Acceptation des risques - VERSION FINALE

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ACCEPTATION DES RISQUES

Étude Comparée En Common Law Et Droit Civil

5 juillet 2014

Chirine Haddad

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Chirine Haddad

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Acceptation Du Risque

Étude Comparée En Common Law Et Droit Civil

Introduction:

Le Canada est un des pays où coexistent deux régimes juridiques fondamentalement distincts;

la common law et le droit civil. L’héritage de cette dualité juridique au Canada est le fruit des

rapports de complémentarité historiques que la common law et le droit civil ont entretenu et qui

ont été traduits par l’Acte de Québec 1774 et, plus tard, par le partage des compétences

législatives établi par la Loi constitutionnelle de 1867.

Mais que ce soit en droit civil ou en common law, une fois que le demandeur réussisse à

démontrer les éléments constitutifs de la faute sous l’article 1457 du Code civil du Québec 1 ou

du délit de négligence en common law, le défendeur peut faire recours à un éventail de moyens

de défenses officiels, comme par exemple la négligence contributive du demandeur en common

law ou la faute contributoire en droit civil. La common law, à l’instar du droit civil, a légiféré

dans ce domaine, et les deux systèmes se ressemblent conceptuellement dans leur analyse du

partage de la responsabilité. Ce n’est toutefois pas le cas en ce qui a attrait à la défense de

l’acceptation volontaire du risque ou volenti non fit injuria qui soulève beaucoup de controverses

en droit civil et en common law.

1 Art 1457 CcQ (« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la

loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à

autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait

des biens qu'elle a sous sa garde »).

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La théorie d’acceptation des risques puise son origine du droit romain comme indiqué par

l’auteur Patrice Deslaurier2 qui a reproduit les 1

ères décisions anglaises adoptant cette théorie :

« [l]e Codex Justinianus énonçait : « nec umquam volenti dolus inferatur, fustra de dolo

querimini » c’est-à-dire qu’une fraude ne peut être commise l’encontre d’une personne

qui y consent et que cette dernière ne peut pas intenter de recours. Certains textes du

Digeste faisant également référence à l’acceptation des risques. Pomponius énonçait de

manière plus générale : « Quod quis ex culpa suo dammun sentit non intellilur dammun

sentire », c’est-à-dire qu’une personne qui souffre d’un préjudice par sa propre faute ne

peut s’en plaindre.

(…)

Une des premières décisions anglaises faisant référence à la maxime volenti remonte à

1607. Dans l’affaire Horne c Wildlake, elle fut alors soulevée comme moyen de défense à

l’encontre d’une action en intrusion. En l’instance, le défendeur avait un droit de passage

sur le terrain du demandeur. Ce dernier ayant labouré sa terre, le défendeur détourna le

passage. L’action du demandeur reposait sur la destruction de sa pelouse par le

défendeur. L’action fut rejetée aux motifs qu’en labourant sa terre, le demandeur avait

consenti implicitement à détourner le passage et par conséquent à abîmer une partie de

son terrain. L’utilisation de la maxime dans une situation de pure négligence n’est

toutefois apparue qu’à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi dans l’affaire Cruden c Fentham, le

demandeur fut blessé gravement en passant à cheval entre deux carrioles allant à

contresens. Le demandeur ne peut être dédommagé car, par son attitude téméraire, il avait

consenti au risque de se blesser. »

Au Canada, l’acceptation des risques est particulièrement soulevée comme moyen de défense

lorsqu’une personne s’embarque dans une activité en toute connaissance de causes de ses

dangers, et la question est de savoir si elle préserve encore le droit de se plaindre au cas où elle

subit un préjudice résultant précisément de la réalisation de ces risques.

2 Patrice Deslauriers et Christina Parent-Roberts, « De l’impact de la création d’un risque sur la réparation du

préjudice corporel », dans Le préjudice corporel, Vol 252, Service de la formation continue Barreau du Québec,

Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, 139 à la pp 142 [Deslauriers].

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Afin de répondre à cette question, il est important d’examiner la théorie de l’acceptation

volontaire des risques selon les normes adoptés en droit civil québécois et celles qui sont adoptés

en common law, tout en opérant une comparaison entre ces deux systèmes.

1. L’acceptation des risques en droit civil

1.1 Définition :

La défense d'acceptation volontaire du risqué ou defence of voluntary assumption of

risk; volenti defence; defence of volenti; volenti non fit injuria defence; defence of volenti non

fit injuria; voluntary assumption of risk defence, est régie par l’article 1477 CcQ3.

Dans l’affaire Centre d'expédition et de plein air laurentien c. Légaré4 la Cour d’appel de

Québec a défini ce moyen de défense comme suit :

«Théorie de l'acceptation des risques

L'auteur Royal-Poupart définit ainsi l'acceptation des risques:

Cette théorie trouve son application lorsque la victime a librement et

consciemment, en pleine connaissance de cause, consenti à un risque ou

danger, dont elle pouvait parfaitement bien apprécier la nature ou

l'étendue et en a ainsi tacitement accepté d'avance les suites...

Pour sa part, l'auteur Jean-Louis Baudouin tient sensiblement les mêmes propos dans

son traité sur la responsabilité civile:

[...] Il faut cependant alors une preuve claire que la victime a

volontairement accepté de participer à une activité comportant certains

risques, d'une part et, d'autre part, que la nature et l'intensité de ces

risques aient bien été préalablement dévoilées. Enfin, il faut que le

dommage ait été causé par la réalisation normale du risque et non par

une aggravation de celui-ci causée par un comportement fautif de

l'agent.

3 Art 1477 CcQ ( « L'acceptation des risques par la victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée

comme une imprudence, n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice »).

4 [1998] RRA 40 (CA), [1998] JQ no 154, (disponible sur CanLII) [Centre d'expédition et de plein air laurentien].

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Il rappelle également que: «la victime doit avoir bénéficié d'une

information suffisante pour lui permettre de réaliser les conséquences

possibles de sa conduite et de sa participation à l'activité.»

Deux facteurs sont en cause: la prévisibilité du risque et la nature de l'activité

sportive.

Au fil des ans, la jurisprudence a, dans l'évaluation de l'acceptation des risques, tenu

compte de certaines circonstances particulières comme l'âge, l'expérience de la

victime et la nature de l'activité.»

En pratique, comme son nom l’indique, ce moyen de défense exige une activité qui comporte

un certain risque ou danger5 .

Pour se prévaloir de cette défense, le défendeur doit respecter les conditions qui y sont associés

afin de limiter ou même d’annuler sa responsabilité prima facie établie par le demandeur.

1.2 Condition d’application de la théorie d’acceptation des risques en droit

civil

Afin de réfuter la responsabilité prima facie établie par le demandeur en soulevant la défense

d’acceptation volontaire du risque, le défendeur doit respecter les conditions suivantes :

1. Porter la preuve que le demandeur avait pleine connaissance du risque de l’activité en cause.

2. Porter la preuve que le demandeur avait volontairement accepté de participer à une activité

comportant certains risques ou dangers.

5 Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, Vol 1, 7e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 à la pp

643 [Baudouin] (l’auteur Baudouin affirme que: « [c]elui qui accepte en connaissance de cause, de participer, soit comme acteur,

soit comme spectateur, à une activité sportive, un divertissement ou un jeu dont l’exercice comporte certains dangers accepte les

risques inhérents à ceux-ci. Ainsi en est-il du skieur ou planchiste, du golfeur, du motoneigiste, du joueur de baseball, du

gymnaste, du cavalier, du plongeur, du joueur de hockey, du coureur d’automobile, du patineur, etc. de même que du spectateur

de compétitions sportives »).

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3. Établir l’existence d’un lien de causalité entre l’acceptation volontaire des risques par le

demandeur et le préjudice qu’il a subit.

Et comme la Cour d’appel au Québec a indiqué dans l’affaire Centre d’expédition et de plein

air laurentien c Légaré6: «Le juge devait vérifier si les conditions préalables à l'application de la

théorie de l'acceptation des risques étaient présentes. L'existence d'un danger ou d'un risque réel, la

connaissance de ce danger par la victime et la manifestation par celle-ci de son acceptation du

risque».

1.2.1 Le demandeur doit avoir une pleine connaissance du risque inhérent à l’activité en

cause :

Si un individu participe à l’expédition du rafting, comme c’est le cas dans l’affaire Centre

d’expédition et de plein air laurentien c Légaré7, il faut qu’il connaît les risques qui y sont

associés, comme par exemple le lieu où il va faire le rafting, et si cet individu est débutant, il lui

faut une personne qui lui fournit tous les détails requises afin d’évaluer les dangers inhérents à

cette activité. Si le moniteur omet de fournir les informations nécessaires pour que la personne

6 Centre d'expédition et de plein air laurentien, supra note 4.

7 Ibid (l’analyse de la Cour d’appel au Québec dans l’affaire précitée fournit une explication de cette condition comme suit:

«Ici, les risques inhérents à la pratique du «rafting» comportent la chute à l'eau et la noyade. Le juge conclut que compte tenu du haut

débit de la rivière et des conditions printanières du 31 mai 1987, le danger que survienne un accident semblable à celui de Fabien

Gauthier était prévisible, particulièrement pour des guides d'expérience. Il l'était beaucoup moins, cependant, pour des non-initiés à ce

sport comme c'était le cas de la victime. Relativement à la connaissance du risque par la victime, je suis d'avis, comme le premier juge,

que les participants ne pouvaient, au début de l'expédition, connaître les dangers graves auxquels ils s'exposaient. Premièrement, la

rivière était, au départ, relativement calme. Deuxièmement, seuls deux participants avaient descendu la Rivière-aux-Écorces et ce,

dans des conditions estivales et, troisièmement, les informations données par les guides, avant la descente, ne laissaient aucunement

présumer du haut niveau de difficulté de l'expédition. De plus, la preuve ne permet pas de conclure selon le poids des probabilités que

la victime, même avec une faiblesse au cou, n'avait pas les capacités suffisantes pour pratiquer une descente en «rafting» dans des

conditions normales et non exceptionnelles comme c'était le cas. Je ne crois donc pas que la victime ait bénéficié de l'information

suffisante lui permettant de réaliser les conséquences possibles de sa participation à cette descente de «rafting» »).

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débutante soit en pleine connaissance des risques liés à l’activité qu’elle entente exercer, la

première condition exigée par la défense d’acceptation des risques ne serait pas remplie, et le

défendeur ne pourrait pas la soulever en cas de préjudice.

De même cette première condition était analysée en détail dans l’affaire Capers Stanford c

Mont Tremblant Lodge Inc.8 Dans cette affaire la demanderesse était une débutante en ski, et elle

a fait un virage qu’elle ne pouvait pas y faire et a skié dans une région inconnue où il y avait un

vice caché, un tuyau servant à la manufacture de neige artificielle qui longeait le côté de la pente

(en descente) couverte de neige. Par la suite, elle s’est fracturé le fémur gauche. Le centre lui a

opposé la défense d’acceptation volontaire des risques, en alléguant que même si la victime était

une débutante, elle a accepté le risque de skier lorsqu’elle a fait ce sport.

La Cour a trouvé que le moniteur n’avait pas informé la demanderesse de ce vice caché alors

qu’il pouvait raisonnablement prévoir que comme débutante, la demanderesse n’est pas apte de

8 (1979) CS 953 (AZIMUT) [Capers] (la Cour a considéré que : «[d]ans la présente affaire le tribunal estime que le moniteur

Hughes, préposé des défendeurs qui doivent répondre de sa faute le cas échéant, a été négligent de ne pas informer et avertir ses

élèves que les lignes extrêmes de la "Lower Nansen" n’étaient pas les arbres la longeant de chaque côté mais bien à certains

endroits un tuyau dont il avait connaissance et qu'il aurait dû remarquer n’être pas alors visible parce que recouvert de neige.

Qu'une skieuse débutante pas trop habile ne puisse faire un virage sur la partie roulée de la pente et pense pouvoir avec sécurité

se ralentir dans la neige non roulée de 1'accotement ne devait certainement pas être imprévisible pour un moniteur dûment

accrédité d'une école de ski. Celui qui enseigne un sport tel le ski a envers les débutants peu habiles qui lui remettent leur entière

confiance l’obligation de prévoir ce qui peut être un danger qui était hors des connaissances normales et ordinaires des débutants

sans expérience et de le mettre en garde de la présence cachée ce qui peut être un obstacle sérieux pour un tel débutant même s’il

ne le serait peut-être pour le skieur plus expérimenté et connaissant au présumé connaitre les circonstances de lieux.»

Il est évident qu'un danger non visible existait pour toute personne qui quittait la partie roulée de la pente; un moniteur "bon père

de famille" enseignant des débutants pouvait raisonnablement prévoir que ceux-ci pourraient manquer un virage, quitter la piste

et, en l’absence d'une connaissance d'un danger réel, s'engager en toute confiance sur l'accotement recouvert de neige

"poudreuse" plutôt que de s’arrêter en se jetant par terre. C'eut été un soin ordinaire et raisonnable de sa part dans les

circonstances que d'avertir ses élèves du danger caché existant. Il n’était pas entièrement déraisonnable pour la débutante qu'était

la demanderesse de se croire en sécurité dans la neige "poudreuse" qu'elle pouvait espérer utiliser pour ralentir sa course qui ne

pouvait être très rapide considérant le peu d'inclinaison de la pente à l'endroit de l’accident. On ne lui avait pas signalé la

présence de l'obstacle caché et qui n’était pas en l'espèce prévisible et normal; il ne peut donc être dit qu'elle a accepté ce risque

en toute connaissance de cause »).

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faire le virage donc elle pourrait se dévier de la piste, et en quittant le trajet, ce vice caché

pouvait lui causer un préjudice corporel.

Donc au niveau de la première condition nécessaire à l’acceptation des risques, celle-ci n’est

pas vraiment remplie puisque la victime ne connaissait pas le danger dissimulé, et elle faisait

face à un risque non prévu, par conséquence, il existe une problématique au niveau de cette

condition afin de prouver que la victime accepté les risques en pleine connaissance de cause.

Pour bien expliquer ce point, prenons l’exemple d’un individu qui se dirige vers une maison où

il y a un risque dissimulé qu’il ne peut pas prévoir, et aucune personne ne l’informe à cet égard.

Par la suite il est blessé en raison de ce piège. il serait absurde de lui opposer qu’il avait accepté

les risques puisqu’il n’a aucune connaissance du danger, c’était un obstacle caché, et il n’est pas

censé d’avoir connaissance de quelque chose qui n’est pas raisonnablement prévu. S’il y a un

piège, ou un obstacle dissimulé, il faut bien être averti à son égard.

Donc si la victime qui a subi un préjudice ne peut pas avoir connaissance du danger parce qu’il

n’est pas raisonnablement prévisible, le défendeur ne peut pas lui opposer l’acceptation des

risques comme moyen de défense. Ce cas constitue un premier moyen pour réfuter cette défense.

Pour le défendeur, c’est dans son intérêt de démontrer que la victime avait une connaissance

préalable du danger. Mais si le danger est dissimulé, il aurait du mal à prouver cette connaissance

et la victime pourrait contester ce moyen de défense.

Il est nécessaire que la victime d’un préjudice ait une pré-connaissance du danger et le plus

qu’on connait un sport, le plus on est censé avoir connaissance des risques qui y sont associés et

le défendeur a plus de chance d’établir cette première condition. Le critère applicable afin

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d’établir l’admissibilité de la défense d’acceptation du risque au niveau de la 1ère condition,

c’est le critère objectif qui consiste à déterminer si une personne raisonnable placée dans les

mêmes circonstances de la victime auraient dû prévoir les risques en question.

Mais cette 1ère

condition ne suffit pas en soi-même afin de conclure que la victime a accepté le

risque inhérent à une activité particulière en toute connaissance de cause; Il faut que cette

dernière s’engage volontairement à participer à cette activité.

1.2.2 La victime avait volontairement accepté de participer à une activité comportant

certains risques :

Une fois que le défendeur a réussi de convaincre le tribunal que la victime connaît les risques,

parce qu’elles étaient raisonnablement prévisibles ou parce que le moniteur lui a décrit les

risques en participant à cette activité, la deuxième condition exigée pour soulever ce moyen de

défense s’applique; il faut que la victime ait volontairement accepté à participer à cette activité.

Mais cela veut dire seulement, en droit civil, que la victime avait accepté le risque physique sans

être assujettie à signer une acceptation légale de responsabilité.

Et suivant cette deuxième condition, avoir volontairement accepté de participer à une activité

comportant des risques n’implique pas en droit civil une acceptation légale du risque, donc de

signer un document exonérant son auteur, le centre de ski par exemple ou n’importe quel

organisateur d’une activité sportive, de toute responsabilité. Il faut simplement connaitre les

risques et volontairement les accepter en participant à l’activité ou au jeu. Donc ce n’est qu’une

acceptation physique du risque et non pas une acceptation légale de celui-ci.

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Dans l’affaire Capers9, la victime était au courant d’un danger associé à l’activité du ski, même

si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle éprouvait des inquiétudes envers «son habilité», donc

elle était consciente qu’un danger est inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée

volontairement, et elle a échoué de faire le virage ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce

fait, il y avait un risque accepté de sa part jusqu’un certain point; elle était consciente qu’elle

n’était pas capable de skier sur cette pente plus avancée, et malgré son manque d’expérience, elle

s’est engagée volontairement dans cette activité, ce qui remplit la deuxième condition exigée par

ce moyen de défense.

À la connaissance des risques inhérents à une activité et leur acceptation physique s’ajoute une

troisième condition qui consiste à avoir un lien de causalité entre le préjudice subit et la

réalisation du risque accepté par la victime.

1.2.3 Le lien de causalité

Si la victime était en pleine connaissance des risques, et elle a participé volontairement à

l’activité dangereuse et subit un préjudice, comme il est souligné par Baudouin10

, il faut «que le

9 Ibid à la p 8 (la Cour d’appel s’est prononcée ainsi: « [a]vant de monter au sommet de la "Lower Nansen", le moniteur Hughes

avait suggéré à la demanderesse, devant ses hésitations, de demeurer sur la pente d’instruction employés les trois jours

précédents. Celle-ci, malgré son manque de confiance dans son habilité et afin de ne pas demeurer seule en attendant le groupe, et

afin comme elle le dit de bénéficier des services pour lesquelles elle avait payés, décidait de suivre le groupe. De l'avis du

tribunal, elle acceptait alors le risque inhérent à descendre une pente plus raide dont le résultat était d’augmenter quelque peu la

vitesse à laquelle elle était habituée et peut-être de diminuer le contrôle précaire qu’elle pouvait avoir acquis sur la pente

d'instruction. Elle avait dû remarquer que le moniteur gardait toujours les élèves sur la partie roulée de la pente et ne les amenait

jamais dans la neige poudreuse des accotements. Lorsqu’elle a réalisé qu’elle ne pourrait effectuer son virage sur la partie roulée,

elle aurait dû s’arrêter, soit se jeter par terre plutôt que de s'aventurer vers l'inconnu de la neige non roulée. Si la demanderesse ne

se sentait pas l’habilité nécessaire pour descendre une pente aussi légère que la "Lower Nansen" qu'elle avait déjà skiée une fois

la veille, ni la capacité de s’arrêter brusquement devant une situation inconnue, elle ne devait pas s'y aventurer. Le tribunal

estime donc que la demanderesse a été partiellement responsable de son accident et qu’elle doit en supporter les effets jusqu’à

concurrence de 25% »).

10 Baudouin, Supra note 5 à la p 642.

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dommage subi par elle ait été la conséquence de la réalisation du risque prévu et non par d’un

risque non prévu ou d’une aggravation de celui-ci».

Donc un lien de causalité est requis entre le préjudice souffert par la victime et son acceptation

des risques, et en absence de ce lien, le défendeur ne peut se prévaloir de ce moyen de défense Et

comme la Cour Supérieur de Québec a énoncé dans l’affaire Brisson c Gagnon11

, tout en

reprenant l’analyse de la juge de 1ère

instance, que pour prétendre une acceptation des risques de

la part de la victime, il faut que certaines conditions soient rencontrées. D'abord, il faut que la

victime ait eu connaissance du danger ou du risque. Il faut également que la victime ait accepté

le risque en question, en participant de façon volontaire à l'activité. L'acceptation doit donc

résulter d'un consentement libre et éclairé. Pour qu'il y ait consentement libre et éclairé, il doit y

avoir information suffisante pour permettre de réaliser les conséquences possibles de la

participation à l'activité. Finalement, il faut que le dommage subi par la victime ait été la

conséquence de la réalisation du risque prévu.

Pour récapituler, si le défendeur désire soulever ce moyen de défense, il y a trois prémisses

qu’il peut aborder : il doit prouver, premièrement, que la victime connaissait suffisamment les

risques, qui ne peuvent pas être des risques non prévus, donc la victime pouvait raisonnablement

prévoir tous les risques de l’activité. Deuxièmement, le défendeur doit démontrer que la victime

a volontairement participé à l’activité en connaissant ses risques. Mais des nuances existent; par

exemple en participant à une activité de hockey il y a des dangers qui sont associés à cette

activité, le joueur peut être frappé accidentellement, il peut subir des blessures, on peut

11 2007 QCCA 617, [2007] JQ no 3805 au para 23.

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raisonnablement prévoir certaines de ces blessures. Si le joueur, conscient des risques, a

volontairement participé au jeu du hockey, et par la suite il est accidentellement frappé, il y a

acceptation des risques de sa part. Sauf qu’il y a des nuances à faire, parce que si le joueur a été

intentionnellement battu par le défendeur, qui est un autre joueur, dans ce cas ce dernier ne pas se

prévaloir de la défense d’acceptation du risque puisque les règles du jeu n’ont pas été vraiment

respectées. Ainsi la victime doit être cognée dans le cadre de l’activité normale de hockey, et

selon les règles suivies dans ce jeu. L’acceptation des risques ne peut être invoquée que lorsque

les règles du jeu sont complètement respectées. Comme l’auteur Patrice Deslauriers a signalé12

:

«une faute commise dans le jeu sera considérée comme la survenance d’un risque anormale et la

défense d’acceptation des risques ne pourra être accueillie lorsque la conduite du défendeur est

«objectivement blâmable » ou qu’elle constitue un manquement aux normes générales du «fair

play ». »

Ainsi, il y a acceptation du risque dans le jeu de hockey, dans tout ce qui est normalement

prévisible, selon les règles du jeu, si la victime est au courant des risques, elle participe

volontairement à l’activité, et il existe un lien de causalité.

1.3 Les conséquences de l’acceptation volontaires des risques :

Selon l’article 1477 CcQ précité qui exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la

victime, même si elle peut, eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence,

n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. »

12 Deslauriers, supra note 2 à la p 177.

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Ce qui signifie que lorsqu’une personne exerce en toute connaissance de cause une activité

dangereuse, le tribunal québécois a droit de lui imputer une part de la responsabilité en cas d’un

préjudice comme il peut lui refuser tout recours entrainant ainsi la pleine exonération du

défendeur.

Cette controverse en droit civil vis-à-vis l’effet de l’acceptation des risques est dû, en principe,

aux termes employés dans l’article 1477 précité où le législateur a clairement stipulé qu’elle peut

«eu égard aux circonstances, être considérée comme une imprudence». Cela a poussé la Cour

dans l’affaire Gaudet c Lagacé13

, à poser la question suivante :

«En résulte-t-il un déni de recours ou une faute contributoire? Je cite à nouveau Jean-

Louis Baudouin:

Il existe une certaine controverse doctrinale sur le point de savoir

si l'acceptation des risques est simplement une hypothèse de faute

contributoire de la victime. En courant consciemment et

volontairement un danger, la victime commet une faute dont elle

ne peut, par la suite, éviter les effets au niveau des dommages.

Certains auteurs, au contraire, se basant principalement sur les cas

mettant en oeuvre une présomption légale, se plaisent à distinguer

l'acceptation des risques de la faute. La jurisprudence majoritaire

semble, pour sa part, analyser le problème comme en étant un de

faute contributoire de la victime. L'article 1477 C.c., qui énonce la

règle que la victime, malgré son «impudence» conserve un recours

contre l'auteur du préjudice, semble consacrer cette solution.»

Donc l’affaire Gaudet c Lagacé a entériné cette conception établi par le code et la majorité de la

jurisprudence québécoise a adopté ce courant en concevant l’acceptation des risques par un

participant à une activité dangereuse subissant un préjudice comme une faute contributoire de sa

part.

13 [1998] RJQ 1035, [1998] RRA. 398, (disponible sur CanLII) [Gaudet].

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Subséquemment, une fois que le défendeur réussit à prouver les trois conditions d’application

de l’acceptation des risques, son effet peut mener à une exonération totale ou partielle du

défendeur, mais habituellement, ce moyen de défense entraine une exonération partielle selon le

courant adopté par la majorité de la jurisprudence québécoise.

Pour reprendre l’affaire Capers ci-mentionnée14

, la Cour a considéré que la victime était au

courant d’un danger associé à l’activité du ski, même si ce n’était pas le risque caché, puisqu’elle

éprouvait des inquiétudes envers «son habileté», donc elle était consciente qu’un danger est

inhérent à cette activité, mais elle s’est engagée volontairement, et elle a échoué de faire le virage

ce qui a entrainé sa sortie de la piste. De ce fait, il y avait un risque accepté par la demanderesse

jusqu’un certain point, puisqu’elle était consciente qu’elle n’était pas capable de skier sur cette

pente plus avancée, donc elle a prévu un risque qu’elle a volontairement accepté en entreprenant

la pente dangereuse, et il y avait un lien de causalité certain entre son acceptation du risque et le

dommage qu’elle a subi, et en conséquence elle a été tenue responsable partiellement.

À la faute de la demanderesse s’ajoute la faute du moniteur, préposé de la défenderesse, parce

qu’il n’a pas prévu l’obstacle caché, alors qu’il aurait dû raisonnablement le prévoir et informer

la demanderesse à son égard. Ainsi il y avait faute de la part des deux parties; il y a acceptation

du risque jusqu’un certain point de la demanderesse, parce qu’en connaissant qu’elle n’était pas

capable de descendre la pente, elle l’a quand même faite, et de l’autre côté, il y avait une

négligence de la part du moniteur parce qu’il n’a pas informé la demanderesse du danger caché,

et pour cette raison, la Cour a conclu à un partage de la responsabilité, en attribuant 25% de la

responsabilité à la victime et 75% à la partie défenderesse.

14 Capers, supra note 8, à la p 9.

Page 16: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

14

1.4 L’acceptation des risques dans le cadre de la responsabilité contractuelle

L’acceptation des risques comme moyen de défense peut être soulevé, tant dans le contexte

d’une responsabilité contractuelle que d’une responsabilité extracontractuelle.

Si la victime signe une entente comprenant une clause limitative ou d’exonération de

responsabilité, il incombe à son auteur de la porter à son attention. Cette obligation constitue une

condition nécessaire à la validité de toute clause de ce type afin d’obtenir un consentement

éclairé à son égard. L’article 1475 du CcQ15

dit ceci:

« [u]n avis, qu'il soit ou non affiché, stipulant l'exclusion ou la limitation de l'obligation de

réparer le préjudice résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle n'a d'effet, à l'égard

du créancier, que si la partie qui invoque l'avis prouve que l'autre partie en avait

connaissance au moment de la formation du contrat ».

Pourtant, cette clause perd toute validité en cas de préjudice corporel ou moral, comme stipulé

dans l’article 1474 du CcQ16

qui dit ceci :

«Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à

autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une

insouciance, une imprudence ou une négligence grossières. Elle ne peut aucunement exclure

ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui. »

Ainsi, l’auteur d’un document comprenant une clause exonératoire ou limitative de

responsabilité signée consciemment et volontairement par la victime ne peut lui empêcher d’aller

15 Art 1475 CcQ.

16 Art 1474 CcQ.

Page 17: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

15

en cour, afin d’obtenir une compensation du dommage corporel ou moral, ou en cas de faute

lourde ou intentionnelle, puisqu’on ne peut exclure ou limiter contractuellement la responsabilité

dans ces cas. Cet article, qui est d’ordre public, rend les clauses limitatives de responsabilité

sans effets vu le rôle protecteur attribué au système civiliste. Ces propos ont été confirmés par

Baudouin dans le chapitre traitant des clauses conventionnelles et législatives17

.

Ainsi, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité ne parait avoir effet qu’en cas de

préjudice matériel et en absence d’une faute intentionnelle ou lourde de la partie défenderesse et

l’affaire Karawani c Ford Lincoln Gabriel18

y constitue une illustration.

Dans ce cas, le demandeur, M. Karawani confie son véhicule Ford Focus à «Lincoln Gabriel»

pour fin de réparation. Les travaux ne peuvent être complétés la même journée, vu que la pièce

de rechange n’était pas disponible à cette date. Ainsi M. Karawani devait laisser son véhicule

17 Baudouin, supra note 5 ( « contrairement à la common law qui reconnaît la validité d’une telle clause, le Code civil, à l’article

1474 C.c. interdit, en effet désormais, de manière formelle, la limitation ou l’exclusion conventionnelle de la réparation du

préjudice moral ou corporel de la victime. L’ordre public s’y oppose, eu égard aux principes généraux de la Charte des droits et

libertés de la personne, et au respect de la personne humaine » à la p 1158).

18 2007 QCCQ 1331, (disponible sur CanLII) [Karawani] (la Cour, dans cette affaire, a interprété les articles 1474 et 1475

précités, au paragraphe 16 de sa décision comme suit : « Les tribunaux ont eu à maintes reprises à interpréter les dispositions ci-

avant du Code civil , de même la Cour d'appel, dans l'affaire Thérèse Leblond c. Ghislain Dionne et al s'expriment ainsi

relativement à la validité des clauses d'exonération de responsabilité :

«[31] Comme le notent les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, le législateur reconnaît la validité des clauses

exonératoires contractuelles : 927 – Réforme du Code civil - Le Code civil, aux articles 1472, 1474 à 1476, codifie le droit

antérieur dans l'ensemble. Il reconnaît donc la validité de ces clauses exonératoires, sauf lorsqu'elles s'appliquent au préjudice

corporel ou moral (article 1474 du Code civil), ce qui est nouveau. En outre, dans tous les cas, il impose comme condition

qu'elles ne puissent pas servir à exclure ou llimiter le dommage résultant de la faute lourde ou intentionnelle (article 1474 du

Code civil). Enfin, il précise aux articles 1475 « et 1476 » du Code civil la portée des avis de limitation ou d'exclusion de

responsabilité. Il est donc possible aujourd'hui, sous ces importantes réserves, d'exclure ou de limiter la responsabilité de son

chef, ou du chef de ses agents, préposés ou employés, sauf pour certains contrats où la loi s'y oppose de façon particulière ou

générale .

[32] Seul le préjudice matériel est en cause ici et le bail liant les parties est commercial. Les clauses d'exonération sont

valides et à moins que la faute reprochée aux intimés puisse être qualifiée de lourde, ce à quoi réfère – de façon maladroite, il faut

en convenir – la clause 18 du bail en utilisant les mots «la volonté du BAILLEUR», l'on doit leur donner plein effet.

[33] Or, il n'y a, en l'espèce, ni allégation de faute intentionnelle ni preuve établissant une faute lourde »).

Page 18: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

16

chez «Lincoln Gabriel» jusqu'au lendemain, et en agissant ainsi, il laisse dans sa voiture

différents items : 1. équipement complet de hockey; 2. bâton de hockey; 3. une quinzaine de

CD; 4. lunettes de soleil; 5. quelques pièces de monnaie.

En récupérant son véhicule, il s'aperçoit que tous les items ci-avant énumérés ont disparu ou ont

été volés. Il poursuit «Lincoln Gabriel» en argumentant qu’il y a une faute lourde de sa part afin

d’invalider les clauses d’exonération à la base de l’article 1474 précité. «Lincoln Gabriel»

réplique en faisant l’argument qu’elle ne peut pas être tenue responsable pour le vol ou la

disparition des effets personnels de M. Karawani puisqu’à l'intérieur de leur garage, à proximité

du département de service, se trouve une affiche bilingue très visible exonérant la compagnie de

toute responsabilité vis-à-vis les objets perdus ou volés à l’intérieur des véhicules de sa clientèle.

Ainsi que la facture détaillant les travaux à être effectués par la défenderesse comprend un

paragraphe suivant lequel le client admet qu’il exonère la compagnie de toute responsabilité

«quant aux pertes ou dommages se rapportant au véhicule ou objets laissés dans le véhicule en

cas d'incendie, de vol».

La Cour a donné gain de cause à la partie défenderesse, en jugeant que le demandeur avait

pleine connaissance des clauses exonératoires de responsabilité préalablement aux travaux de

réparation, et que ce dernier n’a pas réussi à démontrer une faute lourde ou intentionnelle de la

part de la partie défenderesse afin d’engager sa responsabilité.

De ce fait, la clause exonératoire de responsabilité est valide tant qu’il n’y a pas une faute

intentionnelle ou lourde et la clause d’exonération de responsabilité pour le préjudice matériel est

jugée valide. Par contre, si le préjudice était de type corporel ou moral, les clauses d’exonération

Page 19: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

17

deviennent nulles. Il est légitime de dire dans cette affaire, que ces clauses valent connaissance

du danger.

Une autre restriction est imposée pour limiter la portée des clauses exonératoires : celles-ci

«sont formellement interdites dans un contrat de consommation en vertu de la Loi sur la

protection des consommateur »19

.

Mais la question est de savoir si le défendeur peut s’exonérer de toute responsabilité en

affichant des avis. Suivant l’article 1476 CcQ20

« On ne peut, par un avis, exclure ou limiter, à

l'égard des tiers, son obligation de réparer; mais, pareil avis peut valoir dénonciation d'un

danger».

Ce qui signifie que les avis ne valent pas une exclusion ou une limitation de la responsabilité,

et qu’en pratique un avis sert à titre d’information. De ce fait, la victime serait en pleine

connaissance d’un danger, ce qui remplit la première condition d’application de la défense

d’acceptation du risque, donc ce type d’avis a un rôle préventif d’un danger.

Subséquemment la présence de l’avis permet au défendeur d’argumenter la pleine

connaissance de la victime du risque inhérent à l’activité qu’elle a faite. Pour cela un avis peut

contribuer à remplir la première condition nécessaire pour l’acceptation des risques comme

moyen de défense, et qui indique connaissance du danger comme l’énonce clairement l’article

1476 précité.

19 Baudouin, supra note 5 à la p 1158.

20 Art 1476 CcQ.

Page 20: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

18

L’affaire Dupont c Veilleux21

, applique cet article et traite les sujets relatifs à l’exonération de

responsabilité et l’acceptation des risques. Dans ce cas, le demandeur, propriétaire d’un véhicule,

l’a stationné devant l’immeuble appartenant aux défendeurs à Québec et au-dessous du toit qui

était couvert de la neige. Les défendeurs avaient installé une affiche indiquant avec des lettres

rouges sur fond noir «Attention chute de neige ou de glace». À un certain moment la glace du

toit est tombée sur le véhicule du demandeur stationné juste au-dessus du toit ce qui a causé des

dommages matériels. La Cour a trouvé que les propriétaires de l’immeuble étaient négligents

puisqu’ils n’ont pas suffisamment déneigé la toiture pour éviter la survenance des dommages

matériaux aux voitures stationnant au-dessous.

La question était de savoir la valeur juridique de cet avis affiché. La Cour a appliqué l’article

1476 du Code civil du Québec en considérant que cet avis ne constitue pas une exclusion de la

responsabilité, mais selon elle, cet avis équivaut à une communication des risques au demandeur

conformément à la première condition de la défense de l’acceptation des risques.

Ainsi la Cour a considéré qu’il y avait acceptation du risque de la part du demandeur, puisque le

risque est prévisible et il y avait un avis à cet égard, ce qui démontre sa connaissance du danger,

et en dépit de cela, il a stationné sa voiture à cet endroit. Subséquemment, la Cour a conclu à un

partage de responsabilité entre le demandeur et les défendeurs et ce partage était de cinquante-

cinquante.

21 2008 QCCQ 10271, (disponible sur CanLII) (selon cette décision « [l]es défendeurs avaient l'obligation de surveiller la

formation de blocs de glace ou de neige en raison de la survenance soudaine de redoux qui pouvait se produire à tout moment. À

cet égard, ils ont failli à l'entretien adéquat de la toiture, sachant que les véhicules y stationnaient tout près de ladite façade» para

15).

Page 21: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

19

L’étude intégrale de la théorie de l’acceptation des risques exige de notre part un examen

approfondi de la common law qui adopte une approche différente du droit civil, surtout qu’elle

nécessite une renonciation du risque juridique, et elle conçoit l’acceptation volontaire du risque

comme une défense complète exonérant entièrement la partie défenderesse de toute

responsabilité.

2. L’acceptation des risques en common law

2.1 Définition

Afin de mieux comprendre le concept de ce moyen de défense, la Cour suprême dans l’affaire

Crocker c Sundance northwest resorts ltd22

, a définit l’acceptation des risques comme suit :

« La défense d'acceptation volontaire du risque est fondée sur l'hypothèse morale selon

laquelle celui qui consent ne subit aucun préjudice. En acceptant d'assumer le risque, le

demandeur dégage la défenderesse de toute responsabilité. (…)

Étant donné que le moyen de défense d'acceptation du risque empêche tout

dédommagement et est par conséquent anormal à l'ère du partage de la responsabilité, les

tribunaux lui ont imposé des limites strictes. Il ne s'applique que dans les cas où le

demandeur a assumé à la fois le risque physique et le risque juridique qui découlent de

l'activité. »

Ainsi, l’acceptation des risques est une défense complète fondée sur l’idée d’accepter

volontairement le risque. En common law, face aux délits séparés, on utilise l’acceptation des

risques comme langage lorsqu’on parle uniquement du délit de négligence, et quand il s’agit

d’un délit intentionnel on parle de la défense de consentement. Les deux moyens de défenses ne

sont pas identiques mais ils sont conceptuellement semblables; l’affaire Malette c Shulman23

22 [1988] 1 RCS 1186, 51 DLR (4

e) 321 [Crocker].

23 (1990), 72 RJO (2e) 417, 67 DLR (4

e) 321 (CA).

Page 22: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

20

constitue une illustration de la défense du consentement dont il est question, où il s’agissait d’un

délit intentionnel d’acte de violence de de voies de fait.

2.2 Les conditions d’application de ce moyen de défense

Le défendeur doit respecter trois conditions24

afin de soulever ce moyen de défense avec

succès :

1) le libre arbitre

2) la connaissance du risque physique

3) la renonciation au risque juridique

2.2.1 Le libre arbitre

Le libre arbitre comme première condition, exige que le demandeur ait la capacité juridique

requise afin d’évaluer « les coûts et les bénéfices des actions du défendeur. Cette capacité est

généralement présumée en l’absence de preuve contraire »25

. La Cour peut rejeter la défense

d’acceptation volontaire du risque en l’absence du libre arbitre si le demandeur est mineur ou

quelqu’un qui souffre d’une incapacité mentale ou était sous l’influence des stupéfiants. Ainsi

que cette défense peut être écartée, si le demandeur a accepté les risques sous contrainte, ou la

menace d’utiliser la force, ou par la fraude, ou l’exploitation ou l’iniquité.

2.2.2 La connaissance du risque physique :

La deuxième condition consiste dans la connaissance du risque matériel. Si le demandeur

pourrait accepter volontairement le risque, il faut qu’il le comprenne, il faut qu’il le connaisse.

24 Louis Bélanger – Hardy et Denis Boivin, La responsabilité délictuelle en common law, Cowansville (Qc), Yvon

Blais, 2005 à la p 782 [Bélanger-Hardy].

25 Ibid.

Page 23: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

21

En d’autre mot, il incombe au défendeur de prouver que le demandeur savait ou aurait dû savoir

les risques inhérents à la conduite du défendeur. « Le tribunal peut écarter la défense si le risque

physique (c’est-à-dire le danger) créé par le comportement du défendeur n’était ni connu ni

prévisible »26

.

2.2.3 La renonciation au risque juridique :

La troisième condition qui souligne la particularité de la common law face au droit civil, consiste

à renoncer juridiquement au risque. Il faut que les parties se conviennent que le demandeur ne

veut pas poursuivre le défendeur s’il y a un préjudice qui est causé. Littéralement, pour porter

preuve à cette renonciation, le demandeur et le défendeur signent ensemble une entente qui

montre la capacité du demandeur à connaitre les risques et qu’il les accepte volontairement, et

qu’il renonce à son droit de poursuivre le défendeur, donc il accepte le risque juridique.

Normalement la renonciation implicite est très rare, alors que la renonciation explicite qui se fait

par contrat est plus commune en common law.

a) La renonciation expresse au risque juridique

En présence d’un document sur lequel le demandeur a mis son initial, où les lettres sont écrit en

tout petit et qu’on lui a emmené tout cela «au bout du nez» et qu’il n’avait pas tout compris, le

litige prend plutôt une nature contractuelle; donc en contrat, la question est de déterminer si le

demandeur a tout compris, et si la réponse est affirmative, l’entente va être valide et le

demandeur va être considéré comme s’il a accepté volontairement les risques associés à l’activité

qu’il entreprend de faire. De temps en temps, les tribunaux vont reconnaitre contractuellement la

valeur du document qui consiste à accepter volontairement les risques comme la Cour a établi

26 Ibid à la p 783.

Page 24: Acceptation des risques - VERSION FINALE

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22

dans l’affaire Gregorio c Intrans-Corp27

où elle a estimé que la clause limitative de

responsabilité doit être écartée si elle n’a pas été portée à l’attention du signataire par l’auteur du

document avant la naissance de l’obligation contractuelle. De même dans l’affaire Trigg c MI

Movers International Transport Services Ltd 28

, la Cour a établi que pour se prononcer sur la

validité des clauses limitative de responsabilité, l’auteur du document doit bien expliquer leurs

effets avant la signature de celui-ci.

b) La renonciation tacite au risque juridique

La situation devient plus problématique si l’acceptation volontaire du risque est faite tacitement,

en absence de toute renonciation expresse. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Dube c

Labar29

constitue un exemple important de renonciation tacite au risque juridique.

Dans ce cas, le demandeur et le défendeur sont deux amis qui passent une soirée ensemble en

consommant de l’alcool. Le lendemain matin, ils se mettent à boire de l’alcool avant de prendre

le volant pour la ville voisine. Au début du trajet le demandeur conduisait la voiture du

défendeur, ensuite il a donné son siège de conducteur à ce dernier, et un accident a eu lieu. Le

demandeur blessé sérieusement poursuit le défendeur. Celui-ci argumente que le demandeur a

passé avec lui la soirée à boire et il savait qu’il a bu autant que lui, donc il a accepté le risque de

monter dans la voiture du défendeur et il comprenait bien ce risque et il l’a accepté

volontairement. Selon la Cour, la question à trancher est de savoir si le demandeur a vraiment

27 (1994), 18 OR (3

e) 527 (CA), 115 DLR. (4

e) 200 [Gregorio].

28 (1991), 4 OR (3e) 562 (CA), 84 DLR (4

e) 504.

29 [1986] 1 RCS 649, 27 DLR (4e) 653 [Dube].

Page 25: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

23

accepté volontairement le risque; et elle procède à une analyse des conditions d’application de ce

moyen de défense :

Premièrement est-ce que le demandeur avait le libre arbitre?

La cour a dit30

: « [l]e moyen de défense de volenti sera, de plus, forcément inapplicable dans la

plupart des cas où le conducteur est ivre et où le passager est consentant. Il exige une conscience

des circonstances et des conséquences du geste qui existe rarement selon les faits de ces affaires

au moment pertinent.»

Deuxièmement, est-ce que le demandeur connaissait les risques matériels?

Cela était plus facile à prouver puisque normalement une personne qui boit et ensuite se mette au

volant une voiture, il est raisonnablement prévisible qu’un danger est attaché à sa conduite.

Troisièmement, est-ce que le demandeur a renoncé au risque juridique?

À cet étape, l’affaire Dubé est utile, parce que la Cour a conclu que31

:

« le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il

est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a

essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par

suite d'une négligence quelconque du défendeur. – La cour ici dit en toute lettre qu’est-ce

que ça veut dire – L'acceptation du risque peut être expresse ou peut ressortir de façon

nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est opposable, dans les cas comme

celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les deux parties ont compris que

le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence pour la sécurité du

demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse.»

Ensuite la Cour dit : « [l]e bon sens révèle que ce n'est que rarement qu'un demandeur consentira

vraiment à accepter le risque découlant de la négligence du défendeur.»

30 Ibid para 9.

31 Ibid para 6.

Page 26: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

24

Dans cette affaire, la Cour dit, que même si la victime n’a rien signé, lorsqu’on examine la

conduite négligente du défendeur, il faut adopter une interprétation restrictive de la défense

d’acceptation des risques puisque les cas où une personne accepte les risques issus de la négligence

d’autrui sont très rares. Ainsi, même si le demandeur montait dans la voiture sachant que son ami

avait bu, cela ne peut suffire afin d’établir une acceptation volontaire du risque de sa part. Il aurait

fallu une preuve qui confirme que non seulement le demandeur connaissait les risques liés à la

conduite du défendeur mais qu’il avait accepté explicitement ou implicitement le risque juridique32

.

La majorité de la jurisprudence en common law révèle que la seule instance où peut-être

l’acceptation du risque va être admise par le tribunal comme moyen de défense, c’est lorsque le

défendeur a rédigé un bon contrat, et a rempli toutes les conditions exigées. Dans ce cas cette

défense peut être admise par la Cour. L’affaire Ocsko c Cypress Bowl Recreations Ltd33

, y constitue

un bon exemple où la Cour a donné gain de cause à une station de ski qui a soulevé la défense

d’acceptation des risques face à un skieur qui l’a poursuivi. Dans ce cas, le demandeur a subi des

blessures lorsque ses skis ont frappé des rochers situés le long de la frontière d'une piste de ski.

Le demandeur était un skieur expérimenté. Il était conscient des risques qui peuvent exister à la

bordure de la piste y compris la présence de roches. La preuve a révélé que le demandeur avait

acheté un laissez-passer de ski pour la saison, et en même temps il a signé une renonciation sans

la lire. La Cour a trouvé que le demandeur n’a subi aucune pression et de même il n’a pas été

pressé pour signer cette renonciation et rien ne l’empêchait de procéder à sa lecture avant qu’il l'a

32 Ibid («Faire droit au moyen de défense alors que les faits indiquent seulement que le demandeur connaissait le risque et a quand

même choisi de s'y exposer est incompatible avec les arrêts précités de cette Cour qui exigent non seulement la connaissance du risque,

mais encore son acceptation expresse ou implicite sans recours en droit de la part du demandeur et la conclusion que le défendeur n'a

quant à lui assumé aucune responsabilité pour la sécurité du demandeur» para 8).

33 (1992), 74 BCLR (2e) 73 (BCCA), 95 DLR (4e) 701.

Page 27: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

25

signé. En conséquence, l'action de la partie demanderesse a été rejetée puisque elle a accepté

volontairement les risques tout en signant la renonciation au risque juridique et le centre de ski

s’est réussi à se protéger.

Un autre exemple sur ce point est illustré par l’arrêt de principe dans l’affaire Crocker

précitée34

, où la Cour traite de la valeur juridique d’une renonciation, rédigée par un occupant ou

un organisateur sportif afin de l’exonérer de toute responsabilité. Dans ce cas, afin d’entretenir

son centre de ski, la partie défenderesse-intimée a tenu une compétition où des équipes de deux

personnes glissaient dans des chambres à air géantes sur une partie raide et pleine de bosses d'une

pente. L'appelant s'est inscrit à la compétition, et a signé le formulaire d'inscription et d’exonération

sans le lire pour enfin payer les frais d'inscription. Durant la compétition, l'appelant s'est blessé au

cou et est devenu quadriplégique. Il était de toute évidence en état d’ivresse au début de la seconde

34 Crocker, supra note 22 (au sujet de l’acceptation des risques la Cour suprême procède à l’analyse suivante : « [e]n l'espèce,

on peut tenter de fonder le moyen de défense d'acceptation du risque sur l'un ou l'autre des points suivants: a) la participation

volontaire de Crocker à un sport qui était de toute évidence dangereux ou b) la signature d'un formulaire de renonciation deux

jours avant la compétition. J'examinerai ces fondements l'un après l'autre.

Le premier moyen peut être réglé rapidement. La participation de Crocker à la compétition de chambre à air pourrait être

considérée comme une acceptation des risques physiques qu'elle comportait. Toutefois, même cela est douteux en raison du fait

que son esprit était obscurci par l'alcool à ce moment-là. Toutefois, il est presque impossible de conclure qu'il a assumé le risque

juridique qui en découlait. Descendre une pente dans une chambre à air géante ne peut être considéré en soi comme une

renonciation aux garanties juridiques que Crocker pouvait faire valoir contre Sundance. (…)

[TRADUCTION] Je conclus qu'on n'a pas tenté d'attirer l'attention de M. Crocker sur la clause de décharge, qu'il ne l'a pas lue

et qu'en fait, il n'en connaissait pas l'existence. Par conséquent, Sundance n'avait aucun motif raisonnable de croire que la

décharge exprimait véritablement l'intention de M. Crocker. En fait, dans la mesure où il signait un document autre qu'un

formulaire d'inscription, sa signature ne correspondait pas à sa volonté.

Compte tenu de cette conclusion de fait, il est difficile de conclure que Crocker a volontairement relevé le centre de ski de sa

responsabilité juridique pour la conduite négligente dont elle a fait preuve en lui permettant de participer à sa compétition de

chambre à air, bien qu'il ait été en état d'ébriété. Par conséquent, je conclus que Crocker n'a ni verbalement ni par sa conduite

volontairement assumé le risque juridique que comportait la compétition. Le moyen de défense d'acceptation du risque ne

s'applique pas en l'espèce. »

Alors qu’au sujet de la renonciation au risque juridique la Cour a conclu ceci : « Sundance souligne à bon droit qu'une clause de

décharge contractuelle peut servir de défense complète contre une réclamation en responsabilité délictuelle. (…)

(…) Comme je l'ai déjà mentionné, le juge de première instance a conclu que la renonciation que contenait le formulaire

d'inscription n'avait pas été portée à l'attention du demandeur, que celui-ci ne l'avait pas lue et, en fait, qu'il n'en connaissait pas

l'existence. Il croyait qu'il signait simplement un formulaire d'inscription. Dans ces circonstances, Sundance ne peut se fonder sur

la clause de décharge que contient le formulaire d'inscription »).

Page 28: Acceptation des risques - VERSION FINALE

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26

série, après s'être coupé au-dessus de l'œil dans la première série. Le propriétaire de Sundance a

posé des questions au demandeur afin de déterminer s'il était en mesure de prendre part à la

deuxième série, mais n'a rien fait pour l'en dissuader. Le gérant du centre a également dit que

l'appelant ne devait pas poursuivre la course, mais n'a pris aucune autre mesure pour l'empêcher de

participer lorsqu'il a insisté. La Cour a considéré qu’en principe, «lorsqu'une personne se blesse

accidentellement dans la pratique d'un sport, le droit n'impute la responsabilité à personne d'autre.

La personne blessée doit compter sur une assurance privée et sur le régime public

d'assurance-maladie».

Un troisième cas, illustre aussi un exemple important où la défense d’acceptation du risque était

admise par la Cour; c’est l’affaire Dans l’affaire Karrol c Silver Star Mountain Resorts Ltd35

, la

demanderesse a subi une fracture à la jambe tout en participant à une compétition de ski alpin.

Elle est entrée en collision avec un autre skieur en glissant sur une pente. La demanderesse

prétend que la station de ski du défendeur a été négligente en omettant de s'assurer de la clarté du

trajet avant de lui permettre la descente. Mais la demanderesse avait signé une renonciation au

risque juridique avant de participer à la course. Le formulaire a indiqué expressément les risques

de blessure, et a exonéré le défendeur de toute responsabilité, même si elle était le résultat de sa

propre négligence. La demanderesse avait participé à la même compétition durant les quatre

années précédentes. De plus elle avait expliqué à son ami qu'ils étaient tenus de signer des

renonciations les empêchant de poursuivre l'opérateur des pentes de ski, s’ils ont subi une chute

leur causant des blessures. En dépit de cette conversation, la demanderesse a soutenu qu'elle ne

devrait pas être liée par les termes de cette renonciation, comme elle n'a pas lu le formulaire, et

35 (1988), 33 BCLR (2

e) 160 (BCSC).

Page 29: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

27

n'avait pas eu une chance raisonnable de le lire et de comprendre son contenu. La Cour a estimé

que le document était court (une page), rédigé en lettres majuscules, et facile à comprendre. La

demanderesse a admis qu'elle aurait pu le lire dans une à deux minutes. La Cour a conclu que la

demanderesse a accepté volontairement les risques et que le défendeur a pris des mesures

raisonnables pour mettre les clauses d’exonération à l'attention de celle-ci, et a donc le droit de se

prévaloir de ses clauses. L'action de la demanderesse a été rejetée et le moyen de défense soulevé

par la partie défenderesse a été accepté.

La théorie d’acceptation des risques apparait non seulement dans le cadre des moyens de

défenses en négligence, mais aussi dans la Loi sur la responsabilité des occupants36

, notamment

à l’article 4. Pour cela, il est important d’étudier cette théorie dans le contexte de la

responsabilité des occupants.

2.3 La théorie d’acceptation des risques dans le contexte de la responsabilité

des occupants :

2.3.1 Le régime législatif

Comme déjà signalé, ce moyen de défense nécessitait le libre arbitre chez la victime et qu’elle

soit en pleine connaissance du risque associé à l’activité dans laquelle elle s’engage, ainsi qu’elle

accepte le risque juridique. La question s’est posée dans le contexte de la Loi sur la

responsabilité des occupants, essentiellement, est-ce que le législateur a prévu ces conditions-là?

36 Loi sur la responsabilité des occupants, LRO 1990, c O.2 [Loi sur la RO].

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28

Lorsque cette loi a été adoptée, les occupants s’inquiétaient de la portée trop onéreuse de leur

responsabilité que le législateur avait créé puisqu’il a éliminé toute l’analyse de l’obligation de

diligence afin d’imposer à tous les occupants une obligation d’être diligent. En effet, ceux-ci se

sentaient menacés - dépendant du type d’occupant - surtout les gens qui appartenaient des

terrains agricoles, des terrains de golfes, et des terrains où sont construits des centres d’achat, des

cinémas. Mais c’est surtout avec les propriétaires des terrains aux milieux ruraux ayant des

vastes propriétés que les préoccupations majeures ont été reconnues au niveau de la portée de

cette responsabilité puisqu’ils avaient de très grands terrains, et l’article 337

de la loi, leur

imposait de prendre les soins raisonnables afin de s’assurer que toutes les personnes qui entrent

sur les lieux soient raisonnablement en sureté lorsqu’ils s’y trouvent, ce qui peut être assez

exigeant, s’il faut que l’occupant patrouille un grand terrain, ou s’il est un type d’occupant

complexe comme un centre d’achat qui est fréquenté par beaucoup de gens.

En conséquence, il y a eu de la pression pour incorporer à la loi les règles autour de

l’acceptation volontaire du risque38

. C’est l’article 439

qui s’intéresse à ce sujet. Sous l’empire de

37 Voir la Loi sur la RO, Ibid, art 3 («Obligation de l’occupant

3. (1) Un occupant des lieux a l’obligation de prendre le soin qui s’avère raisonnable dans toutes les circonstances en cause pour

veiller à ce que les personnes qui entrent dans les lieux et les biens qu’elles y apportent soient raisonnablement en sûreté lorsqu’ils s’y trouvent.

(2) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique, que le risque soit causé par l’état des lieux ou par une

activité qui y est exercée.

(3) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe (1) s’applique sauf dans la mesure où l’occupant des lieux est libre de limiter, de modifier ou d’éviter son obligation et le fait »).

38 Bélanger-Hardy, supra note 22 à la p 549.

39 Loi sur la RO, supra note 36, art 4. (« Risques volontairement assumés

4. (1) L’obligation de prendre soin prévue au paragraphe 3 (1) ne s’applique pas à l’égard des risques volontairement assumés par la personne qui entre dans les lieux. Toutefois, dans ce cas, l’occupant a envers elle l’obligation de ne créer aucun danger

dans l’intention arrêtée de lui faire du tort ou d’endommager ses biens. Il a également l’obligation de ne pas agir de façon

insouciante en faisant abstraction de la présence de la personne ou de ses biens.

Activité criminelle

Page 31: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

29

cet article la norme de diligence va être modifiée quand la personne accepte volontairement les

risques. La norme de conduite prévue à l’article 3 précité qui consiste à prendre le soin

raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux soient

raisonnablement en sûreté va être modifié pour devenir : une obligation de ne créer aucun danger

dans l’intention arrêtée de faire du tort ou d’endommager un bien et obligation de ne pas agir de

manière insouciante en faisant abstraction de la personne ou de ses biens. Cette norme regroupe

deux volets : l’occupant ne peut pas créer un danger à une personne qui vient sur son terrain, en

d’autre mot, sachant qu’il y a un intrus qui passe dans sa cours, l’occupant ne peut pas creuser un

grand trou par exemple et le couvrir par des feuilles d’arbre en espérant qu’il tombe dedans. De

même, suivant cette norme, l’occupant ne peut pas être insouciant envers les personnes qui

passent par son terrain, comme si par exemple il appartient un terrain assez vaste dans une région

rurale tout en sachant qu’il y a des motoneigistes qui passent par son terrain, et qu’il existe des

tuyaux dangereux ou un arbre tombé qui présente un danger, dans ce cas l’occupant ne peut pas

(2) Une personne qui se trouve dans les lieux avec l’intention de commettre des activités criminelles ou qui est en train de les

commettre, est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au

paragraphe (1).

Entrée sans autorisation et activités de loisir permises (3) Une personne qui entre dans les lieux décrits au paragraphe (4) est réputée avoir volontairement assumé tous les risques et

elle est assujettie à l’obligation de prendre soin énoncée au paragraphe (1) lorsque, selon le cas :

l’entrée en est interdite aux termes de la Loi sur l’entrée sans autorisation;

l’occupant n’a pas affiché d’avis à l’égard de l’entrée ni ne l’a expressément permise autrement; l’entrée est faite dans le but d’exercer une activité de loisirs et que les conditions suivantes sont réunies :

(i) aucun droit n’est acquitté pour l’entrée de la personne ou l’exercice de l’activité, autre qu’une allocation ou un paiement reçu

d’un gouvernement, d’une agence gouvernementale, d’un club ou d’une association de loisirs à but non lucratif,

(ii) l’occupant ne pourvoit pas au logement de la personne. Lieux mentionnés au para. (3)

(4) Les lieux mentionnés au paragraphe (3) sont les suivants :

a) des lieux ruraux qui sont : (i) utilisés à des fins agricoles, y compris des terres en culture, des vergers, des prés, des parcelles boisées et des étangs situés sur

une ferme,

(ii) des lieux vacants ou non développés,

(iii) des lieux boisés ou sauvages; b) des terrains de golf lorsqu’ils ne sont pas ouverts pour y jouer;

c) des droits de passage ou des couloirs à l’usage des services publics excluant les constructions qui y sont situés;

d) des terrains affectés à l’ouverture éventuelle de routes;

e) des routes privées raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis; f) des pistes de loisir raisonnablement affichées comme telles au moyen d’un avis » ).

Page 32: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

30

être insouciant vis-à-vis ce qui se passe sur son bien-fonds. Donc, la norme est moins exigeante

dans ce cas; elle consiste à ne pas créer expressément un danger et de ne pas être insouciant si

l’occupant connait qu’il y a des gens qui passent sur son bien-fonds et qu’il existe un certain

danger pour eux.

Donc si l’occupant peut montrer que la victime a assumé volontairement le risque ou a accepté

volontairement le risque, dans ce cas, il va être astreint à la norme moins exigeante de l’article 4

plutôt que la norme plus exigeante de l’article 3.

2.3.2 Interprétation du régime législatif : analyse jurisprudentielle.

Étant donné cela, la question était de savoir qu’est-ce qu’on veut dire par assumer

volontairement le risque dans cette loi; est que le sens est identique à celui que la common law

avait adopté c.à.d. que la personne qui accepte le risque doit avoir la capacité et le libre arbitre et

que la personne qui accepte les risques connait les risques et que la personne qui accepte

volontairement les risques, accepte le risque juridique. Est-ce que le législateur a adopté cette

approche en rédigeant l’article 4? Est-ce que le législateur voulait dans le fond incorporer la

façon dont la common law avait développé l’acceptation volontaire du risque?

Cette question a été posée dans l’affaire Waldick c Malcom40

. Dans ce cas le demandeur M.

Waldick est allé faire couper ses cheveux chez sa sœur qui habitait avec son conjoint en région

rurale. Le demandeur sort pour chercher un objet de sa voiture et retournant vers la maison de sa

sœur, il tombe sur la glace et subit une fracture au crâne. L’entrée et le palier et l’allée étaient

bien nettoyés, mais aucun sable ou sel étaient répandus. M. Waldick poursuit sa sœur et son

40 [1991] 2 RCS 456, 83 DLR (4

e) 114 [Waldick].

Page 33: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

31

conjoint pour négligence en se fondant sur la Lois sur la responsabilité de l’occupant de

l’Ontario.

La Cour commente sur la question liée à l’acceptation du risque, tout en analysant l’expression

«risques volontairement assumés par la personne qui entre dans les lieux» incluse dans le texte

de la loi comme suit:

« […] Je ne doute pas que le par. 4(1) de la Loi était censé concrétiser et maintenir le

principe de l'acceptation du risque. On s'en rend compte en examinant l'ensemble du

régime législatif créé par la Loi. Celle-ci visait manifestement à remplacer, à mettre au

point et à harmoniser l'obligation de prendre soin qu'avaient en common law les

occupants de lieux envers les visiteurs qui entraient sur ces lieux.

J'estime que la Loi n'était pas destinée à écarter en bloc les moyens de défense de

common law en matière de responsabilité, et il est révélateur que l'art. 2 ne fasse aucune

mention de ces moyens de défense. Ce point de vue se trouve renforcé quand on se

demande pourquoi il devrait y avoir dans ce domaine du droit une défense autre que celle

de l'acceptation du risque qui peut être soulevée dans les actions pour négligence en

général. Le domaine de la responsabilité des occupants ne semble avoir rien de

particulier qui justifie qu'on se détourne du principe généralement admis de l'acceptation

du risque.»

En effet, la Cour a conclu que le législateur avait probablement l’intention d’incorporer la

common law, et par son interprétation, la Cour suprême semble favoriser les victimes, puisqu’en

common law, la défense de l’acceptation des risques est très difficile à soulever, surtout que c’est

difficile de démontrer que la victime a accepté le risque juridique à moins qu’elle a signé un

document écrit très clairement qui montre qu’elle a accepté volontairement les risques.

En common law, ce que la loi aussi opère par rapport à l’acceptation volontaire du risque c’est

de donner deux instances où on présume que le demandeur a accepté volontairement les risques;

Page 34: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

32

et dans ce cas il faut rencontrer les exigences de l’article 441

: le premier c’est lié aux intrus. Si

quelqu’un est un intrus, c.à.d. quelqu’un qui est sur place pour y commettre des infractions, il

«est réputé avoir volontairement assumé tous les risques et est assujettie à l’obligation de prendre

soin énoncé au paragraphe (1). »

Ainsi, un voleur qui entre dans un bien fond pour voler la bicyclette d’un occupant, ce dernier a

une obligation de ne créer aucun danger dans l’intention arrêtée de lui faire du tort, c.à.d. il ne

peut pas creuser un piège par exemple, ou il ne doit pas agir d’une façon insouciante en faisant

abstraction d’un danger dans sa propriété. Tandis que si par exemple, la mère âgée de l’occupant

vient se promener chez lui, elle n’est pas une intruse, elle ne vise pas à commettre une infraction

criminelle, et dans ce cas l’obligation stipulée dans l’article 3 s’applique qui consiste à prendre le

soin raisonnable dans les circonstances en cause pour s’assurer que les personnes sur les lieux

soient raisonnablement en sûreté.

L’autre instance, où la loi crée une présomption que la victime a accepté volontairement les

risques, se trouve aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4. Et dans ces cas, l’occupant a l’obligation

de ne créer aucun danger à cause de cette présomption, et c’est pour le demandeur qui se

blesserait dans un des lieux mentionnés au paragraphe 4.

Ainsi, il faut une combinaison entre les conditions stipulées au paragraphe 3 et les lieux

mentionnés au paragraphe 4 de l’article 4 pour réduire la norme de diligence évoqué à l’article 3

à la norme indiquée au paragraphe 1 de l’article 4. En d’autre termes, si la victime rentre dans

une piste de loisir raisonnablement affichée comme telle par un avis, pour faire une activité de

41 Loi sur la RO, supra note 36, art 4.

Page 35: Acceptation des risques - VERSION FINALE

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33

loisir comme le ski, et elle paie, l’occupant ne passe pas à l’exception captée par le paragraphe 1

de l’article 4. Si la victime ne paie pas, la norme énoncée au paragraphe 1 précité s’applique.

3. Entre la common law et le droit civil: étude comparée de

l’acceptation des risques

3.1 Introduction :

Afin de mieux comprendre la portée légale de la défense d’acceptation des risques, il faut établir

une distinction entre les principes régissant ce moyen de défense en droit civil et ceux qui sont

adoptés par la common law.

Des auteurs ont consacré de substantiels développement à cette théorie afin d’exposer à la fois

sa genèse et sa signification en common law et en droit civil. À cette occasion ils expliquent

qu’«[a]u Québec, si l’acceptation des risques a parfois été assimilée à la défense de volenti

propre à la common law, le droit québécois probablement encouragé par les développement sur

la question en droit français a néanmoins pu construire sa propre théorie»42

Cela révèle que, dans des circonstances similaires, le défendeur peut être exonérer totalement

de sa responsabilité en common law, alors qu’en droit civil, il demeurerait responsable aux yeux

du tribunal.

Cette partie vise à examiner les différences et les similarités entre le droit civil et la common

law au niveau de la défense d’acceptation des risques.

42 Deslauriers, supra note 2 à la p 146.

Page 36: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

34

3.2 - Distinction générale entre la common law et le droit civil :

L’article 145743

du Code civil du Québec couvre tout type de conduite alors qu’en common

law, le tribunal est pris avec un délit précis. Avant de soulever les moyens de défenses, quel que

soit la nature du délit, il incombe au demandeur d’établir la responsabilité à première vue que ce

soit en droit civil ou en common law. S’il parvient à compléter cette étape en prouvant le

préjudice, le tribunal a à ce moment-là une responsabilité à première vue puisque le demandeur a

réussi de prouver tous les éléments du délit ou tous les éléments de l’article 1457 précité. À ce

stade, le tribunal passe à une deuxième étape de l’analyse: il a obtenu une responsabilité à

première vue du défendeur, le demandeur a démontré tous les éléments du délit. Dans ce cas le

droit permet au défendeur de contester la responsabilité en première vue établie contre lui en

faisant recours aux moyens de défenses : on y trouve des moyens de défenses officiels, et en

common law, en ce qui a attrait à la négligence, il y en a quatre qui peuvent annuler cette

présomption de responsabilité prima facie. Si le défendeur réussisse à convaincre la cour que la

défense évoquée est appropriée, il en résultera une annulation de la responsabilité et le défendeur

va s’en sortir. Et par contre si le défendeur échoue à convaincre la cour que le moyen de défense

est bien fondé, celle-ci passe à l’étape de la réparation.

Pour les moyens de défenses par rapport à la négligence en common law, il y en a quatre qui

sont officiels44

: 1) la négligence contributive qui est très semblable à La faute contributive en

droit civil et c’est un moyen de défense partiel qui va mener à un partage de responsabilité, alors

43 Supra note 1.

44 Bélanger-Hardy, supra note 24 à la p 763.

Page 37: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

35

que 2) l’acceptation volontaire des risques, 3) l’illégalité de la conduite du demandeur et 4)

l’accident inévitable, sont des moyens de défense complets.

Donc si le défendeur réussit à convaincre la cour qu’il y a acceptation volontaire du risque,

contrairement au droit civil, il est complètement exonéré de toute responsabilité en common law.

Cela constitue un point de différence assez marqué entre ces deux systèmes.

Ce qui distingue le droit civil de la common law, que cette dernière établit une séparation entre

différent délits. «En droit des délits civils canadien, il existe deux catégories de fautes : la

conduite négligente et la conduite intentionnelle. En quelques mots, la négligence est une action

ou une omission qui crée de façon objective, c.à.d. sans égard aux désirs de l’auteur un risque

déraisonnable de préjudice à autrui.»45

Par contre, un acte intentionnel est posé avec l’intention

spécifique de produire un dommage à autrui. Afin d’obtenir une réparation pour une action en

négligence en common law, les quatre conditions suivantes doivent être prouvées : (a) une règle

imposant au défendeur de se conformer à une norme de conduite; (b) un défaut de la part du

défendeur de se conformer à cette obligation, ou, en d'autres termes, un manquement à

l'obligation de prendre soin (ce manquement à l'obligation est habituellement appelé la

négligence); (c) préjudice causé au demandeur et; (d) un lien de causalité raisonnablement étroit

entre la négligence et le préjudice qui en résulte.

Alors qu’en droit civil, contrairement à la common law, la responsabilité ne repose pas sur un

certain nombre de règles spécifiques interdisant certains types d'activités nuisibles – la

responsabilités civile repose, dans la majorité des cas, sur un principe fondamental qu'il est

45 Ibid à la p 6.

Page 38: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

36

illicite de causer des dommages à autrui sans légitime justification ou excuse. Selon l’article

1457 du CcQ, la responsabilité est fondée sur la faute. Suivant les termes de cet article, pour

réussir une action en droit civil, les trois conditions suivantes doivent être respectées : (a)

l’existence d’un acte fautif imputable au défendeur; (b) un préjudice subi par le demandeur; et

un lien de causalité entre la faute et le dommage qui en résulte.

Ainsi, la distinction en droit civil n’existe pas entre la conduite négligente et la conduite

intentionnelle, et l’acceptation des risques s’applique dans les deux cas.

En common law on parle de l’acceptation des risques dans le contexte de la négligence et en

gros c’est l’idée de consentir et le fardeau de la preuve, comme en droit civile, est au défendeur

puisque c’est un moyen de défense et il va falloir que le défendeur démontre l’existence des trois

conditions chez le demandeur afin de montrer que ce dernier a accepté le risque et donc se

prévaloir de ce moyen de défense.

3.3 - Au niveau des conditions d’application de ce moyen de défense :

Suivant notre exposé de ce moyen de défense dans les deux systèmes, on peut déduire que la

connaissance préalable des risques associés à une activité quelconque constitue une condition

exigée par le droit civil et la common law afin de conclure à une acceptation volontaire des

risques par la victime. La common law insiste clairement sur la nécessité que la victime ait le

libre arbitre afin de s’assurer qu’elle avait pleine connaissance de cause, alors qu’en droit civil,

cette condition est présumée du fait que la victime s’est engagée volontairement dans l’activité

dangereuse, et la volonté exige en soi que la victime ait le libre arbitre. Pour cette raison, on

Page 39: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

37

constate que le législateur québécois, à la différence de la common law, n’invoque pas cette

condition expressément, afin d’éviter toute tautologie de sa part.

La distinction remarquable entre les deux systèmes s’opère au niveau de la renonciation

juridique exigée par la common law pour appliquer ce moyen de défense; elle est illustrée

clairement par l’affaire Dube c Labar 46

où la Cour suprême a conclu que

«le moyen de défense de volenti ne s'applique que lorsque les circonstances sont telles qu'il

est manifeste que le demandeur, connaissant le risque presque certain de préjudice, a

essentiellement convenu de renoncer à son droit de poursuite pour les blessures subies par

suite d'une négligence quelconque du défendeur. L'acceptation du risque peut être expresse

ou peut ressortir de façon nettement implicite de la conduite des parties, mais elle n'est

opposable, dans les cas comme celui en l'espèce, que lorsqu'on peut vraiment dire que les

deux parties ont compris que le défendeur n'assumait aucune responsabilité de diligence

pour la sécurité du demandeur et que le demandeur ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse».

La marge entre acceptation du risque matériel – ou physique – admise en droit civil et

l’acceptation du risque légale adoptée par la common law est bien traitée dans le passage suivant

reproduit dans cette décision47

:

« [TRADUCTION] [o]n soutient que le secret pour comprendre la portée véritable de la

maxime volens, consiste à établir une distinction entre ce qu'on pourrait appeler le risque

matériel et le risque légal. Le risque matériel est le risque de préjudice véritable. Le risque

légal est le risque de préjudice véritable pour lequel il n'y a pas de recours en droit...

Exprimé en termes généraux, cela veut dire que le moyen de défense de volens ne s'applique

pas lorsque dans son for intérieur le demandeur décide de courir un risque, mais qu'il n'y a

rien dans sa conduite qui indique à l'autre partie qu'il a renoncé à son droit d'action. Pour

constituer un moyen de défense, il faut qu'il y ait eu entente expresse ou tacite entre les

parties en vertu de laquelle le demandeur a renoncé à son droit d'action pour négligence.»

46 Dube, supra note 29.

47 Ibid.

Page 40: Acceptation des risques - VERSION FINALE

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38

Mais pareillement au droit civil, le fait que la victime signe sa renonciation au recours, va à

l’encontre son intérêt comme demandeur, mais les tribunaux vont examiner l’ensemble des

circonstances; est-ce que tous les risques étaient explicites, est-ce que la victime a bien compris

tout ce qui est discuté. Un contrat très bien rédigé où la clause d’acceptation des risques est bien

présentée à la victime, permet à la cour d’admettre, en principe, ce moyen de défense. Pourtant,

selon la common law, si le signataire du document affirme qu’il connait les risques et il les

accepte, cela ne peut être suffisant afin de conclure qu’il a renoncé au risque juridique; la victime

doit montrer qu’elle comprend qu’elle peut subir des blessures à cause des risques associés à une

activité qu’elle désire exercer et qu’elle comprend qu’elle ne peut sous aucune instance

poursuivre l’autre partie et qu’elle accepte ce risque juridique. Dans ce cas le demandeur va faire

face à beaucoup de difficulté pour montrer qu’il n’avait pas accepté les risques. Cette

exonération complète de responsabilité du défendeur trouve son application même en cas de

préjudice corporel ou moral, ce qui marque cette différence importante avec le droit civil où

l’article 1474 CcQ48

dit qu’en cas d’une exclusion ou d’une limitation contractuelle de la

responsabilité pour un préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute intentionnelle ou faute

lourde, les clauses sont considérées nulles et à cette distinction s’ajoute deux autres comme déjà

signalé :

1- en droit civil, l’acceptation du risque n’exige pas une renonciation légale du risque, on exige

plutôt d’accepter le risque physique et il n’est pas possible, selon l’article 1474 du CcQ, d’avoir

une renonciation légale pour le préjudice corporel ou moral,

2- l’acceptation des risques peut être une défense partielle donc elle ne constitue pas toujours une

défense complète.

48 Supra note 16.

Page 41: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

39

Alors qu’en common law, une clause d’exonération bien ficelée pourrait exclure la

responsabilité pour le dommage corporel ou moral, et le défendeur a le fardeau de démontrer que

victime comprenait ce qui se passait et puis il a accepté ce risque juridique.

Cette distinction entre ces deux systèmes juridiques, s’opère aussi au niveau de l’effet juridique

d’une entente comprenant une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, où en droit

civil elle n’est pas requise afin d’établir une acceptation volontaire du risque, contrairement à la

common law où elle est prévue comme une condition nécessaire pour soulever ce moyen de

défense.

En droit québécois, le lien de causalité entre le risque accepté et le dommage subi est indiqué

expressément comme une condition nécessaire à l’invocation de la défense d’acceptation du

risque, alors qu’en common law, cette exigence n’est pas mentionnée parmi les conditions

exigées pour se prévaloir de ce moyen de défense, et peut-être cela est dû à l’idée que la

renonciation juridique de la part de la victime, en cas de son admissibilité, mène à une

exonération totale du défendeur de tout responsabilité sans la nécessité de prouver un lien de

causalité entre le risque accepté et le préjudice subi.

3.4 Au niveau des conséquences de l’acceptation des risques:

Les effets de l’acceptation volontaire des risques par la victime souligne une différence cruciale

entre la common law et le droit civil à l’égard ce moyen de défense; une fois que le demandeur

réussit à établir la responsabilité prima facie du défendeur en common law, c’est uniquement la

négligence contributive qui va mener à un partage de responsabilité régit par la Loi sur le

Page 42: Acceptation des risques - VERSION FINALE

Chirine Haddad

40

partage de la responsabilité49

, ou le défendeur va soulever les trois autres moyens de défense

complet. En raison de leur effet exonératoire total, l’attitude des tribunaux envers ces défenses

est généralement défavorable parce qu’en examinant les moyens de défense, le demandeur a déjà

établi une responsabilité à première vue du défendeur, donc le demandeur a réussi à prouver les

éléments du délit par rapport au défendeur, qui devient à ce stade responsable de prime abord;

tous les éléments du délit, ou tous les éléments de l’article 1457 du code civil québécois ont été

prouvés contre lui. Ainsi en analysant les moyens de défense, les tribunaux s’attendent du

défendeur qu’il invoque un moyen de défense assez déterminant afin qu’ils modifient leur

présomption de responsabilité à première vue et puis pour qu’ils décident de le libérer de tout

dommage-intérêt. Par contre, vu que la négligence contributive est une défense partielle qui

aboutit à un partage de responsabilité et non à une annulation de celle-ci, les tribunaux, soit en

common law soit en droit civil, ont tendance à être plus ouvert à son égard; le défendeur demeure

négligent aux yeux du tribunal mais le demandeur lui-même n’a pas agi de façon optimal, c.à.d.

il était lui-même négligent, pour cela, la défense de négligence contributive est souvent invoquée

dans les litiges et les tribunaux sont plus favorables à l’admettre. Cette idée est traitée par

Baudouin50

comme suit:

« [p]endant longtemps, le droit anglais et le droit américain ont admis, au contraire du

droit français et québécois, que la faute (negligence) de la victime et sa participation à la

réalisation du préjudice constituaient une fin de non-recevoir absolue à sa

réclamation. C’était le système de la contributory negligence (…). La sévérité de cette

règle, antérieurement aux diverses réformes législatives qui l’ont supprimé, avait

d’ailleurs obligé les tribunaux de common law à des prodiges d’ingéniosité pour

parvenir à des solutions qui ne soient pas trop inéquitables. La jurisprudence

49 Loi sur le partage de la responsabilité, LRO 1990, c N.1.

50 Baudouin, supra note 5 à la pp 645.

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Chirine Haddad

41

québécoise, qui aurait pu à cet égard être influencée par la common law, a, au contraire,

dès le siècle dernier, opté pour le système civiliste du partage de responsabilité, système

connu en an anglais sous le vocable de comparative negligence et désormais codifié à

l’article 1478 C.c ».

À cela s’ajoute une autre distinction entre common law et droit civil; à côté du moyen de

défense de la faute contributoire en droit civil, qui équivaut à la négligence contributive,

l’acceptation du risque constitue habituellement une défense partielle plutôt que totale, et cela est

dû à la flexibilité du système civiliste envers ce moyen de défense et l’esprit paternaliste et

protecteur traduit par celui-ci. Ainsi, on trouve beaucoup plus d’arrêt en droit civil qui traite de

cette défense, parce que les tribunaux profite de cette flexibilité, alors qu’en common law les

tribunaux vont être plus réticents à l’admettre, vu son effet exonératoire total et vu l’absence de

toute flexibilité à son égard. Cette idée est confirmée par Patrice Deslauriers comme suit51

:

« [à] la fin du XIXe siècle, la common law subit une transformation importante.

Constatant que la simple connaissance [du risque] constituait une condition trop étendue,

les tribunaux anglais ont restreint l’application de la règle aux seules circonstances

impliquant une véritable acceptation des risques. Cette interprétation fut également celle

retenue au Canada par la Cour suprême.»

L’article 1477 précité52

exprime clairement que « [l]'acceptation des risques par la victime,

n'emporte pas renonciation à son recours contre l'auteur du préjudice. »

La majorité des tribunaux québécois, comme dans l’affaire Gaudet c Lagacé53

mentionnée

ultérieurement, conçoit l’acceptation des risques comme étant une faute de la victime, elle peut

conclure à un partage de la responsabilité selon la gravité respective des fautes du défendeur et

51 Deslauriers, supra note 2 à la p 144.

52 Supra note 3.

53 Gaudet, supra note 13.

Page 44: Acceptation des risques - VERSION FINALE

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42

puis de la victime. Les deux moyens de défenses, la faute contributoire et l’acceptation des

risques, se rencontrent à ce stade, contrairement au courant jurisprudentiel adopté en common

law, où l’acceptation des risques constitue en soi une défense complète exonérant à 100%

l’auteur du préjudice de toute responsabilité.

Mais, conformément au courant adopté par la common law qui exige que les clauses limitatives

de responsabilité soient portées à l’attention du signataire par leur auteur avant la création de

l’obligation contractuelle (Gregorio c Intrans- Cop54

), l’article 1475 du CcQ précité affirme le

même principe.

Par contre, à la différence de la common law, le législateur québécois est intervenu pour

déclarer l’invalidité d’une telle clause en cas de préjudice corporel ou moral, ou en cas de faute

intentionnelle ou lourde, en rédigeant l’article 1474.

Suivant le droit civil québécois, L’exclusion de la faute lourde et de la faute intentionnelle de la

validité des clauses limitatives de la responsabilité revient à l’idée que :

« [q]uelque généraux que puissent être les termes de ces clauses, elles ne peuvent jamais

avoir pour effet de permettre au débiteur de se soustraire à la responsabilité provenant de

sa faute intentionnelle ou de sa faute lourde. Par faute lourde, le législateur, à l’article

1474 C.c, entend la faute grossière et donc un total mépris des intérêts d’autrui…

Admettre, en effet, la possibilité d’exclure les conséquences d’un acte malicieux,

prémédité, ou d’une négligence très grave, serait une incitation sociale à la fraude ou à

l’incurie grossière à l’égard d’autrui et irait directement contre l’ordre public. »55

54 Gregorio, supra note 27.

55 Baudouin, supra note 5 à la p1159.

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Et comme illustrée dans l’affaire Karawani56

précitée, en soulevant la défense d’acceptation du

risque, il est possible d’alléguer que ces clauses sont sans effet lorsqu’il s’agit d’une faute lourde

ou intentionnelle ou lorsque le préjudice subit est de nature corporel ou moral. Cette position

adoptée par le droit civil québécois se distingue gravement de la common law, puisqu’il est

conçu comme un système paternaliste, un système où le code vise à protéger l’individu. Le droit

civil semble adopter cette attitude qui consiste à vouloir protéger les individus d'eux-mêmes ou à

tenter de réaliser leur bien sans tenir compte de leur opinion; les mesures imposées par celui-ci

sont justifiées par des principes généraux tell que la dignité humaine par exemple. La Charte des

droits et libertés de la personne57

traduit cet esprit. Inspiré par le droit civil français, le

législateur québécois consacre une grande part au concept de dignité. La Charte québécoise

assure de façon péremptoire le droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité de chaque personne. Cette

déclaration est consolidée par la reconnaissance expresse des droits à la sauvegarde de la dignité

et au respect de la vie privée. Surtout, cette loi quasi constitutionnelle condamne les atteintes aux

attributs principaux de l'être humain. Chaque personne détient en soi-même une valeur

intrinsèque la rendant digne de respect. S'agissant du milieu de travail, l’esprit paternaliste est

traduit par le fait que le Code civil stipule notamment que l'employeur doit adopter les mesures

qui conviennent à la nature du travail afin de conserver la santé, la sécurité et la dignité de son

employé. À cela, dans la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions

56 Karawni, supra note 18.

57 Charte des droits et libertés de la personne, LRQ c C-12, art 2 (« [t]out être humain dont la vie est en péril a droit

au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du

secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou

d'un autre motif raisonnable »).

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législatives58

, s'ajoute un bloc de mesures qui traitent le sujet du harcèlement psychologique en

milieu de travail. Cette tendance fait du droit civil québécois un protecteur des personnes

vulnérables contre les forces du marché. Du coup, ça fait aussi de ce droit un guide paternaliste

protégeant les individus contre leurs faiblesses. Cet esprit protecteur du droit civil se révèle aussi

en matière de responsabilité civil, où aucune entreprise québécoise, ne peut s'exclure de sa

responsabilité face à des préjudices physiques ou morale par quelque document que ce soit, ce

qui souligne la tendance protectrice du droit civil envers l’intégrité physique et morale de

l’individu. Elle peut par contre le faire vis-à-vis des préjudices matériels seulement, par le biais

d’un formulaire de décharge clair, dûment exprimé et signé par le client. Encore là, le droit civil

exige que le signataire soit bien avisé des problèmes potentiels et d'accepter les risques en pleine

connaissance de cause. Mais qu'importe le formulaire d'acceptation de risques ou de non-

responsabilité signé, une chose l'invalidera à tout coup : une faute lourde. Elle est généralement

établie lorsque l'erreur paraît évidente pour la personne raisonnable, bien que ce soit toujours le

tribunal qui a le dernier mot.

Cet esprit qui caractérise le droit civil, se distingue de l’esprit individualiste de la common law,

«qui considérait que toute personne était libre de prendre des risques sans pour autant pouvoir

demander l’intervention de la justice. De plus la règle de volenti reposait sur la notion de faute

commise par la victime; une personne qui acceptait les risques devenait pour ainsi dire coauteur

de son préjudice et par conséquent, ne pouvait bénéficier de la protection de la common law»59.

Ainsi l’auteur Bohlen traduit cette idée comme suit :

58 Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, LQ 2002, c 80.

59 Deslauriers, supra note 2 à la p 143.

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«[traduction] [l]a maxime ''volenti non fit injuria'' est une expression succincte de la

tendance individualiste de la common law, qui provient du peuple et défend ses libertés,

naturellement la liberté d'action individuelle qui constitue la clé de voûte de l'ensemble de

sa structure. Selon cette aptitude, chaque individu est libre de maitriser ses propres

destinés, il ne doit pas être assujetti à des interventions externes, mais en l'absence de

telles ingérences, il est tenu apte de se protéger. Alors qu’en le protégeant d’une agression

externe, de l'imposition et de la coercition, la common law n'assume pas le rôle de le

protéger contre les vices de sa propre personnalité et des conséquences de ses actes

volontaires ou de sa conduite négligente60

».

La défense d’acceptation des risques rend toute perception de la valeur sociale des actions ou

des objectifs attribués au demandeur dépourvue de toute utilité pour la résolution du conflit.

Mais cela n’indique pas une absence totale du paternalisme dans la common law puisque la

protection des parties vulnérable demeure une politique sociale importante adoptée par la Cour

suprême.

En common law, si la victime signe une clause d’exonération portée à son attention, et dont elle

a pleine connaissance, cette clause devient valide et produit tous ses effets malgré la nature

corporelle ou morale du préjudice. Alors qu’en droit civil, il y a une limitation portée par le code,

par une disposition d’ordre public qu’on ne peut pas la modifier contractuellement.

Pour ces raisons exposées, l’acceptation des risques se révèle plus qu’un simple moyen de

défense; il traduit l’esprit même du droit civil.

60 F. H. Bohlen, «Voluntary Assumption of Risk», (1906) 20 Harvard Law Review (HLR) (« The maxim ''volenti

non fit injuria'' is a terse expression of the individualistic tendency of the common law, which, proceeding from the

people and asserting their liberties, naturally regards the freedom of individual action as the keystone of the whole

structure. Each individual is left free to work out his own destinies, he must not be interfered with from without, but

in the absence of such interference he is held competent to protect himself. While therefore protecting him from

external violence, from imposition and from coercion, the common law does not assume to protect him from the

effects of his own personality and from the consequences of his voluntary actions or of his careless misconduct. » à

la p 14).

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Reste que la common law a adopté cette théorie dans la Loi sur la responsabilité des

occupants61

. Afin argumenter l’acceptation volontaire du risque comme moyen de défense dans

le contexte de cette loi, premièrement il faut savoir que l’affaire Waldick62

a interprété

l’acceptation du risque pour avoir le même sens établi par la common law, deuxièmement, il

existe trois scénarios possibles sous l’article 4 de cette loi:

il y a le scénario où les gens rentrent dans les lieux ruraux aux conditions énumérées à l’article

4(3). Ces gens sont considérés comme ayant acceptés volontairement les risques. L’autre

scénario est lié aux gens qui entrent des lieux pour faire des activités criminelles; ceux-ci ont

accepté volontairement les risques. Le 3ème

scénario se réalise où le défendeur voudrait

argumenter l’acceptation volontaire des risques, mais ça ne tombe ni sous l’une ni sous l’autre

des deux autres scénarios.

Par contre, en droit civil, aucune distinction n’est établie entre intrus et non intrus, où tout tombe

sous l’acceptation des risques stipulée par l’article 1477 CcQ. Donc l’acceptation des risques

pour les intrus et non intrus est régie par la même règle énoncée dans l’article 1477 précité. De

même, le droit civil n’a pas conçu une norme spécifique pour les intrus sous l’article 1457; c’est

le même article, la même obligation ou la même norme qui s’applique, celle de la personne

raisonnable, à l’égard des intrus et non intrus, si on veut utiliser les termes de la common law.

Ainsi, l’acceptation des risques s’applique à tous, sans égard à la qualité d’intrus.

61 Loi sur la RO, supra note 36.

62 Waldick, Supra note 40.

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Conclusion

En common law comme en droit civil québécois, lorsqu’une personne est poursuivie, elle peut

soulever une multitude de moyens de défense. En common law, le défendeur aura la possibilité

d’invoquer un moyen ou plusieurs moyens de défense spécifiques, dépendant du type de

responsabilité encourue - responsabilité stricte, responsabilité fondée sur l’intention,

responsabilité fondée sur la négligence, responsabilité fondée sur la nuisance privée ou

responsabilité fondée sur la diffamation. Alors qu’en droit civil, le défendeur peut faire recours à

un éventail de moyens de défense indépendamment de la nature de la responsabilité présumée.

Dans les deux systèmes juridiques, la défense est complète ou partielle selon le cas. La première

peut exonérer le défendeur de toute responsabilité alors que la deuxième peut réduire le montant

des dommages-intérêts que le défendeur sera condamné à payer tout en menant à un partage de

responsabilité entre le demandeur et le défendeur.

Dans le contexte de ces moyens de défense nous citons l’acceptation des risques qui a fait

l’objet de plusieurs controverses et qui reflète divers écarts entre droit civile et common law.

Puisque la common law adopte un régime distinguant entre différents délits, l’acceptation

volontaire des risques parait le langage propre à la défense soulevée contre la responsabilité en

négligence, alors qu’en droit civil, le législateur englobe par la faute, les actes négligents et

intentionnels, où l’acceptation volontaire des risques par la victime se révèle comme un moyen

de défense opposable quel que soit la nature de l’acte commis par la défendeur en tant qu’il soit

fautif, marquant ainsi la première différence entre ces deux système juridiques en vigueur au

Canada.

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Des autres distinctions paraissent. La première au niveau des conditions d’application

d’acceptation des risques où la common law exige pour son admissibilité que la victime ait

renoncé au risque juridique, renonciation qui peut être tacite ou expresse. Mais les tribunaux, à

travers la jurisprudence étudiée, paraissent plus favorables à la renonciation expresse au risque

juridique afin de se prononcer sur la validité de ce moyen de défense. Alors qu’en droit civil le

législateur s’est contenté d’exiger l’acceptation physique du risque par la participation volontaire

de la victime à l’activité qui comprend certains risques ou danger. La renonciation au risque

juridique demeure facultative et il revient aux parties en cause de l’exiger ou de se contenter de

l’acception physique. Mais si l’organisateur d’une activité quelconque impose comme processus

de participation la signature d’un formulaire ou d’un document contenant des clauses

exonératoires ou limitatives de responsabilité, il lui incombe de les porter à l’attention du

signataire afin qu’il reçoit de ce dernier un consentement éclairé et de s’assurer de sa pleine

connaissance des risques inhérent à l’activité en question. À ce niveau, le droit civil et la

common law adopte la même perspective. Mais la distinction entre ces deux système surgit au

niveau des effets de ces clauses; la common law les conçoit comme valable sans égard à la

nature du préjudice et au degré de négligence commise par l’auteur du document, tandis qu’en

droit civil, le législateur est intervenu sous l’empire de l’article 1474 précité qui est d’ordre

public, afin de déclarer invalide toute clause exonératoire ou limitative de responsabilité en cas

de préjudice corporel ou moral ou en cas de faute lourde ou faute intentionnelle, restreignant

ainsi la portée de ces clauses aux préjudice matériel et en absence de tout faute lourde ou

intentionnelle de la part du défendeur.

En cas de son admissibilité par la Cour, les conséquences qui résultent de l’acceptation

volontaire du risque par la victime révèlent une distinction marquée entre la common law et le

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droit civil. En common law, le défendeur obtiendra une exonération totale de responsabilité, ce

qui explique la réticence des tribunaux envers ce moyen de défense, et leur position plus

favorable à admettre la négligence contributive comme moyen de défense opposable au

demandeur qui a réussi à prouver tous les éléments du délit contre le défendeur. Tandis qu’en

droit civil, l’exonération de la responsabilité est plutôt partielle et le tribunal finira par établir un

partage de responsabilité entre le demandeur et le défendeur, puisque la majorité de la

jurisprudence au Québec perçoit l’acceptation des risques comme une faute commise par la

victime qui a de ce fait contribué à son propre préjudice. C’est de cette façon que la majorité des

tribunaux québécois ont interprété le terme «imprudence» évoqué à l’article 1477 ci-mentionné.

Dance cas il est possible de fonder l’analyse sur la notion de la faute contributoire puisque

l’acceptation des risques est traitée comme un acte fautif de la part de la victime.

Toutes ces aptitudes envers l’acceptation volontaire des risques, soit en common law ou en

droit civil, mènent aux questions suivantes : pour quelles raisons l’acceptation des risques

demeure-t-elle un moyen de défense parmi ceux qui peuvent être opposables au demandeur, si

elle est conçue par la majorité des tribunaux québécois comme une faute contributoire et si la

majorité des cours en common law expriment une réticence à son égard? Est-ce qu’il faut se

diriger vers l’abolition de ce moyen de défense en défaut d’une renonciation expresse, puisque la

négligence contributive, ou la faute contributoire en droit civil, permet aux tribunaux à

considérer à la fois la conduite du demandeur et le besoin de lui garantir une compensation

équitable?

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BIBLIOGRAPHIE

LÉGILSATION

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Louis Bélanger – Hardy et Denis Boivin, La responsabilité délictuelle en common law,

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DOCTRINE: ARTICLE

F. H. Bohlen, «Voluntary Assumption of Risk», (1906) 20 Harvard Law Review (HLR).