Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire ...
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Preprint submitted on 25 Sep 2013
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Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire :le cas de la cible ” étudiants ”
Caroline Bayart, Jean-Marie Brignier
To cite this version:Caroline Bayart, Jean-Marie Brignier. Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire : le casde la cible ” étudiants ”. 2013. �halshs-00865991�
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Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire : le cas
de la cible « étudiants »
Caroline BAYART Maître de Conférences, IUT Lyon 1, 17 rue de France, 69627 Villeurbanne Cedex
Laboratoire de Sciences Actuarielle et Financière (SAF), Université Lyon 1.
Jean-Marie BRIGNIER Maître de Conférences, IUT Lyon 1, 17 rue de France, 69627 Villeurbanne Cedex
Centre de recherche Magellan, Groupe Marketing, Université Lyon 3.
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Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire : le cas
de la cible « étudiants »
Résumé
Cette recherche explore les antécédents de la fidélité bancaire des étudiants, selon les
quatre phases du processus suggéré par Oliver (1999). L’étude de 60 entretiens semi-
directifs confirme le rôle de la satisfaction, de la confiance et de l’engagement dans la
construction de la fidélité. Malgré leur jeune âge, une part non négligeable des étudiants
se situent à un stage avancé du processus de fidélité. Ils sont en attente de relations
interpersonnelles avec leur conseiller. Les résultats obtenus doivent attirer l’attention
des banques sur le rôle clé joué par ce dernier dans l’instauration d’un climat de
confiance et le développement d’un engagement affectif, propices au développement
des opérations commerciales.
Mots-clés : banque, fidélité, processus de fidélité, satisfaction, confiance, engagement affectif, conseiller financier.
Abstract
This research investigates the antecedents of students’ loyalty in retail banking services,
through the four phases approach suggested by Oliver (1999). The analysis of 60 semi-
directive interviews confirms the importance of satisfaction, confidence and affective
commitment in the development of customer loyalty. The results show that a large part
of students have achieved an advanced stage in the loyalty process. This youth segment
is waiting for interpersonal relationships with banking advisors. The formers play a key-
role in the development of confidence and affective commitment, which are convenient
factors to engage in commercial transactions.
Key words: retail banking, loyalty, satisfaction, confidence, affective commitment, banking advisor.
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Etablir une relation de fidélité dans le secteur bancaire : le cas
de la cible « étudiants »
Introduction
Les 2,3 millions d’étudiants français inscrits selon l’Insee dans l’enseignement
supérieur au cours de l’année universitaire 2010-2011 représentent un segment de
consommateurs important, que les banques de détail cherchent à courtiser (Mankila,
2004). Si leur rentabilité peut être jugée faible à court terme, ils représentent un
investissement sur l’avenir pour les établissements bancaires (Manrai et Manrai, 2007).
Avec la fin des études, l’entrée dans la vie active et parfois l’achat d’une résidence
principale, les perspectives de vente de services financiers sont en effet multiples. Les
jeunes clients sont par ailleurs plus faciles à attirer que leurs aînés, qui ont parfois
construit au fil du temps des liens solides avec une ou plusieurs banques. De nombreux
jeunes choisissent ainsi d’ouvrir leur premier compte courant dans la banque familiale
(Childers et Rao, 1992), où ils possèdent déjà un ou plusieurs produits financiers, de
type livret A ou livret jeune. Le choix de l’établissement bancaire n’a cependant rien de
définitif et la fidélité que développent les étudiants envers leur banque reste fragile :
selon une étude conduite en Irlande, 17.8% d’entre eux changent ainsi de banque
chaque année (Colgate et alii, 1996). Leur rétention représente donc un enjeu
stratégique pour les banques, car leur rentabilité n’est pas immédiate, mais différée au
moment de leur entrée dans la vie active. Les étudiants se situe généralement en phase
d’entrée en relation avec leur banque et leur équipement bancaire est le plus souvent
modeste (compte courant, carte bancaire, et parfois, livret A, livret jeune).
A ce stade de la relation, il n’est donc pas encore question d’achats répétés. De ce fait,
la théorie de l’achat répété, qui cible les consommateurs réguliers d’un prestataire de
service (Paul et alii, 2009), apparaît comme un cadre théorique trop sélectif pour
pouvoir s’intéresser aux leviers de la fidélité bancaire des étudiants. Un cadre théorique
plus large emprunté à Oliver (1999) sera mobilisé. A notre connaissance, aucune étude
empruntant ce cadre ne s’est encore intéressée à la fidélité bancaire des étudiants. Cette
recherche se propose donc de répondre à la question suivante : quels sont les
antécédents de la fidélité des étudiants tout au long du processus de fidélité suggéré par
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Oliver (1999) ? Par une exploration qualitative des relations qu’entretiennent les
étudiants avec leur banque, elle vise à éclairer les banques sur ces déterminants, afin
qu’elles puissent favoriser la fidélité des étudiants et prévenir leur infidélité.
La première partie de cet article est consacrée à un aperçu théorique du concept de
fidélité et de trois déterminants majeurs, satisfaction, confiance et engagement. La
seconde partie présente les résultats d’une étude qualitative conduite auprès d’étudiants
de 20 à 25 ans, afin d’identifier les déterminants de la fidélité bancaire.
Cadre conceptuel
Les travaux fondateurs du marketing des services suggèrent l’impact positif de la
satisfaction du consommateur sur la rétention de ce dernier (Bitner et Hubbert, 1994).
D’autres études introduisent deux autres concepts imbriqués avec le premier, ceux de
confiance et d’engagement (Morgan et Hunt, 1994). Dans cette perspective relationnelle
de l’échange, la fidélité des clients n’est plus seulement envisagée comme le fruit d’une
offre de qualité, mais également comme conséquence de la relation que le client
entretient avec le prestataire. Elle résulte finalement d’un processus de construction de
la valeur de l’échange sur la durée.
Pour une approche multidimensionnelle de la fidélité Dans le secteur des services, les chercheurs optent volontiers pour une approche
multidimensionnelle de la fidélité, selon laquelle la fidélité est plus qu’un simple
comportement d’achat répété (pour une synthèse de différentes approches de la fidélité,
Lichtlé et Plichon, 2008). Dans cette perspective, une distinction peut être opérée entre
la « vraie fidélité », fruit d’un processus psychologique décisionnel évolutif résultant de
l’engagement du client et la « fausse fidélité », simple conséquence de l’inertie ou de
barrières à la sortie, sans attachement ni engagement de la part du consommateur.
Oliver (1997, p. 392) intègre l’intention de ré-achat dans sa définition de la fidélité, vue
comme « un engagement profond du consommateur d’acheter de nouveau un produit ou
service qu’il préfère, de manière cohérente dans le futur, en dépit d’influences
situationnelles et d’efforts marketing susceptibles d’induire un changement de
marque ». Il identifie (Oliver, 1999) quatre phases successives de la fidélité, auxquelles
nous nous réfèrerons par la suite (encadré 1).
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Encadré 1 : Les quatre phases du processus de fidélité des étudiants à leur banque
Le temps est une dimension importante du concept de fidélité (Oliver, 1997). La fidélité des étudiants
peut évoluer au cours de la relation qu’ils entretiennent avec leur banque. Oliver (1999) a mis en évidence
quatre phase distinctes et progressives de la fidélité : cognitive, affective, d’intention et comportementale.
Ces quatre phases sont illustrées à partir des récits d’étudiants invités à se projeter à un horizon d’un an
ou deux, lors de leur entrée dans la vie active. On leur demande de décrire la démarche envisagée
pour solliciter le prêt bancaire dont il aurait besoin pour acheter un logement.
En phase 1, la fidélité cognitive est liée à la performance de l’entreprise en termes de produits
et services bancaires. Lors de la souscription d’un prêt, l’étudiant va solliciter différentes
banques, évaluer puis comparer leurs offres selon un processus rationnel. Si sa banque actuelle lui
accorde un prêt au meilleur taux, il lui restera fidèle, mais dans le cas contraire, il la quittera.
Si l’étudiant est entré en phase 2 de fidélité affective, des liens affectifs se sont progressivement noués
avec son conseiller ou avec le personnel en contact, au cours de ses expériences de consommation, dont il
tire satisfaction. L’étudiant développe une attitude positive envers sa banque, mais n’y est pas encore
suffisamment attaché pour résister à une offre concurrente économiquement plus alléchante. Il n’hésitera
pas à rompre ces liens affectifs naissants pour pouvoir profiter d’une telle offre.
En phase 3 de fidélité d’intention, ces liens affectifs se sont renforcés au cours d’expériences de
consommation répétées. L’étudiant ressent un désir de maintenir la relation ou de racheter, car il est
attaché à sa banque, à son agence, ou à son conseiller financier. En conséquence, il considérera en priorité
l’offre de prêt de sa banque sans accorder autant d’importance à ses caractéristiques techniques que lors
des phases précédentes. Toutefois, l’intention initiale ne se traduit pas toujours par un comportement. Le
risque de le voir quitter sa banque en raison d’une offre concurrente plus attractive, bien que réduit,
subsiste encore.
La phase 4 de fidélité comportementale correspond à un stade ultime où l’étudiant, qui éprouve déjà un
plaisir à souscrire régulièrement à des offres de sa banque, cherche à pérenniser la relation commerciale.
Son engagement dans cette relation a clairement pour conséquence une grande résistance au changement
de banque. Dans le cas présent, il est peu probable d’atteindre ce stade, car l’ancienneté de la relation que
les étudiants entretiennent avec leur banque est encore insuffisante et leurs moyens trop limités pour
permettre un flux d’affaires régulier.
Satisfaction, confiance et engagement : trois fondements de la fidélité des clients Conformément à l’approche multidimensionnelle de la fidélité, les notions de
satisfaction, de confiance et d’engagement sont essentielles au développement de la
fidélité. Le premier de ces déterminants est depuis longtemps reconnu comme la base de
la fidélité, dans la mesure où un client satisfait aura plus facilement tendance à
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renouveler ses expériences et ses achats (Oliver, 1999). Cette relation satisfaction-
fidélité n’étant pas automatique (Moulins, 1998), la confiance et l’engagement
constituent deux autres ingrédients indispensables dans la construction d’une relation
durable entre le consommateur et l’entreprise (Morgan et Hunt, 1994). Leur effet positif
sur l’intention de fidélité du consommateur est établi dans différentes recherches
(Garborino et Johnson, 1999).
Lasatisfaction:unpremierpasverslafidélitédesclients
La satisfaction a initialement été envisagée comme un processus post achat à travers
lequel le consommateur évalue la performance d’un produit ou d’un service. Cependant,
dans le secteur des services et notamment ceux où le consommateur ressent une forte
incertitude, la satisfaction transactionnelle, découlant du processus cognitif de
disconfirmation des attentes (Vanhamme, 2002), peut parfois s’avérer difficilement
déterminable. Compte tenu de leur faible expérience en matière de produits et services
financiers, les étudiants peuvent en effet éprouver des difficultés à formuler des attentes
claires, puis à évaluer le degré selon lequel les produits et services bancaires
parviennent à combler leurs attentes (Jamal et Naser, 2002). Conformément aux
recherches récentes, la satisfaction sera envisagée comme un processus non seulement
cognitif, susceptible de reposer sur une évaluation de la performance du produit, mais
également affectif, fondé sur les réactions émotionnelles et affectives éprouvées au
cours d’expériences de consommation multiples (Vanhamme, 2002). Elle sera désignée
comme « un construit abstrait et cumulatif, qui décrit l’expérience totale de
consommation d’un produit ou d’un service » (Johnson et alii, 1995). Selon cette
orientation affective, le rôle du personnel en contact est essentiel, notamment celui du
conseiller financier. De mauvaises relations avec ce personnel génèrent de
l’insatisfaction, qui pèse sur la fidélité et mène à des comportements préjudiciables de
certains clients, tels que le changement de banque ou le bouche à oreille négatif
(Holmlund et Kock, 1996). A contrario, de bonnes relations tendent à augmenter la
satisfaction et la fidélité (Jamal et Naser, 2002).
Laconfiance:unsecondpasverslafidélité
Le concept de confiance est de première importance en marketing des services, car la
pérennité d’une relation dépend avant tout de la confiance. La confiance incite au
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maintien de la relation et peut être envisagée comme « la présomption que la marque, en
tant qu’entité personnifiée, s’engage à avoir une action prévisible et conforme à ses
attentes, et à maintenir avec bienveillance cette orientation dans la durée » (Gurviez,
1999). Elle repose sur trois dimensions : bienveillance, crédibilité et intégrité (Gurviez
et Korchia, 2002). La bienveillance est définie comme la motivation du partenaire à
placer l’intérêt du client avant son propre intérêt et à régler les problèmes qu’il peut
rencontrer. La crédibilité du partenaire repose sur sa compétence objective et sur sa
capacité technique à tenir ses promesses. L’intégrité, notion proche, consiste également
en la volonté affirmée du partenaire de tenir ses engagements, mais elle repose sur des
valeurs éthiques et déontologiques, au-delà des obligations légales. En conséquence,
elle place l’évaluation du partenaire sur un plan plus psychologique et subjectif que le
fait la crédibilité.
La confiance envers la banque réduit de plus l’incertitude dans un environnement
financier caractérisé par des niveaux d’incertitude et de risque élevés (Perrien et alii,
1993 ; Gatfaoui, 2007 ; Etude Deloitte, 20111), où le consommateur se sent vulnérable.
Les jeunes consommateurs redoutent souvent que l’institution bancaire tire profit de
leur faible capacité à évaluer les services proposés (Chakravarty et alii, 1997). Pour
gagner leur confiance, il importe que les banques soient à leur écoute et leur proposent
des produits et services adaptés à leurs besoins.
Deux niveaux complémentaires de confiance peuvent interagir pour faire émerger la
confiance des étudiants (Benamour, 2000 ; Gatfaoui, 2007) : confiance institutionnelle
et confiance interpersonnelle. Le premier levier renvoie à la réputation de l’institution
bancaire (l’enseigne) et à l’image du système bancaire. Le second fait référence à la
connaissance client-conseiller de clientèle ou personnel de la banque, une bonne
connaissance du jeune client, de son environnement et de ses besoins favorisant sa
fidélité à l’institution financière. Au stade d’entrée en relation avec la banque, la
confiance institutionnelle l’emporte sur la confiance interpersonnelle, sur la base d’une
certaine « crédibilité, garantie ou fiabilité » perçue de l’Institution bancaire choisie
(Gatfaoui, 2007). Sans pour autant chasser la confiance institutionnelle, la confiance
1 Relations banques et clients : Commentregagnerdurablementlaconfiancedesclients?http://www.deloitte.com/assets/Dcom-France/Local%20Assets/Documents/Votre%20Secteur/Banque/Deloitte_Etude_2011_Relations_banques-clients.pdf
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interpersonnelle émerge puis se développe au fil du temps, dès lors que l’étudiant vit
des expériences de services positives et que d’éventuels incidents rencontrés se soldent
par une issue satisfaisante. Nous suggérons que ce volet plus affectif de la confiance
puisse s’avérer crucial, dans un contexte où la différenciation des produits d’une
enseigne à l’autre est faible, la qualité de service difficile à évaluer et le risque perçu par
le jeune client élevé. Seront abordés avec une attention toute particulière la place de
l’entourage dans l’émergence de la confiance institutionnelle et le rôle du conseiller de
clientèle comme moteur potentiel de la confiance interpersonnelle (Benamour, 2000).
L’engagementaffectif:undernierpasdécisifverslafidélité
De nombreux chercheurs ont mobilisé le concept d’engagement à la marque afin
d’expliquer les comportements de fidélité (Morgan et Hunt, 1994 ; Oliver, 1997;
Gurviez, 1998 ; Moulins, 1998). Tous soulignent le caractère intentionnel du
comportement répétitif d’achat du consommateur engagé. Gurviez (1998) définit ainsi
l’engagement à la marque comme « l’intention, implicite ou explicite, de maintenir une
relation durable avec cette marque, entraînant un attachement affectif à la marque, et
ayant des conséquences positives sur la fidélité du comportement d’achat ».
Lorsque les parties prenantes s’engagent sur la base de relations affectives, d’amitié ou
de valeurs partagées, on parle d’engagement affectif (N’Goala, 2010). A l’inverse, si les
parties agissent dans leur propre intérêt, selon les bénéfices qu’elles espèrent tirer de leur
engagement, on parle d’engagement calculé. Dans le secteur tertiaire, l’engagement affectif
apparaît comme le principal antécédent de la fidélité (Harison-Walker, 2001) et a lui-même
pour antécédent la confiance (Garbarino et Johnson, 1999).
Le choix de l’institution bancaire
Afin de mieux comprendre le développement du processus de fidélité chez les étudiants,
une étude qualitative a été privilégiée (encadré 2). Pour la majorité des étudiants
interrogés, la banque actuelle est celle dans laquelle les parents leur ont ouvert un
compte durant leur enfance ou leur adolescence. Dans les autres cas, ce choix repose sur
les recommandations des proches, la proximité du lieu de domicile ou la réputation de la
banque.
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Encadré 2 : Collecte et analyse des données
Soixante entretiens semi-directifs ont été organisés auprès d’étudiants, interrogés individuellement en
face-à-face entre novembre 2010 et janvier 2011. L’échantillon a été recruté selon plusieurs critères : les
étudiants devaient être âgés de 20 à 25 ans, ne pas avoir de revenu fixe et avoir ouvert un compte courant
dans une banque commerciale depuis au moins deux ans. Une variété de profils en termes de sexe, filière
d’études et banque fréquentée a également été recherchée. Au final, 28 femmes et 32 hommes, âgés en
moyenne de 21 ans ont été interrogés et onze établissements bancaires sont représentés. Les entretiens ont
duré en moyenne 37 minutes.
Ces étudiants ont été invités à répondre à un guide d’entretien. Quatre thèmes ont émergé suite aux
apports de la littérature et à l’analyse approfondie d’une dizaine d’entretiens non directifs préliminaires,
sur la relation des étudiants avec leur banque : 1) les circonstances d’entrée en relation avec la banque, les
produits et services bancaires détenus ; 2) les différents moyens utilisés pour communiquer avec la
banque ; 3) la relation entretenue avec la banque et le conseiller (satisfaction, confiance et engagement) ;
4) l’intention de fidélité à court et moyen terme.
Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits en intégralité, pour les besoins de l’analyse de contenu
thématique. Après l’analyse approfondie d’une dizaine d’entretiens clés du corpus recueilli, le discours a
été codé, ou découpé en morceaux porteurs d’une signification particulière, à l’aide du logiciel NVivo9.
Une histoire de famille Les jeunes consommateurs se réfèrent prioritairement à leurs proches pour choisir leur
banque. Certains restent dans l’établissement où leurs parents leur ont ouvert un compte
durant leur enfance « Ce sont mes parents qui m’ont ouvert un compte quand j’étais
petit et du coup je suis resté dans cette banque depuis ce temps-là. Oui, je n’ai pas
changé. Je n’ai pas cherché à en changer en fait, parce que mes parents sont dans cette
banque donc...moi aussi je reste dans cette banque » (Cyril, 20 ans, Crédit Agricole).
D’autres sollicitent l’avis de leurs proches au moment d’ouvrir un compte courant « La
banque populaire, c’est un compte que j’ai ouvert au moment où j’ai eu mes premiers
emplois d’été pour toucher des salaires des choses comme ça, parce que c’est la banque
de mes parents et qu’ils en sont satisfaits » (Antoine, 20 ans, Banque Populaire). Malgré
leurs faibles revenus, ils ont le sentiment que leur compte sera mieux géré dans la
banque familiale que dans une banque où ils n’ont aucune référence : « Le fait qu’il y ait
toute ma famille, ça pèse pas mal. Ils ne vont pas faire n’importe quoi, parce qu’ils
savent très bien que si il y a un pépin, c’est moi qui vais partir, mais c’est aussi mon
père, ma mère… » (Djezira, 20 ans, Caisse d’Epargne).
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Une question de proximité dans un contexte de faible différenciation perçue Pour la majorité des jeunes interrogés, le manque d’expertise et le faible intérêt qu’ils
accordent aux activités bancaires ne leur permettent pas de comparer objectivement les
différentes banques. Nombreux sont en effet ceux qui pensent que les banques sont des
institutions qui fournissent des services non différenciés « Je pense que leurs offres se
rapprochent toutes ; de toute façon, elles sont en concurrence, donc elles essaient toutes
de faire à peu près la même chose…non, je vois pas tellement de différences » (Elodie,
20 ans, caisse d’Epargne). Sans revenu régulier, les enjeux relatifs au choix de
l’établissement bancaire restent limités : « Oui je vois des pub, mais je ne vois pas de
différences entre les banques. Je ne m’y intéresse pas assez. C’est sûr, une fois dans la
vie active, je m’y pencherai plus » (Alexandre, 22 ans, Crédit Lyonnais). Dans ce
contexte, malgré l’avènement des nouvelles technologies et la moindre dépendance aux
agences, la proximité apparaît comme un critère de choix important au moment de
l’ouverture d’un compte « J’ai choisi ma banque par facilité, parce que c'était la plus
proche de chez moi » (Camille, 20 ans, Banque Postale).
Une prime à l’image de l’institution bancaire et à son type Les étudiants recherchent une institution qui leur corresponde et qui les comprenne
« C'est une banque super dynamique qui accompagne les jeunes, où ils font beaucoup
de choses en général pour les accompagner dans leur cursus scolaire et dans la vie
active » (Loïck, 21 ans, BNP Paribas). Plus rares sont ceux qui cherchent à se
démarquer à travers le choix de leur banque « …la BNP, dans l’ensemble, c’est un
établissement de grand standing, qui dégage de l’assurance » (Jean-Hubert, 22 ans,
BNP Paribas). Concernant le type d’établissement, les banques mutualistes sont
jugées plus sécurisantes « J’ai choisi une banque mutualiste, car c’est plus sûr, il
n'y a pas un engrenage de capitalisation derrière » (Manon, 22 ans, Banque
Populaire).
Des jeunes clients majoritairement fidèles à leur banque
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Quatre étudiants sur cinq n’ont aucune intention de quitter leur banque à court terme.
Pour les autres, il est nécessaire de distinguer deux situations : soit les répondants
expriment leur volonté de quitter rapidement l’établissement bancaire fréquenté (les
intentionnistes), soit ils ont envisagé cette solution, sans pouvoir encore s’y résoudre
(les hésitants).
Les intentionnistes : une relation sur le point de s’interrompre
Le départ annoncé des trois intentionnistes a pour antécédent commun l’insatisfaction
envers la gestion de la relation client ou l’offre de produits et services proposés (Figure
1). Concernant la relation client, certains regrettent le manque de considération de la
part de leur conseiller bancaire « Ils ne savent pas qui vous êtes ... Je peux pas ...
avoir une relation durable et de confiance avec quelqu'un qui change tout le temps...»
(Emmanuelle, Crédit du Nord). Ce déficit de relation peut occasionner des incidents
critiques, du fait de l’application aveugle de règles bancaires à la gestion de comptes
jeunes souvent fragiles « Mon conseiller m'a rejeté un prélèvement qu'il n'aurait pas
dû rejeter, parce que l'argent arrivait et que j'avais prévenu avant » (Emmanuelle, 21
ans, Crédit du Nord). Concernant l’offre de produits et services proposés, celle-ci est
perçue comme peu attrayante ou en décalage par rapport à la situation économique
des intentionnistes : « Ils vous proposent des produits qui sont même pas en rapport
avec ce que vous pouvez payer ou pas » (Frédéric, 22 ans, Caisse d’Epargne). Le
professionnalisme du personnel en contact est alors mis en cause. Au final, ces
clients n’ont plus le sentiment de pouvoir compter sur leur conseiller bancaire, qui
manque d’initiative, et préfèrent se tourner vers la concurrence: « Là, il peut plus
m’apporter de solution ... je vais m’en aller. » (Geoffrey, 22 ans, Banque Postale).
L’intention de départ peut être renforcée par d’autres facteurs supplémentaires :
manque de confiance dans le système bancaire et dans sa propre banque « Les
banquiers sont tous des escrocs, on ne peut pas compter sur eux, je n’ai aucune
confiance dans le système » ; image de la banque en décalage avec l’image de
soi « C’est une banque modeste… je dirais qu’elle manque d’ambition… c’est le
classicisme incarné, elle ne me ressemble pas. » (Frédéric, 22 ans, Caisse d’Epargne).
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Figure 1Les intentionnistes : une relation sur le point de s’interrompre
Les hésitants : une relation en sursis
Les hésitants (8/60), tous insatisfaits des relations avec leur banque ou de l’offre de
produits et services, ont déjà envisagé de quitter leur banque, mais ne se sont pas résolu à
le faire. Leur fidélité passive fait ressortir quatre freins principaux au changement de
banque à court terme (Figure 2). Premièrement, les enjeux sont faibles, en raison d’en-
cours modestes. Les bénéfices espérés lors d’un changement de banque sont donc
marginaux, ce qui ne sera plus le cas lors de l’entrée dans la vie active : « Ce qui va
m’inciter à partir, c’est le job que j’aurai plus tard, à ce moment je penserai à faire
des placements ou des choses qui rapportent » (Aurélie, 24 ans, Société Générale).
Deuxièmement, la peur de l’inconnu conduit certains jeunes à s’accommoder d’une
relation peu satisfaisante avec leur banque, dans laquelle ils ont développé un
certain nombre d’habitudes « Je ne savais pas trop sur quoi j’allais tomber... je ne sais
pas comment ça se passe dans les autres banques » (Saefa, 20 ans, Caisse d’Epargne).
Troisièmement, une mauvaise connaissance des procédures de transfert peut engendrer
une surestimation des coûts associés au changement de banque (perte de temps, frais,
complexité des démarches administratives) « J’y suis parce que ça m’évite des tas de
papiers pour changer de banque, pour le moment, je suis dans la facilité » (Arnaud, 21
ans, Crédit Mutuel). Quatrièmement, la durée d’engagement de certains produits
financiers constitue une barrière à la sortie, que certains jeunes renoncent à franchir, de
peur de perdre le bénéfice de leurs placements « Pour l'instant, je suis obligé de rester,
enfin de garder mon compte jusqu'à la fin du contrat Nuance 3 » (Shayan, 22 ans,
Caisse d’Epargne).
Sans surprise, les hésitants envisagent de se tourner d’abord vers la concurrence pour
solliciter un prêt immobilier ultérieur « D’abord, j’irai voir la concurrence ; une fois
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que j’aurai toutes les offres, à ce moment-là, j’irai peut-être voir ma banque pour voir
ce qu’elle me propose » (Shayan, 22 ans, Caisse d’Epargne).
Figure 2Les hésitants : une relation en sursis
A l’inverse des intentionnistes et des hésitants, la grande majorité des étudiants
interrogés ne souhaite pas changer de banque (49/60). Après l’étude approfondie des
entretiens, il est possible de les répartir au sein des quatre phases du processus de
développement de la fidélité identifié par Oliver (1999) : fidélité cognitive (24),
fidélité affective (15), fidélité d’intention (10). Conformément à l’encadré 1, aucun
étudiant de notre échantillon n’atteint le stade de fidélité comportementale.
Les fidèles cognitifs : une fidélité non mise à l’épreuve
Les fidèles cognitifs (24/60) s’estiment satisfaits de leur banque (Figure 3), mais
s’empressent de relativiser cette satisfaction par des besoins modérés en produits et
services bancaires. L’absence de problèmes rencontrés est leur principale source de
satisfaction « Pour l’instant je suis satisfait, j’ai rien à redire dessus, je n’ai jamais eu
de problème, donc tout se passe bien. » (Adrien, 21 ans, Caisse d’Epargne). Des offres
de produits et services transparentes et adaptées aux besoins peuvent aussi témoigner
de l’intérêt que leur porte leur conseiller « Jusqu’à maintenant, mon conseiller m’a
proposé des services dont je pourrais avoir besoin, donc au moins il est un minimum
intéressé par moi. » (Eny Carrian, 22 ans, Crédit Agricole). Les fidèles cognitifs sont
généralement plutôt méfiants envers le système bancaire « Je vous cache pas que j’ai
pas tellement confiance dans le système bancaire … j’estime que c’est quand même à
cause de ce système qu’on en arrive là aujourd’hui. » (David, 20 ans, Crédit Mutuel).
En revanche, ils accordent plus franchement leur confiance à leur banque dès lors que
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l’expérience de consommation s’avère positive « j’ai confiance dans ma banque,
parce que quand j’ai des questions, ils sont là pour me répondre » (Martin, 20 ans, CIC).
Dans la plupart des cas, cette confiance n’a pas encore été mise à l’épreuve lors
d’incidents particuliers, elle est donc accordée par défaut. Le conseiller financier
bénéficie également de leur confiance, mais celle-ci repose essentiellement sur ses
compétences techniques, notamment sa connaissance des produits financiers « Il
connait vraiment bien les produits, il sait vraiment les adapter à mes besoins. » (Camille,
20 ans, Banque Postale) et son efficacité dans le traitement des demandes « Il va
directement à l’essentiel... il va pas passer par quatre chemins » (Djezira, 20 ans,
Caisse d’Epargne). La faible intrusion du conseiller dans la vie quotidienne est
globalement bien perçue. Mais la rareté des relations avec le conseiller2 « La
conseillère, je ne l’ai vue qu’une fois, c’était pour l’ouverture de mon compte. »
(Thibaut, 22 ans, Crédit Agricole) pèse sur l’émergence des facettes de bienveillance et
d’intégrité, ce qui freine le développement de la confiance interpersonnelle et contribue
à l’absence d’attachement au conseiller « Je l’ai vu que pour l’ouverture du compte,
donc s’ils me le changent, ça ne va pas changer grand chose » (Alexandre, 22 ans,
LCL). Elle peut également amener les jeunes à se percevoir comme des clients peu
intéressants pour leur banque : « j’ai parfois l’impression que pour mon conseiller,
ceux qui ont de l’argent, ça l’intéresse… moi je suis étudiante, donc c’est vrai que
j’ai pas de revenu, je pense pas être une cliente intéressante. » (Aurélie, 24 ans,
Société Générale). A ce stade, la fidélité demeure passive « Si je dois aller dans une
autre banque ça me brisera pas le cœur » (Romain, 22 ans, Banque Populaire).
Les fidèles cognitifs ont l’intention de retenir l’établissement financier le plus
avantageux pour souscrire un futur prêt immobilier. Dans la majorité des cas, ces jeunes
envisagent de prendre d’abord rendez-vous avec leur banquier, puis de demander
d’autres simulations afin de comparer les offres : « Si une autre banque me proposait
un jour une meilleure offre que la mienne, je quitterais ma banque, y’a aucun
problème, ça me dérangerait pas. » (David, 20 ans, Crédit Mutuel).
Figure 3Les fidèles cognitifs : une fidélité par défaut
2 Les relations avec le conseiller se résument souvent aux rendez-vous proposés lors de la souscription de services bancaires
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Les fidèles affectifs : une fidélité délibérée
Les fidèles affectifs (15/60) sont également satisfaits de leur banque, mais
contrairement aux fidèles cognitifs, les bonnes relations qu’ils entretiennent avec leur
conseiller constituent une source supplémentaire de satisfaction. Ces relations sont
régulières et sont perçues comme un gage de bonne gestion de leur argent « avec
cette conseillère tout se passe bien, j’ai rendez-vous plutôt régulièrement avec elle, tous
les six mois, on fait le point sur l’état de mes comptes, ce qui va et ce qui ne va pas »
(Adrien, 20 ans, Caisse d’Epargne). Elles se déroulent également sans pression
commerciale de la part du conseiller. La durée et la stabilité de la relation favorisent la
construction de la confiance interpersonnelle « Mon conseiller, c’est le même depuis
longtemps et je n’ai pas le ressenti qu’il veuille m’entuber à vendre des packages, des
produits dont je n’ai pas besoin. Il est toujours là pour mon bien et c’est ce qui me
plait. » (Faisal, 23 ans, Caisse d’Epargne).
Plus que l’expertise du conseiller, les fidèles affectifs attendent des conseils simples
et des propositions concrètes, afin d’optimiser leur budget souvent modeste : « Moi
je suis étudiant, il me propose des choses qui sont en adéquation avec ma situation.
Pour ma carte bancaire, il m'a dit prend cette carte… elle coûte moins cher et vu
que tu es étudiant, je vais te faire 70% de réduction pendant 2 ans » (Adam, 23 ans,
Caisse d’Epargne). La disponibilité du conseiller et son attitude proactive dans la
gestion des comptes sont également appréciées : « (…) à chaque étape mon
banquier était là. Il est même beaucoup plus réactif que moi finalement. Parce
qu’un jour il m’a proposé une autorisation de découvert, alors que je n’avais rien
demandé » (Gwendoline, 25 ans, Crédit Mutuel). L’intégrité du conseiller bancaire,
sa considération du client et sa capacité d’écoute face aux situations vécues sont
fortement valorisées : « (…) elle connaissait mon historique bancaire, elle a essayé
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de comprendre ce que je voulais faire, enfin mes projets, du coup je peux lui faire
confiance. » (Shayan, 22 ans, Caisse d’Epargne). Alors que les banques sont souvent
perçues comme des organisations orientées vers le profit, le conseiller bancaire peut
tempérer cette image « … la banque, elle se soucie de faire de l’argent, alors que le
conseiller, enfin du moins c’est ce qu’il me montre, il se soucie aussi de ma personne. »
(Laura, 20 ans, Banque Postale). En aidant le client à résoudre des problèmes, il peut
également faire preuve de bienveillance : « un jour j’ai eu un souci avec un chèque
qui n’est pas passé et du coup mon conseiller a empêché que je sois fichée à la
banque de France » (Olfa, 20 ans, CIC). Le traitement approprié d’incidents critiques
peut également consolider la confiance institutionnelle: « J’ai confiance dans ma
banque et j’ai le sentiment de pouvoir compter sur elle, parce qu’ils ont déjà résolu
mes soucis » (Olfa, 20 ans, CIC).
Cet ensemble concourt à un certain attachement de la part du client « … oui, je me sens
bien dans cette banque, j’y suis attaché … J’aimerais pas non plus changer de
conseillère, car je suis très bien avec celle-là » (Adrien, 20 ans, Caisse d’Epargne).
Rester dans leur banque est donc un choix délibéré et motivé pour ces fidèles affectifs,
enclins à reconduire leurs expériences de consommation. C’est pourquoi ils se
tourneront en priorité vers leur banque à l’occasion d’un futur prêt immobilier, tout en
veillant à la compétitivité de leur offre « J’irai consulter ma banque en priorité, ma
conseillère, voir toutes les offres qu’elle me propose et j’irai regarder aussi la
concurrence, parce qu’un prêt c’est important. Si les offres sont plutôt similaires, je
favoriserai ma banque et j’espère vraiment qu’elle saura répondre à ma demande »
(Adrien, 20 ans, Caisse d’Epargne).
Figure 4Les fidèles affectifs : une fidélité délibérée
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Les fidèles d’intention : la banque et le conseiller comme partenaires
Les fidèles d’intention (10/60) sont particulièrement satisfaits de la gestion de leurs
comptes et de la relation qu’ils entretiennent avec leur conseiller, ils ont le sentiment
de pouvoir compter sur leur banque et lui font confiance. Plus qu’une simple
entreprise de service, la banque est perçue comme un partenaire financier qui va
pouvoir les accompagner dans leurs projets « J’ai toujours été satisfaite et ce n’est
pas parce que je rentre dans la vie active qu’ils seront moins là pour me prendre en
charge. » (Johanna, 20 ans, Banque populaire). Contrairement aux autres jeunes, les
fidèles d’intention ont confiance dans le système financier « J’ai confiance dans le
système bancaire, malgré les différents problèmes survenus depuis 2008 » (Lionel, 20
ans, BNP Paribas). Ils se sentent concernés par la gestion de leurs économies, mais
préfèrent déléguer cette tâche à un établissement et à un conseiller dans lesquels ils ont
entièrement confiance.
Ces jeunes ont logiquement la ferme intention de poursuivre la relation avec leur
banque et avec leur conseiller, auxquels ils se sentent attachés. Leurs attentes envers ce
dernier sont fortes, car ils espèrent qu’il saura les guider dans leurs choix lors de leur
entrée dans la vie active « C'est lui qui va me fournir les moyens, les outils pour que
je puisse entrer du bon pied dans la vie active. » (Loïck, 21 ans, BNP Paribas). Ils
redoutent alors un changement de conseiller, perçu comme un véritable retour en
arrière du point de vue affectif. En effet, si la confiance institutionnelle perdure, la
confiance interpersonnelle ne se transmet pas « Ma conseillère va bientôt partir en
retraite, ce qui me fait un peu peur. Elle va être remplacée par quelqu’un d’autre, qui
ne connaîtra pas ma situation, que je ne connaîtrai pas, donc la confiance va avoir
du mal à se mettre en place… » (Mélanie, 21 ans, CIC). Sans surprise, les fidèles
d’intention n’hésitent pas à recommander leur banque, tant pour ses compétences que
pour ses valeurs « Elle propose de très bons produits et puis c’est une banque qui est
attrayante, jeune, dynamique, une banque simple et généreuse … je recommande
fortement cette banque à mes amis » (Loïck, 21 ans, BNP Paribas).
Afin de souscrire un futur prêt immobilier, les fidèles d’intention envisagent de se
tourner vers leur banque, et plus généralement vers leur conseiller, le plus souvent sans
solliciter les banques concurrentes « Je pense que dans deux ou trois ans, je serai
toujours au Crédit Mutuel. J'espère avoir toujours le même conseiller. Si je mets en
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place les démarches pour acheter un logement, je ne quitterai pas ma banque. Et puis,
mes parents ont déjà fait trois ou quatre prêts à notre banque et ils sont très
contents » (Manon, 22 ans, Banque Populaire). Les fidèles d’intention sont donc des
clients particulièrement intéressants pour les banques.
Figure 5Les fidèles d’intention : la banque et le conseiller comme partenaires
Implications managériales
Les étudiants sont peu familiers des produits et services financiers disponibles sur le
marché et craignent souvent que les établissements bancaires cherchent à tirer profit de
cette faiblesse. Afin d’apaiser leurs craintes, les professionnels peuvent mobiliser
l’argument de la confiance dans leurs messages publicitaires, à l’instar de la Caisse
d’Epargne qui a lancé une campagne en 2011 sur ce thème : « Confiance (n.f) : premier
capital qu’un client doit pouvoir investir dans sa banque ». Dans ce contexte, le rôle du
conseiller bancaire semble essentiel pour accompagner les étudiants.
Le conseiller bancaire : un acteur incontournable dans l’émergence de la confiance
Les arguments de performance économique des produits financiers sont insuffisants
pour fidéliser les étudiants. Les banques doivent également les comprendre, c’est-à-dire
tenir compte de leurs ambitions et de leur projet de vie, afin de pouvoir les accompagner
dans leur itinéraire allant de la dépendance vers l’autonomie financière (Sueur et alii,
2008). Dans cette quête, l’établissement de relations suivies s’avère nécessaire, de
manière à engendrer des liens émotionnels capables de transcender le simple échange
marchand. Dans cette perspective, la construction de la confiance interpersonnelle est
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primordiale. Pour les jeunes, c’est le conseiller qui va répondre à leurs besoins et leur
proposer des produits et services bancaires adaptés à leur situation, et non la banque.
Celui-ci joue un rôle clé dans la création et l’installation d’un climat de confiance
interpersonnelle, propice au développement des opérations commerciales. Les étudiants
préfèrent qu’un interlocuteur unique et stable gère leurs comptes. Leur confiance en lui
sera maximale s’il apporte la preuve qu’ils peuvent compter sur lui, notamment dans
des situations délicates (virement rapide à l’étranger, autorisation de découvert, perte de
moyens de paiement…). La forte rotation du personnel en agence, les comportements
opportunistes, d’évitement, l’absence d’écoute ou de conseil de la part du conseiller
parfois dénoncés lors des entretiens sont des facteurs qui pèsent sur le développement
de la confiance interpersonnelle et donc sur la construction de la fidélité.
Comment les banques peuvent-elles parvenir à attirer puis à fidéliser les étudiants ?
Suite à cette étude, quatre pistes peuvent être envisagées afin d’attirer et de fidéliser
cette population à fort potentiel. D’abord, recruter les jeunes par l’intermédiaire de leur
famille. Ces derniers reconnaissent majoritairement disposer d’un compte courant dans
la banque de leurs parents ou solliciter leurs proches au moment de choir un
établissement bancaire. En structurant davantage les bases de données clients et en
utilisant les informations liées à la composition des familles, il est possible de cibler, à
moindre coût, les enfants des clients actuels. Grâce à des stratégies de segmentation
fines, les banques peuvent donc agir dès la naissance (ouverture d’un compte épargne
par les jeunes parents), puis entretenir une relation suivie en proposant des produits et
services adaptés (souscription d’un livret jeune avec carte de retrait, ouverture d’un
compte courant avec moyens de paiement, proposition d’un prêt étudiant…). Ces
actions commerciales favorisent le maintien d’un contact entre la banque et la famille,
propice au développement de liens affectifs. Les différents échanges entre le conseiller
et le jeune permettent par ailleurs d’acquérir de la connaissance client et d’enrichir les
bases de données, nécessaires à la mise en place d’offres adaptées.
La seconde piste concerne davantage les caractéristiques intrinsèques des produits et
services financiers. Les étudiants sont très sensibles au prix des produits et services
bancaires, qui apparaissent souvent comme indifférenciés d’une banque à l’autre. Il est
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donc indispensable de mener une politique de prix agressive sur les produits d’appel
destinés aux jeunes, tels que les cartes de crédit ou les assurances des moyens de
paiement. Certaines pratiques encore peu répandues pourraient être généralisées :
compte courant rémunéré, prêt préférentiel pour la poursuite d’études, autorisation de
découvert en cas d’urgence financière, valorisation de partenariats extra-bancaires
(remises pour achats de biens culturels ou de télécommunication). Toutefois, notre
étude révèle l’importance des bénéfices relationnels ressentis par les étudiants. Cette
valorisation est telle que certains étudiants souhaitent rester dans leur banque, bien que
les offres apparaissent moins avantageuses que celles de la concurrence.
L’établissement d’un lien affectif entre le jeune et son conseiller est un critère de
différenciation important pour les banques et constitue parfois une réelle barrière à la
sortie. Les banques doivent donc modifier leur stratégie et encourager la création d’une
relation de confiance entre les étudiants et leur conseiller. Ceci n’est pas compatible
avec un changement fréquent de personnel et le désintérêt ressenti par cette cible,
souvent jugée peu rentable.
La troisième piste est liée à la stratégie de communication des banques. La faible
différenciation des produits perçue par les jeunes oblige les institutions bancaires à
travailler leur image. Les jeunes sont sensibles à leur positionnement, à l’image qu’elles
véhiculent et aux valeurs qu’elles défendent (banque mutualiste, banque de prestige…).
Les médias utilisés pour les campagnes de communication doivent donc être adaptés à
cette cible. La présence des banques sur les campus universitaires contribue à
développer une image dynamique et jeune auprès des étudiants. Toutefois, ces modes de
communication institutionnels ne suffisent pas pour les fidéliser. Les étudiants se disent
peu familier des produits et services bancaires. Ils attendent de leur conseiller des
propositions honnêtes (non motivées par l’atteinte d’objectifs commerciaux) et adaptées
à leur situation : peu de trésorerie, projets à financer (permis de conduire, études…). Le
rôle du conseiller dans l’éducation des jeunes aux produits et services financiers et la
présentation des offres est déterminant. Il faut donc encourager le développement d’une
communication interpersonnelle.
Enfin, le comportement zappeur des jeunes les amène parfois à posséder plusieurs
comptes dans des banques différentes, sans chercher à en rationnaliser la gestion. En
effet, des comptes épargne ouverts dans l’enfance par les parents restent inactifs à l’âge
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adulte, mais ne sont pas clôturés. La priorité du conseiller bancaire n’est donc pas de
proposer aux étudiants de nouveaux produits et services financiers, mais de piloter
l’activité de leur compte principal, afin d’entretenir avec eux une proximité nécessaire
au développement de la confiance et de la fidélité. Dans un secteur que les étudiants
maîtrisent peu et qui leur semble souvent risqué, cette confiance interpersonnelle est le
fondement d’une relation suivie, propice au développement d’une vraie fidélité. Par
ailleurs, si l’engouement des étudiants pour les nouvelles technologies et leur mode de
vie nomade rend obligatoire l’utilisation d’outils tels qu’Internet ou les SMS pour gérer
cette relation, ils sont unanimes pour dire qu’Internet ne peut remplacer le conseiller
bancaire. Ils sont sensibles à la proximité physique de l’agence, et l’étendue du réseau
permet au conseiller d’accompagner la mobilité des jeunes au sein de l’enseigne en cas
de déménagement. Il semble que les banques traditionnelles aient encore de nombreux
atouts pour séduire et fidéliser les étudiants, peu attirés par les banques à distance.
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