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Monographie – 2008/2009 Sciences Com’, l’école de communication et des médias Clarisse Allain Bac+5/M2 Management de la communication Option marketing et communication des territoires Le marketing territorial peut-il relancer le développement des territoires en crise ?

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Monographie – 2008/2009

Sciences Com’, l’école de communication et des médias

Clarisse Allain

Bac+5/M2 Management de la communication Option marketing et communication des territoires

Le marketing territorial peut-il relancer le

développement des territoires en crise ?

SOMMAIRE

Introduction 2

I. Territoire : l’ « inné » et l’acquis 3

I.1. DÉFINITIONS 3 I.2. CONSTRUCTION IDENTITAIRE DU TERRITOIRE 6 I.3. L’IMAGE : COMPOSANTE MOUVANTE DU TERRITOIRE 9 I.4. QUAND RIEN NE VA PLUS : LA CRISE DES TERRITOIRES 12

II. Le marketing appliqué au territoire 15

II.1. COMPLEXITÉ DE LA DÉFINITION 15 II.2. LES ENJEUX : DU DÉVELOPPEMENT À L’ATTRACTIVITÉ 17 II.3. LES LEVIERS DU MARKETING TERRITORIAL 20

III. Prévenir ou guérir de la crise ? 23

III.1. LES ENJEUX DU TERRITOIRE EN CRISE 23 III.2. LE MARKETING, UNE SOLUTION ? 25 III.3. LIMITES DE SON ACTION 28

Conclusion 30

Bibliographie 31

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Extrait/Abstract

Le territoire est un espace de représentations. Composé de son identité, l’essence de ce qu’il est ; sa nature profonde, et de son image, la perception de ce qu’il est par autrui, il est dynamique, se transforme, se recompose au gré des actions de la collectivité qui le gère. Du fait de ce mouvement perpétuel, il doit faire face à des crises de plus ou moins grandes ampleurs. Celles-ci peuvent avoir de graves répercussions sur l’identité et entraîner un déficit d’image. La question que nous pose ce mémoire, est de savoir si le marketing territorial peut relancer un territoire en crise ? Pour le savoir, il faut en définir la notion. Le marketing territorial est une démarche visant à qualifier l’offre présente sur le territoire et à proximité, pour lui donner un sens, en vue de le rendre attractif. Il accompagne les politiques publiques dans leur stratégie de développement local et surtout, vise à l’amélioration de l’attractivité du territoire. Trois métiers le composent, celui de réaliser des études afin de faire un état des lieux précis des atouts du territoire et des opportunités de marchés à saisir, celui de développer une stratégie en réponse à la problématique soulevée par l’étude, et celui de la mettre en œuvre par la prospection et la communication. Même si le marketing territorial a un réel impact sur l’identité et sur l’image du territoire grâce à son rôle de qualification de l’offre, il doit avant tout être considéré comme un outil d’anticipation de la crise et de maintien d’une croissance positive de l’économie.

* * * Territory is a land of representations. It is composed of its identity, the essence of what it is; his wide nature, and composed of its image, the perception people have about what it is. It is dynamic, it can be changed and recomposed thanks to the operations of the local authority. Because of this ever-changing movement, it sometimes has to cope with crisis. These crisis can have serious consequences over the identity and be the cause of a loss of image. The question asked by this essay is about the marketing ability to relaunch the development of a district? To answer this question, we will define the marketing for districts. It is about a process which aims at qualifying a land’s offer and around, in order to give it a meaning and make him attractive. It accompanies the public policies in their local development strategy and aims to improve attractivness. It has three functions : realise an inventory of the land’s wealth and of the markets’opportunities, develop a strategy to answer the problem the inventory arises, and put the strategy in place using canvassing and communication. Even though the marketing has a real impact on the identity and the image of the district - thanks to its role of qualifying the offer - it has to be considered as a anticipatory tool for crisis and as a way to maintain a positive economical growth.

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Introduction

La fin des années 2000 marque l’émergence de plusieurs phénomènes en apparence distincts mais qui ont pourtant une relation de causalité avérée. En 2007, la marque grand-lyonnaise ONLYLYON fait son apparition dans le monde de la communication territoriale français, provoquant un séisme dans toutes les collectivités. Aujourd’hui, nombreux sont les territoires en passe de créer leur propre marque. L’émergence de cette pratique démontre la croissance exponentielle des techniques de marketing appliquées aux territoires. Elle témoigne sans doute, également d’une prise de conscience des élus de la nécessité de mener ce type d’actions. Mais attention, l’étude de cette discipline montrera plus tard qu’il s’agit d’une pratique bien distincte du marketing d’entreprise. Parallèlement, en 2008, la crise financière plonge notre monde dans des difficultés économiques à moyen terme. Cette nouvelle crise, plus violente, pose la question du devenir des territoires dont l’activité économique rythme la croissance. Au-delà de ce contexte de crise économique, la situation nous interroge sur la notion de crise des territoires. Marque de territoire et crise, une relation de cause à effet que nous chercherons à établir, en nous interrogeant sur le rôle que peut prendre le marketing territorial dans la relance du développement des territoires en crise. Afin d’y répondre au mieux et d’aborder tous les aspects que cette problématique recouvre, nous commencerons par revenir sur la notion de territoire elle-même. Dans cette partie, nous rappellerons la bi-dimension du territoire : entre identité et image, et l’impact des crises sur celle-ci. Ensuite, nous reviendrons sur la notion de marketing territorial afin d’en comprendre les enjeux et d’en dégager les leviers. Enfin, grâce aux interviews d’experts, nous analyserons leur vision de la problématique pour tenter de répondre au problème posé.

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I. Territoire : l’ « inné » et l’acquis

I.1. Définitions

I.1.a. Approches multiples de la notion

En préalable à ce travail, nous devons définir les contours du terme « territoire » car il compte un nombre important de significations. D’ores-et-déjà, nous pouvons affirmer la complexité de ce mot tant il recouvre de sens et de caractères. Une définition de Wikipédia met en avant le territoire comme espace métrique topographique. Il s’agit ici d’une interprétation du domaine de la géographie physique. Elle donne à voir le territoire comme un espace délimité par des frontières physiques et caractérisé par des éléments naturels comme les reliefs montagneux, les fleuves, etc. et pouvant être représenté par des cartes topographiques. A ce stade nous comprenons qu’il est impossible de définir le territoire selon cette seule approche topographique. Car il est vrai, les définitions du territoire mettent plus souvent en avant ses caractères sociologique, économique voire politique. La racine du mot territoire provient du terme latin « territorium ». Il désigne le terrain appartenant à une ville ou à l'État. Il est intéressant de constater qu’un sens particulier sous-tend ce mot, celui de l’autorité. D’abord, à l’époque du moyen-âge, il représentait un pouvoir exercé par les ecclésiastes sur des domaines terrestres. Peu après, il a désigné les terres sur lesquelles l’État appliquait ses lois et exerçait son autorité1. Le Petit Larousse confirme d’ailleurs ce sens : « au sens figuré, domaine

qu'une personne s'approprie, où elle tente d'imposer ou de maintenir son autorité, ses

prérogatives. » Dès lors, on voit apparaître dans la définition même du territoire le rapport à l’humain comme acteur de la construction territoriale. C’est ce sens, que lui ont donné beaucoup de chercheurs en sociologie notamment, qui va nous intéresser particulièrement ici, à savoir le sens anthropologique du terme. Nous l’avons prouvé dans la définition précédente, « le territoire est une référence à l’humain » il faut donc s’intéresser aux habitants et aux acteurs présents sur le territoire, et penser le territoire selon leurs propres pratiques. Selon Michel de Certeau, chaque individu possède une définition individuelle et unique du territoire qu’il pratique. Alors, « il existe autant d’espaces que

d’expériences spatiales distinctes ». Le territoire au sens anthropologique renvoie donc à l’expérience pratique de l’espace par l’homme. Il existe une deuxième approche du terme, celle de la

1 Source : Yves Lacoste (dans Themata : le territoire)

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relation qui lie l’Homme à son espace. Pour qu’un territoire existe l’individu doit développer pour lui un sentiment d’appartenance et doit pouvoir s’identifier à ce dernier. L’humain tisse un lien fort avec son espace soit parce qu’il y est né, parce qu’il y a vécu des évènements marquants, noué son réseau social et affectif, soit parce qu’il s’y projette aisément dans l’avenir, soit pour les deux raisons. Par analogie, appuyons nous sur le concept des « non-lieux » développé par Marc Augé. A l’inverse du non-lieu, le territoire est relationnel, c’est un espace de vie.

I.1.b. Territoire de représentations & symboles

Selon la définition anthropologique du terme, le territoire n’existe donc pas en tant que tel mais il est le fruit d’une construction établit par l’individu selon ses pratiques et sa relation avec ce dernier. Cette idée est réaffirmée par plusieurs chercheurs dont Catherine Loneux, directrice adjointe du CERSIC2, qui émet ainsi la théorie suivante. Selon elle, le territoire est une construction mentale et non plus seulement une construction topographique. Denise Jodelet affirme quant à elle, que ce sont « les représentations sociales qui modèlent le

territoire ». Or, toujours selon ce chercheur, les représentations sociales sont des « évocations

mentales » que les individus se font d’un objet qui n’est pas perceptible dans l’immédiat. Les représentations sont donc le fruit de l’imaginaire des individus. Se pose alors la question de la construction de ces représentations, ou comment l’individu parvient-il à se forger une image, au sens large, pertinente du réel ? Jean Attali, dans un essai3 sur les représentations de la ville émet l’hypothèse suivante : il existe plusieurs modes d’expression des représentations, il peut s’agir d’images, des symboles, de cartes... De ce point de vue, les représentations se construisent à partir d’objets réels tels qu’évoqués ci-dessus. Le croisement de ces objets, du vécu de l’individu et des relations qu’il entretient avec son territoire concoure à la naissance de ces représentations. Selon J. Levy et M. Lussault, le territoire est composé d’éléments naturels et symboliques qui le structurent et en déterminent sa pratique. Au vu de la théorie des représentations sociales abordée ci-dessus et des objets évoqués par J. Attali, il semble opportun d’expliciter le terme de « symbole », pour en comprendre le rôle. Le terme de symbole s’apparente à celui de « signe ». Les symboles sont donc des signes qui peuvent être interprétés selon certaines conventions préétablies (ex. : le drapeau tricolore est symbole de la France et les couleurs sont des signes connus et acceptés par notre société française). Pourtant, l’individu comprend et interprète les signes selon plusieurs facteurs. Cela dépend de sa nature, du contexte dans lequel est amené ce signe, de la culture de l’individu lui-même et de ses propres préoccupations. Chacun interprète les signes en fonction de ce qu’ils sont et en fonction de qui il est en tant que personne. Le symbole va donc, on le comprend, 2 Centre d’études et de recherches en sciences de l’information et de la communication

3 Jean Attali, Régis Darques, Michel Herrou et Suzanne Paré. Les représentations de la ville. Source :

http://forumville.paris-malaquais.archi.fr

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jouer un rôle important dans la création des représentations d’un territoire par l’individu parce qu’il en est la source. Les symboles vont déterminés l’existence de ce dernier.

Ajoutons à cette démonstration le fait que les représentations n’émanent pas seulement des objets réels donnés à voir aux individus mais sont également le fruit des discours proclamés par les communicants et les élus. A ce niveau, il faut conclure d’une chose : le territoire est un ensemble de représentations sociales construites par l’individu selon plusieurs facteurs. Or, les représentations émanent également des discours. Il est possible alors de formuler l’hypothèse suivante, le territoire peut être modelé, modelé par l’action de l’homme sur les objets préexistants ou créés du territoire et par les discours.

I.1.c. Un processus de construction à trois niveaux L’espace vécu de Michel de Certeau correspond à l’espace qu’un individu s’approprie et se représente selon ses pratiques et ses relations avec les autres. Les représentations que l’individu se fait de son espace sont directement liées à sa culture et au groupe social auquel il appartient. Pour G. Di Méo4 l’individu socialisé créé un lien avec la terre qu’il pratique. Le deuxième niveau de territorialité fait référence à l’espace perçu, celui qui suscite la réflexion. Dès lors, cette notion renvoie à l’imaginaire de l’individu : il construit l’espace autour de lui-même selon son espace vécu et les éléments personnels et sociétaux qui l’influencent (ex. : la politique, l’économie, ses sensations…). Pour mieux comprendre ce niveau, intéressons nous à l’espace perçu dit « collectif ». Il décrit « une identité spatiale collective qui prend la forme d’un ensemble de

discours, de représentations et de pratiques de son espace par un groupe donné »5. Pour expliciter

ceci, les auteurs prennent l’exemple de Venise, ville à laquelle le collectif associe divers images : monuments et architecture, gondoles, carnaval… Le plus souvent le groupe se représente Venise comme une destination touristique. Dans les cas des espaces vécu et perçu, nous reconnaissons le schéma de la construction mentale du territoire : d’abord, une appropriation selon son vécu, c’est-à-dire ses pratiques sociales, puis, une représentation selon l’interprétation des images, symboles ou cartes donnés à voir. Le troisième niveau de territorialité s’agit de l’espace conçu. Ici, le territoire est inventé par des discours consensuels pensés par les communicants, les politiques ou les médias. Ces acteurs donnent 4 G. Di Méo, Géographie sociale et territoires, Nathan, 1998

5 Jacques Levy et Michel Lussault

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à voir une certaine représentation du territoire par des images et des messages. Les médias particulièrement, constituent des relais de l’identité et de la mémoire du territoire. C’est par l’action de « dire » le territoire qu’il va exister en tant que tel. Dans le cas de l’espace conçu nous vérifions l’hypothèse émise précédemment : le territoire est également construit par les discours.

I.2. Construction identitaire du territoire

I.2.a. L’identité en quelques notions Pierre Tap, psychosociologue, donne une définition de l’identité personnelle qui mérite que l’on s’y arrête. Il assimile l’identité à un « système de sentiments et de représentations par lequel le sujet se

singularise ». Selon lui, elle permet à l’individu de rester identique à lui-même tout en se différenciant d’autrui. Il continue, « mon identité c'est ce par quoi je me définis et me connais, ce

par quoi je me sens accepté et reconnu comme tel par autrui »6.

On voit ici se dégager un premier élément qu’il est intéressant de lier avec la notion de territoire, vue précédemment. En effet, nous avons démontré que le territoire est, d’un point de vue anthropologique, un ensemble de représentations, or l’identité est régie par ce système. Il existe donc une interaction entre territoire et identité. Nous formulerons donc l’hypothèse suivante : l’identité est le processus qui structure les représentations que se font les individus d’un territoire. Elle permet de lui donner un sens. Un second élément vient s’ajouter au premier, celui de la notion d’unicité que P. Tap met en exergue en situant toujours l’individu par rapport aux autres. L’identité est un système qui permet de se distinguer, elle fait donc de nous des êtres uniques. Pierre Zémor vient parachever cette définition lorsqu’il exprime l’idée que « l’identité permet à un territoire, une personne d’avoir le sentiment

d’exister en tant qu’être cohérent, spécifique, assumant son histoire et ayant une place par rapport

aux autres ». On peut alors en conclure, et nous y reviendrons, qu’un territoire existe s’il possède une identité qui le rend singulier.

I.2.b. L’identité sous toutes ses formes… Hugues de Varine7 et Luc Benito8 affirment que l’identité est fondée sur le bâti, c’est-à-dire le patrimoine, et l’histoire d’un territoire, en somme sa mémoire. Il est vrai, le patrimoine se définit comme un ensemble de biens identitaires. L’identité est donc basée sur un socle historique et

6 Source : www.wolton.cnrs.fr/FR/dwcompil/glossaire/identite.html

7 « Le patrimoine est la carte d’identité du territoire. »

8« L’histoire d’une ville lui a donné au fils des ans un caractère et une âme, c’est en cela que l’on peut définir l’identité

du territoire. » Extrait de BENITO Luc et TOBELEM Jean Michel. Les musées dans la politique touristique urbaine. In

Politique et Musée. L’harmattan. Juin 2002.

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culturel intangible. Mais au vu, de nos précédentes recherches, il n’agit pas seulement de cela, revenons sur les composantes de l’identité d’un territoire. L’identité se compose d’éléments spatiaux et temporels, d’une part, et d’éléments dits naturels et symboliques, d’autre part. Les composantes spatiales d’un territoire représentent l’ensemble des limites de l’espace, son climat, sa topographie, etc. Elles relèvent de l’aspect géographique de la notion évoquée dans la définition préalable. Les composantes temporelles désignent quant à elles, l’histoire bâtie autour de l’héritage industriel et, de la dynamique socioéconomique et socioculturelle. Ensuite, les composantes naturelles revêtent le caractère tangible et palpable de tous les éléments situés sur le territoire : les monuments, l’architecture, les fleuves et rivières…Enfin, les composantes symboliques sont les beffrois, les sceaux mais aussi les couleurs et les événements qui caractérisent l’espace. L’identité se compose donc de l’ensemble des atouts et des faiblesses d’un territoire, et de ses spécificités. Ce sont ses caractéristiques urbaines, économiques et socioculturelles qui lui confèrent cette unicité.

I.2.c. En quoi l’identité est-elle importante pour le territoire ? L’identité donne au territoire toute sa consistance en ce sens qu’elle lui permet d’exister. Mais deux raisons autrement importantes se distinguent et expliquent pourquoi il est nécessaire pour un territoire d’avoir une identité forte. Partons de l’homme et de son identité. Abraham Moles, avec sa théorie des « Coquilles de l’Homme »9, propose un parallèle entre la notion d’identité et d’espace chez l’Homme. Pour lui, ce dernier s’entoure de huit coquilles constitutives de son identité. De son propre corps qui distingue le « moi » de l’environnement, jusqu’au Monde programmé à l’avance, anticipé et inconnu, en passant par le quartier, la ville et la région, l’Homme se construit par rapport aux repères spatiaux et temporels qu’il possède. En outre, l’identité d’un territoire s’exprime par ces mêmes repères. Donc, l’identité du territoire, c’est-à-dire l’ensemble des éléments spatiaux, temporels, naturels et symboliques qui la composent, permet à l’Homme de construire sa propre identité. C’est en cela que l’identité du territoire prend toute son importance, c’est-à-dire dans le fait qu’elle créé le lien entre le territoire et l’individu. Elle favorise le développement du sentiment d’appartenance qu’un Homme tisse avec son espace de vie. Revenons enfin sur ce que Pierre Zémor et Pierre Tap soulignait plus loin dans leur définition à savoir, la notion de singularité de l’identité. Nous le disions, l’identité est unique et durable. Elle donne le sentiment d’exister en tant qu’entité géographique et anthropologique spécifique. Ce qui la caractérise, en outre, c’est sa fonction singularisante car si elle permet aux individus et aux

9 Abraham Moles et Elisabeth Rohmer, Psychologie de l'espace, Tournai, ed. Casterman (1978)

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territoires de se faire une place parmi les autres, elle constitue surtout le facteur de différenciation avec autrui. Il est nécessaire de souligner ce caractère de l’identité car nous le verrons plus tard, le marketing territorial doit s’appuyer sur des éléments qui puissent démarquer un territoire d’un autre.

I.2.d. Les actions qui la modifient Après avoir défini la notion, explicité sa composition et souligné son importance, une question reste en suspend. L’identité territoriale est-elle modifiable ? Nous sommes partis du principe que l’identité existe, mais de nombreux chercheurs s’accordent à dire qu’elle ne préexiste pas au territoire, ni à l’Homme, mais qu’elle se construit socialement. Nous pouvons d’ailleurs accepter ce postulat sachant ce que nous avons vu plus haut. Ainsi donc, l’identité se construit et peut donc être modifiée. Dès lors, il est intéressant d’analyser le processus de création ou de modification de l’identité d’un territoire. Jamel Khermimoun10, docteur en sciences humaines et sociales à l’université Paris-Sorbonne, à l’image de plusieurs experts et chercheurs dans ce domaine, avance deux pistes de réflexion : le rôle des projets urbanistiques et celui des politiques de la ville. Les projets urbanistiques ont, il est vrai, un rôle important à jouer dans le façonnage identitaire d’un territoire. Ceci est d’autant plus vérifiable qu’ils constituent l’une des composantes de l’identité (la composante naturelle). L’exemple du département de Seine-Saint-Denis est très parlant. Le Conseil général, conscient du cadre urbain défavorable dont souffrent le département et ses habitants, a choisi de mener un grand projet de restructuration urbaine. Il a donc entrepris de prolonger le tramway, de rouvrir la Grande Couronne et de couvrir les autoroutes. Ces nombreux aménagements vont à terme, largement contribuer à renforcer l’identité de ce territoire. Les politiques de la ville ont-elles aussi un rôle majeur à tenir pour les mêmes raisons. Eclaircissons ce point en l’illustrant par l’exemple nantais. Nantes est une ville chargée d’histoire, ce qui lui confère un potentiel identitaire fort. La municipalité a su s’en saisir et lui a donné du sens grâce notamment à sa politique très développée d’événementiels culturels. Nous pensons bien sûr aux spectacles de rue de la Compagnie Royal de Luxe, mais aussi à la Biennale d’art contemporain Estuaire, à la Folle Journée, etc. Le positionnement des politiques publiques en faveur du développement culturel a donc contribué au renforcement du sentiment d’appartenance des Nantais à leur ville, puisque ces évènements rassemblent chaque fois des centaines de milliers de spectateurs nantais.

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Cf. bibliographie p.31

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I.2.e. Le risque technologique L’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication a provoqué un bouleversement des rapports humains. Selon Laramée, les TIC favorisent la solidarité communautaire au détriment de la mémoire collective. Par conséquent, alors que nous expliquions que l’identité territoriale se construit autour notamment du lien entre le territoire et ses habitants, l’auteur prévoit une désagrégation de ce lien provoquée par la construction d’un nouvel imaginaire détaché de toute préoccupation politico-sociale. Cet état social marque la disparition du sentiment d’identité collective. Les TIC présentent donc un risque pour le territoire de perdre son identité.

I.3. L’image : composante mouvante du territoire

I.3.a. De l’identité à l’image, un cercle vertueux ?

Faire la distinction entre l’identité et l’image du territoire n’est pas chose aisée. Nous l’avons vu pour l’identité et nous le verrons pour l’image, les éléments qui les composent sont souvent les mêmes. Alors, comment les différencier ? En réalité, il est difficile de faire une quelconque distinction car toutes les deux sont intimement liées. Nous partirons donc du principe suivant : l’identité est l’essence de ce que nous sommes ; notre nature profonde, l’image est la perception de ce que nous sommes. Par conséquent, si un territoire ne possède pas d’identité propre alors il n’a pas d’image, et inversement. Des chercheurs sont allés dans ce sens. Ils ont affirmé que l’identité conditionne l’image tout comme l’image impacte l’identité. J. Khermimoun, dans son ouvrage, marque très bien la relation qu’il existe entre les deux à travers l’exemple séquano-dionysien. Il aborde ainsi l’existence d’un cadre urbain peu propice, issu du passé industriel du département. Selon lui, cet état conditionne une image négative du territoire et une difficile redynamisation de l’espace. Par exemple, il désigne les friches industrielles, résultantes de la fermeture des usines Miko et Arcelor-Mittal entre autres, comme « facteur important de

disqualification de l’image ». Il poursuit en avouant que cette image négative « peut représenter un

obstacle à la mutation en profondeur de l’identité ». L’interrelation forte qu’il existe entre identité et image peut s’avérer dangereuse pour le territoire. Car, l’identité de même que l’image, si elles sont négatives, peuvent rendre difficile l’amélioration de l’une ou de l’autre. L’inverse n’est malheureusement pas toujours vérifiable en témoigne la ville de Saint-Etienne qui possède une identité forte et positive, mais une image plutôt négative.

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I.3.b. Le triangle de l’image pour définition

La théorie du triangle de l’image ci-dessous a mis en exergue le fait que l’image est composée de trois éléments indissociables.

L’identité au sommet du triangle justifie le principe explicité ci-dessus : l’image et l’identité ne peuvent être analysées l’une sans l’autre. Il n’est plus utile de décrire le lien qui les unit. L’attractivité est le deuxième élément composant l’image. L’auteur du schéma en fait la définition suivante : « l’attractivité est une opinion subjective qui a trait à la personnalité, la confiance (envers

les élus, la collectivité…) et la proximité ». Nous irons plus loin. Il est possible de qualifier cette notion en se plaçant du point de vue de l’entreprise. Elle représente l’ensemble des facteurs de désirabilité qu’un territoire a à offrir. Pour le cas du chef d’entreprise, il peut s’agir de la situation géostratégique du territoire, des facilités proposées par les collectivités (ex. : subventions, permis de construire…) et/ou des externalités urbaines (ex. : les transports, les équipements collectifs…). La décision d’une entreprise de s’installer dépend du marché potentiel que représente le territoire. L’attractivité est donc plutôt l’ensemble des potentiels économiques, socioculturels, temporels et spatiaux que propose un territoire à un public endogène et exogène. La notoriété est, quant à elle, le dernier élément constituant l’image. Il renvoie à la connaissance que les individus ont du territoire. Pour reprendre notre exemple du chef d’entreprise, son choix d’implantation est aussi influencé par la connaissance qu’il a du territoire. La notoriété représente la capacité d’un individu a donné le nom du territoire, éventuellement de le situer géographiquement, etc. Ce schéma est intéressant et mérite d’être complété par les propos de Bertrand Debarbieux. Il précise que « les images des villes sont construites à partir d’éléments naturels et par l’action des

collectivités », on entend bien sûr celle des communicants. Ainsi, deux éléments naturels : l’icône (éléments particuliers qui caractérisent le territoire) et les représentations sociales (ensemble de ces

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éléments) appartiennent au registre identitaire du territoire. Les deux autres éléments : les représentations théâtrales (mise en scène du territoire) et les politiques, sont construits par l’Homme.

I.3.b. Le processus de construction de l’image

Avant Gilles Marion, Michel Marion (1986) s’était interrogé sur les processus de création d’images et avait conclut à l’existence de trois niveaux de construction. L’image déposée en est le premier stade. Il s’agit d’une construction établit par un groupe de personnes partageant les mêmes représentations. Pour un territoire, ce groupe d’individus représente ses publics (habitants, entreprises…) et les acteurs (associations, groupements d’intérêts…), ils ont tous en commun des opinions sur le territoire qu’ils occupent. L’image voulue quant à elle, est un « ensemble de valeurs

déclarées par l’organisation à tous ceux qu’elle considère comme parties prenantes ». L’image voulue ou encore souhaitée, désirée, est décidée par les membres de la collectivité et leurs collaborateurs (ex. : les agences de communication). L’image diffusée enfin, fait référence au discours tenu par et sur le territoire. Ce niveau démontre plus que jamais la fragilité de l’image, puisque l’organisation ne peut éviter les images que d’autres, les parties prenantes ou les médias, peuvent construire et véhiculer d’elle-même. Il ressort effectivement de ces trois niveaux, un processus de construction de l’image en trois étapes : dans un premier temps la collectivité sonde les parties prenantes (habitants, entreprises, associations…) afin de percevoir l’image qu’ils ont du territoire, ensuite, ils font des choix stratégiques en lien avec ces résultats pour choisir les éléments (cohérents) du territoire qu’ils souhaitent mettre en valeur, enfin, ils communiquent pour faire connaître cette image. Les discours émis par les communicants et les politiques sont donc à l’origine de la création de l’image d’un territoire. Les médias sont des acteurs à ne pas négliger tant ils possèdent le pouvoir d’influencer l’image. J. Khermimoun le démontre, la Seine-Saint-Denis souffre d’une image négative en partie à cause du battage médiatique autour de la violence urbaine dans les cités du département. Selon M. Marion, l’image est un processus, elle est donc modifiable notamment grâce au discours des communicants et des médias. Mais, il ne s’agit pas seulement de cela ; les discours ne sont pas le seul facteur d’influence de l’image. Nous l’avons vu, les composantes naturelles du territoire jouent également un rôle (identité et attractivité).

I.3.c. Les facteurs d’influence de l’image du territoire

Il est désormais utile de mettre l’accent sur un élément crucial que nous venons de soulever : « l’image d’une organisation est l’idée que l’on se fait d’elle à un moment donné »11 cette définition montre que même si une organisation participe à la construction de son image, celle-ci ne

11

Source : Gilles Marion, Les Images de l’Entreprise. Les éditions de l’organisation (1989).

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correspond pas toujours à ce qu’elle souhaite véhiculer. Il existe effectivement plusieurs facteurs créateurs d’image :

� L’expérience personnelle aura une influence directe sur l’image déposée car c’est l’individu qui la créé à travers son expérience et sa culture ;

� Le bouche-à-oreilles, à l’image de l’expérience personnelle, est le fait d’un groupe qui, en véhiculant un message, transmet une certaine image du territoire ;

� La communication de la ville : on évoque ici le concept de prophéties autocréatrices qui signifie que par le seul fait de dire les choses elles adviennent une réalité. L’idée que dire c’est faire prend alors tout son sens : le discours suffit à faire exister un territoire. Daniel Bougnoux appuie cette hypothèse en déclarant que la communication est la capacité à proposer du sens. Pour lui, le sens n’est pas donné d’avance mais il faut le construire, et cela passe par la communication donc, par le discours.

Deux autres facteurs se distinguent des précédents car ils sont relatifs à la politique de la ville et à son action :

� L’action de la municipalité véhicule par nature l’image voulue par l’institution car elle est visible par les parties prenantes mais également parce qu’elle participe à la construction identitaire du territoire ;

� Les opinions politiques individuelles vont naturellement influer sur l’image que chacun va se forger de son territoire.

I.4. Quand rien ne va plus : la crise des territoires

I.4.a. Qu’est-ce qu’un territoire en crise ?

L’actualité économique mondiale nous donne depuis quelques mois une définition particulière de la notion de crise. Pourtant ce terme revêt bien d’autres significations. Au départ, ce mot désignait la prise de décision pour résoudre un problème et se sortir d’une situation délicate. Quoi qu’il en soit la crise est une situation insolite caractérisée par son instabilité. Bien sûr les territoires sont concernés et impactés par les conséquences des opérations spéculatives des économistes mondiaux. Plusieurs exemples peuvent être cités. Angers annonçait ainsi au début de l’année une nouvelle répartition de son budget afin de réduire les dépenses de la collectivité. Pire, Montreuil-sous-bois, ville du département de Seine-Saint-Denis, a annoncé en septembre 2008 sa mise sous tutelle par l’État, suite à des difficultés financières qui l’ont conduite à la faillite. L’Islande est, lui aussi, en situation de quasi-faillite à cause de la faillite de l’une des banques présentes sur ce petit État. Nous le constatons tristement, les exemples ne manquent pas pour démontrer que les territoires connaissent eux aussi la crise. Mais au-delà des crises financières que nous évoquons ici, ils peuvent être confrontés à des crises de types bien différents. La caractéristique du territoire en crise est donc sa confrontation à une situation difficile et inattendue à laquelle il ne peut faire face. Cette conjoncture,

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qui s’inscrit dans la durée, touche inévitablement l’économie, mais également les relations sociales, l’identité et par conséquent, l’image.

I.4.b. Les facteurs de la crise

La crise est subite mais n’est pas issue d’un processus soudain. Elle est souvent le résultat d’une mauvaise gestion de la gouvernance économique, sociale ou politique… Pour le cas de la crise de subprimes, sa survenue est due à un mode de gouvernance basée sur la spéculation, un modèle économique viable mais instable. Il existe donc de nombreux facteurs déclencheurs que nous nous proposons de décrypter. Nous avons déjà abordé ce premier facteur, le facteur économique. Pour le cas des territoires, il résulte d’un modèle de gestion difficilement viable sur le long terme (l’exemple de Montreuil-sous-Bois) qui limite le potentiel de développement des acteurs du territoire et par conséquent qui bloque l’investissement de capitaux, sources de revenus pour la collectivité. Cependant, il n’est pas uniquement lié à un problème de gestion. Dans le contexte de mondialisation et de libre échange actuel, les collectivités sont confrontées à l’exacerbation de la concurrence entre les territoires notamment concernant l’attraction et le maintien d’investisseurs. Pour cela, elles doivent être très compétitives en matière de facilités (taxe professionnelle, subventions…). Bien sûr, les entreprises recherchent le profit et donc l’implantation la moins coûteuse. Or, lorsqu’une collectivité ne peut pas ou plus offrir à ses entreprises les meilleurs avantages celles-ci quittent le territoire en quête de meilleures opportunités. Ce phénomène entraîne ce que l’on pourra qualifier de crise industrielle. Par exemple, en 1986, la Ville de Nantes assiste impuissante à la fermeture successive de plusieurs usines dont celle qui constitue sa plus importante ressource, les Chantiers navals Dubigeons. S’en suit alors une crise majeure pour le territoire caractérisée par de très nombreuses pertes d’emplois, des grèves qui paralysent littéralement la ville et en plus, une suppression de revenus pour la collectivité. Cette situation est qualifiée de crise car le maire de l’époque, Michel Chauty, ne peut y faire face. La ville sombre alors dans le chaos économique et devra attendre quelques années et l’arrivée au pouvoir de Jean-Marc Ayrault pour se relever. Nantes n’est pas la seule ville de France à avoir traversé ce type de crise, les régions du nord ont-elles aussi connus cette situation et pour certaines, en souffrent encore aujourd’hui. Le facteur sociopolitique constitue également un déclencheur important d’une crise. Un territoire, quelles que soient ses compétences, a pour objectif la cohésion sociale, moteur de son développement. Les politiques ont ici un rôle majeur à tenir. Ils sont les garants de cette cohésion grâce à la mise en œuvre des politiques publiques. Celles-ci, dans notre système démocratique, doivent garantir l’égalité et la solidarité entre les Hommes. Or, lorsque la population perçoit que ces deux principes républicains ne sont pas respectés alors, la crise survient. Nous avons connu ce phénomène pas plus tard qu’au premier trimestre 2009, quand les citoyens guadeloupéens,

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martiniquais et réunionnais ont entrepris une grève générale de plusieurs semaines. Cette manifestation de colère a immobilisé ces territoires, déstabilisant de façon notoire l’économie locale. Il existe de nombreux autres éléments déclencheurs : le facteur sociodémographique (ex. : exode des jeunes et de la main d’œuvre qualifiée), historique (ex. : conséquences d’une guerre), politico-institutionnel (ex. : absence d’identification du territoire intercommunal), etc. dont il est nécessaire de cerner le mécanisme. Un ou plusieurs éléments, qu’ils soient externes ou internes au territoire, transforment la configuration du territoire et viennent déstabiliser l’ordre préétablit. Les deux exemples que nous avons présentés mettent en exergue un point important, toutes les crises ont un impact sur l’économie du territoire.

I.4.c. Les bouleversements qu’elle entraîne

Outre les bouleversements d’ordre économique, une crise territoriale partagée par les élus, comme par les entreprises et les habitants, est à l’origine du déclin identitaire et de la construction d’images négatives. Nous avons tenté plus loin de dresser une liste non exhaustive des composantes identitaires d’un territoire. Il apparaît donc clairement que les crises ont un impact sur l’identité. Qu’elles soient socioéconomiques, sociopolitiques, sociodémographiques… les crises ont en commun de diminuer la confiance que les acteurs ont en les capacités de leur territoire à se développer. De ce fait, elles bouleversent le système de représentations des individus. Nous rappelons que ces derniers doivent se sentir acceptés et reconnus par autrui, il s’agit donc bien d’une question d’estime et de confiance. Dans le cas d’une crise historique à l’image de Dunkerque et du Havre, la démolition par les bombardements d’éléments patrimoniaux et symboliques peut provoquer la perte des repères d’identification propre au territoire. Or, comme l’affirmait P. Zemor et P. Tap, les éléments qui permettent aux individus de se différencier par rapport aux autres sont fondamentaux dans le processus de construction identitaire. En conséquences, la crise territoriale engendre une perte de confiance et de repères en et sur le territoire qui entraîne le déclin de l’identité du territoire. Les individus ne se sentent plus appartenir à cet espace absent de sens, auquel ils ne s’identifient plus eux-mêmes et pour lequel ils n’ont plus d’estime. Si la crise a le pouvoir de provoquer sur un territoire une véritable déchéance identitaire, elle a donc celui de détériorer son image. Car, nous l’avons vu, l’identité fait partie intégrante du triangle de l’image. En outre, dans la mise en lumière des facteurs de la crise, nous avons observé que la fuite des entreprises vers des sites moins coûteux ou l’exode des jeunes et de la main d’œuvre qualifiée entraînent une diminution de l’attractivité d’un territoire. Si les collectivités n’ont plus les moyens de maintenir leur compétitivité alors elles ne resteront pas attractives. De même, les manifestations sociales de grande envergure comme celle des Antilles ou encore les épidémies récurrentes comme

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celle du Chikungunya ont un impact sur la notoriété du territoire. En effet, les individus vont avoir une connaissance erronée du potentiel du territoire car centrée sur les faiblesses et surtout les risques que comporte le fait de s’y installer. Dès lors, si une crise joue sur l’attractivité du territoire en réduisant sa compétitivité et puisqu’elle a une influence sur la notoriété de celui-ci, on peut aisément en déduire que les crises ont un impact majeur sur l’image des territoires. Cette première partie, ayant pour but de remettre en contexte les composantes du territoire et la définition du territoire lui-même, montre que ses composantes sont intimement liées. Le territoire n’existe que s’il possède une identité propre construite par les individus. L’identité permet de véhiculer une certaine image du territoire et cette image territoriale a elle-même un impact sur l’identité donc sur le territoire. C’est un cercle qui peut être vertueux ou bien vicieux dans le cas de crises territoriales. Effectivement, les territoires sont confrontés à la perte de sens, d’estime et d’identification de la part des individus, ainsi qu’au manque d’attractivité et de notoriété. Il s’agit donc maintenant de savoir si le marketing territorial peut être une solution à ce bouleversement territorial ?

II. Le marketing appliqué au territoire

II.1. Complexité de la définition

II.1.a. Peut-on transposer la notion de marketing d’entreprise au territoire ?

« Le marketing est une démarche qui permet de conquérir des marchés rentables à terme par

l’analyse des besoins potentiels des clients en leur proposant une offre adéquate »12. Cette définition

de Philip Kotler pose immédiatement le problème de la transposition des concepts du marketing d’entreprise aux territoires. Trois concepts doivent être précisés afin d’imaginer une définition du marketing qui soit valable au niveau territorial. Tout d’abord, le concept de marché. Le marché, comme l’entend P. Kotler dans sa définition, est le « lieu formel ou virtuel sur lequel sont échangés des biens et services de nature diverse »13. Il représente aussi plus largement, l'ensemble des consommateurs réels et/ou potentiels d'un bien ou d'un service. Ainsi, la notion de « marché » territorial semble complexe à délimiter et à estimer dans la mesure où, nous l’avons vu, il apparaît difficile de définir les contours mêmes des limites du territoire. Le « marché » territorial correspond-il aux limites administratives de l’espace en question

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Philip Kotler, Marketing management, Publi-Union, Paris (1978) 13

www.e-marketing.fr

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sachant la subjectivité et la multiplicité des perceptions de l’espace de vie ? Nous qualifierons le marché territorial comme suit : il s’agit de l’espace administratif sur lequel sont regroupés l’ensemble de l’offre territoriale ainsi que les produits et services proches de cet espace dont les « consommateurs » peuvent jouir du fait de cette proximité.

Ensuite, le concept de client ou consommateur. Le client est une personne physique ou morale à qui l’on veut vendre un bien ou un service. Sur un territoire, on peut assimiler au terme client, les usagers, les habitants, mais aussi les entreprises, associations endogènes ou exogènes. De façon évidente, ceci complique la tâche des théoriciens et des praticiens du marketing territorial car non seulement, ils constituent des sujets économiques en tant que consommateurs de l’offre territoriale mais ils peuvent également devenir partenaires ou acteurs du territoire en question. Dès lors, on ne peut plus parler de client mais plutôt de partie prenante. Enfin, le concept d’offre. Le concept de l'offre d'un marché, au sens du marketing d’entreprise, induit la production de biens, or le territoire ne produit ni ne transforme aucun bien au sens strict. Les collectivités en revanche aménage l’espace au moyen de projets urbanistiques et environnementaux qui donnent corps au territoire : complexes culturels, équipements collectifs, quartiers résidentiels et d’affaires, gares… Comme l’évoque Fabrice Hatem dans son ouvrage14, l’offre territoriale décrit donc, plutôt que les biens et services, un environnement global propice à la réalisation de projets au sens large (implantations d’entreprises, créations culturelles, développement de l’habitat…). Il le définit comme un « espace d’opportunités à saisir ».

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Source : cf. bibliographie, n°1, p.31

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II.1.b. Tentative de définition

A ce jour, il n’existe pas une seule définition qui ferait l’unanimité auprès des chercheurs et experts dans le domaine du marketing territorial. Pourtant, des notions retentissent d’un ouvrage à un autre : attractivité, rayonnement, concurrence et développement. Des termes qui démontrent que les territoires font aujourd’hui face à de nouvelles problématiques de concurrence qui les obligent à développer leur image dans un souci de rayonnement pour attirer investisseurs, habitants, universitaires… Au vu des éléments de définition exposés dans la partie précédente et des informations ci-dessus, nous en ferons donc la définition suivante. Le marketing territorial est une démarche visant à qualifier l’offre présente sur le territoire et à proximité pour lui donner un sens en vue de le rendre attractif. Il doit dans un premier temps, offrir des solutions aux besoins des parties prenantes. Par exemple, une collectivité développe un projet de réhabilitation d’un site à l’abandon. Son objectif est de le transformer en véritable espace de vie, rythmé par les commerces et les évènements culturels. Elle fait donc construire des bâtiments à qui il faut donner un sens. C’est là le rôle du marketing territorial : il va désigner cet espace comme lieu culturel et de shopping. En le qualifiant ainsi il va véritablement lui donner vie. Dans un second temps, il doit apporter la preuve au public exogène du dynamisme culturel, économique et touristique du territoire pour les attirer.

II.2. Les enjeux : du développement à l’attractivité

II.2.a. Accompagner le développement local Depuis la loi Deferre, puis la loi sur l’autonomie financière des collectivités locales de 2004, les institutions territoriales prennent en charge leur développement indépendamment de l’action de l’État. Par conséquent, elles doivent relever de nombreux et nouveaux défis. De par cette autonomie financière, les collectivités doivent désormais diversifier et accroître leurs sources de revenus en s’appuyant sur la taxe professionnelle, les impôts locaux entre autres. De fait, l’enjeu du développement local est majeur et constitue un véritable défi économique. Afin de relever ce défi, à l’image des organisations privées à but lucratif, les collectivités tentent d’améliorer la « part de marché » de leur territoire. En d’autres termes, il s’agit d’augmenter le nombre de « clients », candidats à l’investissement, que celui-ci soit résidentiel, commercial ou technologique… Elles ont également pour mission d’accroître les biens sur le territoire c’est-à-dire les équipements collectifs, les bureaux, les zones résidentielles ou encore les commerces. Mais le plus important des objectifs qu’elle doit remplir concerne la densification des échanges financiers à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire afin de générer des ressources fiscales. Le développement local a aussi pour but de dynamiser le territoire selon les orientations prises dans le projet politique de développement. Ainsi, Jean-Marc Ayrault a pris le parti de faire de Nantes une

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vraie destination culturelle. Ceci dans le but d’attirer les spectacles, les concerts et les artistes de renom. Pour le marketing territorial, l’enjeu est sous jacent à celui des collectivités concernant le développement local puisqu’il prend un rôle d’accompagnement de l’action publique. Effectivement, les « produits territoriaux » (ex. : les zones d’aménagement, les évènements…) existent indépendamment de la démarche marketing. Les collectivités établissent un plan de développement local dans lequel elles définissent des axes prioritaires. Ces derniers peuvent concerner la culture, comme à Nantes, la solidarité et la cohésion sociale, l’environnement ou encore l’économie. Chaque service développe alors son propre plan d’actions et c’est ensuite, lorsque les projets sortent de terre que le marketing intervient. Pour prendre un exemple concret, la Communauté d’Agglomération de la Région Nazairienne et de l’Estuaire (CARENE) a développé au sein de son service aménagement du territoire un projet de quartier d’affaires construit autour de la gare. Le projet politique inhérent à ce projet était d’ouvrir le centre-ville au nord de la ville de Saint-Nazaire. La démarche de marketing territorial n’a débuté qu’ensuite. Son rôle est de qualifier l’offre territoriale, c’est-à-dire de donner au site aménagé la dimension « affaires » voulue par la collectivité. Dès lors, nous comprenons que l’enjeu du marketing est de donner du sens à l’action publique. Ceci met en exergue un point déterminant dans cette démonstration et montre toute la limite de l’action du marketing territorial à prendre part aux décisions stratégiques. Car, il est clair que le marketing ne peut se substituer à l’action publique. On entend par là qu’il ne peut décider des axes politiques à prendre et des projets à mettre en œuvre pour parvenir aux objectifs de développement local. Le fait de placer d’emblée le marketing territorial au rang de l’action de communication est typiquement française. Comme le souligne Vincent Gollain, les anglo-saxons ont une vision de cette discipline plus stratégique. Dans leur conception, le marketing est une démarche de développement local. Il a un pouvoir décisionnel qui lui permet d’agir directement sur les projets voire même de les initier. Restreindre cette discipline à sa seule fonction communicante est donc limitant et peu stratégique. En effet, grâce à ses missions de diagnostic du territoire et de qualification de l’offre territoriale, il permet d’offrir une vision globale des atouts du territoire et également des besoins en termes de produits à créer ou à améliorer. Il adopte alors une posture de conseil : en aménagement, en prospection et, en promotion du territoire et de son potentiel économique. Le marketing territorial prend donc un rôle d’accompagnement de l’action publique. Concrètement, le marketing territorial est force de proposition : il suggère des axes stratégiques de développement qui viennent soutenir les orientations politiques des collectivités.

II.2.b. Améliorer l’attractivité Après la décentralisation, les collectivités territoriales ont du faire face à une nouvelle situation complexe et délicate pour leur développement local. La libéralisation des échanges, conséquence de

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la mondialisation, a engendré un comportement nouveau chez les investisseurs. Aujourd’hui, le modèle économique est rythmé par les mouvements des entreprises. Elles cherchent à installer leurs succursales directement sur les marchés qu’elles souhaitent conquérir, à proximité donc de leurs clients et de leurs fournisseurs. La recherche d’une situation géographique stratégique constitue donc leur priorité pour être placées au cœur des réseaux d’échanges commerciaux. Le libre échange transforme ainsi les perspectives de développement des collectivités car il engendre une exacerbation de la concurrence entre les territoires. Cette situation nouvelle est inadaptée aux problématiques publiques. En effet, les territoires passent d’une situation non concurrentielle à une situation de marché. Le territoire est donc devenu « produit », un produit à vendre à des « clients » (parties prenantes) : investisseurs, touristes et habitants. Dans cette conjoncture nouvelle, les premières agences de développement économique sont apparues avec cette mission de marketer le territoire. Pourquoi ? Vendre un territoire implique de le rendre attractif. Les agences et les collectivités doivent donc intégrer la logique de marché, c’est-à-dire s’adapter à la loi de l’offre et de la demande. Dès lors, elles jouent sur leurs offres territoriales pour les rendre plus intéressantes que les concurrents. A l’instar des entreprises qui doivent toujours être les plus performantes. Un territoire compétitif doit être aussi bon voire meilleur que ses concurrents en jouant sur des critères décisifs dans le choix d’implantation. Il s’agira donc de baisser les coûts des prestations (location, taxe professionnelle), d’offrir des compétences particulières (secteurs d’excellence, universités), une bonne accessibilité (réseaux de transport), un cadre de vie agréable et d’autres prestations qui le place au rang des meilleurs territoires d’accueil. L’attractivité est une notion que nous avons abordée plus loin comme étant « la capacité à offrir aux entreprises

un environnement favorable à leur fonctionnement et à leur développement ». Être un territoire attractif, c’est avant tout avoir la capacité d’attirer des clients. Pour cela, il est nécessaire de faire valoir sa compétitivité auprès de ses cibles. L’attractivité sous-tend la problématique de marketing stratégique. Or, cette discipline a pour objet de différencier les produits à « commercialiser ». Le marketing vise donc à différencier l’offre territoriale selon les avantages spécifiques au territoire. Il cherche à mettre en avant son avantage concurrentiel afin de se démarquer des autres territoires. L’enjeu est de taille : il s’agit de définir, en fonction du plan de développement, les priorités. Le marketeur devra dès lors choisir des orientations selon la situation du marché et la nature de l’offre, c’est-à-dire les atouts du territoire. Enfin, le dernier enjeu en matière d’attractivité est de promouvoir une image positive du territoire car selon une étude TMO, sur la désirabilité des territoires, 91% des dirigeants pensent que l’image du territoire a un impact sur l’attractivité (notamment en matière de recrutement) de leur entreprise. L’image donne également à voir des éléments de compétitivité. Ainsi, Lyon bénéficie d’une image forte de ville en réseau notamment spécialisée dans la chimie. Cette image va naturellement susciter l’intérêt des investisseurs. Le marketing territorial, grâce à son travail de diagnostic des filières à développer et des atouts à valoriser, peut prétendre à améliorer l’attractivité.

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Pourtant, il demeure certaines limites à son action. Les collectivités doivent avoir conscience de leur rayonnement et des limites de leur potentiel de développement. En France, la compétitivité des six plus grandes métropoles donne la limite des possibilités de leurs outsiders comme Grenoble, Toulouse, Rennes à se développer globalement à l’international. Le deuxième élément qui freine l’action du marketing peut être l’image négative du territoire. Dans le cas de Saint Etienne, Dunkerque, Le Havre le marketing ne semble pas suffire car nous le disions plus haut, une image peut paralyser le travail sur l’identité du territoire. Pour conclure, Fabrice Hatem a imaginé le schéma suivant15 qui met en lumière le lien entre développement local et attractivité. On comprend alors l’enjeu majeur du marketing territorial

II.3. Les leviers du marketing territorial

II.3.a. Les trois piliers du marketing selon Benoît Meyronin Pour relever les enjeux cruciaux d’accompagnement du développement local et d’amélioration de l’attractivité, le marketing territorial s’appuie sur trois fondements que décrit Benoît Meyronin16 dans son ouvrage. D’abord l’identité, comme nous le démontrions précédemment, car elle va aider à donner du sens à l’espace que l’on souhaite « vendre ». Le marketing va donc utiliser les éléments qui forgent l’ADN du territoire pour le promouvoir, et ce afin de rester connecté à sa réalité. L’erreur serait ici de promettre aux futurs investisseurs, touristes et habitants ce que l’on ne peut leur offrir. Le marketing va s’appuyer sur cette personnalité pour faire valoir la singularité du territoire promu et le différencier des autres. Le projet de territoire est également un pilier de cette discipline. Il contribue à construire l’identité en faisant naître des repères d’identification (ex. : le musée Guggenheim à Bilbao, le quartier 15

Source : cf. bibliographie, n°1, p.31 16

Source : cf. bibliographie, n°5, p.31

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Confluence à Lyon, etc.). Mais avant tout, les grands projets urbains permettent de promouvoir les « fonctionnalités de la ville » c’est-à-dire les produits que propose l’offre territoriale. Par exemple, la Ville de Nantes a entrepris un grand projet de réhabilitation du quartier Île de Nantes dans le but de promouvoir sa fonctionnalité de création (ex. : l’île de Nantes est le produit « quartier de la création », destiné à tous les designers, architectes, communicants, producteurs d’images…). Au-delà de cette mission, les grands projets sont le reflet des capacités d’une ville, d’un département… à se développer. Ils représentent l’effort de mutation et d’évolution d’un territoire, et permettent bien souvent de relancer son développement. B. Meyronin évoque aussi la force que constitue un réseau d’acteurs locaux. Il estime que le fait de rassembler les différentes parties prenantes du territoire, quelles soient entreprises ou habitants, autour d’un projet commun est la clé du succès. Cette mobilisation, rendue possible par une vraie stratégie de communication et de mise en réseau, développe un sentiment collectif de fierté du territoire, de son identité passée et future. On a observé ce phénomène lors des candidatures au titre de Capitale européenne de la culture, à Bordeaux. Grâce à une stratégie de communication ingénieuse17, tous les acteurs du territoire se sont mobilisés pour gagner ensemble, cette candidature a permis de renforcer le sentiment d’appartenance et de fierté à leur territoire.

II.3.b. Capitaliser ou créer les atouts du territoire Si le marketing territorial prend appuie sur les éléments déjà existants, il possède également un rôle de créateur. Certes, nous l’avons vu, sa portée se limite encore trop à la communication, pourtant cette discipline a un réel pouvoir opérant. Il détient en effet plusieurs moyens d’agir sur les trois piliers ci-dessus en créant ou en capitalisant sur un élément fort du territoire. Il intervient ainsi dans plusieurs domaines : la culture, l’Histoire, le sport, le patrimoine… Son premier domaine d’action est l’évènementiel. Beaucoup d’auteurs s’accordent à dire que l’attractivité d’un territoire augmente à mesure que son programme évènementiel est dense et reconnu. Le marketing territorial a donc pour première vocation à créer des évènements qui aient des retombées nationales voire internationales. La Fête des lumières : 3,5 millions de visiteurs en 2008, la Coupe du monde de rugby : plusieurs millions de supporters venus des quatre coins du monde, les spectacles de la Compagnie Royal de Luxe : 100 000 personnes venues de toute une région pour assister au retour des géants. Autant de grands évènements culturels et sportifs qui ont marqué les esprits et contribué à augmenter la notoriété et améliorer l’attractivité d’une ville. Pour ces raisons, le marketing invente ou réinvente des occasions de se rassembler et, de faire connaître un territoire et fédérer ses parties prenantes.

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La Ville a candidaté très tard. Elle a choisi d’en informer ses concitoyens en leur disant qu’elle avait plus que jamais

besoin de l’aide de tous pour rattraper ce retard et remporter cette victoire.

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Un deuxième champ d’action est l’architecture des grands projets qui depuis toujours a conféré aux villes une certaine notoriété et une forte image. Qu’il s’agisse d’un inconnu ou d’une pointure de renommée mondiale, le choix de l’architecte est majeur. Il doit pouvoir revaloriser et redynamiser un espace désuet, abandonné, sans âme. L’architecture comme levier du marketing, peut prendre deux orientations. La première, bâtir un monument nouveau : inventer un nouvel espace. Le musée Guggenheim, à Bilbao, est l’exemple le plus connu pour avoir servi de véritable tremplin à la relance de la ville. La seconde, partir de l’existant et réhabiliter une friche industrielle ou portuaire. Saint-Nazaire, qui a débuté sa mutation il y a une dizaine d’années, a réhabilité l’espace de l’ancienne base sous marine, une architecture « tout-béton » qui conserve l’empreinte d’un passé militaire lourd, tout en donnant à ce complexe touristique un nouveau souffle ancré dans la modernité. Le troisième élément est relatif au réseau d’acteurs. Nous évoquions plus haut l’importance de la candidature de Bordeaux pour sa cohésion interne. Les réseaux peuvent avoir une autre fonction, celle de donner à un territoire une nouvelle image de ville économique, sociale, historique et patrimoniale... Le Havre fut l’une des bénéficiaires du label décerné par le réseau UNESCO des villes classées « patrimoine mondial de l’humanité », grâce à son travail de réhabilitation de la ville. Ce label lui a valu une reconnaissance nationale et de redorer définitivement son image négative de ville portuaire et industrielle. Mais il existe un grand nombre d’autres réseaux de villes, fondés pour permettre aux villes moyennes, d’atteindre le niveau métropolitain en unissant leurs forces, aux métropoles de s’inscrire dans l’espace métropolitain, etc. Les pôles de compétitivité constituent un exemple intéressant. Les trois capitales régionales Nantes, Rennes et Poitiers, se sont unies avec d’autres agglomérations de Pays de Loire, Bretagne et Poitou-Charentes pour former un territoire unique, concurrentiel dans le domaine de l’automobile haut-de-gamme, qui soit visible au niveau européen. Le quatrième est l’homme politique lui-même car renforcer l’attractivité, revient également à travailler sur l’image du territoire. Or, il est apparu précédemment que l’image voulue par la collectivité est véhiculée par la communication et les discours des élus. L’homme politique, le maire ou le président représentent donc un levier important du marketing car il renvoie une certaine image. Que ce soit Georges Frèche à Montpellier, Gérard Collomb à Lyon ou Jean-Marc Ayrault à Nantes, tous ont un point commun. C’est l’homme de pouvoir charismatique qui a réussi à porter la ville grâce à son image ou grâce à l’ambition de croissance qu’il a eu pour son territoire. Le marketing doit donc pouvoir appuyer son action sur les discours des élus en soutenant le projet de développement local. De toute évidence, le marketing territorial possède un certain pouvoir de changement grâce à l’appui des nombreux leviers qu’il peut actionner pour relever les deux enjeux de développement local et d’attractivité. En s’appuyant sur l’un ou l’autre, son action aura deux effets intimement liés, celui de créer ou transformer l’identité d’un territoire et celui de changer son image. En somme, le marketing

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territorial peut agir à la fois en profondeur sur les fonctionnalités et les caractéristiques du territoire et en surface sur l’image qu’il véhicule à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Mais ce pouvoir du marketing territorial d’influencer les composantes du territoire peut-il suffire à relancer le développement d’un territoire en crise ? C’est ce à quoi nous allons tenter de répondre dans la troisième partie.

III. Prévenir ou guérir de la crise ?

Dans la situation économique actuelle et les perspectives incertaines de croissance, il est légitime de s’interroger sur les solutions qui peuvent permettre aux territoires de relancer leur développement. Des régions comme les Pays de la Loire ont lancé leur plan de relance, celui-ci a pour ambition d’investir dans les projets urbains, dans les aides aux entreprises et aux habitants, etc. Un plan de relance qui offre une réponse temporaire à la crise mais doit s’inscrire dans un processus de gestion de crise durable… Nous allons tenter de savoir si le marketing territorial peut favoriser la sortie de crise, en interrogeant universitaires, professionnels du marketing et du développement territorial. Boris Maynadier, Doctorant à l’IAE de Toulouse, Benoît Meyronin, Enseignant-chercheur en marketing à l’école de Management de Grenoble, Vincent Gollain, Directeur de l'Attractivité Durable des Territoires, à l’ARD18 de Paris Île-de-France, Guy Lorant, ancien Directeur de la communication de Nantes, fut à l’origine de « Made in Nantes », Akim Chekhab, Directeur du développement, chez Accès Conseil et intervenant en marketing, et Vanessa Luciani, Directrice du SCOT du Grand Clermont, tous ont une vision différente et une approche spécifique de la fonction marketing sur un territoire, qui ont appuyé l’analyse suivante.

III.1. Les enjeux du territoire en crise

En première partie, nous avons abordé la notion de territoire en crise en expliquant les causes et les conséquences d’une crise sur la dynamique territoriale. Nous avons mis en exergue les différents facteurs de la crise : socio-économique, politique, historique et les bouleversements identitaires et d’images qu’ils entrainent. Les crises territoriales provoquent ainsi une perte de sens, d’estime et d’identification des individus à leur territoire. Elles engendrent également une baisse de l’attractivité et de notoriété. Face à ces changements néfastes, les collectivités doivent relever plusieurs enjeux. L’un des tout premiers enjeux auxquels les collectivités doivent faire face a trait aux acteurs du territoire. C’est, en effet, le tissu des parties prenantes qui va conférer aux territoires toute la ressource permettant de relancer leur développement. Le défi va donc consister à redonner confiance aux acteurs économiques présents mais également à la population. La crise financière à laquelle le monde doit faire face aujourd’hui est une crise de confiance. Les entreprises, les banques et les consommateurs craignent une récession et gèlent ainsi leurs dépenses et investissements dans

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ARD = Agence Régionale de Développement

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l’attente d’une croissance positive et de meilleures perspectives. Cette conjoncture paralyse le système capitaliste et, tel un cercle vicieux, plonge davantage le monde dans la crise. Pour cette raison, les collectivités doivent en priorité regagner la confiance, redonner l’espoir du développement. Le problème qui se pose alors est la question du « comment ». Comment remobiliser les acteurs du territoire ? Comment les fédérer autour d’un enjeu commun celui de relancer le développement local ? Le deuxième enjeu des institutions territoriales est bien sûr celui de relancer l’économie. A l’image de la Région Pays de Loire, les collectivités nécessitent l’établissement d’un plan de relance consistant à supporter financièrement les acteurs économiques et la population. L’objectif visé ici, est de favoriser les investissements et la consommation pour stimuler l’économie. Comme nous en faisions référence dans la première partie, l’identité du territoire est fondamentale pour deux raisons. La première, parce qu’elle lui donne du sens. La seconde, parce qu’elle lui permet de se différencier. Or, nous le savons désormais, il est crucial qu’un territoire se distingue de ses concurrents pour être compétitif et attractif. Les crises quelles qu’elles soient ont pourtant un effet désastreux sur le processus de construction identitaire car elles détruisent les repères de sens et d’identification. L’enjeu pour les collectivités est donc la reconquête identitaire. Reconquérir l’identité d’un territoire, revient à jouer sur ses composantes spatio-temporelles, naturelles et symboliques, et également à initier des projets urbains et des politiques territoriales nouveaux. La question se pose alors des capacités financière, humaine et technique d’une collectivité à entreprendre de telles transformations en temps de récession. De plus, la population est-elle prête à les subir ? Si les crises entraînent le déclin identitaire des territoires, elles engendrent de la même façon une image négative en grande partie véhiculée par les médias (exemple du département de Saine-Saint-Denis). Cette image négative a des effets néfastes sur le dynamisme global du territoire puisqu’elle remet en cause sa notoriété et son attractivité. Il s’agit encore une fois d’un cercle vicieux. En outre, le déficit d’image peut être lui-même à l’origine du déclin identitaire car comme l’affirmait Jamel Khermimoun, à travers l’exemple séquano-dionysien, une mauvaise image peut empêcher la mutation identitaire. Le dernier enjeu des collectivités est donc de faire émerger une image nouvelle ou redorée de leur territoire. Il ne faut pas négliger ce dernier enjeu car il permettra aux collectivités de relever les différents défis décrits ci-dessus. Lorsqu’une collectivité est plongée dans une crise, elle doit donc travailler sur quatre éléments : la reprise de la confiance de ses acteurs, la relance de son économie par l’investissement, la reconquête identitaire et la refonte de son image. Tous sont interdépendants et l’action de la collectivité ne pourra être efficace si elle est unilatérale.

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III.2. Le marketing, une solution ?

III.2.a. Les réponses à la sortie de crise A l’écoute et à la lecture des experts du marketing territorial, la crise n’est pas une fatalité. Tous les territoires ont le potentiel pour en sortir et se développer, tout est question d’idées, de stratégies et de gouvernance. La sortie de crise est donc possible à condition de suivre une ligne basée sur un ensemble d’éléments. Commençons par expliquer le rôle des politiques publiques car elles constituent, sans aucun doute, la clé de la réussite. Afin de sortir d’une situation de crise, il est nécessaire d’investir pour relancer la dynamique territoriale. Pour cela, les collectivités ont plusieurs possibilités : agir sur le social, sur l’aménagement, l’économie, la santé, l’éducation, la sécurité… Mais nous l’avons observé plus haut, les éléments qui forgent l’attractivité et donc les plus enclins à relancer le développement sont l’aménagement et le réseau. Donc, la première des possibilités serait d’initier de nouvelles politiques d’aménagement : développer le logement en accession, accroître l’offre de bureaux, démultiplier le réseau de transports… Le but ici est de donner au territoire de nouveaux points de repères qui soient perçus comme des atouts et donc, lui donner une nouvelle identité. Ce processus passe le plus souvent par la réhabilitation des zones à l’origine de la crise. Par exemple, la réhabilitation d’anciennes usines, d’un port… permet de transformer les traces d’un passé difficile et de façon symbolique, de redonner un nouveau souffle à l’espace, en proposant une autre utilisation. La seconde des possibilités serait de mettre (ou remettre) en place une politique d’animation du tissu économique local et de la population. Tous les professionnels interviewés ont insisté sur l’importance de mobiliser les acteurs du territoire car l’ambiance locale détermine sa capacité à réagir face à la crise. En effet, la présence d’une entreprise ou d’un habitant sur un territoire ne justifie pas son attachement, il est donc nécessaire de créer une synergie locale afin qu’en cas de crise les parties prenantes ne prennent pas la fuite. Les politiques publiques constituent en réalité les prémices de la solution à la crise car pour relancer l’économie, reconquérir l’identité, redonner confiance aux acteurs, la véritable réponse serait de construire un projet global de territoire. Il s’agit ici de prendre une orientation de développement spécifique afin de structurer le territoire. Le projet de territoire répondrait ainsi aux questions : « que voulons-nous devenir ? À qui voulons-nous nous adresser ? Que voulons-nous éviter ?... » Mais, il s’agit également de permettre aux publics visés de se projeter sur ce territoire. Puisque notre territoire n’a plus/pas de sens, nous devons faire en sorte que chaque individu puisse imaginer l’avenir qu’il aura sur ce territoire : sera-t-il capable de mener la carrière qu’il souhaite ? Pourra-t-il suivre les études qu’il entend ? Aura-t-il la possibilité de fonder une famille… En sommes, un projet global de territoire doit pouvoir permettre aux collectivités d’insuffler une ambition partagée par les acteurs du territoire et perçue par les publics externes. Pour illustrer ces propos, comparons Grenoble et Saint Etienne. Grenoble a connu une belle croissance grâce aux jeux olympiques d’hiver et sa concentration de « matières grises » mais elle perd peu à peu de sa puissance car elle ne

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possède pas de projet de territoire. A l’inverse, Saint Etienne, qui rencontra de grandes difficultés économiques et sociales, a parfaitement identifié cette nécessité. La collectivité a donc entrepris de transformer son territoire en un haut lieu du design français. Elle s’est autoproclamée Cité du design, a créé une biennale et une école. Saint Etienne est aujourd’hui la ville où l’on se rend pour étudier et travailler dans le design. A l’image d’une situation de crise « ordinaire », la règle d’or est de parler le premier. Comme pour montrer sa capacité à se relever et surtout pour afficher son ambition future, la communication est un outil extrêmement important. Nous l’avons précédemment abordé, l’image se construit et ne correspond pas toujours à la réalité si elle n’est pas maîtrisée par les communicants et les élus, en témoigne l’image négative du département de Seine-Saint-Denis. C’est pourquoi en temps de crise, il est important de continuer à communiquer. Ceci permet de préserver la confiance de la population et des entreprises au niveau local, et de contrôler l’image voulue par la collectivité pour ne pas avoir à supporter les effets catastrophiques des médias. En sommes, communiquer dans le bon sens, c’est limiter les effets d’une crise. Nous le disions, se relever d’une crise c’est avant tout relancer l’économie et la dynamique territoriale. Les institutions territoriales doivent plus que jamais investir dans le développement économique, culturel et/ou touristique. Pour cela, il est nécessaire d’accroître la prospection d’entreprises, mais aussi de projets culturels, de spectacles, de commerces… La prospection consiste à déceler les projets d’implantation d’entreprises exogènes et à les convaincre de venir s’installer sur le territoire. Mais, il ne faut pas négliger l’impact du développement endogène, c’est-à-dire inciter les initiatives locales : création d’entreprises, recrutement, consommation de services… Elle permet ainsi de redonner confiance en l’avenir. Nous le vérifions, les crises de territoire ne sont effectivement pas une fatalité, elles nécessitent cependant une certaine réactivité de la part des collectivités qui doivent mettre en place de nouvelles politiques publiques, établir un vrai projet de territoire, communiquer et continuer de prospecter. Néanmoins, ce travail sur les crises territoriales nous permet de nous poser une question : « pourquoi en sont-ils arrivés là ? » De toute évidence, il existe une réelle difficulté d’anticipation des politiques publiques. Souvent, les initiatives sont prises trop tard. Peut-être que ce constat peut s’expliquer par le simple fait de la durée du mandat ? D’autre part, elles manquent souvent de hauteur quant à la réalité du territoire car le contrat de mandature possède des orientations prises en amont et que l’élu a d’une certaine façon obligation de l’honorer quelle que soit la conjoncture. Il apparaît donc que les politiques publiques ne suffisent pas à elles seules à relancer le développement d’un territoire en crise car ses limites sont difficilement franchissables. Les experts du marketing et certains professionnels du développement territorial en sont convaincus, le marketing peut faire face à ces limites.

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III.2.b. La fonction prospective

A l’heure actuelle, aucun métier de la collectivité n’est capable de remplir les fonctions du marketing. Composés de 3 métiers, le marketing territorial vient en support des politiques publiques pour apporter son regard « fonctionnel » du territoire. Son premier métier consiste à lancer ou réaliser des études afin de diagnostiquer le territoire. A l’image du marketing d’entreprise, elles ont pour but de mettre en exergue les atouts et les faiblesses du territoire ainsi que les opportunités et les menaces du marché. Grâce à un état des lieux précis, le marketeur établit le problème à résoudre. Son deuxième métier détermine la stratégie la plus adaptée pour mettre en avant ces atouts et éliminer ou minimiser les faiblesses. Cette stratégie va décider de la nouvelle offre à créer pour que le territoire propose une réponse à la demande du marché. A ce stade, le marketing détermine sur quel marché la collectivité doit se lancer et à qui elle doit s’adresser. Le troisième métier du marketing comporte le volet opérationnel. Il est en charge de la mise en œuvre de la stratégie, c’est-à-dire la prospection des investisseurs et des entreprises, et la conception-réalisation de la communication. Du fait de ses trois métiers, le marketing territorial apporte un regard global sur le territoire. Il a une vision actuelle au plus proche de la réalité du territoire et du marché, ce qui lui permet de connaître ses besoins. Cette discipline a une approche très fonctionnaliste du territoire, c’est-à-dire une appréhension du territoire en tant qu’ensemble de produits et de services dédiés aux utilisateurs. Elle doit permettre à la collectivité d’avoir une fonction prospective pour « sentir » le marché et les bonnes orientations à prendre. Dans le cas du territoire en crise, nous comprenons que le marketing ne peut être efficace s’il est utilisé qu’au moment de la crise pour y remédier. Il doit être utilisé en amont comme moyen d’anticiper les crises. Comment ? Nous l’avons démontré plus haut, le marketing est capable de modifier l’identité du territoire. Il doit lui permettre de proposer une nouvelle offre capable de résister à la crise. Par exemple, le marketeur peut conseiller de diversifier les activités pour obtenir un juste équilibre entre les activités industrielles, tertiaires, commerciales, agroalimentaires, touristiques… Il peut proposer d’améliorer l’accessibilité pour s’élever au rang des métropoles en devenir…

III.2.c. La fonction communication Depuis une vingtaine d’années et surtout depuis les années 2000, nous observons en Europe puis en France un phénomène très symptomatique de la concurrence des territoires. Le « syndrome de marque » : le Volcanien, Made in Dunkerque ou encore OnlyLyon. Autant d’indications qui prouvent le besoin des territoires de se « vendre ». Encore reste-t-il à prouver que cette pratique représente une vraie réponse aux crises des territoires car la marque en elle-même n’est rien. Il faut

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la faire naître et la faire grandir, lui donner une personnalité. La marque à elle seule ne peut remplir les missions du marketing, elle occupe deux fonctions. Une marque comme celle d’OnlyLyon avait un objectif précis, celui de propulser Lyon dans le top 15 des métropoles européennes. Pour cela, il fallait utiliser toutes les ressources du territoire et notamment la force de son réseau. Car, Lyon a historiquement une certaine capacité à travailler en réseau. La marque était donc un prétexte pour rassembler entreprises, universités, collectivités autour d’un projet commun, celui de devenir une grande métropole. Dans ce cas, elle a permis de créer l’inertie sur le territoire. La marque de territoire a également un rôle d’image très important. Conjointement à ce rôle de synergie, la marque permet de faire apparaître un projet commun de territoire qui soit partagé par tous les acteurs. Par ce moyen, le marketing donne du sens au territoire. Pourtant, pour qu’elle soit efficace, il est nécessaire de lui donner une identité propre. En temps de crise, la marque devient un moyen de fédérer les acteurs du territoire et permet de relancer l’espoir de développement. Elle constitue également une réponse au déficit d’image car l’on donne à voir une nouvelle facette du territoire que les publics ne s’imaginaient pas.

III.3. Limites de son action

III.3.a. Légitimité de la fonction Pour les collectivités qui ont recruté un chargé du marketing territorial, cette fonction est aujourd’hui encore trop restreinte à son rôle de communication et de prospection, ce qui laisse peu de place aux professionnels pour exercer leur métier de prospective et de requalification de l’offre. Mais, de façon générale, peu de collectivités ont à ce jour un poste dédié au marketing. Il reste encore un important travail d’ « éducation » aux intérêts que peut représenter cette discipline pour un territoire. Les agences de conseil en la matière marquent d’ailleurs cette absence de légitimité car il n’en existe pas de spécialisée et de capable de réaliser un plan de marketing dans son ensemble. Les élus s’appuient encore rarement sur les recommandations stratégiques du marketeur, laissant ce rôle aux agences d’urbanisme. Ceci limite donc le marketing territorial à sa fonction d’étude et sur le seul champ du projet urbain, tandis qu’il peut rayonner sur des domaines variés comme la culture, le tourisme, les sports, le social… Lorsque cette fonction sera directement rattachée à la direction de l’attractivité ou à la direction générale, alors seulement, le marketing remplira son rôle d’évitement ou de limitation des crises.

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III.3.b. Organiser la fonction Sur un territoire, trop d’acteurs partagent les mêmes intérêts. Par exemple, le service action économique et les chambres de commerce et d’industrie ont pour objectifs d’aider les entreprises à se développer et d’en attirer de nouvelles. Tous veulent donc marketer et communiquer leur territoire en véhiculant un message souvent bien différent. Il existe un jeu d’acteurs très fort qu’il semble difficile de palier, excepté par la mise en place d’une marque. Le marketing pose actuellement la question des acteurs les plus pertinents pour piloter cette fonction. Est-elle uniquement destinée au développement purement économique ? Dans ce cas, elle trouverait sa place dans une agence dédiée ou dans une Chambre de Commerce et d’Industrie. Mais encore, sur quel territoire est-elle la plus pertinente pour agir ? A ce jour, l’intercommunalité semble la plus enclin à en prendre la charge car elle possède la compétence du développement économique, au sens large. Le marketing soulève également la question du pilote lui-même : quel parcours professionnel doit-il avoir ? A notre sens, cette personne doit être un professionnel du marketing car nous l’avons prouvé, cette discipline exige une certaine connaissance des théories et des pratiques. Au même titre, qu’il reste encore au marketing à légitimer sa fonction auprès des élus, il doit conjointement dessiner les contours de son action et le niveau de responsabilités qu’il possède à chaque étape.

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Conclusion

Le territoire est un ensemble complexe. Entre identité et image, il ressort de cette analyse qu’il ne peut se définir comme un élément statique mais au contraire évoluant, se recomposant au gré des actions menées par les collectivités pour transformer son ADN et les perceptions de son public. Toutefois, si ces transformations peuvent être maîtrisées les crises que traverse un territoire peuvent aussi influencer ses composantes et le placer dans une situation très délicate pour son développement et sa croissance. Parler de marketing territorial comme d’une réponse peut encore sembler inapproprié. Pourtant, nous avons démontré qu’il n’en est rien. A l’origine de ce mémoire, une question : « le marketing territorial peut-il relancer le développement d’un territoire ? » A son issue plusieurs réponses : il a une vraie fonction de prospective, de qualification de l’offre territoriale, d’animation du réseau et de communication. En somme, le responsable du marketing au sein d’une collectivité doit trouver sa place dans une mission d’anticipation de la crise plutôt que de relance. Cette discipline offre de vraies perspectives de développement et de maintien de croissance pour un territoire lorsque l’on sait tout l’impact qu’il a sur son identité et son image. Malheureusement, il reste encore un gros travail de conviction des élus à faire pour que cette fonction soit légitimée et utilisée comme un outil à part entière du développement local et de l’attractivité. Le marketing porte finalement peut-être mal son nom dans le contexte du service public ; hors des normes de l’économie de marché, pourtant lorsque nous nous penchons sur ses métiers et sur ses objectifs, il apparaît que nombre de services territoriaux utilisent depuis longtemps ses techniques. Le manque de légitimité de la fonction marketing est-elle seulement affaire d’appellation ou marque-t-elle la nécessité d’une plus grande professionnalisation des élus dans ce domaine ?

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Bibliographie

1) Fabrice Hatem, Le marketing territorial. Principes, méthodes et pratiques. Editions EMS

(2007).

2) Jamel Khermimoun, Politiques urbaines et image du territoire. Stratégies et discours des acteurs en Seine-Saint-Denis. Éditions L’Harmattan (2008).

3) Kevin Lynch, L’Image de la Cité. Dunod (1999).

4) Gilles Marion, Les Images de l’entreprise. Les éditions d’organisation (1989).

5) Benoît Meyronin, Le Marketing Territorial. Enjeux et pratiques. Editions Vuibert (2009).

6) Alain Mons, La Métaphore Sociale. Image, territoire, communication. Editions PUF, Sociologie d’aujourd’hui (1992).