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L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 63 29 00).

Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Hamda Elkhiari. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux. Collaborateurs

permanents : Thierry Ananou, Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Benjamin Decormois, Clarisse Guiraud, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert, Stéphane Rio, Nicolas Sueur.

Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73, www.comdhabitude.fr. Publicités : MAIF

(p. 2), CASDEN (p. 47), GMF (p. 48). Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : Roto France, Lognes (77). CPPAP. n° 0123 S 06386. ISSN n° 0751-

5839. Dépôt légal à parution. Photo de couverture : © DR - Prix du numéro : 3 €. Abonnement : 1) Personnels de

l’Éducation nationale : France 30 € ; étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €.

Pages spéciales jointes sous film : 16 p. Fonctionnaire : servir ou obéir ? ; 8 p. CPE ; Carte pétition.

SOMMAIRE30 jours 4

Dans la classe 5• Les gratifications et les sanctions

en conseil de classe

Portrait 6• L’association « Survie » : contre la Françafrique

Actualité 8• Bilan des 9 et 18 mai• Enquête sur le premier jour des examens• Le 1er mai à Paris• Fonction publique : examen du projet de loi• Soutien à Olivier Sillam• Réforme des retraites• Retraités : acquis de la mobilisation• Lycée, une mesure peut en chasser une autre...• EPLESF, la ruralité abandonnée• DNB, bilans de fin de cycle• Collège Mercusot de Sombernon :

Lutter contre l’autoritarisme• Lycée Blanquer :

– liberté de choix ?– le casse-tête des emplois du temps

• Histoire-géographie et EMC au lycée• Italien, langue menacée• Europe : droit du travail ?• Union européenne : mandats du SNES-FSU

Rattrapage 17• Le congé maladie

Éco/social 18• La santé au travail• Les privatisations• Inégalités et mondialisation

ÉditoChacunpour tous !Éducation, Fonction publique,retraites… Toujours et partout,c’est la solution de l’individurenvoyé à ses choix personnelsqui est privilégiée ; ce sont lesperspectives solidaires qui sontignorées voire combattues partous ceux qui veulent offrir aumarché de nouveaux terrainspour la valorisation des capitaux.L’Éducation est un de cesmarchés. Offrant desperspectives de profitsimmenses, elle aiguise lesappétits et la cupidité. Et la proieest facile, tant les parents sontprêts à assurer à leurs enfants lapossibilité d’échapper à laprécarité grâce aux études.Qui pourrait leur en faire lereproche ? Mais pour celal’Éducation, gratuite et dequalité, est un obstacle. Ainsi sedéveloppe le « marché del’angoisse », auquel, parexemple, Parcoursup – et sesbugs – participent largement :Coaching, Edutech, Completelearning solutions… rien n’esttrop beau pour vendre du rêve.Dans ces conditions, il ne fautpas s’étonner que, dans lesélections, l’abstention et le votedu repli sur soi triomphent.S’il n’existe plus aucuneperspective collective, à quoi bons’investir dans le débatpolitique ? Mais c’est une illusion.La question sociale nes’évaporera pas. Il faut voterpour combattre les faussessolutions démagogiques et lesreculs démocratiques, éviterles fausses alternatives pour

faire avancerles solutionssolidaires.

Frédérique Roletsecrétaire générale

42Entretien

Damien Carême, maire de Grande-Synthe

21 DossierLes emplois de service :formations etqualifications tertiaires

Dossier 21• Les emplois de service :

formations et qualifications tertiaires

Métier 28• Scolarisation des élèves en situation de handicap• AESH : mobilisation• Les politiques de management• Lycée professionnel : les familles de métiers

Catégories 30• CPE• AED• Mouvement intra 2019• Affectation des lauréats des concours

Sur le terrain 32• L’École du socle

Fenêtre sur 34• La répression de la jeunesse

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Livres de poche

Entretien 40• Damien Carême, maire de Grande-Synthe

International 44• Les frontières de l’Europe• Coopération syndicale en Guinée• Être enseignant au Royaume-Uni

Droits et libertés 46• Associations d’aide aux migrants• Lutte contre les LBGTphobies dans l’éducation

32 Sur le terrainL’école du socle

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4 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

BILLET D’HUMEUR

Soigne ta droite  !

30 JOURS

Tel Harpagon qui voit son voleurpartout et qui exige des com-missaires, des archers, desgênes et veut faire pendre toutle monde, et la ville et les fau-bourgs, Eric Ciotti exige de l’or-dre. Suppression des allocationsfamiliales aux parents d’enfantsabsentéistes, prison pour les pa-rents de jeunes délinquants… sice n’est toi, c’est donc ton père !Qu’importe le larron, pourvuqu’on ait la sanction. Des dra-peaux tricolores et européensdans toutes les classes deFrance, des enfants qui chantent

à tue-tête l’hymne national, lesidées d’Eric Ciotti trouvent unlit accueillant dans la loi Blan-quer pour une École de laconfiance. Éminence grise puisaccusateur public, il se piquemaintenant de gestion des res-sources humaines dans l’Éduca-tion nationale : il exige, auprèsdu recteur de Nice, la suspensionsans traitement de notre col-lègue Olivier Sillam, interpelléviolemment et injustement ar-rêté. Les idées droitières nebaissent décidément jamais lagarde ! n Hamda El Khiari

Pas très orthodoxe1 170 experts du patrimoine ont mis en garde le gouvernementcontre les dérogations prévues en matière de marché public.

29avril

Le pouvoir des fleursLe Portugal fête le 45e anniversaire de la « révolution des œillets ».

26avril

Should I stay or...L’Écosse devrait organiser un nouveau référendumsur l’indépendance avant mai 2021.

23avril

Du comique au tragiqueLe comédien Volodimir Zelenski remporte la présidentielle en Ukraine.

22avril

Dans l’é..mireBaghdadi, chef de l’EI, apparaît sur un enregistrement vidéo.

29avril

22, v’là les flicsLe cortège du 1er mai chargé par la police. La FSU contraintede quitter la manifestation.

1ER

mai

Il y a urgence !« Attaque » de la Pitié-Salpêtrière : Christophe Castaner rétropédale.

3mai

Se trumperLa Corée du Nord a procédé à plusieurs tirs de projectilesà courte portée depuis sa côte est.

4mai

Dites 33Trente-trois listes, un record, ont été déposées en vuedes élections européennes du 26 mai en France.

5mai

Dites 34 !Plus on est de fous...

10mai

Des pépinsProcès Balkany. La villa Pamplemousse au cœur du dossier.

13mai

De mauvais augureEmmanuel Macron tête d’affiche. Loiseau a disparu  !

15mai

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Fin..hito !Abdication de l’empereur japonais Akihito, une première en 200 ans.

30avril

1+ ?Le mathématicien Cédric Villani veut annexer les villesde banlieue à la capitale.

20avril

Horreur. Le Sri Lanka frappé par des attentats suicides,290 tués, 500 blessés.

21avril

Tout ça pour ça ?Macron l’avait promis : après le succès de sa tournée hivernale, son

allocution télévisée tirant les conclusions du Grand débat allait pro-voquer un « effet waouh ». L’incendie de Notre-Dame a retardé l’exécutionde son plan, mais ce n’était que partie remise. Sauf que... la montagne aaccouché d’une souris : quelques mesures pour les retraités touchantmoins de 2 000 euros et le recouvrement des pensions alimentaires. Maisaucune mesure « puissante » sur le pouvoir d’achat et la justice fiscale,les deux aspirations dont la crise des Gilets jaunes a révélé la profondeurdans le pays. Silence radio sur l’ISF et, en guise de coup de poucesalarial, une prime aléatoire de 1 000 euros (guère plus de 500 dans lesfaits) dans un nombre restreint d’entreprises... Et difficile, pour le Président,de faire croire que les caisses du privé sont vides quand ses amis mil-liardaires font assaut de générosité pour reconstruire la cathédrale pari-sienne. Nos concitoyens n’ont par ailleurs pas été dupes du glorieux« moratoire » sur les fermetures d’hôpitaux et d’écoles, qui sembleraitindiquer que l’on pourrait, dans ces domaines, se contenter de l’existant.Une fois dissipé l’écran de fumée d’un prétendu « virage social » duquinquennat, il ne reste de l’allocution présidentielle que ce qui fait l’es-sence du macronisme : les baisses d’impôts et de cotisations socialescomme seule façon de faire mine d’alléger le fardeau de l’écrasantemajorité de la population sans toucher aux sacro-saints profits de sesdonneurs d’ordre. Drôle de changement de cap, en vérité !

Dernier Grand ducDécès du comédien français Jean-Pierre Marielle à l’âge de 87 ans.

24avril

Coup de pieds de l’âneMacron annonce son intention de supprimer l’ENA, Nathalie Loiseause dit « soulagée qu’on donne un coup de pied dans la fourmilière ».

1ER

mai

Par ici l’exitLes élections locales en Angleterre et en Irlande du Nord tournentau vote-sanction contre le Parti conservateur de Theresa May.

3mai

Plus faux tu... meursL’agence américaine de protection de l’environnement déclareque le glyphosate n’est pas cancérigène.

28avril

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DANS LA CLASSE

Gratifications (encourage-ments, félicitations, tableaud’honneur) et sanctions

(mise en garde ou avertissementtravail/conduite) visent tout à lafois à récompenser le travail etles efforts fournis par les meilleursélèves ou les plus « méritants »et à sanctionner ceux d’entre euxqui n’en fourniraient pas assez,afin notamment de les inciter àtravailler. Le couple « gratifica-tion-sanction », pour reprendreune expression de Michel Fou-cault, s’enracine dans le tempslong. Il semble se mettre en placeau XVIIIe siècle, période à laquelleil « se substitue aux caresses etaux châtiments corporels » et« fait apparaître dans le champscolaire un nouveau système depénalité ». On peut ici y voir lamain de Jean-Baptiste de la Salle(L’Escole Paroissiale, 1654),l’inspirateur des Frères des écoleschrétiennes, dont le manuelconnaîtra un réel succès tant auXVIIIe qu’au XIXe siècle. L’idéed’émettre un avis collectif sur lesrésultats des élèves se renforce

semble-t-il à la fin du XIXe siècle.Jusqu’en 1968 le conseil declasse est une instance réservéeaux professionnels des lycées etcollèges (proviseur, surveillantgénéral, professeurs).

Pas les seuls résultats scolairesProgressivement, il s’ouvre auxparents et aux élèves, ce qui per-met de ne pas s’en tenir aux seulsrésultats scolaires de l’élève oudu moins de mieux les éclairerou les expliquer. « Le conseil declasse ponctue le constat du ren-dement par une sanction positiveincitant l’élève à poursuivre dansla voie de l’excellence ou par

une sanction négative exhortantl’élève à respecter la moraleindustrielle (travail, écoute, com-portement...) » écrit F. Baluteauen 1993. Ce jugement s’appuiesur différents critères qui mêlentdes éléments scolaires (notes,efforts, comportements, attitudes,passé scolaire) et/ou extrasco-laires (situations familiales, so -ciales) variables en fonction desélèves et du degré de connais-sances que l’on en a. Quoiqu’endisent certains esprits chagrins,les conseils de classe conservent,à travers cette évaluation, un réelpouvoir auquel les élèves se mon-trent attentifs. n

Notesi◗ Les mentions(encouragements, tableaud’honneur, félicitations) oules mises en garde sont inscritesau règlement intérieur du lycée.1890 : par la circulaire du 27 mai,possibilité est donnée auxprofesseurs de la classe et auchef d’établissement d’émettre unavis collectif sur les résultats desélèves. Il s’agit ainsi de déciderde l’avenir scolaire de chacun etde fixer l’attribution des bourses.1960 : institution du professeurprincipal. Ce dernier est chargé derassembler des informations dedifférentes sources en vue d’unemeilleure connaissance de l’élève. 1976 : un décret fait desreprésentants des élèves etceux des parents des membresdu conseil de classe.

◗ Sur le rôle du conseilde classe voir l’article R421-51du code de l’éducation. Voiraussi : www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1394

Bibliographiei

◗ Roger Chartier, MadeleineCompère, Dominique Julia,L’éducation en Francedu XVIe au XVIIIe siècle,Paris, 1976.

◗ François Baluteau,Le conseil de classe :« peut mieux faire ! »,INRP, Paris, 1993.

Pratiquesi

De la diversité des pratiques

◗ « Dans mon collège, lescompliments sont donnéssi l’élève a entre 14 et 16 demoyenne et se comporte bien,évidemment. Si un élève peutprétendre aux félicitations(au moins 16) mais a des remarquessur son comportement, il n’a riendu tout. »

◗ « On a ça dans mon lycée :encouragements : n’est pasforcément corrélé à la moyenne ;compliments : à partir de 12/20 ;félicitations : à partir de 14/20. » 

◗ « Encouragements : idem.Compliments, 13/14 chez nous ;félicitations 15/16/17 et depuisdeux ans : vives félicitations àpartir de 17,5/18. C’est l’inflation...Si un élève a une mauvaisenote dans une seule matière(5 en allemand, 8 en maths...)le professeur de la disciplinepeut mettre son veto et nousle respectons. »

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 5

L’US Mag : Quelles sont vos pratiques dans votre collège ? Natasha Vaizey : Les professeurs principaux réfléchissentaux gratifications en amont du conseil de classe. Félicitations,compliments et encouragements sont proposés à cette occa-sion, à la différence des avertissements ou des blâmes quisont donnés par les professeurs principaux au moment oùils jugent cela nécessaire. Il arrive que certaines propositionssoient discutées entre collègues lorsqu’il y a contradictionentre de très bons résultats et des appréciations mentionnantdes bavardages, en particulier lorsqu’il s’agit d’attribuerles félicitations. Faut-il privilégier les résultats scolaires oul’attitude des élèves ? Certains tranchent systématiquementpar souci d’équité républicaine dans l’un ou l’autre sens,d’autres balancent entre ces deux positions en fonction duvécu de l’élève. Même si cela reste rare, il arrive que lechef d’établissement impose son point de vue, ce qui laissealors un goût amer chez les PP qui y voient une remise encause de leur travail et une forme d’autoritarisme.L’US Mag : Les élèves et les familles accordent-ils de l’impor -tance à ces gratifications ? N. V.  : Il est clair que les élèves attachent une grandeimportance à ces gratifications car ce sont des repèresfaciles à identifier. Chez de nombreux élèves la motivationest conditionnée par la reconnaissance et la récompense.Pour ceux-là, les gratifications sont stimulantes et constituent

pour leurs parents des repères forts face à une institutionqui communique de façon de plus en plus complexe avecdes tableaux de compétences interminables. A contrario,elles peuvent aussi générer de la frustration et contribuer àdévelopper le sentiment qu’un élève n’a pas la reconnais-sance de l’institution.L’US Mag : Faut-il développer d’autres formes de valorisationdes élèves ?N. V.  : Les appréciations sont plus importantes que lesgratifications. Une appréciation globale rédigée avec soinqui sait mettre en exergue les qualités de l’élève et lui pro-diguer des conseils est plus riche pour l’élève et sa famille.Une telle appréciation individualise celui qui n’est qu’unmembre du groupe classe alors que les gratifications lerangent dans des cases hiérarchisées. Après tout, l’objectifest de parvenir à leur faire comprendre le sens des appren-tissages. Nous pourrions travailler peut-être encore à déve-lopper des formes de motivation intrinsèque afin de parvenirà éloigner le miroir déformant des gratifications. Ce que jeveux dire c’est que notre pédagogie vise aussi à développerchez les élèves une forme de plaisir, de besoin lié à l’ap-prentissage. Le but de l’éducation, c’est l’autonomie doncs’affranchir du besoin de reconnaissance de l’autre. n

CONSEIL DE CLASSE

Gratifications et sanctionsLes gratifications et les sanctions attribuées parfois aux élèves à l’issue du conseil de classerappellent que celui-ci est une instance qui émet un verdict.

Rubrique réalisée par Nicolas Sueur

TÉMOIGNAGE

« Morale industrielle : comprendre rendement »Natasha Vaizey, professeure d’histoire-géographie au collège Lou-Garlaban à Aubagne.

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

Au milieu des années 1980, enFrance comme en Europe, Surviemobilise pour une « Loi pour la

survie et le développement » : Assisenationale, marche des maires... etjusqu’à l’engagement avec le« serment de l’Arche » à ne pas seséparer jusqu’au vote de la loi. Dansl’Assemblée élue en mars 1993,319 députés sont signataires de laproposition de loi et pourtant, aucuneloi ne verra jamais le jour.Pour Survie, c’est un échec. La trans-parence exigée sur l’Aide publiqueau développement au cœur du projetde loi était inacceptable pour uneFrançafrique qui a eu raison de leursespoirs.Comme l’écrit l’association elle-même,elle « découvre peu à peu l’étenduede la corruption qui gangrène le sys-tème français de coopération. Non seu-lement l’aide est gaspillée, mais elleconforte les dictatures claniques, ellecouvre le pillage des ressources afri-caines et l’aggravation d’une detteinfondée, elle discrédite peu à peu toutsens du service public. Par-delà lesdéputés et les experts, nous découvrionsle système clien téliste franco-africain,cette Françafrique néocoloniale, ceParis-village du continent africain dontle degré de corruption ne cessait denous surprendre ».Venu de l’humanitaire, Survie devientune association de plus en plus poli-tique. Commence, pour elle, la dénon-ciation sans relâche de la politique afri-caine de la France et son soutien sansfard à des régimes dictatoriaux : le régime inté-griste, raciste et massacreur du Soudan, lemaréchal Mobutu au Zaïre, Eyadéma au Togo...

Le tournant de 94Mais c’est la situation rwandaise qui provo-quera le choc décisif. Avant que ne débutele génocide des Tutsi, dès 1993 Surviedénonce les exactions du régime Habyari-mana. François-Xavier Verschave, qui devientprésident de Survie en 1994, n’aura de cessede dénoncer l’implication de la France dansles massacres dans ce pays. Le gouvernementfrançais en soutenant les génocidaires s’estrendu complice de ce crime. Cette complicité

PORTRAIT L ’ASSOCIAT ION « SURVIE »

est attestée par de nombreux documents ettémoignages sans qu’aucun responsable fran-çais n’ait jamais été jugé.Survie mène également le combat sur le ter-rain judiciaire comme dans l’affaire Bises-sero. Depuis 2004, avec la LDH, l’associa-tion soutient la plainte contre X déposéedevant le tribunal aux armées de Paris pardes rescapés tutsis d’un massacre à Bises-sero. L’armée française se trouvait àquelques kilomètres de là et contrôlait toutela région. Comment pendant quatre joursa-t-elle pu laisser faire sans intervenir ?Depuis quinze ans Survie se bat pour révélerla passivité de l’armée et les raisons de ce

Contre la Françafrique

AU DÉBUT DES ANNÉES 1980, Bob Geldof organise des concerts géants pour récolter des fonds contre la famineen Éthiopie. Le succès de la chanson We are the World attire l’attention du monde entier sur la situationhumanitaire du Soudan. Des prix Nobel lancent un «  Manifeste-appel contre l’extermination par la faim  » quiexige une augmentation de l’Aide publique au développement mais où déjà figure l’idée que les réponsescharitables sont dramatiquement insuffisantes : la faim dans le monde est un problème politique. L’association« Survie » est née de cette campagne.

massacre. Mais Survie et la LDH doi-vent faire face à des autorités judi-ciaires peu soucieuses de faire vrai-ment la lumière sur les responsabilitésde l’armée française et de la France.En novembre dernier, les juges d’ins-truction du pôle « crimes contre l’hu-manité » du TGI de Paris ont rendudeux ordonnances refusant lesdemandes d’investigations. Survie afait appel. La bataille continue.

Contre la présence de la Franceen AfriqueL’action de « Survie » est loin de selimiter au Rwanda. Elle dénonce toutesles interventions de la France partouten Afrique francophone et pose d’abordune question : qu’est-ce que l’arméefrançaise fait dans ses ex-colonies ?Quatre bases permanentes (Djibouti, laCôte d’Ivoire, le Gabon et le Sénégal),des opérations extérieures ponctuellesmais qui tendent à durer comme la forceServal puis Barkhane au Mali ou lesautres bases du Sahel (Niamey au Nigeret Gao au Mali). Survie y voit d’abordla volonté de la France de maintenirces pays dans un statut néocolonial.Pour conserver son statut, contesté, depuissance mondiale, surtout quand saplace de membre permanent du conseilde sécurité de l’ONU est remise encause, la France doit faire la preuve enAfrique de sa capacité d’influence etd’intervention face à d’autres pays –les États-Unis, la Chine... – très attentifsaux évolutions du continent... et de sesrichesses.

Selon «  Survie  », l’argument de la luttecontre le terrorisme n’est pas recevable. AuMali, le « sauvetage » de Bamako en 2013,menacé par des mouvements salafistesarmés, n’a rien réglé. Pire, la dispersion desgroupes armés dans le nord Mali, qui s’estajoutée à la déstabilisation de la Libye en2011, a déstabilisé toute une région. En2008, la France intervient militairement poursauver le pouvoir d’Idriss Déby au Tchad.En 2011, c’est l’armée française qui, defacto, a destitué Laurent Gbagbo en Côted’Ivoire... Trop d’interventions militairesde la France en Afrique, lorsque ses intérêtssont en jeu, pour ne pas y voir la mainmise

Action symbolique au pied de la statue

de la République le 7 avril dernier.

E. Macron se contente d’annoncer que

ce jour serait désormais « une journée

de commémoration » de ce génocide.

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d’une Françafrique sur la politique étrangèrede la France.Cette expression est popularisée par Fran-çois-Xavier Verschave en 1998 quand il faitparaître « La Françafrique, le plus long scan-dale de la République ». Il y décrit les relationsde soumission des gouvernements de certainspays africains aux intérêts français, l’état decorruption de ses dirigeants et des effets surla politique française de cette Françafrique.La France se serait-elle, par exemple, engagéedans les années 1970 dans le programme élec-tro-nucléaire sans s’être assurée de l’appro-visionnement en uranium ? La corruptionétant généralisée, quels sont les liens entreles partis politiques français et certains gou-vernements africains que l’on soupçonne definancer des campagnes électorales ?La dénonciation de la Françafrique n’est pour-tant pas très populaire dans notre pays. Commele déclare l’association dans un entretien pourle site de la revue Ballast : « À gauche, enFrance, il est bien plus facile de mobiliser surl’impérialisme des USA ou sur la Palestineque sur la domination de notre propre pays.[...] attaquer la Françafrique implique dequestionner notre confort matériel qui dépendde l’approvisionnement en matières premières.De nombreux secteurs économiques en Francedépendent de la domination sur l’Afrique : lepétrole, le nucléaire, l’armement, ce sont desemplois en France ! »(1) n

(1) https://www.revue-ballast.fr/survie-ny-a-de-bases-militaires-africaines-france

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 7

Rubrique réalisée par Thierry Ananou

Trois questions à...

L’US Mag : Votre association lance une campagne pour que toute la vérité soitétablie quant à la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis du Rwanda.Quelle est la position de Survie sur cette responsabilité ?Thomas Borrel : Les documents officiels montrent que les responsables civils et mili-taires français de l’époque ont pris des décisions qui relèvent, juridiquement, de lacomplicité de génocide. Par exemple, la formation et l’équipement de l’armée (dont lafourniture d’armes avant, pendant et après le génocide) qui a participé au génocide.Une fois cette armée battue, les troupes françaises de l’opération Turquoise ont facilitésa fuite au Zaïre, ainsi que celle du gouvernement génocidaire.L’US Mag : Pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures à prendre en prioritésur la question pour rétablir les faits ?T. B. : Nous demandons l’accessibilité complète aux archives (pas seulement pour lacommission d’historiens que l’Élysée vient de mandater). Mais surtout, nous voulonsque la justice fasse son travail sur les faits déjà connus : nous voulons que les responsablescivils et militaires encore vivants de l’époque soient jugés pour répondre des décisionsprises. Nous voulons enfin que l’État français reconnaisse cette complicité et que lecontrôle parlementaire sur l’exécutif soit renforcé.L’US Mag : Quels sont les modes d’action que vous envisagez ?T. B. : Survie produit une analyse rigoureuse des faits, dans des articles ou rapports, etun nouveau livre à paraître en septembre. Nous tâchons de diffuser cela par des actionsmédiatiques, et un colloque prévu le 22 juin. Nous sommes également partie civiledans des actions judiciaires visant les responsables de l’époque. Comme le génocidedes Tutsis sera enseigné en Terminale à partir de 2020, nous devons réfléchir aussi àla façon d’intégrer les responsabilités françaises.

Thomas Borrel, est administrateur de l’association Survie, qui lance une campagnepour que toute la vérité soit établie quant à la responsabilité de la France dans legénocide des Tutsis du Rwanda.

« Reconnaître les responsabilités de la France »

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8 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

ACTUALITÉ

SE TAIRE… MAIS PAS POUR TOUT LE MONDEAlors même que de nombreux collègues sont rappelés à l’ordre pouravoir critiqué les réformes en cours, l’article 1 de la loi Blanquer estrenforcé par les sénateurs assumant l’objectif d’une application répressiveet moralisatrice en direction des personnels. Il parle dorénavant d’« enga-gement et [d’]exemplarité des personnels de l’Éducation nationale ».Les actes ont précédé les intentions.En décembre, le VRP – DASEN des Bouches-du-Rhône enjoint des proviseursà refuser le prêt de salles pour des réunions syndicales à destinationdes parents afin « de ne pas perdre la main sur la communication autourde la réforme ». En mai, il emmène la presse au lycée pour vanter la

réforme du lycée et dénoncer les contre-vérités au sujet du projet deloi Blanquer : visite organisée dans le plus grand secret, professeurssoigneusement sélectionnés et soumis au secret, séance de photos dansune classe, sans droit à l’image…Au même moment, des députés de la majorité sont autorisés, dans leGard, à poster des courriels sur les adresses institutionnelles des écolespour faire la propagande du projet de loi et de la politique du ministrealors même que les organisations syndicales représentatives ont étérappelées à l’ordre pour avoir envoyé des courriels à ces mêmes adresses.Deux poids deux mesures  !

DÉTERMINÉS POUR GAGNERLes congés de printemps, en dépit des calendriers différents n'ont pas affaibli la combativité despersonnels de l’Éducation nationale.

Le 9 mai, dans les cortèges comme dansla grève, ils ont largement répondu àl’appel unitaire des fédérations de fonc-

tionnaires opposées au projet de remise encause de la Fonction publique. Le 18 mai,nous étions environ 10 000 rassemblés à Parispour dire non aux réformes du lycée et dubaccalauréat, non à la loi Blanquer, non àl’austérité salariale. Cette manifestation de la FSU, à laquelles’étaient ralliées la FCPE, la CGT Éduc’ac-tion et Sud Éducation a permis de montrerla persistance d’une colère profondémentancrée chez les personnels du second degré,confrontés à la perspective d’une rentréecatastrophique, au mépris de leurs métiers,à la faiblesse de leurs rémunérations. Dix mille manifestants alors même que lestentatives d’intimidation de la hiérarchieabondent, que les incidents et la répressionde la manifestation du premier mai à Parispouvaient être dissuasifs : c’est un beau résul-tat qui montre combien la détermination despersonnels est grande.

Maintenir la pressionPourtant c’est encore insuffisant pour fairereculer totalement le ministre sur sesréformes. Les annonces du retrait de l’article

sur les établissements publics des savoirsfondamentaux et de l’ouverture de négocia-tions sur les salaires sont deux premiers reculseffectifs. Cet effet des mobilisations doitnous encourager à maintenir la pression etpoursuivre les actions. Dans cette optique,le SNES-FSU rencontrera prochainement lesfédérations de l’Éducation ainsi que les Stylosrouges qui en ont fait la demande afin dedébattre ensemble de la façon de maintenirun mouvement important.

Dans l’immédiat, nous invitons les personnelsà tenir des réunions d’information en directionde tous les collègues comme des parentsd’élèves, et à continuer les actions de pro-testation. Un préavis est posé chaque jourpour permettre toutes les initiatives, initiativesque nous relaierons dès que nous en avonsconnaissance. Concernant l’appel à la grèvede la CGT et de Sud Éducation le 21 mai,nous appelons les établissements, où cettegrève pourrait être largement suivie, à s’yassocier. Le 28 mai, jour du vote du texte sur la FP àl’Assemblée nationale, l’intersyndicale orga-nise des rassemblements, dans le cadre d’unesemaine plus large d’actions. La menaced’une grève le premier jour des examens estprise au sérieux par les autorités ; n’hésitezpas à renseigner la consultation.Tout doit être fait pour bien montrer au minis-tre et aux media que la pression ne se relâchepas afin d’obtenir le retrait des projets de loidans l’Éducation comme la Fonctionpublique. L’article 1 de la loi Blanquer veut nous muse-ler comme le projet de loi FP veut faire dufonctionnaire un sujet soumis au pouvoir.Cela ne se fera pas ! n Frédérique Rolet

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ENQUÊTE SUR LE PREMIER JOUR DESEXAMENS : CONSULTER POUR AGIRAtteint par les mobilisations des mois derniers, mis en défaut par l’éclairage cru sur la réforme dulycée donné dans l’enquête SNES-FSU, le ministre de l’Éducation a choisi ses armes pour répondre :la propagande outrancière (médias, relais de toutes les hiérarchies) et l’intimidation.

Les pressions, rappels à l’ordre des col-lègues se multiplient tandis que le minis-tre accuse les syndicats de raconter des

bobards... Curieuse stratégie que de prétendreconstruire l’« École de la confiance » par ledéni de la parole des personnels, de la légi-timité des représentants élus de nos profes-sions.

Transformer l’essaiCe comportement montre pourtant que lescritiques contre la loi Blanquer, les réformesdu bac et du lycée ont visé juste et que celadoit inciter à poursuivre les mouvements.Après l’allocution du président de la Répu-blique, une vague ouverture a été faite sur larevalorisation des enseignants. Faisons ensorte qu’elle se traduise rapidement par desnégociations. En ce sens, le SNES-FSU conti-nue à activer tous les leviers (adresses auxparlementaires, aux parents d’élèves, courrierpublic au ministre, dépôt de préavis de grèvepour faciliter les actions locales, meeting pourla défense de la Fonction publique le 12 juin...)et débattra dans la prochaine intersyndicale

de l’Éducation des suites aux 9 et 18 mai. Ila relancé la consultation sur la possibilitéd’une grève les 17 et 27 juin, jours de l’ou-verture du baccalauréat et du DNB. Envisager

cette modalité d’action montre bien la gravitéde la situation dans laquelle se trouve l’Édu-cation. Le ministre, par son refus de touteécoute des critiques émises largement par lacommunauté éducative fait peser de lourdesmenaces sur le bon déroulement des examens,en particulier du baccalauréat. Il porte, enconséquence, l’entière responsabilité d’éven-tuelles difficultés à assurer les épreuves.

Engagés au quotidienC’est pourquoi le SNES-FSU réitère son exi-gence d’ouverture de négociations en urgence,sur les salaires comme les réformes.Il appelle les collègues à se réunir dans lesétablissements, à participer à toutes les actionsnationales afin de maintenir la pression et àassocier le maximum de collègues aux mobi-lisations. Pour contrer le ministre dans savolonté d’aller à l’encontre de la demandedes personnels, la décision de grève les 17 et27 devra être largement partagée. La consul-tation est encore ouverte : https://www.snes.edu/Greve-de-la-surveillance-du-premier-jour-des-examens.html. n Frédérique Rolet

DÉFILÉ DU 1ER MAI : FORT MAIS EMPÊCHÉMalgré la déferlante médiatique gouvernementaleprédisant la venue de casseurs, de « black-blocs » et autres« ultra-jaunes », les travailleuses et travailleurs sontmassivement descendus dans la rue ce 1er mai 2019.

Dans toutes les villes, malgré les intimi-dations, les salariés, les chômeurs, lesretraités ont manifesté pour rappeler au

gouvernement leurs revendications ; la CFDTet l’UNSA faisant presque partout bande àpart, ce qui, dans le contexte, peut rendre per-plexe. Si tous les cortèges se sont déroulésdans une ambiance bon enfant qui sied à cetype de manifestation, il n’en a rien été àParis où le cortège syndical a eu beaucoupde mal à défiler.

Intimidations et violencesDès la mise en place de la tête du cortège,les forces de police, au motif d’éviter leregroupement d’éléments violents, sont inter-

venues sans distinction et violemment endirection des militants qui installaient ban-deroles, ballons et camions-sono. Des mou-vements de foule en ont résulté, mettant endanger manifestants et militants syndicaux.La suite du défilé ne s’est pas déroulée demanière plus sereine. Certains manifestantsn’ont jamais pu rejoindre le cortège, le serviced’ordre de la CGT ainsi que le cortège de laFSU ont subi plusieurs charges des forcesde l’ordre. Constatant que les conditions desécurité des manifestants n’étaient pas assu-rées, la FSU a décidé de retirer son camiondu défilé.L’arrivée d’un nouveau préfet de police, quis’est déjà distingué à Bordeaux pour les vio-

lences auxquelles les forces de l’ordre s’étaientlivrées, peut-elle, à elle seule, expliquer cetteréaction des forces de police ? L’épuisementdes forces de police, la baisse de leurs effectifs,leur formation sont aussi des facteurs. Maisles déclarations gou vernementales visant àmonter manifestants contre policiers et réci-proquement et les défauts de commandementsont assu rément des carburants efficaces. Leministre de l’Intérieur porte donc une lourderesponsabilité.La FSU considérant qu’un cap a été franchia écrit au Premier ministre pour lui demanderd’apporter toutes les explications sur ces faitset prendre la mesure des conséquences d’unetelle situation. n Xavier Marand

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ACTUALITÉFONCTION PUBLIQUE : GOUVERNEMENTET MAJORITÉ PERSISTENT ET SIGNENT...L’examen du projet de loi dit de « transformation de la Fonction publique » est en cours au Parlement.La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté une soixantaine d’amen dements quiconfirment les orientations du texte initial et conduisent à une destruction de la Fonction publique.

Un amendement prévoit le versement d’in-demnités, à hauteur de 10 % des rému-nérations perçues, à la fin des CDD de

moins de 12 mois, sur le modèle des primesde précarité dans le privé. On pourrait s’enféliciter si cette disposition ne s’inscrivait pasdans le contexte d’une loi qui généralise lecontrat au détriment du statut. Le but est d’en-cadrer un peu plus une contractualisationqu’on veut désormais massive. Cela consti-tuerait une avancée pour les personnels lesplus précaires et pourrait mettre un frein àcertaines pratiques de l’administration commel’interruption des contrats avant la fin d’uneannée scolaire.

Contractualisation massiveLa commission de déontologie et la Hauteautorité de transparence de la vie publique(HATVP), chargée de la lutte contre la cor-ruption des élus, seraient fusionnées. Celaaffaiblirait le contrôle déontologique des fonc-tionnaires qui porte aujourd’hui sur un champ

plus large que la seule prévention de la pré-varication, les conflits d’intérêts, dans l’exer-cice d’une mission de service public pouvantprendre de multiples formes comme l’expliqueM. Lebranchu dans l’interview du supplémentà cette US : Fonctionnaires : servir ou obéir ? D’autres amendements veulent masquer lesconséquences négatives de la loi mais ne sontque de faible portée. Par exemple, alors quela loi ouvre les emplois de direction auxcontractuels, la rapporteure Émilie Chalas(Isère, LREM), a ajouté que « les conditionsde leur rémunération devront être fixées pardécret ». L’objectif, selon l’exposé des motifs,est de veiller à « l’équilibre des rémunérationsentre contractuels et fonctionnaires, à res-ponsabilités, à expériences et à qualificationsidentiques ». On en est donc à prévoir unprincipe d’équilibre qui n’est qu’une décla-ration d’intention alors qu’on crée les condi-tions d’une dérégulation des rémunérations.Suite à un amendement du groupe socialiste,le dispositif créé par la loi pour signaler les

actes de violence, de harcèlement moral ousexuel et les agissements sexistes serait ouvertaux témoins de ces actes, et non plus seule-ment aux agents.

Combattre ces mesuresLe principe d’un temps de travail de1 607 heures annuelles pourrait être ajoutéen cours du débat pour les fonctionnairesd’État, sur la base du récent rapport de l’IGF(Inspection générale des finances) qui pointe,de manière démagogique et fausse, le tempsde travail de certains corps dont les CPE etles Psy-ÉN.Le texte devrait passer au Sénat en juin etêtre adopté en juillet. Un grand nombre dedécrets et des ordonnances étant prévus (dia-logue social, protection sociale complémen-taire des agents, formation, médecine du tra-vail, etc.), son adoption ne signifierait doncpas la fin du processus. Les combats poursauver la Fonction publique demeurent plusque jamais d’actualité. n Benoît Teste

SOUTIEN DU SNES-FSU À OLIVIER SILLAMLe SNES-FSU tient à exprimer tout son soutien à Olivier Sillam, militantde la section académique de Nice, interpellé violemment par les forcesde l’ordre, le 9 mai dernier, à Nice, lors de la journée de mobilisationcontre le projet de loi de la Fonction publique. Notre camarade, parailleurs très investi dans les questions de Droits et libertés, notammentdans le soutien aux migrants, a été placé en garde à vue pendant 24 heures.Le SNES-FSU condamne les violences qu’il a subies lors de son interpellation,

brutalité qui a donné lieu à dix jours d’ITT. Cette arrestation s’inscritdans la politique d’intimidation – dont font partie les stratégies violentesde maintien de l’ordre – dont sont victimes les manifestants et militantssyndicaux. Cela est inacceptable dans un État républicain et démocratiquecensé garantir les libertés publiques comme le droit à manifester.Le SNES-FSU demande l’abandon des charges à son encontre et accom-pagnera Olivier dans sa défense.

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RETRAITÉS : RECUL POUR MIEUX DIVISERLa mobilisation a contraint le président de la République au recul en annonçant la suppression dela hausse de la CSG et une revalorisation des pensions. Mais tous les retraités n’en bénéficieront pas.

Les retraités ont manifesté, dans l’unité,à sept reprises depuis l’élection d’Em-manuel Macron. Entendrait-il enfin leur

colère ? Leur mobilisation et celle des GiletsJaunes ont fait reculer le pouvoir. Après l’an-nulation de l’augmentation de la CSG pour4 millions des retraités, il a annoncé le25 avril, une revalorisation des pensions infé-rieures à 2 000 euros pour 2020, indexéessur l’inflation. Le minimum de pension seraitporté à 1 000 euros pour une pension com-plète, sans précision de calendrier, ni demodalités et ce, alors que le seuil de pauvretéest de 1 026 euros.

Des mesures encore injustesDans le même temps, plusieurs millions deretraités, frappés par la hausse de 25 % dumontant de la CSG, ne verront pas leur pen-sion revalorisée en fonction de la hausse desprix. Enfin, la perte du pouvoir d’achat n’estpas compensée, alors que par exemple lereste à charge moyen en EHPAD est de2 000 euros !On nous parle d’un système universel oùtous seraient soumis aux mêmes règles et,au final, on divise les retraités en deux

camps : ceux dont la pension est inférieureà 2 000 € et les autres ! Cette distinction entrepauvres et un peu plus aisés est intolérable.S’agit-il de monter les retraités les uns contreles autres pour miser sur un recul de leurmobilisation ? On est loin des parachutesdorés des dirigeants du CAC 40 et des vraisretraités riches exemptés de l’ISF.Une véritable réforme, pour une fiscalitéjuste, s’impose. En ce sens, les retraités,dans le cadre du groupe des 9, vont pour-suivre leur mobilisation. Le 20 juin, ils dépo-seront les cartes pétitions à l’Élysée pour

rappeler leurs revendications : indexationde toutes les pensions sur les salaires et rattrapage des années passées ; aucune pen-sion inférieure au SMIC pour une retraitepleine ; suppression de la hausse de la CSGpour tous ; prise en charge à 100 % de laperte d’autonomie par la Sécurité sociale ;maintien et amélioration des pensions deréversion.Plus que jamais, les retraités doivent se faireentendre pour lutter contre l’appauvrissementde leur niveau de vie. n

Marylène Cahouet

La confusion quirègne depuis 2017sur les intentions

précises du gouverne-ment en matière deretraite s’est encore accrue ces der-nières semaines. Non seulement lehaut-commissaire continue de s’entenir aux grands principes d’un « sys-tème par points » mais, en plus, cer-tains à l’intérieur même de la majoritéet du gouvernement ont envie enfait d’une nouvelle réforme para-métrique rapide qui remettenotamment en cause l’âgelégal de départ à 62 ans,abandonnant de fait les promesses de campagned’E. Macron. Pourtant, le pré-sident de la République a confirmé le maintiend’un âge de départ à 62 ans et son intentionde porter une réforme systémique mais « enmême temps » pointé des ajustements rapidesà faire sur les paramètres comme la création

d’âges pivots ou l’aug-mentation des duréesd’assurance.

62 ans purementthéoriques

Un  rapport du HCRR(1) est prévudébut juillet. Il devrait contenir despréconisations précises et pourraitêtre donc le prélude au projet de loi.La FSU comme toutes les autres orga-nisations syndicales a été reçue pour

des rencontres bilatérales dont l’en-semble des comptes renduset diaporamas est consul-table(2). Aucun chiffrage,aucune simulation niaucun cas type ne sont mis

sur la table.Les craintes restent les mêmes sur ce régimepar points où les salariés cotisent à l’aveuglesans garantie sur le niveau de pension parrapport à leur dernier salaire. L’accumulationde points entretient l’illusion d’une épargne

individuelle où chacun paye pour sa propreretraite. Si la volonté du HCRR est pourtantla promesse d’une réforme qui « maintiendraet consolidera les solidarités », cela est bienen contradiction avec un système qui veut« redéfinir leurs objectifs et clarifier la naturede leur financement ». Les éléments de calculdu nouveau système pourraient même minorer  le niveau des pensions, rendantles 62 ans purement théoriques.Il n’y a rien de plus illisible qu’un systèmedans lequel on ne peut pas prévoir à l’avancele montant de sa pension !Il n’y a rien de plus simple, à l’opposé, qu’unsystème qui assure un pourcentage du derniertraitement brut ou des meilleurs salaires dansle privé. Le SNES, avec la FSU, rappelle encoreune fois son attachement au code des pensionset affirme que la simplification n’est pas tou-jours synonyme de justice. n Erick Staëlen

(1) Haut-commissariat à la réforme des retraites.(2) http://fsu.fr/Retraites-comprendre-la-reforme-Macron-lutter-avec-la-FSU-pour-developper-les.html

© Fox / AdobeStock.com

RETRAITES : CONFUSION DES INTENTIONSEntre les annonces Macron d’avril et le rapport Delevoye prévu en juillet, les intentions divergent, apportantencore plus de confusions sur le projet de réforme des retraites... Ce qui n’annonce rien de bon.

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12 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

ACTUALITÉ

LA RURALITÉ ABANDONNÉELe ministre prétend « sauver des écoles rurales » en favorisant le rapprochement des collèges et desécoles primaires de leur secteur au sein des Établissements publics des savoirs fondamentaux.

Sur France Inter le 28/03/2019, le ministres’est laissé aller à une communicationdébridée autour de la création des Éta-

blissements publics locaux des savoirs fon-damentaux (EPLESF), contenue dans le projetde loi « Pour l’école de la confiance », quipermettrait de « sauver des écoles rurales ».Nous sommes allés voir de plus près enAriège.

Vielles idées et obsessions permanentesLes EPLESF réactivent le vieux conceptd’École du socle, qui fait fi des besoins desélèves devenus adolescents, de leurs processusd’apprentissage propres et des besoins d’ap-profondissement des disciplines. Ils nient lanécessité d’un encadrement par des profes-seurs spécialistes à la fois de leur disciplineet des apprentissages reliés.Le ministre réactive cette idée dans unelogique surtout budgétaire : une telle struc-

turation permet de mieux remplir les classeset favorise une gestion moins contraignantedes enseignants, en diluant les compétencespropres des collègues des premier et seconddegrés : double source d’économies depostes !

La réalité en faceLe bilan comptable en Ariège est sans appel :aucune école n’a pu être sauvée par un rap-prochement avec le collège de secteur. Pire,quelques mois après la mise en place du dis-positif, une école, et ses deux classes, ontdisparu. Mais le DASEN a, durant le rap-prochement, déjà économisé un demi-poste,tout en abondant quelque peu la DHG ducollège...Plus grave, les montages pédagogiques hasar-deux qui ont été opérés avaient tout du bri-colage : regroupements divers, groupes à géo-métrie et périmètre variables, morcellementdes emplois du temps et des activités, etc.

Sans entrer dans le détail – dont nous dispo-sons –, il est clair que cela n’a pas aidé lesélèves à mieux réussir, mettant même les plusfragiles en difficulté !L’administration ayant fait elle-même leconstat de l’absence de plus-value pourles élèves, elle a discrètement abandonnél’opération, mettant ainsi fin au projet mira -culeux... n Pierre Priouret, S3 Toulouse

La coloration politique du Sénat et le choixpar le gouvernement de la procédureaccélérée ne donnaient guère d’espoir

d’amélioration du projet de texte par laChambre haute. Hormis les EPLESF1 dessavoirs fondamentaux, les principales dis-positions demeurent : l’article 1 « miseau pas des personnels » est renforcé,les établissements internationauxconfortés, le conseil d’évalua-tion de l’école (aux per-sonnalités nommées parla majorité plutôt que parle ministre, belle garantie d’indépen-dance !) maintenu... mais, plus inquiétant, sontintroduites des mesures défavorables aux per-sonnels. Le cadre de l’expérimentation seraitétendu : « sous réserve d’un accord majori-taire des enseignants de l’établissement, l’obli-gation réglementaire de service peut êtreconstatée sur une période plus étendue quele rythme hebdomadaire » (art. 8), la formationcontinue rendue obligatoire « en priorité endehors des obligations de service » (art. 14bis). Les affectations des enseignants et CPEpourraient être bouleversées dans « les zonesdéfavorisées », ou bien par des « contrats de

mission » (art.14 ter) dérogeantainsi aux règles dumouvement, et danstous les cas, le chef d’éta-blissement « est associé à ladécision d’affectation dans sonétablissement » (art. 14 quater).

Bas les masquesLe virage libéral et à droite du texte n’estpas une surprise. Un débat nauséabond aconduit à l’adoption de l’interdiction d’ac-compagnement des sorties scolaires aux mèresvoilées, malgré l’avis du Conseil d’État en2013. Quelques amendements sur la mixité

sociale, l’école inclusive et les AESH, quipourraient apparaître comme progressistesmême s’ils ne vont pas bien loin, sont à prendreavec précaution quant à l’esprit qui les anime.Le texte adopté par le Sénat passera ensuiteen commission mixte paritaire, où les repré-sentants des deux Assemblées auront à cher-cher un accord. En cas d’absence de consen-sus le gouvernement choisit souvent deprivilégier l’Assemblée nationale. n

Valérie Sipahimalani

Analyse plus détaillée du projet de loisur snes.edu

(1) Etablissements publicslocaux d’enseignement des

savoirs fondamentaux.

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LYCÉE, ATTENTION, UNE MESUREPEUT EN CHASSER UNE AUTRE...Le projet de loi « Pour une école de la confiance » a été examinée au Sénat les 14, 15, 16, pour unvote solennel le 21 mai.

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Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 13

DNB, BILANS DE FIN DE CYCLE :VEILLER SUR SES DROITSSi la rémunération de l’oral du DNB posait déjà problème, la réforme du collège a introduit le bilande fin de cycle, chronophage, qui accentue les pressions hiérarchiques sur l’évaluation des élèves.

Même si l’épreuve orale au DNB estorganisée par et dans l’établissement,constitutif d’un examen national, elle

nécessite une convocation qui tient lieu d’or-dre de mission. Chaque année, des équipesd’enseignants luttent collectivement pourobtenir que la passation de cette épreuve aitlieu lors d’une demi-journée banalisée afind’assurer des conditions correctes d’examenpour les élèves et afin que les collègues, quidépassent leur ORS, puissent bénéficierd’heures supplémentaires. Le SNES-FSU agitpour qu'il en soit partout ainsi et que le travaildes collègues soit réellement pris en compte.

Pourquoi faire simple quand…Le bilan de fin de cycle a remplacé le contrôlecontinu. Les différents niveaux d’acquisitiondes domaines et sous-domaines du socle sontainsi barémés. Les collègues doivent posi-tionner les élèves sur quatre niveaux d’ac-quisition. Cela implique des réunions sup-plémentaires ou des conseils de classe àrallonge car les domaines du socle sont trans-versaux aux disciplines. À cela s’ajoutent

dans certains établissements des pressionspour utiliser des grilles de positionnementlocales et non réglementaires au fil de l’année.En conséquence, beaucoup de travail pourune évaluation décrochée des savoirs réelsdes élèves car trop globalisante. Ces bilans sont aussi l’occasion d’injonctionsà davantage de « bienveillance » qui dissimulesurtout la volonté d’améliorer les résultats au

DNB dans le cadre d’une concurrence inter-établissements exacerbée par la prise encompte de l’évaluation du socle pour l’affec-tation en lycée. Le SNES-FSU demande tou-jours la remise à plat des textes sur l’évalua-tion au collège, une prise en compte de toutesles disciplines dans le DNB et la revalorisationde la rémunération des examens. n

Fabienne Sentex, Anne-Sophie Legrand

COLLÈGE MERCUSOT DE SOMBERNON : LUTTER CONTRE L’AUTORITARISMELa situation de ce collège de la Côte-d’Or est emblématique des dérives néomanagériales dénoncéespar le SNES et la FSU depuis de nombreuses années. La mobilisation de l’équipe éducative del’établissement et l’action déterminée du SNES-FSU ont finalement payé.

Dès son arrivée, le nouveau chef d’éta-blissement a voulu imposer ses vues etl’ambiance de travail est rapidement

devenue délétère. La quasi-totalité des ensei-gnants a exprimé ses souffrances au travailet a sollicité la médiation du rectorat.Dialogue difficile voire impossible, ordredonné à un enseignant de prendre en chargeles élèves d’un collègue gréviste, volontéd’augmenter le service d’une stagiaire à hau-teur de 18 heures dès la validation de sa titu-larisation, sont quelques-uns des faits dénon-cés par l’équipe éducative.

Promesses non tenuesD’abord, le rectorat semble comprendre lasituation et rassure l’équipe enseignante, puisdiligente une enquête administrative au lieude la médiation promise. Ses conclusionstombent : soutien à la direction, avertissement

ou blâme envisagé pour un collègue etmutation dans l’intérêt du service pour unautre. La quasi-totalité de l’équipe éducativede Sombernon lance alors une pétition enligne qui atteint rapidement plus de trois millesignatures : https://www.change.org/p/collectifprofsombernon-urgence-au-coll%C3%A8ge-j-mercusot-de-sombernon-21/u/24565498.

Dès les premières tensions, le SNES-FSUavait alerté le rectorat. Il a accompagné lescollègues convoqués à plusieurs reprises aurectorat, est intervenu dans l’établissement,en réunion publique, de parents d’élèves,seul ou en intersyndicale. Le secrétariat géné-ral du S3 est intervenu auprès du cabinet dela rectrice pour dénoncer ces dérives mana-gériales extrêmement inquiétantes pour laprofession, injustifiées et brutales.

Mobilisations gagnantesLa mobilisation des collègues de l’éta -blissement et l’engagement déterminé duSNES-FSU ont payé : abandon des chargesà l’encontre des deux collègues, nominationd’une principale adjointe et accompa -gnement de l’établissement par l’inspectionvie scolaire. n

Fabian Clément

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ACTUALITÉLA FIN DU « CARCAN DES SÉRIES » ?Le gouvernement a ressorti le VRP de la réforme du lycée et du bac, Pierre Mathiot. Sur France Inter,il se félicitait que 50 % des élèves de Seconde fassent des vœux qui « sortent du carcan des séries ».

L’enquête menée par le SNES-FSU, dontles premiers éléments ont été publiés à lami-avril, permet de voir que ce discours

frise « l’infox ». Ainsi, dans un lycée moyende 280 élèves de Seconde, les vœux deslycéens se répartissent en 42 triplettes diffé-rentes (et non pas « douze ou treize », commele prétend P. Mathiot).

Du simple... au tripleMais 80 % de ces triplettes (34) sont deman-dées, à chaque fois, par moins de dix élèves –seront-elles vraiment ouvertes ? Autre angle possible : au regard des vœux du2e trimestre, pour satisfaire 75 % des élèves,il faudrait ouvrir en moyenne douze triplettespar lycée... avec les contraintes d’emploi dutemps qu’on devine bien, et un quart des élèvesqui devraient quand même changer de « librechoix ».Six des huit triplettes les plus demandées sonttout simplement les actuelles séries ES, L et

S, ou une variante de ces séries. Par exemple,à côté des trois « classiques », on trouve« Maths + Physique-chimie + Sciences de

l’ingénieur » (actuelle série S-SI) ou « Maths+ SES + LLCE » (ex-série ES, « spécialitéLV », supprimée par la réforme Chatel en2010). Seules deux triplettes parmi les huitapparaissent originales... et encore ! Dans lesdeux cas, il s’agit de variantes autour desséries S et ES, qui existaient en partie avantla réforme de 1993/1995. Pour deux tiers desélèves, le soi-disant « carcan des séries » n’estdonc absolument pas remis en cause.Conséquence logique : la plupart des triplettes« originales » se trouvent dans les 34 triplettesà faible demande, dont beaucoup ne pourrontpas être mises en œuvre, pour de simplesquestions d’organisation. On notera aussi queces triplettes « originales » apparaissent surtoutdans les vœux des élèves les plus faibles,quand les « bons » élèves esquivent le piègedu pseudo « libre choix ». Mais qui croyaitencore que cette réforme visait à démocratiserle lycée général ? n

Romain Gény et Sophie Vénétitay

Alors que le ministre développe sur tousles tons le dogme de la liberté de choix,les élèves de Seconde sont rattrapés par

la réalité à mesure que se rapprochent lesconseils de classes du dernier trimestre. Ici,on découvre déjà que certaines spécialitéspourtant affichées seraient sacrifiées sur l’autelde la pénurie de moyens, les combinaisonsconcernées ne regroupant que trop peud’élèves ; là on restreint les possibilités decombinaisons à un répertoire imposé d’une

dizaine et ailleurs, on les élargit à la trentaine.Parfois même, on avertit qu’il faut hiérarchiserles vœux, l’ordre devenant déterminant dansla formation des groupes.

Des règles variables Malheur à celui qui n’est pas inscrit au bonendroit ! Pourra-t-il changer d’établissement ?Rien n’est moins sûr car c’est en fonction desplaces disponibles et au risque de se trouverdans un lycée très éloigné, « sans possibilité

de retour », va jusqu’à affirmer un proviseurde Chelles dans une note aux parents. Unechose est certaine le champ des possibles està géométrie variable... Et se réduit.

Des combinaisons de choix interditesOn avertit parfois de l’incompatibilité de certainsassemblages ou au contraire, on les impose.« Au vu des compétences nécessaires et deseffectifs prévisionnels, les spécialités physique-chimie et NSI ne pourront être proposées sansmathématiques » est-il précisé dans un courrierd’un proviseur aux parents. Par ailleurs, lecumul de deux spécialités linguistiques estconsidéré partout comme interdit mais ondécouvre que c’est parfois possible ! Grâce àla mobilisation locale des enseignants, le SNES-FSU a en effet pu obtenir la mise en œuvred’une expérimentation pour trois ans dans l’aca-démie de Rennes, autorisant le cumul de spé-cialités linguistiques étrangères et régionales.Le rapport de force local peut parfois avoirraison de cette réforme. C’est une bonnechose. Et cela démontre qu’il est urgent del’abandonner. n Claire Guéville

LYCÉE BLANQUER, LIBERTÉ DE CHOIX SOUS CONDITIONS Alors que les discours ministériels martèlent inlassablement la liberté de choix des élèves, sur le terrain, la contrainte des emplois du temps et le manque de moyens obligent partoutà restreindre ce choix des spécialités.

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PARCOURSUP LE BIG BUG  !Au lendemain de la parution des résultats, prèsde 70  000 candidats, soit 7% du total, ont euleurs propositions d’affectation post-bac annulées.Par effet domino, la majorité des candidatures aété concernée par une modification du classementdans les listes d’attente. C’est un bug majeur. Atitre de comparaison, le tirage au sort qui a servide prétexte à enterrer APB n’avait concerné que0,28% des candidats. En réponse, les ministèresde l’Education nationale et de l’enseignement

supérieur ont cherché à minimiser et se sontdéfaussés sur les personnels. Comment accepterde voir ainsi incriminer les responsables de for-mations accusés d’avoir surévalué leurs capacitésd’accueil  alors que c’est le ministère lui-mêmequi leur avait fixé la procédure? Cette communi-cation ministérielle mensongère veut juste faireoublier que, non seulement Parcoursup ne fonc-tionne pas mais surtout, hypothèque les poursuitesd’études de centaines de milliers de jeunes.

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Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 15

HISTOIRE-GÉOGRAPHIE ET EMCÀ CONTRESENS DE L’HISTOIREProgrammes lourds avec des partis pris idéologiques, conditions d’enseignement dégradées,occasion manquée d’une spécialité faussement pluridisciplinaire : c’est le grand bond en arrière.

Le programme de la voie générale estencyclopédique : une somme de connais-sances à ingurgiter, plutôt qu’un cadre

permettant la construction de méthodes etde capacités. Ces capacités devront être tra-vaillées à raison de trois heures hebdoma-daires sans dédoublement, et en respectantune progression commune pour les épreuvesde contrôle continu. Le pire est à craindrepour les séries technologiques : mêmes thématiques que dans la voie générale avec1 h 30 hebdomadaire ; cette posture révèleun véritable mépris pour les spécificités dela voie technologique.

Le mensonge de la spécialitéLa spécialité Histoire-géographie géopolitiquesciences politiques (HGGSP) est présentéecomme « pluridisciplinaire ». Or, les contenusrelèvent d’une histoire très politique, un peude géopolitique, de la géographie, et quasimentpas de science politique : d’où un agacementlogique face à une étiquette mensongère. L’or-ganisation du programme en grandes théma-tiques qui croisent les approches (par exemple :

« Comprendre un régime politique : la démo-cratie ») rend impossible un découpage del’horaire de spécialité entre professeurs de SESet d’histoire-géographie. La prétendue pluri-disciplinarité s’avère un outil non pas au servicedes apprentissages, mais permettant une gestionsouple des services au mépris des qualificationsdisciplinaires. On ne sait pas encore en quoiconsistera l’épreuve terminale...

EMC au rabaisLes conditions d’enseignement de l’EMC sedégradent : perte des effectifs réduits obliga-toires, annualisation de l’horaire. Les pro-grammes prétendent accorder aux professeursune grande liberté dans leurs choix de miseen œuvre. Mais les notions à acquérir sontcomplexes et nombreuses. Les notes serontprises en compte pour le contrôle continu(dans les 10 % calculés à partir des bulletins),alors que les pratiques d’évaluation actuellessont très diverses et n’incluent pas systéma-tiquement de note chiffrée.Avec ces trois nouveaux programmes, noussommes donc loin du renouvellement disci-

plinaire dont se félicite l’institution dans lesréunions de formation qui ont lieu ces der-nières semaines. n

Amélie Hart-Hutasse, Arthur Reverchon

ITALIEN : LA MACCHINA INFERNALEMalgré l’affirmation ministérielle d’un attachement au plurilinguisme, la carte des langues au lycéese limitera, dans la très grande majorité des cas, à l’anglais, l’espagnol et l’allemand.

Les autres langues vivantes, étrangères etrégionales, telles l’italien, le portugais,par exemple, seront proposées dans très

peu de lycées. Quels élèves choisiront deconsacrer trois heures hebdomadaires à unenseignement facultatif qui ne pèsera presquerien dans le nouveau baccalauréat (contrôlecontinu sans coefficient) ? En outre, de nom-breux collègues devront intervenir dans plu-sieurs établissements ou seront en mesure decarte scolaire.

Mobilisation pour l’italienLe nombre de postes mis au concours danscette discipline connaît depuis deux annéesune chute historique, alors qu’il n’y a pas dedésaffection des jeunes Français pour l’ensei-gnement de l’italien, comme en témoigne unetribune publiée dans Le Monde signée par unensemble d’universitaires « Le ministre del’Éducation nationale prépare l’asphyxie del’enseignement de l’italien ». De nombreusespersonnalités ont signé l’appel en ligne initié

par ce même collectif https://www.change.org/p/jean-michel-blanquer-faut-il-retirer-la-joconde-des-collections-du-louvre. Les présidents E. Macron et S. Matarella sesont rendus à Amboise jeudi 2 mai à l’occasionde la commémoration des cinq cents ans de la

mort de Léonard de Vinci. Le rassemblementdes collègues d’italien qui s’étaient organiséspour manifester a été empêché par le dispositifde sécurité. Effet de sfumato : de l’art d’es-tomper, de rendre invisible toute contesta-tion... n Marc Rollin et Georges Thai

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16 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

ACTUALITÉ

UNION EUROPÉENNE :LES MANDATS DU SNES-FSUAu congrès de Grenoble en 2016, un texte intitulé « Construire uneautre Europe » a été adopté (fiche 13 du thème 3). Extraits.

EUROPE : DUR COMBAT SUR LESCONDITIONS DE TRAVAIL DES ROUTIERSLes principes libéraux, la concurrence fiscale et le dumping social dominent largement lespolitiques européennes. Dans ces conditions, il faut littéralement arracher des avancées sociales.

« Le SNES-FSU se prononce pour une autreEurope, ce qui suppose de s’affranchir destraités européens, une Europe de la solidaritéentre les peuples, de la démocratie, du respectdu développement des services publics, desdroits sociaux et des protections des travail-leurs. Cela peut impliquer des décisions uni-latérales de désobéissance de la part de cer-tains États dès lors qu’elles sont fondées surla coopération entre les peuples européens. »« Le SNES-FSU appelle à la convergence desmobilisations sociales en Europe. La respon-sabilité du mouvement syndical est d’engagerun bras de fer politique et démocratique pourrefuser l’application des mesures contrairesaux intérêts des salariés, oser des rupturespartielles pour ouvrir la crise de la constructionactuelle, oser désobéir et forcer a une rené-gociation et une refondation d’ensemble. »

« Le SNES-FSU refuse l’Europe-forteresse,œuvre a la solidarité des peuples européensenvers les réfugiés et migrants. »

Cette orientation a été confirmée aucongrès du SNES-FSU de 2018 à Rennes,quelques extraits :« Les quelques tentatives d’harmonisation(sociale et fiscale) comme sur l’assiette del’impôt sur les sociétés, ont rarement abouti.Les États ont fait le choix, via le dumpingsocial et fiscal, de la mise en concurrencedes territoires au détriment des solidarités.L’Union européenne tolère les paradis fiscauxquand elle ne les encourage pas. Le SNES-FSU dénonce les traités néolibéraux de l’UEque nous avons déjà rejetés en 2005.La concurrence fiscale est au cœur du sys-tème de l’Union européenne, en particulier

par les pratiques d’évasion et d’optimisationfiscales, pratiquées à grande échelle par denombreux pays européens, qui mettent lesterritoires en concurrence et permettent auxprofits de très grandes entreprises entreautres les GAFAM (Google, Apple, Face-book, Amazon, Microsoft...) d’échapper àl’impôt. Les tentatives pour s’attaquer a cespratiques, comme l’échange automatiqued’informations ou les enquêtes de la Com-mission sur Apple, ont abouti a des demi-mesures vite contournées par le systèmefinancier. » n Benoît Teste

Ces avancées font peu de poids face audogme de la concurrence libre et nonfaussée. Les accords sont difficiles à

trouver car les systèmes sociaux nationauxsont très inégaux, surtout depuis l’élargisse-ment aux pays d’Europe centrale et orientaleau milieu des années 2000. Celui-ci a accrule dumping social, en particulier grâce audétachement des travailleurs. Une circulaireeuropéenne datant de 1996 permettait, eneffet, à une entreprise de faire travailler ses

salariés dans un autre pays tout en restantsoumis aux prélèvements et aux droitssociaux du pays d’établissement de l’entre-prise. Ce dumping met à mal l’emploi et lesdroits des travailleurs locaux.

Nécessaire vigilanceUne nouvelle circulaire de mai 2018 a permisquelques améliorations. Dorénavant, le tempsdu détachement est limité à douze mois (plussix) et les travailleurs doivent être payés au

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moins au salaire en vigueur dans le paysd’exercice (contre au mieux le salaire mini-mum auparavant). Mais les chauffeurs rou-tiers, particulièrement exposés au dumpingsocial, en ont été d’abord exclus.Il a fallu dix-huit mois de négociations spé-cifiques pour qu’un « paquet mobilité » soitadopté par le Parlement européen le 4 avrildernier. Il prévoit : que les chauffeurs desentreprises étrangères soient rémunérés auxconditions du pays d’exercice (sauf s’il s’agitd’une livraison unique bilatérale), que leslivraisons par un routier «  détaché » entreclients du pays (le cabotage) soient limitéesdans le temps, que les chauffeurs aient ledroit au retour toutes les trois à quatresemaines dans leur pays, et qu’ils aient l’in-terdiction de prendre leur repos hebdomadairedans la cabine de leur camion (les patronsdevront leur payer l’hôtel). Mais les fraudesmassives dans son application risquent fortde se poursuivre. Le dispositif « travailleursdétachés » reste un outil de dumping socialà combattre. Preuve que le combat syndicalet politique doit donc se poursuivre. n

Hervé Moreau

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RATTRAPAGE

Congé maladiePour Ambroise Croizat, ministre communiste maître d’œuvre de l’institution de la Sécurité sociale en 1945, il s’agissaitde « mettre fin à l’obsession de la misère et aux incertitudes du lendemain ». Dans ce cadre, le congé maladie estun droit fondamental. Il permet le maintien du revenu en cas d’arrêt de travail pour raison de santé et a été généraliségrâce à la Sécurité sociale.

Supplément au no 787 du 20 avril 2019- US MAGAZINE - 17

90 jours

Congé maladie ordinaireLe congé maladie ordinaire (CMO) permet decumuler sur douze mois consécutifs jusqu’àquatre-vingt-dix jours de congés rémunérés à pleintraitement. Au-delà et jusqu’à neuf mois, on ne perçoit plusde l’employeur qu’un demi-traitement qui estcomplété par des allocations journalières verséespar la mutuelle (généralement la MGEN).Lorsqu’on est couvert par la complémentaire santéde son conjoint, on ne peut bénéficier de cesallocations journalières qu’à la condition d’avoirsouscrit un contrat prévoyance spécifique auprèsd’une mutuelle. n

CLM et CLDLorsque la maladie nécessite un congé supérieur à trois mois,il faut que le médecin demande le passage en congé de longuemaladie (CLM) qui permet de passer à un an à plein traitementpuis deux ans à demi-traitement. Il existe aussi un congé delongue durée (CLD) spécifique à cinq pathologies :poliomyélite, tuberculose, sida, cancer et maladies mentales,rémunéré à plein traitement pendant trois ans puis à demi-

traitementpendant deux ans(aveccomplément dela mutuelle). nPlus de

3 mois

À plein

traitement

Accidents du travailLorsque son incapacité temporairede travail est consécutive à un accidentreconnu imputable au service, à unaccident de trajet ou à une maladiecontractée en service, le fonctionnaireconserve l’intégralité de son traitementjusqu’à ce qu’il soit en état de reprendreson service ou jusqu’à la retraite. Il a droit,en outre, au remboursement des honorairesmédicaux et des frais directemententraînés par la maladie ou l’accident.La durée du congé est assimilée àune période de service effectif. n

Jour de carenceLe jour de carence est le délai pendant lequel un salarié enarrêt maladie ne reçoit ni indemnité journalière ni salaire.Introduit pour tous lesfonctionnaires enjanvier 2012, puissupprimé en janvier2014, l’application d’unjour de carence pour toutnouveau congé maladieest rétablie depuis le1er janvier 2018. En 2013, Marylise Lebranchu, ministre dela Fonction publique parlait d’une mesure « injuste, inutile,inefficace et humiliante » (Les Échos du 20 février 2013). n

Non-titulairesiLes non-titulaires relèvent du régime généralavec notamment trois jours de carence, maissont aussi couverts par des dispositionsparticulières. À partir de quatre moisd’ancienneté : plein traitement durant trentejours et demi-traitement pour les trentesuivants. Après trois ans de service, quatre-vingt-dix jours à plein traitement, puisquatre-vingt-dix jours à demi-traitement.

Les indemnités journalièresversées par les régimes debase se sont élevées à14,5 milliards d’euros en 2017.

Un droit menacéIUn rapport publié en février proposedes pistes inquiétantes pour faire des« économies » : limiter l’indemnité à0,7 SMIC, instaurer un jour de carenced’ordre public (avec interdiction desa prise en charge par conventioncollective ou système de prévoyance)ou favoriser le télétravail des salariésdurant leur arrêt de travail.

Injuste et

humiliant

14,5milliards d’euros

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Logementi

Trois personnes surdix sont mal logéesPrès de 28 % des personnes résidanten France sont confrontées à desdifficultés de logement  : absenced’eau chaude, de salle de bains, detoilettes, de chauffage, fuites, bruit,manque de place… Les ménages les plus jeunes sont lesplus touchés et le mal-logementdiminue avec l’âge, à mesure que leniveau de vie augmente. Les famillesmonoparentales sont particulièrementconcernées, avec des difficultés pourla moitié d’entre elles. 

2 milliards d’€Montant des dons des entreprisesfrançaises au titre du mécénat.

60 à 80milliards d’€Pertes de recettes fiscales dues àl’évasion fiscale des entreprisesfrançaises.

Enquêtei

RémunérationsSelon une enquête de la DREES parueen avril dernier, les personnesinterrogées estiment que la médianedes salaires des personnes quiexercent la même profession devraitêtre de 20 % plus elevée.La moitié d’entre eux estiment queles ouvriers industriels peu qualifiésdevraient gagner 25 % de plusqu’actuellement, tandis que larémunération des PDG devraitdiminuer de 40 %.

Lecturei

Sociologie del’automobileUn ouvrage qui fait la synthèse destravaux de sociologie sur un sujet quisuscite les passions et lescontroverses. L’automobile est vueaujourd’hui à la fois comme unsymbole de réussite et d’autonomieet comme la responsable de dégâtsenvironnementaux et sanitaires. Sontexaminés ici la diffusion historique

de l’automobile, lamassification de sonusage, la diversité descultures et desidentités quil’entourent.

❱ Sociologie del’automobile, Y. Demoli et P. Lannoy,La Découverte.

ECO/SOCIAL

Ces réformes sur la santé destravailleurs ne font pas partiede la liste des réformes

médiatisées fin avril par lePremier ministre et le Président.Des projets existent pourtant etle sujet de la santé au travail estcrucial. Partout dans le monde etchaque année, 2,78 millions depersonnes meurent en raison d’unaccident du travail ou d’unemaladie professionnelle. EnFrance, selon les données duRégime général pour 2017 (sala-riés du privé), on a dénombré641 644 accidents du travail ayantdonné lieu à un arrêt et 878personnes ont perdu la vie enraison soit d’un accident du travailsoit d’une maladie professionnelle.Cette situation n’est pas acceptable et pourtant lesCHSCT sont supprimés dans le privé et leur dis-parition est programmée dans la Fonction publique.Il faut donc être en alerte sur les nouvelles réformesque ce gouvernement envisage.

Simplifications et assouplissementsrisqués pour la santé au travailDans le privé, depuis fin août, les partenairessociaux étaient en attente du lancement d’une véri-table négociation qui pourrait déboucher sur unaccord qui se déclinerait en évolutions législativeset réglementaires. Mais avec la lettre de cadraged’avril, le gouvernement souhaite les confiner àune simple discussion dans un cadre strict prenanten compte deux rapports récents. Le rapport dit« Lecocq », sur le système de prévention, proposenotamment de créer un « guichet unique » pourles entreprises, en fusionnant l’ANACT( 1 ),l’OPPBTP(2) et l’INRS(3) dans une nouvelle entitéau niveau national – France Santé Travail – quipiloterait, dans une relation contractuelle, des struc-tures régionales privées intégrant les servicesactuels de santé au travail inter-entreprise (SSTI)et les agents des CARSAT(4). Ces derniers conser-veraient leur mission de conseil aux entreprisesmais perdraient leurs prérogatives de contrôle. Cerapport propose aussi de supprimer le documentunique d’évaluation des risques (trop complexe !),de limiter les obligations des plus petites entreprisesà la prévention des risques majeurs et de recentrerla médecine du travail sur la prévention de la désin -sertion professionnelle, le maintien dans l’emploiet le suivi individuel.

La chasse aux congés maladiePlus récent, le rapport Bérard-Sellier-Oustric surles arrêts de travail contient des mesures qui pour-

raient être débattues, mais sa philosophie globalen’est pas acceptable. Il est clairement indiqué parles rapporteurs que « l’essentiel des mesures pro-posées ont vocation à contribuer à la maîtrise desdépenses ». 22,5 % des indemnités journalièressont certes liées à un accident du travail ou unemaladie professionnelle : renforcer les contraintessur la sécurité au travail ne serait donc pas unluxe. Mais c’est surtout la chasse aux arrêts –considérés comme abusifs – et une redéfinitiondes règles d’indemnisation des arrêts longs qui estprônée. Il est même précisé que les dispositifsd’indemnisation doivent avoir pour objectif lareprise du travail ; à l’encontre des principes fon-dateurs de la Sécurité sociale. Or, l’augmentationdes dépenses en indemnités journalières est engrande partie liée aux réformes successives desretraites qui augmentent le nombre de salariés deplus de 60 ans en emploi (quand ils le peuvent) :leurs arrêts de travail durent en moyenne 24 joursde plus par an que ceux des personnes de 55 à59 ans. Avec ces données les proies sont toutestrouvées, surtout si le plafonnement des indemnitésjournalières à 0,7 SMIC recommandé par ce rapportest mis en œuvre.La Fonction publique n’est pas oubliée : MmeLecocq est missionnée pour mener à son sujet uneréflexion analogue et son rapport préconise« qu’une mission spécifique à la problématiquedes arrêts de travail dans la Fonction publiquesoit engagée, à la suite de leurs travaux ». n

Hervé Moreau

1. Agence nationale pour l’amélioration des conditionsde travail.2. Organisme professionnel de prévention du bâtimentet des travaux publics.3. Institut national de recherche et de sécurité.4. Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.

SANTÉ AU TRAVAIL

Les droits des salariés menacésLes liens entre santé et travail sont au cœur de «  discussions  » engagées par les partenairessociaux du privé, avec en ligne de mire une réforme des dispositifs et des droits en santé autravail et de congé maladie.

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

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Lecturei

Histoire dela Silicon ValleyUn ouvrage passionnant et utile quiraconte l’histoire de la Silicon Valleyet de ses entrepreneurs devenusmilliardaires, en pointant les relationsintimes qui existententre ces acteurs dela nouvelleéconomie etl’idéologie libérale,voire libertarienne.Le monde de laSilicon Valley n’estpas un monde departage, il s’y prôneau contraire unindividualismeféroce qui se donne pour objectif desupprimer l’État et de le remplacerpar une gestion scientifique ettechnologique des affaires humaines.❱ The Valley, Une histoire politique de laSilicon Valley, Fabien Benoît, Les Arènes

88%Selon une enquête de la DREES, 88 %des Français s’opposent à la baissedes retraites.

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Travail gratuitMaud Simonet est sociologue. Elle atravaillé sur le bénévolat, le« workfare » (la contrepartie imposéeaux États-Unis aux bénéficiaires del’aide sociale), et plus récemment surle « digital labor ».Elle nous livre, en àpeine 150 pages, uneréflexion riche surune « nouvelle »exploitation dutravail : quand letravail n’est pasrémunéré maispourtant produitdes richesses qui nebénéficient pas à ceux quiles produisent.En réalité, la question n’est pasnouvelle, loin de là. La réflexion deM. Simonet a, en effet, le très grandmérite de partir des débatsféministes des années 70 sur letravail domestique et la nécessité, ounon, de revendiquer sa rémunérationsous la forme d’un revenu spécifique.Cet apport est essentiel car il fournità l’auteure une grille d’analysedu travail gratuit et sa nécessaireréappropriation.❱ Travail gratuit : la nouvelleexploitation ?, Textuel, Maud Simonet.

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 19

Après-guerre commence une importante vaguede nationalisations, qui touche les secteursstratégiques de l’économie : énergie (gaz,

électricité et charbon), banques, compagnies d’as-surances, transport aérien. L’idée est alors decontrôler directement les entreprises concernéesafin de permettre la reconstruction économique.Le programme du Conseil national de la Résistanceprévoyait en effet le « retour à la nation de tousles grands moyens de production monopolisés,fruits du travail commun, des sources d’énergie,des richesses du sous-sol, des compagnies d’as-surances et des grandes banques ». Les nationali-sations reprennent au début du premier septennatde François Mitterrand : grandes entreprises indus-trielles en difficulté que l’État prend sous son aileafin de les sauver (Rhône-Poulenc, Pechiney ouencore Usinor-Sacilor) et plusieurs banques (Créditdu Nord, Crédit commercial de France...).Le retournement intervient dans les années 1980,l’idéologie du marché s’est désormais imposée et,avec elle, l’idée selon laquelle le marché et l’en-treprise privée sont plus efficaces que la régulationpublique. À partir de 1986 et l’Acte unique euro-péen qui programme la privatisation des servicespublics de réseau, tous les gouvernements qui sesont succédé ont adhéré à cette doxa. Certainesentreprises ont été vendues dans leur totalité à desactionnaires privés, d’autres de façon partielle. Lavague de privatisation a seulement ralenti après lacrise économique de 2008, la chute des cours bour-siers les rendant peu rentables.

Aéroport à vendreLa loi Pacte votée en avril dernier poursuit la ventede ce qui reste du patrimoine de l’État. La partici-pation publique dans le capital d’Engie et dans celuide la Française des Jeux vont diminuer. La loi acteaussi la privatisation d’Aéroports de Paris, entreprisequi était détenue à 50,63 % par l’État. Cette ventepourrait faire rentrer une dizaine de milliards d’eurosdans les caisses de l’État. Une bonne affaire ? Sansdoute pas, puisque l’entreprise rapporte davantageaujourd’hui que ce que le placement de cette sommepourrait permettre de gagner. L’État actionnairereçoit en effet entre 120 et 130 millions d’Eurospar an de dividendes de la part d’ADP. La bonneaffaire sera surtout pour ceux qui vont acheter lesactions d’ADP. Quant à compter que les futursactionnaires feront les investissements nécessairesà la valorisation de l’entreprise, rien ne le garantit.On peut même craindre que ce ne soit pas du toutle cas, comme pour l’aéroport de Toulouse-Blagnac,dont 49,9 % des parts ont été vendues à un groupechinois qui souhaite aujourd’hui se désengager et

a décidé de verser 100 % des résultats de l’entrepriseen dividendes aux actionnaires pour les cinq ans àvenir, donc de ne réaliser aucun investissementdans les infrastructures !

Un « coup d’avance » dans la mondialisationL’État, en accordant ainsi une « concession d’ex-ploitation » des aéroports parisiens à une entrepriseprivée (Vinci ?), tout en conservant la propriétédes pistes et des bâtiments, lui délègue une « rentede monopole » qu’il tentera de contrebalancerpar un « cahier des charges » contraignant l’entre-prise à des investissements, dépenses d’entretien,tarifs... Mais, de ce contrôle public, on sait ce qu’ilen est advenu dans le secteur des autoroutes. Lerapport tend à s’inverser  et ce sont les grandesentreprises concessionnaires de services publicsqui, aujour d’hui, dictent leur loi à des États pris àleur propre piège. Au-delà de gains budgétaires immédiats, la priva-tisation vise surtout à renforcer la compétitivité degrands groupes industriels et commerciaux natio-naux, à leur donner un coup d’avance dans la spé-cialisation et la privatisation d’autres aéroportseuropéens que la France tentera ensuite d’imposerdans le cadre de l’Union européenne. La France ne fait que reproduire ce que d’autrespays ont fait pour le rail, l’énergie, la téléphonie... n Clarisse Guiraud

PRIVATISATIONS

Entreprises publiques, uneespèce en voie de disparition ?Bruno Le Maire a décidé de lancer une nouvelle vague de privatisations, comprenant Aéroportsde Paris et la Française des Jeux. C’est loin d’être une nouveauté et on finirait presque pars’habituer à voir le patrimoine public passer dans les mains d’actionnaires privés.

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ECO/SOCIAL

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

47,1millionsEn avril 2019, 47,1 millions depersonnes sont inscrites sur leslistes électorales françaises,dont 1,3 million sur les listesconsulaires. Conséquence du baby-boom del’an 2000, le nombre de jeunesinscrits d’office sur les listesélectorales a fortementaugmenté en 2018. Sur leterritoire national, 93  % desFrançais en âge de voter sontinscrits sur les listes. 331 000électeurs ressortissant d’unautre État membre de l’Unioneuropéenne sont inscrits sur aumoins une des deux listescomplémentaires descommunes.

Chômagei

Les séniorsplus touchésLe chômage a baissé enmars 2019 mais pas pour tout lemonde. Environ 1,4 million deplus de 50 ans sont chômeurs.2,17 % de plus qu’il y a un an etpresque trois fois plus qu’il y adix ans. Ce sont en effet les plusâgés qui ont davantage souffertde la crise. Et cela a peu dechances de s’améliorer avecles procédures de ruptureconventionnelle collective,prévues par la nouvelle loitravail. Celles-ci dispensent lesentreprises de respecter descritères contraignants d’ordrede départ, obligatoires en casde plan social. Ces dispositionsprotégeaient les travailleursâgés. Ils ne le sont plus et il n’ya plus d’obstacle pour lesentreprises qui souhaitentrajeunir leurs effectifs…

55%Selon l’enquêtede la DREES,en 2018, 55 %des retraitéssont pessimistesau sujet deleur avenir. En 2017,ils n’étaientque 43 %dans ce cas…

RÉFLEXION SUR LES INÉGALITÉS ET LA MONDIALISATION

Un éléphant, ça trompe ?Branko Milanovic, économiste en chef de la Banque mondiale de 1993 à 2001, a voulu interpréter, comprendre la montée des inégalités à l’intérieur de chaque pays comme entre les pays et les conséquences politiques qui en résultent.

Dan Inégalités mondiales, sous-titré (tout unprogramme) Le destin des classes moyennes,les ultra-riches et l’égalité des chances, il a

construit la « courbe de l’éléphant », reproduitesur la page de couverture de l’ouvrage et qui estdevenue une référence. Sa force : résumer en unseul graphique la distribution mondiale des revenusentre 1988 et 2008, années de « mondialisationintense », dixit l’auteur. Le constat porte sur l’essorde la «  classemoyenne » mondiale,la stagnation desrevenus de la classemoyenne des paysdéveloppés et lahausse impétueusedes revenus des « toppercentiles », soit les1 %, voire les 0,1 %les plus riches de lapopulation mondiale.

Classe moyennePour éviter les erreursd’interprétation, il fautsouligner que l’essordes classes moyennes,surtout dans les paysd’Asie – la Chine etl’Inde en particulier –,est la traduction de lasortie de la pauvreté dueà la croissance écono-mique. Là gît une ambi-guïté. Branko Milanovicne définit les classesmoyennes que par lerevenu. Dès que ce re -venu est supérieur à celuide la pauvreté absolue –au-dessous de 1,90 dollarde revenu par jour et parhabitant –, soit le début de la courbe de l’éléphant,on entre dans la classe moyenne inférieure.Par ailleurs, il manque, faute de données, l’analysedes conséquences de l’entrée dans la crise systé-mique en 2007-2008. La réduction des inégalitésest une réalité à partir de 2009 qui s’explique parle fait que la réduction des gains des ultra-richesprovient, pour l’essentiel, de la spéculation finan-cière. Mais très vite, les leçons de la crise sontoubliées par les gouvernants et le revenu des 1 %les plus riches recommence à progresser.Globalement, Milanovic propose une lecture dela mondialisation via le prisme des inégalités mon-diales : effet bénéfique pour les pays émergents,surtout ceux d’Asie, effet néfaste pour les popu-lations des pays développés. Il insiste plus encore

sur la croissance qui permet de faire monter tousles revenus et de dissimuler les inégalités. Il essaie, dans le même temps, par le biais duconcept de «  rente de citoyenneté  » de rendrecompte de la permanence des migrations. Si lescitoyens des pays développés ont des conditionsde vie supérieures à celles des pays de la périphérie,il est logique de vouloir rejoindre cet éden. C’est

sans doute une descauses mais pas la seule.Les mutations clima-tiques, les guerresjouent aussi un rôleessentiel. Les migra-tions, une des consé-quences du bascu -lement du monde,sont révélatrices descrises qui secouentnos sociétés.

CroissanceheurtéeSur le plan théorique,il forge le concept de«  vagues de Kuz-nets » pour offrir uncadre de compréhen-sion de la hausse etde la baisse des iné-galités, pour déter-miner les conditionsqui permettraient dediminuer les inéga-lités. La démonstra-tion n ’ e m p o r t ep a s l’adhésion.Parce que le capi-talisme a toujourseu une «  crois-sance heurtée »

ponctuée par des crises qui posent la question dechangements fondamentaux dans les modes d’ac-cumulation du capital. Il reste que la thèse présentée ne se limite pas àson sujet. Il donne, à la suite d’Hobson et deLénine, les raisons impérialistes de la guerre de1914-1918, une interprétation des grands auteurs,Adam Smith en particulier et même des auteursde la littérature.Une des grandes conclusions tient à l’injusticepremière du lieu de naissance qui ouvre un granddébat politique sur la liberté de circulation. Cen’est pas le moindre des mérites de ce livre. n

Nicolas Béniès

• Inégalités mondiales, Branko Milanovic, traduit parBaptiste Mylondo, La Découverte.

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DOSSIERLes emplois de service

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 21

Le secteur dit «  tertiaire »est large et diversifié.

Il renvoie à une multitudede « sous-secteurs »

articulés autour du tertiairemarchand (commerce,

transports, activitésfinancières, services rendus

aux entreprises et auxparticuliers, hébergementrestauration, immobilier,

information communication)et du tertiaire non marchand

(administration publique,enseignement, santé

humaine, action sociale).

Coordination : Valérie Sipahimalani et Thierry Reygades. Dossier réalisé par : Simon Bach, Sylvie Obrero, Thierry Reygades, Christine Teullière

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Formations etqualifications tertiaires

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Parmi les pays européens, c'est en France que le poids du tertiaire est le plus élevé. Depuistrente ans, plus de 5 millions d’emplois ont été créés dans ce secteur. Selon la DARES,d’ici 2022, les métiers du tertiaire représenteraient 94 % des créations nettes d’emplois,avec 1,6 million de postes de travail créés.C’est aussi un secteur qui connaît de profondes mutations en raison d’évolutions technolo-

giques, mais aussi démographiques et socio-économiques. Les attentes sont fortes, qu’il s’agisse dusecteur marchand ou non-marchand, en particulier dans le domaine sanitaire et social.La production de services est devenue plus complexe et nécessite des qualifications de plus en plusspécifiques ; produire un service exige en effet la maîtrise de nombreuses compétences propres auxdifférents métiers du secteur. Le développement de séries technologiques tertiaires au sein du systèmeéducatif a été un véritable appel d’air au regard de ces besoins. Un bachelier sur cinq est un bacheliertechnologique et, parmi eux, plus des deux tiers sont issus des séries des services. Pourtant, force est de constater aujourd’hui l’essoufflement de ces formations. La part des effectifs dela voie technologique diminue en particulier dans les séries des services. Contrairement aux séries dela production, ces dernières n’ont pas connu de redressement de leurs effectifs à la suite des réformesde 2012. Il y a donc un paradoxe entre des besoins forts présents et à venir, quantitatifs et qualitatifs,dans la production des services et des formations qui sont en perte de vitesse.Relever le défi de formations technologiques à la hauteur des enjeux et des attentes sociétales est unobjectif stratégique qu’il convient de viser. Ce dossier a pour ambition de présenter ces enjeux.

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Les emplois de service

Les trois sériesde services

STHRCette série permet de former dansle secteur de l’hôtellerie-restaurationen particulier dans le cadre d’unepoursuite d’études en BTS. Elle offredes opportunités intéressantesen permettant à des élèves de la voieprofessionnelle d’être intégrésen Première STHR.Effectifs : 5 117 élèves et 2 311 bacheliers.

STMGElle couvre les champs spécifiquesde la communication et des ressourceshumaines, du commerce, des systèmesd’information et de la comptabilité-finance. Elle draine les plus gros fluxdes bacheliers technologiques.Effectifs : 146 043 élèves et59 278 bacheliers.

ST2SElle est particulièrementnécessaire face au développementdes métiers propres aux secteurssanitaire et social. Enseignants etprofessionnels s’accordentsur la nécessité de diplômésdu supérieur dans ce domaine. Effectifs : 48 411 élèves et20 807 bacheliers.

Depuis une vingtaine d’années, la réalitévécue par les professeurs est celle d’unedétérioration des conditions de travail.

Les difficultés mises en avant par les pro-fesseurs tiennent essentiellement à une réduc-tion des moyens horaires et des contenusplus généralistes mis en place à la suite desréformes de 2012 en STMG et ST2S.Pour autant, les professeurs ont marqué leurvolonté de continuer à faire réussir leurs élèvesen poursuivant des pédagogies actives. Lestaux de réussite des élèves des séries techno-logiques tertiaires ont rejoint ceux de la voiegénérale en se situant au-dessus de 86 %(1).

d’élèves que ces séries ont fait réussir durantdes décennies, y compris au-delà du bacca-lauréat. n

(1) Note d’information DEPP n° 18.03, mars 2018.(2) https://www.snes.edu/Enquete-Voie-technologique-du-SNES-FSU-les-resultats.html.

Des séries particulières

À la recherche d’un nouveau souffleLe recul des séries des services est principalement dû à la perte d’attractivité de la série STMG. Celle-ci draine cependantencore plus de 70 % des effectifs des séries tertiaires et presque un élève sur deux de la voie technologique est en STMG.

Bénédicte a obtenu son bac STMG Mercatique en 2014. Titulaire d’un DUT, puisd’une licence générale Information-Communication, elle voyage depuis plusieurs mois pourapprendre l’anglais. Elle envisage une reprise d’études en master en septembre 2019.«  Le bac STMG m’a permis d’être acceptée en DUT plus facilement que si j’avais fait un autrebac car les DUT recrutent une grande part de STMG.À l’IUT où je me suis retrouvée avec des S, ES, L, je n’ai jamais eu le sentiment d’être “inférieure”venant de STMG où tout s’est très bien passé également. J’avais envoyé ma candidature pourla licence à Paris Sorbonne, Lyon 2 et d’autres et j’ai été acceptée partout. Ce que j’ai aimédans ce parcours ce sont les matières : droit, management, mercatique qui sont très intéressantes.Cela m’a motivé à travailler. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la STMG n’est pas “superfacile”, il faut travailler tout comme dans les autres filières. »

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L’évolution des effectifsen séries technologiques entre 1994 et 2017

« PAROLE DE PROF » SURLA RÉFORME CHATEL (2012) «  La valorisation de notre filière STMG estencore difficile à réaliser dans les faits.Trop de passages se font par la négativeen conseils de classe [...]. Commentdès lors informer et prendre encompte le projet de l’élève ? Les parentsaussi méconnaissent les poursuites d’études.Nous maintenons en zone sensible noseffectifs à 30 par la lutte ; mais jusqu’àquand ? Notre réforme demeure, en dépitde nos actions, trop méconnue et l’imageSTG (comme le sigle) persiste dans de tropnombreux discours.  »

Contrairement aux discours ministériels suc-cessifs, la dégradation n’est pas un problèmepédagogique du « travailler autrement ». Laquestion des moyens est au contraire au cen-tre de la mise en œuvre des démarches tech-nologiques qui ont permis ces réussites.

Une pression à leverLes problèmes de gestion de classe enSTMG sont ressortis fortement de l’enquêteréalisée par le SNES-FSU(2) auprès des pro-fesseurs dans le cadre du bilan de la dernièreréforme. Les enseignants remettent en cause l’orien-tation par défaut en fin de Seconde quidébouche sur des classes de plus en plus hété-rogènes. Ils notent une charge de travail quis’accroît : missions des professeurs principaux,charges administratives, de conseil à l’orien-tation, de gestion de la discipline... Ils récla-ment de pouvoir se concentrer sur le cœurde leur métier : la pédagogie et ses approchesspécifiques aux séries tertiaires.C’est à cette condition que les difficultés dequelques élèves éviteront de s’élargir à d’au-tres dans la classe. Elles sont à l’origine d’unressenti négatif, tant pour les collègues quepour les élèves, qu’il faut combattre.Les enseignants attendaient une réforme quitraite ces difficultés. C’est loin d’être lecas  avec la réforme qu’on nous impose !Elle renvoie une image ternie qui ne reflètepas la réalité : celle du nombre important

1. Séries STT/STG/STMG, SMS/ST2S, STD2A, TMD, STHR.2. Séries STI, STI2D, STL, STAE/STPA/STAV.À titre de comparaison, en 2017, on dénombrait 37,2 %des effectifs en série S, 24,3 % en ES et 10,7 % en L.

Séries des services(1)

Séries de la production(2)

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Répartitionhommes/femmes

Post-bacEn 2015, 84 % des diplômésdes écoles paramédicaleset sociales sont des femmes.Les femmes sont majoritairesdans les BTS de services(63 % en 2015).

Assignationsexuelle ?La part des filles en STMG estéquivalente à celle des autres filières.Mais si elles ne constituent que 7 %des effectifs de la série industrielle,elles sont massivement représentéesen ST2S (88,2 %) en 2017.

Dans l’emploiLes femmes sont trèsmajoritairement représentéesdans le secteur tertiaire : 87,8 %des femmes employées le sontdans le secteur tertiaire contre64,6 % des hommes. En 2015,les femmes représentaient55,7 % de l’emploi total dansle secteur tertiaire.

Contenus de formation

Organisation originale des enseignementsSelon la série, les technologies étudiées sont différentes, mais ces formations ont toutes en commun d’amener

le jeune à acquérir un niveau général de culture et une expertise dans un domaine technologique spécifique.

La construction des séries combine descontenus disciplinaires de culture géné-rale (français, philosophie, histoire,

langues, mathématiques...) avec des disci-plines « d’appui » correspondant aux spéci-

ficités de la série : plutôt scientifiques enST2S (biologie et physiopathologie humainespar exemple), plutôt économiques et mana-gériales en STMG, la série STHR puisantdans les deux.

Une construction cohérenteÀ cela s’ajoute une dominante souvent pluritechnologique qui forme le ciment etle cœur de la formation. Les contenus àenseigner dans les disciplines technologiquesont été repérés à partir de l’analyse des tech-niques mises en œuvre dans les activitésproductives de services : techniques sanitaireset sociales en ST2S, techniques de gestionrelatives aux différents champs profession-nels des RH, de la comptabilité-finance, dela mercatique en STMG, techniques culi-naires et des services en STHR.Cette construction cohérente de la formation

Les élèves partent le plus souvent desituations réelles des services. En ana-lysant leur démarche et en contextua-

lisant les techniques utilisées, les élèves fontémerger des connaissances sur un conceptdu programme. Par exemple, une mise ensituation dans le cadre d’une activité de com-munication interpersonnelle ne vise pas lesmêmes acquisitions et n’utilise pas les mêmestechniques selon qu’elle se situe dans ledomaine sanitaire et social, de la gestion desressources humaines...

Le projet de TerminaleCes mises en activités préparent l’élève à ladémarche de projet qui les amène à articuleret analyser différentes activités de services,

à mettre en œuvre différentes techniquespour résoudre une problématique.Le projet fait l’objet d’une évaluation à lafois en CCF au cours de l’année et en ponc-tuel en fin de Terminale. Il est mené engroupe et individuellement. Cette doubleapproche est un atout, car elle permet decombiner la mutualisation des savoirs entreles membres du groupe et un travail indivi-duel sur une partie du projet. Un découpagecohérent des activités et leur répartition entreles membres du groupe doivent être penséscollectivement en fonction du projet et dela problématique à laquelle il faut répondre.Des concertations sont nécessaires au seindu groupe au cours de l’avancement du pro-jet. Le projet nécessite donc de développer

des compétences organisationnelles, en auto-nomie et travail d’équipe.Le projet a un atout essentiel dans ladémarche pédagogique active. Il permet un«  double sens dans les apprentissages  » :partir d’une réalité concrète pour acquérirdes connaissances, mais aussi tester la maî-trise d’autres connaissances nécessaires pourrésoudre un questionnement. L’originalitéde ce dispositif réside dans le fait que cedouble mouvement peut être réalisé simul-tanément. Le projet permet donc de faireémerger de nouveaux savoirs à partir desituations concrètes. n

Pédagogie

Démarches spécifiquesLes technologies peuvent être multiples en fonction du champ couvert

mais la démarche technologique reste spécifique.

Solène a obtenu son bacSTMG Mercatique en 2017. Elle est actuelle-ment en 2e année de CPGE Économique etCommerciale.«  Lorsque je suis sortie du collège, j’avaispour objectif d’intégrer la filière STMG. Pour-quoi cette filière ? Depuis jeune, j’aime lerelationnel, apporter de l’aide, motiver lespersonnes, être à la tête d’un groupe et résou-dre des problèmes concrets. En STMG, j’aiappris à analyser des documents, à appliquerune méthodologie. J’ai aimé l’enseignementconcret. Cela m’a apporté une vision globalede l’entreprise sous ses différents aspects. »

Témoignage

permet une égale reconnaissance de l’aspectformateur de contenus dits « professionnels »avec ceux dits « généraux », leur articulationet complémentarité. Elle favorise la citoyen-neté et la poursuite d’études.Mais les contenus technologiques font pardéfinition l’objet d’évolutions rapides etnécessitent d’être réinterrogés en perma-nence. Les démarches spécifiques d’appren-tissages répondent à cette nécessité. n

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Le projet permet de faireémerger de nouveaux savoirs

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Poursuites d’études

Le baccalauréat et après ?Le baccalauréat reste le diplôme permettant l’accès à l’enseignement supérieur en France.

Avec deux possibilités : les études supérieures courtes et longues.

On peut noter des différences d’approchedans la poursuite d’études selon le typede baccalauréat. Les bacheliers ST2S

et STHR ont intégré ces formations avec leplus souvent un projet précis qui motive leurpoursuite d’études éventuelle, ce qui n’estpas toujours le cas des élèves de STMG.Cependant, la part des bacheliers de cettesérie est majoritaire dans la poursuite d’études.

Quels choix après un bac STMG ?Les études supérieures courtes se partagententre les DUT et les BTS. À la rentrée 2017,les effectifs des DUT sont en légère aug-mentation (+ 0,2 %), quand ceux des BTSrégressent de 0,3 %. Les études supérieureslongues intègrent le processus LMD (Licence-Master-Doctorat), qui s’effectue dans les UFRdes universités. Les effectifs des étudiants ins-crits dans un cursus LMD sont en progressionde 1,4 %. Les classes préparatoires auxgrandes écoles (CPGE) permettent de prépareren deux ans un concours d’entrée en grandeécole. La CPGE est choisie par 1,7 % desbacheliers STMG essentiellement en filièreéconomique et commerciale où leur partapproche les 10 %.Les filières d’études supérieures courtes etlongues restent le cas le plus fréquent pourune poursuite d’études des bacheliers tech-nologiques STMG. En effet, 81 % des nou-veaux bacheliers STMG sont inscrits dansl’enseignement supérieur, en majorité (à hau-teur de 44 %) en Section de techniciens supé-rieurs (STS). À ce chiffre, il est nécessaired’ajouter les bacheliers STMG qui se réorien-tent vers une autre STS. À la rentrée 2017,18,2 % des effectifs composant les STS Ser-vices ont une autre origine que celle du bacgénéral, technologique ou professionnel. Ilsviennent soit de l’Université, soit des IUTou d’une autre STS.

Les bacheliers technologiques STMG com-posent 22 % des effectifs des DUT de ser-vices. En revanche, contrairement aux STSservices, ce chiffre correspond aux nouveauxentrants et n’évolue pas en ajoutant d’éven-tuelles réorientations. On peut donc penserque les nouveaux bacheliers tentent plus leurchance en DUT voire en cursus LMD à lafin de leur scolarité prébac. Et, en cas d’échec,se réorientent massivement vers une STS.

En ST2S : moins de poursuite d’études Presque un bachelier ST2S sur deux ne pour-suit pas d’études. L’offre postbac spécifiqueaux métiers de la santé et du social – si elleest limitée quantitativement – est cependantriche : elle comprend les formations BTS etDUT (économie sociale et familiale, service

et prestations des services sanitaires etsociaux, carrières sociales...), des formationsd’écoles spécialisées du secteur paramédicalet social (éducation spécialisée, assistant deservice social...), des formations de secrétairemédicale, des formations universitaires géné-rales (sanitaire et sociale, psychologie, socio-logie...) vers lesquelles se dirige la majorité(un bachelier ST2S sur quatre). n

Focus sur les formationsde l’hôtellerie-restaurationIl existe plus de vingt diplômes qui préparentaux métiers de la restauration. C’est unefilière qui offre des opportunités dans ladiversité des métiers auxquels elle prépare :cuisine, services, commercialisation,management… Mais elle est aussi unformidable levier de promotion sociale. Lafilière permet en effet l’acquisition dequalifications de plus en plus élevées grâceà une palette de formations préparant à desdiplômes du CAP au master en passant parle BTS et les licences professionnelles dessecteurs de l’hôtellerie et du tourismedélivrées par les universités. Le baccalauréattechnologique STHR qui propose une approchedes différents champs propres aux métiersde l’hébergement et de la restauration estun maillon essentiel de cette filière.

Une meilleure réussite en STS qu’en DUTEn STS, le taux de réussite global est de 80,4 % sous statut scolaire (76 % sous statut d’ap-prentissage). Mais, en fonction du diplôme initial, les taux de réussite diffèrent. Les bacheliersSTMG sont 76,7 % à réussir le diplôme en deux ans, tandis que, les bacheliers professionnelsdes domaines des services sont 59,2 % à le faire. Les bacheliers généraux sont 87,2 % àréussir le BTS en deux ans. Les taux de réussite des BTS des quatre grandes spécialités du bacSTMG vont de 70 % (comptabilité et gestion) à 75 % (commerce, vente, finances, banques,assurance). En DUT, les taux de réussite sont inférieurs. Les bacheliers STMG sont 59,6 % àréussir le DUT en deux ans et 69,2 % en trois ans. Le constat est le même pour les bacheliersprofessionnels et pour les étudiants issus de la voie générale : 53 % des titulaires d’un bac provalident le DUT en trois ans, contre 83,4 % pour les bacheliers généraux.

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Poursuite d’études après le bac STMG Poursuite d’études après le bac ST2S

Des poursuites d’études plus nombreuses et diversifiéesen filière STMG qu’en filière ST2S

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Emploi tertiaire

Perspectives et mutationsLe tertiaire est constitué d’une myriade de métiers dont la diversité reflète le rôle majeur que joue ce secteur dans

l’économie nationale. Tour d’horizon des évolutions qui impacteront les emplois tertiaires dans les prochaines années.

Les métiers du commerce et des services,notamment de la santé et des servicesaux personnes, devraient connaître un

développement continu alors que les emploisadministratifs de la Fonction publique et lesemplois de secrétaire connaîtraient un netrepli. La proportion de postes à pourvoir dansle commerce et l’hôtellerie, restauration, ali-mentation se situerait autour de la moyenne,mais les recrutements resteront nombreuxdu fait d’un important turnover, dû à desconditions salariales, horaires ou d’activitésouvent difficiles.Le niveau de diplôme des personnes enemploi ayant terminé leurs études initiales afortement progressé en trente ans. Alors qu’audébut des années 1980 plus de la moitié nedétenait aucun diplôme, en 2012-2014 huitsur dix en ont un.

Le défi de l’élévation des qualificationsLes diplômes du supérieur (bac +3 ou plus),relativement rares au début des années 1980,constituent désormais le deuxième niveau dediplôme le plus fréquent : ils sont détenuspar 20 % des personnes en emploi. Maisl’élévation du niveau de diplôme des per-sonnes en emploi s’est poursuivie à un rythmeplus rapide que la montée en qualificationdes emplois. La DARES évoque « une trans-formation des normes de qualification »(1). Malheureusement, la montée des besoins enmétiers liés aux services à la personne n’estpas suffisamment reconnue, notamment dansl’aide médicale et sociale.Les travaux de recherche prévoient qu’aprèsles transformations profondes du secteurindustriel, les machines pourraient à l’avenirexercer la moitié des métiers du secteur desservices. Il serait plus juste de parler d’évo-

lution des métiers et des compétences commepar exemple pour les métiers de l’informa-tique. Ces métiers sont identifiés parmi lesplus créateurs d’emploi en France à l’horizon2022. Toutefois leur contenu et les compé-tences nécessaires pour les exercer sont déjàen pleine évolution. Les « data-miner », parexemple, sont des informaticiens dotés desolides compétences en mathématiques et ene-commerce(2).

L’impact du numériqueDans le domaine de la gestion et de l’ad-ministration des entreprises, le niveau desdébutants n’a cessé de progresser. De nom-breux facteurs ont contribué à élever leniveau de qualification et à enrichir lecontenu de ces emplois : le développementdes outils informatiques et de la communi-cation, l’essor du travail en projet, l’alour-dissement du cadre réglementaire tant dansle domaine des ressources humaines quedans les fonctions comptables. En outre, denouvelles missions de médiation ont étéconfiées aux employés administratifs (orga-nisation de conférences, communicationavec l’équipe de travail...).Dans le domaine de l’informatique, l’évo-lution est contrastée selon les familles pro-fessionnelles. Les techniciens et les ingé-nieurs devraient bénéficier de perspectivesd’emploi favorables : besoins croissants enexpertise, développement de la demandede services, de produits et systèmes com-plexes (informatique décisionnelle, com-munication collaborative, virtualisation dessystèmes...). Les effectifs d’employés etopérateurs de l’informatique devraient resterstables. Dans les prochaines années, lescompétences en management de projet et

en conseil devraient être de plus en plusrecherchées.Le domaine du commerce devrait connaîtredes transformations profondes, déjà à l’œuvreavec le développement de la vente en ligne(e-commerce, e-business) ou la diffusiondes technologiques numériques dans lagrande distribution et dans le commerce degros. Les mutations en cours dans les acti-vités commerciales devraient faire évoluerles compétences exigées dans ces métiers,avec notamment une plus grande mobilisa-tion des technologies de l’information et dela communication au service de la relationclients.Globalement, en 2016, les jeunes sortisrécemment de formation initiale travaillentun peu plus dans le secteur tertiaire que l’en-semble des actifs occupés sortis depuis unan ou plus de formation initiale. Ils ont leplus souvent un emploi dans les activitésscientifiques et techniques de l’informatique,ou l’hébergement-restauration. En revanche,l’administration publique occupe une placeplus réduite parmi l’emploi des jeunes sortantstout comme les services de transports. n

(1) DARES n° 003, janvier 2017, « Une hausse duniveau de diplôme qui transforme les “normes dequalification” ».

Les spécialités en STS et IUTles plus choisies

Pour les STS qualifiées de services, les fluxles plus importants concernent les métiersdu commerce et de la vente, de la comptabilitéet de la gestion, du secrétariat et de la bureau-tique, et de l’informatique. Il est frappant deremarquer qu’il s’agit des quatre grandes spé-cialités préparées par les bacheliers STMG(Mercatique, Ressources Humaines et com-munication, Gestion et finance, et Systèmesd’informatique de gestion). Ce constat peutégalement s’effectuer pour les grandesfamilles de DUT. Les bacheliers intégrant unIUT choisissent : Gestions des entreprises etdes administrations, techniques de commer-cialisation et informatiques. On y retrouve denouveau les quatre grandes spécialités dubaccalauréat STMG. Autre constat : plus de lamoitié des effectifs (56 %) de DUT alimententles deux grands DUT de services à savoir, Ges-tion des entreprises et des administrations,et techniques de commercialisation.

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Les emplois de service

La licence professionnelle a cependant été bien accueillie en 1999par les entreprises. Elle était perçue comme spécialisant, sur desmétiers ou des secteurs précis, des jeunes sortant d’une formationBTS ou DUT, jugée très généraliste ; elle était également unterrain pour la formation en alternance. Le passage du DUT entrois ans (rapport Germinet sur le post-BAC) ne fait qu’entérinerune pratique de la poursuite d’études post-DUT, qui concerne,depuis plus de dix ans, la quasi-totalité des cohortes, alors que

les besoins des entreprises n’ont pas autantévolué, en termes de niveau de qualificationattendu. Il est à craindre que cet effet « d’as-piration par le haut » ne conduise prochai-nement à une poursuite d’études majoritairevers le master.Le BTS (qui continue d’insérer partiellementses cohortes à bac +2) répond à un vrai besoinet constitue une prolongation tout à fait per-tinente du bac technologique. L’insertion surle marché de l’emploi à bac +2 et le refusde la poursuite d’études relèvent d’ailleursplus d’un comportement social que de capa-cités cognitives insuffisantes pour permettrela poursuite d’études. L’irruption du « numé-rique » dans l’entreprise, en particulier, neremet donc pas en cause l’accès à l’emploià tout niveau, depuis le CAP jusqu’au bacet au BTS et, bien entendu, au-delà.

L’US Mag : Quelle est votre appréciation de la loi«  pour la liberté de choisir son avenir professionnel  »,ses effets sur la relance de l’apprentissage ?F. P. : Sur les niveaux post-bac (BTS-DUT) elle risque de sesubstituer au contrat de professionnalisation sans réel effet surl’insertion. Sur l’infra bac, le bac et le BTS, il n’est pas acquisqu’elle vienne freiner les poursuites d’études. L’élargissement del’offre sur des métiers qui ne se préparaient pas auparavant parl’apprentissage aura un impact difficile à évaluer. On peut sedemander si cet élargissement et le changement de la gouvernancedu système produira des effets sur la qualité et l’image du dispositif.Le référentiel qualité, tel que prévu par la loi, comprend un grandnombre de contraintes administratives pour les organismes, maispas nécessairement tout ce qu’on était en droit d’en attendre surles relations entre les CFA et les entreprises.La CPME mise néanmoins sur l’apprentissage pour contribuer àrevaloriser la voie professionnelle et les entreprises accompagnerontle mouvement amorcé. n

1. Commission nationale de la certification professionnelle2. Commission consultative nationale des IUT.3. École supérieure de commerce de Paris (surnommée « Sup de Co »).

Entretien

L’US Mag : Les transformations dues au numérique sont-ellesde nature à faire émerger de nouveaux métiers ?Francis Petel : Une remarque générale préalable concernantl’évolution des métiers, et leur impact sur les diplômes profes-sionnels : nous considérons exagéré de prétendre qu’un grandnombre de métiers disparaissent et qu’ils vont être remplacés parde nombreux autres. En tous cas, ce n’est pas ce que les milieuxprofessionnels constatent ni même prévoient à un horizon prochain.Par contre, la plupart des métiers existantsrequièrent des compétences nouvelles, qu’il esturgent de prendre en compte dans les référen-tiels, qui sont donc impactés partiellement.Il n’est donc pas nécessaire de refondre les réfé-rentiels des diplômes professionnels de fond encomble, mais de prendre en compte ces besoinsnouveaux, liés en particulier aux technologiesnumériques.

L’US Mag : Quel regard les entreprisesportent-elles sur les baccalauréatstechnologiques d’une part et professionnelsd’autre part dans la réponse à ces nouveauxbesoins ?F. P. : Les bacs technologiques ont à cet égardune carte à jouer, dans la mesure où ces nou-veaux besoins en compétences ont une dimen-sion transverse à de nombreux métiers et/ousont facilement transposables. Ainsi, moins cen-trés sur des situations de travail précises, les bacs technologiquessont mieux armés pour développer les capacités cognitives néces-saires, en particulier pour la mise en œuvre future des compétencesnumériques et de l’organisation du travail. Il est cependant vraique les entreprises ont une meilleure visibilité des bacs profes-sionnels que des bacs technologiques, les premiers identifiantplus clairement des métiers de l’entreprise. Mais elles reconnaissent de fait la qualité de la formation desbacs technologiques quand elles embauchent des BTS issus decette filière. Par ailleurs, les bacs professionnels ont beaucoupsouffert, en termes de qualité perçue, du passage du bac pro entrois ans, alors que de nombreux emplois sont encore à pourvoirà ce niveau : de très nombreux CQP de branches se situent à desniveaux 5 et 4 (3 et 4 du nouveau Cadre national de Certifications),même s’ils étaient inscrits sans niveau au RNCP (répertoirenational des certifications professionnelles).

L’US Mag : Qu’en est-il des formations post-bac ?F. P. : Sur le post-bac : le niveau bac +2 constitue, depuis la findes années 1960, un niveau de référence bien identifié d’accès àl’emploi pour des candidats devant évoluer rapidement vers despostes de management intermédiaire.

« Les entreprises reconnaissent la qualitéde la formation des bacs technologiques »Francis Petel est vice-président de la commission éducation/formation de la Confédération despetites et moyennes entreprises (CPME). Il siège à ce titre à la CNCP(1), au CNESER et à la CCNIUT(2).Cet expert de la certification professionnelle est par ailleurs professeur affilié à l’ESCP Europe(3).©

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L’impact de la réforme du lycée

Risque de marginalisationLa réforme des lycées qui devait se mettre en place à la rentrée 2019, malgré les apparences trompeuses d’un

statut de « maintien » pour la voie technologique, risque de conduire à un effacement progressif de ces formations.

La réforme des lycées imposée par Jean-Michel Blanquer semble conserver lavoie technologique en déclinant les

actuelles séries. Pourtant, à y regarder deplus près, on voit mal comment, dans leschéma actuel, ces séries pourront se péren-niser.

Au-delà des apparences…❰ Les séries technologiques :

un choix volontaire, vraiment ?Cela n’a rien évident, puisque les enseigne-ments technologiques sont optionnels enSeconde et disposent d’horaires ridicules.Les candidats potentiels à ces séries seronttiraillés entre une voie générale, sans mathé-matiques dans le tronc commun, régie parle principe alléchant du «  libre choix desenseignements de spécialité », et une voieprofessionnelle sous tutelle des branchesprofessionnelles.❰ Une organisation calquée sur la maquette

de la voie générale « réformée »En calquant les séries technologiques sur lamaquette réforme du lycée, les séries tech-nologiques sont elles aussi victimes de regrou-pements disciplinaires au sein d’un mêmebloc en raison du passage de trois à deuxenseignements de spécialités entre la Premièreet la Terminale. La « marge horaire » insuf-fisante portera un coup dur aux possibilitésde travail en effectifs réduits pour les sériesde services, alors qu’elle est bien en deçà decelles des autres séries technologiques.❰ Des programmes généralistes pilotés

par le modèle universitaireSous prétexte de favoriser la réussite dansle supérieur, des programmes sont devenusencore plus généralistes et ambitieux aumépris du temps, de la progression nécessaire

à un élève de cycle terminal dans ses appren-tissages, mais aussi de son appropriationd’une culture technologique. Le risque estgrand de voir ces séries se vider de leurseffectifs.… le paradoxe est là ?❰ Les séries de services répondent

à une demande sociale forteAujourd’hui, un bachelier sur cinq est unbachelier technologique. Presque un jeunesur cinq poursuit ses études dans une sérietechnologique de services. Les séries des ser-vices scolarisent près de 70 % des élèves dela voie technologique. Ils sont une majoritéà poursuivre des études et à y réussir.❰ Des besoins forts dans l’emploi tertiairePrès de 20 millions de personnes travaillentactuellement dans le tertiaire qui a gagnéplus de 5 millions d’emplois en trente ansavec une montée en puissance des besoinsdans les domaines du secteur social, de lasanté, des services aux particuliers, du com-merce... Les besoins en qualifications cor-respondant à des emplois de cadres et pro-fessions intermédiaires, mais aussi de niveaux4 et 5 (services à la personne), sont réels.❰ Et dans la maîtrise de techniques

propres à la production de servicesLa production de services propre aux res-sources humaines, à la comptabilité finance,aux systèmes d’information, à la mercatique,mais aussi à la santé et au social ou à l’hô-tellerie-restauration, nécessitent la maîtrise

de techniques spécifiques qui sont clairementsollicitées dans les contenus de travail. Nepas travailler ces techniques reviendrait àvider les séries tertiaires de leur sens.

Contenus technologiques à renforcerDans les séries de services, les techniquespropres aux champs de la gestion, de la santéet du social et de l’hôtellerie doivent êtrenon seulement préservées dans leur existence,mais aussi comme réels objets d’étude. Celasuppose donc des contenus conçus dans cettelogique avec une articulation avec les autresenseignements, notamment généraux. Latypologie des enseignements, les méthodesmises en œuvre doivent rester spécifiquesaux activités de services. Si la digitalisationsuppose l’adaptation et l’évolution de tech-niques, elle ne remet pas en cause les cœursde métier propres aux différents champs pro-fessionnels des services qui doivent rester laréférence.Le projet prévu dans le nouveau baccalauréatn’aura de sens que si, en amont, les élèvespeuvent travailler avec une logique d’analysedes techniques et en collaboration. C’estl’atout du projet de permettre les synergieset la capitalisation de savoirs plus abstraitsqui auront été assimilés grâce à l’étude d’ob-jets concrets. Tout cela demande des moyens.Promouvoir une véritable culture technolo-gique pour répondre aux enjeux d’une pro-duction de services complexifiée : c’est ledéfi à relever pour que les mutations du secteurtertiaire accompagnent le progrès social. n©

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28 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

MÉTIER

AESH. À l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi pour une école de la confiance, les AESH se sontmobilisés dans toute la France à l’appel de l’intersyndicale FSU-CGT-SUD-SNALC-FO pour dénoncer le discoursdu ministère.

Un double langageA

lors que le président de la Républiquea fait du handicap une priorité de sonquinquennat, son gouvernement refuse

de prendre les mesures qui s’imposent pour-tant pour assurer un accompagnementpérenne de qualité. La création d’un corpsde fonctionnaires de catégorie B, revendi-quée par les syndicats de la FSU et de l’in-tersyndicale, est jugée impossible par leministère au prétexte que les besoins ne cor-respondent pas toujours à des temps pleins.Mais cette situation est avant tout le résultatde la non prise en compte de la totalité dutravail des AESH combinée à la minimisa-tion des besoins des élèves à accompagner.La vérité est qu’il n’y a pas de volonté poli-tique pour mettre sur le terrain les moyens

nécessaires à l’inclusion. Tout est fait aucontraire pour entretenir la précarité et lasous-qualification.

En grande précaritéOn ne peut accepter que les personnels char-gés d’accompagner les élèves en situationde handicap soient si précaires, si mal payéset si peu reconnus. La loi « Blanquer » neprévoit comme seul progrès que la générali-sation du contrat de trois ans, qui était déjàpossible. En revanche, il faut toujours attendresix ans pour être engagé en CDI, et la grillede rémunération reste toujours aussi ridicule(recrutement au SMIC et, dans le meilleurdes cas, augmentation de 6 points d’indice[28 € bruts] tous les trois ans).

La généralisation des Pôles inclusifs d’ac-compagnement localisés (PIAL) prévue parla loi Blanquer est un bon exemple de cedouble discours. Ces structures qui font l’ob-jet d’une pseudo-expérimentation, jamaisévaluée, n’ont d’autre objectif que de fairepayer aux AESH le manque de moyens pourl’accompagnement en leur imposant toujoursplus de flexibilité sans aucune reconnaissanceprofessionnelle. n E. S.

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Àl’Assemblée nationale, le SNES-FSUa rappelé son attachement à la scolari-sation de l’ensemble des enfants, mais

aussi l’importance du maintien des ULIS etdes structures (SEGPA, établissements spé-cialisés), car l’inclusion dans la classe ordi-naire n’est pas toujours le meilleur moyenpour faire réussir les élèves en situation dehandicap. Mesurer les effets de l’inclusionà la seule aune de la socialisation dans l’éta-blissement scolaire ordinaire ne suffit pas :il faut aussi pouvoir entrer sereinement dansles apprentissages, ce qui n’est pas actuel-lement garanti. Les collèges et les lycéesaccueillent chaque année davantage d’élèvesà besoins éducatifs particuliers (progressionde 9,2 % de 2017 à 2018 selon le ministère),en situation de handicap, porteurs de troublesdes apprentissages, avec des prescriptionsmédicales, allophones... Pour autant, il n’enest pas tenu compte dans les moyens alloués,en particulier les effectifs des classes.

Choix impossiblesLes professeurs et les personnels de vie scolairesont confrontés à des choix cornéliens : lesdemandes spécifiques des élèves nécessitantun accompagnement particulier ne peuventtoutes être satisfaites. Quelles priorités donner ?

À quel élève ? Comment gérer les aménage-ments de scolarité, en particulier pour les éva-luations ? Ces situations engendrent de la cul-pabilisation et de la souffrance professionnelle.La circulaire ministérielle devrait paraître finmai début juin. Lors de la discussion, le SNES-FSU a défendu l’idée que la réussite de l’in-

clusion n’est pas seulement une question deformation des personnels, d’outil en ligne oude gestion des AESH. Elle demande uneréflexion sur les conditions de travail dans laclasse et l’établissement ordinaire. n

Valérie Sipahimalani,Jérôme Motard

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ALORS QUE SE PRÉPARE UNE CIRCULAIRE DE RENTRÉE sur l’inclusion scolaire, l’Assemblée nationale tient une«  commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’Université de la République,quatorze ans après la loi du 11 février 2005 ».

Scolarisation des élèves en situation dehandicap : des paroles aux actes ?

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Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 29

L’US MAG : À la rentrée 2019, la Secondepro sera organisée en «  familles demétiers », En quoi cela consiste-t-il ?Sigrid Gérardin : Chaque filière profession-nelle aboutit à un diplôme préparant à un ouplusieurs métiers. Les élèves abordent lessavoirs pratiques et théoriques de leur futurmétier dès l’entrée en Seconde. Par saréforme, le ministre veut « fusionner » cer-taines Secondes en « familles de métiers »,sortes de Secondes pros généralistes. Troisfamilles de métiers seront ainsi imposées en2019, avant généralisation du dispositif. Àterme, il y aura dix-sept familles de métierspour 80 baccalauréats. Cela implique unerévision des contenus d’enseignement. Or,ce travail conséquent ne s’appuie sur aucuntexte réglementaire ; charge aux personnelsconcernés de construire les nouveaux pro-grammes dans les établissements. Seuls trois

jours de formation sont prévus d’ici la rentrée.Les IEN n’ont aucune réponse satisfaisanteà nous apporter : leur objectif n’est pas denous former mais de nous faire construiredes vademecum.

L’US MAG : Quelles seront lesconséquences pour les lycéens ?S. G. : L’orientation sera décalée en classede Première. Les élèves ne bénéficierontplus que de deux ans pour appréhender l’en-semble des savoirs professionnels. Ce dis-positif a été imposé sous la pression desorganisations patronales qui instrumentalisentles lycées professionnels : charge au servicepublic d’améliorer le lire, écrire, compterdes jeunes, pour que les entreprises viennentpiocher les élèves les plus prometteurs enleur présentant un contrat d’apprentissagesur deux ans.

L’US MAG : Et pour l’organisationdes établissements ?S. G. : Toutes les disciplines sont touchées parla baisse des horaires disciplinaires : les élèvesperdent 3 heures par semaine en bac pro et2 heures en CAP. Les dispositifs pédagogiquesimposés (chef-d’œuvre, co-intervention) sontfinancés sur les enseignements existants. Pources dispositifs, la présence d’au moins deuxprofesseurs est requise. Il faut donc aligner lescréneaux horaires des enseignants et des élèves.Cela augmente le temps de présence. Les élèvesinoccupés hanteront les couloirs de l’établis-sement en attendant le cours suivant. Celarisque de favoriser l’absentéisme. Le tempsd’enseignement pour les deux ans de CAP enlettres/histoire-géographie passe de 210 heuresà 82,5 heures. En bac pro, il sera réduit à2 heures hebdomadaires au lieu de 5. n

Propos recueillis par Hamda El Khiari

BAC PRO. Sigrid Gérardin est cosecrétaire générale du Syndicat national unitaire de l’enseignementprofessionnel public (SNUEP-FSU).

Familles (de métiers), je vous hais !

LES RÉFORMES BLANQUER ET DE LA FONCTION PUBLIQUE risquent de modifier en profondeur de nombreuxmétiers et de remettre en cause la qualité du service public rendu.

Le management contre le métierL

a loi de transformation de la Fonctionpublique et celle « pour une école de laconfiance » s’inscrivent dans le proces-

sus de développement du Nouveau mana-gement public (NMP) qui est « une armede guerre contre les professions(1) ». Ellesont en commun de nier les cultures profes-sionnelles.Le paritarisme, parce qu’il permet la parti-cipation des agents au fonctionnement desservices et qu’il leur donne un pouvoir decontrôle sur leur gestion, est un élémentfondateur du statut de la Fonction publiquequi permet d’assurer des services efficaceset impartiaux pour l’ensemble des usagers.Sa suppression au profit de la mainmisedes hiérarchies locales est un moyen de cas-ser la culture du service public. La suppres-sion du CNESCO qui produit une évaluationindépendante du système scolaire et son rem-placement par un Conseil d’évaluation del’école totalement à la botte du ministre enest un autre exemple.Le management, dont le nom est issu dumanège où on dresse les chevaux, vise à fairefaire aux autres ce qu’on veut qu’ils fassent,comme on veut qu’ils le fassent. À l’opposé,l’encadrement, c’est permettre aux profes-sionnels de faire ce qu’ils savent faire. Avecl’article 1 qui instaure un « devoir de setaire  », la loi « pour une école de la

confiance » fait le contraire de ce qu’elleannonce, ce qui est une caractéristique duNMP. Elle prépare le formatage d’exécutantsdociles.

Résister collectivementÀ l’heure où se tient le procès de la directionde France Télécom qui est jugée pour « har-cèlement moral organisé à l’échelle de l’en-treprise », le SNES-FSU, avec les personnels,développe des outils pour déconstruire le dis-

cours managérial et recréer du collectif. Com-paraison n’est pas raison, certes, mais le planmis en place à France Télécom, entre 2006 et2008, qui visait à transformer en profondeurles métiers et la culture managériale de l’en-treprise avait tous les atours de la modernitéet du bon sens. Il a fait 39 victimes ! n

Emmanuel Séchet et Yannick Lefebvre

(1) Évelyne Bechtold-Rognon, Comment joindrel’inutile au désagréable, Éditions de l’Atelier, 2018.

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30 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

CATÉGORIES

Pour le prochain mouvement Intra,plusieurs rectorats justifient diversementleur choix de « profiler » des postes de

CPE. Si à Montpellier on a ainsi tenté decréer un nouveau métier hybride de CPE-documentaliste, la plupart de ces postes « àprofil  » ne renvoient qu’à une partie desmissions en découpant « à la demande » lacirculaire de 2015. La présence d’un internat,de sections de BTS, d’élèves à besoins éduca-tifs particuliers ou simplement réputés plusabsentéistes, sert de prétexte pour la créationde « postes spécifiques », alors que les CPEsont précisément recrutés et formés pourrépondre à la diversité de ces besoins éduca-tifs. Cette tendance s’accentue dans plusieursacadémies : à Bordeaux en deux ans, plusde 10  % des postes de CPE ont été« profilés  », malgré l’opposition unanimedes représentants syndicaux.

Une résistance institutionnelle à la circulaire de missionsPour y prétendre, il faut non seulementaccepter ce cadre de travail redéfini, maissurtout avoir l’heur de plaire au chef d’éta-blissement, à l’avis essentiel pour le recru-tement.Outre le blocage du mouvement, cette offen-sive est à ranger au rayon des résistances àla circulaire de 2015. Il s’agit de lancer desballons d’essai en matière de recrutementpar les chefs d’établissement et de dénaturerlargement le métier tel qu’il devrait être portépar l’institution. En bradant ainsi des pans

entiers du métier « à la découpe », ces recteurslaissent à penser que les missions éducativesseraient adaptables au terrain, au bon vouloirdu chef du moment. Cette logique est cellede la généralisation des lettres de missionslocales, opposées aux statuts protecteurs etaux missions réglementaires définies. Elleporte en germe une atomisation destructricedu métier qui est inacceptable. La circulaire

de missions n’est pas un catalogue où chacunferait son marché, mais un document de réfé-rence pour tous qui affirme le sens de l’acti-vité éducative et les responsabilités propreset partagées.C’est ce que le SNES-FSU continuera de porter dans toutes les CAP de mouvementet auprès de l’inspection générale et du minis-tère. n Olivier Raluy

CPE. Outre la remise en cause du caractère dérogatoire du statut, les attaques n’ont pas cessé contre le métieret les personnels. Dernière offensive en cours : le profilage de postes.

Postes profilés : métier et statut en danger !

Le contrat d’un AED est un CDD de droitpublic. De fait sa fin est prévue. Les condi-tions de sa prolongation sont limpides :

le chef d’établissement est (presque) seulmaître à bord. Mais le droit est subtil : si lesAED ne disposent pas d’un droit au renou-vellement automatique, par parallélisme, l’em-ployeur de ces AED n’a pas non plus un droitau non-renouvellement automatique. Le chefdoit ainsi justifier ses décisions concernantles fins de contrats… devant le juge adminis-tratif, en cas de litige. Pour le SNES-FSU, iln’est pas acceptable que les chefs d’établis-sement prennent des décisions de non-prolon-gation sans en donner les raisons aux AED.Il invite donc tous les AED dont le contratn’est pas prolongé à en demander les raisons.Les représentants du SNES-FSU dans l’éta-

blissement peuvent accompagner les AEDpour les aider à obtenir des explications.Rappelons par ailleurs que le chef d’établis-sement agit, dans ce cadre, en tant qu’exécutifdes décisions du conseil d’administration.Ainsi, les critères qui servent au recrutementdes AED, comme le choix de leurs fonctionsparmi celles prévues à l’article 1 du décret2003-484 doivent être votés en CA (circulaire2003-092 II.4.1). C’est un axe de sa bataillesyndicale en faveur d’une amélioration desconditions de travail et d’emploi des AED.Enfin, rappelons que si le CPE est respon-sable de l’animation et de l’organisation dela vie scolaire (circulaire de mission de2008), l’employeur et le gestionnaire desAED reste, par délégation du CA, le chefd’établissement. n Valentin Albert

AED. En cette fin d’année, une étape importante et délicate pour les AED approche à grand pas : la prolongation ounon du contrat. Si des garanties légales permettent de cadrer celle-ci, la réalité n’est pas si simple.

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Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 31

En ce moment, dans les académies se tien-nent les groupes de travail paritaires quivérifient les vœux et les barèmes des

demandeurs de mutation pour la phase intra-académique. Un important travail est conduitpar les élus académiques dans cette premièreétape du mouvement intra. Ils font corrigerde nombreux oublis ou erreurs.

Examen contradictoireLa vérification des vœux et barèmes est unpréalable essentiel aux opérations de muta-tion. Il s’agit en premier lieu d’établir, enconfrontant les documents de l’administrationavec les éléments apportés par les collèguesdemandeurs de mutation, que la situation etles droits de chacun sont pleinement pris encompte par les services rectoraux, dans lerespect des règles communes. C’est bien cetravail précis et exhaustif fait par les élusqui garantit à chacun que l’égalité de traite-ment est respectée. L’examen contradictoireassure la transparence. Les élus travaillerontensuite à dépister les erreurs de l’adminis-tration sur le projet de mouvement, à endemander la correction et à proposer desaméliorations.

C’est, entre autres, cette possibilité de contrôlerle travail de l’administration et de proposercorrections et améliorations qui disparaîtra sila loi de «  transformation de la Fonctionpublique » est votée conformément au projetactuel. Chaque agent se retrouvera seul faceà l’administration et face aux décisions decelle-ci. La seule possibilité de contester serade recourir devant le recteur, puis au tribunaladministratif. Les élus seront empêchés d’exer-cer leur rôle de vérification préalable, de garan-

tir l’égalité de traitement dans le respect desrègles qui s’appliquent à tous, même s’ilsferont le maximum pour vous défendre. L’ar-bitraire et le fait du prince deviendront légion.

C’est pourquoi, le SNES et la FSU,avec l’ensemble des personnels,doivent faire échec à ce projet deloi, qui est une véritable entreprisede casse sans précédent du service

public et de la Fonction publique auxquelsils sont attachés. n Thierry Meyssonnier

MOUVEMENT INTRA 2019. La phase intra-académique a débuté. Après les vœux et les barèmes, les représentantsdes personnels vont travailler sur le projet de mouvement.

La vérification par les élus est indispensable

Les stagiaires étant utilisés comme moyensd’enseignement et d’éducation, des règlesd’affectation sont nécessaires. Les règles

sont différentes selon le concours obtenu etla situation administrative. La situation fami-liale n’est plus prioritaire. Ainsi sont main-tenus dans leur académie d’exercice ou d’ins-cription à l’Université et donc affectés horsbarème :• les lauréats avec plus d’un an et demid’équivalent temps plein sur les trois dernièresannées dans la discipline de recrutement ;

• les lauréats des concours externes hors agré-gation, inscrits en M1. Les autres lauréats doivent participer au mou-vement interacadémique. Ils sont affectés enfonction des capacités d’accueil de chaqueacadémie, celles-ci étant diminuées par lemaintien en académie des lauréats précédem-ment cités, ce qui rend plus difficile la satis-faction de leur vœu.Lors des affectations stagiaires 2018, seuls60,5 % des lauréats hors PLP et EPS qui par-ticipaient au mouvement ont obtenu leur

vœu 1 (taux stable par rapport à l’année pré-cédente).Par ailleurs, le ministère travaille dans l’ur-gence, sans transparence, ce qui est à l’origined’erreurs pas toujours corrigées en l’absenced’un groupe de travail.

Contacter le SNES-FSUDepuis la mise en place des nouvelles règlesd’affectation en stage, le SNES-FSU, avecle SNUEP-FSU et le SNEP-FSU, a obtenudes améliorations, notamment dans le recueildes pièces justificatives. Cette année, le minis-tère a tenu compte de ces demandes et faitévoluer la liste des disciplines connexes et lebarème pour certaines situations. Mais denombreux problèmes demeurent, que seulela décision de ne plus utiliser les stagiairescomme moyens d’enseignement pourraitrésoudre. Tous les stagiaires pourraient alorsêtre affectés dans l’académie de leur choixet selon une logique de formation. Les mili-tants du SNES-FSU délivrent conseils et infor-mations à tous les lauréats qui les contactentà [email protected] et au 01 40 63 29 57. n

Melody Martin

AFFECTATION DES LAURÉATS CONCOURS, RENTRÉE 2019. Les admis et admissibles aux concours doivent impé-rativement formuler des vœux d’affectation jusqu’au 7 juin.

Revenir à une logique de formation

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32 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

La méthode du gouvernement est révol-tante par le mépris qu’elle révèle : ledépôt d’un amendement sur un sujet

aussi primordial permet d’éviter son examenpar le Conseil d’État, ainsi qu’une étuded’impact. En outre, le ministre use d’unerare violence à l’égard des parents et desprofessionnels, des organisations syndicaleset des élus locaux, qu’il ne prend même pasla peine de consulter. Au-delà de la méthode,le fond du projet est de nature à dynamiterle fonctionnement du primaire et du collègeen prévoyant de les regrouper dans une struc-ture unique, à détourner les finalités del’école, à bouleverser les missions des per-sonnels, à percuter les statuts.

Un projet qui remonte à loinUne école unique du CP à la Troisième surle modèle du premier degré est une idéerécurrente, assenée avec vigueur sous lesgouvernements de droite, à laquelle la gauchen’a pas fait barrage(1). En 2010, l’InstitutMontaigne (Think-tank dont la proximitéavec J.-M. Blanquer ne fait pas mystère)relance le débat, avec des alibis pédagogiquesnotamment. L’unanimité syndicale n’étantplus si claire (le SE-UNSA y prête une oreille

attentive), une brèche est ouverte. En octobre2018, le rapport Mauhourat-Azéma invite àregrouper les écoles rurales et les collègesdans des « écoles du socle ». Selon leurspromoteurs, ces structures favoriseraient laliaison école-collège, permettant ainsi delutter contre l’échec scolaire. Or si 20 % desélèves quittent le CM2 en difficulté scolaire,aucune étude ne montre qu’adopter lesméthodes et l’organisation du premier degrédans les collèges constitue une solution. Onvoit bien cependant en quoi l’école du socle

offrirait l’occasion de mettre en place l’écoledes pauvres rêvée par certains : des savoirscantonnés à l’utilitaire (lire, écrire, compter,respecter autrui), des personnels polyvalents.Sur le terrain budgétaire, la Cour des comptesdemande de réduire le nombre d’écoles afinde faire des économies. Pourquoi un tel achar-nement ? Les arguments pédagogiques avan-cés peinent à masquer la double volonté quirelève essentiellement de la gouvernance :d’une part, faire des économies d’échelle ensupprimant des postes, d’autre part avancer

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LE PROJET DE LOI MAL NOMMÉ « POUR UNE ÉCOLE DE LA CONFIANCE » a créé en dernière minute des « établissementspublics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux ». Cet amendement, décidé en catimini, voté devant uneAssemblée nationale clairsemée le 30 janvier, vise à bouleverser l’architecture et le fonctionnement du systèmeéducatif. C’est le retour des « écoles du socle », projet qui inspire défiance et rejet depuis des années, et que leministre voudrait imposer par la voie réglementaire.

Une structure qui bouleverse l’école

L’école du socle

Paroles d’une professeure des écoles (académie de Toulouse), dans une école du socleJe suis arrivée alors que l’expérimentation était déjà en cours. La principale du collège m’a donnémon emploi du temps. Je partageais ma classe (CM1/CM2) avec des profs de collège, en faisant desgroupes en EIST avec des Sixièmes (2 heures par semaine), en français (1 heure en rédaction,1 heure en orthographe), en anglais, en soutien de maths [...].Quel intérêt pour les Sixièmes d’avoir du soutien avec quelqu’un qui ne connaît ni leurs difficultés nileur programme ? [...] Tout cela sans aucune formation ni aucun temps dédié au travail en équipe.Avec tous ces échanges, j’avais un emploi du temps morcelé, comme au collège. Aucun projetchoisi par moi n’a été possible. Les élèves passaient leur temps à sortir de classe, revenir, repartir.Après une année de grande souffrance dans mon travail, l’administration a bien dû admettre queplus aucun enseignant n’avait envie de s’investir dans cette usine à gaz et le projet a été considé-rablement amoindri (mais pas abandonné !).Aucune évaluation de cette expérimentation n’a été faite. On peut quand même dire qu’elle n’a pasaidé les élèves à mieux réussir. Elle a surtout mis certains élèves fragiles en difficulté.

V E R B A T I M

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ne suit pas cet objectif : il vise à économiserdes moyens, à supprimer le statut de directeurd’école pour renforcer la hiérarchie locale àlaquelle seraient soumis tous les enseignants,du primaire comme du secondaire, à centrerles apprentissages sur les seuls fondamentauxau détriment des savoirs pluriels qui consti-tuent la culture commune ; ils entraînerontune déprofessionnalisation des métiers et unappauvrissement des contenus disciplinaires ;enfin, ils impliquent une territorialisationaccrue de l’éducation, de moins en moinscadrée nationalement. Ce projet est incom-patible avec celui du SNES-FSU. n

(1) En 2014, Terra Nova (Think tank proche duPS) avance à son tour le projet d’une «  écolecommune ».(2) Exposé des motifs de l’amendement, portépar la députée LREM du Val-d’Oise Cécile Rilhac,coauteur avec Valérie Bazin Malgras d’un desquatre rapports remis en 2018.(3) Think tank libéral, source lefigaro.fr.(4) J.-M. Blanquer, France inter, le 28 mars 2019.Le même jour, la FSU 09 a publié un communiquéqui dénonce l’approximation de ses propos : « iln’y a pas d’expérimentation en Ariège qui auraitpermis d’éviter la fermeture de structures ».

dans le projet de démantèlement du caractèrenational de l’éducation et renforcer les hié-rarchies locales.

Rentabiliser et dominerUn des arguments avancés tient à la tailledes écoles : il faudrait les regrouper pour« permettre aussi à de très petites écoles (lamoitié des 45 000 écoles de France comptentmoins de quatre classes) d’atteindre une taillecritique rendant possibles certains projetspédagogiques ainsi que des collaborationsentre enseignants de cycles différents »(2).L’IFRAP(3) s’inspire aussi d’arguments péda-gogiques, en insistant sur le fait que depuisla loi Peillon, le cycle « de consolidation »,commun au collège et au primaire (CM1,CM2, Sixième), rend logique la créationd’unités éducatives dédiées à l’acquisitiondu socle commun. L’IFRAP se réclame éga-lement de l’école privée, très souvent orga-nisée en structures regroupant écoles et col-lèges, et elle ne cache pas les motivationsessentielles à ce projet que sont les économiesde fonctionnement. Les députés qui s’expri-ment en ce sens sont nombreux, commeF. Reiss (LR), par exemple, qui explique« qu’en regroupant administrativement lesclasses, on économise beaucoup de postes :là où j’ai sept professeurs, avec le regrou-pement, je n’en ai plus que six ». Pour réaliserce projet, il est essentiel de bouleverser leséquilibres au sein des prises de décisions, etdonc de bouleverser les hiérarchies en place.L’IFRAP ajoute avec cynisme : « le fait quele conseil départemental de l’Éducation natio-nale, qui regroupe les collectivités locales,les personnels d’éducation et les parentsd’élèves n’ait pas à se prononcer est unebonne chose. On imagine aisément que cetteinstance bloquerait en permanence les projetslocaux de regroupements d’écoles avec lescollèges ».

La ruralité, prétexte pour ancrer le projetJ.-M. Blanquer a dû justifier dans les médiasun tel projet, contesté sur le terrain par lesenseignants et les parents mobilisés. Il a citédes expérimentations en cours, mais a manquéde rigueur dans sa justification puisqu’il aprétendu que « ce que nous décrivons existedéjà en réalité, il y a certaines expérimenta-tions mais qui n’ont pas de cadre juridiquetrès précis qui existe. J’ai un exemple enAriège, ça a permis de sauver une école etun collège »(4). L’argument semble de bonsens, notamment en milieu rural : regrouperdes petites structures pour éviter à des élèvesd’être scolarisés très loin, permettre à desenseignants de faire l’entièreté de leur servicesur place, de mutualiser les compétences avecles échanges de services, etc. À côté de cetargument, l’administration en utilise d’autrespour faire pression et imposer le projet : lamenace d’une fermeture pèse sur les collègueset les empêche de refuser franchement l’ex-

périmentation. Pourtant, les retours du terraintémoignent de davantage de problèmes quede solutions (voir encadré ci-contre). Com-ment la vie scolaire va-t-elle gérer l’affluxd’élèves, assurer protection et bien-être auxplus petits, notamment durant les récréations ?Quel sera l’interlocuteur des parents s’il n’ya plus de directeur d’école ? Le regroupementva-t-il occasionner une multiplication desréunions inter-degrés pour les enseignants ?Concrètement, la réaction ne se fait pasattendre et la mobilisation est massive quand,comme ce fut le cas à Rennes, la rectricedécide de la création de 210 écoles du socleà court terme : ce projet, refusé par tous lesacteurs de la communauté éducative, a cer-tainement accéléré le départ de la rectrice.

Refus de la communauté éducativeSi la mobilisation des personnels contre laloi Blanquer est massive, c’est notammenten réaction à cet amendement.Il est légitime de s’interroger sur la façond’améliorer la liaison entre primaire et col-lège, les équipes éducatives y travaillent, etles projets, les échanges pédagogiques fonc-tionnent bien lorsqu’ils sont laissés à l’ini-tiative des personnels. Mais le regroupementprôné par les écoles des savoirs fondamentaux

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 33

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert

Trois questions à...

L’US Mag : Comment le projet s’est-il mis en place ? Quelle a été l’attitude des collègues ?Virginie Pralong : Ouverte en 2014-2015, la cité scolaire primaire/collège, regroupant 130 élèvesenviron en milieu rural, met en place, avec l’implication des enseignants, une liaison école/collègeétroite. En 2016/2017, un contrat d’objectifs (élaboré par deux enseignants et le Principal, en lienavec le directeur d’école) mentionne une « pédagogie de cycle » : elle se traduit en fin d’annéepar un mixage des niveaux aux cycles 3 (CM/Sixième) et 4 (Quatrième et Troisième). Parfoisvolontaires, souvent indifférents et même réfractaires, les enseignants se satisfont du bénéfice(immédiat) de quelques heures poste et la suppression d’un complément de service. L’année2017/2018 débute avec trois classes Quatrième/Troisième (au lieu d’une Quatrième et uneTroisième) en mathématiques, français et histoire-géographie sur la moitié de l’horaire imparti àchaque matière. Cela s’avère vite catastrophique et la direction rétablit des classes à niveau unique.Suite à cet « échec », le DASEN précise : « le collège ne doit plus être un mini-lycée mais unegrande école » : abandon des programmes nationaux disciplinaires au profit d’une élaborationlocale et non disciplinaire centrée sur le socle avec des enseignants polyvalents (école et collège,plusieurs disciplines)... Le terme « école du socle » apparaît en 2018/2019. Hormis les initiateurs,les enseignants s’interrogent, sans autre réaction que l’inertie. Cette année, il subsiste un mixageCinquième/Quatrième entre EPS et histoire-géographie, et une classe CM/Sixième en co-interventionen EPS (3 heures/semaine sur un trimestre), géographie (une heure/semaine) et arts plastiques(une heure/semaine sur deux trimestres).L’US Mag : Vois-tu dans ce projet un intérêt pour les élèves ? Lequel ?V. P. : Avec 37 élèves, la classe de CM/Sixième génère de nombreuses difficultés pour lesenseignants et un mal-être chez des enfants. Néanmoins, les écoliers peuvent profiter d’enseignantsspécialistes. Inconvénients : perturbations des progressions ; refonte locale et totale des programmesannuels du cycle qui pénalise les changements d’établissement et l’accueil des Sixièmes originairesd’autres écoles.L’US Mag : Quelles sont les conséquences en termes de services et de relations avec la hiérarchieet les collègues ?V. P. : Un avantage immédiat : environ 7 heures postes supplémentaires en 2017/2018. Mais l’année2019/2020 débutera par la fusion dans des classes Quatrième et Troisième en LV2 avec desenseignants contractuels encore plus malmenés... Par ailleurs, la Principale a informé oralement del’autorisation donnée par les inspecteurs généraux d’échanges de service école/collège... Cettepermission fait craindre des suppressions d’heures poste et un appauvrissement des enseignementsà faibles horaires, qui seraient laissés à l’enseignant du primaire ou à un enseignant du collège nonspécialiste... L’équipe enseignante a été divisée par l’orientation vers une « école du socle », le chefd’établissement s’appuie sur deux ou trois enseignants. Une certaine opacité a contribué à uneévidente dégradation de l’ambiance. Propos recueillis par François Lecointe

Virginie PralongProfesseur de mathématiques à Saint-Cirgues-en-Montagne

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et les mains posées sur la tête (voir ci-contre). Cette volonté de faire mal à cesjeunes gens, mais aussi de les humilier,donnait l’impression que les vidéos postéessur le net venaient tout droit d’un régimed’un autre âge.

Jeunesse sacrifiéeOutre le salutaire travail de recensement réa-lisé par le journaliste David Dufresne quicollecte, depuis le début du mouvement desGilets jaunes, la moindre violence policière,

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FENÊTRE SUR

«

Si la jeunesse n’a pas toujours raison,la société qui la méconnaît et qui lafrappe a toujours tort », avait affirmé

en  1968 un certain François Mitterrand.Cette formule célèbre est rentrée unenouvelle fois en résonance avec l’actualitéen décembre dernier, au moment de l’affairede Mantes-la-Jolie. Des millions de citoyensont alors été choqués par les images deces lycéens mobilisés contre les réformesBlanquer, contraints par les policiers àpasser plusieurs heures à terre, agenouillés

la liste des blessés publiée par le collectif« Désarmons-les ! » permet de saisir la partprépondérante des jeunes dans les victimesde violences commises par les forces de l’or-dre depuis le 17 novembre dernier. Doriana,une lycéenne de 16 ans, a eu le menton frac-turé et deux dents cassées à Grenoblele 3 décembre. Le surlendemain, Oumar,16  ans également a eu le front fracturé àSaint-Jean-de-Braye (45). Un jeune réfugiésyrien de 14 ans a, quant à lui, perdu son œildroit à Saint-Étienne le 12 janvier...Déjà lors de la mobilisation contre la loiEl Khomri, il était fréquent de voir des jeunesmanifestants munis de lunettes de piscine,de pipettes de sérum physiologique, voired’un casque de vélo, tant ils étaient accou-tumés à recevoir des gaz lacrymogènes. PourJérémie Gauthier, sociologue et coauteuren 2018 de Police : questions sensibles, inter-viewé par les Inrockuptibles en janvier, celane fait pas doute : on assiste bel et bien à« un élargissement de la “communauté d’ex-périence” des violences policières, lesgroupes sociaux confrontés aux violencespolicières compren[a]nt désormais, non seu-lement des jeunes hommes des quartiers de

JAMAIS, DEPUIS 50 ANS, la jeunesse n’a été soumise à un tel niveau de violence. Les tenants de la start-up nation, siprompts au «  jeunisme  » quand il s’agit de se démarquer de «  l’ancien monde  », adoptent avec aisance les poncifsréactionnaires et autoritaires les plus éculés dès lors que les nouvelles générations font entendre leurs voix.

Violences majeuressur personnes mineures

La répression de la jeunesse

LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE (PJJ)La direction de la PJJ a succédé en 1990 à la direction de l’éducation surveillée. Comme sadevancière, la PJJ est chargée de mettre en œuvre les dispositions de l’ordonnance du 2  février1945 relative à l'enfance délinquante, c’est-à-dire d'assurer l’exécution et le suivi des mesuresjudiciaires prononcées par un magistrat à l’encontre de mineurs.En 2015, la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse comptait plus de 8 200  agents,parmi lesquels un peu plus de 5 300  éducateurs (60  % des personnels), et disposait d’unbudget avoisinant les 795  millions d’euros.Cette année-là, près de 137 800 mineurs ont été pris en charge par les services publics ouassociatifs de la PJJ. 60 % ont été suivis dans le cadre pénal et 40 % ont bénéficié d’unemesure d’investigation au civil.

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d’irresponsabilité pénale qui n’est suscep-tible de dérogation qu’à titre exceptionnel ».Ce régime d’irresponsabilité pénale a forte-ment souffert des assauts successifs de ladroite entre 2002 et 2012. Selon un récentrapport parlementaire, la loi « Perben  I  »de 2002, en créant les fameux centres édu-catifs fermés au plus fort du matraquagemédiatique sur « l’insécurité », a constitué« un tournant répressif dans la prise encharge des mineurs délinquants  ». La loidu 10 août 2007, votée en plein état de grâcesarkozyste, a quant à elle introduit la possi-bilité de ne pas appliquer l’excuse de mino-

rité. La loi du 10 août 2011 parachève l’édi-fice répressif voulu par l’UMP en créant destribunaux correctionnels pour mineurs, uneinstance apte à traiter conjointement lesaffaires mêlant mineurs et jeunes majeurs,en contravention flagrante du régime d’ir-responsabilité pénale instauré en 1945.La loi de 2016, dite « de modernisation dela justice », malgré quelques avancées – dontla suppression des tribunaux correctionnelspour mineurs –, n’a pas opposé à la droiteun projet véritablement alternatif. Le pouvoiractuel a donc les coudées franches pouraggraver sa politique. Selon le SNPES-PJJ*/FSU, la création programmée de vingtnouveaux centres fermés, inscrite dans laloi de Programmation et de réforme de laJustice adoptée en catimini par l’Assembléenationale le  19  février dernier, ne va pas« dans le sens d’une remise en cause [...]de la logique de l’enfermement, contraire-ment à ce que prétend la ministre ». Au direde nos camarades, ces orientations de la PJJillustrent bien « un renforcement du recen-trage au pénal, au détriment des notions deprotection et d’éducation » de la jeunesse. n* Syndicat national des personnels de l’Éducation etdu social-Protection judiciaire de la jeunesse.

banlieues, mais également [...] des syndica-listes, [...] des lycéens [...] des étudiants ».

Raisons d’une escaladeSelon l’avocat Arié Alimi, si la stratégie desforces de l’ordre, « consistait depuis 1968– et plus encore depuis la mort de MalikOussekine en 1986 – à se tenir à distance età éviter au maximum le contact avec lesmanifestants, il y a eu un changement avecSarkozy qui a initié l’évolution théorique etavec Valls qui l’a mise en pratique. Ont étémises en place des techniques utilisées contreles grands mouvements altermondialistes,notamment en Italie. Des techniques de nasse,de contact, d’intimidation et de violence ».Cette évolution hexagonale s’est faite àrebours de celle qu’ont connu nos voisins aumême moment. En effet, dans la majoritédes pays européens, l’action policière vise àéviter la confrontation physique et l’usagede la violence. Est-il nécessaire de préciserque ces doctrines « douces » proscrivent for-mellement le recours au LBD ?Si l’usage des LBD et le recours au gazlacrymogène sont plus fréquents en Francequ’ailleurs, comment expliquer que les forcesde l’ordre font des jeunes mobilisés descibles privilégiées ? Impossible de mettrede côté les consignes très claires transmisespar les préfets, en décembre dernier, lorsdes manifestations de lycéens et d’étudiants,en marge du mouvement des Gilets jaunes.Au sommet de l’État, on craignait plus quetout un embrasement généralisé dans lesrangs de la jeunesse. Et force est de constaterque la débauche de violences déployées parles agents de police contre les jeunes,fin 2018-début 2019, a – au moins pour untemps – brisé les ailes de leur mobilisation...

Le plus bel âge ?Ce phénomène de criminalisation de la jeu-nesse a des racines profondes. L’ordonnancedu 2 février 1945 avait pourtant l’avantagede la clarté. Selon ce texte fondateur, tousles mineurs auxquels est imputée une infra-ction à la loi pénale « ne pourront faire l’ob-jet que de mesures de protection, d’éducationou de réforme, en vertu d’un régime

Rubrique réalisée par Jean-François Claudon

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 35

Arié Alimi est l’avocat des familles des lycéens de Mantes-la-Jolie,

ainsi que de plusieurs autres victimes de la répression policière. Il est par

ailleurs membre du Bureau national de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Trois questions à...

L’US Mag : Quelles sont les infractions qui vous semblent avérées dans l’affaire deMantes ?Arié Alimi : La première est celle de violences sur mineur en réunion par personnedépositaire de l’autorité publique. Nous visons également la violation de liberté indivi-duelle, c’est-à-dire le fait de détenir enfermés pendant plusieurs heures des personnessans aucune raison et sans notification de leurs droits. Nous visons enfin des insultes àconnotation raciale, mais aussi le fait d’avoir pris des photos et des vidéos de personnesmises en cause dans le cadre d’une procédure d’infraction pénale. La principale vidéoa en effet été prise par un fonctionnaire de police, ce qui est interdit par la loi.L’US Mag : Quelles sont les preuves dont vous disposez ?A. A. : Il y a tout d’abord les vidéos – il y en a plusieurs parce que des parents étaientprésents sur les lieux. Il y a ensuite les témoignages de lycéens, mais également deparents présents. Pour les faits survenus dans les commissariats où les élèves ont étéamenés, nous avons les témoignages de lycéens qui ont dû subir des conditionshumiliantes, et même ce que nous estimons constituer des actes de torture et de barbarie.Laisser des mineurs à genoux pendant plusieurs heures constitue en effet, pour laConvention européenne des droits de l’Homme, un acte de torture.L’US Mag : Quels sont les objectifs de la défense dans cette affaire ?A. A. : Les chances de succès sont minces, car, en France, il est très difficile d’obtenirla poursuite de fonctionnaires de police impliqués dans des infractions. Aujourd’hui,grâce au travail réalisé avec la LDH et d’autres associations, nous arrivons toutefois àobtenir de plus en plus de mises en examen, y compris d’autorités administratives ayantparticipé aux infractions. Dans ce dossier, compte tenu de l’ampleur des infractions etde la nature des victimes (des mineurs), il y a une chance d’obtenir les poursuites desagents qui les ont mis à genoux et peut-être du préfet qui a, d’une manière ou d’uneautre, été informé. Comme l’enquête préliminaire traîne en longueur, nous venons dedéposer plainte auprès du doyen des juges d'instruction.

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection

◗ UN MANIFESTE MONDIALCinzia Arruzza, Tithi Bhatta-charya et Nancy Fraser partentd’un double constat : les mou-vements féministes n’ont pro-fité qu’au 1 % des femmes déjàprivilégiées et les grèves de

femmes se multiplient. Elles font partiedes organisatrices de la grève inter-nationale des femmes et proposentce manifeste, Féminisme pour les 99 %,pour mêler féminisme, anticapitalisme,antiracisme, l’écologie, l’internatio-nalisme et l’antihétérosexisme. Vasteprogramme. N.B.• Féminisme pour les 99 %, traduit par Valen-tine Dervaux, La Découverte.

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LES COULEURS DE FOSCO

Brûlante CalabreU

n petit village au sud de l’Italieavec la mer en contrebas, soncafé, ses échoppes, sa chapelle

où veille une Madone enceinte, samorale étouffante, ses clans, sonparrain... une atmosphère duXIXe siècle. Mais nous sommes aumilieu des années 1980, la ’Ndran-gheta, terrible mafia calabraise,règne à Fosco où l’on ne peut quefuir ou se soumettre : les Rustosont les maîtres, il faut s’en montrerdigne si l’on veut échapper à l’op-probre et au châtiment. Dans cet enfer, comment lesjeunes héros du roman, Irene,Rocco, Lino, Lorenza, peuvent-ils construire leur vie ? Est-il ima-ginable d’aimer et de se réaliserlibrement ? Les adultes de leurentourage, englués dans la loifamiliale et mafieuse, sont desmodèles d’obéissance aveugle, decompromission ou de brutalité.Et dans ce monde-là, il n’y a guèrede place pour affirmer sa diffé-rence. Il ne reste à nos adolescentsque le rêve... Pourtant, radio ettélévision distillent par intervallesles actualités, la musique, les idéesnouvelles et le lecteur se demandesi ces jeunes gens accéderont un

jour à une modernité dont ils n’ontque les échos.La force de ce roman, c’est ladiversité des atmosphères que créel’auteure dans une langue émailléede termes locaux et souvent poé-tique. Ainsi, lorsque naît un gar-çon, nu masculu, le père exulte etcomme ce masculu vient enfin aumonde après trois filles – des fim-mine (« Quelle déception ») – ildevient immédiatement « pourtout le monde u Principi, lePrince ». Cependant le mystèreplane sur les activités clandestines,les disparitions, les morts ; gen-darmes et militaires sillonnent envain la région et arrivent toujours– le font-ils exprès ? - après lesévénements. Paola Cereda donneà voir la lâcheté et la cruauté d’in-dividus sans scrupules, leur vio-lence qui mène à l’irrémédiabled’une nuit sanglante. Elle peintaussi, avec délicatesse et simpli-cité, la naissance d’un amour totalqui s’épanouit peau contre peau :« Comme tu es belle. Le sais-tu ? »répète Rocco à Irene... Enfin, aufil des années, l’action bien ancréedans le monde réel nous mènejusqu’à Rome, Turin ou Milan et

l’on croise de pittoresques figurespopulaires, cuisinière, prostituée,garçon de café ou improbable ani-mateur de téléachat. À travers leursdifficultés, nous sommes témoinsde la dureté du monde du travailet du sexisme qui règne partout,ainsi que des préjugés dont sontvictimes les êtres qui vivent enmarge de la société. Les couleurs de Fosco fait partiede ces livres qu’on ne lâche pas,parce que les personnages, dansleur quête d’émancipation, y sonttrès attachants – en particulier lesfemmes, véritables héroïnes duroman – et parce que l’auteure ymontre une réalité sociale com-plexe dans un pays si proche etpourtant si différent du nôtre. n

B. Cacheux, G. Chourreu• Les Couleurs de Fosco, Paola Cereda,2019, Éditions Autrement.

Du Noir polonais. Quel rapport entrela Colombie et la Pologne ? Entre unearnaque vieille comme le capitalisme :faire croire à un procédé nouveau quiva rapporter des millions et une séried’assassinats ? Le trafic de drogue bien sûr – le titrel’indique explicitement, La Colombienne – mais passeulement. L’inspecteur Mortka est chargé de l’en-quête. Il tâtonne, trouve des faits, relie certains pointssans trouver qui déroule le fil. Le fin mot arriverapar un retournement surprenant mais logique, dialec-tique serait le terme juste. Découverte d’un auteur,Wojciech Chmielarz, ironique et humain, drolatiqueet sérieux jouant sur tous les stéréotypes culturels àcommencer par le sexisme et les divisions sociales.En plus il tient le lecteur, accro à l’intrigue, accro aupuzzle pour trouver qui est ce mystérieux « Polaco »,un pseudo qui sent déjà la poudre. Une plongée dansla Pologne d’aujourd’hui, ses start-up, son capitalisme,sa corruption. • La Colombienne, Wojciech Chmielarz, traduit par ErikVeaux, Agullo Noir

Du Noir en jaunePremier polar sur le mouvement des giletsjaunes, Les écœurés mêle la descriptiondocumentaire de cette mobilisation inéditedans une petite ville de Bretagne avectoutes ses ambiguïtés par le biais d’unegalerie de portraits et une enquête poli-

cière. Le détective privé prend la forme d’un jeunelieutenant que le commissaire transforme en agentdouble pour espionner les gilets jaunes. Comme il sedoit, il tombe amoureux et développe une empathieavec la mobilisation qui refuse tout chef, toutes struc-tures tout en faisant trop confiance aux réseaux sociaux.Par petites touches, Gérard Delteil permet de com-prendre les prises de conscience comme les trajectoirespolitiques diverses liées à cette révolte étrange. Enconséquence l’enquête policière n’est pas assez déve-loppée même si les réactions des représentants de l’Étatsont assez bien cernées. n Nicolas Béniès• Les écœurés, Gérard Delteil, Seuil/Roman noir.

Du côté des polars...

◗ ÉCHAPPER À LA PSYCHANALYSE30 ans que Didier Eribonconstruit une théorie histo-rique, sociale et politique dela subjectivité. Pour compren-dre comment les individus etles groupes sont produitscomme des sujets assujettispar de multiples formes de

domination. Écrits sur la psychanalyseregroupe un ensemble d’essais quiéclairent certains enjeux théoriqueset politiques de son travail. Le socio-logue et philosophe entre en conflitavec la doctrine psychanalytique grâceà une lecture rigoureuse et très com-plète de ses principaux théoriciens. Ilmet en question non seulement sesvelléités normatives, mais aussi sonarchitecture notionnelle et sa concep-tion du psychisme et de l’inconscient.Un livre d’émancipation ! S. R.• Écrits sur la psychanalyse, Didier Eribon,Fayard, 2019.

◗ PRÉMONITION2024. Paris se prépare à rece-voir les Jeux Olympiques. Lasituation politique a changé,le pays dérive vers le totali-tarisme dans cette France oùles syndicalistes sont marquésd’un S, les musulmans pucés,

les gardes à vue prolongées de 12 jourssans droit à un avocat, les médias souscensure, la présence militaire osten-tatoire et les contrôles permanents...Malgré tout, la résistance s’organise.Ce sont les femmes qui en seront lesactrices principales : Daisy, la profes-seure des écoles ; Morgane, l’expertecomptable ; Nadia, l’hôtesse de l’air ;Faustine, la lycéenne... Toutes sontengagées dans une manifestationmonstre pour dire non à l’inacceptable.Gérard Mordillat nous entraîne dansune épopée formidable en résonanceavec l’actualité marquée par la luttedes femmes et du peuple qui refusentle silence et l’humiliation.

Stéphane Rio• Ces femmes-là, Gérard Mordillat, AlbinMichel, 2019.

LA RÉALITÉ PLUS NOIRE QUE LA FICTIONUn scandale de la volonté de profit contre la santédes populations. Purdue Pharma, la famille Sackler,a commercialisé des opiacés – des antidouleurs –par le biais des médecins plus ou moins convaincussur une grande échelle aux États-Unis, provoquantune crise sanitaire majeure. Des reportages surce groupe ont été diffusés. Ce livre, Addiction surordonnance, sous-titré La crise des antidouleurs, démontre laresponsabilité de Sackler qui a planifié cette addiction. Un polarvrai sur un trafic de drogue légal qui rapporte plus que le traficillégal. Patrick Radden Keefe est l’auteur du premier article dansle New Yorker en novembre 2018, complété par la situation françaiseet une réflexion de Hervé Le Crosnier. Ce thriller appelle à desprises de conscience de la réalité de la loi du profit maximum età des mobilisations. N. B.• Addiction sur ordonnance, P. R. Keefe, traduit par Claire Richard, C&F Éditions.

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Léo Löwenthal et NorbertGuterman ont joué un rôleessentiel dans l’élaboration

théorique attribuée à la penséecritique de l’École de Francforttransférée aux États-Unis aumilieu des années 1930. En com-pagnie de Theodor Adorno et deMax Horkheimer principalement,ils construisent des concepts pourappréhender la réalité du capita-lisme et de ses formes culturellescomme ses représentationspsycho sociologiques. Marx etFreud sont sollicités pour mettreau point un système éducatif quipermette d’éclairer les citoyenneset citoyens sur la réalité du dis-cours démagogique. Le titre résonne. Les prophètesdu mensonge évoquent irrésisti-blement Donald Trump, un desgrands spécialistes des «  fakenews », et son utilisation des émo-tions pour faire passer son mes-sage mensonger. Il n’est pas leseul. L’extrême droite sait aussiutiliser le langage codé, celui del’antisémitisme comme celui duracisme ou de la peur du rouge.Sous-titré Étude sur l’agitationfasciste aux États-Unis, les au -teurs parlent de langage en morsede l’agitateur fasciste. Il reposed’abord sur la constatation du

malaise social et d’un monde hos-tile dans lequel agit un impitoya-ble ennemi... dont les faiblessesle rendent impuissant et qui estreprésenté par un archétype, leJuif ou l’Arabe. Cet agitateur est un révélateur.Des crises du capitalisme – sansla référence au capitalisme écritHorkheimer, il est impossible decomprendre le fascisme –, commede la menace latente qui pèse surla démocratie. n Nicolas Béniès• Les prophètes du mensonge. Étudesur l’agitation fasciste aux États-Unis,L. Löwenthal et N. Guterman, traduitpar Vincent Platini et Émile Martini,présentation d’Olivier Voirol, préfacesde M. Horkheimer (1949) et de HerbertMarcuse (1969), La Découverte.

NOS COLLÈGUES PUBLIENT◗ PHILOSOPHERLa philosophe Johanna Haw-ken intervient dans le cadrede la classe ou dans des ate-liers périscolaires à Romain-ville, ville de Seine-Saint-Denis où elle est responsablede la « Maison de la philo ».Elle est également chargée d’ensei-gnement à l’Université d’Amiens.Le livre, en deux parties, dans lapremière elle répond à une série dequestions sur sa façon de diriger lesséances avec les enfants. Elle insistesur l’écoute, la réflexion, l’espritcritique, la prise de cons cience. Etplus que tout qu’une seule réponsepossible aux questionnements surles grands sujets que sont la vie, lamort, les droits, le pouvoir, la liberté,le mensonge… n’existe pas. Elle lesconduit à la « pensée bienveillante ».Elle dit aussi les réticences desadultes à prendre au sérieux lesréflexions des enfants parfois trèsjeunes, les interrogations sur l’utilitéde sa démarche et les difficultésqu’elle peut rencontrer face à cer-tains sujets, comme la religion.La seconde partie est plus répétitive.C’est la transcription de certainesséances, essentiellement avecdes enfants de fin de primaire (CE2à CM2). Sylvie Chardon• La philo pour enfants expliquée aux adultes,Johanna Hawken, TempsPrésent.

Au centre de l’image gît un homme,entre les nymphéas roses, l’eau

verte de l’étang, les ombres des arbreset les reflets du soleil. Il a un trou rougesur la poitrine. Ses yeux sont ouverts.Son sang s’écoule et se dilue dans l’eauà mesure qu’il s’éloigne de sa tête ren-versée. Une ligne rouge coupe letableau en deux parties distinctes. Avecle titre, Nymphéas noirs, la couverturede l’album de Frédéric Duval (scéna-rio) et Didier Cassegrain (dessin) plantele décor d’un polar dans un tableau deClaude Monet, une idée en soi origi-nale. On la doit à l’écrivain MichelBussi, spécialiste du genre, qui a publié en 2011 leroman dont cette bande dessinée est l’adaptation. Gra-phiquement, l’album est à la fois imprégné des couleurs,de la lumière des tableaux du célèbre impressionniste,de celles de son jardin, et marqué par l’atmosphèreinquiétante, sombre, du roman « noir ». Le travail deDidier Cassegrain en la matière est une réussite incon-testable. Le scénario de cette bande dessinée est suf-fisamment intrigant quant à lui pour donner envie dela relire plusieurs fois, ce qui est assez rare dans cetype de récit (quand l’essentiel du suspense résidedans la découverte du coupable du crime...).Une enquête policière a lieu, dans le célèbre village

de Giverny, en Normandie. L’hommeassassiné est un notable local, chirur-gien ophtalmologiste, par ailleurs col-lectionneur. Dans son portefeuille estretrouvée une carte postale représentantdes nymphéas, une carte d’anniversairepour les onze ans d’un enfant. Unephrase est collée au dos de cette carte,mystérieuse : « Le crime de rêver jeconsens qu’on l’instaure ». Le sus-pense concernant ce mystère-là duresi peu qu’on peut le déflorer : il s’agitd’un vers de Louis Aragon, un autrehabitué de Giverny, extrait de sonpoème Nymphée... Bientôt interfère

dans l’enquête une histoire beaucoup plus ancienne,celle d’un enfant, Albert Montalba, mort exactementau même endroit, et de la même façon, à l’âge deonze ans... en 1937. Ajoutons enfin une légendeconcernant le dernier tableau peint par Monet, avantde mourir, une toile jamais retrouvée, les Nymphéasnoirs, qui donnent leur titre à l’album et au roman.Mais n’est-ce pas justement pour mieux jeter les lec-teurs et lectrices sur une fausse piste ? n

Amélie Hart-Hutasse• Nymphéas noirs, d’après le roman de Michel Bussi, adap-tation de Frédéric Duval (scénario) et Didier Cassegrain(dessin), Aire Libre/Dupuis, 2019.

Le coin de la BD Jeux de piste noirs et picturaux

LES PROPHÈTES DU MENSONGE, UNE ÉTUDE PUBLIÉE EN 1949 ET ACTUELLE

Analyse du discours fasciste

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 37

◗ VIES ET SECRETSCe premier roman, d’uneplume alerte, propose unesorte de montage alternéentre le devenir d’un couple,victime d’un accident de voi-ture, sur le point de se rom-pre, et la décision d’unevieille dame leur communiquant sonjournal intime révélant d’indiciblessecrets de famille. Philippe Laville• La vie commence demain, Céline Sébillon,City-Éditions, https://celinesebillon.jimdo.com

ÉpopéeFatigués de sillonner lesmers, le Prince Thibault etson fidèle équipage rentrentà Pierre d’Angle. Un passagerclandestin va changer leurvie… Magie et aventures nousemportent sans répit, faisant vivredes personnages captivants qui don-nent sa cohérence à ce roman touten rythme. Se dépasser pour aider les autres,persévérer dans la difficulté, vain-cre sa peur… autant de qualitésque se forgent les héros. Avec untrès beau personnage de femme,étrangère et réfugiée (clin d’œil àl’actualité), qui devient un atoutpour le royaume. Catie Pillé• Le Royaume de Pierre d’Angle, P. Quiviger,Rouergue, Epik.

FOR THE KIDS

LES FACES CACHÉES DU DISCOURS SÉCURITAIRELa démagogie prend, dans notre monde moderne, un tour tech-nologique. Élodie Lemaire dans L’œil sécuritaire, mythes etréalités de la vidéosurveillance a mené l’enquête sur le discourssécuritaire qui fait de la caméra le moyen de sécuriser l’ensembledes populations en prévenant le crime ou le délit. Elle a interrogéles utilisateurs de cet outil, soit comme partie prenante de cet

œil, soit comme consommateurs – pour le plus grand profit des sociétés pri-vées – pour conclure sur les limites technologiques. Elle met en lumière une« vision du monde » qui privilégie la protection sécuritaire au lieu des protectionssociales pour construire une forme répressive de l’État qui vient prendre laplace de la forme sociale. Sans compter qu’elle dessine une typologie desclasses dangereuses, en l’occurrence les classes populaires des banlieuesavec son lot de racisme. Le danger est là plus que dans Big Brother. N. B.• L’œil sécuritaire, Élodie Lemaire, La Découverte.

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CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac le

SÉRIEMémoire

Une enquête non élucidée sur unmeurtre et une disparition d’enfanten Arkansas est le point de départd’une fresque profondémenthumaine, une réflexion dense surla mémoire, l’amour et les discri-minations. Trois périodes, sorte depuzzle, permettent de reconstituerles faits mettant en correspondancesouvenirs de vie et d’enquête dedeux policiers. Une tendre mélan-colie se dégage du récit. Magni-fique interprétation et dialoguesciselés. Catie Pillé• True detective, S3, N. Pizzolato, USA, HBO.

MUSIQUES• CLASSIQUEArt nouveau musicalDès les premièresmesures du Poèmede l’amour et de lamer de Chausson,l’auditeur est cap-tivé par cette musique envoûtante,enivrante et capiteuse. La voix deVéronique Gens, qui interprète lesvers du poète Maurice Bouchor,est aussi infiniment séduisante,profonde et grave. Ce poème musi-cal, romantique et symboliste à la

fois, mais également wagnérien,est intimiste, profond, et parfoisgrandiose, cultivant une élégante dissonance. Cette œuvre est consi-dérée comme un équivalent sonorede l’Art nouveau, et il n’est pasindifférent de savoir, de ce pointde vue, qu’elle fut créée en 1893à Bruxelles. Un bel enregi -strement ! Nicolas Morvan• Chausson, Poème de l’amour et de la mer– Symphonie opus 20, Véronique Gens,orchestre national de Lille, dirigé par Alexan-dre Boch, Alpha.

• POP FRANÇAISENouvelle voixCe premier al bum deClara Luciani, Sainte-Victoire, s’écoute enboucle comme un

remède à l’humeur chagrine. Révé-lée par le premier titre La Grenade, l’album complet dévoile une compositrice à la personnalité forte,sensible, à la voix suave et déter-minée. Une pop un brin vintage auxélans féministes, ses textes parlentdes femmes d’aujourd’hui, célèbrentla divagation et insufflent un soufflepositif aux épreuves obscures de lavie. Un album cohérent et accompliaux propos sincères.

Estelle de Tournadre• Sainte-Victoire, Clara Luciani, Initial ArtistServices.

• ROCKLumineuxLe groupe londonienFat White Family nous re vient ence printemps avec Serfs Up!, leur

3e LP. Après une retraite à Shef-field pour retrouver santé mentaleet verve créatrice, cette nouvelleproduction reste toujours aussibarrée, foutraque mais plus lumi-neuse et définitivement plus dan-sante. Le rayon de soleil inondantla pochette est aussi un signe decette ouverture plus pop ou, peut-être, une métaphore pour cetteAngleterre post-Brexit. Bougez,dansez, remuez, c’est l’âme dupeuple oublié, loin de Londres,qui démontre sa vitalité ! Lumi-neux. Éric Loizeau• Serfs Up! Fat White Family, Domino, avril2019.

• FESTIVALL’accordéon, roi de TulleLa Cité de l’accor-déon propose sonfestival « Les Nuitsde Nacre ». Quatrejours pour voyagerau son de cet ins-trument et de mu -siques diversesvenant de douze pays (jusqu’à Taï-wan !), connues ou inédites. Desstars mondiales comme Raoul Bar-boza et Chango Spasiuk ferontdécouvrir la musique Chamané,typique d’Argentine. Plus de60 concerts, presque tous gratuitset la fabrication en direct et enpublic d’un accordéon Maugein,mis en lot de tombola. Une pré-programmation a été dévoiléedébut mars. Sylvie Chardon• Les Nuits de Nacre, du 27 au 30/06. Rens. : www.accordeon.org

• JAZZQue brille le soleil noirComme chaqueannée, depuis38 ans, Jazzsous les pom-miers inondeCoutances, villemoyenne de laManche, connue pour sa cathé-drale, des musiques liées au jazz.S’il fallait qualifier cette édition,il faudrait la déclarer féministe.Sophie Alour, Céline Bonacina,Elina Duni, Sarah Lenka, Angé-lique Kidjo, Cécile McLorin Sal-vant et Anne Pacéo, artiste en rési-dence, se partagent l’affiche. Pourouvrir les festivités, les organisa-teurs ont fait appel à ThomasDutronc qui donnera deux concerts.La musique afro-cubaine occuperaune place importante pour fairedanser et rêver. Deux créationsproposées par Anne Pacéo mêle-ront jazz, musique palestinienne,brésilienne et autres musiques dumonde. Kenny Werner, Laurentde Wilde, Dave Liebman, PierrickPedron notamment ainsi que le vio-loniste Théo Girard seront lesautres rendez-vous nécessaires.Spectacles de rue, un dimancheconsacré aux fanfares (et au soleil),une scène gratuite (devant la cathé-drale) dédiée aux amateurs, desémissions de radio dont celle d’AlexDuthil, des animations diverses ettout le reste qui participent d’ungrand festival. Nicolas Béniès• Jazz sous les pommiers, 38e édition. Rens. : www.jazzsouslespommiers.com

Aliénor Dubois : un regardsensible et suggestifService Gardien : la Galipiote, uneMaison d’enfants à caractère social(MECS), accueille des mineursétrangers non accompagnés. Leséducateurs œuvrent à les orienter dans leur nouvelle vie.

Ya Msafer : ingénieurs en Syrie,Majda et ses fils se sont reconvertisdans la restauration en arrivant enFrance, à Marseille. Dans la routinefamiliale du restaurant, chacun seréinvente à sa manière. Leurs his-toires se dévoilent au rythme de lapréparation des kebbehs.

Alain Barlatier : une captation des luttes des salariésSalarié.e.s contre Macfia et Carrefour,les raisons de la colère suivent deux luttesrécentes de salariés des quartiers nord deMarseille. Ceux du McDo Sainte-Marthequi depuis des mois résistent pour empê-cher la fermeture de leur restaurant et ceux d’un magasin Carrefourau cœur d’un conflit rugueux dans le cadre d’une restructurationnationale. Le réalisateur donne la parole à celles et ceux qui luttent

et qui par la pratique ont acquisune expertise de leur travail et dela situation de leur entreprise. Ilrend visible des luttes nobles etvictorieuses ! n

Cécile Exbrayat et Stéphane Rio

Filmer les luttes, les trajectoires de vie. Donner la parole aux acteurs du réel. Tourner et monterpour donner à voir, comprendre et ressentir. À travers des formes très diverses, Aliénor Dubois,jeune réalisatrice qui termine son master « Écritures documentaires » à l’Université d’Aix-Marseille,et Alain Barlatier, enseignant syndicaliste FSU, filment au plus près des femmes et des hommes quiluttent dans leur ville. Focus sur les quatre films qui ont été projetés et acclamés lors du festival.Non distribués dans le circuit commercial, ils sont en libre accès sur la chaîne YouTube.

4E ÉDITION DU « PRINTEMPS DU FILM ENGAGÉ » À MARSEILLE

Luttes urbaines

38 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

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Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 39

Inauguré en 2003, l’Onde, à Vélizy en banlieueparisienne, a la particularité de regrouper toutesles formes d’art dans un même lieu et dans le

cadre d’une programmation qui cherche à les mettreen cohérence. Comme l’annonce le programme decette année : « Offrant un panorama inédit et auda-cieux de la création artistique actuelle, les artistesprogrammés ont en commun de dépasser les fron-tières entre les genres et les esthétiques ! ». Onaura pu voir ainsi cette saison, de la danse (OlivierDubois), du théâtre (Lies Pauwels), des perfor-mances, de la musique (y compris de l’opéra), dela chanson (Juliette), un festival électro, des spec-tacles d’humour, du cirque, un festival de courts-métrages, et surtout des spectacles qui allient plu-sieurs de ces genres (danse/arts plastiques parexemple, ou encore humour/musique/magie). Lecentre d’art intégré dans le lieu, Micro-Onde, vasteet bien conçu, permet de montrer des œuvres degrands formats, souvent spectaculaires, dans debonnes conditions. La disposition des lieux donneégalement la possibilité aux artistes de réaliser

conférences et performances au milieu des œuvres. L’Onde cherche à fidéliser son public, mais aussi àattirer davantage les jeunes de 18 à 30 ans. Ellemultiplie pour cela les ini tiatives de médiation, ateliers, conférences, évé nements autour des spec-tacles et des expositions. Des séances scolaires sontaussi organisées. Du fait de la qualité de ses pro-positions, de son ancrage dans la création d’avant-garde, l’Onde est en passe de devenir une scèneconventionnée d’intérêt national et le processus delabellisation du Centre d’art, qui est déjà membredu réseau Tram-Idf (qui promeut l’art contemporaindans la région) est en cours. n Sylvie Chardon• L’Onde, 8 bis, avenue Louis-Breguet, 78140 Vélizy-Villacoublay, londe.fr.

Concert rockLe 4 juin aux Trois Baudets à Paris,Sarah McCoy et Nicolas Jules joue-ront bénévolement en soutien auGISTI, association agissant pourl’égalité des droits entre Françaiset étrangers, pour l’accès de touset toutes à la citoyenneté et contreles politiques répressives et discri- criminatoires qui mettent en danger la vie et les libertés desmigrants. Philippe Laville• www.facebook.com/events/985939091795836

Ferrat vivantLe festival Aubercail deschansons à textes fêteen ce mois de mai ses13 ans à Aubervilliers(www.aubercail.fr). Ilassocie exigences poétiques, enga-gements et musiques innovantes. Ila donné naissance à un album quirend un hommage à Jean Ferrat.Sous la houlette de Thomas Pitiot,associant des artistes d’horizonsmusicaux très divers, il permet derevisiter le répertoire de Ferrat enproposant des interprétations inat-tendues mais fidèles à son esprit.

P. L.• C’est un joli nom camarade. L’Empreinte Fer-rat, Thomas Pitiot et collectif, Album à décou-vrir sur www.thomaspitiot.net.

FAIRE VIVRE LES REVUESAlgérie rouge ?Le dossier des Cahiersd’histoire, revue d’histoirecritique, se consacre auxrapports entre Algérie etcommunisme. Il rend jus-tice à tous les militantsqui ont lutté pour l’ouver-ture des archives et laconservation des témoignages.Il met en avant toute la complexitéde cette histoire en mettant l’accent sur les militants commu-nistes algériens eux-mêmes, et cedès 1920. Stéphane Rio• Cahier d’histoire. Revue d’histoire cri-tique, n° 140, octobre-décembre 2018.

DépoussiérageSuccès éditorial ré -jouissant, L’histoiremondiale de la Francerenouvelle de fond encomble l’approche del’histoire de France enl’ouvrant aux connexionsde l’histoire globale. L’apport desillustrations de grande qualité estun atout formidable pour l’utili-sation en classe. S. R.• L’histoire mondiale de la France. Éditionillustrée et commentée, sous la direction dePatrick Boucheron, Le Seuil, 2018.

MUSIQUES

Consacrée à l’art sous toutes ses formes en Unionsoviétique de 1917 à la mort de Staline, cettemagistrale exposition, riche de 400 œuvres, se

divise en deux parties, une par étage. Au rez-de-chaus-sée, nous sommes dans les années 1920, l’enthousiasmedes artistes pour la Révolution les conduit, à l’incitationde Maïakovski et d’autres, à faire sortir l’art dans larue, à innover, à faire preuve d’une inventivité et d’unecréativité prodigieuses dans toutes les formes artistiques,le design, le graphisme, le théâtre, le cinéma... Rod-chenko présente en 1921 Pur rouge, le « derniertableau », Varvara Stepanova crée des textiles et desvêtements sportifs pour les femmes, Sergueï Tretiakovet Vsevolod Meyerhold réinventent le théâtre. Lesaffiches, très présentes dans l’exposition, envahissentl’espace public. C’est la grande et riche période duconstructivisme, qui se manifeste aussi dans le mobilier(belle salle consacrée au « Club ouvrier »). Les « pein-tres de chevalet » restent cependant présents, avecdeux belles œuvres de Malévitch et de jeunes peintresformés à l’école des avant-gardes. À l’étage, change-ment de décor. On passe dans les années 1930 etStaline met l’art sous sa coupe. L’œuvre d’art se doit

de porter le message duchef. Apparaît le réalismesocialiste, avec des pein-tures, des photos, desfilms glorifiant les grandshommes de la Révolu-tion, fustigeant les traîtres,présentant un futur ra -dieux où hommes etfemmes s’épanouissentdans la culture physique.Même en architecture, lemonumental est à l’honneur (métro de Moscou). À lafin des années 1930, la peinture d’histoire, académique,est privilégiée. L’exposition est très parlante et montrebien l’évolution au cours de ces quelques années. Onne peut donc que s’interroger : comment en aussi peude temps et aussi facilement que l’on passe d’un étageà l’autre, a-t-on pu basculer de la créativité et de l’en-thousiasme du constructivisme à l’art officiel du réa-lisme socialiste (ou plutôt « stalinien ») ? n S. C.• Rouge – Art et utopie au Pays des Soviets, Grand Palais,jusqu’au 1er juillet.

DANS LA CLASSE

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Au théâtre, « briser le 4e mur » signifies’adresser directement au public. Uti-liser une expression du théâtre pourprésenter une exposition collectived’art contemporain est bien dans l’espritdu lieu, qui consiste à créer des pas-serelles entre les différentes formes

de la création artistique, à mêler lesgenres. La commissaire invitée FabienneBideaud a conçu une exposition  à lalisière entre art plastique et spectacle,qui tente de comprendre comment etpourquoi un artiste choisit de s’appro-prier les codes de représentation duthéâtre et du spectacle vivant. Les septartistes (Eleanor Antin, Ulla von Bran-denburg, Jagna Ciuchta, Antoine Gra-nier, Romuald Jandolo et Selma Selman)à travers leurs créations, sculptures,performances, dessins, vidéos, photos,installations, parlent d’illusion, de décor,d’artifice, et interpellent ainsi le public

aussi directement qu’au théâtre, onbrise le 4e mur. Et ce n’est pas le trèsbeau rideau (rideau de scène ?) d’Ullavon Brandebourg qui peut s’interposeret contrarier cette interpellation directe. En marge de l’exposition, deux confé-rences à noter : « Commissaires hors-normes ? Quand le cinéma et l’opérafont l’exposition », Cécile Camart, jeudi23 mai, 19 heures. « Regards Croisés »,samedi 18 mai à 15 h 30, rencontreavec Fabienne Bideaud, commissairede l’exposition, et Mathilde Roman,his torienne de l’art. S. C.• Briser le 4e mur, l’Onde, du 6/04 au 29/06.

Briser le 4e mur

CRÉATIONS D’AVANT-GARDE

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Passage de Rouge, passage du temps

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40 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

Lettres à Anne (Folio)Anne Pingeot n’a que 19 anslorsque François Mitterrandtombe follement amoureuxd’elle. C’est le début d’une vastecorrespondance où s’exprimeune passion hors du commun. Derrière l’animal politique etl’homme de culture se révèleune âme quasi romantique àl’écriture sensible et élégante.

❱ Lettres à Anne, 1962-1995, Choix, F. Mit terrand.

L’amie prodigieuse4 tomes (Folio)

Une saga qui couvre 50 ans d’histoire de l’Italie vial’amitié de deux jeunes femmes. On ne sait si ElenaFerrante existe ni le nom de la narratrice. Est-ce Lilaqui raconte ? Cette ambiguïté donne du sel à ceroman. Il a partagé la critique et cette édition permetde se faire une opinion personnelle.❱ L’amie prodigieuse, Le nouveau nom, Celle qui fuit etcelle qui reste, L’enfant perdue, E. Ferrante, traduit parElsa Damien.

Mato Grosso (Livre de Poche)Si vous avez aimé Yeruldelgger,vous pourriez bien être désta bilisépar ce nouvel ouvrage de IanManook. Une plongée étouf fantedans le Pantanal, jungle luxuriante,

humide et oppressante où les hommes ne valentpas mieux que les animaux. Dans ce Brésil de ladictature, tout est violence. Le héros lui-même,son bourreau...❱ Mato Grosso, Ian Manook.Menaces sur le roi (10/18)Le notaire Louis Fronsac, héros récu-rent de cette série écrite par Jeand’Aillon, est appelé par Louis XIV,en qui il n’a guère confiance, pourrésoudre une enquête concernant unsordide parricide. Une série très

divertissante pour les amateursd’histoire et de polar.❱ Menaces sur le roi, Jean d’Aillon.Une lune de sang (10/18)29e enquête de Sœur Fidelma, aumilieu de l’hiver de 671 dans lagéographie des cinq royaumesdans un contexte de lutte pour le

pouvoir entre les Eoganacht de Cashel et le pouvoiren place, le frère de Fidelma. Pour s’informer surce temps ancien et oublié.❱ Une lune de sang, Peter Tremayne.Cité de la nuit(L’imaginaire/Gallimard)Ce premier roman de JohnRechy est devenu culte. Le noirdomine, éclaté de lueurs élec-triques, dressant un portraitétrange des villes américaines.Une déambulation qui ouvredes espaces étonnants et desanalyses inattendues.❱ Cité de la nuit, J. Rechy.

Un homme seul (Folio/Policier)Rocco Schiavone, sous-préfet (unsous-commissaire italien), est lehéros récurrent d’Antonio Man-zini. Romain, il est nommé àAoste contre son gré. Dans cetteaffaire, pas de jambon mais desmeurtres que le policier devraexpliquer.❱ Un homme seul, A. Manzini, tra-duit par Samuel Sfez.

Les chiens de chasse (Folio/Policier)Jorn Lier Horst, ancien officier de police, a créé sondouble, William Wisting, qui incarne l’intégrité etles valeurs de la police. La Norvège sert de contextegénéral à toutes ses enquêtes. Une manière de pré-senter ce pays un peu ignoré. Sui-vant la mode actuelle, celle desaffaires classées, une affaire quidate de ses premiers pas commepolicier conduit Wisting vers untravail de mémoire. Une manièrede raconter aussi l’histoire de laNorvège.❱ Les chiens de chasse, J. Lier Horst,traduit par Hélène Hervieu.

Le clan Spinoza (Champs)Un roman « vrai » par un spé-cialiste de la philosophie spino-ziste, Maxime Rovere. Il décrità la fois le contexte des Pays-Bas de cette fin du XVIIe et l’en-vironnement intellectuel qui vaconduire Spinoza à rompre

avec sa communauté. Superbe !❱ Le clan Spinoza, Amsterdam 1677 : l’invention de la li-berté, M. Rovere.Mémoires d’une idéaliste(Mercure de France)Malwida von Meysenbug estissue de la petite noblesse alle-mande. Dans cette autobiogra-phie, elle raconte sa prise deconscience démocratique dansla Révolution de 1848 et sesruptures avec sa famille. Unegrande leçon féministe.❱ Mémoire d’une idéaliste, M. von Meysenbug.

Le Joueur d’échecs de Maelzel, Eureka (Folio)Deux textes dePoe traduits parCharles Baudelairequi traitent l’un del’univers physique,l’autre de l’automa-tisation et même dela robotique.❱ Le Joueur d’échecde Maelzel, Eureka,Edgar Poe.

Terre énergumène et autrespoèmes (Poésie/Gallimard)Marie-Claire Bancquart est unedes grandes voix de la poésieféminine, à l’égal d’Andrée Che-did, de notre temps. Est proposéeici une sorte de parcours de son

œuvre qui mêle angoisse, mort, bonheur de rien oubonheur extrême... Le tout sans lyrisme ni idéalisme.❱ Terre énergumène, préface d’Aude Préta de Beaufort.

« Défends-toi, Beauté violente ! »(Poésie/Gallimard)Des textes recomposés et revuspar l’auteur, Jean-Paul Michel,pour cette édition originale dansle cadre du Printemps des Poètes2019. Il se veut illustration duthème « La Beauté ». Unemanière d’entrer dans cet art poé-tique marqué par la ferveur et larigueur.❱ « Défends-toi, Beauté violente ! », précédé de Le plus

réel est ce hasard, et ce feu.

Anagrammes à quatre mains(Actes Sud)Une autre manière de faire sonnerles mots en lien avec la musique,plus exactement les musiciens. L’ana-gramme est une porte dérobée, unesorte d’improvisation pour faire sur-gir des rencontres inédites.

❱ Anagrammes à quatre mains. Une histoire vagabondedes musiciens et de leurs œuvres, Karol Beffa, JacquesPerry-Salkow, illustrations de Jean-François Martin.

Romans, polars, essais, livres pour la jeunesse et même des classiques à lire ou à relire. À découvrir pendantles vacances, période de siestes, de voyages immobiles pour dépasser le quotidien. Un florilège non exhaustif.

LITTÉRATURE

NE PAS OUBLIER ANNE PERRYAnne Perry est responsable de plusieurs sériespubliées par 10/18. Elle met en scène des figuresde détective privé qui se débattent dans la Grande-Bretagne victorienne engluée dans la morale pro-testante qui obère la sexualité. Actuellement, ellecrée un nouveau héros, l’avocat Daniel Pitt, fils deThomas, pour poursuivre la chronologie du règnede Victoria. Les deux derniers en date : Le manoird’Alderney et Un innocent à l’Old Bailey.

Se remplir les poches ! Se remplir les poches !

POÉSIE

POLARS

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Cinq titres pour mieux comprendre l’Algéried’hier et d’aujourd’hui. Le roman de K. Adimi,Nos Richesses (Points), fait revivre l’éditeurEdmond Charlot dont la librairie « Les VraiesRichesses » fut à Alger, de 1935 à 1961, un ren-dez-vous des intellectuels engagés. Entre le journalfictif de Charlot, témoin des dernières décenniesde la colonisation et le regard du jeune Ryad, venufermer le local en 2017, l’auteure éclaire subtilementl’actualité. Deux ouvrages de Benjamin Stora : His-

toire de la guerre d’Algérie 1954-1962 (La Découverte), qui

traite de l’essentiel et La Guerre d’Algérie expli-quée à tous (Seuil), livre de questions-réponsestrès accessible sur cette sombre période. Dieu,Allah, moi et les autres (Folio), récit autobiogra-phique de l’éducation punitive subie par SalimBachi, au nom du Coran, dans les années 1980.Mes indépendances chroniques 2010-2016 (Babel)de Khamel Daoud, une dénonciation acerbe et puissante des dérives de l’Algérie. ❱ Nos richesses, K. Adimi, ; Histoire de la guerre d’Algérie 1954-1962, B. Stora ; La guerred’Algérie expliquée à tous, B. Stora ; Dieu, Allah, moi et les autres, S. Bachi ; Mes Indé-pendances Chroniques 2010-2016, K. Daoud.

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1177 avant J.-C. Le jour oùla civilisation s’est effondrée(La Découverte)XIIe siècle avant notre ère. Toutesles civilisations de Méditerranées’effondrent presque simultané-ment. Comment un ensemble decivilisations florissantes ont-ellespu disparaître aussi brutale-

ment ? L’archéologue américain Eric H. Cline mènel’enquête et nous raconte la fin de l’âge de bronze. ❱ 1177 avant J.-C., Eric H. Cline.

La Grande Histoire du Monde(Le Livre de Poche)F. Reynaert réussit l’exploit denarrer 5 000 ans d’histoire mon-diale ! Des grands empires del’Antiquité à la chute de l’URSS,de l’Europe de Charlemagne auJapon du XIXe siècle, de l’Asiedes Mongols à l’Afrique de la colonisation, soit unvoyage enthousiasmant au fil des siècles.❱ La grande histoire du monde, François Reynaert.

Les Dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire (Pluriel)Qui a inventé les maisons et lesvillages ? Les outils, le métal etla roue ? L’art, les dieux, les chefset la guerre ? J.-P. Demoule nous

plonge dans dix mille ans de «  révolution néoli-thique » basée sur une invention essentielle : l’agri-culture et l’élevage. Grâce à elle, la population vas’accroître rapidement, et débouchera sur la créationdes premières villes, des premiers États...❱ Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire, Jean-Paul Demoule.

La mauvaise conscience,Le pardon (Champs)Deux ouvrages de VladimirJankélévitch qui balisent sonparcours philosophique. Lamauvaise conscience, paruen 1933, est sa thèse très idéaliste,Le pardon représente sa réflexion après les campsde concentration.❱ La mauvaise conscience, Le pardon, V. Jankélévitch.

LES INCLASSABLES

Robinson (Almaterra)« La première nuit, Robinson dor-mit à l’abri d’un palmier. Dès lelendemain, en compagnie duchien, qu’il appela Nestor, ilentreprit d’explorer l’île. Était-

elle habitée ? » Ainsi commencent les aventures deRobinson ! Dans cette collection, « Les grands textesà hauteur d’enfant », Robinson, Cyrano, Thésée,Gargantua, Cosette sont racontés avec des mots sim-ples mais fidèles aux versions originales. ❱ Robinson, Alain Paraillous.

Faute d’égalité (Tracts/Gallimard)Une nouvelle collection, Tracts, liéeà l’actualité pour des courts textespermettant de faire le point sur unsujet. Il était logique de commencerpar les Gilets Jaunes et leur reven-dication de justice et d’égalité. PierreBergounioux élargit la réflexion sur

l’absence d’esthétique qui marque ce XXIe siècle. Untract, un peu long, pour lancer un débat – c’est à lamode – sur la mise en œuvre du principe d’égalité.❱ Faute d’égalité, P. Bergounioux.

L’art de la fausse générosité(Actes Sud)Lionel Astruc, spécialiste de la tran-sition écologique, dresse un réquisi-toire de la fondation créée par Bill etMelinda Gates qui a pour objectifd’aider les populations pauvres duTiers-Monde. Il est question de cha-rity business pour cacher des flux

financiers, l’évitement fiscal et, plus fondamentalement,des menaces sur le rôle des États et la démocratie.❱ L’art de la fausse générosité, L. Astruc.

Sartre 1905-1980 (Folio)Une nouvelle édition de la biogra-phie de Sartre, avec une préface iné-dite de l’auteure, Annie Cohen-Solal. L’ambition de Sartre était,sans doute, démesurée : « c’est lemonde entier que je veux posséder »écrivait-il en 1940. Difficile de ren-dre compte d’un trajet intellectuel

qui a structuré toute une génération. Une légende figéeà qui cette biographie rend les couleurs de la vie.❱ Sartre 1905-1980, A. Cohen-Solal.

Éloi et Dagobert (Milan)Imaginez les héros de lacomptine Le bon roi Dago-bert enfants. Éloi sera enfantraisonnable et poli, et Dago-bert hyperactif, fouineur etgaffeur. Quand Éloi emmé-nage dans l’immeuble deDagobert celui-ci voit d’undrôle d’œil ce nouvel« ami ». ❱ Eloi et Dagobert, Rémi Chau -rand.

Le Nœud de vipères(Le Livre de Poche)Un des romans majeurs deMauriac – publié en 1932-1933 – dont la charge contrela bourgeoisie bordelaise estféroce. Catholicisme defaçade, obsession des appa-rences, rapacité, mariages d’intérêt, haines familiales,entre-soi farouche sont toujours des traits de laclasse possédante repérés par les sociologues. ❱ Le Nœud de vipères, F. Mauriac.

Le tour du malheur (Folio)Vaste fresque de 1 600 pages, deJoseph Kessel, qui se dévorecomme un feuilleton. Guerre,ambition, argent, femmes,Richard Dalleau va tout connaî-tre. Engagé volontaire en 1914puis brillant avocat, cette âmepure et idéaliste aime la viefurieusement. Mais le tour de la vie et du malheurtourne vite. Trop vite. Une saga haletante. ❱ Le tour du malheur, tomes 1 et 2, J. Kessel.

Chateaubriand, Voyage en Amérique (Folio)En 1791, il a 23 ans, Chateau-briand quitte la France pourl’Amérique pour un voyage quidurera 8 mois. Il lui faudra30 ans pour en écrire la recen-sion en se présentant comme« le dernier historien des peu-ples de la terre de Colomb »mêlant allègrement choses vues, lectures et fictions(la réinvention des souvenirs).❱ Chateaubriand, Voyage en Amérique. Édition de SébastienBaudoin.

Se remplir les poches ! Se remplir les poches ! ESSAIS

JEUNESSE

CLASSIQUES

Pages réalisées par Nicolas Béniès, Brigitte Cacheux, Sylvie Chardon, Geneviève Chourreu, Cécile Exbrayat et Stéphane Rio

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ENTRETIEN

pour les associations qui nousaccompagnaient (pour l’instant aucunmaire n’a jamais été inquiété pour cemotif). Mais elles n’ont eu aucun ennuijuridique, certainement parce que l’Étatsavait que la ville était derrière elles. Jen’ai donc jamais reçu de menace oud’entrave, mais on a bien évidemmentessayé de me dissuader. Quand, en 2008,j’ai pour la première fois mis une tentechauffée à disposition des personnes quiétaient à la rue, j’ai reçu un courrier dusous-préfet de Dunkerque qui me parlaitde « l’appel d’air » et de l’insécurité quirisquait de se développer, notammentparce qu’il y avait des passeurs, etc.,et qui m’expliquait donc que maresponsabilité était engagée. Quand j’aiouvert le camp, il y avait des ordres du

DAMIEN CARÊME

L’US Mag : L’argument de «  l’appeld’air  » est souvent évoqué pourdisqualifier d’emblée toute politiqued’accueil des réfugiés, comment yrépondez-vous ?Damien Carême : C’est une vastefumisterie. C’est un prétexte pourne rien faire. Déjà, dans biendes villes, plein de personnes sontà la rue alors qu’on n’organise pasl’accueil, les gens viennent quandmême. À Grande-Synthe, nousavions dimensionné notre campd’accueil pour 2 500 personnes ;or, à l’ouverture en mars 2016,1 330 personnes étaient présentes,parce que beaucoup d’autresavaient réussi à passer enAngleterre. En juillet 2016, il yavait seulement sept centspersonnes. Donc, dans les faits,sur ma commune, alors qu’on aorganisé dignement l’accueil,la théorie de « l’appel d’air »ne s’est pas avérée. Quand l’Étatprend en charge ses responsabilitéset travaille avec les communes etassociations, tout se passemerveilleusement bien.

L’US Mag : Le «  délit de solidarité  »a-t-il été une angoisse ou une menacepour votre action ? D. C. : À aucun moment pour moi, ça n’aété une angoisse parce que je suis maire etque les maires doivent répondre à desobligations. Par exemple, le code del’action sociale et des familles stipulequ’on ne peut pas laisser des gens sansaccès à des biens et services de basecomme l’eau potable, le ramassage desordures, l’assainissement, etc. Autreexemple, quand on a eu une arrivéemassive d’exilés en 2015 avec unesuspicion d’épidémie de gale, le code dela santé publique m’obligeait à prendredes mesures pour enrayer l’épidémie.En plus de réagir à l’inhumanité et àl’indignité des conditions de vie despersonnes, j’ai donc toujours agi sur sesbases légales. Le risque était plus élevé

préfet pour interdire ledéménagement de l’ancien campvers le nouveau, parce qu’il nerépondait pas précisément à toutesles normes, incendie notamment,ce qui était aberrant étant donnéles conditions de sécurité del’ancien camp où les risquesétaient énormes. Sauf que maresponsabilité pénale pouvait êtreengagée sur le nouveau campparce que c’est moi qui en avaisdécidé la création, et non l’État.Nous avons ensuite fait tous lestravaux de mise aux normes.

L’US Mag : À quel point voussubstituez-vous à l’État en matièred’accueil des réfugiés ?D. C. : Presque totalement, l’Étatne propose quasiment rien ! Lesmaires font presque tout, alors quenous n’en avons pas la prérogativeet que ce n’est pas avec notrebudget et notre personnel qu’on estcensé régler le problème. L’Étatdoit exercer sa compétence :financer l’hébergement et prendreen charge l’accompagnementsocial. Ce n’est pas normal que cesoit le personnel de Grande-Synthequi organise l’accueil dans la salle

des sports, que ce soient les associationsqui gèrent seules les collectes de dons etles distributions alimentaires. Ce que jeréclame c’est que, partout, l’État mette enœuvre une politique pour accueillirdignement toute personne, de manièreinconditionnelle, c’est-à-dire tous lespublics à la rue.

L’US Mag : Comment jugez-vous l’attitude del’Union européenne face aux migrations ?D. C. : Indigne. L’attitude de l’UE face àl’accueil n’est pas tenable. On ne peut pascontinuer à passer des accords avec laTurquie qui est loin d’être un paysdémocratique, ou avec la Libye pourlimiter les arrivées. Il n’est pas normal deconditionner les aides au développementdes pays africains au fait qu’ils gardent

« Quand la politique est sociale,la démocratie représentative fonctionne »

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« Réagir à l’inhumanité età l’indignité des conditions de vie »

Damien Carême est maire de la ville de Grande-Synthe près de Dunkerque depuis 2001,d’abord sous l’étiquette PS puis EELV à partir 2015. Il s’est fait connaître par sa politique écologique et

sociale ambitieuse et par ses actions en faveur de l’accueil des réfugiés, particulièrement quand,en mars 2016, il ouvre avec l’association Médecins sans frontières un camp humanitaire

répondant aux normes internationales du HCR de l’ONU dans sa commune.

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leurs frontières pour éviter lesmigrations. C’est scandaleux sur leplan humain, de l’éthique, desvaleurs qui ne sont pas celles del’UE à la base ; c’est en plus uneforme d’externalisation desfrontières. Les dépenses pourFrontex(1) sont aussi très élevées.Je suis outré par la politiqueeuropéenne qui bafoue ses propresvaleurs fondatrices.

L’US Mag : La politique de votre villeest marquée par l’imbrication dusocial et de l’écologie. Prenons deuxexemples  : les cantines et le minimumsocial garanti. Pouvez-vous nousparler de ces deux projets  ?D. C. : Les cantines des écoleset EHPAD sont 100 % bio depuis2011 et maintenant fournies parune production locale ! On ainstallé des maraîchers sur desterres acquises par la commune,donc nous sommes en autonomiealimentaire pour les restaurationscollectives. Puisqu’il y a dessurplus et pour faire vivre lesproducteurs, on veut maintenanttrouver d’autres débouchés. Uneassociation a ouvert une épicerie pourvendre les surplus produits, il faut àprésent que la relation se crée avec leshabitants et les producteurs.Ensuite, concernant le minimum socialgaranti : tout d’abord, je suis candidatà l’expérimentationdu revenu de baseinconditionnel ; maisje ne peux pas lemettre en place seul,c’est une compétence de l’État. Ce quenous venons de mettre en place à Grande-Synthe, c’est le minimum social garanti.Ce n’est pas un revenu, c’est uneallocation, une aide délivrée par le centrecommunal d’action sociale et quicomplète les revenus en les prenant tous

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 43

alors une économie de476 000 euros que nousréaffectons au minimumsocial garanti.

L’US Mag : La démocratie et lareprésentativité sontinterrogées en ce moment,particulièrement par lemouvement des Gilets Jaunes.Que pensez-vous d’une mesurecomme le RIC  ?D. C. : Je ne suis pasforcément contre, mais qu’onen vienne à ça me gêne, parceque ça veut dire que ladémocratie représentative nefonctionne plus. Je constateque, quand le dialogue estpermanent avec la population,quand on tient compte desdifficultés des gens, quandla politique est sociale, quandil y a des outils de démocratieparticipative (conseils desjeunes, budget participatif, etc.)et qu’on est à l’écoutepermanente des habitants, il n’ya pas de problème et ladémocratie représentativefonctionne. Pour certains sujets,

j’estime que les élus doivent exercerpleinement leur responsabilité et trancher.C’est ce que j’ai fait au sujet de lapolitique scolaire, par exemple : j’ai ainsipris la décision, après m’être beaucouprenseigné sur la question, de rétablirla semaine de quatre jours et demi parsemaine, mesure qui me semblait plusà même d’atteindre l’idéal d’égalité dansl’éducation et de respecter le rythme desenfants. n

(1) Agence de l’Union européenne en chargedes frontières extérieures de l’espace Schengen.

en compte pour qu’ils atteignent aumoins 855 euros par mois pour unepersonne seule, soit le seuil de pauvreté.Donc la mesure concerne tout le monde,y compris des travailleurs pauvres, desretraités, etc. Le dispositif est en partie

financé parleséconomiesréalisées surles dépenses

énergétiques de la ville, électriquesnotamment : on a refait tout l’éclairagepublic, on a installé des LED basseconsommation, on a diminué le nombrede points lumineux, on baisse l’éclairage à50 % à partir de minuit et à 75 % à partirde 3 heures du matin, etc. Nous générons

« La politique européenne bafoue ses propres valeurs fondatrices »

QU’EST-CE QUE LE « DÉLIT DE SOLIDARITÉ »  ?Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)en son article L622-1  stipule que «  toute personne qui aura, par aidedirecte ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulationou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un empri-sonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ». Ainsi, CédricHerrou avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis par lacour d’appel d’Aix-en-Provence en août 2017 pour avoir transporté deuxcents migrants de la frontière italienne jusqu’à chez lui et organisé uncamp d’accueil. Une requête a alors été formée auprès du Conseil consti-tutionnel avec deux autres plaignants et une douzaine d’associationsd’aide aux migrants, dont la Cimade et la Ligue des droits de l’homme.Le Conseil a jugé que la loi empiétait trop sur le principe de fraternité ;il estime en effet que l’exemption de poursuites pénales ne peut pas secantonner à l’aide au séjour, mais doit s’étendre à l’aide à la circulation

de l’étranger irrégulier « lorsque ces actes sont réalisés dans un buthumanitaire ». En revanche, il exclut que cette exemption s’étende àl’aide à l’entrée sur le territoire, car celle-ci « fait naître par principeune situation illicite ». Depuis, une exemption a été ajoutée au CESEDAà l’article L622-4 pour «  toute personne physique ou morale lorsquel’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecteet a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, lin-guistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusi-vement humanitaire ».Le délit de solidarité n’existe pas. Sa mise en avant par de nombreusespersonnalités politiques n’aurait-elle pas pour but de s’exonérer du délitde non-assistance à personne en danger qui lui en est un ?

Documentaire réalisé par Béatrice Camurat Jaud, sorti en octobre 2018, http://grandesynthelefilm.com

Propos recueillis par Benjamin Decornois

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INTERNATIONAL

Àla veille du scrutin, la question de l’im-migration devrait être au centre desenjeux des élections européennes (son-

dage Kantar-TNS, avril 2019). En Italie,comme en Hongrie, les partis au pouvoir fontcampagne contre l’accueil des migrants. Ail-leurs, les partis d’extrême droite et même unedroite décomplexée, jouent sur les peurs enaccréditant l’idée d’une « invasion » demigrants. Certes depuis le début des années2010, les guerres, notamment celle en Syrie,ont poussé des millions de personnes à cher-cher refuge en Europe. Toutefois la réalitéchiffrée est bien moindre. Cette surestimation– les Français estiment par exemple que laproportion d’immigrés est de 18,1 % alorsqu’elle n’est que de 8,9 % – s’explique parle pic du nombre de personnes arrivées sur leterritoire européen en 2015 (un peu plus d’unmillion). Il est pourtant à relativiser par rapportaux 512 millions de citoyens européens, et àceux qui ont réellement obtenu l’asile et béné-ficient donc du statut de réfugiés. Il doit éga-lement être mis en perspective par rapport aunombre beaucoup plus important de réfugiésaccueillis par les pays limitrophes des conflits,tels que le Liban, le Pakistan ou la Turquie.

L’Union européenne s’est construite sur desprincipes fondamentaux de solidarité, de jus-tice et de liberté ; pourtant, les politiques etpratiques européennes en matière d’accueilet de gestion des frontières ont, tout au longde cette période, manqué d’ambition oumême de réalisme, justement sous la pressiondes opposants politiques hostiles au moindregeste en faveur des migrants. L’Union euro-péenne a fini par faire le choix de la forte-resse. Après avoir fermé la route orientalepassant par la Turquie et la Grèce, elle a taricelle de la Méditerranée : le nombre demigrants arrivés en Europe en 2016, a diminéde plus de moitié par rapport à 2015 et lesarrivées sur les côtes méditerranéennes ontchuté de 82,8 % entre 2015 et 2017.

Chacun pour soi...Pour tout dire, l’UE n’a plus de politiquecommune sur la question migratoire maisplutôt un millefeuille de textes, de directives,de règlements et d’accords bilatéraux qui nepermettent jamais qu’une résolution partielledes crises, chaque pays voulant garder lamain. Jusqu’ici, elle se référait au Règlement

de Dublin, signé en 1990, qui obligeait lesdemandeurs d’asile à déposer une demandedans le pays d’entrée en Europe. La crisede 2015 a prouvé qu’il n’était pas adapté encas de flux migratoire important. Certainspays ont profité des règlements pour se déles-ter des migrants arrêtés sur leur territoire enles expulsant vers les pays d’entrée. Bonnombre d’accords bilatéraux ont aussi prisle pas sur Dublin, des États trouvant là lemoyen de se dispenser de leurs obligationsde protection. Ainsi, la Grèce et la Hongrierenvoient les demandeurs d’asile vers despays considérés comme « pays tiers sûrs »tels que la Turquie et la Serbie.

Tout contre l’autreDublin, controversé, dans l’impossibilité dese réformer, c’est la ligne dure qui s’est impo-sée à tous les membres : renforcement deslogiques de fermeture, de dissuasion et derépression. Le débat sur les quotas illustre lerefus d’une solidarité au niveau de la priseen charge des réfugiés. L’échec de sanctionsfinancières à l’égard des pays refusant d’ac-cueillir des réfugiés traduit cette incapacité àfaire plier certains États membres. Plus concrè-tement encore, la proposition de faire passerle nombre d’agents Frontex de 2 800 à 10 000d’ici à 2020 et de renforcer les capacités d’ac-tion et matérielles de l’Agence, pour assurer

IMMIGRATION. Oubliée l’image d’Aylan, un petit Syrien de 3 ans, mort sur un rivage de Méditerranée. En 2015,elle avait ému l’Europe et ouvert les portes du Vieux Continent aux migrants... depuis on assiste à un durcissementdes politiques migratoires européennes.

L’Europe ferme ses portes

le contrôle, témoignent de cette dérive. Encoreque les pays du groupe de Visegrad (Hongrie,Pologne, République tchèque et Slovaquie),de même que l’Italie et l’Espagne, sont oppo-sés à l’idée de voir des agents européens sedéployer sur leur territoire ! Exemple symbolique s’il en est, la Suède afermé ses frontières et renforcé les contrôlessous la pression de l’extrême droite. Un vraibouleversement dans ce pays scandinaveréputé pour son ouverture. Bruxelles prônemême l’augmentation des expulsions desmigrants « économiques » et des demandeursd’asile qui n’obtiennent pas l’autorisation derester sur son territoire et limite leurs possi-bilités de recours. Un mot domine désormaisdans le vocabulaire européen, « externalisa-tion », c’est-à-dire renvoi vers les côtes afri-caines et notamment libyennes des migrantsqui ne disparaissent pas en Méditerranée.L’UE veut également multiplier les accordsavec les pays d’origine : ceux-ci accepteraientle retour de leurs ressortissants en contrepartied’une aide au développement, entre autres.En se focalisant sur des mesures sécuritaires,bien loin d’apaiser les peurs, les dirigeantseuropéens ne font que légitimer les idéo-logies xénophobes et aggraver ainsi les frac-tures sur le continent, sans résoudre pourautant la question de l’immigration. n

Thierry Pétrault

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En 2018, 580 800 primo-demandeurs d’asile (— 11 %)ont introduit une demande deprotection internationale

auprès des États membres de l’Union européenne.

11%

EN ATTENDANT LES ÉLECTIONS  !Le Conseil européen d’octobre 2018, sous la présidence autrichienne (!), n’a pas permis d’avancer surl’élaboration d’une politique migratoire commune. Face à ces blocages, les décisions sont renvoyéesaprès les élections européennes. Pourtant, dans chaque pays européen l’arsenal législatif se renforce.Y compris en France. Le refus d’accueillir l’Aquarius, la polémique née des déclarations de Christophe Cas-taner, « les ONG ont pu se faire complice des passeurs », accréditent ce virage à droite. Son évocation,dans le discours de conclusion, alors même que l’immigration n’a pas figuré parmi les principaux sujetsdu grand débat national du président de la République, renforce ce sentiment. Considérant quel’immigration est « le deuxième grand combat de l’Europe avec le climat », il n’a pas caché sonattachement « à l’enracinement et aux frontières », notamment européennes. Ce discours inquièted’autant plus, qu’au quotidien, la loi «  asile-immigration  » consacre le recul des droits des réfugiés.

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La Fédération syndicale professionnelled’éducation (FSPE) est le plus ancien syn-dicat guinéen de l’éducation, créé en 1945,

sous la domination coloniale française. Il estaffilié à la CNTG, grande confédération regrou-pant des syndicats du privé comme du public.Le monde syndical guinéen a connu divisionset remous et la FSPE a récemment renouvelésa direction, faisant appel à de jeunes militantset laissant une place plus large aux femmes.Salifou Camara, le nouveau secrétaire généralde la FSPE, a, dans un premier temps, présentéau SNES-FSU un projet de coopération portantsur la formation des militants de province auxdroits syndicaux. Après avoir examiné ce projetet évalué son financement, le SNES-FSU l’aintégré à son projet de coopération pour l’année2018-2019 et la décision a aussi été prise d’ef-fectuer un séjour en Guinée début avril 2019pour évaluer les besoins de la FSPE et participersur place à une seconde formation.

Investissements insuffisantsLa Guinée est un des pays les plus pauvresd’Afrique de l’Ouest, son taux de scolarisationautrefois médiocre a progressé mais peud’élèves vont au-delà de la scolarité primaireet parmi ceux, déjà peu nombreux, qui accè-dent à la Terminale, le taux de réussite aubaccalauréat est de 26 %. C’est donc une très

LE SNES-FSU A RELANCÉ, depuis l’automne 2018, sa coopération syndicale avec la FSPE, l’un des deux grandssyndicats guinéens de l’éducation. Cela a été suivi, en avril 2019, d’une visite de coopération. C’est l’occasiond’évoquer les objectifs et les étapes d’une coopération syndicale.

Coopération syndicale en Guinée

Supplément au no 787 du 20 avril 2019 - US MAGAZINE - 45

étroite minorité qui peut prétendre à des étudesuniversitaires qui, bien souvent, ne mènentpas à de réelles perspectives d’emploi surplace. La forte présence des jeunes Guinéensparmi les migrants qui traversent aujourd’huila Méditerranée n’a donc rien d’un hasard etces départs inquiètent les collègues guinéens.Les conditions d’étude et d’enseignement sonttrès difficiles, faute d’investissements suffi-

sants dans l’éducation : classes surchargées,rotations matin/après-midi par manque delocaux, insuffisance de manuels et de matérielpédagogique, absence d’informatique (et par-fois d’électricité), toilettes mal entretenues,tables et chaises en nombre insuffisant. Lescollègues guinéens revendiquent une haussede leur salaire – qui est de l’ordre de 200 eurosaujourd’hui – et surtout une amélioration deleurs conditions de travail ainsi qu’une meil-leure protection sociale – ils ne bénéficientquasiment d’aucune aide de l’État en cas demaladie – et des aides au logement.Lors d’une réunion avec le bureau exécutif dela FSPE qui a permis de dresser un premierbilan d’étape de la coopération SNES/FSPE,les militants ont exprimé leur satisfactiond’avoir bénéficié du soutien du SNES-FSU etdu CSFEF dans la longue grève de l’automneet de l’hiver 2018 et d’avoir pu échanger surles moyens de communication, le renforcementdes capacités syndicales et la protection sociale.Ils ont aussi envisagé d’élargir la coopérationà d’autres aspects  : par exemple le combatsyndical pour obtenir de meilleures conditionsd’hygiène dans les écoles et l’inclusion deshandicapés (il n’y a qu’un seul établissement,non inclusif, qui scolarise des enfants sourdset muets, pour tout le pays) ou des échangespédagogiques. n Elisabeth Jacquet

ROYAUME-UNI. La NASUWT forte de ses 293 000 adhérents est la seule organisation syndicale qui fédère lespersonnels de l’éducation dans l’ensemble du Royaume-Uni.

Un statut fortement attaquéPour son centenaire, la NASUWT a tenu

son congrès à Belfast du 19 au 21 avril ;au cœur de ses revendications, l’amé-

lioration des conditions d’exercice et l’aug-mentation des salaires et pensions. Dans lamajorité des motions soumises au vote desdélégués, c’est bien le thème de la conditionenseignante qui est constamment revenuavec celui des conditions d’accueil etd’études des élèves dans un système éducatiffortement impacté par un sous-investissementchronique. « Comment faire dans une sociétéfracturée économiquement ? » comme lesouligne Alan, professeur en lycée à Man-chester. Exercer la profession d’enseignantalors qu’on assiste à des coupes budgétairesà répétition, que 4,1 millions d’enfants viventsous le seuil de pauvreté et qu’il y a unmanque criant de professeurs, relève du défi.Selon que les personnels exercent dans leprimaire ou dans le secondaire, un mêmeconstat s’impose, celui d’une dégradationdes conditions d’exercice. Par ailleurs, l’école

ne peut à elle seule combattre les inégalitéséconomiques et sociales croissantes qu’onobserve au quotidien.

Charge de travail alourdieAngela, enseignante dans un établissementdu second degré à Belfast, estime qu’elletravaille au total 54 heures par semaine.Dans son quotidien, c’est la charge de travaildevenue difficilement supportable qui luipèse le plus, tout comme le « poor mana-gement » (mauvais management) de l’ad-ministration, qui se traduit en particulier pardes prescriptions à répétition qu’elle consi-dère comme une atteinte à sa liberté profes-sionnelle. Elle remercie d’ailleurs le syndicatde consulter la profession afin de procéderà une évaluation fiable de la situation despersonnels. Ces consultations portent sur lacharge de travail, les méthodes d’évaluationdes résultats des élèves ou des établissementsqui conduisent les « autorités éducatives »à classer ces derniers, voire à en supprimer.

La NASUWT construit des argumentairesqu’elle diffuse à ses représentants syndicauxet syndiqués à tous les niveaux de l’organi-sation (établissements, branches régionales)pour combattre la politique éducative dugouvernement de Theresa May : rapportssur les inégalités économiques et socialesau Royaume-Uni, notes très détaillées surles conséquences d’un sous-investissementchronique en moyens humains et financiers.Elle est également engagée dans une bataillepour défendre le droit à formation syndicaledes représentants locaux.Des thématiques qui appellent d’autresmobilisations en lien avec les parentsd’élèves. Beaucoup de sujets de préoccu-pations professionnelles similaires auxnôtres. Un statut (au sens large du terme)fortement attaqué et fragilisé, ce quiexplique la crise de recrutement, que cesoit en Angleterre, au Pays de Galles ouen Irlande du Nord. n

Odile Cordelier

À l’école Tombo 2 de Conakry, des élèves,faute de place, sont contraintes de s’asseoirpar terre et d’utiliser l’estrade comme table.

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DROITS ET LIBERTÉS

SENSIBILISER LA JEUNESSE

Lutte contre les LBGTphobies

46 - US MAGAZINE - Supplément au no 787 du 20 avril 2019

Elles sont une vingtaine d’associations à dénon-cer une situation dramatique notamment dansle nord-est de Paris où les personnes vivent

dans des « conditions sanitaires déplorables, pri-vées d’accès à leurs droits fondamentaux ». Ellesdénoncent la dégradation physique et psychiquedes migrants. « Il y a beaucoup de violences poli-cières depuis deux ans. On fait en sorte que lesexilés ne s’installent pas, qu’ils soient toujours enfuite. Ils vivent dans l’inconfort et le mépris le plustotal », déplore une militante. « La situation esttrès dégradée. Avant, les associations avaient plusde moyens », regrette-t-elle encore. D’où la décisionde faire grève le 9 avril. Pendant une journée, àl’exception des distributions alimentaires, pas deconseils juridiques, pas d’accompagnement dansles démarches de santé, pas de dons de vêtements...

Humanité empêchéeLe directeur général d’Emmaüs Solidarité, BrunoMorel, précise : « il y a un phénomène de ras-le-bol. L’histoire se répète : on a mis 25 000 personnesà l’abri en 17 mois à la Porte de la Chapelle, puisla structure a fermé et les campements se sontreconstitués. On a connu une trentaine d’opérationsde mise à l’abri en deux ans ! Dans les campementsparisiens, 20 % des gens ont le statut de réfugiés,ça veut bien dire que le système ne fonctionne pas !C’est indigne de notre pays de voir des gens nepas satisfaire leurs besoins vitaux ».Louis Barda, coordinateur pour Paris de Médecinsdu Monde, ajoute : « les campements se reformentvers la périphérie. Les gens sont rendus invisibles,

exténués après des années d’errance et de rejeten Europe. Cette violence s’ajoute à celle de l’exilet du parcours migratoire ».La situation des femmes est particulièrement tra-gique : parfois âgées, parfois enceintes, elles sontvulnérables. Il n’y a plus d’accueil physique pourprendre rendez-vous en préfecture, pour déposerune demande d’asile, les lieux d’accueil de jouront fermé. Cela génère frustration et colère chezles exilés, et les bénévoles, en première ligne, sesentent impuissants.Le 9 avril, les associations l’ont redit : les pouvoirspublics doivent assumer leurs responsabilités. Ilfaut un véritable dispositif de premier accueil surle territoire et des conditions dignes de vie à touteset à tous. Ces personnes ont fui guerres, famines,conditions climatiques insupportables, elles ontparcouru des kilomètres dans des conditionseffroyables, au péril de leur vie, il est scandaleuxde ne pas leur offrir l’hospitalité. n

Marylène Cahouet

Le 17 mai est le jour officiel de lutte contre l’homophobie et la transphobie au niveau mon-dial. L’Éducation nationale devrait prolonger

ce jour-là la campagne lancée en janvier dans lesétablissements scolaires (affiches, tracts et guide)par des outils supplémentaires, vidéos, réseauxsociaux et encourage les établissements à se saisirde cette journée. Toutes les initiatives en ce sensdoivent être encouragées et valorisées, alors queles agressions, de plus en plus violentes d’aprèsles associations, ont considérablement augmenté.

C’est bien l’ensemble des établissements quidevraient se mobiliser.

Oui mais...Cependant, si une journée dédiée et des outils idoinespeuvent être nécessaires, cela n’est pas suffisant.Les premiers résultats de l’enquête sur la diffusionde la campagne dans les EPLE montrent des résultatscontrastés : affiches utilisées, flyers un peu moins,guide peu connu, et une campagne qui s’intègreassez peu dans les actions des établissements (unquart uniquement), même si elle est bien perçue.C’est là le défi majeur : penser la lutte contre lesdiscriminations et les violences LGBTphobes commeun enjeu collectif et professionnel ne peut être faitque si les campagnes viennent renforcer et légitimerle travail quotidien. Les personnels sont peu formés,les interventions en milieu scolaire dépendent de laprésence ou non d’associations dans le département.Former les personnels à ce sujet reste un vastechantier dont les fondations restent bien fragiles. n

Olivier Lelarge

AIDE AUX MIGRANTS

Indignation : grève des associations

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Loi anti-manifestantsi

Camouflet pourle gouvernementLa loi dite «   anti-casseurs   »a été jugée anticonstitutionnelle :les interdictions de manifesterordonnées par le préfet ont été reto-quées par le Conseil d’État, parcequ’elles violent les droits constitu-tionnels des citoyens. Restent malgrétout des dispositions probléma-tiques : interdictions de manifesta-tion, fouilles systématiques, contra-ventions diverses... La liberté de manifester est une com-posante de la liberté d’expression,et donc en cela une liberté fonda-mentale. Elle doit pouvoir continuerà s’exercer en France sans avoir àcraindre une répression violenteet/ou arbitraire, dès lors que leslimites imposées par la loi sont res-pectées. Contrairement à ce que vou-drait faire croire le gouvernement,tous les manifestants ne sont pasdes casseurs, et la majorité des per-sonnes qui manifestent le font paci-fiquement.

Familles monoparentalesi

Pension alimentaireEn France, une famille sur cinq estdite « monoparentale » et dans 85 %des cas, le parent solo est unemaman. Presque 3 millions d’enfantsvivent dans ce modèle familial. Et40 % des pensions alimentaires nesont pas versées dans leur intégralité.Les pensions alimentaires sont desdécisions de justice. Elles tiennentcompte des revenus des ex-conjointset sont indispensables à l’entretienet à l’éducation des enfants. Le gou-vernement envisage le recouvrementdes sommes dues par les parentsdéfaillants par les caisses d’alloca-tions familiales. Or, pour les associa-tions, le recouvrement par le Trésorpublic serait bien plus efficace, carles CAF sont débordées et n’ont nil’expertise ni les forces pour traiterl’ensemble des cas.

Glyphosatei

Plaintes contre l’ÉtatLes résultats des analyses publiéesces derniers mois sur les effets dece produit chimique controversémontrent un risque accru de cancer.Pourtant, les autorisations de misesur le marché pour les dix prochainesannées se poursuivent, alors quel’interdiction du glyphosate faisaitpartie des promesses d’E. Macron.Pourquoi ne pas l’avoir inscrit dansla loi ? La dangerosité du glyphosaten’est plus à prouver, il faut donc exi-ger son interdiction immédiate.

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