Histoire de l'Escrime occidentale

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Crédits photographiques : S. Timacheff/FIE/FencingPhotos.com G. Minozzi/FIE/FencingPhotos.com A. Pottier/FIE/FencingPhotos.com A. Timacheff/FIE/FencingPhotos.com Andy Shaw (Museum of American Fencing) George Masin (collection privée) Gérard Six (collection privée) Les biographies de George Van Rossem, Eugène Empeyta, Giuseppe Mazzini, Miguel de Capriles, Giancarlo Brusati, René Roch et Alisher Usmanov ont été rédigées par Lucia Sabiu pour la FIE. Couverture et mise en page : Élodie Boisse ISBN : 978-2-7588-0485-7 © atlantica, Biarritz, 2013 Atlantica : 18, allée Marie-Politzer – 64200 Biarritz 05 59 52 84 00 – [email protected] Paris : 3, rue Séguier – 75006 Paris Catalogue en ligne : www.atlantica.fr

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Histoire de l'Escrime occidentaleAbrégé

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  • Crdits photographiques : S. Timacheff/FIE/FencingPhotos.com G. Minozzi/FIE/FencingPhotos.com A. Pottier/FIE/FencingPhotos.com A. Timacheff/FIE/FencingPhotos.com Andy Shaw (Museum of American Fencing) George Masin (collection prive) Grard Six (collection prive)

    Les biographies de George Van Rossem, Eugne Empeyta, Giuseppe Mazzini, Miguel de Capriles, Giancarlo Brusati, Ren Roch et Alisher Usmanov ont t rdiges par Lucia Sabiu pour la FIE.

    Couverture et mise en page : lodie Boisse

    ISBN : 978-2-7588-0485-7

    atlantica, Biarritz, 2013Atlantica : 18, alle Marie-Politzer 64200 Biarritz

    05 59 52 84 00 [email protected] Paris : 3, rue Sguier 75006 Paris

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  • atlantica

    Ccile Ottogalli, Grard Six, Thierry Terret

    1913-2013, un sicle de Fdration internationale descrimeLhistoire de Lescrime

  • 7Intro ductIon

    V aste entreprise que de retracer les origines de lescrime au fil des sicles et des pays. Des origines chinoises lutilisation italienne de scherma, donnant dans lancien franais escremir ou plus rcemment le mot scandinave skrimen , les voies sont nombreuses. Un consensus peut se dgager autour de lide que lescrime renvoie au combat, lart de combattre. Mais l o certains voient en lescrime une technique arme, dautres reconnaissent une philosophie sembla-ble au Budo permettant de donner travers des mthodes de combat, une meilleure comprhension de soi et de ses semblables. Le savoir-faire technique saccompagne dun savoir-tre o la matrise de larme nest que le prolongement dune matrise de soi et de lautre. Comme dautres arts martiaux, cette dimension sapplique lescrime pour ne pas la rduire un simple catalogue de gestes techniques utiliss avec telle ou telle arme. Ainsi, les diffrentes formes descrime ne diffrent pas seulement par la varit des armes utilises ou par les techniques employes, elles prennent toutes leurs spcificits dans la signification du comportement, des intentions, suivant le degr de la motivation. Ni rductible une squence de gestes et de phrases darmes, ni limite une pure philosophie, elle rpond la totalit de la personne qui sescrime. Dans cette perspective, lescrime est un ensemble de pra-tiques codifies utilisant des armes de pointe et de tranchant, pou-vant se pratiquer seul, deux ou en groupe, en situation dopposition ou de coopration, dans le but de plaire ou de gagner, dduquer, de

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    combattre ou (et) de mimer un combat. Sous diverses formes, elle a captiv, au fil du temps, les hommes de lois comme les militaires, les ducateurs comme les crivains, les mdecins comme les scientifiques. Les plus grands rois lui donnrent ses lettres de noblesse en transfor-mant lart de frapper en art de toucher. Lescrime devient alors, avec la danse et lquitation, lun des moments cls de lducation corporelle de la noblesse franaise et trangre. la fois arts, jeux, cultures, sciences puis sports, lescrime revt une diversit de formes et dintrts qui lui assigne une fonction culturelle et sociale importante.

    Art dagrment port au rang des arts acadmiques sous Louis XIV, mais aussi art sportif, sport artistique puis sport part entire ces pratiques pourtant ne se confondent pas. Ainsi, nombreux sont les historiens et philosophes avoir montr les distinctions faire entre les exercices corporels pratiqus sous lAncien Rgime et les pratiques sportives modernes qui sorganisent la fin du xixe sicle en France et ailleurs. Les travaux dAllen Guttmann, publis dans From Ritual to Record. The Nature of Modern Sports en 19781, sont particulirement clairants. Lauteur amricain tablit sept caractristiques permettant de distinguer les sports modernes par rapport aux pratiques physiques des priodes prcdentes :

    Le scularisme des pratiques modernes ; Les principes dgalit des opportunits et des conditions de laf-

    frontement ; La spcialisation des rles ; La rationalisation des rgles, des quipements, des techniques,

    des entranements ; La bureaucratisation de lorganisation afin dadministrer le sys-

    tme lchelle internationale ; La quantification du rsultat ; La qute des records.

    Il dmontre alors que si certaines de ces caractristiques peuvent tre ponctuellement prsentes dans les socits primitives, en Grce antique, dans la Rome antique et au Moyen-ge, elles sont en revanche simultanment convoques avec lmergence des sports modernes dans la deuxime moiti du xixe sicle.

    Lhistoire de la transformation de lescrime, dart en sport, nchappe pas ces processus. Comme les autres sports, elle est influence par les mutations conomiques, politiques, religieuses, intellectuelles des xviii et xixe sicles. Lavnement des socits industrielles et capitalistes, la

    1. Voir la prsentation et traduction de Terret, Thierry, Du rituel au record. La nature des sports modernes, Paris, LHarmattan, 2006.

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    monte du protestantisme, le dveloppement dune conception empiri-que, exprimentale et mathmatique du monde, tous ces facteurs expli-quent les mutations de lart en sport. Progressivement, les bourgeois singent les pratiques de la noblesse en modifiant les finalits, les prati-ques, les techniques de lescrime. Ils en font une pratique dtache de finalits utilitaires, une pratique ludique, accompagnant la civilisation des murs et lindustrialisation des esprits. En escrime, comme dans les autres sports, on sattache alors dornavant la mesure des rende-ments et des performances, on compare les productions, les qualits. Lescrime devient sport, cest--dire avant tout comptition dans une socit o la concurrence conomique est dsormais ouverte tant lint-rieur des frontires que vis--vis de ltranger 2. Pour cela, il faut quelle fasse fi de ces particularits nationales, de ses amours-propres, de ces rivalits internationales afin de parvenir universaliser son rglement, ses quipements, ses comptitions. Il faut quelle smancipe de luni-que recherche de prestance (les belles armes) pour adopter quelques principes defficacit. Il faut que ses acolytes abandonnent le jugement par lhonneur afin daccepter les machines et les arbitres permettant de quantifier les touches et les victoires. Il faut que des formules, des modes de slection garantissent lgalit des chances entre les tireurs et les nations. Il faut que lescrime se bureaucratise notamment grce la cration de structures dont la fonction est de fdrer les units afin de passer du particularisme national luniversalisme de la prati-que. Qui sera lorigine de cette bureaucratisation ? Sur la base de quel rglement ? Lunit sera-t-elle immdiate et consensuelle ? Quels seront

    2. Dietschy, Paul et Clastres, Patrick, Sport, socit et culture en France, du xixe sicle nos jours, Paris, Hachette, 2006, p. 5.

    Lanalyse de la fente par les scientifiques tienne Marey et Georges Demeny.

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    les tapes, les chronologies mais aussi les enjeux et les dbats sous-jacents cet avnement de lescrime sportive alors mme que toutes les nations ne sont galit ni dans leur exprience de lescrime, ni dans leur influence sur le plan gopolitique ?

    Le travail prsent dans cet ouvrage ambitionne de rpondre ces questions en tudiant la naissance et le dveloppement de lescrime sportive sous langle de vue de la politique et des actions menes au sein de la Fdration internationale descrime (FIE) depuis sa cration Paris, le 29 novembre 1913, jusqu nos jours. Dans loptique de la commmoration de son centenaire, la FIE a soutenu la ralisation dun travail dhistoire men par les chercheur-se-s du Centre de Recherche et dInnovation sur le Sport (CRIS) de lUniversit de Lyon1 en France3. Ce travail est ralis dans loptique de ce que Lucien Febvre4 nommait une histoire totale , cest--dire une histoire permettant de se dta-cher de lvnement pour accder une comprhension plus large partir du politique, du social, du culturel ou de lconomique. Il ne sagit alors pas de clbrer telle ou telle mmoire (quelle soit individuelle ou collective) mais, comme le rappelle lhistorien Kzrysztof Pomian de faire comprendre, dans toute sa complexit, les rapports qui unissent ou

    3. Thierry Terret est recteur et chancelier des Universits de lacadmie de la Runion. Professeur dhistoire du sport et directeur du CRIS de lUniversit de Lyon 1 (France) jusquen janvier 2013, il prside, entre 2001 et 2009, lInternational Society for the History of Physical Education and Sport (ISHPES) en tant membre de la Socit nord-amricaine dhistoire du sport (NASH) et du Comit europen dhistoire du sport (CESH). Il a publi plusieurs ouvrages sur lhistoire du sport (dans 5 pays). Ccile Ottogalli-Mazzacavallo est matresse de confrences dans ce mme labo-ratoire. Membre des socits franaises et europennes dhistoire du sport, elle a publi plusieurs articles scientifiques sur lhistoire de lescrime. Les archives tudies ont t mises disposition par la FFE au moment o Grard Six tait le prsident de la commission du patrimoine. Ce dernier est aussi lauteur de plusieurs ouvrages sur lhistoire de lescrime.4. Febvre, Lucien, Combat pour lhistoire, Paris, Agora, 1952.

    Revue Les Armes du 14 dcembre 1913 annonant la cration de la FIE.

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    divisent 5, laune dun sport, lescrime et une institution, la FIE. Pour ce faire, les historien-ne-s ont travaill sur les traces fournies par les archives de la fdration internationale que sont les revues6, les actes des congrs de la FIE7 et les correspondances entre le CIO et la FIE8. Si lutilisation de ces sources offre une vision exhaustive des dbats inter-nes la FIE (concernant par exemple les modalits de diffusion de lac-tivit travers le monde, linstauration des rglements et de lautorit de larbitre, lvolution des techniques corrlativement celle des tech-nologies, la place des femmes ou le rle des mdias), ces mesures ne disent rien, ou peu de choses, des histoires nationales (anglaise, belge, hongroise, russe, brsilienne ou australienne, etc.) de lescrime. Le lec-teur ou la lectrice ne trouvera pas dinformations concernant la nais-sance et le dveloppement de lescrime au Canada, en Chine ou au Chili, pas plus quil ne trouvera de rfrences aux ractions nationales face aux dcisions de la FIE, hormis celles publies dans les revues officielles de la FIE. Lheure nest pas encore venue de mener une histoire globale9 de lescrime internationale dans lobjectif de comparer les situations et de mettre jour les convergences et les divergences entre les rgions du

    5. Pomian, Kzrysztof, Sur lhistoire, Paris, Gallimard, 1999.6. Pendant de nombreuses annes, la FIE utilise les publications franaises comme organe officiel du discours de la fdration internationale. Comme nous le verrons, la position des dirigeants franais lorigine du processus de bureaucratisation de lescrime explique ce choix. Ainsi, le corpus est compos darticles issus de Lescrime franaise (1889-1903) ; Les Armes (1905-1921) ; Lescrime et le tir (1921-1939) ; Lescrime franaise (1946-1976) ; Lescrime (1977-1986), puis de Escrime Internationale (depuis 1992). Une tude des archives de la FFE et de la presse fran-aise complte le corpus.7. Les actes de congrs ordinaires de la FIE sont publis tous les ans partir de 1922, ils sont compl-ts par des actes de congrs extraordinaires publis chaque anne olympique partir de 1928.8. Archives du CIO, dossier FIE-CIO, correspondance 1913-1987.9. Maurel, Chlo, La World/Global History : questions et dbats , in Vingtime Sicle, Presses de Sciences-Po, n 104, 2009, pp. 153-166.

    Les revues Les Armes ou Lescrime franaise sont lorgane officiel de la FIE pendant de longues annes.

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    globe. Pour cela, les micro-histoires nationales font encore dfaut10. La synthse ici propose sur lhistoire de lescrime trouve sans doute ses limites celles du corpus tudi mais offre un travail et un regard indit dont les prolongements seront sans doute multiples. Pour reprendre des mots chers lhistorien Pierre Vilar propos de lhistoire totale, il sagit dune histoire raisonne et en construction o le travail men ne permet pas de dire tout sur tout, mais dire ce dont le tout dpend et ce qui dpend du tout 11. Dans cette perspective de reconstruction toujours problmatique et incomplte de ce qui nest plus 12, lhistoire est parfois amene bousculer les mmoires Cest ce titre quelle aspire luni-versel, quelle aspire runir. Ainsi, lhistoire de lescrime nchappe pas aux rapports de force entre les nations dominantes et domines dans lactivit et dans lhistoire. Les sources institutionnelles traites mettent laccent sur ces processus tout en ayant la faiblesse de laisser peu de place aux domins . Ainsi, certaines nations se distinguent davantage que dautres.

    Pendant une grande partie du xxe sicle, linfluence de la France et de lItalie est nettement perceptible. Pour comprendre cela, il faut certainement rappeler que, depuis plusieurs sicles, ces deux nations occupent une position hgmonique dans le dveloppement de les-crime. Lune comme lautre tablit ses acadmies, ses traits, ses tech-niques, etc. Lune comme lautre cherchent diffuser la renomme de son art travers le monde et uvrent la dfinition lgitime de les-crime. Lune comme lautre tire son pe du jeu pour la brandir haut et fort. Une mme passion atavique, une mme recherche de leadership mondial par des moyens, des mthodes parfois divergentes ! De cha-que ct des Alpes, la rivalit entre matres darmes et entre les co-les descrime a fait lobjet dune lutte incessante depuis le xvie sicle, de combats idologiques o les duels sont frquents. Sans remonter aux affrontements des matres italiens et franais au sein de la cour des rois de France surtout depuis la cration de lAcadmie darmes de Paris13 on peut commencer la liste en 1814 par le plus fameux

    10. Les approches historiques nationales sont encore rares et mconnues. Un recensement com-plet auprs de la FIE serait ncessaire. Notons les travaux de Giancarlo Torn sur La Federazione Italiana Scherma Compie Cento Anni, paru en deux tomes en 2009 et 2011 (Nomos Edizioni, Busto Arsizio) ; de Robert Prat sur Un sicle descrime en principaut de Monaco en 1989 ; de Vigander, Haakon, Norske Studenters Gymnastikk-Og Fekteforening 1882-1932, [Unknow publisher], Oslo, 1932 ; de Lacaze, Pierre, Histoire de lEscrime, Plein Chant, Bassac, 2009 ; ou de Six, Grard, Linvention de lescrime, Les Quatre Chemins, Paris, 2007.11. Louvrier, Julien, Pierre Vilar : une histoire totale, une histoire en construction , in Annales historiques de la Rvolution franaise, 347, 2007, pp. 220-223.12. Nora, Pierre, Entre Mmoire et Histoire. La problmatique des lieux , in Les lieux de la mmoire, Tome 1, La Rpublique, Paris, Gallimard, 1984, p. XIX-XX.13. LAcadmie darmes de Paris est cre en 1576 par le roi Charles IX. Louis XIV en confirme les statuts et rglements pour en faire un vritable conservatoire de la science de lescrime.

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    et extraordinaire duel franco-italien : celui o le matre Jean Louis (Michel) dmontre la suprmatie de lcole franaise sur lcole transal-pine en tuant ou blessant quinze matres darmes italiens dans un relai mortel. Cette dfaite provoque une raction en Italie. Lescrime fran-aise est dabord adopte malgr le trait de Risaroll et Grisetti (1811) sur la Scienza della scherma qui vise soustraire lescrime italienne de linfluence franaise en reprenant les anciens principes de lcole bolognaise (Marozzo, Agrippa, Fabris, Capo Ferro). Lescrime italienne priclite et aprs le passage des troupes franaises sous la Rvolution et lEmpire napolonien, le peuple dItalie ne rve plus que dunifier la botte en un Royaume unique. Entre Parme, Milan, Rome et Naples, les acadmies darmes se multiplient et surtout se concurrencent. Certains matres comme Alberto Marchionni dans le Trattato di scherma (1847) mixent les principes de lcole italienne et de lcole franaise. Dautres, comme le matre Cesare Enrichetti dans Trattato elementare di scherma (1871) refondent les thories de lescrime italienne.

    Mais en ce xixe sicle, linfluence franaise domine et elle permet de prendre une avance dcisive sur la bureaucratisation de lescrime qui senclenche, en France, ds 1882 avec la cration de la Socit den-couragement de lescrime sous la prsidence dHenri de Villeneuve. Au pralable, un travail de thorisation et dunit est recherch alors mme que, sur le territoire franais, des formes dissidentes de pra-tique semblent merger14. Effectivement, lart de la touche succde la touche tout prix pour ceux qui entendent faire du duel le point de dpart de leur pratique de lescrime. Le plus grand schisme de lescrime moderne se prpare, celui de la sparation du fleuret et de lpe15. La tradition franaise est conteste en interne bien quune ligne de front stablisse pour en renforcer les fondements. Pour cela, les matres franais travaillent chaque coup dans le cadre de la conven-tion, cette rgle qui permet de ne pas sentretuer et dviter les tou-ches simultanes que lon ne saurait dpartager. Mais si les principes thoriques sont formuls grand renfort de traits, les applications

    Cette Acadmie darmes disparat pendant la Rvolution avec la suppression des jurandes et des matrises. Pourtant la ncessit de transmettre des rgles, en perptuant les traditions dun enseignement mthodique et raisonn, tant en perfectionnant les principes de lescrime franaise pousse sa rouverture en 1886, sous linfluence du ministre de la Guerre. LAcadmie darmes a alors pour but dtre un centre dtude pour les matres, de veiller la validit des diplmes et la dignit de lenseignement dispens sur le territoire franais.14. Pour Legouv, une rvolution descrime () renversait toutes les anciennes rgles. Le roman-tisme faisant explosion dans les armes comme dans les autres arts. Arrire tout ce qui sappelait acadmique ! Plus de correction, plus dlgance ; le tireur ne devait avoir quun objet : toucher ! toucher nimporte o et nimporte comment ! , cit par Lionel Lauvernay, La Belle poque de lescrime, Ensiludium, 2008, p. 25.15. Il prfigure le processus de spcialisation des rles dcrit par Allen Guttmann comme lune des caractristiques des sports modernes.

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    pratiques sont discutes. La surface valable, la convention tout se prte tant discussion quil devient difficile de tirer les uns contre les autres au moment mme o les duels et les assauts publics connais-sent une ferveur de plus en plus importante dans la socit16. La Socit dEncouragement de lEscrime contribue clairer les dbats en dfi-nissant des rglements. Elle uvre ce que la convention passe de la pratique du savoir-vivre et de lhonneur celle du rglement sportif descrime. Sans renoncer la logique des belles armes, elle promeut la pratique de lescrime lchelle nationale et entretient aussi quelques ambitions internationales en mettant en place, pour lexposition univer-selle de 1889 Paris, lun des premiers assauts internationaux regrou-pant des Franais, des Italiens, des Espagnols et des Belges. Ainsi, elle commence lgifrer, organiser et diffuser grce la publication de la revue Lescrime gazette de 1882 1888 puis de Lescrime franaise sous la rdaction en chef dmile Andr jusquen 1903. Ces mutations et initiatives de structuration ne concernent pas que lescrime. La nata-tion, le cyclisme, laviron, le tennis, le pdestrianisme ralisent aussi leur transformation au tournant du xxe sicle. Si bien quen une tren-taine dannes, le sport est devenu phnomne social et il sest institu-tionnalis en se dotant de structures diversifies et hirarchises aptes encadrer, contrler et stimuler les pratiques 17. La France occupe alors une place importante dans la diffusion internationale du sport18. Lac-tion dun homme, Pierre de Coubertin, est particulirement connue. Ardant dfenseur de lutilisation des sports comme moyen pour revita-liser la jeunesse , il est lorigine du rtablissement des Jeux olympiques et de la cration du Comit international olympique (CIO)19 et, ce titre, avec dautres Franais, il est luvre de lorganisation des premires comptitions internationales. En escrime, les dirigeants franais sont aussi lavant-garde. En 1889, un chroniqueur dclare dans Lescrime franaise : Lcole franaise na-t-elle pas pris, dailleurs, une influence

    16. Lhistorien Jean-Nol Jeanneney observe, la fin du Second Empire une rmergence du duel au moment o le systme politique est en cause et les tensions civiles accentues. Les anciennes thories de lescrime sont alors mises mal et contestes sur le terrain. Les traits de Jules Jacob en 1886, puis dAmbroise Baudry en 1893 et dmile Andr en 1896 permettent de consacrer une nouvelle thorie, celle de lescrime pratique alors que la concurrence des salles fait rage en France. Tous les moyens sont utiles pour rcuprer des adhrents. Cf. Jean-Nol Jeanneney, Le duel : une passion franaise (1789-1914), Seuil, Paris, 2004.17. Poyer, Alex, Linstitutionnalisation du sport (1880-1914) , in Ttard, Philippe (sous la dir. de), Histoire du sport en France, Paris, Vuibert, 2007, p. 25.18. Grosset, Yoan, Aux origines du mouvement sportif franais. Lhistoire dune institutionna-lisation du sport et de lolympisme (1887-1930), Thse de doctorat, Grenoble 1, soutenue le 30 novembre 2010.19. Clastres, Patrick, Jeux olympiques. Un sicle de passions, d. Les Quatre chemins, juin 2008.

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    presque universelle ? Presque universelle Ltape suivante sera la cration de la Fdration internationale descrime.

    Cre le 29 novembre 1913 dans les salons du prestigieux Auto-mobile Club de France, la Fdration internationale descrime est le rsultat de quinze annes de ngociations dont les piliers fondateurs sont des hommes, Belges et Franais, convaincus de la ncessit duni-fier les rgles de lescrime en vue dorganiser des rencontres interna-tionales quitables. Les premires tractations sengagent ds la fin du xixe sicle au moment o, sous la pression notamment des Jeux olym-piques, lescrime se transforme et se codifie pour devenir un vritable sport. lorigine de cette cration, lutopie de deux hommes, Eugne Wettrems et Lon Fadeux qui, le 16 aot 1896, organisent la fusion des groupes descrime de Bruxelles et, le 25 octobre 1896, la mise en place de lunion nationale, appele Fdration belge des cercles des-crime. Dans la foule, Eugne Wettrems profite de lexposition uni-verselle de Bruxelles en 1897 pour proposer un congrs international descrime au bureau de la fdration belge. Un deuxime congrs inter-national a lieu trois ans plus tard, en 1900, en France. Lunification des mthodes reste la principale proccupation au moment o les dis-sentiments entre les fleurettistes et les pistes saggravent. Les uns et les autres sopposent sur la dfinition lgitime de lescrime. Pour les fleurettistes, celle-ci repose sur la thorie, lart de sauver sa vie quand, pour les pistes, seul le duel par la matrialit du coup de bouton justifie lexercice de lescrime. Le congrs de Paris incarne de nouveaux espoirs pour faire cesser les controverses. Mais, l encore, la faible reprsentation des trangers et des pistes aboutit une

    La salle Gordon Bennett de lAutomobile Club de France o fut signe la cration de la FIE.

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    concentration des pouvoirs autour des dirigeants de la Socit dencouragement de lescrime. Les vux mis par le congrs rduisent lpe un usage facultatif et secondaire derrire la pratique du fleuret, instrument normal de lenseignement de lart des armes. Sur ces bases, lentente entre les coles rivales demeure impos-sible. Rapporteur officiel du congrs, le marquis de Chasseloup Laubat, rare piste de lassemble, condamne ce rapport de force des fleurettistes dans le monde des armes20. Pour lui, ni les fleu-rettistes intransigeants pour qui le jeu de lpe nexiste pas, ni les pistes pour qui le fleuret nest que lpe abtardie, dvoye, dgnre 21, nont raison ou tort. Chasseloup-Laubat sengage alors dans une uvre de conciliation dont

    loutil prioritaire est la constitution dune Union ou Fdration22. La question de la gouvernance internationale de lescrime est pose. Elle prend pour pralable limpratif dune bonne gouvernance au sein de la nation pilote de cette activit. La France a alors un avantage, sur-tout que ces deux premiers congrs demeurent confidentiels, avec une importante concentration des pouvoirs entre les mains des dirigeants franais et des fleurettistes de la Socit dencouragement lescrime.

    Pourtant, malgr cette invitation lentente, les tensions ne satt-nuent pas en France en ce dbut de xxe sicle. La discussion semble strile. Les incidents entre les tireurs franais et belges lors du tournoi dOstende en septembre 1904 contribuent certainement la reprise des initiatives internationales. Suite aux comportements injurieux dun tireur franais lgard dun jur belge, lentente historique franco-belge se voit fragilise. Lvnement renforce la ncessit dune orga-nisation internationale plus directive permettant damliorer le fonc-tionnement sportif de lactivit. Ainsi, en dcembre 1904, au moment de son lection la prsidence de la Fdration belge des cercles des-crime, Albert Feyerick annonce son projet de continuer tablir des relations amicales et continues avec ltranger partir de lorganisation

    20. Chasseloup-Laubat, Marquis de, Considrations sur la situation actuelle de lescrime en France et sur le congrs international descrime , in Lescrime franaise, 8 mars 1902.21. Chasseloup-Laubat, Marquis de, Considrations sur la situation actuelle de lescrime en France et sur le congrs international descrime , in Lescrime franaise, 15 fvrier 1902.22. Chasseloup-Laubat, Marquis de, Considrations sur la situation actuelle de lescrime en France et sur le congrs international descrime , in Lescrime franaise, 18 janvier 1902.

    Les actes du IIIe Congrs international descrime organis

    en 1905 par la Fdration royale belge des cercles descrime.

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    de tournois internationaux dans la ligne de celui dOstende, runis-sant des Franais, des Hollandais, des Anglais, des Italiens et des Bel-ges, mais aussi en crant Bruxelles, un secrtariat permanent o les socits belges fdres et les socits trangres pourraient obtenir tous les renseignements et indications dsirables 23. Ce secrtariat serait le premier rouage administratif dune Fdration internationale des cer-cles descrime afin de contribuer par tous les moyens possibles au dve-loppement du sport des armes ainsi qu lunification de lenseignement professionnel 24. Trois mois plus tard, Feyerick convoque le monde de lescrime au IIIe Congrs international Bruxelles les 19 et 20 juillet 1905. Cette fois, le congrs fait lobjet dun rglement prcis et rompt avec lanonymat des prcdents en accueillant prs dune centaine de personnes, mais toujours majoritairement des Franais et des Belges. Cest loccasion de ce IIIe congrs, que les dlgus ratifient la cra-tion dun Comit international descrime25 dont lobjet est dtablir des relations amicales entre les escrimeurs de tous les pays ; de donner son appui aux manifestations descrime ; de produire des rglements internationaux pour chaque arme ; de rsoudre les questions en litige ; de dfinir lamateurisme. Le succs est certain et les fondateurs reoi-vent rapidement ladhsion de groupes descrimeurs issus de France, Belgique, Angleterre, Allemagne, Autriche, Hollande, Sude, Italie et Danemark. De la mme manire, linfluence franaise sur le devenir de lescrime internationale est confirme avec ladoption des rglements franais (celui de Camille Prvost pour le fleuret, de Gaston Berger pour lpe et de Gabriel Letainturier pour les jurys dhonneur) comme rf-rence des prochains tournois internationaux. La dcision est ratifie lors de la premire runion du comit international en juin 190626. La prminence franaise se confirme27

    Mais du ct transalpin, les Italiens font entendre leur voix pour contester le monopole administratif pris par les Franais. Lchec des tireurs italiens aux Jeux olympiques de Londres en 1908 renforce cette

    23. Lescrime, 1er janvier 1905.24. Lescrime, 1er fvrier 1905.25. Lide mane dAlbert Feyerick lors de la Grande Semaine de lpe en octobre 1904 et aprs discussion avec certains dirigeants des Armes de France, il se met la besogne.26. Feyerick, Albert, Comit International dEscrime , in Lescrime, 1er juillet 1906.27. Pour renforcer leur influence, les dirigeants franais uvrent dans le mme temps la consti-tution dune Fdration nationale descrime. Linitiative en revient mile Bruneau de Laborie (alias Jehan Septime) qui, le 20 dcembre 1906 parvient fdrer les prsidents et dlgus de plusieurs dizaines de socits et salles descrime pour que la FNE devienne lorgane des intrts gnraux de lescrime en France () notamment vis--vis des pouvoirs publics et des escrimes trangres . (Cf. Breittmayer, Georges, Fdration nationale des socits descrime et des salles darmes de France , in Les Armes, 15 novembre 1906, p. 273).

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    ncessit28. Ds 1909, dans la revue franaise Les Armes, le Marquis de Chasseloup-Laubat dfend son rglement qui, dit-il, cherche mettre sur le mme pied dgalit larme franaise et larme italienne 29, l o les Italiens notamment par la voie dA. Olivier30 voient un avantage donn aux Franais en les autorisant tirer avec le pommeau dans la main alors que les Italiens, de part leur technique de ligotage, ont la main au centre de la poigne. Mois aprs mois, les dis-sensions saccentuent et la lgitimit du Comit international descrime saffaiblit.

    Les tensions entre la France et lItalie attei-gnent leur apoge lors des Jeux olympiques de Stockholm, en 1912, o les rglements sont modi-fis de faon interdire lloignement du pouce de plus de 2 mm de la coquille. Pour les Franais, ces modifications viennent lencontre des accords internationaux valids lors des Jeux olympiques

    de Londres quatre ans plus tt. En raction, la France boycotte les preu-ves descrime des Jeux de 1912. Lescrime est en crise . Non seulement les deux nations qui comptent elles deux plus de 99 % des escrimeurs du monde, taient peu ou pas reprsentes , mais on constate ltat danarchie dans lequel se dbat lescrime, ds quelle devient internatio-nale : apprciation des coups, jurys, rglements, validit des buts, etc, etc, alors que pour tous les autres sports (sauf un peu aussi lhippisme), les rgles sont gnrales, absolues, incontestes 31. Lorganisation dun nouveau congrs international descrime devient urgente.

    Celui-ci a lieu Gand, en Belgique o de nombreux pays se runis-sent du 27 au 29 juillet 1913. Ds le dbut, la question des rglements internationaux domine. Le Belge Paul Anspach rappelle les raisons de labstention franaise Stockholm en 1912, les commente une une et propose de lgifrer. Concernant lincompatibilit des fonctions de juge de poule et de membre du jury international, il cautionne le choix su-dois et propose la cration dun jury International Suprieur pour rgler

    28. Cest en 1909 quest cre la Fdration italienne descrime (Federazione Italiana Scherma), aprs une tentative de cration dune structure nationale en 1903 Pavie. Elle est luvre du Capitaine Augusto Ciacci et de Luigi Lucchini. Elle a comme premier prsident le comte Ezio Ravascheri.29. Chasseloup-Laubat, pes franaises et pes italiennes , in Les Armes, 15 mai 1909.30. Olivier A., pes franaises et pes italiennes , in Les Armes, 13 novembre 1909.31. Comte Gautier Vignal, Albert, Pour un accord international , in Les Armes, 10 novembre 1912.

    Ren Lacroix : homme orchestre

    de linstitutionnalisation de la FIE.

  • Lhistoire de Lescrime Introduction

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    tous les diffrends32. Concernant la modi-fication du rglement dpe, Paul Ans-pach npargne pas la France quil accuse dune erreur de droit flagrante 33 ; pour autant les modifications de rglements doivent tre luvre dune comptence reconnue par toutes les nations, par exem-ple la Fdration internationale descrime (en cration) 34. Plus gnralement, la question des rglements aux trois armes est traite. Pour lpe, lanciennet et la lgitimit des rglements franais dans les preuves internationales depuis plus de 20 ans leur donnent autorit35. Pour le fleuret, en labsence de toutes dcisions prises lors des prcdents congrs, Paul Anspach sengage en faveur du rgle-ment franais36 : mon avis, ce rglement franais est le meilleur () je propose que le congrs mette le vu quau fleuret la surface valable soit celle prvue par le rglement Prvost, rgle-ment qui au surplus donne la plus grande latitude aux deux coles des-crime au fleuret 37. Enfin, au sabre, le rglement hongrois est adopt.

    Deuxime question majeure lordre du jour : la cration dune Fd-ration internationale descrime. Ren Lacroix prend la parole pour un discours historique : Lescrime [] devenue un sport [] doit tre organi-se et rglemente pour tre plus mme de profiter des dvouements de tous ceux qui sy intressent de faon [] dsintresse . Pour concilier toutes les revendications, organiser des rencontres quitables, modifier la mentalit des jurs et des tireurs, il y a lieu, dclare-t-il, de crer une Fdration internationale descrime dont un des plus importants travaux serait de procder lunification des rgles de lescrime ou pour tre moins ambitieux de prime abord, rapprocher ces rgles autant que possible jusqu ce que les circonstances en permettent une fusion complte 38. Le discours de Ren Lacroix est accueilli par des applaudissements

    32. Rapport du VIe Congrs international descrime, Archives du CIO, dossier FIE-CIO, corres-pondance 1913-1987.33. Ibid.34. Ibid.35. Ibid.36. Un rglement qui autorise les touches au bras lorsque celui-ci constitue un obstacle pour acc-der la cible du tronc. Les Italiens eux pratiquent le fleuret sans autoriser les touches au bras.37. Rapport du VIe Congrs international descrime, Archives du CIO, dossier FIE-CIO, corres-pondance 1913-1987.38. Lacroix, Ren, Fdration internationale descrime , in Les Armes, 17 aot 1913.

    Frdric Rgamey fut lun des grands illustrateurs de lescrime.

  • Lhistoire de Lescrime Introduction

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    unanimes. Le 29 novembre 1913, les reprsentants de neuf pays lAl-lemagne, la Belgique, la Bohme, la France, la Grande-Bretagne, la Hollande, la Hongrie, lItalie, la Norvge39 sont runis dans le cadre prestigieux de lAutomobile Club de France Paris, pour officialiser lvnement le plus considrable de lhistoire de lescrime 40. La Fd-ration internationale descrime est fonde et confie Albert Feyerick, le prsident de la FBCE, ardent propagateur de lescrime franaise ! Les intrts de la France sont ainsi prservs41. Lacte dfinitif est sign le 12 juin 1914, lors de la premire assemble gnrale de la FIE,

    39. Le Portugal assiste lAssemble titre officieux.40. Lacroix, Ren, La FIE est fonde , in Les Armes, 14 dcembre 1913.41. Avec la direction de la FIE se joue des enjeux sportifs mais aussi des enjeux politiques visant accrotre la sphre dinfluence dune nation sur les autres. ce jeu, les dirigeants sportifs franais sont particulirement offensifs au dbut du xxe sicle, sans doute pour compenser la diminution de leur poids sur la scne internationale en termes de reconnaissance militaire et conomique. Rap-pelons que ce sont des Franais qui sont linitiative de la cration du Bureau des Fdrations europennes de gymnastique en 1881, de la Fdration internationale des socits daviron en 1892, de lUnion cycliste internationale en 1900, de la Fdration internationale de football en 1904, de la Fdration internationale de lawn-tennis en 1913 Comme le prcise Jean-Franois Loudcher, la dynamique est telle quen 1921, dix des dix-huit fdrations internationales mem-bres du bureau permanent des fdrations internationales ont leur sige en France . (Cf. Loud-

    FEyERICK ALBERT (Belge)

    Ce riche homme daffaires, aussi grand tireur que golfeur et mcne de lescrime, se montrera tre galement un formida-ble dirigeant.

    Prsident de la Fdration des cercles descrime de Belgique ds 1904, Albert Feyerick est lorganisateur et le mcne de

    nombreux tournois dun grand retentissement europen, tout comme lun des ardents militants, avec le marquis de Chasseloup-Laubat pour la France, de la cration de la Fdration internationale descrime. Le 29 novembre 1913, il est lu comme pre-mier prsident de la FIE et le restera jusqu son dcs en fvrier 1919. Doyen de la Confrrie royale et chevalire de Saint-Michel de Gand, il supporte avec fermet loccupation pendant la dure de la guerre et ses sentiments pour la France lui valent la croix de la Lgion dhonneur.

    Notons quil remporte la mdaille de bronze lpe par quipes aux Jeux de Lon-dres de 1908 avec son ami Paul Anspach. Il crit en 1900 une plaquette sur Len-seignement de lescrime dans larme en Belgique . Quelques annes plus tard, la FIE dcerne un prix Feyerick rcompensant les conduites nobles et valeureuses en faveur de lescrime, en mmoire de son neveu Robert Lon Feyerick, vaillant combat-tant de la Premire Guerre mondiale.

  • Lhistoire de Lescrime Introduction

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    quelques jours seulement du Congrs olympi-que : Quel spectacle lamentable si nous devions recommencer toutes nos discussions dcole devant ce congrs solennel, quel tableau impo-sant au contraire, lorsque nous verrons tous les dlgus de 16 pays aujourdhui affilis la FIE dclarer avec un ensemble merveilleux quils votent pour les rglements officiellement adopts par la FIE. (). Ce sera l devant les dlgus de tous les pays du monde, reprsentant toutes les activits sportives les plus diverses, la plus belle conscration de la raison dtre de la FIE et de son importance 42. Tous les dlgus parviennent un accord sur la ncessit dune reprsentation unanime au congrs olympique, mme si le dlgu italien, le gnral Ettore, manifeste ses inquitudes lgard du rglement dpe qui, trs bon [dans] son ensemble est cependant dfectueux sur les points suivants : le coup double et la possibilit de tenir lpe par le pommeau ce qui permet de lallonger 43. Dornavant lautorit de la FIE est engage. Paul Anspach rappelle : Il convient de ne pas oublier que, ainsi que la chose a t rappele lors de la fondation de la Fdration internationale, un rglement international dpe doit, conformment ce qui avait t dcid par le Congrs de Gand, tre dans ses bases essentielles conforme lesprit du rglement Franais dpe, pour la simple raison quen France larme de duel est lpe () Agir autrement serait demander aux Franais une chose impossible et serait la fin de la Fdration internationale 44. Albert Feyerick rajoute : on ne saurait admettre que ce qui a t fait Gand, soit considr comme nul et non avenu. On ne saurait, chaque fois, et chaque nouvelle sance, remettre en doute les rsultats acquis 45.

    Lautorit de la FIE semble installe, apportant dans le monde des armes blanches et sportives un concordat qui, malheureusement, na aucun poids dans le monde diplomatique Quelques jours plus tard, le 28 juin 1914, lassassinat de lhritier du trne austro-hongrois, larchi-duc Franois-Ferdinand, plonge tous ces pays dans latrocit de la Pre-mire Guerre mondiale. En 1919, la sortie de la guerre, les structures administratives existent, mais lentente sera reconstruire pour assurer le dveloppement de lescrime sportive.

    cher, Jean-Franois, La France au centre de la modernit sportive ? (xixe sicle-annes 1930) , in Ttard, Philippe, Histoire du sport en France, Paris, Vuibert, 2007, p. 107).42. Anspach, Paul, la Fdration internationale descrime , in Les Armes, 28 juin 1914.43. Les Armes, 26 juillet 1914.44. Ibid.45. Ibid.

    Blason FIE.

  • InTRoDUcTIon ................................................................................. 7

    PARTIE 1 : Lentente internationale ou la qute du saint Graal de lescrime moderne (1919-1936) ................................................ 23

    I.1. De la guerre natra une nouvelle ide de lescrime : internationalisme et sportivisation .............................................. 25 Faire de lescrime, un sport international ............................... 28

    I.2. La Fdration internationale descrime : extension et diffusion de lide sportive ...................................... 36 Affiliations et licences internationales ....................................... 38 Tableau 1 : volution des effectifs de licencis

    par nation entre 1922 et 1936 ................................................. 38 La mission des championnats du monde : propager lescrime

    auprs de tous comme facteur de lentente internationale .......... 44

    I.3. Lre des concurrences franco-italiennes (1919-1936) ................. 56 Sur le plan rglementaire ......................................................... 59 Sur le plan sportif :

    lincident, un mode de pratique incontournable ......................... 65

    PARTIE 2 : Le calme avant la tempte : modernisation et stabilisation de lescrime internationale (1937-1955) ......... 73

    II.1. La Fdration internationale descrime la conqute du monde et de la modernisation de lart .............. 76 La FIE en guerre : de la spoliation lpuration

    Les annes noires .................................................................... 76 Autorit de la FIE et conqute du monde ................................... 85 Mondialisation des championnats ............................................ 91

    II.2. Tradition ou modernisation de lescrime ? .................................. 93 Llimination directe et le match long ........................................ 93 La signalisation lectrique ........................................................ 97 Scurit ................................................................................... 102

    II.3. Les championnats du monde : maintien des hirarchies historiques et contrle des concurrences ................................... 105 Le retour en grce de lescrime franaise

    au firmament dune nouvelle toile ........................................... 105

    table des matIres

  • La menace gronde llimination de la France lpe ............. 107 La menace viendra de lEst : lavant-garde hongroise ................ 111

    PARTIE 3 : Un vent venu doural : le temps de lhgmonie sovitique (1956-1982) ....................... 113

    III.1. La Fdration internationale descrime, entre guerre froide et dfense des traditions ............................. 115

    Politique .................................................................................. 115 Rsistances institutionnelles .................................................... 126 Faire des championnats du monde

    une propagande pour lescrime ................................................. 129 Amateurisme ........................................................................... 133 La rglementation : scurit, fiabilit et visibilit ....................... 135

    Scurit/Fiabilit/Visibilit

    III. 2. Les championnats du monde : lEurope lombre de lhgmonie sovitique ........................... 143

    Monte en puissance de lURSS et recul franco-italien (1955-1961) ............................................ 143

    Le temps de lEurope de lEst (1962-1972) ................................ 146 Dispersion europenne lombre de lURSS (1971-1982) ........... 147

    PARTIE 4 : Le coup des deux veuves ou le retour en grce des coles historiques (1983-2013) ........ 153

    IV.1. Le saut dans le nouveau millnaire ........................................... 155 Extension ................................................................................ 155 Les escrimeuses prennent leur tour ............................................. 164 Lquipement : de la scurit la publicit ................................ 173 La question olympique : le maintien tout prix ......................... 180

    Reprsentativit, slection, poule et programme/Arbitrage Simplification/Dopage

    Petit cran et grosses coupures ................................................ 195De lamateur au semi-professionnel

    IV.2. Au-del de lEurope ? ................................................................ 203 Le temps de lAllemagne (1983-1990) ....................................... 204 Transition : le club des cinq (1991-1995) .................................. 206 Mnage trois : France, Italie, Russie (1996-2013) ................... 208

    concLUSIon ...................................................................................... 215

    Tableau de synthse : Mandats des prsidences de la FIE ......................................................... 222

    Bibliographie .......................................................................................... 223