Waito rapport 2011: le Crime Contrefacon, un enjeu majeur

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Le rapport 2011 de la Fondation WAITO est devenu une référence internationale dans la lutte contre le crime organisé et les contrefaçons dangereuses (Crime-contrefaçon©) portant atteinte à la stabilité des Etats et à la sécurité de leur population, ainsi que pour les industries qui ont la lourde responsabilité de garantir la protection, la sécurité et la santé des consommateurs.Après trois mois de diffusion sur les réseaux spécialisés, dorénavant le rapport est mis à disposition gratuitement dans le domaine publicContribuez à la lutte anti contrefaçon:http://www.waitofoundation.org'La contrefaçon n'est pas qu'une question de volume de saisies ou de fiscalité. C'est aussi un enjeu majeur pour la protection des citoyens consommateurs et la stabilité des Etats''L'enjeu n'est pas mince, ce n'est rien moins que la protection des consommateurs et leur santé ainsi que la sauvegarde de nos démocraties.'Pierre DELVAL Membre Fondateur Directeur Général de WAITO Foundation

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  • 2. 2 IF2C Rapport 2011 Rdaction : WAITO Foundation, Villa Sise, Ch. Grand-Montfleury 48, 1290 Versoix, Switzerland Tel. 00.41.22.566.87.30 ; Fax. 00.41.22.566.87.40. Prsident : Chemavon CHAHBAZIAN Directeur gnral et Rdacteur en chef : Pierre DELVAL Conseillers : Alain BAUER et Xavier RAUFER Relations extrieures : Laurent ULMANN Coordination : Frdric HAHN Coordination technique : Nicole AGHROUM Traductions : Esther BARRETT Comit des experts : Alain BAUER, Professeur de criminologie au Conservatoire national des Arts et Mtiers (Paris), New-York et Pkin, Membre du Conseil et Prsident du Comit dthique et de dontologie de la Fondation WAITO. Ghazi BEN TOUNES, Economiste, Membre du Conseil de la Fondation WAITO, Directeur du Bureau WAITO de Tunis et Vice-Prsident de la Fondation pour les Affaires publiques du Monde arabe. Pierre DELVAL, Criminologue et Criminaliste, Directeur gnral de la Fondation WAITO. Pierre KOPYLOV, Expert en statistiques de masse. Bernard MARQUET, Dput mongasque lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope et rapporteur de la Convention MEDICRIME. Prsident de la Commission de LEnvironnement et du Cadre de Vie du Conseil National de la Principaut de Monaco. Membre du Conseil de la Fondation WAITO. Kunio MIKURIYA, Secrtaire gnral de lOrganisation mondiale des douanes (OMD). Marco MUSUMECI, Coordinateur de programmes UNICRI, Membre du Conseil de la Fondation WAITO. Eric PRZYSWA, Expert en Cybercriminalit, animateur du blog Risk05. Xavier RAUFER, Criminologue, Responsable des tudes et recherches au MCC de lUniversit Panthon- Assas Paris II, Prsident du Comit scientifique de la Fondation WAITO. Pau ROCA, Secrtaire gnral de la Federacin Espaola del Vino. Michle RUDLER, Professeur mrite des universits, Docteur en pharmacie, notamment ancien Directeur du Laboratoire de Police Scientifique de Paris. Christophe ZIMMERMANN, Coordinateur pour la lutte anti-contrefaon lOrganisation mondiale des douanes (OMD) Directeur de la publication : Pierre DELVAL www.waitofoundation.org (Responsable du site : Nicole Aghroum)
  • 3. 3 Le crime-contrefaon Un enjeu majeur Rapport 2011
  • 4. 4 Remerciements La Fondation WAITO souhaite adresser tous ses remerciements aux organisations publiques et prives, europennes et internationales, qui nous ont apport leur aide et leur contribution llaboration de ce rapport. Nous souhaiterions remercier tout particulirement : LORGANISATION MONDIALE DES DOUANES (OMD WCO) L UNITED NATIONS INTERREGIONAL CRIME AND JUSTICE RESEARCH (UNICRI) LE DEPARTEMENT DE RECHERCHE SUR LES MENACES CRIMINELLES CONTEMPORAINES (MCC) DE LUNIVERSITE PANTHEON ASSAS PARIS II LA FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT (FFB) La totalit des fonds issus de la vente du prsent rapport sera intgralement alloue au fonctionnement de lInternational Forum on Counterfeiting-crime (IF2C).
  • 5. 5 Prface (par Alain Bauer) Longtemps on a cru que la contrefaon ntait quun problme de protection des marques, notamment dans le secteur du luxe. Puis vint le temps o la question du droit dauteur et de la redevance des marques fut dpasse par les problmatiques de sant et de scurit publique. Faux mdicaments, fausses cigarettes, fausses pices davion, faux connecteurs lectriques, faux biberons, firent leur apparition, crant de nouveaux risques de socit. La contrefaon nest pas quune question de volume de saisies ou de fiscalit. Cest aussi un enjeu majeur pour la protection des citoyens consommateurs et la stabilit des Etats. Il fallait donc se donner enfin les moyens danalyser ces problmatiques en sortant de la confusion, notamment statistique, sur les questions poses. Trois problmatiques doivent tre abordes sparment : le vrai-faux, le faux-vrai et le faux-faux. Longtemps, elles ont t dsignes sous des appellations souvent confuses en les intgrant sans discernement aux infractions de contrebande, de contrefaon et de fraude. Dlit ou crime, telle est la vraie question ! Pour les criminologues que nous sommes, afin dviter toute ambigut, ces problmatiques mritent des dfinitions simples et claires : - Le vrai-faux : un problme fiscal de dtournement de vrais produits sur des filires qui facilitent laugmentation du chiffre daffaires perdu ailleurs, et sans payer la taxe. Certains titulaires de droits en sont complices. - Le faux-vrai : un produit conforme techniquement, fabriqu par une entreprise qui nen a ni les droits ni les brevets, qui fait du gnrique clandestin pour les mdicaments ou qui utilise une marque usurpe, mais qui ne met pas en danger le consommateur. L, cest un problme de protection du droit de proprit intellectuelle et datteinte aux intrts des titulaires de droits. Certains Etats en sont complices. - Le faux-faux : Le plus dangereux, qui atteint bien plus la scurit du consommateur et la sant publique que la recette fiscale ou les intrts du titulaire de droits, et qui est un enjeu majeur de socit. Le professeur Gentilini expliquait dans la revue Dossiers Europens de mai 2010 quun cinquime des malades quil traitait en Afrique ltait parce quil avait pris des mdicaments falsifis. Le crime organis en est le principal pourvoyeur. La Fondation WAITO caractrise cette problmatique sous le terme de Crime-contrefaon. Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 6. 6 La construction dune coalition dintrts sur la sant publique et la scurit des citoyens consommateurs est donc un enjeu majeur. Il y a dans cette logique du contrle le besoin de dvelopper et de mettre en place des outils et dispositifs qui soient la fois la charge du producteur, parce que cest son intrt, mais sous le contrle des autorits publiques, parce que cest une ncessit. Il y a notamment sur lensemble des questions de sant publique et de scurit collective, des objectifs de stabilit politique, conomique et socitale qui imposent la construction de ces outils, mais aussi la ncessit de sauvegarde du droit rgalien et de protection de la responsabilit pnale des titulaires de droits. Outils juridiques dissuasifs videmment et efficaces surtout. Mais galement outils techniques prventifs, capables dapporter les preuves incontestables de la bonne ou mauvaise foi du fabricant. Ainsi, par exemple, Il est temps dlaborer une base de donnes communautaire fiable, capable danticiper les tendances des contrefaons au niveau international et rgional et de prendre temps les dispositions qui simposent, notamment par la mise en uvre de politiques prventives et dissuasives adaptes. Il est temps galement de raliser un cahier des charges publique europen et/ou mondial capable de fixer les caractristiques de linstrument qui est indispensable lidentification du lieu de production, marquant produit par produit, paquet par paquet, quel que soit son contenu, ainsi que le march de destination, en prenant soin que cet instrument soit visible et lisible. Je pense au tabac, mais pas seulement, ou la pharmacie, dans les officines, mais aussi chez des revendeurs. Ces nouvelles tapes ncessitent aussi une douane judiciaire encore plus quipe, plus dote, disposant daccs des fichiers nouveaux et des lments permettant de garantir la scurit des agents en intervention. videmment, ceci demande un meilleur ciblage, do la ncessit du dclement prcoce voqu prcdemment. La dmonstration en a t faite et plusieurs reprises rappele depuis le 11 septembre : il faut passer, l aussi, du prt--porter au sur mesure. Tout quiper, tout contrler ne sert rien sil nest pas correctement adapt dans une dmarche collgiale. Trop de contrle incohrent tue le contrle. De ce point de vue l, lefficacit du dispositif est importante. Il faut donc arriver construire ensemble, public et priv, en mettant de ct les intrts et les querelles personnels. La crise qui est un booster du crime - car le crime nest pas en rcession, il le dmontre tous les jours - a montr que les tats devaient retrouver leur rle proactif de rgulateur et de punisseur, quils ne sont plus des partenaires comme dautres, mais ceux qui donnent les instructions et qui coutent et qui finalement dcident. Cette rhabilitation du service public est un enjeu majeur pour un service comme la douane, qui en a toujours dfendu les valeurs avec une remarquable dtermination, mais aussi pour la police qui doit complter le dispositif rpressif au niveau intra-territorial. Il faut donc associer producteurs, consommateurs, rgulateurs, douaniers, policiers, magistrats, criminologues. Mais ce nest quune tape dans un processus qui devra dboucher sur des propositions pratiques visant rsoudre ces problmes. Autrement, contrairement ce que nous avons cru pendant longtemps, ne rien faire sera autant sanctionn que de mal faire. Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 7. 7 Les opinions publiques sont toujours plus sensibles la faon dont les tats luttent contre les actions criminelles, mme quand une partie des citoyens en profite. Ils en veulent mme doublement ltat de les avoir empchs den profiter et davoir mal ragi quand ctait fait. Il faut prendre en considration cette difficult, cette schizophrnie qui parfois existe dans lopinion. Mais l, nous avons des opportunits : prenons-les bras le corps. Les criminologues sont prsents, volontaires, font leur travail en matire de diagnostic. Au service public de librement dcider du choix des thrapeutiques. Le rle de la Fondation WAITO est donc essentiel pour permettre ce dialogue. Il le sera plus encore au sein du Forum International contre le Crime-contrefaon (IF2C) Genve en Co-partenariat avec lUNICRI et lOMD ainsi que le Centre de recherche et dtudes pour la lutte contre le Crime-contrefaon de Chine Pkin (RS3C) que WAITO met en place avec lUniversit de droit et de sciences politiques de Chine. En informant, en rassemblant, en dialoguant, en construisant des partenariats entre les Nations et leurs autorits publiques, la socit civile et les entreprises, la Fondation WAITO soutenu par lUNICRI et lOMD assurera ainsi sa mission de pure utilit publique. Ce premier rapport sur le constat mondial du Crime-contrefaon, dmonstration de leur dtermination combattre le faux comme ennemi de la dmocratie en est le point de dpart A toutes et tous : bonne lecture Alain Bauer Professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Mtiers (Paris), New York et Beijing Prsident du Comit dEthique et de donthologie de la Fondation Waito Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 8. 8 Avant-propos (par Kunio Mikuriya, Secrtaire Gnral de lOrganisation Mondiale des Douanes) Le volume du trafic et les caractristiques des produits sont rvlateurs de limplication de la criminalit organise attire par ce nouveau march trs porteur. Pour sen convaincre, il suffit danalyser les rsultats des deux importantes oprations internationales ralises en avril et en mai 2011 par lOrganisation mondiale des douanes, savoir les Oprations TIGRE et FRED 60. LOpration TIGRE, qui sest droule du 11 au 15 avril 2011, a regroup 9 pays et 13 ports de la rgion Amrique centrale et Carabes. En 5 jours, plus de 3, 5 millions de produits contrefaisants ont t intercepts, dont 19 tonnes de produits insecticides, 151 020 bouteilles de produits et crmes pour le corps, 176 000 mdicaments, 648 000 pices dtaches de tlphone mobile et 2 machines destines la fabrication de cigarettes contrefaisantes. Il semble que le crime organis se diversifie et cible en particulier les produits ayant un impact sur la sant et la scurit des consommateurs. LOpration FRED 60, qui sest droule du 9 au 13 mai 2011 en Afrique occidentale et centrale, a regroup 20 pays et 21 ports. En 5 jours, 125 conteneurs contenant quelques 43 millions de produits contrefaisants ont t intercepts : plus de 8 millions de mdicaments et des centaines de milliers de pices dtaches pour voitures, des milliers de tubes de dentifrices, des milliers de boissons alcoolises, des produits alimentaires, etc. Les rsultats de ces deux oprations prouvent eux seuls quil sagit bien dun phnomne pandmique de grande ampleur. La seule faon dy faire face est dagir ensemble, et globalement. LOMD propose une riposte concrte qui repose sur deux piliers fondamentaux. Le premier dentre eux est le renforcement des capacits douanires, qui consiste en une politique engage de formation pour les pays en dveloppement et les pays les moins avancs, cibles privilgies des contrefacteurs, sur les aspects lgislatifs et oprationnels, en mettant en avant les techniques danalyse de risques. Ainsi, entre 2010 et 2011, prs de 140 pays ont reu une formation, grce au soutien financier du gouvernement japonais. Le deuxime pilier est une volont de crer des changes entre les parties prenantes, notamment les douanes, le secteur priv et les organisations non-gouvernementales. Un Groupe de travail sur la contrefaon et le piratage (CAP) compos de reprsentants des douanes a t cr au sein de lOMD pour permettre des changes de vues, dexpriences, de bonnes pratiques et dinitiatives des administrations douanires Participent galement ce Groupe des titulaires de droits membres du Groupe consultatif des Titulaires de Droits, tabli comme un cercle de rflexion constitu autour du Secrtariat de lOMD, qui souhaite obtenir lopinion de toutes les parties prenantes afin de prendre des dcisions claires. Il ne sagit pas dun organe institutionnel de lOMD au mme titre que les comits techniques, mais dune instance de dbat et de conseil au Secrtariat de lOMD. Le Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 9. 9 Groupe consultatif des Titulaires de droits a pour but de donner lOMD lorientation ncessaire afin de rpondre au mieux aux besoins oprationnels des titulaires de droits en matire de lutte contre la contrefaon et le piratage et doffrir un forum dchange sur la coopration entre titulaires de droits et douaniers. Cest dans cette optique que lOMD a dvelopp une interface dnomme Interface Public/Membres (IPM). Outil oprationnel simple dutilisation, IPM permet aux douaniers de premire ligne de disposer de toutes les informations ncessaires lidentification de produits contrefaisants ou pirats. Outre les informations sur les produits, IPM fournit des informations sur les itinraires habituels dapprovisionnement, les caractristiques des emballages, les affaires pralables de contrefaon, le contact des titulaires de droits dans chaque pays et sur la distinction entre un vrai et un faux. Si les aspects oprationnels sont une des rponses privilgies par lOMD, il est important de nouer des relations permettant une prise en considration de la problmatique en amont. Cest pourquoi lOMD a rcemment conclu un Protocole daccord avec la Fondation WAITO, afin dapporter son aide la connaissance du phnomne et la dfinition de politique de lutte efficace contre le crime organis. Je suis convaincu que ce protocole daccord entre lOMD et la Fondation WAITO, les activits de cette dernire et le prsent rapport sont autant de pierres importantes ldifice dune socit que nous voulons quitable et sre. Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
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  • 11. 11 Introduction (par Chemavon Chahbazian et Pierre Delval) Lhomme sest toujours pos la question de la matrise du monde. Beaucoup se sont efforcs de le conqurir. Souvent par la religion, gnralement par la force, aujourdhui beaucoup par le commerce. Avec la mondialisation des marchs, le crime organis sest empar du fabuleux potentiel de profits que peut dgager la misre, que ce soit dans le secteur agroalimentaire celui des mdicaments, mais aussi dans tous les autres secteurs qui constituent une dpense courante pour la plus grande masse des consommateurs. Dans ces conditions, les Etats seront-ils toujours lgitimes pour viter le pire ou laisseront-ils aux entreprises le soin de mener leur combat contre les mafias ? Serons-nous un jour gouverns par les organisations du crime ? Sans doute ni par les uns, ni par les autres. Les Etats resteront puissants, les mafias le deviendront de plus en plus. Par contre, ceux qui nous gouverneront rellement seront les marchs, et avec les marchs les fraudes de toute sorte dont les contrefaons. Les trafics illicites ont toujours exist mais, avec la chute du mur de Berlin et la mondialisation, ils ont acquis une dimension transnationale. Du simple citoyen aux autorits gouvernementales, tout le monde est dsormais concern. Ces marchs sont devenus interdpendants, notamment dans lenvironnement consommateur o, jusqu prsent, contrefaon, fraude alimentaire et contrebande suivaient des chemins parallles. Au-del de leurs diffrences, ces flux obissent aux mmes lois cardinales de loffre et de la demande et aux mmes principes de concurrence, de rentabilit, de course linnovation, de gain de parts de march ou de rduction des cots de production. Le tout dans un seul but : dgager des bnfices rapides moindre risque. Ce faisant, la frontire entre licite et illicite se brouille. Et les risques, quils soient techniques ou lis la contrefaon, pour lensemble des acteurs de la chane dun produit de grande consommation, deviennent majeurs. Les risques de contrefaon, eux, rsultent de la capacit tromper le consommateur en copiant lidentique la partie visible dun produit et sa marque. Passe au stade industriel, cette contrefaon devient massive et difficilement contrlable. De nombreux dcs de par le monde chaque anne rappellent lvidence de cette menace en termes de scurit et de sant publique : en 2005, selon la Commission amricaine de scurit des produits la consommation (CPSC)1, quelque 73.000 enfants de moins de 5 ans ont t hospitaliss en urgence en Amrique du Nord suite la manipulation de jouets contrefaits, et 20 dentre eux sont dcds des suites de blessures ou dintoxications. La Russie dtient le record daccidents davions, avec 8,6 crashs par million de vols en 2007, soit treize fois la moyenne mondiale. Ces accidents sexpliquent essentiellement par des dfaillances de pices dtaches contrefaites. Toujours en Russie, en 2005, lOrganisation Mondiale de la Sant confirme la mort de milliers de personnes intoxiques par de la vodka frelate, dont une partie tait vendue sous des marques de 1 CPSC : Consumer Product Safety CommissionCopyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 12. 12 renom. Pour le Prsident Poutine, ce drame est une tragdie nationale et justifie linstauration dun contrle renforc sur les trafics illicites dalcool. Hlas, ces mesures nont pas amlior la situation. Les distilleries clandestines fournissaient en 2007 prs des deux tiers des alcools consomms 2 . Dans le domaine des mdicaments, les statistiques de lOMS publies en novembre 2006 valuent la contrefaon dangereuse des principes actifs hauteur de 10% de la consommation totale en Russie, 25% en Inde, 35% au Liban, 40% au Prou, 48% au Nigria et 70% en Angola. Les cas de dcs ou deffets secondaires irrversibles sur les patients les plus dmunis se comptent par centaines de milliers. Quant aux quipements lectriques, les 12 millions de pices saisies par les douanes de lUnion europenne en 2006 prsentent des anomalies techniques videmment contraires toute norme de scurit en vigueur. Selon lOMD, les saisies mondiales daliments contrefaits auraient explos de plus de 2500% en 2008, et ceux des pices dtaches dautomobiles fraudes de plus de 2600% en 2009, avec tout ce que cela comporte comme risques pour les utilisateurs finaux. Tout rcemment, MarketsandMarkets affirmaient dans son rapport de janvier 2011 que le march des moyens de lutte anti-contrefaon des produits alimentaires et des mdicaments atteindraient un budget global pour 2014 de US$ 79,3 milliards dont US$ 49 milliards pour la seule Amrique du Nord, ce qui laisse prsager le gigantisme des marchs de masse illicites dans le monde dici quatre ans. Mais la grande volution de la criminalit contemporaine est sans nul doute la convergence des dlits. Il nest plus rare de constater des recoupements entre fraude et contrefaon ou entre contrefaon et contrebande. Pendant longtemps, on a eu tendance sous-estimer les vritables dangers lis la contrefaon. La politique de protection du droit de la proprit intellectuelle a t pratiquement le seul rempart contre cette activit illicite et protiforme. La situation est dornavant explosive, mme sil est trs difficile davoir une vue densemble du phnomne. Comme toute activit opaque, les estimations globales disponibles sont discutables. Nanmoins, les statistiques de chaque secteur industriel confondues avec celles des douanes europennes confirment une nette tendance la hausse3. Avec quelques autres pays dans le monde, La France sest toujours distingue dans la lutte contre la contrefaon. Consciente de lvolution des dlits en matire de contrefaon, elle sest mobilise pour consolider la loi Longuet de 1994, ainsi que ses 2 Communica printemps 2007 Magazine suisse dinformation de la Rgie fdrale des alcools3 A key information resource to combat the global plague of counterfeiting The International anti-counterfeiting directory 2009 ICC4 A quoi sert la loi Longuet ? Epuiss par une procdure interminable, nombre dindustriels victimes dune contrefaon seposent cette question. Selon les discours officiels, la loi du 5 fvrier 1994 a jet des bases juridiques solides dans lepaysage industriel franais, en matire de lutte contre la contrefaon. En ralit, si cette loi sest rvle efficace contre lesfaux, elle montre aujourdhui de nombreuses faiblesses, et ce malgr les superpositions de mesures juridiquescomplmentaires. Dans un contexte gnral de justice trop lente, elle donne limpression dtre impuissante quand il sagit dergler un diffrend, y compris entre deux entreprises du mme secteur installes dans la mme ville. En fait, il nest pas rarequune procdure dure cinq ans et quelle se termine par des ddommagements drisoires , tout simplement parce que lesbons copieurs connaissent la lgislation sur le bout des doigts , selon la formule dun avocat spcialis. Plusieurs affaires encours confirment les limites du systme actuel. Mis part les cas de copie servile , o une procdure rapide en rfr peuttre ordonne par les juges, lessentiel des affaires trane en longueur. La rparation des prjudices est lautre point faible dusystme. Certes, la justice sappuie sur des experts capables de mesurer limpact conomique dune contrefaon et duneconcurrence dloyale. Mais, globalement, les magistrats sont loin de la vie conomique .Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 13. 13 amnagements ultrieurs4. Avec la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaon lune des premires lois que Christine Lagarde, alors Ministre franaise des Finances, a prsentes devant le Parlement la France a ralis plusieurs avances importantes5. Les sanctions pnales ont t aggraves. Les procdures simplifies et acclres de saisine du juge civil, ncessaires pour prvenir une atteinte imminente des droits de proprit intellectuelle, ont t renforces. Les services de lEtat ont vu leurs prrogatives tendues. Mais pour aller plus loin et plus vite, la France a galement propos ses partenaires europens, durant sa prsidence du Conseil de lUnion europenne (deuxime semestre 2008) une srie de mesures visant renforcer la lutte contre la contrefaon et le piratage. Tous les pays europens ont rpondu prsent et le Conseil de Comptitivit du 25 septembre 2008 a adopt une rsolution relative un plan europen global. Ce plan prvoit, en particulier, de dvelopper des actions de sensibilisation et de communication. Le Conseil a galement invit la Commission europenne mettre en place un observatoire europen de la contrefaon et du piratage afin de disposer dune valuation rgulire et dune analyse plus prcise de lampleur du phnomne. Cet observatoire devrait voir le jour fin dcembre 2009. Cest justement pendant le lancement du dbat sur la cration de cet observatoire que Jacques Toubon, alors dput europen6, met en garde ses collgues, les membres des 4 La loi Longuet a aggrav les sanctions pnales contre les fraudeurs. Mais, en mme temps, elle les a probablement rendus plus malins. Rsultat : les procdures salourdissent de mme que leurs cots. A contrario, les pnalits ne sont pas juges assez dissuasives par les victimes. Dans certains cas, nous vitons de publier les avis judiciaires. Le montant des rparations est tellement faible que cela pourrait donner des ides dautres contrefacteurs , reconnat un avocat daffaires. 5 Loi n2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaon. Cette loi publie au Journal Officiel du 30 octobre2007 transpose la directive europenne du 29 avril 2004 relative au respect des droits de proprit intellectuelle. En effet,jusqualors, seul un projet de loi en date du 7 avril 2007 avait vu le jour, nonobstant le dlai de transposition de la directivequi expirait le 29 avril 2006.6 Dbat du Parlement europen mercredi 17 dcembre 2008 Impact de la contrefaon sur le commerce international.Allocution de Jacques Toubon Dput.(.)la contrefaon est un flau conomique, social et sanitaire dune dimension que lon sous-estime mon avis. Certainsestiment qu Anvers ou Rotterdam, un tiers des marchandises qui sont dbarques dans les containers sont descontrefaons. Je dis bien un tiers, et ces estimations sont faites par des services officiels.Je le dis trs clairement et je ne vais pas tourner autour du pot, je suis vraiment du par les propositions du Parlementeuropen et par ce dbat ce soir. Et pour une fois, je suis plus du par le Parlement que par la Commission et par leConseil, car le Conseil et la Commission, dans ce domaine, ont fait leur travail.Le plan daction du 25 septembre, le sminaire du 25 novembre, les propositions que vient dnoncer M. Barrot au nom de laCommission sont des actions relles et non des bonnes paroles. Et ce que je voudrais vous dire simplementM. le Commissaire, cest que je souhaiterais vraiment que lObservatoire, par exemple, vous le mettiez en uvre ds lepremier semestre de 2009 et que lon fasse passer dans ce Parlement le rglement sur la surveillance du march que leConseil a adopt.Je le dis mon collgue Susta, je ne parle pas ici de sa proposition alternative de rsolution, malheureusement nous ne ladiscuterons pas. Je parle de son rapport, il est beaucoup trop faible, beaucoup trop timide, rien sur lindication dorigine,rien sur lObservatoire et une timidit et une rticence sur la protection de la proprit intellectuelle et industrielle. LACAC,vous dites, il faut faire lACAC, mais vous dites quil ne faut pas utiliser les moyens efficaces pour pouvoir lappliquer. Enoutre, jai t, je dois dire, sidr par les propos de mes deux collgues sudois pour lesquels on a limpression que le dangervient, non pas de la contrefaon, mais de la lutte contre la contrefaon.Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 14. 14 commissions concernes et les associations interprofessionnelles anti-contrefaon des risques dune mobilisation trop axe sur le droit de proprit intellectuelle. Pour lui, la contrefaon est aussi une affaire de consommateurs, trop souvent oublis dans ce type de dmarche. Il reconnat que le consommateur franais est sans doute lun des mieux protgs dEurope. Mais il rappelle quil est aussi un consommateur europen. Vous ne pouvez pas tre dans une zone de haute protection comme la France et lAllemagne le sont, si par ailleurs vous vivez dans un ensemble conomique et dans un march intrieur o il y a des zones de faiblesse ! affirmait-il en juillet 2009 dans les Cahiers de la comptitivit . En fait, Jacques Toubon reconnat quil est inutile davoir un arsenal anti-contrefaon efficace en France, si par ailleurs le produit franais sexporte dans une Europe non harmonise pnalement au niveau des droits de proprit intellectuelle et dans des zones de non droit en dehors de lUnion Europenne. Do, pour Jacques Toubon, deux urgences : au moins que tous les pays de lUnion se mettent au mme niveau lgislatif et acceptent des sanctions pnales au niveau communautaire . Deux ans auparavant, Michel Danet, alors Secrtaire Gnral de lOrganisation Mondiale des Douanes (OMD), scandait dj des propos similaires. Il estimait quentre des accords ADPIC (TRIPS en anglais) trop limitatifs et prs de 60 pays dans le monde nayant pas une vraie protection de la proprit industrielle, les droits europens en matire de protection intellectuelle taient bien illusoires. Face ce manque de cohsion, les auteurs des contrefaons, issus pour une grande majorit du crime organis, ont toutes les capacits financires et organisationnelles pour contourner les obstacles. Si se battre pour le droit des marques, cest se battre pour la protection des consommateurs, Jacques Toubon reconnat aussi que la lutte contre la contrefaon doit mener galement des actions directes de protection des consommateurs : elles relveraient, par exemple, dactions de rpression au nom de la scurit alimentaire et sanitaire et ne passeraient pas seulement par la protection de la proprit intellectuelle ou industrielle . Harmonisation pnale, protection des consommateurs, voil deux thmes sur lesquels il conviendrait de sarrter un instant. Sur lharmonisation pnale A la question de sanction pnale sinscrit la qualification de dangerosit dun produit de contrefaon et les questions que ladite qualification implique au plan juridique et pratique. Le titulaire de droit est dj atteint dans son droit du fait de la contrefaon et il devrait, de surcrot, rapporter la preuve de la dangerosit. Mais la question se pose de savoir sur quoi se fonder. Faut-il instaurer une prsomption de dangerosit par nature et celle-ci joue-t-elle lencontre du titulaire de droit? Si lon raisonne ainsi, le titulaire de droits serait conduit se rapporter au produit authentique. Un mdicament, par exemple, est dangereux si les doses prescrites ne sont pas respectes, sil nest pas adapt une pathologie, il peut tre, galement, dangereux du fait de ses effets secondaires. Or, sil sagit dune preuve prive donne par le titulaire lui-mme, il sera Mes chers collgues, nous sommes ct de la plaque si nous ny allons pas plus fort. On traite ce sujet comme si ctait uneactivit conomique la marge, sans plus, alors que ce peut tre la fin de nos industries, ce peut tre lexploitationgnralise des travailleurs des pays mergents, ne loubliez pas, et enfin, ce peut tre linscurit gnrale pour lesconsommateurs. Il faut que nous agissions!Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 15. 15 peu enclin exposer la dangerosit de son produit. De surcrot, jusquo pousser la preuve : peut-on permettre une preuve par comparaison du produit contrefaisant avec le produit authentique? Et dans ce cas, quid des ventuels dangers lis au vrai produit du type effets secondaires dun mdicament ? Pour les douanes de certains pays, la notion de contrefaon dangereuse aggravant la sanction douanire existe dj sans que cela nait, jusqu prsent, interpell les juges. En fait, tout cela est gnralement trait sur le fondement du droit de proprit intellectuelle, et non pas dans le cadre dun arsenal juridique plus appropri, complmentaire celui du code de la proprit intellectuelle. Sur le fond, lorsquil sagit de biens matriels rputs dangereux, ce nest pas le titulaire de droits qui devrait intervenir en priorit, mais lautorit publique. Dans ce contexte, ce nest pas sur linfraction en matire de droit de proprit intellectuelle que lon devrait se fonder, mais sur la notion de volont de nuisance la vie dautrui caractrise par la dangerosit du produit suspect de contrefaon. De plus, les limites tant sur les saisies que sur les procdures judiciaires constates ces dernires annes, plaident en faveur dun usage plus nuanc du code de la proprit intellectuelle. Ces limites sont dues, le plus souvent, la divergence des priorits des titulaires de droits et des autorits publiques dans la caractrisation des actes de contrefaon. Il nest pas rare de constater de la part des titulaires de droits la recherche dune ngociation lamiable avec le contrefacteur pour conclure une indemnisation rapide et viter la procdure punitive, lourde et couteuse. Il nest pas rare, non plus, pour le propritaire de marque de ne pas vouloir communiquer sur les risques de notorit (lindustrie pharmaceutique a pendant trs longtemps cach les ralits de la contrefaon de ses princeps et lagroalimentaire continue au mieux de garder secret ses affaires de contrefaons dangereuses). Sans parler de cette hantise dune action en responsabilit pour procdure de contrefaon abusive, tant des douanes que des titulaires de droits. Ni du risque de contestation dun droit de proprit intellectuelle fragile ou de lala judiciaire caus par la mauvaise matrise des circuits dapprovisionnement et de sous-traitance. Nassurant que le minimum de cohrence entre les pratiques nationales, comment rsoudre la problmatique des saisies ? Comment agir efficacement sans la ractivit et lexpertise obligatoire des titulaires de droits ? Comment condamner pnalement des peines plus dissuasives, sans obligatoirement passer par la dmonstration des dlits commis en bande organise ? Difficults dapplication : les exemples cl Pour comprendre la situation sur le terrain, il convient de sarrter sur deux exemples cls : le syndrome du douanier dans un port de marchandises le juge et la dmonstration de la preuve Le syndrome du douanier dans un port de marchandises Le cadre procdural de lintervention du service des Douanes, tout du moins en Europe, demande une certaine ractivit due essentiellement la brivet des dlais. Les saisies Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 16. 16 font gnralement suite une retenue en douane, lexception de certains Etats membres de lUnion Europenne comme la France qui saisissent immdiatement sil sagit dune marque. Les douaniers sont donc tributaires des titulaires de droits qui doivent identifier, expertiser et confirmer la contrefaon. La procdure est gnralement la suivante : lorsque les Douanes dtectent un produit suspect de contrefaon, elles recherchent le titulaire de droits et linforment de la suspicion de contrefaon. Lexpert nomm par le titulaire de droits se dplace sur le lieu de contrle douanier et confirme ou non par voie de procs verbal de constatation la contrefaon. Cette confirmation gnre soit une retenue douanire, soit une saisie douanire selon la typologie des droits contrefaits (marques, dessins et modles, droits dauteur, brevets,). Il convient ds lors de solliciter en urgence auprs du parquet territorialement comptent une ordonnance de saisie conservatoire et de la faire signifier dans une priode fixe (10 jours pour les biens classiques et trois jours pour les biens prissables) suivant la retenue douanire. En cas de saisie douanire, la citation directe ou le dpt de plainte pnale contre le contrefacteur ou le distributeur de produits contrefaisants devant la juridiction rpressive doit quasiment tre simultane. Il est toujours loisible ultrieurement de se constituer partie civile si cela nest pas fait lors de la saisie des autorits judiciaires. Le syndrome du douanier dans un port de marchandises est rvlateur du manque de pragmatisme dun tel cadre procdural. Si nous prenons par exemple le port dAnvers, 158 millions de tonnes de marchandises (2009) soit plusieurs milliers de conteneurs y sont rceptionns chaque jour. Les douaniers habilits, au nombre de quelques uns, doivent quotidiennement examiner les manifestes 7 transfrs par le transporteur sur leur rseau informatique, identifier les possibles anomalies, les recouper avec les ventuelles orientations denqutes, cibler les dizaines de conteneurs suspects et en slectionner seulement quelques uns par manque de temps et de moyens pour identification. Et lorsque les identifications se font de nuit, au fond des conteneurs, sans pouvoir contacter les titulaires de droits pour obtenir des informations prcieuses ncessaires au lancement de la procdure de retenue, que peuvent faire les douaniers ? Dans ce contexte, malgr linstallation de scanners fixes, on peut se demander combien de ces conteneurs, transportant des produits illicites, passent ainsi au travers des filets des autorits de contrle. Sans doute une majorit , osent dclarer ces douaniers perplexes. Les autorits de contrle reprsentes essentiellement par les douanes et la police souffrent de toute vidence dun manque doutils capables de les aider dtecter dans lurgence et sans ambigut le vrai du faux, sans avoir recours au titulaire de droits. Le syndrome du douanier dans un port de marchandises ne doit pas tre une fatalit et, comme certains Etats membres lont propos, lutilisation lourde et coteuse dquipements radiographiques des conteneurs ne rsoudra quen partie, et en une infime partie seulement, cet pineux problme. 7 Documents de transportCopyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 17. 17 Le juge et la dmonstration de la preuve Dans le cadre de laction judiciaire, le cadre procdural doit permettre dapporter la preuve de la contrefaon sur la violation des droits de proprit intellectuelle. Cela implique dtablir lexistence de ces droits et de dmontrer la contrefaon en constatant la matrialit des infractions. Sans ce cadre prcis, sans une ractivit et une efficacit des titulaires de droits, les autorits judiciaires ne peuvent appliquer efficacement les outils rpressifs. De mme, dans le cadre dune procdure de saisie-contrefaon de produits suspects, il convient de convaincre lautorit judiciaire. Or convaincre nest pas toujours prouver. Mettre en cause lauthenticit dun produit, son origine, pour dmontrer sa contrefaon ou non, consiste rechercher si ledit produit possde les caractristiques essentielles qui conduisent tablir linfraction ou non. Il faut donc, pour donner cette contestation une base solide, commencer par tablir en quoi consistent ces caractristiques, puis vrifier si le produit suspect prsente ou non, concrtement, objectivement, ces caractristiques. Or, nous constatons aujourdhui que lenjeu sur lapplication de larsenal rpressif est considrable, car la jurisprudence la plus rcente montre une drive procdurire. En effet, le renforcement des sanctions pnales pour les dlits de contrefaon a conduit cristalliser le dbat sur la faon dont la preuve du dlit est administre. Les procdures sen trouvent rallonges dautant, ce qui laisse le temps aux rseaux de contrefacteurs de disparatre et de se reconstituer. Les investigations des titulaires de droits et des autorits de contrle (police et douanes) sont rduites nant. Cest un gaspillage de temps et dargent qui devient insupportable aux uns et aux autres. Par ailleurs, nous observons une contestation plus frquente de la validit des titres de proprit intellectuelle. Tandis quen prsence des copies de plus en plus parfaites , prouver que le vrai est bien authentique oblige les titulaires se dvoiler davantage, livrant qui veut lentendre leurs secrets de fabrication. Cest une spirale dangereuse pour les entreprises, dont seuls les contrefacteurs profitent. Mais cest surtout une spirale sans contrainte relle pour les organisations criminelles contre lesquelles le code de la proprit intellectuelle devient, en matire de biens matriels de masse, un outil trop subtil pour tre rellement efficace. Le crime pharmaceutique : les prmices du crime-contrefaon Cest dans ce contexte que le Conseil de lEurope avait examin une alternative juridique innovante en laborant un instrument juridique pour lutter plus efficacement contre le crime pharmaceutique. Cest lors de la runion de Moscou, les 23 et 24 octobre 2006 que les participants la confrence LEurope contre les mdicaments de contrefaon, avaient avanc la proposition dlaborer cet instrument juridique afin de mieux protger la sant des Europens. Les participants convinrent que les lments suivants devaient tre pris en compte dans la prparation dune future convention : Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 18. 18 la dfinition des crimes pharmaceutiques comme crimes aggravs ; la pnalisation de la fabrication et de la distribution de mdicaments contrefaits ; la mise en place dun rseau de points de contact uniques dans tous les secteurs concerns, notamment les secteurs de la sant et de lapplication des lois ; ladoption au niveau national de dispositions permettant de contrler la qualit des composants usage pharmaceutique, les emballages, les processus de fabrication conformment aux normes tablies par la Pharmacope europenne ; une plus grande coopration entre les organes chargs de faire respecter les lois aux niveaux national et europen. Fin 2007, onze experts furent nomms et dvelopprent le projet de convention du Conseil de lEurope sur la contrefaon des produits mdicaux et les infractions similaires menaant la sant publique. Finalis le 26 fvrier 2009, ce projet est aujourdhui soumis ltude du Comit des Ministres du Conseil. Ce projet est particulirement intressant puisquil met pour la premire fois en exergue la possible mise en uvre dun instrument rpressif anti-contrefaon dun tout autre modle que celui propos actuellement. Ainsi, par exemple, sont considrs comme infraction pnale les actes suivants, lorsquils sont commis de manire intentionnelle : la fabrication des produits mdicaux, principes actifs ou composants contrefaits, y compris leur altration ; la falsification de tout document relatif un produit mdical, un principe actif ou un composant ; la fourniture ou loffre de produits mdicaux, de principes actifs ou de composants contrefaits ; la promotion de produits mdicaux, de principes actifs ou de composants contrefaits ; le trafic illicite de produits mdicaux, de principes actifs ou de composants contrefaits. Les circonstances aggravantes sont trs prsentes dans ce projet, mettant ainsi en avant la volont de nuisance la vie dautrui. Ces circonstances auront une importance capitale dans la dtermination des peines. Cest le cas videmment de linfraction qui cause le dcs de la victime ou porte atteinte sa sant physique ou mentale. Cest le cas galement des infractions de promotion ou de fourniture commises en recourant des procds de diffusion massive. Cest le cas aussi des infractions commises par plusieurs personnes agissant en association, ainsi que celles ralises dans le cadre dune organisation criminelle. Enfin, les parties signataires de cette convention (47 Etats membres de la Pan Europe) se donneront le droit de conclure entre elles des accords bilatraux ou multilatraux relatifs aux questions rgles par ladite convention, aux fins de complter ou de renforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter lapplication des principes quelle consacre. Le Groupe de Spcialistes sur les produits pharmaceutiques contrefaits, cr par le Comit des Ministres du Conseil de lEurope et sous lautorit du Comit europen pour les problmes criminels, rend ainsi un verdict peu complaisant sur larsenal juridique en Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 19. 19 vigueur pour tenter de juguler la contrefaon des mdicaments. Tout dabord, en labsence de sanctions svres pour rprimer la contrefaon de produits pharmaceutiques et de dispositifs mdicaux au niveau mondial et, souvent, en labsence totale de dispositions pnales -, il est facile de produire et de distribuer des produits contrefaits sans courir de risque significatif dtre repr, ou encore moins dtre sanctionn. Cette lacune explique en partie que la criminalit pharmaceutique soit devenue un domaine dactivit du crime organis. De plus, les lgislations nationales, lorsquelles existent, varient considrablement. Les experts de ce Groupe insistent sur le fait que des sanctions varies, dissuasives et proportionnes sont indispensables pour punir les auteurs de ces infractions et contribuer prvenir efficacement ces dernires. Ils prcisent, galement, que la lutte contre ce type de contrefaon ne peut se limiter aux infractions qui portent sur le droit de proprit intellectuelle8 , et estiment que le principal objectif dun futur instrument anti-contrefaon doit se concentrer sur des mesures pnales contre les comportements criminels, visant les mdicaments et les dispositifs mdicaux, et menaant la sant publique. Enfin, le Groupe dexperts prcise quil ny a pas dharmonisation ni mme de rapprochement des lgislations au niveau international en ce qui concerne les infractions relatives la contrefaon de mdicaments et des dispositifs mdicaux contrefaits, aggrave par le commerce en ligne, qui porte atteinte la crdibilit de la distribution licite de produits authentiques et rend pratiquement impossible de garantir la qualit et lefficacit des produits fournis, il ny a pas dinstrument juridique international visant combattre la criminalit pharmaceutique et dfinir des infractions correspondantes . Sur la protection des consommateurs Il nexiste pas, dun ct, le bon contrefacteur qui aurait une stratgie anti-marques et produirait des copies de sacs, de lautre, le mauvais contrefacteur qui voudrait empoisonner les consommateurs de mdicaments ou mettre en danger des enfants auxquels on donne un jouet contrefait. Ce sont les mmes. Lachat de produits contrefaits de luxe finance directement la contrefaon de produits non labors. Dans le domaine de limitation illgale, il nexiste pas de diffrenciation entre le capital criminel qui tue et celui qui ne tue pas . Ces propos tenus le 16 novembre 2004 par le Prsident dune association de dfense des titulaires de droits, nont gure volu. Si, sur le fond, ce Prsident na pas tort, il insinue cependant par raisonnement que le consommateur pourrait tre le complice du contrefacteur. Il est donc urgent de rtablir lquilibre entre bonne et mauvaise foi de lacte dachat. Lacte dachat : considrations psychologiques Pour la trs grande majorit des consommateurs, les trafics illicites en gnral, et les contrefaons en particulier, sont une vraie plaie. 8 Selon Information Solution for Pharmaceutical and Healthcare Industries, socit de services internationale qui fournit lindustrie pharmaceutique des donnes commerciales et des services de consultation, dans les Etats membres de lUnioneuropenne, la proportion en ce qui concerne le volume des produits mdicaux prsents sur le march qui ne sont pasprotgs par un brevet varie de 69% (Italie) 90% (Rpublique Tchque). Daprs lassociation europenne du mdicamentgnrique, la proportion de produits mdicaux gnriques (non protgs par des droits de proprit intellectuelle) parrapport au volume sur le march dans certains pays europens est comprise entre 7,2% (Italie) et 79,3% (Lituanie/Estonie).Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 20. 20 Pour acheter vrai ou conforme au quotidien, le consommateur doit se sentir en confiance et percevoir effectivement que toute la chane de consommation est juste et vraie, ce qui nest videmment pas peru comme tel. Le consommateur face la marque Ces stratgies personnelles se sont renforces par une distance critique acquise, quasiment morale, lgard dun systme de consommation fortement remis en cause et dont on ne veut pas payer le prix fort. Pourquoi vouloir payer le prix de la valeur immatrielle (la marque) ajoute aux produits, quand on ne sait pas si, et comment, elle se justifie ? Ce diffrentiel de prix, qui devait fonder loriginalit et lunicit de la marque, est davantage peru comme le moyen de financer le marketing et la communication, plutt que le travail et la cration du produit. Pour le consommateur, deux alternatives soffrent lui : soit acqurir un produit similaire la marque, rpondant aux critres attendus, mais un prix modr ; soit trouver un produit de marque un prix acceptable. Cependant, si pour les produits dits de luxe lacte dachat illicite se fait, en rgle gnrale, en toute connaissance de cause, lacquisition dun produit de grande consommation est, par contre, base sur des paramtres diffrents. Ainsi, acheter un vtement de marque prix coutant sur un march alors que cette marque ne peut tre vendue que dans des magasins rfrencs place obligatoirement le consommateur face ses responsabilits. Acheter maintenant un produit de marque ou son faux-semblant (look alike) dans une grande surface un prix discount place le consommateur en situation dopportunisme, et ce en toute confiance. Nous passons donc dun acte de mauvaise foi, condamn svrement par Marc Antoine Jamet (justifi dans un environnement illogique9), un acte de bonne foi (justifi dans un environnement logique), non condamnable tant quil nest pas dmontrable. Lenjeu de lalternative entre le consommateur complice et le consommateur victime renvoie la rponse que lon souhaite apporter la lutte anti-contrefaon. Si lon considre le consommateur comme une victime, les solutions relvent de la prvention, de lducation et de la sensibilisation. En revanche, si lon estime que le consommateur est complice, il sagit dengager des actions de sanction et de rpression. En consquence, les sanctions et les rpressions ne sont valables que dans un environnement lgal parfaitement dlimit pour le consommateur, sans aucune ambigit. De la mme manire, le titulaire de droit a lobligation dapporter aux consommateurs tous les lments lui permettant de faire un choix responsable. Par exemple, la France est aujourdhui concerne par le transit de mdicaments contrefaits dangereux pour la sant. Le consommateur doit savoir que, dans certains pays, notamment dAfrique, le taux de produits mdicamenteux contrefaits est particulirement lev. Cest linformation. Parmi les nombreuses contrefaons du Viagra, certaines ne contiennent aucun principe actif, mais dautres comportent des adjuvants qui augmentent les risques daccident cardiaque. Le risque de consommer des 9 La contrefaon est de plus en plus accessible. A Rome, devant la boutique dun maroquinier de luxe, des talagistesemploys par cette marque proposent, aprs la fermeture de la boutique, des produits contrefaits de la mme marque. Enoutre, des produits de consommation courante, comme des cigarettes, sont offerts en dehors des circuits de distribution. Deplus, lInternet et le fret express permettent au consommateur de bnficier de produits contrefaits en moins de 48 heuresCopyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 21. 21 mdicaments contrefaits est multipli du fait des livraisons par lInternet. Cest la prvention. Le systme de commercialisation des mdicaments, en France, nest pas aussi protg quon pourrait le croire. Il existe un risque avr. Le systme dautorisation de mise sur le march est efficace, mais il est possible de se faire livrer, depuis une pharmacie italienne ou espagnole, des mdicaments qui nont pas obtenu une autorisation de mise sur le march sur le territoire franais. Si lacquisition est illicite, rien ne permet de considrer que le mdicament est contrefait. En consquence, le patient peut-il tre rput complice si rien nest mis en uvre pour dmontrer, non pas le mode dacquisition du produit, mais sa dangerosit ? De mme, un consommateur achte un paquet de cigarettes dans la rue. Il sait pertinemment quacheter du tabac hors dun rseau de commerces autoriss est un dlit. Il sait galement que le tabac peut tre issu de la contrebande. Mais rien ne le met labri dune contrefaon dangereuse, hautement carcinogne. La marque : un garant de conformit ? Pour le titulaire de droits, la marque certifie la qualit du produit, du rseau de distribution et des agrments. Mais si la marque nest pas physiquement protge, comment peut-elle aujourdhui apporter toutes ces garanties ? Les jouets contrefaits peuvent poser des risques de scurit. Il en est de mme pour les pices automobiles. Les autorits publiques souhaitent protger le consommateur, mais le cadre juridique rend la lutte difficile. En effet, le 23 octobre 2003, la Cour de justice des Communauts a fait prvaloir la libert de circulation des marchandises sur la prservation des droits des marques et les pouvoirs de contrle, de retenue et confiscation des produits. Par consquent, un produit en libre fabrication dans un pays europen peut circuler sans quil soit possible de dterminer sil sagit dune contrefaon et sil prsente un risque pour la sant ! La Cour de cassation a confirm lanalyse de la Cour de justice des Communauts le 21 septembre 2004. Des progrs considrables restent donc raliser sur les moyens de dtection, de saisie et danalyse permettant de protger le consommateur dont la scurit est en jeu, notamment dans le domaine des pices automobiles. Il conviendrait donc de rflchir autrement face au comportement et la scurit du consommateur. Bien sur, le consommateur ne doit pas tre "victime" de son ignorance. Il convient de lui rappeler linterdit, grce des campagnes dinformation. La premire des prventions est la rpression. Lorsque lon sait que lon peut tre sanctionn, lon rflchit avant de passer lacte. Toutefois, il est ncessaire dintroduire une progressivit dans la rponse pnale. Il convient de perfectionner les diffrents niveaux de rponse afin de mieux sensibiliser le consommateur et de lui viter de se croire victime dune injustice. Pour ce faire, la rponse passe par la dmonstration de la preuve de bonne ou de mauvaise foi. Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 22. 22 Par ailleurs, pour que le consommateur soit considr comme victime, il est fondamental de se rfrer aux dimensions thiques du titulaire de droits, mais aussi des distributeurs. Enfin, il faut, le cas chant, reconnatre au consommateur son statut de victime dans le procs pnal en lui permettant de dnoncer et de se joindre aux poursuites afin que la protection des produits se conjugue avec celle des consommateurs. Ainsi, la lutte contre la contrefaon ne peut plus se contenter de dvelopper sur le seul principe de protection des titulaires de droits. Elle doit tre une dmarche conjugue entre une prvention et une dissuasion techniques approprie et une rpression pnale harmonisable dont les seuls objectifs doivent tre la lutte sans concession contre le crime organis, la protection des consommateurs et une plus grande gouvernance des Etats. Pour comprendre la dmarche qui amne aujourdhui la Fondation WAITO, crer le premier observatoire international pour la lutte contre le Crime-Contrefaon (IF2C), il convient dexpliquer les fondements des politiques de scurit en matire de lutte contre la contrefaon, la contrebande et la fraude des produits de grande consommation. Mais galement den valuer limpact sur les acteurs des filires agro-alimentaires (aliments et boissons), pharmaceutiques, cosmtiques et industrielles (quipements lectriques, pices dtaches et jouets). Trois questions essentielles se font jour : Quels risques les consommateurs courent-ils rellement ? Quelles sont les rponses apportes par les pouvoirs publics travers le principe de prcaution et les dispositifs qui en dcoulent ? Et, enfin, quelles sont les stratgies adoptes par les pouvoirs publics et les entreprises pour rpondre aux nouveaux dfis de la rglementation et de la scurit des produits de grande consommation face la mondialisation ? Ce sont ces questions majeures que ce prsent rapport tentera de rpondre. Les objectifs coulent de source. La protection du droit de la proprit intellectuelle et industrielle est videmment utile. Elle dfend les intrts des titulaires de droit, mais dmontre ses limites. Lvolution de la mondialisation, la libre circulation des marchandises, les 60 pays non couverts par le droit de proprit intellectuelle ou industrielle, la faiblesse des accords ADPIC 10 , lindustrialisation dune contrefaon organise, la production massive de produits de grande consommation illicites ou non-conformes, sont autant dobstacles que le droit de proprit intellectuelle ne peut srieusement circonvenir. Il convient donc dinnover dans une approche plus globale, englobant droit de proprit intellectuelle, mais aussi droit des consommateurs, droit pnal et autres arsenaux juridiques existants, parfaitement compatibles avec les volutions mondiales des trafics illicites, immdiatement rinscriptibles dans un contexte de prvention et de dissuasion techniques anti-contrefaon et interoprables avec larsenal lgislatif de chaque pays. 10 LAccord de lOMC sur les ADPIC vise attnuer les diffrences dans la manire dont ces droits sont protgs de par lemonde et les soumettre des rgles internationales communes. Il fixe des niveaux minimums de protection de la propritintellectuelle que chaque gouvernement doit assurer aux autres membres de lOMC.Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 23. 23 Ce rapport na aucune volont polmique. Il est simplement la traduction dune autre approche, indpendante de tout intrt mercantile et convaincue de limportance que doivent jouer les politiques dans ce combat contre la mondialisation de la fraude et de la contrefaon. Sur ce terrain, il ne peut y avoir de place pour la fatalit. La Fondation WAITO, ses partenaires comme lOMD et le Forum International des Nations-Unies contre le Crime-contrefaon sont prts relever tous les dfis. Ils en ont toutes les capacits, toutes les ressources et tous les atouts pour les relever avec succs. Ce premier rapport vous en donnera peut-tre les cls. A vous de les utiliser ! Chemavon Chahbazian Pierre Delval Prsident Directeur gnral Fondation WAITO Fondation Waito Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 24. 24 I. LE CRIME-CONTREFACON: UN ENJEU MONDIAL MAJEUR A - LE CRIME ORGANISE : UN PROFIT SANS PRECEDENT GRACE AU CRIME-CONTREFAON Activit illicite, la contrefaon est de plus en plus prise par le crime organis, qui la finance et la dveloppe, au point de devenir, avec la drogue et la prostitution, lune de ses principales sources de revenus. Ainsi, James Moody, lancien chef de la Division de la criminalit organise et de la drogue du FBI, estimait que la contrefaon deviendra lactivit criminelle du XXIme sicle . En quinze ans, le visage de la contrefaon a chang : lactivit artisanale des dbuts a laiss la place des industries et des holdings performantes et ractives. Dailleurs, ces entreprises du crime se procurent des modles et des prototypes et sappuient sur des tudes de march, afin de cibler les produits porteurs et les marques montantes. Cette trs grande ractivit des contrefacteurs permet mme de fabriquer un produit avant la sortie officielle de loriginal. Les quipementiers lectriques en font les frais chaque anne et, dans le monde de lindustrie pharmaceutique, le laboratoire Sanofi-Aventis avait dcouvert les premiers trafics du faux Rimonabant (Acomplia)11 avant son autorisation franaise de mise sur le march en 2007. La contrefaon reprsente aujourdhui un dbouch idal pour les organisations criminelles12 : une opinion publique peu sensibilise cette criminalit, un risque pnal limit, des preuves difficiles rapporter, un prjudice quasiment impossible quantifier dans son intgralit, des marchs potentiels immenses lchelle de la plante et des perspectives de profit considrables. Du point de vue de loffre de produits contrefaits ou pirats, le faible niveau de rpression des actes de contrefaon dans la lgislation des Etats conjugu aux profits importants quils permettent de raliser en font une activit illgale attractive, particulirement pour les organisations criminelles. Du point de vue de la demande de produits contrefaits, lopinion est encore peu sensibilise au problme de la contrefaon. Enfin, le potentiel de la contrefaon en termes conomiques est particulirement vaste. Il ne sagit pas dun march spcifique mais dune multitude de marchs. La demande nest pas limite aux pays nantis, elle est aussi forte dans les pays pauvres. Les marchs sont devenus mondiaux et les profits gnrs par ces activits illicites peuvent tre phnomnaux. Selon lUNICRI13, les plus grandes organisations criminelles seraient impliques dans la contrefaon. Cest ainsi que les triades chinoises, les Yakuza (Japon), la Camorra napolitaine et les mafias russes sont frquemment cites par lOrganisation Mondiale des Douanes et par Interpol comme des acteurs majeurs de ce flau. 11 Le rimonabant (Acomplia) est retir du march europen depuis le 23 octobre 2008. ACOMPLIA est indiqu dans le traitement des patients obses (IMC suprieur ou gal 30 kg/m) ou en surpoids (IMC suprieur 27 kg/m) avec facteurs de risque associs tels que diabte de type 2 ou dyslipidmie, en association au rgime et lexercice physique. 12 A cet gard, on peut consulter le rapport de lUnion des Fabricants 2003 : "contrefaon et criminalit organise" (www.unifab.com).13 United Nations Interregional Crime and Justice Research InstituteCopyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 25. 25 a) Lindustrialisation de la contrefaon Au-del de sa commercialisation, lindustrialisation de la contrefaon demande des investissements importants. Les narcotrafiquants, de plus en plus freins par les contraintes bancaires et le contrle des organisations internationales et europennes de lutte contre le blanchiment dargent, nhsitent plus utiliser une partie de leurs revenus illicites dans des fonds dinvestissement pour la construction dusines, notamment en Chine. Les quipements de production, ncessaires la fabrication de ces contrefaons, ncessitent des budgets consquents, soit, selon lUnion des fabricants, de 50.000 100.000 euros pour certains moules et de 300.000 600.000 euros pour une ligne de production de matriaux plastiques. Implantes dans des pays bas salaires (Chine, Thalande, Turquie, Maroc) ou dans les pays de lex-URSS, comme la Russie et lUkraine, les organisations criminelles et les mafias locales disposent de capacits de production considrables. La Chine est un parfait exemple de lindustrialisation de la contrefaon. Dans la banlieue nord de Pkin, le quartier de Zheng Guang Cun: 1 500 magasins de matriel lectrique et lectronique stirent des deux cts dune rue longue de 4 kilomtres. Un march gigantesque o samoncellent en vrac les quipements les plus clectiques. Le plus incroyable est de trouver la vente et en masse des copies de certains quipements qui napparaissent que depuis peu dans les catalogues professionnels des titulaires de droits. Le dveloppement de la contrefaon chinoise tend donc son emprise. Et rien ne semble pouvoir le contrer. On connaissait ses cibles de prdilection : le jouet, le luxe, la maroquinerie. Dsormais, il dploie son industrie de masse l o on ne lattendait pas : lquipement lectrique et lectronique. La situation saggrave sans que les industriels occidentaux prsents en Chine ne puissent rellement protger leurs produits. Les ressources locales, en savoir-faire issu de la dlocalisation, sont telles quelles surclassent aujourdhui la Thalande, la Core du Sud, lItalie et la Turquie. La force des entreprises chinoises noyautes par le crime organis local repose sur deux prceptes, bien connus des champions du domaine : la chasse aux crneaux techniques sur des marchs de masse trs ouverts des consommateurs de plus en plus bricoleurs et la constitution de filires opaques. La multiplication des rseaux de distribution, btis sur le principe des cartels de la drogue, complique terriblement les enqutes et lorsque lon cherche la source du mal, on rebondit de socit cran en socit cran. Cest en quelque sorte une conomie de village, trs disperse, donc difficile juguler. Elle touche particulirement les produits de grande srie peu sophistiqus et la copie porte essentiellement sur le design, tandis que les composants comme les quipements lectriques sont rudimentaires et dangereux. Un tiers des disjoncteurs Schneider Electric couls sous la marque Merlin-Grin sont ainsi des faux. La plaque tournante de ces pillages technologiques est connue. Hongkong et ses traders tirent les ficelles et activent un vaste rseau de sous-traitants chinois. Dans cette affaire, le professionnalisme a t pouss lextrme. Reproduits depuis plus de cinq ans dans une cinquantaine dusines chinoises, parfois fortes dune centaine demploys, les faux produits Merlin-Grin rejoignent la gare de triage de Hongkong avant dtre ventils entre lEgypte, le Maroc, lAlgrie, la Turquie et mme lEspagne ou lItalie. Le march chinois est lui-mme bien servi. Copyright Ce rapport confidentiel est la Proprit Intellectuelle de la Fondation Waito tous droits rservs. Aucune partie de cette publication ne peut tre reproduite ou transmise sous nimporte quelle forme ou par nimporte quels moyens, y compris la photocopie et lenregistrement, ou par nimporte quel stockage de linformation et systme de rcupration.
  • 26. 26 Les ramifications mafieuses trouvent des complicits actives parmi de respectables maisons, en particulier dans la vente par correspondance ou dans la grande distribution. Elles sont souponnes dencourager en Chine des contrefaons dquipements lectriques, revendues ensuite par leurs soins. Une situation prjudiciable bien des fournisseurs europens, invits se taire sous peine dtre retirs des linaires. Les filires se rvlent bien huiles. Ds quune usine est ferme, une autre souvre quelques kilomtres Face ce cancer, la contre-offensive des Occidentaux pse dun faible poids. Les tribunaux chinois, rcemment dots de chambres spcialises dans le droit de la proprit industrielle, et les AIC (administrations pour lindustrie et le commerce), fortes de 350 000 fonctionnaires, prononcent rgulirement des sanctions : fermeture dusine dans un cas, amende de quelques milliers deuros dans un autre (3000 personnes ont t condamnes en 2005). Lindustrie de masse de produits de contrefaon est multiple, et peut donc se prsenter sous de nombreux visages ; mme sous la forme dindu