Syndrome d’AZOOR : à propos d’un cas standard • Champ ...pupillaire afférent, une hyalite...

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Rétine Images en Ophtalmologie Vol. II n° 1 janvier-février-mars 2008 16 AZOOR • Électrorétinogramme standard • Champ visuel Gold- mann. AZOOR • Standard electro- retinogramm • Goldmann visual field. Cas clinique Syndrome d’AZOOR : à propos d’un cas Acute zonal occult outer retinopathy: about one case V. Martinet, G. Soubrane, É. Souied (Service d’ophtalmologie, hôpital intercommunal de Créteil, Créteil) L e syndrome d’Acute Zonal Occult Outer Retinopathy (AZOOR) est une affec- tion aiguë rétinienne de découverte récente (1). Elle survient préférentiel- lement chez la femme jeune et elle est caractérisée par un dysfonctionnement localisé de la rétine externe responsable d’un déficit du champ visuel. Nous rapportons ici le cas d’une patiente atteinte d’AZOOR, de forme péripapillaire bilatérale, dont le diagnostic a été fait plusieurs mois après le début des symp- tômes. Une femme de 52 ans est adressée par son ophtalmologiste pour baisse d’acuité visuelle bilatérale évoluant depuis plusieurs mois. Elle ne rapporte aucun antécédent personnel, ni familial. La baisse d’acuité visuelle, d’installation rapide, s’accompagne de photopsies, sans douleur à la mobilisation du globe. Examen À l’examen ophtalmologique, l’acuité visuelle à droite est mesurée à 2/10 P10, et à gauche à 7/10 P3 sans correction. Le segment antérieur est calme, la tension intra- oculaire normale. À l’examen du fond d’œil, on observe une zone d’atrophie de l’épi- thélium pigmentaire péripapillaire annulaire bilatérale et asymétrique, associée à un granité orangé superficiel interpapillomaculaire, sans hyalite (figures 1a et 1b). L’examen en autofluorescence confocal (Heidelberg Retina Angiograph, Heidelberg, Germany) retrouve un liseré hyperautofluorescent encerclant une zone noire péri- papillaire correspondant à l’atrophie retrouvée à l’examen du fond d’œil. Les mêmes anomalies sont notées aux deux yeux (figures 2a et 2b). L’angiographie à la fluorescéine retrouve une hyperfluorescence précoce constante dans le temps, sans diffusion de répartition péripapillaire superposable à l‘atrophie relevée à l’examen clinique. On observe, de façon asymétrique, les mêmes anomalies angiographiques des deux cotés (figures 3a et 3b). En tomographie par cohérence optique (OCT), l’examen morphologique de la macula est normal des deux côtés. Le champ visuel Goldmann montre à droite un scotome cæco-central étendu (figure 4a) et à gauche un scotome central associé à un élargissement de la tache aveugle (figure 4b). Des deux côtés, on retrouve une réduction des isoptères. L’électrorétinogramme (ERG) standard montre une dépression électrique en vision photo- pique, et une réduction d’amplitude des cônes, de répartition asymétrique aux deux yeux. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et orbitaire ne retrouve aucune anomalie, ni non plus l’échographie oculaire en mode B. Diagnostic Le diagnostic du syndrome d’AZOOR bilatéral et de localisation péripapillaire est retenu devant la présence d’une baisse d’acuité visuelle bilatérale et asymétrique associée à des photopsies, d’installation rapide, chez une femme, avec un fond d’œil aspécifique et un ERG altéré. Légendes Figure 1. a. Fond d’œil droit au début du suivi : halo de dépigmentation péripapillaire mal délimité. b. Fond d’œil gauche au début du suivi : halo dépigmenté péripapillaire identique à l’œil droit. Figure 2. a. Autofluorescence œil droit : liseré hyperautofluorescent encerclant la zone d’atrophie visible au fond d’œil. b. Auto- fluorescence œil gauche : aspect comparable à l’œil droit. Figure 3. a. Angiographie à la fluorescéine œil droit : anneau hyperfluorescent péri- papillaire. b. Angiographie à la fluorescéine œil gauche : aspect identique à l’œil droit. Figure 4. a. Champ visuel Goldmann œil droit : scotome cæco-central étendu. b. Champ visuel Goldmann œil gauche : scotome central associé à un élargissement de la tache aveugle.

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AZOOR • Électrorétinogramme standard • Champ visuel Gold­mann.

AZOOR • Standard electro-retinogramm • Goldmann visual field.

Cas clinique

Syndrome d’AZOOR : à propos d’un casAcute zonal occult outer retinopathy: about one caseV. Martinet, G. Soubrane, É. Souied (Service d’ophtalmologie, hôpital intercommunal de Créteil, Créteil)

L e syndrome d’Acute Zonal Occult Outer Retinopathy (AZOOR) est une affec-tion aiguë rétinienne de découverte récente (1). Elle survient préférentiel-

lement chez la femme jeune et elle est caractérisée par un dysfonctionnement localisé de la rétine externe responsable d’un déficit du champ visuel. Nous rapportons ici le cas d’une patiente atteinte d’AZOOR, de forme péripapillaire bilatérale, dont le diagnostic a été fait plusieurs mois après le début des symp-tômes.

Une femme de 52 ans est adressée par son ophtalmologiste pour baisse d’acuité visuelle bilatérale évoluant depuis plusieurs mois. Elle ne rapporte aucun antécédent personnel, ni familial. La baisse d’acuité visuelle, d’installation rapide, s’accompagne de photopsies, sans douleur à la mobilisation du globe.

ExamenÀ l’examen ophtalmologique, l’acuité visuelle à droite est mesurée à 2/10 P10, et à gauche à 7/10 P3 sans correction. Le segment antérieur est calme, la tension intra-oculaire normale. À l’examen du fond d’œil, on observe une zone d’atrophie de l’épi-thélium pigmentaire péripapillaire annulaire bilatérale et asymétrique, associée à un granité orangé superficiel interpapillomaculaire, sans hyalite (figures 1a et 1b).

L’examen en autofluorescence confocal (Heidelberg Retina Angiograph, Heidelberg, Germany) retrouve un liseré hyperautofluorescent encerclant une zone noire péri-papillaire correspondant à l’atrophie retrouvée à l’examen du fond d’œil. Les mêmes anomalies sont notées aux deux yeux (figures 2a et 2b).

L’angiographie à la fluorescéine retrouve une hyperfluorescence précoce constante dans le temps, sans diffusion de répartition péripapillaire superposable à l‘atrophie relevée à l’examen clinique. On observe, de façon asymétrique, les mêmes anomalies angiographiques des deux cotés (figures 3a et 3b).

En tomographie par cohérence optique (OCT), l’examen morphologique de la macula est normal des deux côtés.

Le champ visuel Goldmann montre à droite un scotome cæco-central étendu (figure 4a) et à gauche un scotome central associé à un élargissement de la tache aveugle (figure 4b). Des deux côtés, on retrouve une réduction des isoptères.

L’électrorétinogramme (ERG) standard montre une dépression électrique en vision photo-pique, et une réduction d’amplitude des cônes, de répartition asymétrique aux deux yeux.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et orbitaire ne retrouve aucune anomalie, ni non plus l’échographie oculaire en mode B.

DiagnosticLe diagnostic du syndrome d’AZOOR bilatéral et de localisation péripapillaire est retenu devant la présence d’une baisse d’acuité visuelle bilatérale et asymétrique associée à des photopsies, d’installation rapide, chez une femme, avec un fond d’œil aspécifique et un ERG altéré.

LégendesFigure 1. a. Fond d’œil droit au début du suivi : halo de dépigmentation péripapillaire mal délimité. b. Fond d’œil gauche au début du suivi : halo dépigmenté péripapillaire identique à l’œil droit.

Figure 2. a. Autofluorescence œil droit : liseré hyperautofluorescent encerclant la zone d’atrophie visible au fond d’œil. b. Auto-fluorescence œil gauche : aspect comparable à l’œil droit.

Figure 3. a. Angiographie à la fluorescéine œil droit : anneau hyperfluorescent péri-papillaire. b. Angiographie à la fluorescéine œil gauche : aspect identique à l’œil droit.

Figure 4. a. Champ visuel Goldmann œil droit : scotome cæco-central étendu. b. Champ visuel Goldmann œil gauche : scotome central associé à un élargissement de la tache aveugle.

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Cas clinique

Aucun traitement n’ayant prouvé son efficacité pour le syndrome d’AZOOR, la patiente est suivie régulièrement sans thérapeutique spécifique.À 6 mois, l’acuité visuelle a diminué à droite à 1,6 P14 et à gauche à 4/10 P3. L’examen clinique et angiographique reste inchangé.À 18 mois, l’acuité visuelle est mesurée à 1/10 œil droit et à 7/10 œil gauche.

DiscussionLe syndrome d’AZOOR a été décrit par J.D. Gass en 1993, qui rapporte 13 cas de cette pathologie (1). Il s’agit d’épisode unique ou récidivant de dysfonctionnement de la rétine externe, pouvant aboutir à la perte des photorécepteurs. L’AZOOR concerne préférentiellement la femme jeune, avec une atteinte souvent bilatérale (2). Il est caractérisé par un déficit du champ visuel d’installation rapide associé à des photo-psies (3). La baisse d’acuité visuelle est variable ; dans 76 % cas, elle était initialement supérieure à 20/40 dans une série de 51 patients (2). Peuvent être associés un déficit pupillaire afférent, une hyalite modérée (1).L’examen initial du fond d’œil est typiquement normal ou présente des anomalies minimes n’expliquant pas le déficit du champ visuel. Au cours du suivi peuvent appa-raître dans l’aire du champ visuel déficitaire des zones d’atrophie de l’épithélium pigmentaire ou des migrations pigmentaires, pouvant faire porter à tort le diagnostic de rétinite pigmentaire (4).L’examen du champ visuel Goldmann met en évidence un déficit de type et de locali-sation variables, les plus fréquents étant un élargissement de la tache aveugle ou un scotome central (2).L’angiographie à la fluorescéine peut montrer des plages d’atrophies de l‘épithélium pigmentaire non pathognomoniques. Cependant, peuvent apparaître au cours du suivi un œdème maculaire cystoïde ou une exsudation périveineuse (2). Dans une série de 51 patients, suivis au moins 3 ans, J.D. Gass met en évidence dans 72 % des cas une stabilisation du champ visuel, dans 24 % des cas une amélioration partielle, et dans 4 % des cas une dégradation (2). Dans cette même étude, l’acuité visuelle finale est supérieure à 20/40 dans 68 % des cas. Au cours de l’évolution, peuvent survenir des récurrences, évaluées à 30 % des cas. Aucune thérapeutique n’a fait la preuve de son efficacité.La cause de l’AZOOR reste actuellement inconnue. L.M. Jampol suggère que le syndrome des taches blanches évanescentes (Multiple Evanescent White Dot Syndrome [MEWDS]), la choroïdite multifocale (CMF), l’Acute Macular Neuroretinitis (AMN), la Punctate Inner Choroiditis (PIC), le syndrome d’élargissement idiopathique de la tache aveugle (Acute Idiopathic Blind Spot Enlargement [AIBSE]) et l’AZOOR pourraient constituer le continuum d’une même maladie (5, 6).

L’AZOOR est un syndrome rare se rencontrant chez la femme jeune caractérisé par le dysfonctionnement rapide d’une ou plusieurs zones de la rétine externe, uni- ou bilatéral, associé à des photopsies, de minimes modifications du fond d’œil, et des anomalies à l’ERG. II

Références bibliographiquesGass�JD.�Acute�zonal�occult�outer�retinopathy.�Donders�Lecture:�The�Netherlands�Ophthalmolo-

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1.

2.

3.4.

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