Alicia Guidonet (2008) La réciprocité comme stratégie

7/26/2019 Alicia Guidonet (2008) La rciprocit comme stratgie

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6 | September 2008:Manger pour vivre

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reciprocity as a strategy ; dealing with hunger and food insecurity

ALICIAGUIDONET

Abs t r ac t s

FranaisE

nglishLe texte littraire, examin et contextualis historiquement, offre des voies de comprhensiondes stratgies mises en uvre par une classe sociale afin de se perptuer en priode de crise.Ainsi, en considrant spcifiquement certaines des figures de la rciprocit, nous observonslimportance, non seulement des liens sociaux qui favorisent la reproduction sociale, maisaussi celle de lalimentation comme moteur dtablissement de ces liens.

Setting a literary text into its historical context leads to better understanding of the strategiesdeveloped by a social class in order to achieve social reproduction in times of crisis. Focussingon reciprocity, the author examines not only the importance of social relationships in terms offacilitating social reproduction, but also the relevance of food as an engine for the developmentof such relationships.

I n d ex t er m s

Mots-cls : crise, rciprocit, nourriture,valeurs, genre, idologie, ethno littrature.Keywords : crisis, reciprocity, food,values, gender, ideology, ethno-literature

Fu l l t ex t

Lobjectif principal de cet article est lanalyse du roman La plaa del Diamantquidoit nous permettre de comprendre le fait alimentaire en priode de famine et decarences alimentaires. Ce roman a t crit par Merc Rodoreda en 1962. MercRodoreda est ne en 1908 Barcelone et dcde Girona en 1983. Consacr comme

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ciprocit comme stratgie http://aof.revues.org/4562

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lun des plus prestigieux romans catalans, La Plaa del Diamant jouit dune trslarge reconnaissance, au point davoir t considr comme le meilleur romancatalan daprs-guerre (Vila, 1977). Il sagit ce jour du roman catalan le pluslargement publi (Sales, 2000). En plus du catalan et du castillan, il compte desditions en anglais, italien, polonais, franais, tchque, japonais, hongrois, allemand,danois et russe. Lhistoire est celle de la vie dune femme, Natlia, la Colometa.C'est sous la forme dun monologue que ce personnage raconte sa vie, depuis sajeunesse jusqu sa maturit. Situ dans les dernires annes de la Rpublique, de laGuerre Civile et de laprs-guerre, le roman prsente de nombreuses donnes sur lecontexte historique, social et culturel du moment.

Natlia est une jeune fille dorigine trs modeste. Elle pouse Quimet, unmenuisier qui nhsite pas rejoindre larme rpublicaine lorsqu clate la GuerreCivile espagnole. Natlia et Quimet ont dj deux enfants, Antoni et Rita, qui doiventendurer avec leur mre les rudes annes de guerre en zone rpublicaine, Barcelone.

Natlia se retrouve alors seule pour soccuper de son foyer et de ses enfants. Elletravaille de surcrot hors du foyer familial afin de pouvoir entretenir modestement safamille. La guerre avance et, avec elle, la mort, la dsolation et l'absence de moyensde subsistance. Quimet meurt au front et Natlia, dsespre, met en uvre diverses

stratgies pour subsister.

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Plusieurs raisons mont mene choisir ce texte. Selon De la Fuente (1997 : 22-23),tous les genres littraires peuvent tre analyss du point de vue anthropologique.

Diverses compilations (De la Fuente, 1994, 1997 ; Lisn Tolosana, 1995) montrentcomment travailler sur diffrentes sources, allant de la narration orale la posie,sans oublier le thtre ou le roman. Toujours selon De la Fuente (1997 : 22), certainstextes, le roman, le conte ou le thtre, prsentent des trames complexes de relationsqui font de ces sources des textes privilgis, offrant des possibilits majeures pourlethnographe . Lanthropologue peut donc utiliser un genre littraire pour tudierun contexte socioculturel et en tirer de nombreuses informations qualitatives sur uncontexte socio-historique : cest ce que nous allons voir plus loin en dtails.

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Le choix de cette uvre de Merc Rodoreda repose sur deux autres facteurs. Lepremier est la localisation de la narration dans un contexte critique, la Guerre CivileEspagnole. Cela permet de souligner la spcificit des relations sociales quistablissent, se maintiennent ou se dlitent, dans une situation de manque et decrise des biens et des services (guerre et aprs guerre). A partir de lobservation dequelques stratagmes utiliss pour se procurer de la nourriture, nous dfendronslhypothse selon laquelle lune des fonctions de l'alimentation serait, dans cecontexte spcifique, la cration et le maintien des relations sociales. Le secondfacteur de choix de ce roman est que l'action se situe dans une priode de crisealimentaire. Le fait que la principale protagoniste du roman soit une femme seule,

sans mari, avec deux fils nourrir est galement intressant.C

es facteurs (sociaux-culturels, de genre et d'tat de solitude), accentuent la prcarit qui existe ensituation de guerre. Ainsi, combines avec ce contexte historique de la guerre et delaprs-guerre espagnols, ces donnes fournissent des informations intressantespour notre objet de recherche.

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Il va sagir ici dapprofondir deux aspects qui nous semblent essentiels. Dun ct lesystme de valeurs de la socit tudie, et, de lautre, les diffrentes stratgies misesen uvre par les agents sociaux pour maintenir la reproduction sociale. Nousentendons par systme de valeurs, en accord avec Frigol (1995 :14), la dimensionmorale associe aux choses, aux activits et aux relations entre les individus , tandisque lorsque nous parlons de reproduction sociale, et toujours en suivant le mme

auteur, il sagit des interventions individuelles ou collectives tendant perptuer laposition sociale des individus et/ou groupes sociaux . Nous travaillerons les deuxconcepts en prenant lalimentation comme point de dpart. Nous analyseronslutilisation de la rciprocit comme stratgie pour faire face la faim et la prcarit

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alimentaire. partir de lutilisation de ces stratgies, nous observerons comment laprotagoniste du roman, Natlia, grce la rciprocit, atteint son objectif : maintenirsa position sociale et celle de ses enfants.

Sans approfondir ici les dbats thoriques ayant cours au sein de l'anthropologieespagnole sur le recours au genre littraire comme mthode d'analyseanthropologique lgitime2, nous allons prsenter le contexte de lobjet dtude.Ensuite, nous montrerons les possibilits de lethno-littrature partir dun caspratique.

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Comme le rappelle Almodvar (2003 :221) au sujet du conflit espagnol, ladisparition des diffrents rseaux commerciaux, et la totale dsorganisation qui endcoule, avaient cr trs tt dnormes problmes dapprovisionnement en produitsde premire ncessit . Non seulement lapprovisionnement diffrait-il en fonctiondes rgions partisanes du conflit mais encore renforait-il les ingalits. Tandis quela zone qui avait le plus souffert tait du ct rpublicain, cest--dire de grandes

zones urbaines3comme Valence, Alicante, Barcelone ou Madrid, la plupart des lieuxde production et d'approvisionnement taient rests du ct Nacional. Une fois laguerre finie, la politique interventionniste et autarcique du pouvoir franquiste na faitque favoriser, l'instar de Barcelone, une baisse des niveaux de productivit et deconsommation (Gracia, 2002).

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En de telles circonstances, les stratgies utilises par les diffrents agentssociaux pour se procurer des aliments se diversifient dune manire extraordinaire.Gonzalez Turmo (1995, 2002), partir dune large base de donnes constitue desources orales, a examin certaines des stratgies dadaptation de diffrents groupessociaux durant des poques de famine. Cette auteure souligne que lhommeshabitue tre rassasi, mais jamais avoir faim (2002 : 300). Il introduit ensuiteun des aspects principaux du fait d'avoir faim et/ou de manquer de denres : lamobilisation de toutes sortes de rseaux sociaux dans le but dobtenir les alimentsncessaires la subsistance. Comme on va le voir, ces stratgies ne sont pasnaturelles. Elles sont influences par une srie de facteurs socioculturels ethistoriques qui dterminent : quand on mange, ce quon mange, qui mange quoi et encompagnie de qui et, finalement, pourquoi manger telle chose plutt que telle autre.

Comme lexplique Montejano (2005 :174), on ne peut pas parler de faim, ausingulier, mais bien de faims , au pluriel.

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Pour Gonzalez Turmo (2002) et Gracia (2002), par exemple, le cadregographique est le facteur dterminant du degr de pnurie alimentaire. Ainsi, dans

le cadre dune tude sur la zone rurale andalouse, ralise par la premire de cesauteures, il semble que la faim et/ou les restrictions soient quelquefois soulages parce quon appelle le pain des pauvres (Gonzalez Turmo, 2002 : 301) : on entendpar l les aliments propres l'environnement naturel et faciles se procurer par lachasse, la pche en rivire, la cueillette, etc.De telles pratiques sont facilites dans unenvironnement o rgne une certaine biodiversit gographique (certaines rgionsd'Espagne, comme la Catalogne). La situation savre diffrente l o les latifundii4

sont implantes. Ces monocultures forment un systme plus fragile. Les systmes enmonoculture gnrent des relations dingalits fortes entre lexploitant(propritaire) et les journaliers qui y travaillent. Le latifundioimplique une moindrevarit alimentaire et augmente par consquent la vulnrabilit des habitants

puisque la subsistance alimentaire dpend de l'unique aliment produit ou d'unspectre rduit daliments cultivs. Beaucoup de familles en milieu rural ont ainsisubsist en changeant leur production contre des articles de premire ncessit, parexemple des ufs contre du savon ou des vtements. Cela rduit considrablement,

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Un des bons moyens danalyser sur le terrain la force et la faiblessedune cohsion sociale (...), cest dtudier soigneusement les moments

pour les familles rurales, la possibilit daccder certaines denres, toutspcialement celles haut contenu protinique, tels que les ufs.Un environnement rural et des relations de pouvoir dans un contexte historique

donn peuvent donc gnrer des pratiques spcifiques trs concrtes autour du faitalimentaire en priode de manque de ressources. Il convient maintenant pourl'analyse de contraster ces donnes avec celles issues d'un autre type despace, lemilieu urbain. Des tudes y ont t consacres, comme celle de Gracia (2002), quianalyse le manque et/ou labondance de certaines denres telles que la viande parmi les classes sociales des zones urbaines pendant la priode daprs-guerre. Cetteauteure examine la politique du rgime franquiste des premires annes de ladictature, tmoignant, l'instar dautres tudes (Montejano, 2005 ; Abella, 2004 ;Seidman, 2003)5des ingalits sociales engendres par le systme de rationnementet, plus largement, par la famine.

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Le 14 mai 1939, un ordre du Ministre de lIndustrie et du Commerce impose demanire officielle le systme de rationnement sur tout le territoire de lEtat espagnol.Les rations fixes par les cartes de rationnement varient en fonction des conditionssociales mais aussi en fonction de lge, du sexe et de lappartenance tel ou telgroupe professionnel (le critre est le travail de force ) (Moreno, 2005 :150). On

hirarchise ainsi laccs tel type d'aliment ainsi que sa quantit. Par exemple, lesfemmes adultes navaient le droit qu 80 % de la ration dun homme adulte (Gracia,2002 : 144 ; Moreno, 2005 :150)6.

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Comme le rappelle Gracia (2002 : 143, 147), dans un tel contexte, les stratgiesdveloppes pour pallier la raret alimentaire semblent aussi nombreuses quediverses : depuis la charit institutionnalise, en passant par le march noir, laspculation, le clientlisme et/ou lutilisation de rseaux sociaux dtermins, commepar exemple les rseaux de voisinage utiliss comme voie dinformation etdapprovisionnement. Les couches les plus hautes de la socit, mme si elles ontgalement souffert de pnuries, jouissent dune position privilgie pour ce qui est delaccs aux aliments, en quantit comme en qualit (Gracia, 2002 : 149). Mais la

corruption du systme, selon les donnes apportes par Moreno (2005 :158),concerne toutes les couches de la population et tous les groupes sociaux, y comprisles femmes charges de lconomie familiale dans des groupes domestiques sanshomme.7

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Il y a, pour reprendre le fil interrompu de cet article, deux concepts intressantsdans le roman dont nous proposons ici lanalyse : celui de systme de valeurs etcelui de reproduction sociale . Nous allons voir comment sarticulent ces deuxconcepts dans une poque de crise alimentaire comme celle vcue par lEtat espagnolpendant la guerre civile et les annes daprs-guerre. Il nous semble que la thorie deMauss (1969 : 328 [1934]) offre quelques rponses, notamment lorsque cet auteursuggre que la force et la faiblesse de la cohsion sociale sont des espacessusceptibles dtre analyss de manire trs particulire en poque de crise :

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o elle disparat (...) Les peurs paniques, les dparts en guerre, envendetta, les mouvements de bataille, les fureurs, les amoks collectifs,les dparts en masse, les migrations mystiques, les extases collectives,les affolements durant les calamits et les pidmies, tout cela ne sontque des varits dun mme fait. Et ce fait est aussi important par sescauses que par ses effets. Souvent il caractrise la mort mme de cescomposs supra-organiques que sont les groupes et les sous-groupes. la limite se place la dissolution de la socit, quelquefois sa disparitiontotale .

Et quand je me disais que je ne verrais plus jamais Quimet parce quiltait parti la guerre, il sest prsent un dimanche, couvert depoussire et les bras pleins de victuailles. Il avait laiss les paquets surla table, avec son revolver et son fusil () Il mavait dit quil ne leurmanquait vraiment pas de quoi manger, que tout le monde les aidait,que tout le monde tait avec eux. (p. 137)

un dimanche, jai vu arriver Quimet avec sept miliciens, chargs devictuailles et de misre . (p. 148)

partir de ces notes, nous nous demanderons ce qui se passe dans un moment decrise et comment une guerre peut provoquer une pnurie alimentaire. Comment fontles personnes pour se procurer les aliments de base, dont elles ont besoin nonseulement pour subsister mais au-del, pour leur reproduction sociale ?

Comment ragissent-elles ? Quelles stratgies et quelles relations faut-il mettre enplace, ou pour le moins tenter de mettre en place, pour parer la pnuriealimentaire? Cest ce que nous allons voir ci-aprs.

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Si lon considre le roman de Rodoreda dans son ensemble, il est intressantdobserver le parcours de Natlia pour se procurer des aliments, ainsi que lesvnements de l'ordre de la rciprocit. mesure quavance la guerre et que lapnurie alimentaire se fait de plus en plus ressentir, Natlia parvient subsistergrce aux canaux d'approvisionnement parallles.

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Dans ce roman, Natlia trouvera s'approvisionner par le biais de relationsdamour et damiti. Pour Terradas (2002), la dfinition stricte du concept derciprocit peut tre rinterprte, voire dpasse dans trois cas : en cas dquit,damour et damiti. Cest plus prcisment au second que nous allons nousintresser. La relation damour se distingue dans le sens o elle semble parfoislgitimer labsence de la rciprocit stricte (Terradas, 2002 :236). Lexception la morale de rciprocit , selon une expression de cet auteur, serait justement la

caractristique fondamentale de cette relation. Dans le cas contraire, ce serait aller lencontre dun lien qui, selon lauteur, est cens tre dsintress (op.cit. : 237).

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Le personnage de Natlia subsiste en grande partie grce des relations socialesbases sur lamour. Quels sont les personnages qui fournissent de la nourriture cette femme ? Nous avons dun ct Quimet, son mari, et, de lautre, MadameEnriqueta, une femme ge qui vit seule et qui occupe une place importante dans lavie de la protagoniste8. Lanalyse du personnage de Quimet nous conduit affirmer,pour suivre Terradas (2002), que lamour dpasse la figure de la stricte rciprocit,puisquil se caractrise par cette gnrosit , cette exception la moralergissant le modle de rciprocit dcrit par Mauss (2002 [1923-1924]) :donner/recevoir/rendre. Cela transparat trs clairement dans le texte quand sont

mentionns les aliments que Natlia et ses enfants obtiennent par l'intermdiaire deQuimet. Nous pourrions dire que cet homme travaille sur trois fronts afin datteindreson objectif de reproduction dune classe sociale : ses ides, ses valeurs et ses biens.Sa condition dhomme, dun ct, loblige lutter la guerre, et, de lautre, pratiquer le don de biens au groupe domestique afin dviter sa disparition9:

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Si le personnage de Quimet nous permet de comprendre le dpassement de lafonction de rciprocit dans la dfinition stricte qu'en donne Mauss, grce au lientabli partir de lamour, il ne faut pas pour autant oublier le rle que joue MmeEnriqueta. Il s'agit d'une femme ge. Il semble opportun de sarrter quelquesinstants sur ce personnage afin de comprendre le pourquoi de ses actes dans cecontexte de pnurie alimentaire.

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Frigol travaille sur le modle de fertilit-fcondit, sur le genre et sur le mariagedans lethnographie mditerranenne et europenne. Il numre dans un article(1993 : 127-153) certains des signifis symboliques de la figure de la femme ge ,images intressantes pour notre propos. Etre femme signifie tre fertile , cest--dire que la condition sociale de femme est associe des critres dedisponibilit par rapport un modle de fertilit-fcondit dans lequel la femmereprsente la terre , ou, plus spcifiquement le champ , une mtaphore quisarticule autour de lide de graine (1993 : 132-133). Il est intressant deconsidrer les signifis attribus la femme ge, vieille ou plus clairement, lafemme mnopause. Si, comme le dit Frigol (1993 : 134-135), la femme qui estentre en mnopause nest plus femme mais nest pas pour autant lautregenre , comment peut-on ds lors classer notre personnage, Mme Enriqueta, dans le

cadre de ce schma de signifis ?

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Selon lauteur (1993 : 134), nous nous trouvons face un cas de transfertd identit et de pouvoir . Cette femme ne peut plus procrer, cest--direquelle ne jouit plus de la force que la menstruation lui octroyait, lui ouvrant lesportes de la fcondit. En outre, son identit a, elle aussi, souffert de quelquestransformations. Elle est maintenant ambigu , (1993 : 134-135), du fait qu'ellesoit sortie du systme de classement en genre (1993 : 144).

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Il est possible d'tablir une premire distinction entre les femmes qui relvent de lacatgorie aptes procrer et celles qui en sont exclues. Une nouvelle classificationpeut tre tablie ensuite entre celles qui sont hors du systme. Cette fois lexercicenous conduira tenir compte de la nature de leurs actions pour les classer soit en

sages (celles qui ont eu un rle actif dans le systme de reproduction) soit en sorcires (celles pour lesquelles cela na pas t le cas) (1993 : 144-145). La femme sage est ainsi celle qui reprsente clairement le ple positif de la femme qui setrouve hors du systme de procration auquel nous faisons rfrence. Son rle vaconsister aider rsoudre favorablement la reproduction sociale, traversnotamment la mise en place de certains rituels, comme celui de neutraliser lamaladie dun enfant, cest--dire le fruit du systme de procration.

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Il est possible de cerner des ressemblances entre la figure de la femme sage etMme Enriqueta. Le texte de Rodoreda, malheureusement, ne nous offre aucunedonne sur la condition quoccupait cette femme avant sa vieillesse. Tout semble

pourtant indiquer que ce personnage reprsente lide de sagesse ; au-del, il apporteune aide la reproduction sociale pour Natlia et ses enfants. Mme Enriqueta est lapersonne la plus proche de Natlia certains moments trs importants du roman etdans des situations directement lies la reproduction sociale, comme le mariage : Je trouve que tu as raison de te marier jeune. Tu as besoin dun mari et dun toit (p. 29) lui dit-elle. Et cest Mme Enriqueta qui mavait accompagne acheter lesvtement pour mon trousseau, et quand je lui avais dit quon allait peut-tre prendreun appartement ct de chez elle, elle avait t trs contente (p. 30)

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Il est intressant dobserver comment laide qu'elle apporte augmente mesureque la pnurie avance. Natlia perd progressivement tous ses moyens de subsistance,et en parallle, les actions de Mme Enriqueta en faveur du groupe domestique form

par Natlia et ses enfants augmentent. Cest Mme Enriqueta, par exemple, quisignale Natalia quun riche mnage de la ville recherche une employe de maison.Elle lui ouvre ainsi la voie vers un travail rmunr. Lpoque est en effet difficile etagite et la menuiserie de Quimet commence subir la crise : Je mtais prsente

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Et un soir, avec Rita dun ct et Antoni de lautre, avec les ctessaillantes leur trouant la peau et avec partout sur le corps le dessin desveines bleues, je me suis dit que je les tuerais (p. 161)

Il fallait en finir. Je suis alle prendre lentonnoir. Cela faisait deux

seule et tremblante () chez ces gens o Mme Enriqueta mavait dit daller, parcequils avaient besoin dune femme de mnage le matin (p. 87-88). MmeEnriqueta mavait dit quelle garderait les enfants (p. 97)Cest galement cette femme qui, partir dautres actions, va obtenir de la

nourriture pour le groupe domestique que forment Natlia et ses enfants.

Notamment lorsquen pleine guerre, la faim se fait de plus en plus pressante : Javais deux bouches ouvertes la maison et je navais pas de quoi les remplir.Ctait tellement triste que a ne se raconte mme pas : on se couchait tt pour ne passe rendre compte quon navait pas de quoi dner. Le dimanche on ne se levait paspour ne pas avoir trop faim (p. 150). Dans lexemple suivant, les botes deconfiture que Mme Enriqueta obtient grce une connaissance parviennent auxenfants de Natlia : Mme Enriqueta tait passe chercher les enfants et les avaitemmens chez elle parce que quelquun quelle connaissait lui avait offert quelquespots de confiture dabricot et elle allait leur donner pour le goter (p. 143). Lorsdune autre occasion, la femme partage le peu quelle a manger entre Natalia, sesenfants et elle : et elle mavait donn une demi-salade (p. 158). Elle leur offregalement quelques botes de conserve : Madame Enriqueta mavait apportquelques botes dun entrept du quartier que les voisins avaient dfonc (p. 157).

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Parvenus ce point de l'analyse, nous pouvons donner un autre clairage duconcept de rciprocit. Selon Mauss (2002), lanalyse de la transaction de donsvoque trois obligations, donner, recevoir et rendre . Moreno et Narotzky (2000),dans leur article sur la rciprocit dans les camps de concentration etdextermination nazis, expriment le besoin de bien diffrencier entre rciprocitpositive et rciprocit ngative. Ainsi, si la rciprocit positive est base sur une moralit partage , la rciprocit ngative, est fonde elle sur la faillite,transformation ou suspension de lordre moral (2000 :127). Dans le cas expos (lesactions des personnages qui cherchent la nourriture), cest la distance morale entreles parties qui va lgitimer et soutenir laction de prendre pour donner (2000 :138). la lumire de ces apprciations, le schma donner/recevoir

/rendre peut tre nuanc par les aspects suivants (prendre pour) donner /(demander pour) recevoir / (garder pour) tre .

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Jusqu prsent nous avons examin attentivement quelques-unes des figures de larciprocit qui apparaissent dans un contexte de crise alimentaire. partir du lientabli entre Natlia et deux des personnages les plus importants du roman, son mari

et la femme ge, la reproduction sociale de lespace domestique devient ralit.

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Lhistoire, dans ce roman, prsente toutefois un point dinflexion qui concide avecla fin de la guerre. Natlia, ce moment-l, a dj appris la nouvelle de la mort deson mari. Les liens avec dautres personnages, lamiti par exemple, disparaissentaussi, suite au dcs de protagonistes, ou bien saffaiblissent du fait de lextrmeprcarit, c'est--dire, la nourriture qui manque pour tous. La narration dcrit alorsune priode de transition, aprs la dfaite des Rpublicains et la victoire franquiste,pendant laquelle la protagoniste a perdu sa position sociale initiale. Cette priodesuscite en elle des envies de mort, ce qui peut tre interprt comme la fin de ladisponibilit de reproduction sociale de sa classe :

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jours quon ne stait rien mis sous la dent . (p. 162)

Les morts, ctait ceux qui taient morts, et aussi ceux qui avaientsurvcu, ctait comme sils taient morts, ils vivaient comme si on lesavait tus (p. 167)

Et je me disais que lpicier stait rendu compte quil mavait donnde leau de javel au lieu de la soude caustique et je ne sais plus ce quejavais pens. Il ma dit si je voulais rentrer dans le magasin avec lui, il

me demandait de lexcuser, mais quil me priait de rentrer avec lui aumagasin. Et on est entr dans le magasin et il ny avait personne et ilma demand si je voulais aller faire le mnage chez lui, quil meconnaissait depuis longtemps, que la femme qui faisait chez lui lemnage avait arrt de travailler parce quelle tait trop vieille et elle sefatiguait. Quelquun est entr ce moment-l et il a dit "un instant", etil tait tout droit devant moi, attendant la rponse. Et comme je nedisais rien il ma dit : "Vous travaillez peut-tre dj ?", si je mtaisdj engage ailleurs, et jai fait non avec la tte et jai dit que je nesavais pas quoi faire. Il ma dit que, si toutefois je navais pas de travail,

chez lui ctait une bonne maison et que je ne laurais pas sur le dos etquil savait bien que jtais digne de confiance. Jai fait oui avec la tte etalors il ma dit : "commencez demain", et tout mu, il ma mis deuxbotes de conserves dans mon panier, il tait aller les chercher dedans,et aussi un sac et quelque chose dautre, je ne me souviens pas quoi. Etil ma dit que je pouvais commencer le lendemain neuf heures dumatin (p. 172)

lpicier, au moment de fermer me disait toujours, "Tenez : un sacde riz concass, un cornet de petits pois chiches" (). Et avec leslgumes comme garniture, il y avait toujours un petit bout de rien de

dbut de jambon, ou de ventrche (p. 177).

ce moment prcis, dans une circonstance o les liens sociaux de Natliasemblent dfaillants, apparat trs clairement la figure de la rciprocit stricte. Le

commerant Antoni va lui offrir la possibilit de continuer subsister. Cela inverse lasituation dcrite jusqualors. Les liens sociaux existants au pralable avaient favoriset facilit laccs aux aliments de Natlia et de ses enfants ; dsormais ce sont lesaliments qui vont servir tablir et maintenir un lien galementdamiti/amour qui va galement agir comme moteur de subsistance de la famille.Comme le rappellent divers auteurs (Contreras, 1995 ; Contreras y Gracia, 2005 ;Baas, Wakefield et Kolasa, 1979), on trouve, parmi les fonctions de la nourriture et delalimentation, le maintien des relations sociales, mais aussi leur tablissement.

Comme nous allons le voir dans lexemple expos plus bas, le cadeau (aliment)suppose la tentative dtablissement dun lien o la recherche dune rciprocitstricte sera prioritaire (du moins au dpart).

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Antoni possde un magasin dalimentation. Les annes de guerre ont pour lui aussiimpliqu une priode de prcarit et de souffrance. Aprs la guerre et en partiertabli dune blessure qui la rendu incapable davoir des relations sexuelles, il se sentseul, mme si son affaire prospre. Il va tenter de vaincre cette solitude en tablissantune relation avec Natlia et ses enfants. La premire chose quil va raliser estdempcher linfanticide et le suicide de Natlia par le biais dune offre demploi faire le mnage chez lui et de quelques aliments.

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Natlia accepte les cadeaux et lemploi quAntoni lui offre. Nanmoins, lorsque cedernier la demande en mariage, elle hsite avant de donner sa rponse. Elle sait quece quAntoni lui offre ce sont des biens dtermins, parmi lesquels il y a les aliments,

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B i b l i o g r a ph y

en change de sa compagnie et de celle de ses enfants. On voit bien cette incertitudeau moment o Antoni invite Natlia chez lui un dimanche. Avant de parler avec elle,il linvite prendre quelques petits gteaux. Elle refuse ouvertement la proposition,laissant ainsi en suspens pour un moment le lien qui stait tablit jusqualors : "Tuveux un biscuit ?" Il avait mis devant moi une bote carre, pleine jusquau bord deplusieurs tages de biscuits la vanille, mais je lavais carte de la main en luidisant : merci beaucoup mais que je navais pas faim . (p. 180). Un liencependant rtabli grce la rponse positive de Natlia la demande en mariage.

Le roman qui a t objet de notre tude a mis en relief quelques stratgies utilisespendant la guerre et laprs guerre en Espagne par les femmes de la zonerpublicaine afin dobtenir de la nourriture.

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La diversification des sources possibles pour obtenir de la nourriture caractriseune priode de pnurie alimentaire. On peut entre autres citer les versementsfinanciers ( partir du travail salari) ou bien lusage et/ou la cration de rseaux

sociaux qui facilitent un approvisionnement suffisant pour la subsistance. Notretravail montre quelques-uns de ces aspects. Pendant la priode o la monnaierpublicaine a encore quelque valeur, Natlia combine lobtention de ressources partir: 1) du salaire (qui lui permettra dacheter des denres) 2) des aliments quelleobtient grce ses rseaux. Ces rseaux, pendant une situation de guerre, sontfondamentaux pour dfendre la reproduction sociale dune idologie dtermine.Ainsi, si grce la nourriture on peut subsister, un second niveau de lecture nouspermet dobserver que les aliments facilitent la reproduction dune classe sociale etdune idologie, en loccurrence rpublicaine. Dans ce travail de lutte pour la survie,collaborent les membres du groupe social les plus proches de la protagoniste : sonmari et une femme ge (substitut de la figure maternelle) sont les principaux sujetsde cette aide alimentaire.

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Maintenir les relations sociales avec les membres du groupe social le plus prochepermet aussi la perptuation du groupe domestique de Natlia et, avec celui-ci,lidentit du groupe des Rpublicains qui peu peu commence tre rduit et vaincuau front. Le don de nourriture sert dlment primordial dans ce processus. Lasituation de guerre permet d'entrevoir aussi dautres fonctions de la nourriture, l'instar de la cration de rseaux sociaux. La fin de la guerre (et la dfaite) a suppospour beaucoup de Rpublicains la fin des rseaux sociaux et de la possibilitdobtenir un travail. Une circonstance qui, dans le cas examin, pousse laprotagoniste du roman tablir une relation damiti et damour avec un homme qui

lui fournira des biens et des services, parmi eux des aliments grce auxquels ellepourra subsister.

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ABELLA, R., 2004, La vida cotidiana durante la Guerra Civil, La Espaanacional, Planeta,Barcelona, 351p.

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No te s

1Je prsente dans cet article les rsultats prliminaires dune recherche plus large dbute en

2006. Elle sera complte par l'analyse de rcits oraux de personnes ayant vcu la guerre civileet laprs-guerre en Catalogne. Pour mener bien ce projet, j'ai reu le financement du Centrede Promoci de la Cultura Popular i Tradicional Catalana (CLT/349/2006) et de lAgncia deGesti dAjuts Universitaris i de Recerca (AREM 2005).

2Lutilisation de documents littraires pour analyser une socit nest pas nouvelle. Carbonell(2006 : 29) nous rappelle que cette pratique tait dj utilise par certains anthropologues duXIXme sicle. Ainsi, Haddon utilise la littrature vdique dans son uvre Histoire delAnthropologie(1910) et Grannet parle, dansDanses et lgendes de lAncienne Chine(1926),de limportance du travail avec des textes littraires pour comprendre la culture faisant l'objetde la recherche. L'utilisation du genre littraire comme source ethnographique est dfenduepar plusieurs auteurs classiques comme Hoggart (1966), Finnegan (1977), Williams (1997[1977]) ou Goldmann (1967) et, plus rcemment, Marcus et Fischer (1986), Buix (1995) ouFribourg (1995). Contrairement ces thories, lanthropologie postmoderne affirme le seul

recours au travail de terrain, travail bas sur lobservation et les entretiens et la publication desrsultats en recourant un style littraire dans les monographies afin de convaincre le lecteurque lanthropologue a t l (Geertz, 1997 : 200 ; Clifford, 1995). Mais, en accord avec De laFuente, on ne doit pas confondre ce qui est un stratagme de communication (lutilisationdu style littraire) avec une mthodologie qui porte de nouveaux paradigmes (lutilisationde sources littraires) (1997 : 21). Dautres anthropologues, comme Mira, dfendent lgalit destatut entre le genre littraire et le texte ethnographique. Alors qu'il est tent de parler delcrivain comme anthropologue (1994 : 52), il trouve galement ncessaire pourl'anthropologue de se documenter partir de la littrature.

3 Des zones, comme le rappelle Moreno (2005), non productives, et par consquent plusenclines la prcarit.

4Grandes zones de cultures caractrises par le manque de varit.

5Lutilisation dlibre de la carte de rationnement de la part du pouvoir politique fait dbatau sein de la communaut scientifique.

6 Selon Moreno, (2005 :150) le dcret du 28 juin 1939 du Ministre de l Industrie et duCommerce tablit les rations suivantes pour un homme adulte : 400 gr. de pain, 250 gr. depommes de terre, 100 gr. de lgumes secs, 50 gr. dhuile, 10 gr, de caf, 30 gr. de sucre, 125 gr.de viande, 25 gr. de porc, 75 gr. de morue sale et 200 de poisson frais.

7Mais Moreno (2005 :158-159), qui considre les rpressions auxquelles ont t soumises desfemmes et des commerants qui se livraient au march noir Mlaga, souligne que leurtraitement est diffrent.

8Depuis le dbut du roman, Natlia fait souvent allusion au chagrin quelle ressent cause dela mort de sa mre, qui lui manque beaucoup.

9Comme le souligne Seidman (2003 :115-322), on voyait souvent se reproduire sur le frontdes vols, du troc, etc., stratgies diverses afin dobtenir de la nourriture.

Refer ences

Electronic referenceAlicia Guidonet, La rciprocit comme stratgie ,Anthropology of food[Online],

6 | September 2008, Online since 14 October 2008, connection on 24 March 2015. URL :

http://aof.revues.org/4562

Ab o u t t h e a u t h o r

Alicia Guidonet

Professora de l'Escola de Cincies de la SalutUniversitat de Vic, C/SagradaFamlia, 7, 08500 Vic, Espagne ; [email protected]

NDOXA: Series Filosficas, 15, 205-249.

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Alicia Guidonet (2008) La réciprocité comme stratégie

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