Post on 19-Aug-2018
LUDOVICO EINAUDI NIGHTBOOK
Sortie : 24 SEPTEMBRE 2009
Concert : 23 MARS 2010 A LA CIGALE
Un lyrisme inclassable -‐ Acclamé en Italie, en Grande-‐Bretagne, aux Etats-‐Unis, au Japon, le pianiste et compositeur italien Ludovico Einaudi s’est constitué, ces dix dernières années, un répertoire unique en son genre.
Equilibriste et singulière en ce sens qu’elle est à la fois riche et sobre, foisonnante et épurée, sa musique est traversée par des mélodies lunaires et racées, propices à la méditation. Circulaire, répétitif au besoin, tout en élégance et parfois au bord de la transe, le chant de son piano nous y guide comme s’il tirait les ficelles d’une rêverie sans fin. De quoi nous projeter dans un vaste voyage à destination inconnue, joyeusement ornementé par les apports subtils de cordes, de percussions, d’éléments électro.
Ludovico Einaudi doit-‐il être considéré « classique », « expérimental », « minimal », « jazz », « world » ? Trop artiste pour s’en soucier vraiment, ce dernier répond qu’idéalement, il verrait bien ses disques rangés au côté de ceux de Massive Attack et de Portishead. « Mais je me demande bien où-‐ce qu’on les case eux-‐mêmes ! Je ne me vois pas au rayon classique, je ne suis pas du passé. Je ne me reconnais pas non plus dans le sigle minimal, ni dans celui de world, associé aux musiques traditionnelles. Quant à la pop, c’est Michael Jackson. »
Une chose est « sûre », c’est dans cette incertitude que sa musique -‐ trop souvent décrite comme « mélancolique » à son goût -‐ affirme en grande partie son sortilège. Et n’empêche aucunement le public de s’y retrouver, ses disques s’étant écoulés à plus de 750 000 copies en Europe. La scène n’est pas en reste. Divenire, le précédent album paru en septembre 2007 avait déclenché une tournée triomphale à guichet fermé dans les salles les plus prestigieuses, le Royal Albert Hall de Londres, le Kennedy Center de Washington, Le Trianon à Paris.
Un parcours éclectique -‐ Pour mémoire, Ludovico Einaudi se trouve être le fils d’un très fameux éditeur milanais, Giulio Einaudi, et donc le petit-‐fils de Luigi Einaudi, Président de la République italienne de 1948 à 1955… Rejeton d’une bourgeoisie érudite et éclairée, il a pris goût au piano dès l’enfance sous l’influence de sa mère, a étudié au Conservatoire Verdi de Milan avant de suivre les enseignements du compositeur Luciano Berio, fameux pionnier de l’électroacoustique.
Il a par la suite collaboré avec des musiciens issus d’horizons très divers comme Ballaké Sissoko, maître de la kora malienne (Diario Mali), Ibrahim Maalouf, virtuose de la trompette contemporaine, Mercan Dede, l’un de meilleurs souffleurs et percussionnistes soufis, Paolo Fresu,… Ses musiques et ses mélodies aériennes, tour à tour incandescentes et apaisantes, n’en gardent pas moins une identité forte et qui séduit aussi le cinéma d’auteur, lequel leur a réservé de fort belles plages dans les films Le Prix du Désir, Aprile, This Is England, plus récemment la bande annonce de The Reader…
Elles ont aussi beaucoup attiré la publicité. Mais leur créateur, lui, reste dans son monde. « J’aime me complaire dans mes rêves et rester, comme on dit en italien, la tête dans les nuages. La musique et le jeu sont un moyen privilégié d’accéder à d’autres dimensions, et de les partager. » S’il doit beaucoup aux influences croisées de Brian Eno, Philip Glass et Steve Reich, le pianiste tient aussi à citer Arvo Part. « Des artistes qui ont su rompre l’impasse de la vieille avant-‐garde, donner un souffle neuf à la création musicale. » Pêle-‐mêle, il cite aussi Monteverdi, Vivaldi, Bach, Stravinsky, Bartok, Berio, mais aussi les Beatles, Pink Floyd, Radiohead qu’il estime « poétique et aventurier », U2 qu’il trouve « romantique et prophétique », ainsi que les musiques traditionnelles du Mali, d’Arménie, de Russie et du Salento, l’extrême sud de l’Italie.
Nightbook, son nouvel album, survient dans la foulée de la sortie remarquée, en mai dernier, de Cloudland. Il s’agissait là du premier album de Whitetree, ensemble expérimental que Ludovico Einaudi a créé avec Robert et Ronald Lippock, duo berlinois combinant électro et percussions, reconnu au sein d’un autre projet expérimental : To Rococo Rot et du groupe Tarwater. La concomitance de ces sorties ne doit rien au hasard puisque les frères Lippock sont également présents sur plusieurs titres de Nightbook, album lui-‐même enregistré entre Milan et Berlin avec les complicités croisées de Marco Decimo (violoncelle), d’Antonio Leofreddi (alto), d’Harald Kundgen (vibraphone).
Son Nightbook, ses inspirations Assez mystérieux quant aux intentions de ses albums -‐ sans doute pour nous laisser plus libres de les ressentir intimement -‐ Ludovico Einaudi souligne le contexte dans lequel son « carnet de nuit » (Nightbook) s’est imposé à lui, révélateur d’une sensibilité à la fois instinctive et attentive à l’art en général, aux origines en particulier. « J’ai toujours composé ma musique un peu n’importe où au fil des concerts, indique le musicien. J’écris et j’enregistre mes idées musicales lorsqu’elles me viennent et où que je sois. Pour Nightbook, c’est au cours des balances sonores et des répétitions de deux concerts spécifiques que j’ai été spécialement inspiré. Le premier a eu lieu en 2006 au Bicocca Hangar de Milan, où j’ai joué au beau milieu de Seven Heavenly Palaces, une vaste et émouvante installation du plasticien allemand Anselm Kiefer. Le piano était là, comme échoué au beau milieu des sept tours qui constituent cette œuvre. C’était magique. Plus tard, je me suis retrouvé avec mon instrument dans un cadre tout aussi merveilleux et propice au rêve dans la villa Adriana de Tivoli, à l’occasion du festival du Mythe. Ces deux événements m’ont ouvert de nouveaux horizons et j’ai décidé de les explorer dans cet album. »
La présence des percussions, de l’électro, mais aussi de la guitare acoustique, du clavecin, du celesta et du piano électrique, sont pour lui l’occasion « d’intégrer de nouvelles couleurs avec des rythmes moteurs, des pulsations fortes, des modes et des harmonies différents et ayant trait à l’obscurité, à la lumière, à l’ancien, aux rituels, à l’extase… »
Le pianiste, dont l’album Le Onde (1986) avait déjà été inspiré par l’œuvre de Virginia Woolf, évoque aussi la forte impression que lui aura laissée sa récente lecture de Mircea Eliade. « Ses écrits sur les origines du mythe, sur le temps sacré et sur l’éternel retour, m’ont passionné. Toutes ces idées flottaient en moi lorsque je composais. » On ne s’étonnera donc pas de découvrir, au fil de ces nocturnes, des accents ésotériques et des émotions fortes confinant à la transe ou à l’hypnose avec des pièces intitulées The Garden, The Crane Dance ou The Planets. Le compositeur, lui, cite en priorité les morceaux intitulés In Principio, Lady Labyrinth, Eros et The Tower, « parce que ce sont les pièces les plus sombres et les plus intenses de ce disque… » « Mais, se ravise-‐t-‐il aussitôt, je ne voudrais pas mettre une titre plus en avant qu’un autre : ce serait comme donner le nom de l’assassin au début d’un polar ! » Un polar ? Peut-‐être dit-‐il cela parce que son « nightbook » du moment est une saga policière du genre captivant : Millénium, de Stieg Larsson.