Place de la pleine conscience dans le traitement des ... · protocole Mindfulness Based Stress...

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Cahiers de nutrition et de diététique (2018) 53, 198—208 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com COMPORTEMENT ALIMENTAIRE Place de la pleine conscience dans le traitement des troubles du comportement alimentaire et de l’obésité : mise au point Focus on the place of mindfulness in the treatment of eating disorders and obesity Yasmine Lienard 4, rue des Mariniers, 75014 Paris, France Rec ¸u le 7 janvier 2018 ; accepté le 20 avril 2018 Disponible sur Internet le 26 mai 2018 MOTS CLÉS Méditation ; Pleine-conscience ; Comportement alimentaire ; Obésité Résumé Pratiquer la pleine conscience consiste à porter attention à l’instant présent, prendre le temps d’observer ce que l’on fait et ce que l’on mange avec curiosité et déve- lopper une attitude bienveillante envers soi-même et l’environnement. Il existe de nombreux protocoles incluant désormais la pleine conscience pour accompagner les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire ou aider à une perte de poids durable dans l’obésité. Dans cet article nous proposons une mise au point sur les aspects cliniques sur lesquels la pleine conscience peut agir, pour comprendre comment l’intégrer dans la prise en charge. Nous pro- posons également une revue des études qui ont évalué la pleine conscience dans ces troubles. Cette revue montre une réduction des préoccupations autour de la nourriture, plus d’attention aux prises alimentaires, une meilleure écoute intéroceptive et une meilleure régulation émo- tionnelle. La pleine conscience induit une perte de poids modérée (environ 4 kg pour l’obésité) et améliore l’impulsivité alimentaire. Cette approche semble donc être un outil intéressant pour le traitement les troubles du comportement alimentaire et de l’obésité. © 2018 Soci´ et´ e franc ¸aise de nutrition. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits eserv´ es. KEYWORDS Meditation; Mindfulness; Feeding behavior; Obesity Summary To practice mindfulness is to pay attention to the present moment, take the time to observe what we do and eat with curiosity and develop a caring attitude towards oneself and the environment. There are many protocols including mindfulness to help patients with eating disorders or help with lasting weight loss in obesity. In this article, we provide an update on the clinical aspects that mindfulness can act on, to understand how to integrate it in the care. Adresse e-mail : [email protected] https://doi.org/10.1016/j.cnd.2018.04.002 0007-9960/© 2018 Soci´ et´ e franc ¸aise de nutrition. Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Tous droits eserv´ es.

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Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

OMPORTEMENT ALIMENTAIRE

lace de la pleine conscience dans leraitement des troubles du comportementlimentaire et de l’obésité : mise au point

ocus on the place of mindfulness in the treatment of eating disorders andbesity

Yasmine Lienard

4, rue des Mariniers, 75014 Paris, France

Recu le 7 janvier 2018 ; accepté le 20 avril 2018Disponible sur Internet le 26 mai 2018

MOTS CLÉSMéditation ;Pleine-conscience ;Comportementalimentaire ;Obésité

Résumé Pratiquer la pleine conscience consiste à porter attention à l’instant présent,prendre le temps d’observer ce que l’on fait et ce que l’on mange avec curiosité et déve-lopper une attitude bienveillante envers soi-même et l’environnement. Il existe de nombreuxprotocoles incluant désormais la pleine conscience pour accompagner les patients souffrant detroubles du comportement alimentaire ou aider à une perte de poids durable dans l’obésité.Dans cet article nous proposons une mise au point sur les aspects cliniques sur lesquels la pleineconscience peut agir, pour comprendre comment l’intégrer dans la prise en charge. Nous pro-posons également une revue des études qui ont évalué la pleine conscience dans ces troubles.Cette revue montre une réduction des préoccupations autour de la nourriture, plus d’attentionaux prises alimentaires, une meilleure écoute intéroceptive et une meilleure régulation émo-tionnelle. La pleine conscience induit une perte de poids modérée (environ 4 kg pour l’obésité)et améliore l’impulsivité alimentaire. Cette approche semble donc être un outil intéressantpour le traitement les troubles du comportement alimentaire et de l’obésité.© 2018 Societe francaise de nutrition. Publie par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

KEYWORDSMeditation;Mindfulness;Feeding behavior;Obesity

Summary To practice mindfulness is to pay attention to the present moment, take the timeto observe what we do and eat with curiosity and develop a caring attitude towards oneself andthe environment. There are many protocols including mindfulness to help patients with eatingdisorders or help with lasting weight loss in obesity. In this article, we provide an update onthe clinical aspects that mindfulness can act on, to understand how to integrate it in the care.

Adresse e-mail : [email protected]

https://doi.org/10.1016/j.cnd.2018.04.002007-9960/© 2018 Societe francaise de nutrition. Publie par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

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Pleine conscience et comportement alimentaire

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Introduction

La pleine conscience est une pratique issue des traditionscontemplatives et surtout bouddhistes qui a trouvé sonexpression laïque d’abord grâce au Maître zen Thich NhatHanh [1] qui l’a popularisée et rendue accessible, puis auprofesseur de biologie moléculaire Jon Kabat Zinn, qui dansles années 1970 a élaboré un protocole destiné aux hôpitaux,le protocole Mindfulness Based Stress Reduction Program(MBSR) [2]. Ce dernier est le fondateur et le président actueldu Center for Mindfulness in Medicine, Health Care, andSociety à l’université de l’école de médecine du Massachu-setts.

Très rapidement, les pratiquants de cette technique deméditation en ont percu l’intérêt pour améliorer l’évolutiondes troubles du comportement alimentaire (TCA), puisqu’ils’agissait de changer le rapport au corps, aux sensationset à l’alimentation elle-même. L’exercice du raisin est unincontournable de tous les protocoles de pleine conscience,il s’agit de déguster un raisin en prenant conscience dugoût, de l’aspect visuel, des sons et de la texture. Undes fondements de la pleine conscience est de prendre letemps d’observer ce que l’on fait et ce que l’on mange,d’y mettre plus de curiosité et de développer une atti-tude bienveillante envers soi même et l’environnement. Lesthérapies cognitivo-comportementales dites de la troisième

vague se basent sur la pleine conscience. En font partie ladialectique comportementale (Dialectical Behavorial The-rapy ou DBT) de Marsha Linehan, la thérapie Mindfulnessbased Cognitive Therapy (MBCT), la thérapie AcceptanceCommitment Therapy (ACT). Des études ont été menéesavec ces outils dans le champ de l’application aux TCA,mais leurs résultats ne peuvent les considérer comme destraitements validés, même s’ils montrent des résultats inté-ressants dans l’hyperphagie boulimique avec une réductiondes compulsions [3,4].

Des protocoles plus spécifiques visant à mieux cibler lapopulation prise en charge ainsi que les symptômes, sontnés à partir des années 1990 comme le protocole de JeanKristeller, le Mindfulness Based Eating Awareness Training(MB-EAT) ainsi que le programme Mindful Eating de JanChozen Bay pour l’hyperphagie boulimique [5,6]. Ces pro-tocoles ont surtout été mis en place et évalués pour laboulimie, l’hyperphagie boulimique et l’obésité avec hyper-phagie boulimique.

Cet article vous propose d’explorer comment la pleineconscience peut améliorer les TCA et la qualité de vie deceux qui ont un rapport conflictuel avec la nourriture ouleur corps et d’expliquer pourquoi elle est un changementde paradigme par rapport à la prise en charge habituelle desTCA et de l’obésité.

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e studies that evaluated mindfulness in these disorders. Thiserns about food, more attention to food intakes, better inter-otional regulation. Mindfulness induces moderate weight lossroves food impulsivity. Mindfulness seems to be an interesting

disorders and obesity.rition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La compréhension du modèle axé sur le corps,l’alimentation et les émotions sont importantes pour obtenirdes résultats durables. Nous proposerons :• la description du mode d’action des thérapies basées sur

la pleine conscience ;• la manière d’intégrer la pleine conscience aux prises en

charge actuelles ;• l’évaluation des différentes thérapies associées à la

pleine conscience (revue de la littérature).

Définition de la pleine conscience

Une facon particulière d’orienter sonattention

Être en « pleine conscience » ou « mindfulness » impliquede faire une pause sur notre mode d’attention habituel.Fréquemment, nous sommes plutôt en « pilotage automa-tique », c’est-à-dire soumis à des pensées disparates et desimpulsions qui guident nos actions sans même nous en rendrecompte. Nous pouvons conduire sans tenir compte du pay-sage ou bien finir un bol de cacahuètes en regardant unesérie à la télévision sans avoir eu conscience du goût et dela quantité de ce qui a été ingéré.

La pleine conscience consiste à ramener son attention

dans le moment présent, de facon délibérée et sans juge-ment de ce qui est observé, que ce soient des sensationscorporelles, des sons ou bien des pensées qui sont vuescomme des phénomènes transitoires.

Selon le modèle de Bishop, la pleine conscience consti-tue une compétence d’ordre métacognitive sous-tendue parl’autorégulation de l’attention.

Lorsque le focus attentionnel est capté par un distrac-teur, nous sommes invités à prendre conscience de cedistracteur, désengager le focus attentionnel et ensuiteréengager le focus sur le point de focalisation déterminépar l’exercice [7]. La pleine conscience permet d’entraînerles capacités de flexibilité de ce focus attentionnel etd’observer, avec curiosité et sans volonté de les modifierou de les éviter, les différents aspects de l’expérience quise déploient, comme les pensées, les émotions et les sensa-tions et cultiver un réengagement volontaire de l’attentionsur les aspects expérientiels et spécifiques de l’expérienceémotionnelle. Ce processus peut être considéré comme uneforme d’acceptation active de l’expérience du moment pré-sent, quelle qu’elle soit.

On encourage les participants aux pratiques de médita-tion de pleine conscience à ne pas tendre vers un but, nimême à rechercher un état ou un changement particulier, sice n’est celui d’être pleinement conscient de l’expérience

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résente. Se mettre en attente d’un changement risqueraite restreindre la perception de l’expérience actuelle quierait dès lors décodée en termes d’approche ou d’écartar rapport aux changements souhaités [8]. Cette attitudeonstituerait une forme d’évitement de l’expérience.

Ruth Baer [9] a suggéré un modèle de changement, queermet la pratique de la pleine conscience, articulé autoure cinq points :s’exposer, c’est-à-dire centrer l’attention sur les sen-sations désagréables ; les observer, les explorer ets’entraîner à décrire l’expérience ;se désengager de la capture automatique de l’attentionpar les boucles de rétroactions cognitives qui s’auto-alimentent pendant la rumination, ce sont donc leschangements cognitifs au centre de l’entraînement à lapleine conscience ;accepter les émotions et l’expérience dans sa totalité.De nombreux chercheurs considèrent que la souffranceémotionnelle résulte bien plus de la non-acceptation del’émotion que de l’émotion elle-même ;la gestion de soi : l’auto-observation des réactions émo-tionnelles automatiques permet de détecter les signesavant-coureurs d’une difficulté psychologique et permetd’y faire face de manière préventive ;la relaxation. Même si le but explicite de la pleine consci-ence n’est pas d’amener un état de relaxation, ni mêmede générer un état particulier, la pratique de la pleineconscience peut engendrer un état similaire à la relaxa-tion.

Si au début, cet entraînement demande un effort et uneiscipline, les praticiens expérimentés de « mindfulness »emblent avoir une attitude automatique d’acceptation deeurs émotions [10]. Il semble probable que la pleine cons-ience, par la pratique, devienne automatique et intuitivevec le temps.

es différents types de pratique de laleine conscience

l est important de distinguer la pratique de pleine consci-nce informelle (comme regarder un grain de raisin sous touses aspects sensoriels ou écouter les sons de la nature) et laratique de méditation formelle. La méditation formelle estn entraînement immobile sur une durée de 20 à 45 minutes,oire une heure où l’esprit est entraîné à se désenga-er des focus attentionnels automatiques pour revenir surn point de focalisation du moment présent (respiration,ensations. . .).

Cet entraînement pour cultiver une qualité particu-ière d’attention et de conscience amène des changementsurables, notamment au niveau des capacités de régulationes émotions et au niveau neuronal. La pratique de la médi-ation est un chemin de changement qui intervient dans laégulation de multiples domaines de fonctionnement phy-iques, émotionnels, comportementaux et dans la relation

soi et aux autres [7].Ce modèle multicentrique de la méditation est particu-

ièrement applicable au traitement des TCA qui impliquentne dérégulation de multiples domaines de fonctionnement,otamment les émotions. Les thérapies cognitives et com-ortementales dites de la « troisième vague » se fondent sura pratique de la pleine conscience [11].

Il existe des pratiques en groupe, comme le proto-ole MBCT qui fait partie de cette nouvelle mouvance

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Y. Lienard

es thérapies cognitives et comportementales, mais aussies thérapies individuelles comme la thérapie Acceptanceommitment Therapy (ACT) ou thérapie d’acceptation et’engagement. Cette thérapie inclut de la pleine consciencet utilise beaucoup de métaphores ludiques pour approcherombien l’acceptation des émotions peut changer les luttesnternes et les symptômes. Par ailleurs dans la thérapie ACT,ne grande partie du travail thérapeutique est orienté sur’engagement vers les valeurs du sujet. Ainsi, au lieu de seocaliser sur les émotions à éviter, le sujet est invité à plu-ôt passer à l’action pour ce qui compte vraiment pour lui.a pleine conscience et la thérapie ACT aident à garder lalarté d’esprit et la stabilité intérieure pour agir pour sesaleurs, tout en dialoguant avec les émotions. Les actions

valorisées » sont donc celles qui vont vers les choix de viessentiels, quelles que soient les émotions qui s’expriment.

ntérêt de la pleine conscience dans lehamp du soin des troubles duomportement alimentaire

ers une lecture transdiagnostique des TCA

es TCA selon le DSM 5 regroupent l’anorexie mentale res-rictive ou avec conduites de contrôle du poids, la boulimie,e binge eating disorder (hyperphagie boulimique) et lesating disorders not otherwise specified (EDNOS, que sont :’anorexie mentale atypique, les accès de boulimie de faibleréquence, les conduites de purge isolées et le Night Eatingyndrome).

Il existe d’autres manifestations cliniques qui ne sont pasans le DSM 5 et qui sont associées aux TCA, telles que cer-aines obésité et l’orthorexie (où manger sainement deviente principal centre d’intérêt de la vie) [12].

Les causes de ces anomalies du comportement alimen-aire sont multiples et il est difficile d’expliquer l’originees troubles de facon universelle et de définir les facteurse maintien. De nombreuses recherches sont encore enours. L’exemple de l’anorexie mentale est parlant, puisque

endant longtemps les causes psychologiques et familialestaient au cœur des thérapies psycho-dynamiques alors quees équipes ont retrouvé récemment des facteurs géné-iques prédicteurs : l’anorexie serait en partie liée à unenomalie du système de récompense induisant une addictionu jeûne par des variations génétiques [13,14].

Dans la dimension cognitive comportementale et émo-ionnelle, la piste de la dysrégulation émotionnelleous-tend actuellement l’intérêt pour les thérapies de laroisième vague et rapproche la plupart des TCA d’unodèle commun. C’est ce que l’on nomme l’approche

transdiagnostique » de la psychopathologie qui cherchees mécanismes sous-jacents à la plupart des troubles psy-hiatriques.

Si l’on considère le rapport à l’alimentation, le modèlee la restriction cognitive est intéressant et est égale-ent « transdiagnostique » et peut expliquer la cliniquees divers TCA. On retrouve la restriction alimentairet cognitive dans le cadre de l’anorexie, mais aussi de’hyperphagie boulimique. Dans le cadre de l’anorexieestrictive, la personne tient ses objectifs de restriction eterd du poids ou maintient un poids trop faible pour songe et sa taille. Dans le second cas, la personne « dérape »t perd le contrôle sur les objectifs fixés. Mais, dans leseux cas, la volonté de restreindre ses apports alimentaires

Pleine conscience et comportement alimentaire

est présente. Des facteurs émotionnels sont souvent ledéclencheur des prises alimentaires excessives, mais ilspeuvent conduire aussi à se restreindre. Par exemple, lapeur de grossir, la peur du gras, d’être rejeté par les autres,peut conduire à du sport en excès, des vomissements, etc.

Il y a très souvent des représentations erronées, dysfonc-tionnelles de soi, de son corps.

On retrouve plus d’externalisation, peu d’intériorité,c’est-à-dire, un lieu de contrôle externe plutôt qu’interne.Ces patients portent peu d’attention aux facteurs internescomme régulateurs des comportements [15].

On peut donc proposer une lecture des cercles vicieuxdes TCA dans cette vision « transdiagnostique » (Fig. 1).

Les axes d’action de la pleine conscience :une approche multidimensionnelle

Ainsi, cette lecture transdiagnostique des TCA permet decomprendre l’intérêt de la pleine conscience et des théra-pies dites de « troisième vague ».

La pleine conscience favorise unealimentation intuitive

L’écoute des sensations qui fait partie de l’entraînementà la pleine conscience permettrait une autorégulation del’appétit et de la satiété, par le fait de mieux écouter lessignaux du corps, d’apprécier et d’honorer la nourriture.Cette approche est donc en opposition avec les approches« classiques » où la prise en charge diététique se base sur uncontrôle externe comprenant un nombre de calories optimalet des menus « équilibrés ».

Le problème des approches basées sur les menuset les rations caloriques est qu’elles peuvent entrete-nir la restriction cognitive et ne permettent pas auxpatients de retrouver une véritable autonomie des apports.L’alimentation reste dirigée par des injonctions mentales etnon par des processus basés sur les signaux physiologiques

corporels.

Dans nombre d’études, les régimes semblent perturberle rapport à l’alimentation et au corps, favorisant pour cer-tains l’anorexie, la boulimie et l’obésité. Les adolescentssuivant un régime sont plus à risque de prise de poids etplus souvent atteints d’obésité et d’hyperphagie boulimique[16,17]. Faire un régime augmente le risque de développerun trouble alimentaire partiel ou complet 4 ans plus tard : lesadolescentes ont 18 fois plus de « chance » de développer unTCA si elles ont fait un régime sévère (5 fois plus si le régimeétait modéré) [18]. Cela expliquerait la prédominance de lareprise de poids 5 ans après un régime. Il s’agit de l’effet« yoyo » retrouvé chez 1/3 à 2/3 des personnes obèses aprèsun régime [19]. Une des explications serait que la restrictioncognitive favoriserait la compensation et les dérapages ali-mentaires par déconnection des signaux de régulation quesont la faim et la satiété.

Le modèle de la restriction cognitive est cependant criti-qué par certains auteurs : de nombreuses personnes perdentdu poids et maintiennent la perte de poids en contrôlant leuralimentation, et pour certains, la restriction cognitive seraitl’indicateur d’une tendance à trop manger, donc concerne-rait une population qui est plutôt impulsive. Ce serait surce point qu’il conviendrait d’agir plutôt que de supprimerl’équilibre diététique [20].

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La pleine conscience réduirait cette impulsivité tout enfavorisant une alimentation variée intuitive et autorégu-lée. Elle permettrait de choisir la stratégie la plus adaptéemoment après moment selon les signaux corporels, lesbesoins réels et sans céder à des pulsions alimentaires enlien avec des émotions non tolérées.

Cette perspective contraste avec les modèles de contrôlede soi qui mettent en avant la vigilance, les structuresexternes imposées et la maîtrise de soi pour obtenir lechangement et le bien être. Elle privilégie plutôt l’écouteintéroceptive et fait confiance aux ressources propres dupatient [21]. Elle représente donc un complément utile auxrégimes pour des personnes qui ont un comportement ali-mentaire dérégulé et qui ne tiennent pas compte des signauxde faim et de rassasiement, sans être aussi contraignanteque les régimes classiques qui ne tiennent pas compte desdifficultés individuelles.

La pleine conscience permet de diminuer lesruminations et l’évitement expérientiel

La tendance à ruminer a été retrouvée dans les troublesanxieux, la dépression, les états de stress post-traumatiqueet dans l’anorexie mentale, ce qui conduit à considérer ceprocessus comme sous-tendant les troubles psychologiqueset exacerbant la psychopathologie.

Les ruminations sont associées à une évaluation néga-tive de soi, une difficulté à être présent et sont en lienavec le refus que l’expérience du moment présent soit tellequ’elle est. Dans l’anorexie, les ruminations portent surl’alimentation, le poids, l’apparence. La rumination main-tiendrait le trouble [22].

La pratique méditative aide à couper les trainsde pensées et ruminations qui peuvent êtresource d’anxiété et de dépression

Le modèle théorique à l’origine du protocole Thérapie cog-nitive basée sur la pleine conscience pour la dépression(MBCT) permet de comprendre la lecture nouvelle faite des

ruminations. Les ruminations dépressives seraient liées à unprocessus de « contrôle des divergences », la divergenceétant l’écart entre l’instant présent et ce qui serait jugémieux ou plus agréable [23]. Et cette tendance à comparercet écart interviendrait en réponse à des émotions négativesqui seraient vues comme un problème à résoudre, plutôtque faisant partie de l’existence. C’est ce que l’on nomme« l’évitement expérientiel ».

L’évitement expérientiel est à l’origine de nombreuxtroubles psychiques [24]. Paradoxalement, le fait de cher-cher à éviter des émotions négatives conduit à focaliserson attention sur tout ce qui ressemblerait à ces émotions,ou qui anticiperait leur venue. L’émotion ou les stimulinon souhaités (comme par exemple les douleurs physiques)deviennent donc des stimuli aversifs. Et l’attention devientattirée par ces stimuli que les personnes cherchent pour-tant à éviter. Un exercice typique de la thérapie ACT estpar exemple de donner comme consigne à une personnede ne « surtout pas penser au mot citron pendant les pro-chaines minutes ». Paradoxalement, le mot citron devientprépondérant au niveau cognitif.

Des difficultés à désengager le focus attentionnel des sti-muli aversifs ont été ainsi constatées dans les troubles psy-chiques. Les schémas cognitifs émotionnels négatifs s’auto-entretiennent ainsi. Porter son attention sans jugement sur

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igure 1. Le cercle vicieux des troubles alimentaires.

e moment présent permet de se désengager de ces bouclese rétroactions négatives. Heeren et Philippot ont montréne réduction des pensées intrusives abstraites et généralesavorisées par une sémantique des émotions (pourquoi suis-e anxieux ? Je suis stressé tout le temps, mes peurs mearalysent), en faveur de pensées concrètes et adaptativeseliées plutôt aux valeurs du sujet (par exemple s’engagerans des actions pour son travail, son couple ou ses amisuelles que soient les émotions qui nous traversent) [25].

Les thérapies de la troisième vague ne cherchent doncas à modifier le contenu des événements psychologiquesésagréables, mais plutôt à modifier la relation entretenuevec ces événements psychologiques [26]. Ainsi, il semble

ue la pleine conscience puisse aider les personnes souffrant’anorexie mentale et probablement d’autres TCA, en agis-ant sur cette dimension des ruminations et de l’évitementes émotions.

a pleine conscience favorise un rapport auxmotions plus adapté

orsqu’une émotion survient, le sujet qui a un rapportdapté à ses émotions réévalue la problématique, résoutoncrètement le problème et accepte de ressentir cettemotion. Un sujet qui aurait une difficulté avec ses émotionsentera d’éviter de ressentir cette émotion, cherchera à laupprimer et ruminera sur son incapacité à se sentir bien.

Or, on a montré que les personnes souffrant de TCAvaient plus de difficultés à réguler leurs émotions. La régu-ation des émotions mal adaptées, communément appeléeysrégulation des émotions, est une caractéristique psycho-ogique retrouvée dans beaucoup de TCA [27], ce qui amène

cibler les interventions psychothérapeutiques sur la régu-ation des émotions, quel que soit le trouble. Ceci s’appelle’approche transdiagnostique, caractéristique des thérapiesognitives et comportementales de la troisième vague qui’intéressent aux processus sous-jacents à la souffrance psy-hique en général.

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Une étude espagnole retrouve que cette dimension deysrégulation émotionnelle est pertinente comme approcheransdiagnostique des TCA qui sont eux-mêmes améliorésar la prise en charge des troubles émotionnels [28]. Laleine conscience diminue la tendance à l’évitement et’intolérance à la détresse qui favorisent l’hyperphagie bou-imique [29].

Le déficit de la conscience intéroceptive, qui empêchee distinguer la faim de l’anxiété, serait une caractéris-ique commune à l’anorexie et la boulimie [30]. Le risquee développer des troubles du comportement alimentairest conjointement prédit par les déficits intéroceptifs et leschelles de dérèglement émotionnel [31].

L’intrication entre les émotions et leur impact sur laonscience intéroceptive est un sujet complexe qui méritencore des recherches. Les échelles habituelles ne dif-érencient pas clairement les deux dimensions du déficitntéroceptif supposé, à savoir le manque de ressenti desensations et la non-acceptation de ces sensations en cas’hyper-activation émotionnelle. On peut s’interroger sure fait que l’anxiété peut par exemple perturber la cons-ience intéroceptive. Par ailleurs, la non-acceptation de’hyper-activation (anxiété, panique, stress) peut entraînerne adaptation basée sur l’évitement associée à une res-riction alimentaire et/ou à un comportement de purge.our Merwin, il s’agirait donc plutôt, de ne pas accepter’émotion intense, que de ne pas la ressentir [32]. La pleineonscience favoriserait ainsi la régulation adaptative desmotions en améliorant la conscience des états internest en permettant une acceptation sans jugement des étatsnternes comme des phénomènes passagers [33].

a pleine conscience permet d’améliorer’autocompassion

ne tendance à l’autodévaluation et au perfectionnismest associée aux TCA et ceux-ci alimentent le syndrome’impuissance apprise, diminuant la capacité à se mobili-

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Figure 2. Schéma pour synthétiser l’approche des troubles du co

ser pour le changement. L’isolement social, la répétition descompulsions alimentaires, l’immobilité liée à l’obésité, toutcela peut entretenir la honte de soi et aggraver les troubleset la dépression parfois associée.

La méditation développe une bienveillance à l’égard desoi, par une attitude « cultivée » de non-jugement. C’estun préalable indispensable avant toute mise en mouvementvers la guérison, car le cercle vicieux de la culpabilitéet de la honte entretient les troubles. Prendre soin deson corps fait partie du « self care » des programmes depleine conscience pour les TCA [34]. Une étude améri-caine chez 67 adolescentes, mesurant la pleine conscience,l’autocompassion et le bien être émotionnel, suggérait que

la pleine conscience et l’autocompassion étaient associéesau bien être émotionnel [35].

Aborder l’estime de soi et l’origine de la honte et de laculpabilité implique de déceler les schémas précoces dys-fonctionnels. Jeffrey Young et al. ont mis en place unethérapie qui fait également partie de la troisième vague,nommée « thérapie des schémas » qui se base sur les théoriesd’apprentissage précoce et de l’attachement [36].

Les schémas se construiraient dans l’enfance jusqu’àl’âge de 8—12 ans et influenceraient toute la vie del’adulte s’ils sont entretenus. On retrouve beaucoup plusde TCA chez les personnes ayant des schémas dysfonction-nels et beaucoup plus de schémas dysfonctionnels chezcelles qui souffrent de TCA [37]. Les schémas sont àl’origine de comportements inadaptés et autodestructeurspour l’individu, car ils sont trop rigides et répondent à desinjonctions irréalistes (par exemple : il faut être parfait pourêtre aimé).

Et par ailleurs, la prévalence des TCA chez des adultesayant subi des abus sexuels et des négligences de soin, estplus élevée [38,39]. Le lien entre psycho-traumatismes etschémas précoces dysfonctionnels est également établi.

Pour expliquer le lien entre compulsions alimentaires etpsycho-traumatismes, on suppose que, lorsque des états

tement alimentaire par la pleine conscience.

émotionnels négatifs sont activés, un mouvement vers desniveaux inférieurs de cognition et de conscience de soiest initié, impliquant des processus cognitifs similaires àla dissociation traumatique. Ce mécanisme tend à élimi-ner les inhibitions, facilitant ainsi la frénésie alimentaireou la suralimentation [40]. Les méthodes psychocorporellesbasées sur le corps et la pleine conscience pour les psycho-traumatismes, ont fait leur preuve, et leur mécanismed’action est de réintégrer une conscience du corps et d’allerà l’encontre de la dissociation [41].

La pratique de la pleine conscience favorise unemeilleure acceptation de soi et de ses imperfections. Quelsque soient les protocoles mis en œuvre, il y est toujours

question de sagesse, d’acceptation de la réalité de la vie etd’engagement vers ce qui est bon pour soi, et aussi pour cequi compte vraiment, plutôt que vers les schémas automa-tiques mentaux. Frisén et Holmqvist ont constaté, dans uneenquête nationale suédoise, que les adolescents qui avaientune acceptation de leurs imperfections avaient le plus hautniveau de satisfaction corporelle [42]. Malgré l’énumérationdes « défauts », ils ne sont pas troublés par eux. Plutôt,ils ont tendance à accepter les imperfections comme unepartie d’eux-mêmes. De cette facon de voir le corps, il estentendu que personne ne peut être parfait et que la pour-suite de cet « idéal illusoire » peut être physiquement etmentalement nuisible [43]. La pleine conscience augmentele sentiment d’efficacité personnelle et l’autocompassion[44].

Nous voyons donc que la pratique de la pleine consciencepeut agir sur plusieurs dimensions psycho-sociales, avec desparticularités propres à chaque individu (Fig. 2).

Les objectifs de l’approche par la pleine conscience :• accueillir les émotions comme faisant partie de

l’existence ;• ne pas être dans le mode « recherche de solution rapide

et efficace » ;• méditer pour intégrer ce qu’est la pleine conscience ;

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adopter une approche bienveillante et favorisantl’autonomie du sujet ;développer une alimentation intuitive basée sur lesbesoins du corps et les signaux de faim/satiété tout enaccueillant les compulsions et autres rituels liés aux émo-tions avec curiosité et bienveillance pour pouvoir cesserla culpabilité.

omment mettre en place la pleineonscience dans le cadre de la prise enharge des troubles du comportementlimentaire ?

n groupe

a pleine conscience thérapeutique et laïque s’enseigne enroupe. Le groupe favorise les échanges, permet à chaquearticipant de mieux repérer les tendances qui posent pro-lème car elles seront partagées plusieurs fois par d’autres.lle est protocolisée et, en général, les groupes durent

séances (pour la MBSR ou MBCT), ou 12 dans le cas duB-EAT par exemple.

Les séances durent 2 heures ou 2 h 30. Le nombre moyene participants est de 12 environ. Il s’agit de faire des expé-iences méditatives, plutôt que d’interagir comme dans desroupes de parole ou de soutien.

Les patients qui assistent à des groupes MBSR ou MBCTeuvent en tirer un bénéfice, à la fois pour les comorbi-ités (puisque l’indication première de ces protocoles estoit la gestion du stress ou de la douleur chronique poura MBSR, soit la prévention de la rechute dépressive poura MBCT), mais aussi pour intégrer un changement dans laacon d’être en rapport avec leur corps et l’alimentationpuisque nombre d’exercices invitent à porter attention auxestes de la vie quotidienne et à l’alimentation).

Certains protocoles intègrent la thérapie ACT en mêmeemps que MBCT et également des protocoles basés sura dialectique comportementale de Marsha Linehan (DBT),ont destinés plus particulièrement au traitement de

’hyperphagie boulimique. La dialectique comportementalest une approche thérapeutique individuelle et de groupeestinée en premier lieu au traitement du trouble de laersonnalité borderline avec risque suicidaire, intégrant desxercices pour réguler les émotions, tolérer la détresse etes exercices de pleine conscience.

Nombre d’études, qui évaluent la pleine conscience etes TCA, se basent sur les protocoles MBCT, MBSR ou DBT.

Voici, l’exemple de deux protocoles spécifiques aux TCAui se sont développés aux États-Unis et qui commencent àtre pratiqués en Europe.

e protocole MB-EATe Mindfulness-based eating awareness training (MB-EAT ;risteller et Halett, 1999) a été développé en intégrant desléments de MBSR et de la dialectique comportementaleDBT), avec des méditations guidées sur l’alimentation [45].

Les méditations s’adressent à des sujets spécifiquesoncernant la silhouette, le poids et les processus’autorégulation de l’alimentation, comme la faim ete rassasiement et la sensorialité alimentaire. D’autreséditations se focalisent sur le craving alimentaire (compul-

ions). Quelques méditations guidées sur la prise alimentaireont incluses, dans lesquelles les participants focalisentne attention sans jugement aux sensations, pensées et

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motions reliées à la faim, la satiété, et les déclencheurses accès de boulimie. Des « mini-méditations » sont aussiroposées, dans lesquelles les participants apprennent à’arrêter quelques instants à des moments clé, pendanteur activité quotidienne, particulièrement les repas ou lesoûters.

Un certain nombre de méditations sur l’alimentationtilisent de la nourriture, commencant avec l’exercice duaisin, et allant vers des aliments plus complexes et pro-lématiques, pour ensuite faire des choix alimentaires enleine conscience, d’abord entre deux aliments, puis autour’un buffet. Plusieurs sessions incluent un travail corporeln pleine conscience, depuis le body scan, l’automassageu la marche en pleine conscience. L’intervention proposensuite une méditation du pardon de son corps et de soiême, et une méditation de sagesse, pour souligner que la

agesse de faire de meilleurs choix réside en nous.

’approche Mindful eating du Docteur Janhozen Bay [6]oins protocolisée que le MB EAT, Jan Chozen Bay ne vou-

ant pas s’associer au moindre programme de perte de poidst de calcul des calories. Basée sur la pleine consciencet l’autorégulation par l’attention seule, ITIT (It is inter-ssant isn’t it?) en est le leitmotiv. Tout ce qui survient estn entraînement à la pleine conscience. Le protocole dure

semaines et comprend de nombreuses sessions de médita-ion et d’exploration des sensations de faim et satiété. Onxplore l’estomac et les sensations. On observe ses réactionsmotionnelles lors des prises alimentaires avec beaucoup deienveillance et sans jugement.

Jan Chozen Bay est pédiatre spécialiste des psycho-raumatismes infantiles. Nonne de la tradition zen,lle enseigne la pleine conscience dans le domaine de’alimentation depuis de nombreuses années.

Elle invite à repérer 9 types de faims, la faim étant ceui pousse ici à désirer ingérer un aliment :faim visuelle : certains aliments peuvent nous donnerenvie parce qu’ils sont bien présentés ;faim olfactive : l’odeur d’un croissant chaud ou d’un plat

sortant du four peut nous donner envie de le manger ;faim auditive : le bruit d’une pomme qui croque ou d’unechips peut participer de l’envie d’en manger ;faim de la bouche : le goût, la palatabilité d’un alimentparticipant de l’envie d’en goûter ;faim de l’estomac : ce sont les signaux que l’on ressentlorsque l’estomac est vide ;faim des cellules : ce sont les appétits spécifiques, l’envied’un aliment précis parce que le corps en manque ;faim de l’esprit : ce sont les injonctions mentales qui nouspoussent à manger. Par exemple, « c’est l’heure, il estmidi » ou « je dois manger 5 fruits et légumes » ou bien« je dois finir mon assiette » ;faim du cœur : c’est la faim émotionnelle, l’exemple de lamadeleine de Proust illustre le fait que l’on mange parfoispour se réconforter, se faire du bien ;faim récente qui est la faim du toucher : on peut aimerle contact d’un aliment, sa texture (par exemple, la gui-mauve).

Le travail des participants est de se familiariser avec’écoute de ces faims pour prendre du recul par rapport auxomportements automatiques préprogrammés et retrouverne liberté alimentaire par la pleine conscience seule, c’est--dire, l’autorégulation naturelle.

Pleine conscience et comportement alimentaire

Ainsi, il existe plusieurs facons d’introduire la pleineconscience pour traiter les TCA. Mais l’expérience cli-nique montre qu’il convient d’un temps de préparation despatients avant d’intégrer des groupes. La consultation indi-viduelle d’un psychiatre, d’un psychothérapeute ou d’undiététicien peut déjà amorcer la pratique de pleine cons-cience du sujet.

En consultation individuelle

Les thérapies cognitives et comportementales de la troi-sième vague sont utilisées pour des suivis individuels. Cesont des thérapies dites « brèves », mais il faut parfois plu-sieurs mois, voire une année, pour permettre aux patientsd’intégrer les fondements dans leur vie quotidienne etobserver des changements.

Accepter de ne plus chercher à tout prix à faire maigrirles gens, peut être difficile, surtout lorsque les demandesdes patients sont pressantes et centrées sur ce but. Ainsi,un thérapeute nutritionniste ou diététicien devra changersa facon de travailler, car maigrir n’est plus prioritaire dansla prise en charge.

La pleine conscience implique en effet une philoso-phie en décalage avec notre culture habituelle. Il s’agitd’appréhender les choses, non pas sur un mode rationnel,mais de développer l’écoute du corps, des sensations dansle moment présent, et ne pas chercher à résoudre des pro-blèmes, ce qui impliquerait que le moment présent seraitinadéquat et devrait être amélioré. Elle va à l’encontre del’idée de maîtrise de soi et d’atteindre des buts.

L’idée sous-jacente à la pleine conscience, c’est que lecorps contient sa propre sagesse, sa propre richesse créativeet intuitive. Il suffit de lui faire confiance et de ne pas vouloirle contrôler. La régulation des émotions va être le proces-sus central en consultation, ainsi que l’écoute des signauxcorporels de satiété et le développement d’une profondeauto-compassion, celle-ci favorisant l’autonomie [46].

La pratique de la méditation par le thérapeute est unpréalable important à l’application des outils de la pleineconscience pour qu’il ait une compréhension personnelle etincarnée de ce que signifie l’acceptation des émotions diffi-

ciles. En effet, si le thérapeute est anxieux devant l’anxiétéde son patient, et qu’il cherche à résoudre cela comme unproblème, alors la thérapie n’est pas dans la direction dela pleine conscience, mais maintient des formes subtilesd’évitement.

Faire quelques étirements, être présent à ses sensationsest très utile. Le thérapeute peut le faire avec le patient.Marcher en pleine conscience peut aider à une prise deconscience du corps qui opérera des changements. Pointerl’attention du patient sur la position assise et sur quelquesrespirations est déjà une facon de calmer le mental, couperles ruminations et s’ancrer dans le corps.

Le travail avec l’alimentation se fera dans le sens del’écoute des différents types de faim, de la satiété et éga-lement des moments de compulsions, avec bienveillance,sous forme d’un carnet descriptif. Pointer encore et encoreson attention en pleine conscience sur tout ce qui survient,contient un grand pouvoir de transformation.

Les résistances à cette approche sont nombreuses. Lespersonnes qui présentent des psycho-traumatismes devrontnécessiter beaucoup de patience et de bienveillance pourles aider, petit à petit, à sortir de la dissociation et tournerleur attention vers leurs sensations intéroceptives, sans quecela risque de déclencher des réactions de stress intenses(avec parfois une augmentation des symptômes du TCA).

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Une formation aux psycho-traumatismes, ou bien un travailen équipe, peut être nécessaire et prudent dans la prise encharge des TCA.

Que disent les revues de littérature sur leseffets des pratiques de pleine consciencedans les troubles du comportementalimentaire ?

Wanden-Berghe et al. ont conduit une revue systématique dela littérature pour déterminer l’effet des thérapies baséessur la pleine conscience dans les TCA [47]. Celle-ci retrouve8 articles de recherche, avec des variables diverses et depetits échantillons. Elle rapporte comme effets de ces inter-ventions dans les TCA :• réduction des préoccupations autour de la nourriture ;• plus d’attention aux prises alimentaires ;• meilleure régulation émotionnelle.

Les séances peuvent inclure de la psychoéducation, despratiques d’acceptation de soi, des stratégies de régulationdes émotions, des exercices expérientiels, la méditationindividuelle ou de groupe, le yoga ou la sensibilisation.Parmi ses nombreux avantages, la pratique de la pleine cons-cience améliore la conscience de soi, l’autorégulation etl’adaptation aux émotions négatives.

Une revue de littérature a également été menée par War-ren et al. qui ont retrouvé 68 études entre 2010 et 2015, dont23 chez des sujets en excès pondéral. Les échantillons depopulation étaient très disparates en termes de caractéris-tiques : certains groupes de sujets atteints d’obésité étaientpar exemple en attente d’une chirurgie bariatrique, lessujets ayant un poids normal étaient choisis parmi la popu-lation générale et pouvaient présenter ou non des troublesdu comportement alimentaire, étaient des étudiants ou desvétérans [48]. . .

Les protocoles étaient divers au sein des études :• MBCT : 4 études, Mindful eating : 4 études ;• MBSR 3 études ;•

MB-EAT : 3 études, et ensuite des protocoles intégrant

plusieurs apports, dont 3 avec la thérapie ACT.

Les échelles de mesure comprenaient par exemplele questionnaire de pleine conscience à 5 facettes,l’échelle d’attention et de pleine conscience, et plusspécifiquement dans le domaine alimentaire : le mindfuleating questionnaire qui mesure l’impulsivité, l’attention,l’externalisation, les réponses émotionnelles et la distracti-bilité.

Les éléments retrouvés dans les études comme centrauxdans les interventions sont :• manger en pleine conscience ;• porter attention aux sensations physiques ;• porter attention aux pensées et émotions reliées à la prise

de nourriture ;• l’acceptation et le non-jugement des sensations, pensées,

sentiments et le corps ;• l’attention et le changement progressif des routines ou

rituels et habitudes alimentaires.

Il n’y avait pas de perte de poids significative, mêmesi dans 3 études, on retrouvait une perte de poids chezdes personnes en excès pondéral (au maximum 12 kg sur6 mois). L’étude qui montrait le plus de perte de poidsétait celle d’un protocole d’une durée de 24 semaines et

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ui utilisait la défusion cognitive et l’engagement danses valeurs. Toutes celles où il y avait une perte de poidsncluaient un programme de mindful eating qui incluait lesxercices principaux suivants :manger en pleine conscience : enseigné par un exercicespécifique tel que l’exercice du raisin ;prendre conscience de l’expérience alimentaire en obser-vant l’odeur, la texture et le goût de la nourriture ;réduire la vitesse pour manger ;méditations guidées axées sur la sensibilisation à la faimet la satiété ;méditations pour identifier les déclencheurs alimentaires,y compris émotionnels ;méditations pour gérer les accès de boulimie.

Les durées d’évaluation étaient peut être trop courtes,ais l’amélioration des accès de boulimie semble bien éta-lie. De même, il est généralement retrouvé moins de priseslimentaires pour calmer les émotions. L’attention à la sen-ation de faim est retrouvée comme modifiée dans 3 études.t l’on ne retrouve pas de changement significatif quant à’insatisfaction corporelle.

Il semble donc, selon les auteurs, que la pleine consci-nce pourrait surtout aider à la prévention de la prise deoids en rétablissant un rapport plus adapté et régulé à laourriture, et moins d’impulsivité.

ésultats de l’impact de la pleine conscienceans l’obésité

ne méta analyse parue en 2017 de 15 études menées chez60 adultes ayant un surpoids ou une obésité, avec des pro-ocoles très différents (MBSR, MBCT, ACT), montre une pertee poids moyenne de 4,2 kg ; la perte de poids semblant plusmportante avec thérapie ACT [49].

nalyse des résultats sur la flexibilitésychologique et la régulation alimentaire

ne étude avec 298 participants âgés de 25 à 60 ans, ayantn IMC entre 27 et 34,9 kg/m2, qui ont bénéficié d’une thé-

apie ACT en groupe par internet versus un groupe témoin :es résultats révèlent que les interventions axées sur l’ACTour les changements de style de vie, améliorent la capacitées individus à poursuivre des activités en direction de leursaleurs, même lorsqu’ils sont confrontés à des émotions etes pensées négatives liées au poids [50].

ans l’anorexie mentale

eu d’études ont été spécifiques à ce trouble. On retrouveéanmoins une revue de littérature : deux études pilotesnt testé l’efficacité des interventions multimodales quincluaient la pleine conscience et toutes deux ont trouvéne réduction des symptômes de ce trouble alimentaireprès cette thérapie [51]. Une étude a consisté en unroupe de 10 séances basées sur la thérapie dialectique etomportementale et sur l’alimentation intuitive en pleineonscience. Le test des attitudes alimentaires EAT-26 a ététilisé pour évaluer les symptômes au début et à la fin duraitement [52]. On a pu observer une diminution significa-ive (p < 0,001) des symptômes des différents TCA (anorexieentale et autres troubles confondus) à la fin du programmee dix semaines. Deux études ont révélé que les aspectse la pleine conscience considérés comme les plus diffi-iles ou stressants étaient aussi les plus utiles. Par exemple,

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ertaines personnes souffrant d’anorexie mentale ontrouvé que la respiration consciente était très utile, mêmei elle était difficile à mettre en œuvre et la mettaient enuvre en remplacement de leurs routines habituelles. Ces

ésultats indiquent que, même si la pleine conscience peuttre difficile pour les personnes atteintes d’anorexie men-ale, elle est percue comme bénéfique pour les participants.

onclusion

ous voyons donc combien l’intégration de la pleine consci-nce dans le champ du soin des troubles du comportementlimentaire, de l’obésité et de l’amélioration d’un conforte vie en sortant des diktats des régimes minceur, peut aiderombre de personnes.

Cette approche est complexe et agit à la fois sur la régu-ation des émotions, l’écoute du corps et des signaux deatiété, l’autocompassion, les ruminations et l’engagementans des actions concrètes efficaces.

Elle englobe tous les aspects de l’expérience humaine : leorps, les émotions, les valeurs et les cognitions et requiertne forte implication des patients. Les résultats ne sontas immédiats et demandent de dépasser les premièreshases « d’ennui » ou de traversées des émotions (ou desouleurs physiques) habituellement évitées, mais ils sonturables dans le temps. La qualité de l’accompagnement, laompréhension par les acteurs de soin, des mécanismes etes fondements théoriques, sont indispensables, au risqueinon, de détourner ce qu’est la pleine conscience. Il s’agitadicalement d’un rapport intelligent, flexible et humain auorps et il s’agit de faire confiance à la personne concernée,

son propre corps pour trouver des ressources.Jon Kabat Zinn, dans la préface du livre de Jan Chozen

ay « Manger en pleine conscience », écrivait : « La pleineonscience c’est avant tout une pratique de l’attention, dea sensibilité et de la liberté, qui émerge de cette consci-nce aiguë de la réalité et de cette profonde intimité aveclle, qui ne peuvent être vécues que dans le moment pré-ent. Il ne faut pas chercher à perdre directement du poids,i rétablir aucun déséquilibre ni lutter pour atteindre un

déal. Tout ce qu’il faut faire, c’est porter attention à cer-ains aspects de notre vie que nous avons peut être ignoréu profit de diverses idéalisations qui nous ont inconsciem-ent éloignées de plus en plus de notre « sainteté », cettelénitude naturelle qui est déjà là, à laquelle nous pouvonsccéder à l’instant présent et à tout moment, une plénitudeui est toujours accessible. ».

Les outils de la pleine conscience méritent de continuer être explorés et des interventions plus ciblées permettantes évaluations valides sont à souhaiter pour qu’ils fassentartie de l’arsenal thérapeutique des troubles du compor-ement alimentaire et de l’obésité.

emerciements

’auteur remercie Myriam Belghiti pour son aide dans’écriture de ce manuscrit.

éclaration de liens d’intérêts

’auteur est formateur dans le champ de la méditationleine conscience.

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