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ALAIN LALLEMAND

L'ORGANIZATSIYA

La mafia russe à l'assaut du monde

CALMANN-LÉVY

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ISBN 2-7021-2653-7 @ CALMANN-LÉvy, 1996

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À Anton et Jonas

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SOMMAIRE

Introduction. Vor v zakone, le « voleur dans la loi » 11 Ce que l'on nomme « mafia russe », 13. — Le plomb et l'argent, 15. — Le code d'honneur, 17. — La « guerre des chiennes », 20. — Structures de la hiérarchie mafieuse russe, 22. — Tentative de taxinomie, 24.

1. Brooklyn 31 La chaîne de pâquerettes, 35. — Balagula, l'« ami » de Gorbat- chev, 39. — La déroute italienne, 41. — La traversée de l'Atlanti- que, 44. — L'étrange M. Shabtai Kalmanovitch, 45. — Balagula : la curée, 47. — Les Russes arrivent !, 50. — La seconde vague mafieuse, 52. — Frères de sang, 56. — Elson, 57. — Le sang des frères, 58. — Tuez « Vova », 60.

2. Anvers 64 Fraudes au diamant brut, 66. — Brandwain, l'homme aux doigts d'or, 68. — Kirschen & Co, 71. — Brandwain-Nayfeld : une alliance durable, 73.

3. Berlin 76 Les intouchables, 78. — Du plutonium sur le vol de Moscou, 81. — Déchaînement de violence, 84. — Les amitiés particulières, 86. — Malamud, Ben Ari, Fanchini, 89. — Marianaschvili, 92. — Colonel général à vendre, 97. — La bombe Zhilin, 100.

4. Mike & Sacha International 104 Passer à la vitesse supérieure, 105. — Les yeux plus grands que la Russie, 109. — Svo, 112. — Éléments à charge, 114. — La nouvelle vie de Richard, 117. — Tilipman, le complice de Mos- cou, 121.

5. Moscou 125 Il reste 22 000 gangs, 128. — Qui tient Moscou ?, 131. — Ivan- kov, 134. — Kvantrichvili, 140. — Le propriétaire, maintenant,

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c'est la mafia !, 143. — Le temps des compromis, 145. — L'Créai, Transworld..., 148. — Slava, le paravent du « Japonais », 150. — Gendarme et voleur, 154. — Un mystérieux attentat, 157. — La rencontre de Paris, 159.

6. Vilnius 163 Ils ont tué Lingys, 165. — La Brigade, 167. — La piste Kaplan, 168. — Le bouclier humain, 170. — M + S Vilnius, 173. — Une alliance de bon sens, 176. — Qui est le voleur?, 179. — Des amitiés difficiles à réfuter, 180. — La rencontre de Riga, 184. — Le dossier Smushkevich, 186. — Le dernier souffle de la Brigade, 189.

7. Tel-Aviv 194 Une guerre des gangs ?, 195. — Le clan Alperon, 198. — À la croisée des criminalités russe et israélienne, 200. — L'épouvan- tail, 203. — Noël en Israël, 205. — La loi du retour, 207. — La petite France en terre d'Israël, 210. — 650 kilos de poudre, 212. — Trahis par leurs tickets d'avion, 214. — Vyborg, une tonne de cocaïne dans le corned-beef, 216. — Le retour de M&S internatio- nal, 219.

8. Manhattan 224 La guerre aux Russes, 227. — Les gangs actifs aux États-Unis, 229. — Les infiltrants, 232. — De la neige dans mon téléviseur, 233. — Ils ont tout compris, 236. — Nayfeld devant ses juges, 239. — La Pologne à 12 000 dollars le ticket, 242.

Épilogue. Demain, le monde... 247 Moscou, avril 1994, 247. — Fano (Italie), mars 1995, 251. — Brooklyn, juin 1995, 253. — Newark (New Jersey), octobre 1995, 256. — Manhattan, décembre 1995, 257. — Monaco, mai 1996, 258.

Notes 259

Annexes 269 Principaux personnages et sigles, 271. — Glossaire, 276. — Les tatouages du Vor, 279. — Bibliographie, 291. — Remerciements, 292.

Index 295

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Introduction

VOR V ZAKONE, LE « VOLEUR DANS LA LOI »

Voici l'histoire inachevée d'un gang issu de la criminalité organisée russe internationale. Un clan que le FBI, faute de mieux, baptisera « Organisation Rachmiel Brandwain », et tiendra pour l'un des neuf groupes mafieux russes les plus actifs de par le monde. S'il est aisé d'affirmer que le monde est un jeu d'Othello où l'argent noir corrompt l'argent blanc, le récit de ce livre en achève la démonstration.

À la source, il y a deux hommes que tout sépare et qui, pourtant, se lieront en affaires et d'amitié entre 1987 et 1994. La vie du premier, Boris Nayfeld, biélorusse, se lit à travers les actes judiciaires qui ponctuent son existence d'avtoritet : trafics de stupéfiants, tentative d'assassinat, extorsions. L'existence du second, Rachmiel Brandwain, ukrainien d'origine, trader libre et toujours actif en Europe, nous a été régulièrement racontée par l'intéressé lui-même, durant un an et demi de rencontres et d'entretiens portant sur sa vision — équivoque mais excellemment documentée - de la mafia russe. Brandwain et Nayfeld incarnent mieux que quiconque la rencontre du commerce légitime y- mâtiné sans doute de fraudes et trafics mineurs, mais étranger au contexte mafieux — et de la criminalité organi- sée authentique.

Leurs comparses, Otari Kvantrichvili, Vyacheslav Ivankov, Marat Balagula, Boris Dekanidzé, Rafael Bagdasarian, Efim Laskin, incarnent eux, sans le moindre doute, le gratin de la criminalité russe, de Brooklyn à Moscou, de Vilnius à Berlin. Et lorsque de nouvelles figures émergent — « le Taïwa- nais » —, c'est encore vers Brandwain et Nayfeld que les analystes se tournent pour tenter de comprendre.

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De quoi s'agit-il ? Peut-être tout simplement de l'histoire d'une poignée d'hommes — une vingtaine tout au plus — qui ont fait trembler sinon le monde, du moins plusieurs États occidentaux de première importance. Une poignée d'hommes, dont Brandwain sera en définitive la victime, et qui, en quel- ques années, ont gagné le pari de régenter l'Unterwelt, de s'allier avec La Cosa Nostra et les cartels colombiens, bref, de rendre intercontinentale une confédération criminelle au- trefois lâche et évanescente. L'assassinat de Vyacheslav Lyu- barsky à Brooklyn, ce sont eux ; la tonne de cocaïne de Vy- borg, encore eux ; l'assassinat de notre confrère Vitas Lingys à Vilnius, toujours eux. Si on en croit les analystes du BKA, du MVD et du FBI, des dizaines, voire des centaines de meur- tres, portent leur griffe — de Moscou à Berlin, de Los Ange- les à Paris. « Ils » sont donc les artisans véritables, les seuls signataires du rapprochement entre mafia italo-américaine et mafia russe.

Si l'histoire que tente de reconstituer cet ouvrage est à ce jour sans précédent, c'est que les règles du jeu le sont égale- ment : aucune des mafias italiennes, aucun cartel colombien, pas le moindre yakuza, soldat de triade ou buyuk baba d'Is- tanbul n'avait utilisé avec la même constance une société commerciale qui servirait, d'un bout à l'autre du monde, à épauler ses activités criminelles ou simplement frauduleuses. Par nature, une société paravent ne sert que le temps d'être découverte. Or l'itinéraire économique proposé dans ces pages, autour de la société M&S international et de ses satel- lites nationaux, a ceci de particulier qu'il fait escale dans les nœuds et carrefours financiers d'une des criminalités les plus obscures, les plus inquiétantes de notre fin de siècle : la crimi- nalité organisée issue des États de l'ancienne Union soviéti- que. Cette aventure nous permet d'emmener le lecteur dans les dédales du milieu russe de Brighton Beach, de la Brigade de Vilnius, des gangs slaves de Moscou, des boîtes aux lettres et villas somptueuses de la banlieue d'Anvers ou des échop- pes du centre de Berlin. Il n'y a pas de monolithe criminel « russe », mais une diversité en chaque État déclinée. Par ail- leurs, que nous importe de découvrir les coulisses de relations commerciales ou criminelles si elles ne nous éclairent pas sur

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les besoins et modes de pensée de leurs auteurs ? Une fois disséquée la genèse de la mafia russe hors URSS, en l'occur- rence dans la banlieue est de New York, l'enquête nous mè- nera ainsi sur ces passerelles tendues entre trafiquants de dro- gue et racketteurs, escrocs aux produits pétroliers et tueurs à gages, trafiquants d'électronique et contrebandiers en ciga- rettes.

Ce que l'on nomme « mafia russe »

Il n'y a pas à proprement parler de « mafia russe », mais un brassage de Géorgiens, de Moscovites, de Polonais, d'Is- raéliens, d'Ukrainiens, d'Allemands, d'Américains, de Tché- tchènes, de Belges, de Lituaniens, de Biélorusses et de Co- lombiens. En définitive, l'appellation «russe» a l'unique mérite de souligner que Moscou reste un des points — sinon le point d'ancrage mondial — de cette criminalité.

En revanche, nous nous attarderons sur la souche culturelle que revendiquent les tenants de cette histoire, tout en désa- morçant une polémique qui n'a pas lieu d'être. Juifs ? Les déclarations religieuses des personnes concernées n'engagent qu'elles, mais il serait déplacé d'oublier qu'à l'époque de Leonid Brejnev, des hommes sans foi particulière ont abusé de la diaspora israélite, et opéré une conversion religieuse aussi subite qu'inattendue pour quitter plus aisément le terri- toire soviétique. L'URSS en a elle-même profité pour dissé- miner à l'étranger quelques-uns des individus qu'elle ne sou- haitait plus héberger. On se gardera bien, du reste, d'assimiler religion et nationalité, origine familiale et conviction person- nelle, de confondre promiscuité géographique ou linguistique et proximité de cœur. Dès lors, dans ce récit, seule la nationa- lité est a priori pertinente, l'appartenance religieuse déclarée ou présumée n'étant relevée que dans les cas où elle joue un rôle déterminant : déclaration de foi spontanée ; usage, par les criminels mêmes, de l'argument religieux ; etc. Ce n'est pas, en l'occurrence, un point de détail : comme on le verra, la criminalité israélienne est complémentaire de la criminalité russe, elle en est même aujourd'hui la prolongation, et Tel-

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Aviv joue un rôle central dans l'organisation mafieuse qui nous intéresse.

Cela posé, toute équivoque devait être levée d'emblée.

S'il n'est pas légitime de recouvrir tout ce petit monde du manteau « russe », peut-on au moins parler de « mafia » ? En réalité, hors contexte palermitain, il n'existe pas, stricto sensu, de mafia, laquelle désigne d'ailleurs une réalité judi- ciaire de la fin du xixe siècle. Il n'est même pas certain qu'en Italie l'idée d'une filiation entre les mafias de 1880 et les mafias actuelles soit fondée. Alors ? D'un point de vue plané- taire, « mafia » est désormais un terme général, à destination médiatique, voué à la désuétude parce qu'il n'est pas soutenu par une taxinomie rigoureuse et exclusive. On lui préférera donc l'expression de « criminalité organisée », laquelle recouvre une réalité judiciaire précise et condamnable. Ce sont les Allemands du BKA qui, les premiers, en ont tenté une définition, trop longue pour être utilisable. Elle a alors été réduite à une somme de caractéristiques, qui affirment, en substance : la criminalité organisée est la perpétration plani- fiée d'infractions d'une importance considérable, motivée par le profit ou le pouvoir, où deux personnes au minimum agissent ensemble durant une période assez longue. Elle suppose, en outre, qu'il y ait répartition du travail et usage de structures commerciales, et cela tout en ayant recours à la violence (ou à d'autres moyens d'intimidation), ou en exerçant de l'influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou la vie économique.

Pour le reste, le terme « mafia » devrait se limiter à un usage officieux, péjoratif et lapidaire.

Une dernière mise au point : la « mafia russe », identifiée par les parquets de l'ensemble du monde occidental, n'est pas exactement la mafia soviétique de Vaksberg 1. La criminalisa- tion d'un régime — ou plutôt de certains de ses représen- tants —, son implosion par la déliquescence délibérément mise en œuvre de ses idéaux fondateurs est, de fait, une des voies susceptibles de mener au contre-développement ma- fieux, mais elle n'en incarne pas le stade terminal. Il ne faut pas, à notre sens, confondre les deux polarités du phéno-

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mène : d'une part, un système politique et économique à l'en- can et, d'autre part, un « Unterwelt » prêt à lui donner l'as- saut. Certes, les passerelles existent, elles vont même en se multipliant : le parrain de l'Organizatsiya, Vyacheslav Ivan- kov, bénéficiait d'appuis politiques qui ont facilité sa relaxe prématurée de Touloun et sa fuite vers les États-Unis ; le lea- der de la Brigade de Vilnius, Boris Dekanidzé, jouissait de la datcha lettonne de Boris Pugo, l'un des auteurs du putsch manqué d'août 1991. Mais la mafia soviétique dont parle Vaksberg n'avait, elle, aucun intérêt à se confondre avec la véritable criminalité organisée internationale. Elle aurait tout d'abord mis en péril son image de respectabilité gouverne- mentale et de légitimité nationale, et elle aurait dû partager, sans doute, un trésor fort particulier : le patrimoine d'une grande puissance échouée. Inimaginable.

Cohabitent ainsi deux mondes distincts : les stratèges de l'Organizatsiya ne sont heureusement pas ceux du Kremlin, même s'ils ont tous deux pignon sur la place Rouge.

Le plomb et l'argent

La majorité des pièces du puzzle que nous publions aujour- d'hui ont déjà été mises au jour, notamment par les médias russes, allemands et américains. Mais jamais la vision n'a été globale, et ce pour différentes raisons nationales. Côté russe, c'est la rétention d'informations originaires de Moscou et la méfiance des forces de l'ordre occidentales qui expliquent l'isolement du ministère russe de l'Intérieur (MVD), ainsi que le caractère fragmentaire de l'analyse. La tradition de secret absolu de l'Allemagne, tant au niveau des Lânder que de la fédération, ne permet quant à elle que de maigres fuites en direction de la presse. L'Allemagne est sans doute le pays qui a le mieux cerné ce problème de la « mafia russe », et c'est pourtant l'un des États où la communication officielle est la plus réduite. Quant aux Américains, leur stratégie de « protection de témoins » et le peu d'intérêt qu'ils marquent pour l'analyse policière hors de leurs frontières sont les seules limites qu'ils posent à l'information, mais celles-ci sont strictes.

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En conséquence, aucun ouvrage sur la criminalité russe ne peut faire l'économie d'une introduction générale sur ce phé- nomène.

À la fin de 1994, à l'heure du sommet de Naples contre la criminalité organisée internationale, l'agence italienne de presse Ansa a tenté de synthétiser en quelques chiffres l'im- portance relative des différentes factions mafieuses de par le monde. Ansa estimait que la mafia italienne se composait alors de 20 000 affiliés réels et de plusieurs dizaines de mil- liers d'intermédiaires : 5 000 affiliés et 180 familles pour La Cosa Nostra sicilienne, 6 000 à 7 000 affiliés répartis en une centaine de clans pour la Camorra napolitaine, 5 000 affiliés pour 150 associations criminelles regroupées dans la 'Ndran- gheta calabraise, la Sacrée Couronne unie des Pouilles récol- tant 1 000 affiliés ventilés dans une cinquantaine de sociétés. En 1993, 1 008 meurtres liés au crime organisé italien ont été enregistrés dans la péninsule.

Aux États-Unis, La Cosa Nostra regroupe 25 familles, ri- ches de 3 000 soldats.

Au Japon, les yakuzas représentent 90 000 gangsters répar- tis en 3 400 clans. Le seul Yamaguchi-gumi est fort de 23 000 associés.

La Chine semble hors concours : 50 triades se partagent la seule ville de Hongkong. La plus importante de ces triades, Sun Yee On, compte déjà 30 000 associés ; le crime organisé chinois est à la démesure du pays.

Quant à la Russie, elle concentre 5 700 gangs, dont 3 500 de type mafieux, représentant un total approximatif de 100 000 criminels. Mikhaïl Yegorov, chef du département russe de lutte contre la criminalité organisée, s'exprimait en ces termes devant le Sénat américain, en mai 1994 : « Alors qu'en 1990 la Russie abritait 785 groupes [criminels] organi- sés, maintenant nous en avons 5 691. La direction de ces groupes est incarnée par quelque 3 000 chefs criminels, parmi lesquels 279 parrains du crime. Selon nos renseignements, 926 groupes ont formé 155 associations criminelles, regrou- pant chacune de 70 à 300 personnes. Le nombre [total] de participants actifs à ces groupes criminels atteint approximati-

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vement 100 000 personnes. La criminalité organisée a réelle- ment un caractère interrégional, et plus de 300 groupes orga- nisés opèrent à l'étranger. [...] Jusqu'en 1989, si on en croit les statistiques officielles, il était impossible d'avoir une quel- conque forme de criminalité organisée en Russie. Mais elle existait pourtant. [...] En 1993, nous avons commencé des enquêtes sur 5 000 cas et traîné en justice 11 000 membres de groupes criminels organisés. Parmi ceux-ci se trouvaient 1 200 chefs mafieux. »

Deux ans plus tard, le 15 mai 1996, devant ce même Sénat américain, le numéro deux du ministère de l'Intérieur russe Igor Nikolayevich Kozhevnikov parlera de 22 000 gangs et 94 000 gangsters.

Numériquement, la criminalité organisée russe telle qu'elle nous apparaît à l'heure actuelle n'est donc pas, et de loin, la plus préoccupante. Les situations japonaise ou chinoise sont bien plus alarmantes. Mais la criminalité russe bénéficie, elle, d'un mouvement dynamique : depuis la fin des années quatre- vingt, elle est portée par une ouverture économique et cultu- relle vers l'Occident. Une fois encore, ce n'est pas la crimina- lité pure qui est à ce point inquiétante, mais la combinaison détonnante du « plomb et de l'argent », du crime et des « af- faires » légitimes.

Comme nous le verrons, notamment lors de la dénonciation par l'Allemagne des trafics de matériaux nucléaires originai- res de l'ex-Union soviétique, l'émotivité n'est pas absente de ce débat de sécurité publique, émotivité alimentée — générée, pourrait-on presque écrire — par la méconnaissance du phé- nomène.

Le code d'honneur

Lebedev2, cité par Joseph Serio3, consultant américain en sécurité établi à Moscou, rapporte que les premiers signes de structuration hiérarchique et de division du travail au sein du milieu criminel russe remontent à la fin du xixe siècle. Mais leur véritable essor ne se serait manifesté qu'au lendemain de la révolution de 1917, les opposants politiques au nouveau régime souhaitant alors infiltrer et contrôler les milieux crimi-

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nels classiques afin d'augmenter l'insécurité ambiante et de renforcer le chaos. Ils prirent le nom de Zhigani, et édictèrent une loi morale — presque politique —, dont voici le code lapidaire : ne pas prendre part à l'activité de la société ; ne pas avoir de famille ; ne pas prendre les armes pour le compte de l'État ; ne pas coopérer avec les autorités à titre de témoin ou de victime ; obligation, enfin, de contribuer financièrement à un fonds commun.

Cette greffe improbable du militant et du délinquant con- naîtra rapidement ses limites pour déboucher, au cours des années vingt et trente, sur un divorce entre la base — les urki — et les candidats-décideurs, les zhigani. Revenant alors à une conception plus classique — prérévolutionnaire, en quel- que sorte — du milieu criminel, les urki n'eurent de cesse d'établir un code d'honneur propre, dont l'application était surveillée par des « voleurs professant le code » (traduction libre de Joseph Serio) ou, plus littéralement, des « voleurs dans la loi » : vory v zakone (au singulier : vor v zakone).

V Quel code, quelle loi ? À cet égard, les perceptions des

différents auteurs divergent fortement. Joseph Serio rapporte dix-sept règles constituant le nouveau code :

1. Le voleur doit tourner le dos à sa famille (mère, père, frères, sœurs). La communauté criminelle est sa seule famille.

2. Un voleur n'a pas le droit d'avoir de famille (femme et enfants).

3. Un voleur n'a pas le droit de travailler, il ne peut vivre que du fruit de ses activités criminelles.

4. Un voleur doit donner assistance morale et matérielle aux autres voleurs via le fonds commun ou obshchak.

5. Un voleur ne doit livrer d'informations sur des compli- ces et leur points de chute que dans la plus grande confiden- tialité.

6. Si un voleur fait l'objet d'une enquête, l'autre voleur doit prendre la responsabilité de le « couvrir », de lui laisser le temps de s'enfuir.

7. Lorsqu'un conflit surgit dans un groupe criminel ou entre voleurs, une rencontre doit être organisée pour résoudre le conflit.

8. Lorsque cela est nécessaire, un voleur doit participer à

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cette rencontre pour juger un autre voleur, si la conduite ou le comportement de celui-ci apparaissent critiquables.

9. La punition à l'égard du voleur, décidée lors de cette rencontre, doit être accomplie.

10. Un voleur doit être à même de parler l'argot des vo- leurs.

11. Un voleur ne doit pas prendre part à une partie de cartes s'il n'a pas l'argent nécessaire pour payer.

12. Un voleur doit enseigner son « art » aux novices. 13. Un voleur devrait toujours garder sous influence un

« boy » ou shestiorka. 14. Un voleur ne doit pas perdre sa lucidité lorsqu'il boit

de l'alcool.

15. Un voleur ne doit jamais, en aucun cas, se lier aux autorités ; un voleur ne participe pas à la vie sociale ; et un voleur ne doit pas participer à des associations sociales.

)6 . Un voleur ne doit pas accepter d'armes de la part de l'Etat et ne doit pas servir dans l'armée.

17. Un voleur doit remplir toutes les promesses faites à d'autres voleurs.

(J. Serio, op. cit.)

Telle est la vision apparemment factuelle et froide du vor v zakone. Elle est, en fait, teintée de romantisme. Un auteur comme Varlam Chalamov, qui a connu, lui, les camps de réé- ducation par le travail de l'époque stalinienne, en brosse un portrait plus acide : « Un truand vole, boit, fait la noce, la fête, joue aux cartes, berne les caves, ne travaille ni en liberté ni en détention, massacre les renégats, participe aux tribunaux d'honneur qui règlent les questions essentielles de la vie sou- terraine. Il garde les secrets de la pègre (et il y en a beau- coup), aide ses camarades de l'ordre, recrute et éduque les jeunes, veille à ce que la loi du milieu demeure immuable. Le code n'est pas compliqué. Mais avec les siècles, il a proli- féré en milliers de traditions, de coutumes sacro-saintes, à la stricte observance desquelles veillent scrupuleusement les gardiens des préceptes de la pègre. Les truands sont de grands talmudistes. Afin d'assurer une meilleure application des lois, on organise de temps à autre des assemblées générales secrè- tes, où l'on prend des décisions dictant des règles de conduite

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adaptées aux nouvelles conditions de vie, et où l'on élabore, ou plutôt l'on entérine, les changements de vocabulaire dans le lexique continuellement mis à jour des truands, le "jars" de la pègre4. »

De plus, Chalamov explique comment le code des vory va se dissoudre au cours de la Seconde Guerre mondiale : un des fondements incontestés du code d'honneur est le refus de toute participation à l'activité sociale, de toute soumission à l'ordre établi. Les tatouages (cf. Annexes) en sont l'illustra- tion la plus frappante. Or, aux premières années de la guerre, en contrepartie d'une promesse de libération, nombre de « vo- leurs dans la loi » vont accepter de porter l'uniforme pour défendre leur pays et être intégrés à des unités de renfort. Chalamov, tout comme Dyomin5, cite l'exemple de l'armée de Rokossovski où seront incorporés différents éléments cri- minels. Il s'agissait bien là d'une soumission à l'autorité de l'État.

La « guerre des chiennes »

Mais après-guerre, en 1947, la législation soviétique sur le vol et la propriété privée renforce considérablement les peines prévues pour les simples délits. Les tribunaux de droit com- mun ont à nouveau la main lourde, avec un effet inattendu sur la vie en camp de travail : bon nombre des anciens vory qui avaient tout à la fois prêté serment de rébellion perma- nente contre l'État et porté les armes (et — en conséquence — été libérés par l'Administration soviétique), se retrouvent à nouveau dans les camps de Staline. Débute alors la « guerre des p... » ou « guerre des jaunes », selon les différentes tra- ductions, et que nous appellerons, à l'instar de Sophie Be- nech, la « guerre des chiennes » : ceux qui sont restés in- flexibles face aux sirènes de l'État n'acceptent pas de soutenir la « trahison des chiennes ». S'ensuivent de sanglants règle- ments de comptes entre détenus, ce qui n'était pas pour dé- plaire à l'administration pénitentiaire.

Les conséquences de cette guerre divisent à nouveau les analystes : le bain de sang a-t-il atteint de telles proportions qu'il ait fallu réformer le code pour que la communauté cri-

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minelle survive — ce qui est la vision d'un Joseph Serio ? Ou bien les « chiennes » ont-elles tout simplement acquis leur indépendance, comme le suggère Varlam Chalamov ? Ce qui est certain, c'est qu'un tournant a été pris en 1948, les vory de tous bords acceptant désormais dans certains cas extrêmes une forme de coopération limitée avec l'État. Cette année-là, Chalamov était lui-même dans les camps : sa vision person- nelle de l'issue du conflit est donc irremplaçable. Il constate, d'une part, qu'il y avait, dans les rangs des « chiennes », des personnalités fortes du monde du crime ; et que, d'autre part, l'engagement au front répondait au goût du danger cher aux truands. Les « chiennes » n'étaient donc pas perçues comme des lâches, mais conservaient au contraire leur aura et leur amour-propre. En conséquence, dès 1948, dans la prison de transit de la baie de Vanino, un truand baptisé « Le Roi » aurait édicté une nouvelle loi permettant aux vory d'endosser certaines responsabilités administratives. Le mouvement s'est rapidement propagé aux autres centres de détention.

C'est ainsi que s'ouvre le deuxième volet de la « guerre des chiennes » : les adeptes du nouveau code d'honneur vont réagir aux exactions qui leur ont été infligées et imposer, à leur tour, de nombreuses conversions formelles. Forts du pôle alternatif qu'ils représentent et de l'influence morale du Roi, les tenants du code des chiennes vont forcer les vory tradi- tionnels à se convertir en embrassant la lame d'un couteau, ou à périr. Toujours selon Chalamov, après un an de cette nouvelle guerre — nous sommes en 1949 ou en 1950, et Cha- lamov est libéré en 1953 — apparaît finalement une troisième et ultime tendance : les « sans limites ». L'autorité soviétique considère alors — mais admettra ultérieurement qu'il s'agis- sait d'une erreur d'appréciation — que l'époque des vory est révolue.

S'il existe encore à l'heure actuelle quelque 700 vory v zakone de par le monde — dont près de 400 dans la seule Russie —, ceux-ci s'alignent désormais avec plus ou moins de liberté sur le code d'honneur initial. Joseph Serio remarque que les Géorgiens, par exemple, ne font une apparition signi- ficative dans les rangs de la congrégation des vory qu'au début des années soixante-dix, sans véritable tradition histori-

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que. En conséquence, plutôt que de gagner le titre de vor par une existence digne des préceptes du voleur, il arrive que les Géorgiens l'achètent... Dans le milieu géorgien, un vor âgé de vingt ans seulement, ce n'est plus inimaginable. Alors qu'on en cherchera en vain dans les rangs des vory russes authentiques.

Nous voilà bien loin de la représentation romantique et littéraire du « voleur dans la loi ».

Structures de la hiérarchie mafieuse russe

Si le vor représente effectivement l'échelon le plus élevé de la hiérarchie — ce qu'attestent la plupart des sources —, il n'y aurait donc pas de « coupole » à la sicilienne qui réu- nisse et renforce les gangs. Seule la négociation, et certaines missions temporaires auraient un effet mobilisateur. Par défi- nition, la criminalité russe manquerait donc de structures fé- dératrices.

Dans ces conditions, que trouve-t-on en dessous du vor ? Le FinCEN américain (Financial Crimes Enforcement Net- work) rapporte un seul schéma de cette infrastructure crimi- nelle 6 : un « parrain » — le vor — commande un « briga- dier », lequel commande à son tour quatre cellules aux fonctions distinctes : drogue, prostitution, contacts politiques, combattants. Le brigadier, lui, est encadré de deux « espions » sous autorité directe du parrain, qui contrôlent sa loyauté et surveillent une éventuelle concentration de pouvoir trop im- portante entre les mains du subalterne.

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L'analyse soviétique classique rejoint approximativement cette approche américaine, soulignant le cloisonnement entre le sommet et la base. Un auteur russe abondamment cité, Dol- goya 7, évoque une structure pyramidale où stratégie crimi- nelle et planification appartiennent à l'élite, tandis que l'exé- cution pratique est laissée à de petits délinquants. Entre les deux strates se trouve le niveau de logistique et de sécurité, qui transmet l'ordre venu d'en haut sans permettre à la base d'identifier le commanditaire réel des opérations. Dans cer- tains cas, précise Dolgova, la base n'est même pas avertie de l'existence d'une élite.

Se fondant sur ses propres recherches, l'Américain Joseph Serio développe pour sa part une troisième approche, propre aux structures en vigueur à l'intérieur des prisons, et qui re- coupe les deux précédentes : il distingue un premier niveau de pouvoir, celui du vor, chargé de cinq fonctions fondamen- tales : l'information (c'est lui qui connaît les nouveaux déve- loppements criminels, les nouvelles nominations, etc.), l'or- ganisation (il planifie les opérations et délègue des pouvoirs spécifiques), la régulation (il supplée aux absences de diri- geants, règle les différends entres les groupes, veille au main- tien du code...), la fonction décisionnelle et enfin la gestion de l' obshchak ou fonds commun. En outre, ce dernier est alimenté par le produit des infractions, par les amendes pour violation du code d'honneur et par les contributions des enti- tés associées au gang (sociétés commerciales, associations, etc.). Son importance doit être en relation avec l'importance morale du vor. Il est utilisé à des fins de corruption, d'achat

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de nourriture, alcools et stupéfiants pour les prisonniers ; d'organisation et de soutien logistique des activités criminel- les ; d'assistance aux familles des prisonniers.

Le second maillon du pouvoir est le conseiller ou sovetnik, qui connaît bien l'administration pénitentiaire et est à même de faire entrer dans l'enceinte du camp l'alcool, les stupé- fiants et les prostituées.

En dessous du duo constitué par le vor et son conseiller, se trouvent tous ceux qui travaillent à l'organisation pratique du groupe : ils sont responsables de l'organisation de l'approvi- sionnement (en stupéfiants, alcools...), de son stockage, et de la maintenance de l' obshchak.

Le dernier étage, enfin, est celui du porteur d'eau, de la petite main ou shestiorka.

Comment s'organisent ces groupes ? En pratique, et à l'ex- ception du particularisme tchétchène, aucune classification ethnique ou géographique ne parvient à définir durablement le phénomène. D'ailleurs, les Tchétchènes représentent-ils vé- ritablement une faction de la « mafia russe », eux qui désor- mais ne reconnaissent plus l'autorité d'un seul vor v zakone ? Ils sont indiscutablement un élément essentiel de la crimina- lité organisée eurasienne, mais un élément trop singulier pour être représentatif. À titre d'exemple, ils seraient les seuls à avoir une structure pyramidale par-delà les gangs (cf. cha- pitre 1).

Quant aux autres groupes, s'il existe des typologies spécifi- ques et nationales élaborées par les polices russe (cf. chapi- tre 5) et américaine (cf. chapitre 8), ils ne se laissent enfermer dans aucun schéma applicable à la situation européenne.

Tentative de taxinomie

Faute de mieux, nous nous reporterons donc à l'un des rares documents qui aient tenté une approche planétaire : il s'agit d'un rapport de synthèse, toujours confidentiel à l'heure actuelle, élaboré par la section d'enquête criminelle du FB18, et auquel nous ferons plusieurs fois référence. Il énumère neuf groupes de criminalité organisée eurasienne, actifs dans le monde entier, hormis les États-Unis.

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En voici un extrait : « Les Tchétchènes. Les Tchétchènes sont devenus le

groupe de criminalité organisée [d'une minorité] ethnique le plus craint parmi la communauté criminelle internationale, disposant tout à la fois de "cerveaux" et de "muscles". Ils représentent l'ensemble le plus important de Moscou, avec quelque 1 500 membres. Si on y ajoute les membres actifs dans d'autres parties du pays, on atteint approximativement 3 000 personnes Cet ensemble est davantage structuré que la majorité des groupes eurasiens, utilisant une disposition hiérarchique stricte et soulignant les relations claniques. C'est une société fermée, qui ne recrutait à l'origine ses membres que parmi les Tchétchènes originaires de la région tchét- chène-ingouche du sud de la Russie.

« Les Tchétchènes sont impliqués dans l'extorsion et le meurtre sur contrat partout dans le monde. Ils se partagent le contrôle de la plus grande surface commerciale couverte de Moscou, sont actifs à la tête de la prostitution, ainsi que dans la contrebande à grande échelle de voitures vers la Russie, au départ de l'Allemagne et de l'Autriche. Moscou et Saint- Pétersbourg sont reconnus comme centres de l'activité crimi- nelle organisée des Tchétchènes.

« L'influence criminelle des groupes de criminalité organi- sée tchétchène s'est étendue aux militaires russes. On estime qu'en 1991 il y avait à peu près 1 700 Tchétchènes dans les rangs de l'armée, basés dans la région de Moscou. Beaucoup de ces contacts militaires étaient utilisés non seulement pour faciliter le trafic illégal de stupéfiants des groupes tchétchè- nes, mais aussi pour obtenir l'accès aux arsenaux d'armes dans le but de les voler et les revendre.

« En 1992, les enquêteurs russes ont empêché un puissant groupe criminel basé dans la région autonome de Tchétché- nie-Ingouchie de spolier la Banque d'État russe de 25 mil- liards de roubles, lesquels représentaient à l'époque environ

milliard de dollars. Par la corruption, le syndicat souhai- tait obtenir l'assistance de guichetiers de Moscou et d'autres villes pour accepter de fausses lettres de crédit. Plusieurs mil- lions de roubles en liquide avaient déjà été perçus par ces criminels avant que la police, alertée par des responsables bancaires suspicieux, mette fin aux opérations illégales. Si

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l'opération avait été menée à son terme, les enquêteurs pen- sent que le système monétaire russe se serait effondré.

« On pense que les Tchétchènes entretiennent nombre de sociétés paravents hors de Russie pour blanchir l'argent du trafic de stupéfiants. Ces sociétés sont implantées en Allema- gne, en Pologne, en Hongrie, en Grande-Bretagne et à New York. Les médias turcs et chypriotes citent les groupes de criminalité organisée tchétchène au titre de trafiquants de grandes quantités d'uranium, soi-disant volé à l'armée russe et vendu à des prix excessifs sur le marché international.

« Les Azéris. Ce groupe contrôlerait le trafic de stupéfiants à Moscou.

« Les Dolgoprudnensky. Ce groupe de criminalité organi- sée est constitué d'athlètes professionnels, spécialement des boxeurs et des lutteurs, aussi bien que d'anciens policiers. Les membres de ce groupe sont bien connus du large public par les mass media et bénéficient d'une certaine popularité. Ils font montre d'un "comportement civique" et sont réputés pour être acceptés par les autres groupes de criminalité orga- nisée eurasienne comme médiateurs de conflits.

« Le groupe contrôle le nord de Moscou, et se spécialise principalement dans l'extorsion et le racket de protection à Moscou et Saint-Pétersbourg. Leur activité inclut également le vol et le contrôle des casinos, et ils seraient fortement im- pliqués dans les crimes liés au logement et aux marchés auto- mobiles.

« Le groupe Uralmash : opère au départ du site industriel du même nom. Ce site, qui emploie des milliers de travail- leurs, était l'un des plus grands de la région de Iekaterin- bourg, et était depuis longtemps, selon les forces de l'ordre russes, un nœud des activités de marché noir. Durant les an- nées soixante-dix, deux frères ont mené une opération de con- trebande alimentée par des biens obtenus auprès de responsa- bles du site industriel. En contrepartie, leur gang — qui devint connu sous le nom d"'Uralmash" — alimentait par- dessous la table les responsables du site en biens que ceux-ci ne pouvaient acquérir ailleurs. Ils ont aussi mis sur pied des filiales qui achetaient directement les pièces auprès des chaî-

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nes de montage, ont pris le contrôle du mouvement de jeu- nesse de l'usine, ont établi leur propre équipe de football, leur propre restaurant, magasin de vêtements de sports et, semble- t-il, leur propre maison de courtage.

« Les meurtres de l'un des frères et de son associé seraient liés à la volonté de décrocher des contrats lucratifs dans le cadre de la privatisation des installations pétrolières à Iekate- rinbourg.

« (Le groupe d') Iekaterinbourg. Les membres de ce groupe, basé à Iekaterinbourg, sont impliqués dans l'import- export, l'industrie de la construction et la majorité des servi- ces financiers et bancaires d'Iekaterinbourg. Les membres de ce groupe sont impliqués dans des fusillades survenues en plein jour, et dans des explosions, rapts, fusillades et incen- dies inexpliqués. Les criminels d'Iekaterinbourg seraient ac- tifs à l'aéroport Domedovo à Moscou.

« La mafia de l'Azerbaïdjan. Centré sur l'Azerbaïdjan, ce groupe a de l'influence en Russie. Il est présumé contrôler les marchés agricoles et commerces de change à Saint-Pé- tersbourg. Le "parrain" supposé ou leader de la mafia d'Azer- baïdjan est un ancien [haut fonctionnaire national], représen- tant de l'Azerbaïdjan [auprès d'un organisme de droit international].

« [Les] Mogilevic(h) : structure ukrainienne dirigée par Semion Mogilevic, alias "Seva". Les activités de Mogilevic touchent Israël, la République tchèque, la Hongrie, l'Autriche et les États-Unis. La majorité des profits illicites de ce groupe proviennent de Budapest et sont blanchis en République tchè- que. Mogilevic organise tous les marchés noirs des anciennes Républiques soviétiques qui transitent par la République tchè- que, prioritairement vers l'Ouest. Son groupe réalise des tran- sactions d'armes — dont des armes de gros calibre —, de prostitution, de stupéfiants, de pierres précieuses, de blanchi- ment d'argent, et peut-être de matériaux radioactifs. Les membres sont recensés au titre de propriétaires de nombreux commerces, restaurants et projets immobiliers. Cependant, le but véritable de certains de leurs intérêts commerciaux serait le blanchiment d'argent sale.

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« Les "gros bras" de ce clan, dans la République tchèque, sont entraînés par des vétérans russes de la guerre d'Afgha- nistan. Dans le milieu de Prague, ils sont connus non seule- ment pour leur excellente condition physique mais aussi pour leur brutalité. Les "gros bras" participent parfois, de manière indépendante, au trafic de petites armes et aux opérations de chantage. La société paravent de « Seva » fait du commerce avec le « Groupe Ouest » de l'ancienne armée soviétique, et dispose d'une succursale aux États-Unis.

« L'organisation Rachmiel Brandwain : criminalité or- ganisée eurasienne qui est active en Europe et ailleurs de par le monde. L'organisation comporte des personnages centraux aux activités criminelles internationales, dont le "voleur dans la loi" suspecté d'être le superviseur de toute la criminalité organisée eurasienne en Allemagne, et qui est le point de con- tact européen pour les chefs de criminalité organisée. Les per- sonnages les plus importants dans cette organisation sont pro- priétaires d'une "société paravent" dont on pense qu'elle est contrôlée secrètement par Ivankov, qui l'utilise — ainsi que ses nombreuses sociétés sœurs — pour le blanchiment d'ar- gent. L'ancien garde du corps du "parrain" incarcéré de L'Or- ganizatsiya est un partenaire secret dans cette compagnie, et le "parrain" du groupe de criminalité organisée dit "Brigade de Vilnius", en Lituanie, est le seul représentant de la société dans les États baltes. Les deux principaux leaders de ce groupe ont été arrêtés début 1993 pour trafic de drogue.

« La Brigade de Vilnius. Un journal lituanien a publié un entretien avec un membre anonyme de la Brigade de Vilnius. L'informateur anonyme a déclaré qu'il existait un noyau de huit à dix "hommes d'affaires" à la tête de la "mafia", les- quels avaient tous des contacts commerciaux intenses avec les Pays-Bas, la Russie, les États-Unis, la Pologne et la Finlande.

« La Brigade de Vilnius est impliquée dans l'extorsion, le blanchiment d'argent, les trafics d'armes, parfois avec l'assis- tance d'officiels gouvernementaux de haut niveau. Les chefs de la Brigade, ainsi que leurs associés basés à l'étranger, sem- blent avoir reçu leur entraînement dans le cadre d'activités criminelles opérées en Occident. Après ces entraînements, ils sont retournés à l'Est, soit pour échapper à des inculpations

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criminelles, soit pour élargir le champ de leurs activités en profitant du chaos économique actuel des anciennes Républi- ques soviétiques.

« Les membres de ce groupe utilisent les bénéfices de leurs extorsions et actions musclées pour acheter des participations dans l'économie licite à l'occasion du programme de privati- sation. En 1992, le "parrain" et ses associés ont enregistré vingt compagnies commerciales, nombre d'entre elles étant soupçonnées de n'être que des écrans pour le blanchiment d'argent. Deux membres de ce groupe criminel organisé ont été directement impliqués dans la fraude massive aux assu- rances médicales survenue dans les années quatre-vingt sur le côte Ouest des États-Unis. Cette escroquerie d'un milliard de dollars visait le programme Medicare et a été responsable d'une augmentation des taux pour les souscripteurs califor- niens à une assurance-santé privée. Les membres de la Bri- gade de Vilnius en Lituanie sont connus pour être impliqués dans des activités de vol, contrebande et commerce illégal de l'or, contrebande de stupéfiants, attentats à la bombe, extor- sion et meurtre. »

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1

BROOKLYN

Mort. Au sol, une large tache rouge sur le marbre strié, puis, comme drapé de bleu, ce corps froissé de petit vieux qu'on aurait cru tout droit sorti d'une maison de retraite. Et pourtant cinquante-trois ans, une épouse blonde et pulpeuse qu'il devait rejoindre ce midi même autour d'une table de restaurant. Et, sans doute, quelque maîtresse... Belle santé malgré l'âge et les blessures de la vie. Et quelles blessures : le 24 janvier 1984, un an et demi auparavant, devant son appartement d'Océan Parkway, un inconnu avait essayé de l'allumer à bout portant d'une balle dans l'oreille gauche. Douleur de la tête qui éclate puis le pavé, l'hôpital, et plus rien. Malgré une enquête policière remontant jusqu'en Israël, jamais l'apprenti tueur n'a été confondu. Evsei, encombré d'une hémiplégie faciale, s'était alors éloigné du quartier chaud de Brighton Beach pour gagner Park Slope, au nord du cimetière de Greenwood, et sans doute le cercle de ses inti- mes, parmi lesquels son fidèle chauffeur, s'était-il sensible- ment resserré. Mais cela ne devait pas l'empêcher de conti- nuer à mener grand train dans les restaurants et boîtes de nuit de Brooklyn ou Manhattan. Alors, ce samedi matin, comme tous les samedis que fait le dieu du Livre, Evsei, dans un costume sage, s'apprête à gagner Lower East Side pour per- dre un peu de poids dans les bains turcs du quartier juif de Manhattan et, entouré d'amis, dompter cette peur qui le te- naille.

Mais ce matin du 4 mai 1985, à 8 h 30, alors qu'il s'apprête à rejoindre son fidèle chauffeur, un homme en survêtement et lunettes noires va réussir à animer une dernière fois ce visage à demi paralysé : deux balles dans la tempe, à bout portant. Les

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policiers du NYPD (New York Police Department) n'auront guère de mal à identifier le corps et à situer d'emblée le con- texte du meurtre : mafieux. Nom de la victime : Evsei Agron. Profession officielle : bijoutier. Officieuse : parrain de la mafia russe de Brooklyn, premier du nom. Admis frauduleusement sur le territoire des Etats-Unis depuis près de dix ans.

Les détectives ne peuvent avoir oublié ce personnage : en janvier 1984, lors du premier coup de feu, on avait retrouvé sous son aisselle un holster garni d'un calibre 38 dont cinq balles avaient été tirées. Depuis, son pedigree est connu. Chien méchant ! Son chauffeur et garde du corps, Boris Nay- feld, dit « Beeba », dit « Papa », a d'ailleurs bien fait de ne plus l'attendre : « Beeba », Biélorusse adepte de la muscula- tion et, par conséquent, des démonstrations de force, n'était- il pas son confident et son complice présumé dans les trafics de stupéfiants ? Les enquêteurs auraient sans doute aimé lui poser quelques questions. Il faudra bien qu'il revienne un jour prolonger la validité de ses documents de séjour...

Evsei Agron n'avait guère le physique d'un parrain. Tête longue, front haut et dégarni, les yeux d'un noir profond, il pré- sentait les traits sages et calmes d'un bon chien de compagnie, ceux d'un directeur d'école ou de votre boucher, adoucis en- core par cette large et longue moustache, noire elle aussi, que surmontait un nez épais. L'après-midi du 8 octobre 1975, lors- que cet émigré soviétique arrive pour la première fois à l'aéro- port international John F. Kennedy, on ne se méfie guère de ses déclarations : il vient d'Allemagne de l'Ouest, où, dit-il, il a passé quatre ans. Ce qui est rigoureusement exact. Il se dit natif de Leningrad. Inutile de révéler aux douaniers qu'il est égale- ment repris de justice, et qu'il a purgé sept années de camp pour meurtre '. D'ailleurs, comment vérifier ? Cette année-là, 5 249 autres Juifs soviétiques ou prétendus tels trouveront refuge aux États-Unis ! Agron fait partie de la troisième vague d'immigra- tion russe aux États-Unis depuis la Seconde Guerre Mondiale, une vague parasitée pour plus de la moitié par des éléments cri- minels, ce que relèvera ultérieurement la Commission prési- dentielle sur le crime organisé dans son rapport final d'avril 19862. Sans véritable preuve, le KGB sera souvent tenu pour

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responsable de cet état de fait : l'agence de la place Loubianka n'avait-elle pas tout intérêt à encourager le départ des criminels endurcis, fût-ce sous couvert d'« articles 5 » (déclaration d'ap- partenance à la religion juive) que l'on sait tronqués, plutôt que de les entretenir en camps de travail soviétiques, rustiques cer- tes, mais coûteux ?

Et puis, en 1975, pour un douanier américain, la mafia russe est encore une vue de l'esprit si ce n'est une pure divagation hollywoodienne : New York découvre à peine, cette année-là, le Gang des sacs à patates, première manifestation d'une délin- quance liée à l'immigration russe, et ne songe même pas à com- parer ces escrocs aux parrains de Little Italy. Actif sur les quais de Brighton Beach, le Gang des sacs à patates est composé d'immigrés récents : Arméniens, Juifs, Allemands de l'Union soviétique, mais principalement des Ukrainiens de la région d'Odessa qui proposent à la sauvette, sous le manteau, de pré- tendus roubles-or. La victime achète en fait, pour plusieurs mil- liers de dollars, un simple sac dont l'unique contenu se limite à quelques tubercules... Un piège pour enfant.

Dix ans plus tard, en 1985, alors que sèche le sang répandu autour de la dépouille d'Evsei Agron, nous n'en sommes évi- demment plus là : la compagnie American Express déclare avoir perdu 2,7 millions de dollars dans les seules opérations de la mafia russe. Et encore n'est-ce là que le reflet des pertes engrangées pour les neuf premiers mois de l'exercice précé- dent. Selon les fédéraux, douze groupes distincts de crimina- lité russe se partagent alors New York, pour une force totale de 400 à 500 membres, soit l'équivalent du plus grand groupe mafieux italo-américain abrité dans cette ville, le clan Gam- bino. Dix à douze chefs mafieux russes sont identifiés à Los Angeles, une centaine de criminels à Philadelphie, des gangs à Cleveland, Chicago, Dallas, Portland, Boston, Miami, San Francisco, le tout relié à Brooklyn. Des structures lâches, mo- biles, mais actives dans l'extorsion, la contrefaçon, la fraude, le trafic de stupéfiants, la rançon, le meurtre, la prostitution, la fraude fiscale et le blanchiment.

En outre, les Russes ont établi des ponts avec La Cosa Nostra, en particulier les clans Genovese et Gambino, les plus