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BIOLOGIE DU FOIE EXOCRINE LA SECRETION BILIAIRE I. Organisation du foie A. Le lobule hépatique Le foie est organisé en lobule qui est l'unité fonctionnelle de base du foie. Le lobule est organisé en lame hépatocytaire organisée en travée. Ce système est organisé et centré autour de la veine centrolobulaire. Entre ces lobules on a les espaces portes avec la veine porte, les artères hépatiques et les canaux biliaires. La veine porte draine le sang issu de tous les organes digestifs et de la digestion. B. Organisation des voies biliaires au sein du lobule hépatique Kevin CHEVALIER 1

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BIOLOGIE DU FOIE EXOCRINE

LA SECRETION BILIAIRE

I. Organisation du foie

A. Le lobule hépatique

Le foie est organisé en lobule qui est l'unité fonctionnelle de base du foie.

Le lobule est organisé en lame hépatocytaire organisée en travée. Ce système est organisé et centré autour de la veine centrolobulaire.

Entre ces lobules on a les espaces portes avec la veine porte, les artères hépatiques et les canaux biliaires. La veine porte draine le sang issu de tous les organes digestifs et de la digestion.

B. Organisation des voies biliaires au sein du lobule hépatique

On a une double circulation du sang avec un apport de l'espace porte vers la veine centrolobulaire.

Le flux biliaire est organisé de façon opposée avec une organisation centrifuge : elle part de l’hépatocyte pour aller jusqu’aux espaces portes où elle sera drainée.

C. Anatomie des voies biliaires

L’unité de base est l’hépatocyte qui sécrète la bile. La bile est d’abord produite au niveau des canalicules biliaires qui est une structure formée à l'interface entre deux hépatocytes. Chaque hépatocyte va donc contribuer à former la moitié d’un canalicule. On a donc deux pôles apicaux d'hépatocytes qui formeront le canalicule.

Par la suite, la sécrétion biliaire est drainée par les ductules biliaires qui vont modifier la composition chimique de la bile puis par les voies biliaires intra-hépatiques. Ce qui définit les voies biliaires c'est qu'elles ont un épithélium propre avec des cellules propres : les cholangiocytes qui peuvent donner des cholangiocarcinomes.

La vésicule biliaire concentre, stocke et régule la libération de la bile qui sera déversée au niveau de la lumière du duodénum par le canal cholédoque.

II. Les constituants biochimiques de la bile

A. La bilirubine et les pigments biliaires

1. La bilirubine

C'est un pigment jaune issu de la dégradation de l'hémoglobine.

On a une molécule constituée de 4 noyaux pyrroles.

Son accumulation conduit à l'apparition de l'ictère (ou jaunisse.

2. Rappel sur l'hémoglobine

L'hémoglobine est le transporteur essentiel de l'O2, présent dans les érythrocytes.

C'est une protéine tétramérique avec 2 chaînes α et 2 β. Chacune de ces chaînes contient un hème, un groupement prosthétique. Ce groupement biochimique plan se constitue d'un ion fer à l’état ferreux Fe2+ qui est hexacoordonnée avec les noyaux pyrroles. C'est-à-dire qu'il fait 4 liaisons avec les azotes de chacun des noyaux pyrroles. L’hème est central pour la fonction de l’hémoglobine et a une durée de vie limitée et fixe.

Les globules rouges ont également une durée de vie limitée et seront dégradés à la fin de celle-ci. La structure héminique est alors dégradée et recyclée en une succession d’étapes.

La première étape est la dégradation de l'hémoglobine en biliverdine (pigment vert). On constate que le fer est sorti : la biliverdine est donc dépourvue de fer.

A un stade ultérieur, la biliverdine est transformée en bilirubine (pigment jaune).

On peut voir "expérimentalement" cette bilirubinogénèse au niveau des ecchymoses avec une extravasation formant des tâches rouges qui sont en fait de l'hémoglobine, des tâches verdâtres qui sont de la biliverdine et des tâches plus jaunâtres correspondant à la bilirubine.

3. Système réticuloendothélial et métabolisme de l'hémoglobine

La dégradation de l’hémoglobine et la bilirubinogénèse est prise en charge par les cellules du système réticuloendothélial (système des phagocytes mononuclées).

On a l'implication dans cette dégradation des :

· Cellules de la lignée monocytaire – macrophagiques

· Cellules des sinusoïdes hépatiques et des sinus spléniques qui ont une activité macrophagique (+++)

Dans ce système réticuloendothélial, la lyse des hématies produit environ 300 mg/j de bilirubine grâce au turn over de cet hème.

Les enzymes du système réticuloendothélial qui permettent cette dégradation sont :

· L'hème oxygénase qui transforme l'hème en biliverdine

· La biliverdine réductase qui transforme la biliverdine en bilirubine

Ce sont des étapes très régulées.

4. Transport hépatique de la bilirubine

La bilirubine est un composé lipophile. Elle n’est pas retrouvée sous forme libre dans le sang : elle est transportée vers le foie en association avec l'albumine.

La bilirubine non encore conjuguée est dite "libre" ou "indirecte". Sa lipophilicité lui permet de passer dans le système nerveux central (en traversant la barrière hémato encéphalique) où elle est toxique.

Le foie réalise une détoxification de la bilirubine en la conjuguant à l'acide glucuronique formant la bilirubine "conjuguée" ou "directe" qui est ensuite éliminée au sein de la bile.

La bilirubine totale est donc égale à la bilirubine libre + la bilirubine conjuguée.

5. Métabolisme hépatique de la bilirubine

Pour conjuguer la bilirubine, il y a une succession d'étapes dans le foie :

1. On a une diffusion de la bilirubine associée à l’albumine vers l'espace de Disse et l'hépatocyte

2. On a un transport actif au pôle basal de l'hépatocyte

3. On a une association de la bilirubine avec une protéine ligandine (GST) dans le cytosol de l’hépatocyte

4. Le complexe bilirubine-GTS est le substrat de l'UDP-glucuronyl transférase (UGT1)

5. On a un transport actif de la bilirubine glucuronylée à travers la membrane hépatocytaire, du pôle apical de l’hépatocyte vers les canalicules biliaires.

6. Bilirubine diglucuronulée

Dans les conditions physiologiques, la glucuronylation est l'étape limitante du catabolisme de l'hème. On transforme la bilirubine en un composé hydrophile excrétée par le foie.

La bilirubine sera soluble dans la bile (milieu aqueux)

En cas de production très importante de bilirubine avec une destruction massive des globules rouges (hémolyse), on aura un taux important de bilirubine non conjuguée dans le sang.

7. Transformation intestinale de la bilirubine

On retrouve dans la lumière de l'intestin la bilirubine conjuguée. Les bactéries de la flore intestinale vont agir en déconjugaison la bilirubine (glucuronidase).

D'autres bactéries produisent des réductases produisant à partir de la bilirubine, l'urobilinogène (ce n’est plus un pigment car il est incolore).

Cet urobilinogène subit un cycle entérohépatique et est réabsorbé au niveau de la lumière de l'intestin. Il passera donc dans le sang et sera réoxydé en urobiline (couleur jaune), éliminée par le rein.

Une partie de la bilirubine est transformée dans l'intestin en stercobilinogène puis en stercobiline (couleur brune) et éliminée dans les selles. Ainsi, les pigments biliaires colorent les urines et les selles.

Le diagnostic d'une cholestase se fera donc simplement avec l’interrogatoire du patient et en analysant la couleur des selles et des urines. Dans le cas d'une cholestase (absence de sécrétion biliaire donc d'élimination de la bilirubine du à un calcul par exemple), on aura moins de stercobiline dans les selles. On aura donc des selles décolorées.

Dans le même temps, on aura une accumulation au niveau du sang et des urines de la bilirubine conjuguée que l'on va retrouver dans les urines donnant des urines brunes.

Résumé :

SELLES

URINE

Etat Normal

Stercobiline (brun)

Urobiline (jaune)

Cholestase

Diminution stercobiline (selles décolorées)

Bilirubine conjuguée (brun)

8. Les augmentations de la bilirubinémie

a. Ictère et dosage

Un ictère, ou une jaunisse, survient lorsque la concentration plasmatique totale est > à 35 µM.

Tout le tégument est coloré mais la coloration jaune est d'abord visible au niveau des conjonctives.

Le dosage plasmatique de la bilirubine et l'identification des formes libres et conjuguées orientent le diagnostic.

b. Sources d'hyper-bilirubinémies

Il existe trois principales sources d'hyper-bilirubinémies, et leur nature va dépendre de l’étiologie (en mesurant la forme d’accumulation des différentes bilirubines, on va connaitre le mécanisme physiopathologique) :

· Un dépassement de la capacité de conjugaison (glucuronylation) due à des hémolyses. On aura une hyperbilirubinémie non conjuguée.

· Une défaillance des mécanismes de conjugaison due à des pathologies hépatocytaires inflammatoires ou génétiques avec une altération du tissu hépatique. On aura une hyperbilirubinémie non conjuguée.

· Une occlusion des voies biliaires, une cholestase au niveau des voies biliaires (Par lithiase, néoplasie, compression, …). On aura une hyperbilirubinémie conjuguée puisque l’obstacle se situe après le foie.

c. Hyperbilirubinémie du nouveau né

C'est une manifestation très fréquente chez les nouveau-nés (50%)

On a un retard de la maturation hépatique chez le nouveau-né avec un équipement enzymatique non fonctionnel. L'activité glucuronyl-transférase est donc réduite à la naissance. Ce retard est source d'un ictère quasi physiologique à bilirubine libre, qui disparait après quelques jours. On parle d’hyperbilirubinémie transitoire.

On réalise un dépistage par bilirubinomètre transcutané, de l'ictère dans les premiers jours de la vie en mesurant l’apparition quantitative des pigments biliaires.

Si le foie n’est pas mature, la bilirubine s’accumule sous forme libre donc on a une toxicité pour les tissus cérébraux. Il faut la dépister et prévenir le risque d'encéphalopathies lorsque le seuil critique de la concentration en bilirubine est > 340 µM et est franchit chez le nouveau-né pendant plus de 72h.

Cette hyperbilirubinémie est une indication de la photothérapie. La bilirubine est un pigment qui absorbe la lumière bleue intense. Celle-ci permet la dégradation de la bilirubine en lumirubine, un composé plus hydrosoluble et plus excrétable que la bilirubine. On diminue donc la toxicité de l’hyperbilirubinémie.

B. Acides et sels biliaires

1. Généralités

Ce sont des stéroïdes, dérivés du cholestérol.

Les acides biliaires primaires (acide cholique et chénodéoxycholique) sont synthétisés par le foie (80% des acides biliaires).

Les acides biliaires secondaires sont le produit de l'action des bactéries intestinales sur les acides biliaires primaires par déshydroxylation bactériennes :

· On aura les acides désoxycholiques à partir de l'acide cholique

· Les acides lithocholiques à partir de l'acide chénodéoxycholique

Le foie conjugue l’acide cholique avec des acides aminés, notamment la glycine et la taurine, pour donner le glycocholate et du taurocholate.

Cette conjugaison abaisse le pK des sels biliaires, qui sont sous forme ionisée dans la bile. On aura donc des molécules amphiphiles à fort pouvoir émulsifiant.

2. Action émulsifiante des sels biliaires

L'émulsion est la dispersion des lipides dans l'eau entraînant la formation de micelles qui solubilisent les phospholipides et le cholestérol favorisant l'action des enzymes lipolytiques (lipase pancréatique).

La sécrétion biliaire est indispensable à l'absorption intestinale des lipides et des vitamines liposolubles : A, D, E, K

3. Cycle entérohépatique des acides biliaires

30 g par jour de sels biliaires sont déversés au niveau intestinal.

98% des acides biliaires sont réabsorbés au niveau intestinal.

Ainsi, au niveau des selles on ne retrouve que 5g/jours de sels biliaires.

4. Altération pathologiques du cycle entérohépatique des acides biliaires

Le premier signe est la stéatorrhée c'est-à-dire une accumulation de graisses dans les selles.

Le second signe est le prurit qui est dû à une irritation des récepteurs cutanés par les sels biliaires, le patient va se gratter.

Ainsi, l'accumulation tissulaire des sels biliaires qui accompagne la cholestase est source de prurit.

5. La lithiase biliaire

a. Généralités

Les altérations de la fonction des sels biliaires sont susceptibles d'engendrer des conditions permettant la précipitation, la cristallisation du cholestérol et la formation de calculs biliaires. On accumule massivement ces cristaux sous forme de petites pierres.

Cette pathologie fréquente concerne 10% de la population générale.

Le plus souvent elle est asymptomatique, mais elle peut éventuellement être associée à des pathologies graves comme la colique hépatique qui engendre une douleur intense ou la cholécystite (inflammation) qui met en jeu le pronostic vital.

b. Biochimie de la lithiase biliaire

La lithiase cholestérolique (constituée de cholestérol) est la forme la plus fréquente de lithiase biliaire. Le cholestérol constitue plus de 75% du poids sec des calculs.

La lithiase est formée de concrétions de composition cholestérolique pure (20% des cas) ou mixtes (cholestérol et bilirubinate de Ca2+ dans 80% des cas).

La sécrétion par le foie d'une bile sursaturée en cholestérol avec une capacité de solubilisation diminuée est l'élément déclencheur de cette pathologie.

Attention cependant, il n'y a pas de relation simple entre le contenu en cholestérol de la bile et sa concentration plasmatique.

c. Lithogenèse

On a un index de saturation en cholestérol défini d'après des concentrations biliaires en cholestérol, en acides biliaires, et phospholipides.

La lithiase est liée à une multitude d’altérations physiologiques qui deviennent des facteurs de risque. On réalise un index de saturation en cholestérol défini d’après les concentrations biliaires en cholestérol, les acides biliaires et les phospholipides. La sursaturation biliaire en cholestérol est associée :

· A l'âge (plus on est âgé, plus la bile a de chance d’être saturée en cholestérol)

· Au sexe. Elle augmente chez la femme, à la phase ostrogénique du cycle avec l'utilisation de la contraception orale

· L'obésité et le diabète de type II (hyperlipidémies)

· Les déterminants génétiques

En plus, d'autres anomalies peuvent favoriser ces lithiases :

· Des altérations de la motricité vésiculaire par stase car elle est devenue hyporéactive

· Les mucines des cholangiocytes qui peuvent être altérées.

C. Xénobiotiques

Définition : tout ce qui est étranger à l’organisme (médicaments, composés chimiques extérieurs à l’organisme…)

1. Fonction hépatique de barrière : effet de premier passage hépatique

Le foie détoxifie et élimine de nombreuses substances chimiques (polluants, médicaments) issues de l'absorption intestinale lors de leur "premier passage" pour éviter qu'elles ne gagnent la circulation générale, comme les acides biliaires ou les xénobiotiques. Le foie conjugue certains métabolites pour les rejeter au niveau de la bile et élimine les composés hydrophobes de grande taille apportés par la circulation porte. La muqueuse intestinale est donc fortement exposée à l’essentiel des xénobiotiques.

De façon générale, c'est une fonction essentielle pour l'élimination de composés hydrophobes et de grand poids moléculaires apportés par la circulation porte.

2. Les 2 phases de l'élimination hépatique des xénobiotiques

La première phase consiste à introduire un maillon sur lequel on pourra conjuguer, dans un second temps, un grand composé hydrophile plus volumineux permettant de réduire la lipophilicité pour rendre le composé excrétable.

a. Phase I : le système cytochrome p450 (CYP)

Ces cytochromes sont le système d’enzymes le plus connu et catalysent l'oxydation de nombreux composés organiques. Ce sont des molécules à activité mono-oxygénase à cofacteur hémique. On utilise le NADPH et l'O2 comme substrat. Après action de ce cytochrome, la molécule organique sur laquelle on ne pouvait rien greffer va gagner un groupement prosthétique volumineux.

RH + O2 + NADPH + H+ ROH + H2O + NADP-

Cette transformation se fait au niveau du réticulum endoplasmique

C'est un système complexe avec une large spécificité de substrat (interactions thérapeutiques). Il existe 107 gènes chez l'homme qui codent pour ce système. On a, de plus, un polymorphisme individuel très important. On aura donc une grande différence selon les individus dans la métabolisation des composés et dans l’évacuation des composés.

b. Phase II : Glucuronylation, Glutathionylation

On greffe un groupement prosthétique volumineux pour rendre hydrophile le composé initialement hydrophobe. L'UDP-glucuronyl transferase (enzyme UGT) est localisée au niveau du réticulum endoplasmique, à proximité de CYP.

Le glutathion est un tripeptide (très abondant et très stable) formé par condensation d'acide glutamique sous forme gamma, de cystéine et de glycine : γ-L glutamyl L-cystéinylglycine. Il est utilisé par la cellule en conjugaison : on a ajout d’un glucuronyl ou d’un glutathion à une molécule hydrophobe au départ.

3. Elimination biliaire des xénobiotiques

Cette élimination biliaire s'applique aux molécules plus polaires et de poids moléculaires plus élevés (deux caractéristiques qui limitent l'élimination rénale par filtration glomérulaire).

Cette élimination implique des systèmes de transport actif des anions organiques présents au pôle apical de l'hépatocyte.

La concentration des médicaments ou des métabolites dans la bile peut être supérieure, égale ou inférieure à celle du plasma.

Parmi les médicaments choléphiles c'est-à-dire que l'on retrouve dans la bile, on a certains antibiotiques : érythromycine, ampicilline, rifampicine.

Dans le traitement des infections biliaire, il faudra recourir de préférence aux antibiotiques choléphiles (en tenant compte de leur spectre d'activité).

En cas d'insuffisance hépatique ou d'obstruction des voies biliaires, le risque d'accumulation de ces médicaments est majoré.

Les médicaments sécrétés activement peuvent entrer en compétition avec le transport actif de la bilirubine, favorisant l'apparition d'ictère à bilirubine libre.

Kevin CHEVALIER1