas à l’ordre du jour.

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Analyse des mesures fiscales du PLF 2013 – Document édité le 29 octobre 2012 – ALLEGRE Guillaume

V – Les mesures fiscales concernant l’impôt de solidarité sur la fortune.

Dans le cadre de la première loi de finances pour 2011, l’ISF a été allégé par la substitution au barème progressif d’un barème à deux taux d’imposition ; 0.25 et 0.50%, et ce applicable au premier euro au-delà d’un patrimoine au-delà de 1.300.000 euros.

C’est ainsi que le Gouvernement Ayrault entend modifier ce système. D’abord, concernant l’assiette de l’ISF, celle-ci restera inchangée pour 2013 ce qui peut paraitre regrettable, lorsqu’on sait par exemple, qu’y échappent notamment les biens professionnels, les droits de propriété littéraire et artistiques, les GFA etc.

Pour ce qui est du taux, le Gouvernement Ayrault entend revenir à l’ancien dispositif avec pas moins de six tranches entre 0.50 et 1.50% d’imposition. En revanche, pour atténuer l’effet de seuil, un mécanisme de décote sera mis en place pour les patrimoines nets taxables compris entre 1.310.000 € et 1.410.000 €. Cela permettra de leur réduire de moitié le montant de l’impôt dû.

Enfin en matière d’ISF, le gouvernement a prévu de rétablir le plafonnement à 75%, plafonnement qui avait été supprimé sous le Gouvernement Fillon. Le calcul du plafonnement est très complexe, consistant à diviser au numérateur les impôts par au dénominateur, les revenus perçus. En matière de revenus perçus, le nouveau gouvernement va élargir le champ d’application matériel en y ajoutant les revenus non disponibles comme par exemple les intérêts d’un PEL, les bénéfices distribuables lorsque la personne détient plus de 25% de capital dans la société, les plus-values latentes etc.