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Les élèves allophones dans les programmes de français seconde langue officielle: revue de la littérature Mady, Callie. The Canadian Modern Language Review / La revue canadienne des langues vivantes, Volume 63, Number 5, August / août 2007, pp. 761-799 (Article) Published by University of Toronto Press DOI: 10.1353/cml.2008.0002 For additional information about this article Access Provided by University of Manitoba at 02/21/13 8:11PM GMT http://muse.jhu.edu/journals/cml/summary/v063/63.5mady02.html

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  • Les élèves allophones dans les programmes de françaisseconde langue officielle: revue de la littérature

    Mady, Callie.

    The Canadian Modern Language Review / La revue canadienne deslangues vivantes, Volume 63, Number 5, August / août 2007, pp.761-799 (Article)

    Published by University of Toronto PressDOI: 10.1353/cml.2008.0002

    For additional information about this article

    Access Provided by University of Manitoba at 02/21/13 8:11PM GMT

    http://muse.jhu.edu/journals/cml/summary/v063/63.5mady02.html

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  • Les élèves allophones dans lesprogrammes de fran!ais secondelangue officielle: revue de la littérature

    Callie Mady

    Résumé : Au Canada, l’enseignement du fran!ais langue seconde(FLS) offre aux élèves l’occasion d’apprendre une deuxième langueofficielle. Une telle occasion est-elle appropriée pour les élèves allophonesqui sont encore en train d’apprendre l’anglais? La présente revue de lalittérature considère cette question sous quatre angles différents. Lapremière partie examine la réponse du point de vue politique en tentant dedéterminer si les politiques du gouvernement du Canada prévoientl’inclusion des élèves allophones dans les programmes de FLS. La deuxièmepartie donne une vue d’ensemble des politiques provinciales, en étudiantplus spécifiquement l’accès au FLS par les élèves allophones. La troisièmepartie présente une revue de la littérature sur la motivation des élèvesallophones. Enfin, la dernière partie fait état de la recherche sur la réussitedes élèves allophones étudiant le fran!ais.

    Mots clés : multilinguisme; politique de multilinguisme; formationen langue seconde; apprentissage linguistique additionnel

    Abstract : In Canada, education in French as a second language (FSL)offers students the opportunity to learn a second official language. Is such anopportunity appropriate for allophone students who are still in the processof learning English? This literature review provides a four-fold considerationof the issue. Section 1 examines the political response by investigatingwhether Canadian federal policies provide for the inclusion of allophonestudents in FSL programs. Section 2 provides an overview of provincialpolicies, specifically examining allophone students’ access to FSL. A reviewof the literature regarding the motivation of allophone students is foundin Section 3. Finally, Section 4 details the research on the achievement ofallophone students studying French.

    Keywords : multilingualism; multilingual policy; second languagelearning; language policy; additional language learning

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  • Introduction

    Au cours des sept premières années du nouveau millénaire, laproportion de nouveaux immigrants au Canada a été plus élevée quecelle observée au cours des 70 années précédentes. Cette population –les personnes qui sont, ou qui ont été, des immigrants admis auCanada – se chiffrait à plus de cinq millions en 2001; cela représenteplus de 18% de la population totale du Canada, soit presqueune personne sur cinq (Statistique Canada, 2001a). On prévoit queles données du recensement de 2006 à cet égard seront encoreplus élevées.

    De 1900 à 1980, le Royaume-Uni était au premier rang dans la listedes pays d’origine des immigrants au Canada, ce qui n’est plus le casaujourd’hui. Les sept premiers pays d’origine se retrouvent doréna-vant en Asie (Statistique Canada, 2001b), ce qui peut signaler qu’unnombre croissant d’immigrants ne parlent ni l’anglais ni le fran!ais.Cette croissance de l’immigration accentue la nature multilingue duCanada. La proportion des immigrants dont la « langue maternelle »n’est ni le fran!ais ni l’anglais est d’environ 24%. Par conséquent, lenombre sans précédent d’élèves allophones dans les écoles cana-diennes donne à penser qu’il faut évaluer les programmes et lesrésultats de ces élèves afin qu’ils puissent réussir.

    Bien que des chercheurs aient examiné le succès des élèvesallophones au secondaire dans des matières comme l’histoire et lessciences (p. ex. Duff, 2002; Langman, Hansen-Thomas et Bailey, 2003),rares sont ceux qui ont examiné leur performance dans d’autresmatières comme le FLS. La présente revue de la littérature considèrecette question sous quatre volets différents. La première partieexamine la réponse du point de vue politique en tentant de déterminersi les politiques canadiennes prévoient l’inclusion des élèvesallophones dans les programmes de FLS. La deuxième partie donneune vue d’ensemble des politiques provinciales, en étudiant plusspécifiquement l’accès au FLS par les élèves allophones. La troisièmepartie présente une revue de la littérature sur la motivation des élèvesallophones. La dernière partie fait état de la recherche sur laréussite des élèves allophones étudiant le fran!ais.

    Définitions

    Pour les besoins de la présente revue, les élèves allophones sont desimmigrants qui sont arrivés au Canada pendant leurs années d’étudesau niveau primaire ou secondaire et qui, à leur arrivée, apprennent

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  • l’anglais et/ou le fran!ais. La langue maternelle de ces élèves n’est nile fran!ais ni l’anglais.

    Le terme immigrant désigne les personnes qui sont ou quiétaient des immigrants admis.

    L’expression fran!ais langue seconde (FLS) est celle qui est générale-ment utilisée par le gouvernement fédéral et les gouvernementsprovinciaux et territoriaux afin de désigner l’enseignement du fran!aisaux non francophones. Le FLS, cependant, serait une langueadditionnelle pour les élèves allophones.

    L’expression anglais langue seconde (ALS) est celle qui estgénéralement utilisée par les gouvernements provinciaux lorsqu’ilsfont allusion au programme d’études de l’ALS.

    Revue des politiques fédérales applicables aux élèvesallophones dans les programmes de FLS

    Politiques linguistiques canadiennes

    Les politiques en matière d’éducation sont liées au contexte: l’histoire,l’idéologie et le climat politique influent sur leur forme et le momentchoisi pour les mettre en œuvre (Taylor, Rizvi, Lingard et Henry, 1997).C’est le cas notamment de la politique linguistique qui, pour être biencomprise, doit être replacée dans son contexte historique où des forcesont conduit au partage sociopolitique des pouvoirs et des ressources(Skutnabb-Kangas, 1988). La politique linguistique au Canada aemprunté la voie suivante: elle a été créée à l’échelle fédérale,formulée à l’échelle provinciale (s’il y a lieu) et, enfin, mise en œuvreau niveau des districts. La formulation et la mise en œuvre despolitiques passent donc du gouvernement fédéral aux provinceset territoires, et de là au district, à la salle de classe et, enfin à l’élève. Àl’échelle fédérale, le Canada s’est engagé dans deux types deplanification linguistique: la planification du statut – la reconnaissancepar un gouvernement national de l’importance d’une languepar rapport aux autres – et la planification de l’acquisition – laplanification de la diffusion de la langue, qui reconnaı̂t une augmen-tation du nombre d’usagers (Cooper, 1989, p. 32). L’adoption de cesplans, cependant, exige de la formation scolaire, qui relève de lacompétence des provinces.

    Que révèlent les politiques linguistiques du Canada en réponse à laquestion portant sur l’accès à l’enseignement du FLS par les élèvesallophones ? La présente partie indique les grandes lignes despolitiques canadiennes sur le FLS des années 1960 jusqu’à aujourd’hui.

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  • Cet aper!u chronologique est divisé en décennies; la description dechaque décennie donne une évaluation des cours de FLS offertsaux élèves allophones.

    Politiques fédérales des années 1960

    Les années 1960 ont été choisies comme point de départ du présentdocument, car elles « ont été caractérisées par la reformulation del’identité ethnique chez les Canadiens-fran!ais » [traduction](Waddell, 1986, p. 86), ce qui a par la suite contraint le gouvernementà mener une enquête sur la politique linguistique canadienne.Le gouvernement fédéral a établi la Commission royale d’enquêtesur le bilinguisme et le biculturalisme (CREBB, 1967) afin d’examinerl’état du bilinguisme au Canada. Les membres de la CREBB ontavancé que le Canada devait travailler à l’élaboration d’un programmeunificateur. Dans cet esprit, ils ont recommandé des mesures afin« d’élaborer la fédération canadienne sur la base d’un partenariat égalentre les deux groupes fondateurs, en tenant compte de la contributionapportée par les autres groupes ethniques à l’enrichissement cultureldu Canada » (p. 151). Pour ce qui est de l’accès à l’enseignement duFLS, les membres de la CREBB ont proposé que l’étude de la secondelangue officielle soit obligatoire pour tous les élèves des écolescanadiennes. Toutefois, la CREBB a précisé que cette recommandationferait du fran!ais la langue seconde (L2) de tous les anglophones,apparemment laissant les élèves allophones hors de l’équation quant àl’accès aux programmes de FLS.

    Politiques fédérales des années 1970

    La Loi sur les langues officielles (1969) avait été adoptée à l’époque afinde calmer les tensions entre les Canadiens fran!ais et les Canadiensanglais; toutefois, les autres groupes ethniques s’y opposaient.En 1971, le premier ministre Pierre Trudeau a donc annoncé l’adoptiond’une politique officielle de multiculturalisme dans un cadre bilingue,de manière à indiquer qu’il y avait deux langues officielles mais pas deculture officielle. En ce qui concerne les immigrants et les languesofficielles, Trudeau a précisé que le gouvernement continuerait à aiderles immigrants à acquérir au moins l’une des langues officielles duCanada afin qu’ils participent pleinement à la société canadienne(Trudeau, 1971). La Politique de multiculturalisme de 1971 engageaitle gouvernement à aider les immigrants à acquérir au moins l’une deslangues officielles du Canada mais pas les deux. Le gouvernement

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  • fédéral favorisait le bilinguisme officiel et le multiculturalisme officiel,mais il a omis d’examiner les recoupements entre les deux.Non seulement la Loi sur les langues officielles et la Politique demulticulturalisme n’étaient pas liées, mais la politique de multi-culturalisme excluait indirectement les élèves allophones desprogrammes d’apprentissage du fran!ais, car le gouvernement offraitdu soutien pour l’apprentissage d’une seule langue officielle.

    Politiques fédérales des années 1980

    Les années 1980 ont vu l’unité nationale faire l’objet d’un grand débat.Le référendum de 1980 au Québec1 et les discussions constitutionnellescontinues ont donné lieu à une polarisation des positions. Dans cecontexte, le commissaire aux langues officielles, Maxwell Yalden, aessayé avant tout de respecter l’engagement du gouvernement fédéralà l’égard de l’application de la Loi sur les langues officielles de 1969,des droits des groupes minoritaires de langues officielles et desmodifications constitutionnelles. La crise à cette époque laissait peude place aux discussions sur l’enseignement du FLS et aucuneplace à la discussion sur l’étude du fran!ais par les élèves allophones.Même si, dans les années 1980, le gouvernement fédéral continuaitde se concentrer sur les droits des groupes minoritaires de languesofficielles, il l’a fait en ne portant à peu près pas attentionà l’enseignement des L2. En 1988, le gouvernement fédéral a mis àjour la Loi sur les langues officielles et a présenté la Loi sur lemulticulturalisme canadien (voir ministère de la Justice, s.d.; ministèredu Patrimoine canadien, s.d.).

    Politiques fédérales des années 1990

    À titre de commissaire aux langues officielles dans les années 1990,Victor Goldbloom a signalé que le gouvernement consacrait peud’efforts à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles de 1988.Plus tard, Dyane Adam, commissaire aux langues officielles entre 1999et 2006, a déclaré dans un rapport pour l’année 1999 qu’il y avait euune érosion de la Loi sur les langues officielles (CLO, 2000). En ce quiconcerne les principaux enjeux, Adam a reconnu l’importance del’égalité de l’anglais et du fran!ais dans la société. Afin d’assurer cetteégalité, elle a suggéré de renforcer les programmes d’immersiondans les langues officielles et les programmes d’enseignement desL2 afin qu’ils contribuent davantage à la dualité linguistique duCanada. Elle a également reconnu l’impact de l’immigration sur la

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  • dualité linguistique. Elle a recommandé la promotion de cette dualitélinguistique par l’entremise de la Politique d’immigration en assurantque cette dernière s’applique davantage à attirer des immigrantsfrancophones. Au niveau fédéral, malgré la reconnaissance de l’impactque les immigrants ont sur la dualité linguistique, la commissaire auxlangues officielles n’a pas recommandé d’inclure les élèves allophonesdans les cours de FLS.

    Politiques fédérales des années 2000

    Les rapports publiés par le Commissariat aux langues officiellesdurant cette période (CLO, 2000, 2001, 2003; Jedwab, 2002), révèlentque la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles posait desdifficultés; plusieurs fa!ons d’améliorer la situation à l’égard decertains des problèmes observés sont proposées. La commissaire areconnu que l’immigration constituait l’une de ces difficultés.Au cours des 15 dernières années, environ 50% de la croissancedémographique du Canada a été attribuable à l’immigration; lescommunautés francophones ont cependant re!u proportionnellementmoins d’immigrants que les communautés anglophones. La solutionproposée était d’attirer des immigrants francophones.

    La commissaire fédérale aux langues officielles a constaté que « lesdécideurs n’ont que très rarement évalué l’incidence de l’immigrationsur la dualité linguistique canadienne » (CLO, 2001, p. 59), et quel’immigration change le paysage linguistique du Canada. En effet,dans une étude commandée par le Commissariat, L’immigrationet l’épanouissement des communautés de langue officielle au Canada:politiques, démographie et identité (CLO, 2002), il a été reconnu quela langue maternelle de 80% des nouveaux immigrants étaitune langue non officielle; 83% adoptent l’anglais comme langueofficielle tandis que seulement 3,2% arrivent à maı̂triser les deuxlangues officielles.

    Afin de maintenir la dualité linguistique dans le paysage changeantdu Canada, Adam suggère que Citoyenneté et Immigration Canadafasse plus qu’accorder des points pour la connaissance des languesofficielles lors de la sélection des immigrants. Malgré les changementsdémographiques, la commissaire a affirmé que la dualité linguistiqueest essentielle à l’identité canadienne, une notion qui obtenait l’appuide 82% des Canadiens (Parkin et Turcotte, 2003). La même étude aégalement révélé que les allophones sont plus favorables à la dualitélinguistique que les anglophones. En s’appuyant sur ces statistiques,la commissaire a souligné la nécessité de garantir que l’anglais

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  • et le fran!ais restent les piliers de la politique linguistique du Canada.Cela pourrait être fait en augmentant le nombre de jeunes Canadiensbilingues et en encourageant les nouveaux citoyens à comprendre et àrespecter cette valeur fondamentale canadienne qu’est la dualitélinguistique.

    Dans l’espoir de donner un nouvel élan à la Loi sur les languesofficielles de 1988, le Bureau du Conseil privé a publié Le prochain acte(Canada, BCP, 2003), qui reconnaı̂t que l’éducation est une fa!on demettre les deux langues officielles à la disposition de tous lesCanadiens. L’un des objectifs de la politique est de « doubler laproportion de diplômés des écoles secondaires ayant une connais-sance fonctionnelle de leur deuxième langue officielle » (p. 27).

    Jusqu’ici dans la présente décennie, la force du CLO a été dereconnaı̂tre l’effet de l’immigration sur la dualité linguistique.Cependant, en ne traitant pas de l’enseignement du FLS pour lesimmigrants allophones, il leur en limite l’accès. La commissaire aplutôt mis l’accent uniquement sur l’augmentation du nombred’immigrants dans les communautés francophones, ce qui estconforme à la tendance observée au Commissariat. En fait, il n’estabsolument pas question de l’enseignement de la seconde langueofficielle dans les rapports de la présente décennie. Il est peu clair si lapolitique Le prochain acte obligerait les élèves allophones à apprendrele FLS ou si elle considère qu’en apprenant l’anglais, les élèvesrépondent aux exigences concernant la seconde langue officielle. Dansle dernier cas, il serait difficile, sinon impossible, de doubler laproportion des élèves qui étudient le fran!ais. Le prochain actereconnaı̂t que la moitié des élèves des écoles primaires et secondairesétudient l’anglais ou le fran!ais comme langue seconde sans toutefoisindiquer s’ils peuvent être tenus d’étudier les deux langues.

    Résumé de la politique linguistique fédérale au Canada

    Comme l’illustrent clairement les arguments mentionnés ci-dessus, lespolitiques nationales ne prévoient pas l’accès au FLS pour les élèvesallophones. En fait, aucune politique fédérale ne garantit explicitementcet accès. Cela est peut-être dû aux écarts entre le statut et laplanification de l’acquisition. Le gouvernement fédéral a certessolidifié le statut du fran!ais en le reconnaissant officiellement, maisil n’a pas mis en œuvre ses politiques concernant la diffusion de lalangue et la planification de l’acquisition. Ces écarts correspondentaux partages entre le gouvernement fédéral et les gouvernementsprovinciaux et territoriaux au Canada. En effet, comme le

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  • gouvernement fédéral n’a aucune juridiction en matière d’éducation,la promotion de l’apprentissage des langues officielles incombe doncaux provinces et territoires. Cela limite la capacité du gouvernementfédéral d’apporter des changements aux politiques provinciales etterritoriales en matière d’éducation, lesquelles limitent les exigenceslinguistiques de la Loi sur les langues officielles aux Canadiensanglophones (MacMillan, 1998). Dans bien des cas, ces politiquesconfirment l’allégation de Shaer (1992) qui dit que les politiques et lespratiques administratives peuvent nuire à l’enseignement des L2, dansle cas présent du FLS. Ces limites nuisent à la diffusion du fran!ais,en particulier à une époque où « l’immigration est le facteur quicontribue le plus à la croissance réelle de la population canadienne »(CLO, 2002).

    Le maintien du statut accordé au fran!ais par la Loi sur les languesofficielles de 1969 exige de revoir les politiques. Compte tenu du faitque les changements sociaux appellent de nouvelles politiques(Blishen, 1986), l’arrivée des immigrants devrait nous forcer àremanier la planification de l’acquisition des langues officiellesde manière à inclure les élèves allophones dans les programmesde FLS.

    Politiques provinciales et territoriales concernant l’accès auxprogrammes de FLS par les élèves allophones

    Introduction

    Comme il a été mentionné précédemment, la politique linguistiquecanadienne est établie au niveau fédéral, mais l’élaboration de lapolitique d’enseignement des L2 et sa mise en œuvre sontla responsabilité des gouvernements provinciaux et territoriaux.Comment les gouvernements provinciaux et territoriaux offrent-ilsl’enseignement du FLS aux élèves allophones ? La présente partieindique les grandes lignes des politiques provinciales et territorialesconcernant l’accès à l’enseignement du FLS par les élèves allophoneset, dans le cas du Québec, l’accès à l’enseignement de l’ALS. Lorsqu’iln’existait aucune politique spécifique, c’est au moyen de communica-tions personnelles que l’information a été recueillie à propos desmodalités d’inclusion des élèves allophones dans les programmes deFLS. Les politiques provinciales et territoriales sont présentées dansl’ordre alphabétique à l’exception des politiques de l’Ontario;elles sont présentées en dernier, dans l’ordre chronologique selonla décennie. Les renseignements obtenus de l’Ontario sont plus

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  • nombreux pour deux raisons principales: premièrement, c’est enOntario que vivent la majorité des immigrants au Canada; deuxième-ment, c’est la seule province ayant une population immigranteélevée où le fran!ais de base est une matière obligatoire.

    Alberta

    Bien que certains districts scolaires en Alberta aient choisi d’offrirl’enseignement du fran!ais à tous les élèves, le FLS est généralementoffert sur une base optionnelle (Alberta Education, 1991). Commel’apprentissage du fran!ais est facultatif en Alberta, il n’y a aucunepolitique établie concernant l’inclusion des élèves allophones dans lescours de langue ou leur exclusion même si la province se classe auquatrième rang au Canada quant au nombre de personnes nées àl’étranger: 438 335 personnes, soit environ 15% de sa population(Statistique Canada, 2001a).

    Le document présentant le programme d’études du fran!ais(Alberta Education, 2005) comporte une section destinée auxenseignants sur les fa!ons de répondre aux besoins de tous lesélèves; cependant, celle-ci met l’accent sur les multiples formesd’intelligence, sur les élèves surdoués et les élèves en difficulté sansparler de ceux qui apprennent l’anglais. Dans le même ordre d’idées,le document de l’Alberta sur l’ALS (Alberta Education, 1996)mentionne que les élèves allophones sont inclus dans le cours régulierà leur arrivée. Il donne à l’enseignant des renseignements générauxsur l’apprentissage de la L2 mais il n’examine pas la question desélèves allophones qui étudient d’autres langues que l’anglais. SelonAlberta Education, on encourage les autorités scolaires à inclure lesélèves allophones dans les programmes d’enseignement de la L2 car larecherche a démontré l’effet positif de l’apprentissage d’une troisièmelangue pour ces élèves. Cependant, les décisions concernant leurinclusion ou leur exclusion sont prises aux niveaux du district et del’école en collaboration avec les parents (L. Caouette, communicationpersonnelle, 28 mars 2006). Le fait que l’on ne tienne pas compte desélèves allophones dans la politique – combiné aux multiples fa!ons dela mettre en œuvre – prive non seulement les élèves allophonesde l’accès régulier au FLS mais il permet également de prendredes décisions fondées sur l’intuition personnelle.

    En 2007-2008, l’Alberta prévoit cependant mettre en œuvre unepolitique qui obligerait les élèves à étudier une langue seconde de la 4e

    à la 9e année. En guise de préparation, on a commandé au LanguageResearch Centre de l’Université de Calgary une revue de la littérature

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  • sur l’enseignement et l’apprentissage des langues. L’une des quatresections de cette revue portait sur la question suivante: Quels sont leseffets de l’apprentissage d’une troisième langue sur les élèves pour quil’anglais est une langue seconde ? Même s’il est reconnu quel’apprentissage d’une troisième langue se fait partout dans le mondeet qu’il peut être utile aux élèves allophones d’apprendre une langueadditionnelle au Canada, on a indiqué dans la revue qu’il n’y avaitaucune recherche disponible sur les élèves allophones qui étudientdeux langues en même temps et, par conséquent, aucune recomman-dation n’a été faite quant à leur inclusion ou à leur exclusion. Seloncette revue, il importe que l’Alberta examine comment la troisièmelangue peut être enseignée aux élèves qui apprennent encore l’anglaiscomme langue seconde (Archibald, Roy, Harmel et Jesney, 2004). Pourrépondre à la future exigence en matière de L2, les autorités scolairesde l’Alberta devront choisir de dispenser un programme dans l’unedes huit langues offertes par Alberta Education. Bien que le fran!aissoit actuellement la L2 la plus étudiée dans les écoles de l’Alberta et laseule langue offerte par la plupart des écoles, il est possible que cefutur volet obligatoire de l’étude des langues devienne un programmede maintien des connaissances linguistiques acquises pour certainsélèves allophones qui pourront choisir d’étudier leur langue mater-nelle – le panjabi par exemple – plutôt qu’une langue additionnelle. Enfait, dans les écoles qui choisiront d’offrir une autre langue au lieu dufran!ais, les élèves allophones n’auront jamais l’option d’étudier lefran!ais. Bien qu’il serait avantageux pour les élèves allophonesde maintenir les connaissances acquises dans leur L1, un telprogramme n’irait pas dans le sens de l’apprentissage d’une L2 etréduirait les possibilités pour ces élèves d’étudier le fran!ais.

    Colombie-Britannique

    La Colombie-Britannique est l’une des trois provinces qui attirent lamajorité des immigrants au Canada; les individus nés à l’étranger, soit1 009 815 personnes, représentent environ 26% de sa population(Statistique Canada, 2001a). Selon Carey (1997), en Colombie-Britannique, les élèves qui parlent des langues autres que le fran!aisou l’anglais à la maison sont plus nombreux que ceux qui parlentl’anglais ou le fran!ais. En dépit de la recherche démontrantque les immigrants peuvent réussir dans les programmes de FLS(Dagenais et Berron, 2001; Parkin et Turcotte, 2003), Carey asoutenu que la promotion du bilinguisme officiel est difficile dansun tel contexte.

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  • La politique du ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, tout comme en Alberta, a des conséquences sur lesoutien et la diffusion du fran!ais au Canada puisqu’elle exige quetous les élèves étudient une langue seconde (Gouvernement de laColombie-Britannique, 1997) de la 5e à la 8e année sans préciser sicelle-ci doit être le fran!ais. Dans les faits, la langue étudiée peut êtreune autre langue que le fran!ais – il peut s’agir d’une langue choisiepar l’élève, qui sera offerte si le nombre le permet (Carey, 1997).L’étude d’une L2 devient facultative en 9e année. Cependant, les élèvesqui se préparent à aller à l’université en Colombie-Britannique doiventétudier une L2 jusqu’à la fin de la 11e année, puisque c’est unecondition d’admission des universités de la Colombie-Britannique.Carey prend parti pour que l’on offre un choix de langues aux élèvesimmigrants, alléguant que le gouvernement fédéral accorde de moinsen moins d’aide financière pour le fran!ais et que l’éducation relèvedes provinces.

    Quatre documents de la province offrent des renseignementscontradictoires à ceux qui mettent en œuvre la politiqued’enseignement des langues pour les élèves allophones. Trois de cesdocuments, Language Education Policy (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 1997), Ministerial Order 295/95 (Gouvernement de laColombie-Britannique, 1995a) et English as a Second Language: Policy,Guidelines and Resources for Teachers (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 1999), décrivent des politiques qui permettraientd’exclure les élèves allophones du programme d’étude d’une L2.Les trois documents comprennent un énoncé similaire à l’énoncésuivant tiré de Language Education Policy:

    tous les élèves doivent choisir une langue seconde dans le cadre duprogramme d’études de la 5e année à la 8e année, sauf lorsque les élèves:sont désignés comme ayant des besoins spéciaux ou re!oivent des servicesen anglais langue seconde et sont incapables de démontrer leurapprentissage en relation avec les résultats prévus dans le cours delangue seconde [traduction] (Gouvernement de la Colombie-Britannique,1997, p. 2).

    Le Ministerial Order 295/95 indique que cette exclusion est attribuableau fait que l’élève ne maı̂trise pas bien l’anglais (Gouvernement de laColombie-Britannique, 1995a, p. 4). Bien que la Colombie-Britanniquen’ait pas de programme d’études spécifique pour l’ALS, le documentprésentant le programme d’études du fran!ais diffère des troisdocuments décrits ci-dessus dans la mesure où on y affirme que la

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  • communication en fran!ais est un objectif accessible à tous les élèves.Plus précisément, le document laisse entendre que les élèvesallophones peuvent atteindre un degré satisfaisant de compétence encommunication (Gouvernement de la Colombie-Britannique, 1995b,p. 1). En fait, le document sur le fran!ais de base, Integrated ResourcePackage 1995, donne des principes généraux afin d’aider les élèvesallophones. Ces principes ne sont pas spécifiques au fran!ais mais sontapplicables à n’importe quelle matière.

    Bien que l’étude d’une L2 soit obligatoire en Colombie-Britannique,lorsqu’un district scolaire choisit d’offrir une solution de rechange aufran!ais de base, un élève qui a précédemment étudié la langue offertecomme langue d’origine peut choisir la langue d’origine afin derépondre à l’exigence touchant l’étude d’une L2. La documentationsur les ressources pour le panjabi, par exemple, reconnaı̂t que certainsélèves peuvent avoir des connaissances avancées et encourage àrépondre aux besoins de tous les élèves, que ceux-ci soient ou nesoient pas en contact avec la langue à la maison (Gouvernement de laColombie-Britannique, 1996b, p. 4). Relativement à la populationimmigrante, le volet obligatoire d’étude des langues devient unprogramme de maintien des connaissances linguistiques acquisespour les élèves allophones qui peuvent choisir d’étudier leur L1 plutôtqu’une langue additionnelle.

    Île-du-Prince-Édouard

    Selon les données de Statistique Canada (2001a), 3% de la populationde l’Île—du—Prince-Édouard, soit 4 140 personnes, est née àl’étranger. À l’Île-du-Prince-Édouard, l’étude du fran!ais est obliga-toire de la 4e à la 9e année. Le ministère de l’Éducation n’a aucunepolitique concernant l’inclusion des élèves allophones dans lesprogrammes de fran!ais de base ou d’immersion fran!aise ou leurexclusion de ces programmes.

    Manitoba

    Les taux d’immigration au Manitoba ont augmenté de manièresignificative ces dernières années; au moment du recensement de2001, 133 655 personnes – 12% de la population – étaient nées àl’étranger (Statistique Canada, 2001a). Ces immigrants étudient pourla plupart en anglais; en fait, seulement deux écoles ont indiquéqu’elles avaient des élèves qui apprennent l’anglais dans le pro-gramme d’immersion fran!aise ou dans le programme francophone

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  • (MacKay et Tavares, 2005). Pourtant, il n’y a aucune politique auManitoba qui empêcherait les élèves allophones de s’inscrire à cesprogrammes. À l’exception du programme d’immersion, le fran!aisest une matière optionnelle dans le programme anglais au Manitoba.Le ministère de l’Éducation du Manitoba n’oblige pas les élèves duprogramme anglais à étudier une L2. De nombreuses écoles,cependant, offrent le fran!ais élémentaire et/ou d’autres langues.On recommande aux écoles du Manitoba qui choisissent d’offrir lefran!ais ou une autre langue seconde de réaffecter à cette fin une petitepartie des périodes de cours réservées aux arts (ministère del’Éducation du Manitoba, 2004). De plus, certains conseils scolairesont choisi de rendre le FLS de niveau élémentaire obligatoire dans leurdistrict. On ne trouve des lignes directrices concernant l’inclusion oul’exclusion des élèves allophones dans les cours de fran!ais ni dans ledocument English as an Additional Language (ministère de l’Éducationdu Manitoba, 2005) ni dans les Lignes directrices concernantl’enseignement du fran!ais de base (ministère de l’Éducation duManitoba, 2004).

    Nouveau-Brunswick

    Le gouvernement du Nouveau-Brunswick essaie d’augmenter l’immi-gration dans la province. En fait, au cours des dernières années,l’immigration au Nouveau-Brunswick a augmenté de 400%; environ200 élèves immigrants se sont inscrits dans les écoles au cours del’année scolaire 2005-2006. Selon les statistiques précédentes(Statistique Canada, 2001a), 22 465 personnes, soit 3% de la populationdu Nouveau-Brunswick, étaient nées à l’étranger. La majorité desélèves immigrants fréquenteront les écoles de l’une des trois villes:Fredericton, Moncton ou Saint Jean. En dépit du fait que certains deces immigrants auront pour langue maternelle le fran!ais et qu’ilss’inscriront au programme fran!ais, pour la première fois à Saint Jean,la masse critique d’immigrants dans une école anglophone estsuffisante cette année (2005-2006) pour offrir un cours d’ALS commecours optionnel au niveau local. Le cours est élaboré localement car iln’y a pas de lignes directrices provinciales sur les cours d’ALS.

    Dans le programme anglais, l’étude du fran!ais est obligatoire de la1re année d’études à la 10e année (ministère de l’Éducation duNouveau-Brunswick, 1989). Les élèves allophones sont actuellementinclus dans toutes les matières du programme, dont le fran!ais.La seule exception à l’étude obligatoire du fran!ais s’applique auxélèves qui ont des troubles d’apprentissage graves ou aux élèves issus

    Les élèves allophones dans les programmes de FLS 773

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  • des Premières nations. Les élèves allophones peuvent égalementchoisir le programme d’immersion fran!aise. Étant donné quel’arrivée de la masse critique d’immigrants est récente, il n’y a pasde directive écrite concernant l’inclusion des élèves allophones dans leprogramme de FLS ou leur exclusion du programme.

    Terre-Neuve-et-Labrador

    Selon le dernier recensement au Canada, 8 030 personnes – soitenviron 2% de la population de Terre-Neuve-et-Labrador – étaientnées à l’étranger (Statistique Canada, 2001a). Malgré ce petitnombre d’immigrants, le ministère de l’Éducation compte troisdocuments sur le programme d’études de l’ALS (Gouvernementde Terre-Neuve-et-Labrador, s.d.-a, s.d.-b, s.d.-c). Aucun des troisdocuments n’offre toutefois de directives précises quant à l’inclusiondes élèves allophones dans les programmes de FLS. Cependant, lapolitique à l’égard des élèves allophones en général a pour but de lesaider à apprendre l’anglais au moyen de cours d’ALS et d’uneintégration au programme régulier. Étant donné que le fran!ais estobligatoire de la 4e à la 9e année, on s’attend à ce que les élèvesallophones entreprennent l’étude de cette matière du programmerégulier. Les programmes d’immersion fran!aise sont égalementofferts à tous les élèves. Le ministère de l’Éducation continuecependant de décrire l’immersion fran!aise comme un programme« con!u pour les élèves anglophones dans lequel le fran!ais est lalangue d’enseignement et, autant que possible, la langue decommunication en classe » [traduction] (Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, 2005, p. 7).

    Nouvelle-Écosse

    En 2001, environ 5% de la population de la Nouvelle-Écosse, soit 10290 personnes, étaient nées à l’étranger (Statistique Canada, 2001a).La majorité des immigrants arrivent à Halifax. Étant donné laconcentration dans une région de la province de cette petite popula-tion immigrante, le ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse n’ani consultant en ALS ni programme d’études en ALS. À l’heureactuelle, le programme de fran!ais de base est obligatoire en Nouvelle-Écosse de la 4e à la 9e année. Depuis 1997 il y a eu un rehaussementdes exigences relativement à l’étude du fran!ais dans la province –l’étude du fran!ais, qui était obligatoire de la 4e à la 6e année, est

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  • devenue obligatoire jusqu’à la 7e année en 1997, jusqu’à la 8e annéeen 1998 et jusqu’à la 9e année en 1999. Tous les élèves doivent étudierle fran!ais, à l’exception de ceux qui choisissent d’étudier le mi’kmaqou le gaélique. Même si l’on demande aux professeurs de fran!ais desuivre les directives spéciales en matière d’éducation afin de répondreaux besoins des élèves qui ont des troubles d’apprentissage, il n’y aaucune politique provinciale spécifique qui traite directement del’inclusion des élèves allophones dans les cours de fran!ais.La politique du ministère de l’Éducation permet cependantd’exempter des élèves du programme de fran!ais de base; la décisionest prise en collaboration avec le parent, le directeur, le professeur defran!ais, le tuteur et un représentant du district.

    On encourage ces personnes à tenir compte du bagage de l’élèvedans l’acquisition de sa L1 et dans l’acquisition du fran!ais (Éducationet Culture Nouvelle-Écosse, 1998, p. 10). Le programme d’immersionfran!aise est offert à la discrétion des districts scolaires. Si un telprogramme est offert, aucune politique n’interdit à un élève allophoned’y accéder. Malgré ces limites à l’échelle provinciale, le Conseilscolaire régional d’Halifax offre du soutien en ALS auxélèves allophones par le biais de professeurs itinérants. Le niveaud’intégration des élèves allophones, et par conséquent leur accès aufran!ais, dépend de leur capacité à communiquer en anglais. Une foisque les élèves allophones sont entièrement intégrés, cependant, ons’attend à ce qu’ils répondent à l’exigence provinciale relativementà l’étude du fran!ais (L. Bullock, communication personnelle, 28 mars2006).

    Nunavut

    Moins de 2% de la population du Nunavut (soit 445 personnes) est néeà l’étranger (Statistique Canada, 2001a). Même si le Nunavut est entrain d’élaborer de nouveaux programmes d’études, il suit actuelle-ment ceux de l’Alberta. L’étude du fran!ais y est donc facultative.Actuellement, il n’y a aucune politique en matière de fran!ais oud’ALS qui porte sur la pertinence de l’enseignement du fran!ais auxélèves allophones.

    Québec

    Bien que, dans le contexte québécois, le fran!ais soit la principalelangue d’enseignement, et que l’ALS soit un programme dans les

    Les élèves allophones dans les programmes de FLS 775

    ! 2007 The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues vivantes,63, 5 (August/août), 761–800

  • écoles francophones, la question de savoir si les allophones ontl’occasion d’apprendre les deux langues officielles du Canada – unecomme langue d’enseignement régulier et l’autre comme langueadditionnelle – est similaire à la question du FLS dans les autresprovinces et territoires. Le Plan d’action en matière d’intégration scolaireet d’éducation interculturelle (Gouvernement du Québec, 1998) duQuébec comporte cinq objectifs concernant l’intégration des nouveauximmigrants dans les écoles du Québec. Le troisième objectif,« savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratiqueet pluraliste » (p. 7), fait ressortir l’importance pour les immigrantsd’apprendre le fran!ais. Voici ce que l’on peut lire dans le document:« il importe de faciliter chez tous les élèves la maı̂trise de cet outil decommunication qui unit les Québécois et les Québécoises et qui leurpermet d’établir des relations et de bâtir des projets communs, au-delàde toutes origines et de toutes appartenances linguistiques, religieusesou autres » (p. 7). Cet objectif s’appuie sur un programme d’accueil,dans le cadre duquel les élèves immigrants re!oivent un soutienintensif pour l’apprentissage du fran!ais avant d’entreprendre leprogramme régulier. Bien qu’il n’existe aucune politique provincialeconcernant l’étude de l’ALS dans le cadre d’un programme d’accueil,les élèves immigrants du Québec qui entreprennent le programmerégulier se doivent de répondre aux exigences du programme, ce quicomprend l’apprentissage de l’ALS.

    Saskatchewan

    L’étude du fran!ais ou de toute autre L2 n’est pas obligatoire dans laprovince de la Saskatchewan. Même si environ 60% des divisionsscolaires choisissent d’offrir le programme de fran!ais de base,le programme d’immersion fran!aise ou le programme de fran!aisintensif (une option offrant un enrichissement du programmede fran!ais de base grâce au contact intensif avec le fran!ais),il n’y a aucune politique relative à l’inclusion ou à l’exclusion desélèves allophones. Cependant, là où des classes d’immersion fran!aisesont offertes, de nombreux parents immigrants y inscriventleurs enfants (S. Gareau, communication personnelle, 29 mars 2006).À l’heure actuelle, il n’y a pas de programme d’études enALS. L’absence d’un tel programme d’études est peut êtreattribuable en partie au faible nombre de personnes nées àl’étranger: seulement 5% de la population de la Saskatchewan(47 825 personnes).

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  • Territoires du Nord-Ouest

    Selon le recensement de 2001, environ 6% des personnes composant lapopulation des Territoires du Nord-Ouest (2 380 personnes) étaientnées à l’étranger (Statistique Canada, 2001a). Les Territoires duNord-Ouest utilisent actuellement les programmes d’études del’Alberta; par conséquent, l’étude d’une L2 est facultative bien queles élèves aient accès au fran!ais dans la plupart des écoles.Actuellement, il n’y a pas de programme d’études en ALS et il n’y aaucune politique concernant l’inclusion des élèves allophones dans lesclasses de fran!ais. La décision d’inclure les élèves allophones dans leprogramme de fran!ais de base ou dans le programme d’immersionfran!aise incombe à la famille, et à l’administration de l’école(J. Béland, communication personnelle, 29 mars 2006). Dans lesTerritoires du Nord-Ouest, il n’est pas question pour le moment derendre obligatoire l’étude d’une L2 (M.-A. Lachapelle, communicationpersonnelle, 28-29 mars 2006).

    Yukon

    À l’heure actuelle, le programme d’études de la Colombie-Britanniquesert de base à celui du Yukon. Ce programme, toutefois, est souventadapté afin de refléter les conditions et les besoins locaux. De la 5e à la8e année, les élèves doivent étudier une L2, qui peut être le fran!aismais également une langue des Premières nations. À l’écolesecondaire, l’espagnol et l’allemand s’ajoutent au choix de languesoffertes. Vu le petit nombre d’immigrants (3 025 personnes, soit 11% dela population), il n’y a pas encore de programme d’études, depolitique ou de cours d’ALS.

    Ontario

    Politiques de l’Ontario avant 1980

    Dans les années 1960, le fran!ais n’était pas obligatoire pour les élèvesde l’Ontario (AOPLV, 1986). Même si l’on étudie la possibilité d’offrirle fran!ais à l’école primaire depuis des décennies (AOPLV), dans lesannées 1960, le fran!ais n’était offert que dans quelques écolesprimaires dispersées aux quatre coins de la province. Et même s’il étaitoffert dans la majorité des écoles secondaires, le fran!ais n’était exigéque dans le programme de formation générale, et non dansles programmes de formation professionnelle ou commerciale.

    Les élèves allophones dans les programmes de FLS 777

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  • Les Canadiens exprimaient le désir d’apprendre le fran!ais et devoir cette matière devenir obligatoire (Churchill, 1998); pourtant,le gouvernement de l’Ontario n’a pas abordé la question dans sesprincipaux documents de politique des années 1970. Au contraire,conformément à la politique adoptée par le gouvernement fédéral, lespolyglottes ont été exclus du bilinguisme jusqu’en Ontario, où l’onpermettait aux immigrants d’apprendre une seule langue officielle.Par exemple, dans le premier document sur le programme d’études enanglais langue seconde (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1977),on recommandait que les élèves allophones s’inscrivent dans desmatières autres que le fran!ais. Le document citait comme principauxexemples des matières qui « n’exigent pas d’habiletés poussées encommunication orale (musique, art et éducation physique) »[traduction] (p. 8). On conseillait également de « placer à un stadepeu avancé » les élèves allophones « dans des matières comme lesmathématiques, les sciences et les arts industriels » [traduction] (p. 8).

    Churchill (1998) a également observé un écart entre le désir dugouvernement fédéral de voir les citoyens canadiens étudier le FLS etla volonté des gouvernements provinciaux de répondre à un tel désir,un écart apparent dans le fait que le FLS n’est pas mentionné dans lesdocuments de politique de l’Ontario. Dans le même ordre d’idées,même si l’intérêt pour le FLS grandissait dans la province, lesdocuments des programmes d’études du gouvernement de l’Ontario(Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1977) ne faisaient pasqu’exclure les élèves allophones des cours de FLS, ils donnaient desraisons de les exclure.

    Politiques de l’Ontario des années 1980

    Dans les années 1980, l’étude du FLS a connu une vaste expansion enOntario. Le gouvernement de l’Ontario a mis en œuvre une politiqueintitulée Les écoles de l’Ontario aux cycles intermédiaire et supérieur(EOCIS), qui rendait l’étude du fran!ais obligatoire en 7e et en 8e

    année, et faisait du fran!ais l’un des crédits obligatoires à l’écolesecondaire. De plus, la politique reconnaissait que les élèvesallophones devaient devenir fonctionnels dans une langue officielleet acquérir certaines connaissances de la seconde langue officielleavant la fin de leurs études secondaires – sans égard à l’expériencepréalable en fran!ais.

    Cependant, Elmore et Sykes (1992, p. 186) ont constaté que« des politiques apparemment simples [. . .] sont trop souvent misesen œuvre de fa!on très différente dans les localités » [traduction].

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  • C’était le cas de cette politique et des divers documents sur le sujet.Par exemple, dans French, Core Programs 1980 (ministère del’Éducation de l’Ontario, 1980), on indiquait des fa!ons d’élaborerdes programmes de fran!ais de base appropriés pour des élèves quiconnaissaient le fran!ais à des niveaux différents (p. 28). Cependant,en même temps on donnait la possibilité aux élèves d’être exemptésdu fran!ais de base (p. 2) si leurs parents ou tuteurs, aprèsconsultation avec le directeur, estimaient qu’une exemption étaitdans le meilleur intérêt de l’élève (p. 2). Les documents d’accom-pagnement, French for General Purposes (ministère de l’Éducationde l’Ontario, 1991), et French for Basic Communication (ministère del’Éducation de l’Ontario, 1987), ne mentionnent nullementde répondre aux besoins des élèves allophones. En effet, dans Frenchfor Basic Communication, on indiquait que le document n’était pasdestiné aux élèves qui n’avaient pas re!u les 600 heuresd’enseignement en fran!ais exigées avant la fin de la 8e annéed’études. La plupart des élèves allophones ne pouvaient pasaccumuler ces heures. À la différence du premier document depolitique de l’Ontario sur l’ALS (ministère de l’Éducation de l’Ontario,1977), le deuxième document (ministère de l’Éducation de l’Ontario,1988) ne recommandait pas explicitement de retirer les élèvesallophones des classes de fran!ais. Il réclamait, cependant, de laflexibilité dans l’élaboration du programme afin de répondre auxbesoins des élèves, ce qui pouvait exiger de les retirer de la classe pourleur donner du soutien en ALS.

    Les faiblesses, cependant, sont apparues lors de l’application de cespolitiques. Par exemple, celles-ci offraient la possibilité d’exempterles élèves des cours de fran!ais, elles ne faisaient pas mention desélèves allophones dans les documents de référence fran!ais, ellesexigeaient que les élèves aient 600 heures de cours de fran!ais avantd’être admis au fran!ais au niveau secondaire et elles n’offraient pasde directives pour répondre aux besoins des élèves allophones dans lecadre du programme d’études en fran!ais. De plus, le documentde 1988 sur l’ALS permettait de retirer les élèves allophones pour leurdonner au besoin du soutien en ALS. Compte tenu de l’exemptionpossible du fran!ais, combinée à la possibilité de retirer les élèvesallophones pour leur donner du soutien en ALS, de nombreux conseilsscolaires avaient la possibilité d’exempter les élèves du fran!ais etd’utiliser pour l’ALS les périodes réservées à l’enseignementdu fran!ais (Taaffe, Maguire et Pringle, 1996).

    Pour résumer, dans les années 1980, le gouvernement de l’Ontario aofficiellement reconnu l’importance de la dualité linguistique en

    Les élèves allophones dans les programmes de FLS 779

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  • rendant obligatoire l’étude du fran!ais, du moins sur papier, dans lesécoles primaires et secondaires, donnant ainsi accès au FLS à tous lesélèves. De plus, malgré les exemptions intrinsèques à la mise en œuvreintégrale des politiques, la politique sur les EOCIS reconnaissait lanécessité pour les élèves allophones d’apprendre le fran!ais.

    Politiques de l’Ontario des années 1990

    Dans les années 1980, il y a eu une forte augmentation des inscriptionsaux cours de FLS au niveau primaire et aux programmes d’immersionfran!aise. La situation s’est stabilisée dans les années 1990.

    Le document Les années de transition, 7e, 8e et 9e années (ministère del’Éducation de l’Ontario, 1992) décrivait le programme pour les élèvesau cycle intermédiaire. Par rapport à la politique sur les EOCIS,il augmentait le nombre d’heures obligatoires de fran!ais. Entre-temps, en raison de la consternation générale suscitée par la mise enœuvre du document The Common Curriculum (ministère de l’Éducationde l’Ontario, 1995), on a commandé un examen de la politique del’Ontario en matière d’éducation. Le rapport de la Commission royalesur l’éducation (CRE; ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1994)faisait part d’inquiétudes au sujet des occasions que les minoritésmanquaient: « un trop grand nombre de leurs enfants échouent, setrouvent dans des classes de l’enfance en difficulté ou suivent descours qui ne débouchent pas sur l’université, ou encore deviennentdes décrocheurs » (vol. 4, p. 90). Le rapport de la CRE n’incluait pas lesélèves allophones dans la discussion sur l’apprentissage des languesofficielles. Il indiquait que le fran!ais était obligatoire seulement pourles anglophones, mais que le système scolaire avait la responsabilitéd’aider les élèves allophones à apprendre l’une des languesofficielles (vol. 2, p. 102).

    Un changement de gouvernement provincial en 1995 a mené à lapublication de The Ontario Curriculum. On s’attendait à ce que tous lesélèves atteignent les normes mentionnées dans The Ontario Curriculum:en effet, le document sur le FLS (ministère de l’Éducation de l’Ontario,1998) indique que le fran!ais est obligatoire de la 4e à la 8e année pourtous les élèves des écoles primaires anglophones. Cependant,les personnes chargées de la mise en œuvre de cette politique ontfait face à quatre obstacles:

    ! Le document sur l’ALS (ministère de l’Éducation de l’Ontario,1999a, p. 12) indiquait que les élèves pouvaient être retirés duprogramme régulier pour recevoir une aide intensive.

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  • ! Le document sur le fran!ais langue seconde au secondairemettait l’accent sur le fait que les élèves allophones était unesource d’inquiétude pour l’établissement du programme.

    ! Il n’y avait pas, au secondaire, de programme provinciald’initiation au fran!ais, qui serait nécessaire pour les élèvesallophones qui n’ont pas re!u d’enseignement préalableen FLS. Les enseignants avaient plutôt le choix entrel’enseignement appliqué et l’enseignement général, qui exi-geaient tous les deux un minimum de 600 heures d’instructionen fran!ais (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1999b).

    ! Le programme d’études d’anglais langue seconde (ministèrede l’Éducation de l’Ontario, 1999a) prévoyait l’octroi de créditsd’équivalence2.

    En résumé, au cours de la décennie, les inscriptions aux cours defran!ais ont stagné en Ontario et l’inclusion des élèves allophonesdans les programmes de FLS s’est détériorée. À l’échelle provinciale, laCRE a recommandé d’exclure les élèves allophones des cours de FLS,une recommandation qui a souvent été suivie (Taaffe et coll., 1996).Alors que Stern (1992) a affirmé qu’une politique linguistique estbonne dans la mesure où elle indique clairement ses objectifs et soncontenu, les plus grandes possibilités d’interprétation peuvent êtredans les zones de silence. Ainsi, l’absence des lignes directricesprovinciales pour les programmes d’études au niveau secondaire enfran!ais de base pour les élèves allophones a été en partie responsablede leur exclusion du FLS. Dans le même ordre d’idées, en donnantaux élèves allophones des possibilités de recevoir des créditsd’équivalence pour remplacer le crédit de fran!ais obligatoire, onencourageait les immigrants à adopter l’anglais comme première etunique langue officielle.

    Politiques de l’Ontario des années 2000

    Comme les changements de fond des années 2000 n’ont pas encore étéapportés à l’enseignement du FLS en Ontario, les conseils scolaires onteu la possibilité de rédiger des documents pour leur district. Un desplus gros conseils scolaires en Ontario a publié des manuels deressources pour les administrateurs et les enseignants du programmed’ALS au primaire (Wagner, 2000, 2001, 2002, 2003) qui montrent quela langue maternelle de 50% des élèves du district est une langue nonofficielle. Ces documents du district recommandaient de tenir comptedes besoins de ces élèves avant de les inscrire en fran!ais de base, pour

    Les élèves allophones dans les programmes de FLS 781

    ! 2007 The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues vivantes,63, 5 (August/août), 761–800

  • donner la priorité à la nécessité d’apprendre l’anglais. En plusd’encourager l’exclusion des programmes de FLS chez les élèvesallophones du primaire, ces documents permettent aux directeurs desécoles secondaires de remplacer le crédit obligatoire en fran!ais par unautre crédit lorsque l’expérience préalable des élèves en FLS estinsuffisante. Ces documents de district indiquent également quele programme d’immersion fran!aise du conseil est con!u pourles élèves qui connaissent bien l’anglais et ils recommandent que lesélèves allophones développent leurs compétences en anglais avant des’inscrire au programme. L’influence de ces politiques sur la diffusiondu fran!ais se fait surtout sentir en Ontario, où les immigrantssont les plus nombreux au Canada: les personnes nées à l’étranger(bien au-delà de trois millions) représentent environ 27% de lapopulation.

    Politiques provinciales et territoriales: Conclusion

    Comme l’illustrent clairement les politiques mentionnées ci-dessus (etcomme le résume le tableau 1), les politiques provinciales etterritoriales ne garantissent pas l’accès à l’enseignement du FLSpour les élèves allophones. En fait, aucune politique fédérale ouprovinciale ne garantit explicitement l’accès au FLS pour les élèvesallophones. Ces écarts dans les politiques ont mené à l’exclusionpossible des élèves allophones des programmes de FLS, si l’on se fieaux études suivantes. Dans une étude longitudinale de trois ans surl’enseignement d’une L3 aux enfants issus de groupes linguistiquesminoritaires, Taaffe et coll. (1996) mentionnent que diverses méthodesd’élaboration des programmes de FLS pour les élèves allophones sontutilisées au sein d’un même conseil scolaire. Une école, par exemple,retirait les élèves immigrants des cours de FLS pour leur donner descours d’ALS, montrant ainsi qu’elle faisait peu de cas de la politiqueexigeant que tous les élèves de l’Ontario étudient le fran!ais. Unedeuxième école exemptait les élèves allophones des cours de FLS afinqu’ils puissent recevoir de l’enseignement en ALS jusqu’à ce qu’ilsconnaissent mieux l’anglais. Une troisième école insistait pour quetous les élèves suivent des cours de FLS. Là où les élèves allophonesparticipaient au programme de fran!ais de base, Taaffe et coll. ontconstaté que les élèves de groupes linguistiques minoritaires quiétudiaient le fran!ais réussissaient aussi bien que leurs pairsanglophones. Mady (2006) a constaté de résultats similaires dansune étude mixte menée auprès des directeurs et des chefs des services

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  • TABLEAU1Re¤ sume¤ despolitiquesprovinciales/territoriales sur l’apprentissage des langues

    Province/Territoire Politiqueactuelle sur l’appren-tissage des langues

    Politique sur la pertinence descoursde fran!aispour lese¤ le' ves allophones

    Alberta L’e¤ tude d’une L2 est optionnelle. Aucune.

    Colombie-Britannique

    L’e¤ tude d’une L2 (pasne¤ cessairement le fran!ais)est obligatoire de la 5e a' la 8e

    anne¤ e.

    Permet auxe¤ le' ves allophonesd’e“ tre exempte¤ s de l’obligationrelative a' l’apprentissaged’une L2.

    I“ le-du-Prince-E¤ douard

    L’e¤ tude du fran!aisestobligatoire de la 4e a'la 9e anne¤ e.

    Aucune.

    Manitoba L’e¤ tude d’une L2 est optionnelle. Aucune.

    Nouveau-Brunswick L’e¤ tude du fran!aisestobligatoire de la1re a'la10e anne¤ e dans leprogrammeanglais.

    Aucune, l’e¤ tude du fran!aisest obligatoire pour touslese¤ le' ves.

    Nouvelle-E¤ cosse L’e¤ tude du fran!aisestobligatoire de la 4e a'la 9e anne¤ e.

    Permet auxe¤ le' ves allophonesd’e“ tre exempte¤ s de l’e¤ tudedu fran!ais.

    Nunavut L’e¤ tude d’une L2 est optionnelle. Aucune.

    Ontario L’e¤ tude du fran!aisestobligatoire de la 4e a'la 9e anne¤ e.

    Permet auxe¤ le' ves allophonesd’e“ tre exempte¤ s de l’obligationrelative a' l’apprentissaged’une L2.

    Que¤ bec Tous lese¤ le' ves immigrantsdoivent e¤ tudierdans lese¤ coles francophones.A' lafin duprogramme d’accueil,lese¤ le' ves allophonese¤ tudient le FL2 et AL2.

    Aucune.

    Saskatchewan L’e¤ tude d’une L2 est optionnelle. Aucune.

    Terre-Neuve-et-Labrador

    L’e¤ tude du fran!aisestobligatoire de la 4e a'la 9e anne¤ e.

    Aucune.

    Territoires duNord-Ouest

    L’e¤ tude d’une L2 est optionnelle. Aucune.

    Yukon L’e¤ tude d’une L2(pasne¤ cessairement lefran!ais) est obligatoire dela 5e a' la 8e anne¤ e.

    Aucune.

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  • d’orientation d’un important conseil scolaire en milieu urbainconcernant la manière de traiter l’inclusion des élèves allophonesdans les programmes de FLS. Toutes les écoles secondaires quioffraient des cours d’ALS ont répondu à l’enquête, mais aucunen’offrait le FLS à tous ses élèves allophones. La majorité des écoles(54%) ont indiqué que les élèves allophones n’étudiaient jamais le FLS,alors que les autres écoles (46%) ont indiqué qu’il leur arrivait parfoisd’inclure des élèves allophones dans le programme de FLS.

    Les politiques présentées ci-dessus et les fa!ons de les mettre enœuvre – de l’intégration obligatoire des élèves allophones dansles programmes de FLS jusqu’à leur exclusion de ces programmes –donnent à penser que les décisions touchant l’inclusion des élèvesallophones dans les cours de fran!ais sont fondées sur des ouı̈-direet sur des choix intuitifs plutôt que sur la recherche ou les attentesdu ministère de l’Éducation. Puisque ce sont ces prises dedécisions intuitives qui dictent si le nombre grandissant d’élèvesallophones au Canada apprendra le fran!ais, il est essentiel demesurer l’intégration et la réussite des élèves allophones dansles programmes de FLS.

    Intérêt des élèves allophones et de leurs familles à l’égard del’apprentissage du fran!ais

    Les politiques fédérales et provinciales ne garantissent pas aux élèvesallophones l’accès au FLS, mais la recherche laisse entendre que cettematière les intéresse. Étant donné qu’il est généralement admis que lamotivation est l’un des facteurs les plus importants relativement à larapidité d’acquisition d’une L2 et au succès obtenu (Dörnyei et Csizér,1998; Tremblay et Gardner, 1995; Gardner et Lambert, 1959), larecherche portant sur l’intérêt des allophones à l’égard de l’étudedu fran!ais est pertinente. La partie suivante décrit la recherchese rapportant à la motivation des élèves allophones à l’égard del’apprentissage du FLS.

    Langues d’usage

    Dans une étude sur la motivation des allophones à l’égardde l’apprentissage du fran!ais, Dagenais et Berron (2001) décriventles langues d’usage de trois familles immigrantes à partir des donnéesobtenues lors d’entrevues semi-structurées avec les parents.Ces données provenaient du mémoire de maı̂trise de Berron (1998)

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  • qui faisait partie de l’étude longitudinale de Dagenais sur les languesd’usage des familles. Les trois familles participantes venaient de l’Asieméridionale et parlaient, à la maison, au moins une langue de l’Asieméridionale. Selon les données résultant des entrevues, les parents dechacune des familles désiraient que leurs enfants continuent à utiliserla langue parlée à la maison. Ils souhaitaient également qu’ils aientl’occasion d’apprendre les deux langues officielles du Canada, ce quiles avait incités à inscrire leurs enfants au programme d’immersionfran!aise. Dagenais et Berron ont constaté que la motivation desparents à avoir des enfants polyglottes était fondée sur leurs propresexpériences du multilinguisme dans leur pays d’origine. En effet, c’estgrâce à ces expériences et à leur déménagement au Canada que lesparents en étaient venus à voir le multilinguisme comme un capitallinguistique qui donnerait également à leurs enfants la liberté d’êtremobile. En fait, les parents attachaient à l’anglais et au fran!ais unevaleur internationale et estimaient que ces langues prépareraientleurs enfants pour l’avenir. Ils encourageaient leurs enfants àapprendre le fran!ais pour diverses raisons: la facilité de l’appren-tissage des langues à un jeune âge, la nécessité d’apprendre la secondelangue officielle du Canada, le besoin de faire une large placeau fran!ais dans un pays où l’anglais domine et l’importancede favoriser la tolérance.

    Dans un rapport antérieur sur la même étude, Dagenais et Berron(1998) donnent une description détaillée de la promotion dubilinguisme fran!ais-anglais faite par les mêmes familles. Les parentsont inscrit leurs enfants au programme d’immersion fran!aise pourde nombreuses raisons, dont les suivantes: ils voyaient que leursenfants apprenaient facilement les langues, ils avaient confiance en lacapacité de leurs enfants d’apprendre plusieurs langues et ilsdésiraient qu’ils deviennent polyglottes. De plus, selon les parents,l’apprentissage du fran!ais présente un plus grand défi quel’apprentissage de l’anglais et permettrait à leurs enfants de trouverdes emplois plus intéressants. Tout en reconnaissant qu’ils ne peuventprédire dans quelle mesure leurs enfants auront besoin de ces languesà l’avenir, ces parents immigrants optent pour l’inclusion. Dagenais etBerron avancent que les parents tiennent au multilinguisme en raisondu multilinguisme de leur pays d’origine, de leur propre multi-linguisme, de leurs objectifs réalistes concernant l’apprentissage deslangues (ils ne s’attendent pas à ce que leurs enfants arrivent à parlercomme les locuteurs natifs) et de leur propre expérience d’immersionen anglais.

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  • Fran!ais de base

    Dans une étude mixte, Mady (2003) a examiné la motivation des élèvesallophones à l’égard de l’apprentissage du fran!ais de base. Cetterecherche avait pour but d’évaluer et de comparer la motivation desélèves allophones et des élèves nés au Canada relativement à l’étudedu fran!ais. Au total, 101 élèves de deux écoles du sud de l’Ontarioont répondu à un questionnaire. Les élèves ont été groupés etcomparés selon leur inscription à l’une de ces trois classes de fran!ais:programme de formation générale de 9e année, programme deformation appliquée de 9e année ou initiation au fran!ais pour lesélèves allophones. Bien que les élèves allophones aient réponduplus positivement que les élèves des deux autres groupes à16 des 21 variables, l’analyse statistique des variables a indiquéune différence importante de motivation entre les élèves allophoneset les élèves canadiens du programme de formation appliquée.Les élèves allophones étaient beaucoup plus motivés à étudierle fran!ais que les élèves du programme de formation appliquée.

    En plus du questionnaire, des entrevues ont été menées auprès desix élèves types, soit deux de chaque groupe. Une analyse des donnéesrésultant des entrevues a également fait ressortir une distinction entreles groupes. Comme les résultats du questionnaire, les entrevues ontconfirmé que les élèves allophones étaient plus motivés à étudier lefran!ais que les élèves des deux autres groupes. Les données résultantdes entrevues ont révélé une structure motivationnelle selon laquelleles élèves allophones avaient un certain sens des responsabilités, cequi n’apparaissait pas dans les réponses des élèves canadiens.Les élèves allophones faisaient état de la responsabilité d’obtenirune bonne éducation et plus tard un emploi, et ils voyaient le fran!aiscomme une fa!on d’atteindre cet objectif alors que, dans les entrevues,les élèves canadiens ne reconnaissaient pas la nécessité d’investir dansl’apprentissage du fran!ais. En fait, les élèves canadiens interrogés necroyaient pas que le fran!ais les aiderait à obtenir un emploi.Les élèves canadiens, qui profitent déjà des avantages que leurconfère la citoyenneté canadienne, comme l’accès à l’éducation etaux emplois, rejetaient l’idée que la connaissance du fran!ais faitpartie de notre identité canadienne. Au contraire, les élèves allophonesmisaient sur l’apprentissage du fran!ais pour accéder à une identitécanadienne qui, selon eux, supposait l’apprentissage du fran!ais.Les élèves allophones estimaient que leurs efforts seraient récom-pensés sur les plans de la citoyenneté et de l’accès à de meilleursemplois.

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  • Réussite en fran!ais des élèves allophones

    Le succès obtenu dans la pratique peut influer sur les politiques. Lesétudes suivantes portant sur la réussite des élèves allophones en FLSdémontrent cette possibilité. La présente partie donne une descriptiondétaillée de trois études effectuées dans le programme de fran!aisde base, puis décrit cinq études effectuées dans le programmed’immersion fran!aise.

    Programme de fran!ais de base

    Dans une évaluation du programme de fran!ais de base de NorthYork, Calman (1988) a recueilli des données à partir de documents surle programme d’études, de manuels, du contenu du programme, dequestionnaires envoyés aux professeurs, d’observations réalisées dansdes classes de 5e et de 8e année, d’entrevues avec des professeurs, desparents et des directeurs, et de tests de compréhension auditive menésauprès de 808 élèves répartis dans 32 classes de 8e année. Parmi lesélèves évalués en 8e année, il y avait 40 élèves allophones qui étaientau Canada depuis plus de deux ans. Les tests de compréhensionauditive ont fait l’objet d’une cotation informatisée et l’on a fourni lesrésultats de l’ensemble des élèves du conseil scolaire de la ville deNorth York, ainsi que les résultats isolés des élèves allophones et desélèves qui suivaient des cours de perfectionnement en lecture et enécriture en anglais. Les professeurs avaient établi que, dans desconditions idéales, une note entre 74% et 82% serait acceptable.Le pourcentage moyen de bonnes réponses était de 76% dansl’ensemble du système. Il n’y avait pas de différence importanteentre la performance des élèves allophones et celle de l’ensemble desélèves. La moyenne obtenue par les élèves allophones était de 71%, cequi indique que ces élèves qui ont commencé à suivre des coursde fran!ais en 6e année obtenaient en 8e année des résultats similairesà ceux de leurs pairs canadiens qui ont commencé à suivre des coursde fran!ais en 3e année.

    Une deuxième étude du programme de fran!ais de base(Mady, 2006) comparait la compétence en fran!ais des élèvesallophones à celle de leurs pairs nés au Canada. La compétence enfran!ais d’élèves allophones du secondaire qui avaient suivi le coursd’initiation au fran!ais pendant un semestre était comparée à celle dedeux groupes d’élèves nés au Canada – un groupe d’élèves unilingueset un groupe d’élèves polyglottes – qui avaient étudié le fran!aisdepuis la 4e année. Le test de fran!ais comprenait des éléments de

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  • lecture, d’écriture, d’expression orale et de compréhension auditive.Les résultats moyens ont révélé que les élèves allophones surclassaientles deux groupes d’élèves nés au Canada dans toutes les mesures saufune. Sur le plan de l’importance statistique, les élèves allophones ontsurclassé les deux groupes d’élèves nés au Canada dans les tests decompréhension auditive et de lecture et dans l’un des volets du test derédaction. Dans la première des trois parties du test d’expression orale,il n’y avait pas de différence statistique dans les résultats des élèves;cependant, les élèves allophones ont surclassé les élèves unilinguesdans la deuxième partie et les élèves polyglottes, dans la dernièrepartie. On n’a trouvé aucune différence importante pour la dictée oula deuxième rédaction.

    La troisième étude portant sur des élèves dans le programme defran!ais de base est présentement en cours et n’offre, par conséquent,que des renseignements préliminaires. Carr (en cours) a examinéla performance des élèves allophones en expression orale et enexpression écrite en anglais à l’aide de L’enquête sur les langues deWoodcock-Muñoz. Elle a ensuite comparé les résultats des élèvesallophones qui étaient dans le programme de fran!ais intensif et quirecevaient du soutien en ALS, et ceux des élèves allophones qui étaientdans le programme anglais régulier et qui recevaient le même niveaude soutien en ALS. Les résultats préliminaires montrent une différenceimportante sur le plan de l’amélioration de l’expression orale et de laconnaissance générale de la langue chez les élèves allophones dans leprogramme de fran!ais intensif par comparaison avec leurs pairs duprogramme anglais régulier (W. Carr, communication personnelle,2 mars 2006).

    Programme d’immersion fran!aise

    Jusqu’à récemment, la plupart des recherches portant sur le FLSont été menées dans le programme d’immersion fran!aise.

    Trois de ces études sont pertinentes dans le contexte. Hart, Lapkinet Swain (1988) ont comparé les caractéristiques sociodémographiqueset les résultats linguistiques et attitudinaux des élèves des pro-grammes d’immersion de longue durée en fran!ais et d’immersionde durée moyenne du Conseil scolaire de la communauté urbainede Toronto. Cependant, seul le programme d’immersion de duréemoyenne comprenait un nombre suffisant d’élèves dont la languematernelle n’était ni l’anglais ni le fran!ais pour permettre d’analyserla performance des élèves allophones. On a recueilli des données sur leniveau atteint en anglais en 5e et en 8e année, sur la compétence

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  • en fran!ais en 8e année et sur les caractéristiques de base des élèves.Les tests mesurant la compétence en fran!ais comprenaient un testde compréhension auditive, un test de closure, un test de répétitionde phrases, un test d’expression orale à option libre et un testd’écriture à option libre. Hart et coll. ont analysé les résultats desélèves aux tests de fran!ais selon les facteurs sociaux et ils ont constatéque, dans toutes les mesures sauf l’évaluation de la fluidité, les élèvesqui provenaient de foyers où aucune des deux langues officiellesn’était parlée surclassaient ceux dont la L1 était l’anglais. En outre,plus la langue d’usage des élèves était une langue non officielle, plusleurs résultats étaient élevés aux tests de compréhension auditive,d’expression orale et de lecture en fran!ais. Les élèves provenantde milieux dans lesquels les langues romanes étaient parléessurclassaient constamment ceux qui provenaient d’autres milieux.Selon Hart et coll., ce succès peut être attribuable au transfertpositif d’une langue à l’autre. Les élèves dont les parents étaientnés à l’étranger obtenaient également, aux tests de compréhensionauditive, de lecture et d’écriture en fran!ais, de meilleurs résultatsque les élèves dont les parents étaient nés au Canada. Aux testsmesurant le niveau atteint en anglais et en mathématiques, cependant,les élèves provenant de milieux où la L1 n’était pas une langueofficielle n’ont pas obtenu d’aussi bons résultats que les élèves nésau Canada.

    Dans une autre analyse des données ci-dessus, Swain, Lapkin,Rowen et Hart (1990) ont cherché à répondre à la question suivante:Les capacités de lecture et d’écriture d’une personne dans saL1 facilitent-elles l’apprentissage d’une troisième langue ? L’analysecomplémentaire du questionnaire sur le milieu de vie des élèves afourni de l’information sur le niveau d’instruction et le statutprofessionnel des parents, et sur l’utilisation et la fréquenced’utilisation de la langue d’origine par les élèves. Les chercheurs ontdécouvert une corrélation positive entre les capacités de lecture etd’écriture dans la langue d’origine et l’apprentissage d’une troisièmelangue, peu importe la situation socio-économique. Ils ont égalementrévélé que les élèves dont la langue d’origine était une langue romaneobtenaient de meilleurs résultats dans les mesures de la compétenceen fran!ais que les élèves dont la langue d’origine n’était pas unelangue romane. Swain et coll. ont conclu que la promotion descapacités de lecture et d’écriture dans la L1 avait un effet positifsur l’apprentissage d’autres langues.

    Dans une étude sur la compétence en fran!ais des élèves de 8e

    année d’un programme d’immersion fran!aise, Bild et Swain (1989)

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  • ont comparé trois groupes d’élèves: un groupe d’élèves ayant pour L1l’anglais, un groupe d’élèves ayant pour L1 l’italien et un grouped’élèves ayant pour L1 diverses langues non romanes. Après avoirétabli la comparabilité des groupes à partir de l’information recueilliegrâce aux questionnaires, aux dossiers scolaires et aux tests deconnaissances, Bild et Swain ont évalué la compétence en fran!ais desélèves à l’aide de quatre mesures différentes: deux tests oraux et deuxtests écrits. Les résultats ont indiqué que les deux groupes d’élèvesbilingues surclassaient de manière significative les élèves ayant pourL1 l’anglais dans les tests écrits et dans la plupart des questions destests oraux; par conséquent, l’apprentissage antérieur d’une langueinfluen!ait positivement l’acquisition du fran!ais. Entre les groupesd’élèves bilingues, les élèves ayant pour L1 l’italien ont obtenu demeilleurs résultats que les élèves ayant pour L1 une langue nonromane; même si la différence n’était pas statistiquement importante,elle laissait entendre que la proximité dans la typologie linguistiqueavait un effet positif sur l’acquisition d’une troisième langue. Bild etSwain ont également établi une corrélation positive entre l’étudecontinue de la L1 et la compétence en fran!ais: les élèves quicontinuaient à étudier leur langue d’usage obtenaient de meilleursrésultats aux tests de compétence en fran!ais que les élèves qui nepoursuivaient pas officiellement l’étude de leur L1.

    Dans une étude sur la performance des élèves du programmed’immersion fran!aise aux tests de 3e et de 6e année administrésdans l’ensemble de la province, Turnbull, Lapkin et Hart (2001)ont comparé les résultats des élèves des classes immersives etdes classes non immersives. Ils ont également comparé les résultatsdes élèves allophones à ceux des élèves réguliers. Aux testsde mathématiques et aux tests de lecture et d’écriture en anglais,la performance des élèves allophones était comparable à celle desélèves réguliers.

    À l’aide d’une approche qualitative d’étude de cas, Taylor (1992) aexaminé les caractéristiques scolaires, socioculturelles et psychologi-ques d’un enfant – qu’elle appelle Victor – appartenant à un groupelinguistique minoritaire et qui était inscrit au programme d’immersionfran!aise tout en apprenant l’anglais. Taylor a recueilli des données enadministrant des tests de fran!ais et de mathématiques et eninterrogeant l’enfant, ses pairs, ses professeurs et sa mère. Elle aégalement observé l’élève en classe et dans la cour de récréation. Dansles tests de mathématiques et dans toutes les sections des tests defran!ais sauf celle sur l’identification des mots, Victor a obtenu,relativement aux mesures officielles, des résultats égaux ou supérieurs

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  • à la moyenne de la classe. Les mesures informelles ont confirmé queVictor avait réussi à s’adapter au programme d’immersion fran!aisepuisque Taylor a observé que Victor était égal à ses pairs quant auxprogrès linguistiques et scolaires, ainsi qu’au point de vue dével-oppement social. Dans le même ordre d’idées, les entrevues ontégalement révélé que Victor dialoguait bien en fran!ais avec sonprofesseur et ses pairs. Taylor en a conclu que Victor réussissait dans leprogramme d’immersion. En fait, elle a été tellement convaincue dusuccès de Victor qu’elle a déclaré que le programme d’immersionpouvait convenir aux enfants des groupes linguistiques minoritairesen général. Taylor a également révélé que les opinions des parents surla situation linguistique pouvaient influencer positivement l’acquisi-tion de la langue par l’enfant, même si la L1 est très différente de lalangue visée.

    Conclusion

    Les résultats des études précitées sur le niveau atteint montrent defa!on constante le succès des élèves allophones qui étudientle fran!ais. Ces résultats pourraient servir à renseigner les décideurset, ainsi, à augmenter les possibilités d’inclusion des élèves allophonesdans les programmes de FLS. Les administrateurs, les professeurset les parents continuent toutefois à mentionner les difficultés àinscrire les élèves allophones aux cours de fran!ais. Par conséquent,malgré le potentiel de ces résultats positifs pour influer sur lespolitiques, les idées précon!ues des personnes chargées de la miseen application des programmes d’études pourraient nuire à leurmise en œuvre.

    Malheureusement, la présente revue donne à penser que, malgré ledésir qu’ont les élèves allophones d’étudier le fran!ais, souhait queleurs parents appuient, il n’est pas garanti qu’ils pourront le faire etqu’ils seront admis dans les programmes de fran!ais.

    Recommandations

    Comme nous l’avons vu, les limitations imposées aux élèvesallophones relativement à l’accès aux programmes de FLS sontincompatibles avec leur capacité d’étudier le fran!ais et leur désir dele faire, ainsi qu’avec les souhaits de leurs parents. Les recommanda-tions suivantes ont pour but d’accroı̂tre l’accès aux cours de fran!aispour les élèves allophones, d’améliorer les choix offerts et de favoriserle succès scolaire des élèves allophones au Canada.

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  • Gouvernement fédéral

    1. Élaborer une politique fédérale qui garantit aux allophones l’accèsau FLS.

    2. Clarifier les documents de politique. Par exemple, indiquerclairement dans Le prochain acte que l’on s’attend à ce que lesélèves allophones apprennent également les deux languesofficielles.

    3. Favoriser l’apprentissage d’autres langues.4. Faire connaı̂tre les avantages d’apprendre d’autres langues.5. Faire connaı̂tre les avantages d’apprendre une troisième langue

    aux personnes qui sont déjà bilingues.6. Continuer à financer l’enseignement du fran!ais.7. Fournir des fonds pour le maintien de la recherche dans ce

    domaine.8. Continuer à encourager le bilinguisme sur le plan des langues

    officielles par un système de points d’immigration.9. Offrir de l’aide pour l’apprentissage des deux l