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1 Notes 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 La condition humaine de André Malraux Éditions Gallimard, Paris, 1946, 1996, à Eddy du Perron (1) PREMIÈRE PARTIE 21 MARS 1927 Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire? Frapperait-il au travers? L’angoisse lui tordait l’estomac; il connaissait sa propre fermeté, mais n’était capable en cet instant que d’y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu’une ombre, et d’où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d’homme. La seule lumière venait du building voisin: un grand rectangle d’électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l’un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés! La vague de vacarme retomba: quelque embarras (2) de voitures (il y avait encore des embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes...). Il se retrouva en face de la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit où le temps n’existait plus. [9] Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement: car il savait qu’il le tuerait. Pris ou non, exécuté ou non, peu importait. Rien n’existait que ce pied, cet homme qu’il devait frapper sans qu’il se défendît, - car, s’il se défendait, il appellerait. Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le combattant qu’il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. n Assassiner n’est pas seulement tuer... » Dans ses poches, ses mains hésitantes tenaient, la droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les La condición humana de André Malraux tr. de César A. Comet Pocket-Edhasa, Barcelona, (1988)1999 À Eddy Du Perron PARTE PRIMERA 21 de marzo de 1927 12 y media de la noche ¿Intentaría Chen levantar el mos- quitero? ¿Golpearía a través de él? La angustia le retorcía el estómago. Conocía su propia firmeza; pero sólo era capaz, en aquel instante, de pensarlo con el embrutecimiento, fascinado por aquel montón de muselina blanca que caía des- de el techo sobre un cuerpo menos visi- ble que una sombra y de donde emergía sólo aquel pie medio inclinado por el sue- ño, vivo, no obstante, de la carne de hom- bre. La única luz procedía del building vecino; un gran rectángulo pálido de electricidad, cortado por los barrotes de la ventana, uno de los cuales rayaba el lecho precisamente por debajo del pie, como para acentuarle el volumen y la vida. Cuatro o cinco claxons sonaron a la vez. ¿Descubierto? ¡Combatir, combatir con enemigos que se defienden, con enemi- gos despiertos, qué liberación! La ola de estruendo decreció: algún estrépito de carruajes —todavía había estrépito de carruajes allá, en el mundo de los hombres... Volvió a verse frente a la gran mancha blanca de la muselina y del rectángulo de luz, inmóviles en aque- lla noche en que el tiempo había dejado de existir. Se repetía que aquel hombre debía morir. Tontamente, porque él sabía que lo mataría, capturado o no, ejecutado o no, poco importaba. Sólo existía aquel pie, aquel hombre al que debía herir sin que se defendiese, porque, si llegara a defenderse, llamaría. [9] Parpadeando, nauseado, Chen des- cubría en sí, no el combatiente que esperaba, sino a un sacrificador. Y no sólo ante los dioses que había elegi- do; bajo su sacrificio a la revolución surgía un mundo de profundidades, ante el cual aquella noche agobiada de angus- tia no era más que claridad. «Asesinar no es sólo matar, ¡ay!...» En los bolsillos, sus manos vacilantes empuñaban, la derecha, una navaja de afeitar cerrada, y la izquier- da, un puñal corto. Los escondía lo más NOTES Les notes appelées par chiffres et regroupées en fin de volume sont d’Yves Ansel. Les notes d’André Malraux, appelées par astérisques, figurent en bas de page. Les notes suivantes éclairent les difficultés qu’un bon dictionnaire usuel ne résout pas toujours. 1 (épigraphe). Eddy du Perron: grand ami d’André Malraux. 2 (p. 9). Embarras de voitures (vx) : embouteillage.

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La condition humainede

André Malraux

Éditions Gallimard,Paris, 1946, 1996,

à Eddy du Perron (1)

PREMIÈRE PARTIE

21 MARS 1927

Minuit et demi.

Tchen tenterait-il de lever lamoustiquaire? Frapperait-il au travers?L’angoisse lui tordait l’estomac; ilconnaissait sa propre fermeté, maisn’était capable en cet instant que d’ysonger avec hébétude, fasciné par ce tasde mousseline blanche qui tombait duplafond sur un corps moins visible qu’uneombre, et d’où sortait seulement ce piedà demi incliné par le sommeil, vivantquand même - de la chair d’homme. Laseule lumière venait du buildingvoisin: un grand rectangle d’électricitépâle, coupé par les barreaux de lafenêtre dont l’un rayait le lit justeau-dessous du pied comme pour enaccentuer le volume et la vie. Quatreou cinq klaxons grincèrent à la fois.Découvert? Combattre, combattredes ennemis qui se défendent, desennemis éveillés!

La vague de vacarme retomba:quelque embarras (2) de voitures (il yavait encore des embarras de voitures,là-bas, dans le monde des hommes...).Il se retrouva en face de la tache mollede la mousseline et du rectangle delumière, immobiles dans cette nuit oùle temps n’existait plus. [9]

Il se répétait que cet homme devaitmourir. Bêtement: car il savait qu’il letuerait. Pris ou non, exécuté ou non, peuimportait. Rien n’existait que ce pied,cet homme qu’il devait frapper sansqu’il se défendît, - car, s’il se défendait,il appellerait.

Les paupières battantes, Tchen découvraiten lui, jusqu’à la nausée, non le combattantqu’il attendait, mais un sacrificateur. Etpas seulement aux dieux qu’il avaitchoisis : sous son sacrifice à la révolutiongrouillait un monde de profondeursauprès de quoi cette nuit écraséed’angoisse n’était que clarté. nAssassiner n’est pas seulement tuer... »Dans ses poches, ses mains hésitantestenaient, la droite un rasoir fermé, lagauche un court poignard. Il les

La condición humanade

André Malraux

tr. de César A. Comet

Pocket-Edhasa,Barcelona, (1988)1999

À Eddy Du Perron

PARTE PRIMERA

21 de marzo de 1927

12 y media de la noche

¿Intentaría Chen levantar el mos-quitero? ¿Golpearía a través de él?La angustia le retorcía el estómago.Conocía su propia firmeza; pero sólo eracapaz, en aquel instante, de pensarlo conel embrutecimiento, fascinado por aquelmontón de muselina blanca que caía des-de el techo sobre un cuerpo menos visi-ble que una sombra y de donde emergíasólo aquel pie medio inclinado por el sue-ño, vivo, no obstante, de la carne de hom-bre. La única luz procedía del buildingvecino; un gran rectángulo pálido deelectricidad, cortado por los barrotes de laventana, uno de los cuales rayaba el lechoprecisamente por debajo del pie, como paraacentuarle el volumen y la vida. Cuatroo cinco claxons sonaron a la vez.¿Descubierto? ¡Combatir, combatir conenemigos que se defienden, con enemi-gos despiertos, qué liberación!

La ola de estruendo decreció: algúnestrépito de carruajes —todavía habíaestrépito de carruajes allá, en el mundode los hombres... Volvió a verse frente ala gran mancha blanca de la muselina ydel rectángulo de luz, inmóviles en aque-lla noche en que el tiempo había dejadode existir.

Se repetía que aquel hombre debíamorir. Tontamente, porque él sabía quelo mataría, capturado o no, ejecutado ono, poco importaba. Sólo existía aquelpie, aquel hombre al que debía herir sinque se defendiese, porque, si llegara adefenderse, llamaría. [9]

Parpadeando, nauseado, Chen des-cubría en sí, no el combatiente queesperaba, sino a un sacrificador. Y nosólo ante los dioses que había elegi-do; bajo su sacrificio a la revoluciónsurgía un mundo de profundidades, anteel cual aquella noche agobiada de angus-tia no era más que claridad. «Asesinar noes sólo matar, ¡ay!...» En los bolsillos, susmanos vacilantes empuñaban, la derecha,una navaja de afeitar cerrada, y la izquier-da, un puñal corto. Los escondía lo más

NOTES

Les notes appelées par chiffres etregroupées en fin de volume sont d’YvesAnsel. Les notes d’André Malraux, appeléespar astérisques, figurent en bas de page.

Les notes suivantes éclairent lesdifficultés qu’un bon dictionnaire usuel nerésout pas toujours.

1 (épigraphe). Eddy du Perron: grand amid’André Malraux.

2 (p. 9). Embarras de voitures (vx) :embouteillage.

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enfonçait le plus possible, comme si lanuit n’eût pas suffi à cacher ses gestes.Le rasoir était plus sûr, mais Tchensentait qu’il ne pourrait jamais s’en ser-vir; le poignard lui répugnait moins. Illâcha le rasoir dont le dos pénétrait dansses doigts crispés; le poignard était nudans sa poche, sans gaine. Il le fit passerdans sa main droite, la gauche retombantsur la laine de son chandail et y restantcollée. Il éleva légèrement le bras droit,stupéfait du silence qui continuait àl’entourer, comme si son geste eût dûdéclencher quelque chute. Mais non, ilne se passait rien: c’était toujours à luid’agir.

Ce pied vivait comme un animalendormi. Terminait-il un corps? «Est-ceque je deviens imbécile?» Il fallait voirce corps. Le voir, voir cette tête; pourcela, entrer dans la lumière, laisserpasser sur le lit son ombre trapue.Quelle était la résistance de la chair?Convulsivement, Tchen enfonça lepoignard dans son bras gauche. Ladouleur (il n’était plus capable de songerque c’était son bras), l’idée du supplicecertain si le dormeur s’éveillait ledélivrèrent [10] une seconde: le supplicevalait mieux que cette atmosphère defolie. Il s’approcha: c’était bien l’hommequ’il avait vu, deux heures plus tôt, enpleine lumière. Le pied, qui touchaitpresque le pantalon de Tchen, tournasoudain comme une clef, revint à saposition dans la nuit tranquille. Peut-êtrele dormeur sentait-il une présence, maispas assez pour s’éveiller... Tchenfrissonna: un insecte courait sur sapeau. Non; c’était le sang de son brasqui coulait goutte à goutte. Et toujourscette sensation de mal de mer.

Un seul geste, et l’homme seraitmort. Le tuer n’était rien: c’était letoucher qui était impossible. Et il fallaitfrapper avec précision. Le dormeur,couché sur le dos, au milieu du lit àl’européenne, n’était habillé que d’uncaleçon court, mais, sous la peau grasse,les côtes n’étaient pas visibles. Tchendevait prendre pour repères les pointessombres des seins. Il savait combien ilest difficile de frapper de haut en bas. Iltenait donc le poignard la lame en l’air,mais le sein gauche était le plus éloigné:à travers le filet de la moustiquaire, ileût dû frapper à longueur de bras, d’unmouvement courbe comme celui duswing (3). Il changea la position dupoignard: la lame horizontale. Toucherce corps immobile était aussi difficileque frapper un cadavre, peut-être pourles mêmes raisons. Comme appelé parcette idée de cadavre, un râle s’éleva.Tchen ne pouvait plus même reculer,jambes et bras devenus complètementmous. Mais le râle s’ordonna: l’homme

posible, como si la noche no bastase paraocultar sus movimientos. La navaja eramás segura; pero Chen comprendía queno podría servirse de ella; el puñal le re-pugnaba menos. Soltó la navaja, cuyodorso penetraba en sus dedos crispados;el puñal se hallaba desnudo en su bolsi-llo, sin vaina. Lo hizo pasar a su manoderecha, dejando caer la izquierda sobrela lana de su tricota, donde quedó adhe-rida. Levantó ligeramente el brazo dere-cho, estupefacto ante el silencio que se-guía rodeándole, como si su ademán hu-biera debido soltar el resorte de una caí-da. Pero no; no pasaba nada: seguía sien-do él quien tenía que obrar.

Aquel pie vivía, como un animal dor-mido. ¿Terminaba en él un cuerpo? «¿Peroes que me vuelvo loco?» Había que veraquel cuerpo. Verlo; ver aquella cabe-za; para ello entrar en la luz; dejar quepasase sobre el lecho su abultada som-bra. ¿Cuál era la resistencia de la car-ne? Convulsivamente, Chen se hundióel puñal en el brazo izquierdo. El do-lor (ya no era capaz de pensar en aquelbrazo suyo), la idea del suplicio segu-ro si el durmiente despertaba, le liber-taron por un segundo: el suplicio erapreferible a aquella atmósfera de lo-cura. Se acercó. Aquel era el hombreque había visto, dos horas antes, enplena luz. El pie, que casi rozaba elpantalón de Chen, giró de pronto,como una llave, y volvió a su primitivaposición en la noche tranquila. Quizás eldurmiente presintiese aquella presencia,aunque no lo bastante para despertar...Chen se estremeció: un insecto corríasobre su piel. No; era la sangre de su bra-zo, que corría en un reguero. Y aquellasensación de mareo continuaba.

Un solo movimiento, y el hombre que-daría muerto. Matarlo no era nada: lo queresultaba imposible era [10] tocarlo. Yhabía que herir con precisión. El durmien-te, acostado sobre la espalda, en medio dellecho a la europea, sólo se hallaba vestidocon unos calzoncillos cortos; pero, bajo lapiel grasienta, las costillas no eran visi-bles. Chen tenía que orientarse por laspuntas de las tetillas. Sabía cuán difíciles herir de arriba abajo. Tenía, pues, elpuñal con la hoja en el aire; pero la te-tilla izquierda quedaba más alejada: através del tul del mosquitero hubiera te-nido que herir alargando el brazo, conun movimiento curvo, como el delswing. Cambió la posición del puñal:la hoja, horizontal. Tocar aquel cuerpoinmóvil era tan difícil como herir uncadáver, quizá por las mismas razones.Como atraído por aquella idea de ca-dáver, se elevó un estertor. Chen yano podía retroceder; las piernas y los bra-zos se le habían aflojado por completo.Pero el estertor se regularizó: el hombre

3 (p. 11). Swing: terme de boxe emprunté àl’anglais: coup de poing donné en ramenantle bras de l’extérieur vers l’intérieur.

repère punto de referencia

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ne râlait pas, il ronflait. Il redevintvivant, vulnérable; et, en même temps,Tchen se sentit bafoué. Le corps glissad’un léger mouvement vers la droite.Allait-il s’éveiller maintenant! D’uncoup à traverser une planche, Tchenl’arrêta dans un bruit de mousseline [11]déchirée, mêlé à un choc sourd. Sensi-ble jusqu’au bout de la lame, il sentit lecorps rebondir vers lui, relancé par lesommier métallique. Il raiditrageusement son bras pour le maintenir:les jambes revenaient ensemble vers lapoitrine, comme attachées; elles sedétendirent d’un coup. Il eût fallufrapper de nouveau, mais commentretirer le poignard? Le corps étaittoujours sur le côté, instable, et, malgréla convulsion qui venait de le secouer,Tchen avait l’impression de le tenir fixéau lit par son arme courte sur quoi pesaittoute sa masse. Dans le grand trou de lamoustiquaire, il le voyait fort bien: lespaupières s’étaient ouvertes, - avait-ilpu s’éveiller? - les yeux étaient blancs.Le long du poignard le sang commençaità sourdre, noir dans cette fausselumière. Dans son poids, le corps, prêtà retomber à droite ou à gauche, trouvaitencore de la vie. Tchen ne pouvait lâcherle poignard. À travers l’arme, son brasraidi, son épaule douloureuse, uncourant d’angoisse s’établissait entre lecorps et lui jusqu’au fond de sa poitrine,jusqu’à son coeur convulsif, seule chosequi bougeât dans la pièce. Il étaitabsolument immobile; le sang quicontinuait à couler de son bras gauchelui semblait celui de l’homme couché;sans que rien de nouveau fût survenu, ileut soudain la certitude que cet hommeétait mort. Respirant à peine, ilcontinuait à le maintenir sur le côté, dansla lumière immobile et trouble, dans lasolitude de la chambre. Rien n’yindiquait le combat, pas même ladéchirure de la mousseline qui semblaitséparée en deux pans: il n’y avait que lesilence et une ivresse écrasante où ilsombrait, séparé du monde des vivants,accroché à son arme. Ses doigts étaientde plus en plus serrés, mais les musclesdu bras se relâchaient et le bras toutentier commença à trembler [12] parsecousses, comme une corde. Ce n’étaitpas la peur, c’était une épouvante à lafois atroce et solennelle qu’il neconnaissait plus depuis son enfance: ilétait seul avec la mort, seul dans un lieusans hommes, mollement écrasé à la foispar l’horreur et par le goût du sang.

Il parvint à ouvrir la main. Le corpss’inclina doucement sur le ventre : lemanche du poignard ayant porté à faut,sur le drap une tache sombre commençaà s’étendre, grandit comme un êtrevivant. Et à côté d’elle, grandissantcomme elle, parut l’ombre de deux

no jadeaba, roncaba. Se hizo vivo, vul-nerable; y, al mismo tiempo, Chen sesintió burlado. El cuerpo resbaló, conun ligero movimiento hacia la derecha.¡Despertaría ahora! Con un golpe capazde atravesar una tabla, Chen lo detuvo,con un ruido de muselina desgarrada uni-do a un choque sordo. Sensible hasta elextremo de la hoja, sintió el cuerpo re-botar hacia él, rechazado por el colchónelástico. Endureció rabiosamente elbrazo para retenerlo: las piernas retro-cedían juntas hacia el pecho, como li-gadas la una a la otra. Se distendieronde golpe. Habría que herir de nuevo;pero, ¿cómo arrancar el puñal? El cuer-po continuaba de costado, inestable, y,a pesar de la convulsión que acababa desacudirle, Chen recibía la impresión detenerlo fijo en el lecho con su arma cor-ta, sobre la cual pesaba toda su masa.Por el gran agujero del mosquitero, loveía muy bien: los párpados se habíanabierto —¿habría podido despertar?—,y los ojos estaban en blanco. A lo largodel puñal, la sangre comenzaba a bro-tar, negra en aquella falsa luz. Con supeso, el cuerpo, presto a caer hacia laderecha o hacia la izquierda, encontra-ba aún vida. Chen no podía soltar el pu-ñal. A través del arma, de su brazo ex-tendido y de su hombro dolorido, se es-tablecía una comunicación, toda angus-tia, entre el cuerpo y él, hasta el fondode su pecho, hasta su corazón convulso,única cosa que se movía en [11] la es-tancia. Permanecía en absoluto inmóvil;la sangre que continuaba brotando de subrazo le parecía ser la del hombre acos-tado. Sin que nada exterior sobrevinie-se, tuvo la certidumbre de que aquelhombre estaba muerto. Respiraba ape-nas, y continuaba manteniéndose de cos-tado, en la luz inmóvil y turbia, en lasoledad de la habitación. Nada indicabaque hubiera habido lucha; ni siquiera eldesgarrón de la muselina, que parecíadividida en dos: allí no había más quesilencio y una embriaguez abrumadoraen la que él zozobraba, separado delmundo de los vivos, aferrado a su arma.Sus dedos se apretaban cada vez más;pero los músculos del brazo se afloja-ban, y el brazo entero comenzó a tem-blar como una cuerda. Aquello no eramiedo; era un espanto, a la vez atroz ysolemne, que no había vuelto a conocerdesde su infancia: estaba solo con lamuerte, solo en un lugar sin hombres,muellemente aplastado, a la vez, por elhorror y por el placer de la sangre.

Consiguió abrir la mano. El cuerpose inclinó suavemente sobre el vien-tre. Quedando sesgado el mango delpuñal, una mancha oscura comenzó aextenderse sobre la sábana y creció,como un ser vivo. Y, a su lado, cre-ciendo como ella, apareció la sombra

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oreilles pointues.

La porte était proche, le balconplus éloigné: mais c’était du balconque venait l’ombre. Bien que Tchenne crût pas aux génies, i l étai tparalysé, incapable de se retourner.Il sursauta: un miaulement. A demidélivré, il osa regarder. C’était un chatde gouttière qui entrait par la fenêtresur ses pattes silencieuses, les yeux fixéssur lui. Une rage forcenée secouaitTchen à mesure qu’avançait l’ombre;____ _____ _____ ___ __ __ ____rien de vivant ne devait se glisser dans lafarouche région où il était jeté: ce quil’avait vu tenir ce couteau l’empêchaitde remonter chez les hommes.Il ouvrit le rasoir, fit un pas en avant:l’animal s’enfuit par le balcon. Tchen____ ____ ____ _____ se trouva en facede Shanghaï.

Secouée par son angoisse, la nuitbouillonnait comme une énorme fuméenoire pleine d’étincelles; au rythme desa respiration de moins en moinshaletante elle s’immobilisa et, dans ladéchirure des nuages, des étoiless’établirent dans leur mouvementéternel qui l’envahit avec l’air plus fraisdu dehors. Une sirène s’éleva, puis seperdit dans cette poignante sérénité.Au-dessous, tout en bas, les lumières deminuit reflétées à travers une brumejaune par le macadam mouillé, par lesraies pâles [13] des rails, palpitaient dela vie des hommes qui ne tuent pas.C’étaient là des millions de vies, ettoutes maintenant rejetaient la sienne;mais qu’était leur condamnationmisérable à côté de la mort qui se retiraitde lui, qui semblait couler hors de soncorps à longs traits, comme le sang del’autre? Toute cette ombre immobile ouscintillante était la vie, comme le fleuve(4), comme la mer invisible au loin - lamer... Respirant enfin jusqu’au plusprofond de sa poitrine, il lui semblarejoindre cette vie avec unereconnaissance sans fond, - prêt àpleurer, aussi bouleversé que tout àl’heure. « Il faut filer... » Il demeurait,contemplant le mouvement des autos,des passants qui couraient sous ses piedsdans la rue illuminée, comme unaveugle guéri regarde, comme unaffamé mange. Insatiable de vie, il eûtvoulu toucher ces corps. Au-delà dufleuve une sirène emplit tout l’horizon:la relève des ouvriers de nuit, à l’arsenal.Que les ouvriers imbéciles vinssentfabriquer les armes destinées à tuer ceuxqui combattaient pour eux! Cette villeilluminée resterait-elle possédée commeun champ par son dictateur militaire (5),louée à mort, comme un troupeau, auxchefs de guerre et aux commercesd’Occidents (6) ? Son geste meurtrier

de dos orejas puntiagudas.

La puerta estaba próxima; el bal-cón, más alejado; pero era del balcónde donde venía la sombra. AunqueChen no creía en los genios, estabaparalizado, incapacitado de darse vuel-ta. Se sobresaltó: un maullido. Mediorepuesto, se atrevió a mirar. Era un gatode los tejados, que con patas silenciosasentraba por la ventana, los ojos fijos en él.Una rabia furiosa sacudía a Chen, a medi-da que avanzaba la sombra, no contra elanimal mismo, sino contra esa presencia;nada vivo debía deslizarse en la hosca re-gión donde estaba arrojado: aquello que lohabía visto empuñar aquel cuchillo, lo im-posibilitaba de volver entre los hombres.Abrió la navaja y dio un paso hacia adelan-te. El animal huyó por el balcón. Chen lopersiguió. Se encontró, de pronto, frente aShanghai.

Sacudida por su angustia, la nochebullía como una enorme humaredanegra, llena de chispas; al ritmo de surespiración, cada vez menos anhelan-te, se inmovilizó, y, [12] en el desga-rrón de las nubes, aparecieron las es-trellas, con su movimiento eterno, quele invadió, con el aire más fresco defuera. Una sirena se elevó y luego seperdió en aquella serenidad punzante.

Abajo, muy abajo, las luces de me-dianoche, reflejadas a través de una bru-ma amarilla por el macadam mojado, porlas pálidas rayas de los rieles, palpita-ban con la vida de los hombres que nomatan. Eran millones de vidas, y todasahora rechazaban a la suya; pero, ¿quésignificaba su condenación miserable,al lado de la muerte que se retiraba deél, que parecía deslizarse fuera de sucuerpo a grandes oleadas, como la san-gre del otro? Toda aquella sombra, in-móvil o centelleante, era la vida, comoel río, como el mar, invisible a lo lejos—el mar... Respirando, por fin, hasta lomás profundo de su pecho, le parecióunirse a aquella vida con un agradeci-miento sin límite, al borde del llanto, tantrastornado como antes. «Hay que esca-par...» Permaneció contemplando el mo-vimiento de los autos y de los transeún-tes, que corrían bajo sus pies por la ca-lle iluminada, como un ciego curadomira, como un hambriento come. Ávi-damente, insaciable de vida, hubiesequerido tocar aquellos cuerpos. Una si-rena llenó todo el horizonte, más allá delrío: el relevo de los obreros de noche,en el arsenal. ¡Que los imbéciles obre-ros fuesen a fabricar las armas destina-das a matar a quienes combatían porellos! ¿Aquella ciudad iluminada conti-nuaría poseída como un campo por sudictador militar, vendida hasta la muer-te, como un rebaño, a los jefes de guerray a los comercios de Occidente? Su gesto

4 (p. 14). Le fleuve : le Houang-Pou, affluentdu Yang-Tsé Kiang.

5 (p. 14). Sort dictateur militaire: en mars 1927,le terme désigne soit le général SunChuang-Fang (l’ordonnateur de la granderépression des émeutes de février 1927vient tout juste de se retirer), soit sonsuccesseur, le général Bi Shucheng,homme de main d’un puissant « seigneurde la guerre » régnant au Nord, sur laMandchourie et la région de Pékin.

6 (p. 14). Commerces d’occident: lesentreprises capitalistes étrangères(françaises et anglaises surtout), quisurexploitaient les populations indigènes(p.24), avaient obtenu des privilègescommerciaux abusifs. Les concessions,voilà le premier « ennemi » (p. 24) aux yeuxde Kyo et des insurgés.

FORCENÉ, adj. et n. I. Adj. 1. Vx. Qui esthors de sens, qui perd la raison.“- 2. Foude colère. 3. (1580). Emporté par une folleardeur; enragé, acharné. II. N. (V. 1190).Personne en proie à une crise de foliefurieuse.

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valait un long travail des arsenaux deChine: l’insurrection imminente quivoulait donner Shanghaï aux troupesrévolutionnaires ne possédait pas deuxcents fusils. Qu’elle possédât lespistolets à crosse (presque trois cents)dont cet intermédiaire, le mort, venaitde négocier la vente avec legouvernement, et les insurgés, dont lepremier acte devait être de désarmer lapolice pour armer leurs troupes,doublaient leurs chances. Mais, depuisdix minutes, Tchen n’y avait pas penséune seule fois.

Et il n’avait pas encore pris lepapier pour lequel il [14] avait tué cethomme. Les vêtements étaientaccrochés au pied du lit, sous lamoustiquaire. Il chercha dans lespoches. Mouchoir, cigarettes... Pasde portefeuille. La chambre restaitl a même: mous t iqua i re , mursblancs, rectangle net de lumière; lemeurtre ne change donc rien... Il passala main sous l’oreiller, fermant lesyeux. Il sentit le portefeuille, trèspet i t , comme un porte-monnaie.____________ __ La légèreté de latête, à travers l’oreiller, accrut encoreson angoisse, lui fit rouvrir les yeux:pas de sang sur le traversin, etl’homme semblait à peine mort.Devrait-il donc le tuer à nouveau?mais déjà son regard rencontrait lesyeux blancs, le sang sur les draps.Pour fouiller le portefeuille, il reculadans la lumière: c’était celle d’un res-taurant, plein du fracas des joueursde mahjong (7). Il trouva le document,conserva le portefeuille, traversa lachambre presque en courant, ferma àdouble tour, mit la clef dans sa poche.À l’extrémité du couloir de l’hôtel - ils’efforçait de ralentir sa marche - pasd’ascenseur. Sonnerait-il? Il descendit. Àl’étage inférieur, celui du dancing, du baret des billards, une dizaine de personnesattendaient la cabine qui arrivait. Il lesy suivit. « La dancing-girl en rougeest épatante! » lui dit en anglais sonvoisin, Birman ou Siamois un peusaoul. Il eut envie, à la fois, de le giflerpour le faire taire, et de l’étreindreparce qu’il était vivant. Il bafouillaau lieu de répondre; l’autre lui tapasur l’épaule d’un air complice. « Ilpense que je suis saoul aussi... » Maisl’interlocuteur ouvrait de nouveau labouche. « J’ignore les languesétrangères », dit Tchen en pékinois.L’autre se tut, regarda, intrigué, cethomme jeune sans col, mais enchandail de belle laine. Tchen était enface de la glace intérieure de la cabine.Le meurtre ne laissait aucune trace surson [15] visage... Ses traits plusmongols que chinois: pommettesaiguës, nez très écrasé mais avec une

criminal tenía el mismo valor que unprolongado trabajo de los arsenales deChina: la insurrección inminente quepretendía entregar Shanghai a las tropasrevolucionarias no poseía doscientosfusiles. Si poseyese las pistolas —unastrescientas— cuya venta con el gobier-no acababa de negociar aquel interme-diario —el muerto—, los rebeldes, cuyoprimer acto debía consistir en desarmara la policía para armar sus tropas, dupli-carían sus posibilidades. Pero, desdehacía diez minutos, Chen no había pen-sado en ello ni siquiera una sola vez.

Y todavía no había cogido el papel porel cual había [13] matado a aquel hom-bre. Entró de nuevo, como si hubiera en-trado en la cárcel. Las ropas estaban col-gadas al pie de la cama, bajo el mosqui-tero. Buscó en los bolsillos, pañuelos,cigarrillos... No tenía cartera. La habita-ción seguía siendo la misma: mosquite-ro, paredes blancas, nítido rectángulo deluz... El crimen, pues, no había cambia-do nada... Metió la mano debajo de laalmohada, cerrando los ojos. Tocó la car-tera, muy pequeña, como un portamone-das. Por vergüenza o angustia, porque el lige-ro peso de la cabeza atravesada en la almohadase hacía más inquietante cada vez, volvió aabrir los ojos: no había sangre en la al-mohada, y el hombre no parecía muerto.¿Debería, pues, matarle de nuevo? Peroya su mirada, que volvía a encontrar losojos en blanco y la sangre sobre las sába-nas, lo liberaba. Para registrar la cartera,retrocedió hacia la luz: era ésta la de unrestaurante, lleno ________ de jugado-res ______. Encontró el documento, seguardó la cartera, atravesó la habitacióncasi corriendo, cerró con doble vuelta dellave y se guardó ésta en el bolsillo. Enel extremo del corredor del hotel —seesforzaba por caminar despacio—, noestaba el ascensor. ¿Llamaría?... Des-cendió. En el piso inferior, el del dan-cing, el bar y los billares, unas diezpersonas esperaban el ascensor, que yallegaba. Las siguió. «La dancing-girl rojaestá estupenda, maravillosa» —le dijo, eninglés, su vecino, birmano o siamés, unpoco borracho. Le dieron ganas, a la vez,de abofetearle, para hacerle callar, y deabrazarlo, porque estaba vivo. Rezongó,en lugar de responder. El otro le golpeóen el hombro, con aire de cómplice.«Cree que yo estoy borracho también...»Pero e l in ter locutor abr ía de nue-vo la b o c a . «Ignoro las lenguas ex-tranjeras» —dijo Chen, en pequinés.El otro se calló, miró, intrigado, aaquel hombre joven, sin cuello, aun-que con una tricota de magnífica lana.Chen estaba frente a la luna interiordel ascensor. El crimen no dejaba ningu-na huella en su rostro... Sus facciones,más mongólicas que chinas —pómulossalientes y nariz muy aplastada, aunque

7 (p. 15). Mah-jong: jeu chinois, apparenté auxdominos.

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légère arête, comme un bec, n’avaientpas changé, n’exprimaient que la fa-tigue; jusqu’à ses épaules solides, sesgrosses lèvres de brave type, sur quoirien d’étranger ne semblait peser; seulson bras, gluant dès qu’il le pliait, etchaud... La cabine s’arrêta. Il sortitavec le groupe.

Une heure du matin.

Il acheta une bouteille d’eauminérale, et appela un taxi: une voiturefermée, où il lava son bras et le bandaavec un mouchoir. Les rails déserts etles f laques des averses del’après-midi luisaient faiblement. Leciel lumineux s’y reflétait. Sans savoirpourquoi, Tchen le regarda: qu’il enavait été plus près, tout à l’heure,lorsqu’il avait découvert les étoiles!Il s’en éloignait à mesure que sonangoisse faiblissait, qu’il retrouvaitles hommes... À l’extrémité de larue, les automitrailleuses presqueaussi grises que les flaques, la barreclaire des baïonnettes portées par desombres silencieuses: le poste, la fin dela concession française. Le taxi n’allaitpas plus loin. Tchen montra sonpasseport faux d’électricien employé surla concession. Le factionnaire regardale papier avec indifférence (« Ce que jeviens de faire ne se voit décidémentpas ») et le laissa passer. Devant lui,perpendiculaire, l’avenue des Deux-Républiques (8), frontière de la villechinoise.

Abandon et silence. Chargées detous les bruits de la plus grande villede Chine, des ondes grondantes [16]se perdaient là comme, au fond d’unpui ts , des sons venus desprofondeurs de la terre: tous ceux dela guerre, et les dernières secoussesnerveuses d’une multitude qui ne veutpas dormir. Mais c’était au loin quevivaient les hommes; ici, rien nerestait du monde, qu’une nuit àlaquelle Tchen s’accordait d’instinctcomme à une amitié soudaine: ce mon-de nocturne, inquiet, ne s’opposait pasau meurtre. Monde d’où les hommesavaient disparu, monde éternel; lejour reviendrait-il jamais sur cestuiles pourries, sur toutes ces ruellesau fond desquelles une lanterneéclairait un mur sans fenêtres, unnid de fils télégraphiques? Il y avaitun monde du meurt r e , e t i l yrestai t comme dans la chaleur.Aucune vie, aucune présence, aucunbruit proche, pas même le cri despetits marchands, pas même les_______ chiens abandonnés.

Enfin, un magasin pouilleux :Lou-You-Shuen et Hemmelrich, phonos.

con la arista ligeramente marcada, comoun pico—, no habían cambiado: no ex-presaban más que fatiga. Hasta en sussólidos hombros y en sus gruesos labios,de buen muchacho, parecía [14] no pesarnada extraño. Sólo el brazo, pegajosocuando lo doblaba, caliente... El ascen-sor se detuvo. Salió con el grupo.

Una de la mañana

Compró una botella de agua mine-ral y llamó a un taxi —un coche cerra-do— donde se lavó el brazo y se lo ven-dó con un pañuelo. Los rieles desiertosy los charcos de los aguaceros de latarde relucían débilmente. El cielo lu-minoso se reflejaba en ellos. Sin sa-ber por qué, Chen lo contempló.¡Cuánto más cerca de él había estadoantes, cuando había descubierto las es-trellas! Se alejaba de él, a medida quesu angustia se debilitaba y volvía a en-contrar a los hombres... En el extremode la calle, las autoametralladoras, tangrises como los charcos, y los trazosclaros de las bayonetas, llevadas porsombras silenciosas; el puesto, el fi-nal de la concesión francesa. El taxino podía ir más lejos. Chen mostró supasaporte falso, de electricista emplea-do en la concesión. El funcionario exa-minó el papel con indiferencia («De-cididamente lo que acabo de hacer nose nota») y lo dejó pasar. Delantede él, perpendicular, la avenida delas Dos Repúblicas, frontera de laciudad china.

Abandono y silencio. Cargadas contodos los ruidos de la mayor ciudad deChina, las ondas zumbadoras se perdíanallí, como en el fondo de un pozo lossonidos procedentes de las profundida-des de la tierra: todos los de la guerra, ylas últimas sacudidas nerviosas de unamultitud que no quiere dormir. Pero eralejos donde vivían los hombres; allí,nada quedaba del mundo, como no fue-se una noche, en la cual Chen se poníade acuerdo con su instinto, como adqui-riendo una amistad súbita: aquel mundonocturno, inquieto, no se oponía a sucrimen. Mundo en que los hombres ha-bían desaparecido; mundo eterno. ¿Vol-vería el día, acaso, sobre aquellas tejaspodridas, sobre todas aquellas callejue-las, en el fondo de las cuales una linter-na iluminaba un muro sin ventanas o unnido de hilos telegráficos? Existía unmundo del crimen, y él se hallaba en esemundo, como en el calor. Ninguna vida;ninguna [15] presencia; ningún ruidopróximo. Ni siquiera los gritos de losmodernos comerciantes; ni siquiera losladridos de los perros abandonados...

Por fin, una tienda mugrienta:Lu-Yu-Shuen y Hemmelrich, Fonos.

8 (p. 16). L’avenue des Deux-Républiques: laRépublique française et la Républiquechinoise (décrétée par Sun Yasen en 1911);avenue circulaire qui sépare la concessionfrançaise de la vieille ville chinoise

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Il fallait revenir parmi les hommes... Ilattendit quelques minutes sans sedélivrer tout à fait, heurta enfin unvolet. La porte s’ouvrit presque aussitôt:un magasin plein de disques rangés avecsoin, à vague aspect de bibliothèquemunicipale; puis l’arrière-boutique,grande, nue, et quatre camarades, enbras de chemise.

La porte refermée fit osciller lalampe: les visages disparurent ,reparurent, à gauche, tout rond,LouYou-Shuen; la tête de boxeurcrevé d’Hemmelrich, tondu, nezcassé, épaules creusées. En arrière,dans l’ombre, Katow. À droite, KyoGisors; en passant audessus de satête, la lampe marqua fortement lescoins tombants de sa bouched’estampe japonaise; en s’éloignantelle déplaça les ombres et ce visagemétis parut presque européen. Lesoscillations de la lampe devinrent deplus en plus courtes: les deux [17]visages de Kyo reparurent tour àtour, de moins en moins différentsl’un de l’autre.

_______________________________ Tous regardaient Tchen avec uneintensité idiote, mais ne disaient rien;lui regarda les dalles criblées de grainesde tournesol. Il pouvait renseigner ceshommes, mais il ne pourrait jamaiss’expliquer. La résistance du corps aucouteau l’obsédait, tellement plus gran-de que celle de son bras. ________________________________________ __________________Te n’auraisjamais cru que ce fût si dur...

— Ça y est, dit-il.

________________________________________________________________________________________

Il tendit l’ordre de livraison des ar-mes. Son texte était long. Kyo le lisait :

— Oui, mais...

Tous attendaient. Kyo n’était niimpatient, ni irrité; il n’avait pasbougé; à peine son visage était-ilcontracté. Mais tous sentaient que cequ’il découvrait le bouleversait. Il sedécida :

— Les armes ne sont pas payées.Payables à livraison.

Tchen sentit la colère tomber surlui, comme s’il eût été ____________volé. Il s’était assuré que ce papierétait celui qu’il cherchait, maisn’avait pas eu le temps de le lire.I l n ’eû t pu , d ’a i l l eu r s , r i en ychanger. Il tira le portefeuille de sa

Había que volver entre los hombres...Esperó algunos minutos, sin entre-garse por completo, y por fin golpeóun postigo. La puerta se abrió casi in-mediatamente: era una tienda llena dediscos alineados con cuidado, con unvago aspecto de biblioteca pobre; luego,la trastienda, grande, desnuda, y cuatrocamaradas en mangas de camisa.

Al cerrarse de nuevo, la puerta hizo que oscilasela lámpara. Los semblantes desaparecieron y volvie-ron a aparecer. A la izquierda, muy orondo,Lu-Yu-Shuen y la cabeza de boxeador in-utilizado de Hemmelrich, rapado, con lanariz rota y los hombros hundidos. Detrás,en la sombra, Katow. A la derecha KyoGisors; al pasar por encima de su cabeza,la lámpara marcó exageradamente lascomisuras caídas de su boca de es-tampa japonesa; al alejarse, apartó lasombra, y aquel rostro mestizo casipareció europeo. Las oscilaciones dela lámpara se fueron haciendo cadavez más cortas. Los dos semblantesde Kyo fueron apareciendo alternati-vamente, cada vez menos diferentesel uno del otro.

Invadidos por la necesidad de interro-gar, todos miraban a Chen con una inten-sidad idiota, pero no decían nada. Él con-templó las baldosas, acribilladas de se-millas de girasol. Podía informar a aque-llos hombres; pero jamás podría expli-carse. Le obsesionaba la resistenciaopuesta por el cuerpo al cuchillo, muchomayor que la de su brazo: sin el impulsode la sorpresa, el arma no habría pene-trado profundamente. «Nunca hubieracreído que fuese tan duro...»

—Eso es —dijo.

En la habitación, ante el cuerpo, pa-sada la inconsciencia, no había dudado:había sentido la muerte.

Tendió la orden de la entrega de ar-mas. Su texto era largo. Kyo lo leía.

—Sí; pero...

Todos esperaban. Kyo no aparecíaimpaciente ni irritado; [16] no se habíamovido; apenas se había contraído susemblante. Sin embargo, todos compren-dían que lo que acababa de descubrir lotrastornaba. Se decidió:

—Las armas no están pagadas.Pagaderas a su entrega.

Chen sintió que la ira caía sobre él,como si hubiera sido estúpidamente ro-bado. Se había asegurado de que aquelpapel era el que buscaba; pero no habíatenido tiempo de leerlo. Por otra parte,no hubiera podido hacer que cambiasenada. Sacó la cartera del bolsillo y se la

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poche, le donna à Kyo: des photos,des reçus: aucune autre pièce.

— On peut s’arranger avec deshommes des sections de combat, jepense, dit Kyo.

— Pourvu que nous puissionsgrimper à bord, répondit Katow, ça ira.

________ . Leur présence arrachaitTchen à sa terrible solitude,doucement, comme une plante quel’on tire de la terre où ses racines lesplus fines la retiennent encore. Et enmême temps que, peu à peu, il venait àeux, il semblait qu’il les découvrît -comme sa sueur la première fois qu’ilétait revenu d’une maison de [18]prostitution. Il y avait là la tensiondes salles de jeux à la fin de lanuit.

— Ça a bien marché? demandaKatow, posant enfin son disque etavançant dans la lumière.

Sans répondre, Tchen regarda cettebonne tête de Pierrot russe - petits yeuxrigoleurs et nez en l’air - que même cettelumière ne pouvait rendre drama tique; lui,pourtant, savait ce qu’était la mort. Il selevait; il alla regarder le grillon endormidans sa cage minuscule; Tchen pouvaitavoir ses raisons de se taire. Celui-ciobservait le mouvement de la lumière, quilui permettait de ne pas penser: le cri tremblédu grillon éveillé par son arrivée semêlait aux dernières vibrations del’ombre sur les visages. Toujours cetteobsession de la dureté de la chair; ______________________________________________________ les parolesn’étaient bonnes qu’à troubler lafamiliarité avec la mort qui s’étaitétablie dans son coeur.

— À quelle heure es-tu sorti del’hôtel? demanda Kyo.

— Il y a vingt minutes.

Kyo regarda sa montre: minuitcinquante.

— Bien. Finissons ici, et filons.

— Je veux voir ton père, Kyo.

— Tu sais que CE sera sans doutepour demain?

— Tant mieux.

Tous savaient ce qu’était CE: l’arrivéedes troupes révolutionnaires (9) auxdernières stations du chemin de fer, quidevait déterminer l’insurrection.

entregó a Kyo: unas fotos y unos recibos,ningún otro documento.

—Creo que se podrá arreglar con loshombres de las secciones de combate —dijo Kyo.

—Con tal que podamos subir a bordo—respondió Katow—, todo marchará.

Silencio. La presencia de aquelloshombres arrancaba a Chen de su terriblesoledad, suavemente, como una planta ala que se arranca de la tierra donde susraíces más finas la retienen aún. Y almismo tiempo que, poco a poco, volvíahacia ellos, parecíale que los reconocie-se momo a su hermana, la primera vezque había vuelto de una casa de prostitu-ción. Allí se sentía la tensión que se ex-perimentaba en las salas de juego, al fi-nal de la noche.

—¿Qué tal? —preguntó Katow,dejando, por fin, su disco y avan-zando hacia la luz.

Sin responder, Chen contempló aque-lla hermosa cabeza de Pierrot ruso —ojillos burlones y nariz al aire— que nisiquiera aquella luz podía hacer dramáti-ca. Él, sin embargo, sabía lo que era lamuerte. Se levantaba. Fue a ver el grillodormido en su jaula minúscula: Chenpodría tener sus razones para callar. Ésteobservaba el movimiento de la luz, quele permitía no pensar: el grito tembloro-so del grillo, despierto por su llegada, seunía a las últimas vibraciones de la som-bra sobre los rostros. Siempre la obse-sión de la dureza de la carne, aquel deseode apoyar el brazo con fuerza sobre laprimera cosa que encontrase. Las pala-bras sólo servían para turbar la familiari-dad con la muerte, que se había alberga-do en su corazón.

—¿A qué hora saliste del hotel? —preguntó Kyo.

—Hace veinte minutos. [17]

Kyo consultó su reloj; la una menosdiez.

—Bien. Acabemos aquí, y larguémonos.

—Quiero ver a tu padre, Kyo.

—¿Sabes que eso será, sin duda, paramañana?

—Tanto mejor.

Todos sabían lo que era eso: la llega-da de las tropas revolucionarias a las úl-timas estaciones del ferrocarril, que de-bía determinar la insurrección.

9 (p. 19). Les troupes révolutionnaires : leterme désigne les troupes du Kuomintang,aux ordres du général Chang-Kaï-Shek.

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« Tant mieux », répéta Tchen.Comme toutes les sensations intenses,celle du danger, en se retirant, le laissaitvide; il aspirait à le retrouver.

— Quand même: je veux le voir.

— Vas-y: il ne dort jamais avantl’aube.

— Vers quatre heures.

D’instinct, quand il s’agissait d’êtrecompris, [19] Tchen se dirigeait versGisors. Que cette attitude fûtdouloureuse à Kyo - d’autant plusdouloureuse que nulle vanitén’intervenait - il le savait, mais n’ypouvait rien: Kyo était un desorganisateurs de l’insurrection, le comi-té central (10) avait confiance en lui; lui,Tchen, aussi; mais il ne tuerait jamais,sauf en combattant. Katow était plusprès de lui, Katow condamné à cinq ansde bagne en 1905, lorsque, étudiant enmédecine, il avait participé à l’attaquepuérile -de la prison d’Odessa (11). Etpourtant...

Le Russe mangeait des petitsbonbons au sucre, un à un, sans cesserde regarder Tchen; et Tchen, tout à coup,comprit la gourmandise. Maintenantqu’il avait tué, il avait le droit d’avoirenvie de n’importe quoi. Le droit. Mêmesi c’était enfantin. Il tendit sa maincarrée. Katow crut qu’il voulait partiret la serra. Tchen se leva. C’étaitpeut-être aussi bien: il n’avait plus rienà faire là; Kyo était prévenu, à lui d’agir.Et lui, Tchen, savait ce qu’il voulait fairemaintenant. Il gagna la porte, revintpourtant

— Passe-moi les bonbons.

Katow lui donna le sac. Il voulut enpartager le contenu: pas de papier. Ilemplit le creux de sa main, mordit àpleine bouche, et sortit.

— Ça n’a pas dû aller t’t seul, dit Katow.Réfugié en Suisse de 1905 à 1912,

date de son retour clandestin enRussie, il parlait français presquesans accent, mais en avalant uncertain nombre de voyelles, commes’il eût voulu compenser ainsi lanécessité d’articuler rigoureusementlorsqu’il parlait chinois. Presque sousla lampe maintenant, son visage étaitpeu éclairé. Kyo préférait cela :l’expression de naïveté ironique que lespetits yeux et surtout le nez en l’air(moineau pince-sans-rire, disaitHemmelrich) donnaient au visage deKatow, [20] était d’autant plus vivequ’elle s’opposait davantage à sespropres traits, et le gênait souvent.

—Tanto mejor —repitió Chen. Comotodas las sensaciones, la del crimen y elpeligro, al alejarse, le dejaban completa-mente vacío. Aspiraba a recuperarlas.

—Sin embargo, quiero verlo.

—Ve esta noche; nunca duerme antesdel alba.

—Iré a eso de las cuatro.

Par instinto, cuando se trataba de sercomprendido, Chen se dirigía a papáGisors. Que su actitud le era dolorosaa Kyo —tanto más dolorosa cuantoque ninguna vanidad intervenía enella— lo sabía; pero no podía hacernada; Kyo era uno de los organizado-res de la insurrección; el comit éc e n t r a l t e n í a c o n f i a n z a e n é l ;Chen también, pero no mataría nunca a na-die, como no fuera combatiendo. Katow esta-ba más cerca de él; Katow, condenado a cincoaños de presidio en 1905, cuando, siendo es-tudiante de medicina, había tratado de derri-bar la puerta de la cárcel de Odesa. Y, sinembargo...

El ruso comía caramelos, uno a uno,sin dejar de contemplar a Chen; yChen, de pronto, comprendió su glo-tonería. Ahora que había matado, te-nía derecho a sentir deseo de algo.Derecho. Aquello era hasta pueril...Extendió su mano cuadrada. Katowcreyó que quería marcharse, y se laestrechó. Chen se levantó. En efecto:quizá ya no tuviese que hacer nada allí;Kyo estaba prevenido, y a él le corres-pondía obrar. Y él, Chen, sabía lo quequería hacer ahora. Se dirigió a lapuerta; volvió, no obstante.

—Dame unos caramelos.

Katow le dio la bolsa. Él quiso repar-tir el contenido. No tenía papel. Se llenóel hueco de la mano, tomó unos cuantoscon la boca, salió.

—No ha debido ir completamentesolo —dijo Katow. Refugiado en Sui-za desde 1905 a 1912, fecha de su [18]regreso clandestino a Rusia, hablabael francés sin ningún acento ruso, perotragándose cierto número de vocales,como si hubiera querido compensar asíla necesidad de articular rigurosamen-te cuando hablaba el chino. Casi de-bajo de la lámpara ahora, su rostro es-taba poco iluminado. Kyo lo preferíaasí; la expresión de ingenuidad iróni-ca que los ojillos y, sobre todo, la na-riz saliente —pájaro de cuenta, le de-cía Hemmelrich— daban al semblan-te de Katow, era tanto más viva cuan-to más se oponía a sus propias faccio-nes, y le molestaba con frecuencia.

10 (p. 20). Le comité central: du Particommuniste chinois qui siège à Han-Kéou.

11 (p. 20). Odessa: en 1905, à Odessa, villeet port de la mer Noire, eurent lieu desrévoltes, férocement réprimées, contre lerégime tsariste. cf. le célèbre film de S.M.Eisenstein, Le cuirasse Potemkine (1925).

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— Finissons, dit-il. Tu as lesdisques, Lou?

Lou-You-Shuen, tout sourire etcomme prêt à mille respectueux petitscoups d’échine, disposa sur deux phonosles deux disques examinés par Katow.Il fallait les mettre en mouvement enmême temps.

— Un, deux, trois, compta Kyo.

Le sifflet du premier disque couvritle second soudain s’arrêta - on entendit:envoyer - puis reprit. Encore un mot:trente. Sifflet de nouveau. Puis:hommes. Sifflet.

« Parfait», dit Kyo. Il arrêta lemouvement, et remit en marche lepremier disque, seul: sifflet, silence,sifflet. Stop. Bon. Étiquette des disquesde rebut.

Au second: Troisième leçon. Courir,marcher, aller, venir, envoyer, recevoir.Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,huit, neuf, dix, vingt, trente, quarante,cinquante, soixante, cent. J’ai vucourir dix hommes. Vingt femmessont ici. Trente...

Ces faux disques pour l’enseignementdes langues étaient excellents :l’étiquette, imitée à merveille. Kyo étaitpourtant inquiet

— Mon enregistrement était mauvais?

— Très bon, parfait.

Lou s’épanouissait en sourire,Hemmelrich semblait indifférent. Àl’étage supérieur, un enfant cria dedouleur.

Kyo ne comprenait plus

— Alors, pourquoi l’a-t-on changé?

— On ne l’a pas changé, dit Lou.C’est lui-même. Il est rare que l’onreconnaisse sa propre voix, voyezvous,lorsqu’on l’entend pour la première fois.

— Le phono déforme? [21]

— Ce n’est pas cela, car chacunreconnaît sans peine la voix des autres.Mais on n’a pas l’habitude, voyez-vous,de s’entendre soi-même...

Lou était plein de la joie chinoised’expliquer une chose à un espritdistingué qui l’ignore.

« Il en est de même dans notrelangue... »

—Acabemos —dijo—: ¿Tienes losdiscos, Lu?

Lu-Yu-Shuen, sonriendo y comodispuesto a doblar mil veces el espi-nazo, colocó sobre dos «fonos» losdos discos examinados por Katow.Había que ponerlos en movimientoal mismo tiempo.

—Una, dos, tres —contó Kyo.

El silbido del primer disco cubrió alsegundo. De pronto, se detuvo —se oyó:enviar—; luego, continuó. Otra palabramás: treinta. Nuevo silbido. Luego,hombres. Silbido.

—Perfectamente —dijo Kyo. Detuvoel movimiento, y puso en marcha el pri-mer disco solo. Silbido: silencio; silbi-do. Parada. Bien. Etiqueta de los discosde desecho.

En el segundo: Tercera lección. Co-rrer, marchar, ir, venir, enviar, recibir.Uno, dos, tres, cuatro, cinco, seis, siete,ocho, nueve, diez, veinte, treinta, cuaren-ta, cincuenta, sesenta, ciento. He vistocorrer a diez hombres. Veinte mujeresestán aquí. Treinta...

Aquellos falsos discos para la ense-ñanza de idiomas eran excelentes. La eti-queta estaba imitada a maravilla. Kyo sehallaba inquieto, sin embargo.

—¿Mi impresión era mala?

—Muy buena; perfecta.

Lu se esponjaba en una sonrisa.Hemmelrich parecía indiferente. Enel piso de arriba, un niño gritó dedolor.

Kyo no comprendía.

—¿Entonces, por qué la han cambiado?

—No la han cambiado —dijo Lu—.Es la misma. Es raro que reconoz-ca uno su propia voz, ¿sabe?, cuan-do se oye por primera vez. [19]

—¿El «Fono» la desfigura?

—No es eso; es que todos reco-nocen sin trabajo la voz de los de-más; pero uno, ¿sabe?, no está acos-tumbrado a oírse a sí mismo...

Lu se sentía lleno de júbilo chino deexplicar una cosa a un espíritu distin-guido que la ignora.

«Lo mismo ocurre en nuestroidioma...»

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— Bon. On doit toujours venirchercher les disques cette nuit?

— Les bateaux partiront demain aulever du soleil pour Han-Kéou...

Les disques sifflets étaient expédiéspar un bateau: les disques-textes par unautre. Ceux-ci étaient français ou anglais,suivant que la mission de la région étaitcatholique ou protestante. ___________________________________________________________________

« Au jour », pensait Kyo. « Quede choses avant le jour.. . » Il seleva :

— Il faut des volontaires, pour lesarmes. Et quelques Européens, sipossible.

Hemmelrich s’approcha de lui.L’enfant, là-haut, cria de nouveau.

— Il te répond, le gosse, ditHemmelrich. Ça te suffit? Qu’est-ce quetu foutrais, toi, avec le gosse qui vacrever et la femme qui gémit là-haut -pas trop fort, pour ne pas nousdéranger...

La voix presque haineuse était biencelle de ce visage au nez cassé, aux yeuxenfoncés que la lumière verticaleremplaçait par deux taches noires.

— Chacun son travail, répondit Kyo.Les disques aussi sont nécessaires...Katow et moi, ça ira. Passons chercherdes types (nous saurons en passant sinous attaquons demain ou non) et je...

— Ils peuvent dégotter le cadavre àl’hôtel, vois-tu bien, dit Katow.

— Pas avant l’aube. Tchen a fermé àclef. Il n’y a pas de rondes. [22]

— L’interm’diaire avait p’t-être prisun rend’-vous?

— À cette heure-ci? Peu probable.Quoi qu’il arrive, l’essentiel est de fairechanger l’ancrage du bateau: comme ça,s’ils essaient de l’atteindre, ils perdrontau moins trois heures avant de leretrouver. Il est à la limite du port.

— Où veux-tu le faire passer?

— Dans le port même. Pas à quainaturellement. Il y a des centaines devapeurs. Trois heures perdues au moins.Au moins.

— Le cap’taine se méfiera...

—Bueno. ¿Tienen que venir abuscar los discos esta noche?

—Los barcos partirán mañana, alamanecer, para Han-Kow...

Los discos silbadores eran expedidospor un barco; los discos de texto, por otro.Éstos eran franceses o ingleses, según quela misión de la región fuese católica oprotestante. Los revolucionarios emplea-ban algunas veces verdaderos discos im-presionados por ellos mismos.

«El día —pensaba Kyo—. ¡Cuántascosas, antes de que llegue el día!...» Selevantó.

—Se necesitan voluntarios para lasarmas. Y algunos europeos, si es posi-ble.

Hemmelrich se acercó a él. El niñoarriba gritó de nuevo.

—Te responde el muchacho —dijo Hemmelrich—. ¿Basta eso?...¿Qué harías tú, con el chico que vaa reventar y la mujer que g imearriba.. . no lo bastante fuerte paramolestarnos?.. .

La voz, casi rencorosa, era precisa-mente la de aquel rostro de la nariz rota,de los ojos hundidos que la luz verticalsustituía por dos manchas negras.

—Cada uno a su trabajo —pronuncióKyo—. Los discos también son necesa-rios... Katow y yo, a lo nuestro. Pasemosa buscar los tipos (entonces sabremos siatacamos mañana o no); y yo...

—Pueden descubrir el cadáver en elhotel, ¿comprendes? —dijo Katow.

—Antes de que amanezca, no. Chenha cerrado con llave. No hay rondas.

—Quizás el intermediario tuviese al-guna cita.

—¿A estas horas? Es poco proba-ble. Ocurra lo que [20] ocurra, lo esen-cial es cambiar el anclaje del barco.Así, si tratan de alcanzarlo, perderán,por lo menos, tres horas antes de encon-trarlo. Está en el límite del puerto.

—¿Adónde quieres hacerlo pasar?

—Al puerto mismo. No al muelle,naturalmente. Allí hay centenares de va-pores. Tres horas perdidas, por lo menos.Por lo menos.

—El capitán desconfiará...

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Le visage de Katow n’exprimaitpresque jamais ses sentiments: la gaietéironique y demeurait. Seul, en cetinstant, le ton de la voix traduisait soninquiétude - d’autant plus fortement.

— Je connais un spécialiste desaffaires d’armes, dit Kyo. Avec lui, lecapitaine aura confiance. Nous n’avonspas beaucoup d’argent, mais nouspouvons payer une commission... lepense que nous sommes d’accord: nousnous servons du papier pour monter àbord, et nous nous arrangeons après?

Katow haussa les épaules, commedevant l’évidence. Il passa sa vareuse,dont il ne boutonnait jamais le col,tendit à Kyo le veston de sport accrochéà une chaise; tous deux serrèrentfortement la main d’Hemmelrich. Lapitié n’eût fait que l’humilierdavantage. Ils sortirent.

Ils abandonnèrent aussitôt l’avenue,entrèrent dans la ville chinoise.

Des nuages très bas lourdementmassés, arrachés par places, ne laissaientplus paraître les dernières étoiles quedans la profondeur de leurs déchirures.Cette vie des nuages animait l’obscurité,tantôt plus légère et tantôt intense,comme si d’immenses [23] ombresfussent venues parfois approfondir lanuit. Katow et Kyo portaient deschaussures de spart à semelles de crêpe,et n’entendaient leurs pas que lorsqu’ilsglissaient sur la boue; du côté desconcessions - l’ennemi - une lueurbordait les toits. Lentement empli dulong cri d’une sirène, le vent, quiapportait la rumeur presque éteinte dela ville en état de siège et le sifflet desvedettes qui rejoignaient les bateaux deguerre, passa sur les ampoulesmisérables allumées au fond desimpasses et des ruelles; autour d’elles,des murs en décomposition sortaient del’ombre déserte, révélés avec toutesleurs taches par cette lumière que rienne faisait vaciller et d’où semblaitémaner une sordide éternité. Cachés parces murs, un demi-million d’hommes:ceux des filatures, ceux qui travaillentseize heures par jour depuis l’enfance,le peuple de l’ulcère, de la scoliose, dela famine. Les verres qui protégeaientles ampoules se brouillèrent et, enquelques minutes, la grande pluie deChine, furieuse, précipitée, pritpossession de la ville.

« Un bon quartier », pensa Kyo.Depuis plus d’un mois que, de comitéen comité, il préparait l’insurrection,il avait cessé de voir les rues: il nemarchait plus dans la boue, mais surun plan. Le grattement des millions

El semblante de Katow no expresabacasi nunca sus sentimientos: la alegríairónica subsistía en él. Sólo, en aquelinstante, el tono de la voz traducía suinquietud, cada vez más intensa.

—Conozco a un especialista ennegocios de armas —dijo Kyo—.Con él, el capitán adquirirá confian-za. No tenemos mucho dinero; peropodemos pagar una comisión... Creoque estamos de acuerdo: nos servi-mos del papel para subir a bordo, yya nos las arreglaremos después.

Katow se encogió de hombros, comoante la evidencia. Se puso su blusa, cuyocuello no abotonaba nunca, y alargó aKyo la chaqueta de sport, que estaba col-gada en una silla. Ambos estrecharonfuertemente la mano a Hemmelrich. Lalástima sólo conduciría a humillarle más.Salieron.

Abandonaron inmediatamente la ave-nida y entraron en la ciudad china.

Unas nubes muy bajas, pesadamen-te amontonadas, sólo dejaban ya apa-recer las últimas estrellas en la pro-fundidad de sus desgarraduras. Aque-lla vida de las nubes animaba la os-curidad, ora más ligera, ora más in-tensa, como si inmensas sombras lle-gasen, a veces, a profundizar la no-che. Katow y Kyo llevaban calzadode sport, con suela de goma, y sólo oíansus pasos cuando se deslizaban por elbarro. Del lado de las concesiones —elenemigo—, un resplandor bordeaba lostejados. Lentamente henchido por elprolongado grito de una sirena, el vien-to, que traía el rumor casi extinto de laciudad en estado de sitio y el silbido delos vapores, que volvían hacia los barcos deguerra, pasó sobre las miserables bombillas eléc-tricas encendidas en el fondo de los callejonessin salida y de las [21] callejuelas. En torno aellas, unos muros en descomposición salían dela sombra desierta, develados con todas susmanchas por aquella luz a la que nada ha-cía vacilar y de donde parecía emanar unaeternidad sórdida. Oculto por aquellosmuros, había medio millón de hombres: losde las hilanderías, que trabajaban durantedieciséis horas diarias, desde la infancia;el pueblo de la úlcera, de la escoliosis, delhambre. Los vidrios que protegían lasbombillas se empañaron, y, durantea lgunos minutos , l a gran l luv iade China, furiosa, precipitada, tomóposesión de la ciudad.

«Un buen barrio» —pensó Kyo. Des-de hacía más de un mes, que, de comitéen comité, preparando la insurrección,había dejado de ver las calles; no cami-naba ya por el barro, sino sobre terrenollano. La agitación de los millones de

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de petites vies quotidiennesdisparaissait, écrasé par une autre vie.Les concessions, les quartiers riches,avec leurs grilles lavées par la pluie àl’extrémité des rues, n’existaient plusque comme des menaces, des barrières,de longs murs de prison sans fenêtres :ces quartiers atroces, au contraire ceuxoù les troupes de choc étaient les plusnombreuses - palpitaient du frémissementd’une multitude à l’affût. Au tournantd’une ruelle, son regard tout à coups’engouffra dans la profondeur des [24]lumières d’une large rue; bien que voiléepar la pluie battante, elle conservait dansson esprit sa perspective, car il faudraitl’attaquer contre des fusils, desmitrailleuses, qui tireraient de toute saprofondeur. Après l’échec des émeutesde février, le comité central du particommuniste chinois avait chargé Kyo dela coordination des forces insurrectionnelles.Dans chacune de ces rues silencieusesoù le profil des maisons disparaissaitsous l’averse à l’odeur de fumée, lenombre des mili tants avait étédoublé. Kyo avait demandé qu’on leportât de 2 000 à 5 000, la directionmilitaire y était parvenue dans le mois. Maisils ne possédaient pas deux cents fusils. (Etil y avait trois cents revolvers à crosse,sur ce Shan-Tung (12)qui dormait d’unoeil au milieu du fleuve clapotant.) Kyoavait organisé cent quatre-vingt-douzegroupes de combat de vingt-cinqhommes environ, dont les chefs seulsétaient armés... Il examina au passageun garage p o p u l a i r e p l e i n d ev ieux camions t r ans fo rmés ena u t o b u s . To u s l e s g a r a g e sé t a i e nt « notés ». La directionmil i ta i re avai t const i tué unétat-major, l’assemblée du partiavait élu un comité central; dès ledébut de l’insurrection, il faudrait lesmaintenir en contact avec les groupesde choc. Kyo avai t créé undétachement de liaison de centvingt cyclistes; aux premiers coupsde feu, huit groupes devaient occuperles garages, s’emparer des autos. Leschefs de ces groupes avaient déjàvis i té les garages . Chacun desautres chefs, depuis dix jours, étudiaitle quartier où il devait combattre.Combien de visiteurs, aujourd’huimême, avaient pénétré dans lesbâtiments principaux, demandé à voirun ami que nul n’y connaissait, causé,offert le thé, avant de s’en aller?Combien d’ouvriers, malgré l’aversebattante, réparaient des toits? Toutes lespositions de [25] quelque valeur pour lecombat de rues étaient reconnues; lesmeilleures positions de tir, notées sur lesplans, à la permanence des groupes dechoc. Ce que Kyo savait de la viesouterraine de l’insurrectionnourrissait ce qu’il en ignorait; quelque

modestas vidas cotidianas desaparecía,aplastada por otra vida. Las concesiones,los barrios ricos, con sus verjas lavadaspor la lluvia al final de las calles, no exis-tían ya más que como amenazas, comobarreras, como los prolongados muros deuna prisión sin ventanas. Aquellos barriosatroces, por el contrario —donde las tro-pas de encuentro eran más numerosas—, palpitaban con el estremecimiento deuna multitud en acecho. Al volver unacallejuela, su mirada se abismó de pron-to en la profundidad de las luces de unaancha calle; velada por la copiosa lluvia,conservaba en su imaginación una pers-pectiva horizontal, pues habría sido pre-ciso atacarla con los fusiles y las ametra-lladoras, que disparan horizontalmente.Después del fracaso de las sublevacionesde febrero, el comité central del partidocomunista chino había encargado a Kyola coordinación de las fuerzas insurrectas.En cada una de aquellas calles silencio-sas, donde el perfil de las casas desapa-recía bajo el aguacero con olor a humo,el número de los militantes se había du-plicado. Kyo había pedido que se le faci-litasen de 2.000 a 5.000, y la direcciónmilitar los había conseguido en un mes.Pero no poseía doscientos fusiles. (Yhabía trescientos revólveres ______en aquel Shang-Tung, que dormía conlos ojos abiertos en medio del ríochapoteante.) Kyo había organizado cien-to noventa y dos grupos de combate deunos veinticinco hombres, todos provis-tos de sus jefes. Sólo aquellos [22] jefesestaban armados... Pasaron por delante deun garaje popular, lleno de camiones vie-jos transformados en autobuses. Todos losgarajes estaban «registrados». La direc-ción militar había constituido un estadomayor y la asamblea del partido habíaelegido un comité central. Desde el co-mienzo de la insurrección, era precisomantenerlos en contacto con los gruposde encuentro. Kyo había creado un pri-mer destacamento de unión, de cientoveinte ciclistas. A los primeros disparos,ocho grupos deberían ocupar los garajesy apoderarse de los autos. Los jefes deaquellos grupos habían visitado ya losgarajes, y no se equivocarían. Cada unode los demás jefes, desde hacía diez días,estudiaba el barrio donde debían comba-tir. ¡Cuántos visitantes, aquel mismo día,habían penetrado en los edificios princi-pales, habían preguntado por un amigoal que nadie conocía, y habían hablado yofrecido el té, antes de irse! ¡Cuántosobreros, a pesar del aguacero copioso,reparaban los tejados! Todas las posicio-nes de algún valor para el combate en lascalles estaban reconocidas; las mejoresposiciones de tiro estaban señaladas conlos trazos rojos en los planos, para la per-manencia de los grupos de encuentro. Loque Kyo sabía acerca de la vida subterrá-nea de la insurrección alimentaba lo que

12 (p. 25). Shan-Tung : province de la Chineorientale.

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chose qui le dépassait infinimentvenait des grandes ailes déchiquetéesde Tchapéï et de Pootung (13)couvertes d’usines et de misère, pourfaire éclater les énormes ganglions ducentre; une invisible foule animait cettenuit de jugement dernier.

— Demain? dit Kyo.

Katow hésita, arrêta le balancementde ses grandes mains. Non, la questionne s’adressait pas à lui. A personne.

I l s marcha ien t en s i l ence .L’averse, peu à peu, se transformaiten bruine; le crépitement de la pluiesur les toits s’affaiblit, et la rue noires’emplit du seul bruit saccadé desruisseaux. Les muscles de leursvisages se détendirent; découvrant alorsla rue comme elle paraissait au regard-longue, noire, indifférente - Kyo laretrouva comme un passé. ___________________________________

— Où crois- tu que soi t a l léTchen? demanda-t-il. Il a dit qu’iln’irait chez mon père que vers quatreheures. Dormir?

Il y avait dans sa question uneadmiration incrédule.

— Sais pas...___________ Il ne sesaoule pas. . .

Ils arrivaient à une boutique: Shia,marchand de lampes. Comme partout,les volets étaient posés. On ouvrit. Unaffreux petit Chinois resta debout devanteux, mal éclairé par-derrière: del’auréole de lumière qui entourait satête, son moindre mouvement faisait glisserun reflet huileux sur son gros nez cribléde boutons. Les verres de centainesde la m p e s - t e m p ê t e accrochéesreflétaient les flammes de deuxlanternes [26] allumées sur le comptoiret se perdaient dans l’obscurité,jusqu’au fond invisible du magasin.

— Alors? dit Kyo.

Shia le regardait en se frottant lesmains avec onction. Il se retourna sansrien dire, fouilla dans quelque cachette.Le crissement de son ongle retourné surdu fer-blanc fit grincer les dents deKatow; mais déjà il revenait, lesbretelles pendantes balancées à droite,à gauche... Il lut le papier qu’il apportait,la tête éclairée par-dessous, presquecollée à l’une des lampes. C’était unrapport de l’organisation militairechargée de la liaison avec les cheminots.Les renforts qui défendaient Shanghaïcontre les révolutionnaires venaient deNankin: les cheminots avaient décrété

ignoraba; algo que le sobrepasaba infini-tamente venía de las grandes alas desga-rradas de Tchapei y de Pootung, cubier-tas de fábricas y de miseria, para hacerestallar los enormes ganglios del centro.Una invisible multitud animaba aquellanoche de juicio final.

—¿Mañana? —interrogó Kyo.

Katow vaciló y detuvo el balanceo desus grandes manos. No; la pregunta nose dirigía a él. Ni a nadie.

Caminaba en silencio. Poco a poco,el chaparrón se transformaba en lloviz-na; el crepitar de la lluvia sobre los teja-dos se debilitaba, y la calle negra se lle-nó con el ruido entrecortado de losarroyos. Los músculos de sus sem-blantes se aflojaron. Al descubrir enton-ces la calle como aparecía ante su mira-da —larga, negra, indiferente—, Kyo lapercibió como un pasado: de tal modo laobsesión le impulsaba hacia adelante.

—¿A dónde crees tú que habrá idoChen? —preguntó—. [23] Dijo que noiría a casa de mi padre hasta eso de lascuatro... ¿A dormir?

Había en su pregunta una admiraciónincrédula.

—No sé... Al burdel, quizá... Él no seemborracha...

Llegaron a una tienda: Shia, comer-ciante de lámparas. Como en todas partes,los postigos estaban puestos. Abrieron. Unchinito horroroso quedó en pie delante de ellos,mal iluminado por detrás. Al menor movimien-to, de la aureola de luz que rodeaba sucabeza le bajaba un reflejo oleososobre la enorme nariz, acribilladade granos. Los vidrios de unos cente-nares de lámparas, que aparecían colgadas,reflejaban las llamas de dos linternasencendidas sobre el mostrador y seperdían en la oscuridad, hasta el fon-do invisible del negocio.

—¿Qué hay? —pronunció Kyo.

Shia le contemplaba y se frotaba lasmanos con unción. Se volvió sin decirnada, dio algunos pasos y hurgó en algooculto. El roce de su uña doblada sobreuna hoja de lata hizo rechinar los dien-tes de Katow; pero ya volvía, con los ti-rantes a la izquierda y a la derecha...Leyó el papel que llevaba, con la cabe-za iluminada por debajo, casi pegada auna de las lámparas. Era un informe dela organización militar que trabajaba conlos obreros ferroviarios. Los refuerzosque defendían Shanghai contra los re-volucionarios de Nankín: los obrerosferroviarios habían decretado la huelga,

13 (p. 26). Tchapéï et Pootung : quartiersindustriels et ouvriers situés à la périphériede Shanghaï.

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la grève: les gardes-blancs (14) et lessoldats de l’armée gouvernementalefusillaient ceux qui refusaient deconduire les trains militaires.

— Un des cheminots arrêtés afa i t dé ra i l l e r l e t ra in qu’ i lconduisait, lut le Chinois. Mort.Trois autres trains militaires ont dérailléhier, les rails ayant été enlevés.

— F a i r e g é n é r a l i s e r l esabotage et noter sur les mêmesr a p p o r t s l e m o y e n d e r é p a r e rdans le plus bref délai , dit Kyo.A u t r e c h o s e : p a s d e t r a i n sd ’ a r m e s ?

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— Non.

— Sait-on quand les nôtres seront àTcheng-Tchéou*?

— Je n’ai pas encore les nouvellesde minuit. Le délégué du Syndicat penseque ce sera cette nuit ou demain...

L’insurrection commencerait donc lelendemain ou le surlendemain. Il fallaitattendre les ordres du Comité Central.Kyo avait soif. Ils sortirent. [27]

Ils n’étaient plus éloignés de l’endroitoù ils devaient se séparer. Une nouvellesirène de navire appela trois fois, parsaccades, puis une fois encore,longuement. Il semblait que son cris’épanouit dans cette nuit saturée d’eau;il retomba enfin, comme une fusée. «Commenceraient-ils à s’inquiéter, sur leSkan-Tung? » Absurde. Le capitainen’attendait ses clients qu’à huit heures.Ils reprirent leur marche, prisonniers dece bateau ancré là-bas dans l’eauverdâtre et froide avec ses caisses depistolets. Il ne pleuvait plus.

— Pourvu que je trouve mon type,dit Kyo. Je serais tout de même plustranquille si le San-Tung changeaitd’ancrage.

Leurs routes n’étaient plus lesmêmes; ils prirent rendez-vous, seséparèrent. Katow allait chercher leshommes.

Kyo atteignit enfin la porte à grillesdes concessions. Deux tirailleursannamites (15) et un sergent de lacoloniale (16) vinrent examiner sespapiers: il avait son passeport français.Pour tenter le poste, un marchandchinois avait accroché des petits pâtés

los guardias blancos y los soldados delejército gubernamental obligaban a losque cogían a que condujesen los trenesmilitares, bajo pena de muerte.

—Uno de los obreros ferroviarios de-tenido ha hecho descarrilar el tren queconducía —leyó el chino—. Muerto.Otros tres trenes militares descarrilaronayer; los rieles habían sido levantados.

—Que se generalice el sabotajey se indique en los mismos infor-mes el medio de reparar los dañosen el plazo más breve dijo Kyo.

—Por todo acto de sabotaje, los guar-dias blancos fusilan...

—El comité lo sabe. Nosotros fusila-remos también.

—Otra cosa: ¿no hay trenes de armas?

—No. [24]

—¿Se sabe cuándo estarán los nues-tros en TchengTcheu? (1)

—No tengo aún las noticias de me-dianoche. El delegado del Sindicato creeque será esta noche o mañana...

La insurrección comenzaría, pues, aldía siguiente o al otro. Había que esperarlas informaciones del Comité Central.Kyo tenía sed. Salieron.

Ya no estaban lejos del sitio dondetenían que separarse. Una nueva sire-na de barco llamó tres veces, a in-tervalos , y, luego, una vez más,prolongada. Parecía que su gri tose esparciese en aquella noche saturadade agua. Por último, retumbó, como uncohete. «¿Comenzarían a inquietarse, enel Shang-Tung?» Absurdo. El capitánsólo atendería a sus clientes hacia las8. Reanudaron la marcha, prisionerosde ese barco, anclado allá, en lasaguas verdosas y frías con sus cajasde pistolas. Ya no llovía.

—Con tal que encuentre a ese tipo —dijo Kyo—. Quedaría, no obstante, mástranquilo si el Shang-Tung cambiara deanclaje.

Sus ru t a s no e r an ya l a s mi s -mas . Se d i e ron c i t a y s e s epa ra -r o n . K a t o w i b a a b u s c a r a l o shombres .

Kyo llegó, por fin, a la puerta enre-jada de las concesiones. Dos tiradoresanamitas y un agente de la colonial lle-garon para examinar sus papeles: te-nía su pasaporte francés. Para tantearel puesto, un comerciante chino habíaensartado unos pastelillos en las pun-

14 (p. 27). Les gardes-blancs : soldats russesémigrés (après la révolution de 1917 enRussie, les « Russes blancs » désignentles partisans du régime tsariste, ceux quis’opposent aux bolcheviks, aux « rouges »)servant dans les « troupesgouvernementales », à la solde des «seigneurs de la guerre », des « Nordistes».

15 (p. 28). Tirailleurs annamites : vietnamiens(de Annam, l’ancien nom du Viênam).

16 (p. 28). Sergent de la coloniale : sergentdes troupes françaises qui servaientoutre-mer.

* La dernière gare avant Shanghaï.

1. La última estación, antes de Shanghai.

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aux pointes des barbelés. (« Bonsystème pour empoisonner un poste,éventuellement », pensa Kyo.)

Le sergent rendit le passeport. Kyotrouva bientôt un taxi et donna l’adressedu Black Cat.

L’auto, que le chauffeur conduisait àtoute vitesse, rencontra quelquespatrouilles de volontaires européens. aLes troupes de huit nations (17) veillentici », disaient les journaux. Peuimportait: il n’entrait pas dans lesintentions du Kuomintang d’attaquer lesconcessions. Boulevards déserts,ombres de petits marchands, leurboutique en forme de balance surl’épaule... L’auto s’arrêta à l’entrée d’unjardin exigu, éclairé par l’enseignelumineuse du Black Cat. En [28]passant devant le vestiaire, Kyoregarda l’heure deux heures du matin.« Heureusement que tous les costumessont admis ici. » Sous son veston desport d’étoffe rugueuse, gris foncé, ilportait un pull-over.

Le jazz était à bout de nerfs. Depuiscinq heures, il maintenait, non lagaieté, mais une ivresse sauvage àquoi chaque couple s’accrochaitanxieusement. D’un coup il s’arrêta, et lafoule se décomposa: au fond les clients,sur les côtés les danseuses professionnelles:Chinois e s d a n s le u r f o u r r e aude soie brochée, Russes et métisses;un t icket par danse , ou parconversation. Un vieillard à aspectde clergyman ahuri restait au milieude la piste, esquissant du coude desgestes de canard. À cinquante-deux ansil avait pour la première fois découché et,terrorisé par sa femme, n’avait plusosé rentrer chez lui. Depuis huitmois, il passait ses nuits dans lesboîtes, ignorait le blanchissage etchangeai t de l inge chez leschemisiers chinois , entre deuxparavents. Négociants en instance deruine, danseuses et prostituées, ceux quise savaient menacés - presque tousmaintenaient leur regard sur ce fantôme,comme si, seul, il les eût retenus au borddu néant. Ils iraient se coucher,assommés, à l’aube -lorsque lapromenade du bourreau (18)recommencerait dans la cité chinoise...À cette heure, il n’y avait que les têtescoupées dans les cages noires, avec leurscheveux qui ruisselaient de pluie.

— En talapoins (19), chère amie! Onles habillera en ta-la-poins !

La voix bouffonnante, inspirée dePolichinelle, semblait venir d’unecolonne. Nasillarde mais amère, ellen’évoquait pas mal l’esprit du lieu,

tas de las alambradas. («Buen sistemapara envenenar a un puesto, eventual-mente», pensó Kyo.)

El agente le devolvió el pasaporte.Kyo encontró bien pronto un taxi y dio ladirección del Black Cat.

El auto, que el chófer conducía atoda velocidad, encontró algunas patru-llas de voluntarios europeos. «Las tro-pas de ocho naciones vigilan aquí»mecían los periódicos. Poco importa-ba; no entraba en las intenciones delKuomintang atacar a las concesiones.Boulevards desiertos; sombras de mo-destos comerciantes, con sus tiendas enforma de balanza sobre los hombros...El auto se detuvo a la entrada de unjardín exiguo, alumbrado por el letre-ro [25] luminoso del Black Cat. Al pa-sar por delante del guardarropa, Kyomiró la hora: las dos de la mañana.«Afortunadamente, aquí se admiten to-dos los trajes.» Bajo su chaqueta desport, de tela de terciopelo gris oscuro,llevaba un pullover.

El jazz estaba en el colmo de la ner-viosidad. Desde hacía cinco horas man-tenía, no la alegría, sino una embriaguezsalvaje a la que cada pareja se aferrabaansiosamente. De pronto, se detuvo, y lamultitud se disgregó. En el fondo losclientes; a los lados las danzarinas profe-sionales: chinas, con sus vestidos_______ de brocado; rusas y mestizas,con su ticket para el baile o para la con-versación. Un viejo con aspecto declergyman aturdido permanecía en me-dio de la pista, esbozando con el codomovimientos de ganso. A los cincuentay dos años, había trasnochado por pri-mera vez, y, aterrorizado por su mujer,ya no se había atrevido a volver a su casa.Desde hacía ocho meses, se pasaba lasnoches en aquellos lugares; ignoraba dón-de estaban los lavaderos, y se mudaba de ropablanca en las camiserías chinas, entre dosbiombos. Negociantes próximos a la rui-na; danzarinas y prostitutas; cuantos sesabían amenazados —casi todos— man-tenían sus miradas sobre aquel fantasma,como si sólo él les retuviese al borde dela nada. Irían a acostarse, anonada-dos, al amanecer cuando el paseodel verdugo comenzase de nuevo enla ciudad china—. A aquella hora,no hab r í a más que l a s c abezascortadas en las jaulas, todavía oscuras,con los cabellos chorreando de lluvia.

—¡De talapuinos, querida amiga! ¡Losvestirán de tala-pui-nos!

La voz bufonesca, directamente ins-pirada por Polichinela, parecía llegar deuna columna. Gangosa, aunque amarga,no evocaba mal el espíritu de aquel lu-

17 (p. 28). « Les troupes de huit nations... »En raison de l’agitation révolutionnaire etdes troubles persistants, des renforts armésassuraient la sécurité des concessions qui,effectivement, ne furent jamais menacéespar l’insurrection. Les « huit nations »auxquelles il est fait allusion ici sont laGrande-Bretagne, la France, les ÉtatsUnis,le Japon, la Hollande, la Belgique, l’Italie etl’Espagne.

18 (p. 29). La promenade du bourreau : larépression des émeutes de février futbrutale, atroce; pour terroriser la population,les suspects étaient décapitéspubliquement, et leurs têtes promenéesdans les rues au bout de piques, sur desassiettes, ou exposées dans des cages

19 (p. 29). Talapoins : prêtres bouddhistes duSiam (ancien nom de la Thaïlande).

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isolée dans un silence plein ducliquetis des verres audessus duclergyman ahuri : l’homme que Kyocherchait était présent. [29]

Il le découvrit, dès qu’il eutcontourné la colonne au fond de la salleoù, sur quelques rangs de profondeur,étaient disposées les tables quen’occupaient pas les danseuses.Au-dessus d’un pêle-mêle de dos et degorges dans un tas de chiffons soyeux,un Polichinelle maigre et sans bosse,mais qui ressemblait à sa voix, tenaitun discours bouffon à une Russe et àune métisse philippine assises à satable. Debout, les coudes au corps,gesticulant des mains, il parlait avectous les muscles de son visage encoupe-vent, gêné par le carré de soienoire, style Pieds-Nickelés(20), quiprotégeait son oeil droit meurtri sansdoute. De quelque façon qu’il fûthabillé - il portait un smoking, ce soir- le baron de Clappique avait l’airdéguisé. Kyo était décidé à ne pasl’aborder là, à attendre qu’il sortît

— Parfaitement, chère amie,parfaitement! Chang-Kaï-Shek entreraici avec ses révolutionnaires et criera -en style classique, vous dis-je,clas-sique ! ainsi que lorsqu’il prend desvilles : Qu’on m’habille en talapoins cesnégociants, en léopards ces militaires(comme lorsqu’ils s’asseyent sur desbancs fraîchement peints)! Semblablesau dernier prince de la dynastie Leang(21), parfaitement mon bon, montonssur les jonques impériales, contemplonsnos sujets vêtus, pour nous distraire,chacun de la couleur de sa profession,bleu, rouge, vert, avec des nattes et despompons; pas un mot, chère amie, pasun mot, vous dis-je!

Et confidentiel

« La seule musique permise sera celledu chapeau chinois.

— Et vous, que ferez-vous là-dedans?

Plaintif, sanglotant

— Comment, chère amie, vous ne ledevinez pas? [30] Je serai astrologue dela cour, je mourrai en allant cueillir lalune dans un étang, un soir que je seraisaoul - ce soir?

Scientifique :

... comme le poète Thou-Fou (22),dont les aeuvres enchantentcertainement- pas un mot, j’en suis sûr!- vos journées inoccupées. De plus...

La sirène d’un navire de guerre

gar, aislado en un silencio invadido porel entrechocarse de los vasos sobre elclergyman aturdido. El hombre que Kyobuscaba estaba presente.

Lo descubrió, en cuanto hubo rodea-do la columna, en el fondo de la sala,donde, a algunas filas de profundidad, sehallaban dispuestas las mesas que no ocu-paban las danzarinas. Por encima de unaconfusión de espaldas [26] y de pechos,en un montón de trapos sedosos, un Poli-chinela delgado y sin joroba, aunque conuna voz muy apropiada, dirigía un dis-curso bufonesco a una rusa y a una mes-tiza filipina, sentadas a su mesa. De pie,con los codos pegados al cuerpo,gesticulando con las manos, hablaba contodos los músculos de su rostro en ten-sión, molesto por el cuadro de seda ne-gra, estilo Pied-Nickelé, que protegía suojo derecho, magullado, sin duda. Decualquier manera que fuese vestido —lle-vaba un smoking, aquella noche—, elbarón de Clappique parecía ir disfraza-do. Kyo estaba decidido a no abordarleallí; a esperar a que saliese.

—¡Perfectamente, querida amiga,perfectamente! Chiang Kaishek entra-rá aquí con sus revolucionarios y grita-rá, en estilo clásico, le digo, ¡clá-si-co!,como cuando se toman las ciudades:«¡Que me vistan de talapuinos a esosnegociantes y de leopardos a estos mili-tares (como cuando se sientan en losbancos recién pintados)! Semejante alúltimo príncipe de la dinastía Leang,perfectamente, subamos sobre los jun-cos imperiales y contemplemos a nues-tros sujetos vestidos, para distraernos,a cada uno del color de su profesión,azul, rojo, verde, con trenzas ypompones. ¡Ni una palabra, querida ami-ga, ni una palabra le digo!

Y confidencial:

«La única música permitida será la delsombrero chino.»

—¿Y usted, qué hará allá?

Quejumbroso, sollozando:

—¿Cómo, querida amiga? ¿No lo adi-vina? Seré el astrólogo de la corte, ymoriré al ir a coger la luna en un estan-que, una noche en que esté borracho...¿Esta noche?...

Científico:

«...como el poeta Thu-Fu, cuyas obrasseguramente encantan —¡Ni una palabra,estoy seguro!— sus jornadas desocupa-das. Además...

La sirena de un buque de guerra lle-

20 (p. 30). Style Pieds-Nickelés: célèbrespersonnages de bandes dessinéesimaginés par L. Forton en 1908 (dessinateurfrançais à qui l’on doit également la créationde Bibi Fricotin, 1924); l ’un desPieds-Nickelés porte un carré d’étoffe noiresur 1’oei1.

21 (p. 30). La dynastie Leang: dynastie quirégna sur la Chine du Sud au vie siècle.

22 (p. 31). Thou-Fou (712-770) : célèbre poètechinois.

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emplit la salle. Aussitôt un coup décymbales furieux s’y mêla, et la danserecommença. Le baron s’était assis. Àtravers les tables et les couples, Kyogagna une table libre, un peu en arrièrede la sienne. La musique avait couverttous les bruits; mais maintenant qu’ils’était rapproché de Clappique, ilentendait sa voix de nouveau. Lebaron pelotait la Philippine, mais ilcontinuait de parler au visage mince,tout en yeux, de la Russe

— ... le malheur, chère amie,c’est qu’il n’y a plus de fantaisie.De temps en temps, l’index pointé :

« ... un ministre européen envoieà sa femme un pp’etit colis postal,elle l’ouvre - pas un mot...

l’index sur la bouche :

« ... c’est la tête de son amant.Éploré :« On en parle encore trois ans après!

« Lamentable, chère amie, lamenta-ble! Regardezmoi. Vous voyez ma tête?Voilà où mènent vingt ans de fantaisiehéréditaire. Ça ressemble à la syphilis.- Pas un mot!

Plein d’autorité

« Garçon! du champagne pour cesdeux dames, et pour moi...

de nouveau confidentiel :

« ... un pp’etit Martini [31]

sévère:

« trrès sec. »

(En mettant tout au pire, avec cettepolice, j’ai une heure devant moi, pensaKyo. Tout de même, ça vat-il durerlongtemps?)

La Philippine riait, ou faisaitsemblant. La Russe, de tous ses yeux,cherchait à comprendre. Clappiquegesticulait toujours, l’index vivant, raidedans l’autorité, appelant l’attention dansla confidence. Mais Kyo l’écoutait àpeine: la chaleur l’engourdissait, et,avec elle, une préoccupation qui cettenuit avait rôdé sous sa marches’épanouissait en une confuse fatigue;ce disque, sa voix qu’il n’avait pasreconnue, tout à l’heure chezHemmelrich. Il y songeait avec la mêmeinquiétude complexe qu’il avait regardé,enfant, ses amygdales que le chirurgienvenait de couper. Mais impossible desuivre sa pensée.

— ... bref, glapissait le baron clignant sa

nó el salón. Inmediatamente, un golpefurioso de platillos se unió a ella, y sereanudó la danza. El barón se había sen-tado. A través de las mesas y de las pa-rejas, Kyo ocupó una [27] mesa libre,un poco detrás de la suya. La músicahabía cubierto todos los ruidos; pero,ahora que se había aproximado aClappique, oía su voz de nuevo. El ba-rón toqueteaba a la filipina; pero conti-nuaba hablando hacia el rostro demacrado,todo ojos, de la rusa.

«...la desgracia, querida amiga, con-siste en que ya no hay fantasía. De vez encuando... —índice levantado:

«...un ministro europeo envía a sumujer un paquetito postal; ella lo abre...—¡Ni una palabra!... con el índice sobrela boca:

«...es la cabeza de su amante. ¡Todavíase habla de ello, después de tres años!»

Desconsolado:

«¡Lamentable, querida amiga, lamen-table! ¡Míreme! ¿Ve usted mi cabeza? Heaquí a dónde conducen veinte años defantasía hereditaria. Se parece ala sífilis...¡Ni una palabra!»

Pleno de autoridad:

—¡Mozo! Champaña para estas dosseñoras y para mí...»

De nuevo confidencial:

«...un pequeño Martini...

severo:

«...muy seco.»

(«Admitiendo lo peor, aun con esapolítica, tengo una hora por delante —pensó Kyo—. Sin embargo, ¿durará estomucho tiempo?»)

La filipina reía o lo aparentaba. Larusa, abriendo mucho los ojos, trataba decomprender. Clappique continuabagesticulando, con el índice vivo, estira-do, con expresión de autoridad, llaman-do la atención hacia la confidencia. PeroKyo apenas le escuchaba; el calor le en-torpecía, y, además, una preocupaciónque aquella noche había rondado en sucamino se expandía en un confuso can-sancio: aquel disco; su voz, que no habíareconocido antes, en casa deHemmerlich. Pensaba en esto con la mis-ma compleja inquietud con que habíacontemplado, cuando niño, las amígda-las que el cirujano acababa de cortarle.Pero imposible seguir su pensamiento.

—...en una palabra —gañía el barón,

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p a u p i è r e d é c o u v e r t e e t s et o u r n a n t v e r s l a R u s s e , i lavait un château en Hongrie du Nord.

— Vous êtes hongrois?

— Point. Je suis français. (Je m’enfous d’ailleurs, chère amie,é-per-dument!) Mais ma mère étaithongroise.

«Donc, mon pp’etit grand-pèrehabitait un château par là, avec de gran-des salles - trrès grandes des confrèresmorts dessous, des sapins autour;beaucoup de ssapins. Veuf. Il vivait seulavec un gigan-tes-que cor de chassependu à la cheminée. Passe un cirque.Avec une écuyère. Jolie...

Doctoral :

Je dis: jo-lie.

Clignant à nouveau

« ... Il l’enlève - pas difficile. La mènedans une des grandes chambres... [32]

Commandant l’attention, la mainlevée

Pas un mot!... Elle vit là. Continue.S’ennuie. Toi aussi ma petite - ilchatouilla la Philippine - maispatience... - Il ne rigolait pas non plus,d’ailleurs: il passait la moitié del’après-midi à se faire faire les onglesdes mains et des pieds par son barbier(il avait encore un barbier attaché auchâteau), pendant que son secrétaire, filsde serf crasseux, lui lisait -lui relisait -à haute voix, l’histoire de la famille.Charmante occupation, chère amie, vieparfaite! D’ailleurs, il était généralementsaoul. Elle...

— Elle est devenue amoureuse dusecrétaire? demanda la Russe.

— Magnifique, cette petite, ma-gni-fi-que! Chère amie, vous êtes magnifique.Perspicacité rre-marqua-ble !

Il lui embrassa la main.

« ... mais elle coucha avec lepédicure, n’estimant point autant quevous les choses de l’esprit. S’aperçutalors que le pp’etit grand-père la battait.Pas un mot, inutile: les voilà partis.

Le plaqué, tout méchant, parcourtses vastes salles (toujours avec lesconfrères dessous), se déclare bafouépar les deux turlupine (23) qui s’endémettaient les reins au chef-lieu, dansune auberge à la Gogol (24), avec unpot à eau ébréché et des berlines dans la

guiñando el [28] ojo que llevaba al des-cubierto y volviéndose hacia la rusa—:tenía un castillo en Hungría del Norte...

—¿Es usted húngaro?

—De ningún modo. Soy francés.(¡Y me fastidia, por cierto, queridaamiga, lo-ca-men-te!) Pero mi madreera húngara.

«Pues bien, mi bisabuelo vivía allí enun castillo, con unos salones grandes —muy grandes—, con unos cofrades muer-tos debajo y unos abetos alrededor; mu-chos a-be-tos. Viudo. Vivía solo, con ungi-gan-tes-co cuerno de caza colgando dela chimenea. Pasa un circo ambulante.Con una amazona. Preciosa...

Doctoral:

«Ya digo: pre-cio-sa.»

Guiñando de nuevo el ojo:

«...La rapta... No es difícil... La conducea una de aquellas grandes habitaciones...»

Llamando la atención, con la manolevantada:

«¡Ni una palabra! Vive allí. Continúa.Se aburre. Tú también, pequeña mía —haciendo cosquillas a la filipina—; pero,paciencia... Él no se divertía tampoco, porcierto: se pasaba la mitad de la tarde ha-ciendo que le arreglase su pedicuro lasuñas de las manos y de los pies (ademáshabía un barbero contratado en el casti-llo, y mientras su secretario, hijo de unsiervo asqueroso, le leía —y le releía—en voz alta la historia de la familia. ¡En-cantadora ocupación, querida amiga; vidaperfecta! Por otra parte, generalmenteestaba borracho... Ella...»

—¿Ella se enamoró del secretario? —preguntó la rusa.

—¡Magnífica! ¡Esta pequeña es mag-nífica! ¡Querida amiga, es usted magní-fica! ¡Notable perspicacia!

Le besó la mano.

«...pero se acostó con el pedicuro, noestimando tanto como ustedes las cosasdel espíritu. Entonces se dio cuenta deque mi bisabuelo le pegaba. ¡Ni una pa-labra! Fue inútil. Se escaparon.»

«El abandonado, que era muy malo,recorre sus vastos salones (siempre consus cofrades debajo), se declara burladopor los dos galopines, que se dislocabanlos riñones en la capital, en una posada alo Gogol, con un [29] cacharro de aguadesportillado y unas berlinas en el patio.

23 (p. 33). Turlupins (vx) : auteurs de farcesde mauvais goût, mauvais plaisants.

24 (p. 33). Une auberge à la Gogol: uneauberge telle qu’on en peut trouver ladescription dans les oeuvres de N. Gogol(18091852), romancier et dramaturge russe.

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cour. Il décroche le gi-gan-tes-que cor dechasse, ne parvient pas à souffler dedanset envoie l’intendant battre le rappel deses paysans. (Il avait encore des droits,dans ce temps-là.) Il les arme: cinqfusils de chasse, deux pistolets. Mais,chère amie, ils étaient trop!

« Alors on déménage le château:voilà mes croquants en marche -imaginez, i-ma-gi-nez, vous dis-je! -armés de fleurets, d’arquebuses, de [33]machines à rouet, que sais-je? derapières et de colichemardes (25)grand-père en tête, vers le chef-lieu: lavengeance poursuivant le crime. On lesannonce. Arrive le garde champêtre,avecque (26) des gendarmes. Tableauma-gni-fi-que !

— Et donc?

— Rien. On leur a pris leurs armes.Le grand-père est quand même venu àla ville, mais les coupables avaientquitté en vitesse l’auberge Gogol, dansl’une des berlines poussiéreuses. Ila remplacé l ’écuyère par unepaysanne, le pédicure par un autre,et s’est saoulé avec le secrétaire. Detemps en temps, il travaillait à un deses pp’etits testaments...

— À qui a-t-il laissé l’argent?

— Question sans intérêt, chère amie.Mais, quand il est mort,

les yeux écarquillés

« ... on a tout su, tout ce qu’ilmijotait comme ça, en se faisant gratterles pieds et lire les chroniques,ivre-noble! On lui a obéi: on l’a en-terré sous la chapelle, dans unimmense caveau, ddebout sur soncheval tué, comme Attila (27)...

Le chahut du jazz cessa. Clappiquecontinua, beaucoup moinsPolichinelle, comme si sa pitrerie eûtété adoucie par le silence

Quand Attila est mort, on l’a dressésur son cheval cabré, au-dessus duDanube; le soleil couchant a fait unetelle ombre à travers la plaine que lescavaliers ont foutu le camp comme dela poussière, épouvantés... »

Il rêvassait, pris par ses rêves,l’alcool et le calme soudain. Kyo savaitquelles propositions il devait lui faire,mais il le connaissait mal, si son père leconnaissait bien; et plus mal encore dansce rôle. Il l’écoutait avec impatience(dès qu’une table, devant [34] le baron,se trouverait libre, il s’y installerait etlui ferait signe de sortir; il ne voulait ni

Descuelga el gi-gan-tes-co cuerno de caza,no para soplar en él, y encarga al inten-dente que haga un llamamiento a sus cam-pesinos. (Entonces se tenía derecho a ha-cerlo, en aquellos tiempos.) Los arma: cin-co escopetas de caza y dos pistolas. ¡Pero,querida amiga, eran demasiados!»

«Entonces, mudanza del castillo:he aquí a mis harapientos en marcha—imagíneselos; i-ma-gí-ne-se-los, ledigo—, armados de f loretes,arcabuces, mosquetes... ¡qué sé yo...!,espadones y otras zarandajas , elabuelo a la cabeza, hacia la capital:la venganza persiguiendo al crimen.Los anuncian. Llega el guardia rural,con los gendarmes. . . ¡Magníficaplancha!»

—¿Y después?

—Nada. Les habían ganado lapartida. El abuelo l legó a la ciu-dad ; pe ro l o s cu lpab le s hab íanabandonado la posada Gogo l enuna de las berlinas polvorientas. Sus-tituyó a la amazona por una campesi-na y al pedicuro por otro y se embo-rrachó en compañía del secretario. Devez en cuando, trabajaba en uno desus pequeños testamentos...

—¿A quién le dejó el dinero?

—Cuestiones sin interés, querida ami-ga. Pero, cuando murió...

Con los ojos desorbitados:

«. . . se supo todo; todo lo que había ido cocien-do, a fuego lento, ____________________________________________________________el noble ebrio... Se le obedeció; se leenterró debajo de la capilla, en una in-mensa bóveda, de pie sobre su caballomuerto, como Atila...»

El barullo del jazz cesó. Clappiquecontinuó, mucho menos en Polichi-nela, como si sus payasadas se hu-bieran suavizado con el silencio:

«Cuando murió Atila, le irguieronsobre su caballo encabritado por enci-ma del Danubio; el sol poniente pro-yectó tal sombra sobre la llanura, que loscaballeros se hicieron humo, ______________ espantados. . .»

Desvariaba, invadido por sus sueños,por el alcohol y por la calma súbita. Kyosabía qué proposiciones debía hacerle;pero lo conocía mal, aunque su padre loconocía bien; y peor aún en aquel papel.Le escuchaba con impaciencia (hastaque se encontrara libre una mesa delan-te [30] del barón, donde se instalaría yle haría seña de que saliese; no quería

25 (p.34). Croquants, feurets, arquebuses,machines à rouet, rapières, colichemardes.Dans tout ce passage parodique, Clappiqueuse de termes archaïques. Croquants:paysans; fleurets : épées à lame de sectioncarrée; arquebuses: anciennes armes à feudont le coup partait à l’aide d’une mèche oud’un rouet (petite roue d’acier qui, frottéecontre un silex, produisait des étincelles),terme qui, par contagion, entraîne lenéologisme suivant: machines à rouet (dansle contexte, arme mise à feu à l’aide d’unrouet); rapières épées longues et effilées;colichemardes : épées.

26 (p. 34). Avecque : ancienne formegraphique de la préposition « avec ».

27 (p. 34). Attila (v. 395-453) : célèbre chefdes Huns qui dévastèrent l’Europe. À noterque la présence d’Attila dans les « délires »alcoolisés de Clappique n’est nullementfortuite: s’il faut l’en croire, c’est de la patriede sa mère (p. 32) en effet, c’esà-dire de laHongrie, qui Attila et les Huns, peuplesasiatiques installés dans la cuvettedanubienne au début du v’ siècle, partirentpour « envahir » l’Occident chrétien.

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l’aborder, ni l’appeler ostensiblement)mais non sans curiosité. C’était la Russequi parlait maintenant, d’une voix lente,éraillée - ivre peut-être d’insomnie

— Mon arrière-grand-père avaitaussi de belles terres... Nous sommesparties à cause des communistes,n’est-ce pas? Pour ne pas être avec toutle monde, pour être respectées; ici noussommes deux par table, quatre parchambre! Quatre par chambre... Et ilfaut payer le loyer. Respectées... Siseulement l’alcool ne me rendait pasmalade!...

Clappique regarda son verre: elleavait à peine bu. La Philippine, parcontre... Tranquille, elle se chauffaitcomme un chat à la chaleur de lademi-ivresse. Inutile d’en tenir compte.Il se retourna vers la Russe

— Vous n’avez pas d’argent?

Elle haussa les épaules. Il appelale garçon, paya avec un billet de centdollars. La monnaie apportée, il pritdix dollars, donna le reste à la femme.Elle le regarda avec une précisionlasse

— Bien.

Elle se levait.

— Non, dit-il.

Il avait un air pitoyable de bon chien.

— Non. Ce soir, ça vous ennuierait.

Il lui tenait la main. Elle le regardaencore.

— Merci.

Elle hésita :

— Quand même... Si ça vous fait plaisir...

— Ça me fera plus de plaisir un jourque je n’aurai pas d’argent...

Polichinelle reparut

— Ça ne tardera pas... [35]

Il lui réunit les mains, les embrassaplusieurs fois...

Kyo, qui avait déjà payé, le rejoignitdans le couloir vide

— Sortons ensemble, voulez-vous?

Clappique le regarda, le reconnut

— Vous ici? C’t’inouï ! Mais...

abordarlo ni llamarlo ostensiblemente),pero no sin curiosidad. Era la rusa laque hablaba ahora, con voz lenta,desgarrada —ebria, tal vez, de insomnio.

—Mi bisabuelo tenía tambiénmuchas tierras... Nos marchamos acausa de los comunistas, ¿verdad?Para no estar con todo el mundo;para ser respetadas. ¡Y aquí somosdos por mesa y cuatro por habita-ción! Cuatro por habitación. . . Yhay que pagar el alquiler. Respeta-das... ¡Y si el alcohol no me pusie-ra enferma!...

Clappique miró su vaso: la rusa ape-nas había bebido. La filipina, por elcontrario... Tranquilamente, se calen-taba como un gato al calor de lasemiembriaguez. Inútil contar con ella.Se volvió hacia la rusa:

—¿No tiene usted dinero?

Ella se encogió de hombros. El barónllamó al camarero, pagó con un billetede cien dólares. Cuando recibió el vuel-to, tomó diez dólares y dio el resto a lamujer. Ella le miró, con una precisióncansada.

—Bien.

Se levantaba.

—No —dijo él.

Tenía un aspecto lamentable, de buen perro.

«No, esta noche la aburriría.»

Le tenía cogida la mano. Ella le miróotra vez.

—Gracias.

Vaciló.

—Sin embargo... Si le causa placer...

— M e c a u s a r í a m á s p l a c e r u nd í a q u e n o t e n g a d i n e r o . ..

Polichinela reapareció:

«Que no tardará...»

L e j u n t ó l a s m a n o s y s el a s b e s ó v a r i a s v e c e s .K y o , q ue ya había pagado, le alcan-zó en el pasillo vacío.

—¿Quiere que salgamos juntos?

Clappique le miró y le reconoció.

—¿Usted aquí?... ¡Es inaudito! Pero...

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Ce bêlement fut arrêté par lalevée de son index :

— Vous vous débauchez, jeunom!

— Ça va!...

Ils sortaient déjà. Bien que la pluieeût cessé, l’eau était aussi présente quel’air. Ils firent quelques pas sur le sabledu jardin.

— Il y a dans le port, dit Kyo, unvapeur chargé d’armes...

Clappique s’était arrêté. Kyo, ayantfait un pas de plus, dut se retourner: levisage du baron était à peine visible,mais le grand chat lumineux, enseignedu Black Cat, l’entourait comme uneauréole

— Le Shan-Tung, dit-il.

L’obscurité, et sa position — àcontre-lumière — lui permettaient de nerien exprimer; et il n’ajoutait rien.

— Il y a une proposition, reprit Kyo,à 30 dollars par revolver, dugouvernement. Il n’y a pas encore deréponse. Moi, j’ai acheteur à 35 dollars,plus 3 de commission pour vous.Livraison immédiate, dans le port. Oùle capitaine voudra, mais dans le port.Qu’il quitte son ancrage tout de suite.On prendra livraison cette nuit, avecl’argent. D’accord avec son délégué:voici le contrat.

Il lui tendit le papier, alluma sonbriquet en le protégeant de la main.

Il veut gratter (21) l’autre acheteur,pensait Clappique en regardant lecontrat.., pièces détachées... et [36]toucher 5 dollars par arme. C’est clair.Je m’en fous il y en a 3 pour moi. »

— Ça va, dit-il à voix haute. Vousme laissez le contrat, bien entendu?

— Oui. Vous connaissez le capitaine ?

— Mon bon, il y en a que je connaismieux, mais enfin je le connais.

— Il pourrait se méfier (plusencore, d’ailleurs, en aval où il est).Le gouvernement peut faire saisir lesarmes au lieu de payer, non?

— Point!

Encore Polichinelle. Mais Kyoattendait la suite de quoi le capitainedisposait-il, pour empêcher les siens (etnon ceux du gouvernement) des’emparer des armes? Clappique conti-

Aquel balido fue detenido por el le-vantarse de su índice:

«¡Se pervierte usted, joven!»

—¡Bah!... [31]

Ya salían. Aunque la lluvia había ce-sado, el agua estaba tan presente como elaire. Dieron algunos pasos por la arenadel jardín.

—En el puerto —dijo Kyo— hay unvapor cargado de armas...

Clappique se había detenido. Kyohabía dado un paso más; tuvo que vol-verse. El rostro del barón apenas era vi-sible; pero el gran gato luminoso, insig-nia del Black Cat, le rodeaba como unaaureola.

—El Shang-Tung —dijo.

La oscuridad y su posición —a con-traluz— le permitían no expresar nada; yno añadía nada.

—Hay una proposición —prosi-guió Kyo—, a 30 dólares por revól-ver, del gobierno. Todavía no tienerespuesta. Yo tengo comprador a 35dólares, más 3 de comisión. Entregainmediata, en el puerto. Donde el ca-pitán quiera, pero en el puerto. Querecoja el ancla en seguida. Se recibi-rá la entrega esta noche, mediante eldinero. De acuerdo con su delegado:aquí está el contrato.

Le alargó el papel y encendió su me-chero, protegiéndolo con la mano.

«Quiere raspar al otro comprador—pensaba Clappique, contemplandoel contrato—. Piezas destacadas... ycobrar 5 dólares por arma. Está cla-ro. ¡A mí qué! Quedan 3 para mí.»

—Bueno —dijo, en voz alta—. Porsupuesto, me dejará usted el contrato.

—Sí. ¿Conoce usted al capitán?

—Amigo mío, hay otros a quienes conozcomejor; pero, en fin, lo conozco.

—Podría desconfiar (y más aún, desdeluego por el sitio donde está la garantía).El gobierno puede hacer que se recojanlas armas, en vez de pagar. ¿No?

—¡Ni mucho menos!

Otra vez Polichinela. Pero Kyo es-peraba la continuación: ¿de qué dis-ponía el capitán para impedir que lossuyos (y no los del gobierno) se apo-deraran de las armas? Clappique con-

28 (p. 36). Gratter (fam.) : prendre de vitesse,griller, devancer un concurrent.devancer adelantar, aventajar, anticiparse

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nua d’une voix plus sourde:

— Ces objets sont envoyés par unfournisseur régulier. Je le connais.

Ironique :

— C’est-un-traître...

Voix singulière dans l’obscurité,quand ne la soutenait plus aucuneexpression du visage. Elle monta,comme s’il eût commandé un cocktail:

« Un véritable traître, trrès sec!Car tout ceci passe par une légationqui... Pas un mot! Je vais m’occuperde ça. Mais ça va d’abord me coûterun taxi sérieux le bateau est loin...il me reste...

II fouilla dans sa poche, en tira unseul billet, se retourna pour quel’enseigne l’éclairât.

« ... Dix dollars, mon bon! Ça ne vapas. J’achèterai sans doute bientôt despeintures de votre oncle Kama pourFerral, mais en attendant...

— Cinquante, ça ira?

— C’est plus qu’il ne faut...

Kyo les lui donna. [37]

— Vous me préviendrez chez moidès que ce sera fini.

— Entendu.

— Dans une heure?

— Plus tard, je pense. Mais dès queje pourrai.

Et du ton même dont la Russe avaitdit: « Si seulement l’alcool ne merendait pas malade... », presque de lamême voix, comme si tous les êtresde ce lieu se fussent retrouvés au fondd’un même désespoir :

Tout ça n’est pas drôle...

I l s ’é lo igna , nez ba issé , dosvoûté , t ê te nue ,l e s m a i n s d a n s l e s p o c h e s d u s m o -k i n g , semblable à sa propre caricature.

Kyo appela un taxi et se fit conduireà la limite des concessions, à la premièreruelle de la ville chinoise, où il avaitdonné rendez-vous à Katow.

Dix minutes après avoir quittéKyo, Katow, ayant traversé descouloirs, dépassé des guichets, étaitarrivé à une pièce blanche, nue, bien

tinuó, con voz más sorda:

—Esos objetos son enviados por unproveedor regular. Lo conozco. [32]

Irónico:

—Es un traidor...

Voz r egu la r en l a o scu r idad ,cuando ya no la acompañaba ningu-na expresión del rostro. Subió, comosi hubiese pedido un cocktail.

«¡Un verdadero traidor, muy seco!Porque todo esto pasa por una legaciónque... ¡Ni una palabra! Voy a ocuparmede eso. Pero, desde luego, va a costarmeun gasto serio de taxi: el barco está le-jos... Y me queda...»

Se registró el bolsillo, sacó un solobillete y se volvió, para que la insignia loiluminase.

«...Diez dólares, amigo mío. Nohay bastante. Sin duda, pronto com-praré los cuadros de su tío Kama paraFerral; pero, mientras...»

—¿Habrá bastante con cincuenta?

—Es más de lo que necesito.

Kyo se los dio.

—Me avisará usted a mi casa cuandoeso quede terminado.

—Entendido.

—¿Dentro de una hora?

—Más tarde, supongo; pero en cuan-to pueda.

Y con el mismo tono con que la rusahabía dicho: «Si el alcohol no me pusie-ra enferma...»; casi con la misma voz,como si todos los seres de aquel lugar seencontrasen sumidos en el mismo abis-mo de desesperación, dijo:

«Todo esto no tiene maldita la gracia...»

Se alejó, con la nariz baja, la espaldaencorvada, la cabeza al descubierto __________y l a s m a n o s e n l o s b o l s i l l o s d e l s m o -k i n g _______________________________.

Kyo llamó un taxi y se hizo conduciral límite de las concesiones, a la primeracallejuela de la ciudad china, donde ha-bía citado a Katow.

Diez minutos después de haberabandonado a Kyo, Katow, una vez atravesa-dos los corredores y pasadas las rejas, había lle-gado a una habitación blanca, desnuda, bien

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éclairée par des lampes-tempête. Pasde fenêtre. Sous le bras du Chinois quilui ouvrit la porte, cinq têtes penchéessur la table mais le regard sur lui, surla haute silhouette connue de tousles groupes de choc: jambesécartées, bras ballants, vareuse nonboutonnée du haut, nez en l’air,cheveux mal peignés. Ils maniaient desgrenades de différents modèles. C’étaitun tchon - une des organisations decombat communistes que Kyo et luiavaient créées à Shanghaï.

— Combien d’hommes inscrits?demanda-t-il.

— Cent trente-huit, répondit le plusjeune Chinois, un adolescent à la têtepetite, à la pomme d’Adam trèsmarquée et aux épaules tombantes,vêtu en ouvrier.

— Il me faut absolument douzehommes pour cette nuit. [38]

«Absolument » passait dans toutesles langues que parlait Katow.

— Quand?

— Maintenant.

— Ici?

— Non: devant l’appontement Yen-Tang.

Le Chinois donna des instructions :un des hommes partit.

— Ils y seront avant trois heures, ditle chef.

Par ses joues creuses, son grandcorps maigre, il semblait très faible;mais la résolution du ton, la fixité desmuscles du visage témoignaient d’unevolonté tout appuyée sur les nerfs.

— L’instruction? demanda Katow.

— Pour les grenades, ça ira. Tousles camarades connaissent maintenantnos modèles. Pour les revolvers - lesNagan et les Mauser (29) du moins- ça ira aussi. Je les fais travailleravec des cartouches vides, mais ilfaudrait pouvoir tirer au moins àblanc... Je n’ai pas le temps de lesemmener jusqu’à la campagne...

Dans chacune des quarantechambres où se préparait l’insurrection,la même question était posée.

— Pas assez de poudre. Ça viendrapeut-être; pour l’instant, n’en parlonsplus. Les fusils?

iluminada por unas lámparas de tormenta.No había ventana. Bajo el brazo del chi-no que le abrió la puerta, cinco cabezasque estaban inclinadas sobre la mesa di-rigieron la mirada hacia él, hacia la ele-vada silueta conocida [33] de todos losgrupos de encuentro: piernas separadas,brazos colgantes, blusa sin abrochar, na-riz prominente, cabellos mal peinados.Manejaban granadas de diferentes mode-los. Era un tchon —una de las organiza-ciones de combate comunistas que Kyoy él habían creado en Shanghai.

—¿Cuántos hombres hay inscritos? —preguntó en chino.

—Ciento treinta y ocho —respon-dió el chino más joven, un adoles-cente de cabeza pequeña, con la nuezmuy marcada y los hombros caídos,vestido de obrero.

—Necesito imprescindiblemente docehombres para esta noche.

«Imprescindiblemente» pasaba a to-dos los idiomas que hablaba Katow.

—¿Cuándo?

—Ahora.

—¿Aquí?

—No: delante del pontón Yen Tang.

El chino dio instrucciones. Uno de loshombres salió.

—Estarán allí antes de las tres —dijoel jefe.

Por sus mejillas hundidas, su grancuerpo delgado, parecía muy débil; perola resolución del tono, la fijeza de losmúsculos del rostro denotaban una vo-luntad apoyada sobre los nervios.

—¿La instrucción? —preguntó Katow.

—Respecto a las granadas, se conse-guirá. Todos los camaradas conocen aho-ra nuestros modelos. En cuanto a los re-vólveres (los Nagan y los Máuser, al me-nos) se conseguirá también. Les hago tra-bajar con los cartuchos vacíos; pero con-vendría, por lo menos, poder tirar al blan-co... Me han propuesto facilitarnos unacueva completamente segura.

En cada una de las cuarenta habita-ciones donde se preparaba la insurrecciónse había presentado el mismo problema.

—No hay ______ pólvora. Quizáse reciba. Por lo pronto, no hablemosde eso. ¿Y los fusiles?

29 (p. 39). Nagan : marque d’armes russes.Mauser: marque d’armes allemandes.

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— Ça va aussi . C’est lamitrailleuse qui m’inquiète, si onn’essaie pas un peu de tir.

Sa pomme d’Adam montait etdescendait sous sa peau, à chacune deses réponses. Il continua :

— Et puis, est-ce qu’il n’y aurait pasmoyen d’avoir un peu plus d’armes? Septfusils, treize revolvers, quarante-deuxgrenades chargées! Un homme surdeux n’a pas d’arme à feu.

— Nous irons les prendre à ceux quiles ont. Peutêtre allons-nous avoirbientôt des revolvers. Si c’est [39] pourdemain, combien d’hommes ne saurontpas se servir de leurs armes à feu, dansta section?

L’homme réfléchit. L’attention luidonnait l’air absent. « Un intellectuel »,pensa Katow.

— Quand nous aurons pris lesfusils de la police?

— Absolument.

— Plus de la moitié.

— Et les grenades?

— Tous sauront s’en servir; ettrès bien. J’ai ici trente hommesparents de suppliciés de février...À moins pourtant...

Il hésita, termina sa phrase parun geste confus. Main déformée,mais fine.

— À moins?

— Que ces salauds n’emploient lestanks contre nous.

Les six hommes regardèrent Katow.

— Ça ne fait rien, répondit-il. Tuprends tes grenades, attachées par six, ettu les fous sous le tank. A la rigueur, vouspouvez creuser des fosses, au moins dansun sens. Vous avez des outils?

— Très peu. Mais je sais où ensaisir.

— Fais saisir aussi des vélos : dèsque ça commencera il faudrait quechaque section eût son agent de liaison,en plus de celui du centre.

— Tu es sûr que les tankssauteront?

— Absolument. Mais ne t’en faispas: les tanks ne quitteront pas le front.

—Se manejarán. Lo que me inquietaes la ametralladora, si no se ejercita unpoco el tiro al blanco. [34]

Su nuez ascendía y descendía bajola piel, a cada una de las respuestas.Continuó:

«Además, ¿no habría medio de con-seguir unas cuantas armas más? ¡Sietefusiles, trece revólveres, cuarenta y dosgranadas cargadas! De cada dos hom-bres, uno no tiene arma de fuego.

—Iremos a tomárselas a los quelas tienen. Quizá tengamos revólve-res muy pronto. Si fuera para maña-na, ¿cuántos hombres no sabríanservirse de sus armas de fuego en susección?

El hombre reflexionó. La atención ledio una actitud de ausencia. «Un intelec-tual» —pensó Katow.

—¿Cuando nos hayamos apoderadode los fusiles de la policía?

—Indudablemente.

—Más de la mitad.

—¿Y las granadas?

—Todos sabrán servirse de ellas, ymuy bien. Aquí tengo treinta hombres,parientes de los supliciados de febrero...A menos, no obstante...

Vaciló, y terminó la frase con unademán confuso. Mano deformada,pero fina.

—¿A menos?...

—Que esos cochinos no empleen lostanques contra nosotros.

Los seis hombres miraron a Katow.

—Eso no importa —respondió—.Tomas tus granadas, unidas de seis enseis, y las colocas bajo el tanque: a partirde cuatro, salta. En rigor, podéis abrirunos fosos. ¿Tenéis herramientas?

—Muy pocas. Pero yo sé de dóndetomarlas.

—Procura también tomar bicicletas:en cuanto se comience será preciso quecada sección tenga su agente de unión,además del centro.

—¿Tú estás seguro de que los tanquessaltarán?

—¡En absoluto! Pero no te preocupeeso: los tanques no abandonarán el fren-

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S’ils le quittent, je viendrai avec uneéquipe spéciale. C’est mon boulot.

— Si nous sommes surpris?

— Les tanks, ça se voit: nous avonsdes observateurs à côté. Prendstoi-même un paquet de grenades,donnes-en un à chacun des trois ouquatre types de qui tu es sûr...

Tous les hommes de la sectionsavaient que [40] Katow, condamnéaprès l’affaire d’Odessa à la détentiondans l’un des bagnes les moins durs,avait demandé à accompagnervolontairement, pour les instruire, lesmalheureux envoyés aux mines deplomb. Ils avaient confiance en lui, maisils restaient inquiets. Ils n’avaient peurni des fusils, ni des mitrailleuses, maisils avaient peur des tanks: ils secroyaient désarmés contre eux. Mêmedans cette chambre où n’étaient venusque des volontaires, presque tousparents de suppliciés, le tank héritait lapuissance des démons.

— Si les tanks arrivent, ne vousen faites pas, nous serons là, repritKatow.

Comment sortir sur cette parolevaine? L’aprèsmidi, il avait inspecté unequinzaine de sections, mais il n’avait pasrencontré la peur. Ces hommes-làn’étaient pas moins courageux que lesautres, mais plus précis. Il savait qu’ilne les délivrerait pas de leur crainte,qu’à l’exception des spécialistesqu’il commandait, les formationsrévolutionnaires fuiraient devant lestanks. Il était probable que les tanks nepourraient quitter le front; mais s’ilsatteignaient la ville, il serait impossiblede les arrêter tous par des fosses, dansces quartiers où se croisaient tant deruelles.

— Les tanks ne quitterontabsolument pas le front, dit-il.

— Comment faut-il attacher les grenades?demanda le plus jeune Chinois.

Katow le lui enseigna. L’atmosphèredevint un peu moins lourde, comme sicette manipulation eût été le gaged’une victoire. Katow en profitapour partir. La moitié des hommesne sauraient pas se servir de leursarmes. Du moins pouvait-il comptersur ceux dont il avait formé lesgroupes de combat chargés de [41]désarmer la police. Demain. Maisaprès-demain? L’armée avançait,approchait d’heure en heure, comptaitsur le soulèvement de la ville. Peut-êtrela dernière gare était-elle déjà prise.

te. Si lo abandonan, acudiré con un equi-po especial. De eso me encargo yo.

—¿Y si somos sorprendidos?

—Los tanques se ven: tenemos obser-vadores al lado. [35] Coges tú mismo unpaquete de granadas, se las das a cadauno de los tres o cuatro individuos dequienes estés seguro...

Todos los hombres de la secciónsabían que Katow, condenado, a cau-sa del asunto de Odesa, a permaneceren uno de los presidios menos duros,había solicitado, para instruirlos,acompañar voluntariamente a los des-dichados enviados a las minas de plo-mo. Confiaban en él, pero estaban in-quietos. No tenían miedo a los fusilesni a las ametralladoras, pero teníanmiedo a los tanques: se considerabandesarmados contra ellos. Hasta enaquella habitación, adonde no habíanido más que voluntarios, casi todosparientes de supliciados, el tanque he-redaba el poder de los demonios.

—Si llegan los tanques, no hagannada; nosotros iremos allá —pronuncióKatow.

¿Cómo salir de aquella vana prome-sa? Por la tarde, había inspeccionadouna quincena de secciones, pero nohabía encontrado el miedo. Aquelloshombres no eran menos valerosos quelos otros, sino más calculadores. Sa-bía que no los sustraería a su temor,que, con excepción de los especialis-tas que él mandaba, las formacionesrevolucionarias huirían ante los tan-ques. Era probable que los tanques noabandonasen el frente; pero si llega-ban a la ciudad, sería imposible dete-nerlos a todos por medio de fosos en losbarrios donde se entrecruzaban tantascallejuelas.

—Los tanques no abandonarán, nimucho menos, el frente —dijo.

—¿Cómo hay que unir las granadas?—preguntó el chino más joven.

Katow se lo enseñó. La atmósfera que-dó algo menos pesada, como si aquellamanipulación hubiese sido el presagio deuna acción futura. Katow aprovechó laocasión para irse, muy inquieto. La mi-tad de los hombres no sabría servirse desus armas. Al menos, podría contar conaquellos con quienes había formado losgrupos de combate, encargados de des-armar a la policía. Al día siguiente. Pero¿y al otro?... El ejército avanzaba, seaproximaba de hora en hora. ________________________________ . Quizásestuviese tomada ya la última estación.

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Quand Kyo serait de retour, sans doutel’apprendraient-ils dans l’un des cen-tres d’informations. Le marchand delampes n’avait pas été renseigné aprèsdix heures.

Katow attendit dans la ruelle, sanscesser de marcher; enfin Kyo arriva.Chacun fit connaître à l’autre ce qu’ilavait fait. Ils reprirent leur marche dansla boue, sur leurs semelles de crêpe,au pas: Kyo petit et souple comme unchat japonais, Katow balançant sesépaules. Les troupes avançaient,f u s i l s b r i l l a n t s de pluie, versShanghaï roussâtre au fond de la nuit...______________________________Leur avance n’était-elle pas arrêtée?

La ruelle où ils marchaient, lapremière de la cité chinoise, était, à cau-se de la proximité des maisonseuropéennes, celle des marchandsd’animaux. Toutes les boutiques étaientcloses: pas un animal dehors, et aucuncri ne troublait le silence, entre lesappels de sirène et les dernières gouttesqui tombaient des toits à cornes dansles flaques. Les bêtes dormaient. Ilsentrèrent, après avoir frappé, dans l’unedes boutiques: celle d’un marchand depoissons vivants. Seule lumière, unebougie plantée dans un photophore(30) se reflétait faiblement dans lesjarres phosphorescentes alignéescomme celles d’Ali Baba, et oùdormaient, invisibles, les illustrescyprins (31) chinois.

— Demain? demanda Kyo.

— Demain; à une heure.

Au fond de la pièce, derrière uncomptoir, dormait dans son coude repliéun personnage indistinct. Il avait à pei-ne levé la tête pour répondre. Cemagasin était l’une des quatre-vingtspermanences du Kuomintang, par quoise transmettaient les nouvelles. [42]

— Officiel?

— Oui. L’armée est à Tcheng-Tchéou. Grève générale à midi.

Sans que rien changeât dansl’ombre, sans que le marchand assoupiau fond de son alvéole fit un geste,l a sur face phosphorescente detou tes l es j a r res commença às’agiter faiblement; de molles va-gues noi res , concent r iques , selevaient en silence: le son des voixéveillait lés poissons. Une sirène,de nouveau, se perdit au loin.

Ils sortirent, reprirent leur marche.Encore l’avenue des Deux-

Cuando Kyo estuviese de regreso, sinduda lo [36] sabrían ya en alguno de loscentros de información. El comerciantede lámparas no había recibido informa-ción desde las diez.

Katow esperó algún tiempo en la ca-llejuela, sin dejar de andar. Por fin llegóKyo. Cada uno dio a conocer al otro loque había hecho. Reanudaron la marchapor el lodo, sobre sus suelas de goma, alpaso; Kyo, menudo y flexible, como ungato japonés; Katow, balanceando loshombros, pensando si las tropas que avanza-ban con los fusiles brillantes de lluvia, haciaShanghai, rojizo en el fondo de la noche...También Kyo hubiera querido saber siaquel avance se habría detenido.

La callejuela por donde caminaban—la primera de la ciudad china— era,a causa de la proximidad de las casaseuropeas, la de los comerciantes deanimales. Todas las tiendas estabancerradas: ni un animal fuera, ni un sologrito turbaba el silencio entre las llama-das de las sirenas y las últimas gotas quecaían de los cuernos de los tejados enlos charcos. Las bestias dormían. En-traron, después de haber llamado, enuna de las tiendas: la de un comercian-te de peces. Por ú n i c a l u z , u n ab u j í a co locada en una gu indo l ase reflejaba _____________ en lasvas i jas fosforescen tes, alineadascomo las de Alí Babá y donde dor-m í a n , i n v i s i b l e s , l o s i l u s t r e scíprides chinos .

—¿Mañana? —preguntó Kyo.

—Mañana; a la una.

En el fondo de la estancia, detrás deun mostrador, dormía, sobre su codo re-plegado, un personaje indistinto. Apenashabía levantado la cabeza para respon-der. Aquel almacén era una de las ochen-ta pertenencias del Kuomintang por lasque se transmitían las noticias.

—¿Oficial?

—Sí. El ejército está en Tcheng-Tcheu. Huelga general a las doce.

Sin que nada cambiase en la sombra;sin que el comerciante, adormilado enel fondo de su alvéolo, hiciese un mo-vimiento, la superficie fosforescentede todas las vasijas comenzó a agitar-se débilmente: blandas oleadas ne-gras, concéntricas, se levantaban ensilencio. El ruido [37] de las vocesdespertaba a los peces. De nuevose perdió, a lo lejos, una sirena.

Salieron y reanudaron la marcha.Otra vez por la avenida de las Dos

30 (p. 42). Photophore : coupe décorativedestinée à recevoir une veilleuse ou unebougie.

31 (p. 42). Cyprin : poisson de la famille de lacarpe: cyprin doré poisson rouge desaquariums.

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assoupir adomecer, dormir, amodorrarse, doze,

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Républiques.

Taxi. La voiture démarra à une allurede film. Katow, assis à gauche, sepencha, regarda le chauffeur avecattention.

— Il est nghien *. Dommage. Jevoudrais absolument n’être pas tué avantdemain soir. Du calme, mon petit!

— Clappique va donc faire venir lebateau, dit Kyo. Les camarades qui sontau magasin d’habillement dugouvernement peuvent nous fournir descostumes de flics...

— Inutile. J’en ai plus de quinze à laperm’nence.

— Prenons la vedette avec tes douzetypes.

— Ce serait mieux sans toi...

Kyo le regarda sans rien dire.

— C’est pas très dangereux, maisc’est pas non plus de tout repos, vois-tubien. C’est plus dangereux que cetteandouille de ch’ffeur qui est en train dereprendre de la vitesse. Et c’est pas lemoment de te faire d’scendre.

— Toi non plus. [43]

— C’est pas la même chose. Moi,on peut me remplacer, maintenant, tucomprends... J’aimerais mieux que tut’occupes du camion qui attendra, et dela distribution.

Il hésitait, gêné, la main sur lapoitrine. « Il faut le laisser se rendrecompte », pensait-il. Kyo ne disait rien.La voiture continuait à filer entre desraies de lumière estompées par la brume.Qu’il fût plus utile que Katow n’étaitpas douteux: le Comité Centralconnaissait le détail de ce qu’il avaitorganisé, mais en fiches, et lui avait laville dans la peau, avec ses points faiblescomme des blessures. Aucun de sescamarades ne pouvait réagir aussi viteque lui, aussi sûrement.

Des lumières de plus en plusnombreuses... De nouveau, les camionsblindés des concessions, puis, une foisde plus, l’ombre.

L’auto s’arrêta. Kyo en descendit.

— Je vais chercher les frusques, ditKatow; je te ferai prendre quand toutsera prêt.

Kyo habitait avec son père une maisonchinoise sans étage: quatre ailes autour

Repúblicas.

Un taxi. El coche arrancó a una velocidadde film. Katow, sentado a la izquierda,se inclinó y contempló al chófer conatención.

—Está nghien(1). Qué lástima. Deningún modo quisiera morir antes demañana por la noche. ¡Calma amigo!

—Pues Clappique va a hacer venirel barco —dijo Kyo—. Los camaradasque están en el almacén de ropas delgobierno pueden suministrarnos unostrajes de policías.

—No hace falta. Tengo más de quin-ce en la permanencia.

—Tomaremos el vapor con tus doceindividuos.

—Sería mejor sin ti...

Kyo le miró sin decir nada.

—No es muy peligroso, aunquetampoco en extremo fácil, ¿sabes? Máspeligroso resulta que este endemonia-do chófer se halla dispuesto a reanu-dar la velocidad. Y no es éste el mo-mento de hacerte que te apees.

—Ni a ti tampoco.

—No es lo mismo... A mí se mepuede sustituir ahora, ¿compren-des?... Preferiría que tú te ocupasesdel camión, que estará esperando, yde la distribución.

Vacilaba, preocupado, con la manosobre el pecho. «Hay que dejarle que sedé cuenta» —pensaba. Kyo no decíanada. El coche continuaba deslizándosepor entre las líneas de luz esfumadas enla bruma. Que él fuese más sutil queKatow, era indudable; el Comité Centralconocía al detalle todo cuanto él habíaorganizado, aunque en fichas, y él lo vi-vía; tenía la ciudad en la piel, con suspuntos débiles como heridas. Ninguno desus camaradas podía reaccionar tan deprisa como él ni con tanta seguridad.

—Bien —dijo.Luces, cada vez más numerosas... De

nuevo los camiones [38] blindados de lasconcesiones, y, luego, una vez más, lasombra.

El auto se detuvo. Kyo se apeó.

—Voy a buscar los trastos —dijoKatow—; te los entregaré cuando todoesté dispuesto.

* * *Kyo vivía con su padre en una casa

china de un solo piso: cuatro naves alre-

1. En estado de necesidad (a propósito de losopiómanos). Literalmente: poseído por una cos-tumbre.

* En é t a t de beso in ( à p ropos desopiomanes). Littéralement possédé par unehabitude.

allure (Fr.) paso vivo, marcha, aspecto, aire,semblante,

(En) attractiveness, personal charm,fascination; encanto,

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d’un jardin. Il traversa la première, puisle jardin, et entra dans le hall: à droite età gauche, sur les murs blancs, despeintures Song (32), des phénix bleuChardin (33), au fond, un bouddha dela dynastie Weï (34), d’un stylepresque roman. Des divans nets, unetable à opium. Derrière Kyo, les vitresnues comme celles d’un atelier. Sonpère, qui l’avait entendu, entra: depuisquelques années il souffraitd’insomnies, ne dormait plus quequelques heures à l’aube, et accueillaitavec joie tout ce qui pouvait emplirsa nuit.

— Bonsoir, père. Tchen va venir tevoir.

— Bien.

Les traits de Kyo n’étaient pas ceuxde son père; il [44] semblait pourtantqu’il eût suffi au sang japonais de samère d’adoucir le masque d’abbéascétique du vieux Gisors - masque dontune robe de chambre en poil dechameau, cette nuit, accentuait lecaractère - pour en faire le visage desamouraï de son fils.

— Il lui est arrivé quelque chose?

— Oui.

_________ ______ ____ Tous deuxs’assirent. Kyo n’avait pas sommeil. Ilraconta le spectacle que Clappiquevenait de lui donner - sans parler desarmes. No n q u ’ i l s e m é f i â td e s o n p è r e ; m a i s i le x i g e a i t d ’ ê t r e s e u l r e s -p o n s a b l e d e s a v i e . B i e nq u e l e v i e u x p r o f e s s e u rd e s o c i o l o g i e d e l ’ Universitéde Pékin, chassé par Tchang-Tso-o-Lin(35) à cause de son enseignement, eûtformé le meilleur des cadresrévolutionnaires de la Chine du Nord, ilne participait pas à l’action. Dès que Kyoentrait là, sa volonté se transformait doncen intelligence, ce qu’il n’aimait guère;et il s’intéressait aux êtres au lieu des’intéresser aux forces. Parce que Kyoparlait de Clappique à son père quile connaissait bien, le baron lui parutplus mystérieux que tout à l’heure,lorsqu’il le regardait.

— ... il a fini en me tapant decinquante dollars...

— Il est désintéressé, Kyo...

— Mais il venait de dépenser centdollars: je l’ai vu. La mythomanie esttoujours une chose assez inquiétante.

Il voulait savoir jusqu’où il pouvait

dedor de un jardín. Atravesó la primera,luego el jardín, y entró en el hall: a de-recha e izquierda, sobre las blancas pa-redes, unos cuadros de Song, unos fénixazules Chandin; en el fondo, un Budade la dinastía Wei, de un estilo casi ro-mano. Divanes limpios, una mesa deopio. Detrás de Kyo, las vidrieras, des-nudas, como las de un estudio de pintor.Su padre, que lo había oído, entró: des-de hacía algunos años, sufría de insom-nio; no dormía más que algunas horas,durante el amanecer, y acogía con júbi-lo todo cuanto pudiera ocuparle las ho-ras de la noche.

—Buenas noches, padre. Chen va avenir a verte.

—Bien.

Las facciones de Kyo no eran lasde su padre. Parecía, sin embargo,que había bastado la sangre japone-sa de su madre para dulcificar lamáscara de abate ascético del viejoGisors —máscara cuyo carác teracentuaba aquella noche una bata depelo de camello— para crear la carade samurai de su hijo.

—¿Le ha ocurrido algo?

—Sí.

No le hizo otra pregunta. Ambos sesentaron. Kyo no tenía sueño. Relató elespectáculo que Clappique acababa deproporcionarle, sin hablar de las armas.No, por cierto, porque desconfiase de supadre, sino porque se consideraba dema-siado ser el único responsable de su vidapara hacerle conocer algo más que el con-junto de sus actos. Aunque el antiguoprofesor de sociología de la Universidadde Pekín, sustituido por Chang-Solin, acausa de sus enseñanzas, había formadoel mejor de los grupos revolucionarios dela China del Norte, no participaba en laacción. Desde que Kyo hubo entrado allí,su voluntad [39] se transformaba en inte-ligencia, lo cual no le agradaba mucho:se interesaba por los seres, en lugar deinteresarse por las fuerzas. Y, cuando ha-blaba de Clappique a su padre, quelo conocía bien, el barón le pare-c i ó m á s m i s t e r i o s o q u e a n t e s ,cuando lo contemplaba.

—...acabó sacándome cincuenta dó-lares...

—Es desinteresado, Kyo...

—Pues acababa de gastar cien dóla-res: yo lo vi. La mitomanía es siempreuna cosa bastante inquietante.

Quería saber hasta dónde podía conti-

32 (p. 44). Des peintures Song: de la dynastieSong (960-1279).

33 (p. 44). Des phénix bleu Chardin: le phénixest un oiseau fabuleux qui, selon la légende,pouvait renaître de ses cendres; Chardin(1699-1779), peintre français, célèbre pourses natures mortes; le bleu Chardin est unecouleur composée, proche du bleupervenche.

34 (p. 44). La dynastie Weï : dynastie qui régnade 386 à 557.

35 (p. 45). Tchang-Tso-Lin : l’un des«seigneurs de la guerre » qui tient le nordde la Chine.

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continuer d’employer Clappique. Sonpère, comme toujours, cherchait ce qu’ily avait en cet homme d’essentiel ou desingulier. Mais ce qu’un homme a deplus profond est rarement ce par quoion peut le faire immédiatement agir, etKyo pensait à ses pistolets

— S’il a besoin de se croire riche,que ne tente-t-il de s’enrichir? [45]

— Il a été le premier antiquaire de Pékin...

— Pourquoi dépense-t-il donc toutson argent en une nuit, sinon pour sedonner l’illusion d’être riche?

Gisors cligna des yeux, rejeta enarrière ses cheveux blancs presquelongs; sa voix d’homme âgé, malgréson timbre affaibli, prit la nettetéd’une ligne :

— Sa mythomanie est un moyen denier la vie, n’est-ce pas, de nier, et nonpas d’oublier. Méfie-toi de la logiqueen ces matières...

Il étendit confusément la main; sesgestes étroits ne se dirigeaient presquejamais vers la droite ou la gauche,mais devant lui: ses mouvements, lorsqu’ilsprolongeaient une phrase, ne semblaient pasécarter, mais saisir quelque chose.

Tout se passe comme s’il avait vouluse démontrer que, bien qu’il ait vécupendant deux heures comme un hommeriche, la richesse n’existe pas. Parcequ’alors, la pauvreté n’existe pas nonplus. Ce qui est l’essentiel. Rienn’existe: tout est rêve. N’oublie pasl’alcool, qui l’aide... »

Gisors sourit. Le sourire de ses lèvresaux coins abaissés, amincies déjà,l’exprimait avec plus de complexité queses paroles. Depuis vingt ans ilappliquait son intelligence à se faireaimer des hommes en les justifiant etils lui étaient reconnaissants d’une bontédont ils ne devinaient pas qu’elle prenaitses racines dans l’opium. On lui prêtaitla patience des bouddhistes: c’était celledes intoxiqués.

— Aucun homme ne vit de nierla vie, répondit

—On en vit mal... Il a besoin de vivre mal.

—Et il y est contraint.

—La part de la nécessité est faitepar les courtages [46] d’antiquités,les drogues peut-être, le trafic desarmes... D’accord avec la policequ’il déteste sans doute, mais quicollabore à ces petits travaux comme

nuar sirviéndose de Clappique. Su padre,como siempre, buscaba lo que había enaquel hombre de profundo, de singular.Pero lo que hay de más profundo en unhombre, rara vez es aquello por lo cualse le puede hacer obrar inmediatamente,y Kyo pensaba en sus pistolas.

—Si tiene necesidad de considerarse rico,¿qué no intentará para enriquecerse?

—Ha sido el primer anticuario de Pekín...

—¿Para qué se gasta todo su dineroen una noche, si no es para hacerse lailusión de que es rico?

Gisors entornó los ojos y se echóhacia atrás los cabellos, algo largos; suvoz de hombre entrado en años, a pesarde su timbre debilitado, adquirió la cla-ridad de una línea:

—Su mitomanía es un medio denegar la vida, ¿no?; de negar y no deolvidar. Desconfía de la lógica, enestas materias...

Extendió confusamente la mano; susademanes angostos casi nunca se diri-gían hacia la derecha o hacia la izquier-da, sino hacia el frente; sus movimien-tos, cuando prolongaban una frase, noparecían apartar, sino asir algo.

«Es como si hubiese querido de-mostrarse ayer que, aunque haya vi-vido durante dos horas como un hom-bre rico, la riqueza no existe. Porqueentonces la pobreza no existe tampo-co. Que es lo esencial. Nada exis-te: todo es un sueño. No olvida elalcohol, que le ayuda...

Gisors sonrió. La sonrisa de sus labios,de comisuras abatidas, adelgazadas ya,expresaban las ideas con más compleji-dad que sus palabras. Desde hacía veinteaños dedicaba su inteligencia a hacersequerer de los hombres [40] justificándo-los, y ellos le estaban reconocidos anteuna bondad cuyas raíces no adivinabannacidas en el opio. Se le atribuía la pa-ciencia de los budistas; era la de losintoxicados.

—Ningún hombre vive de negar lavida —respondió Kyo.

—Se vive mal... Necesita vivir mal.

—Y está obligado a ello.

—La parte de la necesidad está deter-minada por los corretajes de las antigüe-dades y quizá de las drogas y por el tráfi-co de armas... De acuerdo con la policía,a la que detesta, sin duda, pero con la quecolabora en esos pequeños trabajos, a

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une juste rétribution...

Peu importait: la police, elle, savaitque les communistes n’avaient pas assezd’argent pour acheter des armes auximportateurs clandestins.

— Tout homme ressemble à sadouleur, dit Kyo: qu’est-ce qui le faitsouffrir?

— Sa douleur n’a pas plusd’importance, pas plus de sens, n’est-cepas, ne touche rien de plus profond queson mensonge ou sa joie; il n’a pas dutout de profondeur, et c’est peut-être cequi le peint le mieux, car c’est rare. Ilfait ce qu’il peut pour cela, mais il yfallait des dons... Lorsque tu n’es paslié à un homme, Kyo, tu penses à luipour prévoir ses actes. Les actes deClappique...

Il montra l’aquarium où les cyprinsnoirs, mous et dentelés comme desoriflammes, montaient et descendaientau hasard.

« Les voilà. Il boit, mais il était faitpour l’opium : on se trompe aussi de vice;beaucoup d’hommes ne rencontrentpas celui qui les sauverait. Dommage,car il est loin d’être sans valeur. Mais sondomaine ne t’intéresse pas. »

C’était vrai. Si Kyo, ce soir, nepensait pas au combat, il ne pouvaitpenser qu’à lui-même. La chaleur lepénétrait peu à peu, comme au BlackCat tout à l’heure; et, de nouveau,l’obsession du disque l’envahit commela légère chaleur du délassementenvahissait ses jambes. Il rapporta sonétonnement devant les disques, mais commes’il se fût agi de l’un des enregistrementsde voix qui avaient lieu dans lesmagasins anglais. Gisors l’écoutait, lementon anguleux caressé par la maingauche; ses mains aux [47] doigtsminces étaient très belles. Il avait in-cliné la tête en avant, et ses cheveuxtombèrent sur ses yeux, bien que sonfront fût dégarni. Il les rejeta d’unmouvement de tête, mais son regardresta perdu

— II m’est arrivé de me trouver àl’improviste devant une glace et de nepas me reconnaître...

Son pouce frottait doucement lesautres doigts de sa main droite commes’il eût fait glisser une poudre desouvenirs. Il parlait pour lui, poursuivaitune pensée qui supprimait son fils

— C’est sans doute une question demoyens: nous entendons la voix desautres avec les oreilles.

cambio de una justa retribución...

Poco importaba: la policía sabía quelos comunistas no tenían dinero bastantepara comprar armas a los importadoresclandestinos.

—Todo hombre se parece a su dolor—dijo Kyo—. ¿Qué es lo que le hacesufrir?

—Su dolor no tiene importancia,ni tampoco sentido, ¿no?; no rozanada más profundo que su mentira osu goce; no tiene verdadera profun-didad, y eso es, quizá, lo que le retra-ta mejor, porque es raro. Hace lo quepuede para conseguirlo, pero le fal-tan facultades... Cuando tú no estásligado a un hombre, Kyo, piensas enél para prever sus actos. Los actos deClappique...

Señaló el acuarium, donde los cípridesnegros, blandos y dentados comoo r i f l a m a s , s u b í a n y b a j a b a n_________.

—Ahí los tienes... Bebe, pero estabahecho para el opio; se engaña, también,respecto al vicio; muchos hombres noencuentran el que les salvaría. Lástima,porque está lejos de carecer de valor. Perosu dominio no te interesa.

Era verdad. Si Kyo, aquella noche, nopensaba en su acción, no podía pensarmás que en sí mismo. El calor le pene-traba poco a poco, como antes en el BlackCat; y de nuevo le invadía la obse-sión del disco, como el ligero ca-lor del descanso le invadía las pier-nas. Refir ió su asombro ante losdiscos, pero como si se tratase deuno de los regis t ros de voz quehabían tenido lugar en los alma-cenes ingleses. Gisors le escucha-ba, acariciándose el mentón angoloso [41]con la mano izquierda. Sus manos, de del-gados dedos, eran muy bellas. Había incli-nado la cabeza hacia adelante: los cabellosle cayeron sobre los ojos, aunque su frenteestaba desprovista de ellos. Se los apartó conun movimiento de cabeza, pero su miradasiguió perdida.

—Me ha ocurrido encontrarmede improviso ante un espejo y noreconocerme.

Su pulgar frotaba suavemente losotros dedos de su mano derecha, comosi deshiciese un polvo de recuerdos.Hablaba para sí; proseguía un pensa-miento que suprimía su hijo.

—Es sin duda una cuestión demedios: oímos la voz de los demáscon los oídos.

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— Et la nôtre?

— Avec la gorge: car, les oreillesbouchées, tu entends ta voix. L’opiumaussi est un monde que nousn’entendons pas avec nos oreilles...

Kyo se leva. À peine son père levit-il.

— Je dois ressortir cette nuit.

— Puis-je t’être utile auprès deClappique?

— Non. Merci. Bonsoir.

— Bonsoir.

Couché pour tenter d’affaiblir sa fati-gue, Kyo attendait. Il n’avait pas allumé;il ne bougeait pas. Ce n’était pas lui quisongeait à l’insurrection, c’étaitl’insurrection, vivante dans tant decerveaux comme le sommeil dans tantd’autres, qui pesait sur lui au point qu’iln’était plus qu’inquiétude et attente. Moinsde quatre cents fusils en tout. Victoire, - oufusillade, avec quelques perfectionnements.Demain. Non: tout à l’heure. Questionde rapidité: désarmer partout lapolice et, avec les cinq cents Mauser,armer les groupes de combat avantque les soldats du t rain bl indégouvernemental entrassent en action.L’insurrection devait commencer àune [48] heure - la grève générale,donc, a midi - et il fallait que la plusgrande partie des groupes de combatfût armée avant cinq heures. _____ _______________ La moitié de la police,crevant de misère, passerait sans douteaux insurgés. Restait l’autre. « LaChine soviétique », pensa-t-il.Conquérir ici la dignité des siens. Etl’U.R.S.S. portée à 600 millionsd’hommes. Victoire ou défaite, ledestin du monde, cette nuit, hésitaitprès d’ici. À moins que le Kuomintang,Shanghaï prise, n’essayât d’écraser sesalliés communistes... Il sursauta: la por-te du jardin s’ouvrait. Le souvenirrecouvrit l’inquiétude: sa femme? Ilécoutait: la porte de la maison se referma.May entra. Son manteau de cuir bleu,d’une coupe presque militaire, accentuaitce qu’il y avait de viril dans sa marche etmême dans son visage, -bouche large,nez court, pommettes marquées desAllemandes du Nord.

— C’est bien pour tout à l’heure, Kyo?

— Oui.

Elle était médecin de l’un deshôpitaux chinois, mais elle venait de lasection des femmes révolutionnaires dont

—¿Y la nuestra?

—Con la garganta; porque, con losoídos tapados, tú oyes tu voz. El opiotambién encierra un mundo que nooímos con nuestros oídos...

Kyo se levantó. Apenas le vio su pa-dre.

—Tengo que volver a salir en seguida.

—¿Puedo serte útil cerca deClappique?

—No. Gracias. Buenas noches.

—Buenas noches.* * *

Acostado, para tratar de debilitar sucansancio, Kyo esperaba. No había encen-dido la luz; no se movía. No era él quienpensaba en la insurrección; era la insurrec-ción viva en tantos cerebros como el sue-ño en tantos otros, la que pesaba sobre él,hasta el punto de que ya no era más queinquietud y espera. Menos de cuatrocien-tos fusiles, en total. Victoria —o tiroteo,con algunos perfeccionamientos. Al díasiguiente. No: en seguida. Cuestión derapidez: desarmar en todas partes a lapolicía, y, con los quinientos Máusers,armar los grupos de combate, antes deque los soldados del tren blindado guber-namental entrasen en acción. La insurrec-ción debía comenzar a la una —la huel-ga general, por tanto, a las doce—, y erapreciso que la mayor parte de los gruposde combate estuviesen armados antes delas cinco. Las masas se hallaban dispues-tas. La mitad de la policía, abrumada [42]por la miseria, se pasaría, sin duda, a losinsurrectos. Quedaba lo otro. «La Chinasoviética» —pensaba—. Conquistar aquíla dignidad de los suyos. Y la U.R.S.S.aumentaba a seiscientos millones dehombres. Victoria o derrota, el destinodel mundo, aquella noche, vacilaba allí.A menos que el Kuomintang, después detomada Shanghai, no tratase de aplastara sus aliados, los comunistas... Se sobre-saltó: la puerta del jardín se abrió. El re-cuerdo recubrió la inquietud. ¿Su mujer?Escuchaba: la puerta de la casa se volvióa cerrar. May entró. Su capuchón de cue-ro azul, de un corte casi militar, acentua-ba lo que había de viril en su andar y has-ta en su semblante —boca grande, narizcorta, pómulos abultados, propios de las ale-manas del Norte.

—¿Es eso para ahora mismo, Kyo?

—Sí.

May era médica de uno de los hospi-tales chinos, pero venía de la sección demujeres revolucionarias, cuyo hospital

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elle dirigeait l’hôpital clandestin :

— Toujours la même chose, tu sais:je quitte une gosse de dix-huit ans quia essayé de se suicider avec une lamede rasoir de sûreté dans le palanquin(36) du mariage. On la forçait àépouser une brute respectable... On l’aapportée avec sa robe rouge de mariée,toute pleine de sang. La mère derrière,une petite ombre rabougrie quisanglotait, naturellement... Quand jelui ai dit que la gosse ne mourrait pas,elle m’a dit: « Pauvre petite! Elle avaitpourtant eu presque la chance demourir... » La chance... Ça en dit pluslong que nos discours sur l’état desfemmes ici...

Allemande mais née à Shanghaï,docteur de [49] Heidelberg (37) et deParis, elle parlait le français sans accent.Elle jeta son béret sur le lit. Ses cheveuxondulés étaient rejetés en arrière, pourqu’il fût plus facile de les coiffer. Il eutenvie de les caresser. Le front très dégagé,lui aussi, avait quelque chose de masculin,mais depuis qu’elle avait cessé de parlerelle se féminisait - Kyo ne la quittait pasdes yeux - à la fois parce que l’abandonde la volonté adoucissait ses traits,que la fatigue les détendait, et qu’elleétait sans béret. Ce visage vivait parsa bouche sensuelle et par ses yeuxtrès grands, transparents, et assezclairs pour que l’intensité du regardne semblât pas être donnée par laprunelle, mais par l’ombre du frontdans les orbites allongées.

Appelé par la lumière, un pékinoisblanc entra en trottant. Elle l’appelad’une voix fatiguée :

— Chienvelu, chienmoussu,chientouffu!

Elle le saisit de la main gauche,l’éleva jusqu’à son visage en lecaressant

Lapin, dit-elle, en souriant, lapinlapinovitch (38) ...

— Il te ressemble, dit Kyo.

— N’est-ce pas?

Elle regardait dans la glace la têteblanche collée contre la sienne,au-dessus des petites pattes rapprochées.L’amusante ressemblance venait de seshautes pommettes germaniques. Bienqu’elle ne fût qu’à peine jolie, il pensa,en le modifiant, au salut d’Othello. « Ôma chère guerrière (39)... »

Elle posa le chien, se leva. Lemanteau à demi ouvert, en débraillé,

clandestino dirigía:

—Siempre la misma cosa, ¿sabes? Aca-bo de ver a una muchacha de dieciocho añosque ha intentado suicidarse con una hojade afeitar ________ en el palanquín delmatrimonio. La obligaban a casarse conun bruto respetable... La han llevado consu vestido rojo de novia, todo él mancha-do de sangre. La madre iba detrás: unasombra minúscula, desmirriada, quesollozaba como es natural... Cuando lehice saber que la muchacha no se mo-riría me dijo: «¡Pobrecilla! Sin embar-go, casi sería una suerte para ella quese muriera...» Una suerte... Eso dice másque nuestros discursos acerca del estadode las mujeres aquí...

Alemana, aunque nacida en Shanghai;doctora en Heidelberg y de París, habla-ba el francés sin acento extranjero. Arro-jó su boina sobre la cama. Sus cabellosondulados estaban echados hacia atrás,para que fuese más fácil peinarlos. Él sin-tió deseos de acariciarlos. La frente, muydespejada, tenía también algo de mascu-lino; pero, desde que había cesado dehablar, se feminizaba —Kyo no apartabade ella los ojos—, a la vez porque el aban-dono de la voluntad dulcificaba sus fac-ciones, porque el cansancio las distendía,y porque estaban sin boina. Aquel [43]rostro vivía por su boca sensual y por susojos muy grandes, transparentes y lo bas-tante claros para que la intensidad de lamirada no pareciese producida por lapupila, sino por la sombra de la frenteen las órbitas alargadas.

Llamado por la luz , ent ró unpequinés blanco, corriendo. Ella lollamó, con voz fatigada.

—¡Perro velloso, perro musgoso, pe-rro peludo!

Lo cogió con la mano izquier-da y lo levantó hasta su ros t ro ,acar ic iándolo .

—Conejo —dijo, sonriendo—; cone-jo, conejovich...

—Se parece a ti —pronunció Kyo.

—¿No es verdad?

Contemplaba en el espejo la ca-beza blanca, arrimada a la suya, porencima de las patitas unidas. La en-cantadora semejanza nacía de susaltos pómulos germánicos. Aunqueella no era muy bonita, él pensó,modificándola, en la frase de Otelo:«¡Oh querida guerrera mía!...»

Soltó el perro y se levantó. Elcapuchón, a medio abrir, ponía de mani-

36 (p. 49). Palanquin : sorte de chaise ou delitière portée à bras d’hommes (parfois à dosde chameau ou d’éléphant), en usage dansles pays orientaux.

37 (p. 50). Heidelberg: ville d’Allemagne,célèbre pour son université.

38 (p. 50). Lapinovitch : emploi du suffixe russesignifiant fils de: lapin fils de lapin.

39 (p. 50). « 6 ma chère guerrière... » :Shakespeare, Othello (II, 1).

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indiquait maintenant les seins hautplacés, qui faisaient penser à sespommettes. Kyo lui raconta sa nuit.

— À l’hôpital, répondit-elle, cesoir, une trentaine de jeunes femmesde la propagande échappées auxtroupes blanches (40)... Blessées. Il enarrive de plus en [50] plus. Ellesdisent que l’armée est tout près. Etqu’il y a beaucoup de tués...

— Et la moitié des blesséesmourront... La souffrance ne peut avoirde sens que quand elle ne mène pas à lamort, et elle y mène presque toujours.

May réfléchit :

— Oui, dit-elle enfin. Et pourtantc’est peut-être une idée masculine. Pourmoi, pour une femme, la souffrance-c’est étrange - fait plus penser à la viequ’à la mort... À cause desaccouchements, peutêtre...

Elle réfléchit encore

« Plus il y a de blessés, plusl’insurrection approche, plus oncouche.

— Bien entendu.

— Il faut que je te dise quelque chosequi va peutêtre un peu t’embêter...

Appuyé sur le coude, il l’interrogeadu regard. Elle était intelligente et brave,mais souvent maladroite.

— J’ai fini par coucher avec Lenglen,cet aprèsmidi.

Il haussa l’épaule, comme pour dire:« Ça te regarde. » Mais son geste,l’expression tendue de son visage,s’accordaient mal à cette indifférence.Elle le regardait, exténuée, lespommettes accentuées par la lumièreverticale. Lui aussi regardait ses yeuxsans regard, tout en ombre et ne disaitrien. Il se demandait si l’expression desensualité de son visage ne venait pasde ce que ces yeux noyés et le légergonflement de ses lèvres accentuaientavec violence, par contraste avec sestraits, sa féminité... elle s’assit sur lelit, lui prit la main. Il allait la retirer,mais la laissa. Elle sentit pourtant sonmouvement :

— Ça te fait de la peine?

— Je t’ai dit que tu étais libre... N’endemande pas trop, ajouta-t-il avecamertume. [51]

Le petit chien sauta sur le lit. Il retira

fiesto, a la sazón, los senos, muy altos, quehacían pensar en los pómulos. Kyo le con-tó lo que había hecho aquella noche.

—En el hospital —dijo ella— hanentrado esta noche unas treinta mujeresjóvenes de la propaganda, escapadas delas tropas blancas... Heridas. Cada vezocurre esto con más frecuencia. Dicenque el ejército está muy cerca. Y que haymuchos muertos...

—Y la mitad de las heridas morirán...El sufrimiento no puede tener sentido másque cuando no conduce a la muerte, yconduce a ella casi siempre.

May reflexionó.

—Sí —dijo, al fin—. Y, sin embar-go, quizá sea esa una idea masculina. Enmi opinión, para la mujer, el sufrimiento(resulta extraño) más hace pensar enla vida que en la muerte... A causa delos partos, quizá...

Reflexionó de nuevo.

«Cuantos más heridos hay, cuanto másse aproxima la insurrección, más secopula.»

—Se comprende.

—Es preciso que te diga una cosa queacaso te moleste un poco... [44]

Apoyado en el codo, él la interrogócon la mirada. May era inteligente y va-liente; pero, con frecuencia, torpe.

—Acabé por acostarme con Langlen,esta tarde.

Kyo se encogió de hombros, comopara decir: «¡Allá tú!» Pero su gesto y laexpresión violenta de su rostro se com-paginaban mal con aquella indiferencia.Ella le contemplaba, extenuada, con lospómulos acentuados por la luz vertical.También él contemplaba sus ojos sin mi-rada, sumidos en la sombra, y no decíanada. Se preguntaba si la expresión desensualidad de su semblante vendría delo que aquellos ojos ahogados y la ligerahinchazón de sus labios acentuaban conviolencia por contraste con sus facciones,con su feminidad... Ella se sentó en lacama y luego le tomó una mano. A él lefaltó poco para retirarla, pero la dejó. Maynotó, sin embargo, su movimiento.

—¿Te disgusto?

—Ya te he dicho que eres libre...No pido demasiado —añadió, conamargura.

El perrito saltó sobre el lecho. Él reti-

40 (p. 50). Les troupes blanches : troupesgouvernementales, opposées aux « bleus» (le Kuomintang; cf. p. 98, 116) et aux «rouges » (les communistes; cf. p. 113, 116,233, 256).

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sa main, pour le caresser peut-être.

« Tu es libre, répéta-t-il. Peu impor-te le reste.

— Enfin, je devais te le dire. Mêmepour moi.

— Oui.

Qu’elle dût le lui dire ne faisaitquestion ni pour l’un, ni pour l’autre. Ilvoulut soudain se lever: couché ainsi,elle assise sur son lit, comme un maladeveillé par elle... Mais pour quoi faire?Tout était tellement vain... Il continuaitpourtant à la regarder, à découvrirqu’elle pouvait le faire souffrir, mais quedepuis des mois, qu’il la regardât ounon, il ne la voyait plus; quelquesexpressions, parfois... Cet amoursouvent crispé qui les unissait commeun enfant malade, ce sens commun deleur vie et de leur mort, cette ententecharnelle entre eux, rien de tout celan’existait en face de la fatalité quidécolore les formes dont nos regardssont saturés. « L’aimerais-je moins queje ne crois? » pensa-t-il. Non. Même ence moment, il était sûr que si ellemourait, il ne servirait plus sa cause avecespoir, mais avec désespoir, comme unmort lui-même. Rien, pourtant, neprévalait contre la décoloration de cevisage enseveli au fond de leur viecommune comme dans la brume,comme dans la terre. Il se souvint d’unami qui avait vu mourir l’intelligencede la femme qu’il aimait, paralyséependant des mois; il lui semblait voirmourir May ainsi, voir disparaîtreabsurdement, comme un nuage qui serésorbe dans le ciel gris, la forme de sonbonheur. Comme si elle fût morte deux fois,du temps, et de ce qu’elle lui disait.

Elle se leva, alla jusqu’à la fenêtre.Elle marchait avec netteté, malgré safatigue. Choisissant, par crainte etpudeur sentimentale mêlées, de ne plusparler de ce qu’elle venait de direpuisqu’il se taisait, [52] désirant fuircette conversation à laquelle elle sentaitpourtant qu’ils n’échapperaient pas,elle essaya d’exprimer sa tendresse endisant n’importe quoi, et fit appel,d’instinct, à un animisme qu’il aimait:en face de la fenêtre, un des arbres demars s’était épanoui pendant la nuit;la lumière de la pièce éclairait sesfeuilles encore recroquevillées, d’unvert tendre sur le fond obscur :

— Il a caché ses feuilles dans sontronc pendant le jour, dit-elle, et il les sortcette nuit pendant qu’on ne le voit pas.

Elle semblait parler pour elle-même,mais comment Kyo se fût-il mépris au

ró su mano para acariciarlo quizá.

«Eres libre —repitió—. Lo demás,poco importa.»

—En fin, yo debía decírtelo. Hasta pormí.

—Sí.

Que ella debiera decírselo, no hacíaal caso, ni para el uno ni para el otro. Kyoquiso, de pronto, levantarse: así acosta-do, y ella sentada sobre el lecho, comoun enfermo cuidado por ella... Pero, ¿paraqué? Todo era igualmente inútil. Conti-nuaba, sin embargo, contemplándola,para darle a entender que ella podía ha-cerle sufrir, pero que, desde hacía unosmeses, la contemplase o no, ya no la veía;algunas expresiones, a veces... Aquelamor, frecuentemente crispado, que losunía como un niño enfermo; aquel senti-do común de su vida y de su muerte; aque-lla correspondencia carnal entre ambos,nada de todo aquello existía frente a lafatalidad que decolora las formas de queestán saturadas nuestras miradas. «¿Laamaré menos de lo que creo?» —pensó—. No. Hasta en aquel momento estaba se-guro de que, si ella muriese, él no servi-ría ya a su causa con esperanza, sino condesesperación, como un [45] muerto.Nada, no obstante, prevalecía contra ladecoloración de aquel rostro sepultado enel fondo de su vida común como en labruma, como en la tierra. Se acordó deun amigo que había visto morir la inteli-gencia de la mujer que amaba, paraliza-da durante unos meses; le parecía vermorir a May así; ver desaparecer absur-damente, como una nube que se reabsorbeen el cielo gris, la forma de su felicidad.Como si hubiese muerto dos veces: porefecto del tiempo y de lo que le decía.

May se levantó y fue hasta la ventana.Andaba con soltura, a pesar de su can-sancio. Decidiendo, por temor y pudorsentimental mezclados, no volver a ha-blar de lo que acababa de decir puestoque él callaba; deseando huir de aquellaconversación, a la que ella, no obstante,comprendía que no escaparía, trató deexpresar su ternura diciendo cualquiercosa, y recurrió, por instinto, a unanimismo que a él le agradaba: frente ala ventana, uno de los árboles de Martese había cubierto de brotes durante lanoche; la luz de la habitación iluminabasus hojas, todavía abarquilladas, de unverde tierno sobre el fondo oscuro.

—Ha ocultado sus hojas en el troncodurante el día —dijo—, y las descubreesta noche, mientras no se le ve.

Parecía hablar para sí misma; pero,¿cómo Kyo habría podido sustraerse al

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ton de sa voix?

— Tu aurais pu choisir un autre jour,dit-il pourtant entre ses dents.

Lui aussi se voyait dans la glace,appuyé sur son coude, - si japonais demasque entre ses draps blancs. « Si jen’étais pas métis... n Il faisait un effortintense pour repousser les penséeshaineuses ou basses toutes prêtes àjustifier et nourrir sa colère. Et il laregardait, la regardait, comme si cevisage eût dû retrouver, par lasouffrance qu’il infligeait, toute la viequ’il avait perdue.

— Mais, Kyo, c’est justementaujourd’hui que ça n’avait pasd’importance... et...

Elle allait ajouter: « Il en avait sienvie. » En face de la mort, celacomptait si peu... Mais elle ditseulement :

— ... moi aussi, demain, je peuxmourir...

Tant mieux, Kyo souffrait de ladouleur la plus humiliante: celle qu’onse méprise d’éprouver. Réellement elleétait libre de coucher avec qui elle voulait.D’où venait donc cette souffrancesur laquelle il ne se reconnaissaitaucun droit, et qui se reconnaissaittant de droits sur lui? [53]

— Quand tu as compris que je... tenaisà toi, Kyo, tu m’as demandé un jour, passérieusement - un peu tout de même -sije croyais que je viendrais avec toi aubagne, et je t’ai répondu que je n’ensavais rien, que le difficile était sansdoute d’y rester... Tu as pourtant penséque oui, puisque tu as tenu à moi aussi.Pourquoi ne plus le croire maintenant?

— Ce sont toujours les mêmes quivont au bagne. Katow irait, même s’iln’aimait pas profondément. Il irait pourl’idée qu’il a de la vie, de lui-même...Ce n’est pas pour quelqu’un qu’on vaau bagne.

— Kyo, comme ce sont des idéesd’homme...

Il songeait.

— Et pourtant, dit-il, aimer ceux quisont capables de faire cela, être aiméd’eux peut-être, qu’attendre de plus del’amour?... Quelle rage de leurdemander encore des comptes?... Mêmes’ils le font pour leur... morale...

— Ce n’est pas par morale, dit-ellelentement. Par morale, je n’en serais pas

tono de su voz?

—Hubieras podido elegir otro día —pronunció, no obstante, entre dientes.

También él se veía en el espejo, apo-yado sobre el codo —con máscara tanjaponesa entre sus sábanas blancas. «Siyo no fuese mestizo...» Hacía un esfuer-zo intenso para rechazar los pensamien-tos odiosos o bajos, listos para justificary alimentar su cólera. Y la miraba; lamiraba, como si aquel semblante hubie-ra debido volver a encontrar, por el sufri-miento que infligía, toda la vida que élhabía perdido.

— P e r o , K y o , p r e c i s a m e n t ee r a h o y c u a n d o e s o n o t e n í ai m p o r t a n c i a . . . y. . .

Iba a añadir: «él lo deseaba tan-to». Frente a la muerte , aquel losuponía tan poco.. . Pero solamen-te dijo:

—...yo también, mañana, puedo mo-rir... [46]

Tanto mejor. Kyo sufría con el do-lor más humillante: el que se despre-cia experimentar. Realmente, ella eralibre para acostarse con quien quisie-se. ¿De dónde procedía, pues, aquelsufrimiento sobre el cual no se reco-nocía ningún derecho y que se reco-nocía tantos derechos sobre él?

—Cuando tú comprendiste que yo...contaba contigo, Kyo, me preguntasteun día, no en serio (un poco, no obstan-te), si yo creía que iría contigo a la cár-cel, y yo te respondí que no sabía nada;que lo difícil, sin duda, era permaneceren ella. Sin embargo, tú pensaste quesí, puesto que me poseíste a mí tam-bién. ¿Por qué no creerlo ahora?

—Siempre son los mismos los quevan a la cárcel. Katow iría, aunque nome quisiera profundamente. Iría por laidea que tiene de la vida y de sí mis-mo. No es por alguien por lo que se vaa la cárcel.

—Kyo, cómo son de hombre esasideas...

Él pensaba.

—Y, sin embargo —dijo—, amar alos que son capaces de hacer eso y seramado por ellos, quizá, ¿qué más es-perar del amor? ¡Qué rabia que le pre-gunten a uno semejantes cosas!... Has-ta si lo hacen por su... moral.

—No es por moral —dijo ella, conlentitud—. Por moral seguramente yo no

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sûrement capable.

— Mais (lui aussi parlaitlentement) cet amour ne t’empêchaitpas de coucher avec ce type, alors quetu pensais - tu viens de le dire - queça... m’embêterait ?

— Kyo, je vais te dire quelque chosede singulier, et qui est vrai pourtant...jusqu’il y a cinq minutes, je croyais queça te serait égal. Peut-être çam’arrangeait-il de le croire... Il y a desappels, surtout quand on est si près dela mort (c’est de celle des autres quej’ai l’habitude, Kyo ...), qui n’ont rienà voir avec l’amour...

Pourtant, la jalousie existait, d’autantplus troublante que le désir sexuelqu’elle inspirait reposait sur latendresse. Les yeux fermés, toujoursappuyé [54] sur son coude, il essayait -triste métier - de comprendre. Iln’entendait que la respiration oppresséede May, et le grattement des pattes dupetit chien. Sa blessure venait, d’abord(il y aurait, hélas! des ensuite) ____ ___ __________________________ _______ de ce qu’il prêtait à l’homme quivenait de coucher avec May (je ne peuxpourtant pas l’appeler son amant!) dumépris pour elle. C’était un des ancienscamarades de May, il le connaissait àpeine. Mais il connaissait la misogyniefondamentale de presque tous leshommes. « L’idée qu’ayant couché avecelle, parce qu’il a couché avec elle, ilpeut penser d’elle: «Cette petite poule»me donne envie de l’assommer. Neserait-on jamais jaloux que de ce qu’onsuppose que suppose l’autre? Tristehumanité... » Pour May la sexualitén’engageait rien. Il fallait que ce type lesût. Qu’il couchât avec elle, soit, maisne s’imaginât pas la posséder. « Jedeviens navrant... » Mais il n’y pouvaitrien, et là n’était pas l’essentiel, il lesavait. L’essentiel, ce qui le troublaitjusqu’à l’angoisse, c’est qu’il était toutà coup séparé d’elle, non par la haine -bien qu’il y eût de la haine en lui - nonpar la jalousie (ou bien la jalousieétaitelle précisément cela?); par unsentiment sans nom, aussi destructeurque le temps ou la mort: il ne laretrouvait pas. Il avait rouvert les yeux;quel être humain était ce corps sportifet familier, ce profil perdu: un oeil long,partant de la tempe, enfoncé entre lefront dégagé et la pommette. Celle quivenait de coucher? Mais n’était-ce pasaussi celle qui supportait ses faiblesses,ses douleurs, ses irritations, celle qui avaitsoigné avec lui ses camarades blessés, veilléavec lui ses amis morts... La douceur de savoix, encore dans l’air... On n’oublie pasce qu’on veut. Pourtant ce corps reprenaitle mystère poignant de l’être connu trans-

sería capaz de ello.

—Pero —él también hablaba conlentitud— ese amor no te impediría elacostarte con un tipo, cuando tú pensa-bas (acabas de decirlo) que eso... memolestaría...

—Kyo, voy a decirte algo singu-lar, y que es verdadero, sin embargo...Hasta hace cinco minutos, creí que tesería igual. Quizás eso me hacíacreerlo... Hay llamadas, sobre todocuando se está tan cerca de la muerte(es de las otras de las que yo tengocostumbre, Kyo...) que no tienen nadaque ver con el amor...

Sin embargo los celos existían, tantomás turbios cuanto que el deseo sexualque el la le inspiraba descansabasobre la ternura. Con los ojos cerra-dos, todavía apoyado sobre el codo,trataba —triste oficio— de compren-der. No oía más que la respiraciónoprimida de May y el roce de las pa-tas del perrito. Su herida venía en pri-mer lugar (luego las consecuencias, ¡ay!, las sen-tía emboscadas en [47] él, como sus camaradas de-trás de las puertas, aún cerradas) de que atribuía alhombre que acababa de acostarse con May(¡sin embargo, no puedo llamarle suamante!) desprecio hacia ella. Era unode los antiguos camaradas de May;apenas él lo conocía. Pero conocía lamisoginia fundamental de casi todoslos hombres. «La idea de que, habién-dose acostado con ella, porque se haacostado con ella, pueda pensar: «Estagallinita», me dan ganas de pegarle.¿No se estará siempre celoso, sino delo que se supone que supone el otro?Triste humanidad...» Para May, la sexua-lidad no comprometía a nada. Era precisoque aquel tipo lo supiese. Que se acostasecon ella, bueno; pero que no se imaginara quela poseía. «Estoy hecho una calamidad...»Pero no podía hacer nada, y aquello no era loesencial: lo sabía. Lo esencial; lo que letrastornaba hasta producirle angustia, eraque, de pronto, se había separado de ella,no por odio —aun cuando existiese el odioen él—; no por los celos (¿o es que, preci-samente, aquello eran celos?), sino por unsentimiento sin nombre, tan destructorcomo el tiempo o la muerte: no acertabacon ello. Había vuelto a abrir los ojos. ¿Quéser humano era ese cuerpo deportivo y fa-miliar, ese perfil perdido: un ojo amplio,que comenzaba en la sien, hundido entre lafrente despejada y el pómulo?... ¿La queacababa de copular?... Pero, ¿no era, tam-bién, la que soportaba sus debilidades, susdolores, sus irritaciones; la que había cui-dado con él a sus camaradas heridos, vela-do con él a sus amigos muertos?... La sua-vidad de su voz todavía en el aire... No seolvida lo que se quiere. Sin embargo, aquelcuerpo recobraba el misterio punzante del

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formé tout à coup, -du [55] muet, del’aveugle, du fou. Et c’était une femme. Pasune espèce d’homme. Autre chose...

Elle lui échappait complètement. Et,à cause de cela peut-être, l’appel enragéd’un contact intense avec ellel’aveuglait, quel qu’il fût, épouvante,cris, coups. Il se leva, s’approcha d’elle.Il savait qu’il était dans un état de crise,que demain peut-être il ne comprendraitplus rien à ce qu’il éprouvait, mais ilétait en face d’elle comme d’une agonie;et comme vers une agonie, l’instinct lejetait vers elle: toucher, palper, retenirceux qui vous quittent, s’accrocher àeux... Avec quelle angoisse elle leregardait, arrêté à deux pas d’elle... Larévélation de ce qu’il voulait tombaenfin sur lui; coucher avec elle, seréfugier là contre ce vertige dans lequelil la perdait tout entière; ils n’avaientpas à se connaître quand ils employaienttoutes leurs forces à serrer leurs bras surleurs corps.

Elle se retourna d’un coup; on venaitde sonner. Trop tôt pour Katow.L’insurrection était-elle connue? Cequ’ils avaient dit, éprouvé, aimé, haï,sombrait brutalement. On sonna denouveau. Il prit son revolver sousl’oreiller, traversa le jardin, alla ouvriren pyjama: ce n’était pas Katow, c’étaitClappique, toujours en smoking. Ilsrestèrent dans le jardin.

— Eh bien?

— Avant tout, que je vous rendevotre document le voici. Tout va bien.Le bateau est parti. Il va s’ancrer à lahauteur du consulat de France. Presquede l’autre côté de la rivière.

— Difficultés?

— Pas un mot. Vieille confiance:sinon, on se demande comment onferait. En ces affaires, jeunom, laconfiance est d’autant plus grandequ’elle a moins lieu de l’être... [56]

Allusion?

Clappique alluma une cigarette. Kyone vit que la tache du carré de soie noiresur le visage confus. Il alla chercher sonportefeuille - May attendait revint, payala commission convenue. Le baron mitles billets dans sa poche, en boule, sansles compter.

— La bonté porte bonheur, dit-il.Mon bon, l’histoire de ma nuit est unere-mar-qua-ble histoire morale: elle acommencé par l’aumône, et s’achèvepar la fortune. Pas un mot!

ser conocido, transformado de pronto —omudo o ciego o loco—. Y era una mujer.No una especie de hombre. Otra cosa...

Se le escapaba por completo. Y, a cau-sa de ello, quizá, la llamada rabiosa deun contacto intenso con ella le cegaba;cualquiera que fuese; espanto, gritos,golpes. Se levantó, se acercó a ella. Sa-bía que se hallaba en un estado de crisis;que al día siguiente, tal vez, ya no com-prendería nada de cuanto experimenta-ba; pero estaba frente a ella como anteuna agonía; y, como hacia una agonía, elinstinto le impulsaba hacia ella: tocar,palpar, [48] retener a los que nos aban-donan, aferrarse a ellos... ¡Con qué an-gustia le contemplaba ella, detenido a dospasos!... La revelación de lo que queríacayó, por fin, sobre él; acostarse con ella;refugiarse allí, contra aquel vértigo, enel cual la perdía toda entera; no teníanque conocerse cuando empleaban todassus fuerzas en apretar sus brazos sobresus cuerpos.

Ella se volvió de pronto: acababan dellamar. Demasiado pronto para Katow.¿Estaría descubierta la insurrección? Loque habían dicho, sentido, amado, odia-do, zozobraba brutalmente. Llamaron denuevo. Kyo extrajo su revólver de deba-jo de la almohada, atravesó el jardín yfue a abrir, en pijama. No era Katow; eraClappique que continuaba vestido desmoking. Se quedaron en el jardín.

—¿Qué hay?

—Ante todo le devuelvo su do-cumento: aquí está. Todo marchabien. El barco ha salido. Va a an-clar a la altura del consulado deFrancia. Casi al otro lado del río.

—¿Dificultades?

—Ni una palabra. Antigua con-fianza; si no, se pregunta cómo hayque hacerlo. En estos asuntos, joven,la confianza es tanto mayor cuantomenos razón de ser tiene...

—¿Alusión?

Clappique encendió un cigarrillo. Kyono vio más que la mancha del cuadro deseda negra sobre el rostro confuso. Fue abuscar la cartera —May esperaba—, vol-vió, pagó la comisión convenida. El ba-rón se guardó los billetes en el bolsillo,arrugados, sin contarlos.

—La bondad da felicidad —dijo—.Amigo mío, la historia de mi noche esuna no-ta-ble historia moral: ha comen-zado por la limosna y acaba con la fortu-na. ¡Ni una palabra!

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L’index levé, il se pencha à l’oreillede Kyo:

— Fantômas (41) vous salue! »,se retourna et partit . Comme siKyo eût craint de rentrer, i l ler ega rda i t s ’ en a l l e r, smok ingcahotant le long du mur blanc.«Assez Fantômas, en effet, avec cecostume. A-t-il deviné, ou supposé, ou...» Trêve de pittoresque Kyo entendit unetoux et la reconnut d’autant plus vitequ’il l’attendait: Katow. Chacun sehâtait, cette nuit.

__________________________________________________________Kyo devinait sa vareuse plus qu’il nela voyait; audessus, dans l’ombre, unnez au vent... Surtout, il sentait lebalancement de ses mains. Il marchavers lui.

— Eh bien? demanda-t-il, comme ill’avait demandé à Clappique.

— Ça va. Le bateau?

— En face du consulat de France.Loin du quai. Dans une demi-heure.

— La v’dette et les hommes sont àquatre cents mètres de là. Allons-y.

— Les costumes?

— Pas besoin de t’en faire. Lesbonshommes sont absolument prêts.

Kyo rentra, s’habilla en un instant:pantalon, chandail. Des espadrilles (ilaurait peut-être à grimper [57]). II étaitprêt. May lui tendit les lèvres. L’espritde Kyo voulait l’embrasser; sa bouche,non, comme si, indépendante, elle eûtgardé rancune. Il l’embrassa enfin, mal.Elle le regarda avec tristesse, lespaupières affaissées; ses yeux pleinsd’ombre devenaient puissammentexpressifs, dès que l’expression venaitdes muscles. Il partit.

Il marchait à côté de Katow, unefois de plus. Il ne pouvait pourtant sedélivrer d’elle. « Tout à l’heure, elleme semblait une folle ou une aveugle.Je ne la connais pas. Je ne la connaisque dans la mesure où je l’aime, quedans le sens où je l’aime. On nepossède d’un être que ce qu’on changeen lui, dit mon père... Et après? » Ils’enfonçait en lui-même comme danscette ruelle de plus en plus noire, oùmême les isolateurs du télégraphe neluisaient plus sur le ciel. Il y retrouvaitl’angoisse, et se souvint des disques:« On entend la voix des autres avec sesoreilles, la sienne avec la gorge. » Oui.Sa vie aussi, on l’entend avec la gorge,

Con el índice levantado, se inclinóhacia el oído de Kyo.

—¡Fantomas le saluda!Dio media vuelta y salió. Como si Kyo

sintiese temor de entrarse, le contempla-ba irse, con el smoking agitándose a lolargo del muro blanco. «Mucho se pare-ce a Fantomas, en efecto, con ese traje.¿Habrá adivinado, o [49] supuesto, o...?Tregua de lo pintoresco: Kyo oyó una tos,y la reconoció canto más pronto cuantoque la esperaba. Katow. Todos se apre-suraban, esa noche.

Tal vez para hacerse menos visible,caminaba por en medio de la calzada.Kyo adivinaba su blusa, más que verla,en alguna parte, arriba, en la sombra, unanariz saliente... Sobre todo, apreciaba elbalanceo de sus manos. Salió a su en-cuentro.

—¿Qué hay? —le preguntó, comohabía preguntado a Clappique.

—Todo va bien. ¿Y el barco?

—Frente al consulado de Francia. Le-jos del muelle. Dentro de media hora.

—El vapor y los hombres están acuatrocientos metros de allí. ¿Vamos?

—¿Y los trajes?

—No se necesitan. Los tipos estáncompletamente listos.

Volvió a entrar y se vistió en un ins-tante: pantalón y tricota. Alpargatas(quizás hubiera que trepar). Estaba lis-to. May le tendió los labios. El espíri-tu de Kyo quería besarla; su boca, no—como si, independiente, ella le guar-dase rencor. La besó, por fin, mal. Ellale miró con tristeza, con los párpadosabatidos; sus ojos plenos de sombra,se tornaban poderosamente expresi-vos, puesto que la expresión procedíade los músculos. Kyo salió.

Caminaba al lado de Katow, unavez más. No podía, sin embargo,librarse de ella. «Ahora mismo, meparecía una loca o una ciega. No laconozco. No la conozco. No la conozcomás que en la medida en que la amo, enel sentido en que la amo. No se posesio-na uno de un ser, sino de lo que cambiaen él, dice mi padre... ¿Y después? Sesumergía en sí mismo, como en aquellacallejuela, cada vez más oscura, dondehasta los aisladores del telégrafo no brilla-ban ya sobre el cielo. Volvía a experimen-tar angustia y se acordó de los discos. «Seoye la voz de los demás con los oídos; lade uno mismo, con la garganta.» Sí. Lavida de uno también se oye con la

41 (p. 57). Fantômas : personnage mystérieux,multipliant déguisements et identités,illustrissime héros d’un roman policier écritpar M. Allain (1885-1969) et P. Souvestre(1874-1914), publié en feuilleton de 1911 à1914, porté à l’écran par L. Feuillade en1913-1914 (la série des Fantômascomprend cinq films qui, comme le roman,connurent un succès prodigieux), etencensé par les surréalistes.

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et celle des autres?... Il y avait d’abordla solitude, la solitude immuablederrière la multitude mortelle comme lagrande nuit primitive derrière cette nuitdense et basse sous quoi guettait la villedéserte, pleine d’espoir et de haine. «Mais moi, pour moi, pour la gorge, quesuis-je? Une espèce d’affirmationabsolue, d’affirmation de fou: uneintensité plus grande que celle de toutle reste. Pour les autres, je suis ce quej’ai fait. » Pour May seule, il n’était pasce qu’il avait fait; pour lui seul, elle étaittout autre chose que sa biographie.L’étreinte par laquelle l’amour maintientles êtres collés l’un à l’autre contre lasolitude, ce n’était pas à l’hommequ’elle apportait son aide; c’était au fou,au monstre incomparable, préférable àtout, que tout être est pour soi-même etqu’il choie dans son coeur. Depuis [58]que sa mère était morte, May était le seulêtre pour qui il ne fût pas Kyo Gisors,mais la plus étroite complicité. « Unecomplicité consentie, conquise, choisie», pensa-t-il, extraordinairementd’accord avec la nuit, comme si sapensée n’eût plus été faite pour lalumière. « Les hommes ne sont pas messemblables, ils sont ceux qui meregardent et me jugent; mes semblables,ce sont ceux qui m’aiment et ne meregardent pas, qui m’aiment contre tout,qui m’aiment contre la déchéance,contre la bassesse, contre la trahison,moi et non ce que j’ai fait ou ferai, quim’aimeraient tant que je m’aimeraismoimême - jusqu’au suicide, compris...Avec elle seule j’ai en commun cetamour déchiré ou non, comme d’autresont, ensemble, des enfants malades etqui peuvent mourir... » Ce n’était certespas le bonheur, c’était quelque chose deprimitif qui s’accordait aux ténèbres etfaisait monter en lui une chaleur quifinissait dans une étreinte immobile,comme d’une joue contre une joue - laseule chose en lui qui fût aussi forte quela mort.

Sur les toits, il y avait déjà desombres à leur poste.

4 heures du matin.

Le vieux Gisors chiffonna le morceaude papier mal déchiré sur lequel Tchenavait écrit son nom au crayon, et le mitdans la poche de sa robe de chambre. Ilétait impatient de revoir son ancien élève.Son regard revint à son interlocuteurprésent, très vieux Chinois à tête demandarin de la Compagnie [59] desIndes (42), vêtu de la robe, qui sedirigeait vers la porte, à petits pas,l’index levé, et parlait anglais : « Il estbon qu’existent la soumission absoluede la femme, le concubinage etl’institution des courtisanes. Je

garganta. ¿Y la de los demás?... En primertérmino, allí había soledad; soledad inmu-table, tras la multitud mortal, como [50] lagran noche primitiva detrás de aquella no-che densa y pesada, bajo la cual acechabala ciudad desierta, llena de desesperación yde odio. «Pero yo, para mí, por la garganta,¿qué soy? Una especie de afirmación ab-soluta, de afirmación de loco: una in-tensidad más grande que la de todo elresto. Para los demás, yo soy lo que hehecho.» Sólo para May no era lo quehabía hecho; sólo para él, ella era otracosa completamente distinta de su bio-grafía. El abrazo, mediante el cual elamor mantiene a los seres unidos el unoal otro contra la soledad, no era al hom-bre al que proporcionaba su ayuda; eraal loco, al monstruo incomparable, pre-ferible a todo, que todo ser es para símismo y al que elige en su corazón.Desde que su madre había muerto, Mayera el único ser para quien él no era KyoGisors, sino la más estricta complici-dad. «Una complicidad consentida,conquistada, elegida» —pensó, extraor-dinariamente de acuerdo con la noche,como si su pensamiento ya no estuvie-se hecho para la luz. «Los hombres noson mis semejantes; son los que me veny me juzgan; mis semejantes son aque-llos que me aman y no me miran; losque me aman contra todo; los que meaman contra la decadencia, contra labajeza, contra la traición; a mí, y nolo que yo haya hecho o haga; quienesme amen tanto como yo me amo a mímismo —hasta el suicidio, incluso...Sólo con ella tengo en común esteamor, desgarrado o no, como otros,juntos, tienen hijos enfermos y quepueden morir»... Aquello no era, porcierto, la felicidad; era algo primitivoque concordaba con las tinieblas y ha-cía subir hasta él un calor que acababaen una opresión inmóvil, como de unamejilla contra otra mejilla —la únicacosa en él que era fuerte como la muer-te.

Sobre los tejados, ya había sombrasen su puesto.

4 de la mañana

El viejo Gisors arrugó el trozo depapel mal cortado en que Chen habíaescrito su nombre con lápiz, y se loguardó en el bolsillo __________. Es-taba impaciente por volver a ver a su an-tiguo alumno. Su mirada se dirigió denuevo a su [51] interlocutor presente, unchino muy viejo, con la cabeza demandarín de la Compañía de las Indias,vestido con túnica; se dirigía hacia lapuerta, con menudos pasos y con el índi-ce levantado, y hablaba inglés: «Es bue-no que existan la sumisión absoluta de lamujer, el concubinato y la institución de

42 (p. 60). La Compagnie des Indes: célèbrecompagnie financière et commerciale àlaquelle fut confiée l’exploitation desterritoires français en Inde.

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continuerai la publication de mesarticles. C’est parce que nos ancêtres ontpensé ainsi qu’existent ces bellespeintures (il montrait du regard lephénix bleu, sans bouger le visage,comme s’il lui eût fait de l’oeil) dontvous êtes fier, et moi aussi. La femmeest soumise à l’homme commel’homme est soumis à l’État; et servirl’homme est moins dur que servir l’État.Vivons-nous pour nous? Nous nesommes rien. Nous vivons pour l’Étatdans le présent, pour l’ordre des mortsà travers la durée des siècles... »

Allait-il enfin partir? Cet hommecramponné à son passé, mêmeaujourd’hui (les sirènes des navires deguerre ne suffisaient-elles pas à emplirla nuit...), en face de la Chine rongéepar le sang comme ses bronzes àsacrifices, prenait la poésie de certainsfous. L’ordre! Des foules de squelettesen robes brodées, perdus au fond dutemps par assemblées immobiles: enface, Tchen, les deux cent milleouvriers des filatures, la foule écrasantedes coolies . La soumission desfemmes? Chaque soir, May rapportaitdes suicides de fiancées... Le vieillardpartit : « L’ordre, monsieur Gisors!... »après un dernier salut sautillant de latête et des épaules.

Dès qu’il eut entendu la porte serefermer, Gisors appela Tchen et revintavec lui dans la salle aux phénix.

Quand Tchen commença à marcher,il passait devant lui, de trois quarts,Gisors assis sur l’un des divans sesouvenait d’un épervier de bronzeégyptien dont Kyo avait conservé laphoto par sympathie [60] pour Tchen, «à cause de la ressemblance ». C’étaitvrai, malgré ce que les grosses lèvressemblaient exprimer de bonté. « Ensomme, un épervier converti parFrançois d’Assise (43) », pensa-t-il.

Tchen s’arrêta devant lui :

— C’est moi qui ai tué Tang-Yen-Ta, dit-il.Il avait vu dans le regard de Gisors

quelque chose de presque tendre. Ilméprisait la tendresse, et surtout en avaitpeur. Sa tête enfoncée entre ses épauleset que la marche inclinait en avant,l’arête courbe de son nez accentuaientla ressemblance avec l’épervier, malgréson corps trapu; et même ses yeuxminces, presque sans cils, faisaientpenser à un oiseau.

— C’est de cela que tu voulais meparler?

— Oui.

las cortesanas. Continuaré la publicaciónde mis artículos. Porque nuestros ante-pasados pensaron así, es por lo que exis-ten esas bellas pinturas (mostraba con lamirada el fénix azul, sin mover el rostro,como si le hubiese guiñado el ojo), de lasque usted está orgulloso, y yo también.La mujer está sometida al hombre, comoel hombre está sometido al Estado; y ser-vir al hombre es menos duro que serviral Estado. ¿Vivimos para nosotros? Nosomos nada. Vivimos para el Estado, enel presente; para el orden de los muertos,a través de la duración de los siglos...»

¿Se ir ía, por f in? Aquel hom-bre, aferrado a su pasado, aun hoy(las sirenas de los navíos de gue-rra no bastaban para l lenar la no-che.. .) , frente a la China roída porla sangre como sus bronces de lossacrificios, adquiría la poesía de algunoslocos. ¡El orden! Multitudes de esqueletoscon túnicas bordadas, perdidos hacia el fon-do del tiempo en asambleas inmóviles: en-frente, Chen, los doscientos mil obreros delas hilanderías, la multitud aplastante de loscoolies. ¿La sumisión de las mujeres? To-das las noches, May refería los suicidios delas novias... El viejo salió, con el índice le-vantado; «¡El orden, señor Gisors!...» Des-pués, un postrer saludo, brincándole la ca-beza y los hombros.

En cuanto oyó que se había vuelto acerrar la puerta, Gisors llamó a Chen yvolvió con él al salón de los fénix.

Chen comenzó a pasear. Cada vez quepasaba por delante de él, que era con fre-cuencia, Gisors, sentado en uno de losdivanes, recordaba a un gavilán de bron-ce egipcio cuya fotografía había conser-vado Kyo por simpatía hacia Chen, «acausa de su parecido». Era verdad, a pe-sar de que los gruesos labios aparenta-ban expresar bondad. «En definitiva, ungavilán convertido por Francisco de Asís»—pensó.

Chen se detuvo delante de él. [52]

—Yo he sido quien ha matado a Tang-Yen-Ta —dijo. Había visto en la mirada de Gisorsalgo casi afectuoso. Despreciaba losafectos, y los temía. Su cabeza, empo-trada entre los hombros, y que la mar-cha inclinaba hacia adelante, con laarista corta de la nariz, acentuaba elparecido con el gavilán, a pesar de sucuerpo rechoncho; y hasta sus ojospequeños, casi sin pestañas, hacíanpensar en un pájaro.

—¿Era de eso de lo que querías ha-blarme?

—Sí.

43 (p. 61). François d Assise (1181-1226) :célèbre saint italien, fondateur de l’ordre desFranciscains. Selon la légende, saintFrançois, qui avait le don de parler auxanimaux, passait pour apaiser les animauxles plus féroces.

coolie n. an unskilled native labourer in Eastern countries.4. coolie labour: m.à m. main-d’oeuvre indigène; coolie, homme

de peine (Chine, Inde), coolie.culi. Del ing. coolie, y este del hindi kuli. 1. m. En la India, China y

otros países de Oriente, trabajador o criado indígena.coolie hat a broad conical hat as worn by coolies.

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— Kyo le sait?

— Oui.

Gisors réfléchissait. Puisqu’il nevoulait pas répondre par des préjugés,il ne pouva i t qu ’app rouve r. I lavait pourtant quelque peine à lefaire. « Je vieillis », pensa-t-il.

Tchen renonça à marcher.

— Je suis extraordinairement seul,dit-il, regardant enfin Gisors en face.

Celui-ci était troublé. Que Tchens’accrochât à lui ne l’étonnait pas : ilavait été des années son maître ausens chinois du mot - un peu moinsque son père, plus que sa mère;depuis que ceux-ci étaient morts,Gisors était sans doute le seul hommedont Tchen eût besoin. Ce qu’il necomprenait pas, c’était que Tchen,qui avait sans doute revu les sienscette nuit, puisqu’il venait de revoirKyo, semblât si loin d’eux.

— Mais les autres? demanda-t-il. [61]

Tchen les revit, dansl’arrière-boutique du marchand dedisques, plongeant dans l’ombre ou ensortant suivant le balancement de lalampe, tandis que chantait le grillon.

— Ils ne savent pas.

— Que c’est toi?

— Cela, ils le savent: aucuneimportance.

Il se tut encore. Gisors se gardait dequestionner. Tchen reprit enfin

— ... Que c’est la première fois.

Gisors eut soudain l’impression decomprendre; Tchen le sentit

— Nong. Vous ne comprenez pas.

Il parlait français avec accentuationde gorge sur les mots d’une seule syllabenasale, dont le mélange avec certainsidiotismes qu’il tenait de Kyosurprenait. Son bras droit,instinctivement, s’était tendu le long desa hanche: il sentait de nouveau le corpsfrappé que le sommier élastiquerenvoyait contre le couteau. Cela nesignifiait rien. Il recommencerait. Mais,en attendant, il souhaitait un refuge.Cette affection profonde qui n’abesoin de rien expliquer, Gisors nela portait qu’à Kyo, Tchen le savait.Comment s’expliquer?

_______________

__________

Gisors reflexionaba. Puesto que noquería responder por medio de prejuicios,no podía hacer otra cosa que aprobarlo.Le costaba, no obstante, algún trabajohacerlo. «He envejecido» —pensó.

Chen renunció a caminar.

—Estoy extraordinariamente solo —dijo, mirando por fin, de frente a Gisors.

Éste estaba turbado. Que Chen recu-rriese a él, no le extrañaba: había sido,durante algunos años, su maestro, en elsentido chino de la palabra —un pocomenos que su padre, más que su madre;desde que ambos habían muerto, Gisorsera, sin duda, el único hombre del quetenía necesidad Chen. Lo que no com-prendía era que Chen, que sin duda ha-bía vuelto a ver a los terroristas aquellanoche, puesto que él acababa de ver aKyo, pareciese tan lejos de ellos.

—¿Y los demás? —preguntó.

C h e n v o l v i ó a v e r l o s , e n l atrastienda del vendedor de discos,hundiéndolos en la sombra o sacán-dolos de ella el balanceo de la lám-para, mientras cantaba el grillo.

—No saben.

—¿Que has sido tú?

—Eso, lo saben: no tiene importan-cia.

Calló de nuevo. Gisors se guardaba devolver a preguntar. Chen prosiguió, al fin.

—. . . Que es la primera vez.

Gisors experimentó, de pronto, la im-presión de comprender. Chen lo notó.

—No. Usted no comprende.

Hablaba el francés con una acentua-ción de garganta [53] sobre las palabrasde una sola sílaba nasal, cuya mezcla conciertos idiotismos que había aprendido deKyo sorprendía. Su brazo derecho,instintivamente, había caído a lo largo dela cadera: sentía de nuevo el cuerpo heri-do que el colchón elástico rechazaba con-tra el cuchillo. Aquello no significabanada. Se encontraba dispuesto a repetirlo.Pero, sin embargo, anhelaba un refugio.Aquella afección profunda, que no teníanecesidad de explicar nada, Gisors no laatribuía más que a Kyo. Chen lo sabía.¿Cómo explicarse?

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— Vous n’avez jamais tué personne,n’est-ce pas?

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Cela semblait évident à Tchen, maisil se défiait de telles évidences,aujourd’hui. Pourtant, il lui sembla toutà coup que quelque chose manquait àGisors. Il releva les yeux. Celui-ci leregardait de bas en haut, ses cheveuxblancs semblant plus longs à cause dumouvement en arrière de sa tête, intriguépar son absence de gestes. Elle venaitde sa blessure, dont Tchen ne lui avaitrien dit; non qu’il en souffrît (un copaininfirmier l’avait désinfectée et bandée)mais elle le gênait. Comme toujourslorsqu’il réfléchissait, [62] Gisorsroulait entre ses doigts une invisiblecigarette

— Peut-être que...

Il s’arrêta, ses yeux clairs fixes dansson masque de Templier (44) rasé.Tchen attendait. Gisors reprit, presquebrutalement :

« Je ne crois pas qu’il suffise dusouvenir d’un meurtre pour tebouleverser ainsi. »

« On voit bien qu’il ne connaît pasce dont il parle », tenta de penser Tchen;mais Gisors avait touché juste. Tchens’assit, regarda ses pieds

— Nong, dit-il, je ne crois pas, moinon plus, que le souvenir suffise. Il y aautre chose, l’essentiel. Je voudraissavoir quoi.

Était-ce pour savoir cela qu’il étaitvenu?

— La première femme avec qui tuas couché était une prostituée,naturellement? demanda doucementGisors.

— Je suis chinois, répondit Tchenavec rancune.

« Non », pensa Gisors. Sauf,peut-être, par sa sexualité. Tchen n’étaitpas chinois. Les émigrés de tous paysdont regorgeait Shanghaï avaientmontré à Gisors combien l’homme sesépare de sa nation de façon nationale,mais Tchen n’appartenait plus à laChine, même par la façon dont il l’avaitquittée: une liberté totale, quasiinhumaine, le livrait totalement auxidées.

— Qu’as-tu éprouvé, après? deman-da Gisors.

—Usted nunca ha matado a nadie,¿verdad?

—Demasiado lo sabes.

Aquello le parecía evidente a Chen;pero, a la sazón, desconfiaba de tales evi-dencias. Sin embargo, le pareció, de pron-to, que algo le faltaba a Gisors. Alzó losojos. Aquél le contemplaba de arriba aba-jo, pareciendo más largos sus cabellosblancos a causa del movimiento de sucabeza hacia atrás, intrigado por su au-sencia de ademanes. Ésta procedía de suherida, de la que Chen no le había dichonada; no porque le doliese (un compañe-ro enfermero se la había desinfectado yvendado), pero le molestaba. Como siem-pre cuando reflexionaba, Gisors dabavueltas entre sus dedos a un invisible ci-garrillo.

—Quizá...

Se detuvo, con los claros ojos fijos ensu máscara de Templario afeitado. Chenesperaba. Gisors prosiguió, casi brutal-mente:

«No creo que sea bas tan te e lrecuerdo de un c r imen para quete a l te res as í .»

Se ve que no sabe de qué habla—intentó pensar Chen. Pero Gisorshabía acertado en lo justo. Chen sesentó y miró los pies.

— N o — d i j o — ; y o n o c r e o ,tampoco , que e l recuerdo bas te .Hay o t ra cosa , esenc ia l . Quis ie -ra saber qué .

¿Era para saber eso, para lo quehabía ido?

—¿La primera mujer con quiente acostas te , fue una prost i tu ta ,c o m o e s n a t u r a l ? — p r e g u n t óGisors.

—Soy chino —respondió Chen conrencor.

«No —pensó Gisors—. Salvo porsexualidad, quizá, Chen no era chino.Los emigrados de todos los países, de[54] que rebosaba Shanghai, habíanenseñado a Gisors hasta qué punto elhombre se separa de su nación, de una ma-nera nacional; pero Chen no pertenecía yaa China, ni aun por la manera como lahabía abandonado: una libertad total________ le entregaba totalmente a suidea.»

—¿Qué experimentaste después? —preguntó Gisors.

44 (p. 63). Templier: chevalier de l’ordre duTemple, ordre religieux et militaire fondé àJérusalem lors des croisades, pour protégerles pèlerins en route vers la Terre sainte.

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Tchen crispa ses doigts.

— De l’orgueil.

— D’être un homme?

— De ne pas être une femme.

Sa voix n’exprimait plus la rancune,mais un mépris complexe.

— Je pense que vous voulez dire,reprit-il, que j’ai dû me sentir...séparé? [63]

Gisors se gardait de répondre.

« ... Oui. Terriblement. Et vous avezraison de parler de femmes. Peut-êtreméprise-t-ong beaucoup celui qu’on tue.Mais moins que les autres.

Gisors cherchait, n’était pas sûr decomprendre

— Que ceux qui ne tuent pas?

— Que ceux qui ne tuent pas: lespuceaux.

Il marchait de nouveau. Les deuxderniers mots étaient tombés commeune charge jetée à bas, et le silences’élargissait autour d’eux; Gisorscommençait à éprouver, non sanstristesse, la séparation dont Tchenparlait. Mais il se demandait s’il n’yavait pas en Tchen une part de comédie,-au moins de complaisance. Il était loind’ignorer ce que de telles comédiespeuvent porter de mortel. Il se souvintsoudain que Tchen lui avait dit avoirhorreur de la chasse.

— Tu n’as pas eu horreur du sang?

— Si. Mais pas seulement horreur.

____________ ___________ _________ _____ ___ Il se retourna d’uncoup, et, considérant le phénix, maisaussi directement que s’il eût regardéGisors dans les yeux, il demanda :

« Alors? Les femmes, je sais ce qu’onen fait, quand elles veulent continuer àvous posséder: on vit avec elles. Et lamort, alors? »

Plus amèrement encore, mais sanscesser de regarder le phénix :

«Un collage? »

La pente de l’intelligence de Gisorsl’inclinait toujours à venir en aide àses interlocuteurs; et il avait del’affection pour Tchen. Mais ilcommençait à voir clair: l’action dans

Chen crispó los dedos.

—Orgullo.

—¿De ser un hombre?

—De no ser una mujer.

Su voz ya no expresaba rencor, sinoun desprecio completo.

—Me parece que quiere usted decir—prosiguió— que he debido sentirme...separado.

Gisors se guardaba de responder.

«...Sí. Terriblemente. Y tiene ustedrazón para hablar de mujeres. Quizá sedesprecia mucho a aquel a quien se mata.Pero menos que a los otros.»

________________________________________

—¿Que a los que no matan?

—Que a los que no matan: losvírgenes.

Caminaba de nuevo. Las dos últimaspalabras habían caído como una cargaarrojada al suelo, y el silencio se ensan-chaba alrededor de ambos. Gisors comen-zaba a experimentar, no sin tristeza, laseparación de que Chen hablaba. __________________________________________________________________________________________________________________________________________________ ______Recordó,de pronto, que Chen le había dicho tenerhorror a la caza.

—¿No has sentido horror ante la sangre?

—Sí; pero no solamente horror.

Pronunció aquella frase mientras sealejaba de Gisors. Se volvió, de pronto,y, contemplando el fénix, aunque tan di-rectamente como si hubiese mirado aGisors a los ojos, preguntó:

«¿Entonces? Yo sé lo que se hace conlas mujeres, cuando quieren continuarposeyéndonos: se vive con ellas. ¿Y lamuerte, entonces?»

Y más amargamente aún, pero sin ce-sar de contemplar al fénix:

«¿Un concubinato?»

La pendiente de la inteligencia deGisors le inclinaba siempre a acudiren ayuda de sus interlocutores; sentía[55] afecto hacia Chen. Pero comen-zaba a ver claro: la acción en los gru-

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les groupes de choc ne suffisait plusau jeune homme, le terrorismedevenait pour lui une fascination.Roulant toujours sa cigaretteimaginaire, la tête aussi inclinée enavant que s’il eût [64] regardé le tapis,le nez mince battu par sa mècheblanche, il dit, s’efforçant de donnerà sa voix le ton du détachement :

— Tu penses que tu n’en sortiras plus...___ ____ _____ _____ __ ___ ___ ____et c’est contre cette... angoisse-là quetu viens te... défendre auprès de moi.

Silence.

— Une angoisse, nong, dit enfinTchen, entre ses dents. Une fatalité?

Silence encore. Gisors sentaitqu’aucun geste n’était possible, qu’il nepouvait pas lui prendre la main, commeil faisait jadis. Il se décida à son tour,dit avec lassitude, comme s’il eût acquissoudain l’habitude de l’angoisse

— Alors, il faut la penser, et lapousser à l’extrême. Et si tu veux vivreavec elle...

— Je serai bientôt tué.

N’est-ce pas cela surtout qu’il veut?se demandait Gisors. Il n’aspire àaucune gloire, à aucun bonheur. Capablede vaincre, mais non de vivre dans savictoire, que peut-il appeler, sinon lamort? Sans doute veut-il lui donner lesens que d’autres donnent à la vie.Mourir le plus haut possible. Âmed’ambitieux, assez lucide, assez séparédes hommes ou assez malade pourmépriser tous les objets de son ambition,et son ambition même?

— Si tu veux vivre avec cette...fatalité, il n’y a qu’une ressource: c’estde la transmettre.

— Qui en serait digne? demandaTchen, toujours entre ses dents.

L’air devenait de plus en pluspesant, comme si tout ce que cesphrases appelaient de meurtre eût étélà. Gisors ne pouvait plus rien dire:chaque mot eût pris un son faux,frivole, imbécile.

— Merci, dit Tchen. [65]

Il s’inclina devant lui, de tout lebuste, à la chinoise (ce qu’il ne faisaitjamais) comme s’il eût préféré ne pasle toucher, et partit.

Gisors retourna s’asseoir,recommença à rouler sa cigarette. Pour

pos de encuentro ya no bastaba al jo-ven; el terrorismo constituía para éluna fascinación. Sin dejar de dar vuel-tas a su cigarrillo imaginario; con lacabeza tan inclinada hacia adelante,como si contemplase la alfombra; conla afilada nariz batida por su mechónblanco, dijo, esforzándose por dar a suvoz una entonación de despego:

—Crees que ya no saldrás de eso...Pero, ganado por los nervios, terminó tartamudeando:«...y es contra esa... angustia, contra lo

que vienes a... defenderte junto a mí.»

Silencio.

—Una angustia, no —dijo, por fin,Chen entre dientes—. ¿Una fatalidad?

Nuevo silencio. Gisors comprendíaque ningún gesto era posible; que no po-día tomarle la mano, como hacía en otrotiempo. Se decidió, a su vez, y dijo, condesfallecimiento, como si hubiese adqui-rido, de pronto, el hábito de la angustia:

—Entonces, hay que pensar en ella yllevarla al extremo. Y, si quieres vivir conella...

—Pronto me matarán.

«¿No es eso, sobre todo, lo que quie-re? —se preguntó Gisors—. No aspira aninguna gloria, a ninguna felicidad. Ca-paz de vencer, pero no de vivir en su vic-toria, ¿qué puede desear, sino la muerte?Sin duda, pretende darle el sentido queotros dan a la vida. Morir lo más altoposible. ¿Alma de ambicioso, lo bastan-te lúcida, lo bastante separada de los hom-bres o lo bastante para despreciar todoslos objetos de su ambición y hasta su am-bición misma?»

—Si quieres vivir con esa... fata-lidad, no hay más que un recurso:transmitirla.

—¿Quién sería digno de ella? —pre-guntó Chen, también entre dientes.

El aire se hacía cada vez más pesado,como si todo lo que aquellas frases evo-caban de muerte violenta estuviese allí.Gisors ya no podía decir nada: cada pa-labra habría tenido un sonido falso, frí-volo, imbécil. [56]

—Gracias —dijo Chen.

Se inclinó ante él , con todo elbusto, a la usanza china (lo queno hacía nunca), como si prefirie-se no tocarle, y salió.

Gisors volvió a sentarse y comenzó denuevo a darle vueltas a su cigarrillo. Por

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la première fois, il se trouvait en face nondu combat, mais du sang. Et, commetoujours, il pensait à Kyo. Kyo eût trouvéirrespirable cet univers où se mouvaitTchen... Était-ce bien sûr? Tchen aussidétestait la chasse. Tchen aussi avaithorreur du sang, - avant. A cetteprofondeur, que savait-il de son fils?Lorsque son amour ne pouvait joueraucun rôle, lorsqu’il ne pouvait se référerà beaucoup de souvenirs, il savait bienqu’il cessait de connaître Kyo. Un intensedésir de le revoir le bouleversa - celuiqu’on a de revoir une dernière fois sesmorts. Il savait qu’il était parti.

Où? La présence de Tchen animaitencore la pièce. Celui-là s’était jeté dansle monde du meurtre, et n’en sortiraitplus: avec son acharnement, il entraitdans la vie terroriste comme dans uneprison. Avant dix ans, il serait pris - tor-turé ou tué; jusque-là, il vivrait commeun obsédé résolu, dans le monde de ladécision et de la mort. Ses idéesl’avaient fait vivre; maintenant, ellesallaient le tuer.

____________________________Que Kyo fît tuer, c’était son rôle. Etsinon, peu importait: ce que faisait Kyoétait bien fait. Mais Gisors étaitépouvanté par cette sensation soudaine,cette certitude de la fatalité du meurtre,d’une intoxication aussi terrible que lasienne l’était peu. Il sentit combien ilavait mal apporté à Tchen l’aide quecelui-ci lui demandait, combien lemeurtre est solitaire -combien, par cetteangoisse, Kyo s’éloignait de lui. Pour lapremière fois, la phrase qu’il avait sisouvent répétée: « Il n’y a pas deconnaissance des êtres », s’accrocha dansson esprit au visage de son fils. [66]

Tchen, le connaissait-il? Il necroyait guère que les souvenirspermissent de comprendre leshommes. La première éducation deTchen avait été religieuse; quand Gisorsavait commencé de s’intéresser à cetadolescent orphelin - ses parents tués aupillage de Kalgan (45) - silencieusementinsolent, Tchen venait du collègeluthérien (46), où il avait été l’élève d’unintellectuel phtisique venu tard aupastorat, qui s’efforçait avec patience,à cinquante ans, de vaincre par lacharité une inquié tude re l ig ieusein tense . Obsédé par la honte duc o r p s q u i t o u r m e ntait saintAugustin (47), du corps déchu danslequel il faut vivre avec le Christ, - parl’horreur de la civilisation rituelle dela Chine qui l’entourait et rendait plusimpérieux encore l’appel de la véritablevie religieuse, -ce pasteur avait élaboréavec son angoisse l’image de Lutherdont il entretenait parfois Gisors :

primera vez, se encontraba, no frente alcombate, sino ante la sangre. Y, como siem-pre, pensaba en Kyo. Kyo habría encontra-do irrespirable aquel universo en que semovía Chen... ¿Estaba muy seguro de ello?Chen también detestaba la caza; Chen tam-bién tenía horror a la sangre —antes—. Enesa profundidad, ¿qué sabía él de su hijo?Cuando su amor no podía desempeñar nin-gún papel; cuando no podía referirse amuchos recuerdos, sabía muy bien que de-jaba de conocer a Kyo. Un intenso deseode volver a verle le invadió —el que se sien-te por volver a ver a los familiares muer-tos—. Sabía que se había ido.

¿A dónde? La presencia de Chen ani-maba aún la habitación. Aquél se habíaarrojado en el mundo del crimen, y ya nosaldría de él: con su encarnizamiento, en-traba en la vida terrorista como en unacárcel. Antes de diez años, a lo sumo,sería apresado y torturado o muerto; has-ta entonces, viviría como un obseso de-cidido, en el mundo de la decisión y de lamuerte. Sus ideas le hacían vivir; ahora,iban a matarle.

Y precisamente por eso era por lo que Gisors sufría.Que Kyo impulsara a matar, estaba en supapel. Y si no, poco importaba: lo quehacía Kyo estaba bien fecho. Pero se ha-llaba espantado ante aquella sensaciónsúbita, ante aquella certidumbre de la fa-talidad del crimen, de una intoxicación,tan terrible, que la suya apenas lo era.Comprendía qué mal había prestado aChen la ayuda que éste le pedía, cuánsolitario es el crimen —y cuánto, conaquella angustia, Kyo se alejaba de él—.Por primera vez, la frase que había repe-tido con tanta frecuencia: «No existeconocimiento de los seres», se aferró ensu imaginación al semblante de su hijo.

¿A Chen lo conocía? Apenas creíaque los recuerdos permitiesen compren-der a los hombres. Conocía la primeraeducación de Chen, que había sido re-ligiosa; cuando [57] había comenzadoa interesarse por aquel adolescentehuérfano —los padres habían muerto enel saqueo de Kalgan—, silenciosamen-te insolente. Chen procedía del colegio__ ____ _____________ _____ _______ ____ tísico, llegado tarde alpastorado*, que se esforzaba con pacien-cia, a los cincuenta años, por vencer,mediante la caridad, una inquietud reli-giosa intensa. Obsesionado por la ver-güenza del cuerpo, que atormentaba aSan Agustín; del cuerpo caído en el cualhay que vivir con el Cristo —por el ho-rror de la civilización ritual de la Chinaque le rodeaba y le hacía más imperiosaaún la llamada de la verdadera vida re-ligiosa—, aquel pastor había elabora-do con su angustia la imagen de Lutero,del que a veces hablaba a Gisors: «No

45 (p. 67). Kalgan : ville au nord-ouest dePékin, attaquée par les troupes blanchesen 1921.

46 (p. 67). Collège luthérien : où l’on dispensel’enseignement de Luther (1483-1546),théologien allemand à l’origine de laRéforme, du protestantisme.

* pastoríia segun DRAE

47 (p. 67). Saint Augustin (354-430) : évêqueafricain et Père de l’Église; sa doctrinepostulait l’incapacité de l’homme à mériterson salut sans l’aide de la grâce divine,seule « efficace ».

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« Il n’y a de vie qu’en Dieu; maisl’homme, par le péché, est à tel pointdéchu, si irrémédiablement souillé,qu’atteindre Dieu est une sorte desacrilège. D’où le Christ, d’où sacrucifixion éternelle. » Restait laGrâce, c’est-à-dire l’amour illimité oula terreur, selon la force ou la faiblessede l’espoir; et cette terreur était unnouveau péché. Restait aussi lacharité; mais la charité ne suffit pastoujours à épuiser l’angoisse.

Le pasteur s’était attaché à Tchen. Ilne soupçonnait pas que l’oncle chargéde Tchen ne l’avait envoyé auxmissionnaires que pour qu’il apprîtl’anglais et le français, et l’avait mis engarde contre leur enseignement, contrel’idée de l’enfer surtout, dont se méfiaitce confucianiste (48). L’enfant, quirencontrait le Christ et non Satan ni Dieu- l’expérience du pasteur lui avaitenseigné que les hommes ne seconvertissent jamais qu’à desmédiateurs [67] s’abandonnait àl’amour avec la rigueur qu’il portait entout. Mais il éprouvait assez le respectdu maître - la seule chose que la Chinelui eût fortement inculquée - pour que,malgré l’amour enseigné, il rencontrâtl’angoisse du pasteur et que lui apparûtun enfer plus terrible et plus convaincantque celui contre quoi on avait tenté dele prémunir.

L’oncle revint. Épouvanté par leneveu qu’il retrouvait, il manifesta unesatisfaction délicate, envoya de petitsarbres de jade et de cristal au directeur,au pasteur, à quelques autres: huit joursplus tard, il rappelait Tchen chez lui et,la semaine suivante, l’envoyait àl’Université de Pékin.

Gisors, roulant toujours sa cigaretteentre ses genoux, la boucheentrouverte, s’efforçait de se souvenirde l’adolescent d’alors. Comment leséparer, l’isoler de celui qu’il étaitdevenu? « Je pense à son espritreligieux parce que Kyo n’en a jamaiseu, et qu’en ce moment toutedifférence profonde entre eux medélivre... Pourquoi ai-je l’impressionde le connaître mieux que mon fils? »C’est qu’il voyait beaucoup mieux enquoi il l’avait modifié: cettemodification capitale, son oeuvre,était précise, limitable, et il neconnaissait rien, chez les êtres, mieuxque ce qu’il leur avait apporté. Dèsqu’il avait observé Tchen, il avaitcompris que cet adolescent ne pouvaitvivre d’une idéologie qui ne setransformât pas immédiatement enactes. Privé de charité, il ne pouvaitêtre amené par la vie religieuse qu’àla contemplation ou à la vie intérieure;

hay vida más que en Dios; porque elhombre, a causa del pecado, ha caídohasta tal punto; se ha manchado tan irre-mediablemente, que llegar hasta Dios esuna especie de sacrilegio. De aquí elCristo; de aquí su crucifixión eterna.»Quedaba la Gracia, es decir, el amor ili-mitado o el terror, según la fuerza o ladebilidad de la esperanza; y este terrorera un nuevo pecado. Quedaba tambiénla caridad; pero la caridad no siemprebasta para agotar la angustia.

El pastor había tomado cariño a Chen.No sospechaba que el tío de éste, que sehabía encargado de él, sólo lo había en-viado con los misioneros para que apren-diese el inglés y el francés, y le habíapuesto en guardia contra su enseñanza,contra la idea del infierno, sobre todo, deque desconfiaba aquel confucionista. Elniño, que reconocía a Cristo, y no a Sata-nás ni a Dios —la experiencia del pastorle había enseñado que los hombres no seconvierten nunca más que a los media-dores—, se abandonaba al amor conel r igor que ponía en todo. Peroexperimentaba bastante respeto haciael maestro —la única cosa que China lehabía inculcado con fuerza—, para que apesar del amor aprendido volviese a en-contrar la angustia del pastor, y le pare-ciese un infierno más terrible y más con-vincente que aquél contra el cual se habíaintentado prevenirle.

Llegó el tío. Espantado ante la clasede sobrino que encontraba, manifestó unadelicada satisfacción y envió unos arbo-lillos de jade y de cristal al director, alpastor [58] y a algunos otros. Al cabo deocho días, llamaba a Chen a su casa, y ala semana siguiente lo enviaba a la Uni-versidad de Pekín.

Gisors, dando vueltas, como siempre,a su cigarrillo entre las rodillas, con laboca entreabierta y absorto ante lo quereflexionaba, se esforzaba por recordaral adolescente de entonces. Pero, ¿cómosepararlo, cómo aislarlo de aquel en elcual se había convertido? «Pienso en suespíritu religioso, porque Kyo jamás lotuvo, y porque, en este momento, todadiferencia profunda entre ambos me li-bera... ¿Por qué tendré la impresión deconocerle mejor que a mi hijo?» Era queveía mucho mejor en qué lo había modi-ficado; esta modificación capital, obrasuya, era precisa, limitable, y no conocíanada, en los demás seres, mejor que loque él le había suministrado. Desde quehabía observado a Chen, había compren-dido que aquel adolescente no podría vi-vir de una ideología que no se transfor-mase inmediatamente en actos. Privadode caridad, no podría ser conducido, porla vida religiosa, más que a la contem-plación o a la vida interior; pero odiaba

48 (p. 67). Confucianiste : adepte de la doctrinede Confucius (v. 555-v. 479), célèbrephilosophe chinois.

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mais il haïssait la contemplation, etn’eût rêvé que d’un apostolat dont lerejetait précisément son absence decharité. Pour vivre, il fallait doncd’abord qu’il échappât à sonchristianisme. (De demi-confidences,il semblait que la connaissance desprostituées et des [68] étudiants eûtfait disparaître le seul péché toujoursplus fort que la volonté de Tchen, lamasturbation, et avec lui, un sentimenttoujours répété d’angoisse et dedéchéance.) Quand, au christianisme,son nouveau maître avait opposé nondes arguments, mais d’autres formesde grandeur, la foi avait coulé entreles doigts de Tchen, peu à peu, sanscrise. Détaché par elle de la Chine,habitué par elle à se séparer du mon-de, au lieu de se soumettre à lui, ilavait compris à travers Gisors que touts’était passé comme si cette périodede sa vie n’eût été qu’une initiationau sens héroïque : que faire d’une âme,s’il n’y a ni Dieu ni Christ?

Ici Gisors retrouvait son fils,indifférent au christianisme mais à quil’éducation japonaise (Kyo avait vécuau Japon de sa huitième à sadix-septième année) avait imposéaussi la conviction que les idées nedevaient pas être pensées, maisvécues. Kyo avait choisi l’action,d’une façon grave et préméditée,comme d’autres choisissent les armes oula mer: il avait quitté son père, vécu àCanton, à Tientsin (49), de la vie desmanoeuvres et _______ des coolies-pousse(50), pour organiser les syndicats, Tchen -l’oncle pris comme otage et n’ayant pupayer sa rançon, exécuté à la prise deSwatéou (5l) - s’était trouvé sansargent, nanti de diplômes sans valeur,en face de ses vingtquatre ans et de laChine. Chauffeur de camion tant queles pistes du Nord avaient étédangereuses, puis aide-chimiste, puisrien. Tout le précipitait à l’actionpolitique. l’espoir d’un mondedifférent, la possibilité de mangerquoique misérablement (il étaitnaturellement austère, peut-être parorgueil), la satisfaction de ses haines,de sa pensée, de son caractère. Elledonnait un sens à sa solitude. Mais,chez Kyo, tout était plus simple. Lesens héroïque lui avait été [69] donnécomme une discipline, non commeune justification de la vie. Il n’étaitpas inquiet. Sa vie avait un sens, et ille connaissait: donner à chacun de ceshommes que la famine, en ce momentmême, faisait mourir comme une pes-te lente, la possession de sa propredignité. II était des leurs : ils avaientles mêmes ennemis. Métis, hors-caste,dédaigné des Blancs et plus encore desBlanches, Kyo n’avait pas tenté de les

la contemplación, y no había soñado másque con un apostolado al que le impulsa-ba precisamente su ausencia de caridad.Para vivir, era preciso, pues, en primertérmino, que se sustrajese a su cristianis-mo. (Por semiconfidencias, parecía queel trato con las prostitutas y los estudian-tes había hecho desaparecer el único pe-cado, siempre más fuerte que la voluntadde Chen: la masturbación; y, con él, unsentimiento ininterrumpido de angustiay de caída.) En cuanto al cristianismo, sunuevo maestro había opuesto, no argu-mentos, sino otras formas de grandeza;la fe se le había desvanecido entre losdedos a Chen, poco a poco, sin crisis,como si fuese arena. Apartado por ellade la China; acostumbrado por ella a se-pararse del mundo, en lugar de someter-se a él, había comprendido, a través deGisors, que todo había pasado como siaquel período de su vida no hubiese sidomás que una iniciación en el sentido he-roico: ¿qué hacer de un alma, no exis-tiendo ni Dios ni Cristo?

Aquí, Gisors volvía a encontrar a suhijo, indiferente al cristianismo, pero aquien la educación japonesa (Kyo [59]había vivido en el Japón desde los ochohasta los diecisiete años) había impues-to también la convicción de que las ideasno debían ser pensadas, sino vividas.Kyo había elegido la acción de una ma-nera grave y premeditada, como otroseligen las armas o el mar: había aban-donado a su padre, y vivido en Cantón yen Tientsin la vida de las maniobras yde la excitación de los coolies para or-ganizar los sindicatos. Chen —habien-do sido apresado su tío en rehenes, y no habiendopodido pagar su rescate, por lo que fue ejecutado en latoma de Swateu— se había encontrado sindinero y provisto de unos diplomas sinvalor, ante sus veinticuatro años y en laChina, chófer de camión, mientras laspistas del norte habían sido peligrosas;luego, ayudante de químico; luego,nada. Todo le precipitaba hacia la ac-ción política: la esperanza de un mun-do diferente; la posibilidad de comer,aunque fuera miserablemente (erana tu ra lmen te austero, quizá poro rgu l lo ) ; l a sa t i s facc ión de susodios, de sus ideas y de su carácter.Daba un sentido a su soledad. En cam-bio, en Kyo todo era más simple. Elsentido heroico le había dado comouna disciplina, no como una justi-ficación de la vida. No era inquieto.Su vida tenía un sentido, y él lo co-nocía: poner a cada uno de aquelloshombres, a quienes el hambre, en aquelmismo momento, hacía morir como unapeste lenta, en posesión de su propia dig-nidad. Él era uno de ellos: tenían losmismos enemigos. Mestizo, fuera decasta, desdeñado por los blancos, y másaún por las blancas, Kyo no había inten-

49 (p. 69). Tientsin : ville et port de Chine,importante cité industrielle et commercialeau sud-est de Pékin.

50 (p. 69). Coolies-pousse: tireur de pousse;mot composé de coolie (travailleur, porteurchinois ou hindou) et de pousse-pousse (oupousse): voiture légère tirée par un homme.

51 (p. 69). Swatéou : port industriel au nordde Canton, investi par l’armée nationalisteen 1925.

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séduire : il avait cherché les siens etles avait trouvés. « Il n’y a pas dedignité possible, pas de vie réelle pourun homme qui travaille douze heurespar jour sans savoir pour quoi iltravaille. » Il fallait que ce travail prîtun sens, devînt une patrie. Lesquestions individuelles ne se posaientpour Kyo que dans sa vie privée.

« Et pourtant, si Kyo entrait et s’ilme disait , comme Tchen tout àl’heure: « C’est moi qui ai tuéTang-Yen-Ta », s’i l le disait jepenserais « je le savais ». Tout cequ’il y a de possible en lui résonneen moi avec tant de force que, quoiqu’il me dise, je penserais « je lesavais... ». Il regarda par la fenêtre lanuit immobile et indifférente. « Maissi je le savais vraiment, et pas de cettefaçon incertaine et épouvantable, jele sauverais . » Douloureuseaffirmation, dont il ne croyait rien.______________________________

Dès le départ de Kyo, sa penséen’avait plus servi qu’à justifier l’actionde son fils, cette action alors infime quicommençait quelque part (souvent,pendant trois mois, il ne savait mêmepas où) dans la Chine centrale ou lesprovinces du Sud. Si les étudiantsinquiets sentaient que cette intelligencevenait à leur aide avec tant de chaleuret de pénétration, ce n’était pas, commele croyaient alors les subtils de Pékin,qu’il s’amusât à jouer par procurationdes vies dont le séparait son âge; c’étaitque, dans [70] tous ces dramessemblables, il retrouvait celui de sonfils. Lorsqu’il montrait à ses étudiants,presque tous petits-bourgeois, qu’ilsétaient contraints de se lier ou aux chefsmilitaires, ou au prolétariat, lorsqu’ildisait à ceux qui avaient choisi: « Lemarxisme n’est pas une doctrine, c’estune volonté, c’est, pour le prolétariat etles siens - vous - la volonté de seconnaître, de se sentir comme tels, devaincre comme tels; vous ne devez pasêtre marxistes pour avoir raison, maispour vaincre sans vous trahir », il parlaità Kyo, il le défendait. Et, s’il savait quece n’était pas l’âme rigoureuse de Kyoqui lui répondait lorsque après ces coursil trouvait, selon la coutume chinoise,sa chambre encombrée de fleursblanches par les étudiants, du moinssavait-il que ces mains qui sepréparaient à tuer en lui apportant descamélias serreraient demain celles deson fils, qui aurait besoin d’elles. C’estpourquoi la force du caractère l’attiraità ce point, pourquoi il s’était attaché àTchen. Mais, lorsqu’il s’était attaché àlui, avait-il prévu cette nuit pluvieuseoù le jeune homme, parlant du sang àpeine caillé, viendrait lui dire: « Je n’en

tado seducirlas: había buscado a los su-yos, y los había encontrado. «No haydignidad posible ni vida real para unhombre que trabaja doce horas al día,sin saber para qué trabaja.» Era precisoque aquel trabajo adquiriese un sentido,se convirtiese en una patria. Las cues-tiones individuales no existían para Kyomás que en su vida privada.

Todo esto Gisors lo sabía. “«Y, sinembargo, si Kyo entrase y me dijese,como Chen hace poco: « Yo he sido quienha matado a Tang-Yen-Ta»; si lo dijese,yo pensaría que «ya lo sabía». Todocuanto hay de posible en él resuenaen mí con tanta fuerza, que cualquiercosa que me dijese, yo pensaría que «ya lo sabía... »” Contempló por [60]la ventana la noche inmóvil e indife-rente. «Pero, si verdaderamente lo su-piera, y no de esta manera incierta ypavorosa, lo salvaría...» Dolorosa afir-mación, en la que él no creía, en absoluto.¿Qué confianza tenía en su pensamiento?

Desde la partida de Kyo, no habíaservido más que para justificar la acciónde su hijo, aquella acción entonces ínti-ma, que comenzaba en cualquier parte(con frecuencia, durante tres meses, nosabía siquiera dónde), en la China cen-tral o en las provincias del Sur. Si los estu-diantes, inquietos, comprendían que aque-lla inteligencia acudía en su ayuda con tan-to calor y con tanta penetración, no era,como creían entonces los idiotas de Pe-kín, porque se distrajese en jugar con laprocuración de las vidas, de las que leseparaba su edad; era porque, en todosaquellos dramas semejantes, encontra-ba el de su hijo. Cuando enseñaba a susestudiantes, casi todos modestos burgue-ses, que estaban obligados a unirse a losjefes militares o al proletariado; cuandodecía a aquellos a quienes había elegi-do: «El marxismo no es una doctrina; esuna voluntad; es, para el proletariado ylos suyos, vosotros, la voluntad de co-nocerse, de sentirse como tales, de ven-cer como tales; no debéis ser marxistaspara tener razón, sino para vencer sintraicionaron» hablaba para Kyo, lo de-fendía. Y, si sabía que no era el almarigurosa de Kyo la que le respondía,cuando al final del curso encontraba,según la costumbre china, su habita-ción abarrotada de flores blancas porlos estudiantes, al menos sabía queaquellas manos que se preparaban paramatar, al llevarle una camelias, estre-charían mañana las de su hijo, que ten-dría necesidad de ellas. Porque la fuer-za del carácter le atraía hasta aquelpunto, se había interesado por Chen.Pero, cuando se amistó* con él, ¿previóaquella noche lluviosa en la que el jo-ven, hablando de la sangre apenas coa-gulada, iría a decirle: «No tengo sola-

* amistar sí en DRAE

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ai pas seulement horreur... » ?

Il se leva, ouvrit le tiroir de la tablebasse où il rangeait son plateau à opium,au-dessus d’une collection de petits cac-tus. Sous le plateau, une photo : Kyo. Illa tira, la regarda sans rien penser deprécis, sombrant âprement dans lacertitude que, là où il était, personne neconnaissait plus personne et que laprésence même de Kyo, qu’il avait tantsouhaitée tout à l’heure, n’eût rienchangé, n’eût rendu que plus désespéréeleur séparation, comme celle des amisqu’on étreint en rêve et qui sont mortsdepuis des années. Il gardait la photoentre ses doigts; elle était tiède commeune main. Il la laissa retomber [71] dansle tiroir, tira le plateau, éteignitl’électricité et alluma la lampe.

Deux pipes. Jadis, dès que sonavidité commençait à s’assouvir, ilregardait les êtres avec bienveillance, etle monde comme une infinité depossibles. Maintenant, au plus profondde lui-même, les possibles ne trouvaientpas de place: il avait soixante ans, et sessouvenirs étaient pleins de tombes. Sonsens si pur de l’art chinois, de cespeintures bleuâtres qu’éclairait à peinesa lampe, de toute la civilisation desuggestion dont la Chine l’entourait,dont, trente ans plus tôt, il avait su sifinement profiter, - son sens du bonheur- n’était plus qu’une mince couverturesous quoi s’éveillaient, comme deschiens anxieux qui s’agitent à la fin dusommeil, l’angoisse et l’obsession de lamort.

Sa pensée rôdait pourtant autour deshommes, avec une âpre passion quel’âge n’avait pas éteinte. Qu’il y eût entout être, et en lui d’abord, un para-noïaque, il en était assuré depuislongtemps. Il avait cru, jadis, - tempsrévolus... - qu’il se rêvait héros. Non.Cette force, cette furieuse imaginationsouterraine qui était en lui-même(deviendrais-je fou, avait-il pensé, elleseule resterait de moi...) était prête àprendre toutes les formes, ainsi que lalumière. Comme Kyo, et presque pourles mêmes raisons, il songea auxdisques dont celui-ci lui avait parlé; etpresque de la même façon, car lesmodes de pensée de Kyo étaient nésdes siens. De même que Kyo n’avaitpas reconnu sa propre voix parce qu’ill’avait entendue avec la gorge, demême la conscience que lui, Gisors,prenait de lui-même, était sans douteirréductible à celle qu’il pouvaitprendre d’un autre être, parce qu’ellen’était pas acquise par les mêmesmoyens. Elle ne devait rien [72] auxsens. Il se sentait pénétrer, avec saconscience intruse, dans un domaine

mente horror...»?

Se levantó, abrió el cajón de la mesabaja donde guardaba su platillo de opio,encima de una colección de pequeñoscactos. Debajo del platillo, una foto: Kyo.La sacó, la contempló, sin pensar en nadapreciso, sumido ásperamente en la certi-dumbre de que, allí, donde [61] estaba,nadie conocía ya a nadie, y de que la pre-sencia del mismo Kyo, que tanto habíaanhelado hacía poco, no habría cambia-do nada; sólo habría tornado más deses-perada su separación, como la de losamigos a quienes se abraza en sueños yque murieron hace años. Contemplaba lafoto entre sus dedos: estaba tibia, comouna mano. La dejó caer de nuevo dentrodel cajón, sacó el platillo, apagó la luzeléctrica y encendió la lámpara.

Dos pipas. En otro tiempo, cuando suavidez comenzaba a saciarse, miraba alos seres con benevolencia y considera-ba al mundo como una infinidad de posi-bilidades. Ahora, en lo más profundo desí mismo, las posibilidades no encontra-ban cabida: tenía sesenta años, y sus re-cuerdos estaban llenos de tumbas. Su sen-tido tan puro del arte chino, de aquellaspinturas azuladas que apenas iluminabala lámpara, de toda la civilización de su-gestión de que la China le rodeaba y que,treinta años antes, había sabido tan fina-mente aprovechar son sens du bonheur,no era más que una delgada cubiertabajo la cual despertaban, como perrosansiosos que se agitaran al final delsueño, la angustia y la obsesión de lamuerte.

Su pensamiento vagaba, sin embar-go, en torno al mundo y en torno a loshombres con una áspera pasión y quela edad no había extinguido. Que entodo ser, y en él, desde luego, había unparanoico, hacía mucho tiempo que es-taba seguro de ello. Había creído, enotro tiempo —tiempo pasado...—, quese soñaba héroe. No. Aquella fuerza,aquella furiosa imaginación subterráneaque llevaba en sí mismo (me volveríaloco —había pensado— y sólo ella que-daría de mí...) se hallaba dispuesta aadoptar todas las formas, como tambiénla luz. Como Kyo, y casi por las mis-mas razones, pensó en los discos de queéste le había hablado, y casi de la mis-ma manera, porque las modalidades delpensamiento de Kyo habían nacido delas suyas. Del mismo modo que Kyo nohabía reconocido su propia voz porquela había oído con la garganta, así laconciencia que él, Gisors, tenía de símismo, era, sin duda, irreducible a laque él pudiera adquirir de otro ser, por-que no era adquirida por los mismosmedios. No debía nada a los sentidos.Se sentía penetrar, con su conciencia

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qui lui appartenait plus que tout autre,posséder avec angoisse une solitudeinterdite où nul ne le rejoindrait jamais.Une seconde, il eut la sensation quec’était cela qui devait échapper à lamort... Ses mains, qui préparaient unenouvelle boulette, tremblaientlégèrement. Cette solitude totale,même l’amour qu’il avait pour Kyo nel’en délivrait pas. Mais s’il ne savaitpas se fuir dans un autre être, il savaitse délivrer: il y avait l’opium.

Cinq boulettes. Depuis des années ils’en tenait là, non sans peine, non sansdouleur parfois. Il gratta le fourneau desa pipe; l’ombre de sa main fila du murau plafond. Il repoussa la lampe dequelques centimètres; les contours del’ombre se perdirent. Les objets aussi seperdaient: sans changer de forme, ilscessaient d’être distincts de lui, lerejoignaient au fond d’un monde familieroù une bienveillante indifférence mêlaittoutes choses - un monde plus vrai quel’autre parce que plus constant, plussemblable à lui-même; sûr comme uneamitié, toujours indulgent et toujoursretrouvé: formes, souvenirs, idées, toutplongeait lentement vers un univers déli-vré. Il se souvint d’un après-midi deseptembre où le gris parfait du ciel rendaitlaiteuse l’eau d’un lac, dans les faillesde vastes champs de nénuphars; depuisles cornes vermoulues d’un pavillonabandonné jusqu’à l’horizon magnifiqueet morne, ne lui parvenait plus qu’unmonde pénétré d’une mélancoliesolennelle. Sans agiter sa sonnette, unbonze s’était accoudé à la rampe dupavillon, abandonnant son sanctuaire àla poussière, au parfum des bois odorantsqui brûlaient; les paysans quirecueillaient les graines de nénupharspassaient en barque, sans [73] le moindreson; près des dernières fleurs, deux longsplis d’eau naquirent du gouvernail,allèrent se perdre avec nonchalance dansl’eau grise. Elles se perdaient maintenanten lui-même, ramassant dans leuréventail tout l’accablement du monde,un accablement sans amertume, amenépar l’opium à une pureté suprême. Lesyeux fermés, porté par de grandes ailesimmobiles, Gisors contemplait sasolitude: une désolation qui rejoignaitle divin en même temps que s’élargissaitjusqu’à l’infini ce sillage de sérénitéqui recouvrait doucement lesprofondeurs de la mort.

4 heures et demie du matin.

Habillés déjà en soldats duGouvernement, ciré sur le dos, leshommes descendaient un à un dans lagrande vedette balancée par les remousdu YangTsé.

[62] intrusa, en un dominio que le per-tenecía más que cualquier otro y poseercon angustia una soledad vedada, don-de nadie vendría nunca a unírsele. Du-rante un segundo, experimentó la sen-sación de que era aquello lo que debíaescapar a la muerte... Sus manos, quepreparaban una nueva bolita, tembla-ban ligeramente. Aquella soledad totaly aun el amor que tenía a Kyo, no lelibraban. Pero si no sabía refugiarse enotro ser, sabía liberarse: tenía opio.

Cinco bolitas. Desde hacía algunosaños, se limitaba a ellas, no sin pena; nosin dolor, a veces. Raspó la cabeza de supipa; la sombra de su mano pasó de lapared al techo. Apartó la lámpara algu-nos centímetros; los contornos de la som-bra se perdieron. Los objetos también seperdían: sin cambiar de forma, dejabande ser claros para él, le unían al fondo deun mundo familiar en que una benevo-lente indiferencia confundía todas lascosas —un mundo más verdadero que elotro, por ser más constante, más seme-jante a sí mismo; seguro como una amis-tad, siempre indulgente y siempre recu-perado: formas, recuerdos, ideas. Todo sesumergía con lentitud hacia un universoliberado. Se acordó de una tarde de sep-tiembre en que el gris perfecto del cielotornaba lechosa el agua de un lago, enlos claros de vastos campos de nenúfa-res; desde los cuernos carcomidos de unpabellón abandonado hasta el horizontemagnífico y sombrío, no le llegaba ya másque un mundo penetrado de una melan-colía solemne. Sin agitar su campanilla,un bonzo se había acodado en la rampadel pabellón, abandonando su santuarioal polvo, al perfume de las maderas olo-rosas que ardían; los campesinos pasa-ban en barcas recogiendo los granos denenúfar sin producir el menor ruido; cer-ca de las últimas flores, nacieron del ti-món dos prolongados pliegues, y fuerona perderse en el agua gris, con una extre-ma indolencia. Se perdían ahora en élmismo, recogiendo en su abanico todo elagobio del mundo, pero un agobio sinamargura, llevado por el opio a una pu-reza suprema. Con los ojos cerrados,transportados por las grandes alas inmó-viles, Gisors contemplaba su soledad: unadesolación que se unía a lo divino, almismo tiempo que se ensanchaba [63]hasta lo infinito aquella estela de sereni-dad que recubría suavemente las profun-didades de la muerte.

4 y media de la mañana

Vestidos ya como soldados del go-bierno, con los capotes sobre las espal-das, los hombres descendían, uno a uno,al vapor, balanceados por los remolinosdel río____.X

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— Deux des marins sont du parti. Ilfaudra les interroger: ils doivent savoiroù sont les armes », dit Kyo à Katow.À l’exception des bottes, l’uniformemodifiait peu l’aspect de celui-ci. Savareuse militaire était aussi malboutonnée que l’autre. Mais lacasquette neuve et dont il n’avait pasl’habitude, dignement posée sur soncrâne, lui donnait l’air idiot. «Surprenant ensemble d’une casquetted’officier chinois et d’un nez pareil! »pensa Kyo. Il faisait nuit...

— Mets le capuchon de ton ciré,dit-il pourtant.

La vedette se détacha du quai, pritenfin son élan dans la nuit. Elle disparutbientôt derrière une [74] jonque. Descroiseurs, les faisceaux des projecteursramenés à toute volée du ciel surle p o r t c o n f u s s e c r o i s a i e n tcomme des sabres.

À l’avant, Katow ne quittait pasdu regard le Shan-Tung qui semblaits’approcher peu à peu. En mêmetemps que l’envahissait l’odeur d’eaucroupie, de poisson et de fumée du port(il était presque au ras de l’eau) quiremplaçait peu à peu celle de charbondu débarcadère, le souvenir qu’appelaiten lui l’approche de chaque combatprenait une fois de plus possession deson esprit. Sur le front de Lithuanie (52),son bataillon avait été pris par lesblancs. Les hommes désarmés setenaient à l’alignement dans l’immenseplaine de neige à peine visible au rasde l’aube verdâtre. « Que lescommunistes sortent des rangs! » Lamort, ils le savaient. Les deux tiers dubataillon avaient avancé. « Ôtez vostuniques. » « Creusez la fosse. » Ilsavaient creusé. Lentement, car le solétait gelé. Les gardes blancs, un revol-ver de chaque main (les pellespouvaient devenir des armes), inquietset impatients, attendaient, à droite et àgauche, - le centre vide à cause desmitrailleuses dirigées vers lesprisonniers. Le silence était sans limi-tes, aussi vaste que cette neige à pertede vue. Seuls les morceaux de terregelée retombaient avec un bruit sec deplus en plus précipité: malgré la mort,les hommes se dépêchaient pour seréchauffer. Plusieurs avaientcommencé à éternuer. « Ça va. Halte!» Ils s’étaient retournés. Derrière eux,au-delà de leurs camarades, femmes,enfants et vieillards du village étaientmassés, à peine habillés, enveloppésdans des couvertures, mobilisés pourassister à l’exemple, agitant la têtecomme s’ils se fussent efforcés de nepas regarder, mais fascinés parl’angoisse. « Ôtez vos pantalons! » Car

—Dos de los marinos son del partido.Habrá que interrogarles: deben de saberdónde están las armas —dijo Kyo a Katow.Con excepción de las botas, el uniformemodificaba poco el aspecto de Katow. Sublusa militar aparecía tan mal abrochadacomo la otra; pero la gorra, que era nue-va y a la cual no estaba acostumbrado,dignamente colocada sobre el cráneo, ledaba un aspecto idiota. «¡Sorprendenteconjunto, el de una gorra de oficial chinoy una nariz semejante!» —pensó Kyo. Erade noche...

—Ponte el capuchón del capote —dijo, no obstante.

El vapor se separó del muelle, tomófinalmente impulso en la noche. Bienpronto desapareció, detrás de un junco.De los cruceros, los haces de proyecto-res dirigidos en bandada desde el cielosobre el puerto confuso, se entrecruzabancomo sables.

Mientras avanzaban, Katow no apar-taba la vista del Shang-Tung, que pare-cía aproximarse poco a poco. Al mismotiempo que le invadía el olor del aguacorrompida, del pescado y del humo delpuerto (estaba casi a ras del agua) quesustituía poco a poco el del carbón deldesembarcadero, el recuerdo que acudíaa él al aproximarse cada combate toma-ba posesión una vez más de su espíritu.Sobre el frente de Lituania, su batallónhabía sido apresado por los blancos. Loshombres desarmados estaban alineadosen la inmensa llanura de nieve, apenasvisible al ras del alba verdosa. «—¡Quelos comunistas salgan de las filas!» Lamuerte; lo sabían. Los dos tercios delbatallón habían avanzado. «Quitaos lastúnicas.» «Cavad la fosa.» La habíancavado. Con lentitud, porque estaba he-lado el suelo. Los guardias blancos, conun revólver en cada mano (las palas po-dían convertirse en armas), inquietos eimpacientes, esperaban, a derecha e iz-quierda [64] —el centro vacío a causade que las ametralladoras estaban diri-gidas hacia los prisioneros—. El silen-cio no tenía límites; tan vasto comoaquella nieve, que se perdía de vista.Sólo los trozos de tierra helada caíanproduciendo un ruido seco, cada vez másprecipitado: a pesar de la muerte, loshombres se daban prisa para entrar encalor. Varios habían comenzado a estor-nudar. «—Bueno. ¡Alto!» Se habíanvuelto. Detrás de ellos, más allá de suscamaradas, mujeres, niños, viejos de laaldea estaban amontonados, a mediovestir, envueltos en unas mantas, movi-lizados para que presenciaran aquelejemplo, agitando las cabezas como sise sintiesen obligados a no mirar, perofascinados por la angustia. «—¡Quitaoslos pantalones!» Porque eran escasos los

52 (p. 75). Lithuanie: l’une des trois républiquesbaltes, lesquelles s’opposèrentvigoureusement à l’instauration du régimesoviétique après la révolution d’octobre1917.

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les uniformes étaient [75] rares. Lescondamnés hésitaient à cause desfemmes. « Ôtez vos pantalons! » Lesblessures avaient apparu, une à une,bandées avec des loques lesmitrailleuses avaient tiré très bas etpresque tous étaient blessés auxjambes. Beaucoup pliaient leurspantalons, bien qu’ils eussent jeté leurcapote. Ils s’étaient alignés de nouveau,au bord de la fosse cette fois, face auxmitrailleuses, clairs sur la neige chairet chemises. Saisis par le froid, ilséternuaient sans arrêt, les uns après lesautres, et ces éternuements étaient siintensément humains, dans cette aubed’exécution, que les mitrailleurs, aulieu de tirer, avaient attendu - attenduque la vie fût moins indiscrète. Ilss’étaient enfin décidés. Le lendemainsoir, les rouges reprenaient le village:dix-sept mal mitraillés, dont Katow,avaient été sauvés. Ces ombres clairessur la neige verdâtre de l’aube, trans-parentes, secouées d’éternuementsconvulsifs en face des mitrailleuses,étaient là dans la pluie et la nuitchinoise, en face de l’ombre duShan-Tung.

La vedette avançait toujours: le roulisétait assez fort pour que la silhouettebasse et trouble du vapeur semblât sebalancer lentement sur le fleuve; à pei-ne éclairée elle ne se distinguait que parune masse plus sombre sur le cielcouvert. Sans nul doute, le Shan-Tungétait gardé. Le projecteur d’un croiseuratteignit la vedette, la suivit un instant,l’abandonna. Elle avait décrit unecourbe profonde et venait sur le vapeurpar l’arrière, dérivant légèrement sur sadroite, comme si elle se fût dirigée versle bateau voisin. Tous les hommesportaient le ciré des marins, capuchonrabattu sur leur uniforme. Par ordre dela direction du port, les échelles decoupée de tous les bateaux étaientdescendues; Katow regarda celle duShan-Tung à travers ses jumellescachées par son [76] ciré: elle s’arrêtaità un mètre de l’eau, à peine éclairée partrois ampoules. Si le capitainedemandait l’argent, qu’ils n’avaient pas,avant de les autoriser à monter à bord,les hommes devraient sauter un à un dela vedette; il serait difficile de lamaintenir sous l’échelle de coupée. ___ ____ ______ ___________ ________ ____ ____ Si l’on tentait, du bateau,de la remonter, Katow pourrait tirer sur ceuxqui manoeuvraient le cordage: sous lespoulies, rien ne protégeait. Mais le bateause mettrait en état de défense.

La vedette vira de 90 degrés, arrivasur le Shan-Tung. Le courant, puissant àcette heure, la prenait par le travers; levapeur très haut maintenant (ils étaient

uniformes. Los condenados vacilaban,a causa de las mujeres. «—¡Quitaos lospantalones!» Las heridas habían apare-cido, una a una, vendadas con harapos:las ametralladoras habían disparado muyhacia abajo, y casi todos estaban heri-dos en las piernas. Muchos doblaban lospantalones, aunque habían arrojado elcapote. Se habían alineado de nuevo, alborde de la fosa esta vez, frente a lasametralladoras, destacados sobre la nie-ve: carne y camisas. Invadidos por elfrío, estornudaban sin cesar, unos des-pués de otros, y aquellos estornudos erantan intensamente humanos, en aquelamanecer de ejecución, que losametralladores, en lugar de disparar,habían esperado esperado a que la vidafuese menos indiscreta—. Por fin, sehabían decidido. Al día siguiente por latarde, los rojos recuperaban la aldea:diecisiete, mal ametrallados, entre ellosKatow, fueron salvados. Aquellas som-bras, claras sobre la nieve verdosa delalba, transparentes, sacudidas por losestornudos convulsos frente a las ame-tralladoras, estaban allí, en la lluvia yen la noche china, frente a la sombra delShang-Tung.

El vapor continuaba avanzando: elvaivén era lo bastante fuerte para que lasilueta, baja y turbia, del barco pareciesebalancearse lentamente sobre el río; ape-nas iluminada, sólo se distinguía comouna masa más sombría sobre el cielo cu-bierto. Sin duda alguna, el Shang-Tungestaba guardado. El proyector de un cru-cero alcanzó al vapor, lo observó por uninstante y lo abandonó. Había [65] des-crito una curva profunda y se dirigía ha-cia el barco por la popa, derivando lige-ramente hacia la derecha, como si fuesehacia el barco vecino. Todos los hombresllevaban el capote de los marinos, con elcapuchón bajado sobre el uniforme. Pororden de la dirección del puerto, las es-calas de saltillo de todos los barcos esta-ban echadas; Katow contempló la delShang-Tung, a través de sus gemelos,ocultos bajo su capote: se detenía aun metro del agua, apenas iluminadapor tres luces. Si el capitán pedía eldinero, que ellos no tenían, antes deautorizarles para subir a bordo, loshombres deberían saltar uno a unodel vapor; sería difíci l detenerlosba j o l a esca la de sa l t i l l o*. Tododependería, pues, de aquella pequeñapasarela oblicua. Si desde el barco inten-taban recogerla, podría disparar sobre losque manejaban el cordaje: bajo las po-leas nada les protegía. Pero el barco sepondría en estado de defensa.

El vapor viró 90 grados, llegó so-bre el Shang-Tung. La corriente, po-derosa a aquella hora, le cogía de tra-vés; el vapor, muy alto (estaba al pie

* Abertura amanera de puerta, en el costadode un barco para entrada y salida de perso-nas y cosas. Portalón.

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au pied) semblait partir à toute vitessedans la nuit comme un vaisseau fantôme.Le chauffeur fit donner au moteur de lavedette toute sa force: le Shan-Tungsembla ra len t i r , s ’ immobi l i se r,r e c u l e r. I l s a p p r o c h a i e n t del’échelle de coupée. Katow la saisitau passage; d’un rétablissement, ilse trouva sur le barreau.

— L e d o c u m e n t ? d e m a n d al’homme de coupée.

Katow le donna. L’homme letransmit, resta à sa place revolver aupoing. Il fallait donc que le capitainereconnût son propre document; c’étaitprobable, puisqu’il l’avait reconnulorsque Clappique le lui avaitcommuniqué. Pourtant... Sous lacoupée, la vedette sombre montait etdescendait avec le fleuve.

Le messager revint: « Vous pouvezmonter. » Katow ne bougea pas; l’un deses hommes, qui portait des galons delieutenant (le seul qui parlât anglais),quitta la vedette, monta et suivit lematelot messager, qui le conduisit aucapitaine.

Celui-ci, un Norvégien tondu auxjoues couperosées, l’attendait dans sacabine, derrière son bureau. Lemessager sortit.

— Nous venons saisir les armes, ditle lieutenant en anglais. [77]

Le capitaine le regarda sansrépondre, stupéfait. Les générauxavaient toujours payé les armes; la ven-te de celles-ci avait été négociéeclandestinement, jusqu’à l’envoi del’intermédiaire Tang-Yen-Ta, parl’attaché d’un consulat, contre une justerétribution. S’ils ne tenaient plus leursengagements à l’égard des importateursclandestins, qui les ravitaillerait? Mais,puisqu’il n’avait affaire qu’augouvernement de Shanghaï, il pouvaitessayer de sauver ses armes.

— Well! Voici la clef.

Il fouilla dans la poche intérieure deson veston, calmement, en tira d’uncoup son revolver - à la hauteur de lapoitrine du lieutenant, dont il n’étaitséparé que par la table. Au mêmeinstant, il entendit derrière lui: « Hautles mains! » Katow, par la fenêtreouverte sur la coursive, le tenait en joue.Le capitaine ne comprenait plus, carcelui-là était un Blanc: mais il n’y avaitpas à insister pour l’instant. Les caissesd’armes ne valaient pas sa vie. « Unvoyage à passer aux profits et pertes. »Il verrait ce qu’il pourrait tenter avec son

de él), parecía partir a toda velocidaden la noche, como un buque fantasma.El maquin is ta impulsó a l motortoda s u f u e r z a : e l S hang-Tungpareció aminorar la marcha, inmovilizarse,re t r o c e d e r . S e a c e r c a r o n a l aescala de saltillo*. Katow la agarróal pasar; de un salto, se encontrósobre la escalera.

—¿El documento? —preguntó elhombre del saltillo.

Katow se lo entregó. El hombre lotransmitió y permaneció en su puesto, conel revólver empuñado. Era preciso, pues,que el capitán reconociese su propiodocumento; era probable que lo hubiesehecho, cuando Clappique se lo habíacomunicado. Sin embargo... Bajo elsaltillo, el vapor, sombrío, subía y baja-ba con el movimiento del río.

Volvió el mensajero. «—Puede ustedsubir.» Katow no se movió; uno de sushombres, que llevaba galones de tenien-te (el único que hablaba inglés) abando-nó el vapor, subió y siguió al marineromensajero, que le condujo adonde esta-ba el capitán.

Éste, un noruego rapado, de me-jillas barrosas, le esperaba en sucamarote, detrás de su pupitre. Elmensajero salió. [66]

—Venimos a recoger las armas —dijoel teniente en inglés.

El capitán le miró sin responder, es-tupefacto. Los generales habían paga-do siempre las armas; la venta de éstashabía sido negociada clandestinamen-te, hasta el envío del intermediarioTang-Yen-Ta por el agregado de su con-sulado, contra una justa retribución. Sino cumplían ya sus compromisos res-pecto de los importadores clandestinos,¿quiénes los iban a abastecer? Pero,puesto que no había negocio más queen el gobierno de Shanghai, podía tra-tarse de salvar las armas.

—Well! Aquí está la llave.

Se registró el bolsillo interior de laamericana, tranquilamente, sacó, depronto, su revólver y lo asestó a la altu-ra del pecho del teniente, del que no leseparaba más que la mesa. En el mismoinstante, oyó detrás de él: «¡Arriba lasmanos!» Katow, por la ventana abiertaque daba al callejón de combate, le apun-taba. El capitán ya no comprendía nada,porque aquél era un blanco: pero, por lopronto, no había que insistir. Las cajas dearmas no valían lo que su vida. «Un viajeque habrá de pasar a pérdidas y ganancias.»Vería lo que podía intentar con su equi-

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équipage. Il posa son revolver, que pritle lieutenant.

Katow entra et le fouilla: il n’avaitpas d’autre arme.

— ‘bsolument pas la peined’avoir tant de revolvers à bord pourn’en porter qu’un sur soi », dit-il enanglais. Six de ses hommes entraientderrière lui, un à un, en silence. Ladémarche lourde, l’air costaud, lenez en l’air de Katow, ses cheveuxblonds clairs étaient d’un Russe.Écossais? Mais cet accent...

— Vous n’êtes pas du gouvernement,n’est-ce pas?

— T’occupe pas.

On apportait le second, dûmentficelé par la tête et par les pieds,surpris pendant son sommeil. Leshommes ligotèrent le capitaine.Deux d’entre eux [78] restèrent pourle garder. Les autres descendirentavec Katow. Les hommes d’équipagedu parti leur montrèrent où les ar-mes é ta ient cachées; la seuleprécaution des importateurs deMacao (53)» ava i t é té d’écr i re« Pièces détachées » sur les caisses.Le déménagement commença.L’échelle de coupée abaissée, il futaisé, car les caisses étaient petites. Ladernière caisse dans la vedette, Katowalla démolir le poste de T.S.F., puispassa chez le capitaine.

— Si vous êtes trop pressé dedescendre à terre, je vous préviens quevous serez’bsolument d’scendu aupremier tournant de rue. Bonsoir.

Pure vantardise, mais à quoi lescordes qui entraient dans les bras desprisonniers donnaient de la force.

Les révolutionnaires, accompagnés desdeux hommes de l’équipage qui lesavaient renseignés, regagnèrent la vedette:elle se détacha de la coupée, fila vers lequai, sans détour cette fois. Chahutés parle roulis, les hommes changeaient decostumes, ravis mais anxieux: jusqu’àla berge, rien n’était sûr.

Là les attendait un camion, Kyo assisà côté du chauffeur.

— Alors?

— Rien. Une affaire pour d’butants.

Le transbordement terminé, lecamion partit, emportant Kyo, Katow etquatre hommes, dont l’un avait conser-vé son uniforme. Les autres se

po. Dejó su revólver, que recogió el te-niente.

Katow entró y lo registró: no tenía otraarma.

—No valía la pena, absolutamente,tener tantos revólveres a bordo para nollevar más que uno solo consigo —dijo,en inglés. Seis hombres de los suyos en-traban detrás de él, uno a uno, en silen-cio. El andar pesado, el aspecto recio, lanariz al aire de Katow y sus cabellos, deun rubio claro, eran los de un ruso. ¿Es-cocés? Pero aquel acento...

— U s t e d n o e s d e l g o b i e r n o ,¿verdad?

—No te ocupes de eso.

Llevaban al segundo, debidamen-te atado por la cabeza y por los pies,sorprendido durante su sueño. Loshombres ataron fuertemente al ca-pitán. Dos de ellos se quedaron paravigilarle. Los otros descendieroncon Katow. Los hombres del equipoque eran del partido les enseñaron dón-de estaban escondidas las armas; laúnica precaución de los importadoresde Macao había consistido [67] en es-cribir sobre las cajas: « P i e z a s s u e l -t a s . » E m p e z a r o n a t r a s l a d a r -l a s . Con la escala de saltillo* echada, sehizo con facilidad, pues las cajas eran peque-ñas. Cuando estuvo la última caja en el vapor,Katow fue a destruir el puesto de T.S.H.; lue-go pasó adonde estaba el capitán.

—Si tiene usted demasiada prisa porbajar a tierra, le prevengo que lo bajare-mos del todo al volver la primera esqui-na de una calle. ¡Buenas noches!

Pura fanfarronería; pero las cuerdas,que se introducían en los brazos de losprisioneros, le daban fuerza.

Los revolucionarios, acompañados porlos hombres del equipo que les habían in-formado, volvieron al vapor: éste se apartódel saltillo, se dirigió hacia el muelle sindesviarse esta vez. Sacudidos por el vai-vén, los hombres se cambiaban de traje,encantados pero ansiosos: hasta que llega-sen a la orilla, nada estaba seguro.

Allí les esperaba un camión, con Kyosentado al lado del chófer.

—¿Qué hay?

—Nada. Negocio de principiantes.

Terminado el trasbordo, el camiónpartió, llevándose a Kyo, Katow y cuatrohombres, uno de los cuales había con-servado el uniforme. Los demás se

53 (p. 79). Macao: colonie portugaise en Chinedu Sud, près de Hong-Kong.

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dispersèrent.

Il roulait à travers les rues de la villechinoise avec un grondementqu’écrasait à chaque cahot un tintamarrede fer-blanc: les côtés, près desgrillages, étaient garnis de touques (54)à pétrole. Il s’arrêtait à chaque tchonimportant: boutique, cave, appartement.Une caisse était descendue; fixée aucôté, une [79] note chiffrée de Kyodéterminait la répartition des armes,dont quelques-unes devaient êtredistribuées aux organisations de combatsecondaire. À peine si le camions’arrêtait cinq minutes. Mais il devaitvisiter plus de vingt permanences.

Ils n’avaient à craindre que latrahison: ce camion bruyant, conduit parun chauffeur en uniforme de l’arméegouvernementale, n’éveillait nulleméfiance. Ils rencontrèrent unepatrouille. « Je deviens le laitier qui faitsa tournée », pensa Kyo.

Le jour se levait. [80]

DEUXIÈME PARTIE

22 MARS

11 heures du matin.

« Ça va mal », pensa Ferral. Son auto- la seule Voisin (55)» de Shanghaï, carle Président de la Chambre deCommerce française ne pouvaitemployer une voiture américaine - filaitle long du quai. À droite, sous lesoriflammes verticales couvertes decaractères: « Plus que douze heures detravail par jour. » « Plus de travail desenfants au-dessous de huit ans », desmilliers d’ouvriers des filatures étaientdebout, accroupis, couchés sur letrottoir dans un désordre tendu. L’autodépassa un groupe de femmes, réuniessous la bannière « Droit de s’asseoirpour les ouvrières ». L’arsenal mêmeétait vide: les métallurgistes étaient engrève. À gauche, des milliers demariniers en loques bleues, sansbannières, attendaient accroupis le longdu fleuve. La foule des manifestants seperdait, du côté du quai, jusqu’au fonddes rues perpendiculaires; du côté dufleuve, elle s’accrochait auxappontements, cachait la limite del’eau. La voiture quitta le quai,s’engagea dans l’avenue desDeux-Républiques. À peineavançait-elle [81] encore, encastrée

dispersaron.

Corría a través de las calles de laciudad china, con un ronquido que acada sacudida ahogaba un estrépito delatas: los costados, cerca de los enre-jados, estaban provistos de tambores depetróleo. Se detenía en cada tchon im-portante: tienda, bodega, departamen-to. Una caja era descargada; fija en unlado, una nota cifrada de Kyo determi-naba el reparto de armas, algunas de lascuales debían ser distribuidas a las or-ganizaciones de combate secundarias.Apenas si el camión se detenía unoscinco minutos. Pero tenía que visitarmás de veinte puestos.

No tenían que temer más que la trai-ción: aquel camión ruidoso, conducidopor un chófer con uniforme del ejérci-to gubernamental, no despertaba des-confianza alguna. Encontraron una pa-trulla. «Soy el lechero que hace su re-parto», pensó Kyo.

El día llegaba. [68]

PARTE SEGUNDA

22 de marzo

11 de la mañana

«Esto marcha mal», pensó Ferral.Su auto —el único Voisin de Shanghai,pues el Presidente de la Cámara deComercio francesa no podía emplearun coche americano— corría a lo lar-go del muelle. A la derecha, bajo losestandartes verticales cubiertos derótulos: «No más doce horas de traba-jo al día.» «No más trabajo para los ni-ños menores de ocho años», millares deobreros de las hilanderías estaban en pie,acurrucados sobre la acera, en un desor-den completo. El auto pasó por delantede un grupo de mujeres, reunidas bajoun cartel en que se leía: «Derecho deasiento para las obreras.» Hasta el ar-senal estaba vacío: los metalúrgicos sehallaban en huelga. A la izquierda mi-llares de marineros en harapos azules,sin banderas, esperaban, acurrucados, alo largo del río. La multitud de los ma-nifestantes se perdía, por el lado delmuelle, hasta el fondo de las calles per-pendiculares; por la parte del río, se aga-rraba a los pontones y ocultaba el límitedel agua. El coche abandonó el muelley entró en la avenida de las Dos Repú-blicas. Apenas avanzaba, empotrado,ahora, en el movimiento de la multitud

54 (p. 79). Touques: récipients métalliques defer-blanc.

55 (p. 81). La seule Voisin : à l’époque,automobile française de luxe (du nom deson constructeur).

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maintenant dans le mouvement de lafoule chinoise qui crevait de toutes lesrues vers le refuge de la concessionfrançaise. Comme un cheval de courseen dépasse un autre de la tête, du col,du poitrail, la foule n remontait r l’auto,lentement, constamment. Brouettes àune roue avec des têtes de bébé quipendaient entre des bols, charrettes dePékin (56), pousse-pousse, petitschevaux poilus, voitures à bras,camions chargés de soixantepersonnes, matelas monstrueuxpeuplés de tout un mobilier, hérissésde pieds de table, géants protégeant deleur bras tendu au bout duquel pendaitune cage à merle, des femmes petitesau dos couvert d’enfants... Le chauffeurput enfin tourner, s’engager dans desrues encombrées encore, mais où levacarme du klaxon chassait la foule àquelques mètres en avant de l’auto. Ilarriva aux vastes bâtiments de la policefrançaise. Ferral gravit l’escalierpresque en courant.

En dépit de ses cheveux rejetés enarrière, de son costume chiné, de sachemise de soie grise, son visage gardaitquelque chose de 1900, de sa jeunesse.Il souriait des gens « qui se déguisenten capitaines d’industries (57) », ce quilui permettait de se déguiser endiplomate: il n’avait renoncé qu’aumonocle. Les moustaches tombantes,presque grises, qui semblaient prolongerla ligne tombante de la bouche,donnaient au profil une expression define brutalité; la force était dans l’accorddu nez busqué et du menton presque engaloche, mal rasé ce matin: les employésdes services de distribution d’eau étaienten grève, et l’eau calcaire apportée parles coolies dissolvait mal le savon. Ildisparut au milieu des saluts.

Au fond du bureau de Martial, ledirecteur de la [82] police, un indicateurchinois, hercule paterne, demandait :

— C’est tout, monsieur le Chef?

— Travaillez aussi à désorganiser lesyndicat, répondait Martial, de dos. Etfaites-moi le plaisir d’en finir avec cetravail d’andouille! Vous mériteriezqu’on vous foute à la porte: la moitiéde vos hommes crèvent de complicité!Je ne vous paie pas pour entretenir desquarts-de-révolutionnaires qui n’osentpas dire franchement ce qu’ils sont: lapolice n’est pas une usine à fournir desalibis. Tous les agents qui traficotentavec le Kuomintang, foutezles-moi à laporte, et que je n’aie pas à vous le redire!Et tâchez de comprendre, au lieu de meregarder d’un air idiot! Si je neconnaissais pas mieux la psychologie demes bonshommes que vous celle desvôtres, ce serait du propre!

china, que se volcaba de todas las calleshacia el refugio de la concesión france-sa. Como un caballo de carrera adelantaa otro con la cabeza, el pescuezo, el pe-cho, la multitud «adelantaba» el autolentamente, constantemente. Carretillasde una rueda, [69] con cabezas de bebéque colgaban entre unos tazones; carre-tas de Pekín; pousse-pousse; caballitospeludos; coches de mano; camiones car-gados con sesenta personas; colchonesmonstruosos, poblados de todo un mo-biliario, erizados de patas de mesa; gi-gantes que protegían con sus brazos ex-tendidos, de cuyo extremo pendía unajaula con un mirlo, a mujeres pequeñi-tas, con las espaldas cubiertas de niños...El chófer pudo, por fin, volver aintroducirse en una de las calles, tam-bién llena de gente, pero donde el es-truendo del claxon rechazaba a la mul-titud a algunos metros delante del auto.Llegó a los vastos edificios de la policíafrancesa. Ferral subió la escalera casicorriendo.

A pesar de sus cabellos echados haciaatrás, de su indumentaria chinesca, caside sport, y de su camisa de seda gris, susemblante conservaba algo de 1900, desu juventud. Se sonreía de las gentes «quese disfrazan de capitanes de industria»,lo que le permitía disfrazarse de diplo-mático: no había renunciado más que almonóculo. El bigote caído, casi gris, queparecía prolongar la línea abatida de laboca, daba al perfil una expresión de finabrutalidad; la fuerza estaba en cómo con-cordaban la nariz respingona y el men-tón medio bolsudo, mal afeitado aquellamañana: los empleados de los serviciosde distribución de agua estaban en huel-ga, y el agua calcárea, llevada por loscoolies, disolvía mal el jabón. Desapare-ció en medio de los saludos.

En el fondo del despacho de Martial,director de policía, un indicador chino,hércules paternal, preguntaba: —¿Nadamás, señor Jefe?

—Trabaje también para desorganizar elsindicato —respondía Martial, vuelto deespaldas—. ¡Y hágame el favor de acabarcon ese trabajo estúpido! Merecería us-ted que se le pusiese en la calle: ¡la mitadde sus hombres revientan de complici-dad! Yo no le pago para mantener cua-drillas de revolucionarios que no se atre-ven a decir francamente que lo son: lapolicía no es una fábrica de facilitarcoartadas. A todos los agentes que tra-fiquen con el Kuomintang, échelos us-ted a la calle, y que yo no tenga que vol-ver a decírselo. ¡Y procure usted com-prender, en lugar de mirarme como unidiota! ¡Si yo no conociera [70] la psico-logía de mi gente mejor que usted la dela suya, estaríamos frescos!

56 (p. 82). Charrettes de Pékin : petitescharrettes à deux roues.

57 (p. 82). Capitaines d’industrie (termepéjoratif) : chefs d’entreprise.

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— Monsieur le...

— Réglé. Entendu. Classé.Foutez-moi le camp, et plus vite que ça.Bonjour, monsieur Ferral.

I l v e n a i t d e s e r e t o u r n e r :u n e g u e u l e m i l i t a i r e m o i n ss i g n i f i c a t i v e q u e s e sé p a u l e s .

— Bonjour, Martial. Alors?

— Pour garder la voie ferrée, legouvernement est obligé d’immobiliserdes milliers d’hommes. On ne tient pascontre un pays tout entier, vous savez, àmoins de disposer d’une police commela nôtre. La seule chose sur quoi legouvernement puisse compter, c’est letrain blindé, avec ses instructeursrusses-blancs. Ça, c’est sérieux.

— Une minorité comporte encoreune majorité d’imbéciles. Enfin, soit.

— Tout dépend du front. Ici, ils vontessayer de se révolter. Il va peut-être leuren cuire: car ils sont à peine armés. [83]

Ferral ne pouvait qu’écouter etattendre, ce qu’il détestait le plus aumonde. Les pourparlers engagés parles chefs des groupes anglo-saxons etjaponais, par lui, par certains consulats,avec les intermédiaires dont regorgeaientles grands hôtels des concessions,demeuraient sans conclusion. Cetaprès-midi, peut-être...

Shanghaï aux mains de l’arméerévolutionnaire, il faudrait que leKuomintang choisît enfin entre ladémocratie et le communisme. Lesdémocraties sont toujours de bonsclients. Et une société peut faire desbénéfices sans s’appuyer sur des Traités(58). Par contre, la ville soviétisée, leConsortium FrancoAsiatique - et, aveclui, tout le commerce français deShanghaï - s’écroulait; Ferral pensaitque les puissances abandonneraientleurs nationaux, comme l’Angleterrel’avait fait à Han-Kéou (59). Son butimmédiat était que la ville ne fût pasprise avant l’arrivée de l’armée, que lescommunistes ne pussent rien faire seuls.

— Combien de troupes, Martial, enplus du train blindé?

— Deux mille hommes de police etune brigade d’infanterie, monsieurFerral.

— Et de révolutionnaires capables defaire autre chose que bavarder?

—Señor. . .

—Arreglado. Entendido. Clasifi-cado. Lárguese cuanto antes. Bue-nos días, señor Ferral.

Acababa de volverse: una carita mili-tar de amplias facciones regulares e im-personales, menos significativas que sushombros.

—Buenos días, Martial. ¿Qué hay?

—Para guardar la vía férrea, el go-bierno se ve obligado a inmovilizarmillares de hombres. No se puede ha-cer nada contra un país entero, ¿sabe?,a menos que se disponga de una poli-cía como la nuestra. La única cosa conla cual el gobierno puede contar es conel tren blindado y con sus instructoresblancos. Es una cosa seria.

—Una minoría soporta aún a una ma-yoría de imbéciles. En fin; bien está.

—Todo depende del frente. Aquí vana tratar de sublevarse. Y tal vez les cues-te caro, porque apenas están armados.

Ferral no podía hacer más que escuchary esperar, que era lo que más detestaba enel mundo. Las negociaciones entabladaspor los jefes de los grupos anglosajonesy japoneses, por él y por algunos consu-lados, con los intermediarios de que re-bosan los grandes hoteles de las conce-siones, continuaban sin conclusión.Aquella tarde, quizá...

En manos del ejército revoluciona-rio Shanghai, sería preciso que elKuomintang eligiese al fin entre la de-mocracia y el comunismo. Las democra-cias tienen siempre buenos clientes. Yuna sociedad puede obtener beneficiossin apoyarse en los tratados. Por el con-trario, sovietizada la ciudad, el Consor-cio Franco-asiático —y con él todo elcomercio francés de Shanghai— se de-rrumbaría; Ferral suponía que las poten-cias abandonarían a sus nacionales,como había hecho Inglaterra en Han-Kow. Su objeto inmediato consistía enque la ciudad no fuese tomada antes dela llegada del ejército; en que los comu-nistas no pudiesen hacer nada solos. [71]

—¿Cuántas tropas hay, Martial, ade-más del tren blindado?

—Dos mi l hombres de po l i c í ay una b r igada de i n fan t e r í a , s e -ño r Fe r r a l .

—¿Y de revolucionarios capaces dehacer otra cosa que no sea charlar?

58 (p. 84). Traités: allusion aux «traitésinégaux» (traité de Nankin, 1842; traités deTientsin, 1864...) imposés à la Chine par laforce (« guerres de l’Opium »), et très favo-rables aux intérêts commerciauxoccidentaux.

59 (p. 84). Comme l Angleterre l’avait fait àHan-Kéou : dans cette ville, en janvier 1927,la foule ayant envahi la concessionbritannique, la Grande-Bretagne avaitfinalement accepté que la concessionretombât sous la juridiction chinoise.

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— Armés, quelques centaines à pei-ne... Pour les autres je ne crois pas quece soit la peine d’en parler. Comme iciil n’y a pas de service militaire, ils nesavent pas se servir d’un fusil, nel’oubliez pas. Ces gars-là, en février,étaient deux ou trois mille si l’on compteles communistes... ils sont sans douteun peu plus nombreux maintenant.

Mais, en février, l’armée dugouvernement n’était pas détruite. [84]

— Combien les suivront? repritMartial. Mais tout ça, voyez-vous,monsieur Ferral, ça ne nous avance pasbeaucoup. II faudrait connaître lapsychologie des chefs... Celle deshommes, je la connais un peu. LeChinois, voyez-vous...

Parfois - rarement - Ferral regardaitle directeur comme il le faisait en cemoment; ce qui suffisait à le faire taire.Expression moins de mépris,d’irritation, que de jugement: Ferral nedisait pas, de sa voix cassante et un peumécanique: « Ça va durer longtemps?», mais il l’exprimait. Il ne pouvaitsupporter que Martial attribuât à saperspicacité les renseignements de sesindicateurs.

Si Martial l’eût osé, il eût répondu :« Qu’est-ce que ça peut vous faire? » Ilétait dominé par Ferral et ses rapportsavec lui avaient été établis par des ordresauxquels il ne pouvait que se soumettre;l’autorité intérieure de Ferral étaitbeaucoup plus intense que la sienne;mais il ne pouvait supporter cette inso-lente indifférence, cette façon de leréduire à l’état de machine, de le nierdès qu’il voulait parler en tantqu’individu et non transmettre desrenseignements. Les parlementaires enmission lui avaient parlé de l’action deFerral, avant sa chute, aux Comités dela Chambre. Des qualités qui donnaientà ses discours leur netteté et leur force,il faisait en séance un tel emploi que sescollègues le détestaient chaque annéedavantage: il avait un talent unique pourleur refuser l’existence. Alors qu’unJaurès, un Briand (60), leur conféraientune vie personnelle dont ils étaientsouvent bien privés, leur donnaientl’illusion de faire appel à chacun d’eux,de vouloir les convaincre, de les entraînerdans une complicité où les eût réunis unecommune expérience de la vie et deshommes, Ferral dressait une architecturede faits, et terminait [85] par: « En facede telles conditions, il serait donc,messieurs, de toute évidence absurde...» Il contraignait ou payait. Ça n’avaitpas changé, constatait Martial.

— Et du côté de Han-Kéou? de-

—Armados, algunos centenaresapenas... En cuanto a los demás, nocreo que merezca la pena hablar deellos. Como aquí no hay servicio mi-litar, no saben servirse de un fusil: nolo olvide usted. Esos muchachos, enfebrero, eran dos o tres mil, contandoa los comunistas... Son, sin duda, unpoco más numerosos ahora.

Pero, en febrero, el ejército del gobier-no no estaba destruido.

—¿Cuántos le seguirán? —con-tinuó Martial—. Porque, vea, us-ted, señor Ferral, que con eso noadelantamos mucho. Hay que co-nocer la psicología de los jefes.. .La de los hombres la conozco unpoco. El chino, ya ve usted...

Algunas veces —pocas— Ferralmiraba al director como lo hacía enaquel momento, lo que bastaba parahacerle callar. Expresión menos dedesprecio y de irritación que de jui-cio: Ferral no decía con su voz cortan-te y un poco mecánica: «¿Va a duraresto mucho tiempo?»; pero lo expre-saba. No podía soportar que Martialatribuyese a su perspicacia los infor-mes de sus indicadores.

Si Martial se hubiese atrevido a ello,él habría respondido: «¿Qué es lo que esopuede importarle?» Estaba dominado porFerral, y sus relaciones con él habían sidoestablecidas mediante órdenes a las queno tenía más remedio que someterse;humanamente, incluso, lo considerabamás fuerte que él; pero no podía soportaraquella insolente indiferencia, aquellamanera de reducirle al estado de máqui-na, de negárselo todo en cuanto preten-día hablar como un individuo, y no trans-mitirle los informes. Los parlamentariosen misión le habían hablado de la acciónde Ferral, antes de su caída, en los Comi-tés de la Cámara. Con cualidades queprestaban a sus discursos su claridad y sufuerza, hacía en las sesiones tal empleode ellas, que sus colegas le detestabanmás cada año: tenía un talento único pararefutarles su existencia. Cuando [72] unJaurés o un Briand le conferían una vidapersonal de la que ellos estaban tan fre-cuentemente privados, le daban la ilusiónde hacer llamada a cada uno de ellos, dequerer convencerles, de atraerlos a unacomplicidad en la que les hubiese reuni-do una común experiencia de la vida yde los hombres, Ferral levantaba toda unaarquitectura de hechos y terminaba con:«Frente a tales condiciones, señores, se-ría, pues, de toda evidencia absurdo...»Obligaba o pagaba. Martial comprobabaque aquello no habría cambiado.

—¿Y por la parte de Han-Kow? —

60 (p. 85). Jaurès (1859-1914), Briand(1862-1932) : célèbres hommes politiquesfrançais.

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manda Ferral.

— Nous avons reçu desinformations cette nuit. Il y a là 220000 sans-travail, de quoi faire unenouvelle armée rouge...

Depuis des semaines, les stocksde trois des Compagnies que Ferralcontrôlait pourrissaient à côté duquai somptueux. les cool iesrefusaient tout transport.

Quelles nouvelles des rapportsdes communi s t e s e t deChang-Kaï-Shek?

— Voici son dernier discours,répondit Martial. Moi, vous savez, je necrois guère aux discours...

— J’y crois. À ceux-ci, du moins.Peu importe.

La sonnerie du téléphone. Martialprit le récepteur.

— C’est pour vous, monsieur Ferral.

Ferral s’assit sur la table.

— Allô? Allô oui.

— Il vous tend une perche pour vousassommer avec. Il est hostile àl’intervention, c’est acquis. Il ne s’agitque de savoir s’il vaut mieux l’attaquercomme pédéraste ou affirmer qu’il estpayé. C’est tout.

— Étant bien entendu qu’il n’est nil’un ni l’autre. Au surplus, je n’aime pasqu’un de mes collaborateurs me croiecapable d’attaquer un homme sur unetare sexuelle qu’il présenteraitréellement. Me prenez-vous pour unmoraliste? Au revoir.

Martial n’osait rien lui demander.Que Ferral ne le mît pas au courant deses projets, ne lui dise pas ce [86] qu’ilattendait de ses conciliabules avec lesmembres les plus actifs de la Chambrede commerce internationale, avec leschefs des grandes associations decommerçants chinois, lui paraissait à lafois insultant et frivole. Pourtant, s’il estvexant pour un directeur de la police dene pas savoir ce qu’il fait, il l’est plusencore de perdre son poste. Or Ferral,né dans la République comme dans uneréunion de famille, la mémoire chargée desvisages bienveillants de vieux messieursqui étaient Renan (61), Berthelot (62),Victor Hugo, fils d’un jurisconsulteillustre, agrégé d’histoire à vingt-septans, directeur à vingt-neuf de lapremière histoire collective de laFrance, député très jeune (servi par

preguntó Ferral.

—Hemos recibido informaciones estanoche. Allí hay 220.000 obreros sin tra-bajo, con los cuales se puede hacer unnuevo ejército rojo...

Desde hacía semanas las existenciasde tres de las Compañías que Ferralcontrolaba se pudrían al lado del sun-tuoso muelle: los coolies se negaban arealizar todo transporte.

—¿Qué noticias hay acerca de las re-laciones de los comunistas con ChiangKaishek?

—Ahí está su último discurso —con-testó Martial—. Yo apenas creo en losdiscursos, ¿sabe?...

—Yo, sí. En éste, al menos. Poco im-porta.

El timbre del teléfono. Martial cogióel receptor.

—Es a usted, señor Ferral.

—¿Quién es?... Sí.

—Le t ienden un lazo paradesorientarle. Es hostil a la interven-ción; está convencido. Sólo se tratade saber si es preferible atacarle comopederasta o afirmar que está pagado.Eso es todo.

—Bien entendido que no es ni louno ni lo otro. Además, no me gustaque uno de mis colaboradores me creacapaz de atacar a un hombre a propó-sito de una tara sexual que realmentepresentase. ¿Me toma usted por unmoralista? Adiós.

Martial no se atrevía a preguntarlenada. Que Ferral no le pusiese al corrien-te de sus proyectos, no dijese lo que es-peraba de sus conciliábulos con losmiembros más [73] activos de la cáma-ra de comercio internacional y con losjefes de las grandes asociaciones de co-merciantes chinos, le parecía a la vezinsultante y frívolo. Sin embargo, si esvejatorio para un director de policía nosaber lo que hace, lo es más aún perderel puesto. Ahora bien: Ferral, nacido enla República como en una reunión defamilia, con la memoria repleta de lossemblantes benevolentes de los antiguosseñores que eran Renan, Berthelot yVictor Hugo; hijo de un gran juriscon-sulto; catedrático, por oposición, dehistoria a los veintisiete años; director alos veintinueve, de la primera historiacolectiva de Francia, diputado muy jo-

61 (p. 87). Renan (1823-1892) : écrivainfrançais.

62 (p. 87). Berthelot (1827-1907) : chimiste ethomme politique français.

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l’époque qui avait fait Poincaré, Barthou(63), ministres avant quarante ans),président du ConsortiumFranco-Asiatique, Ferral, malgré sachute politique, possédait à Shanghaïune puissance et un prestige plus grandsque ceux du consul général de France,dont il était, de plus, l’ami. Le directeurétait donc respectueusement cordial. Iltendit le discours.

J’ai dépensé 18 millions de piastresen tout, et pris six provinces, en cinq mois.Que les mécontents cherchent, s’il leurplaît, un autre général en chef qui dépenseaussi peu et fasse autant que moi...

— De toute évidence, la questiond’argent serait résolue par la prise deShanghaï, dit Ferral, les douanes (64)lui donneraient 7 millions de piastres parmois, à peu près ce qu’il faut pourcombler le déficit de l’armée...

— Oui. Mais on dit que Moscou adonné aux commissaires politiquesl’ordre de faire battre leurs proprestroupes devant Shanghaï. L’insurrectionici pourrait alors mal finir...

— Pourquoi ces ordres? [87]

— Pour faire battre Chang-Kaï-Shek, détruire son prestige, et leremplacer par un général communisteà qui reviendrait alors l’honneur de laprise de Shanghaï. II est presque certainque la campagne contre Shanghaï a étéentreprise sans l’assentiment du Comi-té Central de Han-Kéou. Les mêmesinformateurs affirment que l’état-majorrouge proteste contre ce système...

Ferral était intéressé, quoique sceptique.Il continua la lecture du discours :

Déserté par bon nombre de sesmembres, très incomplet, le ComitéCentral exécutif de Han-Kéou entendnéanmoins être l’autorité suprême duParti Kuomintang... Je sais queSun-Yat-Sen a admis les communistespour être des auxiliaires du Parti. Jen’ai rien fait contre eux, et j’ai souventadmiré leur allant. Mais maintenant, aulieu de se contenter d’être desauxiliaires, ils se posent en maîtres,prétendent gouverner le Parti avecviolence et insolence. Je les avertis queje m’opposerai à ces prétentionsexcessives, qui dépassent ce qui a étéstipulé lors de leur admission...

Employer Chang-Kaï-Shek devenaitpossible. Le gouvernement présent nesignifiait rien, que par sa force (il laperdait par la défaite de son armée) etpar la peur que les communistes del’armée révolutionnaire inspiraient à la

ven (servido por la época que había he-cho a Poincaré y a Barthou ministrosantes de los cuarenta años); Presidentedel Consorcio Francoasiático; Ferral, apesar de su caída política, poseía enShanghai una potencia y un prestigio porlo menos iguales a los del cónsul gene-ral de Francia, del cual era, además,amigo. El director, pues, era con él res-petuoso y cordial. Le tendió el discurso.

He gastado 18 millones de piastras entodo, y he tomado seis provincias en cin-co meses. Que los descontentos busquen,si quieren, otro general en jefe que gastetan poco y haga tanto como yo...

—Con toda evidencia, la cuestión deldinero estaría resuelta mediante la tomade Shanghai —dijo Ferral—. Las adua-nas le darían 7 millones de piastras almes, casi lo que hace falta para cubrir eldéficit del ejército.

—Sí, pero se dice que Moscú ha trans-mitido a los comisarios políticos la or-den de que hagan batirse a sus tropas de-lante de Shanghai. La insurrección aquí,podría entonces acabar mal...

—¿Para qué esas órdenes?

—Para hacer derrotar a ChiangKaishek, destruir su prestigio y sustituir-le por un general comunista, a quien co-rrespondería entonces el honor de latoma de Shanghai. Es casi seguro quela campaña contra Shanghai ha sidoemprendida sin el asentimiento delComité Central de Han-Kow. Los mis-mos informadores afirman que el estado ma-yor rojo protesta contra ese sistema... [74]

Ferral era interesado, aunque escépti-co. Continuó la lectura del discurso:

Abandonado por gran número de susmiembros; muy incompleto, el ComitéCentral ejecutivo de Han-Kow entiende,sin embargo, que es la autoridad supre-ma del Partido Kuomintang... Sé queSun-Yat-Sen ha admitido a los comunis-tas como auxiliares del Partido. No hehecho nada contra ellos, y con frecuen-cia he admirado sus bríos. Pero ahora,en lugar de contentarse con ser auxi-liares, se las dan de maestros y preten-den gobernar el Partido con violen-cia e insolencia. Les advierto que meopondré a esas pretensiones exage-radas, que sobrepasan cuanto fue es-tipulado al admitírseles...

Emplear a Chiang Kaishek resul-taba posible. El gobierno presenteno significaba nada, sino a causa de sufuerza (la perdía con la derrota de su ejér-cito) y del miedo que los comunistas delejército revolucionario inspiraban a la

63 (p. 87). Poincaré (1860-1934) fut éluministre en 1893, Barthou (1862-1934) en1894.

64 (p. 87). Les douanes: les douanes chinoisesétaient alors contrôlées par les Occidentauxqui, sur les sommes perçues, prélevaient[retenían] un pourcentage (fixé par les «traités »); le reste était reversé augouvernement chinois. Chang-Kaï-Shekvainqueur, c’est à lui que reviendra l’argentdes douanes (cf. p. 116, 132).

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bourgeoisie. Très peu d’hommes avaientintérêt à son maintien. Derrière Chang,il y avait une armée victorieuse, et toutela petite bourgeoisie chinoise.

— Rien autre? demanda-t-il àhaute voix.

— Rien, monsieur Ferral.

— Merci.

Il descendit l’escalier, rencontra aumilieu une Minerve (65) châtainen tailleur de sport, au superbe mas-que immobile. C’était une Russe duCaucase qui [88] passait pour être àl’occasion la maîtresse de Martial.« Je voudrais bien savoir la tête que tufais quand tu jouis, toi », pensa-t-il.

— Pardon, Madame.

Il la dépassa en s’inclinant, montadans son auto qui commença às’enfoncer dans la foule, à contrecourantcette fois. Le klaxon hurlait en vain,impuissant contre la force de l’exode,contre le bouillonnement millénaire quesoulèvent devant elles les invasions.Petits marchands semblables à des ba-lances, avec leurs deux plateaux au ventet leurs fléaux affolés, carrioles, brouettesdignes des empereurs Tang (66),infirmes, cages, Ferral avançait àcontresens de tous les yeux quel’angoisse faisait regarder en dedans: sisa vie lézardée devait s’effondrer, quece fût donc dans ce vacarme, dans cesdésespoirs ahuris qui venaient battre lesvitres de son auto! De même que blesséil eût médité le sens de sa vie, menacédans ses entreprises il méditait sur elleset sentait de reste où il était vulnérable.II avait trop peu choisi ce combat; ilavait été contraint à entreprendre sesaffaires chinoises pour donner desdébouchés nouveaux à sa productiond’Indochine (67). Il jouait ici une partied’attente: il visait la France. Et il nepouvait plus attendre longtemps.

Sa plus grande faiblesse venait del’absence d’État. Le développementd’affaires aussi vastes était inséparabledes gouvernements. Depuis sa jeunesseencore au Parlement il avait étéprésident de la Société d’Énergieélectrique et d’Appareils, qui fabriquaitle matériel électrique de l’État français;il avait ensuite organisé la transformationdu port de Buenos Aires - toujours ilavait travaillé pour eux. Intègre, de cetteintégrité orgueilleuse qui refuse lescommissions et reçoit les commandes,il avait [89] attendu des colonies d’Asiel’argent dont il avait besoin après sachute: car il ne voulait pas jouer ànouveau, mais changer les règles du jeu.

burguesía. Muy pocos hombres teníaninterés en su mantenimiento. Detrás deChiang estaba un ejército victorioso ytoda la pequeña burguesía china.

—¿Nada más? —pregun tó envoz alta.

—Nada, señor Ferral.

—Gracias.

Bajó la escalera, se encontró ala mitad con una Minerva castañae n t r a j e _____ de sport , con unas o b e r b i a m á s c a r a i n m ó v i l . E r auna rusa del Cáucaso, que pasabapor ser la querida de Martial .

«Quisiera saber la cara que ponescuando gozas» —pensó.

—Perdón, señora.

Siguió adelante, con una inclinaciónsubió en su auto, que comenzó a hundir-se entre la multitud, contra la corriente,esta vez. El claxon aullaba en vano, im-potente contra la fuerza del éxodo, con-tra el bullir milenario que levantan antesí las invasiones. Modestos comercian-tes, como balanzas, con los dos platillosal aire y los balancines enloquecidos,calesines y carretillas dignas de los empe-radores de Tang, enfermos y jaulas, Ferralavanzaba contra todos los ojos a los que1a angustia hacía mirar hacia adentro; sisu vida agrietada debía derrumbarse quefuera [75] en aquella baraúnda, entre aque-llas desesperaciones despavoridas que lle-gaban a golpear los cristales de su auto.Como si, herido, hubiese meditado sobreel sentido de su vida, amenazado en susempresas, meditaba sobre ellas, y sentía,además, en qué punto era vulnerable. Nipor pienso había elegido el combate; sehabía visto obligado a emprender sus ne-gocios chinos para facilitar salidasnuevas a su producción de laIndochina. Jugaba aquí una partida deespera: apuntaba a Francia. Y ya nopodía esperar mucho tiempo.

Su mayor debilidad procedía de laausencia de Estado. El desarrollo de tanvastos negocios era inseparable de losgobiernos. Desde su juventud —todavíaen el Parlamento había sido presidentede la Sociedad de Energía Eléctrica yde Aparatos, que fabricaba el materialeléctrico del Estado francés; despuéshabía organizado la transformación delpuerto de Buenos Aires—, siempre ha-bía trabajado para ellos. integro, con esaintegridad orgullosa que rechaza lascomisiones y recibe los pedidos, ha-bía esperado de las colonias de Asia eldinero que necesitaba después de su caí-da; porque no quería jugar de nuevo, sinocambiar las reglas del juego. Apoyado en

65 (p. 88). Minerve: guerrière déesse de lasagesse.

66 (p. 89). Empereurs Tang: dynastie chinoisequi régna de 618 à 907.

67 (p. 89). Indochine: nom donné aux pays del’Indochine (la Cochinchine, le royaumed’Annam, le Tonkin, le Cambodge, le Laos)colonisés par la France à la fin du xix‘ siècle.

TAILLEUR I. (V. 1180, tailleor). 1. Personne quiconfectionne les vêtements sur mesure pourhommes; personne qui exploite et dirige l'atelieroù on les confectionne, le magasin où l'on reçoitles clients. 2. Loc. EN TAILLEUR. (Par allus.à la manière dont les tailleurs d'autrefoiss'asseyaient pour travailler. - aussi Racornir,cit. 3; sopha, cit. 1). S'asseoir en tailleur :s'asseoir par terre, les jambes à plat sur le solet repliées, les genoux écartés (on dit aussis'asseoir à l'orientale, à la turque). 3. (1895,in D.D.L.). Vieilli. Un costume tailleur (-Emmanchure, cit.; jaquette, cit. 3), ou, mod.(1904, in D.D.L.), un tailleur (- Gainer, cit. 1;prince de galles, cit. 2) : costume de femme,généralement assez ajusté, composé d'unejaquette (ou veste) et d'une jupe de même tissu.II. A. 1. Ouvrier qui taille (2. ou 3.), qui façonnequelque chose par la taille (I., 1. ou 2.). 2.(1170). Mod. Tailleur de pierre (ou de pierres) :ouvrier qui taille les pierres à bâtir. 3. Techn.TAILLEUR DE... B. T. de jeu. Celui qui estchargé de tailler (4.), dans une maison de jeu.III. Tailleur de route : celui qui parcourt delongues distances, qui taille (infra cit. 1) la route(spécialt, en bateau).

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Appuyé sur la situation personnelle deson frère, supérieure à sa fonction dedirecteur du Mouvement Général desFonds (68); demeuré à la tête d’un despuissants groupes financiers français,Ferral avait fait accepter auGouvernement Général de l’Indochine(69) - ses adversaires mêmes n’étaientpas fâchés de lui fournir les moyens dequitter la France - l’exécution de 400millions de travaux publics. LaRépublique ne pouvait refuser au frèrede l’un de ses plus hauts fonctionnairesl’exécution de ce programme civilisa-teur; ce fut une exécution rigoureuse,qui surprit dans ce pays où la combinemême règne avec non chalance. Ferralsavait agir. Un bienfait n’est jamaisperdu : le groupe passa àl’industrialisation de l’Indochine. Peu àpeu apparurent: deux établissements decrédit (foncier et agricole); quatresociétés de culture: hévéas, culturestropicales, cotonnières, sucreries,contrôlant la transformation immédiatede leurs matières premières en produitsmanufacturés; trois sociétés minières:charbonnages, phosphates, mines d’oret une annexe « exploitation des salines» ; cinq sociétés industrielles : éclairageet énergie, électricité, verreries,papeteries, imprimeries; trois sociétésde transports : chalandage, remorquage,tramways. -Au centre, la Société deTravaux publics, reine de ce peupled’efforts, de haine et de papier, mère ousage-femme de presque toutes cessociétés sueurs occupées à vivre deprofitables incestes, sut se faire adjugerla construction du chemin de fr duCentre-Annam dont le tracé l’eût cru? -traversa la plus grande partie desconcessions du groupe Ferral. « Çan’allait pas mal », [90] disait levice-président du conseild’administration à Ferral qui se taisait,occupé à déposer ses millions enescalier pour y monter et surveillerParis.

Même avec le projet d’une nouvellesociété chinoise dans chaque poche, ilne pensait qu’à Paris. Rentrer en Franceassez fort pour acheter l’agence Havas(70) ou traiter avec elle; reprendre le jeupolitique, et, parvenu prudemment auministère, jouer l’union du ministère etd’une opinion publique achetée, contrele Parlement. Là était le pouvoir. Maisil ne s’agissait plus aujourd’hui de sesrêves: la prolifération de ses entreprisesindochinoises avait engagé tout entierle groupe Ferral dans la pénétrationcommerciale du bassin du Yang-Tsé,Chan-Kaï-Shek marchait sur Shanghaïavec l’armée révolutionnaire, la foulede plus en plus dense collait à sesportières. Pas une des sociétéspossédées ou contrôlées en Chine par

la situación personal de su hermano, su-perior a su función de director del Movi-miento General de Fondos; habiendo per-manecido a la cabeza de uno de los po-derosos grupos financieros franceses,Ferral había hecho aceptar al GobiernoGeneral de la Indochina —sus mismosadversarios no tenían inconveniente ensuministrarle medios para queabandonase Francia— la ejecución de400 millones de trabajos públicos. LaRepública no podía rehusar al hermanode uno de sus más altos funcionarios laejecución de aquel programa civilizador;ésta fue excelente, y sorprendió en aquelpaís, donde hasta la combinación reinaen unión de la indolencia. Ferral sabíaobrar. Una buena acción nunca se pier-de: el grupo pasó a la industrializaciónde la Indochina. Poco a poco, fueron apa-reciendo: dos establecimientos de crédi-to (financiero y agrícola); cuatro socie-dades de cultura: hévéas, culturas tropi-cales, algodonerías y azucareras, contro-lando la transformación inmediata de susmaterias primas en productos manufac-turados; [76] tres sociedades mineras:carbón de hulla, fosfatos y minas de oro,y un anexo de «explotación de salinas»;cinco sociedades industriales: alumbra-do y energía, electricidad, fábricas de vi-drio, fábrica de papel e imprentas; tres so-ciedades de transportes: en caballería, deremolque y tranvías. En el centro, la So-ciedad de trabajos públicos, reina deaquel pueblo de esfuerzos, de rencor yde papel, madre o comadrona de casitodas aquellas sociedades hermanas, ocu-padas en vivir mediante provechososincestos, supo hacerse adjudicar la cons-trucción del ferrocarril del Centro deAnnam, cuyo trazado —¿quién lo hubie-ra creído?— atravesó la mayor parte delas concesiones del grupo Ferral. «Estono iba mal» —decía el vicepresidente delconsejo de administración a Ferral, quiencallaba, ocupado en colocar sus millonesformando escala para subir a ella y vigi-lar París.

Hasta con el proyecto de una nuevasociedad china en cada bolsillo, no pen-saba más que en París. Volver a Francialo bastante rico para comprar la agenciaHavas o tratar con ella; reanudar el juegopolítico, y, una vez llegado prudentemen-te al ministerio, jugarse la unión del mi-nisterio y de una opinión pública com-prada contra el Parlamento. Allí estabael poder. Pero ahora ya no se trataba detales sueños: la proliferación de sus em-presas indochinas había embargado porcompleto al grupo Ferral en la penetra-ción comercial de la cuenca del Yang-Tsé;Chiang Kaishek marchaba sobreShanghai con el ejército revolucionario;la multitud, cada vez más densa, se aglo-meraba a sus puertas. No había ni una delas sociedades poseídas o intervenidas en

68 (p. 90). Mouvement Général des Fonds:service du ministère des Finances.

69 (p. 90). Gouvernement Général del’Indochine: : autorité légale, organe exécutifde la France dans la colonie.

70 (p. 91). Agence Havas: importante agencefrançaise d’informations.

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le Consortium Franco-Asiatique quine fût atteinte: celles de constructionsnavales, à Hong-Kong, par l’insécuritéde la navigation; toutes les autres:travaux publics, constructions,électricité, assurances, banques, par laguerre et la menace communiste. Cequ’elles importaient demeurait dansleurs entrepôts de Hong-Kong ou deShanghaï ce qu’elles exportaient dans ceuxde Han-Kéou, parfois sur le quai.

L’auto s’arrêta. Le silence - la foulechinoise est d’ordinaire une des plusbruyantes - annonçait une fin du mon-de. Un coup de canon. L’arméerévolutionnaire, si près? Non: c’était lecanon de midi. La foule s’écarta; l’autone démarra pas. Ferral saisit le tubeacoustique. Pas de réponse: il n’avaitplus de chauffeur, plus de valet.

Il restait immobile, stupéfait, danscette auto immobile que la foulecontournait pesamment. Le [91]boutiquier le plus proche sortit, portantsur l’épaule un énorme volet; il seretourna, faillit briser la vitre de l’auto;il fermait son magasin. À droite, àgauche, en face, d’autres boutiquiers,d’autres artisans sortirent, volet couvertde caractères sur l’épaule: la grèvegénérale commençait.

Ce n’était plus la grève deHong-Kong (71), déclenchée lentement,épique et morne : c’était unemanoeuvre d’armée. Aussi loin qu’ilpût voir, plus un magasin n’étaitouvert. Il fallait partir au plus tôt; ildescendit, appela un pousse. Le cooliene lui répondit pas: il courait à gran-des enjambées vers sa remise, presqueseul maintenant sur la chaussée avecl’auto abandonnée: la foule venait derefluer vers les maisons. « Ils craignentdes mitrailleuses », pensa Ferral. Lesenfants, cessant de jouer, filaient entreles jambes, à travers l’activitépullulante des trottoirs. Silence pleinde vies à la fois lointaines et trèsproches, comme celui d’une forêtsaturée d’insectes; l’appel d’uncro iseur monta pu is se perd it.Ferral marchait vers sa maison aussivite qu’il le pouvait, mains dans lespoches, épaules et menton en avant.Deux sirènes reprirent ensemble, uneoctave plus haut, le cri de celle quivenait de s’éteindre, comme siquelque animal énorme enveloppédans ce silence eût annoncé ainsison approche. La ville entière étaità l’affût.

1 heure après-midi.

Moins cinq, dit Tchen.

China por el Consorcio Francoasiáticoque no fuera afectada; las de construc-ciones navales, en Hong-Kong, por lainseguridad de la navegación; todas lasdemás —trabajos públicos, construccio-nes, electricidad, seguros y bancos—, porla guerra y por la amenaza comunista. Loque importaban se quedaba en sus alma-cenes de Hong-Kong o de Shanghai; loque exportaban, en los de Han-Kow y, aveces, en el muelle.

Él auto se detuvo. El silencio —lamultitud china es, de ordinario, una delas más ruidosas— anunciaba como unfin del mundo. Un cañonazo. ¿El ejérci-to revolucionario, [77] tan cerca? No; erael cañón de las doce. La multitud se apar-tó; el auto no arrancó. Ferral agarró eltubo acústico. No obtuvo respuesta: yano tenía chófer ni ayudante.

Permanecía inmóvil, estupefacto,en aquel auto inmóvil, que la multitudrodeaba pesadamente. El tendero máspróximo salió, con un enorme postigosobre los hombros; se volvió, y faltó pocopara que rompiese el cristal del auto: ce-rraba su almacén. A la derecha, a la iz-quierda y al frente, otros tenderos, otrosartesanos salieron con un postigo cubier-to de caracteres sobre los hombros: lahuelga general comenzaba.

Aquello no era ya la huelga de Hong-Kong, puesta en marcha lentamente, épi-ca y lúgubre: era una maniobra del ejér-cito. A una distancia tan grande como suvista podía alcanzar, no quedaba ya ni unsolo almacén abierto. Había que marchar-se cuanto antes; se apeó y llamó a unpousse. El coolie no le respondió; corríaa grandes zancadas hacia su coche dealquiler, tan solo, a la sazón, sobre la cal-zada, como el auto abandonado: la mul-titud iba a refluir hacia las aceras. «Te-men a las ametralladoras» —pensóFerral—. Los niños, dejando de jugar,huían por entre las piernas de la gente, através de la actividad pululante de lasaceras. Silencio, lleno de vidas, a la vezlejanas y muy próximas, como el de unbosque saturado de insectos; la llamadade un crucero ascendió, se perdió des-pués. Ferral caminaba hacia su casa tande prisa como podía, con las manos enlos bolsillos y los hombros y el mentónechados hacia adelante. Dos sirenas re-anudaron, juntas, una octava más alto, elgrito de la que acababa de extinguirse,como sí un animal enorme, envuelto enaquel silencio, hubiese anunciado así suproximidad. La ciudad entera estabaen acecho .

Una de la tarde

—Menos cinco —dijo Chen.

71 (p. 92). La grève de Hong-Kong : en juin1925. Cf. Les conquérants.

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Les hommes de son groupeattendaient. C’étaient [92] tous desouvriers des filatures, vêtus de toilebleue; il portait leur costume. Tousrasés, tous maigres, tous vigoureux:avant Tchen, la mort avait fait sasélection. Deux tenaient des fusils sousle bras, le canon vers la terre. Septportaient des revolvers du Shan-Tung; un,une grenade; quelques autres en cachaientdans leurs poches. Une trentainetenaient des couteaux, des casse-tête, desba ïonne t tes ; hu i t ou d ix , sansaucune arme, restaient accroupisprès de tas de chiffons, de touquesà pétrole, de rouleaux de fil de fer.Un adolescent examinait commedes graines, de gros clous à têtel a rge qu’ i l t i r a i t d ’un sac : «Sûrement plus hauts que les fers deschevaux... H La cour des Miracles, maissous l’uniforme de la haine et de ladécision.

Il n’était pas des leurs. Malgré lemeurtre, malgré sa présence. S’ilmourait aujourd’hui, il mourrait seul.Pour eux, tout était simple: ils allaient àla conquête de leur pain et de leurdignité. Pour lui... sauf de leur douleuret de leur combat commun, il ne savaitpas même leur parler. Du moins savait-ilque le plus fort des liens est le combat.Et le combat était là.

Ils se levèrent, sacs sur le dos,touques à la main, fil de fer sous le bras.Il ne pleuvait pas encore; la tristesse decette rue vide qu’un chien traversa endeux bonds, comme si quelque instinctl’eût prévenu de ce qui se préparait, étaitaussi profonde que le silence. Cinqcoups de fusil partirent, dans une rueproche: trois ensemble, un autre, unautre encore. « Ça commence », ditTchen. Le silence revint, mais ilsemblait qu’il ne fût plus le même. Unbruit de sabots de chevaux l’emplit,précipité, de plus en plus proche. Et,comme après un tonnerre prolongé ledéchirement vertical de la foudre,toujours sans [93] qu’ils vissent rien, untumulte emplit d’un coup la rue, fait decris emmêlés, de coups de fusil, dehennissements furieux, de chutes; puis,pendant que les clameurs retombéess’étouffaient lourdement sousl’indestructible silence, monta un cri dechien qui hurle à la mort, coupé net: unhomme égorgé.

Au pas de course, ils gagnèrent enquelques minutes une rue plus impor-tante. Tous les magasins étaient clos. Àterre, trois corps; au-dessus, criblé defils télégraphiques, le ciel inquiet quetraversaient des fumées noires; àl’extrémité de la rue, une vingtaine decavaliers (il y avait très peu de cavalerie

Los hombres de su grupo esperaban.Eran todos obreros de las hilanderías,vestidos de azul. Él llevaba su traje.[78] Todos afeitados, todos delgados,todos vigorosos: antes de Chen, lamuerte había hecho su selección. Dostenían sus fusiles bajo el brazo, con elcañón hacia el suelo. Siete llevaban re-vólveres de los de Shang-Tung; uno,una granada; algunos otros las oculta-ban en los bolsillos. Unos treinta lle-vaban cuchillos, mazas y bayonetas;ocho o diez, sin arma alguna, perma-necían agachados junto a un montón detrapos, de latas de petróleo y de rollosde alambre. Un adolescente examina-ba, como si fuesen granos, grandes cla-vos de ancha cabeza que extraía de unsaco. «Seguramente, más grandes quelos de las herraduras de los caba-llos...» La corte de los Milagros,pero bajo el uniforme del odio y de ladecisión.

No era de los suyos. A pesar delasesinato; a pesar de su presencia. Simoría aquel día, moriría solo. Paraellos, todo era sencillo: iban a la con-quista de su pan y de su dignidad.Para él... Salvo de su dolor y de sucombate común, no sabía siquierahablarles. Por lo menos, sabía que elmás fuerte de los lazos es el comba-te. Y el combate estaba allí.

Se levantaron, con los sacos sobre laespalda, las latas en las manos y el alam-bre debajo del brazo. No llovía aún; latristeza de aquella calle vacía, que unperro atravesó en dos saltos, como si al-gún instinto le previniera lo que se pre-paraba, era tan profunda como el silen-cio. Cinco tiros de fusil sonaron en unacalle próxima: tres a un tiempo; luegootro, y otro más. «Esto comienza» —dijoChen—. Se estableció el silencio, peroparecía que ya no fuese el mismo. Lo lle-nó un ruido de pisadas de caballos, pre-cipitado, cada vez más próximo. Y como,después de un trueno prolongado, sobre-viene el desgarramiento vertical del rayo,siempre sin que viesen nada, un tumultollenó de golpe la calle, producido por gri-tos entremezclados, disparos de fusil,relinchos furiosos, caídas; luego, mien-tras los clamores producidos se ahoga-ban pesadamente bajo el indestructiblesilencio, ascendió el grito de un perro,que aulló, recortadamente, a la muerte:un hombre degollado.

A todo correr, ganaron en algunos mi-nutos una calle más importante. Todos losalmacenes estaban cerrados. [79] En elsuelo, tres cuerpos; arriba, acribillado dehilos telegráficos, el cielo inquieto, por elque atravesaban negros humos; al final dela calle, unos veinte jinetes (había muypoca caballería en Shanghai) se revolvían,

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à Shanghaï) tournaient en hésitant sansvoir les insurgés collés au mur avec leursinstruments, le regard fixé sur le manègehésitant des chevaux. Tchen ne pouvaitsonger à les attaquer: ses hommesétaient trop mal armés. Les cavalierstournèrent à droite, atteignirent enfin leposte; les sentinelles pénétrèrenttranquillement derrière Tchen.

Les agents jouaient aux cartes, fusilset Mauser au râtelier. Le sous-officierqui les commandait ouvrit une fenêtre,cria dans une cour très sombre

— Vous tous qui m’écoutez, vous êtestémoins de la violence qui nous est faite.Vous voyez que nous sommes injustementcontraints de céder à la force!

Il allait refermer la fenêtre; Tchen lamaintint ouverte, regarda: personnedans la cour. Mais la face était sauve, etla citation de théâtre avait été faite aubon moment. Tchen connaissait sescompatriotes: puisque celui-là « prenaitle rôle », il n’agirait pas. Il distribua lesarmes. Les émeutiers partirent, tousarmés cette fois : inutile d’occuper lespetits postes de police désarmés. Lespoliciers hésitèrent. Trois se levèrent etvoulurent les suivre. (Peut-êtrepillerait-on...) Tchen eut peine à sedébarrasser [94] d’eux. Les autresramassèrent les cartes etrecommencèrent à jouer.

— S’ils sont vainqueurs, dit l’un,peut-être seronsnous payés ce mois-ci?

— Peut-être... répondit lesous-officier. Il distribua les cartes.

— Mais s’ils sont battus, peut-êtredira-t-on que nous avons trahi?

— Qu’aurions-nous pu faire? Nousavons cédé à la force. Nous sommes toustémoins que nous n’avons pas trahi.

I l s r é f l é c h i s s a i e n t , l e c o uren t ré , cormorans écrasés parla pensée .

— Nous ne sommes pas responsables,dit l’un.

Tous approuvèrent. Ils se levèrentpourtant et allèrent poursuivre leur jeudans une boutique voisine, dont lepropriétaire n’osa pas les chasser. Untas d’uniformes resta seul au milieu duposte.

Joyeux et méfiant, Tchen marchaitvers l’un des postes centraux: « Tout vabien, pensait-il, mais ceux-ci sontpresque aussi pauvres que nous... » LesRusses blancs et les soldats du train blin-

vacilantes, sin ver a los insurgentes,adosados al muro con sus instrumentos,con la mirada fija en el movimiento vaci-lante de los caballos. Chen no podía pen-sar en atacarles; sus hombres estaban de-masiado mal armados. Los jinetes se vol-vieron hacia la derecha y ellos llegaron,por fin, al puesto; los centinelas penetra-ron tranquilamente detrás de Chen.

Los agentes jugaban a los naipes, conlos fusiles y los máuseres en el armero. Elsuboficial que los mandaba abrió una ven-tana y gritó, hacia un patio muy sombrío:

—Todos los que me escuchan sontestigos de la violencia que se nos hahecho. ¡Ya veis que somos injustamen-te obligados a ceder ante la fuerza!

Iba a cerrar de nuevo la ventana; Chenla mantuvo abierta, miró: nadie en el pa-tio. Pero las apariencias estaban cubier-tas y la justificación teatral se había he-cho en un buen momento. Chen conocíaa sus compatriotas: puesto que aquél«aceptaba el papel», no obraría. Distri-buyó las armas. Los amotinados salieron,todos armados esta vez: inútil que se ocu-pasen de los pequeños puestos de policíadesarmados. Los policías vacilaron. Tresse levantaron y quisieron seguirles. (Qui-zás hubiese saqueo...) A Chen le costótrabajo desembarazarse de ellos. Los de-más recogieron los naipes y comenzarona jugar de nuevo.

—Si resultan vencedores —dijouno—, quizá se nos pague este mes.

—Tal vez —respondió el suboficial.Y distribuyó las cartas.

—En cambio, si son vencidos, acasonos digan que hemos hecho traición.

—¿Qué habríamos podido hacer? He-mos cedido ante la fuerza. Todos somostestigos de que no hemos hecho traición.

Reflexionaban, con el cuello recogi-do, como cormoranes aplastados por elpensamiento.

— N o s o m o s r e s p o n s a b l e s— d i j o u n o .

Todos aprobaron. Se levantaron, sinembargo, y fueron [80] a continuar sujuego en una tienda próxima, cuyo pro-pietario no se atrevió a echarlos. Un mon-tón de uniformes quedó solo, en mediodel puesto.

* * *Alegre y desconfiado, Chen camina-

ba hacia uno de los puestos centrales:«Todo va bien —pensaba—, pero éstosson casi tan pobres como nosotros...» Losrusos blancos y los soldados del tren blin-

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dé, eux, se battraient. Les officiers aussi.Des détonations lointaines, sourdescomme si le ciel bas les eût affaiblies,battaient l’air vers le centre de la ville.

À un carrefour, la troupe - tous leshommes armés maintenant, même lesporteurs de touques hésita un instant,chercha du regard. Des croiseurs et despaquebots qui ne pouvaient déchargerleurs marchandises, montaient lesmasses obliques de fumée que le ventlourd dissipait dans le sens de lacourse des insurgés, comme si le cieleût participé à l’insurrection. Lenouveau poste était un ancien hôtelde briques rouges, à un étage; deuxsentinelles, [95] une de chaque côté dela porte, baïonnette au canon. Tchensavait que la police spéciale étaitalertée depuis trois jours, et seshommes brisés par ce guet perpétuel.Il y avait ici des officiers, unecinquantaine de mauseristes (72) de lapolice, bien payés, et dix soldats. Vivre,vivre au moins les huit prochains jours!Tchen s’était arrêté au coin de la rue.Les armes se trouvaient sans doute auxrâteliers du rezde-chaussée, dans lapièce de droite, le corps de garde, quiprécédait le bureau d’un officier; Tchenet deux de ses hommes s’y étaientintroduits plusieurs fois durant lasemaine. Il choisit dix hommes sansfusils, fit cacher les revolvers dans lesblouses, et avança avec eux. Le coinde la rue dépassé, les sentinelles lesregardèrent s’approcher; se défiant detous, elles ne se défiaient plus; desdélégations venaient souvents’entretenir avec l’officier d’ordinairepour lui apporter des pourboires,opération qui demandait beaucoup degaranties et de personnes.

— Pour le lieutenant Shuei-Toun,dit Tchen.

Pendant que huit hommes passaient,les deux derniers, comme poussés parla légère bousculade, se glissaient entreles sentinelles et le mur. Dès que lespremiers furent dans le couloir lessentinelles sentirent contre leurs côtesle canon des revolvers. Elles selaissèrent désarmer: mieux payées queleurs misérables collègues, elles nel’étaient pas assez pour risquer leur vie.Quatre hommes de Tchen qui nes’étaient pas joints au premier groupe,et semblaient passer dans la rue, lesemmenèrent le long du mur. Rienn’avait été visible des fenêtres.

Du couloir, Tchen vit les râteliersgarnis de leurs fusils. Il n’y avait dansle corps de garde que six policiers armésde pistolets automatiques, et ces armes[96] étaient à leur côté, dans les gaines

dado se batirían. Los oficiales, también.Detonaciones lejanas, sordas, como si elcielo bajo las hubiese debilitado, sacudíanel aire hacia el centro de la ciudad.

En una plazuela, la tropa —todos loshombres iban armados ya, incluso losportadores de latas— vaciló un instan-te, buscó algo con la mirada. De los cru-ceros y de los paquebotes, que no po-dían descargar sus mercancías, ascen-dían las masas oblicuas de humo que elviento pesado disipaba en la misma di-rección en que corrían los insurrectos,como si el cielo participase de la insu-rrección. El nuevo puesto era un anti-guo hotel de ladrillo rojo, de un solopiso; dos centinelas, uno a cada lado dela puerta, con la bayoneta calada. Chensabía que la policía especial estaba alertadesde hacía tres días, y sus hombres des-trozados a causa de aquella guardia per-petua. Allí había algunos oficiales, unoscincuenta mauseristas de la policía, bienpagados, y diez soldados. ¡Vivir, vivir,por lo menos durante los ocho días si-guientes! Chen se había detenido en laesquina de la calle. Las armas se encon-traban, sin duda, en los armeros del pisobajo, en la habitación de la derecha —elcuerpo de guardia—, que precedía aldespacho de un oficial. Chen y dos desus hombres se habían introducido allívarias veces, durante aquella semana.Eligió diez hombres sin fusil, les hizoque ocultasen los revólveres en las blu-sas y avanzó con ellos. Pasada la esqui-na de la calle, los centinelas les vieronacercarse; desconfiando de todos, no sedefendían ya; las delegaciones obrerasiban con frecuencia a entrevistarse conel oficial, de ordinario para llevarle pro-pinas, operación que requería muchasgarantías y personas. [81]

—¿El teniente Shuei-Tun? —dijoChen.

Mientras ocho hombres pasaban, losdos últimos, como empujados por la li-gera aglomeración, se deslizaban en-tre los centinelas y el muro. En cuantolos primeros estuvieron en el corredor,los centinelas sintieron contra las cos-tillas los caños de los revólveres. Sedejaron desarmar; aunque mejor paga-dos que sus miserables colegas, no loestaban lo bastante para arriesgar susvidas. Cuatro hombres de Chen, queno se habían unido al primer grupo yparecían pasar por la calle, los condu-jeron a lo largo del muro. Nada habíasido visible desde las ventanas.

Desde el corredor, Chen distinguió losarmeros, provistos de sus fusiles. En elcuerpo de guardia no había más que seispolicías armados con pistolas automáti-cas, y éstas se hallaban a sus lados, ence-

72 (p. 96). Mauseristes : policiers armés d’unMauser (cf. supra, note 29).

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fermées. Il se jeta devant les râteliers,le revolver en avant.

Si les policiers eussent été résolus,l’attaque échouait. Malgré saconnaissance des lieux, Tchen n’avaitpas eu le temps de désigner à chacunde ses hommes celui qu’il devaitmenacer; un ou deux policiers eussentpu tirer. Mais tous levèrent les mains.Aussitôt, désarmés. Un nouveaugroupe des hommes de Tchen entrait..Une nouvelle distribution d’armescommença.

« En ce moment, pensa Tchen, deuxcents groupes, dans la ville, agissentcomme nous. S’ils ont autant dechance... » À peine prenait-il letroisième fusil qu’il entendit venir del’escalier le bruit d’une courseprécipitée: quelqu’un montait encourant. Il sortit. À l’instant où ilfranchissait la porte, un coup de feupartit du premier étage. Mais plus riendéjà. L’un des officiers, en descendant,avait vu les insurgés, tiré de l’escalier,et regagné aussitôt le palier.

Le combat allait commencer. Uneporte, au milieu du palier du premier étage,commandait les marches. Envoyer unparlementaire, à l’asiatique? Tout le bon senschinois qu’il trouvait en lui, Tchen le haïssait.Tenter de prendre l’escalier d’assaut _________ ________? Les policierspossédaient sans doute des grenades àmain. Les instructions du comité militaire,transmises par Kyo à tous les groupes,étaient, en cas d’échec partiel, demettre le feu, de prendre position dansles maisons voisines et de demanderde l’aide aux équipes spéciales. ________________________

— Allumez!

Les hommes aux touquesessayèrent de lancer l’essence à lavolée, mais les ouvertures étroites nelaissaient jaillir que de petits jetsdérisoires. Ils durent la faire coulerlentement, sur les meubles, le [97]long des murs. Tchen regarda par lafenêtre. en face, des magasins fermés,des fenêtres étroites qui commandaientla sortie du poste; au-dessus, les toitspourris et gondolés des maisonschinoises, et le calme infini du ciel grisque ne rayait plus aucune fumée, duciel intime et bas sur la rue vide. Toutcombat était absurde, rien n’existait enface de la vie; il se ressaisit juste àtemps pour voir dégringoler carreauxet croisées, dans un vacarme cristallinmêlé au bruit d’un feu de salve: on tiraitsur eux du dehors.

Seconde salve. Ils étaient maintenant

rradas en sus fundas. Se lanzó hacia losarmeros con el revólver levantado.

Si los policías hubieran sido decidi-dos, el ataque habría fracasado. A pesarde su conocimiento de los lugares, Chenno había tenido tiempo de designar a cadauno de sus hombres a quiénes debíanamenazar; uno o dos policías habríanpodido disparar. Pero todos levantaron lasmanos. Inmediatamente fueron desarma-dos. Entraba un nuevo grupo de hombresde Chen. Comenzó una nueva distribu-ción de armas.

«En este momento —pensó Chen—,doscientos grupos, en la ciudad, obrancomo nosotros. Si tienen suerte...» Ape-nas tomaba el tercer fusil, cuando oyóvenir desde la escalera el ruido de unacarrera precipitada: alguien subía corrien-do. Salió. En el instante en que franquea-ba la puerta, partió un disparo desde elprimer piso. Pero, después, nada más.Uno de los oficiales, al bajar, había vistoa los insurrectos, había disparado desdela escalera y había vuelto inmediatamenteal descanso.

El combate iba a comenzar. Una puer-ta, en medio del descanso del primer piso,dominaba las gradas. ¿Enviar un parla-mento a la asiática? Todo el buen senti-do que encontraba en sí, Chen lo odiaba.Intentar tomar la escalera por asalto eratanto como suicidarse: los policías po-seían, sin duda, granadas de mano. Lasinstrucciones del Comité militar, trans-mitidas por Kyo a todos los grupos, [82]consistían en que, en caso de fracaso par-cial, prendiesen fuego, tomasen posicio-nes en las casas vecinas y pidiesen ayudaa los equipos especiales. Ninguna otracosa se podía hacer.

—¡Prended fuego!

Los hombres con las latas de naftatrataron de arrojarlas a voleo, como elagua de un cubo; pero las estrechas aber-turas no dejaban salir más que unos cho-rros irrisorios. Tuvieron que dejarla co-rrer con lentitud sobre los muebles y alo largo de los muros. Chen miró por laventana: enfrente, almacenes cerrados,unas ventanas estrechas que daban a lasalida del puesto; arriba, los tejados po-dridos y alabeados de las casas chinas yla calma infinita del cielo gris, que noempañaba ningún humo, del cielo ínti-mo y bajo sobre la calle vacía. Todo com-bate era absurdo; nada existía enfrente dela vida; se repuso, justamente en el mo-mento en que vio bajar unos ladrillos yunos vidrios, en un estruendo cristalinounido al ruido de una descarga: dispara-ban sobre ellos desde fuera.

Segunda descarga. A la sazón se ha-

dégringoler caer rodando

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entre les policiers, prêts et maîtres del’étage, et les nouveaux assaillantsqu’ils ne voyaient pas, dans cette pièceoù l’essence ruisselait. Tous leshommes de Tchen étaient à platventre, les prisonniers ficelés dans uncoin. Qu’une grenade éclatât, ilsflambaient. Un des hommes couchésgrogna, désignant une direction dudoigt; un franc-tireur sur un toit; et àl’extrême gauche de la fenêtre, seglissant une épaule en arrière dans lechamp de vision, surgissaientprudemment d’autres irréguliers.C’étaient des insurgés, des leurs.

Ces idiots tirent avant d’avoirenvoyé un éclaireur », pensa Tchen. Ilavait dans sa poche le drapeau bleu duKuomintang. Il l’en tira, se précipitadans le couloir. A l’instant où il sortait,il reçut sur les reins un coup à la foisfurieux et enveloppé, en même tempsqu’un formidable fracas le pénétraitjusqu’au ventre. Il rejeta les bras enarrière, â toute volée, pour se retenir, etse retrouva par terre, à demi assommé.Pas un bruit; puis, un objet de métaltomba et, aussitôt, des gémissementsentrèrent dans le couloir avec la fumée.Il se releva: il n’était pas blessé.Titubant, il referma à demi la porteouverte [98] par l’incompréhensibleexplosion, tendit son drapeau au-dehors,du bras gauche, par l’espace libre uneballe dans la main ne l’eût pas surpris. Maisnon; on criait de joie. La fumée qui sortaitlentement par la fenêtre l’empêchaitde voir les insurgés de gauche; maisceux de droite l’appelaient.

Une seconde explosion faillit denouveau le renverser. Des fenêtres dupremier étage, les policiers assiégéslançaient des grenades (commentpouvaient-ils ouvrir leurs fenêtressans être atteints de la rue?). Lapremière, celle qui l’avait jeté à terre,avait éclaté devant la maison, et leséclats avaient pénétré par la porteouverte et la fenêtre en miettes ,comme si elle eût explosé dans lecorps de garde même; terrifiés parl’explosion, ceux de ses hommes quin’avaient pas été tués avaient sautédehors, mal protégés par la fumée.Sous le tir des policiers des fenêtres,deux étaient tombés au milieu de larue, les genoux à la poitrine, commedes lapins boulés ; un autre, la facedans une tache rouge, semblait saignerdu nez. Les irréguliers, eux, avaientreconnu des leurs; mais le geste deceux d’entre eux qui appelaient Tchenavait fait comprendre aux officiers quequelqu’un allait sortir, et ils avaientlancé leur seconde grenade. Elle avaitéclaté dans la rue, à la gauche deTchen: le mur l’avait protégé.

llaban entre los policías, prevenidos ydueños del piso, y los nuevos asaltantesa quienes no veían, en aquella habitaciónpor donde corría la nafta. Todos los hom-bres de Chen estaban echados boca abajoy tenían a los prisioneros atados en un rin-cón. Que estallase una granada, y arderían.Uno de los hombres que estaban echadosrezongó señalando con el dedo: unfrancotirador en un tejado y, en el ex-tremo izquierdo de la ventana, desli-zándose con un hombro hacia atrásen el campo de la visión, surgíanprudentemente otros irregulares.Eran unos insurrectos; de los suyos.

«Esos idiotas disparan antes de haberenviado un explorador» —pensóChen—. Tenía en el bolsillo la banderaazul del Kuomintang. La sacó y se preci-pitó hacia el corredor. En el instante enque salía, recibió en los riñones un golpea la vez furioso y envuelto, al mismotiempo que un estruendo formidable lepenetraba hasta el vientre. Abrió los bra-zos hacia atrás, hasta donde daban, parasostenerse, y se encontró en el suelo,molido. Cesó el ruido; luego, cayó unobjeto de metal, e inmediatamente entra-ron en el corredor unos gemidos con el[83] humo. Se levantó: no estaba herido.Volvió a cerrar a medias la puerta, abier-ta por la incomprensible explosión, y ten-dió su bandera azul hacia afuera, con elbrazo izquierdo, por el espacio libre: unbalazo en la mano no le habría sorpren-dido. Pero no; gritaban de júbilo. El humoque salía con lentitud por la ventana im-pedía ver a los insurrectos de la izquier-da; pero los de la derecha le llamaban.

Faltó poco para que una segunda ex-plosión le derribase de nuevo. Desde lasventanas del primer piso, los policías si-tiados les lanzaban granadas de mano.(¿Cómo podrían abrir sus ventanas sin seralcanzados desde la calle?) La primera,la que le había arrojado al suelo, habíaestallado delante de la casa, y los cascoshabían entrado por la puerta abierta y porla ventana, pulverizados, como si hubie-sen explotado en el cuerpo de guardiamismo; aterrorizados por la explosiónaquellos de sus hombres que no habíanquedado muertos habían saltado fuera,mal protegidos por el humo. Bajo los dis-paros de los policías desde las ventanas,dos habían caído en medio de la calle,con las rodillas en el pecho, como cone-jos, hechos una bola; otro, con la caraconvertida en una mancha roja, parecíasangrar por la nariz. Los irregulares ha-bían reconocido a los suyos; pero la acti-tud de los que llamaban a Chen habíahecho comprender a los oficiales que al-guien iba a salir, y habían arrojado su se-gunda granada. Había estallado en la ca-lle, a la izquierda de Chen: el muro lohabía protegido.

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Du couloir, il examina le corps degarde. La fumée redescendait duplafond, d’un mouvement courbe etlent. Il y avait des corps par terre: desgémissements emplissaient la pièce, auras du sol, comme des jappements. Dansun coin, un des prisonniers, une jambearrachée, hurlait aux siens: « Ne tirezplus! » Ses cris haletants semblaienttrouer la fumée qui continuait au-dessusde la souffrance sa courbe indifférente,comme une fatalité visible. Cet homme[99] qui hurlait, la jambe arrachée, nepouvait rester ficelé, c’était impossible.Pourtant une nouvelle grenaden’allait-elle pas éclater d’un instant àl’autre? « Ça ne me regarde pas, pensaTchen, c’est un ennemi. » Maisavec un trou de chair au lieu dejambe, mais ficelé. Le sentimentqu’ i l éprouvai t é ta i t beaucoupp lus fo r t que l a p i t i é : i l é t a i tlui-même cet homme ligoté. « Sila grenade éclate dehors, je mejetterai à plat ventre; si elle rouleic i , i l f audra que je l a re je t teaussitôt. Une chance sur vingt dem’en tirer. Qu’est-ce que je fous là?Qu’est-ce que je fous là? » Tué, peuimportait. Son angoisse était d’êtreblessé au ventre; elle lui était pourtantmoins intolérable que la vue de cet êtretorturé et ficelé, que cette impuissancehumaine dans la douleur. __ __ _______________ ____ Il alla vers l’homme, soncouteau à la main, pour couper ses cordes.Le prisonnier crut qu’il venait le tuer; ilvoulut hurler davantage: sa voix faiblit,devint sifflement. _________ ____ Tchenle palpait de sa main gauche à quoi col-laient les vêtements pleins de sanggluant, incapable pourtant de détacherson regard de la fenêtre brisée par oùpouvait tomber la grenade. Il sentit enfinles cordes, glissa le couteauau-dessous, trancha. L’homme ne criaitplus: il était mort ou évanoui. Tchen,le regard toujours fixé sur la fenêtredéchiquetée, revint au couloir. Lechangement d’odeur le surprit; commes’il eût seulement commencé à entendre,il comprit que les gémissements desblessés s’étaient changés, eux aussi, enhurlements: dans la pièce, les débrisimprégnés d’essence, allumés par lesgrenades, commençaient à brûler.

Pas d’eau. Avant la prise du poste parles insurgés, les blessés (maintenant lesprisonniers ne comptaient plus: il nepensait qu’aux siens) seraient [100]carbonisés... Sortir, sortir! D’abordréfléchir, pour faire ensuite le moins degestes possible. Bien qu’il frissonnât,son esprit fasciné par la fuite n’était passans lucidité: il fallait aller à gaucheoù un porche l’abriterait. Il ouvrit laporte de la main droite, la gauche

Desde el corredor, examinó el cuerpode guardia. El humo volvía a bajar deltecho, con un movimiento corvo y lento.Había unos cuerpos en el suelo: unos ge-midos llenaban la estancia, a ras del sue-lo, como ladridos. En el rincón, uno delos prisioneros, con una pierna arranca-da, aullaba a los suyos: «¡No tiréis más!»Sus gritos anhelantes parecían horadar elhumo, que continuaba, por encima delsufrimiento su curva indiferente, comouna fatalidad visible. Aquel hombre queaullaba, con la pierna arrancada, no po-día continuar atado; era imposible. Sinembargo, ¿iría a estallar una nueva gra-nada, de un momento a otro? «Eso a míno me importa —pensó Chen—; es unenemigo.» [84] Pero estaba allí, con unagujero en la carne más allá del muslo,en lugar de la pierna, y además atado. Elsentimiento que experimentaba era mu-cho más fuerte que la lástima: era él mis-mo, aquel hombre atado. «Si la granadaestalla afuera, me arrojaré al suelo bocaabajo; si llega hasta aquí, será preciso quela rechace inmediatamente. Hay una pro-babilidad contra veinte para que me dis-paren. ¿Qué cuerno hago aquí? ¿Quécuerno hago aquí?» Muerto, poco impor-taba. Su angustia era ser herido en el vien-tre; sin embargo, le era aquello menosintolerable que la presencia de aquel tor-turado y atado, de aquella impotenciahumana en el dolor. Sin poder obrar deotro modo, fue hacia el hombre, con elcuchillo en la mano para cortar la cuer-da. El prisionero creyó que iba a matar-lo; quiso aullar más: su voz debilitada seconvirtió en un silbido. Saturado de ho-rror, Chen le palpaba con su mano iz-quierda, a la que se le adherían las ropas,llenas de sangre pegajosa, incapaz, noobstante, de apartar su mirada de la ven-tana rota, por donde podía caer la grana-da. Encontró, por fin, las cuerdas, desli-zó su cuchillo por debajo, y las cortó. Elhombre ya no gritaba, estaba muerto, odesvanecido. Chen, siempre con la mira-da fija en la ventana destrozada, volvióal corredor. El cambio de olor le sorpren-dió; como si sólo hubiese comenzado aentender, comprendió que los gemidos delos heridos se habían cambiado, también,en aullidos: en la habitación, los restosimpregnados de nafta, encendidos por lasgranadas, comenzaban a arder.

No había agua. Antes de la toma delpuesto por los insurrectos, los heridos(ahora ya no contaba con los prisioneros:no pensaba más que en los suyos) queda-rían carbonizados... ¡Salir, salir! Prime-ro, reflexionar, para hacer después losmenores gestos posibles. Aunque temblaba, conla imaginación fascinada por la fuga, no había per-dido la lucidez: era preciso ir hacia la izquierda,donde le protegería un porche. Abrió la puertacon la mano derecha, haciendo seña con

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faisant le signe du silence. Lesennemis, audessus, ne pouvaient pasle voir; seule, l’attitude des insurgéseût pu les renseigner. Il sentait tousles regards des siens fixés sur cetteporte ouverte, sur sa silhouette trapue,bleue sur le fond sombre du couloir.Il commença à se défiler à gauche,collé contre le mur, les bras en croix, lerevolver dans la main droite. Avançantpas à pas, il regardait les fenêtres,au-dessus de lui: l’une était protégée parune plaque de blindage disposée enauvent. En vain les insurgés tiraient surles fenêtres : les grenades étaient lancéespar-dessous cet auvent. « S’ils essaientde lancer, je dois voir la grenade et sansdoute le bras, pensa Tchen, avançanttoujours. Si je la vois, il faut que jel’attrape comme un paquet, et que je larelance le plus loin possible... » Il necessait pas sa marche de crabe. « Je nepourrai pas la lancer assez loin; je vaisrecevoir une poignée d’éclats dans leventre... » Il avançait toujours. L’intenseodeur de brûlé, et l’absence soudained’appui derrière lui (il ne se retournaitpas) lui firent comprendre qu’il passaitdevant la fenêtre du rez-de-chaussée. «Si j’attrape la grenade, je la lance dansle corps de garde avant qu’elle n’éclate.Avec l’épaisseur du mur, en dépassantla fenêtre, je suis sauvé. » Qu’importaitque le corps de garde ne fût pas vide,que s’y trouvât cet homme même dontil avait tranché les cordes, - et sespropres blessés. Il ne voyait pas lesinsurgés, même dans les trous de lafumée, car il ne pouvait quitter l’auventdes yeux: mais il sentait toujours les[101] regards qui le cherchaient, lui:malgré le tir contre les fenêtres, quigênait les policiers, il était stupéfaitqu’ils ne comprissent pas que quelquechose se passait. Il pensa soudain qu’ilspossédaient peu de grenades et qu’ilsobservaient avant de les lancer; aussitôt,comme si cette idée fût née de quelqueombre, une tête apparut sous l’auvent, -cachée aux insurgés, mais pas à lui.Frénétiquement, quittant son attitude dedanseur de corde, il tira au jugé, bonditen avant, atteignit son porche. Une sal-ve partit des fenêtres, une grenadeexplosa à l’endroit qu’il venait dequitter: le policier qu’il avait manquéen tirant, avait hésité avant de passersous l’auvent la main qui tenait lagrenade, craignant une seconde balle.Tchen avait reçu un coup dans le brasgauche: quelque déplacement d’air, àquoi la blessure qu’il s’était faite avecle poignard, avant de tuer Tang-Yen-Ta,était sensible. Elle saignait de nouveau,mais il ne souffrait pas. Serrantdavantage le pansement avec unmouchoir, il rejoignit les insurgés parles cours.

la izquierda de que se guardase silencio.Los enemigos, arriba, no podían verle;sólo la actitud de los insurrectos hubierapodido informarles. Sentía todas lasmiradas de los suyos fijas en aquella puer-ta [85] abierta, sobre su abultada silueta,azul sobre el fondo sombrío del corredor.Comenzó a deslizarse hacia la izquierda,adosado al muro, con los brazos en cruzy el revólver en la mano derecha.. Mien-tras avanzaba, paso a paso, miraba a lasventanas, hacia arriba: una estaba prote-gida por una placa de blindaje, colocadaen forma de cobertizo. _________________________________________________________________ «Si tratan dedisparar debo ver la granada y sin dudael brazo» —pensó Chen, sin dejar deavanzar—. «Si la veo, es preciso que laatrape, como si fuera un paquete, y lavuelva a arrojar lo más lejos posible...»No cesaba en su marcha de cangrejo. «Nopodré lanzarla lo bastante lejos; si noquedo protegido, recibiré unos cuantoscascos en el vientre...» Seguía avanzan-do. El intenso olor a quemado y la au-sencia súbita de apoyo detrás de él (no sevolvía) le hicieron comprender que pa-saba por delante de la ventana del pisobajo. «Si atrapo la granada, la arrojo alcuerpo de guardia antes de que estalle. Conel espesor del muro, una vez pasada laventana, estoy salvado.» ¿Qué importabaque el cuerpo de guardia no estuviese va-cío, que se encontrase allí aquel hombrecuyas cuerdas había cortado, y sus propiosheridos? No veía a los insurrectos, ni aunpor entre los claros del humo, porque nopodía apartar del cobertizo los ojos; perocontinuaba sintiendo las miradas que lebuscaban a él: a pesar de los disparos con-tra las ventanas, que molestaban a los po-licías, estaba estupefacto de que no com-prendiesen que algo pasaba por allí. Pen-só, de pronto, que poseerían pocas grana-das y que observarían, antes de arrojar-las; inmediatamente, como si aquella ideahubiera nacido de una sombra, aparecióuna cabeza bajo el cobertizo —ocultapara los insurrectos, pero no para él—.Frenéticamente, abandonando su actitudde funámbulo, disparó al azar, dio un saltohacia adelante, y alcanzó su porche. Unadescarga partió de las ventanas, una gra-nada explotó en el sitio que él acababade abandonar: el policía, sobre el cualhabía errado el tiro, había vacilado antesde pasar por debajo del cobertizo la manoen que tenía la granada, temiendo un se-gundo disparo. Chen había recibido ungolpe en el brazo izquierdo; algún des-plazamiento de aire, al que la herida quese había hecho con el puñal, antes dematar a Tan-Yen-Ta, [86] era sensible.Sangraba de nuevo, pero no le dolía.Apretándose más el apósito con un pa-ñuelo, se unió a los insurrectos atrave-sando los patios.

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Ceux qui dirigeaient l’attaque étaientréunis dans un passage très sombre.

— Vous ne pouviez pas envoyer deséclaireurs, non?

Le chef du tchon, grand Chinoisrasé aux manches trop courtes,regarda cette ombre qui s’approchait,haussa lentement les sourcils ,résigné.

— J’ai fait téléphoner, répondit-ilsimplement. Nous attendons maintenantun camion blindé.

— Où en sont les autres sections?

— Nous avons pris la moitié despostes.

— Pas plus?

— C’est déjà très bien.

Toutes ces fusillades éloignées,c’étaient les leurs qui convergeaient versla gare du Nord. [102]

Tchen soufflait, comme s’il fût sortide l’eau au milieu du vent. Il s’adossaau mur, dont l’angle les protégeait tous,retrouvant peu à peu sa respiration,pensant au prisonnier dont il avait coupéles liens. « Je n’avais qu’à laisser cetype. Pourquoi être allé couper sescordes, ce qui ne pouvait rien changer?

Maintenant encore, eût-il pu ne pasvoir cet homme qui se débattait, ficelé,la jambe arrachée? À cause de sablessure, il pensa à Tang-Yen-Ta ! Qu’ilavait été idiot toute cette nuit, toute cettematinée! Rien n’était plus simple quede tuer.

Dans le poste, les débris brûlaienttoujours, les blessés hurlaient toujoursdevant l’approche des flammes; leurclameur répétée, constante, résonnaitdans ce passage bas, rendueextraordinairement proche parl’éloignement des détonations, dessirènes, de tous les bruits de guerreperdus dans l’air morne. Un son lointainde ferrailles se rapprocha, les couvrit;le camion arrivait. Il avait été blindépendant la nuit, fort mal: toutes lesplaques jouaient. Sur un coup defrein, le tintamarre cessa, et onentendit de nouveau les cris.

Tchen, qui seul avait pénétré dansle poste, exposa la situation au chefde l’équipe de secours. C’était unancien cadet de Whampoo (73); à sonéquipe de jeunes bourgeois, Tchen eûtpréféré l’un des groupes de Katow. Si,devant ces compagnons morts aumilieu de la rue, genoux au ventre, il

Los que dirigían el ataque se hallabanreunidos en un pasadizo muy oscuro.

—¡ N o p o d r í a i s e n v i a r u n o sexploradores, no!

El jefe del tchon, un chino afeitado,grande, con las mangas muy cortas, con-templó aquella sombra que se le aproxi-maba y levantó lentamente las cejas, re-signado.

—He mandado telefonear —respon-dió, sencillamente—. Ahora esperamosun camión blindado.

—¿Dónde están las otras secciones?

—Hemos tomado la mitad de los pues-tos.

—¿Nada más?

—Ya es bastante...

Todas aquellas descargas lejanas erande los suyos, que convergían hacia la es-tación del Norte.

Chen resoplaba, como si hubiese salidodel agua a pleno viento. Se adosó al muro,cuyo ángulo les protegía a todos, recobran-do poco a poco su respiración, pensandoen el prisionero cuyas ligaduras había cor-tado. «No había más que dejar a aquel tipo.¿Para qué haber ido a cortarle las cuerdas,lo cual no podía hacer que cambiase nada?»Todavía, ahora, ¿hubiera podido no ver aaquel hombre, que se debatía, atado, conla pierna arrancada? A causa de su heri-da pensó en Tan-Yen-Ta. ¡Qué idiota ha-bía sido durante toda aquella noche yaquella mañana! Nada más sencillo quematar.

En el puesto, los escombros continua-ban ardiendo y los heridos aullando antela proximidad de las llamas; su clamorrepetido, constante, resonaba en aquelpasadizo bajo, que se tornaba extraordi-nariamente próximo por el alejamientode las detonaciones, de las sirenas, detodos los ruidos de guerra perdidos en elaire lúgubre. Un sonido lejano deherrajes se acercó, los cubrió: el camiónllegaba. Había sido blindado durante lanoche, aunque muy mal: todas las plan-chas se movían. A causa de haber echa-do el freno, cesó el ruido de los hierros yse oyeron de nuevo los gritos.

Chen, que era el único que había pe-netrado en el [87] puesto, expuso la si-tuación al jefe del equipo de socorro. Eraun antiguo cadete de Whampoo; a suequipo de jóvenes burgueses, Chen hu-biera preferido uno de los grupos deKatow. Si, ante aquellos compañeros,muertos en medio de la calle, con las ro-

73 (p. 103). Un ancien cadet de Whampoo: un élève officier de l’académie militairede Whampoo (près de Canton), créée en1924 (avec l’aide de fonds russes) pourformer les cadres militaires de l’arméenationaliste révolutionnaire.

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ne parvenait pas à se lier totalement àses hommes, il savait qu’en toustemps il haïssait la bourgeoisiechinoise; le prolétariat était du moinsla forme de son espoir.

L’officier connaissait son métier. «Rien à tirer du camion, dit-il, il n’amême pas de toit. Il suffit qu’ils lancentune grenade dedans pour que tout saute;mais j’apporte aussi des grenades. » Leshommes de [103] Tchen qui en portaientétaient dans le corps de garde, morts?et ceux du second groupe n’avaient paspu s’en procurer.

— Essayons par en haut.

— D’accord, dit Tchen.

L’officier le regarda avec irritation:il ne lui avait pas demandé son avis;mais ne dit rien. Tous deux - lui,militaire malgré son costume civil, avecses cheveux en brosse, sa courtemoustache, sa vareuse ajustée par saceinture à revolver, et Tchen, trapu et bleu- examinèrent le poste. À droite de la por-te la fumée des flammes qui s’approchaientdes corps de leurs camarades blesséssortait avec une régularité mécanique,ordonnée comme les cris que leurconstance eût rendus enfantins sans leurtimbre atroce. À gauche, rien. Lesfenêtres du premier étage étaient voilées.De temps à autre, un assaillant tiraitencore sur l’une des fenêtres, etquelques débris allaient grossir sur letrottoir une haute poussière de plâtras,d’échardes, de baguettes, où desmorceaux de v e r r e b r i l l a i e n tmalgré le jour terne. Le poste netirait plus que lorsque l’un desinsurgés quittait sa cachette.

— Où en sont les autres sections?demanda Tchen, de nouveau.

— Presque tous les postes sontpris. Le principal, par surprise, à uneheure et demie. Nous avons saisi làhuit cents fusils. Nous pouvons déjàenvoyer des renforts contre ceux quirésistent: vous êtes la troisièmeéquipe que nous secourons. Eux nereçoivent plus leurs renforts; nousbloquons les casernes, la gare du Sud,l’arsenal. Mais il faut en finir ici:nous avons besoin du plus d’hommespossible pour l’assaut. Et il resterale train blindé.

L’idée des deux cents groupes quiagissaient [104] comme le sien exaltaitet troublait Tchen à la fois. Malgré lafusillade que le vent mou apportait detoute la ville, la violence lui donnait lasensation d’une action solitaire.

dillas en el vientre, no llegaba a unirsetotalmente a sus hombres, sabía que, entodo tiempo, odiaba a la burguesía chi-na; el proletariado era, al menos, la for-ma de su esperanza.

El oficial conocía su oficio. «No sepuede disparar desde el camión —dijo—; ni siquiera tiene techo. Basta con quearrojen dentro una granada para que todosalte; pero también traigo granadas.» Loshombres de Chen que las llevaban esta-ban en el cuerpo de guardia —¿muer-tos?— y los del segundo grupo no habíanpodido procurárselas.

—Probemos por arriba.

—De acuerdo —dijo Chen.

El oficial le miró con irritación:no le había pedido su opinión; perono dijo nada. Ambos —el militar,a pesar de su traje civil, con loscabellos hirsutos, su bigote recortadoy su blusa ajustada por el cinturón delrevólver, y Chen, rechoncho y cárdeno—examinaron el puesto. A la derecha de lapuerta, el humo de las llamas, que seaproximaban a los cuerpos de sus cama-radas heridos, salía con una regularidadmecánica ordenada, como los gritos quesu constancia habría hecho pueriles, sinsu sonido atroz. A la izquierda, nada. Lasventanas del primer piso habían volado.De vez en cuando, unos asaltantes dispa-raban aún sobre una de las ventanas y al-gunos escombros iban a engrosar sobrela acera una elevada polvareda de casco-te, de astillas, de molduras, en la quebrillaban los trozos de vidrio, a pesar deque el día estaba oscuro. El puesto nodisparaba ya más que cuando alguno delos insurrectos abandonaba su escondite.

—¿Dónde están las otras secciones?—preguntó, de nuevo, Chen.

—Casi todos los puestos están toma-dos. El principal, por sorpresa, a la unay media. Allí hemos cogido ochocien-tos fusiles. Ya podemos enviar refuer-zos contra los [88] que se resisten: uste-des forman el tercer equipo a quienessocorremos. Ellos no reciben ya refuer-zos; nosotros estamos bloqueando aho-ra los cuarteles, la estación del Sur, elarsenal. Pero es preciso acabar con esto:necesitamos el mayor número de hom-bres posible para el asalto. Y quedará eltren blindado.

La idea de los doscientos grupos queoperasen como el suyo exaltaba y tur-baba a la vez a Chen. A pesar del tiro-teo, que el viento blando traía desdetoda la ciudad, la violencia le daba lasensación de una acción solitaria.

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Un homme tira du camion unebicyclette, partit. Tchen le reconnutau moment où il sautait en selle :

Ma, l’un des principaux agitateurs.Il partait rendre compte de la situationau Comité Militaire. Typographe, ayantvoué toute sa vie, depuis douze ans, àcréer partout des Unions d’ouvriersimprimeurs, avec l’espoir de groupertous les typographes chinois;poursuivi, condamné à mort, évadé,organisant toujours. Des cris de joie:en même temps que Tchen, leshommes l’avaient reconnu et l’accla-maient. Il les regarda. Le monde qu’ilspréparaient ensemble le condamnait, lui,Tchen, autant que celui de leurs ennemis.Que ferait-il dans l’usine future embusquéderrière leurs cottes bleues?

L’officier distribua des grenades, etdix hommes allèrent par les toits prendreposition sur celui du poste. Il s’agissaitd’employer contre les policiers leurpropre tactique, de faire entrer lesexplosifs par les fenêtres: ellescommandaient la rue, mais non le toit,et une seule était protégée par un auvent.Les insurgés avancèrent de toit en toit,minces sur le ciel. Le poste ne modifiaitpas son tir. Comme si les mourants seulseussent deviné cette approche, les cristout à coup changèrent, devinrent desgémissements. À peine les entendait-onencore. C’était maintenant des crisétranglés de demi-muets. Les silhouettesatteignirent la crête du toit incliné duposte, descendirent peu à peu : Tchenles vit moins bien dès qu’elles ne sedécoupèrent plus sur le ciel. Unhurlement guttural de femme quiaccouche traversa les gémissements quireprirent comme un écho, puiss’arrêtèrent. [105] Malgré le bruit,l’absence soudaine des cris donnal’impression d’un féroce silence: lesflammes avaient-elles atteint les blessés?Tchen et l’officier se regardèrent,fermèrent les yeux pour mieuxécouter. Rien. Chacun, rouvrant lesyeux, rencontra le regard silencieuxde l’autre.

L’un des hommes, accroché à unechimère vernissée du toit, avança sonbras libre au-dessus de la rue, lança sagrenade vers la fenêtre du premier étagequ’il surplombait: trop bas. Elle éclatasur le trottoir. Il en lança une seconde:elle pénétra dans la pièce où setrouvaient les blessés. Des cris jaillirentde la fenêtre atteinte; non! plus les crisde tout à l’heure, mais un hurlementsaccadé à la mort, le sursaut d’unesouffrance pas encore épuisée.L’homme lança sa troisième grenade etmanqua de nouveau la fenêtre.

C’était un des hommes amenés par

Un hombre sacó del camión una bici-cleta y partió. Chen le reconoció en elmomento en que saltaba sobre el sillín:Ma, uno de los principales agitadores.____ _____________ _________ _______ __________ Tipógrafo, había con-sagrado toda su vida, desde hacía doceaños, a crear en todas partes Uniones deobreros impresores, con la esperanza deagrupar a todos los tipógrafos chinos; des-pués de perseguido, condenado a muertey evadido, continuaba organizando. Unosgritos de júbilo: al mismo tiempo queChen, los hombres lo habían reconocidoy le aclamaban. Él los miró. El mundo quepreparaban juntos le condenaba a él, aChen, tanto como el de sus enemigos.¿Qué haría él en la fábrica futura, embos-cado tras de sus trajes azules?

El oficial distribuyó granadas, y diezhombres se fueron por los tejados paratomar posiciones sobre el del puesto. Setrataba de emplear contra los policías supropia táctica, de hacer entrar los explo-sivos por las ventanas: éstas daban a lacalle, pero no al tejado, y una sola esta-ba protegida por un cobertizo. Losinsurrectos avanzaron de tejado en teja-do, menudos sobre el cielo. El puestono modificaba su tiro. Como si sólo losmoribundos hubieran adivinado aquellaproximidad, los gritos cambiaron depronto y se convirtieron en gemidos.Apenas se les oía. Ahora eran gritos aho-gados, casi mudos. Las siluetas llegabanal caballete del tejado inclinado delpuesto y fueron descendiendo poco apoco; Chen los vio con más dificultad,en cuanto dejaron de recortarse sobre elcielo. Un aullido gutural, como de unamujer que da a luz, atravesó los gemi-dos, que se reanudaron, como un eco, yluego se detuvieron. A pesar del ruido,la ausencia súbita de [89] los gritos diola impresión de un feroz silencio: ¿Ha-bían alcanzado las llamas a los heridos?Chen y el oficial se miraron, cerraronlos ojos para escuchar mejor. Nada. Cadauno, al volver a abrir los ojos, se encon-tró de nuevo con la mirada silente delotro.

Uno de los hombres, agarrado a lacornisa _______ del tejado, adelantó elbrazo libre por encima de la calle y arro-jó su granada hacia la ventana del primerpiso, sobre la cual se hallaba: demasiado baja.Estalló sobre la acera. Arrojó un segunda:ésta penetró en la habitación donde seencontraban los heridos. Salieron unosgritos por la ventana; n o y a l o s g r i -t o s d e a n t e s , s i n o u n a u l l i d oentrecortado por la muerte, por el so-bresalto de un sufrimiento aún no agotado.El hombre arrojó su tercera granada y seequivocó, otra vez, de ventana.*

Era uno de los hombres conducidos

* no llegó a, no acertó con

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le camion. Il s’était habilement rejetéen arrière, de crainte des éclats. Ils’inclina de nouveau, le bras levé ter-miné par une quatrième grenade.Derrière lui un des hommes de Tchendescendait. Le bras ne s’abaissa pas:tout le corps fut fauché comme uneénorme boule. Une explosion intenseretentit sur le trottoir; malgré lafumée, une tache de sang d’un mètreapparut sur le mur. La fumée s’écarta.Le mur était constellé de sang et dechair. Le second insurgé, manquantson appui et glissant de tout son poidsle long du toit, en avait arraché lepremier. Tous deux étaient tombéssur leurs propres grenades, dont lacuiller* était dégagée.

De l’autre côté du toit, à gauche, deshommes des deux groupes - bourgeoiskuomintang et ouvriers communistes-arrivaient avec prudence. Devant lachute ils s’étaient arrêtés : maintenant,ils [106] recommençaient à descendretrès lentement. La répression de févrieravait été faite de trop de tortures pourque l’insurrection manquât d’hommesrésolus. À droite, d’autres hommesapprochaient.

Faites la chaîne! » cria Tchen, dubas. Tout près du poste, des insurgésrépétèrent le cri. Les hommes seprirent par la main, le plus élevéentourant fortement de son brasgauche une grosse et solide chimèrede faîte du toit. Le lancement desgrenades reprit. Les assiégés nepouvaient riposter.

En cinq minutes, trois grenadesentrèrent à travers deux fenêtresv i s é e s ; u n e a u t r e f i t sau te rl’auvent . Seule, celle du milieun’était pas atteinte. «Au milieu! » criale cadet. Tchen le regarda. Cet hommeéprouvait à commander la joie d’unsport parfait. À peine se protégeait-il.Il était brave, sans aucun doute, maisil n’était pas lié à ses hommes .Tc h e n é t a i t l i é a u x s i e n s ,ma i s pas a s sez .

Pas assez.

Il quitta le cadet, traversa la ruehors du champ de tir des assiégés. Ilgagna le toit. L’homme quis’accrochait au faîte faiblissait: il leremplaça. Son bras blessé replié surcette chimère de ciment et de plâtre,tenant de sa main droite celle dupremier homme de la chaîne, iln’échappait pas à sa solitude. Le poidsde trois hommes qui glissaient étaitsuspendu à son bras, passait à traverssa poitrine comme une barre. Lesgrenades éclataient à l’intérieur du

por el camión. Se hallaba hábilmenteechado hacia atrás, por temor a las explo-siones. Se inclinó de nuevo, con el brazolevantado, terminado por una cuarta grana-da. Detrás de él, uno de los hombres de Chendescendía. No se abatió el brazo: todo elcuerpo quedó destrozado* como por unaenorme bala de cañón. Una explosiónintensa resonó sobre la acera; a pesar delhumo, una mancha de sangre de un metroapareció sobre el muro. El humo se apar-tó: el muro estaba constelado* de sangrey de carne. El segundo insurrecto porfalta de apoyo y deslizándose con todosu peso a lo largo del tejado, habíaarrancado al primero. Ambos habíancaído sobre sus propias granadas, cu-yas alegras* habían desprendido.

* * *Por el otro lado del tejado, a la dere-

cha, unos hombres de los dos gruposburgueses kuomintang y obreros comu-nistas llegaban con prudencia. Ante lacaída, se habían detenido: ahora comen-zaban a descender de nuevo. La repre-sión de febrero había sido hecha median-te demasiadas torturas para que en lainsurrección faltasen hombres [90] re-sueltos. Por la derecha, otros hombresse aproximaban.

«¡Haced la cadena!» —gritó Chen,desde abajo—. Muy cerca del puesto,unos insurrectos repitieron el grito. Loshombres se dieron unos a otros las ma-nos, rodeando fuertemente, el más alto,con su brazo izquierdo, un sólido orna-mento del tejado. Se reanudó el lanza-miento de las granadas. Los sitiados nopodían responder.

En cinco minutos, entraron tres gra-nadas por las dos ventanas a las que sehabían apuntado; otra hizo que saltaseel cobertizo. Sólo la del centro no eraalcanzada. «¡La del medio!» —gritó elcadete—. Chen le miró. Aquel hombreexperimentaba en el mando el júbilo deun deporte perfecto. Apenas se protegía.Era valiente, sin duda alguna; pero no sehallaba compenetrado con sus hombres.Chen estaba compenetrado con los su-yos, aunque no lo bastante.

No lo bastante.

Abandonó al cadete y atravesó la ca-lle, hasta ponerse fuera del radio de ac-ción de los sitiados. Subió al tejado. Elhombre que se agarraba al saliente sedebilitaba: lo sustituyó. Con su brazoherido replegado sobre aquel adorne decemento y de yeso, sosteniendo con sumano derecha el del primer hombre de lacadena, no escapaba a su soledad. El pesode tres hombres que se deslizaban que-daba suspendido de su brazo y pasaba através de su pecho, como una barra. Lasgranadas estallaban en el interior del

* segado

* sí en DRAE

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poste, qui ne tirait plus. « Noussommes protégés par le grenier,pensa-t-il, mais pas pour longtemps.Le toit sautera. » Malgré l’intimité dela mort, malgré ce poids fraternel quil’écartelait, il n’était pas des leurs. «Est-ce que le sang même est vain?

Le cadet, là-bas, le regardait sanscomprendre. Un [107] des hommes,monté derrière Tchen, lui offrit de leremplacer.

— Bien. Je lancerai moi-même.

Il lui passa cette chaîne de corps.Dans ses muscles exténués, montait undésespoir sans limites. Son visage dechouette aux yeux minces était tendu,absolument immobile; il sentit avecstupéfaction une larme couler le long deson nez. « Nervosité », pensa-t-il. Il tiraune grenade de sa poche, commença àdescendre en s’accrochant aux bras deshommes de la chaîne. Mais après laviolence de l’effort qu’il avait dû fairepour soutenir la chaîne, ses bras luisemblaient mous, lui obéissaient mal.La chaîne prenait appui sur le décorqui terminait le toit sur les côtés. Delà, il était presque impossibled’atteindre la fenêtre du milieu. Arrivéau ras du toit, Tchen quitta le bras dulanceur, se suspendit à sa jambe, puisà la gouttière, descendit par le tuyauvertical: trop éloigné de la fenêtrepour la toucher, il était assez prochepour lancer. Ses camarades nebougeaient plus. Au-dessus durez-de-chaussée, une saill ie luipermit de s’arrêter. Souffrir si peu desa blessure l’étonnait. Tenant de la maingauche l’un des crampons qui maintenaientla gouttière, il soupesa sa premièregrenade, dégoupillée: « Si elle tombe dansla rue, sous moi, je suis mort. » Il la lançaaussi fort que le lui permit sa position: elleentra, éclata à l’intérieur.

En bas, la fusillade reprenait.

Par la porte du poste restée ouverte,les policiers chassés de la dernièrechambre, tirant au hasard, se jetaientdehors dans une bousculade d’aveuglesépouvantés. Des toits, des porches, desfenêtres, les insurgés tiraient. L’un aprèsl’autre les corps tombèrent, nombreuxprès de la porte, puis de plus en plusdispersés. [108]

Le feu cessa. Tchen descendit,toujours pendu à sa gouttière: il nevoyait pas ses pieds, et sauta sur uncorps.

Le cadet entrait dans le poste. Il lesuivit, tirant de sa poche la grenade qu’iln’avait pas lancée. A chaque pas, il

puesto, que ya no disparaba. «Estamosprotegidos por el desván —pensó—; perono por mucho tiempo. El tejado saltará.»A pesar de la intimidad con la muerte; apesar de aquel peso fraternal que ledescuartizaba, no era de los suyos. «¿Aca-so la misma sangre es vana?»

El cadete, desde abajo, le miraba sincomprender. Uno de los hombres, quehabía subido detrás de Chen, le propusosustituirle.

—Bien, lanzaré también yo.

Pasó aquella cadena de cuerpos. Por susmúsculos extenuados, subía una desespe-ración sin límites. Su semblante de lechu-za, de ojos menudos, estaba en tensión, [91]absolutamente inmóvil; sintió con estupe-facción que una lágrima le corría a lo largode la nariz. «La nerviosidad» —pensó—.Sacó una granada del bolsillo y comen-zó a descender, agarrándose a los bra-zos de los hombres de la cadena.___ ________________________ _______ ______ ___________ ________ ____ _____ ___ ____ __________ _____ ___Pero la cadena tenía su apoyo sobre eladorno en que terminaba el tejado a loslados. Desde allí era casi imposible alcan-zar la ventana del medio. Cuando llegó aras del tejado, Chen abandonó el brazo dellanzador, se suspendió de una pierna y lue-go del canalón y descendió por el tubovertical: estaba demasiado alejado dela ventana para poder tocarla, y lo bas-tante cerca para poder disparar. Sus ca-maradas no se movían ya. Por encima delpiso bajo un saliente le permitió detener-se. Que le doliera tan poco la herida leextrañaba. Agarrado con la mano izquier-da a uno de los ganchos que sujetaban elcanalón, sopesó su primera granada:________ «Si cae a la calle, debajo de mí,estoy muerto.» La lanzó con tanta fuerzacomo se lo permitió su posición: entró yestalló en el interior.

Abajo, se reanudaba el tiroteo.

Por la puerta del puesto que había que-dado abierta, los policías, expulsados de laúltima habitación, dispararon al azar, se lan-zaban afuera atropellándose, como ciegosespantados. Desde los tejados, desde losporches, desde las ventanas, disparaban losinsurrectos. Uno tras otro, los cuerpos ca-yeron, muchos cerca de la puerta, y luego,cada vez más dispersados.

El fuego cesó. Chen descendió,siempre agarrándose al canalón: noveía lo que había a sus pies, y saltósobre un cuerpo.

El cadete entraba en el puesto. Le si-guió, sacando del bolsillo la granada queno había lanzado. A cada paso que daba,

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prenait plus violemment conscience queles plaintes des blessés avaient cessé.Dans le corps de garde, rien que desmorts. Les blessés étaient carbonisés.Au premier étage, des morts encore,quelques blessés.

— Maintenant, à la gare du Sud, ditl’officier. Prenons tous les fusils:d’autres groupes en auront besoin.

Les armes furent portées dans lecamion; quand toutes furentrassemblées, les hommes se hissèrentsur la voiture, debout, serrés, assissur le capot, collés aux marchepieds,accrochés à l’arrière. Ceux quirestaient partirent par la ruelle, aupas gymnastique. La grande tache desang abandonnée semblait inex-plicable, au milieu de la rue déserte;au coin, le camion disparaissait,hérissé d’hommes, avec sontintamarre de fer-blanc, vers la garedu Sud et les casernes.

Il dut bientôt s’arrêter: la rue étaitbarrée par quatre chevaux tués, ett rois cadavres déjà désarmés.C’étaient ceux des cavaliers queTchen avait vus au début de lajournée: la première auto blindéeétait arrivée à temps. Par terre, desvitres brisées, mais personne qu’unvieux Chinois à la barbe en pinceau,qui gémissait. Il parla distinctementdès que Tchen s’approcha

— C’est une chose injuste et très tris-te! Quatre! Quatre! hélas!

— Trois seulement, dit Tchen.

— Quatre, hélas! [109]

Tchen regarda de nouveau: il n’yavait que trois cadavres, un sur le côtécomme jeté à la volée, deux sur leventre, entre les maisons mortes aussi,sous le ciel pesant.

— Je parle des chevaux, dit le vieux,avec mépris et crainte: Tchen tenait sonrevolver.

— Moi, des hommes. L’un deschevaux t’appartenait ?

Sans doute les avait-onréquisitionnés ce matin.

— Non. Mais j’étais cocher. Les bêtes, çame connaît. Quatre tués! Et pour rien!

Le chauffeur intervint

— Pour rien?

— Ne perdons pas de temps, dit Tchen.

adquiría más violentamente concienciade que las quejas de los heridos habíancesado. En el cuerpo de guardia no habíamás que muertos. Los heridos aparecíancarbonizados. En el primer piso habíamás muertos y algunos heridos.

—Ahora, a la estación del Sur —dijoel oficial—. Cojamos todos los fusiles:otros grupos los necesitarán.

Las armas fueron llevadas al camión;cuando todas estuvieron recogidas, loshombres subieron al coche, de [92] pie,apretados unos contra otros, sentados so-bre los capotes*, agarrados a los estri-bos, montados en la trasera. Los que que-daban se fueron por las callejuelas, co-rriendo a paso gimnástico. La gran man-cha de sangre abandonada resultaba inex-plicable, en medio de la calle desierta;por la esquina, desaparecía el camión,erizado de hombres, con su estrépitode hierro viejo, hacia la estación delSur y hacia los cuarteles.

Bien pronto tuvo que detenerse: lacalle estaba interceptada por cuatro ca-ballos muertos y tres cadáveres, ya des-armados. Eran los de los jinetes que Chenhabía visto al comienzo de la jornada: elprimer auto blindado había llegado atiempo. En el suelo, unos cristales rotos,y nadie más que un chino viejo, con labarba terminada en punta, que gemía.Habló con toda claridad, en cuanto Chense aproximó:

—¡Esto es una cosa injusta y muy tris-te! ¡Cuatro! ¡Cuatro! ¡Ay!

—Tres solamente —dijo Chen.

—¡Cuatro! ¡Ay!

Chen miró de nuevo: no había más quetres cadáveres, uno de lado, como si hu-biera sido arrojado de voleo, y dos bocaabajo, entre las casas muertas también,bajo el cielo pesado.

—Me refiero a los caballos —dijo elviejo, con desprecio y temor: Chen lle-vaba revólver.

—Yo, a los hombres. ¿Alguno de loscaballos te pertenecía?

Sin duda, habían sido requisados aque-lla mañana.

—No; pero yo era cochero. Las bestias meinteresan. ¡Cuatro muertas!... ¡Y para nada!

El chófer intervino:

—¿Para nada?

—No perdamos tiempo —dijo Chen.

* capós X

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Aidé de deux hommes, il déplaça leschevaux. Le camion passa. Àl’extrémité de la rue, Tchen, assis surl’un des marchepieds, regarda en arrière:le vieux cocher était toujours parmi lescadavres, gémissant sans doute, noirdans la rue grise.

5 heures.

« La gare du Sud est tombée. »

Ferral raccrocha le récepteur.Pendant qu’il donnait des rendez-vous(une partie de la Chambre de CommerceInternationale était hostile à touteintervention, mais il disposait du plusgrand journal de Shanghaï), les progrèsde l’insurrection l’atteignaient l’unaprès l’autre. Il avait voulu téléphonerseul. Il revint vers son studio, où Martialqui venait d’arriver discutait avecl’envoyé de Chang-Kaï-Shek : celui-cin’avait accepté de rencontrer le chef dela police ni à [110] la Sûreté, ni chezlui. Avant même d’ouvrir la porte, Ferralentendit, malgré la fusillade :

— Moi, vous comprenez, jereprésente ici quoi? Les intérêtsfrançais...

— Mais quel appui puis-jepromettre? répondait le Chinois sur unton d’insistance nonchalante. M. leConsul Général lui-même me ditd’attendre de vous les précisi-ons. Parceque vous connaissez très bien notrepays, et ses hommes.

Le téléphone du studio sonna.

— Le Conseil Municipal est tombé,dit Martial.

Et, changeant de ton

— Je ne dis pas que je n’aie pas unecertaine expérience psychologique de cepays, et des hommes en général.Psychologie et action, voilà mon métier;et sur quoi...

— Mais si des individus aussidangereux pour votre pays que pour lenôtre, dangereux pour la paix de lacivilisati-on, se réfugient, commetoujours, sur la concessi-on? La policeinternats-onale...

« Nous y voilà, pensa Ferral quientrait. Il veut savoir si Martial, en casde rupture, laisserait les chefscommunistes se réfugier chez nous. »

— ... nous a promis toute sabienveillance... Que fera la policefrançaise?

Ayudado por dos hombres, apartó loscaballos. El camión pasó. En el extre-mo de la calle, Chen, sentado en unode los estribos, miró hacia atrás: el an-ciano cochero continuaba entre los ca-dáveres, gimiendo sin duda, negro enla calle gris.[ 93]

5 de la tarde

«La estación del Sur ha sido tomada.»

Ferral colgó de nuevo el receptor.Mientras daba unas citas (una parte de laCámara de Comercio Internacional erahostil a toda intervención, pero él dispo-nía del periódico más importante deShanghai), los progresos en la insurrec-ción le alcanzaban, uno después de otro.Había pretendido telefonear solo. Volvióa su estudio donde Martial, que acababade llegar, discutía con el enviado deChiang Kaishek: éste no había accedidoa recibir al jefe de la policía, ni en la di-rección de Seguridad ni en su casa. An-tes de abrir la puerta, Ferral oyó, a pesardel tiroteo:

—Comprenderá usted, yo representoaquí algo muy importante. Los interesesfranceses...

—Pero, ¿qué apoyo puedo prometer-le? —respondía el chino, con una ento-nación de insistencia indolente—. Elmismo señor Cónsul General me dice queespera de usted datos precisos. Porqueusted conoce muy bien a nuestro país y asus hombres.

El teléfono del estudio sonó.

—El Consejo Municipal se ha rendi-do —dijo Martial.

Y, cambiando de tono:

—No niego que tengo cierta ex-periencia psicológica de este país yde los hombres en general. Psicolo-gía y acción: tal es mi oficio; y, res-pecto a...

—Pero si unos individuos tan pe-ligrosos para su país como para elnuestro, peligrosos para la paz de lacivilización, se refugian, como siem-pre, en la concesión... La policía in-ternacional...

«Ya estamos —pensó Ferral, que en-traba—. Pretende saber si Martial, encaso de ruptura, dejaría que los comu-nistas se refugiasen entre nosotros.»

—.. .nos ha prometido toda subenevolencia... ¿Qué hará la policíafrancesa?

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— On s’arrangera. Faites seulementattention à ceci: pas d’histoires avec desfemmes blanches, sauf les Russes. J’ailà-dessus des instructions très fermes.Mais, je vous l’ai dit: rien d’officiel.Rien d’officiel.

Dans le studio moderne - aux murs,des Picasso de la période rose (74), etune esquisse érotique de Fragonard (75)-les interlocuteurs debout se tenaient desdeux côtés d’une très grande Kwannyn(76) en pierre noire, de la dynastie Tang,achetée sur les conseils [111] deClappique et que Gisors croyait fausse.Le Chinois, un jeune colonel au nezcourbe, en civil, boutonné du haut enbas, regardait Martial et souriait, la têtepenchée en arrière.

— Je vous remercie au nom de monparti... Les communistes sont forttraîtres : ils nous trahissent, nous leursfidèles alla-és. Il a été entendu que nouscollaborera-ons ensemble, et que laquesti-on sociale serait posée quand laChine serait unifi-ée. Et déjà ils laposent. Ils ne respectent pas notrecontrat. Ils ne veulent pas faire la Chine,mais les Soviets (77) de l’armée ne sontpas morts pour les Soviets, mais pourla Chine. Les communistes sontcapables de tout. Et c’est pourquoi jedois vous demander, monsieur leDirecteur, si la police française verraitobjecta-on à songer à la sûretépersonnelle du Général.

Il était clair qu’il avait demandé le mêmeservice à la police internationale.

— Volontiers, répondit Martial.Envoyez-moi le chef de votre police.C’est toujours König?

— Toujours. Dites-moi, monsieur leDirecteur avez-vous étudi-é l’histoireromaine?

— Naturellement.

À l’école du soir », pensa Ferral.

Le téléphone, de nouveau. Martialprit le récepteur.

— Les ponts sont pris, dit-il en lereposant. Dans un quart d’heure,l’insurrection occupera la cité chinoise.

— Mon avis, reprit le Chinoiscomme s’il n’eût pas entendu, est quela corrupti-on des moeurs perditl’Empire romain. Ne croyez-vous pasqu’une organisation technique de laprostituti-on, une organisationoccidentale, comme celle de la police,pourrait [112] venir à bout des chefs du

—Todo se arreglará. Presten ustedesatención solamente a esto: nada de líoscon las mujeres blancas, salvo las rusas.Sobre eso tengo instrucciones muy fir-mes. Pero ya se lo he dicho: nada oficial.Nada oficial.

En el estudio moderno —en las pare-des, Picassos del [94] período rosa y unboceto erótico de Fragonard— losinterlocutores, de pie, se hallaban a am-bos lados de una enorme Kwannyn depiedra negra, de la dinastía Tang, com-prada por consejo de Clappique y queGisors consideraba falsa. El chino, uncoronel joven, con la nariz encorvada,vestido de paisano, abotonado de abajoarriba, miraba a Martial y sonreía, con lacabeza inclinada hacia atrás.

—Doy a usted las gracias, en nom-bre de mi partido... Los comunistas sonunos solemnes traidores, nos traicio-nan a nosotros, sus fieles aliados. Seconvino en que colaboraríamos juntos,y la cuestión social se plantearía cuan-do China quedase unificada. Y ya laplantean. No respetan nuestro contra-to. No quieren restablecer la China,sino los Soviets. Los muertos del ejér-cito no han muerto por los Soviets,sino por la China. Los comunistas soncapaces de todo. Por eso es por lo quele pregunto, señor director, si la poli-cía francesa consideraría oportunopensar en la seguridad personal delGeneral.

Estaba claro que había pedido el mis-mo favor a la policía internacional.

—Con mucho gusto —respondióMartial—. Envíeme al jefe de su policía.¿Sigue siendo König?

— S í . D í g a m e , s e ñ o r d i r e c -t o r , ¿ u s t e d h a e s t u d i a d o h i s t o -r i a r o m a n a ?

—Naturalmente.

«En la escuela nocturna», pensó Ferral.

El teléfono, de nuevo. Martial tomóel receptor.

—Los puentes están tomados —dijo,con calma. Dentro de un cuarto de hora lainsurrección ocupará la ciudad ______.

—Mi opinión —prosiguió el chi-no, como si no hubiera oído nada—es que la corrupción de las costum-bres perdió el Imperio romano. ¿Nocree usted que una organización téc-nica de la prostitución y una organi-zación occidental como la de la poli-cía podrían acabar con los jefes del

74 (p. 111). Des Picasso de la période rose :des tableaux de la jeunesse (1904-1906) dePicasso (1881-1973).

75 (p. 111). Fragonard (1732-1806), célèbrepeintre de scènes galantes et libertines.

76 (p. 111). Une Kwannyn : divinitébouddhique.

77 (p. 112). Les Soviets: Conseils de déléguésouvriers et soldats lors de la révolution de1917.

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Han-Kéou, qui ne valent pas ceux del’Empire romain?

— C’est une idée... mais je ne croispas qu’elle soit applicable. II faudrait yréfléchir beaucoup...

— Les Européens ne comprennentjamais de la Chine que ce qui leurressemble.

Un silence. Ferral s’amusait. LeChinois l’intriguait: cette tête rejetée enarrière, presque dédaigneuse, et, enmême temps, cette gêne... « Han-Kéousubmergée sous les trains deprostituées... pensa-t-il. Et il connaît lescommunistes! Et qu’il ait certaineconnaissance de l’économie politiquen’est pas exclu! Étonnant!... » Des so-viets peut-être se préparaient dans laville, et celui-là rêvait aux astucieuxenseignements de l’Empire romain.Gisors a raison, ils cherchent toujoursdes trucs.

Encore le téléphone

— Les casernes sont bloquées, ditMartial. Les renforts du Gouvernementn’arrivent plus.

— La gare du Nord? demandaFerral.

— Pas prise encore.

— Donc, le Gouvernement peutramener des troupes du front?

— Peut-être, monsieur, dit leChinois; ses troupes et ses tanks sereplient sur Nankin. Il peut en envoyerici. Le train blindé peut encorecombattre sérieusement.

— Oui, autour du train et de lagare, ça tiendra, reprit Martial. Toutce qui est pris est organisé au fur et àmesure; l’insurrection a sûrement descadres russes ou européens; lesemployés révolutionnaires de chaqueadministration guident les insurgés. Il ya un comité militaire qui dirige tout. Lapolice entière est désarmée maintenant.Les rouges ont des points derassemblement, d’où les troupes sontdirigées contre les casernes. [113]

— Les Chinois ont un grand sens del’organisation, dit l’officier.

— Comment Chang-Kaï-Shek est-ilprotégé?

— Son auto est toujours précédéede celle de sa garde personnel le . Etn o u s a v o n s n o s i n d i c a t e u r s .Ferral comprit enfin la raison de

Han-Kow, que no valen lo que valíanlos del Imperio romano?

—Es una idea... Pero no creo quesea aplicable. Habría que reflexionarmucho sobre eso... [95]

—Los europeos no comprendennunca a la China, sino por lo que seles asemeja.

Un silencio. Ferral se divertía. Elchino intrigaba: aquella cabeza echa-da hacia atrás, casi desdeñosa, y, almismo tiempo, aquella dificultad...«Han-Kow, sumergido bajo los trenesde prostitutas... —pensó—. Conoce alos comunistas. Y de que tenga unconocimiento exacto de la economíapolítica, no cabe duda. ¡Asombro-so!...» Acaso los Soviets se prepara-sen en la ciudad, y aquél pensaba enlas sagaces enseñanzas del Imperioromano. «Gisors tiene razón; siemprebuscan los trucos.»

Otra vez el teléfono.

—Los cuarteles están bloqueados —dijo Martial—. Los refuerzos del gobier-no no llegan más.

—¿Y la estación del Norte? —pregun-tó Ferral.

—Todavía no ha sido tomada.

—¿Pero el gobierno puede traer tro-pas del frente?

—Tal vez, señor —dijo el chino—; sustropas y sus tanques se repliegan sobreNankín. Puede enviarlas aquí. El trenblindado puede combatir todavía seria-mente.

—Sí; alrededor del tren y de la esta-ción, desde luego —pronuncióMartial—. Todo cuanto se ha tomadoestá organizado poco a poco. Segura-mente, la insurrección tiene cuadros ru-sos y europeos; los empleados revolu-cionarios de cada administración guíana los insurrectos. Hay un comité militarque lo dirige todo. La policía entera estáya desarmada. Los rojos tienen puntosde reunión, desde donde las tropas sondirigidas contra los cuarteles.

—Los chinos tienen un gran sentidode la organización —dijo el oficial.

—¿Cómo está protegido ChiangKaishek?

—Su auto siempre va precedido delde su guardia personal. Y nosotros tene-mos nuestros indicadores.

Ferral comprendió, por fin, la razón

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ce port dédaigneux de la tête, quicommençait à l’agacer (au début, il luisemblait toujours que l’officier,par-dessus la tête de Martial, regardaitson esquisse érotique) : une taie surl’oeil droit l’obligeait à regarder dehaut en bas.

— Suffit pas, répondit Martial. Il fautarranger ça. Le plus tôt sera le mieux.Maintenant, je dois filer: il est questiond’élire le Comité exécutif qui prendrale gouvernement en main. Là, jepourrais peut-être quelque chose.Question aussi de l’élection du préfet,ce qui n’est pas rien...

Ferral et l’officier restaient seuls.

— Donc, monsieur, dit le Chinois,la tête en arrière, nous pouvons dèsmaintenant compter sur vous?

— Liou-Ti-Yu attend, répondit-il.

Chef de l’association des banquiersshanghaïens, président honoraire de laChambre de Commerce chinoise, lié àtous les chefs de ghildes (78), celui-làpouvait agir dans cette cité chinoise quecommençaient sans doute à occuper lessections insurgées mieux encore que Ferraldans les concessions. L’officier s’inclina etprit congé. Ferral monta au premierétage. Dans un coin d’un bureaumoderne orné partout de sculptures deshautes époques chinoises, en costumede toile blanche sur un chandail blanccomme ses cheveux en brosse, sans col,les mains collées aux tubes nickelés deson fauteuil, Liou-Ti-Yu, en effet,attendait. Tout le visage était dans labouche et dans les mâchoires: uneénergique vieille grenouille. [114]

Ferral ne s’assit pas

— Vous êtes résolu à en finir avec lescommunistes. » Il n’interrogeait pas, ilaffirmait. « Nous aussi, de toute évidence.» Il commença à marcher de long enlarge, l’épaule en avant. « Chang-Kaï-Shek est prêt à la rupture. »

Ferral n’avait jamais rencontré laméf iance sur l e v i sage d’unChinois. Celui-ci le croyait-il? Il luitendit une boîte de cigarettes. Cetteboîte, depuis qu’il avait décidé dene plus fumer, était toujours ouvertesur son bureau , comme pouraffirmer la force de son caractère.

« Il faut aider Chang-Kaï-Shek. C’estpour vous une question de vie ou de mort.Il n’est pas question que la situationactuelle se maintienne. À l’arrière del’armée, dans les campagnes, lescommunistes commencent à organiser

de aquella actitud desdeñosa de la cabe-za, que comenzaba a excitarle (al princi-pio le parecía siempre que el oficial, porencima de la cabeza de Martial, mirabasu boceto erótico): una nube en el ojoderecho obligaba al oficial a mirar de arri-ba abajo.

—No basta —respondió Martial—.Hay que arreglar [96] eso. Lo mejor serácuanto antes. Ahora, tengo que salir vo-lando: se trata de elegir el Comité ejecu-tivo que tomará el gobierno en sus ma-nos. Allí quizá pueda hacer algo. Tam-bién se trata de la elección del prefecto,que no es poco...

Ferral y el oficial se quedaron solos.

—Entonces, señor —dijo el chino, conla cabeza hacia atrás—, ¿podemos, des-de ahora, contar con usted?

—Liu-Ti-Yu espera —respondió.

Jefe de la asociación de los banque-ros shanghayeses; presidente honorariode la Cámara de Comercio china; aliadocon todos los jefes de guildas, aquél po-día obrar en aquella ciudad china que, sinduda, comenzaban a ocupar las seccio-nes insurrectas mejor aún que Ferral lasconcesiones. El oficial se inclinó yse despidió. Ferral subió al primer piso.En un rincón de un despacho moderno,adornado por todas partes con esculturasde remotas épocas chinas; con un trajeblanco, sobre un chaleco de punto, blan-co también, como sus cabellos hirsutos;sin cuello; con las manos adheridas a lostubos niquelados de su sillón, Liu-Ti-Yuesperaba, en efecto. Toda su fisonomíaestaba en la boca y en las mandíbulas:una enérgica rana vieja.

Ferral no se sentó.

—Usted está decidido a acabar con loscomunistas —no interrogaba, afirmaba—. Nosotros también, evidentemente. —Comenzó a pasearse por el cuarto, conlos hombros hacia adelante.— ChiangKaishek está dispuesto a la ruptura.

Ferral nunca había encontrado la des-confianza en el semblante de un chino.¿Aquél le creía? Le tendió una caja concigarrillos. Aquella caja, desde que ha-bía decidido no volver a fumar, estabasiempre abierta sobre su mesa, como si,viéndola sin cesar, afirmase la fuerza desu carácter, confirmando así su decisión.

—Hay que ayudar a Chiang Kaishek.Para usted, eso constituye una cuestiónde vida o muerte. No es cosa de que lasituación actual se mantenga. En la reta-guardia del ejército y en el campo, loscomunistas comienzan a organizar las

78 (p. 114). Ghildes (ou guildes): associationsprofessionnelles, destinées à faire bénéficierleurs adhérents (en 1 occurrence, lesmarchands) de conditions commercialesparticulières.

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les Unions paysannes (79). Le premierdécret des Unions sera la dépossessiondes prêteurs (Ferral ne disait pas : desusuriers). L’énorme majorité de voscapitaux est dans les campagnes, le plusclair des dépôts de vos banques estgaranti par les terres. Les sovietspaysans...

— Les communistes n’oseront pasfaire de soviets en Chine.

— Ne jouons pas sur les mots,monsieur Liou. Unions ou soviets, lesorganisations communistes vontnationaliser la terre, et déclarer lescréances illégales. Ces deux mesuressuppriment l’essentiel des garanties aunom desquelles les crédits étrangersvous ont été accordés. Plus d’unmilliard, en comptant mes amis japonaiset américains. Il n’est pas question degarantir cette somme par un commerceparalysé. Et, même sans parler de noscrédits, ces décrets suffisent à fairesauter toutes les banques chinoises. Detoute évidence. [115]

— Le Kuomintang ne laissera pasfaire.

— Il n’y a pas de Kuomintang. Il y ales bleus et les rouges. Ils se sont entendusjusqu’ici, mal, parce que Chang-Kaï-Shek n’avait pas d’argent. Shanghaïprise, demain, Chang-Kaï-Shek peutpresque payer son armée avec lesdouanes. Pas tout à fait. Il compte surnous. Les communistes ont prêchépartout la reprise des terres. On dit qu’ilss’efforcent de la retarder : trop tard. Lespaysans ont entendu leurs discours, etils ne sont pas membres de leur parti.Ils feront ce qu’ils voudront.

— Rien ne peut arrêter lespaysans, que la force. Je l’ai déjà dità M. le Consul Général de Grande-Bretagne.

Retrouvant presque le ton de sa voixdans celui de son interlocuteur, Ferraleut l’impression qu’il le gagnait.

— Ils ont essayé déjà de reprendredes terres. Chang-Kaï-Shek est résolu àne pas les laisser faire. Il a donné l’ordrede ne toucher à aucune des terres quiappartiennent à des officiers ou à desparents d’officiers. Il faut...

— Nous sommes tous parentsd’officiers. Liou sourit. Y a-t-il uneseule terre en Chine dont le propriétairene soit parent d’officier?...

Ferral connaissait le cousinagechinois.

Uniones campesinas. El primer decretode [97] las Uniones será la desposesiónde los prestamistas (Ferral no decía losusureros). La enorme mayoría de sus ca-pitales están en los campos; el más sa-neado de los depósitos de sus bancos estágarantizado por sus tierras. Los sovietscampesinos...

—Los comunistas no se atreverán aformar soviets en China.

—No juguemos con la palabra, se-ñor Liu. Uniones o soviets, las orga-nizaciones comunistas van a naciona-lizar la tierra y a declarar ilegales loscréditos. Estas dos medidas suprimenlo esencial de las garantías, en nom-bre de las cuales les han sido conce-didos los créditos extranjeros. Más demil millones, contando a mis amigosjaponeses y americanos. No es cosade garantizar esta suma con un comer-cio paralizado. Y aun sin hablar denuestros créditos, esos decretos bas-tan para que quiebren todos los ban-cos chinos. Evidente.

—El Kuomintang no dejará que sehaga eso.

—No hay Kuomintang. Hay azulesy rojos. Hasta aquí han colaborado,aunque mal, porque Chiang Kaishekno tenía dinero. Tomada Shanghaimañana, Chiang Kaishek casi puedepagar su ejército con las aduanas. Nopor completo. Cuenta con nosotros. Loscomunistas han predicado por todas par-tes la vuelta a la posesión de las tierras.Se dice que se esfuerzan por retrasarlo:demasiado tarde. Los campesinos hanoído sus discursos, y no son miembrosde su partido. Harán lo que quieran.

—Nada puede detener a los campesi-nos, como no sea la fuerza. Ya se lo hedicho al señor Cónsul General de la GranBretaña.

Encontrando casi el tono de su voz enel de su interlocutor, Ferral recibió laimpresión de que le ganaba.

—Ya han tratado de recuperar lastierras. Chiang Kaishek está dispuestoa no dejarles obrar. Ha dado orden deque no se toque ninguna de las tierrasque pertenecen a oficiales o a parien-tes de oficiales. Es preciso...

—Todos nosotros somos parientes de oficiales.Liu sonrió.«¿Existe una sola tierra en China cuyo propie-

tario no sea pariente de un oficial?...» [98]

Fer ra l conocía e l parentescochino.

79 (p. 115). Unions paysannes, Unionsouvrières (p. 138) : syndicats.

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Encore le téléphone.

— L’arsenal es t b loqué , d i tFer ra l . Tous les établissementsgouvernementaux sont pris. L’arméerévolutionnaire sera à Shanghaï demain.Il faut que la question soit résoluemaintenant. Comprenez-moi bien. À lasuite de la propagande communiste, denombreuses terres ont été prises à leurspropriétaires; Chang-Kaï-Shek doitl’accepter ou donner l’ordre de fairefusiller ceux qui les ont prises. Le [116]gouvernement rouge de Han-Kéou nepeut accepter un tel ordre.

— Il temporisera.

— Vous savez ce que sont devenuesles actions des sociétés anglaises aprèsla prise de la concession anglaise deHan-Kéou. Vous savez ce que deviendravotre situation lorsque des terres, quellesqu’elles soient, auront été légalementarrachées à leurs possesseurs.Chang-Kaï-Shek, lui, sait et dit qu’il estobligé de rompre maintenant.Voulez-vous l’y aider, oui ou non?

Liou cracha, la tête dans lesépaules . I l ferma les yeux, lesrouvrit, regarda Ferral avec l’oeilp l i s s é d u v i e i l u s u r i e r d en’importe quel lieu sur la terre :

— Combien?

— Cinquante millions de dollars.

Il cracha de nouveau

— Pour nous seuls?

— Oui.

Il referma les yeux. Au-dessus dubruit déchiré de la fusillade, de minuteen minute, le train blindé tirait.

Si les amis de Liou se décidaient, ilfaudrait encore lutter; s’ils ne sedécidaient pas, le communismetriompherait sans doute en Chine. «Voici un des instants où le destin dumonde tourne... », pensa Ferral avec unorgueil où il y avait de l’exaltation et del’indifférence. Il ne quittait pas soninterlocuteur du regard. Le vieillard, lesyeux fermés, semblait dormir: mais, surle dos de ses mains, ses veines bleues,cordées, frémissaient comme des nerfs.« Il faudrait aussi un argumentindividuel », pensa Ferral.

— Chang-Kaï-Shek, dit-il, ne peutpas laisser dépouiller ses officiers. Etles communistes sont décidés àl’assassiner. Il le sait. [117]

Otra vez el teléfono.

—El arsenal está bloqueado —dijoFerral—. Todos los establecimientosgubernamentales están tomados. El ejér-cito revolucionario entrará en Shanghaimañana. Es preciso que la cuestión que-de resuelta ahora. Compréndame bien.A consecuencia de la propaganda comu-nista, numerosas tierras les han sido to-madas a sus propietarios; ChiangKaishek debe aceptarlo o dar la ordende que se fusile a los que las han cogi-do. El gobierno rojo de Han-Kow nopuede aceptar semejante orden.

—Contemporizará.

—Ya sabe usted en lo que se convir-tieron las acciones de las sociedadesinglesas, después de la toma de la con-cesión de Han-Kow. Ya sabe en lo quese convertirá su situación cuando lastierras, cualesquiera que sean, hayansido arrancadas legalmente a sus posee-dores. Chiang Kaishek sabe y diceque está obligado a romper ahora.¿Quiere usted ayudarle? ¿Sí o no?

Liu escupió, con la cabeza hundidaentre los hombros. Cerró los ojos; losvolvió a abrir, y contempló a Ferral conla mirada desplegada del viejo usurerode no importa qué lugar sobre la tierra:

—¿Cuánto?

—Cincuenta millones de dólares.

Escupió de nuevo.

—¿Para nosotros solos?

—Sí.

Volvió a cerrar los ojos. Por encima delruido desgarrador del tiroteo, de minuto enminuto, el tren blindado disparaba.

Si los amigos de Liu se decidían,todavía habría que luchar; si no se de-cidían, el comunismo triunfaría, sinduda, en China. «He aquí uno de los ins-tantes en que el destino del mundo cam-bia...», pensó Ferral, con un orgullo enel que había exaltación e indiferencia.No quitaba la mirada de su interlocutor.El viejo, con los ojos cerrados, parecíadormir; pero, sobre el dorso de sus ma-nos, las venas azules, enmarañadas, tem-blaban como nervios. [99]

«Será preciso, también, un argumen-to individual», pensó Ferral.

—Chiang Kaishek —dijo— no pue-de dejar que se despoje a sus oficiales.Y los comunistas están decididos aasesinarlo. Lo sabe.

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On le disait depuis quelques jours,mais Ferral en doutait.

— D e c o m b i e n d e t e m p sdisposons-nous? demanda Liou.E t a u s s i t ô t , u n o e i l f e r m é ,l’autre ouvert, roublard à droite,honteux à gauche :

— Êtes-vous sûr qu’il ne prendra pasl’argent sans exécuter ses promesses ?

— Il y a aussi notre argent, et ce n’estpas de promesses qu’il s’agit. Il ne peutpas faire autrement. Et comprenez-moibien: ce n’est pas parce que vous lepayez qu’il doit détruire lescommunistes: c’est parce qu’il doitdétruire les communistes que vous lepayez.

— Je vais réunir mes amis.

Ferral connaissait l’usage chinois, etl’influence de celui qui parle.

— Quel sera votre conseil?

— Chang-Kaï-Shek peut être battupar les gens de Han-Kéou. Il y a là-basdeux cent mille sans-travail.

— Si nous ne l’aidons pas il le serasûrement.

— Cinquante millions... C’est...beaucoup...

Il regarda enfin Ferral en face.

— Moins que vous ne serez obligéde donner à un gouvernementcommuniste.

Le téléphone.

Le train blindé est isolé, repritFerral. Même si le gouvernementveut envoyer des troupes du front, ilne peut plus rien faire.

Il tendit la main.

Liou la serra, quitta la pièce. De lavaste fenêtre pleine de lambeaux denuages, Ferral regarda l’auto s’éloigner,le moteur couvrant un moment les sal-ves. Même vainqueur, l’état de sesentreprises l’obligerait peut-être àdemander l’aide du gouvernementfrançais qui la refusait si souvent, quivenait de la [118] refuser à la BanqueIndustrielle de Chine; mais, aujourd’hui,il était de ceux à travers qui se jouait lesort de Shanghaï. Toutes les forceséconomiques, presque tous les consulatsjouaient le même jeu que lui: Lioupaierait. Le train blindé tirait toujours.Oui, pour la première fois, il y avait une

Se decía eso desde hacía algunos días;pero Ferral lo dudaba.

—¿De cuánto t iempo dispone-mos? —preguntó Liu. E inmedia-tamente, con un ojo cerrado y elo t ro ab ie r to , as tu to e l derecho ,vergonzoso el izquierdo:

—¿Está usted seguro de que no toma-rá el dinero sin ejecutar sus promesas?

—También existe nuestro dinero, y noes de promesas de lo que se trata. No pue-de obrar de otro modo. Y, comprén-dame bien: no es porque usted lopague por lo que debe destruir a loscomunistas: porque debe destruir alos comunistas es por lo que ustedle paga.

—Voy a reunir a mis amigos.

Ferral conocía la costumbre china yla influencia del que habla.

—¿Cuál será su consejo?

—Chiang Kaishek puede ser comba-tido por la gente de Han-Kow. Allí haydoscientos mil obreros sin trabajo.

—Si no le ayudamos, lo será, segura-mente.

—Cincuen ta mi l lones . . . Es . . .mucho...

Por fin miró de frente a Ferral.

— M e n o s d e l o q u e u s t e d s everá obligado a dar a un gobiernocomunista.

El teléfono.

—El tren blindado está aislado —pro-nunció Ferral—. Aunque el gobierno qui-siera enviar nuevas tropas del frente, yano podría hacer nada.

Tendió la mano.

Liu se la estrechó y abandonó el apo-sento. Desde la alta ventana, cubierta dejirones de nubes, Ferral vio alejarse elauto, cubriendo por un momento el ruidodel motor al de las descargas. Aunqueresultase vencedor, el estado de sus em-presas le obligaría quizás a solicitar laayuda del gobierno francés, que rehusa-ba tan a menudo, que acababa de rehusaral Banco Industrial de China; pero [100]ahora era de aquellos a través de los cua-les se jugaba la suerte de Shanghai. To-das las fuerzas económicas, casi todos losconsulados hacían el mismo juego que él:Liu pagaría. El tren blindado continuabadisparando. Sí; por primera vez, había una

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organisation de l’autre côté. Leshommes qui la dirigeaient, il eût aimé àles connaître. À les faire fusiller aussi.

Le soir de guerre se perdait dans la nuit.Au ras du sol s’allumaient des lumières,et le fleuve invisible appelait à lui, commetoujours, le peu de vie qui restait dans laville. Il venait de Han-Kéou, ce fleuve.Liou avait raison, et Ferral le savait: làétait le danger. Là se formait l’arméerouge. Là les communistes dominaient.Depuis que les troupes révolutionnaires,comme un chasse-neige, rejetaient lesNordistes, toute la gauche rêvait decette terre promise la patrie de laRévolution étai t dans l’ombreverdâtre de ces fonderies, de cesarsenaux, avant même qu’elle ne leseût pris; maintenant, elle les possédaitet ces marcheurs misérables qui seperdaient dans la brume gluante où leslanternes devenaient de plus en plusnombreuses avançaient tous dans le sensdu fleuve, comme si tous fussent aussivenus de Han-Kéou avec leurs gueulesde défaites, présages chassés vers lui parla nuit menaçante.

Onze heures. Depuis le départ deLiou, avant et après le dîner, des chefsde ghildes, des banquiers, des directeursde Compagnies d’assurances et detransports fluviaux, des importateurs,des chefs de filature. Tous dépendaienten quelque mesure du groupe Ferral oude l’un des groupes étrangers qui avaientlié leur politique à celle du ConsortiumFranco-Asiatique : Ferral ne comptaitpas que sur [119] Liou. Coeur vivant dela Chine, Shanghaï palpitait du passagede tout ce qui la faisait vivre; jusque dufond des campagnes - la plupart despropriétaires terriens dépendaient desbanques - les vaisseaux sanguinsconfluaient comme les canaux vers laville capitale où se jouait le destinchinois. La fusillade continuait.Maintenant, il fallait attendre.

À côté, Valérie était couchée.

Ferral se souvenaitd ’un de ses amis , in f i rmeintelligent, à qui il avait envié desmaîtresses. Un jour qu’à son sujetil interrogeait Valérie: « Il n’y a riende plus prenant chez un homme que

organización del otro lado. Le hubieragustado conocer a los hombres que la di-rigían. Y mandarlos fusilar también.

La tarde de guerra se perdía en la no-che. A ras del suelo se encendían las lu-ces, y el río invisible llamaba hacia sícomo siempre, la poca vida que quedabaen la ciudad. Venía de Han-Kow, aquelrío. Liu tenía razón, y Ferral lo sabía: allíestaba el peligro. Allí se formaba el ejér-cito rojo. Allí, los comunistas domina-ban. Desde que las tropas revoluciona-rias, como las máquinas quitanieves,rechazaban a los Nordistas, toda la iz-quierda soñaba con aquella tierra prome-tida: la patria de la Revolución estaba enla sombra verdosa de aquellas fundicio-nes, de aquellos arsenales, aun antes deque los hubieran tomado; ahora, la po-seían, y aquellos mercaderes miserables,que se perdían en la bruma pegajosa don-de las linternas se hacían cada vez másnumerosas, avanzaban en dirección al río,como si todos hubiesen llegado tambiénde Han-Kow con sus fauces de derrota,como presagios expulsados hacia él porla noche amenazadora.

Las once. Desde la salida de Cita,antes y después de la comida, los jefesde guildas, los banqueros, los directo-res de las compañías de seguros y detransportes fluviales, los importadores ylos jefes de las hilanderías. Todos de-pendían, en alguna medida, del grupoFerral o de uno de los grupos extranje-ros que habían unido su política a la delConsorcio Franco-asiático: Ferral nocontaba más que con Liu. Corazón vi-viente de la China, Shanghai palpitabaal paso de todo cuanto le hacía vivir;hasta de lo último de los campos —lamayor parte de los propietarios terrate-nientes dependían de los bancos—, losvasos sanguíneos confluían, como cana-les, hacia la capital donde se jugaba eldestino chino. El tiroteo continuaba.Ahora, había que esperar.

Al lado, Valeria estaba acostada.Aunque era su querida desde hacía unasemana, nunca había pretendido [101]amarla: ella habría sonreído, con insolen-te complicidad. Tampoco ella le habíadicho nada, por la misma razón, quizá.Los obstáculos de que estaba hecha suvida presente la lanzaban hacia el erotis-mo, no hacia el amor. Él sabía que ya noera joven, y se esforzaba por persuadirsede que su leyenda suplía a la juventud.Él era Ferral, y conocía a las mujeres. Atal punto, en efecto, que no creía una pa-labra de cuanto se decía. Se acordaba deuno de sus amigos, inteligente, enfermi-zo, al que había envidiado sus queridas.Un día en que, a tal respecto, había inte-rrogado a Valeria, ésta le había dicho:«No hay nada más atractivo en un hom-

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l’union de la force et de la faiblesse »,lui avait-elle dit. Professant qu’aucunêtre ne s’explique par sa vie, ilretenait cette phrase plus que toutce qu’elle lui avait confié de lasienne.

Il savait pourtant qu’elle n’avait pas detendresse pour lui. Il devinait qu’il flattait savanité, et qu’elle attendait de son abandon deplus précieux hommages; et ne devinait pasqu’elle en attendait surtout l’apparitionsoudaine de la part d’enfance de cet hommeimpérieux: qu’elle était sa maîtresse pour qu’ilfinît par l’aimer. Elle ignorait, elle, que la naturede Ferral, et son combat présent, l’enfermaientdans l’érotisme, non dans l’amour.

Cette grande couturière riche n’était pasvénale (pas encore, du moins). Elleaffirmait que l’érotisme de beaucoup defemmes consistait à se mettre nues devantun homme choisi, et ne jouait pleinementqu’une fois. ___________ C’étaitpourtant la troisième fois qu’ellecouchait avec lui. Il sentait en elle unorgueil semblable au sien. « Leshommes ont des voyages, les femmesont des amants », avait-elle dit la veille.Lui plaisait-il, comme à beaucoup defemmes, par le contraste entre sa duretéet les prévenances qu’il lui montrait?Il n’ignorait pas qu’il engageait dansce [120] jeu son sentiment le plusviolent, l’orgueil. Ce n’était pas sansdanger avec une partenaire qui disait :

« Aucun homme ne peut parler desfemmes, cher, parce qu’aucun homme necomprend que tout nouveau maquillage,toute nouvelle robe, tout nouvelamant, proposent une nouvelle âme... »,avec le sourire nécessaire.

Il entra dans la chambre. Couchée,les cheveux dans le creux du bras trèsrond, elle le regarda en souriant.

Le sourire lui donnait la vie à lafois intense et abandonnée que donnele plaisir. Au repos, l’expression deValérie était d’une tristesse tendre, etFerral se souvenait que la premièrefois qu’il l’avait vue il avait ditqu’elle avait un visage brouillé, levisage qui convenait à ce que sesyeux gris avaient de doux. Mais quela coquetterie entrât en jeu, et lesourire qui entrouvrait sa bouche enarc, plus aux commissures qu’aumilieu, s’accordant d’une façonimprévue à ses cheveux courts onduléspar masses et à ses yeux alors moinstendres, lui donnait, malgré la finerégularité de ses traits, l’expressioncomplexe du chat à l’abandon. Ferralaimait les animaux, comme tous ceuxdont l’orgueil est trop grand pours’accommoder des hommes: les chatssurtout.

bre que la unión de la fuerza y la debili-dad.» Persuadido de que ningún ser seexplica simplemente por medio de suvida, retenía esta frase con mayor inten-sidad que todo cuanto ella le había con-fiado acerca de la suya.

Aquella gran modista rica no era ve-nal (todavía, al menos). Afirmaba que elerotismo de muchas mujeres consistía enponerse desnudas delante de un hombreescogido, y no actuaba plenamente másque una vez. ¿Pensaba en sí misma? Eraaquella, no obstante, la tercera vez quese acostaba con él. Ferral apreciaba enella un orgullo semejante al suyo. «Loshombres tienen los viajes, y las mujerestienen a sus amantes», había dicho Valeriala víspera. ¿Le gustaba, como a muchasmujeres, por el contraste entre su durezay las atenciones que le prodigaba?No ignoraba que comprometía en aqueljuego su orgullo —lo esencial de suvida—. No dejaba de haber peligro enuna compañera que decía: «Ningúnhombre puede hablar de las mujeres,querido, porque ningún hombre com-prende que todo nuevo maquillaje,todo nuevo vestido y todo nuevo aman-te proponen una alma nueva...» —conla sonrisa necesaria.

Entró en la habitación. Acostada, conlos cabellos en el hueco del brazo, bientorneado, le contempló sonriendo.

La sonrisa le proporcionaba la vida, ala vez intensa y abandonada, que propor-ciona el placer. Durante el descanso, laexpresión de Valeria era de tristeza tier-na, y Ferral recordaba que la primeravez que la había visto había dicho quetenía un semblante turbio —el semblan-te [102] que convenía a lo que sus ojosgrises tenían de dulces—. Pero cuandola coquetería entraba en juego, la sonrisaque entreabría su boca en forma de arco,más en las comisuras que en el centro,armonizando de una manera imprevistacon sus cabellos, cortos y ondulados atrozos, y con sus ojos, entonces menostiernos, le daba, a pesar de la fina regula-ridad de sus facciones, la expresión com-pleja del gato en el abandono. A Ferral legustaban los animales, como a todosaquellos cuyo orgullo es demasiado gran-de para acomodarse a los hombres; losgatos, sobre todo.

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Il se déshabillait dans la salle debains. L’ampoule était brisée, et lesobjets de to i le t te semblaientrougeâtres, éclairés par les incen-dies. Il regarda par la fenêtre: dansl’avenue, une foule en mouvement,millions de poissons sous le tremblementd’une eau noire; il lui sembla soudain quel’âme de cette foule l’avait abandonnéecomme la pensée des dormeurs qui rêvent,et qu’elle brûlait avec une énergie joyeusedans ces flammes drues qui illuminaientles limites des bâtiments. [121]

Quand il revint, Valérie rêvait etne souriait plus. ___________________________________________________________________________ Ne voulait-il qu’être aimé de la femmeau sourire dont cette femme sans sourirele séparait comme une étrangère? Le trainblindé tirait de minute en minute, commepour un triomphe: il était encore auxmains des gouvernementaux, avec lacaserne, l’arsenal et l’église russe.

— Cher, demanda-t -e l le ,avez-vous revu M. de Clappique?

Toute la colonie française de Shanghaïconnaissait Clappique. Valérie l’avaitrencontré à un dîner l’avant-veille: safantaisie l’enchantait.

— Oui. Je l’ai chargé d’acheter pourmoi quelques lavis de Kama.

— On en t rouve chez lesantiquaires?

— Pas question. Mais Kama revientd’Europe; il passera ici dans unequinzaine. Clappique était fatigué, il n’araconté que deux jolies histoires: celled’un voleur chinois qui fut acquitté pours’être introduit par un trou en forme delyre dans le M o n t - d e - P i é t é ( 8 0 ) ,q u ’ i l cambriola i t , e t ce l le-c i :Illustre-Vertu, depuis vingt ans, élèvedes lapins. D’un côté de la douaneintérieure, sa maison, de l’autre, sescabanes. Les douaniers, remplacés unefois de plus, oublient de prévenir leurssuccesseurs de son passage quotidien.Il arrive, son panier plein d’herbe sousle bras. « Hep là-bas! Montrez votre panier. » Sousl’herbe, des montres, des chaînes, des lampesélectriques, des appareils photographiques.« C’est ce que vous donnez à manger à voslapins? Oui, monsieur le directeur desdouanes. Et (menaçant à l’égard desditslapins) s’ils n’aiment pas ça, ilsn’auront rien d’autre.

— Oh! dit-elle, c’est une histoirescientifique; maintenant je comprendstout. Les lapins-sonnettes, [122] les

La besó. Ella tendió la boca. ¿Por sen-sualidad o por horror a la ternura? —sepreguntaba él, mientras se desnudaba enel cuarto de baño—. La bombilla se ha-bía roto y los objetos del tocador apare-cían rojizos, iluminados por los incen-dios. Miró por la ventana: en la avenida,una multitud en movimiento, millones depeces bajo el temblor de un agua negra;le pareció, de pronto, que el alma de aque-lla multitud la había abandonado, comoel pensamiento a los durmientes que sue-ñan, y que ardían con una energía alegreen aquellas llamas abundantes que ilu-minaban los límites de los edificios.

Cuando volvió, Valeria soñaba y nosonreía ya. Aunque estaba acostumbra-do a aquella diferencia de expresión, lepareció, una vez más, salir de una locu-ra. ¿No quería mas que ser amado de lamujer, en la sonrisa que aquella mujer sinsonrisa le deparaba, como una extraña?El tren blindado disparaba de minuto enminuto, como para un triunfo: estaba aúnen manos de los gubernamentales, con elcuartel, el arsenal y la iglesia rusa.

—Querido —preguntó ella—, ¿havuelto usted a ver al señor Clappique?

Toda la colonia francesa de Shanghaiconocía a Clappique. Valeria había vueltoa encontrarle durante una cena, laantevíspera; su fantasía le encantaba.

—Sí. Le he encargado que me com-pre algunas aguadas de Kama.

—¿Se encuentran en las casas de losanticuarios?

—No. Pero Kama vuelve de Europa;pasará por aquí dentro de unos quincedías. Clappique estaba cansado, y [103]no ha contado más que dos lindas histo-rias: la de un ladrón chino que fue ab-suelto por haberse introducido por unagujero en forma de lira en el Monte Pío,que se puso a desvalijar, y esta otra: Ilus-tre Virtud, desde hacía veinte años, do-mesticaba a unos conejos. A un lado dela aduana interior, estaba su casa; al otro,sus cabañas. Los aduaneros, sustituidosuna vez más, se olvidaron de prevenir asus sucesores acerca de su paso cotidiano.Llega él con su cesta, llena de hierba debajodel brazo. «¡Eh! Enseñe usted su cesta.»Debajo de la hierba, relojes, cadenas, lám-paras eléctricas, aparatos fotográficos. —¿Es esto lo que da usted de comer a losconejos? —Sí, señor director de adua-nas. Y (como dirigiéndose a los cita-dos conejos), si no les gusta eso, no ten-drán otra cosa.

—¡Oh! —exclamó ella—. Es una his-toria científica; ahora lo comprendo todo.Los conejos-campanilla, los conejos-tam-

80 (p. 122). Monde-Piété: établissement deprêt sur gages.

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lapins-tambours, vous savez, tous cesjolis petits bestiaux qui vivent si biendans la lune et les endroits comme ça,et si mal dans les chambres d’enfants,voilà d’où ils viennent... C’est encoreune navrante injustice cette tristehistoire d’IllustreVertu. Et les journauxrévolutionnaires vont beaucoupprotester, je pense, car en vérité, soyezsûr que ces lapins mangeaient ceschoses.

— Vous avez lu Alice au Pays desMerveilles, chérie?

L e t o n q u a s i i r o n i q u e d o n ti l l ’ a p p e l a i t c h é r i e i r r i t a i tVa l é r i e .

— Comment en doutez-vous? Je lesais par coeur.

— Votre sourire me fait penser aufantôme du chat qui ne se matérialisaitjamais, et dont on ne voyait qu’unravissant sourire de chat, flottant dansl’air. Ah! pourquoi l’intelligence desfemmes veutelle toujours choisir unautre objet que le sien?

— Quel est le sien, cher?

— Le charme et la compréhension,de toute évidence.

Elle réfléchit.

— Ce que les hommes appellentainsi, c’est la soumission de l’esprit.Vous ne reconnaissez chez une femmeque l’intelligence qui vous approuve.C’est si, si reposant...

— Se donner, pour une femme,posséder, pour un homme, sont les deuxseuls moyens que les êtres aient decomprendre quoi que ce soit...

— Ne croyez-vous pas, cher, que lesfemmes ne se donnent jamais (oupresque) et que les hommes nepossèdent rien? C’est un jeu: « Je croisque je la possède, donc elle croit qu’elleest possédée... » Oui? Vraiment? Ce queje vais dire est très mal, maiscroyez-vous que ce n’est pas l’histoiredu bouchon [123] qui se croyaittellement plus important que labouteille?

La liberté des moeurs, chez unefemme, alléchait Ferral, mais la libertéde l’esprit l’irritait. Il se sentit avide defaire renaître le sentiment qui luidonnait, croyait-il, prise sur une femme:la honte chrétienne, la reconnaissancepour la honte subie. Si elle ne le devinapas, elle devina qu’il se séparait d’elle, et,sensible par ailleurs à son désir_____,

bor, ¿sabe usted?, todos esos lindosanimalitos que viven tan bien en la lunay en sitios semejantes, y tan mal en lashabitaciones de los niños; de ahí es dedonde vienen... Constituye una dolorosainjusticia, esa triste historia de IlustreVirtud. Y me parece que los periódicosrevolucionarios van a protestar mucho:porque, en verdad, tenga usted la seguri-dad de que los conejos comían aquellascosas.

—¿Ha leído usted Alicia en el país delas maravillas, querida?

Despreciaba bastante a las mujeres, sinlas cuales no podía pasar, para llamarlas«querida».

—Cómo, ¿lo duda usted? Me lo sé dememoria.

—Su sonrisa me hace pensar en el fan-tasma del gato que no se materializabanunca y del que no se veía más que unaencantadora sonrisa de gato, flotante enel aire. ¡Ah! ¿Por qué la inteligencia delas mujeres quiere siempre elegir otroobjeto distinto del suyo?

—¿Cuál es el suyo, querido?

—El encanto y la comprensión, contoda evidencia.

Ella reflexionó.

—Lo que los hombres nombranasí es la sumisión del espíritu. Us-ted no reconoce en una mujer másque la inteligencia que le aprueba.Eso es tan descansado... [104]

—Entregarse, para una mujer, y po-seer, para un hombre, son los dos únicosmedios de que los seres puedan compren-derlo todo, sea lo que sea...

—¿No cree usted, querido, quelas mujeres no se entregan nunca (ocasi nunca), y que los hombres noposeen nada? Se trata de un juego:«Creo que la poseo, puesto que ellac r ee que e s pose ída . . . » ¿S í ?¿Verdaderamente? Lo que voy a de-cir está muy mal, pero, ¿no cree us-ted que esa es la historia del corcho,que se creía mucho más importanteque la botella?

La libertad de costumbres, en una mu-jer, excitaba a Ferral; pero la libertad deespíritu le irritaba. Se sintió ávido de ha-cer que renaciese el único sentimiento quele prestaba superioridad sobre una mujer:la vergüenza cristiana, el reconocimientoante la vergüenza sufrida. Si Valeria no loadivinó, adivinó que se separaba de ella, y,sensible, por otra parte, a un deseo físico

allécher atraer, seducir

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amusée à l’idée qu’elle pouvait leressaisir à volonté, elle le regarda, labouche entrouverte (puisqu’il aimait sonsourire...), le regard offert, assurée que,comme presque tous les hommes, ilprendrait le plaisir qu’elle avait à leséduire pour celui d’un abandon.

Il la rejoignit au lit. Les caressesdonnaient à Valérie une expressionfermée qu’il voulut voir se transformer.Il appelait l’autre expression avec tropde passion pour ne pas espérer que lavolupté la fixerait sur le visage deValérie, croyant qu’il détruisait un mas-que, et que ce qu’elle avait de plusprofond, de plus secret, étaitnécessairement ce qu’il préférait en elle:il n’avait jamais couché avec elle quedans l’ombre. Mais à peine, de la main,écartait-il doucement ses jambes qu’elleéteignit. Il ralluma.

Il avait cherché l’interrupteur àtâtons, et elle crut à une méprise; elleéteignit à nouveau. Il ralluma aussitôt.Les nerfs très sensibles, elle se sentit,à la fois, tout près du rire et de lacolère; mais elle rencontra son regard.Il avait écarté l’interrupteur, et elle futcertaine qu’il attendait le plus clair deson plaisir de la transformationsensuelle de ses traits. Elle savaitqu’elle n’était vraiment dominée par sasexualité qu’au début d’une liaison, etdans la surprise; lorsqu’elle sentitqu’elle ne retrouvait pas l’interrupteur,la tiédeur qu’elle connaissait la saisit,[124] monta le long du torse jusqu’auxpointes de ses seins, jusqu’à ses lèvresdont elle devina, au regard de Ferral,qu’elles se gonflaient insensiblement.Elle choisit cette tiédeur et, le serrantcontre elle, plongea à longuespulsations loin d’une grève où ellesavait que serait rejetée tout à l’heure,avec elle-même, la résolution de nepas lui pardonner.

Valérie dormait. La régulièrerespiration et le délassement dusommeil gonflaient ses lèvres avecdouceur, et aussi avec l’expressionperdue que lui donnait la jouissance.« Un être humain, pensa Ferral, unevie individuelle, isolée, unique,comme la mienne... » Il s’imagina elle,habitant son corps, éprouvant à sa pla-ce cette jouissance qu’il ne pouvaitressentir que comme une humiliation.« C’est idiot; elle se sent en fonctionde son sexe comme moi en fonctiondu mien, ni plus ni moins. Elle se sentcomme un noeud de désirs, detristesse, d’orgueil, comme unedestinée... De toute évidence. » Maispas en ce moment: le sommeil et seslèvres la livraient à une sensualitéparfaite, comme si elle eût accepté de

que veía aumentar, recreada en la idea deque podría recuperarlo a voluntad, le mirócon la boca entreabierta (puesto que legustaba su sonrisa...), ofreciéndole la mi-rada, segura de que, como casi todos loshombres, tomaría el deseo que abrigabade seducirle por el de un abandono.

Se reunió con ella en el lecho. Lascaricias prestaban a Valeria una expre-sión hermética que él quiso ver trans-formarse. Llamaba a la otra expresión condemasiada pasión para no esperar que lavoluptuosidad la fijase en el semblantede Valeria, creyendo que destruía unamáscara, y que lo que tenía de más pro-fundo, de más secreto, era necesariamentelo que prefería en ella: nunca habíacopulado con Valeria más que en la som-bra. Pero apenas, con la mano, le aparta-ba suavemente las piernas, ella apagó laluz. Él volvió a encenderla.

Había buscado el interruptor a tien-tas, y ella tomó aquello por un desprecio.Apagaba de nuevo. El volvió a encenderlainmediatamente. Como tenía los nerviosmuy sensibles, Valeria se sintió a la vez,muy cerca de la risa y de la cólera; perovolvió a encontrar su mirada. Ferral ha-bía apartado el interruptor, y ella adquirióla seguridad de que él esperaba lo más cla-ro de su placer en la transformación sen-sual de sus facciones. Sabía que no [105]era verdaderamente dominada por su sexua-lidad sino al comienzo de una unión y en lasorpresa; cuando vio que no encontraba elinterruptor, le invadió la tibieza que cono-cía y le subió a lo largo del torso hasta laspuntas de los senos y hasta los labios, delos que adivinó, ante la mirada de Ferral,que se henchían insensiblemente. Apro-vechó aquella tibieza, y oprimiéndoleentre los muslos y los brazos, se sumer-gió, entre prolongadas pulsaciones, lejosde una playa adonde sabía que sería arro-jado al punto, con ella misma, la resolu-ción de no perdonarle.

Valeria dormía. La respiración regu-lar y la dejadez del sueño henchían suslabios con dulzura y también con la ex-presión perdida que le suministraba elgoce. «Un ser humano —pensó Ferral—; una vida individual, aislada, única,como la mía...» Se la imaginó habitan-do en su cuerpo, experimentando en sulugar aquel goce que él no podía volvera sentir más que como una humillación;se veía él también humillado por aque-lla voluptuosidad pasiva, por aquel sexode mujer. «Eso es idiota; ella sienteen función de su sexo, como yo enfunción del mío; ni más ni menos.Siente como un nudo de deseos, detristeza, de orgullo; como un desti-no... Evidentemente.» Pero no enaquel momento: el sueño y sus labiosla entregaban a una sensualidad per-

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n’être plus un être vivant et libre, maisseulement cette expression dereconnaissance d’une conquêtephysique. Le grand silence de la nuitchinoise, avec son odeur de camphreet de feuilles, endormi lui aussijusqu’au Pacifique, la recouvrait, horsdu temps: pas un navire n’appelait;plus un coup de fusil. Elle n’entraînaitpas dans son sommeil des souvenirset des espoirs qu’il ne posséderaitjamais elle n’était rien que l’autre pôlede son propre plaisir. Jamais elle n’avaitvécu: elle n’avait jamais été une petitefille.

Le canon, de nouveau : le train blin-dé recommençait à tirer. [125]

Le lendemain, 4 heures.

D’un magasin d’horloger transforméen permanence, Kyo observait le trainblindé. À 200 mètres en avant et enarrière les révolutionnaires avaient faitsauter les rails, arraché le passage àniveau. Du train qui barrait la rue, -immobile, mort - Kyo ne voyait quewagons, l’un fermé comme un wagon àbestiaux, l’autre écrasé, comme sous unréservoir à pétrole, sous sa tourelle d’oùsortait un canon de petit calibre. Pasd’hommes: ni les assiégés cachésderrière leurs guichets fermés àbloc, ni les assaillants, défilé (81)dans les maisons qui dominaient lavoie. Derrière Kyo, vers l’égliserusse, vers l’Imprimerie Commerciale,les salves ne cessaient pas. Les soldatsdisposés à se laisser désarmer étaient horsde cause; les autres allaient mourir.Toutes les sections insurgées étaientarmées maintenant; les troupesgouvernementales, leur front crevé,fuyaient vers Nankin par les trainssabotés et les fondrières boueuses desroutes, dans le vent pluvieux. L’arméedu Kuomintang atteindrait Shanghaï dansquelques heures: de moment en moment,arrivaient les estafettes.

Tchen entra, toujours vêtu en ouvrier,s’assit à côté de Kyo, regarda le train.Ses hommes étaient de garde derrièreune barricade, à cent mètres de là, maisne devaient pas attaquer.

Le canon du train, de profil, bougeait.Comme des nuages très bas, des pansde fumée, dernière vie de l’incendieéteint, glissaient devant lui. [126]

— Je ne crois pas qu’ils aient encorebeaucoup de munitions, dit Tchen.

Le canon sortait de la tourelle commeun télescope d’un observatoire, etbougeait avec une mobilité prudente;malgré les blindages, l’hésitation de ce

fecta, como si hubiese aceptado el noser ya un ser vivo y libre, sino sola-mente aquella expresión de recono-cimiento de una conquista física. Elgran silencio de la noche china, consu olor a alcanfor y a hojas, adorme-cido él también hasta el Pacífico, larecubría fuera del tiempo: ni un na-vío llamaba; ni un tiro de fusil. Noencerraba Valeria en su sueño losrecuerdos y las esperanzas que él noposeería nunca: ella no era nada másque el otro polo de su propio placer.Jamás había vivido: nunca había sidouna niña.

El cañón, de nuevo: el tren blindadocomenzaba otra vez a disparar.

Al día siguiente, a las 4

Desde una relojería, transformada enpuesto, Kyo observaba el tren blindado.A 200 metros hacia delante [106] y haciaatrás, los revolucionarios habían hechosaltar los rieles y arrancado el paso a ni-vel. Del tren que obstruía la calle —in-móvil, muerto—, Kyo no veía más quedos vagones, uno cerrado, como un va-gón para ganado, y el otro aplastado,como bajo un receptáculo de petróleo,bajo su torrecilla, de donde salía un ca-ñón de pequeño calibre. No había hom-bres: ni sitiados ocultos tras de sus rejascerradas como las de una cárcel, niasaltantes, dentro de las casas que domi-naban la vía. Detrás de Kyo, hacia 1a igle-sia rusa o hacia la Imprenta comercial,no cesaban las descargas. Les soldadosdispuestos a dejarse desarmar no entra-ban en cuenta; los otros iban a morir.Todas las secciones insurrectas estabanarmadas ahora; las tropas gubernamen-tales, con el frente deshecho, huían haciaNankín en los trenes saboteados y por losbarrancos fangosos de las carreteras, bajoel viento lluvioso. El ejército delKuomintang llegaría a Shanghai dentrode algunas horas: de momento en mo-mento, venían los correos.

Entró Chen, como siempre, vestido deobrero; se sentó al lado de Kyo, y contem-pló el tren. Sus hombres estaban de guar-dia detrás de una barricada a cien metrosde allí, aunque no debían atacar.

El cañón del tren, de perfil, se movía.Como nubes muy bajas, unos velos dehumo, última vida del incendio extinto,se deslizaban por delante de él.

—No creo que tengan ya muchas mu-niciones —dijo Chen.

El cañón salía de la torrecilla como eltelescopio de un observatorio, y se movíacon una movilidad prudente; a pesar delos blindajes, la vacilación de aquel mo-

81 (p. 126). Défilés : dans le sens militaire duterme, abrités de la ligne de tir.

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mouvement le faisait paraître fragile.

— Dès que nos propres canons serontlà... dit Kyo.

Celui qu’ils regardaient cessa debouger, tira. En réponse, une salvecrépita contre le blindage. Une éclaircieapparut dans le ciel gris et blanc, justeaudessus du train. Un courrier apportaquelques documents à Kyo.

— Nous ne sommes pas en majoritéau comité, dit celui-ci.

L’assemblée des délégués réunieclandestinement par le partiKuomintang, avant l’insurrection, avaitélu un comité central de 26 membresdont 15 communistes; mais ce comitévenait d’élire à son tour le Comitéexécutif qui allait organiser legouvernement municipal. Là étaitl’efficacité; là, les communistesn’étaient plus en majorité.

Un second courrier, en uniforme, en-tra, s’arrêta dans le cadre de la porte.

— L’arsenal est pris.

— Les tanks? demanda Kyo.

— Partis pour Nankin (82).

— Tu viens de l’armée?

C’était un soldat de la 1e Division, cellequi comprenait le plus grand nombre decommunistes. Kyo l’interrogea. L’hommeétait amer. on se demandait à quoiservait l’Internationale. Tout était donnéà la bourgeoisie du Kuomintang; lesparents des soldats, paysans presquetous, étaient contraints à verser lalourde cotisation du fonds de guerre,alors que [127] la bourgeoisie n’étaitimposée qu’avec modération. S’ilsvoulaient prendre les terres, les ordressupérieurs le leur interdisaient. Laprise de Shanghaï allait changer toutcela, pensaient les soldatscommunistes; lui, le messager, n’enétait pas très sûr. Il donnait de mauvaisarguments, mais il était facile d’entirer de meilleurs. La garde rouge,répondait Kyo, les milices ouvrières,allaient être créées à Shanghaï; il y avait àHan-Kéou plus de 200 000 sans-travail. Tous deux, de minute enminute, s’arrêtaient, écoutaient.

— Han-Kéou, dit l’homme, je saisbien, il y a Han-Kéou...

Leurs voix assourdies paraissaientrester près d’eux, retenues par l’airfrémissant qui semblait attendre luiaussi le canon. Tous deux pensaient à

vimiento le hacía parecer frágil.

—En cuanto nuestros propios caño-nes estén allá... —dijo Kyo.

El que contemplaban dejó de mover-se y disparó. En respuesta, una descargacrepitó contra el blindaje. Un claro apa-reció en el cielo gris y blanco, precisa-mente por encima del tren. Un correo lle-vó algunos documentos a Kyo.

—No tenemos mayoría en el comité—dijo éste.

La asamblea de delegados, reunidaclandestinamente [107] por el partidoKuomintang, antes de la insurrección,había elegido un comité central de 26miembros, 15 de ellos comunistas;pero este comité acababa de elegir, asu vez, el comité ejecutivo, que iba aorganizar el gobierno municipal. Allíestaba la eficacia; allí, los comunistasya no tenían mayoría.

Un segundo correo con uniforme entróy se detuvo junto al marco de la puerta.

—El arsenal está tomado.

—¿Y los tanques? —preguntó Kyo.

—Han salido para Nankín.

—¿Tú vienes del ejército?

Era un soldado de la lª División, la quecontaba mayor número de comunistas.Kyo le interrogó. El hombre estaba amar-gado: se preguntaba para qué servía laInternacional. Todo se había entregado ala burguesía del Kuomintang; los parien-tes de los soldados, campesinos casi to-dos, se veían obligados a hacer efectivala crecida cotización de los fondos deguerra, en tanto que la burguesía sólo es-taba gravada con moderación. Si preten-dían apoderarse de las tierras, las órde-nes superiores se lo impedían. La tomade Shanghai iba a cambiar todo aquello—pensaban los soldados comunistas—;el mensajero no estaba muy seguro deello. Informado de una sola parte, expo-nía malos argumentos; pero era fácil de-ducirlos mejores. —La guardia roja —respondía Kyo— y la milicia obrera ibana ser creadas en Shanghai; en Han-Kowhabía más de 200 mil obreros sin traba-jo. Ambos, de minuto en minuto, se de-tenían y escuchaban.

—Han-Kow —dijo el hombre—; sémuy bien lo que hay en Han-Kow...

Sus voces ensordecidas parecíanpermanecer junto a ellos, retenidaspor el aire estremecido, que pare-cía esperar también el cañón. Am-

82 (p. 127). Partis pour Nankin : l’armée duKuomintang s’empara de Nankin (ville situéeà l’est de Shanghaï, sur le YangTsé Kiang)le 23 mars, et c’est cette ville queChang-Kaï-Shek choisit pour capitale de laChine (de 1927 à 1949).

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Han-Kéou, « la ville la plusindustrialisée de toute la Chine ».Là-bas, on organisait une nouvellearmée rouge; à cette heure même lessections ouvrières, làbas, apprenaient àmanoeuvrer les fusils...

Jambes écartées, poings aux genoux,bouche ouverte, Tchen regardait lescourriers, et ne disait rien.

— Tout va dépendre du préfetde Shanghaï, reprit Kyo. S’il estd e s n ô t r e s , p e u i m p o r t e l amajorité. S’il est de droite...

Tchen regarda l’heure. Dans cemagasin d’horloger, trente pendules aumoins, remontées ou arrêtées,indiquaient des heures différentes. Dessalves précipitées se rejoignirent enavalanche. Tchen hésita à regarderau-dehors; il ne pouvait détacher sesyeux de cet univers de mouvementsd’horlogerie impassibles dans laRévolution. Le mouvement descourriers qui partaient le délivra: il sedécida enfin à regarder sa propremontre. [128]

— Quatre heures. On peut savoir...

Il fit fonctionner le téléphone decampagne, reposa rageusement lerécepteur, se tourna vers Kyo:

— Le préfet est de droite.

— Étendre d’abord la Révolution,et ensuite l’approfondir... réponditKyo, plus comme une question quecomme une réponse. La ligne del’Internationale semble être de laisserici le pouvoir à la bourgeoisie.Provisoirement... Nous serons volés.J’ai vu des courriers du front: toutmouvement ouvrier est interdit àl’arrière. Chang-Kaï-Shek a fait tirersur les grévistes, en prenant quelquesprécautions.

Un rayon de soleil entra. Là-haut, latache bleue de l’éclaircie s’agrandissait.La rue s’emplit de soleil. Malgré lessalves, le train blindé, dans cettelumière, semblait abandonné. Il tira denouveau. Kyo et Tchen l’observaientavec moins d’attention maintenant :peut-être l’ennemi était-il plus prèsd’eux, chez eux. Très inquiet, Kyoregardait confusément le trottoir, quibrillait sous le soleil provisoire. Unegrande ombre s’y allongea. Il leva latête: Katow.

— Avant quinze jours, reprit-il, legouvernement Kuomintang interdiranos sections d’assaut. Je viens de voirdes officiers bleus, envoyés du front

bos pensaban en Han-Kow, «la ciu-dad más industrial de toda China».Allí se organizaba un nuevo ejérci-to rojo; a aquella misma hora, lassecciones obreras aprendían allí amanejar los fusiles...

Con las piernas separadas, los puños enlas rodillas, la boca entreabierta, Chen con-templaba a los correos y no decía nada. [108]

—Todo va a depender del prefecto deShanghai —prosiguió Kyo—. Si éste esde los nuestros, poco importa la mayo-ría. Si es de la derecha...

Chen consultó la hora. En aque-lla relojería, por lo menos treintarelojes, en marcha o parados, seña-laban horas diferentes. Descargasprecipi tadas se reunieron, en unalud. Chen dudó si miraría o nohacia afuera: no podía apartar losojos de aquel universo de movi-mientos de relojer ía , impasiblesante la Revolución. El movimientode los correos que salían le repu-so; se decidió, por fin, a consultarsu propio reloj.

—Las cuatro. Se puede saber...

Hizo funcionar el teléfono decampaña, soltó rabiosamente el re-ceptor y se volvió hacia Kyo.

—El prefecto es de la derecha.

—Extender por ahora la Revolución,y después profundizarla... —dijo Kyo,más como una pregunta que como unarespuesta—. La línea de conducta de laInternacional parece consistir en dejaraquí el poder a la burguesía. Provisional-mente... seremos robados. He visto a unoscorreos del frente: todo movimiento obre-ro está prohibido en la retaguardia.Chiang Kaishek ha mandado dispararsobre los huelguistas, adoptando algunasprecauciones.

Entró un rayo de sol. Allí arriba,la mancha azul del claro se agranda-ba. La calle se llenó de sol. A pesarde las descargas, el tren blindado,bajo aquella luz, parecía abandonado.Disparó de nuevo. Kyo y Chen lo ob-servaban, con menos atención ahora:quizás el enemigo estuviese más cer-ca de ellos. Muy inquieto, Kyo mira-ba confusamente a la acera, que bri-llaba bajo el sol provisional. Una gransombra se extendió. Levantó la cabe-za: era Katow.

—Antes de quince días —prosi-guió—, el gobierno Kuomintang supri-miría nuestras secciones de asalto. Aca-bo de ver a unos oficiales azules, en-

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pour nous sonder, nous insinuerastucieusement que les armes seraientmieux chez eux que chez nous.Désarmer la garde ouvrière: ils aurontla police, le Comité, le Préfet, l’arméeet les armes. Et nous aurons faitl’insurrection pour ça. Nous devonsquitter le Kuomintang, isoler le particommuniste, et si possible lui donnerle pouvoir. Il ne s’agit pas de jouer auxéchecs, mais de penser sérieusement auprolétariat, dans tout ça. Que luiconseillons-nous? [129]

Tchen regardait ses pieds fins et sa-les, nus dans des socques.

— Les ouvriers ont raisong defaire grève. Nous leur ordonnons decesser la grève. Les paysans veulentprendre les terres. Ils ont raisong.Nous le leur interdisons.

Son accent ne soulignait pas les motsles plus longs.

— Nos mots d’ordre sont ceux desbleus, reprit Kyo, avec un peu plus depromesses. Mais les bleus donnent auxbourgeois ce qu’ils leur promettent, etnous ne donnons pas aux ouvriers ce quenous promettons aux ouvriers.

— Assez, dit Tchen sans même leverles yeux. D’abord, il faut tuerChang-Kaï-Shek.

Katow écoutait en silence.

— C’est du f’tur, dit-il enfin.Présentement, on tue des nôtres. Oui.Et pourtant, Kyo, je ne suis pas sûr d’êtrede ton avis, vois-tu bien. Au d’but de laRévolution, quand j’étais encoresocialiste rév’lutionnaire, nous étionstous contre la tactique de Lénine enUkraine, Antonov, commissaire là-bas,avait arrêté les prop’taires des mines etleur avait collé dix ans de travaux forcéspour sab’tage. Sans jugement. De sapropre autor’té de Commissaire à laTchéka (83), Lénine l’a fél’cité; nousavons tous pro’sté. C’étaient de vraisexploiteurs, les prop’taires t’sais, etplusieurs d’entre nous étaient allés dansles mines, comme condamnés; c’estpourquoi nous pensions qu’il fallait êtrepart’culièrement justes avec eux, pourl’exemple. Pourtant, si nous les avionsremis en liberté, le prol’tariat n’auraitrien compris. Lénine avait raison. Lajustice était de notre côté, mais Lénineavait raison. Et nous étions aussi contreles pouvoirs extraord’naires de laTchéka. Il faut faire [130] attention. Lemot d’ordre actuel est bon: étendre laRév’lution, et ensuite l’approfondir.Lénine n’a pas dit tout de suite: « Toutle pouvoir aux Soviets.

viados del frente para sondearnos e in-sinuarnos astutamente que las armasestarían mejor entre ellos que entrenosotros. Desarmar a la guardia obre-ra: tendrán a la Policía, al Comité, alPrefecto, el Ejército y las armas. Y ha-bremos hecho la insurrección [109]para eso. Debemos abandonar elKuomintang, aislar el partido comunis-ta y, si es posible, entregarle el poder.No se trata de jugar al ajedrez, sino depensar seriamente en el proletariado, entodo esto. ¿Qué le aconsejaremos?

Chen se miraba los pies, finos y su-cios, desnudos dentro de unos zuecos.

—Los obreros tienen razón al decla-rarse en huelga. Nosotros les ordenamosque cesen en la huelga. Los campesinosquieren apoderarse de las tierras. Tienenrazón. Nosotros se lo prohibimos.

Su acento no subrayaba las palabrasmás largas.

—Nuestras contraseñas son las de losazules —continuó Kyo—, con unas cuan-tas promesas más. Pero los azules dan alos burgueses lo que les prometen, y no-sotros no damos a los obreros lo que pro-metemos a los obreros.

—Basta —dijo Chen, sin levantar si-quiera los ojos—. En primer término, hayque matar a Chiang Kaishek.

Katow escuchaba en silencio.

—Eso, para lo futuro —dijo, porfin—. Ahora, están matando a los nues-tros. Sí. Y, sin embargo, Kyo, no estoyseguro de ser de tu opinión: ya ves. Alcomienzo de la Revolución, cuando noera todavía socialista revolucionario,todos estábamos en contra de la tácticade Lenin en Ucrania. Antonov, comisa-rio allá, había detenido a los propieta-rios de las minas y los había condenadoa diez años de trabajos forzados, por sa-botaje. Sin juicio. Por su propia autori-dad de Comisario de la Cheka, Lenin lefelicitó; todos protestamos. Eran unosverdaderos explotadores los propieta-rios, ¿sabes?, y varios de nosotros fui-mos a las minas, como condenados; por-que creíamos que había que ser particu-larmente justos con ellos; nada menos.Sin embargo, si los hubiéramos puesto enlibertad, el proletariado no habría com-prendido nada. Lenin tenía razón. La jus-ticia estaba de nuestra parte; pero Lenintenía razón. Y nosotros estábamos tam-bién contra los poderes extraordinariosde la Cheka. Hay que prestar atención.La contraseña actual es buena: extenderla Revolución, y después profundizarla.Lenin nos dijo, de pronto: «Todo el po-der para los Soviets.» [110]

83 (p. 130). Tchéka : police politique créée parLénine pour juger les contre-révolutionnaires; la Tcheka, disposant deses propres tribunaux d’exception, faisaiteffectivement « sa » loi.

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— Mais il n’a jamais dit: Le pouvoiraux mencheviks (84)! Aucune situationne peut nous contraindre à donner nosarmes aux bleus. Aucune! Parcequ’alors, c’est que la Révolution estperdue, et il n’y a qu’à...

Un officier du Kuomintang entrait,petit, raide, presque japonais. Saluts.

— L’armée sera ici dans unedemi-heure, dit-il. Nous manquonsd’armes. Combien pouvez-vous nous enremettre?

Tchen marchait de long en large.Katow attendait.

— Les milices ouvrières doiventrester armées, dit Kyo.

— Ma demande est faite d’accordavec le gouvernement de Han-Kéou,répondit l’officier.

Kyo et Tchen sourirent.

— Je vous prie de vous renseigner,reprit-il.

Kyo manoeuvra le téléphone.

— Même si l’ordre..., commençaTchen, en rogne.

— Ça va! cria Kyo.

Il écoutait. Katow saisit le secondrécepteur. Ils raccrochèrent.

— Bien, dit Kyo. Mais les hommessont encore en ligne.

— L’artillerie sera là bientôt, ditl’officier. Nous en finirons avec ces choses...

Il montra le train blindé, échoué dans le soleil.« ... nous-mêmes. Pouvez-vous

remettre des armes aux troupesdemain soir? Nous en avons unurgent besoin. Nous continuons àmarcher sur Nankin.

— Je doute qu’il soit possible derécupérer plus de la moitié des armes. [131]

— Pourquoi?

— Tous les communistes n’accepterontpas de remettre les leurs.

— Même sur l’ordre de Han-Kéou?

— Même sur l’ordre de Moscou. Dumoins, immédiatement.

Ils sentaient l’exaspération del’officier, bien que celui-ci ne lamanifestât pas.

—Pero nunca dijo: El poder para losmencheviques. Ninguna situación puedeobligarnos a que entreguemos nuestrasarmas a los azules. Ninguna. Porque,entonces, no hay duda alguna, la Revo-lución está perdida, y no existe...

Entraba un oficial del Kuomintang,bajito, estirado, casi japonés. Saludó.

—El ejército estará aquí dentro demedia hora —dijo—. Nos faltan armas.¿Cuántas pueden ustedes proporcionar-nos?

Chen se paseaba por la habitación.Katow esperaba.

—Las milicias obreras deben perma-necer armadas —dijo Kyo.

—Mi pedido ha sido hecho de acuer-do con el gobierno de Han-Kow —de-claró el oficial.

Kyo y Chen sonrieron.

—Les ruego que se informen —agre-gó.

Kyo utilizó el teléfono.

—Hasta con la orden... —comenzóChen, entre dientes.

—¡Bueno! —exclamó Kyo.

Escuchaba. Katow cogió el segundoreceptor. Lo colgaron de nuevo.

—Bien —dijo Kyo—. Pero los hom-bres están aún en las filas.

—La artillería estará allí muy pronto—dijo el oficial—. Acabaremos con es-tas cosas... —señaló el tren blindado,encallado en el sol...— Nosotros mismos.¿Podrán ustedes entregar las armas a lastropas mañana por la tarde? Tenemos unaurgente necesidad de ellas. Continuamosavanzando hacia Nankín.

—Dudo que sea posible recuperar másde la mitad de las armas.

—¿Por qué?

—Todos los comunistas no se aven-drán a entregarlas.

—¿Ni aun con la orden de Han-Kow?

—Ni aun con la orden de Moscú. Porlo menos, inmediatamente.

A p r e c i a b a n l a e x a s p e r a c i ó nd e l o f i c i a l , a u n q u e é s t e n o l amani fes taba . [111]

84 (p. 131). Les mencheviks: membres du partisocial-démocrate russe, partisans deréformes politiques modérées, adversairespolitiques des bolcheviks, plusintransigeants.

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— Voyez ce que vous pouvez faire,dit-il. J’enverrai quelqu’un vers septheures.

Il sortit.

— Es-tu d’avis de remettre les ar-mes? demanda Kyo à Katow.

— J’essaie de comprendre. Il faut,avant tout, aller à Han-Kéou, vois-tubien. Que veut l’Interntionale? D’abordse servir de l’armée du Kuomintangpour un’fier la Chine. D’velopper,ensuite par la prop’gande et le reste,cette Rév’lution qui doit d’ellemême setransformer de Rév’lotion dém’cratiqueen Rév’lution socialiste.

— Il faut tuer Chang-Kaï-Shek, ditTchen.

— Chang-Kaï-Shek ne nous laisseraplus aller jusque-là, répondit Kyo. Il nele peut pas. Il ne peut se maintenir iciqu’en s’appuyant sur les douanes et lescontributions de la bourgeoisie, et labourgeoisie ne paiera pas pour rien: ilfaudra qu’il lui rende sa monnaie encommunistes zigouillés.

— Tout ça, dit Tchen, est parler pourne rien dire.

— Fous-nous la paix, dit Katow. Tune penses pas que tu vas essayer de tuerChang-Kaï-Shek sans l’accord duComté Central, ou du moins du dél’guéde l’Intern’tionale?

Une rumeur lointaine emplissait peuà peu le silence.

Tu vas aller à Han-Kéou? demandaTchen à Kyo. [132]

— Bien entendu.

Tchen marchait de long en large dansla pièce, sous tous les balanciers deréveils et de coucous qui continuaient àbattre leur mesure.

— Ce que j’ai dit est très simple,reprit-il enfin. L’essentiel. La seulechose à faire Préviens-les.

— Tu attendras?

Kyo savait que si Tchen, au lieu delui répondre, hésitait, ce n’était pas queKatow l’eût convaincu. C’étaitqu’aucun des ordres présents del’Internationale ne satisfaisait la passionprofonde qui l’avait fait révolutionnaire;si, par discipline, il les acceptait, il nepourrait plus agir. Kyo regardait, sousles horloges, ce corps hostile qui avait

—Vea usted lo que puede hacer—dijo—. Enviaré a uno, a eso delas siete.

Salió.

—¿Eres tú de opinión que se entreguenlas armas? —preguntó Kyo a Katow.

—Trato de comprender. Es preciso,ante todo, ir a Han-Kow, ¿sabes? ¿Quéquiere la Internacional? Desde luego, ser-virse del ejército del Kuomintang paraunificar China. Desarrollar después pormedio de la propaganda y demás, esaRevolución que debe, por sí misma, trans-formarse de Revolución democrática enRevolución socialista.

—Hay que matar a Chiang Kaishek—dijo secamente Chen.

—Chiang Kaishek no nos dejará yaque lleguemos a eso —respondió Kyo—. No puede. No puede mantenerse aquímás que apoyándose en las aduanas y enlas contribuciones de la burguesía, y laburguesía no pagará nada: será precisoque le devuelva la moneda en comunis-tas degollados.

—Todo eso —dijo Chen— es hablarpara no decir nada.

—Déjanos en paz —dijo Katow—. Nopienses que vas a poder matar a ChiangKaishek sin el acuerdo del Comité Cen-tral, o, por lo menos, del Delegado de laInternacional.

Un rumor lejano iba llenando, poco apoco, el silencio.

—¿Vas a ir a Han-Kow? —preguntóChen a Kyo.

—Desde luego.

Chen se paseaba por la habitación,bajo todos los péndulos de los desperta-dores y de los relojes de cuclillo, que con-tinuaban llevando el compás.

—Lo que he dicho es muy sencillo —pronunció al fin—. Lo esencial. La únicacosa que hay que hacer. Avísales.

—¿Tú esperarás?

Kyo sabía que, si Chen, en lugar deresponder, vacilaba, no era porqueKatow le hubiera convencido. Era por-que ninguna de las órdenes presentesde la Internacional [112] satisfacía lapasión profunda que le había hechorevolucionario; si, por disciplina, lasaceptaba, ya no podía obrar. Kyo con-templaba, bajos los relojes, aquel cuer-

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fait à la Révolution le sacrifice delui-même et des autres, et que laRévolution allait peut-être rejeter à sasolitude avec ses souvenirsd’assassinats. A la fois des siens etcontre lui, il ne pouvait plus ni lerejoindre, ni se détacher de lui. Sous lafraternité des armes, à l’instant mêmeoù il regardait ce train blindé quepeutêtre ils attaqueraient ensemble, ilsentait la rupture possible comme il eûtsenti la menace de la crise chez un amiépileptique ou fou, au moment de saplus grande lucidité.

Tchen avait repris sa marche; ilsecoua la tête comme pour protester,dit enfin: « Bong », en haussant lesépaules, comme s’il eût répondu ainsipour satisfaire en Kyo quelque désirenfantin.

La rumeur revint, plus forte, mais siconfuse qu’ils durent écouter trèsattentivement pour distinguer ce dontelle était faite. Il semblait qu’elle montâtde la terre.

— Non, dit Kyo, ce sont des cris.

Ils approchaient, et devenaient plusprécis.

— Prendrait-on l’église russe?... de-manda Katow. [133]

Beaucoup de gouvernementauxétaient retranchés là. Mais les crisapprochaient comme s’ils fussent venusde la banlieue vers le centre. De plus enplus forts. Impossible de distinguer lesparoles, Katow jeta un coup d’oeil versle train blindé.

— Leur arriverait-il des renforts ?

Les cris, toujours sans paroles,devenaient de plus en plus proches,comme si quelque nouvelle capitale eûtété transmise de foule en foule. Luttantavec eux, un autre bruit se fit place,devint enfin distinct l’ébranlementrégulier du sol sous les pas.

— L’armée, dit Katow. Ce sont lesnôtres.

Sans doute. Les cris étaient desacclamations. Impossible encore de lesdistinguer des hurlements de peur; Kyoavait entendu s’approcher ainsi ceux dela foule chassée par l’inondation. Lemartèlement des pas se changea enclapotement, puis reprit: les soldatss’étaient arrêtés et repartaient dans uneautre direction.

— On les a prévenus que le train blin-dé est ici, dit Kyo.

po hostil que había hecho a la Revolu-ción el sacrificio de sí mismo y de losdemás, y al que la Revolución iba talvez a lanzar a su soledad con el recuer-do de sus asesinatos. A la vez de lossuyos y contra él, ya no podía unírseleni separársele. Bajo la fraternidad delas armas, en el instante mismo en quecontemplaba aquel tren blindado alque quizá atacasen juntos, sentía laruptura posible como hubiera sentidola amenaza de la crisis en un amigoepiléptico o loco, en el momento desu mayor lucidez.

Chen había reanudado sus paseos.Sacudió la cabeza, como para protestar,y dijo, por fin: «Bueno», encogiéndosede hombros, como si hubiese respondidoasí para satisfacer a Kyo, en un deseopueril.

Volvió el rumor más fuerte, aunque tanconfuso, que tuvieron que escuchar conmucha atención para distinguir qué eralo que lo producía. Parecía que subía delsuelo.

—No —dijo Kyo—; son gritos.

Se acercaban y se hacían más preci-sos.

—¿Tomarán la iglesia rusa? —interro-gó Katow.

Muchos gubernamentales estabanatrincherados allá. Pero los gritos seaproximaban, como si viniesen de losarrabales hacia el centro. Eran cada vezmás fuertes. Resultaba imposible distin-guir las palabras. Katow echó una ojeadaal tren blindado.

—¿Les llegarán refuerzos?

Los gritos, siempre sin palabras, seproducían cada vez más cerca, como sialguna noticia capital hubiese sido trans-mitida de multitud en multitud. Luchan-do con ellos, otro ruido se sobrepuso yse hizo distinto, por fin: la conmociónregular del suelo bajo los pasos.

—El ejército —dijo Katow—. Son losnuestros.

Sin duda. Los gritos eran aclamacio-nes. Siendo aún imposible distinguirlosde los aullidos del miedo: Kyo habíaoído aproximarse así los de la multitudfugitiva a causa de la inundación. Elmartilleo de los pasos se cambió en unchapaleo y luego se reanudó: los solda-dos se habían detenido y volvían a par-tir en otra dirección. [113]

—Se les ha avisado que el tren blin-dado está aquí —dijo Kyo.

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Ceux du train entendaient sans douteles cris plus mal qu’eux, mais beaucoupmieux le martèlement transmis par larésonance des blindages.

Un vacarme formidable les surprittous trois: par chaque pièce, chaquemitrailleuse, chaque fusil, le train tirait.Katow avait fait partie d’un des trainsblindés de Sibérie; son imagination luifaisait suivre l’agonie de celui-ci. Lesofficiers avaient commandé le feu àvolonté. Que pouvaient-ils faire dansleurs tourelles, le téléphone d’une main,le revolver de l’autre? Chaque soldatdevinait sans doute ce qu’était cemartèlement. Se préparaient-ils à mourirensemble, ou à se jeter les uns sur lesautres, dans cet énorme sous-marin quine remonterait jamais? [134]

Le train même entrait dans une transefurieuse. Tirant toujours de partout,ébranlé par sa frénésie même, il semblaitvouloir s’arracher de ses rails, commesi la rage désespérée des hommes qu’ilabritait eût passé dans cette armureprisonnière et qui se débattait elle aussi.Ce qui, dans ce déchaînement, fascinaitKatow, ce n’était pas la mortellesaoulerie dans laquelle sombraient leshommes du train, c’était lefrémissement des rails qui maintenaienttous ces hurlements ainsi qu’unecamisole de force : il fit un geste du brasen avant, pour se prouver que lui n’étaitpas paralysé. Trente secondes, le fracascessa. Au-dessus de l’ébranlementsourd des pas et du tic-tac de toutes leshorloges de la boutique, s’établit ungrondement de lourde ferraille:l’artillerie de l’armée révolutionnaire.

Derrière chaque blindage, un hommedu train écoutait ce bruit comme la voixmême de la mort. [135]

TROISIÈME PARTIE

29 MARS

Han-Kéou était toute proche: lemouvement des sampans couvraitpresque le fleuve. Les cheminées del’arsenal se dégagèrent peu à peu d’unecolline, presque invisibles sous leurénorme fumée: à travers une lumièrebleuâtre de soir de printemps, la villeapparut enfin avec toutes ses banques àcolonnes dans les trous d’un premierplan net et noir: les vaisseaux de guerrede l’Occident. Depuis six jours Kyoremontait le fleuve, sans nouvelles deShanghaï.

Los del tren oirían, sin duda, losgritos peor que ellos, pero muchomejor el martilleo, transmitido por laresonancia de los blindajes.

Un estruendo formidable sorprendió alos tres: por cada pieza, por cada ametra-lladora y por cada fusil, el tren disparaba.Katow había formado parte de uno de lostrenes blindados de Siberia; más fuerte queél, su imaginación le hacía seguir la ago-nía de éste. Los oficiales habían ordenadoel fuego a discreción. ¿Qué podrían haceren sus torrecillas, con el teléfono en unamano y el revólver en la otra? Cada solda-do adivinaba, sin duda, lo que significabaaquel martilleo. ¿Se preparaban a morirjuntos, o arrojarse los unos sobre los otros,en aquel enorme submarino que no vol-vería a elevarse jamás?

El tren mismo entraba en un ansia fu-riosa. Disparando por todas partes: con-movido por su frenesí mismo, parecíaquerer arrancarse de los rieles, como sila rabia desesperada de los hombres quealbergaba hubiese pasado a aquella arma-dura prisionera y se debatiese ella tam-bién. Lo que en aquel desencadenamien-to fascinaba a Katow no era la mortalembriaguez en que zozobraban los hom-bres del tren; era el estremecimiento delos rieles, que contenía todos aquellosaullidos como una camisa de fuerza: unmovimiento con el brazo hacia adelante,para convencerse de que no se le habíaparalizado. Treinta segundos, y el es-truendo cesó. Por encima de la conmo-ción sorda de los pasos y del tic-tac detodos los relojes de la tienda, se estable-ció un fragor de pesados hierros: la ar-tillería del ejército revolucionario.

Detrás de cada blindaje, un hombre deltren escuchaba aquel ruido como la vozmisma de la muerte. [114]

PARTE TERCERA

29 de marzo

Han-Kow estaba muy cerca: el movi-miento de los sampanes casi llenaba elrío. Las chimeneas del arsenal se fuerondestacando poco a poco de una colina,casi invisible bajo su enorme humareda:a través de una luz azulada, de tarde deprimavera, la ciudad apareció, por fin,con todos sus bancos, de columnas, enlos huecos de un primer plano liso y ne-gro —los buques de guerra de las nacio-nes de Occidente—. Desde hacía seisdías, Kyo ascendía por el río, sin noticiasde Shanghai.

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Au pied du bateau, une vedetteétrangère siffla. Les papiers de Kyoétaient en règle, et il avait l’habitude del’action clandestine. Il gagna seulementl’avant, par prudence.

— Que veulent-ils ? demanda-t-il àun mécanicien.

— Ils veulent savoir si nous avonsdu riz ou du charbon. Défense d’enapporter.

— Au nom de quoi?

— Un prétexte. Si nous apportons ducharbon, on ne nous dit rien, mais ons’arrange pour désarmer le bateau au port.Impossible de ravitailler la ville.

Là-bas, des cheminées, desélévateurs, des réservoirs: les alliés dela Révolution. Mais Shanghaï avaitenseigné à Kyo ce qu’est un port actif.Celui [137] qu’il voyait n’était plein quede jonques - et de torpilleurs. Il saisitses jumelles: un vapeur de commerce,deux, trois. Quelques autres... Le sienaccostait, du côté de Ou-Chang; ildevrait prendre le transbordeurpour aller à Han-Kéou.

Il descendit. Sur le quai, un officiersurveillait le débarquement.

— Pourquoi si peu de bateaux? de-manda Kyo.

— Les Compagnies ont fait tout filer: elles ont peur de la réquisition.

Chacun, à Shanghaï, croyait lar é q u i s i t i o n f a i t e d e p u i slongtemps.

— Quand part le transbordeur?

— Toutes les demi-heures.

Il lui fallait attendre vingt minutes.Il marcha au hasard. Les lampes àpétrole s’allumaient au fond desboutiques; çà et là, quelques silhouettesd’arbres et de cornes de maisonsmontaient sur le ciel de l’ouest oùdemeurait une lumière sans source quisemblait émaner de la douceur mêmede l’air et rejoindre très hautl’apaisement de la nuit. Malgré lessoldats et les Unions ouvrières, au fondd’échoppes, les médecins auxcrapauds-enseignes, les marchandsd’herbes et de mons t res , l esécrivains publics, les jeteurs de sorts,les astrologues, les diseurs de bonneaventure continuaient leurs métierslunaires dans la lumière trouble oùdisparaissaient les taches de sang. Les

Al pie del barco, silbó un vapor ex-tranjero. Los papeles de Kyo se hallabanen regla, y él estaba acostumbrado a laacción clandestina. Llegó sólo hasta laproa, por prudencia.

—¿Qué quieren? —preguntó a unmecánico.

—Quieren saber si tenemos arrozo carbón. Está prohibido transpor-tarlo.

—¿En nombre de quién?

—Un pretexto. Si llevamos carbón, no senos dice nada, pero se las arreglan de maneraque puedan desarmar el barco en el puerto. Esimposible abastecer la ciudad.

A lo l e j o s , ch imeneas ,elevadores, depósitos: los aliados dela Revolución. Pero Shanghai habíaenseñado a Kyo lo que es un puertoactivo. El que veía, sólo estaba lle-no de juncos y de torpederos. Tomósus gemelos: un vapor mercante,dos, tres. Algunos otros... El suyoatracaba [115] por la parte de U-Chang; debería tomar el transborda-dor para ir a Han-Kow.

Descendió. En el muelle, un oficialvigilaba el desembarco.

—¿Por qué hay tan pocos barcos? —preguntó Kyo.

—Las Compañías han hecho desalojartodo: tienen miedo a la requisición.

Todos, en Shanghai, creían que larequisición estaba hecha desde hacíamucho tiempo.

—¿Cuándo sale el transbordador?

—Cada media hora.

Había que esperar veinte minutos.Caminó al azar. Las lámparas de petró-leo se encendían en el fondo de las tien-das; aquí y allá, algunas siluetas de ár-boles y de los ángulos de las casas as-cendían por el cielo del Oeste, dondepersistía una luz sin origen que parecíaemanar de la suavidad misma del cieloy reunirse, en lo más alto, al apacigua-miento de la noche. A pesar de los sol-dados y de las Uniones obreras, en elfondo de sus tenderetes los médicos queostentaban un sapo como insignia, losvendedores de hierbas y de monstruos,los escribanos públicos, los echadoresde suertes, los astrólogos y los que de-cían la buena ventura continuaban susoficios lunares en la luz turbia en quedesaparecían las manchas de sangre.

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ombres se perdaient sur le sol plusqu’elles ne s’y allongeaient, baignéesd’une phosphorescence bleuâtre; ledernier éclat de ce soir unique qui sepassait très loin, quelque part dans lesmondes, et dont seul un reflet venaitbaigner la terre, luisait faiblement aufond d’une arche énorme que surmontaitune pagode rongée de lierre déjà noir.Au-delà, un bataillon se perdait [138]dans la nuit accumulée en brouillard auras du fleuve, au-delà d’un chahut declochettes, de phonographes, et cribléde toute une illumination. Kyodescendit, lui aussi, jusqu’à un chantierde blocs énormes: ceux des murailles,rasées en signe de libération de la Chine.Le transbordeur était tout près.

Encore un quart d’heure sur lefleuve, à voir la ville monter dans lesoir. Enfin, Han-Kéou.

Des pousses attendaient sur le quai,mais l’anxiété de Kyo était trop grandepour qu’il pût rester immobile. Il préféramarcher: la concession britannique quel’Angleterre avait abandonnée enjanvier, les grandes banques mondialesfermées, mais pas occupées... « Étrangesensation que l’angoisse: on sent aurythme de son coeur qu’on respire mal,comme si l’on respirait avec le cour... »Au coin d’une rue, dans la trouéed’un grand jardin plein d’arbresen fleurs, gris dans la brume dusoir, apparurent les cheminéesd e s m a n u f a c t u r es de l’Ouest.Aucune fumée. De toutes celles qu’ilvoyait, seules celles de l’Arsenal étaienten activité. Était-il possible queHan-Kéou, la ville dont les communistesdu monde entier attendaient le salut dela Chine, fût en grève? L’Arsenaltravaillait; du moins pouvait-on comptersur l’armée rouge? Il n’osait pluscourir. Si Han-Kéou n’était pas ce quechacun croyait qu’elle était, tous lessiens, à Shanghaï, étaient condamnés àmort. Et May. Et lui-même.

Enfin, la Délégation del’Internationale.

La villa tout entière était éclairée. Kyosavait qu’à l’étage le plus élevé travaillaitBorodine (85); au rez-de-chaussée,l’imprimerie marchait à plein avecson fracas d’énorme ventilateur enmauvais état.

Un garde examina Kyo, vêtu d’unchandail gris à [139] gros col. Déjà, lecroyant japonais, il lui indiquait dudoigt le planton chargé de conduire lesétrangers, quand son regard rencontrales papiers que Kyo lui tendait; àtravers l’entrée encombrée il leconduisit donc à la section de

Las sombras se perdían en el suelo, másbien que alargarse, bañadas de unaazulada fosforescencia; el último res-plandor de aquella tarde única, que seiba muy lejos, a cualquier parte delmundo, y cuyo único reflejo acababa debañar la tierra, lucía débilmente en elfondo de un arco enorme, que remata-ba una pagoda cubierta de hiedra, yanegra. A lo lejos, un batallón se perdíaen la noche cargada de niebla a ras delrío, más allá de una baraúnda de cam-panillas y de fonógrafos, acribillado todopor la iluminación. Kyo descendió tam-bién hasta una cantera de bloques enor-mes: los de las murallas derruidas enseñal de liberación de la China. Eltransbordador estaba muy cerca.

Un cuarto de hora más sobre el río,para ver ascender la ciudad en la noche.Por fin, Han-Kow. [116]

Unos pousses esperaban en el muelle;pero la ansiedad de Kyo era demasiadogrande para que pudiese permanecer in-móvil. Prefirió caminar: la concesión bri-tánica, que Inglaterra había abandonadoen enero, y los grandes bancos mundia-les cerrados pero no ocupados... «Extra-ña sensación la de la angustia: sentimosen el ritmo del corazón que se respira mal,como si respirásemos con el corazón...»Cada vez se hacía más fuerte que la luci-dez. En la esquina de una calle, en el cla-ro de un gran jardín, lleno de árboles enflor, grises en la bruma de la noche, apa-recieron las chimeneas de las manufac-turas del Oeste. Sin humo. De todas cuan-tas veía, sólo las del arsenal se hallabanen actividad. ¿Era posible que Han-Kow,la ciudad de la cual los comunistas delmundo entero esperaban la salvación deChina, estuviese en huelga? El arsenaltrabajaba; ¿se podría contar, al menos,con el ejército rojo? Ya no se atrevía acorrer. Si Han-Kow no era lo que todo elmundo creía que era, todos los suyos, enShanghai, estaban condenados a muerte.Y May también. Y él mismo.

Por fin, la Delegación de la Interna-cional.

La ciudad entera estaba ilumina-da. Kyo sabía que en el último pisotrabajaba Borodin; en el piso bajo,funcionaba la imprenta, con su es-truendo de enorme ventilador enmal estado.

Un guardia examinó a Kyo, vestidocon una tricota gris, con gran cuello.Creyéndole japonés, le señalaba ya conel dedo al ordenanza encargado de con-ducir a los extranjeros, cuando su miradaencontró los papeles que Kyo le tendía;por la entrada abarrotada de gente, locondujo, pues, a la sección de la Interna-

85 (p. 139). Borodine : personnage historique,délégué de l’Internationale communiste. Cf.Les conquérants.

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l’Internationale chargée de Shanghaï.Du secrétaire qui le reçut, Kyo savaitseulement qu’il avait organisé lespremières insurrections de Finlande; uncamarade, la main tendue pardessusson bureau, tandis qu’il se nommait:Vologuine. Gras plutôt comme unefemme mûre que comme un homme;cela tenait-il à la finesse des traits à lafois busqués et poupins, légèrementlevantins malgré le teint très clair, ouaux longues mèches presque grises,coupées pour être rejetées en arrièremais qui retombaient sur ses jouescomme des bandeaux raides?

— Nous faisons fausse route àShanghaï, dit Kyo.

Aussitôt mécontent de ce qu’il venaitde dire: sa pensée allait plus vite quelui. Pourtant, sa phrase disait ce qu’ileût dit bientôt: si Han-Kéou ne pouvaitapporter le secours que les sections enattendaient, rendre les armes était unsuicide.

Vologuine, tassé dans son fauteuil,enfonça ses mains dans les mancheskaki de son uniforme.

— Encore!... marmonna-t-il.

— D’abord, que se passe-t-il ici?

— Continue: en quoi faisons-nousfausse route à Shanghaï?

— Mais pourquoi, pourquoi les ma-nufactures, ici, ne travaillent-elles pas?

— Attends. Quels camaradesprotestent?

— Ceux des groupes de combat. Lesterroristes, aussi.

— Terroristes, on s’en fout. Lesautres...

Il regarda Kyo: [140]

« Qu’est-ce qu’ils veulent?

— Sortir du Kuomintang. Organiserun Parti Communiste indépendant.Donner le pouvoir aux Unions. Etsurtout, ne pas rendre les armes. Avanttout.

— Toujours la même chose.

Vologuine se leva, regarda par lafenêtre vers le fleuve et les collines,sans la moindre expression; uneintensité fixe semblable à celle d’unsomnambule donnait seule vie à cevisage figé. Il était petit, et son dosaussi gras que son ventre le faisait

cional encargada de Shanghai. Del secre-tario que lo recibió, Kyo sólo sabía quehabía organizado las primeras insurrec-ciones en Finlandia; un camarada, con lamano extendida por encima de la mesa,mientras pronunciaba su propio nombre:Vologuin. Parecía grueso, más bien comouna mujer madura que como un hombre;¿se debía aquello a la finura de facciones,a la vez aguileñas y mofletudas,ligeramente levantinas a pesar de tenerla tez muy clara, o a los largos mechonescasi grises, cortos para estar echados ha-cia [117] atrás, y que caían sobre susmejillas como crenchas tiesas?

—Erramos el camino en Shanghai —dijo Kyo.

Su frase le sorprendió: su pensa-miento iba más rápido que él. Sinembargo, decía lo que hubiera queri-do decir: si Han-Kow no podía sumi-nistrar el socorro que las seccionesesperaban, entregar las armas era unsuicidio.

Vologuin se hundió las manos en las man-gas caqui de su uniforme e inclinó la cabezahacia adelante, arrellanado en su sillón.

—¡Todavía!... —murmuró.

—En primer término, ¿qué pasa aquí?

—Continúa: ¿en qué erramos el ca-mino de Shanghai?

—Pero, ¿por qué, por qué las manu-facturas no trabajan?

— E s p e r a . ¿ Q u é c a m a r a d a spro tes tan?

—Los de los grupos de combate. Losterroristas.

—Los terroristas, al diablo. Losotros...

Miró a Kyo.

—¿Qué es lo que quieren?

—Salir del Kuomintang. Organizarun Partido Comunista independiente.Entregar el poder a las Uniones. Y,sobre todo, no entregar las armas. Eso,ante todo.

—Siempre la misma cosa.

Vologuin se levantó y miró por la ven-tana, hacia el río y las colinas, sin la me-nor expresión de pasión o de voluntad:una intensidad fija, semejante a la de unsonámbulo, prestaba vida sólo a aquelrostro inexpresivo. Era bajito, y su es-palda, tan abultada como su vientre, casi

crencha. 1. f. Raya que divide el cabello en dos partes. 2. f. Cada una de estas partes.

POUPIN Qui a les traits, l'air d'une poupée. Figurepoupine : visage rond, frais, coloré.

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paraître presque bossu.

— Je vais te dire. Suppose que noussortions du Kuomintang. Quefaisons-nous?

— D’abord, une milice pour chaqueunion de travail, pour chaque syndicat.

— Avec quelles armes? Ici l’arsenalest entre les mains des généraux.Chang-Kaï-Shek tient maintenant celuide Shanghaï. Et nous sommes coupésde la Mongolie: donc, pas d’armesrusses.

— À Shanghaï, nous l’avons pris,l’arsenal.

— Avec l’armée révolutionnairederrière vous. Pas devant. Quiarmerons-nous ici? Dix milleouvriers, peut-être. En plus du noyaucommuniste de l’«armée de fer » :encore dix mille. Dix balles chacun.!Contre eux, plus de 75 000 hommes,rien qu’ici. Sans parler, enfin... deChang-Kaï-Shek, ni des autres. Tropheureux de faire alliance contre nous,à la première mesure réellementcommuniste. Et avec quoiravitaillerons-nous nos troupes?

— Les fonderies, les manufac-tures?

— Les matières premières n’arrivent plus.

Immobile, profil perdu dans lesmèches, devant la fenêtre, sur la nuit quimontait, Vologuine continuait : [141]

— Han-Kéou n’est pas la capitale destravailleurs, c’est la capitale dessans-travail.

« Il n’y a pas d’armes; c’est tantmieux peut-être. Il y a des moments oùje pense: si nous les armions, ilstireraient sur nous. Et pourtant, il y atous ceux qui travaillent quinze heurespar jour sans présenter derevendications, parce que « notrerévolution est menacée... »

K y o s o m b r a i t , c o m m e e nrêve, toujours plus bas .

— Le pouvoir n’est pas à nous,continuait Vologuine, il est auxgénéraux du «Kuomintang de gauche»,comme ils disent. Ils n’accepteraient pasplus les Soviets que ne les accepteChang-Kaï-Shek. C’est sûr. Nouspouvons nous servir d’eux, c’est tout.En faisant très attention. »

Si Han-Kéou était seulement undécor ensanglanté... Kyo n’osait

le hacía aparecer jorobado.

—Voy a decirte. Suponte que hubié-ramos salido del Kuomintang. ¿Qué ha-cemos?

—En primer término, una milicia paracada unión de trabajo, para cada sindicato.

—¿Con qué armas? Aquí el arsenalestá en las manos de los generales.Chiang Kaishek tiene ahora el deShanghai. Y nosotros estamos separadosde la Mongolia: no tenemos, pues, ar-mas rusas.

—En Shanghai, las hemos cogido delarsenal.

—Con el ejército revolucionariodetrás de vosotros. No delante. ¿Aquiénes armaríamos aquí? A diez milobreros, [118] quizá. Además del nú-cleo comunista del «ejército de hie-rro». ¡Diez balas para cada uno! Con-tra ellos, más de 75.000 hombres sola-mente aquí. Sin hablar, en fin... deChiang Kaishek ni de los demás. De-masiado afortunados para hacer alian-zas contra nosotros, ante la primeramedida realmente comunista. ¿Y conqué abasteceríamos nuestras tropas?

—¿Y las fundiciones? ¿Y las manu-facturas?

—Las materias primas no llegan ya.

Inmóvil, con el perfil perdido entre lasgreñas, frente a la ventana, ante la nocheque ascendía, Vologuin continuaba:

—Han-Kow no es la capital de los tra-bajadores; es la capital de los obreros sintrabajo.

«No tenemos armas, y quizá seaesto lo mejor. Hay momentos en quepienso: si los armásemos, dispara-rían sobre nosotros. Y, sin embar-go, están todos los que trabajanquince horas al día sin presentarreivindicaciones, porque «nuestrarevolución está amenazada...»

Kyo naufragaba, como el que se sumergeen un sueño cada vez más profundo.

—El poder no es nuestro —conti-nuaba Vologuin—; es de los genera-les del «Kuomintang de izquierda»,como ellos dicen. No aceptarían ya alos sovie ts , como no los aceptaChiang Kaishek. Eso es seguro. Po-demos servirnos de ellos y nada más.Prestándoles mucha atención.

Si Han-Kow fuese sólo un escenarioensangrentado... Kyo no se atrevería a

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86 (p. 142). La lutte contre les trotskistes.Quelques expl icat ions sont ic inécessaires pour éclairer les enjeuxpolitiques du dialogue entre Vologuine etKyo. La mort de Lénine en 1924 exacer-be l’opposition entre Staline et Trotski.Stal ine, soutenant la thèse de l ’«édification du socialisme dans un seulpays», impose au Komintern(l’Internationale communiste) ses propresvues tactiques, à moyen et à long terme:ordre est donné aux partis communistesde s’entendre, « provisoirement » (p. 129,149), avec les partis « bourgeois », plusmodérés, pour « gagner du temps » (p.142-143), par « opportunisme » (p. 150),en attendant que s’inverse le rapport desforces et que triomphe le prolétariat: dansle roman, Vologuine est le scrupuleuxporte-parole de cette « ligne » officielle.Trotski, partisan de la « révolution per-manente », prône au contraire l’extensionimmédiate du mouvement révolutionnairedans tous les pays. Le conflit entre lesdeux hommes tourne à l’avantage deStaline qui élimine impitoyablement lesopposants et durcit la « discipline du Parti» (p. 142) : et c’est précisément en 1927(le 14 novembre), que Trotski est excludu parti communiste russe avant d’êtredéporté, expulsé d’U.R.S.S. (en 1929),et assassiné en 1940 par un agentstalinien.

87 (p. 143). Armée de fer: armée d’élite.

88 (p. 143). Feng-Yu-Shiang : « seigneur dela guerre » dominant les territoires à l’ouestde Pékin, qui avait fait alliance avecChang-Kaï-Shek.

penser plus loin. « Il faut que je voiePossoz, en sortant », se disait-il.C’étai t le seul camarade, àHan-Kéou, en qui il eût confiance. «Il faut que je voie Possoz... »

Vologuine était beaucoup plus mal àl’aise qu’il ne le laissait paraître. La dis-cipline du Parti sortait furieusementrenforcée de la lutte contre les trotskistes(86). Vologuine était là pour faireexécuter les décisions prises par descamarades plus qualifiés, mieuxinformés que lui - et que Kyo. EnRussie, il n’eût pas discuté. Mais iln’avait pas oublié encore la lourdepatience avec laquelle les bolcheviksenseignaient inlassablement leur véritéà des foules illettrées - les discours deLénine, ces spirales opiniâtres parlesquelles il revenait six fois sur lemême point, un étage plus haut chaquefois. La structure du Parti chinois étaitloin d’avoir la force de celle du Partirusse; et les exposés de la situation, lesinstructions, même les ordres, seperdaient souvent sur le long chemin deMoscou à Shanghaï. [142]

— ... Inutile d’ouvrir la bouche aveccet air, enfin... abruti, dit-il. Le mondecroit Han-Kéou communiste, tantmieux. Ça fait honneur à notrepropagande. Ce n’est pas une raisonpour que ce soit vrai.

— Quelles sont les dernièresinstructions?

— Renforcer le noyau communistede l’armée de fer (87). Nous pouvonspeser dans l’un des plateaux de la ba-lance. Nous ne sommes pas une forcepar nousmêmes. Les généraux quicombattent avec nous, ici, haïssentautant les Soviets et les communistesque Chang-Kaï-Shek. Je le sais, je levois, enfin... tous les jours. Tout motd’ordre communiste les jettera sur nous.Et sans doute les mènera à une allianceavec Chang. La seule chose que nouspuissions faire est de démolir Chang ennous servant d’eux. PuisFeng-Yu-Shiang (88) de la même façon,s’il le faut. Comme nous avons démoli,enfin, les généraux que nous avonscombattus jusqu’ici en nous servant deChang. Parce que la propagande nousapporte autant d’hommes que la victoireleur en apporte, à eux. Nous montonsavec eux. C’est pourquoi gagner dutemps est l’essentiel. La Révolution nepeut pas se maintenir, enfin, sous sa for-me démocratique. Par sa nature même,elle doit devenir socialiste. Il faut lalaisser faire. Il s’agit de l’accoucher. Etpas de la faire avorter.

— Oui. Mais il y a dans le marxisme

llevar más lejos su pensamiento: «Es pre-ciso que vea a Possoz, cuando salga» —se decía—. Era el único camarada deHan-Kow en quien tenía confianza. «Espreciso que vea a Possoz...»

—No abras la boca con ese gesto,así... atontado —dijo Vologuin—. Si lagente cree que Han-Kow es comunista,tanto mejor. Eso hace honor a nuestrapropaganda. Pero no es una razón paraque sea verdad.

—¿Cuáles son las instruccionesactuales?

—Reforzar el núcleo comunista delejército de hierro. No podemos ayudara un platillo de la balanza en contra delotro. No constituimos una fuerza pornosotros mismos. Los generales quecombaten aquí con nosotros odian tan-to [119] a los soviets y al comunismocomo Chiang Kaishek. Lo sé y lo veo,en fin... todos los días. Toda contrase-ña comunista les lanzará contra noso-tros. Y, sin duda, les conducirá a unaalianza con Chiang. La única cosa quepodríamos hacer es derribar a Chiangsirviéndonos de ellos. Luego, a Fen-Yu-Shiang, de la misma manera, si fuesepreciso. Como hemos derribado, en fin,a los generales a quienes hemos com-batido hasta ahora, sirviéndonos deChiang. Porque la propaganda nos pro-porciona tantos hombres como la vic-toria les reporta a ellos. Ascenderemosal par que ellos. Por eso, lo esencial esganar tiempo. La Revolución no puedemantenerse, en fin, bajo su forma de-mocrática. Por su naturaleza misma,debe hacerse socialista. Hay que dejar-la obrar. Se trata de hacerla parir. Y node hacerla abortar.

—Sí; pero, en el marxismo, existe el

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89 (p. 144). Jacquerie: vx. révolte paysanne.Dans la bouche du discipliné Vologuine, leterme, très péjoratif, signifie: révolteanarchique, irresponsable, vouée à l’échecparce que non encadrée par le Parti etséparée du mouvement ouvrier urbain. Cemot daté souligne combien l’Internationalen’a d’yeux que pour le marteau (lesmétallurgistes, les ouvriers, le prolétariatindustriel), non pour la faucille: le monderural est souverainement ignoré et méprisé

« Le paysan suit toujours, dit Vologuine. Oul’ouvrier, ou le bourgeois. Mais il suit. »

le sens d’une fatalité, et l’exaltationd’une volonté. Chaque fois que lafatalité passe avant la volonté, je meméfie.

— Un mot d’ordre purementcommuniste, aujourd’hui, amèneraitl’union, enfin, immédiate, de tous lesgénéraux contre nous: 200 000 hommescontre 20 000. C’est pourquoi il fautvous arranger à Shanghaï avecChang-Kaï-Shek. S’il n’y a pas moyen,rendez les armes. [143]

— À ce compte, il ne fallait pas tenterla Révolution d’octobre: combienétaient les bolcheviks?

— Le mot d’ordre « la paix » nous adonné les masses.

— Il y a d’autres mots d’ordre.

— Prématurés. Et lesquels?

— Suppression totale, immédiate,des fermages et des créances. Larévolution paysanne, sans combines niréticences.

Les six jours passés à remonter lefleuve avaient confirmé Kyo dans sapensée: dans ces villes de glaise, fixéesaux confluents depuis des millénaires,les pauvres suivraient aussi bien lepaysan que l’ouvrier.

— Le paysan suit toujours, ditVologuine. Ou l’ouvrier, ou lebourgeois. Mais il suit.

— Pardon. Un mouvement paysan nedure qu’en s’accrochant aux villes, etla paysannerie seule ne peut donnerqu’une jacquerie (89), c’est entendu.Mais il ne s’agit pas de la séparer duprolétariat: la suppression descréances est un mot d’ordre decombat, le seul qui puisse mobiliserles paysans.

— Enfin, le partage de terres, ditVologuine.

— Plus concrètement: beaucoup depaysans très pauvres sontpropriétaires, mais travaillent pourl’usurier. Tous le savent. D’autre partil faut, à Shanghaï, entraîner au plusvite les gardes des Unions ouvrières.Ne les laisser désarmer sous aucunprétexte. En faire notre force, en facede Chang-Kaï-Shek.

— Dès que ce mot d’ordre seraconnu, nous serons écrasés.

— Alors, nous le serons de toutefaçon. Les mots d’ordre communistes

sentido de una fatalidad y la exaltaciónde una voluntad. Cada vez que la fatali-dad pasa por delante de la voluntad, des-confío.

—Una contraseña puramente co-munista, hoy, conduciría a la unión,en fin, inmediata de todos los gene-rales contra nosotros: 200.000 hom-bres contra 20.000. Por eso, tenéisque arreglaron en Shanghai conChiang Kaishek. Si no hay otro me-dio, entregad las armas.

—Para eso, no merecía la pena de in-tentar la Revolución de octubre. ¿Cuán-tos eran los bolcheviques?

—La contraseña de «la paz» nos faci-litó las masas.

—Hay otras contraseñas.

—Prematuras. ¿Y cuáles?

—Supresión total, inmediata, de losarrendamientos de los créditos. La revo-lución campesina, sin combinaciones nireticencias.

Los seis días que había empleado enremontar el río habían confirmado a Kyoen su pensamiento: en aquellas ciudadesde arcilla, fijas sobre los confluentes des-de milenios, los pobres seguirían tan bienal campesino como al obrero.

—El campesino sigue siempre —dijoVologuin— o al obrero, o al burgués. Perosigue.

—No; un movimiento campesino nodura más que aferrándose a las ciudades,y está visto que los campesinos [120]solos no pueden hacer más que una su-blevación popular. Pero no se trata desepararlos del proletariado: la supresiónde los créditos es una contraseña de com-bate, la única que puede movilizar a loscampesinos.

—En una palabra: el reparto de tie-rras —dijo Vologuin.

—Más concretamente: muc h o sc a m p e s i n o s m u y p o b r e s s o nprop ie t a r io s , pe ro trabajan para elusurero. Todos lo saben. Por otra parte,es preciso, en Shanghai, atraerse lo máspronto posible los guardias de las Unio-nes obreras. No dejarlos desarmar bajo nin-gún pretexto. Crear nuestra fuerza frente ala de Chiang Kaishek.

—En cuanto esa contraseña sea co-nocida, quedamos aplastados.

—Entonces lo seremos de todasmaneras. Las contraseñas comunistas

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font leur chemin, même quand nous lesabandonnons. Il suffit de discours pourque [144] les paysans veuillent lesterres, il ne suffira pas de discours pourqu’ils ne les veuillent plus. Ou nousdevons accepter de participer à larépression avec les troupes deChang-Kaï-Shek, ça te va? nouscompromettre définitivement, ou ilsdevront nous écraser, qu’ils le veuillentou non.

— L e P a r t i e s t d ’ a c c o r dq u ’ i l f a u d r a , e n f i n , r o m p r e .M a i s p a s s i t ô t .

— Alors, s’i l s’agit avant toutde ruser, ne rendez pas les ar-mes. Les rendre, c’est l ivrer lescopains.

— S’ils suivent les instructions,Chang ne bougera pas.

— Qu’ils les suivent ou non n’ychangera rien. Le Comité, Katow,moi-même, avons organisé la gardeouvrière. Si vous voulez la dissoudre,tout le prolétariat de Shanghaï croira àla trahison.

— Donc, laissez-la désarmer.

— Les Unions ouvrières s’organisentpartout d’elles-mêmes dans les quartierspauvres. Allez-vous interdire les syndicatsau nom de l’Internationale?

Vologuine était retourné à la fenêtre.Il inclina sur sa poitrine sa tête quis’encadra d’un double menton. La nuitvenait, pleine d’étoiles encore pâles.

— Rompre, dit-il, est une défaitecertaine. Moscou ne tolérera pas quenous sortions du Kuomintangmaintenant. Et le Parti communistechinois est plus favorable encore àl’entente que Moscou.

— En haut seulement: en bas, lescamarades ne rendront pas toutes lesarmes, même si vous l’ordonnez. Vousvous sacrifierez, sans donner latranquillité à Chang-Kaï-Shek.Borodine peut le dire à Moscou.

C’était le seul espoir de Kyo. Unhomme comme Vologuine ne pouvaitêtre convaincu. Tout au plus,transmettrait-il... [145]

— Moscou le sait: l’ordre de rendreles armes a été donné avant-hier.

Atterré, Kyo ne répondit pas tout desuite.

— Et les sections les ont remises?

siguen su camino, incluso cuando lasabandonamos. Bastan unos discursospara que los campesinos deseen lastierras, y no bastarán unos discursospara que no las deseen. O debemosaceptar e l par t ic ipar en la repre-s i ó n c o n l a s t r o p a s d e C h i a n gKaishek, ¿no te parece?, y com-promete rnos de f in i t i vamen te , od e b e r á n a p l a s t a r n o s , q u i e r a no n o .

—Todo el mundo en Moscú está deacuerdo en que será preciso romper, alfin. Pero no tan pronto.

—Entonces, si, ante todo, se trata deser astutos, no hay que entregar las ar-mas. Entregarlas es entregar a los com-pañeros.

—Si siguen las instrucciones, Chiangno se moverá.

—Que las sigan o no, eso no cam-biará nada. El Comité, Katow y yomismo hemos organizado la guardiaobrera. Si pretendéis disolverla, todoel proletariado de Shanghai creerá enla traición.

—Entonces, dejadla desarmar.

—Las Uniones obreras se organizanen todas partes por sí mismas, en los barriospobres. ¿Vais a suprimir los sindicatosen nombre de la Internacional?

Vologuin había vuelto a la ventana.Inclinó sobre el pecho la cabeza, que serodeó de un doble mentón. Venía la no-che, llena de estrellas, todavía pálidas.

—Romper, supone una derrotasegura . Moscú no tolerará [121]q u e s a l g a m o s d e l K u o m i n t a n ga h o r a . Y e l P a r t i d o c o m u n i s t achino es más favorable aún a laespera que Moscú.

—Solamente arriba: abajo, loscamaradas no entregarán todas lasarmas, aunque se lo ordenemos. Nossacrificaríais sin dar la tranquilidada Chiang Kaishek. Borodin puededecirlo en Moscú.

—Moscú lo sabe: la orden de entre-gar las armas fue dada anteayer.

Estupefacto, Kyo no respondió, alpronto.

—¿Y las secciones, las han entregado?

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90 (p. 146). Youdenitch : général quicommandait les troupes blanches pendantla guerre civile russe et qui, parvenu auxabords de Leningrad (Petrograd) en 1919,dut se retirer devant l’Armée rouge.

— La moitié, à peine...

L’avant-veille, tandis qu’ilréfléchissait ou dormait, sur le bateau...Il savait, lui aussi, que Moscoumaintiendrait sa ligne. La situationdonna soudain une confuse valeur auprojet de Tchen:

— Autre chose, - peut-être la même:Tchen-Ta-Eul, de chez nous, veutexécuter Chang.

— Ah! c’est pour ça!

— Quoi?

— I l a f a i t p a s s e r u n m o t ,p o u r d e m a n d e r à m e v o i rq u a n d t u s e r a i s l à .

Il prit un message sur la table.Kyo n’avait pas remarqué encores e s m a i n s e c c l é s i a s t i q u e s .« Pourquoi ne l’a-t-il pas fait montertout de suite? » se demanda-t-il.

— ... Question grave... (Vologuinelisait le message.) Ils disent tous :question grave...

— Il est ici?

— Il ne devait pas venir? Tous lesmêmes. I ls changent presquetoujours d’avis. Il est ici depuis,enfin, deux ou trois heures: tonbateau a été beaucoup arrêté.

Il téléphona qu’on fît venir Tchen. Iln’aimait pas les entretiens avec lesterroristes, qu’il jugeait bornés,orgueilleux et dépourvus de senspolitique.

— Ça allait encore plus mal àLeningrad, dit-il, quand Youdenitch (90)était devant la ville, et on s’en est tirétout de même...

Tchen entra, en chandail lui aussi,passa devant Kyo, s’assit en face deVologuine. Le bruit de l’imprimerieemplissait seul le silence. Dans la gran-de [146] fenêtre perpendiculaire aubureau, la nuit maintenant complèteséparait les deux hommes de profil.Tchen, coudes sur le bureau, menton dansses mains, tenace, tendu, ne bougeait pas.« L’extrême densité d’un homme prendquelque chose d’inhumain, pensa Kyoen le regardant. Est-ce parce que nousnous sentons facilement en contact parnos faiblesses?... » La surprise passée,il jugeait inévitable que Tchen fût là.

De l’autre côté de la nuit criblée

—La mitad, apenas...

La antevíspera, mientras, reflexiona-ba o dormía en el barco... Él sabía, tam-bién, que Moscú mantendría su norma deconducta. La conciencia de la situacióndio, de pronto, un confuso valor al pro-yecto de Chen.

—Otra cosa (quizá la misma):Chen-Ta-Eul, de Shanghai, quiereejecutar a Chiang.

—¡Ah! ¡Es para eso!

—¿El qué?

—Me ha mandado unas palabras, di-ciéndome que quería verme cuando túestuvieses de vuelta.

Tomó un mensaje de encima de lamesa. Kyo no había reparado aún en susmanos eclesiásticas.

«¿Por qué no le ha hecho subir en se-guida?», se preguntó.

—...Cuestión grave... (Vologninleía el mensaje.) Todos dicen: cues-tión grave...

—¿Está aquí?

—¿No tenía que venir? Todos hacenlo mismo. Casi siempre terminan porcambiar de opinión. Está aquí, en fin,desde hace dos o tres horas: tu barco seha detenido mucho.

Telefoneó que se hiciese venir a Chen.No gustaba mantener entrevistas con losterroristas, a quienes consideraba limita-dos, orgullosos y desprovistos de sentidopolítico.

—Peor marchaba lo de Leningrado —dijo— cuando Yudenich se hallaba antela ciudad, y hubo modo de zafarse, sinembargo... [122]

Chen entró, también de tricota; pasópor delante de Kyo, se sentó enfrente deVologuin. Sólo el ruido de la imprentallenaba el silencio. En la gran ventana,perpendicular a la mesa de despacho, lanoche, a la sazón completa, separaba alos dos hombres, de perfil. Chen, con loscodos sobre la mesa, el mentón entre lasmanos, tenaz, tenso, no se movía. «Laextrema densidad de un hombre adquie-re algo de inhumano —pensó Kyo, con-templándole—. ¿Es porque nos sentimosfácilmente en contacto por nuestras de-bilidades?... Pasada la sorpresa conside-raba inevitable que Chen estuviese allí;que hubiese ido él mismo a afirmar (por-que no pensaba que discutiría) su decisión.Al otro lado de la noche, acribillada de

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91 (p. 147). Gallen : général à la tête desconsei l leurs mi l i ta i res sov iét iquesauprès du Kuomintang.

d’étoiles, Vologuine, debout, mèchesdans la figure, mains grasses croiséessur la poitrine, attendait aussi.

Il t’a dit? demanda Tchen, montrantKyo de la tête.

— Tu sais ce que l’Internationalepense des actes terroristes, réponditVologuine. Je ne vais pas te faire, enfin,un discours là-dessus!

— Le cas présent est particulier.Chang-Kaï-Shek seul est assez populaireet assez fort pour maintenir la bourgeoisieunie contre nous. Vous opposez-vous àcette exécution, oui ou nong?

Il était toujours immobile, accoudéau bureau, le menton dans les mains.Kyo savait que la discussion étaitvaine pour Tchen, bien qu’il fût venu.La destruction seule le mettaitd’accord avec lui-même.

— L’Internationale n’a pas àapprouver ce projet. Vologuine parlaitsur le ton de l’évidence. « Pourtant, deton point de vue même... » Tchen nebougeait toujours pas. « ... Le moment,enfin, est-il bien choisi?

— Vous préférez attendre que Changait fait assassiner les nôtres?

— Il fera des décrets et rien de plus.Son fils est à Moscou, ne l’oublie pas.Enfin, des officiers russes de Gallen (91)n’ont pas pu quitter son état-major. Ils[147] seront torturés s’il est tué. NiGallen ni l’état-major rouge nel’admettront...

« La question a donc été discutée icimême », pensa Kyo. Il y avait dans cettediscussion il ne savait quoi de peuconvaincant, qui le troublait: il jugeaitVologuine singulièrement plus fermelorsqu’il ordonnait de rendre les armesque lorsqu’il parlait du meurtre deChang-Kaï-Shek.

— Si les officiers russes sonttorturés, dit Tchen, ils le serong. Moiaussi, je le serai. Pas d’intérêt. Lesmilliongs de Chinois valent bien quinzeofficiers russes. Bong. Et Changabandonnera son fils.

— Qu’en sais-tu?

— Et toi?

— Sans doute aime-t-il son filsmoins que luimême, dit Kyo. Et s’il netente pas de nous écraser il est perdu.S’il n’enraye pas l’action paysanne, sespropres officiers le quitteront. Je crainsdonc qu’il n’abandonne le gosse, après

estrellas, Vologuin, en pie, con los mecho-nes sobre el rostro, las manos abultadas cru-zadas sobre el pecho, esperaba también.

—¿Te lo ha dicho? —preguntó Chen,indicando a Kyo con la cabeza.

—Ya sabes lo que piensa la Interna-cional de los actos terroristas —respon-dió Vologuin—. En fin, no voy a pronun-ciarte un discurso a este respecto.

—El caso presente es particular. SóloChiang Kaishek es lo bastante popular ylo bastante fuerte para mantener a la bur-guesía unida contra nosotros. ¿Os opo-néis a esta ejecución? ¿Sí o no?

Estaba siempre inmóvil, acodado so-bre la mesa, con el mentón entre las ma-nos. Kyo sabía que la discusión no teníavalor esencial para Chen aunque se hu-biera producido. Sólo la destrucción leponía de acuerdo consigo mismo.

—La Internacional no va a aprobar eseproyecto —Vologuin hablaba con unaentonación de evidencia. Sin embargo,desde tu mismo punto de vista... —Chencontinuaba sin moverse...— El momen-to, en fin, ¿está bien elegido?

—¿Preferís esperar a que Chiang hayahecho asesinar a los nuestros?

—Expedirá decretos, nada más. Suhijo está en Moscú; no lo olvides. Losoficiales rusos de Gallen, en fin, no hanpodido abandonar a su estado mayor.Serán torturados, [123] si él es muerto.Ni Gallen ni el estado mayor rojo lo ad-mitirán...

«Así, pues, la cuestión se ha discutidoaquí mismo» —pensó Kyo—. En aque-lla discusión encontraba no sabía qué devano, de vacío, que le turbaba: encontra-ba singularmente más firme a Vologuincuando ordenaba que se entregasen lasarmas que cuando hablaba de la muertede Chiang Kaishek.

—Si los oficiales rusos son torturados—dijo Chen—, lo serán. Yo también loseré. Eso no tiene interés alguno. Unosmillones de chinos valen por cierto másque quince oficiales rusos. Bueno. YChiang abandonará a su hijo.

—¿Qué sabes tú de eso?

—¿Y tú? Y, sin duda, ni siquiera osatreveríais a matarlo.

—Sin duda, quiere a su hijo menos quea sí mismo —dijo Kyo—. Y si no intentaaniquilarnos, está perdido. Si no contie-ne la acción campesina, sus propios ofi-ciales le abandonarán. Temo, pues, queno abandone al muchacho, después de

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quelques promesses des consulseuropéens ou d’autres plaisanteries. Ettoute la petite bourgeoisie que tu veuxrallier, Vologuine, le suivra le lendemaindu jour où il nous aura désarmés: ellesera du côté de la force. Je la connais.

— Pas évident. Et il n’y pas queShanghaï.

— Tu dis que vous crevez de faim.Shanghaï perdue, qui vous ravitaillera?Feng-Yu-Shiang vous sépare de laMongolie, et il vous trahira si noussommes écrasés. Donc, rien par leYang-Tsé, rien de la Russie.Croyez-vous que les paysans à qui vouspromettez le programme duKuomintang (25 % de réduction defermage, sans blague, non mais sansblague!) mourront de faim pour nourrirl’armée rouge? Vous vous mettrez en-tre les mains du Kuomintang plusencore que vous ne l’êtes. Tenter la luttecontre Chang maintenant, avec de vraismots [148] d’ordre révolutionnaires, ens’appuyant sur la paysannerie et leprolétariat de Shanghaï, c’est chanceux,mais ce n’est pas impossible: la premièredivision est communiste presque toutentière, à commencer par son général, etcombattra avec nous. Et tu dis que nousavons conservé la moitié des armes. Nepas la tenter, c’est attendre avectranquillité notre égorgement.

Cette discussion commençait àexaspérer Vologuine, malgré son attitudede distraction paterne. Mais il n’ignoraitpas la force, à Shanghaï, de la tendanceque Kyo défendait devant lui.

— Le Kuomintang est là. Nous nel’avons pas fait. Il est là. Et plus fortque nous, provisoirement. Nouspouvons le conquérir par la base en yintroduisant tous les élémentscommunistes dont nous disposons. Sesmembres sont, en immense majorité,extrémistes.

— Tu sais aussi bien que moi que lenombre n’est rien dans une démocratiecontre l’appareil dirigeant.

— Nous démontrons que leKuomintang peut être employé enl’employant. Non en discutant. Nousn’avons cessé de l’employer depuisdeux ans. Chaque mois, chaque jour.

— Tant que vous avez accepté sesbuts; pas une fois quand il s’est agipour lui d’accepter les vôtres. Vousl’avez amené à accepter les cadeauxdont il brûlait d’envie: officiers,volontaires, argent, propagande. Lessoviets de soldats, les Unionspaysannes, c’est une autre affaire.

las promesas de los cónsules europeosy de otras zarandajas. Y toda la peque-ña burguesía a la que tú quieres conquis-tar, Vologuin, le seguirá, al día siguientea aquel en que nos tenga desarmados: sepondrá de parte de la fuerza. Lo conozco.

—Evidentemente, no. No tiene másque Shanghai.

—Dices que os morís de hambre.Perdido Shanghai, ¿quién nos abas-tecerá? Fen-Yu-Shiang os ha separa-do de la Mongolia, y os traicionará,si somos aniquilados. Así, pues, nadapor el Yang-Tsé y nada de Rusia.¿Creéis que los campesinos, a quie-nes habéis prometido el programa delKuomintang (25 % de reducción enel arriendo, ¡sin bromas, pero sinbromas!) se morirán de hambre pormantener el ejército rojo? Os pondréisen las manos del Kuomintang, másaún de lo que estáis. Intentar ahora lalucha contra Chiang, con verdaderascontraseñas revolucionarias, apoyán-dose en los campesinos el proletaria-do de Shanghai, es aventurado, perono imposible: la primera división escomunista casi por completo, comen-zando por su general, y combatirácon nosotros. Y tú dices que hemos[124] conservado la mitad de las ar-mas. No intentarlo es aguardar contranquilidad nuestro degüello.

«El Kuomintang está ahí. Nosotrosno lo hemos hecho. Ahí está. Y másfuerte que nosotros provisionalmente.Podemos conquistarlo por la base, in-troduciendo en él todos los elementoscomunistas de que disponemos. Susmiembros son, en una inmensa mayoría,extremistas.»

—Tú sabes, tan bien como yo, que elnúmero no supone nada, en una demo-cracia, contra el organismo dirigente.

—Demostremos que el Kuomintangpuede ser empleado, empleándolo. Nodiscutiendo. No hemos dejado de em-plearlo, desde hace dos años. Todos losmeses; todos los días.

—Mientras, habéis aceptado sus fines;ni una sola vez, cuando se trató de que élaceptase los vuestros. Le habéis condu-cido a aceptar los presentes por conse-guir los cuales ardía en deseos: oficiales,voluntarios, dinero, propaganda. Los so-viets de soldados, las uniones campesi-nas, ya es otra cosa.

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— Et l’exclusion des élémentsanticommunistes?

— Chang-Kaï-Shek ne possédait pasShanghaï.

— Avant un mois, nous auronsobtenu du Comité Central duKuomintang sa mise hors la loi.

— Quand il nous aura écrasés.Qu’est-ce que ça [149] peut foutre à cesgénéraux du Comité Central qu’on tueou pas les militants communistes?Autant de gagné! Est-ce que tu ne croispas, vraiment, que l’obsession desfatalités économiques empêche le Particommuniste chinois, et peut-êtreMoscou, de voir la nécessité élémentaireque nous avons sous le nez?

— C’est de l’opportunisme.

— Ça va! À ton compte, Lénine nedevait pas prendre le partage des terrescomme mot d’ordre (il figurait d’ailleursau programme dessocialistesrévolutionnaires, qui n’ontpas été foutus de l’appliquer, beaucoupplus qu’à celui des bolcheviks). Lepartage des terres, c’était la constitutionde la petite propriété; il aurait donc dûfaire, non le partage, mais lacollectivisation immédiate, lessovkhozes. Comme il a réussi, voussavez voir que c’était de la tactique.Pour nous aussi il ne s’agit que detactique! Vous êtes en train de perdre lecontrôle des masses...

— T’images-tu que Lénine, enfin,l’ait gardé de février à octobre?

— Il l’a perdu par instants. Mais il atoujours été dans leur sens. Vous, vosmots d’ordre sont à contrecourant. Il nes’agit pas d’un crochet, mais dedirections qui iront toujours s’éloignantdavantage. Pour agir sur les massescomme vous prétendez le faire, ilfaudrait être au pouvoir. Ce n’est pas lecas.

— Il ne s’agit pas de tout ça, dit Tchen.

Il se leva.

— Vous n’enrayerez pas l’actionpaysanne, reprit Kyo. Présentement,nous, communistes, donnons aux massesdes instructions qu’elles ne peuventconsidérer que comme des trahisons.Croyez-vous qu’elles comprendront vosmots d’ordre d’attente?

Pour la première fois, une ombre depassion glissa dans la voix deVologuine : [150]

—¿Y la exclusión de los elementosanticomunistas?

—Chiang Kaishek no pose íaShanghai.

—Antes de un mes, habremos obteni-do del Comité Central del Kuomintangque sea puesto fuera de la ley.

—Cuando nos haya aniquilado. ¿Quémierda les puede importar a esos genera-les del Comité Central que se mate o noa los militantes comunistas? ¡Otro tantohabrán ganado! ¿Es que crees, verdade-ramente, que la obsesión de las fatalida-des económicas impidan al Partido co-munista chino, y quizás a Moscú, ver lanecesidad elemental que tenemos delan-te de nuestras narices?

—Es cuestión de oportunismo.

—¡Claro! En tu opinión, Lenin nodebía considerar el reparto de tierrascomo consigna (figuraba, por otra par-te, en el programa de los socialistasrevolucionarios, que no ha tenido in-conveniente en aplicarla, mucho másque en el de los bolcheviques). El re-parto de tierras suponía la constituciónde la pequeña propiedad; hubiera de-bido, pues, hacerse, no el reparto, sinola colectivización inmediata, lossovkhozes. Como triunfo, sabéis verque [125] fue a causa de la táctica.¡Tampoco se trata, para nosotros, másque de la táctica! Estáis perdiendo laconfianza délas masas...

—¿Te imaginas que Lenin la conser-vó de febrero a octubre?

—La perdió por instantes. Pero siem-pre conservó su sentido. Vosotros, vues-tras consignas van contra la corriente. Nose trata de un broche, sino de direccionesque irán siempre alejándose, cada vezmás. Para obrar sobre las masas comovosotros pretendéis hacerlo, sería preci-so estar en el poder. Y no es precisamen-te ese el caso.

—No se trata de nada de eso —dijo Chen.

Se levantó.

—No detendréis la acción cam-pesina —prosiguió Kyo—. Ahora,nosotros, los comunistas, damos ins-trucciones a las masas que no pue-den considerar más que como trai-ciones. ¿Creéis que comprenderánvuestras consignas de espera?

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— Même coolie du port de Shanghaï,je penserais que l’obéissance au Partiest la seule attitude logique, enfin, d’unmilitant communiste. Et que toutes lesarmes doivent être rendues.

Tchen se leva :

— Ce n’est pas par obéissancequ’on se fait tuer. Ni qu’on tue.Sauf les lâches.

Vologuine haussa les épaules.

— Il ne faut pas considérerl’assassinat, enfin, comme la voieprincipale de la vérité politique!

Tchen sortait.

— Nous proposerons à la premièreréunion du Comité Central le partageimmédiat des terres, dit Kyo en tendantla main à Vologuine, la destruction descréances.

— Le Comité ne les votera pas,répondit Vologuine, souriant.

Tchen , ombre t rapue sur l etrottoir, attendait. Kyo le rejoignit,après avoir obtenu l’adresse de sonami Possoz : il était chargé de ladirection du port.

— Écoute... dit Tchen.

Transmis par la terre, lefrémissement des machines del’imprimerie, régulier, maîtrisé commecelui d’un moteur de navire, lespénétrait des pieds à la tête: dans laville endormie, la délégation veillait detoutes ses fenêtres illuminées, quetraversaient des bustes noirs. Ilsmarchèrent, leurs deux ombressemblab les devant eux: mêmeta i l l e , même e ffe t du co l dechandail. Les paillotes aperçues dansla perspective des rues, avec leurssilhouettes de purgatoire, se perdaient aufond de la nuit calme et presquesolennelle, dans l’odeur du poisson etdes graisses brûlées; Kyo ne pouvait sedélivrer de cet ébranlement de machinestransmis à ses muscles par le sol -comme si ces machines à fabriquer la[151] vérité eussent rejoint en lui leshésitations et les affirmations deVologuine. Pendant la remontée dufleuve, il n’avait cessé d’éprouvercombien son information était faible,combien il lui était difficile de fonderson action, s’il n’acceptait plus d’obéirpurement et simplement auxinstructions de l’Internationale. Maisl’Internationale se trompait. Gagner dutemps n’était plus possible. La

—Hasta si fuera yo un coolie del puer-to de Shanghai, pensaría que la obedien-cia al partido es la única actitud lógica,en fin, de un militante comunista. Y quetodas las armas deben ser entregadas.

Chen se levantó.

—No es por obediencia por loque se hace matar. Ni que se mata.Salvo a los cobardes.

Vologuin se encogió de hombros.

— N o h a y q u e c o n s i d e r a r e la s e s i n a t o , e n f i n , c o m o l a v í apr incipal de la verdad pol í t ica .

Chen salía.

—Propondré, en la primera reunióndel Comité Central, el reparto inmedia-to de tierras —dijo Kyo, tendiendo lamano a Vologuin—, la destrucción delos créditos.

—El Comité no los votará —respondióVologuin, sonriendo por primera vez.

Chen, abultada sombra sobre la ace-ra, esperaba. Kyo se unió a él, despuésde haber obtenido la dirección de su ami-go Possoz: estaba encargado de la direc-ción del puerto.

—Escucha... —dijo Chen.

Transmitido por tierra, el estreme-cimiento de las máquinas [126] deimprenta, regulado, dominado, comoel del motor de un navío, los penetra-ba, de los pies a la cabeza; en la ciu-dad adormecida, la delegación vela-ba, con todas sus ventanas ilumina-das por las que atravesaban unos bus-tos negros. Caminaron, con sus dossombras semejantes delante de ellos:el mismo tamaño y el mismo efectodel cuello de la tricota. Los paillottesque se divisaban en la perspectiva delas calles, con sus siluetas de purga-torio, se perdían en el fondo de lanoche calma y casi solemne, en el olora pescado y a grasas quemadas: Kyono podía sustraerse a aquella conmo-ción de las máquinas, transmitida asus músculos por el suelo —como siaquella máquina de fabricar la verdadhubiese reunido en él las vacilacio-nes y las afirmaciones de Vologuin—. Mientras subían por el río, no habíacesado de experimentar cuán débil erasu información, cuán difícil le erafundar su acción, si ya no se sometíaa obedecer, pura y simplemente, lasinstrucciones de la Internacional.Pero la Internacional se equivocaba.Ganar tiempo, ya no era posible. La

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propagande communiste avait atteint lesmasses comme une inondation, parcequ’elle était la leur. Quelle que fût laprudence de Moscou, elle ne s’arrêteraitplus; Chang le savait et devait dèsmaintenant écraser les communistes. Làétait la seule certitude. Peut-être laRévolution eût-elle pu être conduiteautrement; mais c’était trop tard. Lespaysans communistes prendraient lesterres, les ouvriers communistesexigeraient un autre régime de travail, lessoldats communistes ne combattraientplus que sachant pourquoi, queMoscou le voulût ou non. Moscou etles capitales d’Occident ennemiespouvaient organiser là-bas dans la nuitleurs passions opposées et tenter d’enfaire un monde. La Révolution avaitpoussé sa grossesse à son terme: il fallaitmaintenant qu’elle accouchât ou mourût.En même temps que le rapprochait deTchen la camaraderie nocturne, une gran-de dépendance pénétrait Kyo, l’angoissede n’être qu’un homme, que lui-même;il se souvint des musulmans chinoisqu’il avait vus, par des nuits pareilles,prosternés dans les steppes delavande brûlée, hurler ces chants quidéchirent depuis des millénairesl’homme qui souffre et qui sait qu’ilmourra. Qu’était-il venu faire àHan-Kéou? Mettre le Komintern aucourant de la situation de Shanghaï. LeKomintern était aussi résolu qu’ill’était devenu. Ce qu’il avait entenduc’était, bien plus que les argumenu[152] de Vologuine, le silence desusines, l’angoisse de la ville quimourait chamarrée de gloirerévolutionnaire, mais n’en mourait pasmoins. On pouvait léguer ce cadavre àla prochaine vague insurrectionnelle,au lieu de le laisser se liquéfier dansles astuces. Sans doute étaient-ils touscondamnés l’essentiel était que ce nefût pas en vain. Il était certain queTchen, lui aussi, se liait en cet instantà lui d’une amitié de prisonniers :

— Ne pas savoir!... dit celui-ci. S’ils’agit de tuer Chang-Kaï-Shek, je sais.Pour ce Vologuine, c’est pareil, je pense;mais lui, au lieu d’être le meurtre, c’estl’obéissance. Quand on vit comme nous,il faut une certitude. Appliquer lesordres, pour lui, c’est sûr, je pense,comme tuer pour moi. Il faut quequelque chose soit sûr. Il faut.

Il se tut.

« Rêves-tu beaucoup? reprit-il.

— Non. Ou du moins ai-je peu desouvenirs de mes rêves.

— Je rêve presque chaque nuit. Il y aaussi la distractiong, la rêverie. L’ombre

propaganda comunista había anegadolas masas, como una inundación, por-que era suya. Cualquiera que fuese laprudencia de Moscú, ya no se deten-dría; Chiang lo sabía, y ahora debíaaniquilar a los comunistas. Allí estabala única certidumbre. Acaso la Revo-lución hubiera podido ser conducida deotro modo; pero ya era demasiado tar-de. Los campesinos comunistas toma-rían las tierras; los obreros comunistasexigirían otro régimen de trabajo; lossoldados comunistas no combatirían yasino sabiendo por qué, quisiese o noquisiese Moscú. Moscú y las capitalesde Occidente enemigas podrían orga-nizar, allá en la noche, sus pasionesopuestas e intentar la creación de unmundo. La Revolución había llevado atérmino su preñez: ahora era precisoque diese a luz o muriese. Al mismotiempo que le aproximaba a Chen lacamaradería nocturna, una gran depen-dencia penetraba a Kyo: la angustia deno ser más que un hombre, de no sermás que él mismo; se acordó de losmusulmanes chinos, a quienes habíavisto, en noches semejantes,prosternados en las estepas de espliegoquemado, aullar esos cantos que des-garran desde hace miles de años al hom-bre que sufre y sabe [127] que morirá.¿Qué había ido a hacer en Han-Kow?A poner a la Internacional al corrientede la situación de Shanghai. La Inter-nacional estaba tan resuelta como élhabía llegado a estarlo. Lo que habíaoído era, más bien que los argumentosde Vologuin, el silencio de las máqui-nas, la angustia de la ciudad que mo-ría, abrumada de gloria revolucionaria,si bien no por eso moría menos. Se po-día legar aquel cadáver a la próxima olea-da insurreccional, en lugar de dejar quese licuase en la astucia. Sin duda, to-dos estaban condenados: lo esencial eraque no fuese en vano. Estaba seguro deque también Chen se unía en aquel ins-tante a él con amistad de prisionero.

—No saber... —dijo éste—. Se tratade matar a Chiang Kaishek, ya lo sé. Aese Vologuin, le da lo mismo; pero él, enlugar de representar al crimen, represen-ta a la obediencia. Cuando se vive comonosotros, es preciso tener certidumbre.Creo que, para él, aplicar las órdenes esseguro, como para mí lo es matar. Es pre-ciso que algo sea seguro. Es preciso.

Calló.

—¿Sueñas mucho? —continuó.

—No. O, por lo menos, no me acuer-do de los sueños.

—Yo sueño casi todas las noches. Haytambién distracción, hay el ensueño. Cuan-

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d’un chat, par terre... Dans le meurtre, ledifficile n’est pas de tuer. C’est de ne pasdéchoir. D’être plus fort que... ce qui sepasse en soi à ce moment-là.

Amertume? Impossible d’en juger auton de la voix, et Kyo ne voyait pas sonvisage. Dans la solitude de la rue, lefracas étouffé d’une auto lointaine seperdit avec le vent dont la retombéeabandonna parmi les odeurs camphréesde la nuit le parfum des vergers.

— S’il n’y avait que ça... Nong. Lesrêves c’est pire. Des bêtes.

Tchen répéta

« Des bêtes... Des pieuvres, surtout.Et je me souviens toujours. » [153]

Kyo, malgré les grands espaces dela nuit, se sentit près de lui commedans une chambre fermée.

— Il y a longtemps que ça dure?

— Très. Aussi loin que je remonte.Depuis quelque temps, c’est moinsfréquent. Et je ne me souviens que de...ces choses. Je déteste me souvenir, engénéral. Et ça ne m’arrive pas: ma vie n’estpas dans le passé, elle est devant moi.

Silence.

« ... La seule chose dont j’aie peur -peur - c’est de m’endormir. Et jem’endors tous les jours. »

Dix heures sonnèrent. Des gens sedisputaient, à brefs glapissementschinois, au fond de la nuit.

« ... Ou de devenir fou. Ces pieuvres,la nuit et le jour, toute une vie... Et onne se tue jamais, quand on est fou,paraît-il... Jamais.

— Tes rêves n’ont pas changé?

Tchen comprit à quoi Kyo faisaitallusion.

— Je te le dirai après... Chang. »

Kyo avait admis une fois pour toutesqu’il jouait sa propre vie, et vivait parmides hommes qui savaient que la leurétait chaque jour menacée: le couragene l’étonnait pas. Mais c’était lapremière fois qu’il rencontrait la

do me dejo llevar de él, veo, a veces, lasombra de un gato, en el suelo: más terribleque cualquier cosa verdadera. Pero no haynada peor que los sueños.

—¿Que cualquier cosa verdadera?...

—No tengo facha de sentir remordi-miento. En el crimen, lo difícil no es ma-tar. Es no decaer. Ser más fuerte que... loque pasa en uno, durante ese momento.

¿Amargura? Imposible juzgar por eltono de voz, y Kyo no veía su semblan-te. En la soledad de la calle, el estruen-do ahogado de un auto lejano se perdiócon el viento, cuya recaída abandonóentre los olores alcanforados de la no-che el perfume de los vegetales.

—...Si no hubiese más que eso... No.____ _____ Es peor. Bestias.

Chen repitió:

—Bestias. Pulpos, sobre todo. Y meacuerdo siempre.

Kyo, a pesar de los grandes espacios dela noche, se sintió junto a él como si se en-contrara en una habitación cerrada.

—¿Hace mucho tiempo que dura eso?

—Mucho. Tan lejano está como puedealcanzar mi imaginación. Desde hace algúntiempo, es menos frecuente. Y no me acuer-do más que de... esas cosas. Detesto el recor-dar, en general. Y no recuerdo: mi vida noestá en el pasado; está delante de mí.

Silencio.

« . . .Lo único que me da miedo—miedo— es dormi rme . Y me ,duermo todos los días .»

Dieron las diez. Alguna gente dispu-taba, con los breves chillidos chinos, enel fondo de la noche.

«...O volverme loco. Esos pulpos, dedía y de noche, durante toda una vida...Y no se les mata nunca, cuando se estáloco, al parecer... Nunca.»

—¿El matar cambia tus sueños?

____________________________________ .

—Ya no sé. Te lo diré después... de Chiang.

Kyo había admitido, de una vez parasiempre, que se jugaba su propia vida, yvivía entre hombres conscientes de quela suya estaba todos los días amenazada:el valor no le asombraba. Pero era aque-lla la primera vez que encontraba la fas-

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fascination de la mort, dans cet ami àpeine visible qui parlait d’une voix dedistrait, comme si ces paroles eussentété suscitées par la même force de lanuit que sa propre angoisse, parl’intimité toute-puissante de l’anxiété,du silence et de la fatigue... Cependant,sa voix venait de changer.

— Tu y penses avec... avec inquiétude?

— Nong. Avec...

Il hésita :

« Je cherche un mot plus fort que joie.Il n’y a pas de mot. Même en chinois.Un... apaisement total. Une sorte de...comment dites-vous? de... je ne sais[154] pas. Il n’y a qu’une chose qui soitencore plus profonde. Plus loin del’homme, plus près de... Tu connaisl’opium?

— Guère.

— Alors , j e peux malt’expliquer. Plus près de ce quevous appelez... extase. Oui. Maisépais . Profong. Pas léger. Uneextase vers... vers le bas.

— Et c’est une idée qui te donne ça?

— Oui: ma propre mort. »

Toujours cette voix de distrait. « Ilse tuera », pensa Kyo. Il avait assezécouté son père pour savoir que celuiqui cherche aussi âprement l’absolu nele trouve que dans la sensation. Soifd’absolu, soif d’immortalité, donc peurde mourir: Tchen eût dû être lâche; maisil sentait, comme tout mystique, que sonabsolu ne pouvait être saisi que dansl’instant. D’où sans doute son dédain detout ce qui ne tendait pas à l’instant quile lierait à lui-même dans unepossession vertigineuse. De cette formehumaine que Kyo ne voyait même pas,émanait une force aveugle et qui ladominait, l’informe matière dont se faitla fatalité. Ce camarade maintenantsilencieux rêvassant à ses familièresvisions d’épouvante avait quelque chosede fou, mais aussi quelque chose desacré - ce qu’a toujours de sacré laprésence de l’inhumain. Peut-être netuerait-il Chang que pour se tuerlui-même. Cherchant à revoir dansl’obscurité ce visage aigu aux bonneslèvres, Kyo sentait tressaillir enlui-même l’angoisse primordiale, cellequi jetait à la fois Tchen aux pieuvresdu sommeil et à la mort.

— Mon père pense, dit lentementKyo, que le fond de l’homme estl’angoisse, la conscience de sa propre

cinación de la muerte, en aquel amigoapenas visible que hablaba con voz dis-traída —como si sus palabras hubiesensido suscitadas por la misma fuerza de lanoche que su propia angustia, por la inti-midad todopoderosa de la ansiedad, delsilencio y del cansancio... Sin embargo,su voz acababa de cambiar.

—¿Piensas en ello... con inquietud?

—No. Con...

Vaciló.

—Busco una palabra que sea másfuerte que gozo. No la hay. ____ ________ ___________ ____ __ Una especiede... ¿cómo diríamos?... de... no sé.No hay más que una cosa que seaaún más profunda. Más lejos delhombre y más cerca de... ¿Conocesel opio?

—Apenas.

—Entonces, mal puedo explicárte-lo. Más cerca de lo que vosotros lla-máis... éxtasis. Sí, un éxtasis, pero es-peso. Profundo. No ligero. Un éxtasishacia... hacia abajo. [129]

—¿Y es una idea lo que te da eso?

—Sí: mi propia muerte.

Siempre aquella voz distraída. «Sematará», pensó Kyo. Había escuchadobastante a su padre para saber que el quebusca tan ásperamente lo absoluto no loencuentra más que en la sensación. Sedde absoluto, sed de inmortalidad, por con-siguiente, miedo a morir. Chen debierahaber sido cobarde; pero comprendía,como todo místico, que su absoluto nopodía ser apresado más que en el instan-te. De ahí, sin duda, su desdén hacia todolo que no tendiese al instante que le uniesea sí mismo en una posición vertiginosa.De aquella forma humana, que Kyo noveía siquiera, emanaba una fuerza ciegaque la dominaba, la informe materia deque se hace la fatalidad. Aquel camara-da, entonces silencioso, perdido en susfamiliares visiones de espanto, tenía algode loco, pero también algo de sagrado —lo que siempre tiene de sagrado la pre-sencia de lo inhumano—. Quizá no ma-tase a Chiang sino para matarse a sí mis-mo. Procurando volver a ver en la oscu-ridad aquel semblante agudo de bonda-dosos labios, Kyo sentía temblar en símismo la angustia primordial, la que lan-zaba a Chen, a la vez, hacia los pulposdel sueño y hacia la muerte.

—Mi padre cree —dijo, lentamen-te, Kyo— que el fondo del hombre esla angustia, la conciencia de su propia

tressallir 1. (Sujet n. de personne). Éprouver dessecousses musculaires, un tressaillement. [a](Sous l’effet d’une émotion vive, agréable oudésagréable) - Effluve, cit. 5. [b] (Sous l’effetd’une sensation qui surprend). - 2. (Sujet n.de personne, d’animal). être agité debrusques secousses , remuer de façondésordonnée. - 3. Techn. (de trésaillé*,confondu avec tressailler). Se fendiller sousl’effet de la chaleur (céramique).

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92 (p. 157). Trente-six bêtes: jeu chinois.

fatalité, d’où naissent toutes les peurs,même celle de la mort... mais quel’opium délivre de cela, et que là estson sens. [155]

— On trouve toujours l’épouvante ensoi. Il suffit de chercher assez profong :heureusement, on peut agir; si Moscoum’approuve, ça m’est égal; si Moscoume désapprouve, le plus simple est den’en rien savoir. Je vais partir. Tu veuxrester?

— Je veux avant tout voir Possoz.Et tu ne pourras pas partir: tu n’as pasle visa.

— Je vais partir. Sûrement.

— Comment?

— Je ne sais pas. Mais je vais partir.

Certainement je partirai.

En effet , Kyo sentait que lavolonté de Tchen jouait enl’occurrence un très petit rôle. Si ladestinée vivait quelque part, elle étaitlà, cette nuit, à son côté.

— Tu trouves important que ce soit toiqui organises l’attentat contre Chang ?

— Nong... Et pourtant, je ne voudraispas le laisser faire par un autre.

— Parce que tu n’aurais pas confiance?

— Parce que je n’aime pas que lesfemmes que j’aime soient baisées parles autres.

La phrase fit jaillir en Kyo toute lasouffrance qu’il avait oubliée: il se sentitd’un coup séparé de Tchen. Ils étaientarrivés au fleuve. Tchen coupa la cordede l’un des canots amarrés, et quitta larive. Déjà Kyo ne le voyait plus, mais ilentendait le clapotement des rames quidominait à intervalles réguliers le légerressac de l’eau contre les berges. Ilconnaissait des terroristes. Ils ne seposaient pas de questions, ils faisaientpartie d’un groupe: insectes meurtriers,ils vivaient de leur lien à un étroitguêpier. Mais Tchen... Continuant àpenser sans changer de pas, Kyo sedirigeait vers la Direction du Port. « Sonbateau sera arrêté au départ... » [156]

Il arriva à de grands bâtiments gardéspar l’armée, presque vides encomparaison de ceux du Komintern.Dans les couloirs, les soldats dormaientou jouaient aux trente-six bêtes (92). Iltrouva sans peine son ami. Bonne têteen pomme, couperose de vigneron,moustaches grises à la gauloise - en

fatalidad, de donde nacen todos los te-mores, incluso el de la muerte... peroque el opio emancipa de eso, y que ésees su sentido.

—Siempre encuentra uno el espanto en símismo. Basta con buscarlo lo suficientementeprofundo: afortunadamente, se puede obrar; siMoscú me aprueba, me da igual . SiM o s c ú m e d e s a p r u e b a , l o m á ssenci l lo es no saber lo . ¿Quieresquedar te?

—Quiero, ante todo ver a Possoz.Y tú no podrás marcharte: no tienesrefrendo.

—Me iré. Seguramente.

—¿Cómo?

—No sé. Pero me iré. Estoy seguro.Era preciso que matase a Tan-Yen-Ta, y ahora es preciso que me vaya.Seguramente, me iré. [130]

En efecto: Kyo sentía que la vo-luntad de Chen desempeñaba un pa-pel en los acontecimientos. Si el des-tino vivía en alguna parte, era allí,aquella noche, a su lado.

—¿Consideras importante ser tú quienorganice el atentado contra Chiang?

—No... Y, sin embargo, no quisieradejar que lo hiciese otro.

—¿Porque no tendrías confianza?

—Porque no me gusta que las muje-res a quienes amo sean besadas por losdemás.

La frase hizo brotar en Kyo todo elsufrimiento que había olvidado: se sin-tió, de pronto, separado de Chen. Ha-bían llegado al río. Chen cortó la cuer-da de una de las canoas amarradas, yabandonó la orilla. Kyo no le veía ya; perooía el chapoteo de los remos, que domi-naba, a intervalos regulares, la ligera re-saca del agua contra las márgenes. Co-nocía a los terroristas. No se plantea-ban problemas. Formaban parte de ungrupo: insectos matadores, vivían de suunión en una estrecha colectividad trá-gica. Pero, Chen... Continuando su pen-samiento, sin cambiar de paso, Kyo ca-minaba en dirección al puerto. «Su barcaserá detenida a la salida...» Llegó hastaunos grandes edificios guardados por elejército, casi vacíos en comparación conel de la Internacional. En los corredores,los soldados dormían o jugaban a lestrente-six bêtes. Encontró sin trabajo a suamigo. Buena cabeza en forma de man-zana, llena de granos, con bigotes grisesa lo galo —con traje caqui de paisano—,

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93 (p. 157). Le Chaux-de-Fonds: ville suisse.

costume kaki - Possoz était un ancienouvrier anarchistesyndicaliste de LaChaux-de-Fonds (93) parti en Russieaprès la guerre et devenu bolchevik. Kyol’avait connu à Pékin et avait confianceen lui. Ils se serrèrent tranquillement lamain: à Han-Kéou, tout revenant étaitle plus normal des visiteurs.

— Les déchargeurs sont là, disait unsoldat.

— Fais-les venir.

Le soldat sortit. Possoz se tourna versKyo:

— Tu remarques que je ne fous rien,mon p’tit gars? On a prévu la directiondu port pour trois cents bateaux: il n’yen a pas dix...

Le port dormait sous les fenêtresouvertes : pas de sirènes, rien que leconstant ressac de l’eau contre lesberges et les pilotis. Une grandelueur blafarde passa sur les murs dela pièce: les phares des canonnièreslointaines venaient de balayer lefleuve. Un bruit de pas.

Possoz tira son revolver de sa gaine,le posa sur son bureau.

— Ils ont attaqué la garde rouge àcoups de barre de fer, dit-il à Kyo.

— La garde rouge est armée.

— Le danger n’était pas qu’ilsassomment les gardes, mon p’tit gars,c’était que les gardes passent de leurcôté.

La lumière du phare revint, portasur le mur blanc du fond leursombres énormes, retourna à la nuità l’instant même où les déchargeursentraient: quatre, [157] cinq, six,sept. En bleus de travail, l’un le torsenu. Menottes. Des visages différents,peu visibles dans l’ombre; mais, encommun, une belle haine. Avec eux,deux gardes chinois, pistolet Naganau c ô t é . L e s d é c h a r g e u r sres ta ient agglut inés . La haine ,mais aussi la peur.

— Les gardes rouges sont desouvriers, dit Possoz en chinois.

Silence.

— S’ils sont gardes, c’est pour laRévolution, pas pour eux.

— Et pour manger! dit un desdéchargeurs.

Possoz era un antiguo obrero anarco-sin-dicalista de Chaux-de-Fonds, que habíaido a Rusia después de la guerra y se ha-bía hecho bolchevique. Kyo le había co-nocido en Pekín y tenía confianza en él.Se estrecharon tranquilamente la mano: enHan-Kow, ya de regreso, era el más nor-mal de los visitantes.

—Los descargadores están ahí —de-cía un soldado.

—Hazlos venir.

El soldado salió. Possoz se volvió ha-cia Kyo.

—Ya ves que no me preocupo de nada,muchacho. Se ha previsto la dirección delpuerto para trescientos barcos, y no hayni diez...

El puerto dormía, bajo las ventanasabiertas; no se [131] oían las sirenas; nadamás que la constante resaca del agua con-tra las orillas y las estacas. Un gran res-plandor pálido pasó sobre las paredes dela habitación: los faros de las cañoneraslejanas acababan de barrer aquella partedel río. Ruido de pasos.

Possoz sacó su revólver de la funda ylo puso sobre la mesa.

—Han atacado a la guardia roja conunas barras de hierro — dijo Kyo.

—La guardia roja está armada.

—El peligro no estaba en quemataran a los guardias, muchacho,sino en que los guardias se pasasena su bando.

Volvió la luz del faro, reflejó en elmuro blanco del fondo sus sombras enor-mes, y volvió a la noche, en el instantemismo en que los descargadores entra-ban: cuatro, cinco, seis, siete. Con el tra-je azul del trabajo, uno con el torso des-nudo. Maniatados. Unos semblantes di-ferentes, poco visibles en la sombra; pero,en común, un magnífico odio. Con ellos,dos guardias chinos, con pistolas Naganal costado. Los descargadores permane-cían aglutinados, en enjambre. Odio; perotambién miedo.

—Los guardias rojos son obreros —dijo Possoz en chino.

Silencio.

—Si son guardias, es para la Revolu-ción, no para ellos.

—Y para comer —dijo uno de losdescargadores.

assommer 1.matar. 2.fam fastidiar.3.fig & fam pegar, moler a palos

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— Il est juste que les rations aillent àceux qui combattent. Que voulez-vous enfaire? Les jouer aux trente-six bêtes?

— Les donner à tous.

— Il n’y en a déjà pas pourquelques-uns. Le Gouvernement estdécidé à la plus grande indulgence àl’égard des prolétaires, même quand ilsse trompent. Si partout la garde rougeétait tuée, les généraux et les étrangersreprendraient le pouvoir comme avant,voyons, vous le savez bien. Alors, quoi?C’est ça que vous voulez?

— Avant, on mangeait.

— Non, dit Kyo aux ouvriers: avanton ne mangeait pas. Je le sais, j’ai étédocker. Et crever pour crever, autant quece soit pour devenir des hommes.

Le blanc de tous ces yeux oùs’accrochait la faible lumière s’agranditimperceptiblement: ils cherchaient àvoir mieux ce type à l’allure japonaise,en chandail, qui parlait avec l’accent desprovinces du Nord, et qui prétendaitavoir été coolie.

— Des promesses, répondit l’und’eux à mi-voix.

— Oui, dit un autre. Nous avonssurtout le droit de nous mettre en grèveet de crever de faim. Mon [158] frèreest à l’armée. Pourquoi a-t-on chassé desa division ceux qui ont demandé laformation des Unions de soldats?

Le ton montait.

— Croyez-vous que la Révolutionrusse se soit faite en un jour? demandaPossoz.

— Les Russes ont fait ce qu’ils ontvoulu!

Inutile de discuter: il s’agissaitseulement de savoir quelle était laprofondeur de la révolte.

— L’attaque de la garde rouge estun acte contrerévolutionnaire, passiblede la peine de mort. Vous le savez.

Un temps.

— Si l’on vous faisait remettre enliberté, que feriez-vous?

Ils se regardèrent; l’ombre nepermettait pas de voir l’expression desvisages. Malgré les pistolets, lesmenottes, Kyo sentait se préparerl’atmosphère de marchandage chinoisqu’il avait si souvent rencontrée dans

—Justo es que tengan sus raciones losque combaten. ¿Qué queréis hacer conellas? ¿Jugároslas a les trente-six bêtes?

—Dárnoslas a todos.

—Ya no hay más que pa r a a l -g u n o s . El gobierno está decididoa emplear la mayor indulgenciacon los proletarios, incluso cuando seequivocan. Si mata a la guardiaroja, los generales y los extranjerosverán a ocupar el poder, como an-tes, y ya sabéis bien lo que es eso. ¿Qué?¿Es que es eso lo que queréis?

—Antes, se comía.

—No —dijo Kyo a los obreros— an-tes no se comía. [132] Lo sé, be sidodocker. Y es preferible morir, siempre quesea para convertirse en hombres.

Lo blanco de todos aquellos ojos, don-de se reflejaba la débil luz, se agrandóimperceptiblemente; trataban de ver me-jor a aquel tipo de aspecto japonés, contricota, que hablaba con el acento de lasprovincias del Norte y que pretendía y sejactaba de haber sido coolie.

—Promesas —respondió uno de ellos,a media voz.

—Sí —dijo otro—. Sobre todo, tene-mos derecho a declararnos en huelga y amorirnos de hambre. Mi hermano está enel ejército. ¿Por qué se ha echado de sudivisión a los que han pedido la forma-ción de las Uniones de soldados?

El tono de voz subía.

—¿Creéis que la Revolución rusase hizo en un solo día? —preguntóPossoz.

—Los rusos han hecho lo que hanquerido.

Inú t i l d i scu t i r : só lo se t ra tabade saber cuá l e ra la p rofundidadde la sub levac ión .

—El ataque a la guardia roja es unacto contrarrevolucionario, puniblecon la pena de muerte. Ya lo sabéis.

Una pausa.

— S i s e o s d e j a s e e n l i b e r -t a d , ¿ q u é h a r í a i s ?

Se miraron unos a otros. La sombrano permitía ver la expresión de los sem-blantes. A pesar de las pistolas y de lasesposas, Kyo presentía que se aproxi-maba la atmósfera de la porfía china,que con tanta frecuencia había encontra-

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94 (p. 160). Comme que comme: expressionsuisse signifiant « quoi qu’il arrive »

95 (p. 160). Chang-Cha : ville située au sudde Han-Kéou, capitale de la province duHu-nan.

la révolution.

— Avec du travail? demanda l’un desprisonniers.

— Quand il y en aura.

— Alors, en attendant, si la garderouge nous empêche de manger, nousattaquerons la garde rouge. Je n’avaispas mangé depuis trois jours. Pas dutout.

— Est-ce vrai qu’on mange enprison? demanda l’un de ceux quin’avaient rien dit.

— Tu vas bien voir.

Possoz sonna sans rien ajouter, et lesmiliciens emmenèrent les prisonniers.

— C’est bien ça qu’est embêtant,reprit-il, en français cette fois: ilscommencent à croire que dans la prisonon les nourrit comme des coqs en pâte.

— Pourquoi n’as-tu pas davantageessayé de les convaincre, puisque tu lesavais fait monter? [159]

Possoz haussa les épaules avecaccablement.

— Mon p’tit gars, je les fais monterparce que j’espère toujours qu’ils mediront autre chose. Et pourtant il y a lesautres, les gars qui travaillent desquinze, seize heures par jour sansprésenter une seule revendication, et quile feront jusqu’à ce que nous soyonstranquilles, comme que comme (94)...

L’expression suisse surprit Kyo.Possoz sourit et ses dents, comme lesyeux des déchargeurs tout à l’heure,brillèrent dans la lumière trouble, sousla barre confuse des moustaches.

— Tu as de la chance d’avoir con-servé des dents pareilles avec la viequ’on mène en campagne.

— Non, mon p’tit gars, pas du tout:c’est un appareil que je me suis faitmettre à Chang-Cha (95). Les dentistesn’ont pas l’air touchés par larévolution. Et toi? Tu es délégué?Qu’est-ce que tu fous ici?

Kyo le lui expliqua, sans parler deTchen. Possoz l’écoutait, de plus en plusinquiet.

— Tout ça, mon p’tit gars, c’est bienpossible, et c’est encore bien plusdommage. J’ai travaillé dans lesmontres quinze ans: je sais ce que c’estque des rouages qui dépendent les uns

do en la Revolución.

—¿Con trabajo? —preguntó uno delos prisioneros.

—Cuando lo haya.

—Entonces, entretanto, si la guardiaroja nos impide que comamos, atacare-mos a la guardia roja. Yo no había comi-do, desde hacía tres días, absolutamentenada.

—¿Es verdad que se come en la cár-cel? —preguntó uno de los que no ha-bían dicho nada.

—Ya lo verás.

Pessoz llamó, sin añadir nada, y losmilicianos se llevaron a los detenidos.

—Es estúpido —pronunció, enfrancés esta vez—; [133] comien-zan a creer que en la cárcel se lesalimenta con peritas en dulce...

—¿Por qué no has insistido más entratar de convencerlos, puesto que leshabías hecho subir?

Possoz se encogió de hombrosabrumado.

—Muchacho, les he hecho subirporque siempre espero que me diganalguna otra cosa. Y, sin embargo,están los otros, los mozos que traba-jan quince y dieciséis horas al día,sin presentar una sola reivindicación,y que lo harán hasta que estemostranquilos, comme que comme.

La expresión suiza sorprendió aKyo. Possoz sonrió, y sus dientes,como los ojos de los descargadoresantes, brillaron en la luz turbia, bajola línea confusa del bigote.

—Tienes la suerte de haber conserva-do unos dientes como ésos, con la vidaque se hace en campaña.

—No, muchacho, ni mucho menos:no es más que un aparato que me pusie-ron en Chang-Cha. Los dentistas no pa-recen haber sido perjudicados por la Re-volución. ¿Y tú? ¿Eres delegado? ¿Quées lo que haces aquí?

Kyo se lo explicó, sin hablar deChen. Possoz le escuchaba, cada vezmás inquieto.

—Todo eso, muchacho, es muy po-sible, y, además, es una lástima. He tra-bajado en los relojes durante quinceaños: sé lo que es eso de los engrana-jes, que dependen unos de otros. Si no

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des autres. Si on n’a pas confiance dansle Komintern, faut pas être du Parti.

— La moitié du Komintern penseque nous devons faire les Soviets.

— Il y a une ligne générale qui nousdirige, faut la suivre.

— Et rendre les armes! Une ligne quinous mène à tirer sur le prolétariat estnécessairement mauvaise. Quand lespaysans prennent les terres, les générauxs’arrangent maintenant pourcompromettre quelques troupescommunistes dans la répression. Oui ounon, accepterais-tu de tirer sur lespaysans? [160]

— Mon p’tit gars, on n’est pasparfait: je tirerais en l’air, et probableque c’est ce que font les copains. J’aimemieux que ça n’arrive pas. Mais ce n’estpas la chose principale.

— Comprends, mon vieux: c’estcomme si je voyais un type en train dete viser, là et qu’on discute du dangerdes balles de revolver... Chang-Kaï-Shek ne peut pas ne pas nousmassacrer. Et ce sera pareil ensuite avecles généraux d’ici, nos « alliés » ! Et ilsseront logiques. Nous nous ferons tousmassacrer, sans même maintenir la dignitédu Parti, que nous menons tous les joursau bordel avec un tas de généraux,comme si c’était sa place...

— Si chacun agit à son goût, toutest foutu. Si le Komintern réussit, oncriera: Bravo! et on n’aura tout demême pas tort. Mais si nous lui tironsdans les jambes, il ratera sûrement,et l’essentiel est qu’il réussisse... Etqu’on ait fait tirer des communistessur les paysans, je sais bien qu’on ledit mais en es-tu sûr, ce qui s’appellesûr? Tu ne l’as pas vu toi-même, et,malgré tout, - je sais bien que tu nele fais pas exprès, mais quandmême... - ça arrange ta théorie, de lecroire...

— Qu’on puisse le dire parmi noussuffirait. Ce n’est pas le momentd’entreprendre des enquêtes de six mois.

Pourquoi discuter? Ce n’était pasPossoz que Kyo voulait convaincre,mais ceux de Shanghaï; et sans douteétaient-ils déjà convaincus maintenant,comme lui avait été confirmé dans sadécision par Han-Kéou même, par lascène à laquelle il venait d’assister. Iln’avait plus qu’un désir: partir.

Un sous-officier chinois entra, tousles traits du visage en longueur et lecorps légèrement courbé en avant,

se tiene confianza en la Internacional,no hay para qué ser del Partido.

—La mitad de la Internacional opinaque debemos crear los soviets.

—Hay una línea general que nos diri-ge; es preciso seguirla.

—¡Y entregar las armas! Una líneade conducta que nos obliga a dispararsobre el proletariado es, necesariamen-te, mala. Cuando los campesinos seapoderan de las tierras, los generalestratan ahora de comprometer algunastropas comunistas en la represión. ¿Sío no? ¿Aceptarías tú el disparar contralos campesinos?

—Muchacho, eso no es perfecto:dispararía al aire, y es probable que seaeso lo que hagan los compañeros. Pre-feriría que eso no ocurriera. Pero lacosa no es primordial. [134]

—Comprendo, querido: es como si yoviese a un individuo que te estuvieseapuntando, y mientras se discutiese elpeligro de las balas de revólver... ChiangKaishek no puede hacer otra cosa queasesinarnos. Y pasará, después, como conlos generales de aquí, nuestros «aliados».Y serán lógicos. Nos dejaremos asesinartodos, sin mantener siquiera la dignidaddel Partido, al que llevamos todos los díasal burdel, con un montón de generales,como si fuese ése su puesto...

—Si cada uno obra a su gusto, todo seva al diablo. Si la Internacional tiene éxi-to, gritarán: ¡Bravo!; y, sin embargo, nose tendría razón. Pero si le tiramos de laspiernas, fracasará seguramente, y lo esen-cial es que triunfe... Y que se haya hechoa los comunistas que disparen sobre loscampesinos, sé muy bien que se dice.Pero, ¿estás seguro de eso, lo que se lla-ma verdaderamente seguro? No lo hasvisto por ti mismo, y, a pesar de todo (yasé que no lo haces a propósito, pero sinembargo...), eso justifica tu teoría decreerlo...

—Que se pudiera decir entre nosotrosbastaría. No es este el momento de abririnformaciones que duren seis meses.

¿Para qué discutir? No era Possoza quien Kyo quería convencer, sinoa los de Shanghai; y, sin duda, aho-ra estaban ya convencidos, como lohabía confirmado en su decisión porHan-Kow mismo, por la escena a lacual acababa de asistir. No tenía másque un deseo: marcharse.

Entró un suboficial chino, con todaslas facciones alargadas y el cuerpo lige-ramente encorvado hacia adelante, como

viser I vtr 1. (blanco) apuntar a. 2. fig (puesto)aspirar. 3. (persona) concernir a. 4. fam (chi-ca, coche) echar el ojo a. 5. Admin visar.II vi 1. (para disparar) apuntar (à, a). 2. (ob-jetivo) pretender; v. haut apuntar alto

VISER I. V. tr. 1. (1610). Regarder attentivement(un but, une cible), afin d'atteindre par un coup,par un projectile. 2. (1876). Fig. Avoir en vue,s'efforcer d'atteindre (un résultat). 3. (Sujet n.de chose). Regarder, s'appliquer à. 4. (XXe).Fam. Regarder. II. V. tr. ind. (1398). VISER à.1. Diriger un objet, une arme sur (qqch.). 2.(XIVe). Avoir en vue (une fin, un résultat), tendreà.“-III. V. intr. 1. (XIIe). Diriger attentivementson regard (et, par ext., un objet, une arme) versle but, la cible à atteindre. 2. (Mil. XIXe). Viserhaut (bas) : avoir des ambitions très grandes(modestes). VISÉ, ÉE p. p. et adj. 1. Se dit del'objectif que l'on se propose d'atteindre avecune arme. 2. (Personnes). Fig. Concerné. 2.VISER v. tr. Voir, examiner un acte et le revêtird'un visa ou d'une mention qui le rend valable.

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comme les personnages d’ivoire quiépousent la courbe des défenses. [161]

On a pis un homme embarquéclandestinement.

Kyo attendit.

— Il prétede avoir reçu de vousl’autorisation de quitter Han-Kéou.C’est un marchand, Dong-Tioun.

Kyo retrouva sa respiration.

— Donné aucune autorisation,d i t Possoz . Me regarde pas .Envoyez à la Police.

Les riches arrêtés se réclamaient dequelque fonctionnaire : ils parvenaientparfois à le voir seul, et lui proposaientde l’argent. C’était plus sage que de sebaisser fusiller sans rien tenter.

— Attendez!

Possoz tira une liste de sonsous-main, murmura des noms.

— Ça va. Il est même là-dessus. Ilétait signalé. Que la police se débrouilleavec lui!

Le sous-officier sortit. La liste, unefeuille de cahier, restait sur le buvard.Kyo pensait toujours à Tchen.

— C’est la liste des gens signalés,dit Possoz, qui vit que le regard de Kyorestait fixé au papier. Les derniers sontsignalés par téléphone, avant le départdes bateaux - quand les bateauxpartent...

_______________Kyo tendit la main. Quatorze noms.

Tchen n’était pas signalé. Il étaitimpossible que Vologuine n’eût pascompris qu’il allait tenter de quitterHan-Kéou au plus tôt. Et, même à touthasard, signaler son départ commepossible eût été de simple prudence. «Le Komintern ne veut pas prendre laresponsabilité de faire tuerChang-Kaï-Shek, pensa Kyo; maispeut-être accepterait-il sans désespoirque ce malheur arrivât... Est-ce pour celaque les réponses de Vologuinesemblaient si incertaines?... » Il renditla liste. [162]

« Je partirai », avait dit Tchen._______________________________________________ Son arrivée imprévue,les réticences de Vologuine, la liste,Kyo comprenait tout cela: mais chacundes gestes de Tchen le rapprochait ànouveau du meurtre, et les choses mêmessemblaient entraînées par son destin. Deséphémères bruissaient autour de la petite

los personajes de marfil que se adaptana la curva de los colmillos.

—Se ha detenido a un hombre embar-cado clandestinamente.

Kyo no respiraba.

—Pretende haber obtenido de ustedautorización para abandonar Han-Kow.Es un comerciante _________.

Kyo recobró la respiración.

—Yo no he dado ninguna autorización—dijo Possoz—. Eso no me incumbe.Mándalo a la Policía.

Los ricos detenidos reclamabanante cualquier funcionario; [135] aveces, iban a visitarle a solas y le ofre-cían dinero. Era más prudente que de-jarse fusilar sin tentar nada.

—¡Espera!

P o s s o z s a c ó u n a l i s t a d e sucarpeta y murmuró unos nombres.

—Eso es. Aquí está. Estaba seña-lado. ¡Que la policía se las entiendacon él!

El suboficial salió. La lista —una hojade cuaderno —continuaba sobre la car-peta. Kyo seguía pensando en Chen.

—Es la lista de las personas señala-das —dijo Possoz, al ver que la miradade Kyo permanecía fija en el papel—. Losúltimos son los denunciados por teléfo-no, antes de la salida de los barcos (cuan-do salen barcos...).

—¿Puedo verla?Possoz se la alargó. Catorce nom-

bres. Chen no estaba inscrito. Eraimposible que Vologuin no hubieracomprendido que intentaría abando-nar Han-Kow cuanto antes. Y, aunasí, avisar su salida como posiblehubiera constituido una simple pru-dencia. «La Internacional no quierecargar con la responsabilidad de ha-cer matar a Chiang Kaishek —pensóKyo—; pero quizás acepte sin des-esperación que esa desgracia se pro-duzca... Por eso las respuestas deVologuin parecían tan inseguras...»Devolvió la lista.

—Me iré —había dicho Chen. Era fá-cil de explicar aquella partida; la expli-cación no bastaba. La llegada imprevistade Chen; las reticencias de Vologuin; lalista... Kyo comprendía todo aquello, perocada uno de los gestos de Chen le acer-caba de nuevo al crimen, y las cosas mis-mas parecían arrastradas por su destino.Unas luciérnagas zumbaban alrededor de

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lampe. « Peut-être Tchen est-il unéphémère qui sécrète sa propre lumière,celle à laquelle il va se détruire...Peut-être l’homme même... » Ne voit-onjamais que la fatalité des autres? N’était-cepas comme un éphémère que lui-même voulaitmaintenant repartir pour Shanghaï au plus tôt,maintenir les sections à tout prix? L’officierrevint, ce qui lui permit de quitter Possoz.

Il retrouva la paix nocturne. Pas unesirène, rien que le bruit de l’eau. Le longdes berges, près des réverbèrescrépitants d’insectes, des cooliesdormaient en des attitudes de pestiférés.Çà et là, sur les trottoirs, de petitesaffiches rouges, rondes comme desplaques d’égout; un seul caractère yfigurait: FAIM. Comme tout à l’heureavec Tchen, il sentit que cette nuitmême, dans toute la Chine, et à traversl’Ouest jusqu’à la moitié de l’Europe,des hommes hésitaient comme lui,déchirés par le même tourment entreleur discipline et le massacre des leurs.Ces déchargeurs qui protestaient necomprenaient pas. Mais, même encomprenant, comment choisir lesacrifice, ici, dans cette ville dontl’Occident attendait le destin de quatrecents millions d’hommes et peut-être lesien, et qui dormait au bord du fleuved’un sommeil inquiet d’affamé - dansl’impuissance, dans la misère, dans lahaine? [163-4]

QUATRIÈME PARTIE

11 AVRIL

Midi et demi.

Presque seul dans la salle de bar dupetit hôtel Grosvenor -noyer poli,bouteilles, nickel, drapeaux, - Clappiquefaisait tourner un cendrier sur son indextendu. Le comte Chpilewski, qu’ilattendait, entra. Clappique froissa unpapier sur lequel il venait de faire àchacun de ses amis un cadeauimaginaire

— Ce p’petit village ensoleillé voit-ilprospérer vos affaires, mon bon?

— Guère. Mais elles iront bien à lafin du mois. Je place des comestibles.Chez les Européens seulement,nat’rellement.

Le nez courbe et mince deChpilewski, son front chauve, ses

la lamparilla. «Quizá Chen sea una lu-ciérnaga que segrega su propia luz, en lacual se va a destruir... Tal vez el hombremismo...» ¿No se verá nunca sino la fa-talidad de los demás? Él mismo, ¿no que-ría ahora, como una luciérnaga, volvera Shanghai cuanto antes y mantener lassecciones a toda costa? Volvió el oficial,lo que le permitió abandonar a Possoz.

Tornó a encontrar la paz nocturna. Niuna sirena; sólo el ruido del agua. A lolargo de las orillas, junto a los reverbe-ros, crepitantes de insectos, los cooliesdormían [136] en actitudes de pestíferos.Aquí y allá, sobre las aceras, pequeñoscarteles rojos, redondos como las placasde los sumideros. Una sola palabra figu-raba en ellos: Hambre. Como le habíaocurrido poco antes con Chen, compren-dió que aquella misma noche, en toda laChina y a través del Oeste, hasta la mitadde Europa, unos hombres vacilaban comoél, desgarrados por el mismo tormentoentre su disciplina y la mortandad delos suyos. Aquellos descargadores queprotestaban no comprendían. Pero, auncomprendiendo, ¿cómo elegir el sacri-ficio, allí, en aquella ciudad de la que elOccidente esperaba el destino de cuatro-cientos millones de hombres y quizás elsuyo, y que dormía a la orilla del río,con un sueño inquieto de hambriento —en la impotencia, en la miseria, en elodio? [137-8]

PARTE CUARTA

11 de abril

12 y media

Clappique, casi solo, en el bar delhotelito Grosvenor —nogal pulido,botellas, níquel, banderas—, hacíagirar un cenicero sobre su índice ex-tendido. El conde Chpilewski, a quienesperaba, entró. Clappique arrugó unpapel, en el cual acababa de hacer acada uno de sus amigos un regaloimaginario.

—¿Esta aldea soleada ve prosperar susnegocios, amigo mío?

—Poco. Pero irán bien a últimos demes. Colocaré unos comestibles. En-tre los europeos solamente, como esnatural.

A pesar del traje blanco, muy senci-llo, de Chpilewski, su nariz curva y del-

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froisser -A. (Concret). - 1. Vx. Briser, rompre. - 2. (V. 1360). Vieilli.

Meurtrir par un heurt, un choc brutal. - 3. Endommagerpar frottement ou compression (un corps offrant peude résistance). - 4. (V. 1462). Faire prendre denombreux faux plis à (une substance souple) -Chiffonner.

-B. (Fin XVIe). Abstrait. Offenser par un manque d'égards,blesser légèrement dans son amour-propre, dans sadélicatesse.

-SE FROISSER v. pron. -A. (Passif). être, devenir froissé.“-B. (Réfl.). Se trouver offensé.“-

FROISSÉ, ÉE p. p. adj. -A. - 1. Meurtri. - 2. Écrasé. - 3. Chiffonné.“- 4. (1859,

in Petiot). Escrime. Froissement.“-B. Fig. Vexé, offensé.“froissement 1. arruga, arrugamiento. 2. (de un músculo)

distensión. 3. fig (caracteres) fricción, choque

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96 (p. 166). Sumatra : la plus grande des îlesde l’Indonésie, très longtemps coloniehollandaise.

97 (p. 166). Tulipistes : amoureux, amateurde tulipes (néologisme de Clappique).

98 (p. 166). Baïonnette à dévissoir : arme nonrépertoriée, autre « fantaisie > linguistiquede Clappique, en verve.

cheveux gris en arrière et ses pommetteshautes, malgré ses vêtements blancs trèssimples, lui donnaient toujours l’airdéguisé en aigle. Le monocle accentuaitla caricature.

— La question, voyez-vous, moncher ami, serait nat’rellement de trouverune vingtaine de mille francs. Avec cettesomme, on peut se faire une place trèshonorable dans l’alimentation. [165]

— Dans mes bras, mon bon! Vousvoulez une p’petite place, non, une placehonorable dans l’alimentation? Bravo...

— Je ne vous savais pas tant de...chose... préjugés.

Clappique regardait l’aigle du coin del’oeil: ancien champion de sabre deCracovie, section des officiers subalternes.

— Moi? Rentrer sous terre! J’enéclate! Figurezvous que si j’avais cesargents je les emploierais à imiter unhaut fonctionnaire hollandais deSumatra (96) qui passait tous les ans,en rentrant caresser ses tulipes, devantla côte d’Arabie; mon bon, ça lui mitdans l’idée (il faut dire que ça se passaitvers 1860) d’aller barboter les trésorsde La Mecque. Il paraît qu’ils sontconsidérables, et tout dorés, dans degrandes caves noires où depuistoujours les jettent les pèlerins. Moi,c’est dans cette cave que je voudraisvivre... Enfin, mon tulipiste (97) faitun héritage et va aux Antilles recruterun équipage de forbans pour conquérirLa Mecque par surprise, avec des tasd’armes modernes, des fusils à deuxballes, des baïonnettes à dévissoirs(98), que sais-je? Les embarque - pasun mot! les emmène par là...

Il posa l’index sur ses lèvres,jouissant de la curiosité du Polonais, quiressemblait à une complicité.

— Bon! Ils se révoltent, lezigouillent méticuleusement et vont selivrer avec le bateau à une piraterie sansfantaisie, dans une mer quelconque.C’est une histoire vraie; de plus,morale. Mais, disais-je, si vouscomptez sur moi pour trouver les vingtmille balles, folie, folie vous dis-je!Voulez-vous que je voie des types, ouquoi que ce soit de ce genre? je le ferai.D’autre part, puisque pour chaquecombine, je dois payer votre sacréepolice, j’aime mieux que ce [166] soitvous qu’un autre. Mais, les types, pendantque les maisons flambent, l’opium et lacoco les intéressent comme ça :

Il recommença à faire tourner lecendrier.

gada, su frente calva, sus cabellos grisesechados hacia atrás y sus pómulos le da-ban siempre el aspecto de estar disfraza-do de águila. El monóculo acentuaba lacaricatura.

—Ya ve usted, querido amigo; la cues-tión consistiría, naturalmente, en encon-trar unos veinte mil francos. Con estasuma se puede obtener un puesto muyhonroso en el ramo de la alimentación.

—¡Un abrazo, amigo! ¿Quiereusted un puestecito, no, un puestohonroso en la alimentación? ¡Bravo!...

—No le creía a usted tan... lleno de...este... prejuicios. [139]

Clappique miraba al águila con elrabillo del ojo: antiguo campeón de sa-ble de Cracovia, sección de oficiales.

—¿Yo? ¡Vuélvase bajo tierra! ¡Esta-llo! Figúrese que, si yo tuviese ese dine-ro, lo emplearía en imitar a un alto fun-cionario holandés de Sumatra, que sepaseaba todos los años, cuando volvía aacariciar sus tulipanes, ante la costa deArabia. Amigo mío, eso le sugirió la idea(conviene decir que esto pasaba hacia1860), de ir a hurgar los tesoros de LaMeca. Parece que son considerables, y,dorados, dorados, están en grandes cue-vas oscuras, donde siempre los han es-condido los peregrinos. En una de esascuevas es donde yo quisiera vivir... Porfin, mi tulipanista tuvo una herencia yse fue a las Antillas para reclutar unequipo de piratas, a fin de conquistarLa Meca por sorpresa con una por-ción de armas modernas: fusiles dedos caños, bayonetas de tornillo,¡qué sé yo! Las embarca... ¡Ni unapalabra!... Se las lleva para allá...

Se llevó el índice a los labios,gozando con la nerviosidad del po-laco, que parecía una complicidad.

—¡Bueno! Se sublevan; lodegüellan meticulosamente y se en-tregan con el barco y una pirateríanada poética, en un mar cualquiera.Es una historia verdadera; y, además,moral. Pero, le decía yo, es una locura, unalocura que usted cuente conmigo para en-contrar los veinte mil _____________.¿Quiere usted que vea a algunos su-jetos, o algo por el estilo? Lo haré.Por otra parte, puesto que, por cadacombinación, debo pagar a su bendi-ta policía, prefiero que sea a usted, yno a otro. Pero a esos sujetos, mien-tras las casas arden, les interesan másel opio y la cocaína ________.

Comenzó otra vez a hacer girar el ce-nicero.

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— Je vous en parle, dit Chpilewski,parce que, si je veux réussir, je doisnat’rellement en parler à chacun. J’auraisdû, au moins... attendre. Mais je voulaisseulement vous rendre service, quand jevous ai prié de venir m’offrir cet alcool(c’est une contrefaçon). Voici: QuittezShanghaï demain.

— Ah! ah! ah! dit Clappique,montant la gamme. Comme un écho, latrompe d’une auto, dehors, sonna enarpège. Parce que?

— Parce que, Ma police, commevous dites, a du bon. Allez-vous-en.

Clappique savait qu’il ne pouvaitinsister. Une seconde, il se demanda s’iln’y avait pas là une manoeuvre, pourobtenir les vingt mille francs peutêtre?Ô folie!

— Et il faudrait que je file demain?

Il regardait ce bar, ses shakers, sabarre nickelée, comme de vieilleschoses amicales.

— Au plus tard. Mais vous nepartirez pas. Je le vois. Du moins vousaurai-je prévenu.

Une reconnaissance hésitante(combattue moins par la méfiance quepar le caractère du conseil qui lui étaitdonné, par l’ignorance de ce qui lemenaçait) pénétrait Clappique.

— Aurais-je plus de chance que jene le croyais? reprit le Polonais; il luiprit le bras: Partez. Il y a une histoire debateau...

— Mais je n’y suis pour rien!

— Partez.

— Pouvez-vous me dire si le pèreGisors est visé?

— Je ne crois pas. Le petit Gisors,plutôt. Partez. [167]

Le Polonais était décidémentrenseigné. Clappique posa sa main surla sienne.

— Je regrette vivement de n’avoir pasces argents pour vous payer votre épicerie,mon bon: vous me sauvez peut-être...Mais j’ai encore quelques épaves, deuxou trois statues: prenez-les.

— Non...

— Pourquoi?— Non.

—Le hablo a usted —dijoChpilewski— porque, si quiero obteneréxito, como es natural, tengo que hablara todos. Hubiera debido, al menos, espe-rar. Pero sólo quería hacerle un favor,cuando le rogué que viniese a ofrecermeel alcohol (es una falsificación). Es éste:abandone Shanghai mañana.

—¡Ah, ah, ah! —exclamóClappique, en escala ascendente. Comoun eco, la bocina de un auto sonó fueraen arpegio—. ¿Por qué? [140]

—Porque... Mi policía, como usteddice, para algo sirve. Váyase.

Clappique sabía que no podía insis-tir. Por un segundo se preguntó si aca-so encerraría aquello una maniobrapara obtener los veinte mil francos.¡Oh, locura!

—¿Y será preciso que me vaya mañana?

Miraba aquel bar, sus shakers,su barra niquelada, como viejascosas amigables.

—Lo más tarde. Pero no se iráusted. Lo veo. Por lo menos, ya lehabré prevenido.

Un agradecimiento vacilante (menoscombatido por la desconfianza que porel carácter del consejo que se le daba,por la ignorancia de lo que le amena-zaba) penetraba a Clappique.

—¿Tendré más suerte de lo que yocreía? —continuó el polaco. Le cogió elbrazo—. Váyase. Hay la historia de unbarco...

—¡Pero yo no figuro en ella para nada!

—Váyase.

—¿Puede decirme si Gisors padre co-rre peligro?

— N o l o c r e o . E l h i j o , m á sb i e n . _______

Decididamente, el polaco estaba in-formado. Clappique puso la mano en lasuya.

—Lamento vivamente no tener esedinero para pagarse su mercancía,amigo mío: quizá me salve usted...Pero todavía tengo algunos restos,dos o tres estatuas: lléveselas.

—No...

—¿Por qué?

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— Ah!... Pas un mot? Soit. J’aimeraispourtant savoir pourquoi vous ne voulezpas prendre mes statues.

Chpilewski le regarda.

— Quand on a vécu comme moi,comment pourrait-on faire ce... chose...métier, si on ne... compensait pasquelquefois?

— Je doute qu’il existe beaucoup demétiers qui n’obligent pas àcompenser...

— Oui. Par exemple, vousn’imaginez pas à quel point lesmagasins sont mal gardés...

Quel rapport? faillit demanderClappique. Mais il jugeait d’expérienceque les phrases enchaînées ainsi sonttoujours intéressantes. Et il voulaitabsolument rendre service à soninterlocuteur, ne fût-ce qu’en le laissantparler. Il était pourtant gêné jusqu’aumalaise

— Vous surveillez les magasins?

Pour lui, la police était un mélangede combines et de chantage, un corpschargé de lever des impôts clandestinssur l’opium et les maisons de jeu. Lespoliciers auxquels il avait affaire(et particulièrement Chpilewski)étaient toujours des adversaires àdemi compl ices . Mais i l ava i tdégoût e t peur de la dé la t ion .Chpilewski répondait

— Surveiller? Non, pas tout à fait.Chose... Le contraire. [168]

— Tiens! Reprises individuelles?

— C’est seulement pour les jouets,comprenezvous. Je n’ai plus assezd’argent pour acheter des jouets à monpetit garçon. C’est très pénible. D’autantplus qu’à la vérité, je n’aime ce gosseque quand je lui fais... chose... plaisir.Et je ne sais pas lui faire plaisirautrement. C’est très difficile.

— Mais voyons,, prenez donc messtatues. Pas tout, si vous voulez.

— Je vous en prie, je vous en prie...Donc je vais dans les magasins, et jedis... (Il rejeta la tête en arrière, crispales muscles de son front et de sa jouegauche autour de son monocle, sansironie.) « Je suis inventeur. Inventeuret constructeur, nat’rellement. Jeviens voir vos modèles. » On mela i sse regarder. J ’ en prends un,jamais davantage. Quelquefois on mesurveille, mais c’est rare.

—¡Ah!... ¡Ni una palabra! Bien. Sinembargo, me gustaría saber por qué noquiere usted llevarse mis estatuas.

Chpilewski le miró.

—Cuando se ha vivido como yo,¿ c ó m o p o d r í a h a c e r s e . . . e s e . . .este... oficio, si no se... compensa-se algunas veces?

— D u d o q u e e x i s t a n m u c h o so f i c i o s q u e n o o b l i g u e n ac o m p e n s a r . . .

—Sí . Por e jemplo , imagínesehasta qué punto están mal guarda-dos los almacenes...

¿Qué relación? —iba a preguntarClappique. Pero [141] consideraba, porexperiencia, que las frases así encadena-das son siempre interesantes. Y queríafavorecer, en absoluto, a su interlocutor,aunque no fuese más que dejándole ha-blar. Sin embargo, se sentía preocupadohasta el malestar.

—¿Vigila usted los almacenes?

Para él la policía era una mezcla decombinaciones y de chantajes, un cuer-po encargado de cobrar impuestos clan-destinos sobre el opio y las casas de jue-go. Los policías con los cuales tenía quevérselas (y particularmente Chpilewski)eran siempre unos adversariossemicómplices. Por el contrario, teníarepugnancia y miedo a la delación. PeroChpilewski respondía:

—¿Vigilar? No; ni mucho menos.Este... Lo contrario.

—¡Calle! ¿Reparos individuales?

—Sólo para los juguetes, ¿sabeusted? No tengo bastante dinero paracomprar juguetes a mi chico. Es muylamentable. Tanto más cuanto que, adecir verdad, no quiero a ese chicomás que cuando le causo... ese... pla-cer. Y no sé producírselo de otromodo. Es muy difícil.

—Pues ya ve; llévese mis estatuas.No todas, si no quiere.

—Le ruego, le ruego. . . Voy alos a lmacenes , y digo. . . (Echó lacabeza hac ia a t rás y c r i spó losm ú s c u l o s d e s u f r e n t e y d e s umej i l la izquierda , a l rededor delmonóculo , s in i ronía . ) «Soy in-ven to r. I nven to r y cons t ruc to r,n a t u r a l m e n t e . Ve n g o a v e r s u smodelos .» Me dejan mirar. Llevouno, nunca más de uno . A veces,se me vigi la ; pero pocas .

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— Et si vous étiez découvert?

Il tira son portefeuille de sa poche etl’entrouvrit devant Clappique, sur sacarte de policier. Il le referma et fit dela main le geste le plus vague.

— J’ai parfois l’argent... Je pourraisaussi être chassé... Mais tout arrive...

Très étonné, Clappique se découvraittout à coup homme de sérieux et depoids. Comme il ne se jugeait jamaisresponsable de lui-même, il en futsurpris.

Il faut que je prévienne le jeuneGisors », pensat-il. [169]

Une heure.

En avance, Tchen marchait le longdu quai, une serviette sous le bras,croisant un à un les Européens dont ilconnaissait les visages; à cette heure,presque tous allaient boire, serencontrer, au bar du Shanghaï-Clubou des hôtels voisins. Une main seposa doucement sur son épaule, par-derrière. Il sursauta, tâta la pocheintérieure où était caché son revolver.

— Il y a bien longtemps que nous nenous sommes rencontrés, Tchen...Voulez-vous...

Il se retourna. c’était le pasteurSmithson, son premier maître. Ilreconnut aussitôt son beau visaged’Américain un peu sioux, si ravagémaintenant.

— ... que nous fassions route ensemble?

— Oui.

Tchen préférait, pour plus de sûreté etd’ironie, marcher en compagnie d’unBlanc: il avait une bombe dans sa serviette.Le veston correct qu’il portait ce matinlui donnait l’impression que sa penséemême était gênée; la présence d’uncompagnon complétait ce déguisement, -et, par une obscure superstition, il nevoulait pas blesser le pasteur. Il avaitcompté les voitures pendant une minute,ce matin, pour savoir (pair ou impair)s’il réussirait réponse favorable. Il étaitexaspéré contre lui-même. Autantcauser avec Smithson, se délivrer par làde son irritation.

Elle n’échappait pas au pasteur,mais il se méprit :

— Vous souffrez, Tchen?

— Nong. [170]

—¿Y si fuese usted descubierto?

Sacó su cartera del bolsillo y la entreabrióante Clappique, por donde estaba su tarjetade policía. La volvió a cerrar e hizo con lamano un ademán de los más imprecisos.

—A veces, llevo dinero... Tambiénpodrían echarme... Pero todo llega...

Muy extrañado, Clappique se ma-nifestaba de pronto como hombre for-mal y de peso. Como no se considera-ba nunca responsable de sí mismo,quedó sorprendido.

«Es preciso que prevenga al jovenGisors», pensó. [142]

La una

Entretanto, Chen caminaba a lo largodel muelle con una cartera debajo delbrazo, cruzándose con los europeos unoa uno, cuyas fisonomías conocía: a aque-lla hora, casi todos iban a beber y a re-unirse en el bar de Shanghai-Club o enlos de los hoteles vecinos. Una mano seapoyó suavemente sobre su hombro, pordetrás. Se sobresaltó, echó mano al bol-sillo interior, donde llevaba el revólver.

— H a c e m u c h o t i e m p o q u en o n o s h e m o s v i s t o , C h e n . . .¿Quiere usted...?

Se volvió; era el pastor Smithson,su primer maestro. Reconoció enseguida su hermoso rostro de ame-ricano, un poco piel-roja, tan estra-gado ahora.

—¿...que caminemos juntos?

—Sí.

Chen prefería, para mayor seguridade ironía, caminar en compañía de un blan-co: llevaba una bomba en su cartera. Laamericana correcta que vestía aquellamañana le daba la impresión de que has-ta su pensamiento estaba cohibido; la pre-sencia de un acompañante completabaaquel disfraz —y, por una oscura supers-tición, no quería herir al pastor—. Habíacontado los coches durante un minuto,aquella mañana, para saber (par o impar)si obtendría éxito: respuesta favorable.Estaba exasperado contra sí mismo. Porlo tanto, hablar con Smithson era sustraer-se a su irritación.

Ésta no escapaba al pastor; pero sehizo el desentendido

—¿Sufre usted, Chen?

—No.

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Il gardait de l’affection à son ancienmaître, mais non sans rancune.

Le vieillard passa son bras sous lesien.

— Je prie pour vous chaque jour,Tchen. Qu’avezvous trouvé à la placede la foi que vous avez quittée ?

Il le regardait avec une affectionprofonde, qui pourtant n’avait rien depaternel, comme s’il se fût offert. Tchenhésita :

— ... Je ne suis pas de ceux donts’occupe le bonheur...

— Il n’y a pas que le bonheur, Tchen,il y a la paix, - et parfois l’amour...

— Nong. Pas pour moi.

— Pour tous...

Le pasteur ferma les yeux, et Tcheneut l’impression de tenir sous son brascelui d’un aveugle.

— Je ne cherche pas la paix. Jecherche... le contraire.

Smithson le regarda, sans cesser demarcher

— Prenez garde à l’orgueil.

— Qui vous dit que je n’aie pastrouvé ma foi?

— Quelle foi politique rendracompte de la souffrance du monde?

— La souffrance, j’aime mieux ladiminuer que d’en rendre compte. Letong de votre voix est plein de...d’humanité. Je n’aime pas l’humanitéqui est faite de la contemplation de lasouffrance.

— Êtes-vous sûr qu’il y en ait uneautre, Tchen?

— _______ Difficile à expliquer...Il y en a une autre, du moins, qui n’estpas faite que d’elle...

— Quelle foi politique détruira lamort...

Le ton du pasteur n’était pasd’interrogation; de tristesse, plutôt.Tchen se souvint de son entretien avecGisors, qu’il n’avait pas revu. Gisorsavait mis son intelligence à son service,non à celui de Dieu. [171]

— Je vous ai dit que je ne cherchais

Guardaba afecto a su antiguo maes-tro, aunque no exento de rencor.

El viejo pasó el brazo por debajo delsuyo.

—Rezo por usted todos los días,Chen. ¿Qué ha encontrado, en lu-gar de la fe que abandonó?

Le miraba con una afección profun-da, que, sin embargo, no tenía nada depaternal, como si se ofreciese. Chenvaciló.

—...No soy de ésos de quienes se ocu-pa la felicidad... [143]

—No sólo existe la felicidad, Chen;existe también la paz ____________.

—No. Para mí, no.

—Para todos...

El pastor cerró los ojos, y Chen reci-bió la impresión de tener debajo de subrazo el de un ciego.

—Yo no busco la paz. Busco.. .lo contrario.

Smithson le miró, sin dejar deandar.

—Tenga cuidado con la soberbia.

—¿Quién le dice que yo no haya en-contrado mi fe?

—¿Qué fe política acabará con el su-frimiento del mundo?

—Prefiero disminuirlo a buscar-le explicación. El tono de su vozestá lleno de... humanitarismo. Nome gus ta e l humani ta r i smo queestá hecho con la contemplacióndel sufrimiento.

—¿Está usted seguro de que hayotro, Chen?

—Aguarde. Eso es difícil de explicar...Hay otro, que, al menos, no sólo estáhecho de él.

—Qué fe pol í t ica destruirá lamuerte...

El tono del pastor no era de inte-rrogación; de tristeza, más bien. Chense acordó de su entrevista con Gisors,al que no había vuelto a ver. Gisorshabía puesto su inteligencia a su pro-pio servicio, y no al de Dios.

—Ya le he dicho que no busco

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pas la paix.

— La paix...

Le pasteur se tut. Ils marchaient.

— Mon pauvre petit, reprit-il enfin,chacun de nous ne connaît que sa propredouleur. » Son bras serrait celui deTchen. « Croyez-vous que toute vieréellement religieuse ne soit pas uneconversion de chaque jour?...

Tous deux regardaient le trottoir,semblaient n’être plus en contact quepar leurs bras « .., de chaque jour... »,répéta le pasteur avec une force lasse,comme si ses paroles n’eussent été quel’écho d’une obsession. Tchen nerépondait pas. Cet homme parlait delui-même et disait la vérité. Comme lui,celui-là vivait sa pensée; il était autrechose qu’une loque avide. Sous le brasgauche, la serviette et la bombe; sous lebras droit, ce bras serré : « ... uneconversion de chaque jour... » Cetteconfidence à ton de secret donnait aupasteur une profondeur soudaine etpathétique. Si près du meurtre, Tchens’accordait à toute angoisse.

— Chaque nuit, Tchen, je prieraipour que Dieu vous délivre de l’orgueil.(Je prie surtout la nuit: elle est favora-ble à la prière.) S’Il vous accordel’humilité vous serez sauvé. Maintenant,je trouve et je suis votre regard, que jene pouvais rencontrer tout à l’heure...

C’était avec sa souffrance, nonavec ses paroles, que Tchen étaitentré en communion: cette dernièrephrase, cette phrase de pêcheur quicroit sentir le poisson, appelait enlu i une co lè re qu i monta i tpéniblement, sans chasser tout à faitune furtive pitié.

— Écoutez bien, dit-i l . Dansdeux heures, je tuerai.

Il fixa son regard dans les yeux deson compagnon [172] cette fois. Sansraison, il éleva vers son visage samain droite qui tremblait, la crispaau revers de son veston correct

— Vous trouvez toujours monregard?

Non. Il était seul. Encore seul. Samain quitta son veston, s’accrocha aurevers de celui du pasteur comme s’ileût voulu le secouer: celui-ci posa lamain sur la sienne. Ils restaient ainsi,au milieu du trottoir, immobiles, commeprêts à lutter; un passant s’arrêta. C’étaitun Blanc, et il crut à une altercation.

la paz.

—La paz...

El pastor calló. Caminaban.

—Mi pobre muchacho —continuóluego—, cada uno conoce sólo supropio dolor. —Su brazo oprimía elde Chen.— ¿Cree usted que toda lavida, realmente religiosa, no es unaconversión de cada día?...

Ambos miraban a la acera y parecíanno estar ya en contacto más que por losbrazos. «...de cada día...», repitió elpastor, con una fuerza cansada, comosi aquellas palabras no fueran más queel eco de una obsesión. Chen no res-pondía. Aquel hombre hablaba de símismo y decía la verdad. Como él,aquél vivía su pensamiento; era otracosa que un andrajo ávido. Bajo el bra-zo izquierdo, la cartera con la bomba;bajo el brazo derecho, aquel brazo opre-sor. «...una conversión de cada día. [144]Aquella confidencia de índole secretaprestaba al pastor una perspectiva súbitay patética. Tan próximo al crimen, Chense sentía acorde con toda angustia.

—Todas las noches, Chen, rezarépara que Dios le libre de la sober-bia. (Rezo, sobre todo, de noche; éstaes favorable al rezo.) Si le concedela humildad, estará usted salvado.Ahora encuentro y sigo su mirada,que no podía encontrar antes...

Era con su sufrimiento, y no con suspalabras, con lo que Chen había entradoen comunión: aquella última frase; aque-lla frase de pescador que cree oler el pes-cado producía en él una cólera que subíapenosamente, sin suprimir por completouna furtiva piedad. Ya no comprendía, enabsoluto, sus sentimientos.

—Escuche usted bien —dijo—. Den-tro de dos horas, mataré.

Fijó la mirada en los ojos de su acom-pañante, esta vez. Sin motivo, elevó ha-cia su rostro la mano derecha, que tem-blaba, y la crispó junto a la solapa de suamericana correcta.

—¿Sigue usted encontrando mi mira-da?

No. Estaba solo. Todavía solo. Sumano abandonó la americana y se aferróa la solapa de la del pastor, como si hu-biera querido sacudirle; éste puso la manosobre la suya. Permanecían así, en me-dio de la acera, inmóviles, como dispues-tos a luchar. Un transeúnte se detuvo: unblanco, y creyó que era un altercado.

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— C’est un atroce mensonge, dit lepasteur à mi voix.

Le bras de Tchen retomba. Il nepouvait même pas rire. « Un mensonge!» cria-t-il au passant. Celui-ci haussa lesépaules et s’éloigna. Tchen se retournatout d’une pièce et partit presque encourant.

Il trouva enfin ses deux compagnonsà plus d’un kilomètre. « Beaucoup deface » avec leurs chapeaux fendus, leursvêtements d’employés choisis pourjustifier leurs serviettes dont l’unecontenait une bombe, et la seconde desgrenades. Souen - nez busqué, Chinoisde type peau-rouge - songeait, neregardait rien; Peï... à quel point cevisage semblait adolescent! Les lunettesrondes d’écaille en accentuaientpeut-être la jeunesse. Ils partirent,atteignirent l’avenue desDeux-Républiques; toutes boutiquesouvertes, elle reprenait vie sous le cieltrouble.

L’auto de Chang-Kaï-Shek arriveraitdans l’avenue par une étroite rueperpendiculaire. Elle ralentirait pourtourner. Il fallait la voir venir, et lancerla bombe lorsqu’elle ralentirait. Ellepassait chaque jour entre une heure etune heure et quart : le général déjeunaità l’européenne. Il fallait donc que celuiqui surveillerait la petite rue, dès qu’ilverrait l’auto, [173] fît signe aux deuxautres. La présence d’un marchandd’antiquités, dont le magasin s’ouvraitjuste en face de la rue, l’aiderait; à moinsque l’homme n’appartint à la police.Tchen voulait surveiller luimême. Ilplaça Peï dans l’avenue, tout près del’endroit où l’auto terminerait sa courbeavant de reprendre de la vitesse; Souen,un peu plus loin. Lui, Tchen,préviendrait et lancerait la premièrebombe. Si l’auto ne s’arrêtait pas,atteinte ou non, les deux autreslanceraient leurs bombes à leur tour. Sielle s’arrêtait, ils viendraient vers elle:la rue était trop étroite pour qu’elletournât. Là était l’échec possible :manqués, les gardes debout sur lemarchepied ouvriraient le feu pourempêcher quiconque d’approcher.

Tchen et ses compagnons devaientmaintenant se séparer. Il y avaitsûrement des mouchards dans la foule,sur tout le chemin suivi par l’auto. D’unpetit bar chinois, Peï allait guetter legeste de Tchen; de plus loin, Souenattendrait que Peï sortît. Peut-être l’unau moins des trois serait-il tué, Tchensans doute. Ils n’osaient rien se dire. Ilsse séparèrent sans même se serrer lamain.

—Eso es una atroz mentira —dijo elpastor, a media voz.

El brazo de Chen volvió a caer. Nisiquiera podía reír. «¡Una mentira!»,gri tó al transeúnte. Éste se enco-gió de hombros y se alejó. Chense volvió, de pronto, y se fue, casicorriendo.

Encontró, por fin, a sus dos compañe-ros, a menos de dos kilómetros. «Muybuena facha», con sus sombreros hendi-dos y sus trajes de empleados, elegidospara justificar sus carteras, una de lascuales contenía una bomba y la otra unasgranadas. Suen —nariz aguileña, chinocon tipo de piel-roja— pensaba; no mi-raba nada; Pei... Nunca se había dadocuenta Chen, antes, hasta qué punto aquel[145] semblante parecía el de un adoles-cente. Las gafas redondas de concha leacentuaban, quizá, la juventud. Partierony llegaron a la avenida de las Dos Repú-blicas; con todas las tiendas abiertas, re-cuperada su vida, bajo el cielo turbio.

El auto de Chiang Kaishek llegaríaa la avenida por una estrecha calle per-pendicular. Disminuiría la velocidadpara dar la vuelta. Había que verlo ve-nir y arrojar la bomba cuando aminora-ra la marcha. Pasaba todos los días, deuna a una y cuarto: el general comía a laeuropea. Era preciso, pues, que el quevigilase la calle, en cuanto viese el auto,hiciese seña a los otros dos. La presen-cia de un comerciante de antigüedades,cuyo almacén se abría precisamente en-frente de la calle, le ayudaría, a no serque el hombre perteneciese a la policía.Chen quería vigilar por sí mismo. Si-tuó a Pei en la avenida, muy cerca delsitio donde el auto terminaría la cur-va, antes de reanudar la velocidad: aSuen, un poco más lejos. Él, Chen,avisaría y arrojaría la primera bom-ba. Si el auto no se detenía, alcanza-do o no, los otros dos arrojarían susbombas, a su vez. Si se detenía, iríanhacia él: la calle era demasiado es-trecha para que diese la vuelta. Allí,el fracaso era posible: si erraban elgolpe, los guardias, que iban de pieen el estribo, harían fuego para im-pedir que alguien se acercase.

Chen y sus compañeros debían ya se-pararse. Seguramente, habría espías en-tre la multitud, sobre todo, en el caminoseguido por el auto. Desde un pequeñobar chino, Pei iba a acechar la seña deChen; desde más lejos, Suen esperaría aque Pei saliese. Quizá uno de los tres, porlo menos, quedase muerto. Chen, sinduda. No se atrevían a decirse nada. Sesepararon sin estrecharse siquiera lamano.

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99 (p. 175). Le Houpé (Hou-Peï) : province ducentre de la Chine, alors effectivement très« agitée » puisque la capitale de cetteprovince n’est autre que la grande métropolede Wu-han (réunion de trois villes, dontHan-Kéou).

Tchen entra chez l’antiquaire et de-manda à voir des petits bronzes defouilles. Le marchand tira d’un tiroir unetrop grosse poignée de petites boîtes desatin violet, posa sur la table sa mainhérissée de cubes, et commença à les ydisposer. Ce n’était pas un Shanghaïen,mais un Chinois du Nord ou duTurkestan: ses moustaches et sa barberares mais floues, ses yeux bridés étaientd’un musulman de basse classe, et aussisa bouche obséquieuse; mais non sonvisage sans arêtes, de bouc à nez plat.Celui qui dénoncerait un homme trouvésur le passage du général avec unebombe recevrait une grosse somme[174] d’argent et beaucoup deconsidération parmi les siens. Et cebourgeois riche était peut-être unpartisan sincère de Chang-Kaï-Shek.

— Y a-t-il longtemps que vous êtesà Shanghaï? » demanda-t-il à Tchen.Que pouvait être ce singulier client? Sagêne, son absence de curiosité pour lesobjets exposés, l’inquiétaient. Ce jeunehomme n’avait peut-être pas l’habitudede porter des habits européens. Lesgrosses lèvres de Tchen, malgré sonprofil aigu, le rendaient sympathique. Lefils de quelque riche paysan del’intérieur? Mais les gros fermiers necollectionnaient pas les bronzes anciens.Achetait-il pour un Européen? Cen’était pas un boy, ni un courrier - et,s’il était amateur, il regardait les objetsqu’on lui montrait avec bien peud’amour: il semblait qu’il songeât àautre chose.

Car déjà Tchen surveillait la rue. Decette boutique il pouvait voir à deuxcents mètres. Pendant combien de tempsverrait-il l’auto? Mais comment calculersous la curiosité de cet imbécile? Avanttout, il fallait répondre. Restersilencieux comme il l’avait faitjusque-là était stupide

— Je vivais dans l’intérieur, dit-il.J’en ai été chassé par la guerre.

L’autre allait questionner à nouveau.Tchen sentait qu’il l’inquiétait. Lemarchand se demandait maintenant s’iln’était pas un voleur venu examiner sonmagasin pour le piller aux prochainsdésordres; pourtant, ce jeune homme nesouhaitait pas voir les plus belles pièces.Seulement des bronzes ou des fibulesde renards, et d’un prix modéré. LesJaponais aiment les renards, mais ceclient n’était pas japonais. Il fallaitcontinuer à l’interroger adroitement.

— Sans doute habitez-vous le Houpé(99)? La vie est devenue bien difficile,dit-on, dans les provinces du Centre. [175]

Chen entró en la tienda del anticuarioy pidió que le enseñasen unos broncespequeños de las excavaciones. El comer-ciante sacó de un cajón un gran puñadode cajitas de raso violeta, colocó sobre lamesa su mano erizada de cubos y empe-zó a ordenarlos. No era un shanghayano,s ino un chino del Norte o delTurquestán: su bigote y su barba eranralos y flojos; sus ojos embridados eran losde un musulmán de la clase baja, y su bocaera obsequiosa; pero [146] no así su semblan-te sin aristas, de macho cabrío, con la narizachatada. El que denunciase a un hom-bre encontrado al paso del generalcon una bomba recibiría una fuertesuma de dinero y muchas conside-raciones entre los suyos. Y aquelburgués rico quizá fuese un partida-rio sincero de Chiang Kaishek.

—¿Hace mucho tiempo que estáusted en Shanghai? —preguntó a Chen.¿Quién podría ser aquel cliente singular? Sucortedad, su ausencia de abandono, de curio-sidad hacia los objetos expuestos, le inquietaban.Acaso aquel joven no tuviese costum-bre de llevar los trajes europeos. Losgruesos labios de Chen, a pesar de superfil agudo, le hacían simpático. ¿Se-ría hijo de algún campesino rico delinterior? Pero los grandes colonos nocoleccionaban bronces antiguos.¿Compraría para algún europeo? Noera un boy ni un corredor —y, si eraaficionado, miraba los objetos que sele enseñaban con muy poco interés:parecía que estuviese pensando enotra cosa.

Porque ya Chen vigilaba la calle. Des-de aquella tienda, podía distinguir a dos-cientos metros de distancia. ¿Durantecuánto tiempo vería el auto? Pero, ¿cómocalcular, bajo la curiosidad de aquel im-bécil? Ante todo, había que responder.Permanecer silencioso, como había he-cho hasta entonces, era estúpido.

—Vivía en el interior —dijo—, y hesido echado por la guerra.

El otro iba a preguntar de nuevo.Chen comprendía que le inquietaba. Elcomerciante se preguntaba ahora si se-ría un ladrón que había ido a examinarsu almacén para saquearlo durante lospróximos desórdenes. Sin embargo, aqueljoven no deseaba ver los mejores objetos.S ó l o b r o n c e s o h e b i l l a s * dezorro, y de un precio moderado. A losjaponeses les gustaban los zorros; peroaquel cliente no era japonés. Había quecontinuar interrogándole con habilidad.

—¿Habitaba usted, sin duda, en elHupé? Dicen que la vida se ha hecho muydifícil en las provincias del centro.

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Tchen se demanda s’il ne jouerait pasle demisourd. Il n’osa pas, de crainte desembler plus étrange encore.

— Je ne l’habite plus », répondit-ilseulement. Son ton, la structure de sesphrases, avaient, même en chinois,quelque chose de bref : il exprimaitdirectement sa pensée, sans employerles tournures d’usage. Mais il pensa aumarchandage.

— Combien? demanda-t-il enindiquant du doigt une des fibules à têtede renard qu’on trouve en grand nom-bre dans les tombeaux.

— Quinze dollars.

— Huit me semblerait un bon prix...

— Pour une pièce de cette qualité?Comment pouvez-vous croire?...Songez que je l’ai payée dix... Fixezmon bénéfice vous-même.

Au lieu de répondre, Tchen regardaitPeï assis devant une petite table dansson bar ouvert, un jeu de lumières surles verres de ses lunettes; celui-ci ne levoyait sans doute pas, à cause de la vitredu magasin d’antiquités. Mais il leverrait sortir.

— Je ne saurais payer plus de neuf,dit-il enfin comme s’il eût exprimé laconclusion d’une méditation. Encore mepriverais-je beaucoup.

Les formules, en ce domaine, étaientrituelles et il les employait sans peine.

— C’est ma première affaireaujourd’hui, répondit l’antiquaire.Peut-être dois-je accepter cette petiteperte d’un dollar, car la conclusion dela première affaire engagée est d’unprésage favorable...

La rue déserte. Un pousse, au loin,la traversa. Un autre. Deux hommessortirent. Un chien. Un vélo. Leshommes tournèrent à droite; le pousseavait traversé. La rue déserte denouveau; seul, le chien...

— Ne donneriez-vous pas,cependant, 9 dollars 1/2? [176]

— Pour exprimer la sympathie quevous m’inspirez.

Autre renard, en porcelaine.Nouveau marchandage. Tchen, depuisson achat, inspirait davantage confiance.Il avait acquis le droit de réfléchir: ilcherchait le prix qu’il offrirait, celui quicorrespondait subtilement à la qualité del’objet; sa respectable méditation ne devait

Chen se preguntó si le convendría ha-cerse algo el sordo. No se atrevió, portemor a parecer más extraño aún.

—Ya no vivo ahí —respondió sola-mente. Su tono y [147] la estructurade sus frases, aun en chino, tenían nose sabía qué de breves: expresaban di-rectamente su pensamiento, sin em-plear los giros usuales. Pero pensó enla compra.

—¿Cuánto? —preguntó, señalandocon el dedo uno de esos broches de zo-rro que se encuentran en gran númerodentro de las tumbas.

—Quince dólares.

—Ocho me parecería un buen precio...

—¿Por un objeto de esta calidad?¿Cómo puede usted creer eso?... Tengaen cuenta que yo he pagado diez... Fijeusted mismo mi beneficio.

En lugar de responder, Chen mirabaa Pei, que estaba sentado ante una me-sita, en el bar abierto, con un juego deluces sobre los cristales de sus gafas.Éste no le veía, sin duda a causa delcristal del almacén de antigüedades.Pero lo vería salir.

—No pagaría más si fuese nuevo —dijo, como si hubiese expresado la reso-lución de una meditación—. Y, aun así,lo pensaría mucho.

Las fórmulas, en aquel dominio, eranrituales, y las empleaban sin trabajo.

—Esta es mi primera venta dehoy —respondió el anticuario—.Quizá deba aceptar esa pequeña pér-dida de un dólar, porque cerrar elprimer trato emprendido es un pre-sagio favorable...

La calle estaba desierta. Un pousse laatravesó, a lo lejos. Otro. Aparecieron doshombres. Un perro. Una bicicleta. Loshombres volvieron hacia la derecha; elpousse había atravesado. La calle queda-ba desierta, de nuevo; sólo el perro...

—¿No dará usted, siquiera 9 dólaresy medio?

—Sólo por expresarle la simpatía queusted me inspira.

Otro zorro de porcelana. Nuevo rega-teo. Chen, después de su compra, inspi-raba más confianza. Había adquirido elderecho a reflexionar: pagaba el precioque ofrecía, el que correspondía sutilmen-te a la calidad del objeto; su respetablemeditación de ningún modo debía ser

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point être troublée. « L’auto, dans cetterue, avance à 40 à l’heure, plus d’unkilomètre en deux minutes. Je la verraipendant un peu moins d’une minute.C’est peu. Il faut que Peï ne quitte plusdes yeux cette porte... » Aucune auto nepassa i t . Quelques vélos. . . I lmarchanda une boucle de ceinture enjade, n’accepta pas le prix dumarchand, dit qu’il fallait réfléchir.Un des commis apporta du thé.Tchen acheta une petite tête derenard en cristal, dont le marchandne demandait que trois dollars. Laméfiance du boutiquier n’avai tpourtant pas disparu tout à fait.

— J’ai d’autres très belles pièces, trèsauthentiques, avec de très jolis renards.Mais ce sont des pièces de grandevaleur, et je ne les conserve pas dansmon magasin. Nous pourrions conve-nir d’un rendez-vous...

Tchen ne disait rien.

« ... à la rigueur, j’enverrais un de mescommis les chercher...

— Je ne m’intéresse pas aux piècesde grande valeur. Je ne suis pas,malheureusement, assez riche.

Ce n’était donc pas un voleur; il nedemandait pas même à les voir.L’antiquaire montrait à nouveau laboucle de ceinture en jade, avec unedélicatesse de manieur de momies;mais, malgré les paroles qui passaientune à une entre ses lèvres de veloursgélatineux, malgré ses yeuxconcupiscents, son client restait [177]indifférent, lointain... C’était lui,pourtant, qui avait choisi cette boucle.Le marchandage est une collaboration,comme l’amour; le marchand faisaitl’amour avec une planche. Pourquoidonc cet homme achetait-il? Soudain,il devina: c’était un de ces pauvresjeunes gens qui se laissent puérilementséduire par les prostituées japonaises deTchapeï. Elles ont un culte pour lesrenards. Ce client achetait ceux-ci pourquelque serveuse ou fausse geisha;s’ils lui étaient si indifférents, c’estqu’il ne les achetait pas pour lui.(Tchen ne cessait d’imaginer l’arrivéede l’auto, la rapidité avec laquelle ildevrait ouvrir sa serviette, en tirer labombe, la jeter.) Mais les geishasn’aiment pas les objets de fouilles...Peut-être fontelles exception lorsqu’ils’agit de petits renards? Le jeunehomme avait acheté aussi un objet decristal et un de porcelaine...

Ouvertes ou fermées, les boîtesminuscules étaient étalées sur la table.Les deux commis regardaient,

turbada. «El auto, en esta calle, avanzaa 40 kilómetros por hora; [148] más deun kilómetro en dos minutos. Lo verédurante poco menos de un minuto. Espoco. Es preciso que Pei no quite ya losojos de esta puerta...» Ningún auto pasa-ba por aquella calle. Algunas bicicletas...Preguntó por una hebilla de cinturón, dejade; no aceptó el precio del vendedor,y dijo que volvería sobre el asunto mástarde. Uno de los dependientes llevó té.Chen compró una cabecita de zorro, decristal, por la que el comerciante no pe-día más que tres dólares. Sin embargola desconfianza del tendero no habíadesaparecido por completo.

—Tengo otros objetos precio-sos, muy auténticos, con unos zo-rros muy bonitos. Pero son unosobje tos de gran va lor, y no losguardo en el almacén. Podríamosconvenir una cita.

Chen no decía nada.

«...en rigor, enviaría a mis dependien-tes, para que fueran a buscarlos...»

—No me interesan los objetos degran valor. Desgraciadamente nosoy lo bastante rico.

No era, pues, un ladrón; ni si-quiera quería verlos. El anticuariole enseñaba de nuevo la hebilla de cin-turón de jade, con una delicadeza demanipulador de momias; pero, a pesarde las palabras, que pasaban, una auna, por entre sus labios de terciopelogelatinoso, a pesar de sus ojos codi-ciosos, su cliente permanecía indife-rente, lejano... Era él, sin embargo,quien había elegido aquella hebilla. Lacompra es una colaboración, como elamor; el comerciante hacía el amorcon una hebilla. ¿Por qué compraríaaquel hombre? De pronto, lo adivinó:era una de esas personas pobres quese dejan seducir puerilmente por lasprostitutas japonesas de Tchapei.Ellas rinden culto a los zorros. Aquelcliente los compraba para alguna ca-marera o falsa geisha; si le resultabantan indiferentes, era porque no loscompraba para él. (Chen no cesaba deimaginarse la llegada del auto y la ra-pidez con que debía abrir su cartera,sacar de ella la bomba y arrojarla.) Perobien sabía que a las geishas no les gus-tan los objetos de las excavaciones...Quizás hiciesen una excepción, tratán-dose de zorritos. El joven había com-prado también un objeto de cristal yotro de porcelana... [149]

Abiertas o cerradas, las cajas minús-culas estaban diseminadas sobre la mesa.Los dos dependientes miraban, acodados

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accoudés. L’un, très jeune, s’étaitappuyé sur la serviette de Tchen;comme il se balançait d’une jambe surl’autre, il l’attirait hors de la table. Labombe était dans la partie droite, àtrois centimètres du bord.

Tchen ne pouvait bouger. Enfin ilétendit le bras, ramena la serviette à lui,sans la moindre difficulté. Aucun de ceshommes n’avait senti la mort, nil’attentat manqué; rien, une serviettequ’un commis balance et que sonpropriétaire rapproche de lui... Etsoudain, tout sembla extraordinairementfacile à Tchen. Les choses, les actesmême n’existaient pas; tous étaient dessonges qui nous étreignent parce quenous leur en donnons la force, mais quenous pouvons aussi bien nier... À cetinstant il entendit la trompe d’une auto:Chang-Kaï-Shek. [178]

Il prit sa serviette comme une arme,paya, jeta les petits paquets dans sapoche, sortit.

Le marchand le suivait, la bouclede ceinture qu’i l avait refuséd’acheter à la main :

— Ce sont là des pièces de jadequ’aiment tout particulièrement lesdames japonaises.

Cet imbécile allait-il foutre le camp!

— Je reviendrai.

Ouel marchand ne connaît la formu-le? L’auto approchait beaucoup plus vitequ’à l’ordinaire, sembla-t-il à Tchen,précédée de la Ford de la garde.

— Allez-vous-en!

Plongeant sur eux , l ’au tosecouait sur les caniveaux les deuxdétectives accrochés à ses marchepieds.La Ford passa. Tchen, arrêté, ouvrit saserviette, posa sa main sur la bombeenveloppée dans un journal. Le marchandglissa en souriant la boucle de ceinturedans la poche vide de la serviette ouverte.C’était la plus éloignée de lui. Il barraitainsi les deux bras de Tchen:

— Vous paierez ce que vous voudrez.

— Allez-vous-en!

S t u p é f a i t p a r c e c r i ,l ’ a n t i q u a i r e r e g a r d a Tc h e n l abouche ouverte lui aussi.

— Ne seriez-vous pas un peusouffrant? » Tchen ne voyait plus rien,mou comme s’il allait s’évanouir: l’autopassait.

en ella. Uno de ellos, muy joven, se ha-bía apoyado sobre la cartera de Chen;como se balancease con una pierna so-bre la otra, la echaba hacia fuera de lamesa. La bomba estaba en la parte de laderecha, a tres centímetros del borde.

Chen no podía moverse. Por fin ex-tendió el brazo y atrajo la cartera haciasí, sin la menor dificultad. Ninguno deaquellos hombres había sentido lamuerte ni el atentado frustrado; nada:una cartera que un dependiente balan-cea y que su propietario atrae hacia sí...Y, de pronto, todo le pareció extraordi-nariamente fácil a Chen. Ni las cosas,ni siquiera los actos existían: todo sonsueños que se oprimen, porque les da-mos nuestra fuerza, aunque tambiénpodemos muy bien negársela... Enaquel instante, oyó la bocina del auto:Chiang Kaishek.

Cogió la cartera como un arpa, pagó,se introdujo los dos paquetitos en el bol-sillo y se dispuso a salir.

El comerciante le seguía, con la hebi-lla de cinturón, que no había queridocomprar, en la mano.

—Estos son los objetos de jadeque particularmente gustan a lasseñoras japonesas.

¡Le dejaría tranquilo ese imbécil!

—Ya volveré.

¿Qué comerciante no conoce la fórmu-la? El auto se acercaba, mucho más de pri-sa que de ordinario, según le pareció a Chen,precedido del Ford de la guardia.

__________________

Avanzando hacia ellos, el auto sacu-día sobre los adoquines a los dospesquisantes, agarrados a sus estribos. ElFord pasó. Chen, detenido, abrió su car-tera y dejó caer la mano sobre la bomba,envuelta en un periódico. El comercian-te, deslizó, sonriendo, la hebilla de cin-turón en el bolsillo vacío de la carteraabierta. Era el más alejado de él. Entor-peció así los dos brazos de Chen.

—Pagará usted por él lo que quiera.

—¡Váyase!

Estupefacto ante aquel grito, el anti-cuario miró a Chen, también con la bocaabierta.

—¿No estará usted un poco enfermo?—Chen ya no [150] veía nada, blancocomo si fuera a desvanecerse: el autopasaba.

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I l n ’ a v a i t p u s e d é g a g e r àtemps du geste de l’antiquaire.

« Ce client va se trouver mal »,pensa celui-ci. Il s’efforça de lesoutenir. D’un coup, Tchen rabattit lesdeux bras tendus devant lui et partiten avant. La douleur arrêta lemarchand. Tchen courait presque.

— Ma plaque! cria le marchand.Ma plaque!

Elle était toujours dans la serviette.Tchen ne [179] comprenait pas. Chacunde ses muscles, le plus fin de ses nerfs,attendaient une détonation qui empliraitla rue, se perdrait lourdement sous leciel bas. Rien. L’auto avait tourné, avaitmême sans doute maintenant dépasséSouen. Et ce marchand abruti restait là.Il n’y avait pas de danger, puisque toutétait manqué. Qu’avaient fait les autres?Tchen commença à courir. « Au voleur!» cria l’antiquaire. Des marchandsparurent. Tchen comprit. De rage, il eutenvie de s’enfuir avec cette plaque, dela lancer n’importe où. Mais denouveaux badauds s’approchaient. Il lajeta à la figure de l’antiquaire ets’aperçut qu’il n’avait pas refermé saserviette. Depuis le passage de l’auto,elle était restée ouverte, sous les yeuxde ce crétin et des passants, la bombevisible, même plus protégée par lepapier qui avait glissé. Il referma enfinla serviette avec prudence (il faillit larabattre à toute volée); il luttait de toutesa force contre ses nerfs. Le marchandregagnait au plus vite son magasin.Tchen reprit sa course.

— Eh bien? dit-il à Peï dès qu’il lerejoignit.

— Et toi?

Ils se regardèrent haletants, chacunvoulant d’abord entendre l’autre. Souen,qui s’approchait, les voyait ainsi empêtrésdans une immobilité pleine d’hésitationset de velléités, de profil sur des maisonsfloues; la lumière très forte malgré lesnuages détachait le profil d’épervierbonasse de Tchen et la tête rondouillardede Peï, isolait ces deux personnages auxmains tremblantes, plantés sur leursombres courtes de début d’après-midiparmi les passants affairés et inquiets.Tous trois portaient toujours lesserviettes: il était sage de ne pas resterlà trop longtemps. Les restaurantsn’étaient pas sûrs. Et ils ne s’étaient quetrop réunis et séparés dans cette rue,déjà. Pourquoi? Il ne s’était rien passé...[180]

— Chez Hemmelrich, dit pourtantTchen.

No había podido sustraerse a tiempoal movimiento del anticuario. «Este clien-te se va a poner malo», pensó el comer-ciante. Se esforzó por sostenerlo. De ungolpe, Chen abatió los dos brazos que seextendían hacia él, y echó a andar haciaadelante. El dolor detuvo al comercian-te. Chen iba casi corriendo.

—¡Mi placa! —gritó el comerciante—. ¡Mi placa!

Continuaba dentro de la cartera. Chenno comprendía nada. Cada uno de susmúsculos y hasta el más fino de sus ner-vios esperaban una detonación que lle-naría la calle, que se perdería pesadamen-te bajo el cielo tan próximo. Nada. El autohabía dado la vuelta, y hasta, sin dudaalguna, había dejado atrás ya a Suen. Yaquel bruto continuaba allí. ¿Qué habíanhecho los otros? Chen comenzaba a co-rrer. «¡A ése!, gritó el anticuario. Apare-cieron otros comerciantes. Chen com-prendió. De rabia, sintió deseos de huircon aquella placa y abandonarla en cual-quier parte. Pero de nuevo se acercabanmás curiosos. La arrojó al rostro del an-ticuario, y se dio cuenta de que no habíavuelto a cerrar su cartera. Después dehaber pasado el auto, había quedadoabierta, ante los ojos de aquel cretino yde los transeúntes, con la bomba visible,no protegida ya por el papel, que se ha-bía deslizado. Volvió a cerrar, por fin, lacartera con prudencia (habría sido preci-so cerrarla con fuerza; luchaba enérgica-mente contra sus nervios). El comerciantevolvía apresuradamente a su almacén.Chen reanudó su carrera.

—¿Qué? —dijo a Pei, en cuanto lohubo alcanzado.

—¿Y tú?

Se miraron, anhelantes, queriendocada uno escuchar primero al otro. Suen,que se acercaba, los veía así, trabadosen una inmovilidad llena de vacilacionesy de veleidades, de perfil sobre las cosasborrosas; la luz, muy fuerte a pesar delas nubes, destacaba el perfil de gavilánbonachón de Chen y la cabeza redondade Pei; aislaba a aquellos dos personajesde manos temblorosas, plantados sobresus sombras cortas de comienzo de la tar-de, entre los transeúntes atareados e in-quietos. Los tres continuaban [151] consus carteras: era prudente no permanecerallí durante mucho tiempo. Los restau-rantes no eran seguros. Y ellos se habíanreunido y separado demasiadas veces enaquella calle, ya. ¿Por qué? No había pa-sado nada...

—A casa de Hemmelrich —dijo, sinembargo, Chen.

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Ils s’engagèrent dans les ruelles.

— Qu’est-il arrivé? demanda Souen.

Tchen le lui expliqua. Peï, lui,avait été troublé lorsqu’il avait vuque Tchen ne quittait pas seul lemagasin, de l’antiquaire. Il s’étaitdirigé vers son poste, à quelquesmètres du coin. L’usage, à Shanghaï,est de conduire à gauche; l’autotournait d’ordinaire au plus court, etPeï s’était placé sur le trottoir degauche, pour lancer sa bombe de près.Or, l’auto allait vite; il n’y avait pasde voitures à ce moment dans l’avenuedes Deux-Républiques. Le chauffeura v a i t t o u r n é a u p l u s l a rg e ; i lavait donc longé l’autre trottoir,et Peï s’était trouvé séparé de lui parun pousse.

— Tant pis pour le pousse! dit Tchen.Il y a des milliers d’autres coolies quine peuvent vivre que de la mort deChang-Kaï-Shek.

— J’aurais manqué mon coup.

Souen, lui, n’avait pas lancé sesgrenades parce que l’abstention de sescamarades lui avait fait supposer que legénéral n’était pas dans la voiture.

Ils avançaient en silence entre lesmurs que le ciel jaunâtre et chargé debrume rendait blêmes, dans une solitudemisérable criblée de détritus et de filstélégraphiques.

— Les bombes sont intactes, ditTchen à mi-voix. Nous recommenceronstout à l’heure.

Mais ses deux compagnons étaientécrasés; ceux qui ont manqué leursuicide le tentent rarement à nouveau.La tension de leurs nerfs, qui avaitété extrême, devenait trop faible. Àmesure qu’i ls avançaient ,l’ahurissement faisait place en euxau désespoir.

C’est ma faute, dit Souen. [181]

Peï répéta

— C’est ma faute.

— Assez », dit Tchen, excédé. Ilréfléchissait, en poursuivant cette mar-che misérable. Il ne fallait pasrecommencer de la même façon. Ceplan était mauvais, mais il était difficiled’en imaginer un autre. Il avait penséque... Ils arrivaient chez Hemmelrich.

Du fond de sa boutique, Hemmelrich

Se introdujeron en unas callejuelas.

—¿Qué ha ocurrido? —preguntó Suen.

Chen se lo explicó. Pei también sehabía aturdido cuando había visto queChen no abandonaba solo el almacén delanticuario. Se había dirigido hacia supuesto de lanzamiento, a algunos metrosde la esquina. En Shanghai hay la cos-tumbre de conducir por la izquierda; deordinario, el auto daba la vuelta acortan-do, y Pei se había situado en la acera dela izquierda para arrojar su bomba desdecerca. Ahora bien, el auto iba de prisa;no había coches en aquel momento en laavenida de las Dos Repúblicas. El chóferhabía dado la vuelta por el camino máslargo; se había aproximado, pues, a la otraacera, y Pei se había encontrado separa-do de él por un pousse.

—Tanto peor para el pousse —dijoChen—. Hay otros millares de cooliesque no pueden vivir más que de la muer-te de Chiang Kaishek.

—Habría errado el golpe.

Suen no había arrojado sus grana-das porque la abstención de sus cama-radas le había hecho suponer que elgeneral no iba en el coche.

Avanzaban en silencio entre los mu-ros, que el cielo amarillento y cargado debruma tornaba pálidos, en una soledadmiserable, acribillada de detritus y dehilos telegráficos.

—Las bombas están intactas —dijoChen, a media voz—. Comenzaremosahora de nuevo.

Pero sus dos compañeros estabanabrumados; los que han frustrado susuicidio rara vez lo intentan de nuevo.La tensión de sus nervios, que habíasido extrema, se tornaba demasiadodébil. A medida que avanzaban, elaturdimiento cedía el puesto en ellos ala desesperación.

—La culpa ha sido mía —dijo Suen.

Pei repitió:

—La culpa ha sido mía. [152]

—Basta —dijo Chen, fatigado. Re-flexionaba, mientras seguía aquellamarcha miserable. No había que inten-tarlo otra vez de la misma manera.Aquel plan era malo; pero resultabadifícil imaginar otro. Había pensadoque... Llegaban a casa de Hemmelrich.

Desde el fondo de su tienda,CD 5

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entendait une voix qui parlait en chinois,deux autres qui répondaient. Leur tim-bre, leur rythme inquiet, l’avaient renduattentif. « Déjà hier, pensa-t-il, j’ai vuse balader par ici deux types qui avaientdes gueules à souffrir d’hémorroïdestenaces, et qui n’étaient sûrement paslà pour leur plaisir... » Il lui était difficiled’entendre distinctement: au-dessus,l’enfant criait sans cesse. Mais les voixse turent et de courtes ombres, sur letrottoir, montrèrent que trois corpsétaient là. La police?... Hemmelrich seleva, pensa au peu de craintequ’inspireraient à des agresseurs son nezplat et ses épaules en avant de boxeurcrevé, et marcha vers la porte. Avant quesa main eût atteint sa poche, il avaitreconnu Tchen; il la lui tendit au lieu detirer son revolver.

— Allons dans l’arrière-boutique, ditTchen.

Tous trois passèrent devantHemmelrich. Il les examinait. Uneserviette chacun, non pas tenuenégligemment, mais serrée par lesmuscles crispés du bras.

— Voici, dit Tchen dès que laporte fut refermée peux-tu nousdonner l ’hosp i ta l i t é que lquesheures? À nous et à ce qu’il y a dansnos serviettes?

— Des bombes?

— Oui.

— Non. [182]

Le gosse, là-haut, continuait à crier.Ses cris les plus douloureux étaientdevenus des sanglots, et parfois de petitsgloussements, comme s’il eût crié pours’amuser - d’autant plus poignants.Disques, chaises, grillon, étaient à telpoint les mêmes que lorsque Tchen étaitvenu là après le meurtre de Tang-Yen-Ta,que Hemmelrich et lui se souvinrent en-semble de cette soirée. Il ne dit rien, maisHemmelrich le devina :

— Les bombes, reprit-il, je ne peux pasen ce moment. S’ils trouvent des bombesici, ils tueront la femme et le gosse.

— Bong. Allons chez Shia. »C’était le marchand de lampesqu’avait visité Kyo, la veille del’insurrection. « À cette heure, il n’ya que le garçong.

— Comprends-moi, Tchen: legosse est très malade, et la mère n’estpas brillante...

Il regardait Tchen, les mains

Hemmelrich oía una voz que hablaba enchino, otras dos que respondían. Sus tim-bres, sus ritmos inquietos le habían hechoprestar atención. «Ya ayer —pensó— vipasearse por aquí a dos tipos que tenían caracomo de padecer hemorroides tenaces, yque, seguramente, no estaban ahí por sugusto...» Le era difícil oír con claridad: porencima de las voces, no cesaba de gritar elniño. Pero las voces callaron, y unas som-bras breves, sobre la acera, pusieron demanifiesto que allí había tres cuerpos. ¿Lapolicía?... Hemmelrich se levantó, pensó enel poco temor que inspirarían a un agresorsu nariz aplastada y sus hombros inclina-dos hacia adelante, de boxeador inutiliza-do, y fue hacia la puerta. Antes de que sumano hubiese llegado al bolsillo, habíareconocido a Chen. Se la tendió, en lugarde sacar el revólver.

—Vamos a la trastienda —dijoChen.

Los tres pasaron delante deHemmeliich. Éste los examinaba. Ibancon una cartera cada uno, no negligente-mente sostenida, sino oprimida por losmúsculos crispados del brazo.

—Aquí estamos —dijo Chen, en cuan-to la puerta estuvo cerrada de nuevo—.¿Puedes darnos hospitalidad por algunashoras? ¿A nosotros y a lo que traemos ennuestras carteras?

—¿Unas bombas?

—Sí.

—No.

El chico, arriba, continuaba gritando.Sus gritos más dolorosos se habían con-vertido en sollozos, y, a veces proferíadébiles cloqueos, como si gritase por dis-traerse —tanto más conmovedores—.Discos, sillas, grillo, eran hasta tal puntolos mismos cuando Chen había ido alládespués de matar a Tan-Yen-Ta, queHemmelrich y él se [153] acordaron a untiempo de aquella noche. Chen no dijonada, pero Hemmelrich lo adivinó.

—Las bombas —prosiguió—, no pue-do en este momento. Si encuentran bom-bas aquí, matarán a la mujer y al chico.

—Bueno. Vámonos a casa de Shia—.Era el comerciante de lámparas al quehabía visitado Kyo la víspera de la insu-rrección—. A estas horas, no está allí másque el mozo.

—Compréndeme, Chen: el muchachoestá muy malo, y la madre no está nadabuena...

Miraba a Chen con las manos

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tremblantes

— Tu ne peux pas savoir, Tchen, tune peux pas savoir le bonheur que tu asd’être libre!...

— Si, je le sais.

Les trois Chinois sortirent.

Bon Dieu de bon Dieu de bon Dieu!pensait Hemmelrich, est-ce que je neserai jamais à sa place? » Il jurait enlui-même avec calme, comme au ralenti.Et il remontait lentement vers sachambre. Sa Chinoise était assise, leregard fixé sur le lit et ne se détournapas.

— La dame a été gentilleaujourd’hui, dit l’enfant elle ne m’apresque pas fait mal...

La dame, c’était May. Hemmelrichse souvenait : Mastoïdite... Mon pauvrevieux, il faudra briser l’os... » Ce gosse,presque un bébé, n’avait encore de lavie que ce qu’il en fallait pour souffrir.Il faudrait « lui expliquer ». Luiexpliquer quoi? Qu’il était profitable[183] de se faire casser les os de la facepour ne pas mourir, pour êtrerécompensé par une vie aussi précieuseet délicate que celle de son père? «Putain de jeunesse! » avait-il dit pendantvingt ans. Combien de temps encoreavant de dire « Putain de vieillesse! » etde passer à ce malheureux gosse cesdeux parfaites expressions de la vie? Lemois précédent, le chat s’était démis lapatte, et il avait fallu le tenir pendantque le vétérinaire chinois replaçait lemembre, et que la bête hurlait et sedébattait; elle ne comprenait rien; ilsentait qu’elle se croyait torturée. Et lechat n’était pas un enfant, ne disait pas:« Il ne m’a presque pas fait mal... » Ilredescendit. L’odeur des cadavres surlesquels s’acharnaient sans doute leschiens, tout près, dans les ruelles, entraitdans le magasin avec un soleil confus.« Ce n’est pas la souffrance qui manque», pensa-t-il.

Il ne se pardonnait pas son refus.Comme un homme torturé qui a livrédes secrets, il savait qu’il agirait encorecomme il avait agi, mais il ne se lepardonnait pas. Il avait trahi sa jeunesse,trahi ses désirs et ses rêves. Commentne pas les trahir? « L’important ce seraitde vouloir ce qu’on peut... » Il ne voulaitpas ce qu’il ne pouvait pas: donner asileà Tchen et sortir avec lui. Compenserpar n’importe quelle violence, par lesbombes, cette vie atroce quil’empoisonnait depuis qu’il était né, quiempoisonnerait de même ses enfants.Ses enfants surtout. Sa souffrance, il lui

temblorosas.

—¡Tú no puedes saber, Chen; tú nopuedes saber la felicidad que tienes conser libre!...

—Sí; lo sé.

Los tres chinos salieron.

«¡Dios santo, Dios santo, Dios san-to! —pensaba Hemmelrich—. ¿No es-taré nunca en su lugar?» Juraba para símismo con calma, como en ralenti. Yvolvía a subir con lentitud a la habita-ción. Su china estaba sentada, con lamirada fija en el lecho, y ni siquiera sevolvió.

—La señora ha sido muy buenahoy dijo el niño—; casi no me hahecho daño...

La señora era May. Hemmelrich seacordaba: «Mastoiditis, pobre amigomío, habrá que romper el hueso...»Aquel muchacho, casi un nene, no teníamás vida que la que se necesita para su-frir. Habría que «explicárselo». ¿Expli-carle qué? ¿Que era provechoso dejarseromper los huesos de la cara para nomorir, para ser recompensado con unavida tan preciosa y delicada como la desu padre? «¡Puñetera juventud!» —ha-bía dicho, durante veinte años. ¿Cuántotiempo pasaría aún, antes de decir:«¡Puñetera vejez!», y para que le llega-sen a aquel desdichado chico estas dosperfectas expresiones de la vida? El mesanterior, el gato se había dislocado unapata; había habido que sujetarlo, mien-tras el veterinario chino volvía a colo-carle el miembro en su sitio, y el animalaullaba y se debatía; no comprendíanada; Hemmelrich sentía que el gato secreía torturado. Y el gato no era un niño,ni decía: «Casi no me ha hecho daño...»Volvió a bajar. El olor de los [154] ca-dáveres, en los cuales se encarnizabansin duda, los perros, muy cerca, en aque-llas callejuelas, entraba en el almacén,con un sol confuso. «No es sufrimientolo que falta» —pensó.

No se perdonaba su negativa. Comoun hombre torturado que ha confesadosecretos, sabía que volvería a obrar comohabía obrado, pero no se lo perdonaba.Había traicionado su juventud; traicio-nado sus deseos y sus sueños. ¿Cómono traicionarlos? «Lo importante seríaquerer lo que se puede...» No quería másque lo que no podía: dar asilo a Chen ysalir con él. Salir. Compensar, con noimportaba qué violencia, por medio delas bombas, aquella vida atroz que leenvenenaba desde que había nacido, queenvenenaría del mismo modo a sus hi-jos. A sus hijos, sobre todo. Su sufri-

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était possible de l’accepter: il avaitl’habitude... Pas celle des gosses. « Ilest devenu très intelligent depuis qu’ilest malade », avait dit May. Comme parhasard...

Sortir avec Tchen, prendre une desbombes cachées dans les serviettes, lalancer. C’était le bon sens. Et même laseule chose qui, dans sa vie [184]actuelle, eût un sens. Trente-sept ans.Encore trente ans à vivre, peut-être. Àvivre comment? Ces disques en dépôtdont il partageait la misère avecLou-You-Shuen, dont ni l’un ni l’autrene pouvaient vivre, et, quand il seraitvieux... Trente-sept ans; aussi loin queremonte le souvenir, disent les gens; sonsouvenir n’avait pas à remonter: d’unbout à l’autre, il n’était que misère.

Mauvais élève à l’école: absent unjour sur deux sa mère, pour se saoulertranquille, lui faisait faire son travail.L’usine: manoeuvre. Mauvais esprit; aurégiment, toujours en tôle. Et la guerre.Gazé. Pour qui, pour quoi? Pour sonpays? Il n’était pas Belge, il étaitmisérable. Mais à la guerre on mangeaitsans trop travailler. Puis démobilisé,venu enfin en Indochine, en pont. « Leclimat ne permet guère ici lesprofessions manuelles... » Mais ilpermettait de crever de dysenterie, trèsparticulièrement aux gens connus pourleur mauvais esprit. Il avait échoué àShanghaï. Les bombes, bon Dieu, lesbombes

Il y avait sa femme: rien autre ne luiavait été donné par la vie. Elle avait étévendue douze dollars. Abandonnée parl’acheteur à qui elle ne plaisait plus, elleétait venue chez lui avec terreur, pourmanger, pour dormir; mais au début ellene dormait pas, attendant de lui laméchanceté des Européens dont on luiavait toujours parlé. Il avait été bon pourelle. Remontant peu à peu du fond deson effroi, elle l’avait soigné lorsqu’ilavait été malade, avait travaillé pour lui,supporté ses crises de haineimpuissante. Elle s’était accrochée à luid’un amour de chien aveugle etmartyrisé, soupçonnant qu’il était unautre chien aveugle et martyrisé. Etmaintenant, il y avait le gosse. Quepouvait-il pour lui? A peine le nourrir.Il ne gardait de force que pour la douleur[185] qu’il pouvait infliger, il existaitplus de douleur au monde que d’étoilesau ciel, mais la pire de toutes, il pouvaitl’imposer à cette femme: l’abandonneren mourant. Comme ce Russe affamé,presque son voisin, qui, devenumanoeuvre, s’était suicidé un jour detrop grande misère, et dont la femmefolle de rage avait giflé le cadavre quil’abandonnait, avec quatre gosses dans

miento, le era posible aceptarlo: estabaacostumbrado... El de los chicos, no. «Seha vuelto muy inteligente, desde que estáenfermo» —había dicho May. Como porcasualidad...

Salir con Chen; coger una de las bom-bas ocultas en la cartera, arrojarla. Erael buen sentido. Y hasta la única cosaque, en su vida actual, hubiera tenido unsentido. Treinta y siete años. Todavíaviviría otros treinta años, quizá. ¿Cómoviviría? Aquellos discos en depósito,cuya miseria compartía con Lu-Yu-Shuen, y de los que ni uno ni otro po-dían vivir; y, cuando fuese viejo...Treinta y siete años; tan lejos como seremonta el recuerdo, según dice la gente;su recuerdo no tenía que remontarse: de unextremo al otro, no era más que miseria.

Mal alumno en la escuela: ausente un díade cada dos —su madre, para emborrachar-se tranquila le obligaba a hacer su trabajo—. La fábrica: peón. Testarudo; en el regi-miento, siempre en el calabozo. Y la gue-rra. Víctima de los gases. ¿Por quién?¿Por qué? ¿Por su país? Él no era bel-ga; era un miserable. Pero en la gue-rra, se comía. Luego, desmovilizado,a la Indochina, por fin, de paso. «Elclima apenas permite aquí las profe-siones manuales...» Pero permitía quese reventase de disentería, muy parti-cularmente a las personas conocidaspor su testarudez. Había fracasado enShanghai. ¡Las bombas, Dios santo,las bombas! [155]

Tenía a su mujer; ninguna otra cosale había dado la vida. Había sido vendi-da por doce dólares. Abandonada por elcomprador, a quien no le gustaba ya,había ido a su casa con terror, para co-mer y para dormir; pero al principiono dormía, esperando de él la maldadde los europeos, de la que siempre lehabían hablado. Él había sido buenopara ella. Volviendo poco a poco delfondo de su espanto, ella le había cuida-do cuando había estado enfermo, habíatrabajado para él y soportado sus crisisde odio impotente. Se había aferradoa él con un amor de perro ciego ymartirizado, sospechando que él era otroperro ciego y martirizado. Y aho-ra, estaba el chico. ¿Qué podía hacercon él? Apenas alimentarlo. No conser-vaba fuerzas más que para el dolor que lepodía infligir; existía más dolor en el mun-do que estrellas en el cielo; pero el peorde todos podía imponérselo a aquella mu-jer; abandonarla muriendo. Como aquelruso hambriento, casi vecino suyo, que,después de hacerse obrero, se había suici-dado, un día de excesiva miseria, y cuyamujer, loca de rabia, había abofeteado elcadáver que la abandonaba, con cuatrochicos en los rincones de la habitación, uno

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les coins de la chambre, l’un demandant: « Pourquoi vous battez-vous? »... Safemme, son gosse, il les empêchait demourir. Ce n’était rien. Moins que rien.S’il avait possédé de l’argent, s’il avaitpu le leur laisser, il eût été libre de sefaire tuer. Comme si l’univers ne l’eûtpas traité, tout le long de sa vie, à coupsde pied dans le ventre, il le spoliait dela seule dignité qu’il possédât, qu’il pûtposséder sa mort. Respirant avec larévolte de toute chose vivante, malgrél’habitude, l’odeur des cadavres quechaque bouffée de vent faisait glisser surle soleil immobile, il s’en pénétrait avecune horreur satisfaite, obsédé par Tchencomme par un ami en agonie, et cherchant,- comme si ça avait de l’importance, - cequi dominait en lui de la honte, de lafraternité ou d’une atroce envie.

De nouveau, Tchen et sescompagnons avaient quitté l’avenue: lescours et les ruelles étaient peu surveillées,l’auto du général n’y passait pas. « Il fautchanger de plan », pensait Tchen, têtebaissée, en regardant ses souliersbien-pensants qui avançaient sous sesyeux, l’un après l’autre. Accrocher l’autode Chang-Kaï-Shek avec une autre autoconduite en sens inverse? Mais toute autopouvait être réquisitionnée par l’armée.Tenter d’employer le fanion d’unelégation pour protéger la voiture dont ilsse serviraient était incertain, car la policeconnaissait les chauffeurs des ministresétrangers. Barrer la [186] route avec unecharrette? Chang-Kaï-Shek était toujoursprécédé de la Ford de sa gardepersonnelle. Devant un arrêt suspect,gardes et policiers des marchepiedstireraient sur quiconque tenterait des’approcher. Tchen écouta: depuisquelques instants, ses compagnonsparlaient.

— Beaucoup de générauxabandonneront Chang-Kaï-Shek s’ilssavent qu’ils risquent réellement d’êtreassassinés, disait Peï. II n’y a de foi quechez nous.

— Oui, dit Souen, on fait de bonsterroristes avec les fils des suppliciés.

— Et quant aux généraux quiresteront, ajouta Peï, même s’ils doiventfaire la Chine contre nous, ils la ferontpeut-être grande, parce qu’ils la ferontsur leur propre sang.

— Non! dirent à la fois Tchen et Souen.Ni l’un ni l’autre n’ignoraient

combien était élevé le nombre desnationalistes parmi les communistes,parmi les intellectuels surtout. Peïécrivait dans des revues viteinterdites des contes d’une amertumedouloureusement satisfaite d’elle-même,

de los cuales preguntaba: «¿Por qué ospegáis?»... Su mujer, su chico le impe-dían morir a él. Aquello no era nada.Menos que nada. Si hubiera poseído di-nero; si hubiera podido dejárselo, habríasido libre para dejarse matar. Como si eluniverso no le hubiese tratado, a lo lar-go de la vida, dándole puntapiés en elvientre, le despojaba de la única digni-dad que poseía, que hubiera podido po-seer —su muerte—. Respirando, con larebelión de toda posa viviente, a pesar dela costumbre, el olor de los cadáveres quecada soplo del viento transportaba bajo elgol inmóvil, se penetraba de él con unhorror satisfecho, obsesionado por Chencomo por un amigo agonizante, y bus-cando —como si ello tuviera importan-cia— lo que dominaba en él: vergüenza,fraternidad o una envidia atroz.

Chen y sus compañeros habían aban-donado de nuevo a avenida. Las plazasy las callejuelas estaban poco vigiladas:el auto del general no pasaba por allí.«Hay que cambiar de plan» —pensabaChen con la cabeza baja, mirándose suszapatos, sufridos, que avanzaban bajo su[156] vista, uno después del otro. ¿Ama-rrar el auto de Chiang Kaishek a otroauto, conducido en sentido inverso? Perotodo auto podía ser requisado por el ejér-cito. Tratar de emplear la bandera deuna legación para proteger el coche deque se sirvieran era inseguro, porque lapolicía conocía a los chóferes de losministros extranjeros. ¿Interceptar elcamino con una carreta? Chiang Kaishekiba siempre precedido del Ford de suguardia personal. Ante una detención sos-pechosa, los guardias y los policías de losestribos dispararían sobre cualquiera que in-tentara acercarse. Chen escuchó: desdehacía algunos instantes, sus compa-ñeros hablaban.

—Muchos generales abandonarán aChiang Kaishek, si saben que realmentecorren el peligro de ser asesinados —decía Pei—. No hay fe más que entrenosotros.

—Sí —dijo Suen—; se hacen buenosterroristas con los hijos de los supliciados.

Ambos lo eran.—Y, en cuanto a los generales que

quedasen —añadió Pei—, aunque pudie-ra rehacer la China contra nosotros, laharían grande, porque la harían con supropia sangre.

—¡No! —dijeron, a la vez, Chen ySuen. Ni el uno ni el otro ignoraban cuán-to había aumentado el número de nacio-nalistas entre los comunistas, entre losintelectuales, sobre todo. Pei escribía enuna revista, que pronto sería suspendida,unos cuentos de una amarguradolorosamente satisfecha de sí misma, y

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et des articles dont le dernier commençaitpar: « L’impérialisme étant gêné, laChine songe à solliciter sa bienveillanceune fois de plus, et à lui demander deremplacer par un anneau de nickell’anneau d’or qu’il lui a rivé dans lenez... » Il préparait d’autre part uneidéologie du terrorisme. Pour lui, lecommunisme était seulement le vraimoyen de faire revivre la Chine.

— Je ne veux pas faire la Chine, ditSouen, je veux faire les miens avec ousans elle. Les pauvres. C’est pour euxque j’accepte de mourir, de tuer. Poureux seulement...

C’est Tchen qui répondit.

— Tant que nous essaierons de lancerla bombe, [187] ça ira mal. Trop dechances d’échec. Et il faut en finiraujourd’hui.

— S’y prendre autrement n’est pasplus facile, dit Peï.

— Il y a un moyen.

Les nuages bas et lourds avançaientdans le sens de leur marche, au-dessousdu jour jaunâtre, avec un mouvementincertain et pourtant impérieux dedestinées. Tchen avait fermé les yeuxpour réfléchir, mais marchait toujours;ses camarades attendaient, regardant ceprofil courbe qui avançait comme àl’ordinaire le long des murs.

— Il y a un moyen. Et je crois qu’iln’y en a qu’un il ne faut pas lancer labombe; il faut se jeter sous l’auto avecelle.

La marche continuait à travers lescours défoncées où les enfants nejouaient plus. Tous trois réfléchissaient.

Ils arrivèrent. Le commis lesintroduisit dans l’arrière-boutique. Ilsrestaient debout au milieu des lampes,serviettes sous le bras; ils finirent parles poser, prudemment. Souen et Peïs’accroupirent à la chinoise.

— Pourquoi ris-tu, Tchen?

Il ne riait pas, il souriait, bien loin del’ironie que lui prêtait l’inquiétude de Peï :stupéfait, il découvrait l’euphorie. __ _______ _ Il savait quelle gêne troublait sescamarades, malgré leur courage: lancerles bombes, même de la façon la plusdangereuse, c’était l’aventure; larésolution de mourir, c’était autrechose; le contraire, peut-être. Ilcommença à marcher de long en large.L’arrière-boutique n’était éclairée quepar le jour qui pénétrait à travers le

unos artículos, el último de los cualescomenzaba así: «Hallándose amenazadoel imperialismo, la China piensa solici-tar su benevolencia una vez más y pedir-le que sustituya por un anillo de níquel elanillo de oro que le ha remachado en lanariz...» Preparaba, además, una ideolo-gía del terrorismo. Para él, el comunis-mo era únicamente el verdadero mediode hacer que reviviese China.

—No quiero hacer una China —dijoSuen—; quiero hacer a los míos, con osin ella. Los pobres. Por ellos es porquienes acepto el morir y el matar. Porellos solamente...

Fue Chen el que respondió: [157]

—Mientras tratemos de arrojar labomba, no adelantaremos nada. Dema-siadas probabilidades de fracaso. Y espreciso que acabemos hoy.

—Obrar de otro modo no es más fácil—dijo Pei.

—Hay un medio.

Las nubes bajas y pesadas avanzabanen el mismo sentido que ellos, bajo la luzamarillenta del día, con un movimientoinseguro y, sin embargo, imperioso de des-tinos. Chen había cerrado los ojos parareflexionar, aunque continuaba caminan-do; sus camaradas esperaban, contemplan-do aquel perfil curvo, que avanzaba, comode ordinario, a lo largo de los muros.

—Hay un medio. Y creo que no haymás que uno. No se debe arrojar la bom-ba, sino arrojarse uno debajo del auto conella.

Continuaban la marcha, a través de lasplazoletas, cubiertas de baches, donde los ni-ños no jugaban ya. Los tres reflexionaban.

Llegaron. El dependiente los intro-dujo en la trastienda. Permanecían depie, en medio de las lámparas, con lascarteras debajo del brazo. Acabaron pordejarlas, prudentemente. Suen y Pei seagacharon, a la usanza china.

—¿Por qué te ríes, Chen?

No reía; sonreía, muy lejos de la iro-nía que le atribuía la inquietud de Pei:estupefacto, descubría la euforia. Todo sevolvía sencillo. Su angustia se había di-sipado. Sabía qué molestias turbaban asus camaradas, a pesar de su valor: arro-jar las bombas, aun de la manera máspeligrosa, suponía obrar a la ventura; laresolución de morir era otra cosa; lo con-trario, quizá. Comenzó a pasearse por lahabitación. La trastienda sólo estaba ilu-minada por la luz del día que penetraba a

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magasin. Le ciel étant gris, il régnait làune lumière plombée comme celle quiprécède les orages; dans cette brumesale [188] brillaient sur les panses deslampes-tempête des effets de lumière,points d’interrogation renversés etparallèles. L’ombre de Tchen, tropconfuse pour être une silhouette,avançait au-dessus des yeux inquiets desautres.

— Kyo a raison: ce qui nousmanque le plus c’est le sens duhara-kiri. Mais le Japonais qui se tuerisque de devenir un dieu, ce qui estle commencement de la saloperie.Nong : il faut que le sang retombe surles hommes - et qu’il y reste.

— J’aime mieux tenter de réussir, ditSouen, - de réussir -plusieurs attentatsque de décider que je n’en tenterai qu’unparce qu’après je serai mort!

Pourtant, au-dessous des mots deTchen, v ibrant de leur t imbre_______ plus que de leur sens, _________ _____ ____ _____ ____ ________ - sa voix avai t pr is uneintensi té extrême - un courantattirait Souen. ___________________________________

— Il faut que je me jette sousl’auto, répondit Tchen.

Le cou immobile, ils le suivaientdu regard, tandis qu’il s’éloignaitet revenait; lui ne les regardaitp lu s . I l t r ébucha su r une deslampes posées par terre, se rattrapaau mur: la lampe tomba, se cassaen tintant. Son ombre redressée sedétachait confusément au-dessusde leurs têtes sur les derniers rangsdes lampes; Souen commençait àcomprendre ce que Tchen attendaitde l u i ; pou r t an t , mé f i ance deluimême, ou défense contre cequ’il prévoyait :

— Qu’est-ce que tu veux?

Tchen s’aperçut qu’il ne le savait pas.Il lui semblait lutter, non contre Souen,mais contre sa pensée qui le fuyait.Enfin :

— Que cela ne soit pas perdu.

— Tu veux que nous prenionsl’engagement de t’imiter? C’est bien cela?[189]

— Ce n’est pas une promesse quej’attends. C’est un besoin.

Les reflets s’effaçaient sur les lampes.Le jour baissait dans la pièce sans fenêtre: sans doute les nuages s’amassaient-ils

través del almacén. Como el cielo estabagris, reinaba allí una luz plúmbea, comola que precede a las tormentas; en aque-lla bruma sucia, sobre las panzas de laslámparas, unos efectos de luz brillabancomo signos de interrogación invertidosy paralelos. La sombra de Chen, dema-siado confusa para ser una silueta, avan-zaba por encima de los ojos inquietos delos otros.

—Kyo tiene razón: lo que más nosfalta es el sentido del hara-kiri. Pero eljaponés que se mata corre el riesgo [158]de convertirse en un dios, lo cual es elcomienzo de la porquería. No: es precisoque la sangre recaiga sobre los hombres,y quede en ellos.

—Prefiero tratar de realizar —dijoSuen—, de realizar varios atentados, adecidir no intentar más que uno, puestoque después quedaría muerto.

Sin embargo, por debajo de aquellaspalabras de Chen, vibrantes por su tim-bre de voz, más que por su sentido —cuando Chen expresaba su pasión en chi-no su voz adquiría una intensidad extre-ma—, una corriente atraía a Suen, contoda la atención embargada, sin que su-piese hacia qué.

—Es preciso que me arroje debajo delauto —pronunció Chen.

Con el cuello inmóvil, seguíanle conla mirada, mientras él se alejaba y vol-vía. Chen no les miraba ya. Tropezó conuna de las lámparas que había en el sueloy se agarró a la pared. La lámpara cayó yse rompió, resonando. Pero no era, aqué-lla, oportunidad para reír. Su sombra, er-guida de nuevo, se destacaba confusa-mente por encima de su cabeza, sobre lasúltimas hileras de las lámparas. Suen co-menzaba a comprender lo que Chen es-peraba de él. Sin embargo, por descon-fianza en sí mismo o por defenderse con-tra lo que preveía, dijo:

—¿Qué es lo que quieres?

Chen se dio cuenta de que no lo sabía.Le parecía luchar, no contra Suen, sinocontra su pensamiento, que se le escapa-ba. Por fin:

—Que esto no se pierda.

—¿Quieres que Pei y yo noscomprometámos a imitarte? ¿Es eso?

—No es una promesa lo que espero.Es una necesidad.

Los reflejos se desvanecían sobre las lámparas,__________ en la habitación sin ventana;sin duda, las nubes se amontonaban

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dehors. Tchen se souvint de Gisors:« Près de la mort, une telle passion

aspire à se transmettre... » Soudain, ilcomprit. Souen aussi comprenait

— Tu veux faire du terrorisme uneespèce de religion?

L e s m o t s é t a i e n t c r e u x ,a b s u r d e s , t r o p f a i b l e s p o u rexprimer ce que Tchen voulai td’eux.

— Pas une religion. Le sens de la vie.La...

I l faisait de la main le gesteconvulsif de pétrir, et sa penséesembla i t ha l e t e r comme unerespiration.

« ... La possession complète desoi-même.

Et, pétrissant toujours.

« Serré, serré, comme cette mainserre l’autre - (il la serrait de toute saforce), ce n’est pas assez, comme...

Il ramassa l’un des morceaux deverre de la lampe cassée. Un large éclattriangulaire, plein de reflets. D’un coup,il l’enfonça dans sa cuisse. Sa voixsaccadée était pénétrée d’une certitudesauvage, mais il semblait bien plusposséder son exaltation qu’être possédépar elle. Pas fou du tout. À peine si lesdeux autres le voyaient encore, etpourtant, il emplissait la pièce. Souencommença à avoir peur

— Je suis moins intelligent que toi,Tchen, mais pour moi... pour moi, non.J’ai vu mon père pendu par les mains,battu à coups de rotin sur le ventre,pour qu’il avouât où son maître avaitcaché l’argent qu’il ne possédait pas.C’est pour les nôtres que je combats,pas pour moi.

— Pour les nôtres, tu ne peux pasfaire mieux que [190] décider de mourir.L’efficacité d’aucun homme ne peut êtrecomparée à celle de l’homme qui achoisi cela. Si nous l’avions décidé,nous n’aurions pas manquéChang-Kaï-Shek tout à l’heure.

— Toi, tu as peut-être besoin de ça.

fuera. Chen se acordó de Gisors: «Cer-ca de la muerte, una pasión semejante as-pira a transmitirse...» De pronto, compren-dió. Suen también comprendía.

—¿Quieres hacer del terrorismo unaespecie de religión?

La exaltación de Chen se hacía cada vez mayor.Todas [159] las palabras estabanvacías, eran absurdas y demasiadodébiles para expresar lo que queríade ellos.

—Una religión, no. El sentido de lavida. La...

Hacía con la mano un movimientoconvulso, como si amasase, y su pen-samiento parecía jadear, como unarespiración.

«...La posesión completa de sí mismo.Total. Absoluta. La única. Saber. No bus-car, buscar durante todo el tiempo, lasideas y los deberes. Dentro de una hora,no sentiré ya nada de cuanto pesaba so-bre mí. ¿Lo oís? Nada.»

Tal exaltación le invadía, que ya notrataba de convencerlos sino hablándo-les de él.

—Me poseo a mí mismo. Pero nocomo una amenaza o una angustia, comosiempre. Poseído; oprimido, como estamano oprime a la otra (se la oprimía contoda su fuerza); no es bastante. Como...

Recogió uno de los trozos de vidriode la lámpara rota. Un amplio fulgortriangular, lleno de reflejos. De un golpese lo hundió en el muslo. Su vozentrecortada estaba penetrada de unacertidumbre salvaje; pero parecía másbien poseer su exaltación que ser poseí-do por ella. No era un loco. Apenas si losotros dos le veían ya, y, sin embargo, lle-naba toda la habitación. Suen comenzó asentir miedo.

—Yo soy menos inteligente que tú,Chen; pero, por mí... por mí, no. Hevisto a mi padre colgado de las manos,molido a garrotazos en el vientre, paraque confesase dónde había ocultado sumaestro el dinero que no poseía. Es porlos nuestros por quienes combato; noes por mí.

—Por los nuestros no puedes ha-cer otra cosa mejor que decidirte amorir. La eficacia de ningún hombrepuede ser comparada a la del hombreque ha elegido eso. Si lo hubiéramosdecidido, no habríamos perdido ahora aChiang Kaishek. Tú lo sabes.

—Quizá tú tengas necesidad de eso.

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Je ne sais pas... » Il se débattait. « Sij’étais d’accord, comprends-tu, il mesemblerait que je ne me fais pas tuerpour tous, mais...

— Mais?

Presque complètement assombri, lemauvais jour de l’après-midi restait làsans disparaître tout à fait, éternel.

— Pour toi.

Une forte odeur de pétrole rappela àTchen les touques d’essence del’incendie du poste, le premier jour del’insurrection. Mais tout plongeait dansle passé, même Souen, puisqu’il nevoulait pas le suivre. Pourtant, la seulevolonté que sa pensée présente netransformât pas en néant, c’était de créerces Juges condamnés, cette race devengeurs. Cette naissance se faisait enlui, comme toutes les naissances, en ledéchirant et en l’exaltant - sans qu’il enfût le maître. Il ne pouvait plus supporteraucune présence _______.

— Toi qui écris, dit-il à Peï, tuexpliqueras.

Peï essuyait ses lunettes. Tchen rele-va son pantalon, banda sa cuisse avecun mouchoir sans laver la blessure -pour quoi faire? elle n’aurait pas letemps de s’infecter - avant de sortir. «On fait toujours la même chose », sedit-il, troublé, pensant au couteau qu’ils’était enfoncé dans le bras.

— Je partirai seul, dit-il. Et je suffiraiseul, ce soir.

— J’organiserai quand mêmequelque chose, répondit Souen.

— Ce sera trop tard. [191]

Devant la boutique ____________________________ Peï suivit Tchen.__-- ------------- ------------------------------__ _______ ______ Celui-ci s’aperçutque l’adoles c e n t , l u n e t t e s à l am a i n - t e l l e m e n t p l u s h u m a i n ,c e v i s a g e d e g o s s e , s a n sv e r r e s s u r l e s y e u x - p l e u r a i te n silence.

— Où vas-tu?

— Je viens.

Tchen s’arrêta. Il l’avait toujours crude l’avis de Souen; il lui montra du doigtcelui-ci resté devant la porte.

— J’irai avec toi, reprit Peï.

Il s’efforçait de parler le moins

Yo, no sé... —Se debatía.— Si estu-viese de acuerdo, ¿comprendes?, meparecería que no me dejaba matar portodos, sino...

—¿Sino.. .?

Casi por completo, ensombrecida, laescasa luz de la [160] tarde continuaba allí,sin desaparecer por completo, eterna.

—Por ti.

Un fuerte olor a petróleo recordó aChen las latas de nafta del incendio delpuesto el primer día de la insurrección.Pero todo se sumergía en el pasado; has-ta Suen, puesto que no quería seguirle.Sin embargo, la única voluntad que supensamiento presente no transformaba ennada era la de crear aquellos Jueces con-denados, aquella raza de vengadores.Aquel nacimiento se realizaba en él comotodos los nacimientos, desgarrándole yexaltándole —sin que fuese dueño de sí—. Ya no podía soportar ninguna presen-cia. Se levantó.

—Tú que escribes —dijo a Pei— loexplicarás.

Cogieron de nuevo las carteras. Peilimpiaba sus gafas. Chen se levantó elpantalón y se vendó el muslo con un pa-ñuelo, sin lavarse la herida —¿para qué?No tendría tiempo de infectarse— antesde salir. «Siempre se hace lo mismo» —se dijo, turbado, pensando en el cuchilloque se había hundido en el brazo.

—Iré solo —pronunció—. Y sufrirésolo, esta noche.

—Organizaré, sin embargo, algo —respondió Suen.

—Será demasiado tarde.

Delante de la tienda, Chen dio un pasohacia la izquierda. Pei le seguía. Suenpermaneció inmóvil. Un segundo paso.Pei le siguió también. Chen se dio cuen-ta de que el adolescente, con las gafasen la mano —resultaba mucho máshumano aquel semblante de mucha-cho, sin cristales sobre los ojos—, llo-raba en silencio.

—¿Adónde vas?

—Vengo.

Chen se detuvo. Lo había creído de laopinión de Suen. Señaló a éste con el dedo._____________________

—Iré contigo —insistió Pei.

Se esforzaba por hablar lo menos

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possible, la voix faussée, la pommed’Adam secouée de sanglots silencieux.

— Non. Aujourd’hui, témoigne.

Il crispa ses doigts dans les bras de Peï.

— Témoigne, répéta-t-il.

I l s ’écar ta . Pe ï res ta sur l etrottoir, la bouche ouverte, essuyanttoujours ses verres de lunettes,comique. Jamais il n’eût cru qu’onpût être si seul.

3 heures.

Clappique avait pensé trouverKyo chez lui. Mais non: dans lagrande pièce au tapis jonché de cro-quis que ramassait un disciple enkimono, Gisors causait avec sonbeau-frère, le peintre Kama.

— Bonjour, mon bon! Dans mes bras!

Il s’assit tranquillement.

— Dommage que votre fils ne soitpas là.

— Voulez-vous l’attendre?

— Essayons. J’ai diablementbesoin de le voir. Qu’est-ce que cenouveau ppetit caquetusse, sous la[192] table à opium? La collectiondevient digne de respect. Ravissant,cher ami, rra-vis-sant ! Il faut que j’enachète un. Où l’avez-vous trouvé?

— C’est un présent. Il m’a été envoyépeu avant une heure.

Clappique lisait les caractèreschinois tracés sur le tuteur plat de laplante; un gros: Fidélité; trois petits, unesignature: Tchen-Ta-Eul.

— Tchen-Ta-Eul... Tchen... Connaispas. Dommage. C’est un garçon qui seconnaît en cactus.

Il se souvint que, le lendemain, ildevait être parti. Il fallait trouver l’argentdu départ, et non acheter des cactus.Impossible de vendre rapidement desobjets d’art dans la ville occupéemilitairement. Ses amis étaient pauvres.Et Ferral ne se laissait taper sous aucunprétexte. Il l’avait chargé d’acheter pourlui des lavis de Kama, lorsque le peintrejaponais arriverait. Quelques dizaines dedollars de commission...

— Kyo devrait être là, dit Gisors. Ilavait beaucoup de rendez-vousaujourd’hui, n’est-ce pas...

posible, con la voz alterada y la nuezsacudida por los sollozos silenciosos.

—Como testigo, desde luego.

Crispó un dedo en el brazo de Pei.

—Como testigo —repitió.

Se apartó. Pei se quedó en la acera,con la boca abierta, [161] limpiando loscristales de las gafas, en una actitud có-mica. Jamás hubiera creído que se pudieraestar tan solo.

Las tres

Clappique había creído que encontra-ría a Kyo en su casa. Pero no: en la granhabitación alfombrada de croquis, querecogía un discípulo vestido con un qui-mono, Gisors hablaba con su cuñado, elpintor Kama.

—¡Buenos días, amigo! ¡Un abrazo!

Se sentó tranquilamente.

—¡Qué lástima que su hijo no estéaquí!

—¿Quiere usted esperarle?

—Esperaré. Tengo una endiabladanecesidad de verlo. ¿Qué clase de cactodiminuto es ese que hay debajo de lamesa de opio? La colección se hace dignade respeto. ¡Encantador, querido amigo,en-can-ta-dor! Es preciso que yo compreuno. ¿Dónde lo ha encontrado usted?

—Es un regalo. Me lo han enviadopoco antes de la una.

Clappique leía los caracteres chinosescritos sobre el rodrigón plano de laplanta. Uno grande: Fidelidad; tres muypequeños una firma: Chen-Ta-Eul.

—Chen-Ta-Eul... Chen... No lo conoz-co. ¡Qué lástima! Es un muchacho quesabe de cactos.

Recordó que al día siguiente deberíahaberse ido. Tenía que buscar dinero parael viaje, y no para comprar cactos. Impo-sible vender con rapidez objetos de arteen la ciudad, ocupada militarmente. Susamigos eran pobres. Y Ferral no se deja-ba sablear bajo ningún pretexto. Le ha-bía encargado que le comprase unasaguadas de Kama, cuando el pintorjaponés llegase. Algunas decenasde dólares, de comisión...

—Kyo debería estar ahí —dijoGisors—. Tenía muchas citas hoy,¿no es verdad?

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JONCHER v. tr. 1. Parsemer* le sol de (un lieu)de branchages, de feuillages, de fleurs...2. (Le sujet désigne les choses éparses). -Couvrir. Feuilles qui jonchent la terre. Fleursqui jonchent les marches d'un autel. es-parcir, diseminar, desperdigar

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100 (p. 193). Quelques sols : quelques sous(sol est un archaïsme, l’ancienne graphiede sou).

— Il ferait peut-être mieux de lesmanquer, grogna Clappique.

Il n’osa rien ajouter. Il ignorait ceque Gisors connaissait de l’activitéde Kyo. Mais l’absence de toutequestion l’humilia

— Vous savez que c’est t rèssérieux.

— Tout ce qui touche Kyo est sérieuxpour moi.

— Vous n’avez pas l’idée sur lesmoyens de gagner ou de trouverimmédiatement quatre ou cinq centsdollars ?

Gisors sourit tristement. Clappiquele savait pauvre; et ses oeuvres d’art,même s’il eût accepté de les vendre...

« Gagnons donc nos quelquessols(100) », pensa le [193] baron. Ils’approcha, regarda les lavis épars surle divan. Bien qu’assez fin pour ne pasjuger de l’art japonais traditionnel enfonction de ses rapports avec Cézanneou Picasso, il le détestait aujourd’hui :le goût de la sérénité est faible chez leshommes traqués. Feux perdus dans lamontagne, rues de villages quedissolvait la pluie, vols d’échassiers surla neige, tout ce monde où la mélancoliepréparait au bonheur. Clappiqueimaginait, hélas! sans peine, les paradisà la porte desquels il devait rester, maiss’irritait de leur existence.

— La plus belle femme du monde,dit-il, nue, excitée, mais avec uneceinture de chasteté. Pour Ferral, paspour moi. Rentrez sous terre!

Il en choisit quatre, dicta l’adresseau disciple.

— Parce que vous pensez à notre art,dit Gisors; celui-ci ne sert pas à la mêmechose.

— Pourquoi peignez-vous,Kama-San?

En kimono comme son disciple,

un effet de lumière sur son crâne chauve,le vieux maître regardait Clappiqueavec curiosité.

Le disciple laissa le croquis, traduisit,répondit :

— Le maître dit: d’abord, pour mafemme, parce que je l’aime...

— Je ne dis pas pour qui, mais pour quoi?

—Acaso hiciera mejor faltando a ellas—gruñó Clappique.

No se atrevió a añadir nada más. Ig-noraba lo que Gisors conocía acerca dela actividad de Kyo. Pero la ausencia detoda pregunta le humilló. [162]

—Ya ve usted que se trata de una cosamuy seria.

—Todo lo que se refiere a Kyo es se-rio para mí.

—¿No tendrá usted una idea de losmedios de ganar o de encontrar inme-diatamente cuatrocientos o quinientosdólares?

Gisors sonrió tristemente. Clappiquesabía que era pobre; y sus obras de arte,aunque hubiese aceptado el venderlas...

«Ganemos, pues, nuestras moneditas»—pensó el barón. Se acercó, contemplólas aguadas esparcidas en el diván. Aun-que lo bastante fino para no juzgar el artejaponés tradicional en función de sus re-laciones con Cézanne o Piccaso, lo de-testaba hoy: el gusto de la serenidad esdébil en los hombres perseguidos. Fue-gos perdidos en la montaña; calles de al-dea que disolvía la lluvia; vuelos de aveszancudas sobre la nieve; todo ese mundoen que la melancolía preparaba para lafelicidad... Clappique imaginaba —¡ay!— sin trabajo los paraísos a cuyaspuertas debía quedar; pero le irritaba suexistencia.

—La mujer más hermosa del mundo—dijo—, desnuda, excitada, pero con uncinturón de castidad. Para Ferral; no paramí. ¡Volver bajo tierra!

Eligió cuatro, dictó la dirección al dis-cípulo.

—Porque piensa usted en nuestro arte—dijo Gisors—; éste no sirve para lomismo.

— ¿ P o r q u é p i n t a u s t e d ,Kama-San?

Con quimono también él —Gisorsestaba vestido siempre con su bata, sola-mente Clappique llevaba pantalón—, conun efecto de luz sobre su cráneo calvo, elviejo maestro contemplaba a Clappiquecon curiosidad.

El discípulo soltó el dibujo, tradujo,respondió:

—El maestro dice: en primer térmi-no, por mi mujer, porque la quiero...

—No digo para quién, sino por qué.

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— Le maître dit qu’il est difficile devous expliquer. Il dit: « Ouand je suisallé en Europe, j’ai vu les musées. Plusvos peintres font des pommes, et mêmedes lignes qui ne représentent pas deschoses, plus ils parlent d’eux. Pour moi,c’est le monde qui compte. »

Kama dit une phrase de plus; à pei-ne une expression de douceurpassa-t-elle sur son visage d’indulgentevieille dame.

— Le maître dit: « La peinture, cheznous, ce serait, chez vous, la charité. »[194]

Un second disciple, cuisinier, apportades bols de saké, puis se retira. Kamaparla de nouveau.

— Le maître dit que s’il ne peignaitplus, il lui semblerait qu’il est devenuaveugle. Et plus qu’aveugle: seul.

— Minute! dit le baron, un oeilouvert, l’autre fermé, l’index pointé. Siun médecin vous disait. « Vous êtesatteint d’une maladie incurable, et vousmourrez dans trois .mois »,peindriez-vous encore?

— Le maître dit que s’il savait qu’ilva mourir, il pense qu’il peindraitmieux, mais pas autrement.

— Pourquoi mieux? demandaGisors.

Il ne cessait de penser à Kyo. Cequ’avait dit Clappique en entrantsuffisait à l’inquiéter: aujourd’hui, lasérénité était presque une insulte.

Kama répondit. Gisors traduisitlui-même

— Il dit: « Il y a deux sourires - celuide ma femme et celui de ma fille - dontje penserais alors que je ne les verraisplus jamais, et j’aimerais davantage latristesse. Le monde est comme lescaractères de notre écriture. Ce que lesigne est à la fleur, la fleur elle-même,celle-ci (il montra l’un des lavis) l’est àquelque chose. Tout est signe. Aller dusigne à la chose signifiée, c’estapprofondir le monde, c’est aller versDieu. Il pense que l’approche de lamort... Attendez... »

Il interrogea de nouveau Kama, repritsa traduction

« Oui, c’est ça. Il pense quel’approche de la mort lui permettraitpeut-être de mettre en toutes chosesassez de ferveur, de tristesse, pour que

—El maestro dice que eso es difícilde explicarlo. Dice: Cuando he estadoen Europa, he visto los museos. Cuan-tas más manzanas y hasta líneas que norepresentan nada hacen sus pintores,más hablan de sí mismos. Para mí, esla gente lo que interesa.

Kama dijo una frase más; apenasuna expresión de [163] dulzura pasópor su semblante de indulgente seño-ra anciana.

— E l m a e s t r o d i c e : N u e s t r ap in tura se r ía para us tedes la ca -r idad .

Un segundo discípulo, cocinero, trajounos tazones de saké, luego se retiró.Kama habló de nuevo.

—El maestro dice que si no pintaraya, le parecería que se había quedado cie-go. Y más que ciego: solo.

—¡Un minuto! —dijo el barón, conun ojo abierto, el otro cerrado, el índiceextendido—. Si un médico le dijese:«Está usted atacado de una enfermedadincurable y morirá dentro de tres meses»,¿seguiría usted pintando?

—El maestro dice que si supieraque iba a morir, cree que pintaría me-jor, pero no de otro modo.

—¿Por qué mejor? —preguntóGisors.

No cesaba de pensar en Kyo. Loque había dicho Clappique al entrarbastaba para inquietarse: hoy, la se-renidad era casi un insulto.

Kama respondió. Gisors mismo lo tra-dujo.

—Dice: «Hay dos sonrisas —lade mi mujer y la de mi hija— queyo creería entonces que no volve-ría a ver, y me agradaría más la tris-teza. El mundo es como los carac-teres de nuestra escritura. Lo queel signo es a la flor, la flor misma,ésta (mostró una de las aguadas) loes a alguna cosa. Todo es signo. Irdel signo a la cosa significada esprofundizar el mundo, es ir haciaDios. Cree que la proximidad de lamuerte... Espere...

Interrogó de nuevo a Kama, continuósu traducción:

—Sí; eso es. Cree que la proximi-dad de la muerte le permitiría, qui-zá, poner en todas las cosas bastantefervor, tristeza, para que todas las

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toutes les formes qu’il peindraitdevinssent des signes compréhensibles,pour que ce qu’elles signifient - cequ’elles cachent aussi - se révélât. »

Clappique éprouvait la sensation desouffrir en [195] face d’un être qui niela douleur. Il écoutait avec attention, nequittant pas du regard le visage d’ascèteindulgent de Kama, tandis que Gisorstraduisait; coudes au corps, mainsjointes. Clappique, dès que son visageexprimait l’intelligence, prenait l’aspectd’un singe triste et frileux.

— Peut-être ne posez-vous pas trèsbien la question, dit Gisors.

Il dit en japonais une phrase trèscourte. Kama avait jusque-là répondupresque tout de suite. Il réfléchit.

— Quelle question venez-vous de luiposer? demanda Clappique à mi-voix.

— Ce qu’il ferait si le médecincondamnait sa femme.

— Le maître dit qu’il ne croirait pasle médecin.

Le disciple-cuisinier revint etemporta les bols sur un plateau. Soncostume européen, son sourire, sesgestes que la joie rendait extravagants,jusqu’à sa déférence, tout en lui semblaitétrange, même à Gisors. Kama dit, àmi-voix, une phrase que l’autre disciplene traduisit pas.

— Au Japon, ces jeunes gens neboivent jamais de vin, dit Gisors. Il estblessé que ce disciple soit ivre.

Son regard se perdît: la porteextérieure s’ouvrait. Un bruit de pas.Mais ce n’était pas Kyo. Le regardredevint précis, se posa avec fermeté surcelui de Kama

— Et si elle était morte?

Eût-il poursuivi ce dialogue avec unEuropéen? Mais le vieux peintreappartenait à un autre univers. Avant derépondre, il eut un long sourire triste,non des lèvres, mais des paupières

— On peut communier même avecla mort... C’est le plus difficile, maispeut-être est-ce le sens de la vie... [196]

Il prenait congé, regagnait sachambre, suivi du disciple. Clappiques’assit.

— Pas un mot!... Remarquable, monbon, rremarquable ! Il est parti commeun fantôme bien élevé. Savez-vous que

formas que pintara se convirtieran ensignos comprensibles; para que loque ellos significan (lo que ocultantambién) se revelara.

Clappique experimentaba la sensaciónatroz de sufrir frente a un ser que niega eldolor. Escuchaba con atención, sin apartarla mirada del semblante de asceta indul-gente de Kama, mientras Gisors traducía.Con los codos pegados al cuerpo, las ma-nos juntas, Clappique, cuando su rostroexpresaba inteligencia, tomaba el aspectode un mono triste y friolento. [164]

—Quizá no plantee usted bien lacuestión —dijo Gisors.

Pronunció en japonés una frase breve,muy breve. Kama, hasta entonces, habíarespondido casi en seguida. Reflexionó.

—¿Qué pregunta acaba usted de hacer-le? —interrogó Clappique, a media voz.

—Lo que haría si el médico des-ahuciase a su mujer.

—El maestro dice que no creería almédico.

El discípulo cocinero volvió y sellevó los tazones en una bandeja. Sutraje europeo, su sonrisa, sus gestosque el júbilo hacía extravagantes, has-ta su deferencia, todo en él parecíaextraño, aun para Gisors. Kama dijo,a media voz, una frase que el otro dis-cípulo no tradujo.

—En el Japón, estos jóvenes no bebennunca vino —dijo Gisors—. Se siente ofen-dido de que su discípulo esté borracho.

Su mirada se perdió: la puerta ex-terior se abría. Ruido de pasos. Perono era Kyo. La mirada volvió a ha-cerse precisa y se fijó con firmeza enla de Kama.

—¿Y si ella hubiese muerto?

¿Habría proseguido aquel diálogo conun europeo? Pero el viejo pintor pertene-cía a otro universo. Antes de responder,esbozó una prolongada sonrisa triste, nocon los labios, sino con los párpados.

—Se puede comulgar hasta con lamuerte... Es lo más difícil, pero qui-zá sea ése el sentido de la vida...

Se despedía, volvía a su habitación,seguido del discípulo. Clappique sesentó.

—¡Ni una palabra!... ¡Notable, amigomío, notable! Se ha ido como un fantas-ma bien educado; sepa usted que los fan-

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101 (p. 197). Shamisen : instrument demusique japonais traditionnel, à trois cordes.

les jeunes fantômes sont fort malélevés et que les vieux ont le plusgrand mal à leur enseigner à fairepeur aux gens, car lesdits jeunesignorent toutes langues, et ne saventdire que: Zip-zip... Ce dont...

Il s’arrêta: le heurtoir, de nouveau.Dans le silence, commencèrent à tinterdes notes de guitare; elles s’organisèrentbientôt en une chute lente qui s’épanouiten descendant, jusqu’aux plus graveslonguement maintenues et perdues enfindans une sérénité solennelle.

— Qu’est-ce à, mais qu’est-ce à dire?

— Il joue du shamisen (101).Toujours, lorsque quelque chose l’atroublé: hors du Japon, c’est sadéfense... Il m’a dit, en revenantd’Europe: « Je sais maintenant que jepeux retrouver n’importe où monsilence intérieur... »

— Chiqué?

Clappique avait posé distraitementsa question: il écoutait. À cette heureoù sa vie était peut-être en danger(bien que rarement il s’intéressât assezà luimême pour se sentir réellementmenacé) ces notes si pures et quifaisaient refluer en lui, avec l’amourde la musique dont avait vécu sajeunesse, cette jeunesse même et toutle bonheur détruit avec elle, letroublaient aussi.

Le bruit d’un pas, une fois de plus:déjà Kyo entrait.

Il emmena Clappique dans sachambre. Divan, chaise, bureau, mursblancs, une austérité préméditée. Il yfaisait chaud; Kyo jeta son veston surle divan, resta en pull-over. [197]

— Voici, dit Clappique. On vient deme donner un p’petit tuyau dont vousauriez tort de ne pas tenir le plus grandcompte: si nous n’avons pas filé d’icidemain soir, nous sommes morts.

— De quelle origine, ce tuyau?Police?

— Bravo. Inutile de vous dire que jene puis vous en raconter plus long. Maisc’est sérieux. L’histoire du bateau estconnue. Tenez-vous tranquille, et filezavant quarante-huit heures.

Kyo allait dire: elle n’est plus un délitpuisque nous avons triomphé. Il se tut.Il s’attendait trop à la répression dumouvement ouvrier pour être surpris. Ils’agissait de la rupture, ce queClappique ne pouvait deviner; et si

tasmas jóvenes están muy mal educados,y que a los viejos les cuesta mucho ense-ñarles a que atemoricen a la gente, por-que los citados jóvenes ignoran todos losidiomas, y no saben decir más que: Zip-zip... Ese...

Se detuvo: otra vez la puerta. En elsilencio, comenzaron a sonar las notas deuna guitarra; bien pronto se organizaronen una caída lenta, que se espació al des-cender hasta las más graves,prolongadamente mantenidas, y perdidas,al fin, en una serenidad solemne. [165]

—¿Qué es eso? ¿Qué quiere decir eso?

—Toca el shamisen. Siempre lohace , cuando a lguna cosa le haturbado. Fuera del Japón, ésa essu defensa.. . Me dijo, al volver deEuropa: «Ahora sé que puedo en-contrar en cualquier parte mi si-lencio interior. . .»

—¿Aspavientos?

Clappique había formulado distraída-mente su pregunta: escuchaba. A aquellahora, en que su vida quizá se hallase enpeligro (aunque rara vez se interesaba lobastante por sí mismo para sentirse real-mente amenazado), aquellas notas tanpuras y que hacían refluir en él, con elamor a la música, del que había vividoen su juventud, esta juventud misma ytoda la felicidad destruida con ella, le tur-baban también.

Ruido de pasos, una vez más: yaentraba Kyo.

Condujo a Clappique a su habita-ción. Diván, silla, pupitre, paredes blan-cas: una austeridad premeditada. Hacíacalor. Kyo arrojó la americana sobre eldiván y se quedó en pullover.

—He aquí —dijo Clappique— queacaban de darme un datito, y haría ustedmuy mal si no fijase en ello toda su aten-ción: si no hemos salido de aquí antes demañana por la noche, estamos muertos.

—¿De qué origen viene esa confidencia?¿De la policía?

—Bravo. Inútil decirle que nopuedo informarle más. Pero en serio.La historia del barco está descubier-ta. Esté usted tranquilo y escápeseantes de cuarenta y ocho horas.

Kyo iba a decir: Eso no constituye yaun delito, puesto que hemos triunfado.Calló. Esperaba demasiado de la repre-sión del movimiento obrero para ser sor-prendido. Se trataba de la ruptura, lo queClappique no podía adivinar; y, si éste era

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celui-ci était poursuivi, c’était que leShan-Tung ayant été pris par lescommunistes, on le croyait lié à eux.

— Que pensez-vous faire? repritClappique.

— Réfléchir, d’abord.

— Pénétrante idée! Et vous avez dessols pour filer?

Kyo haussa les épaules en souriant.

— Je n’ai pas l’intention de filer.

— Votre renseignement n’en est pasmoins de la plus grande importance pourmoi, reprit-il après un instant.

— Pas l’intention de filer! Vouspréférez vous faire zigouiller?

— Peut-être. Mais vous voulez par-tir, vous?

— Pourquoi resterais-je?

— Combien vous faut-il?

— Trois cents, quatre cents...

— Peut-être pourrai-je vous endonner une partie. J’aimerais vous aider.Ne croyez pas que j’imagine payer ainsile service que vous me rendez...

Clappique sourit tristement. Il ne seméprenait pas à la délicatesse de Kyo,mais il y était sensible. [198]

— O ù s e r e z - v o u s c e s o i r ?reprit Kyo.

— Où vous voudrez.

— Non.

— Disons donc au Black Cat. Il fautque je cherche mes p’petits argents dediverses manières.

— Ça va: la boîte est sur le territoiredes concessions; donc, pas de policechinoise. Et le kidnappage * y est moinsà craindre même qu’ici: trop de gens...J’y passerai entre onze et onze et demie.Mais pas plus tard. J’ai ensuite unrendez-vous...

Clappique détourna son regard.

« ... que je suis résolu à ne pasmanquer. Vous êtes sûr que le Cat nesera pas fermé?

— Folie! Ce sera plein d’officiers deChang-Kaï-Shek; leurs uniformesglorieux se noueront dans les danses

perseguido, lo era porque, habiendo sidoasaltado el Shang-Tung por los comunis-tas, se le creía adicto a ellos.

—¿Qué piensa usted hacer? —pregun-tó Clappigue.

—Reflexionar, lo primero.

—¡Penetrante idea! ¿Y tiene ustedmoneda para largarse?

Kyo se encogió de hombros, sonriendo. [166]

—No tengo la intención de largarme.

«Su noticia no tiene una máximaimportancia para mí» continuó, des-pués de un instante.

—¡No tiene la intención de largarse!¿Prefiere dejarse cortar el gañote?

—Tal vez. ¿Pero usted quiere mar-charse?

—¿Para qué iba a quedarme?

—¿Cuánto necesita?

—Trescientos, cuatrocientos...

—Quizá pueda proporcionarleuna parte. Me agradaría ayudarle.No crea que me figuro pagarle asíel favor que usted me hizo...

Clappique, sonrió, tristemente. Nose daba cuenta bien de la delicadeza deKyo, pero era sensible a ella.

—¿Dónde estará usted esta noche? —preguntó Kyo.

—Donde usted quiera.

—No.

—Entonces, en el Black-Cat. Es pre-ciso que busque mis dineritos de diver-sas maneras.

—Bueno: la caja está en el territoriode las concesiones; así, pues, no hay po-licía china. Y el kidnappage (1) es aúnmenos de temer allí que aquí: demasiadagente... Pasaré por allí de once a once ymedia; pero no más tarde. Tengo despuésuna cita...

Clappique desvió la mirada.

—...a la que estoy decidido a no fal-tar. ¿Está usted seguro de que Cat no es-tará cerrado?

—¡Locura! Estará lleno de oficiales deChiang Kaishek; sus uniformes gloriososse anudarán en las danzas a los cuerpos

1. Término shanghayés: del inglés, Kidnapped,secuestrado.

* Terme shanghaïen : de l’anglais kidnapped,enlevé.

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aux corps des filles perdues. Engracieuses guirlandes, vous dis-je! Jevous attendrai donc en contemplantavec attention ce spectacle nécessaire,jusque vers onze heures et demie.

— Croyez-vous que vous puissiezêtre renseigné davantage, ce soir?

— J’essaierai.

— Vous me rendriez peut-être grandservice. Plus grand service que vous nepouvez le penser. Suis-je désignénommément?

— Oui.

— Et mon père?

— Non. Je l’aurais prévenu. Il n’étaitpour rien dans l’affaire du Shan-Tung.

Kyo savait que ce n’était pas auShan-Tung qu’ i l f a l l a i t pense r,mais à la répression. May? Sonr ô l e é t a i t t r o p p e u i m p o r t a n tpour qu’il y eût lieu d’interrogerC l a p p i q u e . Q u a n t à s e scompagnons, s’ i l é ta i t menacé,tous l’étaient. [199]

— Merci.

Ils revinrent ensemble. Dans la pièceaux phénix, May disait à Gisors

— C’est très difficile: si l’Union desfemmes accorde le divorce auxfemmes maltraitées, les maris quittentl’Union révolutionnaire; et si nous ne leleur accordons pas, elles perdent touteconfiance en nous. Elles n’ont pas tort...

— Pour organiser, dit Kyo, jecrains qu’il ne soit trop tôt ou troptard.

Clappique partait, sans écouter.

— Soyez, comme à l’ordinaire,munificent, dit-il à Gisors: donnez-moivotre caquetusse.

— J’ai de l’affection pour le garçonqui me l’a envoyé... N’importe quelautre, volontiers...

C’était un petit cactus hirsute.

— Tant pis.

— À bientôt.

— À bien... Non. Peut-être. Au revoir,mon bon. Le seul homme de Shanghaïqui n’existe pas - pas un mot: qui n’existeabsolument pas! - vous salue.

de las mujeres perdidas. ¡En gracio-sas guirnaldas, le digo! Le espera-ré, pues, contemplando con atenciónese espectáculo necesario hasta lasonce y media.

—¿Cree usted que podrá estar mejorinformado esta noche?

—Lo intentaré.

— Q u i z á m e h a g a u s t e d u ngran favor. Mayor de lo que us -ted pueda suponer. ¿Se me seña-la expresamente?

—Sí. [167]

—¿Y a mi padre?

—No. Le habría prevenido. No figurabapara nada en el asunto del Shang-Tung.

K y o s a b í a q u e n o e r a e n e lShang-Tung en lo que había quepensar, sino en la represión. ¿Y May? Supapel era demasiado poco importante paraque diese lugar a que interrogase acercade ella a Clappique. En cuanto a suscompañeros, si él estaba amenazado, to-dos lo estaban.

—Gracias.

Volvieron juntos. En la habitación delos fénix, May decía a Gisors:

—Es muy difícil: Si la Unión de Mu-jeres concede el divorcio a las mujeresmaltratadas, los maridos abandonan laUnión revolucionaria; y, si no se lo con-cedemos, ellas pierden toda confianza ennosotros. No les falta razón...

—Temo que, para organizar —dijoKyo—, sea demasiado pronto o demasia-do tarde.

Clappique salía, sin escuchar.

—Sea usted, como de ordinario,munificente —dijo a Gisors—: deme sunuevo cacto.

—Tengo afecto al muchacho que melo ha enviado... Si se tratase de cualquierotro, con mucho gusto...

Era un minúsculo cacto hirsuto.

—Tanto peor.

—Hasta pronto.

—Hasta... No. Quizá. Adiós, amigo.El único hombre de Shanghai que no exis-te (ni una palabra: ¡que no existe en ab-soluto!) le saluda.

munificent splendidly generous, bountiful.munificente generosidad espléndida.

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Il sortit.

May et Gisors regardaient Kyo avecangoisse; il expliqua aussitôt

— Il a appris de la police que je suisvisé; il me conseille de ne pas bougerd’ici, sauf pour filer avant deux jours.D’autre part, la répression estimminente. Et les dernières troupes dela 1‘e division ont quitté la ville.

C’était la seule division sur laquellepussent compter les communistes.Chang-Kaï-Shek le savait: il avaitordonné à son général de rejoindre lefront avec ses troupes. Celui-ci avaitproposé au Comité central communisted’arrêter Chang-Kaï-Shek. On lui avaitconseillé de temporiser, de se faire [200]passer pour malade; il s’était vite trouvéen face d’un ultimatum. Et, n’osant pascombattre sans l’accord du Parti, il avaitquitté la ville, tentant seulement d’ylaisser quelques troupes. Elles venaientde partir à leur tour.

— Elles ne sont pas loin encore,reprit Kyo; et même la division peutrevenir si nous tenons la ville assezlongtemps.

La porte se rouvrit, un nez passa, unevoix caverneuse dit: « Le baron deClappique n’existe pas. »

La porte se referma.

— Rien de Han-Kéou? demandaKyo.

— Rien.

Depuis son retour, il organisaitclandestinement des groupes de combatcontre Chang-Kaï-Shek, comme il enavait organisé contre les Nordistes. LeKomintern avait repoussé tous les motsd’ordre d’opposition, mais accepté lemaintien des groupes communistes dechoc; des nouveaux groupes demilitants, Kyo et ses camaradesvoulaient faire les organisateurs desmasses qui chaque jour maintenant sedirigeaient vers les Unions; mais lesdiscours officiels du Parti communistechinois, toute la propagande d’unionavec le Kuomintang, les paralysaient.Seul, le Comité militaire s’était joint àeux; toutes les armes n’avaient pas étérendues, mais Chang-Kaï-Shek exigeaitce jour même la remise des armes quin’avaient pas encore été rendues. Undernier appel du Comité militaire avaitété télégraphié à Han-Kéou.

Le vieux Gisors - au courant cettefois - était inquiet. _________ _________________________________

Salió.

May y Gisors miraban a Kyo con an-gustia; éste explicó al punto:

—Ha sabido que estoy fichado por la po-licía; me aconseja que no me mueva de aquí,como no sea para escapar antes de dos días.Por otra parte, la represión es inminente.Y las últimas tropas de la primera divi-sión han abandonado la ciudad.

Era la única división con la cual po-dían contar los comunistas. ChiangKaishek lo sabía; había ordenado a sugeneral que se uniese al frente con sustropas. Éste había propuesto al Comitécentral comunista detener a [168] ChiangKaishek. Se le había aconsejado que tran-sigiese y se hiciese sustituir por enfermo:pronto se había encontrado ante un ulti-mátum. Y, no atreviéndose a combatir sinla aquiescencia del Partido, había aban-donado la ciudad intentando sólo dejaren ella algunas tropas. Éstas acababan demarchar, a su vez.

—No está lejos aún —continuó Kyo—; y hasta la división entera puede volver,si continuamos en la ciudad durante mu-cho tiempo.

La puerta se abrió de nuevo; pasó unanariz, y una voz cavernosa dijo: «El ba-rón de Clappique no existe».

La puerta se volvió a cerrar.

—¿No se sabe nada de Han-Kow? —preguntó Kyo.

—Nada.

Desde su regreso, organizaba clan-destinamente unos grupos de combatecontra Chiang Kaishek, como los ha-bía organizado contra los Nordistas. LaInternacional había rechazado todas lasconsignas de oposición; pero habíaaceptado el mantenimiento de los gru-pos comunistas de encuentro; de losnuevos grupos militantes, Kyo preten-día hacer los organizadores de masasque todos los días se dirigían entonceshacia las Uniones pero los discursosoficiales del Partido Comunista chino,toda la propaganda de unión con elKuomintang le paralizaban. Sólo el Co-mité militar se había adherido a él; to-das las armas no habían sido entrega-das: pero Chiang Kaishek exigía aquelmismo día la entrega de las que reteníanaún los comunistas. Un último requeri-miento de Kyo y del Comité militar sehabía telegrafiado a Han-Kow.

El viejo Gisors —al corriente estavez— estaba inquieto. Veía demasiado enel marxismo la forma de una fatalidad

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_______________________________________ ____ _Comme Kyo, il étaitsûr que Chang-Kaï-Shek tenterait d’écraserles communistes; comme Kyo, il pensaitque le meurtre du général eût touché laréaction là où elle était le plus vulnérable.Mais il [201] détestait le caractère decomplot de leur action présente. Lamort de Chang-Kaï-Shek, la prise même dugouvernement de Shanghaï, ne menaientqu’à l’aventure. Avec quelques-uns desmembres du Komintern, il souhaitaitle retour à Canton de l’armée de fer etde l a f rac t ion c o m m u n i s t e d uKuomintang : là, appuyés sur une villerévolutionnaire, sur un arsenal actif etapprovisionné, les rouges pourraients’établir et attendre le moment propiceà une nouvelle campagne du Nord quepréparait profondément la réactionimminente. Les généraux de Han-Kéou,avides de terres à conquérir, ne l’étaientguère du sud de la Chine où les Unionsfidèles à ceux qui représentaient lamémoire de Sun-Yat-Sen les eussentcontraints à une constante et peufructueuse guérilla. Au lieu de devoircombattre les Nordistes, puisChang-Kaï-Shek, l’armée rouge eûtainsi laissé à celui-ci le soin decombattre ceux-là; quel que fût l’ennemiqu’elle rencontrât ensuite à Canton, ellene l’eût rencontré qu’affaibli. « Les ânessont trop fascinés par leur carotte, disaitGisors des généraux, pour nous mordreen ce moment si nous ne nous plaçonspas entre elle et eux... « Mais la majoritédu Parti communiste chinois, etpeut-être Moscou, jugeaient ce point devue « liquidateur ».

Kyo pensait, comme son père, que lameilleure politique était celle du retour àCanton. Il eût voulu de plus préparer parune propagande intense l’émigration enmasse des ouvriers - ils ne possédaientrien - de Shanghaï à Canton. C’était trèsdifficile, non impossible: les débouchésdes provinces du Sud étant assurés, lesmasses ouvrières eussent apporté àCanton une industrialisation rapide.Tactique dangereuse pour Shanghai : lesouvriers des filatures sont plus ou moinsqualifiés, et instruire de nouveaux [202]ouvriers était former de nouveauxrévolutionnaires, à moins d’élever lessalaires, « hypothèse exclue, eût ditFerral, en raison de l’état actuel desindustries chinoises N. Vider Shanghaiau profit de Canton, comme Hong-Kongen 1925... Hong-Kong est à cinq heuresde Canton, et Shanghaï à cinq jours:difficile entreprise, plus difficilepeut-être que de se laisser tuer, maismoins imbécile.

Depuis son retour de Han-Kéou, ilétait convaincu que la réaction sepréparait; même si Clappique ne l’eût

para afrontar sin desconfianza las cues-tiones de táctica. Como Kyo, estaba se-guro de que Chiang Kaishek intentaríaaniquilar a los comunistas; como Kyo,pensaba que la muerte del general habríaherido a la reacción allí donde era másvulnerable. Pero detestaba el carácter decomplot de su acción presente. La muer-te de Chiang Kaishek, y aun la toma delgobierno de Shanghai, no conducía másque a la aventura. Con algunos de losmiembros de la Internacional, anhelabael regreso a Cantón del ejército [169] dehierro y de la fracción comunista delKuomintang: allí, apoyados por una ciu-dad revolucionaria y un arsenal activo ybien aprovisionado, los rojos podrían es-tablecerse y esperar el momento propi-cio a una nueva campaña del Norte, quepreparaba profundamente la reacción in-minente. Los generales de Han-Kow, ávi-dos de tierras que conquistar, apenas loestaban en el Sur de la China, donde lasUniones, fieles a los que representabanla memoria de Sun—Yat—Sen, les ha-brían obligado a una constante y pocofructuosa guerrilla. En lugar de tener quecombatir a los Nordistas, luego a ChiangKaishek, el ejército rojo había dejado asía éste el cuidado de combatir a aquéllos:cualquiera que fuese el enemigo que en-contrase después de Cantón, sólo lo ha-bría encontrado debilitado. «Los asnosestán demasiado fascinados por su zana-horia —decía Gisors de los generales—,para que nos muerdan en este momento,si no nos ponemos de su parte...» Pero lamayoría del Partido Comunista chino, yquizá Moscú, consideraban aquel puntode vista como «liquidador».

Kyo pensaba, como su padre, que lamejor política era la del regreso a Can-tón. Hubiera querido preparar, además,mediante una propaganda intensa, laemigración en masa de los obreros —noposeían nada— de Shanghai a Cantón.Era muy difícil, no imposible: como lassalidas de las provincias del Sur estabanaseguradas, las masas obreras habrían lle-vado a Cantón una industrialización rá-pida. Táctica peligrosa para Shanghai: losobreros de las hilanderías son más o me-nos calificados, e instruir a nuevos obre-ros era formar nuevos revolucionarios, amenos de que se elevasen los salarios,«hipótesis excluida» —hubiera dichoFerral—, en razón del estado actual delas industrias chinas. Vaciar Shanghai enprovecho de Cantón, como Hong-Kongen 1925... Hong-Kong está a cinco horasde Cantón, y Shanghai a cinco días: difí-cil empresa; más difícil, quizá, que la dedejarse matar; más difícil, pero menosimbécil.

Desde su regreso de Han-Kow, estabaconvencido de que la reacción se prepa-raba; aunque Clappique no le hubiera

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pas prévenu, il eût considéré la situation,en cas d’attaque des communistes parl’armée de Chang-Kaï-Shek, comme sidésespérée que tout événement, mêmele meurtre du général (quelles qu’enfussent les conséquences) en fût devenufavorable. Les Unions, si on les armait,pouvaient à la rigueur tenter decombattre une armée désorganisée.

Encore la sonnette. Kyo courut à laporte: c’était enfin le courrier quiapportait la réponse de HanKéou. Sonpère et May le regardèrent revenir, sansrien dire.

— Ordre d’enterrer les armes, dit-il.

Le message, déchiré, était devenuune boule dans le creux de sa main. Ilreprit les morceaux de papier, lesdéveloppa sur la table à opium, lesrapprocha, haussa les épaules devant sapuérilité. c’était bien l’ordre de cacherou d’enterrer les armes.

— Il faut que j’aille tout de suitelà-bas.

Là-bas, c’était le Comité central. Ildevait donc quitter les concessions.Gisors savait qu’il ne pouvait rien dire.Peut-être son fils allait-il à la mort; cen’était pas la première fois. Il n’avaitqu’à souffrir et se taire. Il prenait fortau sérieux le renseignement deClappique : celui-ci avait sauvé, à Pékin,en le prévenant que le corps de cadetsdont il faisait partie [203] allait êtremassacré, l’Allemand qui dirigeaitmaintenant la police deChang-Kaï-Shek, König. Gisors neconnaissait pas Chpilewski. Comme leregard de Kyo rencontrait le sien, ilessaya de sourire; Kyo aussi, et leursregards ne se séparèrent pas : tous deuxsavaient qu’ils mentaient, et que cemensonge était peut-être leur plusaffectueuse communion.

Kyo retourna dans sa chambre, où ilavait laissé son veston. May passait sonmanteau.

— Où vas-tu?

— Avec toi, Kyo.

— Pour quoi faire?

Elle ne répondit pas.

— Il est plus facile de nous reconnaîtreensemble que séparés, dit-il.

— Mais non, pourquoi? Si tu essignalé, c’est la même chose...

— Tu ne serviras à rien.

prevenido, habría considerado la situación,en caso de ataque a los comunistas por elejército de Chiang [170] Kaishek, tan des-esperada, que todo acontecimiento, inclu-so el asesinato del general (cualquiera quefuesen las consecuencias), se habría tor-nado favorable. Las Uniones, si se lasarmaba, podían, en rigor, tratar de com-batir a un ejército desorganizado.

Otra vez la campanilla; Kyo corrióhacia la puerta: era, por fin, el correo,que portaba la respuesta de Han-Kow.Su padre y May le vieron volver, sindecir nada.

—Orden de enterrar las armas —dijo.

El mensaje, desgarrado, se había con-vertido en una bola en el hueco de lamano. Cogió los trozos de papel, los ex-tendió sobre la mesa de opio, los juntóunos con otros y se encogió de hombrosante su puerilidad: era, en efecto, la or-den de ocultar o enterrar las armas.

—Es preciso que vaya en segui-da allá.

Allá era el Comité Central. Debía,pues, abandonar las concesiones.Gisors sabía que no podía decir nada.Quizá su hijo fuese hacia la muerte;no era aquella la primera vez: tal erala razón de ser de su vida. No habíaotro remedio que sufrir y callarse. To-maba muy en serio el aviso deClappique: éste había salvado, en Pe-kín, previniéndole de que el cuerpo decadetes de que formaba parte iba a serdestrozado, a König, el alemán quedirigía a la sazón la policía de ChiangKaishek. Gisors no conocía aChpilewski. Como la mirada de Kyoencontrara la suya trató de sonreír;Kyo también, y sus miradas no se se-pararon: ambos sabían que mentían, yque aquella mentira constituía, quizá,su más afectuosa comunión.

Kyo volvió a su habitación, dondehabía dejado la americana. May se poníasu abrigo.

—¿Adónde vas?

—Contigo, Kyo.

—¿Para qué?

May no respondió.

—Es más fácil que nos conozcan jun-tos que separados —dijo Kyo.

— N o . ¿ P o r q u é ? S i t ú e s t á sfichado, es igual...

—Tú no servirás para nada.

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— À quoi servirai-je, ici, pendant cetemps? Les hommes ne savent pas ceque c’est que d’attendre...

Il fit quelques pas, s’arrêta, seretourna vers elle

— Écoute, May: lorsque ta liberté aété en jeu, je l’ai reconnue.

Elle comprit à quoi il faisait allusionet eut peur elle l’avait oublié. En effet,il ajoutait, d’un ton plus sourd :

— ... et tu as su la prendre. Il s’agitmaintenant de la mienne.

— Mai s , Kyo , que l r appo r tça a - t - i l ?

— Reconnaître la liberté d’un autre,c’est lui donner raison contre sa propresouffrance, je le sais d’expérience.

— Suis-je « un autre », Kyo?

Il se tut, de nouveau. Oui, en cemoment, elle était un autre. Quelque choseentre eux avait été changé. [204]

— Alors, reprit-elle, parce que j’ai...enfin, à cause de cela, nous ne pouvonsplus même être en danger ensemble?...Réfléchis, Kyo : on dirait presque quetu te venges...

— Ne p lus l e pouvo i r, e t l ec h e r c h e r q u a n d c ’ e s t i n u t i l e ,ça f a i t deux .

— Mais si tu m’en voulaistellement que cela, tu n’avais qu’àprendre une maîtresse... Et puis, non!pourquoi est-ce que je dis cela, cen’est pas vrai, je n’ai pas pris unamant! et tu sais bien que tu peuxcoucher avec qui tu veux...

— Tu me suffis, répondit-ilamèrement.

Son regard étonna May: tous lessentiments s’y mêlaient. Et -le plustroublant de tous - sur son visage,l’ inquiétante expression d’unevolupté ignorée de lui-même.

— En ce moment, reprit-il, _________________ ce n’est pas de coucherque j’ai envie. Je ne dis pas que tu aiestort; je dis que je veux partir seul. Laliberté que tu me reconnais, c’est latienne. La liberté de faire ce qu’il teplaît. La liberté n’est pas un échange,c’est la liberté.

— C’est un abandon...

—¿Para qué serviré aquí, mientrastanto? Los hombres no saben lo que estener que esperar... [171]

Kyo dio unos pasos, se detuvo, se vol-vió hacia ella.

—Escucha, May: cuando tu libertad haestado en juego, yo lo he reconocido.

May comprendió a qué hacía alusión, y sin-tió miedo: lo había olvidado. En efecto: Kyoañadía, con una entonación más sorda:

—...y tú supiste recobrarla. Ahora, setrata de la mía.

—Pero, Kyo, ¿qué tiene que ver esocon lo de ahora?

— Reconocer la libertad de cualquie-ra es darle una razón contra su propiosufrimiento; lo sé por experiencia.

—¿Soy yo «una cualquiera», Kyo?

Él se calló de nuevo. Sí; en aquelmomento, ella era otra. Algo entreellos había cambiado.

—Entonces —prosiguió May—, porque yo...En fin, ¿a causa de aquello, ya no podemos si-quiera arrostrar juntos un peligro?.. .Reflexiona, Kyo: diríase, casi, que te ven-gas...

—No poder hacerlo ya, y procurarlocuando es inútil, nos convierte en dosseres distintos.

—Pero si tú me tuvieras tanto rencor,no tendrías más que tomar una querida...¡Pero no! Eso no es verdad. Yo no heaceptado un amante; simplemente me heacostado con un individuo. No es lo mis-mo; tú sabes muy bien que puedes acos-tarte con quien quieras.

—Tú me bastas —respondió él, amar-gamente.

Su mirada extrañó a May: todos lossentimientos se mezclaban en ella. Y —el más conturbado de todos—, sobre surostro, la inquietante expresión de unavoluptuosidad ignorada por él mismo.

—En este momento, como hace quin-ce días —continuó—, no es de copularde lo que tengo deseo. No digo que túhayas hecho mal; lo que digo es que quie-ro salir solo. La libertad que tú me recono-ces es la tuya. La libertad de hacer lo quete plazca. La libertad no es un cambio;es la libertad.

—Es un abandono...

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Silence.

— Pourquoi des êtres qui s’aimentsont-ils en face de la mort, Kyo, si cen’est pour la risquer ensemble?

Elle devina qu’il allait partir sansdiscuter, et se plaça devant la porte.

— Il ne fallait pas me donner cetteliberté, dit-elle, si elle doit nous séparermaintenant.

— Tu ne l’as pas demandée.

— Tu m e l ’ a v a i s d ’ a b o r dreconnue.

« Il ne fallait pas me croire »,pensa-t-il. C’était vrai, il la lui avaittoujours reconnue. Mais qu’elle discutâten ce moment sur des droits la séparaitde lui davantage. [205]

— Il y a des droits qu’on nedonne, dit-el le amèrement, quep o u r q u ’ i l s n e s o i e n t p a semployés.

— Ne les aurais-je reconnus que pourque tu puisses t’y accrocher en cemoment, ce ne serait pas si mal...

Cette seconde les séparait plus que lamort: paupières, bouche, tempes, la pla-ce de toutes les tendresses est visible surle visage d’une morte, et ces pommetteshautes et ces longues paupièresn’appartenaient plus qu’à un mondeétranger. Les blessures du plus profondamour suffisent à faire une assez bellehaine. Reculait-elle, si près de la mort,au seuil de ce monde d’hostilitéqu’elle découvrait? Elle dit :

— Je ne m’accroche à rien, Kyo,disons que j’ai tort, que j’ai eu tort, ceque tu voudras, mais maintenant, en cemoment, tout de suite, je veux partiravec toi. Je te le demande.

Il se taisait.

— Si tu ne m’aimais pas, reprit-elle,ça te serait bien égal de me laisser par-tir avec toi... Alors? Pourquoi nous fairesouffrir?

« Comme si c’était le moment »,ajouta-t-elle avec lassitude.

Kyo sentait grouiller en lui quelquesdémons familiers qui le dégoûtaientpassablement. Il avait envie de lafrapper, et précisément dans son amour.Elle avait raison: s’il ne l’avait pasaimée, que lui eût importé qu’ellemourût? Peut-être était-ce qu’elle lecontraignît à comprendre cela, en ce

Silencio.

—¿Para qué los seres que se aman seponen frente a la muerte, Kyo, si no espara arriesgarla juntos? [172]

Adivinó que él iba a salir sin discutir,y se colocó ante la puerta.

—No había para qué concederme esalibertad —dijo—, si ella ha de separar-nos ahora.

—Tú no la pediste.

—Tú me la habías reconocido deantemano.

«No haberme creído» —pensó él—.Era verdad; siempre se la había recono-cido. Pero que discutiese en aquel mo-mento sobre tales derechos, la separabamás aún de él.

—Hay derechos que no se conce-den —dijo May, con amargura—, sinocon la única finalidad de que no seanempleados.

—Si yo no los hubiera reconocido sinopara que pudieses acogerte a ellos en estemomento, no te parecería tan mal...

Aquellos segundos los separaban másque la muerte: párpados, boca, sienes, ellugar de todas las ternuras es visible enel rostro de una muerta, y aquellos pó-mulos altos y aquellos largos párpadosno pertenecían más que a un mundo ex-traño. Las heridas del más profundo amorbastan para crear un odio suficientemen-te grande. ¿Retrocedía ella, tan cerca dela muerte, en el umbral de aquel mundode hostilidad que descubría? Dijo:

—No me aferro a nada, Kyo; digamosque me equivoco, que me he equivoca-do: lo que tú quieras; pero ahora, en estemomento, inmediatamente quiero salircontigo. Te lo pido.

Kyo callaba.

—Si no me amases —continuóMay—, te sería indiferente dejar que fue-se contigo... Luego... ¿Para qué hacernossufrir?

«Como si fuese éste el momento»,añadió con dejadez.

Kyo sentía agitarse en él ciertosdemonios familiares que le disgustabanun tanto. Tenía deseos de pegarle, yprecisamente a causa de su amor. Ellatenía razón: si no la hubiera amado,¿qué le habría importado que murie-se? Quizá fuera que le obligaba acomprender lo que, en aquel momen-

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moment, qui l’opposait le plus à elle.

Avait-elle envie de pleurer? Elleavait fermé les yeux, et le frémissementde ses épaules, constant, silencieux,semblait, en opposition avec son mas-que immobile, l’expression même de ladétresse humaine. Ce n’était plusseulement sa volonté qui les [206]séparait, mais la douleur. Et, lespectacle de la douleur rapprochantautant que la douleur sépare, il étaitde nouveau jeté vers elle par ce visagedont les sourcils montaient peu à peu,- comme lorsqu’elle avait l’airémerveillée... Au-dessus des yeuxfermés, le mouvement du fronts’arrêta et ce visage tendu dont lespaupières restaient baissées devinttout à coup un visage de morte.

La plupart des expressions de May ________________ ____ ____ lui étaient tropfamilières pour avoir prise sur lui.Mais il n’avait jamais vu ce masquemortuaire, - la douleur, et non lesommeil, sur des yeux fermés, - etla mort était si près que cette illusionprenait la force d’une préfigurationsinistre. Elle rouvrit les yeux sansle regarder son regard restait perdusur le mur blanc de la chambre; sansqu’un seul de ses muscles bougeât,une larme coula le long de son nez,res ta suspendue au coin de sabouche, trahissant par sa vie sourde,poignante comme la douleur desbêtes, ce masque aussi inhumain,aussi mort que tout à l’heure.

— Rouvre les yeux.

Elle le regarda.

— Ils sont ouverts...

— J’ai eu l’impression que tu étaismorte.

— Eh bien?

Elle haussa les épaules et continua, d’unevoix pleine de la plus triste fatigue:

— Moi, si je meurs, je trouve que tupeux mourir...

Il comprenait maintenant quel vraisentiment le poussait: il voulait laconsoler. Mais il ne pouvait la consolerqu’en acceptant qu’elle partît avec lui.Elle avait refermé les yeux. Il la prit dansses bras, l’embrassa sur les paupières.Quand ils se séparèrent: [207]

— Nous partons? demanda-t-elle.

— Non.

to, le oponía más a ella.

¿Sentía May deseos de llorar? Habíacerrado los ojos, y el estremecimiento desus hombros, constante y silenciosamen-te, [173] parecía, en oposición con su fi-sonomía inmóvil, la expresión misma dela tristeza humana. Ya no era sólo su vo-luntad lo que les separaba, sino el dolor.Y ante el espectáculo del dolor, queaproxima tanto como el dolor mismo se-para, de nuevo se lanzaba hacia ella acausa de aquel rostro cuyas cejas ibansubiendo poco a poco momo cuando pre-sentaba el aspecto de estar maravilla-da...—. Por encima de los ojos cerrados,el movimiento de la frente se detuvo, yaquel semblante tenso, cuyos párpadospermanecían abatidos, se convirtió, depronto, en un rostro de muerta.

Muchas expresiones de May no hacíanmella en él: las conocía, y le parecía siem-pre que se copiaba un poco a sí misma.Pero no había visto nunca aquella fiso-nomía mortuoria —con el dolor, y no elsueño, en los ojos cerrados—, y la muer-te estaba tan cerca, que aquella ilusiónadquiría la fuerza de una siniestraprefiguración. May volvió a abrir los ojos,sin mirarle: su mirada quedaba perdidaen la blanca pared de la habitación; sinque uno solo de sus músculos se movie-se, una lágrima resbaló a lo largo de lanariz, y quedó suspendida junto a su boca,traicionando, con su vida sorda, punzan-te, conmovedora como el dolor de losanimales, a aquella fisonomía tan inhu-mana, tan muerta como antes.

—Abre otra vez los ojos.

Ella le miró.

—Están abiertos.

—He recibido la impresión de queestabas muerta.

—¿Y qué?

Se encogió de hombros, y continuó, conuna voz llena de la más triste fatiga.

—Si yo muero, considero que tú pue-des morir...

Ahora comprendía Kyo qué verdade-ro sentimiento le impulsaba: quería con-solarla. Pero no podía consolarla sinoaceptando que se fuese con él. May ha-bía vuelto a cerrar los ojos. La tomó ensus brazos y la besó en los párpados. Ycuando se apartaron:

—¿Vámonos? —preguntó May.

—No.

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Trop loyale pour cacher soninstinct, elle revenait à ses désirs avecune opiniâtreté de chat, qui souventagaçait Kyo. Elle s’était écartée de laporte, mais il s’aperçut qu’il avait euenvie de passer seulement tant qu’ilavait été sûr qu’il ne passerait pas.

— May, allons-nous nous quitter parsurprise?

— Ai-je vécu comme une femmequ’on protège...

Ils restaient l’un en face de l’autre,ne sachant plus que dire et n’acceptantpas le silence, sachant tous deux que cetinstant, l’un des plus graves de leur vie,était pourri par le temps qui passait: laplace de Kyo n’était pas là, mais auComité, et sous tout ce qu’il pensaitl’impatience était embusquée.

Elle lui montra la porte du visage.

Il la regarda, prit sa tête entre sesdeux mains, la serrant doucement sansl’embrasser, comme s’il eût pu mettredans cette étreinte du visage ce qu’ontde tendresse et de violence mêlées tousles gestes virils de l’amour. Enfin sesmains s’écartèrent.

Les deux portes se refermèrent. Maycontinuait à écouter, comme si elle eûtattendu que se fermât à son tour unetroisième porte qui n’existait pas, - labouche ouverte et molle, saoule dechagrin, découvrant que, si elle lui avaitfait signe de partir seul, c’était parcequ’elle pensait faire ainsi le dernier, leseul geste qui pût le décider àl’emmener.

À peine Kyo avait-il fait cent pasqu’il rencontra Katow.

— Tchen n’est pas là?

Il montrait du doigt la maison de Kyo.

— Non.

— Tu ne sais ‘bsolument pas où il est?[208]

— Non. Pourquoi?

Ka tow é ta i t ca lme , ma i s cevisage de migraine...

— Il y a plusieurs autos deChang-Kaï-Shek. Tchen ne le sait pas.Ou la police est prévenue ou elle sem’fie. S’il ne le sait pas, il va se faireprendre et lancer ses bombes pour rien.Je cours après lui depuis longtemps,vois-tu. Les bombes devaient êtrelancées à une heure. Rien n’a été fait:nous le saurions.

Demasiado leal para ocultar su instin-to, May volvía [174] a sus deseos con unaterquedad de gato que con frecuencia ex-citaba a Kyo. Se había separado de la puer-ta, pero él se dio cuenta de que sólo hu-biera sentido deseo de , pasar cuando tu-viese seguridad de que ella no pasaría.

—May, ¿vamos a abandonarnos porsorpresa?

—¿He vivido como una mujer a la quese protege?...

Permanecían frente a frente, sin saberya qué decir y sin aceptar el silencio, sa-biendo ambos que aquel instante, uno—de los más graves de su vida, estaba co-rrompido por el tiempo que pasaba: elpuesto de Kyo no estaba allí, sino en elComité, y, bajo todo cuanto pensaba, sehallaba emboscada la impaciencia.

May mostró la puerta con el semblante.

Él la miró; tomó su cabeza entre lasmanos, oprimiéndola suavemente, sinbesarla, como si hubiera podido poner enaquella opresión del rostro lo que de ter-nura y de violencia mezcladas tienen to-dos los gestos viriles del amor. Por finsus manos se apartaron.

Las dos puertas se volvieron a ce-rrar. May continuaba escuchando, comosi hubiese esperado que se cerrase, a suvez, una tercera puerta que no existía—la boca abierta y blanda, borracha depesadumbre, dando a entender que, sile había hecho seña de que saliese solo,era porque pensaba realizar así el últi-mo, el único gesto que pudiera decidir-le a llevarla.

Apenas Kyo había andado cien pasos,cuando encontró a Katow.

—¿Chen no está ahí?

Señalaba con el dedo a la casa de Kyo.

—No.

—¿No sabes, en absoluto, dónde está?

—No. ¿Por qué?

Katow parecía tranquilo; pero aquelsemblante, como de jaqueca...

—Chiang Kaishek tiene variosautos. Chen no lo sabe. O la poli-cía está prevenida, o desconfía. Sino se le avisa, se va a dejar tomarpreso y a arrojar sus bombas paranada. Lo estoy buscando desde hacemucho tiempo, ¿sabes? Las bombasdebían ser arrojadas a la una. Nadase ha hecho: lo sabríamos. [175]

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— Il devait aller avenue desDeux-Républiques. Le plus sage seraitde passer chez Hemmelrich.

Katow y partit aussitôt.

— Tu as ton cyanure? lui demandaKyo au moment où il se retournait.

— Oui.

Tous deux, et plusieurs autres chefsrévolutionnaires, portaient du cyanuredans la boucle plate de leur ceinture, quis’ouvrait comme une boîte.

La séparation n’avait pas délivréKyo. Au contraire: May était plus fortedans cette rue déserte, - ayant accepté- qu’en face de lui, s’opposant à lui.Il entra dans la ville chinoise, non sanss’en apercevoir, mais avecindifférence. « Ai-je vécu comme unefemme qu’on protège?... » De queldroit exerçait-il sa pitoyableprotection sur la femme qui avaitaccepté même qu’il partît? Au nom dequoi la quittait-il? Était-il sûr qu’il n’yeût pas là de vengeance? Sans douteMay était-elle encore assise sur le lit,écrasée par une peine qui se passaitde psychologie...

Il revint sur ses pas en courant.

La pièce aux phénix était vide: sonpère sorti, May toujours dans lachambre. Avant d’ouvrir il s’arrêta,écrasé par la fraternité de la mort,découvrant combien, devant cettecommunion, la chair restait [209]dérisoire malgré son emportement. Ilcomprenait maintenant qu’accepterd’entraîner l’être qu’on aime dans lamort est peut-être la forme totale del’amour, celle qui ne peut pas êtredépassée.

Il ouvrit.

Elle jeta précipitamment sonmanteau sur ses épaules, et le suivit sansrien dire.

3 heures et demie.

Depuis longtemps, Hemmelrichrega rda i t s e s d i sques s ansache teu r s . On f r appa se lon l esignal convenu.

Il ouvrit. C’était Katow.

— As-tu vu Tchen?

— Remords ambulant! grognaHemmelrich.

—Debía obrar en la avenida de las DosRepúblicas. Lo más acertado sería pasar-se por casa de Hemmelrich.

Katow se fue allá rápidamente.

—¿Llevas el cianuro? —le preguntóKyo, en el momento en que se volvía.

—Sí.

Los dos, y otros varios jefes re-volucionarios, llevaban cianuro enla hebilla plana de su cinturón, quese abría como una caja.

La separación no había tranquilizadoa Kyo. Por el contrario, May era más fuer-te en la calle desierta —después de habercedido— que frente a él, oponiéndose asu marcha. Entró en la ciudad china, nosin darse cuenta de ello, aunque con in-diferencia. «¿Habré vivido como unamujer a la que se protege?...» ¿Con quéderecho ejercía su lamentable protecciónsobre la mujer que hasta había accedidoa que partiese? ¿En nombre de qué laabandonaba? ¿Estaba seguro de queaquello no constituía una venganza? Sinduda, May estaba aún sentada en el le-cho, aplastada por una pena que no nece-sitaba de psicología...

Volvió sobre sus pasos, corriendo.

La habitación de los fénix estabavacía: su padre había salido, y May con-tinuaba en la habitación. Antes de abrir,se detuvo, anonadado por la fraterni-dad de la muerte, descubriendo cuán-to, ante aquella comunión, quedaba lacarne irrisoria, a pesar de su arrebato.

Ahora comprendía que acceder allevar al ser a quien se ama hacia lamuerte, constituye, quizá, la formatotal del amor, la que no puede sersobrepasada.

Abrió.

Ella se echó precipitadamente el abri-go sobre los hombros, y le siguió sin de-cir nada.

3 y media

Desde hacía mucho tiempo,Hemmelrich contemplaba sus discos sincompradores. Llamaron, según la señalconvenida.

Abrió. Era Katow.

—¿Has visto a Chen? [176]

—¡Remordimiento ambulante! —gru-ñó Hemmelrich.

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— Quoi?

— Rien. Oui, je l’ai vu. Vers uneheure, deux heures. Ça te regarde?

— J’ai ‘bsolument besoin de le voir.Qu’est-ce qu’il a dit?

D’une autre pièce, un cri dugosse vint jusqu’à eux, suivi desconfuses paroles de la mère quis’efforçait de le calmer.

— Il est venu avec deux copains.L’un, c’est Souen. L’autre, connais pas.Un type à lunettes, comme tout le mon-de. L’air noble. Des serviettes sous lebras: tu comprends?

— C’est pour ça qu’il faut que je leretrouve, vois-tu bien.

— Il m’a demandé de rester là troisheures.

— Ah bon! Où est-il? [210]

— Ta gueule! Écoute ce qu’onte dit. Il m’a demandé de rester là.Je n’ai pas marché. Tu entends?

Silence.

— Je t’ai dit que je n’avais pas marché.

— Où peut-il être allé?

— Il n’a rien dit. Comme toi. Lesilence se répand, aujourd’hui...

Hemmelrich était debout au milieude la pièce, le corps ramassé, le regardpresque haineux. Katow dit calmement,sans le regarder

— Tu t’engueules trop toi-même.Alors, tu cherches à te faire eng’ler pourpouvoir te d’fendre.

— Qu’est-ce que tu peux y comprendre?Et qu’est-ce que ça peut te foutre? Ne meregarde pas comme ça avec ta mècheen crête de poussin et tes mainsouvertes, comme Jésus-Christ, pourqu’on y mette des clous...

Sans fermer la main, Katow la posasur l’épaule d’Hemmelrich.

— Ça va toujours mal, là-haut?

— Moins. Mais ça suffit comme ça.Pauvre môme!... Avec sa maigreur etsa grosse tête, il a l’air d’un lapindépouillé... Laisse...

Le Belge se dégagea brutalement,s’arrêta, puis se dirigea vers l’extrémitéde la pièce, d’un mouvement

—¿Qué?

—Nada. Sí; lo he visto. De una a dos.¿Por qué?

—Tengo absoluta necesidad de verlo.¿Qué es lo que ha dicho?

Desde otra habitación, un grito delchico llegó hasta ellos, seguido de unasconfusas palabras de la madre, que seesforzaba por acallarlo.

—Ha venido con dos compañeros.Uno de ellos es Suen. Al otro no lo co-nozco. Un tipo con gafas, como todo elmundo. De aspecto noble. Con carterasbajo el brazo, ¿comprendes?

— P o r e s o n e c e s i t oe n c o n t r a r l o , ¿ v e s ?

—Me preguntó si podía permaneceraquí durante tres horas.

—¡Ah, bueno! ¿Dónde está?

—¡Cierra el pico! Escucha lo que se tedice. Me preguntó si podía quedarse aquí.Yo no he accedido. ¿Entiendes?

Silencio.

—Te he dicho que no he accedido.

—¿A dónde puede haber ido?

—No ha dicho nada. Como tú. El si-lencio se prodiga hoy...

Hemmelrich estaba de pie, en medio dela habitación, con el cuerpo encogido y lamirada casi de odio. Katow dijo, tranquila-mente, sin mirarle:

—Te insultas demasiado a ti mismo.Por eso tratas de que te insulten para po-der defenderte.

—¿Qué es lo que puedes compren-der tú? ¿Y qué diablos puede impor-tarte? No me mires así, con los peloscomo de cresta de gallo y las manosabiertas, como Jesucristo, para que se teintroduzcan en ellas los clavos...

Sin cerrar las manos, Katow las dejócaer en el hombro de Hemmelrich.

—¿Sigue mal eso, allá arriba?

—Menos. Pero ya es demasiado.¡Pobre chico!... Con su delgadez y suenorme cabeza, parece un conejodesollado... Suelta...

El belga se desasió brutalmente, sedetuvo y luego [177] se dirigió al extre-mo de la habitación, con un movimiento

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bizarrement puéril, comme s’il boudait.

— Et le pire, dit-il, ce n’est pasencore ça. Non, ne prends pas l’air d’untype qui a des démangeaisons, qui setortille avec des airs gênés: je ne l’ai pasindiqué à la police, Tchen. Ça va. Pasencore, du moins...

Katow haussa les épaules avectristesse.

— Tu ferais mieux de t’expliquer.

— Je voulais partir avec lui.

— Avec Tchen? [211]

Katow était sûr que, maintenant, ilne le trouverait plus. Il parlait avec lavoix calme et lasse des gens battus.Chang-Kaï-Shek ne revenait qu’à lanuit, et Tchen ne pouvait rien tenteravant.

Hemmelrich montra du pouce,par-dessus son épaule, la direction d’oùétait venu le cri de l’enfant

— Et voilà. Voilà. Qu’est-ce que tuveux que je foute?

— Attendre...

— Parce que le gosse mourra, pas?Écoute bien la moitié de la journée, jele souhaite. Et si ça vient, je souhaiteraisqu’il reste, qu’il ne meure pas, mêmemalade, même infirme...

— Je sais...

— Q u o i ? d i t H e m m e l r i c h ,spolié. Qu’est-ce que tu sais? T’esmême pas marié!

— J’ai été marié.

— J’aurais voulu voir ça. Avec tonallure... Non, c’est pas pour nous, tousces bath petits coïts ambulants qu’onvoit passer dans la rue...

Il sentit que Katow pensait à lafemme qui veillait l’enfant, là-haut.

— Du dévouement, oui. Et tout cequ’elle peut. Le reste, ce qu’elle n’a pas,elle, justement, c’est pour les riches.Quand je vois des gens qui ont l’air des’aimer, j’ai envie de leur casser lagueule.

— Le dévouement, c’est beaucoup...La seule chose nécessaire est de ne pasêtre seul.

— Et c’est pour ça que tu restes ici,pas? Pour m’aider.

extrañamente pueril, como si se enojase.

—Y lo peor —dijo— no es sólo eso.No; no adoptes la actitud de un sujetoque siente picazón y que se retuerce conmovimientos torpes: no he denunciadoa Chen a la policía. ¡Vamos! Todavíano, al menos...

Katow se encogió de hombros, contristeza.

—Más valiera que te explicases.

—Yo quería ir con él.

—¿Con Chen?

Katow estaba seguro ahora de que nolo encontraría. Hablaba con la voz tran-quila y cansada de los que han sido gol-peados. Chiang Kaishek no volvía hastala noche, y Chen ya no podía intentar nadaantes.

Hemmelrich señaló con el pulgar porencima de su hombro, en la dirección enque había venido el grito del niño.

—Ahí está. Ahí está. ¿Qué mierdaquieres que haga yo?

—Esperar...

—A que el chico se muera, ¿no?óyelo bien: durante la mitad del día,lo deseo. Y, si ocurre, desearé quecontinúe, que no se muera, aunque sigaenfermo, incurable...

—Ya sé...

—¿Qué? —pronunció Hemmelrich,indignado—. ¿Qué es lo que sabes? Túque ni siquiera estás casado.

—He estado casado.

—Hubiera querido verlo. Con tu tipo...No; no son para nosotros, todos esos pe-queños baños para coitos ambulantes, quese ven pasar por la calle...

Comprendió que Katow pensaba en lamujer que velaba al niño, allá arriba.

—Abnegación, sí. Hace todo lo quepuede. Lo demás, lo que no tiene, esprecisamente para los ricos. Cuandoveo a algunos que tienen el aspecto deamarse, me dan ganas de romperles lacara.

—La abnegac ión e s mucho . . .L a ú n i c a c o s a n e c e s a r i a e s n oes t a r so lo .

—Y por eso es por lo que te quedasaquí, ¿no? ¿Para ayudarme?

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— Oui.

— Par pitié?

— Pas par pitié. Par...

Mais Katow ne trouvait pas le mot.Et peut-être n’existait-il pas. Il essayade s’expliquer indirectement [212] :

— J’ai connu ça, ou presque. Et aussiton espèce de... rage... Commentveux-tu qu’on comprenne les chosesautrement que par les souvenirs... C’estpour ça que tu ne me vexes pas.

Il s’était rapproché et parlait, latête entre les épaules, de sa voix quimangeait les syllabes, le regardantdu coin de l’oeil; tous deux, ainsi,têtes baissées, avaient l’air de sepréparer à un combat au milieu desdisques. Mais Katow savait qu’il étaitle plus fort, s’il ignorait comment.Peut-être était-ce sa voix, son calme, sonamitié même qui agissaient?

— Un homme qui se fout de tout,s’il rencontre r’ellement le d’vouement,le sacrifice, un quelconque de cestrucs-là, il est perdu.

— Sans blague! Alors qu’est-ce qu’ilfait?

— Du sadisme, répondit Katow, leregardant tranquillement.

Le grillon. Des pas, dans la rue, seperdaient peu à peu.

— Le sadisme avec les épingles,reprit-il, c’est rare; avec les paroles,c’est loin de l’être. Mais si la femmeaccepte ‘bsolument, si elle est capabled’aller au-delà... J’ai connu un type quia pris et joué l’argent que la sienne avaitéc’nomisé pendant des années pour allerau san’torium. Question de vie ou demort. Il l’a perdu. (Dans ces cas-là, onperd t’jours.) Il est revenu en morceaux,‘bsolument écrasé comme toi en cemoment. Elle l’a regardé s’approcher deson lit. Elle a tout de suite compris,vois-tu. Et puis, quoi? Elle a essayé dele consoler...

— Plus facile, dit lentementHemmelrich, de consoler les autres quede se consoler soi-même...

Et, relevant soudain les yeux

« C’était toi, le type?

— As-sez ! » Katow frappa dupoing le comptoir. [213] « Si c’étaitmoi, je dirais: moi, et pas autre

—Sí. [178]

—¿Por lástima?

________________

Pero Katow no encontraba la pala-bra. Quizá no existiese. Trató de ex-plicarse de una manera indirecta.

—He conocido eso, o algo semejante.Y también tu especie de... rabia... ¿Cómoquieres que se comprendan las cosas,como no sea por medio de los recuer-dos?... Por eso no puede ofenderme.

Se había aproximado, y hablaba con lacabeza hundida entre los hombros, con suvoz que omitía algunas sílabas, mirándo-le con el rabillo del ojo. Ambos, así, conla cabeza baja, presentaban el aspecto deprepararse para un combate, en medio dalos discos. Pero Katow sabía que él erael más fuerte, aunque ignoraba cómo.¿Acaso eran su voz, su calma, su amis-tad misma las que obraban?

—Un hombre a quien no se le da unpito de nada, si encuentra realmente laabnegación, el sacrificio o cualquiera deesos trucos, está perdido.

—¡Sin bromas! ¿Qué es lo que haceentonces?

—Sadismo —respondió Katow, mi-rándole tranquilamente.

El grillo. Unos pasos, en la calle, seperdían poco a poco.

—El sadismo con alfileres —conti-nuó— es raro; con las palabras está le-jos de serlo. Pero si la mujer lo aceptade un modo absoluto; si es capaz de irmás allá... Conocí a un sujeto que co-gió y se jugó el dinero que su compa-ñera había economizado durante algu-nos años para ir a un sanatorio. Cues-tión de vida o muerte. Lo perdió. (Enestos casos se pierde siempre.) Volvióhecho pedazos, absolutamente aplasta-do, como tú en este momento. Ella levio acercarse al lecho. Lo comprendiótodo en seguida, ¿sabes? ¿Y luego, qué?Trató de consolarle...

—Más fácil es —dijo Hemmelrich,con lentitud— consolar a los demás queconsolarse uno a sí mismo.

Y levantando los ojos, de pronto:

—¿Eras tú, ese sujeto?

—¡Basta! —Katow golpeó con elpuño en el mostrador—. Si hubierasido yo, habría dicho que era yo, y no

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chose. » Mais sa colère tombaaussitôt. « Je n’en ai pas fait tant, etil n’est pas n’cessaire d’en fairetant... Si on ne croit à rien, surtoutparce qu’on ne croit à rien , on e s to b l i g é d e c r o i r e a u x q uali tésdu coeur quand on les rencontre,ça va de soi. Et c’est ce que tu fais.Sans la femme et le gosse tu seraisparti, j’en suis sûr. Alors?

— Et comme on n’existe que pources qualités cardiaques, elles vousboulottent. Puisqu’il faut toujours êtrebouffé, autant elles... Mais tout ça c’estdes conneries. II ne s’agit pas d’avoirraison. Je ne peux pas supporter d’avoirfoutu Tchen à la porte, et je n’aurais pusupporter de le garder.

— Il ne faut demander aux cam’radesque ce qu’ils peuvent faire. Je veux descam’rades et pas des saints. Pasconfiance dans les saints...

— C’est vrai, que tu as accompagnévolontairement les types aux mines deplomb?

— J ’ é t a i s a u c a m p , d i tK a t o w g ê n é : l e s m i n e s o u l ecamp, ça se vau t . . .

— Ça se vaut! C’est pas vrai.

— Qu’est-ce que tu en sais?

— C’est pas vrai! Et tu aurais gardéTchen.

— Je n’ai pas d’enfants...

— Il me semble que ça me seraitmoins... difficile, même l’idée qu’on mele tuera, s’il n’était pas malade... Moi,je suis bête. C’est vrai que je suis bête.Et je ne suis peut-être même pastravailleur. Et après? Je me fais l’effetd’un bec de gaz sur quoi tout ce qu’il ya de libre dans le monde vient pisser.

Il montra de nouveau l’étage d’unmouvement de son visage plat ,car l’enfant criait de nouveau. Katown’osait pas dire: « La mort va tedélivrer. » C’était la mort qui l’avaitdélivré, lui. Depuis qu’Hemmelrich[214] avait commencé de parler, lesouvenir de sa femme était entre eux.Revenu de Sibérie sans espoir, battu,ses études de médecine brisées,devenu ouvrier d’usine et assuré qu’ilmourrait avant de voir la révolution,il s’était tristement prouvé un rested’existence en faisant souffrir unepetite ouvrière qui l’aimait. Mais àpeine avait-elle accepté les douleursqu’il lui infligeait que, pris par ce qu’ade bouleversant la tendresse de l’être qui

otra cosa. —Pero su ira se extinguióinmediatamente.— Yo no he hechotanto, ni es necesario hacer tanto.. Sino se [179] cree en nada, sobre todoporque no se cree en nada, está unoobligado a creer en las cualidades delcorazón, cuando se las encuentra:eso se cae de su peso. Y eso es lo quetú haces. Sin la mujer y el chico, ha-brías partido; estoy seguro de ello. Y...

—Y como no existimos más quepara esas cualidades cardíacas, nos co-men. Puesto que no hay más remedioque ser devorado... Pero todo eso sonpuñeterías. No se trata de tener razón.No puedo soportar el haber echado aChen a la calle, ni tampoco hubierapodido soportar el retenerlo.

—No hay que pedir a los camara-das más que lo que pueden hacer.Quiero camaradas, y no santos. No ten-go confianza en los santos...

—¿Es verdad que tú acompañaste vo-luntariamente a aquellos sujetos a lasminas de plomo?

—Yo estaba en el campo —dijoKatow, cohibido—. Las minas y el cam-po, por allá se iban...

—Por allá se iban... No es verdad.

—¿Tú qué sabes?

—¡No es verdad! Y tú hubieras admi-tido a Chen.

—Yo no tengo hijos...

—Me parece que me sería me-nos... difícil hasta la idea de que melo matasen si no estuviera enfermo...Yo soy muy bruto. La verdad es queyo soy muy bruto. Y quizá no sea si-quiera t rabajador. Además. . . Mehago el efecto de un farol de gas enel que se mease todo el mundo.

Señaló de nuevo al piso de encima conun movimiento de su rostro aplastado,porque el niño gritaba otra vez. Katow nose atrevía a decir: «La muerte te va a dejarlibre.» Había sido la muerte la que le ha-bía libertado a él. Desde que Hemmelrichhabía comenzado a hablar, el recuerdo desu mujer se hallaba entre ellos. Cuandohabía vuelto de Siberia sin esperanzas,vencido, con sus estudios de medicinatruncados, convertido en obrero de unafábrica y seguro de que moriría antes dever la revolución, se había justificado tris-temente un resto de existencia, haciendosufrir a una obrerita que le amaba. Peroapenas ésta había aceptado los dolores queél le infligía cuando, seducido por cuantode conmovedor tiene el cariño del ser que

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souffre pour celui qui le fait souffrir, iln’avait plus vécu que pour elle,continuant par habitude l’actionrévolutionnaire, mais y emportantl’obsession de la tendresse sans limitescachée au coeur de cette vague idiote:des heures il lui caressait les cheveux,et ils couchaient ensemble toute lajournée. Elle était morte, et depuis...Cela, pourtant, était entre Hemmelrichet lui. Pas assez...

Par des paroles, il ne pouvait presquerien; mais au-delà des paroles, il y avaitce qu’expriment des gestes, des regards,la seule présence. Il savait d’expérienceque la pire souffrance est dans lasolitude qui l’accompagne. L’exprimeraussi délivre; mais peu de mots sontmoins connus des hommes que ceux deleurs douleurs profondes. S’exprimermal, ou mentir, donnerait à Hemmelrichun nouvel élan pour se mépriser: ilsouffrait surtout de luimême. Katow leregarda sans fixer son regard, tristement- frappé une fois de plus de constatercombien sont peu nombreux, etmaladroits, les gestes de l’affectionvirile

— Il faut que tu comprennessans que je dise r ien, di t - i l . I ln’y a r ien à dire .

Hemmelrich leva la main, la laissaretomber pesamment, comme s’il n’eûtpu choisir qu’entre la détresse etl’absurdité de sa vie. Mais il restait enface de Katow, envahi. [215]

« Bientôt, je pourrai repartir à larecherche de Tchen », pensait Katow.

6 heures.

— L’argent a été remis hier, ditFerral au colonel, en uniforme cettefois. Où en sommes-nous?

— Le gouverneur militaire a envoyéau général Chang-Kaï-Shek une trèslongue note pour demander ce qu’ildevait faire en cas d’émeute.

— Il veut être couvert?

Le colonel regarda Ferralpar-dessus sa taie, répondit seulement:« Voici la traducti-on ».

Ferral lut la pièce.

— J’ai même la réponse, dit lecolonel.

Il tendit une photo: au-dessus de lasignature de Chang-Kaï-Shek, deuxcaractères.

sufre hacia el que le hace sufrir, no había[180] vivido más que para ella, continuan-do, por costumbre, la acción revoluciona-ria, pero llevando a ella la obsesión delcariño sin límites oculta en el corazón deaquella oleada idiota. Durante horas y ho-ras le acariciaba los cabellos y permane-cían acostados juntos durante todo el día.Ella había muerto, y, luego... Aquello, sinembargo, quedaba entre Hemmelrich y él.No era bastante.

Con las palabras, no podía hacer casinada; pero, más allá de las palabras, es-taba lo que expresan los gestos, las mira-das, la misma presencia. Sabía, por ex-periencia, que el peor sufrimiento está enla soledad que lo acompaña. Expresarlotambién libera; pero pocas palabras sonmenos conocidas por los hombres que lasde sus dolores profundos. Expresarse malo mentir proporcionaría a Hemmelrich unnuevo impulso para despreciarse: su-fría, sobre todo, a causa de sí mismo.Katow le miró sin fijar en él la mira-da, con tristeza —conmovido, una vezmás, al comprobar cuán poco nume-rosos y torpes son los gestos del afec-to viril.

—Es preciso que lo comprendas sinque yo te diga nada —pronunció—. Nohay nada que decir.

Hemmelrich levantó la mano y la dejócaer de nuevo, pesadamente, como si nohubiera podido elegir más que entre la tris-teza y la absurdidad de su vida. Pero per-manecía enfrente de Katow, absorto.

«Bien pronto podré salir otra vez enbusca de Chen», pensaba Katow.

Las seis

—El dinero fue remitido ayer —dijoFerral al coronel, vestido de uniforme,esta vez—. ¿Dónde estamos?

—El gobernador militar ha enviado algeneral Chiang Kaishek una nota muylarga para que le diga lo que debe haceren caso de sublevación.

—¿Quiere estar a cubierto?

El coronel miró a Ferral por encima dela nube del ojo y respondió, solamente:

—Aquí está la traducción.

Ferral leyó el documento.

—Hasta tengo la respuesta —dijo elcoronel. [181]

Le tendió una foto: por encima dela firma de Chiang Kaishek, había doscaracteres.

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102 (p. 217). Un boy: dans ce contexte, jeunedomestique indigène au service des Blancs,des colons.

— Ça veut dire?

— Fusillez.

Ferral regarda, au mur, la carte deShanghaï, avec de grandes taches rougesqui indiquaient les masses des ouvrierset des misérables - les mêmes. « Troismille hommes de gardes syndicales,pensait-il, peutêtre trois cent millederrière; mais oseront-ils bouger? Del’autre côté, Chang-Kaï-Shek etl’armée... »

— Il va commencer par fusiller leschefs communistes avant toute émeute?demanda-t-il.

— Certainement. II n’y aura pasd’émeute: les communistes sont presquedésarmés et Chang-Kaï-Shek a sestroupes. La 1e division est au front :c’était la seule dangereuse. [216]

— Merci. Au revoir.

Ferral allait chez Valérie. Un boy(112) l’attendait à côté du chauffeur, unmerle dans une grande cage dorée surses genoux. Valérie avait prié Ferral delui faire ce cadeau. Dès que son autofut en marche, il tira de sa poche unelettre et la relut. Ce qu’il craignait depuisun mois se produisait: ses créditsaméricains allaient être coupés.

Les commandes du GouvernementGénéral de l’Indochine ne suffisaient plusà l’activité d’usines créées pour un mar-ché qui devait s’étendre de mois en moiset qui diminuait de jour en jour: lesentreprises industrielles du Consortiumétaient déficitaires. Les cours des actions,maintenus à Paris par les banques deFerral et les groupes financiers françaisqui leur étaient liés, et surtout parl’inflation, depuis la stabilisation dufranc descendaient sans arrêt. Mais lesbanques du Consortium n’étaient fortesque des bénéfices de ses plantations -essentiellement, de ses sociétés decaoutchouc. Le plan Stevenson * avait por-té de 16 cents à 112 le cours du caoutchouc.Ferral, producteur par ses hévéasd’Indochine, avait bénéficié de la haussesans devoir restreindre sa production,puisque ses affaires n’étaient pasanglaises. Aussi les banques américaines,sachant d’expérience combien le plancoûtait à l’Amérique, principalconsommateur, avaient-elles volontiersouvert des crédits garantis par lesplantations. Mais la production indigènedes Indes Néerlandaises, la menace deplantations américaines aux Philippines,au Brésil, au Liberia, menaientmaintenant [217] à l’effondrement lescours du caoutchouc; les banquesaméricaines cessaient donc leurs crédits

—¿Eso qué quiere decir?

— Fusilad.

Ferral contempló, en la pared, elmapa de Shanghai, con grandes manchasrojas que indicaban las masas de obre-ros y de miserables —las mismas—.«Tres mil hombres de las guardias sin-dicales —pensaba—, y quizá trescien-tos mil detrás; pero, ¿se atreverá a mo-verse? Al otro lado, Chiang Kaishek yel ejército...»

—¿Va a comenzar a fusilar a los jefescomunistas, antes de toda sublevación?—preguntó.

—Seguramente. No habrá subleva-ción: los comunistas están casi desar-mados, y Chiang Kaishek tiene sus tro-pas. La lª división está en el frente: erala única peligrosa.

—Gracias. Adiós.

Ferral iba a casa de Valeria. Un boy leesperaba al lado del chófer, con un mirlodentro de una gran jaula dorada sobre lasrodillas. Valeria le había rogado a Ferralque le llevase aquel pájaro. En cuantosu auto estuvo en marcha, sacó del bolsi-llo una carta y la releyó. Lo que temíadesde hacía un mes se producía: sus cré-ditos americanos iban a ser cortados.

Los pedidos del Gobierno General dela Indochina no bastaban ya a la activi-dad de las fábricas creadas para un mer-cado que debía extenderse de mes en mesy que disminuía de día en día: las empre-sas industriales del Consorcio tenían dé-ficit. Los precios de las acciones, mante-nidos en París por los bancos de Ferral ypor los grupos financieros franceses quele eran adictos, y, sobre todo, por la in-flación, desde la estabilización del fran-co, descendían sin cesar. Pero los bancosdel Consorcio sólo eran fuertes por losbeneficios de sus plantaciones —esen-cialmente de las sociedades de caucho—. El plan Stevenson (1) había elevado de16 a 112 el precio del caucho. Ferral, pro-ductor por medio de sus haveas deIndochina, se había [182] beneficiado conel alza sin tener que restringir su produc-ción, puesto que sus negocios no eraningleses. Así, pues, los bancos america-nos, sabiendo, por experiencia, cuántocostaba aquel plan a América, principalconsumidor, habían abierto de buen gra-do unos créditos, garantizados con lasplantaciones. Pero la producción indíge-na de las Indias Neerlandesas y la ame-naza de plantaciones americanas en Fili-pinas, en el Brasil y en Liberia producían,a la sazón, el desmoronamiento de losprecios del caucho; los bancos america-nos cesaban, pues, en sus créditos por las

1. Restricción de la producción de caucho en todoel Imperio británico (principal productor del mun-do), destinada a aumentar su precio, que había lle-gado a ser inferior al costo de fábrica.* Restriction de la production du caoutchouc danstout l’Empire britannique (principal producteur dumonde) destinée à relever le cours du caoutchouc,tombé alors au-dessous du prix de revient.

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pour les mêmes raisons qu’elles lesavaient accordés. Ferral était atteint àla fois par le krach de la seule matièrepremière qui le soutînt -il s’était faitouvrir des crédits, il avait spéculé, nonsur la valeur de sa production mais surcelle des plantations mêmes, par lastabilisation du franc qui faisait baissertous ses titres (dont une quantitéappartenait à ses banques résolues àcontrôler le marché) et par lasuppression de ses crédits américains.Et il n’ignorait pas que, dès que cettesuppression serait connue, tous lesmargoulins de Paris et de New Yorkprendraient position à la baisse sur sestitres; position trop sûre... Il nepouvait être sauvé que pour desraisons morales; donc, que par legouvernement français.

L’approche de la faillite apporte auxgroupes financiers une conscience intensede la nation à laquelle ils appartiennent.Habitués à voir « dépouiller l’épargne »,les gouvernements n’aiment pas à la voirdépouiller de son espoir: une épargne quipense, avec le tenace espoir du joueur,retrouver quelque jour son argent perdu,est une épargne à demi consolée. Il étaitdonc difficile à la France d’abandonnerle Consortium, après la BanqueIndustrielle de Chine. Mais pour queFerral pût lui demander aide, il fallaitqu’il ne fût pas sans espoir: il fallaitavant tout que le communisme fûtécrasé en Chine. Chang-Kaï-Shekmaître des provinces, c’était laconstruction du chemin de fer chinois:l’emprunt prévu était de trois milliardsde francs-or, ce qui faisait beaucoup demillions de francs-papier. Certes, il nerecevait pas seul la commande dumatériel, pas plus qu’aujourd’hui il nedéfendait seul Chang-Kaï-Shek; [218]mais il serait du jeu. De plus, lesbanques américaines craignaient letriomphe du communisme chinois; sachute modifierait leur politique.Français, Ferral disposait en Chine deprivilèges: « Il n’était pas question quele Consortium ne participât pas à laconstruction du chemin de fer. » Pourtenir, il était fondé à demander augouvernement une aide que celui-cipréférerait à un nouveau krach: si sescrédits étaient américains, ses dépôts etses actions étaient français. Ses cartesne pouvaient toutes gagner pendant unepériode de crise chinoise aiguë : mais,de même que le plan Stevenson avaitassuré en son temps la vie duConsortium, de même la victoire duKuomintang devait l’assureraujourd’hui. La stabilisation du franc avaitjoué contre lui: la chute du communismechinois jouerait pour lui...

Ne fe ra i t - i l tou te sa v ie

mismas razones por las cuales antes loshabían concedido. Ferral quedaba afec-tado a la vez por el crac de la única ma-teria prima que le hubiera sostenido —sise hubiese hecho abrir unos créditos, ha-bría especulado, no con el valor de suproducción, sino con el de las plantacio-nes mismas—; por la estabilización delfranco, que hacía bajar a todos sus títu-los (una cantidad de los cuales pertene-cía a sus bancos, resueltos a fiscalizar elmercado), y por la supresión de sus cré-ditos americanos. Y no ignoraba que, encuanto esta suspensión fuese conocida,todos los compradores provincianos deParís y de Nueva York tomarían posicio-nes ante la baja de sus títulos; posicionesdemasiado seguras... No podía ser salva-do más que por razones morales; en con-secuencia, sólo por el gobierno francés.

La proximidad de la quiebra trae a losgrupos financieros una conciencia inten-sa de la nación a la cual pertenecen. Acos-tumbrados a ver «despojar el ahorro», losgobiernos no gustan de verse despojarde sus esperanzas: un ahorro que, conla tenaz esperanza del jugador, piensarecuperar algún día su dinero perdido,es un ahorro consolado a medias.Érale, pues, difícil a Francia abando-nar el Consorcio y después el BancoIndustrial de China. Pero para que Ferralpudiese pedirle ayuda, era necesario queno estuviese sin esperanza; era preciso,ante todo, que fuese aniquilado el comu-nismo en China. Dueño Chiang Kaishekde las provincias, se llevaría a efectola construcción del ferrocarril chino;el empréstito previsto era de tres milmillones de francos, lo que suponíamuchos millones de francos papel.Seguramente, no recibiría sólo el pe-dido de material, si bien tampoco de-fendía ahora sólo a Chiang [183]Kaishek; pero ello supondría un bo-nito juego. Además, los bancos ame-ricanos temían el triunfo del comu-nismo; su caída modificaría su polí-tica. Como francés, Ferral disponía enChina de privilegios: «no era cosa deque el Consorcio no participase enla construcción del ferrocarril» A finde conseguirlo, estaba autorizado parapedir al gobierno una ayuda que ésteprefería a un nuevo crac: sus créditoseran americanos; sus depósitos y susacciones eran franceses. Sus cartas nopodían ganar todas durante un perío-do de crisis china aguda; pero, delmismo modo que el plan Stevensonhabía asegurado a tiempo la vida delConsorcio, así la victoria delKuomintang debía asegurarlo hoy.La estabilización del franco habíajugado contra él; la caída del comu-nismo chino jugaría para él...

¿No haría durante toda su vida más

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qu’attendre au passage, pour profiterde leur force, ces poussées del’économie mondiale qui commençaientcomme des offrandes et finissaientcomme des coups de tête dans le ventre?Cette nuit, que ce fût dans la résistance,la victoire ou la défaite, il se sentaitdépendant de toutes les forces du mon-de. Mais il y avait cette femme dont ilne dépendait pas, qui dépendrait tout àl’heure de lui: l’aveu de soumission dece visage possédé, comme une mainplaquée sur ses yeux lui cacherait lescontraintes enchevêtrées sur lesquellesreposait sa vie. Il l’avait revue dansquelques salons (elle n’était revenue deKyoto que depuis trois jours) retenu et irri-té chaque fois de la coquetterie tendrementinsolente par quoi elle stimulait son désir;elle avait accepté de le retrouver cette nuit.Dans son besoin illimité d’être préféré -on admire plus facilement, plustotalement, d’un sexe à l’autre, - sil’admiration devenait incertaine, il faisait[219] appel à l’érotisme pour la raviver.

_____ Et ce qui en elle s’opposait à luiirritait le plus sa sensualité. Tout celatrès trouble, car c’était de son besoin des’imaginer à sa place dès qu’ilcommençait à toucher son corps qu’iltirait sa sensation aiguë de possession.Mais un corps conquis avait d’avancepour lui plus de goût qu’un corps livré, -plus de goût que tout autre corps.

Il quitta sa voiture et entra àl’Astor, suivi du boy qui portait sacage au bout du bras avec dignité. Ily avait sur la terre des millionsd’ombres: les femmes dont l’amourne l’intéressait pas - et un adversairevivant: la femme dont il voulait êtreaimé. Son orgueil appelait un orgueilennemi comme le joueur passionnéappelle un autre joueur pour lecombattre, et non la paix. Du moinsla part ie étai tel le ce soir bienengagée, puisqu’ils allaient d’abordcoucher ensemble.

Dès le hall un employé européens’approcha de lui.

— Madame Serge fait dire àmonsieur Ferral qu’elle ne rentrera pascette nuit, mais que ce monsieur luiexpliquera.

Ferral, interloqué, regarda « cemonsieur », assis de dos, à côté d’unparavent. L’homme se retourna : ledirecteur d’une des banques anglaises,qui depuis un mois c o u r t i s a i tValérie. À côté de lui, derrière le

que esperar al paso, para aprovecharse desu fuerza, aquellos empujones de la eco-nomía mundial que comenzaban comoofrendas y acababan como cabezazosen el vientre? Aquella noche, cualquie-ra que fuese la resistencia, la victoriao la derrota, se sentía dependiente detodas las fuerzas del mundo. Pero te-nía a aquella mujer, de la que no de-pendía, sino que dependería ahora mis-mo de él; la confesión de sumisión deaquel rostro poseído, como una manoaplicada sobre sus ojos, le ocultaríalas enrevesadas sujeciones sobre lascuales buscaba su vida. Había vueltoa verla en algunos salones (hacía sólo tresdías que había regresado de Kyoto), rete-nido e irritado siempre ante la repulsa detoda sumisión con que ella estimulaba sudeseo, si bien había accedido a dormir conél aquella noche. En su necesidad limita-da de ser preferido —se admira más fácil-mente y más totalmente de un sexo alotro—, si la admiración se hacía insegu-ra, recurría al erotismo para reanimarla.Por eso había observado a Valeria mien-tras copulaba con ella: hay mucha certi-dumbre en los labios hinchados por el pla-cer. Detestaba la coquetería, sin la cualValeria ni siquiera hubiera existido antesus ojos: lo que en ella se oponía a él, irri-taba más su sensualidad. Todo ello muyturbio, pues necesitaba imaginarse en supuesto, en cuanto comenzaba a tocar sucuerpo, que excitaba su sensación agudade posesión. Pero un cuerpo conquistadotenía de antemano [184] para él más atrac-tivo que un cuerpo entregado —másatractivo que cualquier otro cuerpo.

Abandonó su coche y entró en el Astor,seguido del boy, que llevaba su jaula enla extremidad del brazo, con dignidad.Había sobre el suelo millares de sombras:las mujeres cuyo amor no le interesaba—y un adversario vivo: la mujer porquien quería ser amado—. La idea deposesión total se había fijado en él, y suorgullo llamaba a un orgullo enemigo,como el jugador apasionado llama a otrojugador para el combate, y no la paz. Almenos la partida aquella noche estababien formada, puesto que, desde luego,iban a acostarse juntos.

Desde el hall, un empleado europeose aproximó a él y le dijo:

—La señora Serge ha encargado sediga al señor Ferral que no volveráesta noche, pero que ese caballero leexplicará.

Desconcertado, Ferral contempló a«aquel caballero», sentado de espaldas,junto a un biombo. El hombre se volvió:era el director de uno de los bancos in-gleses, que, desde hacía un mes, corteja-ba a Valeria. A su lado, detrás del biom-

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paravent, un boy tenait, non moinsdignement que celui de Ferral, un merledans une cage. L’Anglais se leva, ahuri,serra la main de Ferral, en lui disant :

— Vous devriez m’expliquer,monsieur...

Ils comprirent ensemble qu’ils étaientmystifiés. Ils se regardaient, au milieu dessourires sournois des boys et de la gra-vité, trop grande pour être naturelle, desemployés blancs. C’était l’heure du coc-ktail, et tout Shanghaï était là. Ferralse sentait le plus ridicule: l’Anglaisétait presque un jeune homme. [220]

Un mépris aussi intense que lacolère qui l’inspirait compensainstantanément l’infériorité qui lui étaitimposée. Il se sentit entouré de la vraiebêtise humaine, celle qui colle, qui pèseaux épaules; les êtres qui le regardaientétaient les plus haïssables crétins de laterre. Pourtant, ignorant ce qu’ilssavaient, il les supposait au courant detout et se sentait, en face de leur ironie,écrasé par une paralysie toute tenduede haine.

— C’est pour un concours?demandait son boy à l’autre.

— Sais pas.

— Le mien, c’est un mâle.

— Oui. Le mien, une femelle.

— Ça doit être pour ça.

L’Anglais s’inclina devant Ferral, sedirigea vers le portier. Celui-ci lui remitune lettre. Il la lut, appela son boy, tiraune carte de visite de son portefeuille,la fixa à la cage, dit au portier: « PourMadame Serge » et sortit.

Ferral s’efforçait de réfléchir, de sedéfendre. Elle l’avait atteint à son pointle plus sensible, comme si elle lui eûtcrevé les yeux pendant son sommeil:elle le niait. Ce qu’il pouvait penser,faire, vouloir, n’existait pas. Cette scèneridicule était, rien ne ferait qu’elle n’eûtpas été. Lui seul existait dans un mon-de de fantômes, et c’était lui,précisément lui, qui était bafoué. Et parsurcroît - car il ne pensait pas à uneconséquence, mais à une succession dedéfaites, comme si la rage l’eût rendumasochiste - par surcroît, il necoucherait pas avec elle. De plus en plusavide de se venger sur ce corps ironique,il restait là seul, en face de ces abrutiset de son boy indifférent, la cage au boutdu bras. Cet oiseau était une constanteinsulte. Mais il fallait, avant tout, rester.Il [221] commanda un cocktail et alluma

bo, un boy sostenía, no menos dignamen-te que el de Ferral, un mirlo en una jaula.El inglés se levantó, aturdido, y estrechóla mano de Ferral, diciéndole:

— D e b e r í a u s t e d e x p l i c a r m ecaba l le ro . . .

Comprendieron ambos que habíansido burlados. Se contemplaban, entre lasonrisa burlona de los boys y la grave-dad, demasiado grande para ser natural,de los empleados blancos. Era la hora delcocktail, y todo Shanghai estaba allí...Ferral se sentía en el mayor de los ridícu-los: el inglés era casi un muchacho.

Un desprecio tan intenso como la có-lera que lo inspiraba compensó instantá-neamente la inferioridad que le era im-puesta. Se sintió rodeado de la verdaderaestupidez humana, la que se adhiere ypesa sobre las espaldas: los seres que lecontemplaban eran los más odiosos cre-tinos de la tierra. Sin embargo, ignoran-do lo que sabían, les suponía al corrientede todo, y, frente a su ironía, se sentíaaplastado por una parálisis de intensoodio.

—¿Es para un concurso? —pregunta-ba su boy al otro. [185]

—No sé.

—El mío es un macho.

—Sí. El mío, una hembra.

—Debe ser para eso.

El inglés se inclinó ante Ferral y sedirigió al portero. Éste le entregó lacarta. La leyó, llamó a su boy, sacóde su cartera una tarjeta de visita, lacolocó en la jaula, dijo al portero:«Para la señora Serge» y salió.

Ferral se esforzaba por reflexionar ypor defenderse. Ella le había herido ensu punto más sensible, como si le hu-biese saltado los ojos durante el sueño:le negaba. Lo que podía pensar, hacer, oquerer, no existía. Aquella escena eraridícula, y nada haría que no lo fuese.Él sólo existía en el mundo de los fan-tasmas, y era él, precisamente él, quienresultaba befado. Y, para colmo —por-que no pensaba en una consecuencia,sino en una sucesión de derrotas, comosi la rabia le hubiese vuelto un maso-quista—: para colmo, no se acostaría conella. Cada vez más ávido de vengarseen aquel cuerpo irónico, permanecía allí,solo, frente a aquellos brutos y ante suboy indiferente, con la jaula en el extre-mo del brazo. Aquel pájaro era un cons-tante insulto. Pero era preciso, ante todo,quedarse. Pidió un cocktail, encendió un

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103 (p. 222). Babouches (mot d’originepersane): pantoufles de cuir, servant dechaussures dans les pays de l’Islam.

une cigarette, puis demeura immobile,occupé à casser, dans la poche de sonveston, l’allumette entre ses doigts. Sonregard rencontra un couple. L’hommeavait le charme que donne l’union descheveux gris et d’un visage jeune; lafemme, gentille, un peu magazine, leregardait avec une reconnaissanceamoureuse faite de tendresse ou desensualité. « Elle l’aime, pensa Ferralavec envie. Et c’est sans doute quelquevague crétin, qui peut-être dépend d’unede mes affaires... » Il fit appeler leportier.

— Vous avez une lettre pour moi.Donnez-la.

Le portier, étonné mais toujourssérieux, tendit la lettre.

Savez-vous, cher, que les femmespersanes, lorsque la colère les prend,battent leurs maris avec leursbabouches (222) à clous? Elles sontirresponsables. Et puis, n est-ce pas,elles retournent ensuite à la vie ordinaire,celle où pleurer avec un homme ne vousengage pas, mais où coucher avec luivous livre - croyezvous? - la vie où l’on« a » les femmes. Je ne suis pas unefemme qu’on a, un corps imbécileauprès duquel vous trouvez votre plaisiren mentant comme aux enfants et auxmalades. Vous savez beaucoup dechoses, cher, mais peut-êtremourrez-vous sans vous être aperçuqu’une femme est aussi un être humain.J’ai toujours rencontré (peut-être nerencontrerai-je jamais que ceux-là, maistant pis, vous ne pouvez savoir combienje dis tant pis!) des hommes qui m’onttrouvé du charme, qui se sont donné unmal si touchant pour mettre en valeurmes folies, mais qui savaient si bienrejoindre leurs amis dès qu’il s’agissaitde vraies choses humaines (saufnaturellement pour être consolés). Mescaprices, il me les faut non seulement[222] pour vous plaire, mais même pourque vous m’entendiez quand je parle; macharmante folie, sachez ce qu’elle vaut:elle ressemble à votre tendresse. Si ladouleur avait pu naître de la prise quevous vouliez avoir sur moi, vous nel’auriez même pas reconnue ....

J’ai rencontré assez d’hommes poursavoir ce qu’il faut penser des passades: aucune chose n’est sans importancepour un homme dès qu’il y engage sonorgueil, et le plaisir est un mot quipermet de 1 assouvir plus vite et plussouvent. Je me refuse autant à être uncorps que vous un carnet de chèques.Vous agissez avec moi comme lesprostituées avec vous: « Parle, maispaie... » ... Je suis aussi ce corps quevous voulez que je sois seulement; bon,

cigarrillo; luego, permaneció inmóvil,ocupado en quebrar, dentro del bolsillode la americana, la cerilla entre los de-dos. Su mirada descubrió una pareja. Elhombre tenía el encanto que ofrece launión de los cabellos grises y un sem-blante juvenil; la mujer, gentil, un pocode almacén, lo contemplaba con un re-conocimiento amoroso, hecho de ternu-ra o de sensualidad. «Lo ama —pensóFerral, con envidia—. Y, sin duda, serácualquier oscuro cretino, que quizá de-penda de uno de mis negocios...» Man-dó llamar al portero.

—Tiene usted una carta para mí. Dé-mela.

El portero, asombrado, aunque siem-pre respetuoso, le alargó la carta.

¿Sabe usted, querido, que las muje-res persas, cuando son atacadas por laira, zurran a sus maridos con sus babu-chas erizadas de clavos? Son irrespon-sables. Y luego, ¿no es así?, vuelven ala vida ordinaria, a aquella en la [186]que llorar con un hombre no las com-promete, sino en la que acostarse con éllas liberta —¿cree usted?—; la vida enla que se «tiene» a las mujeres. Yo nosoy una mujer que se tiene, un cuerpoimbécil en el que usted encuentre su pla-cer, mintiéndole como a los niños y alos enfermos. Usted sabe muchas cosas,querido, pero quizá se muera sin haber-se dado cuenta de que una mujer es tam-bién un ser humano. Siempre he encon-trado (quizá no encuentre nunca más quea ellos, pero tanto peor; ¡no puede us-ted suponerse cuántas veces digo tantopeor!) hombres que han hallado encan-tos en mí, que se han tomado un trabajoharto conmovedor por poner en prácti-ca mis locuras; pero que sabían muybien unirse a sus amigos en cuanto setrataba de verdaderas cosas humanas(salvo, naturalmente para ser consola-dos). Mis caprichos los necesito, no sólopara agradarle, sino incluso para queusted me entienda, cuando hablo; miencantadora locura, sepa usted lo quevale: se parece a su ternura. Si el dolorhubiera podido nacer de la presa quequería usted hacer de mí, ni siquiera lohabría usted reconocido...

He conocido a bastantes hombres parasaber lo que hay que pensar de los capri-chos: ninguna cosa deja de tener impor-tancia para un hombre, en cuanto com-promete su orgullo, y el placer es una pa-labra que permite hartarse de ella lo máspronto y con la mayor frecuencia. Me nie-go, por tanto, a ser un cuerpo, como usteda ser un talonario de cheques. Usted obraconmigo como las prostitutas con usted:«Habla, pero paga...» Soy también esecuerpo que usted quiere que sea solamen-

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bon... Il ne m est pas toujours facile deme défendre contre l’idée qu’on a de moi.Votre présence me rapproche de moncorps avec irritation comme le printempsm’en rapproche avec joie. À propos deprintemps, amusez-vous bien avec lesoiseaux. Et tout de même, la prochainefois laissez donc les interrupteursd’électricité tranquilles.

V…

I l s ’ a f f i rma i t qu ’ i l ava i tconstruit des routes, transformé unpays, arraché aux pai l lotes deschamps les mill iers de paysansn i c h é s dans des hunes de tôleondulée autour de ses usines, - commeles féodaux, comme les déléguésd’empire; dans sa cage, le merle avaitl’air de rigoler. La force de Ferral, salucidité, l’audace qui avait transformél’Indochine et dont la lettred’Amérique venait de lui faire sentirle poids écrasant, aboutissaient à cetoiseau ridicule comme l’univers entier,et qui se foutait incontestablement delui. « Tant d’importance accordée à unefemme. » Ce n’était pas de la femmequ’il s’agissait. [223] Elle n’étaitqu’un bandeau arraché: il s’était jetéde toute sa force contre les limites desa volonté. Son excitation sexuelledevenue vaine nourrissait sa colère,le jetait dans l’hypnose étouffante oùle ridicule appelle le sang. On ne sevenge vite que sur les corps.Clappique lui avait raconté l’histoiresauvage d’un chef afghan dont lafemme était revenue, violée par unchef voisin, avec la lettre: « Je te rendsta femme, elle n’est pas si bien qu’onle dit », et qui, ayant pris le violateur,l’avait attaché devant la femme nuepour lui arracher les yeux, en lui disant: « Tu l’as vue et méprisée, mais tu peuxjurer que tu ne la verras plus jamais. »Il s’imagina dans la chambre deValérie, elle attachée sur le lit, criantjusqu’aux sanglots si proches des crisde plaisir, ligotée, se tordant sousla possession de la souffrance,puisqu’elle ne le faisait pas sousune autre... Le portier attendait. «I l s ’ a g i t d e r e s t e r i m p a s s i b l ec o m m e c e t i d i o t , à q u i j ’ a ipourtant envie de flanquer une pairede gifles ». L’idiot ne souriait pas lemoins du monde. Ce serait pour plustard. Ferral dit: « Je reviens dans uninstant », ne paya pas son cocktail,laissa son chapeau et sortit.

— Chez le plus grand marchandd’oiseaux, dit-il au chauffeur.

C’était tout près. Mais le magasinétait fermé.

— Dans ville chinoise, dit le

te: lo sé. No siempre me es fácil defen-derme contra la idea que se tiene .de mí.Su presencia me aproxima a mi cuerpocon disgusto, como la primavera meaproxima a él con júbilo. A propósito dela primavera, que se divierta usted mu-cho con los pájaros. Y, desde luego, lapróxima vez deje usted tranquilos a losinterruptores de la luz.

V.

Se afirmaba que Ferral había construi-do carreteras, transformado un país yarrancado a los paillottes de los camposde millares de campesinos cobijados enchozas [187] de palastro ondulado al-rededor de sus fábricas —como los feu-dales, como los delegados de imperio—; en su jaula, el mirlo parecía reírse deél. La fuerza de Ferral, su lucidez, laaudacia que había transformado laIndochina y cuyo peso abrumador aca-baba de hacerle sentir la carta de Amé-rica, se reflejaban en aquel pájaro ridí-culo, como el universo entero que semofase incontestablemente de él. «Tan-ta importancia concedida a una mujer.»No era de la mujer de lo que se trataba.Ella no era más que una venda arranca-da: él se había lanzado con toda su fuer-za contra los límites de su voluntad.Hecha vana su excitación sexual, ali-mentaba su cólera y le arrojaba en lahipnosis asfixiante donde el ridículo in-voca a la sangre. Nadie se venga conrapidez más que en los cuerpos.Clappique le había referido la historiasalvaje de un jefe afgano, cuya mujerhabía vuelto, violada por un jefe vecino,con esta inscripción: «Te devuelvo a tumujer; no está tan bien como dicen», y elcual, habiendo cogido al violador, le ha-bía atado delante de la mujer desnudapara arrancarle los ojos, diciéndole: «Túla has visto y la has despreciado; peropuedes jurar que no volverás a verla nun-ca.» Se imaginó en la habitación deValeria, ésta atada sobre el lecho, gritan-do hasta llegar a los sollozos tan próxi-mos a los gritos de placer, fuertementeamarrada, retorciéndose bajo la posesióndel sufrimiento, puesto que no lo hacíabajo la posesión del sexo... El porteroesperaba. «Se trata de permanecer impa-sible, como ese idiota, a quien, sin em-bargo, me dan ganas de propinarle un parde bofetadas.» El idiota no sonreía pornada del mundo. Sería para más tar-de. Ferral dijo: «Vuelvo dentro de uninstante.» No pagó su cocktail, dejósu sombrero y salió.

—A casa del mejor vendedor de pája-ros —dijo al chófer.

Estaba muy cerca. Pero el almacén sehallaba cerrado.

—En la ciudad china —dijo el chó-

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chauffeur, y en avoir rue marchandsd’oiseaux.

— Va.

Tandis que l’auto avançait,s’installait dans l’esprit de Ferral laconfession, lue dans quelques bouquinsde médecine, d’une femme affolée dudésir d’être flagellée, prenantrendez-vous par lettre avec un inconnuet découvrant avec épouvante qu’ellevoulait s’enfuir à l’instant même où,couchée sur le lit [224] d’hôtel,l’homme armé du fouet paralysaittotalement ses bras sous ses jupesrelevées. Le visage était invisible, maisc’était celui de Valérie. S’arrêter aupremier bordel chinois venu? Non:aucune chair ne le délivrerait de l’orgueilsexuel bafoué qui le ravageait.

L’auto dut s’arrêter devant lesbarbelés. En face, la ville chinoise,très noire, fort peu sûre. Tant mieux.Ferral abandonna l’auto, fit passerson revolver dans la poche de sonveston, espérant quelque attaque :on tue ce qu’on peut.

La rue des marchands d’animauxétait endormie; tranquillement, le boyfrappa au premier volet, en criant «Acheteur,» : les marchands craignaientles soldats. Cinq minutes après onouvrait; dans la magnifique ombrerousse des boutiques chinoises, autourd’une lanterne, quelques bonds étouffésde chats ou de singes puis desbattements d’ailes annoncèrent le réveildes bêtes. Dans l’ombre, des tachesallongées, d’un rose sourd: desperroquets attachés à des bâtons.

— Combien tous ces oiseaux?

— Les oiseaux seulement? Huitcents dollars.

C’était un petit marchand, qui nepossédait pas d’oiseaux rares. Ferral sortitson carnet de chèques, hésita: le marchandvoudrait de l’argent. Le boy comprit. «C’est M. Ferral, dit-il; l’auto est là-bas. »Le marchand sortit, vit les phares de l’auto,griffés par les barbelés.

— Ça va.

Cette confiance, preuve de son autorité,exaspérait Ferral; sa force, évidentejusqu’à la connaissance de son nom parce boutiquier, était absurde puisqu’il nepouvait faire appel à elle. Pourtantl’orgueil, aidé par l’action dans laquelle ils’engageait et par l’air froid [225] de lanuit, revenait à son aide: colère etimagination sadiques se désagrégeaient enécoeurement, bien qu’il sût qu’il n’en avait

fer—, haber calles vendedores de pája-ros.

—Ve.

Mientras el auto avanzaba, se insta-laba en la imaginación de Ferral la con-fesión leída en cualquier libro viejo[188] de medicina, de una mujer locapor el deseo de ser flagelada, citándosepor carta con un desconocido y descu-briendo con espanto que quería huir enel instante mismo en que, echada sobrela cama del hotel, el hombre, armadode un látigo, paralizaba totalmente subrazo bajo sus faldas levantadas. Elrostro era invisible; pero se lo atribuíaa Valeria. ¿Detenerse en el primer bur-del chino que encontrase? No; ningunacarne le libraría del orgullo sexual escar-necido, que le desolaba.

El auto tuvo que detenerse ante lasalambradas. Enfrente, la ciudad china,muy oscura, muy poco segura. Tantomejor. Ferral abandonó el auto e hizopasar su revólver al bolsillo de la ameri-cana, esperando cualquier ataque: se matalo que se puede.

La calle de los vendedores de anima-les estaba dormida; tranquilamente, elboy llamó en el primer postigo gritando«Comprador»; los comerciantes temíana los soldados. Cinco minutos después,abrían; en la magnífica sombra roja delas tiendas chinas, alrededor de una lin-terna, algunos saltos ahogados de gatoso de monos, y luego unas sacudidas dealas anunciaron el despertar de los ani-males. En la sombra, unas manchas alar-gadas, de un rosa sordo: papagayos ata-dos a unas estacas.

—¿Cuánto valen todos esos pájaros?

—¿Los pájaros solamente? Ochocien-tos dólares.

Era un comerciante modesto, que noposeía pájaros raros. Ferral sacó su talo-nario de cheques, vaciló: el comerciantequerría dinero. El boy comprendió: «Es elseñor Ferral —dijo—; el auto está allá.»El comerciante salió, vio los faros del auto,arañados por las alambradas.

—Bueno.

Aquella confianza, prueba de su au-toridad, exasperaba a Ferral; su fuerza,evidente hasta en el conocimiento de sunombre por aquel vendedor, era absur-da, puesto que no podía recurrir a ella.Sin embargo. el orgullo, ayudado por laacción en que se enfrascaba y por el airefrío de la noche, volvía en su ayuda:cólera o imaginaciones sádicas se dis-gregaban en náuseas, aunque sabía que

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pas fini avec elles.

— J’ai aussi un kangourou, dit lemarchand.

Ferral haussa les épaules. Mais déjàun gosse, réveillé lui aussi, arrivait,le kangourou dans ses bras. C’était unanimal de très petite taille, velu, quiregarda Ferral de ses yeux de bicheépouvantée.

— Bon.

Nouveau chèque.

Ferral revint lentement vers l’auto.Il fallait avant tout que, si Valérieracontait l’histoire des cages elle n’ymanquerait pas -il suffit qu’il enracontât la fin pour échapper auridicule. Marchand, gosse, boyapportaient les petites cages, lesdisposaient dans l’auto, retournaienten chercher d’autres; enfin, derniersanimaux, le kangourou et lesperroquets, apportés dans des cageotsronds. Au-delà de la ville chinoise,quelques coups de feu. Très bien: pluson se battrait, mieux ça vaudrait.L’auto repartit , sous les yeuxstupéfaits du poste.

A l’Astor , Ferral fit appeler ledirecteur.

— Veuillez monter avec moi dans lachambre de madame Serge. Elle estabsente, et je veux lui faire une surprise.

Le directeur masqua son étonnement,et plus encore sa réprobation: l’Astordépendait du Consortium. La seuleprésence d’un Blanc à qui parlait Ferralle dégageait de son univers humilié,l’aidait à revenir parmi « les autres » ; lemarchand chinois et la nuit l’avaient laissédans son obsession; il n’en était pastotalement délivré maintenant, mais dumoins ne le dominait-elle plus seule.

Cinq minutes plus tard, il faisaitdisposer les cages dans la chambre. Tousles objets précieux étaient [226] rangésdans les armoires, dont l’une n’était pasfermée. Il prit, sur le lit, pour le lancer dansl’armoire, un pyjama de nuit étalé, mais àpeine touchait-il la soie tiède qu’il luisembla que cette tiédeur, à travers son bras,se communiquait à tout son corps et quel’étoffe qu’il étreignait avait recouvertexactement le sein: les robes, lespyjamas pendus dans l’armoireentrouverte, retenaient en eux quelquechose de plus sensuel peut-être que lecorps même de Valérie. Il faillitdéchirer ces vêtements encore saturésde présence. S’il eût pu emporter lepyjama, il l’eût fait. Il le lança enfin

no había acabado con ellas.

—Tengo también un canguro —dijoel comerciante. [189]

Ferral se encogió de hombros. Pero yallegaba un muchacho, despertado tam-bién, con el canguro en brazos. Era unanimal muy pequeño, velludo, que con-templó a Ferral con ojos de cierva es-pantada.

—Bueno.

Nuevo cheque.

Ferral volvió con lentitud hacia elauto. Ante todo, era preciso que siValeria refería la historia de las jaulas—no dejaría de hacerlo— bastara querefiriera el final para escapar al ridícu-lo. El comerciante, el muchacho, el boyllevaban las pequeñas jaulas, las colo-caban en el auto y volvían en busca deotras; por fin, llevaron los últimos ani-males, el canguro y los papagayos, en-cerrados en unas jaulas redondas. Másallá de la ciudad china sonaron algu-nos disparos. Muy bien: cuanto más sebatieran, más valdría aquello. El autoregresó, bajo los ojos estupefactos delpuesto de guardia.

En el Astor, Ferral mandó llamar aldirector.

—Haga el favor de subir conmigo a lahabitación de la señora Serge. Está ausen-te, y quiero prepararle una sorpresa.

El director disimuló su asombro ymás aún su reprobación: el Astor depen-día del Consorcio. La única presencia deun blanco, a quien hablaba Ferral, le redi-mía de su universo humillado, le ayudabaa volver entre «los otros»; el comerciantechino y la noche le habían dejado en suobsesión; no se había librado totalmentede ella ahora; pero por lo menos, ya no ledominaba ella sola.

Cinco minutos después, mandaba co-locar las jaulas en la habitación. Todoslos objetos preciosos se hallaban alinea-dos en los armarios, uno de los cuales noestaba cerrado. Cogió de encima de lacama un pijama, para echarlo en el ar-mario; pero apenas hubo tocado la sedatibia, le pareció que aquella tibieza, a tra-vés de su brazo, se comunicaba a todo sucuerpo, y que la tela que estrujaba habíarecubierto exactamente los senos: losvestidos, los pijamas, colgados en el ar-mario entreabierto, retenían en sí algomás sensual, quizá, que el cuerpo mismode Valeria. Estuvo a punto de hundir surostro en aquel pijama y oprimir o des-garrar, como si los hubiese penetrado,[190] aquellos vestidos, saturados aún de

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104 (p. 227). Omphale: reine de Lydie qui,selon la légende, obligea Hercule à porterdes robes de femme et à filer la laine à sespieds.

105 (p. 227). Déjanire: princesse légendairequi, par jalousie, provoqua la mort d’Hercule,son époux.

dans l’armoire, dont le boy ferma laporte. À l’instant même où le pyjamaquittait sa main, la légende d’Herculee t d ’Omphale (104) envah i tbrusquement son imagination, -Hercule habillé en femme d’étoffeschi ffonnables e t t ièdes commecelle-ci, humilié et satisfait de sonhumiliation. En vain il fit appel auxscènes sadiques qui tout à l’heures’étaient imposées à lui: l’hommebattu par Omphale et par Déjanire(105) pesait sur toute sa pensée, lanoyait dans une jouissance humiliée.Un pas s’approcha. Il toucha son re-volver dans sa poche. Le pass’affaiblit au-delà de la porte, la mainde Ferral changea de poche et il tiranerveusement son mouchoir. ________ ___________________________Il fit détacher les perroquets, maisles oiseaux craintifs se réfugièrentdans les coins et dans les rideaux. Lekangourou avait sauté sur le lit et s’ytenait . Ferral éteignit la lampeprincipale, ne laissa que la veilleuse:roses, blancs, avec les magnifiquesmouvements d’ailes courbes et parésdes phénix de la Compagnie desIndes, les perroquets commençaientà voler, dans un bruit de vol grossieret inquiet.

Ces boîtes pleines de petits oiseauxagités, de travers sur tous les meubles,par terre, dans la cheminée, [227] legênaient. Il chercha en quoi, ne devinapas. Sortit. Rentra, comprit aussitôt: lachambre semblait dévastée.Échapperait-il à l’idiotie cette nuit?Malgré lui, il avait laissé à l’imageéclatante de sa colère.

« Ouvre les cages, dit-il au boy.

— La chambre sera salie, monsieurFerral, dit le directeur.

— Madame Serge en changera._____________________________Vous m’enverrez la note.

— Des fleurs, monsieur Ferral?

— Rien autre que des oiseaux. Etque personne n’entre ici, même pas lesdomestiques ».

La fenêtre était protégée contre lesmoustiques par une toile métallique. Lesoiseaux ne s’enfuiraient pas. Ledirecteur ouvrit la croisée « pour que lachambre ne sentît pas la bête ».

Maintenant, sur les meubles et lesrideaux, aux coins du plafond, lesoiseaux des îles voletaient, matsdans cette faible lumière commeceux des fresques chinoises. Il aurait

su presencia. Si hubiera podido llevarseel pijama, lo habría hecho. En el instantemismo en que el pijama abandonaba sumano, la leyenda de Hércules y de Onfaliainvadió su imaginación —Hércules, ves-tido de mujer, con telas arrugadas y ti-bias como aquéllas, humillado y satisfe-cho de su humillación—. En vano invo-có las escenas sádicas que hacía poco sele habían impuesto: el hombre golpeadopor Onfalia y por Deyanira pesaba sobretodos sus pensamientos y le anegaba enun goce humillado. Dio un paso haciaadelante. Tocó su revólver en el bolsillo:si ella hubiera entrado en aquel momen-to, sin duda la habría matado. Sus pasosse debilitaron más allá de la puerta: lamano de Ferral cambió de bolsillo y sacónerviosamente el pañuelo. Necesitabaobrar, no importaba cómo, para reponer-se. Hizo soltar los papagayos; pero lospájaros, temerosos, se refugiaron en losrincones y entre las cortinas. El cangu-ro había saltado sobre el lecho, y allípermanecía. Ferral apagó la lámparaprincipal y no dejó más que la del vela-dor: rosados, blancos, con los magnífi-cos movimientos de alas curvas y sun-tuosas de los fénix de la Compañía deIndias, los papagayos comenzaron avolar, con un ruido de vuelo torpe e in-quieto.

Aquellas cajas llenas de pajaritos agi-tados, atravesadas sobre todos los muebles,por el suelo y en la chimenea, le molesta-ban. Indagó por qué, y no lo adivinó. Sa-lió. Volvió a entrar y lo comprendió enseguida: la habitación parecía devastada.¿Escaparía a la idiotez aquella noche? Apesar suyo, había dejado allí la imagenesplendente de su ira.

—Abre las jaulas —dijo al boy.

—La habitación se ensuciará, señorFerral —dijo el director.

—La señora Serge se mudará. Estéusted tranquilo, que no será esta noche.Ya me enviará usted la cuenta.

—¿Flores, señor Ferral?

—Nada más que pájaros. Y quenadie entre aquí; ni siquiera los cria-dos.

Las ventanas estaban protegidas,contra los mosquitos, por una telametálica. Los pájaros no se escaparían.El director abrió los cristales para quela habitación no oliese. [191]

Entonces, sobre los muebles y las cor-tinas y en los rincones del techo, los pá-ja ros de las i s las revolo teaban ,mates en aquella débil luz, comolos de los frescos chinos. Había ofre-

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offert par haine à Valérie son plusjoli cadeau... Il éteignit, ralluma,éteignit, ralluma. Il employait pourcela l’interrupteur de la lampe du lit;il se souvint de la dernière nuitpassée chez lui avec Valérie. Il faillitarracher l’interrupteur pour qu’ellene pût jamais s’en servir, avec quique ce fût. Mais il ne voulait laisserlà aucune trace de colère.

— Emporte les cages vides, dit-il auboy. Fais-les brûler.

— Si madame Serge s’informe de quia envoyé les oiseaux, demanda ledirecteur qui regardait Ferral avecadmiration, faudra-t-il le lui dire?

— Ne demandera pas. C’est signé.

Il sortit. Il fallait qu’il couchât avecune femme [228] cette nuit. Pourtant,il n’avait pas envie d’allerimmédiatement au restaurant chinois.Qu’il fût assuré que des corps étaient àsa disposition lui suffisait,-provisoirement. Souvent, alors qu’uncauchemar l’éveillait en sursaut, il sesentait pris par le désir de reprendre lesommeil malgré le cauchemar qu’il yretrouverait, et, en même temps, parcelui de s’en libérer en s’éveillant toutà fait; le sommeil c’était le cauchemar;mais c’était lui; le réveil, la paix, maisle monde. L’érotisme, cette nuit, c’étaitle cauchemar. Il se résolut enfin à s’enéveiller, et se fit conduire au Cerclefrançais: parler, rétablir des rapportsavec un être, ne fussent-ils que ceuxd’une conversation, était le plus sûrréveil.

Le bar était plein: temps detroubles. Tout près de la baieentrouverte, une pèlerine beige delaine brute sur les épaules, seul etpresque isolé, Gisors était assis devantun cocktail doux; Kyo avait téléphonéque tout allait bien et son père étaitvenu chercher au bar les rumeurs dujour, souvent absurdes mais parfoissignificatives : elles ne l’étaient pasaujourd’hui. Ferral se dirigea vers luiparmi les saluts. Il connaissait la naturede ses cours, mais ne leur attachait pasd’importance; et il ignorait que Kyofût actuellement à Shanghaï. Il jugeaitbas d’interroger Martial sur despersonnes, et le rôle de Kyo n’avaitaucun caractère public.

Tous ces idiots qui le regardaientavec une timide réprobation croyaientqu’il était lié au vieillard par l’opium.Erreur. Ferral faisait semblant de fumerune, deux pipes, toujours moins qu’iln’en eût fallu pour qu’il éprouvâtl’action de l’opium - parce qu’il voyait

cido por odio a Valeria su más lindo rega-lo... Apagó; volvió a encender; apagó;volvió a encender. Empleaba para ello elinterruptor de la lámpara del lecho: recor-dó, de pronto, la última noche pasada ensu casa con Valeria. Sintió deseos de arran-car el interruptor para que ella no pudieseemplearlo nunca —con cualquiera quefuese—. Pero no quería dejar allí ningunahuella de su cólera.

—Llévate las jaulas vacías —dijo alboy—. Mándalas quemar.

—Si la señora Serge pregunta quiénha enviado los pájaros —pronunció eldirector, que contemplaba a Ferral conadmiración—, ¿debemos decírselo?

—No preguntará. Está firmado.

Salió. Era preciso que se acostase conuna mujer aquella noche. Sin embargo,no tenía ganas de ir inmediatamente alrestaurante chino. Estar seguro de queunos cuerpos se hallaban a su disposi-ción, le bastaba —provisionalmente—.Con frecuencia, cuando una pesadilla ledespertaba sobresaltado, se sentía presadel deseo de reanudar el sueño, a pesarde la pesadilla que volvería a encontraren él, y, al mismo tiempo, del de librar-se de ella, despertándose por completo;el sueño era la pesadilla, pero era él; eldespertar era la paz, pero era el mundo.El erotismo, aquella noche, era la pesa-dilla. Se decidió, por fin, a despertarse,y se hizo conducir al Círculo francés:hablar, restablecer las relaciones con unser, aunque no fuese más que las de unaconversación, constituían el más segurodespertar.

El bar estaba lleno: época de desórde-nes. Muy cerca de la puerta entreabierta,con una esclavina de lana cruda sobre loshombros, solo y casi aislado, Gisors sehallaba sentado ante un cocktail dulce;Kyo había telefoneado que todo marcha-ba bien, y su padre había ido al bar enbusca de las noticias del día, con frecuen-cia absurdas, pero, a veces, significati-vas: no lo eran entonces. Ferral se dirigióhacia él, por entre los saludos. Conocíala naturaleza de sus enseñanzas, pero noles concedía importancia alguna. [192]Ignoraba que Kyo estuviese entonces enShanghai. Consideraba humillante inte-rrogar a Martial acerca de las personas, yel papel de Kyo no tenía ningún carácterpúblico.

Todos aquellos idiotas que le mira-ban con una tímida reprobación creíanque estaba unido al viejo por el opio.Error. Ferral fingía fumar —una o dospipas—, y siempre menos de las quehubiera necesitado para experimentarla acción del opio—, porque veía en

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106 (p. 230). Baflanc: ici, comme plus loin dansle roman (p. 286), ce mot semble désignernon pas une séparation, mais un planchersur lequel on s’étend (signification qui n’estattestée que dans ce roman).

dans l’atmosphère de la fumerie, dans lapipe qui passe d’une bouche à l’autre, unmoyen d’action sur les femmes. Ayanthorreur de la cour qu’il devait [229] faire,de l’échange où il payait en importancedonnée à une femme ce qu’elle luidonnait en plaisir, il se jetait sur tout cequi l’en dispensait.

C’était un goût plus complexe quil’avait poussé à venir quelquefoiss’allonger, naguère, à Pékin, sur lebat-flanc (106) du vieux Gisors. Leplaisir du scandale, d’abord. Puis, il nevoulait pas être seulement le présidentdu Consortium, il voulait être distinctde son action, - moyen de se croiresupérieur à elle. Son goût presqueagressif de l’art, de la pensée, ducynisme qu’il appelait lucidité, était unedéfense : Ferral ne venait ni des «familles » des grands établissements decrédit, ni du Mouvement Général desFonds, ni de l’Inspection des Finances.La dynastie Ferral était trop liée àl’histoire de la République pour qu’onpût le considérer comme un margoulin;mais il restait un amateur, quelle que fûtson autorité. Trop habile pour tenter decombler le fossé qui l’entourait, ill’élargissait. La grande culture deGisors, son intelligence toujours auservice de son interlocuteur, son dédaindes conventions, ses « points de vue »presque toujours singuliers, que Ferralne se faisait pas faute de prendre à soncompte lorsqu’il l’avait quitté, lesrapprochaient plus que tout le reste neles séparait; avec Ferral, Gisors neparlait politique que sur le plan de laphilosophie. Ferral disait qu’il avaitbesoin de l’intelligence et, lorsqu’ellene le heurtait pas, c’était vrai.

I l regarda autour de lui : aumoment même où il s’assit, presquetous les regards se détournèrent. Cesoir, il eût volontiers épousé sacuis inière , ne fût -ce que pourl’imposer à cette foule. Que tous cesidiots jugeassent ce qu’il faisaitl’exaspérait; moins il les verrait,mieux ça vaudrait: il proposa à Gisorsde boire sur la terrasse, devant le jardin.Malgré la fraîcheur, les boys avaient portédehors quelques tables. [230]

— Pensez-vous qu’on puisseconnaître connaître - un être vivant?demanda-t-il à Gisors. Ils s’installaientauprès d’une petite lampe dont le halose perdait dans la nuit qu’emplissait peuà peu la brume.

Gisors le regarda. « Il n’aurait pas legoût de la psychologie s’il pouvaitimposer sa volonté », pensat-il.

— Une femme? demanda-t-il.

la atmósfera del fumar y en la pipaque pasa de una boca a otra un mediode acción sobre las mujeres. Como te-nía horror a la corte que debía hacer y alcambio con que pagaba su importanciaconcedida a una mujer lo que ésta le pro-porcionaba en placer, se enfrascaba entodo cuanto le dispensaba de ello.

E r a u n g u s t o m á s c o m p l e j oe l q u e l e h a b í a i m p u l s a d o a l -g u n a s v e c e s a a c u d i r a P e k í n ,a l l a d o d e l v i e j o G i s o r s . E lp l a c e r del escándalo, en primer térmi-no. Además, no quería ser sólo el presi-dente del Consorcio; quería ser distinto desu acción —medio de creerse superior aella—. Su afición casi agresiva al arte,al pensamiento y al cinismo, que él lla-maba lucidez, constituía una defensa:Ferral no procedía ni de las «familias»de los grandes establecimientos de cré-ditos, ni del Movimiento General deFondos, ni de la Inspección de hacienda.La dinastía de Ferral estaba demasiadounida a la historia de la República, paraque pudiese considerársele como un pro-vinciano; pero no dejaba de ser un aficio-nado, cualquiera que fuese su autoridad.Demasiado hábil para tratar de colmar elfoso que le rodeaba, lo ensanchaba. La grancultura de Gisors; su inteligencia, siempreal servicio de su interlocutor; su desdénhacia los convencionalismos; sus «pun-tos de vista», casi siempre singulares, queFerral no tenía inconveniente en atribuir-se cuando lo había abandonado, le aproxi-maban, más aún que todo aquello cuantoles separaba: con Ferral, Gisors no ha-blaba de política más que en el plano dela filosofía. Ferral decía que tenía nece-sidad de la inteligencia, y, cuando nola encontraba, era verdad.

Miró a su alrededor: en el momentomismo en que se sentó, casi todas lasmiradas se volvieron. Aquella noche, debuena gana se hubiera casado con su co-cinera, aunque no hubiera sido más quepara imponérsela a aquella multitud.[193] Que todos aquellos idiotas juzga-sen lo que él hacía, le exasperaba; cuan-to menos los viera, mejor: propuso aGisors irse a beber a la terraza, frente aljardín. A pesar del fresco, los boys ha-bían sacado fuera algunas mesas.

—¿Cree usted que se puede cono-cer (conocer) a un ser vivo? —pre-guntó a Gisors. Se instalaban cerca deuna lamparita cuyo halo se perdía en laoscuridad, que llenaba poco a poco labruma.

Gisors lo miró. «No tendría afi-ción a la psicología, si pudiera im-poner su voluntad.»

—¿Una mujer? —preguntó.

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— Qu’importe?

— La pensée qui s’applique à éluciderune femme a quelque chose d’érotique...Vouloir connaître une femme n’est-cepas, c’est toujours une façon de laposséder ou de se venger d’elle...

U n e p e t i t e p o u l e , à l a t a b l ev o i s i n e , d i s a i t à u n e a u t r e :« On ne me la fait pas si facilement. Jevais te dire: c’est une femme qui estjalouse de mon chien. »

— Je crois, reprit Gisors, que lerecours à l ’espr i t t en te decompenser ceci: la connaissanced’un être est un sentiment négatif :le sentiment positif, la réalité, c’estl’angoisse d’être toujours étrangerà ce qu’on aime.

— Aime-t-on jamais?

— Le temps fait disparaître parfoiscette angoisse, le temps seul. On neconnaît jamais un être, mais on cesseparfois de sentir qu’on l’ignore (jepense à mon fils, n’est-ce pas, et aussià... un autre garçon). Connaître parl’intelligence, c’est la tentation vaine dese passer du temps...

— La fonction de l’intelligencen’est pas de se passer des choses.

Gisors le regarda

— Qu’entendez-vous par:l’intelligence?

— En général?

— Oui. [231]

Ferral réfléchit.

— La possession des moyens decontraindre les choses ou les hommes.

Gisors sourit imperceptiblement.Chaque fois qu’il posait cette question,son interlocuteur, quel qu’il fût,répondait par le portrait de son désir, oupar l’image qu’il se faisait de lui-même.Mais le regard de Ferral devint soudainplus intense.

— Savez-vous quel était le suppliceinfligé pour l’offense de la femme aumaître, ici, sous les premiers empires?demanda-t-il.

— Eh bien, n’est-ce pas, il y en avaitplusieurs. Le principal, semble-t-il,consistait à les attacher sur un radeau,mains et poignets coupés, yeux crevés,je crois, et à les...

—¿Qué importa?

—El pensamiento que se dedica a elu-cidar a una mujer tiene algo de erótico...Querer conocer a una mujer, ¿no es cier-to?, siempre supone una manera de po-seerla o de vengarse de ella...

U n a m u j e r p ú b l i c a , e n l am e s a p r ó x i m a , d e c í a a o t r a :

—No se me hace eso tan fácilmente.Voy a decirte: es una mujer que está ce-losa de mi perro.

—Creo —continuó Gisors— que elrecurrir al espíritu intenta compensaresto: el conocimiento de un ser es un sen-timiento negativo; el sentimiento positi-vo, la realidad, es la angustia de perma-necer siempre extraño para aquel a quiense ama.

—¿Se ama alguna vez?

—El tiempo hace desaparecer, a ve-ces, esa angustia; sólo el tiempo. No seconoce nunca a un ser; pero, a veces, sedeja de sentir que se le ignora (pienso enmi hijo, ¿verdad?, y también en... otromuchacho). Conocer por medio de la in-teligencia constituye la tentación vana deprescindir del tiempo...

—La función de la inteligencia noconsiste en prescindir de las cosas.

Gisors le miró.

—¿Qué entiende usted por inteligen-cia?

—¿En general?

—Sí.

Ferral reflexionó.

—La posesión de los medios de domi-nar a las cosas o a los hombres. [194]

Gisors sonrió imperceptiblemente.Cada vez que formulaba aque l lapregunta, su interlocutor, cua lquie-r a q u e f u e s e , r e s p o n d í a con e lretrato de su deseo. Pero la mira-da de Ferral tornóse de pronto másintensa.

—¿Sabe usted cuál era el suplicio in-fligido por la ofensa de la mujer al amo,aquí, bajo los primeros imperios? —pre-guntó.

—Pues bien: había varios, ¿no eseso? Parece ser que el principal con-sistía en atarla sobre una armadía, conlas manos y las muñecas cortadas y losojos saltados, y...

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Tout en parlant, Gisors remarquaitl’attention croissante et, peut-être, lasatisfaction avec laquelle Ferrall’écoutait.

— ... laisser descendre le long de cesinterminables fleuves, jusqu’à cequ’elles meurent de faim oud’épuisement, leur amant attaché à côtéd’elles sur le même radeau...

— Leur amant?

Comment une telle distractionpouvait-elle se concilier avec cetteattention, ce regard? Gisors ne pouvaitdeviner que, dans l’esprit de Ferral, iln’y avait pas d’amant; mais déjà celui-cis’était repris.

— Le plus curieux, reprit-il, estque ces codes féroces semblentavoi r é té , jusqu’au iv e s i èc le ,rédigés par des sages, humains etbons d’après ce que nous connaissonsde leur vie privée...

_______________________Gisors regarda ce visage aigu aux

yeux fermés, éclairé du dessous par lapetite lampe, un effet de lumièreaccroché aux moustaches. Des coups defeu au loin. Combien de vies sedécidaient dans la [232] brumenocturne? Il regardait cette faceâprement tendue sur quelquehumiliation venue du fond du corps etde l’esprit, se défendant contre elle aveccette force dérisoire qu’est la rancunehumaine; la haine des sexes étaitau-dessus d’elle, comme si, du sang quicontinuait à couler sur cette terrepourtant gorgée, eussent dû renaître lesplus vieilles haines.

De nouveaux coups de feu, trèsproches cette fois, firent trembler lesverres sur la table.

Gisors avait l’habitude de ces coupsde feu qui chaque jour venaient de laville chinoise. Malgré le coup detéléphone de Kyo, ceux-ci, tout à coup,l’inquiétèrent. II ignorait l’étendue durôle politique joué par Ferral, mais cerôle ne pouvait être exercé qu’au servicede Chang-Kaï-Shek. Il jugea natureld’être assis à côté de lui - il ne se trouvaitjamais « compromis », même à l’égardde lui-même - mais il cessa de souhaiterlui venir en aide. De nouveaux coupsde feu, plus éloignés.

— Que se passe-t-il? demanda-t-il.

— Je ne sais pas. Les chefs bleus etrouges ont fait ensemble une grandeproclamation d’union. Ça a l’air des’arranger.

Mientras hablaba, Gisors observa-ba la atención creciente y quizá lasatisfacción con que Ferral le escu-chaba.

—...dejarlas descender a lo largo deaquellos interminables ríos, hasta que semorían de hambre o de agotamiento, consus amantes amarrados a su lado, sobrela misma armadía...

—¿Sus amantes?

¿Cómo tal distracción podía conci-liarse con aquella atención, con aque-lla mirada? Gisors no podía adivinarque, en el espíritu de Ferral, no existíael amante; pero ya éste se había reco-brado.

—Lo más curioso —continuó— esque aquellos códigos feroces parecenhaber sido redactados, hacia el siglo iv,por unos sabios que eran humanos y bue-nos, según lo que conocemos acerca desus vidas privadas...

—Sí; sin duda, eran unos sabios.Gisors contempló aquel rostro angu-

loso, con los ojos cerrados, iluminadosdesde abajo por la lamparita, con unefecto de luz sobre el bigote. Disparosa lo lejos. ¿Cuántas vidas se decidiríanen la bruma nocturna? Contemplabaaquella faz, ásperamente distendidasobre una humillación procedente delfondo del cuerpo y del espíritu, defen-diéndose contra ella con esa fuerza irri-soria que es el rencor humano; el odiode los sexos estaba por encima de ella,como si, de la sangre que continuabacorriendo sobre aquella tierra, ya sacia-da, hubieran debido renacer los másantiguos odios.

Nuevos disparos, muy próximosesta vez, hicieron temblar los vasossobre la mesa.

Gisors estaba acostumbrado a los dis-paros, que todos [195] los días llegabande la ciudad china. A pesar del aviso tele-fónico de Kyo, éstos, de pronto, le inquie-taron. Ignoraba la extensión del papel po-lítico desempeñado por Ferral; pero aquelpapel no podía ser ejercido más que al ser-vicio de Chiang Kaishek. Consideró na-tural estar sentado a su lado —él no seencontraba nunca «comprometido», ni si-quiera con respecto a sí mismo—; perocesó de desear el acudir en su ayuda. Nue-vos disparos, más lejanos.

—¿Qué pasa? —preguntó.

—No sé. Los jefes azules y rojos hanllevado a efecto juntos una gran procla-mación de unión. Esto parece que va aarreglarse.

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« Il ment, pensa Gisors: il est aumoins aussi bien renseigné que moi. »

— Rouges ou bleus, disait Ferral, lescoolies n’en seront pas moins coolies;à moins qu’ils n’en soient morts. Netrouvez-vous pas d’une stupiditécaractéristique de l’espèce humainequ’un homme qui n’a qu’une vie puissela perdre pour une idée?

— Il est très rare qu’un hommepuisse supporter, comment dirais-je? sacondition d’homme...

Il pensa à l’une des idées de Kyo :tout ce pour quoi les hommes acceptentde se faire tuer, au-delà de l’intérêt, tendplus ou moins confusément à justifier[233] cette condition en la fondant endignité: christianisme pour l’esclavage,nation pour le citoyen, communismepour l’ouvrier. Mais il n’avait pas enviede discuter des idées de Kyo avec Ferral.Il revint à celui-ci

— Il faut toujours s’intoxiquer: cepays à l’opium, l’Islam le haschisch,l’Occident la femme... Peut-être l’amourest-il surtout le moyen qu’emploiel’Occidental pour s’affranchir de sacondition d’homme...

Sous ses paroles, un contre-courantconfus et caché de figures glissait:Tchen et le meurtre, Clappique et safolie, Katow et la révolution, May etl’amour, lui-même et l’opium... Kyo seul,pour lui, résistait à ces domaines.

— Beaucoup moins de femmes secoucheraient, répondait Ferral, si ellespouvaient obtenir dans la positionverticale les phrases d’admiration dontelles ont besoin et qui exigent le lit.

— Et combien d’hommes?

— Mais l’homme peut et doit nier lafemme l’acte, l’acte seul justifie la vieet satisfait l’homme blanc. Quepenserions-nous si l’on nous parlait d’ungrand peintre qui ne fait pas detableaux? Un homme est la somme deses actes, de ce qu’il a fait, de ce qu’ilpeut faire. Rien autre. Je ne suis pas ceque telle rencontre d’une femme ou d’unhomme modèle de ma vie; je suis mesroutes, mes...

— Il fallait que les routes fussentfaites.

Depuis les derniers coups de feu,Gisors était résolu à ne plus jouer lejustificateur.

« Sinon par vous, n’est-ce pas, par

«Miente —pensó Gisors—; está, porlo menos, tan bien informado como yo.»

—Con rojos o azules —decía Ferral—, los coolies no dejarán de ser coolies; amenos que queden muertos. ¿No conside-ra usted como una estupidez característi-ca de la especie humana que un hombreque no tiene más que una vida se arries-gue a perderla tan sólo por una idea?

—Es muy raro que un hombre puedasoportar (¿cómo diré yo?) su condiciónde hombre...

Pensó en una de las ideas de Kyo:todo aquello por lo cual los hombresaceptan dejarse matar, más allá del in-terés, tiende, más o menos confusamen-te, a justificar esa condición, fundién-dola en dignidad: cristianismo para elesclavo, nación para el ciudadano, co-munismo para el obrero. Pero no teníagana de discutir las ideas de Kyo conFerral. Volvió a éste:

—Siempre hay que intoxicarse: estepaís tiene el opio; el Islam, el haschich;el Occidente, la mujer... Quizás el amorsea, sobre todo, el medio que emplea eloccidental para emanciparse de su con-dición de hombre...

Bajo sus palabras, se deslizaba unacontracorriente confusa y oculta de figu-ras: Chen y el crimen; Clappique y sulocura; Katow y la revolución; May y elamor; él mismo y el opio... Sólo Kyo, paraél, se resistía a aquellos dominios.

—Muchas menos mujeres se acosta-rían —respondió Ferral—, si pudiesen ob-tener en la posición vertical las [196] Fra-ses de admiración de que tienen necesi-dad y que exigen en el lecho.

—¡Y cuántos hombres!

—Pero el hombre puede y debe ne-gar a la mujer: el acto, sólo el acto jus-tifica la vida y satisface al hombre blan-co. ¿Qué pensaríamos si se nos hablasede un gran pintor que no hiciera cua-dros? Un hombre es la suma de sus ac-tos, de los que ha hecho y de los quepuede hacer. Yo no soy lo que tal hom-bre o cual mujer considera como mo-delo de mi vida; yo soy mis carreteras,mis...

—Sería preciso que las carreteras fue-sen hechas.

Desde los últimos disparos, Gisorsse había propuesto no fingirse eljustificador.

«Si no por usted, ¿verdad?, por otro.

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un autre. C’est comme si un généraldisait: avec mes soldats, je puismitrailler la ville. Mais, s’il était capablede la mitrailler, il ne serait pas général...D’ailleurs, les [234] hommes sontpeut-être indifférents au pouvoir... Cequi les fascine dans cette idée,voyez-vous,-ce n’est pas le pouvoir réel,c’est l’illusion du bon plaisir. Le pouvoirdu roi, c’est de gouverner, n’est-ce pas?Mais, l’homme n’a pas envie degouverner: il a envie de contraindre,vous l’avez dit. D’être plus qu’homme,dans un monde d’hommes. Échapper àla condition humaine, vous disais-je.Non pas puissant: tout-puissant. Lamaladie chimérique, dont la volonté depuissance n’est que la justificationintellectuelle, c’est la volonté de déité:tout homme rêve d’être dieu.

Ce que disait Gisors troublait Ferral,mais son esprit n’était pas préparé àl’accueillir. Si le vieillard ne le justifiaitpas, il ne le délivrait plus de sonobsession

— À votre avis, pourquoi les dieuxne possèdentils les mortelles que sousdes formes humaines ou bestiales ?

Ferral s’était levé.

— Vous avez besoin d’engagerl’essentiel de vousmême pour en sentirplus violemment l’existence, dit Gisorssans le regarder.

Ferral ne devinait pas que lapénétration de Gisors venait de ce qu’ilreconnaissait en ses interlocuteurs desfragments de sa propre personne, etqu’on eût fait son portrait le plus subtilen réunissant ses exemples deperspicacité.

— Un dieu peut posséder, continuaitle vieillard avec un sourire entendu,mais il ne peut conquérir. L’idéal d’undieu, n’est-ce pas, c’est de devenirhomme en sachant qu’il retrouvera sapuissance; et le rêve de l’homme, dedevenir dieu sans perdre sapersonnalité...

Il fallait décidément coucher avecune femme. Ferral partit. [235]

« Curieux cas de duperie à rallonges,pensait Gisors: dans l’ordre érotique, ondirait qu’il se conçoit, ce soir, commele concevrait un petit bourgeoisromanesque. » Lorsque peu après laguerre, Gisors était entré en contact avecles puissances économiques deShanghaï, il n’avait pas été peu étonnéde voir que l’idée qu’il se faisait ducapitaliste ne correspondait à rien.

Es como si un general dijese: con missoldados, puedo ametrallar la ciudad.Pero si fuese capaz de ametrallarla, nosería general...; no se hace uno generalmás que saliendo de Saint-Cyr. Además,los hombres son, quizá, indiferentes alpoder... Lo que les fascina ante esa idea,ya ve usted, no es el poder real; es lailusión del buen placer. El poder del reyes gobernar, ¿no es cierto? Pero el hom-bre no tiene deseo de gobernar: siente eldeseo de dominar; usted lo ha dicho. Deser más que hombre, en un mundo dehombres. Escapar a la condición huma-na, le decía yo. No poderoso, sino todo-poderoso. La enfermedad quiméricacuya justificación intelectual no es másque la voluntad de potencia, es la vo-luntad de deidad: todo hombre sueña conser un dios.»

Lo que decía Gisors confundía aFerral; pero su inteligencia no estaba pre-parada para acogerle. Si el viejo no lejustificaba, no le libraría ya de su obse-sión.

—En su opinión, ¿por qué los diosesno poseen a los mortales más que bajoformas humanas o bestiales?

Como si la hubiese visto, Gisors sin-tió que una sombra se instalaba al ladode ellos. Ferral se había levantado.

—Tiene usted necesidad de comprome-ter lo esencial de usted mismo para sentirmás violentamente su existencia —dijoGisors, sin mirarle.

Ferral no adivinaba que la penetra-ción de Gisors procedía de que reco-nocía en sus interlocutores fragmen-tos [197] de su propia persona, y quesu retrato más sutil se hubiera hechoreuniendo sus ejemplos de perspica-cia.

—Un dios puede poseer —continuóel viejo, con una sonrisa de convenci-miento—, pero no puede conquistar. Elideal de un dios, ¿verdad?, es convertir-se en hombre sabiendo que volverá a en-contrar su poder; y el sueño del hombre,convertirse en dios sin perder su perso-nalidad...

Decididamente, tenía que acostarsecon una mujer. Ferral se marchó.

«Curioso caso de engaño por añadi-dos —pensaba Gisors—. En el ordenerótico, se diría que se concibe, estanoche, como la concebiría un pequeñoburgués romántico.» Cuando, poco des-pués de la guerra, Gisors había entradoen contacto con las potencias económi-cas de Shanghai, no poco se había asom-brado de ver que fa idea que se formabaacerca del capitalista no correspondía a

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Presque tous ceux qu’il rencontra alorsavaient fixé leur vie sentimentale, sousune forme ou sous une autre, - et presquetoujours sous celle du mariage:l’obsession qui fait le grand hommed’affaires, lorsqu’il n’est pas uninterchangeable héritier, s’accommodemal de la dispersion érotique. « Lecapitalisme moderne, expliquait-il à sesétudiants, est beaucoup plus volontéd’organisation que de puissance... »

Ferral, dans l’auto, pensait que sesrapports avec les femmes étaienttoujours les mêmes, et absurdes.Peut-être avait-il aimé, autrefois.Autrefois. Quel psychologue ivre mortavait inventé d’appeler amour lesentiment qui maintenant empoisonnaitsa vie? L’amour est une obsessionexaltée: les femmes l’obsédaient, oui -comme un désir de vengeance. Il fallaitse faire juger chez les femmes, lui quin’acceptait aucun jugement. La femmequi l’eût admiré dans le dond’elle-même, qu’il n’eût pas combattue,n’eût pas existé pour lui. Condamné auxcoquettes ou aux putains. Il y avait lescorps. Heureusement. Sinon... « Vousmourrez, cher, sans vous être doutéqu’une femme est un être humain... »Pour elle, peutêtre; pas pour lui. Unefemme, un être humain! c’est un repos,un voyage, un ennemi...

Il prit au passage une courtisanechinoise dans [236] l’une des maisonsde Nankin Road. une fille au visagegracieux et doux. À côté de lui dansl’auto, les mains sagement appuyées sursa cithare, elle avait l’air d’une statuetteTang. Ils arrivèrent enfin chez lui. Ilgravit les marches devant elle, son paslong d’ordinaire devenu pesant. « Allonsdormir », pensait-il... Le sommeil,c’était la paix. Il avait vécu, combattu,créé; sous toutes ces apparences, toutau fond, il retrouvait cette seule réalité,cette joie de s’abandonner soi-même, delaisser sur la grève, comme le corps d’uncompagnon noyé, cet être, lui-même,dont il fallait chaque jour réinventer lavie. « Dormir, c’est la seule chose quej’aie toujours souhaitée, au fond, depuistant d’années... »

Qu’attendre de mieux qu’unsoporifique de la jeune femme dont lesbabouches, derrière lui, sonnaient àchaque pas sur une marche de l’escalier?Ils entrèrent dans la fumerie: une petitepièce aux divans couverts de tapis deMongolie, faite plus pour la sensualitéque pour la rêverie. Aux murs, un grandlavis de la première période de Kama,une bannière tibétaine. La femme posasa cithare sur un divan. Sur le plateau,les instruments anciens à manche dejade, ornés et peu pratiques, de celui qui

nada. Casi todos los que encontró en-tonces habían fijado su vida sentimen-tal, bajo una u otra forma —y casi siem-pre bajo la del matrimonio—; la obse-sión que hace el grande hombre de ne-gocios, cuando no es un intercambiableheredero, se acomoda mal a la disper-sión erótica. «El capitalismo moderno—explicaba a sus discípulos— es mu-cho más voluntad de organización quede poderío...»

Ferral, en el auto, pensaba que sus re-laciones con las mujeres eran siempre lasmismas y absurdas. Quizás hubiera ama-do en otro tiempo. En otro tiempo. ¿Quépsicólogo, borracho perdido, había teni-do la ocurrencia de llamar amor al senti-miento que ahora envenenaba su vida?El amor es una obsesión exaltada; susmujeres le obsesionaban, sí —como undeseo de venganza—. Iba a hacerse juz-gar entre las mujeres, él, que no aceptabaningún juicio. La mujer que le hubieseadmirado en la entrega de sí misma, a laque él no hubiese combatido, no habríaexistido para él. Condenado a las coque-tas o a las putas. Poseía los cuerpos. Afor-tunadamente. Si no... «Morirá usted, que-rido, sin haberse dado cuenta de que unamujer es un ser humano...» Para ella, qui-zá; para él, no. ¡Una mujer, un ser huma-no! Es un descanso, un viaje, un enemi-go...

Tomó, al pasar, una cortesana, en unade las casas de [198] Nanking Road: unamuchacha de semblante gracioso y dulce.A su lado en el auto, con las manos pru-dentemente apoyadas en su cítara, tenía elaspecto de una estatuilla Tang. Llegaron,por fin, a su casa. Subió las escaleras de-lante de ella, haciéndose pesado su paso,de ordinario apresurado. «Vamos a dor-mir» —pensaba...—. El sueño era la paz.Había vivido, combatido y creado; bajotodas aquellas apariencias, en lo más pro-fundo, encontraba esa sola realidad, esegoce de abandonarse a sí mismo, de de-jarse en la playa cómo el cuerpo de uncompañero ahogado, a aquel ser —él mis-mo— cuya vida había que inventar denuevo todos los días. «Dormir es la únicacosa que he deseado siempre, en el fondo,desde hace tantos años...»

¿Qué esperar, mejor que un soporífe-ro, de la joven cuyas babuchas, detrás deél, sonaban, a cada paso que daba en unpeldaño de la escalera? Entraron en elsalón de fumar; una pequeña habitacióncon divanes cubiertos por un tapiz deMongolia, hecho más bien para la sensua-lidad que para el sueño. En las paredes, unagran aguada del primer período de Kama,un estandarte tibetano. La mujer dejó sucítara sobre un diván. En la bandeja, losinstrumentos antiguos, con mangos de jadeornamentales y poco prácticos, propios del

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ne les emploie pas. Elle tendit la mainvers eux: il l’arrêta d’un geste. Un coupde feu éloigné fit trembler les aiguillessur le plateau.

— Voulez-vous que je chante?

— Pas maintenant.

Il regardait son corps, indiqué etcaché à la fois par le fourreau de soiemauve dont elle était vêtue. Il la savaitstupéfaite: il n’est pas d’usage decoucher avec une courtisane sans qu’elleait chanté, causé, servi à table ou préparédes pipes. Pourquoi, sinon, ne pass’adresser aux prostituées? [237]

— Vous ne voulez pas non plusfumer?

— Non. Déshabille-toi.

Il eut envie d’exiger qu’elle se mittout à fait nue, mais elle eût refusé. Iln’avait laissé allumée qu’une veilleuse.« L’érotisme, pensa-t-il, c’estl’humiliation en soi ou chez l’autre,peut-être chez tous les deux. Une idée,de toute évidence... » Elle étaitd’ailleurs plus excitante ainsi, avec lacollante chemise chinoise; mais à pei-ne était-il excité, ou peut-être nel’était-il que par la soumission de cecorps qui l’attendait, tandis qu’il nebougeait pas. Son plaisir jaillissait dece qu’il se mit à la place de l’autre,c’était clair: de l’autre contrainte :contrainte par lui. En somme il necouchait jamais qu’avec lui-même,mais il ne pouvait y parvenir qu’à lacondition de n’être pas seul. Ilcomprenait maintenant ce que Gisorsn’avait que soupçonné: oui, sa volontéde puissance n’atteignait jamais sonobjet, ne vivait que de le renouveler;mais, n’eût-il de sa vie possédé uneseule femme, il avait possédé, ilposséderait à travers cette Chinoise quil’attendait, la seule chose dont il fûtavide: lui-même. Il lui fallait les yeuxdes autres pour se voir, les sens d’uneautre pour se sentir. Il regarda lapeinture tibétaine: sur un mondedécoloré où erraient des voyageurs,deux squelettes exactement semblabless’étreignaient en transe.

Il s’approcha de la femme.

10 heures et demie.

« Pourvu que l’auto ne tarde plus »,pensa Tchen. Dans l’obscurité complète,il n’eût pas été aussi sûr [238] de soncoup, et les derniers réverbères allaientbientôt s’éteindre. La nuit désolée de laChine des rizières et des marais avaitgagné l’avenue presque abandonnée.

que no los emplea. La joven tendió la manohacia ellos: él la detuvo con un gesto. Undisparo lejano hizo temblar las agujas so-bre la bandeja.

—¿Quiere usted que cante?

—Ahora no.

Contemplaba su cuerpo, manifiesto yoculto, a la vez, por el vestido de sedamalva con que iba vestida. La sabía estu-pefacta; no era costumbre acostarse conuna cortesana sin que hubiese cantado,hablado y servido la mesa o preparadolas pipas. ¿Para qué, si no, dirigirse a lasprostitutas?

—¿No quiere usted tampoco fu-mar?

—No. Desnúdate.Negaba su dignidad, lo sabía.Sintió deseos de exigirle que se quedase

completamente desnuda; pero ella se habríanegado. No había dejado encendida más queuna lamparilla. «El erotismo —pensó— esla humillación en [199] uno mismo o enel otro, y quizás en ambos. Una idea,con toda evidencia...» Además, estabaexcitante así, con la ajustada camisachina; pero apenas se hallaba excita-do, o quizá no lo estaba más que porla sumisión de aquel cuerpo que le es-peraba, en tanto que él no se movía.Su placer brotaba de que se pusiese enel puesto de la otra, establa claro: dela otra, dominada; dominada por él. Endefinitiva, no copulaba nunca más queconsigo mismo, pero no podía lograr-lo más que con la condición de no es-tar solo. Ahora comprendía lo queGisors no había hecho más que sospe-char: sí; su voluntad de potencia noalcanzaba jamás su objeto, no vivíamás que de renovarlo; pero si nuncaen su vida había poseído, poseería, através de aquella china que le espera-ba, la única cosa de la cual estaba ávi-do: él mismo. Necesitaba los ojos delos demás para verse, los sentidos deotro para sentirse. Contempló la pintu-ra tibetana, fija allí, sin que supiese de-masiado por qué: sobre su campo desco-lorido, por donde erraban unos viajeros,dos esqueletos exactamente iguales seestrechaban con ansia.

Se aproximó a la mujer.

10 y medía

«Con tal que el auto no tarde...»-pensó Chen-. En la oscuridad comple-ta, no habría sido tan seguro su golpe,y los últimos reverberos iban muy pron-to a apagarse. La noche desolada de laChica de los arrozales y de los panta-nos había ganado la avenida, casi aban-

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Les lumières troubles des villes debrume qui passaient par les fentes desvolets entrouverts, à travers les vitresbouchées, s’éteignaient une à une: lesderniers reflets s’accrochaient auxrails mouillés, aux isolateurs dutélégraphe; ils s’affaiblissaient deminute en minute; bientôt Tchen ne lesvit plus que sur les pancartes verticalescouvertes de caractères dorés. Cette nuitde brume était sa dernière nuit, et il enétait satisfait. Il allait sauter avec lavoiture, dans un éclair en boule quiilluminerait une seconde cette avenuehideuse et couvrirait un mur d’une gerbede sang. La plus vieille légende chinoises’imposa à lui: les hommes sont lavermine de la terre. Il fallait que leterrorisme devînt une mystique.Solitude, d’abord: que le terroristedécidât seul, exécutât seul; toute la for-ce de la police est dans la délation; lemeurtrier qui agit seul ne risque pas dese dénoncer lui-même. Solitudedernière, car il est difficile à celui quivit hors du monde de ne pas rechercherles siens. Tchen connaissait lesobjections opposées au terrorisme:répression policière contre les ouvriers,appel au fascisme. La répression nepourrait être plus violente, le fascismeplus évident. Et peut-être Kyo et lui nepensaient-ils pas pour les mêmeshommes. Il ne s’agissait pas demaintenir dans leur classe, pour ladélivrer, les meilleurs des hommesécrasés, mais de donner un sens à leurécrasement même: que chacuns’instutuât responsable et juge de la vied’un maître. Donner un sens immédiatà l’individu sans espoir et multiplier lesattentats, non par une organisation, maispar une idée: faire renaître des martyrs.Peï, écrivant, serait [239] écouté parceque lui, Tchen, allait mourir: il savaitde quel poids pèse sur toute pensée lesang versé pour elle. Tout ce qui n’étaitpas son geste résolu se décomposaitdans la nuit derrière laquelle restaitembusquée cette automobile quiarriverait bientôt. La brume, nourrie parla fumée des navires, détruisait peu àpeu au fond de l’avenue les trottoirs pasencore videss : des passants affairés ymarchaient l’un derrière l’autre, sedépassant rarement, comme si la guerreeût imposé à la ville un ordre toutpuissant.Le silence général de leur marche rendaitleur agitation presque fantastique. Ils neportaient pas de paquets, d’éventaires,ne poussaient pas de petites voitures;cette nuit, il semblait que leur activitén’eût aucun but. Tchen regardaittoutes ces ombres qui coulaient sansbruit vers le fleuve, d’un mouvementinexplicable et constant; n’était-cepas le Destin même, cette force quiles poussait vers le fond de l’avenue oùl’arc allumé d’enseignes à peine visi-

donada. Las luces turbias de las villasde bruma pasaban por las rendijas delos postigos entreabiertos, a través delos cristales tapados, e iban apagándo-se una a una. Los últimos reflejos seadherían a los rieles mojados y a losaisladores telegráficos; se debilitabande minuto en minuto; bien pronto Chenya no los vio más que en los cartelesverticales cubiertos de caracteres dora-dos. Aquella noche de bruma era suúltima noche y se hallaba satisfecho deello. Iba a saltar con el coche, en unrelámpago circular que iluminaría porun segundo un haz de sangre. La leyen-da china más antigua se impuso en él:los hombres son los gusanos [200] dela tierra. Era preciso que el terrorismose volviese místico. Soledad, desde lue-go: que el terrorismo decidiese por sísolo y ejecutase solo; toda la fuerza dela policía está en la delación; el crimi-nal que obra solo no corre el riesgo dedenunciarse a sí mismo. Soledad últi-ma, porque le es difícil al que vive fue-ra del mundo encontrar a los suyos.Chen conocía las objeciones opuestasal terrorismo: represión policíaca con-tra los obreros y llamamiento al fascis-mo. La represión no podía ser más vio-lenta, ni el fascismo más evidente. Yacaso Kyo y él no pensasen para losmismos hombres. No se trataba de man-tener en su clase, para emanciparlos, alos mejores hombres aniquilados, sinode dar un sentido a su mismo aniquila-miento, que cada uno se instituyese res-ponsable y juez de la vida de su amo.Dar un sentido inmediato al individuosin esperanza y multiplicar los atenta-dos, no por una organización, sino poruna idea: hacer que renaciesen los már-tires. Pei, escritor, sería escuchado,porque él, Chen, iba a morir: sabía conqué fuerza pesa sobre todo pensamien-to la sangre vertida por él. Todo lo queno fuese su gesto resuelto, se descom-ponía en la noche, tras de la cual per-manecía emboscado aquel automóvilque llegaría bien pronto. La bruma, ali-mentada por el vapor de los navíos,destruía poco a poco, en el fondo de laavenida, las aceras, aún no vacías: al-gunos transeúntes atareados marcha-ban por ellas uno detrás de otro, sobre-pasándose rara vez, como si la guerrahubiese impuesto a la ciudad un ordentodopoderoso. El silencio general de sumarcha hacía su agitación casi fantás-tica. No llevaban paquetes ni canasta,ni empujaban los cochecitos; aquellanoche, parecía que su actividad no tu-viese finalidad alguna. Chen contem-plaba todas aquellas sombras que sedeslizaban, sin hacer ruido, hacia el río,con un movimiento inexplicable y cons-tante. ¿No era el Destino mismo aque-lla fuerza que le impulsaba hacia el fon-do de la avenida, donde el arco encen-

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bles devant les ténèbres du fleuvesemblait les portes mêmes de lamort? Enfoncés en perspectivestroubles, les énormes caractères seperdaient dans ce monde tragique etflou comme dans les siècles; et, demême que si elle fût venue, elle aussi,non de l’état-major mais des tempsbouddhiques, la trompe militaire del’auto de Chang-Kaï-Shek commença àretentir sourdement au fond de lachaussée presque déserte. Tchen serrala bombe sous son bras avecreconnaissance. Les phares seulssortaient de la brume. Presque aussitôt,précédée de la Ford de garde, la voitureentière en jaillit; une fois de plus ilsembla à Tchen qu’elle avançaitextraordinairement vite. Trois poussesobstruèrent soudain la rue, et les deuxautos ralentirent. Il essaya de retrouverle contrôle de sa respiration. Déjàl’embarras était dispersé. [240] La Fordpassa, l’auto arrivait: une grosse voitureaméricaine flanquée de deux policiersaccrochés à ses marchepieds; elledonnait une telle impression de forceque Tchen sentit que, s’il n’avançait pas,s’il attendait, il s’en écarterait malgrélui. Il prit sa bombe par l’anse commeune bouteille de lait. L’auto du généralétait à cinq mètres, énorme. Il courutvers elle avec une joie d’extatique, sejeta dessus, les yeux fermés. .

Il revint à lui quelques secondes plustard: il n’avait ni senti ni entendu lecraquement d’os qu’il attendait, il avaitsombré dans un globe éblouissant. Plusde veste. De sa main droite il tenait unmorceau de capot plein de boue ou desang. À quelques mètres un amas dedébris rouges, une surface de verre piléoù brillait un dernier reflet de lumière,des... déjà il ne distinguait plus rien: ilprenait conscience de la douleur, qui futen moins d’une seconde au-delà de laconscience. Il ne voyait plus clair. Ilsentait pourtant que la place était encoredéserte; les policiers craignaient-ils uneseconde bombe? Il souffrait de toute sachair, d’une souffrance pas mêmelocalisable : il n’était plus quesouffrance. On s’approchait. Il sesouvint qu’il devait prendre son revol-ver. Il tenta d’atteindre sa poche depantalon. Plus de poche, plus depantalon, plus de jambe: de la chairhachée. L’autre revolver, dans la pochede sa chemise. Le bouton avait sauté. Ilsaisit l’arme par le canon, la retournasans savoir comment, tira d’instinct lecran d’arrêt avec son pouce. Il ouvritenfin les yeux. Tout tournait, d’unefaçon lente et invincible, selon un trèsgrand cercle, et pourtant rien n’existaitque la douleur. Un policier était toutprès. Tchen voulut demander siChangKaï-Shek était mort, mais il

dido de muestras, apenas visibles fren-te a las tinieblas del río, parecía la puer-ta misma de la muerte? Hundidos enperspectivas turbias, los enormes carac-teres se perdían en aquel mundo trági-co y suave como en los siglos, y, delmismo modo que si hubiera llegado, nodel estado mayor, [201] sino de lostiempos búdicos, la bocina militar delauto de Chiang Kaishek comenzó a re-sonar sordamente en el fondo de la cal-zada, casi desierta. Chen oprimió labomba bajo el brazo, con gratitud. Sólolos faros salían de la bruma. Casi in-mediatamente, precedido por el Fordde la guardia, apareció el coche ente-ro; una vez más pareció a Chen queavanzaba extraordinariamente de pri-sa. Tres pousses obstruyeron, de pron-to, la calle, y los dos autos aminora-ron la marcha. Trató de recuperar elcontrol de su respiración. Ya el obstá-culo se había dispersado. El Fordpasó, y el auto llegaba: un hermosocoche americano, flanqueado pordos policías amarrados a los estri-bos; daba tal impresión de fuerza,que Chen sintió que, si no avanzaba,si esperaba, se apartaría a pesar suyo.Cogió la bomba por el asa, como unabotella de leche. El auto del general esta-ba a veinte metros, enorme. Corrió haciaél, con un júbilo de extático, y se arrojóencima con los ojos cerrados.

Volvió en sí algunos segundos mástarde: no había sentido ni oído el cru-jir de los huesos que esperaba; habíazozobrado en un globo deslumbrador.No tenía chaqueta. En su mano dere-cha sustentaba un trozo del capote, lle-no de barro o de sangre. A algunos me-tros, un montón de restos rojos, una su-perficie donde brillaba un último refle-jo de luz de vidrios acumulados, unos...ya no distinguía más: adquiría la con-ciencia del dolor, que en menos de unsegundo, fue más allá de la conciencia.Ya no veía claro. Sentía, sin embargo,que aquel lugar estaba desierto. ¿Teme-rían los policías una segunda bomba?Sufría con toda su carne, con un sufri-miento ni siquiera localizable: ya no eramás que sufrimiento. Se acercaban.Recordó que debía coger su revólver.Intentó alcanzar el bolsillo de supantalón. No tenía bolsillo, ni pan-talón, ni pierna, sino carne tritura-da. El otro revólver estaba en el bol-sillo de la camisa. El botón había sal-tado. Asió el arma por el caño, la vol-vió sin saber cómo y soltó, por instin-to, el seguro con el pulgar. Abrió porfin, los ojos. Todo daba vueltas, de unamanera lenta e inconcebible, en un cír-culo muy grande; y, sin embargo, sóloexistía el dolor. Un policía estaba muycerca. Chen quiso preguntar si Chiang[202] Kaishek había muerto, pero que-

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voulait cela dans un [241] autre mon-de; dans ce monde-ci, cette mort mêmelui était indifférente.

De toute sa force, le policier leretourna d’un coup de pied dans lescôtes. Tchen hurla, tira en avant, auhasard, et la secousse rendit plus intenseencore cette douleur qu’il croyait sansfond. Il allait s’évanouir ou mourir. Ilfit le plus terrible effort de sa vie, parvintà introduire dans sa bouche le canon durevolver. Prévoyant la nouvellesecousse, plus douloureuse encore quela précédente, il ne bougeait plus. Unfurieux coup de talon d’un autre policiercrispa tous ses muscles : il tira sans s’enapercevoir. [242]

CINQUIÈME PARTIE

11 heures 15.

À travers la brume, l’auto s’engageadans la longue allée sablée quiconduisait à une maison de jeu. « J’ai letemps de monter, pensa Clappique,avant d’aller au Black Cat. » Il étaitrésolu à ne pas manquer Kyo, à causede l’argent qu’il attendait de lui, et parcequ’il allait peut-être, cette fois, non leprévenir mais le sauver. Il avait obtenusans peine les renseignements que Kyolui avait demandés : les indicateurssavaient qu’un mouvement des troupesspéciales de Chang-Kaï-Shek étaitprévu pour onze heures, et que tous lesComités communistes seraient entourés.Il ne s’agissait plus de dire: « La réactionest imminente » , mais: « Ne passez cesoir à aucun Comité. » Il n’avait pasoublié que Kyo devait partir avant onzeheures et demie. Il y avait donc cette nuitquelque réunion communiste, queChang-Kaï-Shek entendait écraser. Ceque savaient les policiers était parfoisfaux, mais la coïncidence était tropévidente. Kyo prévenu pourrait faireremettre la réunion ou, s’il était troptard, ne pas s’y [243] rendre. « S’il medonne cent dollars, j’aurai peut-êtreassez d’argent: cent et les cent dix-septacquis cet après-midi par des voiessympathiques et uniformémentillégales, deux cent dix-sept... Maispeut-être n’aura-t-il rien: cette fois, iln’y a pas d’armes à la clef. Tâchonsd’abord de nous débrouiller tout seul. »L’auto s’arrêta. Clappique, en smoking,donna deux dollars. Le chauffeur,nu-tête, le remercia d’un large sourire:la course coûtait un dollar.

— Cette libéralité est destinée à tepermettre d’acheter un p’petit chapeau

ría enterarse de ello en el otro mundo:en este mundo, aquella misma muertele era indiferente.

Con toda su fuerza, el policía levolvió, de un puntapié en las costi-llas. Chen aulló, disparó hacia ade-lante, al azar, y la sacudida hizo másintenso aún aquel dolor que creía sinfondo. Iba a desvanecerse o a morir.Hizo el más terrible esfuerzo de suvida, y llegó a introducir en la bocael caño del revólver. Previendo lanueva sacudida, más dolorosa aún quela precedente, no se movía ya. Conuna furiosa patada, otro policía cris-pó todos sus músculos: disparó, sindarse cuenta. [203-4]

PARTE QUINTA

Las 11 y 15

A través de la bruma, el auto se in-trodujo en la larga avenida enarenadaque conducía a una casa de juego. «Ten-go tiempo de subir —pensó Clappique—, antes de ir al Black-Cat.» Se había pro-puesto no faltar a la cita de Kyo, a causadel dinero que esperaba de él, y porquequizás aquella vez no iba a prevenirle,sino a salvarle. Había obtenido sin tra-bajo los informes que Kyo le había pe-dido: los indicadores sabían que para lasonce estaba previsto un movimiento detropas especiales de Chiang Kaishek ______ ___ ____ ___ , y que todos los Co-mités comunistas quedarían cercados.Ya no se trataba de decir: «La reacciónes inminente», sino: «No piense ustedesta noche en ningún Comité.» No ha-bía olvidado que Kyo tenía que marchar-se antes de las once y media. Aquellanoche, pues, tendría alguna reunión co-munista, que Chiang Kaishek pretende-ría impedir. Lo que sabían los policíasera algunas veces falso; pero la coinci-dencia resultaba demasiado evidente.Una vez prevenido, Kyo podía hacer quese suspendiera la reunión, o, si ya fuesedemasiado tarde, no acudir a ella. «Sime da cien dólares, quizá tenga bastan-te dinero: cien y los ciento diecisieteadquiridos esta tarde por las vías sim-páticas y uniformemente ilegales, doscien-tos diecisiete... Pero tal vez no tenga nada:esta vez no hay armas a la vista. Trate-mos, primero, de desenvolvernos solos.»El auto se detuvo. Clappique, vestido desmoking, entregó dos dólares. El chófer,descubriéndose, le dio las gracias, con unaancha sonrisa; la carrera costaba un dólar.

—Esta liberalidad va encaminadaa que te puedas comprar un sombrero

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liberal 1 a). Generosio, desprendido, desinteresado. Tole-rante. 1 b) Que ejerce una profesión liberal tradicional-mente de las artes o profesiones que ante todo requieren elejercicio del entendimiento.

2. Favorable a las libertades intelectuales y profesionablesdel individuo y a las políticas del Estado. (Nota: parece estarse perdiendo el primer significado enfavor del segundo.)

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melon.

Et, l’index levé, annonciateur devérité

« Je dis: melon. »

Le chauffeur repartait.

« Car du point de vue plastique,qui est celui de tous les bons esprits- continuait Clappique planté aumilieu du gravier - ce personnageexige un chapeau melon. »

L’auto était partie. Il ne s’adressaitqu’à la nuit; et, comme si elle lui eûtrépondu, le parfum des buis et desfusains mouillés monta du jardin. Ceparfum amer, c’était l’Europe. Le barontâta sa poche droite, et au lieu de sonportefeuille, sentit son revolver; leportefeuille était dans la poche gauche.Il regarda les fenêtres non éclairées, àpeine distinctes. « Réfléchissons... » Ilsavait qu’il s’efforçait seulement deprolonger cet instant où le jeu n’était pasencore engagé, où la fuite était encorepossible. « Aprèsdemain, s’il a plu, il yaura ici cette odeur: et je serai peut-êtremort... Mort? Que dis-je? Folie! Pas unmot: je suis immortel. » Il entra, montaau premier étage. Des bruits de jetonset la voix du croupier semblaients’élever et redescendre avec des stratesde fumée. Les boys dormaient; mais lesdétectives russes de la police privée, lesmains dans les poches [244] de leurveston (la droite tendue par le Colt),adossés aux chambranles ou marchantavec nonchalance, ne dormaient pas,Clappique gagna le grand salon : dansune brume de tabac où brillaientconfusément les rocailles du mur, destaches alternées - noir des smokings,blanc des épaules se penchaient sur latable verte.

— Hello Toto ! crièrent des voix.

Le baron était souvent Toto, àShanghaï. 11 n’était pourtant venu làqu’à l’occasion, pour accompagner desamis; il n’était pas joueur. Les brasouverts, l’air du bon-père-qui- retrouve-avec-joie-ses-enfants

— Bravo! Je suis ému de pouvoirme joindre à cette p’petite fête defamille...

Mais le croupier lança sa boule;l’attention quitta Clappique. Ici, ilperdait de sa valeur: ceux-ci n’avaientpas besoin d’être distraits. Leurs visagesétaient tous fixés par le regard à cetteboule, dans une discipline absolue.

Il possédait cent dix-sept dollars.

hongo. [205]

Y, con el índice levantado, anuncia-dor de verdad:

«He dicho: hongo.»

El chófer partía de nuevo.

«Porque, desde el punto de vista plás-tico, que es el de todos los buenos espíri-tus —continuaba Clappique, plantado enmedio de la grava— este personaje exi-ge un buen sombrero hongo.»

El auto había partido. No se dirigíamás que a la noche, y, como si ésta lehubiese respondido, el perfume de losbojes y de los evónimos subió del jardín,Aquel perfume amargo era Europa. Elbarón se palpó el bolsillo derecho, y, enlugar de su cartera, sintió su revólver: lacartera estaba en el bolsillo izquierdo.Miró las ventanas, no iluminadas, ape-nas distintas. «Reflexionemos...» Sabíaque sólo se esforzaba por prolongar aquelinstante, en el que el juego no estabaaún entablado, en el que la huida era aúnposible. «Pasado mañana, si ha llovido,habrá aquí este olor, y tal vez esté yomuerto... ¿Muerto? ¿Qué digo? ¡Qué lo-cura! ¡Ni una palabra! Yo soy inmortal.»Entró y subió al primer piso. Un ruido defichas y la voz del croupier parecían ele-varse y descender de nuevo, con los ex-tractos de humo. Los boys dormían; perolos detectives _____ de la policía priva-da, con las manos en los bolsillos de laamericana (la derecha extendida sobre elColt), adosados a los umbrales de laspuertas o paseando con indolencia, nodormían. Clappique llegó al gran salón;en una bruma de tabaco, donde brillabanconfusamente las rocallas del muro, unasmanchas alternas —negro de smokings yblanco de espaldas— se inclinaban so-bre el tapete verde.

—¡Hello, Toto! —gritaron unas voces.

El barón era con frecuencia Toto, enShanghai. Sólo había ido al acaso, poracompañar a los amigos: no era jugador.Con los brazos abiertos, tenía el aspectode un buen padre que vuelve a encontrarcon júbilo a sus hijos.

—¡Bravo! Estoy emocionado al po-der agregarme a esta pequeña fiesta defamilia...

Pero el croupier lanzó su bola; la aten-ción abandonó a Clappique. Allí perdíasu valor: los concurrentes no [206] teníannecesidad de ser distraídos. Sus rostrosestaban fijados por la mirada en aquellabola, sujetos a una disciplina absoluta.

Poseía ciento diecisiete dólares. Jugar

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107 (p. 246). Jouer le numéro... abandonnerla bande: à la roulette, miser sur la bande

Jouer sur les numéros eût été tropdangereux. Il avait choisi, d’avance,pair ou impair.

— Quelques sympathiques p’petitsjetons, dit-il au distributeur.

— De combien?

— De vingt.

Il décida de jouer un jeton chaquefois; toujours pair. Il lui fallait gagnerau moins trois cents dollars.

Il misa. Le 5 sortit. Perdu. Niimportance, ni intérêt. Il misa denouveau, pair toujours. Le 2. Gagné.De nouveau. Le 7 : perdu. Puis, le 9: perdu. Le 4 : gagné. Le 3 : perdu.Le 7 , le 1 : perdu. I l perdai tquatre-vingts dollars. Il ne lui restaitqu’un jeton.

Sa dernière mise.

Il la lança de la main droite; il nebougeait plus la [245] gauche, commesi l’immobilité de la boule eût fixé cettemain liée à elle. Et pourtant, cette mainle tirait vers lui-même. Il se souvintsoudain. ce n’était pas la main qui letroublait, c’était la montre qu’il portaitau poignet. Onze heures vingt-cinq. Illui restait cinq minutes pour atteindreKyo.

À l’avant-dernière mise, il avait étésûr de gagner; même s’il devaitperdre, il ne pouvait perdre aussi vite.Il avait tort de ne pas attacherd’importance à sa première perte; elleétait certainement de mauvais augu-re. Mais on gagne presque toujours surla dernière mise; et impair venait desortir trois fois de suite. Depuis sonarrivée, pourtant, impair sortait plussouvent que pair, puisqu’il perdait...Changer, jouer impair? Mais quelquechose le poussait maintenant àdemeurer passif, à subir: il lui semblaqu’il était venu pour cela. Tout gesteeût été un sacrilège. Il laissa la misesur pair.

Le croupier lança la boule. Elle partitmollement, comme toujours, semblahésiter. Depuis le début, Clappiquen’avait encore vu sortir ni rouge ni noire.Ces cases avaient maintenant les plusgrandes chances. La boule continuait sapromenade. Que n’avait-il joué rouge?La boule allait moins vite. Elle s’arrêtasur le 2. Gagné.

Il fallait reporter les quarante dollarssur le 7, et jouer le numéro. C’étaitévident: désormais, il devait abandonnerla bande (107). Il posa ses deux jetons,

sobre los números hubiera sido demasia-do peligroso. Había elegido, de antema-no, pares o impares.

—Unas simpáticas fichitas —dijo aldistribuidor.

—¿De cuánto?

—De veinte.

Decidió jugar una ficha cada vez;siempre a los pares. Tenía que ganar, porlo menos, trescientos dólares.

Apuntó. Salió el 5. Había perdido.Aquello no tenía importancia ni interés.Apuntó de nuevo, también a los pares. El2: había ganado. De nuevo. El 7: perdi-do. Luego, el 9: perdido. El 4: ganado. El3: perdido. El 7, el 1: perdido. Perdíaochenta dólares. No le quedaba más queuna ficha.

Su última jugada.

La lanzó con la mano derecha; ya nomovía la izquierda, como si la inmovili-dad de la bola estuviese fija en aquellamano, unida a ella. Y, sin embargo aque-lla mano le atraía hacia sí mismo. Se acor-dó, de pronto: no era la mano lo que leestorbaba, era el reloj, que llevaba en lamuñeca. Las once y veinticinco. Le que-daban cinco minutos para encontrar aKyo.

Durante la antepenúltima jugada, ha-bía estado seguro de ganar; y, aunquedebiera perder, no podía perder tan deprisa. Había hecho mal en no concederimportancia a su primera pérdida; era,seguramente, de mal agüero. Pero casisiempre se gana en la última jugada, ylos impares acababan de salir tres vecesseguidas. Desde su llegada, no obstante,los impares salían con más frecuencia quelos pares, puesto que perdía... ¿Qué re-solver? ¿Cambiar y jugar a los impares?Pero algo le impulsaba ahora a permane-cer pasivo, a soportar: le pareció que ha-bía ido tan sólo para eso. Todo gesto hu-biera sido un sacrilegio. Dejó su puestaen los pares.

El croupier lanzó la bola. Partió blan-damente, como siempre, y pareció vaci-lar. Desde el comienzo, Clappique nohabía visto salir todavía ni rojo ni negro.Aquellas [207] casillas tenían entonceslas mayores probabilidades. La bola con-tinuaba su paseo. ¿Que no había jugadorojo? La bola iba más despacio. Se detu-vo en el 2. Había ganado.

Había que trasladar los cuarenta dó-lares al 7 y jugar el número. Era evi-dente: para lo sucesivo, debía abando-nar la banda. Puso sus dos fichas, y

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(les cases à l’extérieur, au bord de la table),c’est multiplier ses chances (pair ou impair),mais ne pouvoir gagner qu’une sommeégale à la mise; « jouer le numéro » , c’estréduire ses chances, mais multiplier d’autantles gains (ici sept fois la mise: quatorzejetons pour deux jetons posés sur le numérogagnant).

et gagna. Quand le croupier poussa verslui quatorze jetons, quand il les toucha,il découvrit avec stupéfaction qu’ilpouvait gagner: ce n’était pas uneimagination, une loterie fantastiquesaux gagnants inconnus. Il lui semblasoudain que la banque lui devait del’argent non parce qu’il avait misé surle numéro gagnant, non parce qu’il avaitd’abord [246] perdu; mais de touteéternité, à cause de la fantaisie et de laliberté de son esprit; - que cette boulemettait le hasard à son service pourpayer toutes les dettes du sort. Pourtant,s’il jouait de nouveau un numéro, ilperdait. Il laissa deux cents dollars surimpair, et perdit.

Révolté, il quitta la table un instant,et s’approcha de la fenêtre.

Dehors, la nuit. Sous les arbres, lesfeux rouges des lanternes arrière desautos. Malgré les vitres il entendit unegrande confusion de voix, des rires, ettout à coup, sans en distinguer lesparoles, une phrase dite sur le ton de lacolère. Des passions... Tous ces êtres quipassaient dans la brume, de quelle vieimbécile et flasque vivaient-ils? Pasmême des ombres; des voix dans la nuit.C’était dans cette salle que le sangaffluait à la vie. Ceux qui ne jouaientpas n’étaient pas des hommes. Tout sonpassé n’était-il qu’une longue folie? Ilrevint à la table.

Il misa soixante dollars sur pair, denouveau. Cette boule dont le mouvementallait faiblir était un destin, et d’abordson destin. Il ne luttait pas contre unecréature, mais contre une espèce de dieu,et ce dieu, en même temps, étaitlui-même. La boule repartit.

Il retrouva aussitôt le bouleversementpassif qu’il cherchait: de nouveau, il luisembla saisir sa vie, la suspendre à cetteboule dérisoire. Grâce à elle, ilassouvissait ensemble, pour la premièrefois, les deux Clappique qui leformaient, celui qui voulait vivre et celuiqui voulait être détruit. Pourquoiregarder la montre? II rejetait Kyo dansun monde de songes; il lui semblaitnourrir cette boule, non plus d’enjeux,mais de sa propre vie - ne voyant pasKyo, il perdait toute chance de retrouverde l’argent - et de celle d’un autre; etque cet autre l’ignorât donnait [247] àla boule, dont les courbess’amollissaient, la vie des conjonctionsd’astres, des maladies mortelles, de toutce à quoi les hommes croient leursdestinées suspendues. Qu’avait à voiravec l’argent cette boule qui hésitait aubord des trous comme un museau et parquoi il étreignait son propre destin, leseul moyen qu’il eût jamais trouvé de

ganó. Cuando el croupier arrojó haciaél catorce fichas y cuando él las tocó,descubrió con estupefacción que podíaganar; no era aquello una imaginación,una lotería fantástica de ganadores des-conocidos. Le pareció, de pronto, quela banca le debía dinero; no porque ha-bía apuntado al número que ganaba, niporque primeramente había perdido,sino desde toda la eternidad, a causa dela fantasía y de la libertad de su espíri-tu; porque aquella bola ponía a la ca-sualidad a su favor para pagar todas lasdeudas de la suerte. Sin embargo, sijugaba de nuevo un número, perdería.Dejó doscientos dólares en los impares—y perdió.

Indignado, abandonó la mesa un ins-tante y se aproximó a la ventana.

Fuera, la noche. Bajo los árboles, lasluces rojas de las linternas en las trase-ras de los autos. A pesar de los cristales,oyó una gran confusión de voces y derisas, y, de pronto, sin distinguir las pa-labras, una frase pronunciada con ento-nación de cólera. Pasiones... Todos aque-llos seres que atravesaban la bruma, ¿dequé vida imbécil y fofa vivían? Ni si-quiera unas sombras: unas voces en lanoche. Era en aquella sala donde la san-gre afluía a la vida. Los que no jugabanno eran hombres. ¿Todo su pasado, nosería más que una prolongada locura?Volvió a la mesa.

Puso sesenta dólares en los pares, denuevo. Aquella bola, cuyo movimientoiba a debilitarse, era un destino, y, desdeluego, su destino. No luchaba contra unacriatura, sino contra una especie de dios;y aquel dios, al mismo tiempo, era élmismo. La bola volvió a partir.

Recuperó en seguida el desnivelpasivo que buscaba: de nuevo le pare-ció tomar su vida y suspenderla deaquella bola irrisoria. Gracias a ella,saciaba a un tiempo, por primera vez,a los dos Clappique que le formaban:el que quería vivir y el que quería serdestruido. ¿Para qué mirar [208] elreloj? Relegaba a Kyo en un mundode ensueños. Le parecía alimentar aaquella bola, no ya con jugadas, sinocon su propia vida —si no veía a Kyo,perdía toda posibilidad de encontrardinero— y con la de otro; y, que aquelotro lo ignorase, prestaba a la bola,cuyas curvas se ablandaban, la vida delas conjunciones de los astros, de lasenfermedades crónicas, de todo decuanto los hombres creen pendiente sudestino. ¿Qué tenía que ver con el dine-ro aquella bola, que vacilaba en los bordesde los agujeros, como un hocico, y por me-dio de la cual estrechaba él su propio desti-no, único medio que había encontrado para

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se posséder luimême ! Gagner, non pluspour s’enfuir, mais pour rester, pourrisquer davantage, pour que l’enjeu desa liberté conquise rendit le geste plusabsurde encore! Appuyé sur l’avant-bras,ne regardant même plus la boule quicontinuait son chemin de plus en pluslent, frémissant des muscles du molletet des épaules, il découvrait le sensmême du jeu, la frénésie de perdre.

5.Presque tous perdaient; la fumée

emplit la salle en même temps qu’unedétente désolée des nerfs et le bruit desjetons ramassés par le râteau.Clappique savait qu’il n’avait pas fini.Pourquoi conserver ses dix-septdollars? Il sortit le billet de dix et leremit sur pair.

Il était tellement assuré qu’il perdaitqu’il n’avait pas joué tout - comme pourpouvoir se sentir perdre plus longtemps.Dès que la boule commença à hésiter,sa main droite la suivit, mais la gaucheresta fixée à la table. Il comprenaitmaintenant la vie intense des instrumentsde jeu: cette boule n’était pas une boulecomme une autre - comme celles donton ne sert pas pour jouer; l’hésitationmême de son mouvement vivait : cemouvement à la fois inéluctable et moutremblait ainsi parce que des vies luiétaient liées. Pendant qu’elle tournait,aucun joueur ne tirait sur sa cigaretteallumée. La boule entra dans unealvéole rouge, en ressortit, erra encore,[248] entra dans celui du 9. De samain gauche posée sur la table,Clappique esquissa i m p e r c e p t i b l e m e n tl e g e s t e de l’en arracher. Il avaitune fois de plus perdu.

Cinq dollars sur pair: le dernier jeton,de nouveau.

La boule lancée parcourait de gran-des circonférences, pas encore vivante.La montre, pourtant, en détournait leregard de Clappique. Il ne la portait passur le poignet, mais dessous, là où l’onprend le pouls. Il posa sa main à platsur la table et parvint à ne plus voir quela boule. Il découvrait que le jeu est unsuicide sans mort; il lui suffisait de poserlà son argent, de regarder cette boule etd’attendre, comme s’il eût attendu aprèsavoir avalé un poison; poison sans cesserenouvelé, avec l’orgueil de le prendre.La boule s’arrêta sur le 4. Gagné.

Le gain lui fut presque indifférent.Pourtant, s’il eût perdu... Il gagna unefois encore, perdit une fois. Il lui restaitde nouveau quarante dollars, mais ilvoulait retrouver le bouleversement dudernier enjeu. Les misess’accumulaient sur le rouge qui n’étaitpas sorti depuis longtemps. Cette case,

poseerse a sí mismo? ¡Ganar; no ya parairse, sino para quedarse, para arriesgarmás, para que la puesta de su libertad con-quistada hiciese el gesto más absurdo aún!Apoyado sobre el antebrazo; sin mirar yasiquiera a la bola, que continuaba su ca-mino, cada vez más lenta; temblándole losmúsculos de las pantorrillas y de los hom-bros, descubría el sentido mismo del jue-go, el frenesí de perder.

___________Casi todos perdían; el humo llenó la

sala, al mismo tiempo que una distensióndesolada de los nervios y el sonido de lasfichas, recogidas por la raqueta.Clappique sabía que no había acabado.¿Para qué conservar sus diecisiete dóla-res? Sacó el billete de diez y lo colocó enlos pares.

Estaba de tal modo seguro de queperdería, que no lo había jugado todo—como para poder sentirse perder mástiempo—. En cuanto la bola comenzóa vacilar, su mano derecha la siguió,pero la izquierda permanecía quieta enla mesa. Ahora comprendía la vida in-tensa de los instrumentos de juego:aquella bola no era una bola como otracualquiera —momo esas que no seemplean para jugar—: la vacilaciónmisma de su movimiento vivía. Aquelmovimiento, a la vez ineluctible yblando, temblaba así porque unas vi-das influían en él. Mientras la boladaba vueltas, ningún jugador entró enun alvéolo rojo, volvió a salir, erró aún,entró en el del número 9. Con su manoizquierda apoyada sobre la mesa.Clappique esbozó imperceptiblemen-te el ademán de querer arrancarla.Había perdido una vez más. [209]

Cinco dólares a los pares: la últimaficha, de nuevo.

La bola lanzada recorría grandes cir-cunferencias, no viva todavía. El reloj,sin embargo, desviaba la mirada deClappique. No lo llevaba sobre la muñe-ca, sino debajo, en el sitio donde se tomael pulso. Apoyó la mano de plano sobrela mesa, y llegó a no ver nada más que labola. Descubría que el juego es un suici-dio sin muerte: le bastaba poner allí sudinero, contemplar aquella bola y espe-rar, como habría esperado después dehaber ingerido un veneno; veneno reno-vado sin cesar, con el orgullo de tomarlo.La bola se detuvo en el 4. Había ganado.

La ganancia le fue casi indiferente.Sin embargo, si hubiera perdido... Ganóuna vez más, y perdió otra vez. Le que-daban de nuevo cuarenta dólares;pero quería recuperar el desnivel de laúltima jugada. Las puestas se acumulabansobre el rojo, que no había salido des-de hacía mucho tiempo. Aquella casi-

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vers quoi convergeaient les regards depresque tous les joueurs, le fascinaitlui auss i ; mais qui t ter pai r lu isemblait abandonner le combat. Ilg a r d a pa i r, m i sa l e s qua ran tedollars. Aucun enjeu, jamais, ne vau-drait celui-là: Kyo n’était peut-être pasencore parti : dans dix minutes, il nepourrait sûrement plus le rattraper; mais,maintenant, peut-être le pouvait-ilencore. Maintenant, maintenant, il jouaitses derniers sous, sa vie, et celle d’unautre, surtout celle d’un autre. Il savaitqu’il livrait Kyo; c’était Kyo qui étaitenchaîné à cette boule, à cette table, etc’était lui. Clappique, qui était cette boulemaîtresse de tous et de lui-même - de luiqui cependant la regardait, vivant commeil n’avait jamais vécu, hors de lui, épuisépar une honte vertigineuse. [249]

Il sortit à une heure: le « cercle »fermait. Il lui restait vingt-quatre dollars.L’air du dehors l’apaisa comme celuid’une forêt. La brume était beaucoup plusfaible qu’à onze heures. Peut-être avait-ilplu : tout était mouillé. Bien qu’il ne vîtdans la nuit ni les buis ni les fusains, ildevinait leur feuillage sombre par leurodeur amère. « Il est rr-marquable,pensat-il, qu’on ait tellement dit que lasensation du joueur naît par l’espoir dugain! C’est comme si on disait que leshommes se battent en duel pour deve-nir champions d’escrime... » Mais lasérénité de la nuit semblait avoir chasséavec le brouillard toutes les inquiétudes,toutes les douleurs des hommes.Pourtant, des salves, au loin. « On arecommencé à fusiller... »

Il quitta le jardin, s’efforçant de nepas penser à Kyo, commença à marcher.Déjà les arbres étaient rares. Tout àcoup, à travers ce qu’il restait de brume,apparut à la surface des choses lalumière mate de la lune. Clappique levales yeux. Elle venait de surgir d’unegrève déchirée de nuages morts etdérivait lentement dans un trouimmense, sombre et transparent commeun lac avec ses profondeurs pleinesd’étoiles. Sa lumière de plus en plusintense donnait à toutes ces maisonsfermées, à l’abandon total de la ville,une vie extraterrestre comme sil’atmosphère de la lune fût venues’installer dans ce grand silence soudainavec sa clarté. Pourtant, derrière cedécor d’astre mort, il y avait deshommes. Presque tous dormaient et lavie inquiétante du sommeil s’accordaità cet abandon de cité engloutie commesi elle eût été, elle aussi, la vie d’uneautre planète. « Il y a dans Les Mille etUne Nuits des p’petites villes pleines dedormeurs, abandonnées depuis dessiècles avec leurs mosquées sous la lune,[250] des villes-au-désert-dormant...

lla, hacia la cual convergían las mira-das de casi todos los jugadores, le fas-cinaba a él también; pero abandonar lospares le parecía abandonar el combate.Conservó los pares y puso los cuarentadólares. Ninguna jugada valdría nuncalo que aquélla. Kyo no se habría idoaún; quizá dentro de diez minutos, yano podría, seguramente, atraparlo; pero,a la sazón, acaso aún lo consiguiera.Ahora, ahora se jugaba sus últimasmonedas, su vida y la del otro: sobretodo, la del otro. Sabía que peligrabaKyo; era Kyo el que estaba encadena-do a aquella bola y aquella mesa, y eraél, Clappique, quien era aquella bola,dueña de todos y de él mismo —de él,que, sin embargo, la veía, viva como éljamás había vivido, fuera de él, agota-do por una vergüenza vertiginosa.

Salió a la una: el «círculo» se cerraba.Le quedaban veinticuatro dólares. El airede fuera le apaciguó, como el de un bos-que. La bruma era mucho más débil quea las once. Quizás hubiera llovido: todoestaba mojado. Aunque no veía, en laoscuridad, los bojes y los evónimos, adi-vinaba su follaje sombrío por el oloramargo. «Es notable —pensó— que sehaya dicho tantas veces que la sensacióndel jugador nace con la esperanza de laganancia. Es como si se dijese que loshombres se [210] baten en duelo parahacerse campeones de esgrima...» Perola serenidad de la noche parecía haberdisipado, con la niebla, todas las inquie-tudes y todos los dolores de los hombres.Sin embargo, sonaban descargas, a lo le-jos. «Se ha comenzado a fusilar...»

Abandonó el jardín, esforzándose porno pensar en Kyo, y comenzó a cami-nar. Ya los árboles eran raros. De pron-to, a través de lo que quedaba de bruma,apareció sobre la superficie de las cosasla luz mate de la luna. Clappique levan-tó los ojos. La luna acababa de surgir deuna playa desgarrada de nubes muertas,y derivaba con lentitud por un agujeroinmenso, sombrío y transparente, comoun lago con sus profundidades llenas deestrellas. Su luz, cada vez más intensa,prestaba a todas aquellas casas cerradas,en el abandono total de la ciudad, unavida extraterrestre, como si la atmósfe-ra de la luna hubiese ido a instalarse depronto en aquel gran silencio, con suclaridad. Sin embargo, tras aquel deco-rado de astro muerto, había hombres.Casi todos dormían, y la vida inquietan-te del sueño armonizaba con aquel aban-dono de ciudad sumergida, como si re-cibiese, también ella, la vida de otro pla-neta. «En Las mil y una noches, hay pe-queñas ciudades llenas de durmientesabandonadas desde hace muchos siglos,con sus mezquitas bajo la luna, las ciu-dades del desierto dormido... Lo cual no

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108 (p. 251). Rubens (1577-1640) : peintreflamand dont les peintures témoignent d’ungoût certain pour les femmes « solides »,aux formes généreuses.

109 (p. 251). Jordaens (1593-1678) : ce peintreflamand, qui fut un temps le collaborateurde Rubens, et qui aimait également peindredes femmes plantureuses, n’a pas, si l’onen croit le verdict de la postérité, le talentde Rubens : de là le jugement « éclairé »de Clappique, expert ès arts.

110 (p. 252). Schiedam (étym.: genièvre deSchiedam, du nom d’une ville néerlandaise):genièvre, eau-de-vie de grain, surtoutconsommée aux Pays-Bas, en Belgique etdans le nord de la France.

N’empêche que je vais peut-être crever.» La mort, sa mort même, n’était pastrès vraie dans cette atmosphère si peuhumaine qu’il s’y sentait intrus. Et ceuxqui ne dormaient pas? « II y a ceux quilisent. Ceux qui se rongent. (Quellebelle expression!) Ceux qui fontl’amour. » La vie future frémissaitderrière tout ce silence. Humanitéenragée, que rien ne pouvait délivrerd’elle-même! L’odeur des cadavres dela ville chinoise passa, avec le vent quise levait à nouveau. Clappique dut faireeffort pour respirer: l’angoisse revenait.II supportait plus facilement l’idée dela mort que son odeur. Celle-ci prenaitpeu à peu possession de ce décor quicachait la folie du monde sous unapaisement d’éternité, et, le ventsoufflant toujours sans le moindresifflement, la lune atteignit la grèveopposée et tout retomba dans lesténèbres. « Comme un rêve... » Maisla terrible odeur le rejetait à la vie, àla nuit anxieuse où les réverbères toutà l’heure brouillés faisaient de grandsronds tremblotants sur les trottoirs oùla pluie avait effacé les pas.

Où aller? Il hésitait. Il ne pourraitoublier Kyo s’il essayait de dormir. Ilparcourut maintenant une rue de petitsbars, bordels minuscules aux enseignesrédigées dans les langues de toutes lesnations maritimes. Il entra dans lepremier.

Il s’assit près de la vitre. Les troisservantes - une métisse, deux blanches- étaient assises avec des clients, dontl’un se préparait à partir. Clappiqueattendit, regarda au-dehors: rien, pasmême un marin. Au loin, des coups defusil. Il sursauta, exprès. une solideservante blonde, libérée, venait des’asseoir à côté de lui. « Un Rubens(108), pensa-t-il, mais pas parfait: elledoit être de Jordaens (109). Pas [251] unmot... » Il fit tourner son chapeau sur sonindex, à toute vitesse, le fit sauter, lerattrapa par les bords avec délicatesse etle posa sur les genoux de la femme.

— Prends soin, chère amie, de cep’petit chapeau. C’est le seul à Shanghaï.De plus il est apprivoisé...

La femme s’épanouit: c’étaitun rigolo. Et la gaieté donna unev i e s o u d a i n e à s o n v i s a g e ,jusque-là figé.

— On boit, ou on monte? demanda-t-elle.

— Les deux.

Elle apporta du schiedam (110). « C’étaitune spécialité de la maison. »

impediría, quizá, que yo reviente.» Lamuerte, su muerte misma, no era muyverdadera en aquella atmósfera tan pocohumana, en la que se sentía intruso. ¿Ylos que no dormían? «Hay los queleen. Los que se corroen. (¡Qué bellaexpresión!) Los que hacen el amor.»La vida futura vibraba tras todo aquelsilencio. ¡Humanidad rabiosa, a la quenada podía librar de sí misma! El olorde los cadáveres de la ciudad chinapasó con el viento que de nuevo selevantaba. Clappique tuvo que hacer unesfuerzo para respirar: volvía la angus-tia. Soportaba con más facilidad la ideade la muerte que su olor. Éste iba toman-do posesión poco a poco de aquel deco-rado que escondía la locura del mundobajo su apaciguamiento de eternidad, y,soplando siempre el viento, sin el me-nor silbido, la luna alcanzó la plazaopuesta y todo volvió a caer en las tinie-blas. [211] «¿Es un sueño?» Pero el terri-ble olor le restituía a la vida, a la nocheansiosa, en la que los reverberos, antesempañados por la niebla, ponían grandesredondeles sobre las aceras, donde la llu-via había desvanecido las pisadas.

¿Adónde ir? Vacilaba. No podríaolvidar a Kyo, si trataba de dormir.Recorría, ahora, una calle de modes-tos bares, burdeles minúsculos conlos letreros redactados en las len-guas de todas las naciones. Entró enel primero.

Se sentó junto a las vidrieras. Las trescamareras —una mestiza y dos blancas—estaban sentadas con unos clientes, uno delos cuales se disponía a marcharse.Clappique esperó y miró hacia afuera:nada; ni siquiera un marino. A lo lejos,unos tiros de fusil. Se sobresaltó, ex pro-feso: una sólida camarera rubia, liberada,iba a sentarse a su lado. «Un Rubens —pensó—; pero no perfecto: debe de ser deJordaens. Ni una palabra...» Comenzó adar vueltas a su sombrero con el índice, atoda velocidad, lo hizo saltar, volvió a co-gerlo por los bordes con delicadeza y locolocó sobre las rodillas de la mujer.

—Ten cuidado, querida amiga, deeste sombrerito. Es único en Shanghai.Además, está domesticado...

La mujer se regocijó: era un bro-mista. Y la alegría prestó una vidasúbita a su semblante, hasta entoncesinexpresivo.

—¿Se bebe o se sube? —preguntó.

—Las dos cosas.

Trajo Schiedam. Constituía «una es-pecialidad de la casa».

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111 (p. 253). Miché (ou micheton): arg. Uncave, un niais, un homme facile à duper.

— Sans blague? demandaClappique.

Elle haussa les épaules.

— Qu’est-ce que tu veux que ça mefoute?

— Tu as des ennuis?

Elle le regarda. Avec les rigolos,il fallait se méfier. Pourtant il étaitseul, il n’avait personne à amuser;et il ne semblait vraiment pas semoquer d’elle.

— Qu’est-ce que tu veux qu’on aitd’autre, dans une vie pareille.

— Tu fumes?

— L’opium est trop cher. On peutse faire piquer, bien sûr, mais j’ai peur:avec leurs sales aiguilles on attrapedes abcès et si on a des abcès, lamaison vous fout dehors. Il y a dixfemmes pour une place. Et pouis...

« Flamande », pensa-t-il... Il lui coupala parole

— On peut avoir de l’opium pas tropcher. Je paie celui-ci deux dollarsseptante-cinq.

— Tu es du Nord aussi?

Il lui donna une boîte sans répondre.Elle lui était reconnaissante - de rencontrerun compatriote, et de ce don.

— C’est encore trop cher pour moi...Mais celui-là ne m’aura pas coûté cher.J’en mangerai cette nuit. [252]

— Tu n’aimes pas fumer?

— Tu crois donc que j’ai une pipe?Qu’est-ce que tu t’imagines ?

Elle sourit avec amertume, contenteencore cependant. Mais la méfiancehabituelle revint

— Pourquoi tu me la donnes ?

— Laisse... Ça me fait plaisir. J’aiété « du milieu »...

En effet, il n’avait pas l’air d’un miché(111). Mais il n’était certainement plus « dumil ieu » depuis longtemps . ( I l avai tparfois besoin de s’ inventer desb i o g r a p h i e s c o m p l è t e s , m a i srarement . ) El le se rapprocha delui , sur la banquet te .

— Simplement, essaie d’êtregentille: ce sera la dernière fois que je

—¿Sin bromas? —preguntóClappique.

Ella se encogió de hombros.

—¿Qué quieres que me importe a míeso?

—¿Te aburres?

Ella le miró. De los bromistas habíaque desconfiar. Sin embargo, pensándo-lo bien, iba solo, y no había nadie quepudiera reírse; verdaderamente, no pare-cía burlarse de ella.

—¿Qué otra cosa quieres que hagauna, con una vida como ésta?

—¿Fumas? [212]

—El opio es demasiado caro. Se pue-de mandar picar, desde luego; pero tengomiedo: con las agujas sucias se atrapanabscesos; y, si tiene una abscesos, la casanos pone en la calle. Hay diez mujeresesperando una plaza. Además. . .

«Flamenca» —pensó...— Le cortó lapalabra.

—Se puede obtener opio que no seademasiado caro. Yo pago del de dos dó-lares setenta y cinco.

—¿Tú eres del Norte, también?

Le dio una caja, sin responder. Ellaestaba reconocida —de encontrar a uncompatriota y de aquel obsequio.

—Todavía es demasiado caro paramí... Pero éste no me habrá costado caro.Comeré esta noche.

—¿No te gusta fumar?

—¿Tú crees que tengo pipa? ¿Qué eslo que te imaginas?

Sonrió con amargura, satisfecha,no obstante. Pero la desconfianzahabitual volvió.

—¿Por qué me la das?

—Déjalo... Eso me causa placer. Heestado en «el centro»...

En efecto: no tenía el aspecto de«miché». Pero ya no estaba en «el cen-tro», desde hacía mucho tiempo. (A ve-ces, tenía necesidad de inventarse biogra-fías completas, aunque pocas, cuando lasexualidad entraba en juego.) La mujerse acercó a él, sobre la banqueta.

—Sencillamente, procura ser amable:ésta será la última vez que me acueste

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coucherai avec une femme...

— Pourquoi ça?

Elle était d’intelligence lente, maisnon stupide.

— Tu veux te tuer?

Ce n’était pas le premier. Elle pritentre ses mains celle de Clappique poséesur la table et l’embrassa, d’un gestegauche et presque maternel.

— C’est dommage...

« Et tu veux monter? »

Elle avait entendu dire que cedésir venait parfois aux hommes,avant la mort. Mais elle n’osait passe lever la première: elle eût crurendre son suicide plus proche. Elleavait gardé sa main entre les siennes.Affalé sur la banquette, jambescroisées et bras collés au corpscomme un insecte frileux, nez enavant, il la regardait de très loin,malgré le contact des corps. Bienqu’il eût à peine bu, il était ivre dece mensonge, de cette chaleur, del’univers fictif qu’il créait. Quand ildisait qu’il se tuerait, il ne se croyaitpas; mais, puisqu’elle le croyait, ilentrait dans un monde où la véritén’existait plus. Ce n’était [253] nivrai, ni faux, mais vécu. Et puisquen’existaient ni son passé qu’il venaitd’inventer, ni le geste élémentaire etsupposé si proche sur quoi se fondaitson rapport avec cette femme, rienn’existait. Le monde avait cessé depeser sur lui. Délivré, il ne vivait plusque dans l’univers romanesque qu’ilvenait de créer, fort du lien qu’établittoute pitié humaine devant la mort.La sensation d’ivresse était telle quesa main trembla. La femme le sentitet crut que c’était d’angoisse.

— Il n’y a pas moyen... d’arranger ça?

— Non.

Le chapeau, posé sur le coin de latable, semblait le regarder avec ironie.Il l’envoya sur la banquette d’unechiquenaude.

— Histoire d’amour? demanda-t-elleencore.

Une salve crépi ta au loin . «Comme s’il n’y en avait pas assezqu i mour ron t ce t t e nu i t » ,pensa-t-elle.

con una mujer...

—¿Por qué?

Era de inteligencia lenta, pero no es-túpida. Después de haber preguntado,comprendió.

—¿Te quieres matar?

No era el primero. Tomó entre susmanos la de Clappique, que estaba apo-yada sobre la mesa, y se la besó, con unademán torpe y casi maternal.

—Es una lástima...

—¿Y quieres subir?

Había oído decir que aquel deseo se lespresentaba algunas veces a los hombresantes de la muerte. Pero no se atrevía a le-vantarse la primera: hubiera creído que le[213] hacía su suicidio más cercano. Ha-bía conservado la mano entre las suyas.Aferrado a la banqueta, con las piernascruzadas y los brazos pegados al cuerpo,como un insecto friolento, con la narizhacia adelante, Clappique la contempla-ba desde muy lejos, a pesar del contactode los cuerpos. Aunque apenas había be-bido, estaba ebrio de aquella mentira, deaquel calor, del universo ficticio que crea-ba. Cuando decía que iba a matarse, nose creía; pero puesto que ella lo creía,entraba en un mundo donde la verdad yano existía. Aquello no era ni verdaderoni falso, sino vivido. Y, puesto que noexistían en su pasado, que acababa deinventar, en el gesto elemental y que sesuponía tan próximo, en el cual se funda-ban sus relaciones con aquella mujer,nada existía. El mundo había dejado depesar sobre él. Libertado, ya no vivía másque en el universo novelesco que acaba-ba de crear, fuerte por la unión que esta-blece toda piedad humana ante la muer-te. La sensación de embriaguez era tal,que su mano tembló. La mujer lo notó, ycreyó que aquella era la angustia.

—¿No hay medio de arreglar... eso?

—No.

El sombrero, colocado en una es-quina de la mesa, parecía contemplar-le con ironía. Lo trasladó a la banqueta,para no verlo.

—¿Historia de amor? —preguntó ellade nuevo.

Una descarga crepitó a lo lejos.«Como si no hubiera habido bastante conlos que tenían que morir aquella noche»—pensó.

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Il se leva sans avoir répondu. Ellecrut que sa question appelait en lui dessouvenirs. Malgré sa curiosité, elle eutenvie de s’excuser, mais n’osa pas. Ellese leva aussi. Ils montèrent.

Quand il sortit - il ne se retournaitpas, mais savait qu’elle le suivait duregard à travers la vitre ni son esprit nisa sensualité n’étaient assouvis. Labrume était revenue. Après un quartd’heure de marche (l’air frais de la nuitne le calmait pas), il s’arrêta devant unbar portugais. Les vitres n’en étaient pasdépolies. À l’écart des clients, unemaigre brune aux yeux très grands, lesmains sur les seins comme pour lesprotéger, contemplait la nuit. Clappiquela regarda sans bouger. « Je suis commeles femmes qui ne savent pas ce qu’unnouvel amant tirera d’elles... Allonsnous suicider avec celle-ci. »

11 heures 30.

Dans le chahut du Black Cat, Kyoet May avaient attendu.

Les cinq dernières minutes. Déjà ilseussent dû être partis. Que Clappiquene fût pas venu étonnait Kyo (il avaitréuni pour lui presque deux centsdollars) mais non à l’extrême: chaquefois que Clappique agissait ainsi il seressemblait à tel point qu’il ne surprenaitqu’à demi ceux qui le connaissaient.Kyo l’avait tenu d’abord pour unextravagant assez pittoresque, mais il luiétait reconnaissant de l’avoir averti, etse prenait peu à peu pour lui d’unesympathie réelle. Pourtant, ilcommençait à douter de la valeur durenseignement que le baron lui avaittransmis, et ce rendez-vous manqué l’enfaisait douter davantage.

Bien que le fox-trot ne fût pas termi-né, un grand mouvement se fit vers unofficier de Chang-Kaï-Shek qui venaitd’entrer: des couples abandonnèrent ladanse, s’approchèrent, et, bien que Kyon’entendît rien, il devina qu’il s’agissaitd’un événement capital. Déjà May sedirigeait vers le groupe: au Black Cat,une femme était suspecte de tout, doncde rien. Elle revint très vite.

— Une bombe a été lancée sur la voiturede Chang-Kaï-Shek, lui dit-elle à voixbasse. Il n’était pas dans la voiture.

— Le meurtrier? demanda Kyo.

Elle retourna vers le groupe, revintsuivie d’un type qui voulait à toute forcequ’elle dansât avec lui, [255] mais qui

Clappique se levantó sin haber respon-dido. Ella creyó que su pregunta le desper-taba recuerdos. A pesar de su curiosidad, ledieron ganas de pedirle perdón; pero no seatrevió. Se levantó también. Deslizando lamano por debajo del mostrador, sacó unpaquete (un inyector y unos paños) de en-tre dos frascos. Subieron.

Cuando salió —no se volvía, pero sa-bía que ella le seguía con la mirada, através de las vidrieras—, ni su espíritu nisu sensualidad estaban saciados. Habíavuelto la bruma. Después de un cuartode hora de marcha (el aire fresco de lanoche no le calmaba), se detuvo delantede un bar portugués. Los vidrios no estabanesmerilados. [214] Separada de los clien-tes, una morena delgada, de ojos muygrandes, con las manos sobre los senos,como para protegerlos, contemplaba lanoche. Clappique la miró sin moverse.«Soy como las mujeres, que no saben loque un nuevo amante exigirá de ellas...Vamos a suicidarnos con ésta.»

Las 11 y 30

En la baraúnda del Black-Cat, Kyo yMay habían estado esperando.

Los últimos cinco minutos. Ya debie-ran haberse ido. A Kyo le extrañaba queno hubiera acudido Clappique (había re-unido para él cerca de doscientos dóla-res), aunque no del todo: cada vez queClappique obraba así, se parecía a sí mis-mo hasta tal punto, que sólo sorprendía amedias a los que le conocían. Kyo le ha-bía considerado en un principio como unextravagante bastante pintoresco; perole estaba agradecido de que le hubieraavisado, e iba sintiendo poco a pocohacia él una simpatía real. Sin embar-go, comenzaba a dudar del valor de lanoticia que el barón le había transmi-tido, y el haber faltado a aquella citale hacía dudar más aún.

Aunque el fox-trot no se había termi-nado, se produjo gran revuelo hacia unoficial de Chiang Kaishek, que acababade entrar: unas parejas abandonaron elbaile, se acercaron y, aunque Kyo no oyónada, adivinó que se trataba de un acon-tecimiento capital. May se dirigía ya ha-cia el grupo. En el Black-Cat, una mujerera sospechosa de todo, y, por consiguien-te, de nada. Volvió muy pronto.

—Una bomba ha sido arrojada alcoche de Chiang Kaishek —le dijo, envoz baja—. Él no iba en el coche.

—¿Y el asesino? —preguntó Kyo.

May volvió al grupo, seguida deun sujeto que quería a toda costaque ba i lase con é l , pero que la

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l’abandonna dès qu’il vit qu’elle n’étaitpas seule.

— Échappé, dit-elle

— Souhaitons-le...

Kyo savait combien cesinformations, presque toujours, étaientinexactes. Mais il était peu probable queChang-Kaï-Shek eût été tué.l’importance de cette mort-là eût étételle que l’officier ne l’eût pas ignorée.« Nous saurons au Comité militaire, ditKyo. Allons-y tout de suite ».

Il souhaitait trop que Tchen se fûtévadé pour en douter pleinement. QueChang-Kaï-Shek fût encore à Shanghaïou déjà parti pour Nankin, l’attentatmanqué donnait une importancecapitale à la réunion du Comitémilitaire. Pourtant, qu’en attendre? Ilavait transmis l’affirmation deClappique, dans l’après-midi, à un Co-mité central sceptique et s’efforçant del’être: le coup de force confirmait troples thèses de Kyo pour que saconfirmation par lui ne perdît de savaleur. D’ailleurs, le Comité jouaitl’union, non la lutte: quelques jours plustôt, le chef politique des rouges et l’undes chefs des bleus avaient prononcé àShanghaï des discours touchants. Etl’échec de la prise de la concessionjaponaise par la foule, à Han-Kéou,commençait à montrer que les rougesétaient paralysés dans la Chine centralemême; les troupes mandchouesmarchaient sur Han-Kéou, qui devraitles combattre avant celles deChang-Kaï-Shek... Kyo avançait dans lebrouillard, May à son côté, sans parler.Si les communistes devaient lutter cettenuit, ils pourraient à peine se défendre.Leurs dernières armes livrées ou non,comment combattraient-ils, un contredix, en désaccord avec les instructionsdu Parti communiste chinois, contre unearmée qui leur opposerait ses [256]corps de volontaires bourgeois armés àl’européenne et disposant de l’avantagede l’attaque? Le mois dernier, toute laville était pour l’armée révolutionnaireunie; le dictateur avait représentél’étranger, la ville était xénophobe;l’immense petite bourgeoisie étaitdémocrate, mais non communiste;l’armée, cette fois, était là, menaçante,non en fuite vers Nankin;Chang-Kaï-Shek n’était pas le bourreaude Février, mais un héros national, saufchez les communistes. Tous contre lapolice, le mois dernier; les communistescontre l’armée aujourd’hui. La villeserait neutre, plutôt favorable augénéral. A peine pourraient-ils défendreles quartiers ouvriers; Chapeï, peut-être?Et ensuite?... Si Clappique s’était

abandonó en cuanto vio que no es-taba sola.

—Ha escapado —dijo.

—Deseémoslo...

Kyo sabía cuán inexactas eran casisiempre aquellas [215] informaciones.Pero era poco probable que ChiangKaishek hubiese sido muerto: la impor-tancia de aquella muerte hubiera sido tal,que el oficial no la habría ignorado.«Nos enteraremos en el Comité militar —dijo Kyo—. Vamos allá en seguida.»

Deseaba demasiado que Chen se hu-biera evadido para dudarlo plenamente.Que Chiang Kaishek estuviese aún enShanghai o que ya hubiese salido paraNankín, el atentado frustrado daba unaimportancia capital a la reunión del Co-mité militar. Sin embargo, ¿qué esperarde ella? Había transmitido la afirmaciónde Clappique, aquella tarde, a su Comi-té central escéptico, que se esforzaba porserlo: aquel golpe confirmaba demasia-do las tesis de Kyo para que su confir-mación por él no perdiese su valor. Ade-más, el Comité representaba la unión, yno la lucha. Algunos días antes, el jefepolítico de los rojos y uno de los jefesde los azules habían pronunciado enShanghai sendos discursos conmovedo-res. Y el fracaso de la toma de la conce-sión japonesa por la multitud, en Han-Kow, comenzaba a mostrar que los ro-jos estaban paralizados en la China cen-tral misma; las tropas manchúes marcha-ban sobre Han-Kow, que debería com-batirlas antes de que las de ChiangKaishek... Kyo avanzaba entre la niebla,con May a su lado, sin hablar. Si los co-munistas tenían que luchar aquella no-che, apenas podrían defenderse. Entre-gadas o no sus últimas armas, ¿cómocombatirían, uno contra diez, en des-acuerdo con las instrucciones del Parti-do comunista chino, contra un ejércitoque les opondría sus cuerpos de volun-tarios burgueses, armados a la europeay disponiendo de las ventajas del ata-que? El mes anterior, toda la ciudad es-taba unida por el ejército revoluciona-rio: el dictador había representado alextranjero, y la ciudad era xenófoba; lainmensa burguesía modesta era demó-crata, pero no comunista: el ejército, estavez, estaba allí, amenazador, y no enfuga hacia Nankín; Chiang Kaishek noera el verdugo de febrero, sino un héroenacional, salvo para los comunistas.Todos contra la policía, el mes anterior;los comunistas, contra el ejército, aho-ra. La ciudad permanecería neutral, ymás bien favorable al general. Apenaspodrían defender los barrios obreros;[216] ¿Chapei, quizá? ¿Y luego?... SiClappique se había equivocado; si la

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112 (p. 257). Les thèses trotskistes : enrefusant de collaborer avec le Kuomintang,bon gré mal gré Kyo et les siens épousent« objectivement » la ligne trotskiste, hostileaux « instructions de l’Internationale » (cf.supra, la note 86, ainsi que les dialoguesentre Vologuine et Kyo, entre Possoz etKyo).

trompé, si la réaction tardait d’un mois,le Comité militaire, Kyo, Katoworganiseraient deux cent mille hommes.Les nouveaux groupes de choc, formésde communistes convaincus, prenaienten main les Unions : mais un mois aumoins serait nécessaire pour créer uneorganisation assez précise pourmanoeuvrer les masses.

Et la question des armes restaitposée. II faudrait savoir, non si deux outrois mille fusils devraient être rendus,mais comment seraient armées lesmasses en cas de coup de force deChang-Kaï-Shek. Tant qu’ondiscuterait, les hommes seraientdésarmés. Et, si le Comité militaire, entout état de cause, exigeait des armes,le Comité central, sachant que les thèsestrotskistes (112) attaquaient l’unionavec le Kuomintang, était épouvanté partoute attitude qui pût, à tort ou à raison,sembler liée à celle de l’Oppositionrusse.

Kyo commençait à voir dans labrume pas encore levée -qui l’obligeaità marcher sur le trottoir, de crainte desautos -la lumière trouble de la maison[257] où se tenait le Comité militaire.Brume et nui t opaques: i l dutallumer son briquet pour savoirl’heure. Il était de quelques minutesen retard. Résolu à se hâter, il passale bras de May sous le sien; elle seserra doucement contre lui. Aprèsquelques pas, il sentit dans le corpsde May un hoquet et une mollessefoudroyante. « May! » Il trébucha,tomba à quatre pattes, et, à l’instantoù il se relevait, reçut à toute voléeun coup de matraque sur la nuque.Il retomba en avant sur elle, de toutson long.

Trois policiers sortis d’une maisonrejoignaient celui qui avait frappé. Uneauto vide était arrêtée un peu plus loin.Ils y hissèrent Kyo et partirent,commençant seulement à l’attacheraprès leur départ.

Lorsque May revint à elle (ce queKyo avait pris pour un hoquet était uncoup de matraque à la base des côtes)un piquet de soldats de Chang-Kaï-Shekgardait l’entrée du Comité militaire; àcause de la brume, elle ne les aperçutque lorsqu’elle fut tout près d’eux. Ellecontinua à marcher dans la mêmedirection (elle respirait avec peine, etsouffrait du coup) et revint au plus viteà la maison de Gisors

Minuit.

Dès qu’il avait appris qu’une bombe

reacción tardaba un mes, el Comitémilitar, Kyo y Katow organizarían dos-cientos mil hombres. Los nuevos gru-pos de encuentro, formados con comu-nistas convencidos, se encargaban delas Uniones: pero se necesitaría, porlo menos, un mes para crear una orga-nización lo bastante precisa para ma-nejar las masas.

Y el problema de las armas conti-nuaba en pie. Habría que saber, no sidos o tres mil fusiles deberían ser de-vueltos, sino cómo se armarían las ma-sas, en el caso de un esfuerzo por partede Chiang Kaishek. Mientras se discu-tiera, los hombres serían desarmados.Y, si el Comité militar, de cualquiermodo que fuese, exigía armas, el Co-mité central, sabiendo que las tesistrotskistas atacaban a la Unión con elKuomintang, se espantaría ante todaactitud que pudiera parecer, con razóno sin ella, unida a la de la oposiciónrusa.

Kyo comenzaba a ver en la bruma,todavía no disuelta —que le obligaba acaminar por la acera, por temor a los au-tos—, la luz turbia de la casa donde sereunía el Comité militar. Bruma y nocheopacas: tuvo que recurrir a su encende-dor para conocer la hora. Llevaba algu-nos minutos de retraso. Resuelto a apre-surarse, pasó el brazo de May por debajodel suyo. May se estrechó suavementecontra él. Después de haber dado algu-nos pasos, sintió en el cuerpo de May unasacudida y una flojedad súbitas: caía, res-balando, delante de él. «¡May!» Tropezóy cayó a cuatro pies, y, en el instante enque volvía a levantarse, recibió un maza-zo dado con gran fuerza sobre la nuca.Volvió a caer hacia adelante, sobre ella,cuan largo era.

Tres policías que habían salido de unacasa se unieron al que había golpeado.Un auto vacío estaba parado un poco máslejos. Introdujeron en él a Kyo, y partie-ron, comenzando después a atarlo por elcamino.

Cuando May volvió en sí (lo que Kyohabía tomado por una sacudida, era unmazazo en la parte baja de la espalda), unpiquete de soldados de Chiang Kaishekguardaba la entrada del Comité militar; acausa de la bruma, no los distinguió has-ta que estuvo muy cerca de [217] ellos.Continuó andando en la misma dirección(apenas podía respirar y le dolía el gol-pe), y volvió lo más de prisa que pudo acasa de Gisors.

12 de la noche

En cuanto supo que había sido arroja-

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avait été lancée contre Chang-Kaï-Shek,Hemmelrich avait couru aux nouvelles.On lui avait dit que le général était tuéet le meurtrier en fuite; mais, devantl’auto retournée, le capot arraché, ilavait vu le cadavre de Tchen sur letrottoir, - petit et sanglant, tout [258]mouillé déjà par la brume, - gardé parun soldat assis à côté et appris que legénéral ne se trouvait pas dans l’auto.Absurdement, il lui sembla que d’avoirrefusé asile à Tchen était une des cau-ses de sa mort; il avait couru à laPermanence communiste de sonquartier, désespéré, et passé là une heureà discuter vainement de l’attentat. Uncamarade était entré.

— L’Union des filateurs, à Chapeï,vient d’être fermée par les soldats deChang-Kaï-Shek.

— Les camarades n’ont pas résisté?

— Tous ceux qui ont protesté ont étéfusillés immédiatement. A Chapeï, onfusille aussi les militants ou on met lefeu à leurs maisons... Le GouvernementMunicipal vient d’être dispersé. Onferme les Unions.

Pas d’instructions du Comitécent ra l . Les camarades mar iésavaient filé aussitôt, pour faire fuirfemmes et enfants.

Dès qu’Hemmelrich sortit, il entenditdes salves; il risquait d’être reconnu,mais il fallait avant tout emmener legosse et la femme. Devant lui passèrentdans le brouillard deux autos blindéeset des camions chargés de soldats deChang-Kaï-Shek. Au loin, toujours dessalves; et d’autres, tout près.

Pas de soldats dans l’avenue desDeux-Républiques, ni dans la rue dontsa boutique faisait le coin. Non: plus desoldats. La porte du magasin étaitouverte. Il y courut: partout, à terre, desmorceaux de disques épars dans degrandes taches de sang. La boutiqueavait été « nettoyée » à la grenade,comme une tranchée. La femme étaitaffaissée contre le comptoir, presqueaccroupie, la poitrine couleur deblessure. Dans un coin, un bras d’enfant,la main, ainsi isolée, paraissait encoreplus petite [259] « Pourvu qu’ils soientmorts! » pensa Hemmelrich. Il avaitpeur surtout d’une agonie à laquelleil devrait assister, impuissant, bonseulement à souf fr i r, commed’habitude - plus peur même que de cescasiers criblés de taches rouges etd’éclat s. À travers sa semelle, ilsentit le sol gluant. « Leur sang ». Il res-tait immobile, n’osant plus bouger,regardant, regardant... Il découvrit

da una bomba contra Chiang Kaishek,Hemmelrich corrió en busca de noticias. Lehabían dicho que el general había muerto yque el criminal había huido; pero, delantedel auto retorcido, con la capota arranca-da, vio el cadáver de Chen sobre laacera —pequeño y ensangrentado, todomojado ya por la bruma—, guardadopor un soldado sentado a su lado; y seenteró de que el general no iba dentro delauto. Absurdamente, le pareció que elhaber negado asilo a Chen era una delas causas de su muerte; corrió a la Per-manencia comunista de su barrio, des-esperado, y se pasó allí una hora, dis-cutiendo en vano acerca del atentado.Entró un camarada.

—La Unión de los hilanderos, deChapei, acaba de ser cerrada por los sol-dados de Chiang Kaishek.

—¿Los camaradas no se han resistido?

—Todos los que han protestado hansido fusilados inmediatamente. En Cha-pe¡ se fusila también a los militantes o seprende fuego a sus casas... El GobiernoMunicipal acaba de ser dispersado. Secierran las Uniones.

No había instrucciones del Comitécentral. Los camaradas casados habíanhuido inmediatamente, para salvar a susmujeres y a sus hijos.

En cuanto Hemmelrich hubo salido,oyó una descarga; corría el riesgo de serreconocido; pero, ante todo, había quellevarse al chico y a la mujer. Por delantede él, pasaron entre la niebla dos autosblindados y camiones llenos de soldadosde Chiang Kaishek. A lo lejos, continua-ban las descargas; y otras, muy cerca.

No había soldados en la avenida delas Dos Repúblicas ni en la calle a la quesu tienda hacía esquina. No: no habíasoldados. La puerta del almacén estabaabierta. Corrió hacia ella: en el suelo,había unos trozos de discos [218] espar-cidos, entre grandes manchas de sangre.La tienda había sido «barrida» por unagranada, como una trinchera. La mujerestaba abatida sobre el mostrador, casiacurrucada, con el pecho del color de laherida. En un rincón, un brazo del niño;la mano, así aislada, parecía aún más pe-queña. «¡Con tal que hayan muerto!...»—pensó Hemmelrich. Sentía miedo, antetodo, por una agonía a la cual tendría queasistir, impotente, bueno sólo para sufrir,como de costumbre —más por miedomismo que por la presencia de aquellosanaqueles, acribillados de manchas rojasy de cascos de granada. A través de la sue-la, sintió el suelo pegajoso. «Su sangre.»Permanecía inmóvil, sin atreverse ya amoverse, mirando, mirando... Descubrió,

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enfin le corps de l’enfant, près de laporte qui le cachait. Au loin, deuxgrenades éclatèrent. Hemmelrichrespirait à peine dans l’odeur dusang répandu. « Il n’est pas questionde les enterrer... » Il ferma la porteà clef, resta devant. « Si on vient etsi on me reconnaît, je suis mort. »Mais il ne pouvait pas partir.

Il savait qu’il souffrait, mais un halod’indifférence entourait sa douleur, decette indifférence qui suit les maladieset les coups sur la tête. Nulle douleurne l’eût surpris: en somme, le sort avaitcette fois réussi contre lui un coupmeilleur que les autres. La mort nel’étonnait pas: elle valait bien la vie. Laseule chose qui le bouleversât était depenser qu’il y avait eu derrière cetteporte autant de souffrance qu’il y avaitde sang. Pourtant, cette fois, la destinéeavait mal joué: en lui arrachant tout cequ’il possédait encore, elle le libérait. Ilrentra, ferma la porte. Malgré soneffondrement, cette sensation de coupde bâton à la base du cou, ses épaulessans force, il ne pouvait chasser de sonattention la joie atroce, pesante,profonde, de la libération. Avec horreuret satisfaction, il la sentait gronder enlui comme un fleuve souterrain,s’approcher; les cadavres étaient là, sespieds qui collaient au sol étaient colléspar leur sang, rien ne pouvait être plusdérisoire que ces assassinats - surtoutcelui de l’enfant malade celui-là luisemblait encore plus innocent que la[260] morte; - mais maintenant, il n’étaitplus impuissant. Maintenant, il pouvaittuer, lui aussi. Il lui était tout à couprévélé que la vie n’était pas le seul modede contact entre les êtres, qu’elle n’étaitmême pas le meilleur; qu’il lesconnaissait, les aimait, les possédait plusdans la vengeance que dans la vie. Ilsentit une fois de plus ses semellescoller, et chancela: les muscles, eux,n’étaient pas aidés par la pensée. Maisune exaltation intense bouleversait sonesprit, la plus puissante qu’il eût jamaisconnue; il s’abandonnait à cetteeffroyable ivresse avec un consentemententier. « On peut tuer avec amour. Avecamour, nom de Dieu! » répéta-t-ilfrappant le comptoir du poing - contrel’univers peut-être... Il retira aussitôt samain, la gorge serrée, à la limite dusanglot: le comptoir aussi étaitensanglanté. Il regarda la tache déjàbrune sur sa main qui tremblait, secouéecomme par une crise de nerfs: de petitesécailles s’en détachaient. Rire, pleurer,échapper à cette poitrine nouée, tordue...Rien ne remuait, et l’immenseindifférence du monde s’établissait avecla lumière immobile sur les disques, surles morts, sur le sang. La phrase « Onarrachait les membres des condamnés

por fin, el cuerpo del niño, junto a lapuerta que lo ocultaba. A lo lejos,exp lo ta ron dos g ranadas .Hemmelrich apenas respiraba, as-fixiado por el olor de la sangre ver-tida. «No es cosa de enterrarlos...»Cerró la puerta con llave, y se que-dó allí. «Si vienen y me reconocen,me matarán.» Pero no podía irse.

Sabía que sufría; pero un halo de in-diferencia rodeaba su dolor, de esa indi-ferencia que sigue a las enfermedades ya los golpes recibidos en la cabeza. Nin-gún dolor le habría sorprendido: en de-finitiva, la suerte había realizado contraél, aquella vez, un golpe mejor que losotros. La muerte no le asombraba: eraigual que la vida. La única cosa que leinquietaba era pensar que detrás de aque-lla puerta había tenido tanto sufrimien-to como sangre había ahora. Sin embar-go, aquella vez, el destino había obradomal: arrancándole todo cuanto poseíaaún, le libertaba. Volvió a entrar y cerróla puerta. A pesar de su desolación, deaquella sensación de bastonazo bajo lanuca y de aquellos hombros sin fuerza,no podía apartar de su atención el júbiloatroz, pesado, profundo, de la liberación.Con horror y satisfacción, la oía subirdentro de sí, como un río interior, yaproximarse; los cadáveres estaban allí;sus pies, que se adherían al suelo, esta-ban empapados en su sangre; nada po-día ser más irrisorio que aquellos asesi-natos —sobre todo, el del niño enfermo:éste le parecía aún más inocente que lamuerta—; pero, ahora, ya no era impo-tente. Ahora, podía matar, él también.Le [219] había sido revelado, de pronto,que la vida no era el único medio decontacto entre los seres; que no era, si-quiera, el mejor; que los conocía, losamaba y los poseía más en la venganzaque en la vida. Sintió, una vez más, ad-herirse sus suelas, y vaciló: los múscu-los no eran ayudados por el pensamien-to. Pero una exaltación intensa sacudíasu espíritu, la más poderosa que jamáshabía conocido; se abandonaba a aque-lla espantosa embriaguez con un enteroconsentimiento. «Se puede matar conamor. ¡Con amor, Dios mío!» —repitió,golpeando en el mostrador con el puño—contra el universo quizá... Retiró inme-diatamente la mano, con la gargantaoprimida, en el límite de los sollozos; elmostrador también estaba ensangrenta-do. Miró la mancha, ya oscura, sobre sumano, que temblaba, sacudida como porun ataque de nervios: unas escamillascaían de ella. Reír, llorar, escapar a aquelpecho anudado, retorcido... Nada se mo-vía, y la inmensa indiferencia del mundose establecía con la luz inmóvil sobre losdiscos, sobre los muertos, sobre la san-gre. La frase «Se arrancaban los miem-bros de los condenados con tenazas en-

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avec des tenailles rougies » montait etdescendait dans son cerveau; il ne laconnaissait plus depuis l’école; mais ilsentait qu’elle signifiait confusémentqu’il devait partir, s’arracher lui aussi.

Enfin, sans qu’il sût comment, ledépart devint possible. Il put sortir,commença à marcher dans une euphorieaccablée qui recouvrait des remous dehaine sans limites. A trente mètres, ils’arrêta. « J’ai laissé la porte ouverte sureux. » Il revint sur ses pas. Au fur et àmesure qu’il s’approchait, il sentait lessanglots se former, se nouer plus bas quela gorge dans la poitrine, et rester là. Ilferma les yeux, tira sa [261] porte. Laserrure claqua : fermée. II repartit: « Çan’est pas fini, grogna-t-il en marchant.Ça commence. Ça commence... » Lesépaules en avant, il avançait comme unhaleur vers un pays confus dont ilsavait seulement qu’on y tuait, tirantdes épaules et du cerveau le poidsde tous ses morts qui, enfin! nel’empêchait plus d’avancer.

Les mains tremblantes, claquant desdents, emporté par sa terrible liberté,il revint en dix minutes à laPermanence. C’était une maison d’unseul étage. Derrière les fenêtres, desmatelas étaient sans doute levés:malgré l’absence des persiennes, on nevoyait pas de rectangles lumineux dansle brouillard mais seulement des raiesverticales. Le calme de la rue, presqueune ruelle, était absolu, et ces raieslumineuses prenaient là l’intensité à lafois minime et aiguë des pointsd’ignition. Il sonna. La portes’entrouvrit: on le connaissait.Derrière, quatre militants, le Mauser aupoing, le regardèrent passer. Commeles sociétés d’insectes, le vaste couloirvivait d’une vie au sens confus maisau mouvement clair: tout venait de lacave: l’étage était mort. Isolés, deuxouvriers installaient au haut del’escalier une mitrailleuse quicommandait le couloir. Elle ne brillaitmême pas, mais elle appelait l’attentioncomme le tabernacle dans une église.Des étudiants, des ouvriers couraient.Il passa devant des fascines de barbelés(à quoi ça pourrait-il servir?) monta,contourna la mitrailleuse et atteignit lepalier. Katow sortait d’un bureau, et leregarda interrogativement. Sans riendire, il tendit sa main sanglante.

— Blessé? Il y a des pansements enbas. Le gosse est caché?

Hemmelrich ne pouvait pas parler. Ilmontrait opiniâtrement sa main, d’un airidiot. « C’est leur sang », pensait-il.Mais ça ne pouvait pas se dire. [262]

J’ai un couteau, dit-il enfin.

rojecidas» subía y bajaba por su cerebro;no la conocía ya, desde que había salidode la escuela; pero presentía que signifi-caba confusamente que debía partir, quedebía arrancarse, él también.

Por fin, sin que supiese cómo, la mar-cha se hizo posible. Pudo salir, y comenzóa caminar con una euforia abrumada queocultaba entre remolinos de un odio sinlímites. A unos treinta metros, se detuvo.«He dejado la puerta abierta ante ellos.»Volvió sobre sus pasos. A medida que seaproximaba, sentía formársele los sollo-zos, anudársele más abajo de la garganta,en el pecho, y quedarse allí. Cerró los ojosy tiró de la puerta. La cerradura crujió:estaba cerrada. Reanudó su marcha. «Estono ha terminado —gruñó, mientras cami-naba—. Empieza. Empieza...» Con loshombros hacia adelante, avanzaba, comoun sirgador, hacia un país confuso, delcual sólo sabía que allí se mataba, llevan-do sobre sus hombros y en el cerebro elpeso de todos sus muertos, que —¡porfin!— no le impedirían ya avanzar.

Con las manos temblorosas, castañe-teándole los dientes, [220] transportadopor su terrible libertad, estuvo en diez mi-nutos en la Permanencia. Era una casa deun solo piso. Detrás de las ventanas, ha-bían sido colocados, sin duda, unos col-chones: a pesar de la ausencia de persia-nas, no se veían los rectángulos lumino-sos en la niebla, sino sólo unas rayasverticales. La calma de la calle, casi unacallejuela, era absoluta, y aquellas ra-yas luminosas adquirían la intensidad,a la vez mínima y aguda, de los puntosde ignición. Llamó. Se entreabrió lapuerta: no le conocían. Detrás, cuatromilitantes, con el máuser en la mano,le miraron al pasar. Como en las socie-dades de insectos, el vasto corredor vi-vía con una vida de sentido confuso,pero de movimiento claro: todo proce-día de la cueva; el piso estaba muerto.Aislados, los obreros instalaban en loalto de la escalera una ametralladoraque dominaba el corredor. No brillabasiquiera; pero llamaba la atención,como el tabernáculo en una iglesia.Unos estudiantes, y unos obreros corrían.Pasó por delante de las marañas de las alam-bradas (¿para qué podría servir aquello?);subió, rodeó la ametralladora y llegó al re-llano. Katow salía de un despacho y le miróinterrogativamente. Sin hablar, Hemmelrichextendió su mano ensangrentada.

—¿Herido? Hay vendajes abajo. ¿Elchico está oculto?

Hemmelrich no podía hablar. Mostra-ba obstinadamente su mano, con un as-pecto idiota. «Es sangre», pensaba. Perono podía decirlo.

—Tengo un cuchillo —dijo, por fin—.

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113 (p. 264). Contes dHoffmann: Hoffmann(1776-1822), écrivain allemand, auteur decontes fantastiques.

Donne-moi un fusil.

— Il n’y a pas beaucoup de fusils.

— Des grenades.

Katow hésitait.

— Crois-tu que j’aie peur, bougre decon!

— D’scends : des grenades, il y en adans les caisses. Pas beaucoup... Sais-tuoù est Kyo?

— Pas vu. J’ai vu Tchen: il est mort.

— Je sais.

Hemmelrich descendit. Bras engagésjusqu’aux épaules des camaradesfouillaient dans une caisse ouverte. Laprovision tirait donc à sa fin. Leshommes emmêlés s’agitaient dans lapleine lumière des lampes - il n’y avaitpas de soupiraux, - et le volume de cescorps épais autour de la caisse, rencontréaprès les ombres qui filaient sous lesampoules voilées du corridor, le surpritcomme si, devant la mort, ceshommes-ci eussent eu droit soudain àune vie plus intense que celle des autres.Il emplit ses poches, remonta. Lesautres, les ombres, avaient achevél’installation de la mitrailleuse et posédes barbelés derrière la porte, un peuen arrière pour qu’on pût l’ouvrir: lescoups de sonnette se répétaient deminute en minute. II regarda par le ju-das : la rue embrumée était toujours cal-me et vide: les camarades arrivaient, in-formes dans le brouillard comme despoissons dans l’eau trouble, sous la ba-rre d’ombre que projetaient les toits. IIse retournait pour aller retrouver Katow :à la fois, deux coups de sonnette précipité,un coup de feu et le bruit d’unesuffocation, puis, la chute d’un corps.

« Les voici! » crièrent à la foisplusieurs des gardiens de la porte. Lesilence tomba sur le corridor, battu ensourdine par les voix et les bruitsd’armes [263] qui montaient de la cave.Les hommes gagnaient les postes decombat.

1 heure et demie.

Clappique, cuvant son mensongecomme d’autres leur ivresse, avançait dansle couloir de son hôtel chinois où les boys,affalés sur une table ronde audessous dutableau d’appel, crachotaient des grains detournesol autour des crachoirs. Il savaitqu’il ne dormirait pas. II ouvritmélancoliquement sa porte, jeta son vestonsur l’exemplaire familier des Contesd’Hoffmann (113) et se versa du

Dame un fusil.

—No hay muchos fusiles.

—Unas granadas.

Katow vacilaba.

—¿Crees que tengo miedo, grandísi-mo idiota?

— B a j a : g r a n a d a s , h a y e n l a sc a j a s . . . _________ ¿ S a b e s d ó n d ee s t á K y o ?

—No lo he visto. He visto a Chen: está muerto.

—Ya lo sé.

Hemmelrich bajó. Con los brazoshundidos hasta los hombros, unos ca-maradas hurgaban en una caja abierta.La provisión, por tanto, tocaba a su fin.Los hombres, revueltos, se agitabanhacia la plena luz de las lámparas —nohabía tragaluces—, y el volumen de aque-llos cuerpos [221] abultados alrededor de lacaja, encontrado después de las sombras quedesfilaban bajo las bombillas veladas delcorredor, le sorprendió, como si, ante lamuerte, aquellos hombres tuviesen derecho,de pronto, a una vida más intensa que la delos demás. Se llenó los bolsillos y volvió asubir. Los otros, las sombras, habían termi-nado la instalación de la ametralladora yhabían colocado las alambradas detrás dela puerta, un poco hacia atrás, para que pu-diera abrirse: los campanillazos se repetíanminuto a minuto. Miró por el ventanillo:la calle brumosa continuaba tranquilay vacía: los camaradas llegaban, infor-mes en la niebla, como peces en elagua turbia, bajo la línea de sombraque proyectaban los tejados. Se vol-vía para ir en busca de Katow: a la vez,dos campanillazos precipitados, undisparo y el ruido de un ahogo; luego,la caída de un cuerpo.

«¡Aquí están!» —gritaron, a la vez,varios guardianes de la puerta. El si-lencio cayó sobre el corredor, batido ensordina por las voces y por el ruido delas armas que subían desde la cueva.Los hombres llegaron a los puestos decombate.

Una y media

Clappique, cociendo su mentira, comootros su borrachera, avanzaba por el co-rredor de su hotel chino, donde los boys,adosados a una mesa redonda, debajo delcuadro de llamada, escupían granos degirasol alrededor de las salivaderas. Sa-bía que no dormiría. Abrió melancólica-mente la puerta, arrojó su americana so-bre el ejemplar familiar de los Cuentosde Hoffmann y se escanció whisky: solía

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114 (p. 265). En type à fluxion : dont la joueest déformée, enflée par un abcès dentaire.

115 (p. 265). L’homme-qui-rit: allusion auroman de V. Hugo, L’homme qui rit (1869).

whisky. Il y avait quelque chosede changé dans cette chambre. Ils’efforça de n’y pas penser: l’absenceinexplicable de certains objets eût ététrop inquiétante. Il était parvenu àéchapper à presque tout ce sur quoiles hommes fondent leur vie: amour,famille, travail: non à la peur. Ellesurg i ssa i t en lu i , comme uneconscience aiguë de sa solitude;pour la chasser il filait d’ordinaireau Black Cat le plus voisin.

Impossible cette nuit: excédé, repude mensonge e t de f ra te rn i tésprovisoires... Il se vit dans la glace,s’approcha

« Tout de même, mon bon, dit-il auClappique du miroir, pourquoi filer, aufond? Combien de temps tout ça va-t-ilencore durer? Tu as eu une femmepassons, oh! passons! Des maîtresses,de l’argent; tu peux toujours y penserquand tu as besoin de fantômes pour sefoutre de toi. Pas un mot! Tu as des dons,comme on dit, de la fantaisie, toutes lesqualités nécessaires à faire un parasite:tu pourras toujours être valet de chambrechez Ferral quand l’âge [264] t’auraamené à la perfection. Il y a aussi laprofession de gentilhomme-clochard, lapolice et le suicide. Souteneur? Encorela folie des grandeurs. Reste le suicide,te dis-je. Mais tu ne veux pas mourir.Tu ne veux pas mourir, p’petit salaud!Regarde pourtant comme tu as une deces belles gueules avec lesquelles on faitles morts... »

Il s’approcha encore, le nez touchantpresque la glace; il déforma son mas-que, bouche ouverte, par une grimacede gargouille; et, comme si le masquelui eût répondu :

« Chacun ne peut pas être mort?Évidemment: il faut de tout pourfaire un monde. Bah, quand tu serasmort, tu iras au Paradis. Avec ça quele bon Dieu est une compagnie pourun type de ton genre... »

Il transforma son visage, bouchefermée et tirée vers le menton, yeuxentrouverts, en samouraï de carnaval.Et aussitôt, comme si l’angoisse queles paroles ne suffisaient pas à traduirese fût exprimée directement dans toutesa puissance, il commença à grimacer,se transformant en singe, en idiot, enépouvanté, en type à fluxion (114), entous les grotesques que p e u texprimer un visage humain. Ça nesuffisait plus : il se servit de ses doigts,tirant sur les coins de ses yeux,agrandissant sa bouche pour la gueulede crapaud de l’homme-qui-rit (115),

ocurrir que el alcohol disipaba la angus-tia que algunas veces caía sobre él. Algohabía cambiado en aquella habitación. Seesforzó por no pensar en ello: la ausen-cia inexplicable de ciertos objetos hubierasido demasiado inquietante. Había con-seguido escapar a casi todo aquello so-bre lo que los hombres fundan su vida:amor, familia, trabajo; no al miedo. Éstesurgía en él, como una conciencia agudade su soledad; para rehuirlo, iba de ordi-nario al [222] Black-Cat, el sitio máspróximo, y se refugiaba en las que abrenlas piernas y el corazón, pensando en otracosa. Era imposible, aquella noche; ex-cedido, harto de mentira y de fraternida-des provisionales... Se vio en el espejo,se acercó.

«Sin embargo, amigo mío —dijo alClappique del espejo—, ¿para qué escapar,en el fondo? ¿Cuánto tiempo irá a durartodo eso aún? Has tenido una mujer: ¡bue-no, bueno! Unas queridas, por el dinero;siempre podrás pensar en ello cuando ten-gas necesidad de unos fantasmas paraburlarte de ti. ¡Ni una palabra! Tienes unosdones, como dicen, de fantasía y todas lascualidades necesarias para ser un parási-to: siempre podrás ser ayuda de cámaraen casa de Ferral, cuando la edad te hayaconducido a la perfección. También exis-te la profesión de gentilhombre alcahue-te, la policía y el suicidio. ¿«Souteneur»?(1) Todavía la manía de grandeza. Que-da el suicidio, te digo. Pero tú no quieresmorir. ¡Tú no quieres morir, marrano!Mira, en cambio, cómo tienes una deesas preciosas caras que tienen losmuertos...»

Se acercó más aún, casi tocando conla nariz en el espejo; deformó su másca-ra, abriendo la boca, con una mueca degárgola; y, como si la máscara le hubieserespondido :

—¿No puede morir cada uno de no-sotros? Evidentemente: de todo tiene quehaber en el mundo. ¡Bah! Cuando hayasmuerto, irás al Paraíso. Pues sí que elbuen Dios tendrá una compañía agrada-ble con un tipo como el tuyo.

Transformó su semblante, con la bocacerrada y estirada hacia el mentón y losojos entreabiertos, como un samurai decarnaval. E inmediatamente, como si laangustia que las palabras no bastaban paratraducir se hubiese expresado directa-mente en toda su potencia, comenzó agesticular, transformándose en mono, enidiota, en espantado, en un individuo conun flemón, en todo lo grotesco que pue-de expresar el semblante humano. Aque-llo no bastaba: se sirvió de sus dedos, ti-rándose de los ángulos de los ojos, agran-dándose la boca con la expresión [223]de sapo del hombre que ríe, aplastándose

1. Chulo, en Madrid; canfinflero, en Bue-nos Aires.

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tirant ses oreilles.

Cette débauche de grotesque dansla chambre solitaire, avec la brumede la nui t massée à la fenêtre ,prenait le comique atroce de lafolie. Il entendit son rire - un seulson de voix, le même que celui desa mère; et, découvrant soudain sonvisage, il recula et s’assit, haletant.Il y avait un bloc de papier blancet un crayon sur le fauteuil.

Il commença à s’écrire : [265]

Tu finiras roi, mon vieux Toto, Roi:bien au chaud, dans un confortableasile de fous, grâce au delirium tremenston seul ami, si tu continues à boire.Mais, en ce moment, es-tu saoul ounon?... Toi, qui t’imagines si bien tantde choses, qu’attends-tu pour t’imaginerque tu es heureux ? Crois-tu...

On frappa.

Il dégringola dans le réel. Délivrémais ahuri. On frappa de nouveau.

— Entrez.

Manteau de laine, feutre noir,cheveux blancs Gisors.

— Mais je... je..., bafouillaClappique.

— Kyo vient d’être arrêté, dit Gisors.Vous connaissez König, n’est-ce pas?

— Je... Mais je ne suis pour rien...

____________________ « Pourvuqu’il ne soit pas trop saoul » , pensa Gisors.

— Vous connaissez König? reprit-il.

— Oui, je je... le connais. Je lui ai...rendu service. Grand service.

— Pouvez-vous lui en demander un?

— Pourquoi pas? Mais lequel?

— En tant que chef de la sûreté deChang-Kaï-Shek, König peut faireremettre Kyo en liberté. Ou, du moins,l’empêcher d’être fusillé : c’est le plusurgent, n’est-ce pas.

— Enten... Entendu...

Il avait pourtant si peu de confianceen la reconnaissance de König, qu’ilavait jugé inutile et peut-être imprudentd’aller le voir, même après lesindications de Chpilewski. Il s’assit sur

la nariz, tirándose de las orejas. Cada unode aquellos semblantes le hablaba, le re-velaba, de sí mismo, una parte oculta dela vida; aquel exceso de lo grotesco en lahabitación solitaria, con la bruma de lanoche amontonada en la ventana, toma-ba la comicidad atroz y terrorífica de lalocura. Oyó su risa —un solo sonido devoz, lo mismo que el de su madre—; y,descubriendo, de pronto, su semblante,retrocedió con terror, y se sentó, anhe-lante. Había un block de papel blanco yun lápiz sobre la butaca. Si continuabaasí, acabaría, realmente, por volverseloco. Para defenderse del espantoso es-pejo, comenzó a escribir:

«Acabarás siendo rey, mi buen Toto,Rey: bien caliente, en un confortable asi-lo de locos, gracias al delirium tremens,tu único amigo, si continúas bebiendo.Pero en este momento, ¿estás borracho,o no?... Tú, que te imaginas tan bientantas cosas, ¿qué esperas para imagi-narte que eres feliz? ¿Crees?...»

Llamaron.

Rodó a la realidad. Libertado, peroaturdido. Llamaron de nuevo.

—Adelante.

Una capa de lana, un fieltro negro y unoscabellos blancos: el padre de Gisors.

—Pero yo... yo... —murmuróClappique.

—Kyo acaba de ser detenido —dijoGisors—. Conoce usted a König, ¿verdad?

—Yo... Pero si yo no sirvo para nada...

Gisors le miró con cuidado. «Con tal de queno esté demasiado borracho...», pensó.

—¿Usted conoce a König? —repitió.

—Sí; yo, yo... lo conozco. Le he he-cho... un favor. Un gran favor.

—¿Puede usted pedirle uno?

—¿Por qué no? ¿Pero, cuál?

—Mientras sea jefe de seguridad deChiang Kaishek, König puede hacer quese ponga en libertad a Kyo. O por lo me-nos, impedir que sea fusilado: eso es lomás urgente, ¿verdad?

—Enten... Entendido... [224]

Tenía, sin embargo, tan poca confian-za en el agradecimiento de König, quehabía considerado inútil y quizá impru-dente ir a verle, incluso después de lasindicaciones de Chpilewski. Se sentó en

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le lit, le nez vers le sol. Il n’osait pasparler. Le ton de la voix de Gisors luimontrait que celui-ci ne soupçonnaitnullement sa responsabilité dansl’arrestation : Gisors [266] voyait en luil’ami qui était venu prévenir Kyo dansl’après-midi, non l’homme qui jouait àl’heure du rendez-vous. Mais Clappiquene pouvait s’en convaincre. Il n’osait leregarder, et ne se calmait pas. Gisors sedemandait de quel drame ou de quelleextravagance il sortait, ne devinant pasque sa propre présence était une descauses de cette respiration haletante. Ilsemblait à Clappique que Gisorsl’accusait

— Vous savez, mon bon, que je nesuis pas... enfin pas si fou que ça: je,je...

Il ne pouvait cesser de bafouiller; illui semblait parfois que Gisors était leseul homme qui le comprît; et parfois,qu’il le tenait pour un bouffon. Levieillard le regardait sans rien dire.

— Je... Qu’est-ce que vous pensezde moi?

Gisors avait plus envie de le prendrepar les épaules, et de le mener chezKönig, que de causer avec lui; mais untel bouleversement paraissait sousl’ivresse qu’il lui attribuait, qu’il n’osapas refuser d’entrer dans le jeu.

— Il y a ceux qui ont besoin d’écrire,ceux qui ont besoin de rêver, ceux quiont besoin de parler... C’est la mêmechose. Le théâtre n’est pas sérieux, c’estla course de taureaux qui l’est; mais lesromans ne sont pas sérieux, c’est lamythomanie qui l’est.

Clappique se leva.

— Vous avez mal au bras? demandaGisors.

— Une courbature. Pas un mot...

Clappique venait de retournermaladroitement son bras pour cacher samontre-bracelet au regard de Gisors,comme si l’eût trahi cette montre qui luiavait indiqué l’heure, à la maison de jeu.

— Quand irez-vous voir König?

— Demain matin? [267]

— Pourquoi pas maintenant? Lapolice ne dort pas la nuit, dit Gisors avecamertume, et tout peut arriver...

Clappique ne demandai t pas

la cama, con la nariz hacia el suelo. Nose atrevía a hablar. La entonación de lavoz de Gisors le demostraba que éste nosospechaba, en absoluto, su complicidaden la detención: Gisors veía en él al ami-go que había ido a prevenirle aquellatarde, y no al hombre que se ponía a ju-gar a la hora de la cita. Pero Clappiqueno podía convencerse de ello. No seatrevía a mirarle ni se tranquilizaba.Gisors se preguntaba de qué drama ode qué extravagancia saldría, sin adi-vinar que su propia presencia era unade las causas de aquella respiraciónanhelante. Parecíale a Clappique queGisors le acusaba.

—Sepa usted, amigo mío, que no soy...En fin, que no soy tan loco como todoeso; yo, yo...

No podía cesar de balbucear; unasveces, le parecía que Gisors era el úni-co hombre que le comprendía; otrasveces, que le tenía por un bufón. Elviejo le miraba, sin decir nada.

—Yo.. . ¿Qué es lo que piensade mí?

Gisors sentía más deseos de aga-rrarle de los hombros y conducirlo acasa de König que de hablar con él;pero tal trastorno aparecía bajo la em-briaguez que le atribuía, que no se atre-vió a negarse a seguirle la corriente.

—Existen los que tienen necesidadde escribir, los que tienen necesidadde soñar y los que tienen necesidad dehablar... Es la misma cosa. El teatrono es serio; las corridas de toros lo sonen cambio, las novelas no son serias yla mitomanía sí lo es.

Clappique se levantó.

—¿Tiene usted algo en el brazo? —lepreguntó Gisors.

—Agujetas. Ni una palabra...

Clappique acababa de retorcerse tor-pemente el brazo para ocultar su reloj depulsera a las miradas de Gisors, como sile traicionase aquel reloj que le había se-ñalado la hora en la casa de juego. Por lapregunta de Gisors, se dio cuenta de queaquello era del género idiota.

—¿Cuándo irá usted a ver a König?

—¿Mañana por la mañana? [225]

—¿Por qué no ahora? La policía velaesta noche —dijo Gisors, con amargura—, y todo puede suceder...

Clappique no deseaba otra cosa mejor.

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mieux . Non par remords : denouveau au jeu, il y fût de nouveauresté, - mais par compensation.

— Courons, mon bon...

Le changement qu’il avait constatéen entrant dans la chambre l’inquiéta denouveau. Il regarda attentivement, futstupéfait de ne pas l’avoir vu plus tôt:une de ses peintures taoïstes « à se fairedes rêves » et ses deux plus bellesstatues avaient disparu. Sur la table, unelettre: l’écriture de Chpilewski. Ildevina. Mais il n’osa lire la lettre.Chpilewski l’avait prévenu que Kyoétait menacé: s’il avait l’imprudence deparler de lui, il ne pourrait se défendrede tout raconter. Il prit la lettre et la mitdans sa poche.

Dès qu’ils sortirent, ilsrencontrèrent les autos blindées et lescamions chargés de soldats.

Clappique n’avait pas tout à faitretrouvé son calme: pour cacher le troubledont il ne pouvait encore se délivrer, il fitle fou, comme d’habitude.

— Je voudrais être enchanteur,envoyer au calife une licorne -unelicorne, vous dis-je - qui apparaîtraitcouleur de soleil, dans le palais, en criant: « Sache, calife, que la premièresultane te trompe! Pas un mot! »Moi-même, en licorne, je seraisépatant, avec mon nez! Et, bienentendu, ce ne serait pas vrai. On diraitque personne ne sait combien il estvoluptueux de vivre aux yeux d’un êtreune autre vie que la sienne. D’unefemme surtout...

— Quelle femme ne s’est donnée unefausse vie pour l’un au moins deshommes qui l’ont accostée dans la rue?[268]

— Vous... croyez que tous les genssont mythomanes?

Les paupières de Clappiquepapillotaient nerveusement; il marchamoins vite.

« Non, écoutez, dit-il, parlez-moifranchement pourquoi croyez-vousqu’ils ne le sont pas? »

Il sentait maintenant en lui une envie,bizarrement étrangère à lui-même maistrès forte, de demander à Gisors ce qu’ilpensait du jeu; et pourtant, sûrement, s’ilparlait du jeu il avouerait tout. Allait-ilparler? Le silence l’y eût contraint: parbonheur, Gisors répondit

— Peut-être suis-je l’être le moins fait

No por remordimiento: si de nuevo estu-viese en la casa de juego, de nuevo se ha-bría quedado, sino por comprensión.

—Corramos, amigo mío.

El cambio que había comprobado alentrar le inquietó de nuevo. Miró contoda atención, y quedó estupefacto deno haberlo visto antes: una de sus pin-turas taoístas «como un ensueño» y susdos estatuas más bellas habían desapa-recido. Encima de la mesa, una carta.Letra de Chpilewski. Lo adivinó. Perono se atrevió a leer la carta. Chpilewskile había prevenido que Kyo estaba ame-nazado: si cometía la imprudencia dehablar de él, no podría por menos decontarlo todo. Cogió la carta y se laechó al bolsillo.

En cuanto hubieron salido, encontra-ron los autos blindados y los camionesllenos de soldados.

Clappique casi había recobrado sucalma; para ocultar su turbación, a la cualno podía sustraerse aún, se hizo el loco,como de costumbre.

—Quisiera ser encantador y en-viar al califa un unicornio (un uni-cornio le digo) que apareciese delcolor del sol, en el palacio, gritan-do: «¡Sabes, califa, que la primerasultana te engaña! ¡Ni una palabra!»¡Yo mismo, de unicornio, estaríaasombroso, con mi nariz! Y, por su-puesto, no sería verdad. Diríase quenadie sabe cuán voluptuoso es vivir,con los ojos de un ser, otra vidadistinta de la suya. De una mujer,sobre todo...

—¿Qué mujer no está dotada de unafalsa vida, por lo menos para cada unode los hombres que se le han acercado enla calle?

—¿Usted... cree que todos los seresson mitómanos?

Los párpados de Clappique pestañea-ban nerviosamente; anduvo menos deprisa.

«No; escuche us ted ; háblemecon franqueza: ¿por qué cree us-ted que no lo son?»

Sentía ahora un deseo, raramente extra-ño a él mismo, aunque muy fuerte, de pre-guntarle a Gisors qué pensaba acerca deljuego; y, sin embargo, seguramente, si ha-blara [226] del juego, le confesaría todo. ¿Ibaa hablar? El silencio le hubiera obligado aello. Por fortuna, Gisors respondió:

—Quizá sea yo el ser menos a propó-

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116 (p. 270). Bruyères : petite ville de labanlieue parisienne anonyme, sans cachet.

pour vous répondre... L’opium n’enseignequ’une chose, c’est que, hors de lasouffrance physique, il n’y a pas de réel.

— La souffrance, oui... Et... la peur.

— La peur?

— Vous n’avez jamais peur, dansl’o... l’opium?

— Non. Pourquoi?

— Ah!...

À la vérité, Gisors pensait que si lemonde était sans réalité, les hommes,et ceux mêmes qui s’opposent le plusau monde ont, eux, une réalité très forte;et que Clappique, précisément, était undes très rares êtres qui n’en eussentaucune. Et il l’éprouvait avec angoisse,car c’était entre ces mains de brouillardqu’il remettait le destin de Kyo.Au-dessous des attitudes de tout hommeest un fond qui peut être touché, etpenser à sa souffrance en laissepressentir la nature. La souffrance deClappique était indépendante de lui,comme celle d’un enfant : il n’en étaitpas responsable; elle eût pu le détruire,elle ne pouvait le modifier. Il pouvaitcesser d’exister, disparaître dans unvice, dans une monomanie, [269] il nepouvait devenir un homme. « Un coeurd’or, mais creux ». Gisors s’apercevaitqu’au fond de Clappique n’étaient ni ladouleur ni la solitude, comme chez lesautres hommes, mais la sensation.Gisors jugeait parfois les êtres ensupposant leur vieillesse : Clappique nepouvait vieillir: l’âge ne le menait pas àl’expérience humaine mais àl’intoxication - érotisme ou drogue - oùse conjugueraient enfin tous ses moyensd’ignorer la vie. « Peut-être, pensait lebaron, si je lui racontais tout,trouverait-il tout normal... » On tiraitmaintenant partout dans la ville chinoise,Clappique pria Gisors de l’abandonnerà l a l i m i t e d e l a c o n c e s s i o n :König ne l’eût pas reçu. Gisors regardadisparaître dans la brume sa silhouettemaigre et désordonnée.

La section spéciale de police deChang-Kaï-Shek était installée dans unesimple villa construite vers 1920: styleBécon-les-Bruyères (116), mais fenêtresencadrées d’extravagants ornementsportugais, jaunes et bleuâtres. Deuxfactionnaires et plus de plantons qu’ilne convenait; tous les hommes armés;c’était tout. Sur la fiche qu’un secrétairelui tendait, Clappique écrivit « Toto »,laissa en blanc le motif de la visite, etattendit. C’était la première fois qu’ilse trouvait dans un lieu éclairé depuisqu’il avait quitté sa chambre: il tira de

sito para responder... El opio no enseñamás que una cosa, y es que, fuera del su-frimiento físico, no hay nada real.

—El sufrimiento, sí... Y... el miedo.

—¿El miedo?

—¿No ha tenido usted nunca miedo,bajo la acción del o... del opio?

—No. ¿Porqué?

—¡Ah!.. .

A decir verdad, Gisors pensaba que siel mundo no tenía realidad, los hombres,aun aquellos mismos que se hallan másopuestos al mundo, tienen una realidadmuy fuerte; y que Clappique, precisamen-te, era uno de los muy raros seres que notenían ninguna. Y lo comprobaba conangustia, porque era entre aquellas ma-nos de niebla entre las que ponía el desti-no de Kyo. Bajo las actitudes de todoslos hombres, hay un fondo que puede sertocado, y pensar en su sufrimiento dejapresentir su naturaleza. El sufrimiento deClappique era independiente de él, comoel de un niño: Clappique no era respon-sable de tal sufrimiento; éste hubiera po-dido destruirle, pero no podía modificar-le. Podía dejar de existir, desaparecer enun vicio o en una monomanía; no podíaconvertirse en un hombre. «Un corazónde oro, pero hueco.» Gisors se daba cuen-ta de que, en el fondo de Clappique, noexistían ni el dolor ni la soledad, comoen los demás hombres, sino la sensación.Gisors juzgaba, a veces, a los hombressuponiendo su vejez: Clappique no po-día envejecer: la edad no le conducía a laexperiencia humana, sino a la intoxica-ción —erotismo o droga— donde seconjugarían, al fin, todos sus mediosde ignorar la vida. «Quizá —pensabael barón— si yo le contase todo lo encon-trara completamente normal...» Dispara-ban, a la sazón, por todas partes, en la ciu-dad china. Clappique rogó a Gisors que leabandonase en el límite de la concesión:König no le habría recibido. Gisors se detu-vo y vio desaparecer en la bruma su siluetadelgada y desordenada.

La sección especial de policía deChiang Kaishek [227] estaba instalada enuna modesta villa construida hacia 1920:estilo Bécon-les-Bruyéres, pero con ven-tanas encuadradas en extravagantes or-namentos portugueses, amarillos yazulados. Dos empleados, y más ordenan-zas de los precisos; todos los hombresarmados: eso era todo. En la papeleta queun secretario le tendió, Clappique escri-bió: «Toto»; dejó en blanco el motivo dela visita, y esperó. Era la primera vez quese encontraba en un lugar iluminado, des-de que había dejado su habitación: sacó

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sa poche la lettre de Chpilewski:

Mon cher ami.

T’ai cédé à votre insistance. Messcrupules étaient fondés, mais j’airéfléchi: vous me permettrez ainsi derevenir à la tranquillité; et lesbénéfices que promet mon affaire, ence moment, sont si importants et siassurés que je pourrai certainement,avant un an, [270] vous offrir enremerciement des objets de mêmenature, et plus beaux. Le commerce del’alimentation, en cette ville...

Suivaient quatre pagesd’explications.

« Ça ne va pas mieux, pensaClappique, pas mieux du tout... » Maisun factionnaire venait le chercher.

König l’attendait, assis sur sonbureau, face à la porte. Trapu, brun,le nez de travers dans le visage carré,il vint à lui, serra sa main d’unefaçon rapide et vigoureuse qui lesséparai t p lus qu’el le ne lesrapprochait.

— Ça va? Bon. Je savais que je vousverrais aujourd’hui. J’ai été heureux depouvoir vous être utile à mon tour.

— Vous êtes rredoutable, réponditClappique bouffonnant à demi. Je medemande seulement s’il n’y a pas unmalentendu: vous savez que je ne faispas de politique...

— Il n’y a pas de malentendu.

« Il a la reconnaissance plutôtcondescendante », pensa Clappique.

— Vous avez deux jours pour filer.Vous m’avez rendu service autrefois:aujourd’hui, je vous ai fait prévenir.

— Co... comment? C’est vous quim’avez fait prévenir ?

— Crovez-vous que Chpilewskiaurait osé? Vous avez affaire à la Sûretéchinoise, mais ce ne sont plus lesChinois qui la dirigent. Trêve debalivernes.

Clappique commençait à admirerChpilewski, mais non sans irritation.

— Enfin, reprit-il, puisque vous voulezbien vous souvenir de moi, permettez-moide vous demander autre chose. [271]

— Quoi?

Clappique n’avait plus grand espoir.

del bolsillo la carta de Chpilewski:

«Mi querido amigo:

«He cedido a su insistencia. Mis es-crúpulos eran fundados; pero he reflexio-nado; así, pues, me permitirá usted vol-ver a la tranquilidad, y los beneficios quepromete mi negocio, en este momento,son tan importantes y tan seguros queindudablemente podré, antes de un año,ofrecerle, en testimonio de agradecimien-to, otros objetos de la misma naturalezay más bonitos. El comercio de la alimen-tación en esta ciudad...»

S e g u í a n c u a t r o c a r i l l a s *de explicaciones.

«Esto no va mejor —pensóClappique—; ni mucho menos...» Peroun funcionario llegaba en su busca.

König le esperaba, sentado ante sumesa, enfrente de la puerta. Rechoncho,moreno, con la nariz torcida en su rostrocuadrado, llegó hacia él y le estrechó lamano de una manera rápida y vigorosa,que más bien los separaba en lugar deacercarlos.

—¿Qué tal? Bueno. Sabía que le ve-ría a usted hoy. He tenido la dicha de po-der serle útil, a mi vez.

—Es usted formidable —respon-dió Clappique, bromeando a me-dias—. Sólo me pregunto si habráalgún error: ya sabe usted que yo nohago política...

—No ha habido error.

«Tiene un agradecimiento más biencondescendiente» —pensó Clappique.

—Dispone usted de dos días para largarse.Me hizo usted un favor en otro tiempo:hoy he hecho que le avisen. [228]

—¿Có... cómo? ¿Usted ha sido el queha encargado que me avisen?

—¿Cree usted que Chpilewski se ha-bría atrevido? Tiene usted un asunto conla policía de seguridad china; pero ya noson los chinos quienes la dirigen. Bastade pavadas*.

Clappique comenzaba a admirar aChpilewski, pero no sin indignación.

—Pues bien; puesto que ha tenidoa bien acordarse de mí, permítameque le pida otra cosa.

—¿Qué?

Clappique no abrigaba ya una gran

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chaque nouvelle réplique de König luimontrait que la camaraderie sur laquelleil comptait n’existait pas, ou n’existaitplus. Si König l’avait fait prévenir, il nelui devait plus rien. Ce fut plus paracquit de conscience que par espoir qu’ildit :

— Est-ce qu’on ne pourrait rien fairepour le jeune Gisors? Vous vous enfoutez, je pense, de tout ça...

— Qu’est-ce qu’il est?

— Communiste, je crois.

— Pourquoi est-il communiste,d’abord, celui-là? Son père? Métis? Pastrouvé de place? Qu’un ouvrier soitcommuniste, c’est déjà idiot, mais lui!Enfin quoi?

— Ça ne se résume pas très facilement...

Clappique réfléchissait

« Métis, peut-être... mais il aurait pus’arranger sa mère était japonaise. Il n’apas essayé. Il dit quelque chose comme:par volonté de dignité...

— Par dignité!

Clappique fut stupéfait: Königl’engueulait. Il n’attendait pas tantd’effet de ce mot. « Ai-je gaffé? » sedemanda-t-il.

— Qu’est-ce que ça veut dire,d’abord? demanda König, l’indexagité comme s’il eût continué àparler sans qu’on l’entendît. « Pardignité », répéta-t-il . Clappique nepouvait se méprendre au ton de sa voix:c’était celui de la haine. Il était à droitede Clappique, et son nez oblique, quisemblait ainsi très busqué, accentuaitfortement son visage.

— Dites donc, mon petit Toto, vouscroyez à la dignité ?

— Chez les autres... [272]

— Oui?

Clappique se tut.

— Vous savez ce que les rougesfaisaient aux officiers prisonniers?

Clappique se gardait toujours derépondre. Ça devenait sérieux. Et il sentaitque cette phrase était une préparation, uneaide que König se donnait à lui-même: iln’attendait pas de réponse.

— En Sibérie, j’étais interprète dansun camp de prisonniers. J’ai pu en sortir

esperanza: cada nueva réplica de Königle demostraba que la camaradería con quecontaba no había existido o no existía ya.Si König le había prevenido, ya no ledebía nada. Fue más por escrúpulo deconciencia que por esperanza por lo quedijo:

—¿No se podría hacer nada por el jo-ven Gisors? Supongo que a usted no leimportará nada ese asunto.

—¿Qué es?

—Comunista. Importante, según creo.

—En primer término, ¿por qué es co-munista, ése? ¿Y su padre? ¿Mestizo?¿No ha encontrado puesto? Que un obre-ro sea comunista, ya es idiota; ¡pero él!...En fin, ¿qué?

—Eso no es muy fácil resumirlo.

Clappique reflexionaba.

«Mestizo, quizá... Pero hubiera podi-do arreglarse: su madre era japonesa. Nolo ha procurado. Dijo algo como por vo-luntad de dignidad...»

—¡Por dignidad!

Clappique quedó estupefacto; Königle remedaba. No esperaba tanto efecto deaquella palabra. «¿Habré metido la pata?»,se preguntó.

—En primer término, ¿qué es lo quequiere decir eso? —preguntó König,agitando el índice, como si hubiese con-tinuado hablando sin que se le oyera.«Por dignidad», repetía.

Clappique no podía sustraerse al tonode su voz: era el del odio. Se hallaba a laderecha de Clappique, y su [229] nariz,que así parecía muy aguileña, acentuabaenérgicamente su semblante.

—Dígame, mi buen Toco, ¿usted creeen la dignidad?

—En los demás...

—¿En los demás?

Clappique se calló.

—¿Sabe usted lo que los rojos hacíancon los oficiales prisioneros?

Clappique se guardaba muy bien deresponder. Aquello se ponía serio. Y pre-sentía que aquella frase era una prepara-ción, una ayuda que König se facilitaba así mismo: no esperaba respuesta.

—En Siberia, yo era intérpreteen un campo de prisioneros. Pude

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en servant dans l’armée blanche, chezSemenoff. Blancs, rouges, je m’enfoutais: je voulais retourner enAllemagne. J’ai été pris par les rouges.J’étais à moitié mort de froid. Ils m’ontgiflé à coups de poing, en m’appelantmon capitaine (j’étais lieutenant)jusqu’à ce que je tombe. Ils m’ont rele-vé. Je ne portais pas l’uniforme deSemenoff, aux petites têtes de mort. j’avaisune étoile sur chaque épaulette.

Il s’arrêta. « Il pourrait refuser sansfaire tant d’histoires », pensa Clappique.Haletante, pesante, la voix impliquaitune nécessité qu’il cherchait pourtant àcomprendre.

— Ils m’ont enfoncé un clou danschaque épaule, à travers chaque étoile.Long comme un doigt. Écoutez bien,mon petit Toto.

Il le prit par le bras, les yeuxfixés sur les siens, avec un regardtrouble :

— J’ai pleuré comme une femme,comme un veau... J’ai pleuré devanteux. Vous comprenez, oui? Restons-enlà. Personne n’y perdra rien.

À coup sûr i l racontait cettehistoire - ou se la racontait -chaquefois qu’il pouvait tuer, comme sice récit eût pu gratter jusqu’ausang l’humiliation sans limites quile torturait.

— Mon petit, il vaudrait mieux nepas trop me [273] parler de dignité...Ma dignité, à moi, c’est de les tuer.Qu’est-ce que vous voulez que ça mefoute, la Chine! Hein! La Chine, sansblague ! Je ne suis dans le Kuomintangque pour pouvoir en faire tuer. Je ne reviscomme autrefois, comme un homme,comme n’importe qui, comme le dernierdes abrutis qui passent devant cettefenêtre, que quand on en tue. C’est commeles fumeurs avec leurs pipes. ______________ Vous veniez me demander sapeau? Vous m’auriez sauvé trois foisla vie...

Il parlait entre ses dents, mais sans bouger,les mains dans ses poches, ses cheveux en brossesecoués par les mots arrachés.

— Il y a l’oubli... dit Clappique à mi-voix.

— Il y a plus d’un an que je n’ai pascouché avec une femme! Ça vous suffit?Et...

salir de allí sirviendo en el ejérci-to blanco, con Semenoff. Blancoso rojos, a mí lo mismo me daba:lo que quería era volver a Alema-nia. Fui apresado por los rojos. Medieron de puñetazos, llamándome«mi capitán» (era teniente), hastaque caí al suelo. Me levantaron.No l l evaba ya e l un i fo rme deSemenoff, con las calaveritas. Teníauna estrella en cada hombrera.

Se detuvo. «Podía rehusar, sin contartantas historias», pensó Clappique. Ja-deante, pesado, la voz implicaba una ne-cesidad, que él trataba, no obstante, decomprender.

—Me clavaron un clavo en cada hom-bro, por encima de cada estrella. Comoun dedo de largo. Escúcheme bien, mibuen Toto.

Le cogió de un brazo, con los ojos fi-jos en los suyos, con una mirada de hom-bre enamorado:

—Lloré como una mujer, como un ter-nero... Lloré delante de ellos. ¿Compren-de usted? ¿Sí? Pues dejémoslo. Nadieperderá nada.

Aquella mirada de hombre que deseailuminó a Clappique. La confidencia noera sorprendente: no era una confidencia,era una venganza. Seguramente, relata-ba aquella historia —o se la relataba—cada vez que podía matar, como si aquelrelato hubiera podido arañar, hasta hacersangre, en la humillación sin límites quele torturaba.

—Amigo mío, más valdría que no mehablase demasiado de dignidad... Mi dig-nidad, para mí, consiste en matarlos.¿Qué quiere usted que a mí me importeChina? [230] ¿Eh? ¡La China, sin bro-mas! No estoy en el Kuomintang nadamás que para mandar matar. No revivocomo en otro tiempo, como un hombre,como cualquiera, como el último de losbrutos que pasan por delante de esta ven-tana, sino cuando se mata. Pasa como alos fumadores con sus pipas. ¡Cómo! Unpingajo. ¿Venia usted a pedirme su piel?Aunque me hubiera usted salvado tresveces la vida...

Se encogió de hombros, y continuó, rabiosamente:—¿Sabe usted, siquiera, mi buen Toto, lo que

es ver que la vida de uno adquiere un sentido, unsentido absoluto: repugnarse uno a sí mismo?

Acabó su frase entre dientes, pero sin mover-se, con las manos en los bolsillos, con los cabe-llos sacudidos por las palabras arrancadas.

—El olvido... —dijo Clappique a media voz.

—¡Hace más de un año que no me heacostado con una mujer! ¿Le basta eso?Y...

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Il s’arrêta net, reprit plus bas :

« Mais dites donc, mon petit Toto, lejeune Gisors, le jeune Gisors... Vousparliez de malentendu; vous vouleztoujours savoir pourquoi vous êtescondamné? Je vais vous le dire. C’estbien vous qui avez traité l’affaire desfusils du Shan-Tung? Savezvous à quiles fusils étaient destinés?

— On ne pose pas de questions dansce métier, pas un mot!

Il approcha l’index de sa bouche,selon ses plus pures traditions. Il en futaussitôt gêné.

— Aux communistes. Et commevous y risquiez votre peau, on aurait puvous le dire. Et c’était une escroquerie.Ils se sont servis de vous pour gagnerdu temps: la nuit même, ils ont pillé lebateau. Si je ne m’abuse, c’est votreprotégé actuel qui vous a embarqué danscette affaire?

Clappique faillit répondre. J’aiquand même touché ma commission». Mais la révélation que son [274]interlocuteur venait de lui faire mettaitune telle satisfaction sur le visage decelui-ci, que le baron ne désirait plusque s’en aller. Bien que Kyo eût tenuses promesses, il lui avait fait jouersa vie sans le lui dire. L’eût-il jouée?Non. Kyo avait eu raison de luipréférer sa cause: lui aurait raison dese désintéresser de Kyo. D’autant plusqu’en vérité, il ne pouvait rien. Ilhaussa simplement l’épaule.

— Alors, j’ai quarante-huit heurespour filer?

— Oui. Vous n’insistez pas. Vousavez raison. Au revoir. »

« Il doit faire de telles confidences,d’habitude, à ceux qui vont mourir,pensait Clappique en descendant lesmarches de l’escalier:

de toute façon, il vaut vraiment mieuxque je file. » Il ne se délivrait pas du tonavec lequel König avait dit: « Pour vivrecomme un homme, comme n’importequi... » Il restait hébété par cetteintoxication totale, que le sang seulassouvissait: il avait vu assez d’épavesdes guerres civiles de Chine et de Sibériepour savoir quelle négation du mondeappelle l’humiliation intense; seuls, lesang opiniâtrement versé, la drogue et lanévrose nourrissent de telles solitudes. Ilcomprenait maintenant pourquoi König

Se detuvo, de pronto, y continuó, más bajo:

—Pero, dígame, mi buen Toto:el joven Gisors; el joven Gisors.. .Hablaba usted de un error. ¿Quie-re saber por qué ha sido usted con-denado? Voy a decírselo: ¿Fue us-ted el que trató el asunto de losfusiles del Shang-Tung? ¿Sabe usted aquiénes estaban destinados esos fusiles?

—No se hacen preguntas en semejan-te oficio. ¡Ni una palabra!

Acercó el índice a su boca, según susmás puras tradiciones. Y quedó, en se-guida, cohibido.

—A los comunistas. Y como arries-gaba usted en ello su piel, hubiera po-dido decírselo. Y aquello era una esta-fa. Se sirvieron de usted para adelantartiempo: aquella misma noche, robaronel buque. Si no me equivoco, su prote-gido actual fue quien le embarcó enaquel asunto.

Clappique estuvo a punto de respon-der: «Sin embargo, yo cobré mi comi-sión.» Pero la revelación que su interlo-cutor acababa de hacerle ponía tal satis-facción en el semblante de éste, que elbarón no deseaba ya más que irse. Aun-que Kyo había cumplido su promesa, lehabía hecho que se jugase la vida sin de-círselo. ¿Se la hubiese jugado? No. Kyose había servido de él en favor de su [231]causa: él aprovechaba la ocasión paradesinteresarse de Kyo. Tanto más, cuan-to que, en realidad, no podía hacer nada.Se encogió de hombros, simplemente.

—¿Entonces tengo cuarenta y ochohoras para largarme?

—Sí. No insista usted. Tiene ustedrazón. Adiós.

«Dice que hace un año que no se haacostado con una mujer —pensabaClappique, mientras bajaba la escalera—. ¿Impotencia? ¿O qué? Yo creía que esaclase de... dramas le harían a uno erotó-mano. Debe de hacer tales confidencias,de ordinario, a los que van a morir: detodas maneras, es preferible que me es-cape.» No se libraba del tono con queKönig había dicho: «Para vivir como unhombre, como cualquiera...» Continua-ba aturdido, ante aquella intoxicacióntotal, que sólo saciaba la sangre: Habíavisto bastantes desechos de las guerrasciviles de China y de Siberia para saber aqué negación del mundo conduce la hu-millación intensa: sólo la sangre, obsti-nadamente vertida, las drogas y la neu-rosis alimentaban tales soledades. Ahoracomprendía por qué a König le había

HÉBÉTER – Atontar, aturdir, desconcertar 1.Rare. Rendre obtus, émoussé; enlever toutevivacité, toute subtilité à (l’esprit, l’intelligence).- 2. (1631). Rendre (qqn) stupide. -S’HÉBÉTERv. pron. (réfl.) V. 1587. Littér. Devenir hébété,se rendre hébété. -HÉBÉTÉ, ÉE p. p. adj. (V.1355, «émoussé»).

daze 1 stupefy, bewilder. 2 a state of confusion orbewilderment (in a daze).

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avait aimé sa compagnie, n’ignorant pascombien, auprès de lui, s’affaiblissaittoute réalité. II marchait lentement,épouvanté de retrouver Gisors quil’attendait de l’autre côté des barbelés.Que lui dire?... Trop tard: poussé parl’impatience, Gisors, venu à sarencontre, venait de se dégager de labrume, à deux mètres de lui. Il leregardait avec l’intensité hagarde desfous. Clappique eut peur, s’arrêta.Gisors déjà le prenait par le bras

— Rien à faire? demandait-il d’unevoix triste, mais non altérée. [275]

Sans parler, Clappique secouanégativement la tête.

— Allons. Je vais demander aide àun autre ami.

En voyant Clappique sortir de labrume, il avait eu la révélation de sapropre folie. Tout le dialogue qu’ilavait imaginé entre eux, au retour dubaron, était absurde: Clappique n’étaitni un interprète ni un messager, c’étaitune carte. La carte jouée - perdue, levisage de Clappique le montrait - ilfallait en chercher une autre. Gorgéd’angoisse, de détresse, il restaitlucide au fond de sa désolation. Ilavait songé à Ferral; mais Ferral;n ’ i n t e r v i e n d r a i t p a s d a n s u nconfli t de cet ordre.

König avait appelé un secrétaire:

— Demain, ici, le jeune Gisors._____________________________

5 heures.

Au-dessus des courts éclairs decoups de feu jaunâtres dans la fin dela nuit, Katow et Hemmelrichvoyaient, des fenêtres du premierétage, le petit jour faire naître desreflets plombés sur les toits voisins,en même temps que le profil desmaisons devenait net. Les cheveux enpluie, blêmes, chacun commençait denouveau à distinguer le visage del’autre, et savait ce qu’il pensait. Ledernier jour. Presque plus demunitions. Aucun mouvement populairen’était venu à leur secours Des salves, versChapeï : des camarades assiégés commeeux. Katow avait expliqué àHemmelrich pourquoi ils étaient perdus:à un moment quelconque, les hommesde Chang-Kaï-Shek [276] apporteraientles canons de petit calibre dont disposaitla garde du général; dès qu’un de cescanons pourrait être introduit dans lamaison qui faisait face à la permanence,matelas et murs tomberaient comme àla foire. La mitrailleuse des

agradado su compañía, no ignorandocuánto se debilitaba a su lado toda reali-dad. Caminaba con lentitud, espantado devolver a encontrar a Gisors, que le espe-raba al otro lado de las alambradas. ¿Quédecirle?... Demasiado tarde, impulsadopor la impaciencia, Gisors, que había sa-lido a su encuentro, acababa de destacar-se en la bruma, a dos metros de él. Lemiraba con la intensidad huraña de loslocos. Clappique tuvo miedo, y se detu-vo. Gisors le cogía ya del brazo.

—¿No se puede hacer nada? —pregun-tó con voz triste, aunque no alterada.

Sin hablar, Clappique sacudió negati-vamente la cabeza.

—Vámonos. Voy a pedir ayuda a otroamigo.

Cuando había visto a Clappique salirde la bruma, había tenido la revelación desu propia locura. Todo el diálogo que ha-bía imaginado entre ellos, al regresar elbarón, era absurdo. Clappique no era unintérprete ni un mensajero: era una carta.Jugada la carta —y perdida, como lo de-mostraba el rostro de Clappique—, habíaque [232] buscar otra. Colmado de angus-tia, de desesperación, se conservaba lúci-do, en el fondo de su desolación. Habíapensado en Ferral; pero Ferral no inter-vendría en un conflicto de aquel orden. In-tentaría la intervención de dos amigos...

König había llamado a un secretario:

—Mañana traiga aquí al joven Gisors,en cuanto los consejos hayan terminado.

Las cinco

Por encima de los breves relámpagosde los disparos, amarillentos en el finalde la noche, Katow y Hemmelrich veían,desde las ventanas del primer piso, ladébil luz del alba, que nacía con reflejosplúmbeos sobre los tejados vecinos, almismo tiempo que el perfil de las casasse hacía más claro. Con los cabellos lle-nos de lluvia, pálidos, cada uno comen-zaba de nuevo a distinguir el semblantedel otro y sabía lo que pensaba. El últi-mo día. Casi no había más municiones.Ningún movimiento popular había llega-do en su socorro. Unas descargas, haciaChapei: unos camaradas, sitiados, comoellos. Katow había explicado aHemmelrich por qué estaban perdidos: encualquier momento, los hombres deChiang Kaishek llevarían los cañones depequeño calibre de que disponía la guar-dia del general: en cuanto uno de los ca-ñones pudiera ser introducido en la casade enfrente de la Permanencia los col-chones y los muros caerían como barra-cas de feria. La ametralladora de los co-

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communistes commandait encore laporte de cette maison; lorsqu’ellen’aurait plus de balles, elle cesserait dela commander. Ce qui n’allait plustarder. Ils avaient tiré rageusement,poussés par une vengeance anticipée:condamnés, tuer était le seul sens qu’ilspussent donner à leurs dernières heures.Mais ils commençaient à être las de celaaussi. Les adversaires, abrités de mieuxen mieux, n’apparaissaient plus querarement. Il semblait que le combats’affaiblît avec la nuit - et, absurdement,que ce jour naissant qui ne montrait pasune seule ombre ennemie apportât leurlibération, comme la nuit avait apportéleur emprisonnement. Le reflet du jour,sur les toits, devenait gris pâle;au-dessus du combat arrêté, la lumièresemblait aspirer de grands morceaux denuit, ne laissant devant les maisons quedes rectangles noirs. Les ombres seraccourcissaient peu à peu: lesregarder permettait de ne pas songer auxhommes qui allaient mourir là. Elles secontractaient comme tous les jours avecleur mouvement éternel, d’une sauvagemajesté aujourd’hui parce qu’ils ne leverraient plus jamais. Soudain, toutesles fenêtres en face s’éclairèrent, et lesballes frappèrent autour de la porte envolée de cail loux: un des leursava i t passé un ves ton au boutd ’ u n b â t o n . L’ e n n e m i s econtentait de l’affût.

— Onze, douze, treize, quatorze... ditHemmelrich. Il comptait les cadavres,visibles maintenant dans la rue.

— Tout ça, c’est de la rig’lade,répondi t Katow à [277] vo ixpresque basse . I l s n ’on t qu’àattendre. Le jour est pour eux.

Il n’y avait que cinq blessés couchésdans la pièce; ils ne gémissaient pas:deux fumaient, en regardant le jourapparaître entre le mur et les matelas.Plus loin, Souen et un autre combattantgardaient la seconde fenêtre. Presqueplus de salves. Les troupes deChang-Kaï-Shek attendaient-ellespartout? Vainqueurs, le mois précédent,les communistes connaissaient leursprogrès heure par heure; aujourd’hui ilsne savaient rien, pareils aux vaincusd’alors.

Comme pour confirmer ce que venaitde dire Katow, la porte de la maisonennemie s’ouvrit (les deux couloirsétaient en face l’un de l’autre); aussitôt,le crépitement d’une mitrailleuserenseigna les communistes. « Elle estvenue par les toits », pensa Katow.

— Par ici !

munistas dominaba aún la puerta de aque-lla casa; cuando ya no hubiera balas, ce-saría de dominarla. Lo cual no tardaríamucho. Desde hacía una hora, dispara-ban rabiosamente, impulsados por unavenganza anticipada: una vez condena-dos, matar constituía el único sentido quepodían dar a sus últimas horas. Pero co-menzaban a cansarse de eso, también. Losadversarios, cada vez mejor protegidos,sólo aparecían ya muy raras veces. Pare-cía que el combate se debilitaba con lanoche —y era absurdo que aquel día na-ciente, que no ponía de manifiesto unasola sombra enemiga, les trajera la libe-ración, [233] como la noche les había traí-do el encarcelamiento—. El reflejo deldía, sobre los tejados, se tornaba gris pá-lido; por encima del combate detenido,la luz parecía aspirar grandes trozos denoche, no dejando delante de la casa másque unos rectángulos negros. Las som-bras se iban encogiendo poco a poco;contemplarlas permitía no pensar en loshombres que iban a morir allí. Se con-traían como todos los días, con su movi-miento eterno, de una salvaje majestadaquel día, porque ellos no volverían averlo nunca. De pronto, todas las venta-nas de enfrente se iluminaron, y las balasgolpearon alrededor de la puerta, comouna nube de guijarros: uno de los suyoshabía colgado una americana del ex-tremo de un bastón. El enemigo secontentaba con estar en acecho.

—Once, doce, trece, catorce... —dijoHemmelrich. Contaba los cadáveres, vi-sibles en la calle ahora.

—Todo eso no es más que para dis-traerse —respondió Katow, en voz casiimperceptible—. No tienen más que es-perar. El día es para ellos.

No había más que cinco heridos, ten-didos en la habitación; no se quejaban:dos de ellos fumaban, mirando cómoaparecía la luz del día por entre el muroy los colchones. Más lejos, Suen y otrocombatiente guardaban la segunda ven-tana. Ya casi no se oían descargas. ¿Es-perarían en todas partes las tropas deChiang Kaishek? El mes anterior, ven-cedores los comunistas, conocían susprogresos de hora en hora; a la sazón,no sabían nada, como entonces los ven-cidos.

Como para confirmar lo que Katowacababa de decir, la puerta de la casaenemiga se abrió (los dos corredoresestaban el uno enfrente del otro); inme-diatamente, la crepitación de una ame-tralladora avisó a los comunistas. «Vie-ne por los tejados», pensó Katow.

—¡Por aquí!

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C’étaient ses mitrailleurs quiappelaient. Hemmelrich et lui sortirenten courant, et comprirent: la mitrailleuseennemie, sans doute protégée par unblindage, tirait sans arrêt. Il n’y avait pasde communistes dans le couloir de lapermanence, puisqu’il se trouvait sousle feu de leur propre mitrailleuse qui,des plus hautes marches de l’escalier,commandait en tir plongeant l’entrée deleurs adversaires. Mais le blindage,maintenant, protégeait ceux-ci. Il fallaitpourtant, avant tout, maintenir le feu.Le pointeur était tombé sur le côté, tuésans doute; c’était le servant qui avaitcrié. Il tirait balle par balle la bandeengagée. Les balles faisaient sauter desmorceaux de bois des marches, duplâtre du mur, et des sons sourds, dansdes silences d’une rapidité inconnue,indiquaient que certaines entraient dansla chair du vivant ou du mort.Hemmelrich et Katow [278]s’élancèrent. « Pas toi! » hurla le Belge.D’un coup d’épaule il écarta Katow quiroula dans le couloir, et sauta à la placedu pointeur. L’ennemi tirait maintenantun peu plus bas. Pas pour longtemps. «Y a-t-il encore des bandes? » demandaHemmelrich. Au lieu de répondre, leservant piqua une tête en avant, dévalatout l’escalier. Et Hemmelrich s’aperçutqu’il ne savait pas servir unemitrailleuse.

Il remonta d’un saut, se sentit touchéfaiblement à l’oeil et au mollet. Dans lecouloir, au-dessus de l’angle du tirennemi, il s’arrêta: son oeil n’avait ététouché que par un morceau de plâtredétaché par une balle; son molletsaignait - une autre balle, en surface.Déjà il était dans la chambre où Katow,arcbouté, d’une main attirait à lui lematelas (non pour se protéger mais pourse cacher), et tenait de l’autre un paquetde grenades: seules les grenades, si elleséclataient tout près, pouvaient agircontre le blindage.

Il fallait les lancer par la fenêtredans le couloir ennemi. Katowavait posé un autre paquet derrièrelui : Hemmelr ich le sa is i t e t lelança en même temps que Katowpar-dessus le matelas. Katow seretrouva par terre, fauché par lesballes, comme s’il l’eût été par sesgrenades: lorsque tê tes e t brasavaient dépassé le matelas , onavait t iré sur eux de toutes lesf enê t r e s , - c e c r aquemen td ’a l l ume t t e s , s i p roche , nevenait-i l pas de ses jambes? sedemandait Hemmelrich, qui s’étaitbaissé à temps. Les balles entraienttoujours, mais le mur protégeait lesdeux hommes maintenant qu’ilsé t a i en t t ombés : l a f enê t r e ne

Eran sus ametralladoras las que avi-saban. Hemmelrich y él salieron corrien-do y lo comprobaron: la ametralladoraenemiga, sin duda protegida por un blin-daje, disparaba sin interrupción. No ha-bía comunistas en el corredor de la Per-manencia, puesto que se encontraba bajolos disparos de su propia ametralladora,que, desde lo más [234] alto de la esca-lera, la dominaba, impidiendo la entra-da a sus adversarios. Pero el blindaje,entonces, protegía a éstos. Era preciso,no obstante, ante todo, mantener el fue-go. El apuntador había caído a un lado,muerto sin duda; era el artillero quienhabía gritado. Vigilaba y apuntaba, aun-que con lentitud. Las balas hacían sal-tar los trozos de maderas de las escale-ras, el yeso de las paredes, y, con soni-dos sordos, entre silencios de una rapi-dez desconocida, indicaban que algu-nas entraban en la carne del vivo y delmuerto. Hemmelrich y Katow se ade-lantaron. «¡Tú no!», aulló el belga. Deun puñetazo en la barbilla, hizo rodar aKatow por el corredor, y saltó al puestodel apuntador. El enemigo disparabaahora un poco más bajo. No por muchotiempo. «¿Hay todavía vendas?», pre-guntó Hemmelrich. En lugar de respon-der, el ayudante cayó de cabeza y rodótoda la escalera. Y Hemmelrich se diocuenta de que no sabía manejar unaametralladora.

Volvió a subir de un salto: se sintióherido en un ojo y en una pantorrilla. Enel corredor, por encima del ángulo del ti-roteo enemigo, se detuvo: su ojo sólohabía sido alcanzado por un trozo de yesoarrancado por una bala; la pantorrillasangraba —otra bala, en la superficie.Ya estaba en la habitación dondeKatow, resistiéndose, atraía con unamano hacia sí el colchón (no para pro-tegerse, sino para ocultarse) y sosteníaen la otra un paquete de granadas: sóloéstas, si estallaban muy cerca, obraríancontra el blindaje.

Había qua lanzarlas por la ventanaal corredor enemigo. Katow había co-locado otro paquete detrás de él;Hemmelrich lo cogió y lo lanzó, almismo tiempo que Katow, por encimariel colchón. Katow se encontró denuevo en el suelo, derribado por lasbalas, como si lo hubiese sido por suspropias granadas: cuando las cabezasy los brazos habían aparecido por en-cima del colchón, habían disparadosobre ellos desde todas las ventanas —aquel crujido como de cerillas, tanpróximo, ¿no procedía de sus pier-nas?—, se preguntaba Hemmelrich,que se había agachado a tiempo. Lasbalas continuaban entrando, pero elmuro protegía a los dos hombres, aho-ra que habían caído: la ventana no se

plâtre 1. yeso; battre comme p. fig dejar molido.2. Med escayola; dans le p. (una pierna, unbrazo) escayolado(a). 3. plâtres fpl enyesado;essuyer les plâtres fig & fam estrenar una casaou un local, ser el primero en pagar el pato

plâtrer vtr 1. (pared) enyesar. 2.(parte del cuerpo)escayolar

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s’ouvrait qu’à soixante centimètresdu parquet. Malgré les coups de fusils,Hemmelrich avait l’impression du silence,car les deux mitrailleuses s’étaient tues. Ilavança sur les coudes vers [279] Katow,qui ne bougeait pas; il le tira par lesépaules. Hors du champ de tir, tous deuxse regardèrent en silence: malgré matelaset défenses qui masquaient la fenêtre,le grand jour maintenant envahissait lachambre. Katow s’évanouissait, lacuisse trouée d’une tache rouge quis’agrandissait sur le carreau commesur un buvard. Hemmelrich entenditencore Souen crier: « Le canon! »puis une détonation énorme etsourde, et, à l’instant où il levait latête, un choc à la base du nez: ils’évanouit à son tour.

Hemmelrich revenait à lui, peu àpeu, remontant des profondeurs verscette surface de silence si étrangequ’il lui sembla qu’elle le ranimait:le canon ne tirait plus. Le mur étaitdémoli obliquement. Par terre,couverts de plâtras et de débris,Katow et les autres, évanouis oumorts. Il avait très soif, et la fièvre.Sa blessure au mollet n’était pas gra-ve. En rampant, il atteignit la porte,et dans le couloir se releva, lourdement,appuyé au mur. Sauf à la tête, où l’avaitfrappé un morceau détaché de lamaçonnerie, sa douleur était diffuse;accroché à la rampe, il descendit, nonl’escalier de la rue, où sans doute lesennemis attendaient toujours, maiscelui de la cour. On ne tirait plus. Lesmurs du couloir d’entrée étaientcreusés de niches, où se trouvaientnaguère des tables. Il se blottit dans lapremière et regarda la cour.

À droite d’une maison quisemblait abandonnée (mais il était sûrqu’elle ne l’était pas), un hangar detôle; au loin, une maison à cornes etune file de poteaux qui plongeaient,en se rapetissant, vers la campagnequ’il ne reverrait pas. Les barbelésemmêlés au travers de la porte rayaienten noir ce spectacle mort et le jour gris,comme les craquelures [280] d’unefaïence. Une ombre parut derrière, uneespèce d’ours: un homme de face, le doscomplètement courbé; il commença às’accrocher aux fils de fer.

Hemmelrich n’avait plus de balles.Il regardait cette masse qui passaitd’un fil à l’autre avant qu’il pûtprévoir son geste (les fils étaient netssur le jour mais sans perspective). Elles’accrochait, retombait, s’accrochait ànouveau, énorme insecte. Hemmelrichs’approcha, le long du mur. Il étaitclair que l’homme allait passer; à cemoment, pourtant, empêtré, il essayait

abría más que a sesenta centímetrosdel suelo. [235] A pesar de los tiros defusil, Hemmekich tenía una sensación desilencio, pues las dos ametralladoras es-taban muertas. Avanzó sobre los codoshacia Katow, que no se movía; le tiró delos hombros. Fuera del campo de tiro,ambos se contemplaron en silencio: apesar del colchón y de las defensas quecubrían las ventanas, la luz del día inva-día ahora la habitación. Katow se desva-necía, con el muslo agujereado, con unamancha roja que aumentaba sobre la bal-dosa como sobre un papel secante.Hemmelrich oyó todavía a Suen, que gri-taba: «¡El cañón!» Luego, una detonaciónenorme, sorda, y, en el instante en quelevantaba la cabeza, un choque en la basede la nariz. Se desvaneció, a su vez.

Hemmelrich volvió en sí poco a poco,ascendiendo de las profundidades haciaaquella superficie de silencio, tan extra-ña, que le pareció que le reanimaba: elcañón no disparaba ya. El muro habíasido demolido oblicuamente. En el sue-lo cubierto de escombros y de restos,Katow y los otros estaban desvanecidoso muertos. Tenía mucha sed y fiebre. Suherida de la pantorrilla no era grave.Arrastrándose, llegó hasta la puerta, y,en el corredor, se levantó, pesadamente,apoyado en la pared. Salvo en la cabe-za, donde le había alcanzado un trozode mampostería, su dolor era difuso;agarrado a la rampa, descendió, no porla escalera de la calle, donde, sin duda,continuaba esperando el enemigo, sinopor la del patio. Ya no disparaban. Lasparedes del corredor de entrada teníanunos huecos donde estaban colocadasantes unas mesas. Se escondió en el pri-mero y miró al patio.

A la derecha de una casa que parecíaabandonada (aunque tenía la seguridadde que no lo estaba), había un cobertizode hierro; a lo lejos, una casa de cuer-nos y una hilera de postes que se per-dían, repitiéndose, en el campo que novolvería a ver más. Las alambradas,enmarañadas a través de la puerta, ra-yaban de negro aquel espectáculo muer-to y el día gris, como grietas en la loza.Una sombra apareció detrás, una espe-cie de oso: un hombre, de frente, con laespalda encorvada, comenzó a agarrar-se a los alambres.

Hemmelrich no tenía ya balas. Con-templaba a aquella [236] masa que pasa-ba de un alambre a otro antes de que élpudiera prever su movimiento (los alam-bres aparecían con claridad en la luz, aun-que sin perspectiva). Se agarraba: volvíaa caer: se agarraba de nuevo, como uninsecto enorme. Hemmelrich se acercó,a lo largo del muro. Estaba claro que elhombre iba a pasar; en aquel momento,

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de se dégager des barbelés accrochésà ses vêtements, avec un étrangegrognement, et il semblait àHemmelrich que ce monstrueuxinsecte pût rester là à jamais, énormeet recroquevillé, suspendu sur ce jourgris. Mais la main se dressa nette etnoire, ouverte, les doigts écartés, poursaisir un autre fil, et le corps reprit sonmouvement.

C’était la fin. Derrière, la rue et lamitrailleuse. Làhaut, Katow et seshommes, par terre. Cette maisondéserte, en face, était certainementoccupée, sans doute par des mitrailleursqui, eux, avaient encore des balles. S’ilsortait, les ennemis tireraient auxgenoux, pour le faire prisonnier (il sentittout à coup la fragilité de ces petits os,les rotules...). Du moins tuerait-ilpeut-être celui-là.

Le monstre composé d’ours, d’hommeet d’araignée, continuait à se dépêtrer deses fils. Au côté de sa masse noire, uneligne de lumière marquait l’arête de sonpistolet. Hemmelrich se sentait au fondd’un trou, fasciné moins par cet être silent qui s’approchait comme la mortmême, que par tout ce qui le suivait,tout ce qui allait une fois de plusl’écraser ainsi qu’un couvercle decercueil vissé sur un vivant; c’était toutce qui avait étouffé sa vie de tous les[281] jours, qui revenait là pourl’écraser d’un coup. « Ils m’ont pilonnépendant trente-sept ans, et maintenantils vont me tuer. » Ce n’était passeulement sa propre souffrance quis’approchait, c’était celle de sa femmeéventrée, de son gosse malade assassiné:tout se mêlait en un brouillard de soif,de fièvre et de haine. De nouveau, sansla regarder, il sentit la tache de sang desa main gauche. Ni comme une brûlure,ni comme une gêne: simplement ilsavait qu’elle était là, et que l’hommeallait enfin sortir de ses barbelés. Cethomme qui passait le premier, ce n’étaitpas pour de l’argent qu’il venait tuerceux qui se traînaient là-haut, c’étaitpour une idée, pour une foi; cette ombrearrêtée maintenant devant le barrage defils de fer, Hemmelrich la haïssait jusquedans sa pensée: ce n’était pas assez quecette race d’heureux les assassinât, ilfallait encore qu’elle crût avoir raison.La silhouette, corps maintenantredressé, était prodigieusement tenduesur la cour grise, sur les filstélégraphiques qui plongeaient dans lapaix illimitée du matin de printempspluvieux. D’une fenêtre, un cri d’appels’éleva, auquel l’homme répondit; saréponse emplit le couloir, entouraHemmelrich. La ligne de lumière dupistolet disparut, enfouie dans la gaineet remplacée par une barre plate,

no obstante, entorpecido, trataba de des-enredarse la alambrada, prendida a susropas, con un gruñido extraño; le parecíaa Hemmelrich que aquel monstruoso in-secto podía quedarse allí para siempre,enorme y encogido, suspendido en aqueldía gris. Pero la mano se irguió, destaca-da y negra, abierta, con los dedos separa-dos, para agarrar otro alambre y el cuer-po reanudó su movimiento.

Aquello era el final. Detrás, la calle yla ametralladora. Arriba, Katow y sushombres, por el suelo. Aquella casa de-sierta, enfrente, con toda seguridad esta-ba ocupada, sin duda, por algunosametralladores que todavía tenían balas.Si salía, los enemigos le dispararían a lasrodillas para cogerle prisionero (sintió,de pronto, la fragilidad de aquelloshuesecillos, las rótulas...). Al menos, qui-zá matase a aquél.

El monstruo, mixto de oso, hombrey araña, continuaba desenredándosede los alambres. Al lado de su masanegra, una línea de luz marcaba la aristade su pistola. Hemmelrich se sentía, enel fondo de un agujero, menos fascinadopor aquel ser que con tanta lentitud seaproximaba como la muerte misma, quepor todo cuanto le seguía, todo lo que ibauna vez más a aplastarle, como la tapa deun ataúd cerrado sobre un ser vivo; aque-llo era todo lo que había ahogado su vidade todos los días, que volvía allí paraaplastarle de un golpe. «Me han apiso-nado durante treinta años, y ahora mevan a matar.» No era sólo su propiosufrimiento el que se apr o x i m a b a ;e r a e l d e s u m u j e r d e s p e d a z a -d a , e l d e s u h i j o e n f e r m o a s e -s i n a d o ; todo se entremezclaba en unaniebla de sed, de fiebre, de odio. Denuevo, sin mirarla, vio la mancha de san-gre de su mano izquierda. No como unaquemadura, ni como una molestia: senci-llamente, sabía que estaba allí y que elhombre iba a salir, por fin, de las alambra-das. Aquel hombre que pasaba el primerono era por el dinero por lo que [237] aca-baba de matar a los que se arrastraban alláarriba, sino por una idea, por una fe: aaquella sombra, detenida ahora ante lamaraña de alambres, Hemmelrich la odia-ba hasta en su pensamiento: no era bas-tante que aquella raza de afortunados leasesinasen; era preciso, además, que cre-yesen tener razón. La silueta, con el cuer-po ahora erguido, estaba prodigiosamenteempinada hacia el patio gris, sobre loshilos telegráficos que se sumergían en lapaz ilimitada de la mañana lluviosa deprimavera. Desde una ventana, se elevóun grito de llamada, al cual respondió elhombre; su respuesta llenó el corredor yrodeó a Hemmelrich. La línea de luz dela pistola desapareció dentro de la fun-da y fue sustituida por una barra pla-

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117 (p. 283). Danser la couverte : couvertedésigne familièrement une couverture; fairedanser la couverte à quelqu’un, c’est le fairesauter en l’air au moyen d’une couverture.

presque blanche dans cette obscurité:l’homme tirait sa baïonnette. II n’étaitplus un homme, il était tout ce dontHemmelrich avait souffert jusque-là.Dans ce couloir noir, avec cesmitrailleurs embusqués audelà de laporte et cet ennemi qui s’approchait, leBelge devenait fou de haine, et il luisemblait que le sang des siens n’étaitplus une tache sur sa main, mais encoreliquide et chaud. « Ils nous auront tousfait crever toute notre vie, mais celui-làl’essuiera, il l’essuiera... » L’hommeapprochait, pas à pas, la [282]baïonnette en avant. Hemmelrichs’accroupit et vit aussitôt la silhouettegrandir, le torse diminuer audessus dejambes fortes comme des pieux. Àl’instant où la baïonnette arrivaitau-dessus de sa tête, il se releva,s’accrocha de la main droite au cou del’homme, serra. Sous le choc, labaïonnette était tombée. Ce cou étaittrop gros pour une seule main, le pouceet l’extrémité des doigts s’enfonçaientconvulsivement dans la chair plus qu’ilsn’arrêtaient la respiration, mais l’autremain était prise par la folie, frottée avecfureur sur le visage haletant. « Tul’effaceras! hurlait Hemmelrich. Tul’effaceras! » L’homme chancelait.D’instinct il s’accrocha au mur.Hemmelrich lui cogna la tête contre cemur de toute sa force, se baissa uneseconde; le Chinois sentit un corpsénorme qui entrait en lui, déchirait sesintestins : la baïonnette. Il ouvrit lesdeux mains, les ramena à son ventreavec un gémissement aigu, tomba,épaules en avant, entre les jambesd’Hemmelrich, puis se détendit d’uncoup; sur sa main ouverte, une gouttede sang tomba de la baïonnette, puisune autre. Comme si cette main deseconde en seconde tachée l’eûtvengé, Hemmelrich osa enfin regarderla sienne, et comprit que la tache desang s’y était effacée depuis desheures.

Et il découvrit qu’il n’allait peut-êtrepas mourir. Il déshabilla précipitammentl’officier, pris à la fois d’affection pourcet homme qui était venu lui apportersa délivrance et de rage parce que leshabits ne se dégageaient pas assez vite ducorps, comme si celui-ci les eût retenus. Ilsecouait ce corps sauveur comme s’il luieût fait danser la couverte (117). Enfin,revêtu de son costume, il se montra à lafenêtre de la rue, le visage incliné cachépar la visière de la casquette. Lesennemis, en face, ouvrirent leurs fenêtres[283] en criant. « Il faut que je file avantqu’ils ne soient ici. » Il sortit du côtéde la rue, tourna à gauche comme l’eûtfait celui qu’il avait tué pour allerrejoindre son groupe.

na, casi blanca en aquella oscuridad:el hombre sacaba su bayoneta. Ya noera un hombre, era todo aquello por locual había sufrido Hemmelrich hastaentonces. En el corredor oscuro, conaquellas ametrallad o r a s e m b o s c a -d a s m á s a l l á d e la puerta y aquelenemigo que se aproximaba , e lb e l g a s e v o l v í a l o c o d e o d i o .«Ello s nos habrán estado reventan-do durante toda nuestra vida; peroéste lo pagará, l o p a g a r á . . . » E lhombre se acercaba, pa so a paso,con la bayone ta hacia adelante.Hemmelrich se acurrucó, y vio en se-guida agrandarse la silueta y disminuirel torso por encima de las piernas,fuertes como estacas. En el instante enque la bayoneta llegaba por encima desu cabeza, se levantó, se agarró con lamano derecha al cuello del hombre, yapretó. A causa del encuentro, la ba-yoneta había caído. El cuello era de-masiado grueso para una sola mano;el pulgar y las yemas de los otros de-dos se hundían convulsivamente en lacarne, más bien que detener la respira-ción; pero la otra mano, impulsada porla locura, frotaba con furor en el rostroanhelante. «¡Tú la borrarás! ¡Tú la bo-rrarás!» El hombre se tambaleaba. Porinstinto, se agarró al muro. Hemmelrichle golpeó la cabeza contra aquel muro,con toda su fuerza, y se agachó un se-gundo; el chino sintió que un cuerpoenorme entraba en él y le desgarrabalos intestinos; la bayoneta. Abrió lasdos manos, se las llevó al vientre, conun gemido agudo, y cayó, con los bra-zos hacia adelante, entre las piernas deHemmelrich; luego, se aflojó de pron-to. Sobre su mano abierta, cayó unagota [238] de sangre de la bayoneta, yluego otra. Como si aquella mano, man-chada de segundo en segundo, le hubiesevengado, Hemmelrich se atrevió, por fin,a mirar la suya, y comprendió que lamancha de sangre se había borrado des-de hacía dos horas.

Descubrió que quizá no fuese a morir.Desnudó precipitadamente al oficial, lle-no, a la vez, de afecto hacia aquel hom-bre, que había llegado hasta él para lle-varle su libertad, y de rabia, porque lasropas no se desprendían con bastante ra-pidez del cuerpo, como si éste las hubie-se retenido. Sacudía aquel cuerpo salva-dor, como si lo mantease. Por fin, vesti-do con su uniforme, se asomó a la venta-na de la calle, con el rostro inclinado,oculto por la visera de la gorra. Los ene-migos, enfrente, abrieron sus ventanas,gritando. «Es preciso que huya, antes deque estén aquí.» Salió por el lado de lacalle, torció hacia la izquierda, como lohubiera hecho el que había matado parair a reunirse con su grupo.

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— Des prisonniers? crièrent leshommes aux fenêtres.

Il fit au hasard un geste vers ceuxqu’il était censé rejoindre. Qu’on ne tirâtpas sur lui était à la fois stupide etnaturel. Il ne restait plus en luid’étonnement. Il tourna encore à gaucheet partit vers les concessions: ellesétaient gardées, mais il connaissaittoutes les maisons à double entrée de larue des Deux-Républiques.

L’un après l’autre, les Kuomintangcommençaient à sortir.

SIXIÈME PARTIE

10 heures.

Provisoire, dit le garde.

Kyo comprit qu’on l’incarcérait à laprison de droit commun.

Dès qu’il entra dans la prison, avantmême de pouvoir regarder, il fut étourdipar l’épouvantable odeur: abattoir,exposition canine, excréments. La por-te qu’il venait de franchir ouvrait sur uncouloir semblable à celui qu’il quittait;à droite et à gauche, sur toute la hauteur,d’énormes barreaux de bois. Dans lescages de bois, des hommes. Au milieu,le gardien assis devant une petite table,sur laquelle était posé un fouet: man-che court, lanière plate large comme lamain, épaisse d’un doigt - une arme.

— Reste là, enfant de cochon, dit-il.

L’homme, habitué à l’ombre, écrivaitson signalement, Kyo souffrait encorede la tête, et l’immobilité lui donna lasensation qu’il allait s’évanouir, ils’adossa aux barreaux.

— Comment, comment, commentallez-vous? cria-t-on derrière lui. [285]

Voix troublante comme celle d’unperroquet, mais voix d’homme. Lelieu était trop sombre pour que Kyodistinguât un visage; il ne voyait quedes doigts énormes crispés autour desbarreaux pas très loin de son cou.Derrière, couchées sur un bat-flancou debout, grouillaient des ombrestrop longues: des hommes, commedes vers.

—¿Prisioneros? —gritaron los hom-bres, desde las ventanas.

Hizo un gesto al azar hacia aquelloscon quienes aparentaba que se iba a re-unir. Que no se disparase sobre él, era ala vez estúpido y natural. Ya no quedabaen él asombro. Volvió otra vez hacia laizquierda, y salió en dirección a las con-cesiones: estaban guardadas; pero él co-nocía todas las casas con doble entradaen la calle de las Dos Repúblicas.

Uno tras otro, los Kuomintang salie-ron. [239-40]

PARTE SEXTA

Las diez

—Provisional —dijo el guardia.

Kyo comprendió que se le encarcela-ría en la prisión de derecho común.

Desde que entró en la cárcel, aun an-tes de poder ver, quedó aturdido por elespantoso olor: matadero, exposicióncanina, excrementos. La puerta que aca-baba de franquear, se abría hacia un co-rredor, semejante al que abandonaba; aderecha e izquierda, hasta todo lo alto,enormes barrotes de madera. En las jau-las de madera, hombres. En el centro, elguardián, sentado ante una mesita, so-bre la cual había un látigo: mango cortoy correa de la anchura de la mano, de undedo de gruesa —un arma.

—Quédate ahí, hijo de chancho* —dijo.

El hombre, habituado a la sombra,escribía su filiación. A Kyo le dolía aúnla cabeza, y la inmovilidad le produjo lasensación de que iba a desmayarse. Seadosó a los barrotes.

—¿Cómo, cómo, cómo le va? —gri-taron, detrás de él.

Voz inquietadora, como la de un pa-pagayo, pero voz de hombre. El lugarestaba demasiado sombrío para que Kyodistinguiese un rostro; no veía más queunos dedos enormes crispados alrededorde los barrotes —no muy lejos de su cue-llo—. Detrás, acostados en unos compar-timientos o de pie, se agitaban unas som-bras, demasiado largas: unos hombres,como gusanos.

* ¿Arg.?

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— Ça pourrait aller mieux,répondit-il en s’écartant.

— Ferme ça, fils de tortue, si tu neveux pas recevoir ma main sur la gueule,dit le gardien.

Kyo avait entendu plusieurs fois lemot « provisoire »; il savait donc qu’ilne demeurerait pas longtemps là. Il étaitrésolu à ne pas entendre les insultes, àsupporter tout ce qui pourrait être sup-porté; l’important était de sortir de là,de reprendre la lutte. Pourtant, ilressentait jusqu’à l’envie de vomirl’humiliation que ressent tout hommedevant un homme dont il dépend:impuissant contre cette immonde ombreà fouet, - dépouillé de lui-même.

— Comment, comment, commentallez-vous? cria de nouveau la voix.

Le gardien ouvrit une porte,heureusement dans les barreaux degauche: Kyo en t ra dans l ’ é t ab le .Au fond , un long ba t - f l anc oùé t a i t c o u c h é u n s e u l h o m m e .La po r t e s e r e fe rma .

— Politique? demanda l’homme.

— Oui. Et vous?

— Non. Sous l’empire, j’étaismandarin... »

Kyo commençait à prendrel’habitude de l’obscurité. En effet,c’était un homme âgé, un vieux chatblanc presque sans nez, à la moustachepauvre et aux oreilles pointues.

— « ... Je vends des femmes. Quandça va, je donne de l’argent à la police etelle me laisse en paix. [286] Quand çane va pas, elle croit que je garde l’argentet elle me jette en prison. Mais dumoment que ça ne va pas, j’aime mieuxêtre nourri en prison que mourir de faimen liberté...

— Ici!

— Vous savez, on s’habitue... Dehorsça ne va pas non plus très bien, quandon est vieux, comme moi, et faible...

— Comment n’êtes-vous pas avecles autres?

— Je donne quelquefois de l’argentau greffier de l’entrée. Aussi, chaquefois que je viens ici, je suis au régimedes « provisoires ».

Le gardien apportait la nourriture: ilpassa entre les barreaux deux petits bols

—Podría irme mejor —respondió,apartándose. [241]

—Cierra el pico, hijo de tortuga, si noquieres que te dé con la mano en la jeta—dijo el guardián.

Kyo había oído varias veces la pala-bra «provisional»; sabía, pues, que nopermanecería allí durante mucho tiempo.Estaba decidido a no oír los insultos, asoportar todo lo que pudiera ser soporta-do; lo importante era salir de allí y re-anudar la lucha. Sin embargo, experimen-taba, hasta producirle náuseas, la humi-llación que siente todo hombre ante unhombre del cual depende: era impotentecontra aquella inmunda sombra de látigo—despojado de sí mismo.

—¿Cómo, cómo, cómo le va? —vol-vió a gritar la voz.

El guardián abrió una puerta, afortu-nadamente en los barrotes de la izquier-da: Kyo entró en el establo. En el fondo,había un prolongado compartimiento,donde estaba acostado un solo hombre.La puerta se volvió a cerrar.

—¿Político? —preguntó el hombre.

—Sí. ¿Y usted?

—No. Bajo el imperio, yo eramandarín...

Kyo empezaba a acostumbrarsea la oscuridad. En efecto: era unhombre de edad; un viejo blanco,chato, casi sin nariz, con bigoteralo y orejas puntiagudas.

—...vendo mujeres. Cuando la cosamarcha bien, doy dinero a la policía y medeja en paz. Cuando marcha mal, creenque me guardo el dinero y me encierranen la cárcel. Pero, desde el momento enque la cosa no va bien, prefiero estar ali-mentado en la cárcel a morirme de ham-bre en libertad...

—¡Aquí!

—Se acostumbra uno, ¿sabe usted?...Fuera, no se está tampoco muy bien,cuando se está viejo, como yo, y débil...

—¿Cómo no está usted con los de-más?

—Algunas veces, doy dinero al escri-biente de la entrada. Así, cada vez quevengo aquí, me tienen bajo el régimende los «provisionales».

El guardián llevaba el alimento.Pasó por entre los barrotes dos tazas

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emplis d’un magma couleur de boue, àla vapeur aussi fétide que l’atmosphèreIl puisait dans une marmite avec unelouche, lançait la bouillie compacte danschaque petit bol où elle tombait avec un« ploc », et la passait ensuite auxprisonniers de l’autre cage, un à un.

— Pas la peine, dit une voix: c’estpour demain.

(Son exécution, dit le mandarin àKyo.)

— Moi aussi, dit une autre voix.Alors, tu pourrais bien me donner le doublede pâtée, quoi: moi, ça me donne faim.

— Tu veux mon poing sur la gueule?demanda le gardien.

Un soldat entra, lui posa unequestion. Il passa dans la cage de droite,frappa mollement un corps

— Il bouge, dit-il. Sans doute qu’ilvit encore...

Le soldat partit.

Kyo regardait de toute son attention,tentait de voir auxquelles de ces ombresappartenaient ces voix si proches de lamort - comme lui peut-être. Impossiblede distinguer: ces hommes mourraientavant d’avoir été pour lui autre choseque des voix. [287]

— Vous ne mangez pas? lui deman-da son compagnon.

— Non.

— Au début, c’est toujours comme ça...

I l p r i t l e b o l d e K y o . L eg a r d i e n e n t r a , s o u f f l e t al ’ h o m m e à t o u t e v o l é e e tr e s so r t i t en empor t an t l e bo l ,s ans un mot .

— Pourquoi ne m’a-t-il pas touché?demanda Kyo à voix basse.

— J’étais seul coupable, mais cen’est pas cela vous êtes politique,provisoire, et vous êtes bien habillé. Ilva essayer de tirer de l’argent de vous,ou des vôtres. Mais ça n’empêche pas...Attendez...

« L’argent me poursuit jusque danscette tanière », pensa Kyo. Si confor-me aux légendes, l’abjection du gardienne lui semblait pas pleinement réelle;et, en même temps, elle lui semblait uneimmonde fatalité comme si le pouvoireût suffi à changer presque tout hommeen bête. Ces êtres obscurs qui

llenas de un magma color de barro, conun olor tan fétido como el de la atmós-fera. Lo sacaba [242] de una marmitacon un cucharón, arrojaba la compactapapilla en la taza, donde caía con un«ploc», y se la pasaba después a lospresos de la otra jaula, uno a uno.

—No merece la pena —dijo unavoz—: eso es para mañana.

(—Su ejecución —dijo el mandarín aKyo.)

—Para mí también —dijo otravoz—. Podrías darme doble ración:a mí eso me produce hambre.

—¿Quieres un puñetazo en la cara?—preguntó el guardián.

Entró un soldado y le formuló una pre-gunta. Pasó después a la jaula de la dere-cha y golpeó blandamente un cuerpo.

—Se mueve —dijo—. Sin duda, to-davía vive...

El soldado salió.

Kyo miraba con toda atención, y pro-curaba ver a cuáles de aquellas sombraspertenecían aquellas voces, tan próximasa la muerte —como él, quizá—. Eraimposible distinguirlos: aquellos hombresmorirían antes de haber sido para él otracosa que voces.

—¿No come usted? —le preguntó sucompañero.

—No.

—Al principio, siempre se hace eso...

Cogió la taza de Kyo. Entró el guar-dián, con paso mecánico; abofeteó alhombre con todas sus fuerzas, y volvió asalir, llevándose la taza sin pronunciaruna palabra.

—¿Por qué no me habrá tocado a mí?—preguntó Kyo en voz baja.

— Yo e r a e l ú n i c o c u l p a b l e ;pero no es por eso: usted es polí-t ico, provisional, y va bien vestido.Tratará de sacarle dinero, a usted ya los suyos. P e r o n o i m p o r t a . . .Espere. . .

«El dinero me persigue hasta en estamazmorra» —pensó Kyo—. Conformea las leyendas, la abyección del guardiánno le parecía plenamente real; y, al mis-mo tiempo, le parecía una inmunda fa-talidad, como si el poder hubiese basta-do para cambiar a todo hombre en unabestia. Aquellos seres oscuros, que bu-

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grouillaient derrière les barreaux,inquiétants comme les crustacés et lesinsectes colossaux des rêves de sonenfance, n’étaient pas davantage deshommes. Solitude et humiliation tota-les. « Attention », pensa-t-il, car, déjà,il se sentait plus faible. Il lui sembla que,s’il n’eût été maître de sa mort, il eûtrencontré là l’épouvante. Il ouvrit laboucle de sa ceinture, et fit passer lecyanure dans sa poche.

— Comment, comment, commentallez-vous?

De nouveau la voix.— Assez! crièrent ensemble les

prisonniers de l’autre cage. Kyo étaitmaintenant habitué a l’obscurité, et lenombre des voix ne l’étonna pas - il yavait plus de dix corps couchés sur lebat-flanc derrière les barreaux.

— Tu vas te taire? cria le gardien.[288]

— Comment, comment, comment allez-vous?

Le gardien se leva.

— Blagueur ou forte tête? demandaKyo à voix basse.

— Ni l’un ni l’autre, répondit lemandarin: fou.

— Mais pourquoi...

Kyo cessa de questionner: son voisinvenait de se boucher les oreilles. Un cri aiguet rauque, souffrance et épouvante à la fois,emplit toute l’ombre: pendant que Kyoregardait le mandarin, le gardien était en-tré dans l’autre cage avec son fouet. Lalanière claqua: et le même cri s’éleva denouveau. Kyo n’osait se boucher les oreilleset attendait, accroché à deux barreaux, lecri terrible qui allait une fois de plus leparcourir jusqu’aux ongles.

— Assomme-le une bonne fois, ditune voix, qu’il nous foute la paix!

— Que ça finisse, dirent quatre oucinq voix, qu’on dorme tranquille!

Le mandarin, ses mains bouchanttoujours ses oreilles, se penchavers Kyo

— C’est la onzième fois qu’il lefrappe depuis sept jours, paraît-il.Moi, je suis là depuis deux jours :c’est la quatrième fois. Et malgrétout, on entend un peu... Je ne peuxpas fermer les yeux, voyez-vous: ilme semble qu’en le regardant je luiviens en aide...

Kyo aussi regardait, presque sansrien voir... « Compassion ou cruauté? »

llían detrás de los barrotes, inquietan-tes, como los crustáceos y [243] los in-sectos colosales de los sueños de su in-fancia, no eran más hombres que losotros. Soledad y humillación totales.«Cuidado» —pensó—, porque ya se sen-tía más débil. Le pareció que, si no hu-biese sido dueño de su muerte, habríavuelto a encontrar allí el espanto. Abrióla hebilla de su cinturón y trasladó elcianuro a su bolsillo.

— ¿ C ó m o , c ó m o , c ó m o l ev a ?

________________—¡Basta! —gritaron, a un tiempo, los

presos de la otra jaula. Kyo estaba yaacostumbrado a la oscuridad, y el con-junto de voces no le extrañó: habíamás de diez cuerpos echados en elcompartimiento, detrás de los barrotes.

—¿Vas a callarte? —gritó el guardián.

—¿Cómo, cómo, cómo le va?

El guardián se levantó.

—¿Bromista o testarudo? —pregun-tó Kyo, en voz baja.

—Ni lo uno ni lo otro —respondió elmandarín—: loco.

—¿Y por qué?

Kyo dejó de preguntar: su vecino aca-baba de taparse los oídos. Un grito agu-do y ronco, de sufrimiento y espanto a lavez, llenó toda la sombra: mientras Kyomiraba al mandarín, el guardián habíaentrado en la otra jaula con su látigo. Lacorrea crujió, y el mismo grito se elevóde nuevo. Kyo no se atrevió a taparse losoídos, y esperaba, agarrado a los barro-tes, el grito terrible que, una vez más, ibaa recorrerle hasta las uñas.

—¡Déjalo tendido de una vez —pro-nunció una voz—, que nos deje en paz!

—¡Que termine ya —dijeron cuatro o cin-co voces— y se pueda dormir tranquilo!

El mandarín, que continuaba tapándo-se los oídos con las manos, se inclinóhacia Kyo.

—Me parece que es la undécima vezque le pega, desde hace siete días. Yoestoy aquí desde hace dos días, y ésta esla cuarta vez. Y, a pesar de todo, se com-prende un poco... No puedo cerrar losojos, ya ve usted: me parece que, mirán-dole, acudo en su ayuda; que no le aban-dono... [244]

Kyo miraba también, casi sin vernada... «¿Compasión o crueldad?» —

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se demanda-t-il avec épouvante. Cequ’il y a de bas, et aussi de fascinableen chaque être était appelé là avec laplus sauvage véhémence, et Kyo sedébattait de toute sa pensée contrel’ignominie humaine: il se souvint del’effort qui lui avait toujours éténécessaire pour fuir les corps suppliciésvus par hasard: il lui fallait,littéralement, s’en arracher. Que deshommes pussent [289] voir frapper unfou pas même méchant, sans doutevieux à en juger par la voix, et approuverce supplice, appelait en lui la mêmeterreur que les confidences de Tchen, lanuit de Han-Kéou : « les pieuvres... »Katow lui avait dit quel effort doit fairel’étudiant en médecine la première foisqu’un ventre ouvert devant lui laisseapparaître des organes vivants. C’étaitla même horreur paralysante, biendifférente de la peur, une horreurtoute-puissante avant même que l’espritne l’eût jugée, et d’autant plusbouleversante que Kyo éprouvait à encrever sa propre dépendance. Etcependant, ses yeux beaucoup moinshabitués à l’obscurité que ceux de soncompagnon, ne distinguaient quel’éclair du cuir, qui arrachait leshurlements comme un croc. Depuis lepremier coup, il n’avait pas fait un geste:il restait accroché aux barreaux, lesmains à hauteur du visage.

— Gardien! cria-t-il.

— Tu en veux un coup?

— J’ai à te parler.

— Oui?

Tandis que le gardien refermaitrageusement l’énorme verrou, lescondamnés qu’il quittait se tordaient.Ils haïssaient les « politiques ». ___________________________

— Va s - y ! Va s - y, g a r d i e n !qu’on rigole.

L’homme était en face de Kyo, lecorps coupé verticalement par unbarreau. Son visage exprimait la plusabjecte colère, celle de l’imbécile quicroit son pouvoir contesté; ses traitspourtant n’étaient pas bas: réguliers,anonymes...

— Écoute, dit Kyo.

Ils se regardaient dans les yeux, legardien plus grand que Kyo dont ilvoyait les mains toujours crispées surles barreaux, de chaque côté de la tête.[290] Avant que Kyo eût compris ce quiarrivait, il crut que sa main gaucheéclatait: à toute volée, le fouet, tenu

se preguntaba, con espanto. Cuantohay de bajo, y también de fascinable,en cada ser, era invocado allí, con lamás salvaje vehemencia, y Kyo se de-batía con todo su pensamiento contrala ignominia humana: se acordó delesfuerzo que siempre le había sidonecesario para eludir los cuerpos de lossupliciados, vistos al azar: necesitaba,literalmente, arrancarse a ellos. Queunos hombres pudiesen ver golpear aun loco, ni siquiera malo, viejo, sinduda, a juzgar por la voz, y aprobar susuplicio, producía en él el mismo terrorque las confidencias de Chen la nochede Han-Kow: «Los pulpos...» Katow lehabía referido el esfuerzo que tiene querealizar el estudiante de medicina la pri-mera vez que un vientre abierto en supresencia deja aparecer los órganos vi-vos. Era aquel el mismo horrorparalizador, muy diferente al miedo; unhorror todopoderoso, aun antes de queel espíritu lo hubiese juzgado, y tantomás perturbador, cuanto que Kyo ex-perimentaba hasta el colmo su propiadependencia. Y sin embargo, sus ojos,menos habituados a la oscuridad que losde sus compañeros, no distinguían másque el destello del cuero, que arrancabalos aullidos como un garfio. Desde elprimer golpe, no había hecho un gesto:permanecía agarrado a los barrotes, conlas manos a la altura del rostro.

—¡Guardián! —gritó.

—¿Quieres un golpe?

—Tengo que hablarte.

—¿Sí?

Mientras el guardián volvía a corrercon rabia el enorme cerrojo, los conde-nados a quienes abandonaba se retorcían.Odiaban a los «políticos», que no esta-ban mezclados con elles.

—¡Ve! ¡Ve, guardián, pronto, que allíestán de broma!

El hombre estaba enfrente de Kyo,con el cuerpo cortado verticalmentepor un barrote. Su rostro expresaba lamás abyecta ira: la del imbécil quecree discutido su poder; sus faccio-nes, no obstante, no eran bajas: regu-lares, anónimas.

—Escucha —dijo Kyo. [245]

Se miraron a los ojos, el guardián másalto que Kyo, cuyas manos veía crispa-das sobre los barrotes, a cada lado de lacabeza. Antes de que Kyo se hubiera dadocuenta de lo que ocurría, creyó que sumano izquierda estallaba: el látigo, levan-tado tras de la espalda del guardián había

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derrière le dos du gardien, était retombé.Kyo n’avait pu s’empêcher de crier.

— Très bien! hurlaient lesprisonniers en face. Pas toujours auxmêmes!

Les deux mains de Kyo étaientretombées le long de son corps, prisesd’une peur autonome, sans même qu’ils’en fût aperçu.

— Tu as encore quelque chose àdire? demanda le gardien.

Le fouet était maintenant entre eux.

Kyo serra les dents de toute sa force,et, par le même effort que s’il eût dûsoulever un poids énorme, ne quittantpas des yeux le gardien, dirigea denouveau ses mains vers les barreaux.Tandis qu’il les élevait lentementl’homme reculait imperceptiblement,pour prendre du champ. Le fouet claqua,sur les barreaux cette fois. Le réflexeavait été plus fort que Kyo : il avait re-tiré ses mains. Mais déjà il les ramenait,avec une tension exténuante desépaules, et le gardien comprenait à sonregard que, cette fois, il ne les retireraitpas. Il lui cracha à la figure et levalentement le fouet.

— Si tu... cesses de frapper le fou,dit Kyo, quand je sortirai je te... donneraicinquante dollars.

Le gardien hésita.

— Bien, dit-il enfin.

Son regard s’écarta. Kyo fut délivréd’une telle tension qu’il cruts’évanouir. Sa main gauche était sidouloureuse qu’il ne pouvait la fermer.Il l’avait élevée en même temps quel’autre à la hauteur de ses épaules, etelle restait là, tendue. Nouveaux éclatsde rire.

— Tu me tends la main! demanda legardien ep rigolant aussi. [291]

Il la lui serra. Kyo sentit que desa vie il n’oublierait cette étreinte.____________________________________________________________Il retira sa main, tomba assis sur lebat-flanc. L e g a r d i e n h é s i t a , s egra t ta la tê te avec le manche dufoue t , regagna sa tab le . Le fousang lo ta i t .

Des heures d’uniforme abjection.Enfin, des soldats vinrent chercher Kyopour le conduire à la Police spéciale.Peut-être allait-il à la mort, et pourtantil sortit avec une joie dont la violence

vuelto a caer. Kyo no había podido pormenos de gritar.

—¡Muy bien! —aullaban los presosde enfrente—. Siempre no va a ser a losmismos.

Las dos manos de Kyo habían vueltoa caer a lo largo de su cuerpo, presas deun miedo autónomo, sin que siquiera sehubiera dado cuenta de ello.

—¿Todavía tienes alguna cosa quedecir? —preguntó el guardián.

El látigo estaba ahora entre ellos.

Kyo apretó los dientes con toda sufuerza, y, con el mismo esfuerzo que hu-biera hecho para levantar un peso enor-me, sin quitar los ojos del guardián, diri-gió de nuevo las manos hacia los barro-tes. Mientras las levantaba con lentitud,el hombre retrocedía lentamente, paraganar terreno. El látigo crujió, sobrelos barrotes esta vez. El reflejo habíasido más fuerte que Kyo: había retiradolas manos. Pero ya las conducía de nue-vo, con una tensión extenuante de loshombros, y el guardián comprendía, porsu mirada, que esta vez no las retiraría.Le escupió a la cara, y levantó conlentitud el látigo.

—Si... dejas de golpear a ese loco —dijo Kyo—, cuando salga, te... daré cin-cuenta dólares.

El guardián vaciló.

—Bien —dijo, por fin.

Su mirada se apartó y Kyo se sintiópresa de tal tensión que creyó desvane-cerse. La mano izquierda de Kyo estabatan dolorida, que no podía cerrarla. Lahabía levantado al mismo tiempo que laotra hasta la altura de los hombros y con-tinuaba así, con ella extendida. Nuevascarcajadas.

—¿Me tiendes la mano? —preguntóel guardián, bromeando también.

Se la estrechó. Kyo comprendió queen su vida olvidaría aquella opresión, noa causa del dolor, sino porque la vida nole había impuesto nada más odioso. Re-tiró [246] la mano, y cayó, sentado, en elcompartimiento. El guardián vaciló y sa-cudió la cabeza, que se rascó con el man-go del látigo. Volvió a su mesa. El locosollozaba.

Dos horas de uniforme abyección. Porfin, unos soldados fueron a buscar a Kyopara conducirlo a la policía especial. Sinduda, caminaba hacia la muerte; y, sinembargo, salió con un júbilo cuya vio-

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le surprit : il lui semblait qu’il laissaitlà une part immonde de lui-même.

— Entrez!

Un des gardes chinois poussa Kyopar l’épaule, mais à peine; dès qu’ilsavaient affaire à des étrangers (et pourun Chinois, Kyo était japonais ou euro-péen, mais certainement étranger) lesgardes modéraient la brutalité àlaquelle ils se croyaient tenus. Sur unsigne de König, ils restèrent dehors.Kyo avança vers le bureau, cachantdans sa poche sa main gauche tuméfiée,en regardant cet homme qui, lui aussi,cherchait ses yeux: visage anguleuxrasé, nez de travers, cheveux en brosse.« Un homme qui va sans doute vousfaire tuer ressemble décidément àn’importe quel autre. » König tendit lamain vers son revolver posé sur latable: non, il prenait une boîte decigarettes. Il la tendit à Kyo.

— Merci. Je ne fume pas.

— L’ordinaire de la prison estdétestable, comme il convient.Voulez-vous déjeuner avec moi?

Sur la table, du café, du lait, deuxtasses, des tranches de pain.

— Du pain seulement. Merci.

König sourit

— C’est la même cafetière pour vouset pour moi, vous savez... [292]

Kyo resta debout (il n’y avait pas desiège) devant le bureau, mordant sonpain comme un enfant. Aprèsl’abjection de la prison, tout était pourlui d’une légèreté irréelle.

Il savait que sa vie était en jeu, maismême mourir était simple. Il n’était pasimpossible que cet homme fût courtoispar indifférence: de race blanche, il avaitpeut-être été amené à ce métier paraccident, ou par cupidité. Ce quesouhaitait Kyo, qui n’éprouvait pour luinulle sympathie mais eût aimé sedétendre, se délivrer de la tension dontl’avait exténué la prison; il venait dedécouvrir combien être contraint à seréfugier tout entier en soi-même estépuisant.

lencia le sorprendió: le parecía que deja-ba allí una parte inmunda de sí mismo.

* * *

—¡Adelante!

Uno de los guardias chinos empujó aKyo en un hombro, aunque apenas; des-de el momento en que se trataba de unextranjero —y, para un chino, Kyo eraun japonés o europeo, pero, desde luego,extranjero—, los guardias tenían miedoa la brutalidad a que se creían obligados.A una seña de König, se quedaron fuera.Kyo avanzó hacia la mesa, ocultando enel bolsillo su mano izquierda tumefacta,y mirando a aquel hombre que, a su vez,buscaba sus ojos: rostro anguloso, afei-tado, nariz atravesada y cabellos hirsu-tos «Un hombre que, sin duda, nos vaa hacer matar, decididamente, se pa-rece a otro cualquiera.» König tendióla mano hacia su revólver, colocadosobre la mesa: no; cogía una caja decigarrillos. Se la tendió a Kyo.

—Gracias. No fumo.

—Lo ordinario de la cárcel es detes-table, como conviene. ¿Quiere usted de-sayunar conmigo?

Encima de la mesa: café, leche, dostazas y unas rebanadas de pan.

—Pan solamente. Gracias.

König sonrió.

—Es la misma cafetera para usted ypara mí, ¿sabe?...

Kyo estaba decidido a la pruden-cia; por otra parte, König no insistía.Kyo permaneció de pie (no había si-lla), delante de la mesa, mordiendo supan como un niño. Después de la ab-yección de la cárcel, todo era para élde una ligereza irreal. Sabía que suvida estaba en peligro; pero hasta morirera sencillo para quien volvía de dondeél volvía. La humanidad de un jefe depolicía le inspiraba [247] poca confian-za, y König continuaba alejado de él,como si hubiese sido separado de su cor-dialidad: ésta, un poco hacia adelante; él,un poco hacia atrás. Sin embargo, no eraimposible que aquel hombre fuese cortéspor indiferencia: de raza blanca, acasohubiera sido conducido a aquel oficio poraccidente o por codicia. Lo que deseabaKyo, que no experimentaba hacia él nin-guna simpatía, aunque hubiera queridocontenerse, era librarse de la tensión conque le había extenuado la cárcel; acaba-ba de descubrir que estar obligado a re-fugiarse por completo en sí mismo es casiatroz.

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Le téléphone sonna.

— Allô! dit König. Oui, Gisors,Kyoshi *. Parfaitement. Il est chezmoi.

« On demande si vous êtes encorevivant, dit-il à Kyo.

— Pourquoi m’avez-vous fait venir?

— Je pense que nous allons nousentendre. »

Le téléphone, de nouveau.

— Allô! Non. J’étais justement entrain de lui dire que nous nousentendrions certainement. Fusillé?Rappelez-moi._________

Le regard de König n’avait pasquitté celui de Kyo.

- Qu’en pensez-vous? demanda-t-ilen raccrochant le récepteur.

— Rien.

König baissa les yeux, les releva

— Vous tenez à vivre?

— Ça dépend comment.

— On peut mourir aussi de diversesfaçons.

— On n’a pas le choix... [293]

— Vous croyez qu’on choisittoujours sa façon de vivre ?

König pensait à lui-même. Kyoé ta i t r éso lu à ne r i en céderd’essent ie l , mais i l ne désira i tnullement l’irriter

— Je ne sais pas.

— On m’a dit que vous êtescommuniste par... comment, déjà? dignité.C’est vrai?

Kyo ne comprit pas d’abord. Tendudans l’attente du téléphone, il sedemandait à quoi tendait ce singulierinterrogatoire. Enfin :

— Ça vous intéresse réellement?demanda-t-il.

— Plus que vous ne pouvez croire.

Il y avait de la menace dans le ton.Kyo répondit :

— Je pense que le communisme

Sonó el teléfono.

—¡Hola! —pronunció König—. Sí,Gisors, Kyoshi. (1) Perfectamente. Estáconmigo.

—Preguntan si está usted todavía vivo—dijo a Kyo.

—¿Para qué me ha hecho usted venir?

— C r e o q u e v a m o s ae n t e n d e r n o s .

El teléfono, de nuevo.

—¡Hola! No. Precisamente medispongo a decirle que, de segu-ro, nos entenderemos. ¿Fusilado?Recuérdemelo. Vamos a ver.

Desde que Kyo había entrado, la mirada deKönig no se había apartado de la suya.

—¿Qué piensa usted acerca de esto? —preguntó, volviendo a colgar el receptor.

—Nada.

König bajó los ojos y los volvió a levantar.

—¿Quiere usted seguir viviendo?

—Según cómo.

—Se puede morir también de distin-tas maneras.

—Por lo menos, no le queda a uno la elección...

—¿Usted cree que se elige siempre lamanera de vivir?

König pensaba en sí mismo. Kyo es-taba decidido a no ceder en nada que fue-se esencial; pero, de ningún modo desea-ba exasperarle.

—No sé. ¿Y usted?

—Me han dicho que es us tedcomunista por___________ dignidad.¿Es cier to? [248]

Kyo no comprendió, al principio. In-trigado por la espera del teléfono, se pre-guntaba qué significaba aquel singularinterrogatorio. Al fin:

—¿Le interesa a usted eso, realmen-te? —preguntó.

—Más de lo que usted pudiera creer.

No había amenaza en la entonación,sino en la frase. Kyo respondió:

—Creo que el comunismo proporcio-

* Kyo est une abréviation.1. Kyo es una abreviatura.

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rendra la dignité possible pour ceux avecqui je combats. Ce qui est contre lui, entout cas, les contraint à n’en pas avoir.

Pourquoi m’avoir posé cet tequestion, puisque vous n’écoutezpas ma réponse?

— Qu’appelez-vous la dignité? Çane veut rien dire!

Le téléphone sonna. « Ma vie? »,pensa Kyo. König ne décrocha pas.

— Le contraire de l’humiliation, dit Kyo.« Quand on vient d’où je viens, ça

veut dire quelque chose. »

L’appel du téléphone sonnait. Königposa la main sur l’appareil.

— Où sont cachées les armes? dit-ilseulement.

— Vous pouvez laisser le téléphone.J’ai enfin compris.

I l p e n s a i t q u e l ’ a p p e lé t a i t u n e p u r e m i s e e n s c è n e .II se ba issa rap idement : Königa v a i t f a i l l i l u i j e t e r à l a t ê t el ’un des deux revolvers ; mais i ll e reposa sur la tab le . [294]

— J’ai mieux, dit-il. Quant autéléphone, vous verrez bientôt s’il esttruqué, mon petit. Vous avez déjà vutorturer?

Dans sa poche, Kyo essayait de serrerses doigts tuméfiés. Le cyanure étaitdans cette poche gauche, et il craignaitde le laisser tomber s’il devait le porterà sa bouche.

— D u m o i n s a i - j e v u d e sg e n s t o r t u r é s . P o u r q u o im ’ a v e z - v o u s d e m a n d é o ù s o n tl e s a r m e s ? Vo u s l e s a v e z , o ul e s a u r e z . A l o r s ?

— Les communistes sont écraséspartout.

Kyo se taisait.

— Ils le sont. Réfléchissez bien: sivous travaillez pour nous, vous êtessauvé, et personne ne le saura. Je vousfais évader...

« Il devrait bien commencer par là »,pensa Kyo. La nervosité lui donnait del’humour, bien qu’il n’en eût pas envie. Maisil savait que la police ne se contente pasde gages incertains. Pourtant, le mar-ché le surprit comme si, d’être

nará la dignidad posible a aquellos conquienes combato. Los que están contraél, en todo caso, les obligan a no tenerla,a menos que posean una sabiduría, tanrara en ellos como en los otros; más qui-zá, precisamente porque son pobres yporque su trabajo les separa de la vida.¿Por qué haberme formulado esapregunta, puesto que no escuchami respuesta?

—¿A qué llama usted dignidad? Esono quiere decir nada.

Sonó el teléfono. «Mi vida» —pensóKyo—. König no lo descolgó.

—A lo contrario de la humillación —dijo Kyo—. Cuando se viene de donde yo vengo esoquiere decir algo.

La llamada del teléfono sonaba en el silencio.König puso la mano en el aparato.

—¿Dónde están ocultas las armas? —preguntó.

—Puede usted dejar el teléfonotranquilo. Al fin he comprendido:e s a c o m u n i c a c i ó n e s u n a p u r acomedia represen tada para mí .

Kyo se agachó con rapidez: König hizoademán de arrojarle a la cabeza uno delos dos revólveres, vacíos sin duda; perovolvió a dejarlo encima de la mesa.

—Tengo otra cosa mejor —dijo—. Encuanto al teléfono, bien pronto verá us-ted si es un truco, amigo mío. ¿Ha vistousted ya torturar?

En su bolsillo, Kyo trataba de opri-mir sus dedos tumefactos. El cianuroestaba en aquel bolsillo izquierdo, ytemía dejarlo caer, si debía llevárse-lo a la boca.

—Al menos, he visto a algunas per-sonas torturadas: he hecho la guerra ci-vil. Lo que me intriga es por qué me hapreguntado usted dónde están las armas.Usted lo sabe o lo sabrá. ¿Entonces?

—Los comunistas están aplastados entodas partes. [249]

—Es posible.

—Lo están. Reflexione bien: sitrabaja usted para nosotros, está sal-vado y nadie lo sabrá. Le facilito laevasión...

«Debería haber comenzado por ahí»—pensó Kyo—. La nerviosidad le pres-taba ingenio, aunque no lo deseaba. Perosabía que la policía no se contenta conpromesas inseguras. Sin embargo, la pro-posición le sorprendió, como si, por ser

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conventionnel, il eût cessé d’êtreproposable.

— Moi seul, reprit König, le saurais.Ça suffit...

Pourquoi, se demandait Kyo, cettecomplaisance sur le « Ça suffit » ?

— Je n’entrerai pas à votre service,dit-il d’une voix neutre.

— Attention : je peux vous coller ausecret avec une dizaine d’innocents enleur disant que leur sort dépend de vous,qu’ils resteront en prison si vous neparlez pas et qu’ils sont libres du choixde leurs moyens...

— Les bourreaux, c’est plus simple...

— Erreur. L’alternance dessupplications et des cruautés est pire. Neparlez pas de ce que vous ne connaissezpas - pas encore, du moins. [295]

— Je viens de voir à peu près torturerun fou.

— Vous rendez-vous bien compte dece que vous risquez ?

— Je sais.

König pensait que, malgré ce que luidisait Kyo, la menace qui pesait sur luilui échappait. « Sa jeunesse l’aide »,pensait-il. Deux heures plus tôt, il avaitinterrogé un tchékiste (118) prisonnier:après dix minutes il l’avait sentifraternel. Leur monde, à tous deux,n’était plus celui des hommes. Si Kyoéchappait à la peur par manqued’imagination, patience...

— Vous ne vous demandez paspourquoi je ne vous ai pas encoreenvoyé ce revolver à travers la figure ?

— ________________________Vous avez dit: « J’ai mieux... »

König sonna.

— Peut-être viendrai-je cette nuitvous demander ce que vous pensez dela dignité humaine.

« Au préau, série A » , dit-il auxgardes qui entraient.

4 heures.

Clappique se mêla au mouvementqui poussait la foule des concessionsvers les barbelés: dans l’avenue desDeux-Républiques le bourreau passait,son sabre courbe sur l’épaule, suivi deson escorte de mauséristes. Clappiquese retourna aussitôt, s’enfonça dans la

convencional, hubiera dejado de ser ver-dadera.

—Yo solo —prosiguió König— losabré. Eso basta...

«¿Por qué —se preguntaba Kyo— esacomplacencia en él: « Eso basta» ?»

—No entraré a su servicio —dijo, casidistraídamente.

—Atención: puedo agregarlo en se-creto a una docena de inocentes, dicién-dole que su suerte depende de usted;que se quedarán en la cárcel, si ustedno habla, y que son libres para elegirsus medios...

—Los verdugos; es más sencillo.

—_______ La a l t e rna t iva de l assúp l i ca s y de l a s c rue ldades e speo r. No hab le u s t ed de l o queno conoce ( todav ía a l menos ) .

—Acabo de ver, desde muy cerca, tor-turar a un loco. Un loco. ¿Comprende?

—¿Se da usted cuenta bien a lo que se expone?—He hecho la guerra civil, le digo. Lo sé. Los

nuestros también han torturado: les harán faltamuchos goces a los hombres para compensar eso.Dejemos esa cuestión. No le serviré.

König creía que, a pesar de lo que ledecía Kyo, su amenaza se le escapaba.«Su juventud le ayuda» —pensaba—.Dos horas antes, había interrogado a unchekista prisionero; al cabo de diez mi-nutos, lo había encontrado fraternal: elmundo de ambos no era el de los hom-bres; en lo sucesivo, estarían en otra par-te. Si Kyo escapaba al miedo por falta deimaginación, paciencia...

—¿No se pregunta usted por quéno le he atravesado ya el rostro coneste revólver?

—Creo que estoy muy próximo a la muerte:eso extingue la curiosidad.Y usted ha dicho: «Tengo otra cosa mejor...» [250]

König llamó.

—Quizá vaya esta noche a pregun-tarle qué piensa usted acerca de ladignidad humana.

—Al patio, serie A —dijo a los guar-dianes, que entraban.

Las cuatro

Clappique se unió al movimiento queimpulsaba a la multitud de las concesio-nes hacia las alambradas: por la avenidade las Dos Repúblicas, pasaba el verdu-go, con su sable curvo al hombro, segui-do de su escolta de mauseristas.Clappique se volvió inmediatamente y se

118 (p. 296). Un tchékiste : membre de laTcheka (cf. supra, note 83).

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concession. Kyo arrêté, la défensecommuniste écrasée, nombre desympathisants assassinés dans la villeeuropéenne même... König lui avaitdonné jusqu’au soir: il ne serait pasprotégé [296] plus longtemps. Descoups de feu un peu partout. Portés parle vent, il lui semblait qu’ilss’approchaient de lui, et la mort aveceux. « Je ne veux pas mourir, disait-ilentre ses dents, je ne veux pas mourir...» Il s’aperçut qu’il courait. Il arriva auxquais.

Pas de passeport, et plus assezd’argent pour prendre un billet.

Trois paquebots, dont un français.Clappique cessa de courir. Se cacherdans les canots de sauvetage recouvertsd’une bâche tendue? Il eût fallu monterà bord, et l’homme de coupée ne lelaisserait pas passer. C’était idiot,d’ailleurs. Les soutes? Idiot, idiot, idiot.Aller trouver le capitaine, d’autorité? Ils’était tiré d’affaire ainsi dans sa vie;mais cette fois le capitaine le croiraitcommuniste et refuserait de l’embarquer.Le bateau partait dans deux heuresmauvais moment pour déranger lecapitaine. Découvert à bord lorsque lebateau aurait pris la mer, il s’arrangerait,mais il fallait y monter.

Il se voyait caché dans quelque coin,blotti dans un tonneau; mais la fantaisie,cette fois, ne le sauvait pas. Il luisemblait s’offrir, comme auxintercesseurs d’un dieu inconnu, à cespaquebots énormes, hérissés, chargés dedestinées, indifférents à lui jusqu’à lahaine. Il s’était arrêté devant le bateaufrançais. Il regardait, fasciné par lapasserelle, les hommes qui montaientet descendaient (dont aucun ne pensaità lui, ne devinait son angoisse et qu’ileût voulu tous tuer pour cela), quimontraient leur billet en passant lacoupée. Fabriquer un faux billet?Absurde.

Un moustique le piqua. Il le chassa,toucha sa joue: sa barbe commençait àpousser. Comme si toute toilette eût étépropice aux départs, il décida d’aller sefaire raser, mais sans s’éloigner dubateau. [297] Au-delà des hangars,parmi les bistrots et les marchands decuriosités, il vit la boutique d’un coiffeurchinois. Le propriétaire possédait aussiun café misérable, et ses deuxcommerces n’étaient séparés que parune natte tendue. Attendant son tour,Clappique s’assit à côté de la natte etcontinua à surveiller la coupée dupaquebot. De l’autre côté, des gensparlaient

— C’est le troisième, dit une voix

introdujo en la concesión. Kyo, deteni-do; la defensiva comunista, aniquilada;numerosos simpatizantes, asesinados, enla ciudad europea misma... König le ha-bía concedido de placa hasta la noche:ya no sería protegido por mucho tiempo.Unos cuantos disparos por todas partes.Transportados por el viento, le parecíaque se aproximaban a él y la muerte conellos. «Yo no quiero morir decía entredientes—; yo no quiero morir...» Se diocuenta de que corría. Llegó a los mue-lles.

No tenía pasaporte ni bastante dineropara tomar un billete.

Tres paquebotes uno de ellos francés.Clappique dejó de correr. ¿Ocultarse enlas canoas de salvamento, recubiertas conunas lonas? Hubiera tenido que subir abordo, y el hombre del saltillo* no ledejaría pasar. Aquello era idiota, además.¿Los pañoles? Idiota, idiota, idiota. ¿Iren busca del capitán, de la autoridad? Élya había salido bien de otros casos seme-jantes; pero, esta vez, el capitán le cree-ría comunista y se negaría a embarcarlo.El barco salía dentro de dos horas: malmomento para importunar al capitán.Descubierto a bordo, cuando el barco sehubiera hecho a la mar, todo se arregla-ría; pero había que subir a él.

Se veía oculto en cualquier rincón,agazapado dentro de un tonel; pero la fan-tasía, esta vez, no le salvaba. Le parecíaofrecerse, como a los intercesores de undios desconocido, [251] a aquellos paque-botes enormes, erizados, cargados de des-tino, indiferentes ante él hasta el odio. Sehabía detenido delante del barco francés.No pensaba en nada; contemplaba fasci-nado por la pasarela, a los hombres quesubían y bajaban (ninguno de los cualespensaba en él ni adivinaba su angustia, ya todos los cuales hubiera querido matarpor eso), que enseñarían su billete al pa-sar el saltillo. ¿Hacer un billete falso?Absurdo.

Un mosquito le picó. Lo espantó y setocó la mejilla: su barba comenzaba abrotarle. Como si todo atavío hubiesesido propicio a los viajes, decidió ir aafeitarse, aunque sin alejarse del barco.Más allá de unos cobertizos, entre loscafetines y los comerciantes de curiosi-dades, vio una peluquería china. El pro-pietario de ésta poseía también un cafémiserable, y sus dos comercios no esta-ban separados más que por una esteraextendida. Mientras esperaba su turno,Clappique se sentó al lado de la estera,y continuó vigilando el saltillo del pa-quebote. Al otro lado, unas cuantas per-sonas hablaban.

—Es el tercero —dijo una voz de

* Abertura amanera de puerta, en el costadode un barco para entrada y salida de perso-nas y cosas. Portalón.

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d’homme.

— Avec le petit, aucun ne nousprendra. Si nous essayions dans un deshôtels riches, quand même?

C’était une femme qui répondait.

— Habillés comme nous sommes?Le type à galons nous foutra à la porteavant que nous ne la touchions.

— Là, les enfants ont le droit de crier!...Essayons encore, n’importe où.

— Dès que les propriétaires verrontle gosse, ils refuseront. Il n’y a que leshôtels chinois qui puissent accepter,mais le gosse tombera malade, avec leursale nourriture.

— Dans un hôtel européen pauvre,si on arrivait à passer le petit, quand ony serait, ils n’oseraient peut-être pasnous jeter dehors... En tout cas, ongagnerait toujours une nuit. Il faudraitempaqueter le petit, qu’ils croient quec’est du linge.

— Le linge ne crie pas.

— Avec le biberon dans la bouche,il ne criera pas...

— Peut-être. Je m’arrangeraisavec le type, et tu viendrais après.Tu n ’au ra i s à pa s se r qu ’uneseconde devant lui.

Silence. Clappique regardait lacoupée. Bruit de papier.

— Tu ne peux pas t’imaginer la pei-ne que ça me [298] fait de le portercomme ça... J’ai l’impression que c’estde mauvais augure pour toute sa vie...Et j’ai peur que ça lui fasse mal...

Silence de nouveau. Étaient-ilspartis? Le client quittait son fauteuil; lecoiffeur fit signe à Clappique qui s’yinstalla, toujours sans quitter lepaquebot de l’oeil. L’échelle était vide,mais à peine le visage de Clappiqueétait-il couvert de savon qu’un matelotmonta, deux seaux neufs (qu’il venaitpeut-être d’acheter) à la main, desbalais sur l’épaule. Clappique lesuivait du regard, marche à marche:il se fût identifié à un chien, pourvuque le chien gravit cette échelle etparti t . Le matelot passa devantl’homme de coupée sans rien dire.

Clap pique paya en jetant lespièces sur le lavabo, arracha sesserviettes et sortit, la figure pleine desavon. I l savait où trouver desfripiers. On le regardait : après dix

hombre.

—Con el pequeño, nadie nos ad-mitirá. ¿Y si probáramos en uno delos hoteles ricos?

Era una mujer la que respondía.

—¿Vestidos como estamos? El tipo delos galones nos dará con la puerta en lasnarices, antes de que la toquemos.

—Allí, los niños tienen derecho a gritar...Probaremos, dondequiera que sea.

—En cuanto los propietarios vean alchico, se negarán. Sólo los hoteles chi-nos pueden aceptarnos; pero el chicono tardará en caer enfermo, a causa delmal alimento.

—En un hotel europeo pobre, si lle-gásemos a introducir al pequeño, cuandoestuviéramos dentro, quizá no se atrevie-ran a echarnos... En todo caso, siemprese ganaría una noche. Convendría empa-quetar al pequeño, para que lo tomaranpor un envoltorio de ropa.

—La ropa no grita.

—Con el biberón en la boca, nogritará.

—Quizá. Yo me las arreglaría con estetipo, y tú vendrías después. Al pasar, notendrías que estar más que un segundodelante de él. [252]

Silencio. Clappique miraba al saltillo.Ruido de papel.

—No puedes imaginarte el trabajo queme cuesta llevarlo así... Tengo la impre-sión de que va a ser de mal agüero paratoda su vida... Y tengo miedo de que lesiente mal...

Silencio, de nuevo. ¿Se habían ido?El cliente abandonó su sillón. El peluque-ro hizo señas a Clappique, que ocupó elasiento, sin quitar la mirada del paque-bote. La escala estaba vacía; pero, ape-nas el rostro de Clappique estuvo cubier-to de jabón, cuando subió un marinero,con dos cubos nuevos (que acaso acabasede comprar) en la mano y unas escobasal hombro. Clappique le seguía con lamirada, peldaño por peldaño: se hubieraidentificado con un perro, con tal de queel perro subiese aquella escala y partie-se. El marinero pasó por delante del hom-bre del saltillo, sin decir nada.

Clappique pagó, arrojando lasmonedas en el lavabo, se quitó elpaño y salió, con la cara llena dejabón. Sabía dónde encontraría a losropavejeros. Todo el mundo le miraba. Des-

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pas, il revint, se lava le visage,repartit.

Il trouva sans peine des bleus demarin chez le premier fripier venu. Ilregagna au plus vite son hôtel, changeade vêtements. « Il faudrait aussi desbalais, ou quelque chose comme ça.Acheter aux boys de vieux balais?Absurde: pourquoi un matelot irait-il sebalader à terre avec ses balais? Pouravoir l’air plus beau? Complètementidiot. S’il passait la coupée avec desbalais, c’est qu’il venait de les acheterà terre. Ils devaient donc être neufs...Allons en acheter ».

Il entra dans le magasin avec sonhabituel airClappique. Devant le regardde dédain du vendeur anglais, il s’écria:« Dans mes bras! », mit les balais surson épaule, se retourna en faisant tomberune lampe de cuivre, et sortit.

« Dans mes bras », malgré sonextravagance [299] volontaire,exprimait ce qu’il éprouvait: jusque-là,il avait joué une comédie inquiète, paracquit de conscience et par peur, maissans échapper à l’idée inavouée qu’iléchouerait; le dédain du vendeur,-bien que Clappique négligeant soncostume n’eût pas pris l’attituded’un marin, - lui prouvait qu’ilpouvait réussir. Balais sur l’épaule,i l marchai t vers le paquebot ,regardant au passage tous les yeuxpour trouver en eux la confirmationde son nouvel état. Comme lorsqu’ils’était arrêté devant la coupée, ilétait stupéfait d’éprouver combiensa destinée était indifférente auxêtres, combien elle n’existait quepour lui : les voyageurs , tout àl’heure, montaient sans regarder cethomme qui res ta i t sur le quai ,peut-ê t re pour y ê t re tué; lespassants, maintenant, regardaientavec indifférence ce marin; nul nesortait de la foule pour s’étonner oule reconnaître: pas même un visageintrigué... Non qu’une fausse vie fûtfaite pour le surprendre, mais cette foiselle lui était imposée, et sa vraie vie endépendait peut-être. Il avait soif. Ils’arrêta à un bar chinois, posa sesbalais. Dès qu’il but, il comprit qu’iln’avait nullement soif, qu’il avaitvoulu tenter une épreuve de plus. Lafaçon dont le patron lui rendit lamonnaie suff i t à le renseigner.Depuis qu’ i l avai t changé decostume, les regards, autour de lui,n’étaient plus les mêmes. L’habituelinterlocuteur de sa mythomanie étaitdevenu foule.

En même temps, - instinct de défenseou plaisir - l’acceptation générale de son

pués de haber dado diez pasos, volvió, se lavó lacara y tornó a salir.

Encontró sin trabajo unos trajes azulesde marinero en la primera trapería que halló.Volvió lo más pronto que pudo a su hotel y secambió de ropa. «Necesitaré, tam-bién, escobas, o a lgo así... ¿comprar-les a los boys __________________________________________________unas escobas viejas, para tener mejoraspecto? Completamente idiota. Si pa-saba el saltillo con unas escobas, seríaporque acabase de comprarlas en tierra.Entonces, tenían que ser nuevas... Va-mos a comprarlas...»

Entró en el almacén, con su habitualactitud de Clappique. Ante la mirada dedesdén del vendedor inglés, exclamó:«¡En mis brazos!» Se echó las escobas alhombro, se volvió, dejando caer una lám-para de cobre, y salió.

«En mis brazos», a pesar de su extra-vagancia voluntaria, expresaba lo queexperimentaba. Hasta entonces, había re-presentado una comedia inquietante, portranquilidad de conciencia y por miedo,pero sin escapar a la idea desvanecida deque fracasaría; el desdén del vendedor —aunque Clappique, en el abandono de susropas no hubiese adquirido el aspecto deun marino—, le demostraba [253] quepodría triunfar. Con las escobas al hom-bro caminaba hacia el paquebote, miran-do, al pasar, a todos los ojos, para encon-trar en ellos la confirmación de su nuevoestado. Como cuando se había detenidodelante del saltillo, se hallaba estu-pefacto al comprobar cuán indife-rente era su destino a los demásseres, hasta qué punto no existíamás que para él; los viajeros, en-tonces, subían, sin mirar a aquelhombre, que permanecía en el mue-lle, quizá para morir allí; los tran-seúntes, ahora, miraban con indife-rencia a aquel marinero; nadie sedestacaba de la multitud para asom-brarse o reconocerle; ni siquiera unsemblante intrigado... No era que se hubie-se hecho una falsa vida para sorprenderla,sino que aquella vez le era impuesta, y suverdadera vida dependía de ella, quizá. Te-nía sed. Se detuvo en un bar chino y dejó susescobas. En cuanto hubo bebido, compren-dió que no tenía sed ninguna; que habíaquerido intentar una prueba más. La mane-ra cómo el patrón le devolvía su moneda lebastó para informarle. Desde que había cam-biado de traje, la gente, a su alrededor, se habíatransformado. Indagó en qué: eran las mira-das las que ya no eran las mismas. El habi-tual interlocutor de su mitomanía se habíaconvertido en multitud.

Al mismo tiempo, por instinto de de-fensa o por placer, la aceptación general

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nouvel état civil envahissait lui-même.Il rencontrait, tout à coup, par accident,la réussite la plus éclatante de sa vie. Non,les hommes n’existaient pas, puisqu’ilsuffit d’un costume pour échapper àsoi-même, pour trouver une autre viedans les yeux des autres. C’était, en [300]profondeur, le même dépaysement, lemême bonheur qui l’avaient saisi lapremière fois qu’il était entré dans lafoule chinoise. « Dire que faire une his-toire, en français, ça veut dire l’écrire,et non la vivre! » Ses balais portéscomme des fusils, il gravit la passerelle,passa, les jambes molles, devantl’homme de coupée, et se trouva sur lacoursive. Il fila vers l’avant parmi lespassagers de pont, posa ses balais surun rouleau de cordages. Il ne risquaitplus rien avant la première escale. Il étaitpourtant loin de la tranquillité. Unpassager de pont, Russe à la tête en fève,s’approcha de lui

— Vous êtes du bord?Et sans attendre la réponse— La vie est agréable, à bord?

— Ça, mon gars, tu peux pas t’enfaire une idée. Le Français aimevoyager, c’est un fait: pas un mot. Lesofficiers sont emmerdants, mais pas plusque les patrons, et on dort mal (j’aimepas les hamacs: question de goût) maison mange bien. Et on voit des choses.Quand j’étais en Amérique du Sud, lesmissionnaires avaient fait apprendre parcoeur aux sauvages, pendant des jourset des jours, des p’petits cantiques enlatin. L’évêque arrive, le missionnairebat la mesure: silence, les sauvages sontparalysés de respect. Mais pas un mot!le cantique s’amène tout seul, lesperroquets de la forêt, mon b’bon, quin’ont entendu que lui, le chantent avecrecueillement... Et pense que j’airencontré au large des Célèbes (119), ily a dix ans, des caravelles arabes à ladérive, sculptées comme des noix decoco et pleines de pestiférés morts avecleurs bras qui pendaient comme ça lelong du bastingage sous une trombe demouettes... Parfaitement...

— C’est de la chance. Je voyagedepuis sept ans, et je n’ai rien vu commeça. [301]

— Il faut introduire les moyens del’art dans la vie, mon b’bon, non pouren faire de l’art, ah! bon Dieu non! maispour en faire davantage de la vie. Pasun mot!

Il lui lapa sur le ventre et se détournaprudemment: une auto qu’il connaissaits’arrêtait au bas de la passerelle : Ferralrentrait en France.

de su nuevo estado civil le invadía a élmismo. Encontraba, de pronto, por acci-dente, el éxito más espléndido de su vida.No; los hombres no existían, puesto quebastaba un traje para que escapase uno así mismo, para encontrar otra vida en losojos de los demás. En el fondo, encon-traba la misma desorientación y la mis-ma felicidad que le habían invadido laprimera vez que había entrado entre lamultitud china. «¡Decir que hacer unahistoria, en francés, quiere decir escribir-la, y no vivirla!» Con sus escobas, trans-portadas como fusiles, subió por la pasa-rela; pasó, con las piernas vacilantes, pordelante del hombre del saltillo, y se en-contró sobre la crujía. Se escabulló haciaadelante, por entre los pasajeros del puen-te, y dejó sus escobas sobre un rollo decuerdas. Se hallaba, no obstante, lejos dela tranquilidad. Un pasajero del puente,ruso, con la cabeza en forma de haba, seacercó a él. [254]

—¿Es usted de a bordo? —Y, sin es-perar la respuesta—: ¿Es agradable lavida a bordo?

—Chico, de eso ya puedes hacerteuna idea. Al francés le gusta viajar; esun hecho: nada de hablar. Los oficialesson unos mierdas, aunque no más quelos patrones, y se duerme mal (a mí megustan las hamacas: cuestión de gustos);pero se come bien._______ ______Cuando yo estaba en la América delSur, los misioneros habían hecho apren-derse de memoria a los salvajes, durantedías y días, unos cánticos breves en la-tín. Llega el obispo; el misionero mar-ca el compás. Silencio: los salvajesquedan paralizados, de respeto. ¡Pero,ni una palabra! El cántico se producesolo: los papagayos del bosque, amigomío, que no habían oído más que aque-llo, lo cantan con recogimiento... Y tenen cuenta que, a lo largo de las Célèbes,encontré, hace diez años, carabelas ára-bes a la deriva, esculpidas como nue-ces de coco y llenas de apestados muer-tos, colgándoles los brazos así, a lo lar-go del empalletado, bajo una trombade gaviotas... Perfectamente...

—Cuestión de suerte. Yo viajo des-de hace siete años, y no he visto nadade eso.

—Hay que introducir los mediosdel arte en la vida, amigo mío; nopara hacer arte, ¡ah, no, por Dios!,sino para hacer más vida. ¡Ni unapalabra!

Le golpeó en el vientre y se volviócon prudencia: un auto que conocíase detenía al pie de la pasarela: Ferralvolvía a Francia.

119 (p. 301). Célèbes: archipel del’Indonésie.

X

BASTINGAGE [bastëgas] n. 1. Anciennt. Coffresou caissons disposés autour du pont d'unvaisseau pour amortir les projectiles ennemis.2. Mod. Dispositif destiné à hausser le franc-bord du bateau (- Lisse, pavois), et, cour.,parapet bordant le pont d'un navire.

Empalletado 1. m. Mar. Especie de colchón quese formaba en el costado de las embarcacio-nes cuando iban a entrar en combate, ponien-do juntos en una red los líos de la ropa de losmarineros, y servía para defensa contra lafusilería enemiga.

bulwarks (usu. in pl.) a ship’s side above deck

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Un garçon commença à parcourir lepont de première classe, en agitant lacloche du départ. Chaque coup résonnaitdans la poitrine de Clappique.

« L’Europe, pensa-t-il; la fête estfinie. Maintenant, l’Europe. » Il semblaitqu’elle vint au-devant de lui avec lacloche qui se rapprochait, non pluscomme celle d’une délivrance, maiscomme celle d’une prison. Sans lamenace de mort, il fût redescendu.

— Le bar des troisièmes est ouvert?demanda-t-il au Russe.

— Depuis une heure. Tout le mon-de peut y aller jusqu’à ce que noussoyons en mer.

Clappique le prit sous le bras

— Allons nous saouler...

6 heures.

Dans la grande salle - ancien préaud’école deux cents blessés communistesattendaient qu’on vînt les achever.Appuyé sur un coude, Katow, parmi lesderniers amenés, regardait. Tous étaientallongés sur le sol. Beaucoupgémissaient, d’une façon extra-ordinairement régulière; quelques- unsfumaient comme l’avaient fait ceux dela Permanence, et les [302] ramages defumée se perdaient jusqu’au plafond,déjà obscur malgré les grandes fenêtreseuropéennes, assombries par le soir etle brouillard du dehors. Il semblait trèsélevé, au-dessus de tous ces hommescouchés. Bien que le jour n’eût pasencore disparu, l’atmosphère était uneatmosphère nocturne. « Est-ce à causedes blessures, se demandait Katow, ouparce que nous sommes tous couchés,comme dans une gare? C’est une gare.Nous en partirons pour nulle part, etvoilà... »

Quatre factionnaires chinoismarchaient de long en large au milieudes blessés, baïonnette au canon, et leursbaïonnettes reflétaient étrangement lejour sans force, nettes et droitesau-dessus de tous ces corps informes.Dehors, au fond de la brume, deslumières jaunâtres - des becs de gaz sansdoute semblaient aussi veiller sur eux;comme s’il fût venu d’elles (parce qu’ilvenait, lui aussi, du fond de la brume)un sifflement monta, domina murmu-res et gémissements: celui d’unelocomotive; ils étaient près de la garede Chapeï. Il y avait dans cette vastesalle quelque chose d’atrocement tendu,qui n’était pas l’attente de la mort.Katow fut renseigné par sa propre gorge:c’était la soif - et la faim. Adossé au mur,

Un muchacho comenzó a recorrer elpuente de primera clase, agitando lacampana de salida. Cada golpe resona-ba en el pecho de Clappique.

«Europa —pensó—; la fiesta haterminado. Ahora. Europa.» Parecíaque llegaba hasta él, con la campa-na que se aproximaba, no ya comola de una liberación, sino como lade una cárcel. Sin la amenaza de lamuerte, hubiera vuelto a bajar.

—¿El bar de tercera está abierto? —preguntó el ruso.

—Desde hace una hora. Todo el mun-do puede ir allá, hasta que nos hayamoshecho a la mar.

Clappique le cogió del brazo.

—Vamos a emborracharnos... [255]

Las seis

En el gran salón —antiguo patio deescuela—, doscientos heridos comu-nistas esperaban que fuesen a rematar-los. Apoyado en un codo, Katow, en-tre los últimos conducidos, miraba.Todos estaban alineados en el suelo.Muchos gemían de una manera ex-traordinariamente regular; algunos fu-maban, como lo habían hecho los dela Permanencia, y las espirales delhumo se perdían en el techo, ya oscu-ro, a pesar de las grandes ventanaseuropeas ensombrecidas por el anoche-cer y la niebla de fuera. Parecía estarmuy elevada, por encima de todos aque-llos hombres acostados. Aunque el díano había desaparecido aún, la atmósfe-ra era una atmósfera nocturna. «¿Es acausa de las heridas —se preguntabaKatow—, o porque estamos todos acos-tados, como en una estación? Esto es unaestación. Saldremos hacia ninguna par-te, y nada más...»

Cuatro funcionarios chinos se pasea-ban por entre los heridos, con la bayone-ta calada, y sus bayonetas reflejaban deun modo extraño la luz del día sin fuer-za, claras y rectas por encima de todosaquellos cuerpos informes. Fuera, en elfondo de la bruma, unas luces amarillen-tas —los mecheros de gas, sin duda—parecían velar también sobre ellos; comosi hubiera llegado de ellas (porque llega-ba también él, del fondo de la bruma),ascendió un silbido y dominó los gemi-dos y los murmullos: el de una locomo-tora; estaban próximos a la estación deChapei. En aquel vasto salón había algoatrozmente tenso, que no era sino la es-pera de la muerte. Katow fue informadode ello por su propia garganta: era la sed—y el hambre—. Adosado al muro, mi-

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il regardait de gauche à droite:beaucoup de têtes connues, car ungrand nombre de blessés étaient descombattants des tchons. Tout le longde l’un des côtés étroits de la salle, unespace libre, de trois mètres de large,était réservé. « Pourquoi les blessésrestent-ils les uns sur les autres,demanda-t-il à haute voix, au lieud’aller là-bas? » Il était parmi lesderniers apportés. Appuyé au mur, ilse leva; bien que ses blessures le fissentsouffrir, il lui sembla qu’il pourrait setenir debout; mais il s’arrêta, encorecourbé: sans qu’un seul mot eût étéprononcé il sentit [303] autour de luiune épouvante si saisissante qu’il enfut immobilisé. Dans les regards? Àpeine les distinguait-il. Dans lesattitudes? Toutes étaient d’abord desattitudes de blessés, qui souffraientpour leur propre compte. Pourtant, dequelque façon qu’elle fût transmise,l’épouvante était là -pas la peur, laterreur, celle des bêtes, des hommesseuls devant l’inhumain. Katow, sanscesser de s’appuyer au mur, enjambale corps de son voisin.

— Tu es fou? demanda une voix auras du sol.

— Pourquoi?

Question et commandement à la fois.Mais nul ne répondait. Et un desgardiens, à cinq mètres, au lieu de lerejeter à terre, le regardait avecstupéfaction.

— Pourquoi? demanda-t-il denouveau, plus rudement.

— Il ne sait pas, dit une autre voix,toujours au ras du sol, et en même temps,une autre plus basse :

« Ça viendra... »Il avait posé très haut sa seconde

question. L’hésitation de cette fouleavait quelque chose de terrible, en soi,et aussi parce que presque tous ceshommes le connaissaient : la menacesuspendue à ce mur pesait à la fois surtous, et particulièrement sur lui.

— Recouche- to i , d i t un desblessés.

Pourquoi aucun d’entre eux nel’appelait-il par son nom? Et pourquoile gardien n’intervenait-il pas? Il l’avaitvu rabattre d’un coup de crosse, tout àl’heure, un blessé qui avait voulu changerde place... Il s’approcha de son dernierinterlocuteur, s’étendit près de lui.

— On met là ceux qui vont êtretorturés, dit l’homme à voix basse.

raba a la izquierda y a la derecha: habíamuchas cabezas conocidas, pues un grannúmero de los heridos era de los comba-tientes de los tchons. A todo lo largo deuno de los angostos lados de la sala, es-taba reservado un espacio libre de tresmetros de ancho. «¿Por qué los heridospermanecen unos sobre otros —pregun-tó, en voz alta—, en lugar de ir hacia aba-jo?» Estaba entre los últimos que habíanllevado. Apoyado en la pared, se levan-tó: aunque sus heridas le hacían sufrir,le pareció que se podría tener en pie;pero se detuvo, todavía encorvado:[256] sin que hubiese sido pronuncia-da una sola palabra, sintió a su alrede-dor un espanto tan sobrecogedor, quequedó inmovilizado. ¿En las miradas?Apenas las distinguía. ¿En las actitudes?Todos tenían, desde luego, las actitudesde heridos que sufrían por su propiacuenta. Sin embargo, de cualquier ma-nera que fuese transmitido, el espantoestaba allí —no el miedo, el terror, el delas bestias—: sólo el de los hombres,ante lo inhumano. Katow, sin dejar deapoyarse en la pared, saltó por encimadel cuerpo de su vecino.

—¿Estás loco? —preguntó una voz, aras del suelo.

—¿Por qué?

Pregunta y orden a la vez. Peronadie respondía. Y uno de los guar-dianes, a cinco metros, en lugar devolverle a echar al suelo, le mirabacon estupefacción.

—¿Por qué? —preguntó de nuevo,más rudamente.

—No sé —dijo otra voz, también a rasdel suelo: y, al mismo tiempo, otra, másbaja: «Ya llegará...»

Había formulado en voz muy alta susegunda pregunta. La vacilación de todaaquella multitud tenía algo de terrible, ensí, y también porque casi todos aquelloshombres le conocían: la amenaza suspen-dida de aquel muro pesaba a la vez sobretodos, y, particularmente sobre él.

—Vuélvete a acostar —dijo uno de losheridos.

¿Por qué ninguno de ellos le lla-maba por su nombre? ¿Y por qué elguardián no intervenía? Había vistoderribar de un culatazo, hacía poco, aun herido que había querido cambiarde puesto... Se acercó a su interlocu-tor y se tendió junto a él.

—Ahí ponen a los que van a ser tortu-rados —dijo el hombre, en voz baja.

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Tous l e s ava i en t , ma i s i l sn’avaient pas osé le d i re , so i tqu’ils eussent peur d’en parler, soitqu’aucun [304] n’osât lui en parler, à lui.Une voix avait dit: « Ça viendra... »

La porte s’ouvrit. Des soldatsentraient avec des falots, entourant desbrancardiers qui firent rouler desblessés, comme des paquets, tout prèsde Katow. La nuit venait, elle montaitdu sol où les gémissements se croisaientcomme des rats, mêlés à uneépouvantable odeur: la plupart deshommes ne pouvaient bouger. La portese referma.

Du temps passa. Rien que le pasdes sentinelles et la dernière clartédes baïonnettes au-dessus des millebruits de la douleur. Soudain, commesi l’obscurité eût rendu le brouillard plusépais, de très loin, le sifflet de lalocomotive retentit, plus assourdi. L’undes nouveaux arrivés, couché sur leventre, crispa ses mains sur ses oreilles,et hurla. Les autres ne criaient pas, maisde nouveau la terreur était là, au ras dusol.

L’homme releva la tête, se dressa surles coudes.

— Crapules, hurla-t-il, assassins!

Une des sentinelles s’avança, etd’un coup de pied dans les côtes, leretourna. Il se tut. La sentinelles’éloigna. Le blessé commença àbredouiller. Il faisait maintenant tropsombre pour que Katow pût distinguerson regard, mais il entendait sa voix,il sentait qu’il allait articuler. Eneffet « ... ne fusillent pas, ils les foutentvivants dans la chaudière de lalocomotive, disait-il. Et maintenant,voilà qu’ils sifflent... » La sentinellerevenait. Silence, sauf la douleur.

La porte s’ouvrit de nouveau. Encoredes baïonnettes, éclairées maintenant debas en haut par le fanal, mais pas deblessés. Un officier kuomintang entraseul. Bien qu’il ne vît plus que la massedes corps, Katow sentit que chaquehomme se raidissait. [305] L’officier,là-bas, sans volume, ombre que le fanaléclairait mal contre la fin du jour,donnait des ordres à une sentinelle. Elles’approcha, chercha Katow, le trouva.Sans le toucher, sans rien dire, avecrespect, elle lui fit seulement signe dese lever. Il y parvint avec peine, face àla porte, là-bas, où l’officier continuaità donner des ordres. Le soldat, fusil d’unbras, fanal de l’autre, se plaça à sagauche. À sa droite, il n’y avait quel’espace libre et le mur blanc. Le soldatmontra l’espace, du fusil. Katow sourit

Katow comprendió. Todos lo sabíanpero no se habían atrevido a decirlo, bienporque tuviesen miedo de hablar, bienporque ninguno se atreviese a hablarle aél. Una voz había dicho: «Ya llegará...»

La puerta se abrió. Entraban solda-dos con faroles, rodeando a camilleros,que echaron a rodar a unos heridos,como si fueran paquetes, muy cerca deKatow. Llegaba la noche: ascendía delsuelo, por donde los gemidos se [257]entrecruzaban como ratas, unidos a unolor espantoso: la mayor parte de loshombres no podían moverse. La puertase volvió a cerrar.

Pasó el tiempo. Nada más que los pa-sos de los centinelas y la última claridadde las bayonetas por encima de los milrumores* del dolor. De pronto, como sila oscuridad hubiese hecho la niebla másespesa, desde muy lejos, volvió a sonarel silbido de la locomotora, más apaga-do. Uno de los recién llegados, acostadosobre el vientre, crispó las manos sobrelos oídos y aulló. Los otros no gritaban:pero de nuevo el terror estaba allí, a rasdel suelo.

El hombre volvió a levantar la cabezay se irguió sobre los codos.

—¡Crápulas! —aulló—. ¡Asesinos!

Uno de los centinelas se adelan-tó y, de un puntapié en las costillas,le hizo dar vuelta. Se calló. El cen-tinela se alejó. El herido comenzó arefunfuñar. Había ahora demasiadaoscuridad para que Katow pudiesedistinguir su mirada; pero oía suvoz, y comprendía que iba a articu-lar. En efecto: «.. .no fusilan: losechan vivos en la caldera de la lo-comotora —decía—. Y, a h o r a s i l -b a n . . . » Vo l v í a e l c e n t i n e l a .Silencio, salvo el dolor.

La puerta se abrió de nuevo. Otra vezlas bayonetas, iluminadas ahora de abajoarriba por el farol, pero sin heridos. Unoficial kuomintang entró solo. Aunque noveía más que la masa de los cuerpos,Katow sintió que todos los hombres seerguían. El oficial, a lo lejos, sin volu-men, sombra que el farol iluminaba malcontra la última luz del día daba órdenesa un centinela. Éste se acercó, buscó aKatow y lo encontró. Sin tocarlo, sin de-cir nada, con respeto, sólo le hizo señade que se levantase. Llegó con trabajofrente a la puerta, allá donde el oficialcontinuaba dando órdenes. El soldado,con el fusil en un brazo, el farol en el otro,se colocó a la izquierda. A su derecha,no había más que el espacio libre y lapared blanca. El soldado señaló el espa-cio con el fusil. Katow sonrió amarga-

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amèrement, avec un orgueil désespéré.Mais personne ne voyait son visage: lasentinelle, exprès, ne le regardait pas,et tous ceux des blessés qui n’étaientpas en train de mourir, soulevés sur unejambe, sur un bras, sur le menton,suivaient du regard son ombre pasencore très noire qui grandissait sur lemur des torturés.

L’officier sortit. La porte demeuraouverte.

Les sentinelles présentèrent les ar-mes: un civil entra. « Section A », criadu dehors une voix sur quoi la porte futrefermée. Une des sentinellesaccompagna le civil vers le mur, sanscesser de grommeler; tout près, Katow,stupéfait, reconnut Kyo. Comme iln’était pas blessé, les sentinelles, en levoyant arriver entre deux officiers,l’avaient pris pour l’un des conseillersétrangers de Chang-Kaï-Shek;reconnaissant maintenant leur méprise,elles l’engueulaient de loin. Il se couchadans l’ombre, à côté de Katow.

— T’sais ce qui nous attend? deman-da celui-ci.

— O n a p r i s s o i n d e m ’ e na v e r t i r , j e m ’ e n f o u s : j ’ a i m o nc y a n u r e . Tu a s l e t i e n ?

— Oui.

— Tu es blessé?

— Aux jambes. Je peux marcher.

— Tu es là depuis longtemps? [306]

— Non. Quand as-tu été pris?

— Hier soir. Moyen de filer, ici?

— Rien à faire. Presque tous sontgravement blessés. Dehors, dessoldats partout. Et tu as vu lesmitrailleuses devant la porte?

— Oui. Où as-tu été pris?

Tous deux avaient besoin d’échapperà cette veillée funèbre, de parler, deparler: Katow, de la prise de laPermanence; Kyo, de la prison, del’entretien avec König, de ce qu’il avaitappris depuis; avant même la prisonprovisoire, il avait su que May n’étaitpas arrêtée.

Katow était couché sur le côté, toutprès de lui, séparé par toute l’étenduede la souffrance: bouche entrouverte,lèvres gonflées sous son nez jovial, lesyeux presque fermés, mais relié à lui parl’amitié absolue, sans réticences et sans

mente, con un orgullo desesperado. Peronadie veía su rostro: el centinela, a pro-pósito, no le miraba, y todos los heridosque se hallaban en trance de muerte, em-pinados sobre una pierna, sobre un brazoo sobre [258] el mentón, seguían con lamirada su sombra, todavía no muy ne-gra, que se agrandaba sobre el muro delos torturados.

El oficial salió. La puerta quedó abier-ta.

Los centinelas presentaron las ar-mas: entró un civil. «Sección A» —gritó, desde fuera, una voz, tras de lacual se cerró la puerta—. Uno de loscentinelas acompañó al paisano hastael muro, sin cesar de gruñir: muy cer-ca, Katow, estupefacto, reconoció aKyo. Como no estaba herido, los cen-tinelas, al verle llegar entre dos ofi-ciales, le habían tomado por uno de losconsejeros extranjeros de ChiangKaishek: reconociendo ahora su error,le hacían gestos desde lejos. Se acos-tó en la sombra, al lado de Katow.

—¿Sabes lo que nos espera? —pre-guntó éste.

—Se ha tenido cuidado en advertír-melo: pero no me importa: llevo conmi-go mi cianuro. ¿Tienes tú el tuyo?

—Sí.

—¿Estás herido?

—En las piernas. Pero puedo andar.

—¿Estás ahí desde hace mucho tiempo?

—No. ¿Cuándo te prendieron?

—Anoche. ¿No hay medio de escaparse, aquí?

—Nada que hacer. Casi todos estángravemente heridos. Fuera, hay solda-dos por todas partes. ¿Has visto lasametralladoras delante de la puerta?

—Sí. ¿Dónde te han prendido?

Ambos tenían necesidad de escapara aquella velada fúnebre; de hablar, dehablar: Katow, de la toma de la Perma-nencia; Kyo, de la cárcel, de la entre-vista con König, de lo que había sabi-do después; aun antes de la prisión pro-visional, había sabido que May no es-taba detenida.

Katow estaba echado de lado, muycerca de él, separado por toda la exten-sión del sufrimiento: con la boca entre-abierta, los labios hinchados bajo su na-riz jovial, los ojos casi cerrados, perounido a él por esa amistad absoluta, sin

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examen, que donne seule la mort: viecondamnée échouée contre la siennedans l’ombre pleine de menaces et deblessures, parmi tous ces frères dansl’ordre mendiant de la Révolution (120);chacun de ces hommes avaitrageusement saisi au passage la seulegrandeur qui pût être la sienne.

Les gardes amenèrent trois Chinois.Séparés de la foule des blessés, maisaussi des hommes du mur. Ils avaientété arrêtés avant le combat,vaguement jugés, et attendaient d’êtrefusillés.

— Katow ! appela l’un d’eux.

C’était Lou-You-Shuen, l’associéd’Hemmelrich

— Quoi?

— Sais-tu si on fusille loin d’ici, ouprès?

— Je ne sais pas. On n’entend pas,en tout cas.

Une voix dit, un peu plus loin

— Paraît que l’exécuteur, après, vousbarbote vos dents en or. [307]

Et une autre

— Je m’en fous: j’en ai pas.

Les trois Chinois fumaient descigarettes, bouffée après bouffée,opiniâtrement.

— Vous avez plusieurs boîtesd’allumettes? demanda un blessé, unpeu plus loin.

— Oui.

— Envoyez-en une.

Lou envoya la sienne.

— Je voudrais bien que quelqu’unpût dire à mon fils, que je suis mort aveccourage », dit-il à mi-voix. Et, un peuplus bas encore: « Ça n’est pas facile demourir ».

Katow découvrit en lui une sourdejoie: pas de femme, pas d’enfants.

La porte s’ouvrit.

— Envoies-en un! cria la sentinelle.

Les trois hommes se serraient l’uncontre l’autre.

— Alors, quoi, dit le garde,

reticencias y sin examen, que sólo facili-ta la muerte: vida condenada, encalladacontra la suya, en la sombra plena deamenazas y de heridas, entre todos aque-llos hermanos en la orden mendicante dela Revolución: cada [259] uno de aque-llos hombres había asido rabiosamente laúnica grandeza que pudiera ser la suya.

Los guardias condujeron a tres chinos.Separados de la multitud de los heridos,pero también de los hombres del muro.Habían sido detenidos antes del comba-te, vagamente juzgados, y esperaban serfusilados.

—¡Katow! —llamó uno de ellos.

Era Lu-Yu-Shuen, el asociado deHemmelrich.

—¿Qué?

—¿Sabes si se fusila lejos de aquí ocerca?

— N o s é . E n t o d o c a s o , n os e o y e .

Una voz dijo, un poco más lejos:

—Parece que el ejecutor, después, osarranca vuestros dientes de oro.

Y otra:

—A mí qué me importa: no los tengo.

Los tres chinos fumaban ciga-rr i l los , bocanada t ras bocanada,obstinadamente.

—¿Tené i s va r i a s ca j a s de ce -r i l l a s? —pregun tó un he r ido , unpoco más l e jo s .

—Sí.

—Mándame una.

Lu le mandó la suya.

—Quisiera que alguien le pudie-ra decir a mi hijo que he muertocon valor —dijo, a media voz. Y,poco más bajo, aún—: No es fácilmorir así.

Katow descubrió en sí un sordojúbilo: ni mujer ni hijos.

La puerta se abrió.

—¡Manda uno! —gritó el centinela.

Los tres se oprimían, el uno contrael otro.

—Vamos, qué —dijo el guardia—

120 (p. 307). L’ordre mendiant de la Révolution: les ordres mendiants sont des ordres quifaisaient profession de ne vivre que del’aumône.

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décidez-vous...

Il ne choisissait pas. Soudain, l’undes deux Chinois inconnus fit un pasen avant, jeta sa cigarette à peinebrûlée, en alluma une autre aprèsavoir cassé deux allumettes et partitd’un pas pressé vers la porte enboutonnant, une à une, toutes lesboutonnières de son veston. La portese referma.

Un blessé ramassait les morceauxd’allumettes tombés. Ses voisins etlui avaient brisé en menus fragmentscelles de la boîte donnée par Lou-You-Shuen, et jouaient à la courte paille.Après moins de cinq minutes, la por-te se rouvrit

— Un autre!

Lou et son compagnon avancèrentensemble, se tenant par le bras. Lourécitait d’une voix haute et sans timbrela mort du héros d’une pièce fameuse;mais la vieille communauté chinoise étaitbien détruite: nul ne l’écoutait. [308]

— Lequel? demanda le soldat.

Ils ne répondaient pas.

— Ça va venir, oui!

D’un coup de crosse il les sépara:Lou était plus près de lui que l’autre: ille prit par l’épaule.

Lou dégagea son épaule, avança. Soncompagnon revint à sa place et secoucha.

Kyo sentit combien il serait plusdifficile à celui-là de mourir qu’à ceuxqui l’avaient précédé: lui, restait seul.Aussi courageux que Lou, puisqu’ilavait avancé avec lui. Mais maintenantsa façon d’être couché par terre, enchien de fusil, les bras serrés autourdu corps, criait la peur. En effet,quand le garde le toucha, il fut prisd’une crise nerveuse. Deux soldats lesaisirent, l’un par les pieds, l’autre parla tête et l’emportèrent.

Allongé sur le dos, les bras ramenéssur la poitrine, Kyo ferma les yeux:c’était précisément la position desmorts. Il s’imagina, allongé, immobile,les yeux fermés, le visage apaisé par lasérénité que dispense la mort pendantun jour à presque tous les cadavres,comme si devait être exprimée ladignité même des plus misérables. Ilavait beaucoup vu mourir, et, aidé parson éducation japonaise, il avaittoujours pensé qu’il est beau de mourirde sa mort, d’une mort qui ressemble à

Decidíos...

No se atrevía a elegir. De pronto, unode los dos chinos desconocidos dio unpaso hacia adelante, tiró su cigarrillo,apenas encendido, encendió otro, despuésde haber quebrado dos cerillas, y se deci-dió con paso apresurado, hacia la puerta,abrochándose, uno a uno, todos los boto-nes de la americana. La puerta se volvióa cerrar.

Un herido recogía los trozos de las ce-rillas que habían caído. Sus vecinos y élhabían partido en menudos fragmentos[260] las de la caja facilitada por Lu-Yu-Shuen y jugaban a la paja más corta. Nohabían transcurrido más de cinco minu-tos, cuando la puerta se volvió a abrir.

—¡Otro!

Lu y su compañero avanzaban jun-tos, cogidos del brazo. Lu recitaba envoz baja y sin entonación la muertedel héroe, de una obra famosa; perola vieja comunidad china estaba biendestruida: nadie le escuchaba.

—¿Cuál? —preguntó el soldado.

Ellos no respondían.

—¿Quién va a venir?

De un culatazo los separó. Lu quedómás cerca de él que el otro. Le cogió deun hombro.

Lu se desasió y avanzó. Su com-pañero vo lv ió a su pues to y seacostó.

Kyo sintió cuánto más fácil le seríamorir a aquel que a los que le habíanprecedido: se quedaba solo. Era tan va-leroso como Lu, puesto que había avan-zado con él. Pero ahora, en su manera deestar echado en el suelo, como el gatillode un fusil, con los brazos apretados al-rededor del cuerpo, gritaba el miedo. Enefecto: cuando el guardia le tocó, fue pre-sa de un ataque de nervios. Dos soldadoslo cogieron, uno de los pies y otro de lacabeza, y se lo llevaron.

Extendido sobre la espalda, con losbrazos recogidos sobre el pecho, Kyocerró los ojos: aquella era, precisamente,la posición de los muertos. Se imaginótendido, inmóvil, con los ojos cerrados yel rostro apaciguado por la serenidad quedispensa la muerte durante un día a casitodos los cadáveres, como si así debieraser expresada la dignidad, aun la de losmás miserables. Había visto morir a mu-chos, y, ayudado por su educación japo-nesa, siempre había pensado que es bue-no para uno morir de su muerte, de una

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sa vie. Et mourir est passivité, mais setuer est acte. Dès qu’on viendraitchercher le premier des leurs, il setuerait en pleine conscience. Il sesouvint, - le coeur arrêté - des disquesde phonographe. Temps où l’espoirconservait un sens! Il ne reverrait pasMay, et la seule douleur à laquelle ilfût vulnérable était sa douleur à elle,comme si sa propre mort eût été unefaute. « Le remords de mourir »,pensa-t-il avec une ironie crispée. Riende semblable à l’égard de son père quilui [309] avait toujours donnél’impression, non de faiblesse, mais deforce. Depuis plus d’un an, May l’avaitdélivré de toute solitude, sinon de touteamertume. La lancinante fuite dans latendresse des corps noués pour lapremière fois jaillissait, hélas! dès qu’ilpensait à elle, déjà séparé des vivants...« Il faut maintenant qu’elle m’oublie...» Le lui écrire, il ne l’eût que meurtrieet attachée à lui davantage. « Et c’estlui dire d’en aimer un autre. » Ô prison,lieu où s’arrête le temps, -qui continueailleurs... Non! C’était dans ce préauséparé de tous par les mitrailleuses, quela révolution, quel que fût son sort, quelque fût le lieu de sa résurrection, auraitreçu le coup de grâce; partout où leshommes travaillent dans la peine, dansl’absurdité, dans l’humiliation, onpensait à des condamnés semblables àceux-là comme les croyants prient; et,dans la ville, on commençait à aimerces mourants comme s’ils eussent étédéjà des morts... Entre tout ce que cettedernière nuit couvrait de la terre, ce lieude râles était sans doute le plus lourdd’amour viril. Gémir avec cette foulecouchée, rejoindre jusque dans sonmurmure de plaintes cette souffrancesacrifiée... Et une rumeur inentendueprolongeait jusqu’au fond de la nuit cechuchotement de la douleur: ainsiqu’Hemmelrich, presque tous ceshommes avaient des enfants. Pourtant,la fatalité acceptée par eux montaitavec leur bourdonnement de blesséscomme la paix du soir, recouvrait Kyo,ses yeux fermés, ses mains croisées surson corps abandonné, avec une majestéde chant funèbre. Il aurait combattupour ce qui, de son temps, aurait étéchargé du sens le plus fort et du plusgrand espoir; il mourrait parmi ceuxavec qui il aurait voulu vivre; ilmourrait, comme chacun de ceshommes couchés, pour avoir donné unsens à sa [310] vie. Qu’eût valu unevie pour laquelle il n’eût pas acceptéde mourir? Il est facile de mourir quandon ne meurt pas seul. Mort saturée dece chevrotement fraternel, assembléede vaincus où des multitudesreconnaîtraient leurs martyrs, légendesanglante dont se font les légendesdorées (121), Comment, déjà regardé

muerte que se asemeje a su vida. Y morires pasividad, pero matarse es acción. Encuanto llegasen a buscar a uno de los su-yos, se mataría con plena conciencia. Seacordó —con el corazón detenido— delos discos de fonógrafo. ¡Tiempo en quela esperanza conservaba un sentido! Novolvería a ver a May, y el único dolor alcual era vulnerable era el dolor de ella,como si su propia [261] muerte fuese unafalta. «El remordimiento de morir», pen-só con una ironía crispada. Nada seme-jante sentía respecto de su padre, quiensiempre le había dado la impresión, node debilidad, sino de fuerza. Desde hacíamás de un año, May lo había sustraído atoda soledad, si no a toda amargura. Ellancinante efugio en la ternura de loscuerpos anudados por primera vez, rena-cía —¡ay!— en cuanto pensaba en ella, yaseparado de los vivos... «Ahora, es precisoque ella me olvide...» Escribirle no hubierahecho más que mortificarla y unirla más aél. «¡Y decir que ame a otro!» ¡Oh prisión,lugar donde se detiene el tiempo —quecontinúa en otra parte!... ¡No! Era en esepatio, separado de todos por las ametralla-doras de la Revolución, cualquiera que fue-se su suerte, cualquiera que fuese el lugarde su resurrección, donde recibiría el golpede gracia. Por todas partes donde los hom-bres trabajan en la aflicción, en laabsurdidad, en la humillación, se pensabaen unos condenados semejantes a ellos,como los creyentes rezan; y, en la ciudad,se comenzaba a amar a aquellos moribun-dos, como si ya estuviesen muertos... Entretodo lo que aquella última noche cubría latierra, aquel lugar de aquella última nochecubría la tierra, aquel lugar de estertoresera, sin duda, el más grávido de amor vi-ril. Gemir con aquella multitud acosta-da; llevar hasta su murmullo de quejasaquel sufrimiento sacrificado... Y un ru-mor inesperado prolongaba hasta el fon-do de la noche aquel cuchicheo de dolor:como Hemmelrich, casi todos aquelloshombres tenían hijos. Sin embargo, lafatalidad aceptada por ellos ascendía conel zumbido de los heridos, como la pazde la noche recubría a Kyo, con los ojoscerrados y las manos cruzadas sobre sucuerpo abandonado, con una majestad decanto fúnebre. Hubiera combatido paraquien, a su tiempo, estuviera cargado delsentido más fuerte y de la mayor espe-ranza; moría entre aquellos con quieneshubiera querido vivir; moría, como cadauno de aquellos hombres que estabanacostados, por haber dado un sentido asu vida. ¿Qué hubiera valido una vida porla cual no se hubiera aceptado morir? Esfácil morir, cuando no se muere solo.¡Muerte saturada de temblor fraternal;conjunto de vencidos en los que las mul-titudes reconocerían [262] a sus márti-res; leyenda sangrienta, con la que se ha-cen las leyendas doradas! ¿Cómo, con-templado ya por la muerte, no oír aquel

121 (p. 311). Les légendes dorées: allusion àla Légende dorée, du dominicain Jacquesde Voragine (v. 1228-1230-1298), très

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par la mort, ne pas entendre ce mur-mure de sacrifice humain qui lui criaitque le coeur viril des hommes est unrefuge à morts qui vaut bien l’esprit?

Il tenait maintenant le cyanure danssa main. Il s’était souvent demandé s’ilmourrait facilement. Il savait que, s’ildécidait de se tuer, il se tuerait; mais,connaissant la sauvage indifférence avecquoi la vie nous démasque ànous-mêmes, il n’avait pas été sansinquiétude sur l’instant où la mortécraserait sa pensée de toute sa peséesans retour.

Non, mourir pouvait être un acteexalté, la suprême expression d’unevie à quoi cette mort ressemblait tant;et c’était échapper à ces deux soldatsqui s’approchaient en hésitant. Ilécrasa le poison entre ses dents commeil eût commandé, entendit encoreKatow l’interroger avec angoisse et letoucher, et, au moment où il voulait seraccrocher à lui, suffoquant, il sentittoutes ses forces le dépasser, écarteléesau-delà de lui-même contre unetoutepuissante convulsion.

Les soldats venaient chercher dansla foule deux prisonniers qui nepouvaient se lever. Sans doute d’êtrebrûlé vif donnait-il droit à des honneursspéciaux, quoique limités: transportéssur un seul brancard, l’un sur l’autre oupresque, ils furent déversés à la gauchede Katow : Kyo mort était couché à sadroite. Dans l’espace vide qui lesséparait de ceux qui n’étaientcondamnés qu’à mort, les soldatss’accroupirent auprès de leur fanal. Peuà peu têtes et [311] regards retombèrentdans la nuit, ne revinrent plus querarement à cette lumière qui au fond dela salle marquait la place descondamnés.

Katow, depuis la mort de Kyo, -qui avait haleté une minute au moins- se sentait rejeté à une solituded’autant plus forte et douloureusequ’il était entouré des siens. LeChinois qu’il avait fallu emporterpour le tuer, secoué par la crise denerfs, l’obsédait . Et pourtant i ltrouvait dans cet abandon total lasensation du repos, comme si, depuisdes années, il eût attendu cela; reposrencontré, retrouvé, aux pires instantsde sa vie. Où avait- i l lu: « Cen’étaient pas les découvertes, maisles souffrances des explorateurs quej’enviais, qui m’attiraient... » Commepour répondre à sa pensée, pour latroisième fois le sifflet lointainparvint jusqu’à la salle. Ses deux

murmullo de sacrificio humano que legritaba que el corazón viril de los hom-bres es un refugio para los muertos, pre-ferible al espíritu?

A la sazón, tenía el cianuro en sumano. Con frecuencia se había pregun-tado si moriría con facilidad. Sabía que,si se decidía a matarse, se mataría; pero,conociendo la salvaje indiferencia conque la vida nos desenmascara ante noso-tros mismos, no habría permanecido sininquietud en el instante en que la muerteaniquilaría el pensamiento de todo su sesosin retorno.

No; morir podía ser un acto exalta-do, la suprema expresión de una vida ala que aquella muerte se asemejaba tan-to; y era escapar a aquellos dos solda-dos que se aproximaban, vacilantes. Tri-turó el veneno entre sus dientes, comosi hubiese dado una voz de mando; aúnoyó a Katow interrogarle con angustia ytocarle, y, en el momento en que preten-día abrazarse a él, ahogándose, sintió quetodas sus fuerzas le abandonaban, arro-jadas más allá de sí mismo, contra unaconvulsión todopoderosa.

* * *

Los soldados llegaban para buscarentre la multitud a dos prisioneros queno podían levantarse. Sin duda, el serquemado vivo daba derecho a unos ho-nores especiales, aunque limitados: trans-portados en una sola camilla, casi el unoencima del otro, fueron derribados a laizquierda de Katow; Kyo, muerto, esta-ba echado a su derecha. En el espaciovacío que los separaba de los que sóloestaban condenados a muerte, los solda-dos se acurrucaron junto a su farol. Pocoa poco, las cabezas y las miradas fueroncayendo en la oscuridad, y ya no volvie-ron más que de tarde en tarde a aquellaluz que, en el fondo del salón señalaba elsitio de los condenados.

Katow, después de la muerte de Kyo—que había respirado, por lo menos,durante un minuto—, se sentía arrojadoa una soledad tanto más fuerte y doloro-sa cuanto [263] que estaba rodeado de lossuyos. El chino al cual había habido quellevárselo para matarlo, sacudido por unataque de nervios, le obsesionaba. Y, sinembargo, encontraba en aquel abandonototal la sensación del descanso, como si,desde hacía algunos años, hubiese espe-rado aquello; descanso encontrado, recu-perado, en los peores instantes de su vida.¿Dónde había leído esto: «No eran losdescubrimientos, sino los sufrimientos delos exploradores lo que envidiaba, lo queme atraía...»? Como para responder a supensamiento, por tercera vez, el silbidolejano llegó hasta el salón. Su dos veci-

célèbre recueil contant la vie des saints.

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voisins de gauche sursautèrent. DesChinois très jeunes: l’un était Souen,qu’il ne connaissait que pour avoircombattu avec lui à la Permanence;le second, inconnu. (Ce n’était pasPeï.) Pourquoi n’étaient-ils pas avec lesautres?

— Organisation de groupes decombat? demanda-t-il.

— Attentat contre Chang-Kaï-Shek,répondit Souen.

— Avec Tchen?

— Non. Il a voulu lancer sa bombetout seul. Chang n’était pas dans lavoiture. Moi, j’attendais l’autobeaucoup plus loin. J’ai été pris avec labombe.

La voix qui répondait était siétranglée que Katow regardaattentivement les deux visages: lesjeunes gens pleuraient, sans un sanglot.« Y a pas grandchose à faire avec laparole », pensa Katow. Souen voulutbouger l’épaule et grimaça de douleur -il était blessé aussi au bras. [312]

— Brûlé, dit-il. Être Brûlé vif. Lesyeux aussi, les yeux, tu comprenas...

Son camarade sanglotait maintenant.

— On peut l’être par accident, ditKatow.

Il semblait qu’ils parlassent, non l’unà l’autre, mais à quelque troisièmepersonne invisible.

— Ce n’est pas la même chose.

— Non: c’est moins bien.

— Les yeux aussi, répétait Souend’une voix plus basse, les yeux aussi...Chacun des doigts, et le ventre, leventre...

— Tais-toi! dit l’autre d’une voix desourd.

Il eût voulu crier mais ne pouvaitplus. Il crispa ses mains tout près desblessures de Souen, dont les muscles secontractèrent.

« La dignité humaine », murmuraKatow, qui pensait à l’entrevue de Kyoavec König. Aucun des condamnés neparlait plus. Au-delà du fanal, dansl’ombre maintenant complète, toujoursla rumeur des blessures... Il serapprocha encore de Souen et de soncompagnon. L’un des gardes contait auxautres une histoire: têtes réunies, ils se

nos de la izquierda se sobresaltaron. Unoschinos muy jóvenes; uno de ellos eraSuen, al que no conocía más que por ha-ber combatido con él en la Permanencia;el segundo le era desconocido. (No eraPei.) ¿Por qué no estaban con losdemás?

—¿Organización de grupos de com-bate? —preguntó.

—Atentado contra Chiang Kaishek —respondió Suen.

—¿Con Chen?

—No. Quiso arrojar su bombacompletamente solo. Chiang no ibaen el coche. Yo esperé el auto mu-cho más lejos. Me cogieron con labomba.

La voz que le respondía era tan aho-gada, que Katow miró atentamente losdos rostros: los jóvenes lloraban, sinexhalar un sollozo. «No se puede ha-cer gran cosa con la palabra», pensóKatow. Suen pretendió mover el hom-bro y gesticuló de dolor —estaba he-rido, además, en el brazo.

—Quemado —dijo—. Ser quemado vivo.Los ojos, también; los ojos, ¿comprendes?...

Su camarada sollozaba ahora.

—Se puede serlo por accidente —dijoKatow.

P a r e c í a q u e h a b l a s e n , n o e luno a l o t ro , s ino a una t e rce rapersona inv is ib le .

—No es lo mismo.

—No: es peor.

—Los ojos también —repetía Suen,en voz baja—; los ojos también... Ycada uno de los dedos; y el vientre, elvientre...

—¡Cállate! —dijo el otro, con voz desordo.

Hubiera querido gritar; pero ya nopodía. Crispó las [264] manos muy cercade las heridas de Suen, cuyos músculosse contrajeron.

«La dignidad humana» —murmuróKatow, que pensaba en la entrevista deKyo con König. Ninguno de los conde-nados hablaba ya. Más allá del farol, enla sombra, a la sazón completa, continua-ba el rumor de los heridos... Se acercómás a Suen y a su compañero. Uno delos guardias contaba a los otros una his-toria: con las cabezas reunidas, se encon-

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trouvèrent entre le fanal et les condamnés:ceux-ci ne se voyaient même plus. Malgréla rumeur, malgré tous ces hommesqui avaient combattu comme lui,Katow était seul, seul entre le corpsde son ami mort et ses deuxcompagnons épouvantés, seul entre cemur et ce sifflet perdu dans la nuit.Mais un homme pouvait être plus fortque cette solitude et même, peut-être,que ce sifflet atroce: la peur luttait enlui contre la plus terrible tentation desa vie. Il ouvrit à son tour la boucle desa ceinture. Enfin :

— Hé là, dit-il à voix très basse.Souen, pose ta main sur ma poitrine, etprends dès que je la toucherai: je vaisvous donner mon cyanure. II n’y enabsolument que pour deux. [313]

Il avait renoncé à tout, sauf à direqu’il n’y en avait que pour deux. Couchésur le côté, il brisa le cyanure en deux.Les gardes masquaient la lumière, quiles entourait d’une auréole trouble; maisn’allaient-ils pas bouger? Impossible devoir quoi que ce fût; ce don de plus quesa vie, Katow le faisait à cette mainchaude qui reposait sur lui, pas même àdes corps, pas même à des voix. Elle secrispa comme un animal, se sépara delui aussitôt. Il attendit, tout le corpstendu. Et soudain, il entendit l’une desdeux voix :

— C’est perdu. Tombé.

Voix à pe ine a l t é rée parl ’angoisse, comme si une te l lecatastrophe n’eût pas été possible,comme si tout eût dû s’arranger.Pour Katow auss i , c ’é ta i timpossible. Une colère sans limitesmontai t en lui mais re tombai t ,combattue par cette impossibilité.Et pourtant! Avoir donné cela pourque cet idiot le perdît!

— Quand? demanda-t-il.

— Avant mon corps . Pas putenir quand Souen l’a passé: jesuis aussi blessé à la main.

— Il a fait tomber les deux, ditSouen.

Sans doute cherchaient-ils entre eux.Ils cherchèrent ensuite entre Katow etSouen, sur qui l’autre étaitprobablement presque couché, carKatow, sans rien voir, sentait près de luila masse de deux corps. Il cherchait luiaussi, s’efforçant de vaincre sa nervo-sité, de poser sa main à plat, de dixcentimètres en dix centimètres, partoutoù il pouvait atteindre. Leurs mainsfrôlaient la sienne. Et tout à coup une

traron entre el farol y los condenados;éstos no se veían siquiera ya. A pesar delrumor; a pesar de todos aquellos hom-bres, que habían combatido como él,Katow estaba solo; solo entre el cuerpode su amigo muerto y de sus dos compa-ñeros espantados; solo entre aquel muroy aquel silbido perdido en la noche. Peroun hombre podía ser más fuerte que aque-lla soledad, y hasta quizá que aquel silbi-do atroz: el miedo luchaba con él contrala más terrible tentación de su vida. Abrióa su vez la hebilla de su cinturón. Por fin,dijo, en voz muy baja:

—¡ E a ! S u e n , p o n m el a m a n o e n e l p e c h o ytoma esto: _____________________os voy a dar mi cianuro. No hay ab-solutamente más que para dos.

Había renunciado a todo, salvo a de-cir que no había más que para dos. Echa-do de lado, partió el cianuro en dos tro-zos. Los guardias interceptaban la luz,que los rodeaba de una aureola turbia;pero, ¿no irían a moverse? Imposible vernada; aquel don superior a su vida, Katowse lo hacía a aquella mano caliente, quedescansaba en él; ni siquiera a los cuer-pos; ni siquiera a las voces. La mano secrispó, como un animal, y se separó deél, inmediatamente. Esperó, con todo elcuerpo erguido. Y, de pronto, oyó una delas dos voces:

—Se ha perdido. Se ha caído.

Voz apenas alterada por la angustia,como si semejante catástrofe, tan decisi-va, tan trágica, no hubiera sido posible,como si todo hubiera podido arreglarse.Para Katow también era imposible. Unaira sin límites se levantaba en él; perovolvía a aplacarse, combatida por aque-lla imposibilidad. ¡Y, sin embargo! ¡Ha-ber dado aquello, para que aquel idiotalo perdiese!

—¿Cuándo? —preguntó. [265]

—Antes de llegar hasta mí. No lo he podi-do sujetar, cuando Suen me lo ha alargado:estoy herido en la mano, también.

—Ha dejado caer los dos —dijoSuen.

Los buscaban, sin duda, entre ambos.Buscaron después entre Katow y Suen,sobre quien el otro estaría probablemen-te casi echado, pues Katow, sin ver nada,sentía muy cerca de sí la masa de los doscuerpos. Buscaba también él, esforzán-dose por vencer su nerviosidad, por po-ner la mano de plano, de diez en diez cen-tímetros, por todas partes donde podíaalcanzar. Las manos de ellos rozaban conla suya. Y, de pronto, uno de los dos la

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des deux la prit, la serra, la conserva.

— Même si nous ne trouvons rien...dit une des voix. [314]

Katow, lui aussi, serrait la main, à lalimite des larmes, pris par cette pauvrefraternité sans visage, presque sansvraie voix (tous les chuchotements seressemblent) qui lui était donnée danscette obscurité contre le plus granddon qu’il eût jamais fait, et qui étaitpeut-être fait en vain. Bien que Souencontinuât à chercher, les deux mainsrestaient unies. L’étreinte devintsoudain crispation

— Voilà.Ô résurrection!... Mais:

— Tu es sûr que ce ne sont pas descailloux? demanda l’autre.

Il y avait beaucoup de morceaux deplâtre par terre.

— Donne! dit Katow.

Du bout des doigts, il reconnut lesformes :

Il les rendit - les rendit - serraplus fort la main qui cherchait ànouveau la s ienne, e t a t tendi t ,tremblant des épaules, claquant desdents. « Pourvu que le cyanure nesoit pas décomposé, malgré le papierd’argent », pensa-t-il. La main qu’iltenait tordit soudain la sienne, et,comme s’il eût communiqué par elleavec le corps perdu dans l’obscurité,il sentit que celui-ci se tendait. Ilenviait cette suffocation convulsive.Presque en même temps, l’autre: uncri étranglé auquel nul ne prit garde.Puis, rien.

Katow se sentit abandonné. Il se retournasur le ventre et attendit. Le tremblement deses épaules ne cessait pas.

Au milieu de la nuit, l’officier revint.Dans un chahut d’armes heurtées, sixsoldats s’approchèrent des condamnés.Tous les prisonniers s’étaient réveillés. Lenouveau fanal, lui aussi, ne montrait quede longues formes confuses - des tombesdans la terre retournée, déjà - et quelquesreflets sur des yeux. Katow était parvenuà se dresser. Celui qui commandait [315]l’escorte prit le bras de Kyo, en sentit laraideur, saisit aussitôt Souen; celui-là aussiétait raide. Une rumeur se propageait, despremiers rangs des prisonniers auxderniers. Le chef d’escorte prit par le piedune jambe du premier, puis du second:elles retombèrent, raides. Il appelal’officier. Celui-ci fit les mêmes gestes.Parmi les prisonniers, la rumeurgrossissait. L’officier regarda Katow.

cogió, la oprimió y la conservó.

—Si no encontramos nada... —dijouna de las voces.

También Katow oprimía la mano,próximo a las lágrimas, conmovido poraquella pobre fraternidad sin rostro, casisin verdadera voz (todos los cuchicheosse asemejan), que se le entregaba en aque-lla oscuridad contra el mayor donativoque había hecho en su vida y que habríasido hecho en vano. Aunque Suen conti-nuaba buscando, las dos manos perma-necían unidas. La opresión se convirtió,de pronto, en crispación.

—Aquí está.¡Oh resurrección!... Pero...

—¿Estás seguro de que no son unosguijarros? —preguntó el otro.

H a b í a m u c h o s t r o z o s d eyeso por el suelo.

—¡Trae! —dijo Katow.

Con las yemas de los dedos, recono-ció las formas.

Las devolvió —¡las devolvió!—; es-trechó con más fuerza la mano que bus-caba de nuevo la suya, y esperó,temblándole los hombros y castañeteán-dole los dientes. «Con tal de que el cia-nuro no esté descompuesto, a pesar delpapel de plata...», pensó. La mano quetenía cogida retorció de pronto la suya, ycomo si hubiese comunicado por su me-diación con el cuerpo perdido en la oscu-ridad, comprendió que éste se distendía.Envidiaba aquella asfixia convulsa. Casial mismo tiempo, el otro: un grito ahoga-do, al que no puso atención nadie. Lue-go, nada. [266]

Katow se sintió abandonado. Se vol-vió boca abajo, y esperó. El temblor desus hombros no cesaba.

A medianoche, volvió el oficial. Enuna baraúnda de armas entrechocadas,seis soldados se acercaron a los conde-nados. Todos los prisioneros se desperta-ron. Tampoco el nuevo farol proyectabamás que prolongadas formas confusas —tumbas en la tierra, revuelta ya— y algu-nos reflejos sobre los ojos. Katow habíallegado a erguirse. El que mandaba laescolta tomó el brazo de Kyo, y, al sentirla rigidez, cogió en seguida a Suen; éstetambién estaba rígido. Un rumor se pro-pagaba, desde las primeras hileras de pri-sioneros hasta las últimas. El jefe de es-colta cogió por un pie al primero y luegoal segundo: volvieron a caer, rígidos.Llamó al oficial. Éste hizo las mismaspruebas. Entre los prisioneros, el rumoraumentaba. El oficial miró a Katow.

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— Morts ?

Pourquoi répondre?

— Isolez les six prisonniers les plusproches!

— Inutile, répondit Katow : c’est moiqui leur ai donné le cyanure.

L’officier hésita :

— Et vous? demanda-t-il enfin.

— Il n’y en avait que pour deux,répondit Katow avec une joie profonde.

« Je vais recevoir un coup de crossedans la figure », pensa-t-il.

La rumeur des prisonniers étaitdevenue presque une clameur.

— Marchons, dit seulementl’officier.

Katow n’oubliait pas qu’il avait étédéjà condamné à mort, qu’il avait vu lesmitrailleuses braquées sur lui, les avaitentendues tirer... « Dès que je seraidehors, je vais essayer d’en étrangler un,et de laisser mes mains assez longtempsserrées pour qu’ils soient obligés de metuer. Ils me brûleront, mais mort. » Àl’instant même, un des soldats le prit àbras-le-corps, tandis qu’un autreramenait ses mains derrière son dos etles attachait. « Les petits auront eu de laveine, pensa-t-il. Allons! supposons queje sois mort dans un incendie. » Ilcommença à marcher. Le silenceretomba, comme une trappe, malgré lesgémissements. Comme naguère sur lemur blanc, [316] le fanal projeta l’ombremaintenant très noire de Katow sur lesgrandes fenêtres nocturnes; il marchaitpesamment, d’une jambe sur l’autre,arrêté par ses blessures; lorsque sonbalancement se rapprochait du fanal, lasilhouette de sa tête se perdait auplafond. Toute l’obscurité de la salleétait vivante, et le suivait du regard pasà pas. Le silence était devenu tel que lesol résonnait chaque fois qu’il letouchait lourdement du pied; toutes lestêtes, battant de haut en bas, suivaientle rythme de sa marche, avec amour,avec effroi, avec résignation, comme si,malgré les mouvements semblables,chacun se fût dévoilé en suivant cedépart cahotant. Tous restèrent la têtelevée : la porte se refermait.

Un bruit de respirations profondes,le même que celui du sommeil,commença à monter du sol: respirant parle nez, les mâchoires collées parl’angoisse, immobiles maintenant, tous

—¿Muertos?

¿Para qué responder?

—Aislar a los seis prisioneros máspróximos.

—Es inútil —respondió Katow—: hesido yo quien les ha dado el cianuro.

El oficial vaciló.

—¿Y usted? —preguntó, por fin.

—No había más que para dos —res-pondió Katow, con alegría profunda.

«Voy a recibir un culatazo en lacara», pensó.

El rumor de los prisioneros casi sehabía convertido en clamor.

— ¡ M a r c h e n ! — p r o n u n c i ó e loficial .

Katow no olvidaba que ya había sidocondenado a muerte; que había visto lasametralladoras asestadas contra él, y lashabía oído disparar... «En cuanto esté fue-ra, procuraré estrangular a uno y dejarlelas manos apretadas durante mucho tiem-po, para que se vean obligados a matar-me. Me quemarán, pero después de muer-to.» En el instante mismo, uno de los sol-dados le juntó los brazos al cuerpo, mien-tras otro le llevaba las manos por detrásde la espalda y se las ataba. «Estos chicoshan tenido una ocurrencia —pensó—.¡Vamos! Supongamos que he muerto enun incendio.» Echó a andar. El silenciovolvió a caer, [267] como una trampa, apesar de los gemidos. Como antes sobreel muro blanco, el farol proyectaba la som-bra, a la sazón muy negra, de Katow so-bre las grandes ventanas nocturnas; cami-naba pesadamente, con una pierna sobrela otra, entorpecido por sus heridas; cuan-do su balanceo se aproximaba al farol, lasilueta de la cabeza se perdía en el techo.Toda la oscuridad del salón estaba viva, yle seguía con la mirada, paso a paso. Elsilencio era tan grande, que el suelo reso-naba, cada vez que lo tocaba con el pie;todas las cabezas, moviéndose de arribaabajo, seguían el ritmo de su marcha conamor, con espanto, con resignación, comosi, a pesar de los movimientos semejan-tes, todos se descubriesen a sí mismos, alseguir aquella marcha desigual. Todos sequedaron con la cabeza levantada: la puer-ta se volvía a cerrar.

Un ruido de respiraciones profun-das, lo mismo que la del sueño, comen-zó a ascender del suelo. Respirandopor la nariz, con las mandíbulas apre-tadas por la angustia, inmóviles aho-

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ceux qui n’étaient pas encore mortsattendaient le sifflet.

Le lendemain.

Depuis plus de cinq minutes, Gisorsregardait sa pipe. Devant lui, la lampeallumée, « ça n’engage à rien », la petiteboîte à opium ouverte, les aiguillesnettoyées. Dehors, la nuit: dans lapièce, la lumière de la petite lampe etun grand rectangle clair, la porteouverte de la chambre voisine où onavait apporté le corps de Kyo. Le préauavait été vidé pour de nouveauxcondamnés, et nul ne s’était opposé àce que les corps jetés dehors fussentenlevés. Celui de Katow n’avait pas étéretrouvé. May avait rapporté [317]celui de Kyo, avec les précautionsqu’elle eût prises pour un très grandblessé. Il était là, allongé, non passerein, comme Kyo, avant de se tuer,avait pensé qu’il deviendrait, maisconvulsé par l’asphyxie, déjà autrechose qu’un homme. May le peignaitavant la toilette funèbre, parlant par lapensée à la dernière présence de cevisage avec d’affreux mots maternelsqu’elle n’osait prononcer de peur de lesentendre elle-même. « Mon amour »,murmuraitelle, comme elle eût dit « machair », sachant bien que c’était quelquechose d’elle-même, non d’étranger,qui lui était arraché; « ma vie... »Elle s’aperçut que c’était à un mortqu’elle disait cela. Mais elle étaitdepuis longtemps au-delà des larmes.

« Toute douleur qui n’aide personneest absurde », pensait Gisors hypnotisépar la lampe, réfugié dans cettefascination. « La paix est là. La paix. »Mais il n’osait pas avancer la main. Ilne croyait à aucune survie, n’avaitaucun respect des morts; mais iln’osait pas avancer la main.

Elle s’approcha de lui. Bouche molle,chavirée dans ce visage au regardperdu... Elle lui posa doucement lesdoigts sur le poignet.

— Venez, dit-elle d’une voixinquiète, presque basse. Il me semblequ’il s’est un peu réchauffé...

Il chercha les yeux de ce visage sidouloureux, mais nullement égaré. Ellele regardait sans trouble, moins avecespoir qu’avec prière. Les effets du poi-son sont toujours incertains; et elle étaitmédecin. Il se leva, la suivit, sedéfendant contre un espoir si fort qu’illui semblait que s’il s’abandonnait à luiil ne pourrait résister à ce qu’il lui fûtretiré. Il toucha le front bleuâtre de Kyo,ce front qui ne porterait jamais de rides: il était froid, du froid sans équivoque

ra, todos los que aún no habían muer-to esperaban el silbido.

Al día siguiente

Desde hacía más de cinco minutos,Gisors contemplaba su pipa. Delante deél, la lámpara encendida («eso no com-promete a nada»); la cajita del opio abier-ta, y las agujas limpias. Fuera, la noche;en la habitación, la luz de la lamparilla yun gran rectángulo claro, y abierta la puer-ta de la habitación contigua, adonde sehabía trasladado el cuerpo de Kyo. Elpatio había sido vaciado para nuevos con-denados, y nadie se había opuesto a quelos cuerpos que se habían sacado afuerafuesen recogidos. El de Katow no se ha-bía recuperado. May había recogido el deKyo, con las precauciones que hubieraadoptado para trasladar a un herido muygrave. Estaba allí, tendido, no sereno —como Kyo, antes de matarse, había pen-sado que quedaría—, sino convulsiona-do por la asfixia, convertido ya en otracosa distinta de un hombre. May lo mira-ba, antes de amortajarlo, hablando con elpensamiento ante la última [268] presen-cia de aquel semblante, con terribles pa-labras maternales que no se atrevía a pro-nunciar, por miedo a oírlas ella misma.«Amor mío», murmuraba, como si hu-biese dicho: «carne mía», sabiendo bienque era algo de sí misma, no extraño, loque se le había arrancado: «vida mía...»Se dio cuenta de que era a un muerto aquien decía aquello. Pero hacía muchotiempo que ya no tenía lágrimas.

«Todo dolor que ya no ayuda a nadiees absurdo», pensaba Gisors, hipnotiza-do por su lámpara, refugiado en aquellafascinación. «La paz está ahí. La paz.» Perono se atrevía a alargar la mano. No creía enninguna supervivencia; no tenía ningún res-peto a los muertos; pero de todos modosno se atrevía a alargar la mano.

May se acercó a él. Boca blanda, va-cilante, en aquel rostro de mirada perdi-da... Le puso con suavidad los dedos enlas muñecas.

—Venga —dijo, con voz inquieta, casiimperceptibles. Me parece que se ha ca-lentado un poco...

Buscó los ojos de aquel semblante tanhumano, tan doloroso, aunque nunca ex-traviado. Le miraba sin turbación, menoscon esperanza que con súplica. Los efec-tos del veneno son siempre inseguros; ellaera médica. Gisors se levantó y la siguió,defendiéndose contra una esperanza tanfuerte que le parecía que, si se abando-naba a ella, no podría resistir que le fue-se retirada. Tocó la frente amoratada deKyo, aquella frente que nunca ostentaríaarrugas: estaba frío, con el frío particular

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de la mort. Il n’osait retirer ses doigts,retrouver [318] le regard de May, et illaissait le sien fixé sur la main ouvertede Kyo, où déjà des lignes commen-çaient à s’effacer...

— Non, dit-il, retournant à ladétresse. Il ne l’avait pas quittée. Ils’aperçut qu’il n’avait pas cru May.

— Tans pis..., répondit-elleseulement.

Elle le regarda partir dans la piècevoisine, hésitant. À quoi pensait-il? Tantque Kyo était là, toute pensée lui étaitdue. Cette mort attendait d’elle quelquechose, une réponse qu’elle ignorait maisqui n’en existait pas moins. Ô chanceabjecte des autres, avec leurs prières,leurs fleurs funèbres! Une réponse au-delà de l’angoisse qui arrachait à sesmains les caresses maternelles qu’aucunenfant n’avait reçues d’elle, del’épouvantable appel qui fait parler auxmorts par les formes les plus tendres dela vie. Cette bouche qui lui avait dit hier:« J’ai cru que tu étais morte », neparlerait plus jamais; ce n’était pas avecce qui restait ici de vie dérisoire, uncorps, c’était avec la mort même qu’ilfallait entrer en communion. Elle restaitlà, immobile, arrachant de ses sou-venirs tant d’agonies contemplées avecrésignation, toute tendue de passivitédans le vain accueil qu’elle offraitsauvagement au néant.

Gisors s’était allongé de nouveau surle divan. « Et, plus tard, je devrai meréveiller... » Combien de temps chaquematin lui apporterait-il de nouveau cettemort? La pipe était là : la paix. Avancerla main, préparer la boulette: après unquart d’heure, penser à la mort mêmeavec une indulgence sans limites,comme à quelque paralytique qui lui eûtvoulu du mal: elle cesserait de pouvoirl’atteindre; elle perdrait toute prise etglisserait doucement dans la sérénitéuniverselle. La libération était là, toutprès. Nulle aide ne peut être donnée auxmorts. [319] Pourquoi souffrirdavantage? La douleur est-elle uneoffrande à l’amour, ou à la peur?... Iln’osait toujours pas toucher le plateau,et l’angoisse lui serrait la gorge en mêmetemps que le désir et les sanglotsrefoulés. Au hasard, il saisit la premièrebrochure venue (il ne touchait jamaisaux livres de Kyo, mais il savait qu’ilne la lirait pas). C’était un numéro de laPolitique de Pékin tombé là lorsqu’onavait apporté le corps et où se trouvaitle discours pour lequel Gisors avait étéchassé de l’Université. En marge, del’écriture de Kyo : « Ce discours est lediscours de mon père. » Jamais il ne luiavait dit même qu’il l’approuvât. Gisors

de la muerte. No se atrevía a retirar losdedos, a encontrar de nuevo la mirada deMay; dejaba la suya, fija en la mano abier-ta de Kyo, donde ya las líneas comenza-ban a desvanecerse...

—No —dijo, volviendo a la angustia.No le había abandonado. Se dio cuentade que no había creído a May.

—Tanto peor... —respondió ésta, so-lamente.

Le vio entrar en la habitación contigua,vacilante. ¿En qué pensaba? Mientras Kyoestuviese allí, todo pensamiento debía serpara él. Aquel muerto esperaba de ellaalgo, una respuesta que ignoraba, pero queno por eso dejaba de existir. ¡Oh suerteabyecta de los demás, con sus oraciones ysus flores fúnebres! Una respuesta más alláde la angustia que arrancaba de sus ma-nos las caricias maternales [269] que nin-gún hijo había recibido de ella, de la es-pantosa llamada que le hace a uno hablara los muertos con las formas más afectuo-sas de la vida. Aquella boca que le habíadicho ayer: «He creído que estabas muer-ta», ya no hablaría nunca; no era con loque quedaba allí de vida irrisoria —uncuerpo—, con la muerte misma, con lo quehabía que entrar en comunión. Ella con-tinuaba allí, inmóvil, arrancando desus recuerdos tantas agonías contem-pladas con resignación, llena de pasi-vidad en la vana acogida que ofrecíasalvajemente a la nada.

Gisors se había echado de nuevo enel diván. «Y, más tarde, tendré que des-pertarme...» ¿Cuánto tiempo le conce-dería de nuevo todas las mañanasaquella muerte? La pipa estaba allí: lapaz. Adelantar la mano, y preparar labolita: después de un cuarto de hora,pensar en la muerte misma con una in-dulgencia sin límites, como en cual-quier paralítico que le hubiese queri-do mal: cesaría de poder esperarle;perdería toda presa y le deslizaría sua-vemente en la serenidad universal. Laliberación estaba allí, muy cerca. Nin-guna ayuda puede facilitarse a losmuertos. ¿Para qué sufrir más? ¿Eldolor es una ofrenda al amor o al mie-do?... No se atrevía a tocar el platillo,y la angustia le oprimía la garganta, almismo tiempo que el deseo y los so-llozos contenidos. Al azar, cogió el pri-mer folleto que encontró. Nunca tocabalos libros de Kyo; pero sabía que no loleería. Era un número de La Política dePekín, que se había caído allí cuando ha-bían llevado el cuerpo, y donde estaba eldiscurso por el cual había sido expulsa-do Gisors de la Universidad. Al margen,con letra de Kyo: «Este discurso es el dis-curso de mi padre.» Nunca le había dichosiquiera que lo aprobaba. Gisors volvió a

refoulées confinados, relegados, repelidos

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referma la brochure avec douceur etregarda son espoir mort.

Il ouvrit la porte, lança l’opium dansla nuit et revint s’asseoir, épaules basses,attendant l’aube, attendant que seréduisît au silence, à force de s’user dansson dialogue avec elle-même, sadouleur... Malgré la souffrance quientrouvrait sa bouche, qui changeait envisage ahuri son masque grave, ilne perdait pas tout contrôle. Cettenuit, sa vie allait changer: la forcede la pensée n’est pas grande contre lamétamorphose à quoi la mort peutcontraindre un homme. Il étaitdésormais rejeté à lui-même. Le mon-de n’avait plus de sens, n’existait plus:l’immobilité sans retour, là, à côté dece corps qui l’avait relié à l’univers,était comme un suicide de Dieu. Iln’avait attendu de Kyo ni réussite, nimême bonheur; mais que le monde fûtsans Kyo... « Je suis rejeté hors du temps» ; l’enfant était la soumission autemps, à la coulée des choses; sansdoute, au plus profond, Gisors était-ilespoir comme il était angoisse, espoirde rien, attente, et fallait-il que sonamour fût écrasé pour qu’il découvrîtcela. Et pourtant! tout ce qui ledétruisait trouvait en lui un [320] accueilavide: « Il y a quelque chose de beau àêtre mort », pensa-t-il. Il sentait trembleren lui la souffrance fondamentale, noncelle qui vient des êtres ou des chosesmais celle qui sourd de l’homme mêmeet à quoi s’efforce de nous arracher la vie;il pouvait lui échapper, mais seulementen cessant de penser à elle; et il y plongeaitde plus en plus, comme si cettecontemplation épouvantée eût été la seulevoix que pût entendre la mort, comme sicette souffrance d’être homme dont ils’imprégnait jusqu’au fond du coeur eûtété la seule oraison que pût entendre lecorps de son fils tué. [321-2]

SEPTIÈME PARTIE

Paris, juillet.

Ferral, s’éventant avec le journaloù le Consortium était le plus violemmentattaqué, arriva le dernier dans le cabinetd’attente du ministre des Finances: engroupes, attendaient le directeur adjointdu Mouvement Général des Fonds - lefrère de Ferral était sagement tombémalade la semaine précédente -, le

cerrar el folleto, con suavidad, y contem-pló su esperanza muerta.

Abrió la puerta, arrojó el opio a la os-curidad y volvió a sentarse, con los hom-bros abatidos, esperando el alba, esperan-do a que se redujese en el silencio, a fuer-za de desgastarse, en el diálogo con élmismo, su dolor... A pesar del sufrimien-to que entreabría su boca, que cambiabaen semblante aturdido su máscara gra-ve, no perdía todo control. [270] Aquellanoche, su vida iba a cambiar: la fuerzadel pensamiento no es grande contra lametamorfosis a que la muerte puede obli-gar a un hombre. Para lo sucesivo, esta-ba reducido a sí mismo. El mundo no te-nía ya sentido; no existía ya: la inmovili-dad sin retorno, allí, al lado de aquel cuer-po que le había unido al universo, eracomo un suicidio de Dios. No había es-perado ni conseguido nada de Kyo, ni si-quiera la felicidad; pero que el mundoexistiese sin Kyo... «He sido arrojado fue-ra del tiempo»; el hijo era la sumisión altiempo, a la sucesión de las cosas; sinduda, en lo más profundo, Gisors era es-peranza, como era angustia, esperanza denada, espera, y era preciso que su amorfuese aniquilado para que descubrieseaquello. ¡Y, sin embargo! Todo cuanto lodestruía encontraba en él una acogidaárida. «Hay algo de hermoso en estarmuerto.», pensó. Sentía temblar en sí elsufrimiento fundamental; no el que pro-cede de los seres o de las cosas, sino elque surge del hombre mismo y se esfuer-za en arrancarnos a la vida; podía pasarleinadvertido, pero sólo cesando de pensaren él; y se sumergía en él cada vez más,como si aquella contemplación espanto-sa hubiese constituido la única voz quepudiera oír la muerte; como si aquel su-frimiento de ser hombre, de que se impreg-naba hasta el fondo del corazón, hubiesesido la única oración que pudiese oír elcuerpo de su hijo muerto. [271-2]

PARTE SÉPTIMA

París, julio

Ferral, abanicándose con el periódicodonde el Consorcio era más violentamen-te atacado, llegó el último al gabinete deespera del ministro de Hacienda; en gru-pos esperaban el director adjunto delMovimiento General de Fondos —el her-mano de Ferral había caído prudentemen-te enfermo la semana anterior—, el re-

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représentant de la Banque de France, celuide la principale banque d’affairesfrançaise, et ceux des établissements decrédit. Ferral les connaissait tous: un Fils,un Gendre, et d’anciens fonctionnaires del’Inspection des Finances et du MouvementGénéral des Fonds; le lien entre l’État etles Établissements était trop étroit pourque ceux-ci n’eussent pas avantage às’attacher des fonctionnaires qui trouvaientauprès de leurs anciens collègues un accueilfavorable. Ferral remarqua leur surprise:il eût été d’usage qu’il arrivât avanteux; ne le voyant pas là, ils avaient pen-sé qu’il n’était pas convoqué. Qu’il sepermît de venir le dernier lessurprenait. Tout les séparait: ce qu’ilpensait d’eux, ce qu’ils pensaient delui, leurs façons de s’habiller.

Deux races. [323]

I ls furent in t rodui ts presqueaussitôt.

Ferral connaissait peu le ministre.Cette expression de visage d’un autretemps venait-elle de ses cheveux blancs,épais comme ceux des perruques de laRégence? Ce fin visage aux yeux clairs,ce sourire si accueillant - vieuxparlementaire - s’accordaient à lalégende de courtoisie du ministre;légende parallèle à celle de sabrusquerie, lorsque le piquait unemouche napoléonienne. Ferral, tandisque chacun prenait place, songeait à uneanecdote fameuse: le ministre, alorsministre des Affaires étrangères, secouantpar les basques de sa jaquette l’envoyéde la France au Maroc, et, la couture dudos de la jaquette éclatée soudain,sonnant: « Apportez une de mesjaquettes pour Monsieur! » puis sonnantà nouveau au moment où disparaissaitl’huissier: « La plus vieille! Il n’enmérite pas une autre! » Son visage eûtété fort séduisant sans un regard quisemblait nier ce que promettait labouche: blessé par accident, un de sesyeux était de verre.

Ils s’étaient assis: le directeur duMouvement Général des Fonds à ladroite du ministre, Ferral à sa gauche;les représentants, au fond du bureau,sur un canapé.

— Vous savez, messieurs, dit leministre, pourquoi je vous ai convoqués.Vous avez sans doute examiné laquestion. Je laisse à M. Ferral le soinde vous la résumer et de vous présenterson point de vue.

Les représentants attendirent

presentante del Banco de Francia, el delbanco principal de negocios francés y losde los establecimientos de crédito. Ferrallos conocía a todos: un hijo, un yerno yantiguos funcionarios de la Inspección deHacienda y del Movimiento General deFondos; el lazo entre el Estado y los Es-tablecimientos era demasiado estrechopara que éstos no tuviesen ventaja al agre-gar funcionarios que encontraban, cercade sus antiguos colegas, una acogida fa-vorable. Ferral comprobó su sorpresa:parecía natural que hubiese llegado an-tes que ellos; al no verle allí, habrían pen-sado que no se le había convocado. Quese permitiese llegar el último, les sorpren-día. Todo les separaba: lo que él pensabaacerca de ellos; lo que ellos pensabanacerca de él, y su manera de vestir; casitodos estaban vestidos con una negligen-cia impersonal, y Ferral llevaba su trajearrugado y chinesco, y la camisa de sedagris, con cuello blando de Shanghai.Dos razas.

Fueron introducidos, casi inmediata-mente.

Ferral conocía poco al ministro. Aque-lla expresión de semblante de otra épo-ca, ¿procedía de sus cabellos blancos,[273] espesos como los de las pelucas dela Regencia? Aquel rostro fino de ojosclaros, aquella sonrisa tan acogedora —antiguo parlamentario—, armonizabancon la leyenda de cortesía del ministro,leyenda paralela a la de su brusquedad,cuando le picaba una moscanapoleoniana. Ferral, mientras cada unoocupaba su puesto, pensaba en una anéc-dota famosa: el ministro, entonces minis-tro de Estado, sacudía por los faldonesde su chaquet al enviado de Francia enMarruecos; y, habiéndose descosido elchaquet por la espalda, de pronto, llamóy dijo: «Traiga usted uno de mis chaquetspara el señor.» Luego llamando de nue-vo, en el momento en que desaparecía elujier, añadió: «¡El más viejo! ¡No se me-rece otro!» Su semblante habría pareci-do muy seductor, si no hubiera sido poruna mirada que parecía negar lo que pro-metía la boca: herido en un accidente,tenía un ojo de vidrio.

Se habían sentado: el director delMovimiento General de Fondos, a la de-recha del ministro; Ferral a la izquierda;los representantes, al fondo del despacho,en un canapé.

—Ya saben ustedes, señores —dijoel ministro—, para qué los he convo-cado. Sin duda, habrán examinado lacuestión. Dejo al señor Ferral el cuida-do de resumírsela y de presentarles supunto de vista.

Los representantes esperaron pacien-

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patiemment que Ferral, selon lacoutume, leur racontât des blagues.

— Messieurs, dit Ferral, il estd’usage, dans un entretien commecelui-ci, de présenter des bilansoptimistes. Vous avez sous les yeux lerapport de l’Inspection des Finances. Lasituation du Consortium, pratiquement,est plus mauvaise que ne le laissesupposer [324] ce rapport. Je ne voussoumets ni postes gonflés, ni créancesincertaines. Le passif du Consortium,vous le connaissez, de toute évidence;je désire attirer votre attention sur deuxpoints de l’actif que ne peut indiqueraucun bilan, et au nom de quoi votreaide est demandée.

« Le premier est que le Consortiumreprésente la seule oeuvre française decet ordre en Extrême-Orient. Mêmedéficitaire, même à la veille de lafaillite, sa structure demeureraitintacte. Son réseau d’agents, ses pos-tes d’achat ou de vente à l’intérieur dela Chine, les liens établis entre sesacheteurs chinois et ses sociétés deproduction indochinoises, tout cela estet peut être maintenu. Je n’exagère pasen disant que, pour la moitié desmarchands du Yang-Tsé, la France c’estle Consortium, comme le Japon c’est leconcern (122) Mitsubishi; notreorganisation, vous le savez, peut êtrecomparée en étendue à celle de la Stan-dard Oil. Or la Révolution chinoise nesera pas éternelle.

« Second point. grâce aux liens quiunissent le Consortium à une grandepartie du commerce chinois, j’ai parti-cipé de la façon la plus efficace à la prisedu pouvoir par le généralChang-Kaï-Shek. II est dès maintenantacquis que la part de la construction desChemins de fer chinois promise à laFrance par les traités sera confiée auConsortium. Vous en connaissezl’importance C’est sur cet élément queje vous demande de vous fonder pouraccorder au Consortium l’aide qu’ilsollicite de vous; c’est à cause de saprésence qu’il me paraît défendable desouhaiter que ne disparaisse pas d’Asiela seule organisation puissante qui yreprésente notre pays - dût-elle sortir desmains qui l’ont fondée. »

Les représentants examinaientsoigneusement le [325] bilan, qu’ilsconnaissaient d’ailleurs et qui ne leurenseignait plus rien: chacun attendaitque le ministre parlât.

— Il n’est pas seulement de l’intérêtde l’État, dit celui-ci, mais aussi de celuides Établissements, que le crédit ne soitpas atteint. La chute d’organismes aussi

temente a que Ferral, según costumbre,les contase sus embustes.

—Señores —dijo Ferral—, es co-rriente en una entrevista como ésta,presentar unos balances optimistas.Tienen ustedes ante los ojos el infor-me de la Inspección de Hacienda. Lasituación del Consorcio, práctica-mente, es peor de lo que deja supo-ner ese informe. No les someto em-pleos ostentosos ni créditos insegu-ros. El pasivo del Consorcio, lo co-nocen ustedes, con toda evidencia:deseo atraer vuestra atención sobredos puntos del activo que no puedeseñalar ningún balance y en cuyonombre se solicita su ayuda.

«El primero consiste en que el Con-sorcio representa la única obra francesade ese orden en el Extremo Oriente.Aunque con déficit, incluso en vísperasde quiebra, su estructura permanece in-tacta. Su red de agentes; sus puestos[274] de compra o de venta en el inte-rior de la China; las relaciones estable-cidas entre sus compradores chinos y sussociedades de producción indochinas,todo eso es y puede ser mantenido. Noexagero al decir que, para la mitad delos comerciantes del Yang-Tsé, Franciaes el Consorcio, como el Japón es elconcern Mitsubishi; nuestra organiza-ción, ustedes lo saben, puede ser com-parada, en extensión, a la de la StandardOil. Ahora bien: la Revolución china noserá eterna.

«Segundo punto: gracias a los lazosque unen al Consorcio con una gran par-te del comercio chino, he participado dela manera más eficaz en la toma del po-der por el general Chiang Kaishek. Des-de ahora, está conforme en que la partede la construcción de los Ferrocarrileschinos, prometida a Francia por los tra-tados, será confiada al Consorcio. Yaconocen ustedes la importancia de eso.Sobre este elemento, pido a ustedes quese pongan de acuerdo para conceder alConsorcio la ayuda que les solicita; acausa de su presencia, me parecería de-fendible desear que no desapareciese deAsia la única organización poderosa querepresenta allí a nuestro país —aunquetuviese que salir de las manos de quie-nes la fundaron.»

Los representantes examinabancuidadosamente el balance, que cono-cían de antemano y que ya no les en-señaba nada: todos esperaban que elministro hablase.

—No es solamente de interés del Es-tado —dijo éste—, sino también del delos establecimientos, que el crédito no seaperjudicado. La caída de organismos tan

122 (p. 325). Concern : terme anglais quisignifie « affaire », « entreprise »; ici,synonyme de « consortium ».

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importants que la Banque Industriellede Chine, que le Consortium, ne peutêtre que fâcheuse pour tous...

Il parlait avec nonchalance, appuyéau dossier de son fauteuil, le regardperdu, tapotant du bout de son crayonle buvard placé devant lui. Lesreprésentants attendaient que sonattitude devînt plus précise.

— Voulez-vous me permettre,monsieur le Ministre, dit le représentantde la Banque de France, de voussoumettre un avis un peu différent? Jesuis seul ici à ne pas représenter unétablissement de crédit, donc impartial.Pendant quelques mois, les krachs fontdiminuer les dépôts, c’est vrai; mais,après six mois, les sommes retiréesrentrent automatiquement, etprécisément dans les principauxétablissements, qui présentent le plus degaranties. Peut-être la chute duConsortium, loin d’être préjudiciableaux établissements que représentent cesmessieurs, leur serait-elle, au contraire,favorable...

— À ceci près qu’il est toujoursimprudent de jouer avec le crédit. quinzefaillites de banques de province neseraient pas profitables auxÉtablissements, ne serait-ce qu’enraison des mesures politiques qu’ellesappelleraient.

« Tout ça est parler pour ne rien dire,pensa Ferral, sinon que la Banque deFrance a peur d’être engagée elle-mêmeet de devoir payer si les établissementspaient. » Silence. Le regard interrogateurdu ministre rencontra celui de l’un desreprésentants: visage de lieutenant dehussards, regard appuyé prêt à laréprimande, voix nette : [326]

— Contrairement à ce que nousrencontrons d’ordinaire dans desentretiens semblables à celui qui nousréunit, je dois dire que je suis un peumoins pessimiste que M. Ferral surl’ensemble des postes du bilan qui nousest soumis. La situation des banques dugroupe est désastreuse, il est vrai; maiscertaines sociétés peuvent êtredéfendues, même sous leur formeactuelle.

— C’est l’ensemble d’une aeuvreque je vous demande de maintenir, ditFerral. Si le Consortium est détruit, sesaffaires perdent tout sens pour laFrance.

— Par contre, dit un autrereprésentant au visage mince et fin. M.Ferral me semble optimiste, malgrétout, quant à l’actif principal du

importantes como el Banco Industrial deChina y el Consorcio no puede ser másque enojosa para todos...

Hablaba con indolencia, apoyado enel respaldo de su sillón con la miradaperdida, golpeando con el extremo dellápiz la carpeta colocada delante de él.Los representantes esperaban que su ac-titud se hiciese más precisa.

—¿Quiere usted permitirme, señorministro —dijo el representante del Ban-co de Francia—, que le someta una opi-nión un tanto diferente? Sólo he venidoaquí para representar a un establecimientode crédito, y, por tanto, para ser impar-cial. Durante algunos meses, los cracshacen disminuir los depósitos: eso es ver-dad; pero desde hace [275] seis meses,las sumas retiradas vuelven a entrar, deun modo automático, y, precisamente, enlos principales establecimientos, que pre-sentan las mayores garantías. Quizá lacaída del Consorcio, lejos de ser perjudi-cial a los establecimientos que represen-tan esos señores, les fuese, por el contra-rio, favorable...

—Exceptuando que siempre esimprudente jugar con el crédito:quince quiebras de los bancos de pro-vincias no serían provechosas a losestablecimientos; no lo serían másque en razón de las medidas políti-cas a que dieran lugar.

«Todo eso es hablar por hablar —pen-só Ferral—; lo que ocurre es que el Ban-co de Francia tiene miedo a verse com-prometido y a tener que pagar, si los es-tablecimientos pagan.» Silencio. La mi-rada interrogativa del ministro encontróla de uno de los representantes: rostro deteniente de húsares; mirada insistente,próxima a la reprimenda; voz clara:

—Contrariamente a lo que de or-dinario encontramos en entrevistassemejantes a la que celebramos, debodecir que soy algo menos pesimistaque el señor Ferral sobre el conjuntode las partidas del balance que se nosha sometido. La situación de los ban-cos del grupo es desastrosa: eso esverdad; pero ciertas sociedades pue-den ser defendidas, incluso bajo suforma actual.

—Es el conjunto de una obra lo queyo les pido que mantengan —dijoFerral—. Si el Consorcio queda destrui-do, sus negocios pierden todo sentido paraFrancia.

—Por el contrario —dijo otro repre-sentante, de rostro enjuto y fino—, el se-ñor Ferral me parece optimista, a pesarde todo, en cuanto al activo principal del

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Consortium. L’emprunt n’est pasencore émis.

Il regardait en parlant le revers duveston de Ferral; celui-ci, intrigué,suivi t son regard, e t f in i t parcomprendre: seul, il n’était pas décoré.Exprès. Son interlocuteur, lui, étaitcommandeur (123), et regardait avechostilité cette boutonnière dédaigneuse.Ferral n’avait jamais attendu deconsidération que de sa force.

— Vous savez qu’il sera émis,dit-il; émis et couvert. Cela regardeles banques américaines et non leursclients qui prendront ce qu’on leurfera prendre.

— Supposons-le. L’emprunt couvert,qui nous dit que les chemins de ferseront construits?

— Mais, dit Ferral avec un peud’étonnement (son interlocuteur nepouvait ignorer ce qu’il allait répondre),il n’est pas question que la plus grandepartie des fonds soit versée augouvernement chinois. Ils irontdirectement des banques américaines auxentreprises chargées de la fabrication dumatériel, de toute évidence. Sinon,croyez-vous que les Américainsplaceraient l’emprunt? [327]

— Certes. Mais Chang-Kaï-Shekpeut être tué ou battu ; si lebolchevisme renaît, l’emprunt ne serapas émis. Pour ma part, je ne crois pasque Chang-Kaï-Shek se maintienne aupouvoir. Nos informations donnent sachute imminente.

— Les communistes sont écraséspartout, répondit Ferral. Borodinevient de quitter Han-Kéou et rentreà Moscou.

— Les communistes, sans doute,mais non point le communisme. LaChine ne redeviendra jamais ce qu’elleétait, et, après le triomphe deChang-Kaï-Shek, de nouvelles vaguescommunistes sont à craindre...

— Mon avis est qu’il sera encore aupouvoir dans dix ans; mais il n’estaucune affaire qui ne comporte aucunrisque.

(N’écoutez, pensait-il, que votrecourage, qui ne vous dit jamais rien. Etla Turquie, quand elle ne vousremboursait pas un sou et achetait avecvotre argent les canons de la guerre?Vous n’aurez pas fait seuls une seulegrande affaire. Quand vous avez fini voscoucheries avec l’État, vous prenezvotre lâcheté pour de la sagesse, et

Consorcio. El empréstito no está aúnemitido.

Mientras hablaba, contemplaba la so-lapa de la americana de Ferral; éste, in-trigado, dirigió a ella la mirada y acabóde comprender: sólo él no estaba conde-corado. A propósito. Su interlocutor eracomendador, y contemplaba con hostili-dad aquel ojal desdeñoso; Ferral no ha-bía esperado nunca otra consideraciónque la de su fuerza.

—Sabe usted que será emitido —dijo—; emitido y cubierto. Eso incumbea los bancos americanos, y no a sus clien-tes, que tomarán lo que se les haga to-mar. [276]

—Supongámoslo. Cubierto el emprés-tito, ¿quién nos asegura que los ferroca-rriles serán construidos?

—Pero —dijo Ferral, con ciertoasombro (su interlocutor no podíaignorar lo que iba a responder)—no se trata de que la mayor partede los fondos sea entregada al Go-bierno chino. Irán, directamente, delos bancos americanos a las empre-sas encargadas de la fabricación delmaterial, con toda evidencia. Si no,¿cree usted que los americanos ad-mitirían el empréstito?

—Desde luego. Pero Chiang Kaishekpuede ser muerto o destituido; si el bol-chevismo reina, el empréstito no seráemitido. Por mi parte, no creo que ChiangKaishek se mantenga en el poder. Nues-tras informaciones consideran su caídacomo inminente.

—Los comunistas están exterminadosen todas partes —respondió Ferral—.Borodin acaba de abandonar Han-Kow yde volver a Moscú.

— L o s c o m u n i s t a s , s i n d u d a ;pero no el comunismo. La Chinano volverá ya nunca a ser lo quee r a , y, d e s p u é s d e l t r i u n f o d eChiang Kaishek, son de temer nue-vas oleadas comunistas.. .

—Mi opinión es la de que todavía con-tinuará en el poder durante diez años;pero no es éste asunto que nos reporteningún riesgo.

(«No escucháis —pensaba— másque a vuestro valor, que nunca os dicenada. ¿Y cuando Turquía no os devol-vía un céntimo y compraba con vues-tro dinero los cañones para la guerra?Solos, no habríais hecho nunca un grannegocio. Cuando habéis acabado vues-tra cópula con el Estado, tomáis porprudencia vuestra cobardía y creéis

123 (p. 327). Commandeur: de la Légiond’honneur (grade audessus de celuid’officier).

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croyez qu’il suffit d’être manchot pourdevenir la Vénus de Milo, ce qui estexcessif.)

— Si Chang-Kaï-Shek se maintientau gouvernement, dit d’une voix douceun représentant jeune, aux cheveuxfrisés, la Chine va recouvrer sonautonomie douanière. Qui nous dit que,même en accordant à M. Ferral tout cequ’il suppose, son activité en Chine neperde pas toute valeur le jour où il suffirade lois chinoises pour la réduire à néant?Plusieurs réponses peuvent être faites àcela, je le sais...

— Plusieurs, dit Ferral.

— Il n’en reste pas moins, réponditle représentant au visage d’officier, quecette affaire est incertaine, ou, enadmettant même qu’elle n’impliqueaucun risque, [328] il reste qu’elle im-plique un crédit à long terme, et à lavérité, une participation à la vie d’uneaffaire... Nous savons tous que M.Germain faillit conduire à la ruine leCrédit Lyonnais pour s’être intéresséaux Couleurs d’Aniline, une desmeilleures affaires françaises cependant.Notre fonction n’est pas de participer àdes affaires, mais de prêter de l’argentsur des garanties, et à court terme. Horsde là, la parole n’est plus à nous, elleest aux banques d’affaires.

Silence, de nouveau. Long silence.

Ferral réfléchissait aux raisons pourlesquelles le ministre n’intervenait pas.Tous, et lui-même, parlaient une langueconventionnelle et ornée comme lesformules rituelles d’Asie: il n’étaitd’ailleurs pas question que tout ça nefût passablement chinois. Que lesgaranties du Consortium fussentinsuffisantes, c’était bien évident;sinon, se fût-il trouvé là? Depuis laguerre, les pertes subies par l’épargnefrançaise (comme disent les journauxde chantage, pensait-il l’irritation luidonnait de la verve) qui avait souscritles actions ou obligations des affairescommerciales recommandées par lesÉtablissements et les grandes banquesd’affaires, étaient d’environ 40milliards sensiblement plus que letraité de Francfort (124). Une mauvaiseaffaire payait une plus fortecommission qu’une bonne, et voilàtout. Mais encore fallait-il que cettemauvaise affaire fût présentée auxÉtablissements par un des leurs. Ils nepaieraient pas, sauf si le ministreintervenait formellement, parce queFerral n’était pas des leurs. Pas marié:histoire de femmes. Soupçonné defumer l’opium. Il avait dédaigné laLégion d’honneur. Trop d’orgueil pour

que basta ser manco para convertirseen la Venus de Milo, lo cual es excesi-vo.»)

—Si Chiang Kaishek se mantiene enel gobierno —dijo con voz suave un re-presentante joven, de cabellos rizados—, la China recobrará su autonomía adua-nera. ¿Quién nos dice que, aun conce-diéndole al señor Ferral todo cuanto su-pone, su actividad en China no perderátodo valor, el día en que soporte las le-yes chinas para reducirla a la nada? Yasé que a esto pueden oponerse variasrespuestas...

—Varias —corroboró Ferral. [277]

—No es menos cierto —respondióel representante de rostro de oficial—que este negocio es inseguro, o, aunadmitiendo que no implique ningúnriesgo, implica un crédito a largo pla-zo, y, en realidad, una participación enla vida de un negocio... Todos sabe-mos que el señor Germain ha podidoconducir a la ruina al Crédit Lyonnaispor estar interesado en los Colores deAnilina, uno de los mejores negociosfranceses, no obstante. Nuestra fun-ción no consiste en participar en losnegocios, sino en prestar dinero congarantías y a plazos breves. Fuera deesto, ya no nos corresponde a nosotros lapalabra, sino a los bancos de negocios.

Silencio de nuevo. Prolongado silencio.

Ferral reflexionaba acerca de las ra-zones por las cuales el ministro no inter-venía. Todos, y él mismo, hablaban enlenguaje convencional y adornado, comolos lenguajes rituales de Asia: por otraparte, no había motivo para que todoaquello no fuese pasablemente chino.Que las garantías del Consorcio fuesen in-suficientes, era muy evidente; si no, ¿sehabría encontrado él allí? Desde la guerra,las pérdidas experimentadas por el ahorrofrancés («como dicen los periódicoschantagistas» —pensaba—: la indigna-ción le proporcionaba inspiración), quehabía suscrito las acciones u obligacio-nes de los negocios comerciales recomen-dados por los establecimientos y por losgrandes bancos de negocios, ascendían aunos 40.000 millones —sensiblementemás que el tratado de Francfort—. Unmal negocio pagaba una comisiónmayor que otro bueno, y eso era todo.Pero todavía era preciso que este malnegocio fuese presentado a los estableci-mientos por uno de los suyos. No paga-rían, salvo en el caso en que el ministrointerviniera formalmente, porque Ferralno era de los suyos. No estaba casado:historias de mujeres conocidas. Sospe-choso de fumar opio. Había desdeñadola Legión de Honor. Demasiado orgullo-

124 (p. 329). Le traité de Francfort: traité (mai1871) qui mit fin à la guerrefranco-allemande de 1870; la France,vaincue, dut s’engager à verser auvainqueur une indemnité de cinq milliardsde francs-or.

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être, soit conformiste, soit hypocrite.Peut-être le grand individualisme nepouvait-il se développer pleinementque sur un fumier d’hypocrisie: Borgian’était pas pape [329] par hasard... Cen’était pas à la fin du xviiie siècle,parmi les révolutionnaires ivres devertu, que se promenaient les grandsindividualistes, mais à la Renaissance,dans une structure sociale qui était lachrétienté, de toute évidence...

— Monsieur le Ministre, dit le plusâgé des délégués, mangeant à la fois dessyllabes et sa courte moustache, blanchecomme ses cheveux ondulés, que noussoyons disposés à venir en aide à l’Étatça va de soi. Entendu. Vous le savez.

Il retira son lorgnon, et les gestes deses mains aux doigts légèrement écartésdevinrent des gestes d’aveugle.

« Mais enfin, tout de même, ilfaudrait savoir dans quelle mesure! Jene dis pas que chacun de nous ne puisseintervenir pour 5 millions. Bon.

Le ministre haussa imperceptiblementles épaules.

« Mais ce n’est pas ce dont il s’agit,puisque le Consortium doitrembourser au minimum 250 millionsde dépôts. Alors quoi? Si l’État pensequ’un krach de cette importance estfâcheux, il peut trouver lui-même desfonds; pour sauver les déposantsfrançais et les déposants annamites, laBanque de France et le Gouvernementgénéral de l’Indochine sont tout demême plus désignés que nous, quiavons aussi nos déposants et nosactionnaires. Chacun de nous est iciau nom de son établissement...

(Étant bien entendu, pensait Ferral,que si le ministre faisait nettemententendre qu’il exige que le Consortiumsoit renfloué, il n’y aurait plus nidéposants, ni actionnaires.)

« ... Lequel d’entre nous peut affirmerque ses actionnaires approuveraient unprêt qui n’est destiné qu’à maintenir unétablissement chancelant? Ce quepensent ces actionnaires, monsieur leMinistre, - et [330] pas eux seulement -nous le savons fort bien: c’est que lemarché doit être assaini, que desaffaires qui ne sont pas viables doiventsauter; que les maintenir artificiellementest le plus mauvais service à rendre àtous. Que devient l’efficacité de laconcurrence, qui fait la vie du commercefrançais, si les affaires condamnées sontautomatiquement maintenues?

(Mon ami, pensa Ferral, ton

so para ser, ya un conformista, ya un hi-pócrita. Acaso el gran individualismo nopudiese desenvolverse plenamente sinoen un pudridero de hipocresía: Borgia nofue papa por casualidad... No era a finesdel siglo xviii, entre los revolucionariosfranceses, ebrios de virtud, cuando sepaseaban los grandes individualistas,[278] sino en el Renacimiento, en unaestructura social que correspondía evi-dentemente al cristianismo...

—Señor ministro —dijo el delegado demás edad, comiéndose, a la vez, algunassílabas y su recortado bigote, blanco comosus cabellos ondulados—, que estamos dis-puestos a acudir en ayuda del Estado, porsupuesto. De acuerdo. Usted lo sabe.

Se quitó los lentes, y los movimientos desus manos, de dedos ligeramente separados,se convirtieron en tanteo de ciego.

«Pero, en definitiva, no obstante, ha-bría que saber en qué medida. No digoque cada uno de nosotros no pueda inter-venir con cinco millones. Bueno.»

El ministro se encogió levemented e h o m b r o s .

«Pero no es de eso de lo que se trata,puesto que el Consorcio debe reembol-sar, como mínimo, 250 millones de de-pósitos. ¿Entonces, qué? Si el Estadopiensa que un crac de esa importancia esenojoso, puede encontrar él mismo losfondos; para salvar a los depositarios fran-ceses y a los depositarios annamitas, elBanco de Francia y el Gobierno generalde la Indochina están más indicados, sinembargo, que nosotros, que tenemos tam-bién nuestros depositarios y nuestros ac-cionistas. Cada uno de nosotros está aquíen nombre de su Establecimiento...»

(«Bien entendido —pensaba Ferral—que si el ministro diese claramente a en-tender que exige que el Consorcio seapuesto a flote, ya no habría ni deposita-rios ni accionistas.»)

«...¿Quién de nosotros puede afirmarque sus accionistas aprobarían un em-préstito que sólo está destinado a man-tener un establecicimiento vacilante? Loque piensan esos accionistas, señor mi-nistro —y no ellos, solamente— lo sa-bemos muy bien: que el mercado debeser saneado; que los negocios que noson viables deben cesar; que mante-nerlos artificialmente es el peor servi-cio que se puede hacer a todos. ¿En quése convierte la eficacia de la competen-cia, que es la vida del comercio francés,si los negocios condenados sonautomáticamente mantenidos?»

(«Amigo mío —pensó Ferral—, tu

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Établissement a exigé de l’État, le moisdernier, un relèvement de tarifsdouaniers de 32 % : pour faciliter, sansdoute, la libre concurrence.)

« ... Alors? Notre métier est de prêterde l’argent sur garantie, comme il a étédit très justement. Les garanties quenous propose M. Ferral... vous avezentendu M. Ferral, lui-même. L’Étatveut-il se substituer ici à M. Ferral, etnous donner les garanties contrelesquelles nous accorderons auConsortium les fonds dont il a besoin?En un mot, l’État fait-il sanscompensation appel à notre dévouementou nous demande-t-il - lui et non M.Ferral - de faciliter une opération detrésorerie, même à long terme? Dans lepremier cas, n’est-ce pas, notredévouement lui est acquis, mais enfinil faut tenir compte de nos actionnaires;dans le second, quelles garanties nousoffret-il? »

Langage chiffré complet, pensaitFerral. Si nous n’étions pas en train dejouer une comédie, le ministrerépondrait: « Je goûte le comique du motdévouement. L’essentiel de vosbénéfices vient de vos rapports avecl’État. Vous vivez de commissions,fonction de l’importance de votreétablissement, et non d’un travail nid’une efficacité. L’État vous a donnécette année cent millions, sous une for-me ou une autre; il vous en reprendvingt, bénissez son nom et rompez. »Mais il n ‘y avait aucun danger. Leministre prit dans [331] un tiroir de sonbureau une boîte de caramels mous, etla tendit à la ronde. Chacun en mangeaun, sauf Ferral. Ils avaient maintenantce que voulaient les délégués desÉtablissements: payer puisqu’il étaitimpossible de quitter ce cabinet sansaccorder quelque chose au ministre,mais payer le moins possible. Quant àcelui-ci... Ferral attendait, assuré qu’ilétait en train de penser: « Qu’est-ce queChoiseul (125) eût semblé faire à maplace? » Semblé: le ministre nedemandait pas aux grands de la royautédes leçons de volonté, mais de maintienou d’ironie.

— M. Le directeur adjoint duMouvement Général des Fonds, dit-il enfrappant la table à petits coups decrayon, vous dira comme moi que je nepuis vous donner ces garanties sans unvote du Parlement. Je vous ai réunis,messieurs, parce que la question quenous débattons intéresse le prestige dela France; croyez-vous que ce soit unefaçon de le défendre que de porter cettequestion devant l’opinion publique?

— Chans dloute, chans dloute, mais

Establecimiento exigió del Estado, el mespasado, una rebaja de tarifas aduaneras[279] del 32 %, para facilitar, sin duda,la libre competencia.»)

«. . . ¿Entonces? Nuestro oficio con-siste en prestar dinero con garantías,como se ha dicho muy certeramente. Lasgarantías que nos propone el señorFerral... Ya ha oído usted al mismo señorFerral. ¿El Estado quiere sustituir aquí alseñor Ferral y darnos garantías, a cam-bio de las cuales concederemos al Con-sorcio los fondos que le sean necesarios?En una palabra: ¿el Estado hace, sin com-pensación, un llamamiento a nuestra ab-negación, o nos pide —él y no el señorFerralque facilitemos una operación detesorería, aunque sea a largo placa? Enel primer caso, ¿verdad?, nuestra abne-gación la tiene concedida, aunque, endefinitiva, hay que tener en cuenta a nues-tros accionistas. En el segundo caso, ¿quégarantías nos ofrece?»

«Lenguaje cifrado completo —pensa-ba Ferral—. Si sólo estuviésemos dispues-tos a representar una comedia, el ministrorespondería: Saboreo lo cómico de la pa-labra abnegación. Lo esencial de vuestrossacrificios procede de vuestras relacionescon el Estado. Vivís de comisiones, fun-ción de la importancia de vuestroEstablecimiento, y no de un trabajo nide una eficacia. El Estado os ha dadoeste año cien millones, bajo una for-ma o bajo otra; os retira veinte, ben-decid su nombre y romped con él. Peroello no encierra ningún peligro. Elministro sacó del cajón de su mesa unacaja de caramelos _____ y los fue ofre-ciendo a todos. Cada uno tomó uno,salvo Ferral. Ahora sabía lo que que-rían los delegados de los Estableci-miento: pagar, puesto que era imposi-ble abandonar aquel despacho sin con-ceder algo al ministro; pero pagar lomenos posible. En cuanto a éste...Ferral esperaba, seguro de que se ha-llaba propicio a pensar: «¿Qué hubie-ra aparentado hacer Choiseul, en mipuesto?» Aparentado: el ministro nopedía a los grandes del reino leccio-nes de voluntad, sino de aplomo o deironía.

—El señor Director Adjunto delMovimiento General de Fondos —dijo,golpeando la mesa ligeramente con ellápiz— les dirá a ustedes cómo no pue-do concederles esas garantías sin un votodel Parlamento. Les he reunido a uste-des señores, porque la cuestión que de-batimos interesa [280] al prestigio deFrancia; ¿creen ustedes que sea unamanera de defenderla llevar esta cues-tión ante la opinión pública?

—Sin duda, sin duda; pero, permita

125 (p. 332). Choiseul (1719-1785) : habilediplomate, ministre de longue durée sousLouis XV.

X

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pelmettez, monfieur le miniftle...

Silence, les représentants,mastiquant leurs caramels, fuyaient dansun air méditatif l’accent auvergnat dontils se sentaient tout à coup menacés s’ilsouvraient la bouche. Le ministre lesregardait sans sourire, l’un après l’autre,et Ferral, qui le voyait de profil du côtéde son oeil de verre, le regardait commeun grand ara blanc, immobile et amerparmi les oiseaux.

— Je vois donc, messieurs, reprit leministre, que nous sommes d’accord surce point. De quelque façon que nousenvisagions ce problème, il estnécessaire que les dépôts soientremboursés. Le Gouvernement généralde l’Indochine participerait aurenflouement du Consortium pour uncinquième. Quelle pourrait être votrepart? [332]

Maintenant, chacun se réfugiait dansson caramel. « Petit plaisir, se dit Ferral.Il a envie de se distraire, mais le résultateût été le même sans caramels... » Ilconnaissait la valeur de l’argumentavancé par le ministre. C’était son frèrequi avait répondu à ceux quidemandaient au Mouvement Généraldes Fonds une conversion sans vote duParlement: « Pourquoi ne donnerais-jepas ensuite d’autorité deux centsmillions à ma petite amie? »

Silence. Plus long encore que lesprécédents. Les représentantschuchotaient entre eux.

— Monsieur le Ministre, dit Ferral,si les affaires saines du Consortium sont,d’une façon ou d’une autre, reprises; siles dépôts doivent être, en tout état decause, remboursés, ne croyez-vous pasqu’il y ait lieu de souhaiter un effort plusgrand, mais dont le maintien duConsortium ne soit pas exclu?L’existence d’un organisme françaisaussi étendu n’a-t-elle pas aux yeux del’État une importance égale à celle dequelques centaines de millions dedépôts.

— Cinq millions n’est pas un chiffresérieux, messieurs, dit le ministre..Dois-je faire appel d’une façon pluspressante au dévouement dont vousavez parlé? Je sais que vous tenez, quevos Conseils tiennent, à éviter lecontrôle des banques par l’État.Croyez-vous que la chute d’affairescomme le Consortium ne pousse pasl’opinion publique à exiger ce contrôled’une façon qui pourrait devenirimpérieuse, et, peut-être, urgente ?

De plus en plus chinois, pensait

usted, señor ministro...

Silencio; los representantes, mastican-do sus caramelos, rehuían, en actitudmeditativa, el acento auvernés de que sesentían amenazados, de pronto, si abríanla boca. El ministro les contemplaba sinsonreír, a uno después de otro, y Ferral,que le veía de perfil, por el lado de su ojode vidrio, le veía como un gran guaca-mayo blanco, inmóvil y amargado, entreunos pájaros.

—Veo, pues, señores —continuóe l m i n i s t r o — , q u e e s t a m o s d eacuerdo en ese punto. De cualquiermanera que afrontemos el proble-ma, es necesario que sean reembol-sados los depósitos. El Gobiernogeneral de la Indochina participa-ría en la restauración del Consor-cio con un quinto. ¿Cuál podría serla parte de ustedes?

Ahora cada uno se refugiaba en sucaramelo. «Breve placer —se dijoFerral—. Tienen ganas de distraerse; peroel resultado hubiera sido el mismo sincaramelos...» Conocía el valor del argu-mento anticipado por el ministro. Habíasido su hermano, quien había respondi-do a los que pedían al Movimiento Ge-neral de Fondos una conversión sin vota-ción del Parlamento: «¿Por qué no dardespués, porque me da la gana, doscien-tos millones a mi amiguita?»

Silencio. Más largo aún que los pre-cedentes. Los representantes cuchichea-ban entre ellos.

—Señor ministro —dijo Ferral—,si los negocios sanos del Consorcioson, de una manera o de otra, recupe-rados; si los depósitos, de cualquiermodo, deben ser reembolsados, ¿nocree usted que hay que desear un es-fuerzo mayor, del que la conservacióndel Consorcio no quede excluida? Laexistencia de un organismo francéstan extenso, ¿no tiene, ante los ojosdel Estado, una importancia igual ala de algunas centenas de millones dedepósito?

—Cinco millones no es una cifraimportante, señores —dijo el ministro—. ¿Debo hacer otro llamamiento, de unamanera más apremiante, a la abnegaciónde que han hablado ustedes? Sé que tien-den ustedes, que sus Consejos tienden aevitar el control de los bancos por elEstado. [281] Creen que la caída de ne-gocios como el Consorcio no impulsa ala opinión pública a exigir ese controlde una manera que podría tornarse im-periosa, y quizás urgente?

«Cada vez más chinos —pensaba

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Ferral. Ceci veut dire uniquement: «Cessez de me proposer des cinq millionsridicules. » Le contrôle des banques estune menace absurde lorsqu’elle est fai-te par un gouvernement dont la politiqueest à l’opposé de mesures de ce genre.Et le ministre n’a pas plus envie d’yrecourir [333] réellement que celui desreprésentants qui tient dans son jeul’agence Havas n’a envie de mener unecampagne de presse contre le ministre.L’État ne peut pas plus jouer sérieusementcontre les banques qu’elles contre lui.Toutes les complicités: personnelcommun, intérê ts , psychologie.Lutte entre chefs de service d’unemême maison, et dont la maison vit,d’ailleurs. Mais mal. Comme naguère àl’Astor, il ne se sauvait que par lanécessité de ne pas faiblir et de nemontrer aucune colère. Mais il étaitbattu: ayant fait de l’efficacité savaleur essentielle, rien ne compensaitqu’i l se trouvât en face de ceshommes dont i l avait toujoursméprisé la personne et les méthodesdans cette position humiliée. Il étaitplus faible qu’eux, et, par là, dans sonsystème même, tout ce qu’il pensaitétait vain.

— Monsieur le Ministre, dit ledélégué le plus âgé, nous tenons àmontrer une fois de plus à l’État notrebonne volonté; mais, s’il n’y a pas degaranties, nous ne pouvons, à l’égard denos actionnaires, envisager un créditconsortial plus élevé que le montant desdépôts à rembourser, et garanti par lareprise que nous ferions des affairessaines du groupe. Dieu sait que nousne tenons pas à cette reprise, que nousla ferons par respect de l’intérêtsupérieur de l’État...

Ce personnage, pensait Ferral, estvraiment inouï, avec son air deprofesseur retraité transformé enOEdipe aveugle. Et tous les abrutis, laFrance même, qui viennent demanderdes conseils à ses directeurs d’agences,et à qui sont jetés les fonds d’État enpeau de chagrin lorsqu’il faut construiredes chemins de fer stratégiques enRussie, en Pologne, au pôle Nord!Depuis la guerre, cette brochette assisesur le canapé a coûté à l’épargnefrançaise, rien qu’en fonds d’État,dix-huit milliards. Très bien: comme ille disait il y a [334] dix ans: « Touthomme qui demande des conseils pourplacer sa fortune à une personne qu’ilne connaît pas intimement est justementruiné. » Dix-huit milliards. Sans parlerdes quarante milliards d’affairescommerciales. Ni de moi.

— Monsieur Damiral? dit leministre.

Ferral—. Esto quiere decir, únicamen-te: «Cesad de proponerme cinco mi-llones ridículos.» El control de losbancos supone una amenaza absurda,cuando está hecho por un gobiernocuya política es opuesta a medidas deeste género. Y el ministro no desea yarecurrir a ella realmente, como los re-presentantes que tiene en juego laagencia Havas no desean emprenderuna campaña de prensa contra el mi-nistro. El Estado no puede ya actuaren serio contra los bancos, ni éstoscontra él. Todas las complicidades:personal común, intereses, psicología.Lucha entre los jefes de servicio de unamisma casa, y de la que la casa vive,además.» Aunque mal. Como antes enel Astor, Ferral no se salvaba más quepor la necesidad de no debilitar nimanifestar ninguna cólera. Pero esta-ba abatido: habiendo hecho de la efi-cacia su valor esencial, nada compen-saba que se encontrase frente a aque-llos hombres, cuya personalidad y cu-yos métodos había despreciado siem-pre, en aquella posición humillada. Eramás débil que ellos, y, por eso, en susistema mismo, todo lo que pensabaera vano.

—Señor ministro —dijo el delega-do de más edad—, queremos demostraruna vez más al Estado nuestra buenavoluntad; pero, si no hay garantías, nopodemos, respecto de nuestros accio-nistas, afrontar un crédito consorcialmás elevado que el total de los depósi-tos de reembolso, y garantizado por elreintegro que haríamos con los beneficioslíquidos del grupo. Dios sabe que no con-tamos para nada con ese reintegro; quelo haremos por respeto al interéssuperior del Estado...

«Este personaje —pensaba Ferral— esverdaderamente inaudito, con su aspectode profesor jubilado convertido en Edipogriego. ¡Y todos los brutos, y Franciamisma, que viene a pedir consejos a susdirectores de agencias y a quienes se lesentregan los fondos del Estado en piel dezapa, cuando hay que construir ferroca-rriles estratégicos en Rusia, en Polonia oen el Polo Norte! Desde la guerra, aque-lla broqueta, sentada sobre el canapé,había costado [282] al ahorro francés,sólo en fondos del Estado, dieciocho milmillones. Muy bien: como decía él hacediez años: «Todo hombre que pide con-sejos para colocar su fortuna a una per-sona a la que no conoce íntimamente,queda justamente arruinado.» Dieciochomil millones. Sin hablar de los cuarentamil millones de negocios comerciales. Nide mí.»

—¿El señor Damiral? —pronunció elministro.

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— Je ne puis que m’associer,monsieur le Ministre, aux paroles quevous venez d’entendre. Comme M. deMorelles, je ne puis engagerl’établissement que je représente sansles garanties dont il a parlé. Je ne sauraisle faire sans manquer aux principes etaux traditions qui ont fait de cetétablissement un des plus puissants del’Europe, principes et traditions souventattaqués, mais qui lui permettentd’apporter son dévouement à l’Étatquand celui-ci fait appel à lui comme ill’a fait il y a cinq mois, comme il le faitaujourd’hui, comme il le fera peut-êtredemain. C’est la fréquence de cesappels, monsieur le Ministre, et larésolution que nous avons prise de lesentendre, qui me contraignent àdemander les garanties que ces principeset ces traditions exigent que nousassurions à nos déposants, et grâceauxquelles, - je me suis permis de vousle dire, monsieur le Ministre, - noussommes à votre disposition. Sans doutepourronsnous disposer de vingtmillions.

Les représentants se regardaient avecconsternation: les dépôts seraientremboursés. Ferral comprenaitmaintenant ce qu’avait voulu leministre. donner satisfaction à son frèresans s’engager; faire rembourser lesdépôts; faire payer les Établissements,mais le moins possible; pouvoir rédigerun communiqué satisfaisant. Lemarchandage continuait. Le Consortiumserait détruit; mais peu importait auministre son anéantissement si lesdépôts étaient remboursés. LesÉtablissements acquerraient la garantiequ’ils [335] avaient demandée (ilsperdraient néanmoins, mais peu).Quelques affaires, maintenues,deviendraient des filiales desÉtablissements; quant au reste... Tousles événements de Shanghaï allaient sedissoudre là dans un non-sens total. Ileût préféré se sentir dépouillé, voirvivante hors de ses mains son ceuvreconquise ou volée. Mais le ministre neverrait que la peur qu’il avait de laChambre; il ne déchirerait pas dejaquette aujourd’hui. À sa place, Ferraleût commencé par se charger d’unConsortium assaini qu’il eût ensuitemaintenu à tout prix. Quant auxÉtablissements, il avait toujours affirméleur incurable frousse. Il se souvint avecorgueil du mot d’un de ses adversaires :« Ferral veut toujours qu’une banquesoit une maison de jeu.

Le téléphone sonna, tout près. L’undes attachés entra

— Monsieur le Ministre, monsieur

—No puedo hacer más que asociar-me, señor ministro, a las palabras queacaba usted de oír. Como el señor deMorelles, no puedo comprometer alEstablecimiento que represento sin lasgarantías de que ha hablado. No podríahacerlo sin faltar a los principios y alas tradiciones, que han hecho de esteEstablecimiento uno de los más pode-rosos de Europa, principios y tradicio-nes atacados con frecuencia, pero quele permiten poner su abnegación alservicio del Estado, cuando éste re-curre a él, como lo hizo hace cincomeses, como lo hace hoy, y como lohará, quizá, mañana. La frecuencia deestos llamamientos, señor ministro, yla resolución que hemos adopta-do de atenderlos me obligan a so-licitar las garantías que tales prin-cipios y t radiciones exigen paraque aseguremos a nuestros depo-sitarios, y gracias a los cuales —me permito decírselo, señor mi-nistro— estamos a su disposición.S in duda, podremos disponer deveinte millones.

Los representantes se miraban conconsternación: los depósitos serían reem-bolsados. Ferral comprendía ahora lo quehabía pretendido el ministro: dar satisfac-ción a su hermano sin comprometerse;hacer que se reembolsasen los depósitos;conseguir que pagasen los Establecimien-tos, aunque lo menos posible; poderredactar un comunicado satisfactorio.El regateo continuaba. El Consorciosería destruido; pero poco importa-ba su aniquilamiento, si los depó-sitos eran reembolsados. Los Esta-blecimientos adquirirían las garan-tías que habían solicitado (perde-rían, sin embargo, aunque poco).Algunos negocios, mantenidos, se con-vertirían en filiales de los Estableci-mientos; en cuanto a lo demás... Todoslos acontecimientos de Shanghai ibana disolverse allí, en un contrasentidototal. Hubiera preferido sentirse despo-jado; ver viva, fuera de sus manos, su[283] obra conquistada o robada. Peroel ministro no vería más que el miedoque tenía a la Cámara; no desgarraríaningún chaquet, ahora. En su lugar,Ferral hubiera comenzado por inhibirsede un Consorcio saneado que despuéshubiera mantenido a toda costa. En cuan-to a los Establecimientos, siempre habíaafirmado su incurable avaricia. Recordó,con orgullo, la frase de uno de sus ad-versarios: «Quiere que un bancosea una casa de juego.»

Sonó el teléfono, muy cerca. Entró unode los agregados.

—Señor ministro, el señor Presidente

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le Président du Conseil.

— Dites que les choses s’arrangenttrès bien... Non, j’y vais.

Il sortit, revint un instant après,interrogea du regard le délégué de laprincipale banque d’affaires française,la seule qui fût représentée là.Moustaches droites, parallèles à sonbinocle, calvitie, fatigue. Il n’avait pasencore dit un mot.

— Le maintien du Consortium nenous intéresse en aucune façon, dit-illentement. La participation à laconstruction des chemins de fer estassurée à la France par les traités. Si leConsortium tombe, une autre affaire seformera ou se développera, et prendrasa succession...

— Et cette nouvelle société, ditFerral, au lieu d’avoir industrialisél’Indochine, distribuera des dividendes.Mais, comme elle n’aura rien fait pourChang-Kaï-Shek, [336] elle se trouveradans la situation où vous seriezaujourd’hui si vous n’aviez jamais rienfait pour l’État; et les traités seronttournés par une quelconque sociétéaméricaine ou britannique à paraventfrançais, de toute évidence. À qui vousprêterez, d’ailleurs, l’argent que vousme refusez. Nous avons créé leConsortium parce que les banquesfrançaises d’Asie faisaient une tellepolitique de garanties qu’elles auraientfini par prêter aux Anglais pour ne pasprêter aux Chinois. Nous avons suiviune politique du risque, c’est...

— Je n’osais pas le dire.

— ... clair. Il est normal que nous enrecueillions les conséquences.L’épargne sera protégée (il sourit d’unseul côté de la bouche) jusqu’àcinquante-huit milliards de perte, et noncinquante-huit milliards et quelquescentaines de millions. Voyons donc en-semble, messieurs, si vous le voulezbien, comment le Consortium cesserad’exister.

Kobé (126).

Dans toute la lumière du printemps,May, trop pauvre pour louer une voiture,montait vers la maison de Kama. Si lesbagages de Gisors étaient lourds, ilfaudrait emprunter quelque argent auvieux peintre pour rejoindre le bateau.En quittant Shanghaï, Gisors lui avaitdit qu’il se réfugiait chez Kama; enarrivant, il lui avait envoyé son adresse.Depuis, rien. Pas même lorsqu’elle lui

del Consejo llama por la línea especial.

—Dígale que las cosas se arreglanmuy bien... No; voy yo.

Salió, volvió al cabo de un instante einterrogó con la mirada al delegado delprincipal banco de negocios francés, elúnico que estaba representado allí. Bigo-tes erguidos, paralelos a sus lentes, cal-vicie y cansancio. Aún no había dicho unapalabra.

—El mantenimiento del Consorciono nos interesa en manera alguna —dijocon lentitud—. La participación en laconstrucción de los ferrocarriles estáasegurada en Francia por los tratados.Si el Consorcio cae, otro negocio seformará o se desarrollará y constituirásu sucesión.

—Y esa nueva sociedad —dijoFerral—, en lugar de haber industrializadola Indochina, distribuirá dividendos.Pero como no habrán hecho nada porChiang Kaishek, se encontrará en lasituación en que se encontrarían uste-des hoy si nunca hubieran hecho nadapor el Estado: y los tratados seránmodificados por cualquier sociedadamericana o británica, con el amparofrancés, evidentemente. A la que pres-tarán ustedes, además, el dinero que amí me niegan. Nosotros creamos elConsorcio, porque los bancos france-ses de Asia hacían tal política degarantías, que hubieran acabado porprestar a los ingleses, para no pres-tar a los chinos. Hemos soportadouna política del riesgo; está...

—Yo no me atrevía a decirlo.

—...claro. Es normal que toque-mos las consecuencias. El ahorroserá protegido —sonrió con un sololado de [284] la boca— hasta cin-cuenta y ocho mil millones de pér-dida, y no cincuenta y ocho mil mi-llones y algunas centenas de millo-nes. Vean, pues, a grandes rasgos,señores, cómo el Consorcio dejaráde existir.

Kobe

En plena luz de la primavera, May,demasiado pobre para alquilar un coche,ascendía hacia la casa de Kama. Si elequipaje de Gisors era pesado, habría quepedir prestado algún dinero al ancianopintor para llegar hasta el barco. Al aban-donar Shanghai, Gisors le había dicho quese refugiaba en casa de Kama; al llegar,le había enviado su dirección. Luego,nada. Ni siquiera cuando ella le había

126 (p. 337). Kobé : ville industrielle, grandport japonais, sur la baie d’Osaka.

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avait fait savoir qu’il était nomméprofesseur à l’institut Sun-Yat-Sen deMoscou. Crainte de la police japonaise?[337]

Elle lisait en marchant une lettre dePeï qui lui avait été remise à l’arrivéedu bateau à Kobé, lorsqu’elle avait faitviser son passeport. Elle avait pu donnerasile au jeune disciple de Tchen, aprèsla mort de celui-ci, dans la villa où elles’était réfugiée .

. . . J’ai vu hier Hemmelrich,qui pense à vous. Il est monteurà l’usine d’électricité. Il m’a dit:

« C’est la première foisde ma vie que je travaille en sachantpourquoi , e t non en at tendantpatiemment de crever... » Dites àGisors que nous 1 attendons. Depuisque je suis ici, je pense au cours oùi l disai t : « Une civi l isat ion setransforme, lorsque son élément leplus douloureux l’humiliation chez1’esclave, le travail chez l’ouvriermoderne - devient tout à coup unevaleur, lorsqu’i l ne s’agit plusd’échapper à cette humiliation, maisd’en attendre son salut, d’échapperà ce travail, mais d y trouver saraison d’être. Il faut que l’usine,qui n’est encore qu’une espèced’église des catacombes, deviennece que fut la cathédrale et que leshommes y voient, au lieu des dieux,la force humaine en lutte contre laTerre... »

Oui: sans doute les hommes nevalaient-ils que par ce qu’ils avaienttransformé. La Révolution venait depasser par une terrible maladie, mais ellen’était pas morte. Et c’était Kyo et lessiens, vivants ou non, vaincus ou non,qui l’avaient mise au monde.

Je vais repartir en Chine comme

hecho saber que había sido nombradoprofesor en el instituto Sun-Yat-Sen, deMoscú. ¿Por temor a la policía japone-sa?

Mientras caminaba, leía una carta dePei, que le había sido entregada a la lle-gada del barco a Kobe, cuando había idoa que le visasen su pasaporte.

«...y todos los que han podido huir deShanghai les esperan. He recibido losfolletos...»

Había publicado, anónimamente, dosrelatos de la muerte de Chen; uno de ellos,de acuerdo con su corazón: «El asesinatodel dictador constituye el deber del indi-viduo ante sí mismo, y debe ser separadode la acción política determinada por lasfuerzas colectivas.» El otro, para los tra-dicionalistas: «Del mismo modo que eldeber final —la influencia que ejercensobre nosotros nuestros antepasados—nos obliga a buscar nuestra vida más no-ble, así exige de cada uno el asesinatodel usurpador.» Las imprentas clandesti-nas reimprimían ya aquellos folletos.

«...Ayer vi a Hemmelrich, que seacuerda de ustedes. Es montador en lafábrica de electricidad. Me ha dicho:«Antes, comenzaba a vivir cuando salíade la fábrica; ahora, comienzo a vivircuando entro en ella. Esta es la primera[285] vez en mi vida que trabajo sabien-do para qué, y no esperando paciente-mente a que llegue el momento de reven-tar...» Dígale a Gisors que lo esperamos.Desde que estoy aquí pienso en el cursoen que decía: «Una civilización se trans-forma, ¿verdad?, cuando su elementomás doloroso —humillación en el escla-vo, el trabajo en el obrero moderno— seconvierte, de pronto, en un valor; cuan-do ya no se trata de escapar a esa humi-llación, sino de esperar de ella la propiasalvación; cuando no se trata de esca-par de ese trabajo, sino de encontrar enél la propia razón de ser. Es preciso quela fábrica, que no es aún más que unaespecie de iglesia de catacumbas, se con-vierta en lo que fue la catedral, y que loshombres vean en ella, en lugar de los dio-ses, la fuerza humana en lucha contra laTierra...»

Sí: sin duda, los hombres sólovalían por lo que habían transforma-do. La Revolución acababa de pa-sar por una terrible enfermedad,pero no había muerto. Y eran Kyo ylos suyos, vivos o no, quienes lahabían lanzado al mundo.

«Iré de nuevo a China como agita-

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agitateur. ______________________Rien n’est fini là-bas. Peut-êtrenous y retrouverons-nous ensemble:on me dit que votre demande estacceptée...

Pas un mot de Tchen.

Elle était loin de juger ce qu’ilécrivait sans importance; [338] maisque tout cela lui semblait intellectuel,comme lui avait semblé ravagé del’intellectualité fanatique del’adolescence tout ce qu’il lui avaitrapporté de Tchen! Un morceau dejournal découpé tomba de la lettre pliée;elle le ramassa :

Le travail doit devenir l’armeprincipale du combat des classes. Leplan d’industrialisation le plusimportant du monde est actuellement àl’étude: il s’agit de transformer en cinqans toute l’U.R.S.S., d’en faire une despremières puissances industriellesd’Europe, puis de rattraper et dedépasser l’Amérique. Cette entreprisegigantesque...

Gisors l’attendait, debout dansl’encadrement de la porte. En kimono.Pas de bagages dans le couloir.

— Avez-vous reçu mes lettres?demanda-t-elle en entrant dans unepièce nue, nattes et papier, dont lespanneaux tirés découvraient la baie toutentière.

— Oui.

— Dépêchons-nous: le bateau repartdans deux heures.

— Je ne partirai pas, May.

Elle le regarda. « Inutile d’interroger,pensa-t-elle; il s’expliquera. » Mais cefut lui qui interrogea

— Qu’allez-vous faire?

— Essayer de servir dans les sectionsd’agitatrices. C’est presque arrangé,paraît-il. Je serai à Vladivostok (127)après-demain, et je partirai aussitôt pourMoscou. Si ça ne s’arrange pas, jeservirai comme médecin ____________ en Sibérie. Mais je suis si lassede soigner!... Vivre toujours avec desmalades, quand ce n’est pas pour uncombat, il y faut une sorte de grâced’état, et il n’y a plus en moi de grâced’aucune sorte. Et puis, maintenant,il m’est presque intolérable de voirmourir... [339] Enfin, sil faut le

dor: nunca seré un comunista puro.Nada ha terminado a l lá . Quizása l l í v o l v a m o s a e n c o n t r a r n o s ;me d icen que su so l i c i tud e s táacep tada . . .»

Un recorte de periódico cayó de lacarta, doblado. May lo recogió:

«El trabajo debe ser el arma prin-cipal de la lucha de clases. El plande industrialización más importantedel mundo está actualmente en estu-dio: se trata de transformar en cincoaños toda la U.R.S.S.; de hacer deella una de las primeras potenciasindustriales de Europa, luego alcan-zar y dejar atrás a América. Estaempresa gigantesca...»

Gisors la esperaba, de pie, junto almarco de la puerta. En quimono. No ha-bía equipaje en el corredor.

—¿Ha recibido usted mis cartas? —preguntó May, entrando [286] en una ha-bitación desnuda, estera y papel, cuyospaneles arrancados dejaban ver por com-pleto la bahía.

—Sí.

—Démonos prisa: el barco vuelve asalir dentro de dos horas.

—No me iré, May.

Ella le miró: «Inútil interrogarle —pensó—; ya se explicará.» Pero fueGisors el que interrogó:

—¿Qué va usted a hacer?

—Procuraré servir en las secciones deagitadoras. Parece que eso está casi arre-glado. Llegaré a Vladivostok pasadomañana, y saldré inmediatamente paraMoscú. Si eso no se arregla, prestaré ser-vicio como médico en Moscú o aunquesea en Siberia. Con tal de que la primeracosa se consiga... Estoy tan cansada decuidar... Para vivir siempre con los en-fermos, cuando no proceden de un com-bate, se necesita cierto estado de gracia;ya no hay en mí gracia de ninguna espe-cie. Además, ahora, se me ha hecho casiintolerable el ver morir... En fin, si hay

127 (p. 339). Vladivostok: ville et port russede Sibérie extrêmeorientale, sur la mer duJapon.

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faire... C’est encore une façon devenger Kyo.

— On ne se venge plus à mon âge...

En effet, quelque chose en lui étaitchangé. Il était lointain, séparé, commesi une partie seulement de lui-même sefût trouvée dans la pièce avec elle. Ils’allongea par terre: il n’y avait pas desièges. Elle se coucha aussi, à côté d’unplateau à opium.

— Qu’allez-vous faire vous-même?demanda-t-elle.

I l h a u s s a l ’ é p a u l e a v e cindifférence

— Grâce à Kama, je suis iciprofesseur libre d’histoire de l’art occi-dental... Je reviens à mon premiermétier, vous voyez...

Elle cherchait ses yeux, stupéfaite.

— Même maintenant, dit-elle, alorsque nous sommes politiquement battus,que nos hôpitaux sont fermés, desgroupes clandestins se reforment danstoutes les provinces. Les nôtresn’oublieront plus qu’ils souffrent à cau-se d’autres hommes, et non de leurs viesantérieures. Vous disiez: « Ils se sontéveillés en sursaut d’un sommeil detrente siècles dont ils ne se rendormirontpas. » Vous disiez aussi que ceux quiont donné conscience de leur révolte àtrois cents millions de misérablesn’étaient pas des ombres comme leshommes qui passent, - même battus,même suppliciés, même morts...

Elle se tut un instant

— Ils sont morts, maintenant,reprit-elle.

— Je le pense toujours, May. C’est autrechose. La mort de Kyo, ce n’est passeulement la douleur, pas seulement lechangement, c’est... une métamorphose. Jen’ai jamais aimé beaucoup le monde:c’était Kyo qui me rattachait aux hommes,c’était par lui qu’ils existaient pour moi...Je ne désire pas aller à Moscou. J’yenseignerais misérablement. Lemarxisme a cessé [340] de vivre en moi.Aux yeux de Kyo c’était une volonté,n’est-ce pas? mais aux miens c’est unefatalité, et je m’accordais à lui parceque mon angoisse de la morts’accordait à la fatalité. Il n’y a presqueplus d’angoisse en moi, May; depuisque Kyo est mort, il m’est indifférentde mourir. Je suis à la fois délivré(délivré!...) de la mort et de la vie.Qu’irais-je faire làbas?

que hacerlo... Es también una manera devengara Kyo.

—Ya no se venga uno a mi edad.

En efecto: algo en él había cam-biado. Aparecía lejano, separado,como si sólo una parte de sí mismose encontrase en la habitación conella. Gisors se echó en el suelo: nohabía sillas. May se echó también,junto a su platillo de opio.

—¿Y usted qué va a hacer? —preguntó.

Gisors se encogió de hombros, conindiferencia.

—Gracias a Kama, soy aquí profe-sor libre de historia del arte occiden-tal... Vuelvo a mi primitivo oficio; yave usted...

May buscaba sus ojos, estupefacta.

—Aun ahora —dijo—, cuando es-tamos políticamente vencidos; cuandonuestros hospitales están cerrados,vuelven a formarse los grupos clandes-tinos en todas las provincias. Los nues-tros no olvidarán ya que sufren a causade otros hombres, y no a causa de susvidas anteriores. Usted decía: «Handespertado sobresaltados de un sueñode treinta siglos, y ya no se volverán adormir.» Usted decía, también, que losque han inculcado la conciencia de[287] su sublevación a trescientos mi-llones de miserables no son sombrascomo los hombres que pasan —ni aungolpeados, martirizados, muertos...

Calló un instante.

— A h o r a e s t á n m u e r t o s —a ñ a d i ó .

—Y s igo pensando as í , May.Es otra cosa. . . La muerte de Kyono es sólo dolor ; no es sólo cam-bio; es . . . una metamorfosis. Yo nun-ca he amado mucho al mundo: eraKyo quien me unía a los hombres; erapor él por quien los hombres existíanpara mí... No deseo ir a Moscú. Allíenseñaría miserablemente. El marxis-mo ha dejado de vivir en mí. Ante losojos de Kyo, era una voluntad, ¿no escierto?; pero, ante los míos, es unafatalidad, y me ponía de acuerdo conél porque mi angustia de la muertearmonizaba con la fatalidad. Ya casino hay angustia en mí, May; desdeque Kyo ha muerto, me es indiferen-te morir. Estoy a la vez libertado (¡li-bertado!...) de la muerte y de la vida.¿Qué iría a hacer allá?

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— Changer à nouveau, peut-être.

— Je n’ai pas d’autre fils à perdre.

Il n’avait guère de goût pour lesfemmes à demi viriles. Elle nel’atteignait que par l’amour qu’il luiprêtait pour Kyo, par celui que Kyo avaitéprouvé pour elle. Encore que cet amourintellectuel et ravagé, dans la mesure oùil le devinait, lui fût tout étranger. Luiavait aimé une Japonaise parce qu’ilaimait la tendresse, parce que l’amourà ses yeux n’était pas un conflit mais lacontemplation confiante d’un visageaimé, l’incarnation de la plus sereinemusique, - une poignante douceur. Ilapprocha de lui le plateau à opium,prépara une pipe. Sans rien dire, elle luimontra du doigt l’un des coteauxproches: attachés par l’épaule, unecentaine de coolies y tiraient quelquepoids très lourd et qu’on ne voyait pas,avec le geste millénaire des esclaves.

— Oui, dit-il, oui.

« Pourtant, reprit-il après un instant,prenez garde ceux-ci sont prêts à se fairetuer pour le Japon.

— Combien de temps encore?

— Plus longtemps que je nevivrai. »

Gisors avait fumé sa pipe d’un trait.Il rouvrit les yeux:

— On peut tromper la vielongtemps, mais elle finit toujours parfaire de nous ce pour quoi noussommes faits. Tout vieillard est unaveu, allez, et si tant de [341]vieillesses sont vides, c’est que tantd’hommes l’étaient et le cachaient.Mais cela même est sans importance.Il faudrait que les hommes pussentsavoir qu’il n’y a pas de réel, qu’il estdes mondes de contemplation avec ousans opium - où tout est vain...

— Où l’on contemple quoi?

— Peut-être pas autre chose que cettevanité... C’est beaucoup.

Kyo avait dit à May: « L’opium joueun grand rôle dans la vie de mon père,mais je me demande parfois s’il ladétermine ou s’il justifie certaines forcesqui l’inquiètent lui-même...

— Si Tchen, reprit Gisors, avaitvécu hors de la Révolution, songezqu’il eût sans doute oublié sesmeurtres. Oublié...

— Les autres ne les ont pas oubliés;

—Cambiar de nuevo, tal vez.

—No tengo otro hijo que perder.

Atrajo hacia sí el platillo de opioy preparó una pipa. Sin decir nada,ella señaló con el dedo a una de lascolinas próximas: cogidos de los hom-bros, un centenar de coolies arrastra-ban un gran peso que no se veía, conel gesto milenario de los esclavos.

—Sí —dijo Gisors—, sí.

«Sin embargo —prosiguió, después deun instante—, tenga cuidado: ésos están dis-puestos a dejarse matar por el Japón.»

—¿Por cuánto tiempo, aún?

—Por mucho más tiempo del que yoviva.

Gisors se fumó su pipa de una boca-nada. Volvió a abrir los ojos.

—Puede uno errar su vida durantemucho tiempo; pero siempre acaba porconvertirse en aquello para lo cualhemos sido hechos. Todo viejo es unaconfesión, y si hay tantas vejeces va-cías es porque otros tantos hombres loestaban y lo ocultaban. Pero aun estocarece de importancia. Sería precisoque los hombres pudiesen saber que no[288] hay nada real, que hay mundosde contemplación —con o sin opio—,en los que todo es vano...

—¿Donde se contempla qué?

—Quizás otra cosa distinta de estavanidad... Ya es mucho.

Kyo había dicho a May: «El opio des-empeña un gran papel en la vida de mipadre; pero, a veces, me pregunto si ladetermina o si justifica determinadasfuerzas que le inquietan a él mismo...»

—Si Chen —prosiguió Gisors— hu-biera vivido fuera de la Revolución, pien-se usted que, sin duda, habría olvidadosus crímenes. Olvidado...

—Los otros no los han olvidado, por

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il y a eu deux attentats terroristes depuissa mort. Je ne l’ai pas connu: il nesupportait pas les femmes; mais je croisqu’il n’aurait pas vécu hors de laRévolution même un an. Il n’y a pas dedignité qui ne se fonde sur la douleur.

À peine l’avait-il écoutée.

— Oublié... reprit-il. Depuis queKyo est mort, j’ai découvert lamusique. La musique seule peut parlerde la mort. J’écoute Kama, maintenant,dès qu’il joue. Et pourtant, sans effortde ma part (il parlait pour luimêmeautant qu’à May), de quoi mesouviens-je encore? Mes désirs et monangoisse, le poids même de ma destinée,ma vie, n’est-ce pas...

(Mais pendant que vous vousdélivrez de votre vie, pensait-elle,d’autres Katow brûlent dans leschaudières, d’autres Kyo...)

Le regard de Gisors, comme s’il eûtsuivi son geste d’oubli, se perditau-dehors: au-delà de la route, les millebruits de travail du port semblaient re-partir avec [342] les vagues vers la merradieuse. Ils répondaient àl’éblouissement du printemps japonaispar tout l’effort des hommes, par lesnavires, les élévateurs, les autos, lafoule active. May pensait à la lettre dePeï : c’était dans le travail à poigne deguerre déchaîné sur toute la terre russe,dans la volonté d’une multitude pourqui ce travail s’était fait vie, qu’étaientréfugiés ses morts. Le ciel rayonnaitdans les trous des pins comme le soleil;le vent qui inclinait mollement lesbranches glissa sur leurs corps étendus.Il sembla à Gisors que ce vent passaità travers lui comme un fleuve, commele Temps même, et, pour la premièrefois, l’idée que s’écoulait en lui le tempsqui le rapprochait de la mort ne lesépara pas du monde mais l’y reliadans un accord serein. Il regardaitl’enchevêtrement des grues au bord dela ville, les paquebots et les barques surla mer, les taches humaines sur la route.« Tous souffrent, songea-t-il, et chacunsouffre parce qu’il pense. Tout au fond,l’esprit ne pense l’homme que dansl’éternel, et la conscience de la vie nepeut être qu’angoisse. Il ne faut paspenser la vie avec l’esprit, mais avecl’opium. Que de souffrances éparsesdans cette lumière disparaîtraient, sidisparaissait la pensée... » Libéré detout, même d’être homme, il caressaitavec reconnaissance le tuyau de sapipe, contemplant l’agitation de tousces êtres inconnus qui marchaientvers la mort dans l’éblouissant soleil,chacun choyant au plus secret desoimême son parasite meurtrier. «

cierto; ha habido dos atentados terroris-tas después de su muerte. No le gustabanlas mujeres; apenas le conocí, pero creoque no habría podido vivir fuera de laRevolución ni siquiera un año. No haydignidad que no se base en el dolor.

Gisors apenas la había escuchado.

—Olvidado... —repitió—. Desdeque murió Kyo, he descubierto la mú-sica. Sólo la música puede hablar de lamuerte. Escucho a Kama, ahora, cuan-do toca. Y, no obstante, sin esfuerzo porparte mía —hablaba para sí mismo tan-to como para May—, ¿de qué meacuerdo aún? Mis deseos y mi angus-tia, ni siquiera el peso de mi destino,mi vida, no existen...

(«Pero, mientras usted se libertade su vida —pensaba May—, otroscomo Katow arden en las calderas,y otros como Kyo...»)

La mirada de Gisors, como si hubie-se seguido su gesto de olvido, se perdiófuera: más allá de la carretera, los milrumores del trabajo del puerto parecíanmarchar con las olas hacia la mar radian-te. Respondía el esplendor de la prima-vera japonesa con todo el esfuerzo de loshombres, con los navíos, con loselevadores, con los autos, con la multi-tud activa. May pensaba en la carta de Pei:era en el trabajo, a fuerza de guerra desen-cadenada sobre toda la tierra rusa; en lavoluntad de una multitud para la que aqueltrabajo se había convertido en vida, don-de se habían refugiado sus muertos. El cie-lo resplandecía entre los pinos como el sol;el viento, que inclinaba ligeramente las[289] ramas, resbaló sobre los cuerpos ten-didos. Le pareció a Gisors que aquel vien-to pasaba a través de él como un río, comoel Tiempo mismo, y, por primera vez, laidea de que se deslizaba en él el tiempoque le aproximaba a la muerte no le se-paró del mundo, sino que le unió a élen un acorde sereno. Contemplabael enredo de las grúas junto a la ciudad,los paquebotes y las barcas en el mar, lastareas humanas en la carretera. «Todossufren —pensó—, y cada uno sufre por-que piensa. En el fondo, el espíritu delhombre no piensa más que en lo eterno,y la conciencia de la vida no puede sermás que angustia. No hay que pensar lavida con la imaginación, sino con el opio.¡Cuántos sufrimientos, esparcidos en estaluz, desaparecerían, si desapareciese elpensamiento!...» Emancipado de todo,hasta de ser hombre, acariciaba con re-conocimiento el tubo de su pipa, mien-tras contemplaba la agitación de todosaquellos seres desconocidos que camina-ban hacia la muerte bajo el esplendorsolar, mimando cada uno, en lo más se-creto de sí mismo, su paraíso criminal.

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Tout homme est fou, pensa-t- i lencore, mais qu’est une destinéehumaine sinon une vie d’efforts pourunir ce fou et l’univers... » Il revitFerral, éclairé par la lampe basse surla nuit pleine de brume, écoutant:« Tout homme rêve d’être dieu... »

Cinquante sirènes à la fois envahirentl’air: ce jour [343] était veille de fête, etle travail cessait. Avant tout changementdu port, des hommes minusculesgagnèrent, comme des éclaireurs, laroute droite qui menait à la ville, etbientôt la foule la couvrit, lointaine etnoire, dans un vacarme de klaxons:patrons et ouvriers quittaient ensemblele travail. Elle venait comme à l’assaut,avec le grand mouvement inquiet detoute foule contemplée à distance.Gisors avait vu la fuite des animaux versles sources, à la tombée de la nuit un,quelques-uns, tous, précipités vers l’eaupar une force tombée avec les ténèbres;dans son souvenir, l’opium donnait àleur ruée cosmique une sauvageharmonie, alors que les hommes perdusdans le lointain vacarme de leurssocques lui semblaient tous tous,séparés de l’univers dont le coeur battantquelque part là-haut dans la lumièrepalpitante les prenait et les rejetait à lasolitude, comme les grains d’unemoisson inconnue. Légers, très élevés,les nuages passaient au-dessus des pinssombres et se résorbaient peu à peu dansle ciel; et il lui sembla qu’un de leursgroupes, celui-là précisément, exprimaitles hommes qu’il avait connus ou aimés,et qui étaient morts. L’humanité étaitépaisse et lourde, lourde de chair, desang, de souffrance, éternellementcollée à elle-même comme tout ce quimeurt; mais même le sang, même lachair, même la douleur, même la mortse résorbaient là-haut dans la lumièrecomme la musique dans la nuitsilencieuse: il pensa à celle de Kama, etla douleur humaine lui sembla monteret se perdre comme le chant même dela terre; sur la paix frémissante et cachéeen lui comme son coeur, la douleurpossédée refermait lentement ses brasinhumains.

— Vous fumez beaucoup?répéta-t-elle.

Elle l’avait demandé déjà, mais il nel’avait pas entendue. Le regard de Gisorsrevint dans la chambre : [344]

— Croyez-vous que je ne devine pasce que vous pensez, et croyez-vous queje ne le sache pas mieux que vous?Croyez-vous même qu’il ne me seraitpas facile de vous demander de queldroit vous me jugez?

«Todo hombre es un loco —pensó—;pero, ¿qué es un destino humano, sino unavida de esfuerzo para unir a ese loco conel universo?...» Volvió a ver a Ferral, ilu-minado apenas por la lámpara abatida, enla noche llena de bruma, escuchando:«Todo hombre sueña con ser un dios...»

Cincuenta sirenas a la vez invadieronel aire: aquel día era víspera de fiesta, y eltrabajo cesaba. Antes que hubiera cambioalguno en el puerto, unos hombres minús-culos alcanzaron, como exploradores, lacarretera recta que conducía a la ciudad, ybien pronto la cubrió la multitud, lejana ynegra, en una baraúnda de claxons: pa-tronos y obreros abandonaban juntos eltrabajo. Venían como al asalto, con esegran movimiento inquieto de toda mul-titud contemplada a distancia. Gisorshabía visto la huida de los animales ha-cia los arroyos, a la caída de la tarde:uno, algunos, todos precipitados haciael agua por una fuerza que descendía conlas tinieblas; en su recuerdo, el opio dabaa aquella marcha cósmica una armoníasalvaje, y los hombres, perdidos en lalejana baraúnda de sus zuecos,parecíanle todos locos, separados deluniverso cuyo corazón, latiendo en al-guna parte, allá arriba, en la luz palpi-tante [290] los acogía y volvía a arrojarlosa la soledad, como granos de una mies des-conocida. Ligeras, muy elevadas, las nu-bes pasaban por encima de los pisos som-bríos y se reabsorbían poco a poco en clcielo; y le pareció que uno de sus grupos,aquél precisamente, expresaba a los hom-bres a quienes había conocido o amado yque habían muerto. La humanidad eraespesa y pesada; pesada de carne, desangre, de sufrimiento, eternamenteadherida a sí misma, como todo loque muere; pero, aun la sangre, aunla carne, aun el dolor, aun la muertese reabsorbían allá arriba en la luz,como la música en la noche silencio-sa; pensó en la de Kama, y el dolorhumano le pareció ascender y perder-se como el canto mismo de la tierra;sobre la paz estremecida y oculta enél, como su corazón, el dolor poseí-do volvía a cerrar con lentitud susbrazos inhumanos.

—¿Fuma usted mucho? —repitióMay.

Se lo había preguntado ya, peroél no la había oído. Su mirada vol-vió a la habitación.

—¿Cree usted que no adivinolo que piensa, y que no lo sé me-jor que usted? ¿Cree usted, ade-más, que no me ser ía fác i l p re -guntar le con qué derecho se per-mite juzgarme?

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Le regard s’arrêta sur elle

— N’avez-vous aucun désir d’unenfant?

Elle ne répondit pas: ce désir toujourspassionné lui semblait maintenant unetrahison. Mais elle contemplait avecépouvante ce visage serein. Il luirevenait en vérité du fond de la mort,étranger comme l’un des cadavres desfosses communes. Dans la répressionabattue sur la Chine épuisée, dansl’angoisse ou l’espoir de la foule,l’action de Kyo demeurait incrustéecomme les inscriptions des empirespr imi t i f s dans les gorges desfleuves. Ma i s même l a v i e i l l eChine que ces quelques hommesavaient jetée sans retour aux ténèbresavec un grondement d’avalanchen’était pas plus effacée du monde quele sens de la vie de Kyo du visage deson père. Il reprit :

— La seule chose que j’aimais m’aété arrachée, n’est-ce pas, et vousvoulez que je reste le même.Croyez-vous que mon amour n’ait pasvalu le vôtre, à vous dont la vie n’amême pas changé?

— Comme ne change pas le corpsd’un vivant qui devient un mort...

Il lui prit la main

— Vous connaissez la phrase: « Ilfaut neuf mois pour faire un homme,et un seul jour pour le tuer. » Nousl’avons su autant qu’on peut le savoirl’un et l’autre... May, écoutez: il ne fautpas neuf mois, il faut soixante ans pourfaire un homme, soixante ans desacrifices, de volonté, de... de tant dechoses! Et quand cet homme est fait,quand il n’y a plus en lui rien del’enfance, ni de l’adolescence, quand,vraiment, il est un homme, il n’est plusbon qu’à mourir. [345]

Elle le regardait, atterrée; luiregardait de nouveau les nuages

— J’ai aimé Kyo comme peud’hommes aiment leurs enfants, voussavez...

Il tenait toujours sa main: il l’amenaà lui, la prit entre les siennes :

— Écoutez-moi : il faut aimer lesvivants et non les morts.

— Je ne vais pas là-bas pour aimer.

Il contemplait la baie magnifique,saturée de soleil. Elle avait retiré samain.

La miró.

—¿No tiene usted ningún deseo de unhijo?

May no respondió: aquel deseo, siem-pre apasionado, le parecía entoncesuna traición. Pero contemplaba cone s p a n t o a q u e l r o s t r o s e r e n o .Gisors volvía, en verdad, del fondo_______________________________de la fosa común. En la represiónabatida sobre la China agotada; enla angust ia o la esperanza de lamultitud, la acción de Kyo conti-nuaba incrustada, como las inscripcio-nes de los imperios primitivos en lasgargantas de los ríos. Pero hasta la vie-ja China, a la que aquellos hombreshabían arrojado, sin remisión, a las ti-nieblas, con un gruñido de avalancha,no estaba más borrada del mundo queel sentido de la vida de Kyo del rostrode su padre. Continuó:

—La única cosa que amaba me hasido arrancada, ¿no es cierto?, y quiereusted que continúe siendo el mismo.¿Cree que mi amor no ha valido tantocomo el suyo, el de usted, cuya vida nisiquiera ha cambiado? [291]

—Como no cambia el cuerpo de unvivo que se convierte en muerto...

Gisors le cogió una mano.

—Ya conoce usted la frase: «Se nece-sitan nueve meses para hacer un hombre,y un solo día para matarlo.» Lo hemossabido tanto como puede saberse, el unoy el otro... May, escúcheme: ¡no se nece-sitan nueve meses; se necesitan cincuen-ta años para hacer un hombre; cincuentaaños de sacrificio, de voluntad, de... tan-tas cosas! Y, cuando ese hombre está he-cho; cuando ya no queda en él nada de lainfancia ni de la adolescencia; cuando,verdaderamente, es un hombre, no sirvemás que para morir.

Ella le miraba, aterrada; él contempla-ba las nubes.

—He querido a Kyo como pocoshombres quieren a sus hijos: usted losabe...

Retenía la mano de May; la atrajo ha-cia él y la tomó entre las suyas.

—Escúcheme: hay que amar a los vi-vos, y no a los muertos.

—No voy a Moscú para amar.

Gisors contemplaba la bahía magnífi-ca, saturada de sol. Ella había retirado sumano.

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— Sur le chemin de la vengeance,ma petite May, on rencontre la vie...

— Ce n’est pas une raison pourl’appeler.

Elle se leva, lui rendit sa main ensigne d’adieu. Mais il lui prit le visageentre les paumes et l’embrassa. Kyol’avait embrassée ainsi, le dernier jour,exactement ainsi, et jamais depuis désmains n’avaient pris sa tête.

— Je ne pleure plus guère,maintenant, dit-elle, avec un orgueilamer. [346]

—En el camino de la venganza, mibuena May, se encuentra la vida...

— N o e s u n a r a z ó n p a r al l a m a r l a .

Se levantó y le dio la mano, en señal dedespedida. Pero él le tomó el rostro entrelas manos y lo besó. Kyo la había besadoasí, el último día, exactamente así, y nun-ca, desde entonces, las manos de nadie ha-bían vuelto a tomar su cabeza.

— A p e n a s l l o r o y a —d i j o M a y , c o n a m a r g oo r g u l l o . [ 2 9 2 ]