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LES TRAITES
INTRODUCTION
1/ Définition traditionnelle :
Le traité est un accord entre Etats, soumis au D.I. destiné à régir les relations entre les Etats
signataires . Définition reprise par l’article 2 de la Convention de Vienne de 1969, mais non
adaptée à la pratique contemporaine.
2/ Principes :
� Principe du consensualisme : la traité exprime un accord de volontés entre les sujets
de droit international.
� Pacta sund servanda : le traité crée des obligations juridiques à force obligatoire entre
les parties, dont la validité repose sur le jus gentium.
1ère PARTIE : LA NEGOCIATION INTERNATIONALE
Définition : activité hautement politique qui s’inscrit dans le contexte d’une conjoncture
internationale aléatoire et provisoire (selon les besoins des Etats). Elle consiste en la
recherche d’un accord.
Traits : Présence de plusieurs parties qui reconnaissent leurs divergences et qui acceptent de
les aplanir dans un esprit de consensus et de volontarisme avec pour objectif de parvenir à une
entente.
Chapitre 1er : L’engagement de la négociation et ses principes
Section 1 : Y a-t-il une obligation de recourir à la négociation ?
Il n’y a pas d’obligation de recourir à la négociation sauf deux cas :
§1 : L’obligation de négocier en matière de sécurité
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Selon l’article 33 de la Charte de l’ONU, les parties à tout différend pouvant menacer le
maintien de la paix et de la sécurité internationale, doivent rechercher une solution notamment
par voie de négociation. Ici, l’obligation de négocier concrétise le principe du règlement
pacifique des différends.
Mais CIJ 1969 plateau continental de la mer du Nord : pas besoin d’avoir épuisé les
négociations préalables pour saisir un organe de règlement des différends.
§2- L’obligation de négocier convenue – Pactum de negociando
Engagement préalable (accord) par lequel deux ou plusieurs Etats s’engagent à ouvrir des
négociations en vue de régler un problème précis.
Exemple : Pactum de negociando dans le Traité 1979 sur la Lune et les autres corps
célestes. Dans sont article 11§5 il y a une obligation pour les Etats de négocier afin de
déterminer le régime d’exploitation. Mais il faut que l’exploitation soit possible
(condition suspensive).
Section 2 : La bonne foi dans la négociation
§1- Définition
La bonne foi définit la portée de l’obligation de négocier. Elle suppose que les Etats parties
fassent preuve de bonne volonté et adoptent des positions suffisamment souples en vue
d’aboutir par des concessions réciproques à un compromis.
Sentence du Lac Lanoux : il faut « prendre en considération les différents intérêts en
présence ».
§2- Prohibition de comportements pouvant vicier le consentement des Etats
Convention de Vienne de 14969 :
- Art. 49 : dol.
- Art. 50 corruption du représentant d’un Etat.
- Art. 51 : contrainte exercée sur le représentant d’un Etat
- Art. 52 : contrainte exercée sur un Etat par la menace ou l’emploi de la force.
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Voir infra (validité des traités).
Chapitre 2 : La tenue des négociations.
Section1 : Typologie des négociations
Deux formes :
§1- La négociation formelle / bilatérale.
A- Domaine
En matière de conflits territoriaux et/ou de fixation de frontières, en matière fiscale et de libre
circulation des travailleurs et des capitaux. En vue de conclure un traité-contrat (ex. la
construction d’un barrage, voir arrêt Gabcikovo Nagymaros). En matière de statut d’une
population (ex. traité de Lausanne 1923 entre la Grèce et Turquie sur le statut des populations
turques vivant dans la région de Thrace).
B- La capacité de conduire la négociation
La capacité de conduire la négociation est d’ordre gouvernemental. Toute négociation
commence par la vérification des pouvoirs (lettres patentes qui autorisent à négocier le traité).
C’est l’Etat central qui négocie.
Néanmoins voir exemple de la Nouvelle Calédonie : loi organique n°99-209 du 19 mars
1999, article 29 : « Dans les domaines de compétence de la nouvelle Calédonie, le
congrès peut autoriser par délibération le président du gouvernement à négocier, dans le
respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou
plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes
régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies. Les autorités de la
République sont informées de l’autorisation de négocier et, à leur demande, représentées
à la négociation au sein de la délégation de la Nouvelle Calédonie ».
§2- La Conférence.
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A- Domaine et typologie
Convocation à une Conférence pour les traités multilatéraux. La participation à la Conférence
est soumise à invitation, selon des considérations sur l’objet, l’influence de tel ou tel Etat, etc.
Possibilité de convocation par une O.I. Les négociateurs présentent les « pleins pouvoirs ».
Typologie selon le statut des négociateurs :
- Chefs d’Etat : Conférence au Sommet.
- Ministres et membres du gouvernement : Conférence ministérielle.
- Autres plénipotentiaires (il faut les « pleins pouvoirs » : Conférence.
En France : voir article 52 de la Constitution 1958.
B- L’exemple spécifique des conférences de codification.
L’A.G. de l’ONU convoque les conférences de codification en l’absence d’un texte de la
Charte le prévoyant.
1- Organes compétents pour préparer les projets de traité.
� CDI : créée en application de la résolution 174 (II) de l’AG du 21 nov. 1947. Ses
membres sont élus par l’AG, ils sont choisis à raison de leur compétence scientifique
dans le domaine juridique.
� UNCITRAL : l’AG a décidé dans sa résolution 2205 (XXI) du 17 déc. 1966 la création
d’une Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, en vue
de l’harmonisation et de l’unification progressive du droit commercial international.
2- Préparation de la Conférence
L’initiative de la convocation appartient à l’AG.
� L’invitation des Etats : la « participation-décision » : question de savoir si l’invité a la
capacité juridique internationale.
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� La « participation-observation » : l’observateur a un simple rôle d’information ; il n’a
aucune fonction de délibération à l’intérieur de la Conférence. Son attitude est
exclusivement passive.
� La « participation-consultation » : le rôle de l’expert consiste à renseigner, à éclairer.
Ces experts, dégagés de toute appartenance à une délégation, interviennent à deux
moments : lors de la préparation de la Conférence et lors de son déroulement.
3- Considérations d’ordre matériel
� Question de périodicité.
� Le lieu de la Conférence.
� L’objet de la Conférence.
� Les moyens financiers.
Section 2- Le vote
Le règlement intérieur adopté au début de la Conférence ou de la négociation prévoit la forme
et le mode de vote.
A- La forme de vote
� Vote à main levée : rapide, certaine discrétion. Mais il peut être source de confusion.
� Vote par appel nominal : dès qu’il y a demande expresse. Il oblige les parties à se
dévoiler officiellement.
� Explications de vote : déclarations consignées dans le compte rendu de la négociation,
destinées à justifier la position adoptée par une partie.
B- Système de vote
� Vote à l’unanimité : règle de droit commun. Mode rigide susceptible de bloquer la
négociation. Il contribue à l’efficacité des décisions prises. Il permet une plus large
présence des Etats.
� Vote à la majorité : il favorise une diplomatie parlementarisée, car il permet la
constitution de groupes et de coalitions.
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- vote majoritaire qualifié : le plus utilisé par les grandes conférences
internationales. Il permet de préserver les intérêts des minorités. D’habitude il est
des 2/3.
- Vote majoritaire pondéré : attribution d’un poids de vote différend, sur critères
quantitatifs ou sur l’emploi d’un coefficient.
� Vote par consensus : système de décision sans vote. Si par d’objection ou
d’opposition, le texte est adopté. Variantes :
- consensus « si possible » : si pas de consensus, on vote.
- Consensus sine qua non : il faut absolument un consensus.
- Consensus négatif : la décision est réputée adoptée à moins que tous les Etats s’y
opposent. Ex. cas de l’ORD dans l’OMC.
Chapitre 3 : Exemples de négociations internationales
Section 1 : Les accords de Bretton Woods
Les accords de Bretton Woods, signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods (ville du New-
Hampshire, Etats-Unis), ont dessiné les grandes lignes du système financier international de
l’après-guerre. Leur objectif principal fut de mettre en place des bases de la politique
monétaire mondiale et de favoriser le développement économique des pays touchés par la
Seconde guerre mondiale. Ils furent principalement préparés par John Maynard Keynes, qui
dirigeait la délégation britannique, et Harry Dexter White, assistant au Secrétaire au Trésor
américain. Le plan Keynes fut ébauché dès 1941, et préparait un véritable système monétaire
mondial. La partie américaine, construite à partir de 1942, proposait plutôt de créer un fonds
de stabilisation, construit sur les dépôts des Etats membres, et une banque de reconstruction
pour l’après guerre.
44 Etats y sont représentés, essentiellement des pays alliés. La France y est représentée par
Pierre Mendès France. Il y a un observateur soviétique mais aucun représentant allemand. Les
conditions dans lesquelles la Conférence s’est déroulée ont été plutôt rudimentaires (hôtel
comme lieu de réunion, salles trop petites, absence de traducteurs…).
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Section 2 : La Conférence de San Francisco
45 pays avaient d’abord été invités à la Conférence de San Francisco. C’étaient tous les pays
qui avaient déclaré la guerre à l’Allemagne et au Japon. Cependant, l’un d’entre eux, la
Pologne, n’a pas pu assister à la Conférence, car la composition de son gouvernement avait
été annoncée trop tard pour qu’elle puisse se faire représenter. Un espace fut laissé en blanc
sur la Charte pour la signature de la Pologne. La formation du gouvernement polonais fut
annoncée le 28 juin 1945 ; le 15 octobre 1945 la Pologne a pu signer la Charte et devenir ainsi
un des membres originaires de l’ONU.
La Syrie et le Liban furent invités sur la proposition de la France. La Conférence elle-même
invita 4 autres Etats : la République socialiste soviétique de Biélorussie, la République
socialiste soviétique de l’Ukraine, le Danemark (qui venait d’être libéré) et l’Argentine. Ainsi,
50 Etats se sont réunis.
Il y avait 850 délégués, leurs conseillers, leur personnel administratif et les membres du
secrétariat de la Conférence, soit au total 3.500 personnes.
Les chefs des délégations des pays sous l’égide desquels se tenait la Conférence ont présidé à
tour de rôle les réunions plénières : M. Anthony Eden (G.B.), M. Edward Stettinius (USA),
M.T.V. Soong (Chine) et Vyacheslav Molotov (URSS).
L’Assemblée plénière de la Conférence ne devait se réunir que pour se prononcer sur les
propositions finales.
La méthode de vote avait une importance considérable : chaque partie de la Charte devait être
et a été approuvée à la majorité des 2/3.
Le projet de Charte a été divisé en 4 parties dont chacune fut examinée par une
« commission ». La 1ère commission s’est occupée des buts généraux de l’Organisation, de ses
principes, de l’admission des membres, de l’organisation du secrétariat et de la question des
amendements à la Charte. La 2e commission a examiné les pouvoirs et attributions de l’AG.
La 3e commission s’est chargée des questions concernant le conseil de sécurité. La 4e
commission a examiné le projet de statut de la CIJ, préparé par une commission de juristes
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des 44 pays qui s’étaient réunis à Washington en avril 1945. Ces 4 commissions se sont
subdivisées en 12 comités techniques.
Il n’y a eu que 10 séances plénières, mais il a fallu prés de 400 séances des commissions et
des comités au cours desquelles chaque texte était passé au crible.
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2ème PARTIE : ADOPTION DU TEXTE ET ENTREE EN VIGUEUR
Chapitre 1 : La signature
La signature est une des méthodes le plus souvent utilisées pour devenir partie à un traité. Les
traités multilatéraux contiennent des dispositions sur la signature, ainsi que sur les moyens
dont dispose un Etat signataire pour devenir partie au traité (ratification, acceptation,
approbation, adhésion). Elle authentifie le texte, consacre le consentement des
plénipotentiaires au contenu et elle fixe lieu et date qui serviront à la désignation du traité.
Section1 : Les accords en forme simplifiée
Un traité peut être définitivement conclu dès qu’il est signé. Dans ce cas, la signature remplit
une double fonction : elle est à la fois un procédé d’authentification du texte et un mode par
lequel l’Etat exprime son consentement à être lié.
§1- Historique
Cette procédure trouve son origine dans la pratique américaine des executive agreements. Dès
la fin du XVIIIe siècle, dans le but d’éviter des conflits avec le Sénat, le Président des USA,
pour se réserver un maximum d’autonomie dans la conduite de la politique extérieure du pays,
il concluait seul certains accords.
§2- La Convention de Vienne de 1969.
Voir articles 11 et 12.
§3- La pratique
A- Droit comparé : le droit américain1
1 Voir notamment Frederic L. Kirgis, « International Agreements and U.S. Law », ASIL Insights, mai 1977.
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Le terme de « traité » a une définition plus restrictive que celle de la convention de Vienne : il
s’agit d’un accord international qui a reçu « conseil et acceptation » des 2/3 du Sénat et qui a
été ratifié par le Président.
Le Président peut conclure des « Presidential » ou « Sole Executive » agreements a priori que
dans ses fonctions de chef des forces armées et de chef-diplomate. Ainsi, les accords
d’armistice peuvent être conclu que par le Président. Cependant, le Congrès américain a
essayé de s’immiscer dans ces fonctions présidentielles avec la résolution sur les forces
militaires de 1973. Par cette résolution, le Président serait obligé de consulter le Congrès à
chaque fois que les forces armées américaines entraient au combat.
Variante : les congressional-executive agreements2
L’intérêt de ce type d’accords se trouve dans le fait d’empêcher des situations comme celles
que les Etats-Unis ont connu, de se reproduire.
Exemple : le Sénat a rejeté le traité de Versailles de 1919. En effet, même si le traité avait
reçu l’approbation de la des sénateurs, cette approbation n’a pas atteint les 2/3 requises par la
Constitution américaine.
Pour sortir de ce type de situations, le système des congressional-executive agreements
permet au Sénat d’approuver des textes internationaux qui entrent dans son champ des
compétences , mais à la majorité simple et non pas celle des 2/3.
B- Le droit français
1/ Avant 1958 : si la doctrine doutait de leur régularité, la jurisprudence administrative
admettait l’application de tels accords (voir C.E. 16 nov. 1956, Villa ; C.E. 27 juin 1958,
Georger).
2/ Constitution 1958 : la Constitution consacre l’existence de ces accords (article 52 et 53).
Section 2 : Les accords en forme solennelle (la signature simple)
Les traités multilatéraux disposent souvent que la signature n’est ouverte que jusqu’à une date
donnée, après laquelle elle n’est plus possible. En effet, après qu’un traité a été fermé à la
signature, un Etat y devient partie en y adhérant.
2 Voir John C. Yoo, « Law as Treaties? The Constitutionality of Congressional-Executive Agreements », Boalt Working Papers in Public Law, 2000, Paper 117, University of California, Berkley.
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Certains traités sont ouverts à la signature sine die (sans fixer de jour). C’est le cas de la
plupart des traités relatifs aux droits de l’homme. Exemples :
- Convention de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard
des femmes ;
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ;
- Convention internationale de 1966 sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale.
Les traités multilatéraux prévoient d'habitude que les signatures, également appelées en ce cas
" signatures simples ", se font sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
L'État signataire ne s'engage donc pas véritablement d'un point de vue juridique au moment
de la signature du traité. Cependant, par sa signature, l'État indique son intention de prendre
les mesures requises afin d'exprimer son consentement à être lié par le traité à une date
ultérieure. La signature d'un traité entraîne aussi pour l'État l'obligation, entre le moment de la
signature et celui de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation, de s'abstenir en bonne
foi d'actes qui priveraient le traité de son objet et de son but (voir article 18 de la Convention
de Vienne de 1969).
Voir, par exemple, l'article 125 (2) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de
1998 : " Le présent Statut est soumis à ratification, acceptation ou approbation par les États
signataires… "
Valeur du traité avant la ratification :
Il peut être l’expression d’une coutume (voir CIJ 1969, plateau continental de la mer du
Nord ). Si il faut attendre la ratification pour que le traité entre en vigueur, certaines clauses
ont néanmoins vocation à s’appliquer immédiatement (clauses finales).
Chapitre 2 : La ratification
La signature sous réserve de ratification donne aux États le temps d'obtenir l'approbation du
traité sur un plan interne et d'adopter toute législation requise pour la mise en œuvre du traité
à l'échelle nationale avant d'accepter les obligations juridiques créées par le traité à l'échelle
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internationale. Une fois qu'un État a ratifié un traité au niveau international, il est de sa
responsabilité d'y donner effet à l'échelle nationale. Généralement, l'État peut ratifier le traité
sans limite de temps après qu'il l'a signé. À la ratification, l'État devient juridiquement lié par
le traité.
Acceptation ou approbation :
Les instruments d'"acceptation" ou d'"approbation" d'un traité ont le même effet juridique
que la ratification et expriment par conséquent le consentement d'un Etat à être lié par ce
traité. Dans la pratique, certains Etats ont recours à l'acceptation et à l'approbation au lieu de
procéder à la ratification lorsque, sur le plan national, la loi constitutionnelle n'exige pas la
ratification par le chef de l'Etat. [Art. 2, par. 1, al. b) et art. 14, par. 2, Convention de Vienne
de 1969 sur le droit des traités].
Adhésion :
L'"adhésion" est l'acte par lequel un Etat accepte l'offre ou la possibilité de devenir partie à un
traité déjà négocié et signé par d'autres Etats. Elle a le même effet juridique que la ratification.
L'adhésion se produit en général lorsque le traité est déjà entré en vigueur. Le Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies a cependant déjà accepté, en tant que dépositaire,
des adhésions à certaines conventions avant leur entrée en vigueur. Les conditions auxquelles
l'adhésion peut se faire et la procédure à suivre dépendent des dispositions du traité. Un traité
peut prévoir l'adhésion de tous les autres Etats ou d'un nombre d'Etats limité et défini. En
l'absence d'une disposition en ce sens, l'adhésion n'est possible que si les Etats ayant participé
à la négociation étaient convenus ou sont convenus ultérieurement d'accepter l'adhésion de
l'Etat en question. [Art. 2, par. 1, al. b) et art. 15, Convention de Vienne de 1969 sur le droit
des traités].
Section 1 : Les caractéristiques de la ratification
Historiquement, l’analyse de la conclusion d’un traité conduit le juriste à l’application de la
théorie du mandat : le plénipotentiaire négocie au nom de l’Etat. La ratification permet
l’engagement de l’Etat par les hautes autorités. Ainsi, la ratification est :
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- un acte discrétionnaire : le refus de ratifier est licite. La ratification peut être tardive
ou conditionnelle.
- Un acte formel et solennel.
- Un acte régit par le droit interne.
Certains traités multilatéraux imposent des limites spécifiques ou des conditions à la
ratification. Par exemple, lorsqu'un État dépose auprès du Secrétaire général un instrument de
ratification, d'acceptation ou d'adhésion à la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la
limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme
produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination,, il doit
en même temps notifier au Secrétaire général qu'il consent à être lié par au moins deux des
protocoles relatifs à la Convention.
Le dépôt des instruments de ratification :
Pour les traités auxquels ne sont parties qu'un petit nombre d'Etats, le dépositaire sera
habituellement le gouvernement de l'Etat sur le territoire duquel le traité a été signé. Il arrive
parfois que plusieurs Etats soient désignés comme dépositaires. Dans les traités multilatéraux,
on désigne d'ordinaire comme dépositaire une organisation internationale ou le Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies. Le dépositaire doit recevoir toutes notifications
et tous documents ayant trait au traité, en assurer la garde, examiner si toutes les formalités
ont été remplies et enregistrer le traiter et notifier aux parties tous les actes susceptibles de les
intéresser.
Section 2 : La ratification d’un traité international en droit français
A- La ratification en vertu d’une loi
L’article 53 de la Constitution prévoit que les traités de paix, les traités de commerce, les
traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de
l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état
des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent
être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.
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Dans la pratique, ces dispositions, qui reprennent largement celles prévues dans la
Constitution de 1946, conduisent à ce que, sauf recours au référendum, une part importante
des traités et accords conclus par la France soient soumis au Parlement avant leur entrée en
vigueur. Les accords conclus par l'Union européenne sont soumis au Parlement lorsqu'ils
interviennent dans un domaine de compétence partagée entre l'Union et les Etats membres.
Par ailleurs, l'article 88-4 de la Constitution impose au Gouvernement de soumettre au
Parlement, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les textes
communautaires comportant des dispositions de nature législative.
La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a prévu que, comme le Président de la République, le
Premier ministre et les présidents de chacune des assemblées, les parlementaires - 60 députés
ou 60 sénateurs au moins - peuvent demander au Conseil constitutionnel de statuer sur la
conformité à la Constitution d'un traité soumis à autorisation de ratification. Si le traité est
déclaré non conforme à la Constitution, l'autorisation ne peut intervenir qu'après une révision
constitutionnelle (cf. article 54 de la Constitution). Voir ratification par la France des traités
de Maastricht et d’Amsterdam.
Une fois que l’Assemblée a approuvé la ratification par une loi, celle-ci reste à la discrétion
du Président quant au moment de la publication du décret de ratification. Voir ratification de
la Convention européenne des droits de l’homme.
B- La ratification suite à un référendum
L’autorisation de ratifier un traité peut être remplacée par un référendum de l’article 11 de la
Constitution. Voir referendum pour le traité de Maastricht et pour le traité constitutionnel.
Pour les traités entraînant adjonction, cession ou échange de territoire, il est nécessaire
d’obtenir préalablement l’accord des populations intéressées en organisant un référendum
d’autodétermination (article 53 de la Constit.). Cette obligation a été étendue aux actes
accordant l’indépendance à une partie du territoire nationale ("doctrine Capitant" - cf. les
référendums de 1962 pour l'Algérie, 1974 aux Comores -et 1976 à Mayotte-, 1967 et 1977 à
Djibouti, 1988 et 1998 en Nouvelle-Calédonie)
Si le traité a vocation à s’appliquer à un TOM et que son contenu impose une modification du
statut particulier de ce territoire tel qu’il a été défini par la loi, l’article 74 de la Constit.
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impose la consultation de l’assemblée de ce territoire. Voir décision C.C. 17 janvier 1989,
convention internationale du travail :
5. Considérant qu'il résulte de l'article 74 de la Constitution que la consultation de l'assemblée territoriale d'un territoire d'outre-mer sur un projet de loi autorisant la ratification d'une convention internationale n'est exigée qu'à la condition que cette convention ait vocation à s'appliquer au territoire considéré et qu'en outre, son contenu implique une modification du statut particulier de ce territoire tel qu'il est défini par la loi ;
6. Considérant qu'il ressort en tout état de cause de l'examen de son contenu que la convention n° 159 n'emporte aucune modification de l'organisation particulière des territoires d'outre-mer définie par la loi ;
7. Considérant dès lors que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel n'est en rien contraire à l'article 74 de la Constitution ;
8. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution en ce qui concerne la loi soumise à son examen ;
D E C I D E :
Article premier.- La loi autorisant la ratification de la convention internationale du travail n° 159 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Chapitre 3 : L’entrée en vigueur
Les dispositions du traité fixent normalement la date de l'entrée en vigueur. Si le traité ne
spécifie pas de date, on présume que les signataires désirent le voir entrer en vigueur dès que
tous les Etats participant à la négociation auront exprimé leur consentement à être liés par ce
traité. Les traités bilatéraux peuvent prévoir leur entrée en vigueur à une date donnée, le jour
de la dernière signature, lors de l'échange des instruments de ratification ou encore lors de
l'échange des notifications. S'agissant de traités multilatéraux, il est courant de disposer qu'un
certain nombre d'Etats doivent exprimer leur consentement avant que le traité puisse entrer en
vigueur. Certains traités prévoient en outre que d'autres conditions devront être remplies et
précisent par exemple que des Etats appartenant à une certaine catégorie doivent se trouver
parmi ceux qui doivent donner leur consentement. Le traité peut prévoir aussi qu'un certain
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laps de temps devra s'écouler une fois que le nombre voulu d'Etats aura donné son
consentement ou que certaines conditions seront remplies. Un traité entre en vigueur à l'égard
des Etats ayant exprimé le consentement exigé. Un traité peut stipuler encore qu'il entrera en
vigueur provisoirement, lorsque certaines conditions auront été satisfaites.
[Art. 24, Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités
Ainsi, les traités peuvent entrer en vigueur :
1/ Lorsqu'un nombre donné d'États ont déposé des instruments de ratification, d'approbation,
d'acceptation ou d'adhésion auprès du dépositaire.
Voir par exemple l'article VIII du Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967: « Le
présent Protocole entrera en vigueur à la date du dépôt du sixième instrument d'adhésion. »
2/ Lorsqu'un pourcentage, une part ou une catégorie donnés d'États ont déposé des
instruments de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion auprès du dépositaire.
Voir, par exemple, l'article XIV du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires de
1996 : « Le présent Traité entre en vigueur le cent quatre-vingtième jour qui suit la date de
dépôt des instruments de ratification de tous les États indiqués à l'Annexe 2 du Traité, mais en
aucun cas avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date de son ouverture à la
signature. »
3/ Après une période donnée suivant le dépôt, par un certain nombre d'États, d'instruments de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion auprès du dépositaire.
Voir par exemple l'article 126, paragraphe 1 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale de 1998 : « Le présent Statut entrera en vigueur le premier jour du mois suivant
le soixantième jour après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification,
d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion auprès du Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies. »
4/ À une date donnée.
Voir par exemple l'article 45, paragraphe 1 de l'Accord international de 2001 sur le café
(2000) : « Le présent Accord entrera en vigueur à titre définitif le 1er octobre 2001 si, à cette
date, des gouvernements représentant au moins 15 Membres exportateurs ayant au moins 70%
des voix des Membres exportateurs, et au moins 10 Membres importateurs ayant au moins 70
% des voix des Membres importateurs, selon la répartition à la date du 25 septembre 2001,
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sans qu'il soit fait référence à une suspension éventuelle au titre des articles 25 et 42, ont
déposé des instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation. »
Entrée en vigueur à titre provisoire :
Il faut néanmoins souligner que certains traités comportent des dispositions qui prévoient leur
entrée en vigueur à titre provisoire. Ceci permet aux États qui le souhaitent de respecter entre
eux les obligations créées par le traité, sans attendre que soit atteint le nombre minimum de
ratifications prévu pour l'entrée en vigueur officielle du traité, si ce nombre n'est pas atteint
dans une période donnée. Voir par exemple l'Accord international de 1994 sur le café, tel que
prorogé jusqu'au 30 septembre 2001, avec modifications, par la résolution no 384 adoptée
par le Conseil international du café à Londres le 21 juillet 1999. Une fois qu'il est entré en
vigueur à titre provisoire, le traité crée des obligations pour les parties qui sont convenues de
le faire entrer en vigueur de cette manière.
Echange de lettres / notes :
Le consentement des Etats à être liés par un traité peut être constitué par un "échange de
lettres" ou un "échange de notes". La caractéristique essentielle de cette procédure tient à ce
que les signatures figurent non pas sur une lettre ou sur une note mais sur deux lettres ou
notes séparées. L'accord est donc constitué par l'échange des lettres ou des notes, chacune des
parties ayant en sa possession une lettre ou une note signée par le représentant de l'autre
partie. En pratique, la deuxième lettre ou note, normalement celle qui est envoyée en réponse,
reproduira le texte de la première. Dans un traité bilatéral, des lettres ou notes peuvent être
échangées pour signaler que toutes les procédures nécessaires sur le plan interne ont été
menées à bien. [Art. 13, Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités]
Enregistrement et Publication :
L'Article 102 de la Charte des Nations Unies dispose : "Tout traité ou accord international
conclu par un Membre des Nations Unies après l'entrée en vigueur de la présente Charte sera,
le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui". Les traités ou accords qui ne
sont pas enregistrés ne peuvent être invoqués devant aucun organe de l'Organisation.
L'enregistrement favorise la transparence et la mise à la disposition du public des textes des
traités. L'Article 102 de la Charte et son prédécesseur, l'Article 18 du Pacte de la Société des
Nations, ont pour origine l'un des 14 points de Woodrow Wilson où celui-ci a présenté une
esquisse de la Société des Nations : "Traités de paix publics, publiquement préparés, après
18
quoi il n'y aura plus d'ententes secrètes d'aucune sorte entre nations mais la diplomatie se fera
toujours ouvertement et au vu de tous.
[Art. 80, Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités]
Tableau : les moments de mise en vigueur du traité
19
3e PARTIE : L’APPLICATION DU TRAITE EN DROIT INTERNAT IONAL
Chapitre 1er : les réserves . Une application nuancée
Section 1 : Définition et historique
L'expression "réserve" s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa
désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère,
par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité
dans leur application à cet Etat. La technique des réserves permet une plus large adhésion des
Etats au traité.
Jusqu’à l’entre deux guerres, les traités multilatéraux étaient habituellement votés à
l’unanimité. Si un Etat n’était pas d’accord avec une disposition du traité, celui-ci ne pouvait
pas être adopté. Après 1945, la volonté de faire participer un plus grand nombre d’Etats à
l’adoption des traités a conduit à une nette préférence pour le système de vote à la majorité.
Les Etats minoritaires furent alors soucieux de protéger leurs intérêts. D’autre part,
l’élargissement de la communauté internationale incita davantage à la recherche de règles
conventionnelles à portée universelle, ou du moins à portée la plus large possible. Cette
évolution a conduit à la création de la technique des réserves.
Section 2 : Portée des réserves
§1- Conditions de forme
1/ Moment de la réserve : Comme la signature ou la
ratification/approbation/adoption/adhésion d’un traité est la manifestation de l’expression de
la volonté de l’Etat d’être lié par le traité, la réserve ne peut être émise que dans ce cadre
exclusivement.
2/ L’acceptation des réserves et l’objection à celles-ci : selon l’article 20 al.4 de la Convention
de Vienne, la réserve est un élément « contractuel » entre les parties au traité conditionnant
20
son application. Le silence à une réserve vaut acceptation. Par contre « l’objection faite à une
réserve par un Etat contractant n’empêche pas le traité d’entrer en vigueur.
§2- Condition de fond
L’avis consultatif de la CIJ (1951) relatif aux réserves à la convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide apporte des éclaircissements quant à la validité de la réserve.
En effet, celle-ci ne doit pas être incompatible avec l’objet ou le but du traité.
Enfin, la réserve ne doit pas être interdite par le traité lui-même (exemple du package deal).
Voir également, CIJ plateau continental de la mer du nord à propos de l’article 6 de la
convention de Genève sur le plateau continental.
§3- Les risques des réserves
Voir exercice de Kriespiel.
Chapitre 2 : La licéité international du traité. Le jus cogens
Section 1 : Historique et définition
§1 – Historique3
Vitoria : Il existe un jus cogens naturale (insusceptible d’une quelconque dérogation) et un
jus cogens positivum (dont la violation est illicite car il a été promulgué par la communauté
internationale dans son ensemble).
Grotius : « le droit naturel est une dictée de la droite raison ». Prédominance du droit naturel
sur le droit positif. Distinction entre le droit nécessaire (droit naturel) et le droit volontaire
(droit civil et droit des gens).
3 Voir A.G. Robledo, « Le jus cogens international : sa genèse, sa nature, ses fonctions ».
21
Vattel : « Nous appelons droit des gens nécessaire, celui qui consiste dans l’application du
droit naturel aux nations…puisque les Etats sont composés d’hommes que leurs délibérations
sont prises par des hommes, et que la loi de la nature oblige tous les hommes ». Le droit des
gens nécessaire est immuable.
Jurisprudence antérieure à la Convention de Vienne :
- Procès de Nuremberg.
- CIJ avis relatif aux réserves à la convention sur la prévention et la répression du
crime de génocide : nous y trouvons l’affirmation catégorique que les principes qui
servent de base à la Convention constituent des principes reconnus par toutes les
nations civilisées « même en dehors de tout lieu conventionnel ».
- Cour suprême constitutionnelle de la RFA, 7 avril 1965 : elle accepta l’existence de
normes impératives de droit international, mais uniquement celles de caractère
coutumier et dans un nombre très limité.
Les défenseurs du jus cogens :
- Alfred von Verdross : (professeur autrichien). Il distingue les traités internationaux
contestables (atteints de vices du consentement) et les traités nuls (car contraires à une
norme positive qui a force contraignante en droit des gens).
- Berber : les principes éthiques fondamentaux de droit international, tels l’honneur et
l’indépendance des Etats, le respect des droits fondamentaux de l’homme et le droit
humanitaire font partie du jus cogens.
- Guggenheim : un minimum de normes impératives est absolument nécessaire au moins
pour assurer la compétence des parties dans la contractation internationale et le
caractère des traités.
Les négateurs du jus cogens :
- Rousseau (Charles) : « la notion d’un ordre public limitant l’autonomie de la volonté
étatique est à peu près inexistante, en raison de la structure essentiellement
individualiste et volontariste de la communauté internationale ».
- Anzilotti : en partant du fait que les Etats sont en même temps les créateurs et les sujets
des normes de droit international, il n’est rien qui puisse empêcher ces mêmes Etats
d’abroger les normes qu’ils ont établi ou de les remplacer par d’autres.
22
§2- Définition et caractères du jus cogens4
La définition du jus cogens est donnée par l’article 53 de la Conv. de Vienne.
Caractères :
1/ norme impérative :
« Norme impérative » n’est pas un synonyme de « norme obligatoire ». En effet, un Etat peut
renoncer à une prérogative et accepter que l’obligation qui existe vis-à-vis de lui ne soit pas
exécutée. Mais le jus cogens se caractérise par le fait qu’il interdit une telle dérogation dans
les rapports mutuels entre deux Etats. Il s’agit d’une limitation à la règle de l’autonomie de la
volonté des Etats.
Sa justification se trouve dans le fait qu’il s’agit d’une norme présentant pour la communauté
internationale une importance telle que son inapplication exposerait celle-ci à un grave danger
(ex. interdiction du recours à la force).Il se présente également comme un moyen de
protection contre les inégalités dans le cadre de la négociation.
2/ Norme de droit international général :
Le fait que le jus cogens soit constitué exclusivement de normes de droit international général
souligne qu’il présente un caractère d’universalité.
Il ne constitue pas du droit naturel. En effet, il évolue en fonction de la situation socio-
historique de la « société internationale » et des modifications intervenues dans les
conceptions politiques, éthiques, philosophiques, idéologiques qui s’y rapportent. En d’autres
termes les normes de jus cogens sont des normes de droit positif.
3/ Norme frappant de nullité toute norme dérogatoire :
La nullité constitue la sanction la plus grave qui puisse frapper un acte juridique, puisqu’elle
supprime tous les effets de droit. En droit international, une telle sanction est extrêmement
rare. En effet, la sanction ordinaire d’un acte international illicite est la mise en jeu de la
responsabilité de l’Etat qui en est l’auteur.
4 Voir notamment, M. Virally, « Réflexions sur le jus cogens ».
23
Section 2 : Les effets du jus cogens sur les traités
§1- La nullité du traité postérieur à la norme du jus cogens
Voir article 53 de la Convention de Vienne.
§2- La nullité du traité antérieur à la norme du jus cogens
Voir article 64 de la Convention de Vienne.
Section 3 : L’identification des normes du jus cogens
1/ Pas de mécanisme de création des normes du jus cogens. Remarques :
- pour la CIJ, l’ONU n’est pas un super Etat. Controverse quant à l’effet des résolutions
de l’ONU. L’AG n’est pas un législateur.
- Selon l’arrêt CPJI Oscar Chinn, les juges ont le pouvoir de refuser d’appliquer un
traité contraire au jus cogens. Mais la CIJ n’est pas un législateur (ou tout autre
tribunal international).
- On assiste à l’extension du jus cogens en dehors du droit des traités.
2/ Le jus cogens n’est pas une source autonome du droit international . Remarques :
- les normes du jus cogens peuvent avoir comme source un traité ou elles peuvent être
d’origine coutumière.
- Le jus cogens apparaît comme un instrument de dissuasion, car sa violation est
sanctionnée par la nullité du traité.
24
Chapitre 3 : Les vices du consentement et leurs effets sur l’application des traités
Il s’agit d’irrégularités substantielles du traité. La règle selon laquelle un traité n’est valable
qu’à la condition d’un consentement réel et libre est primordiale en droit conventionnel. Si
cette règle ressemble à celle du droit contractuel français, elle n’est pas tout à fait identique.
Section 1 : L’erreur
La jurisprudence internationale a admis l’erreur de fait comme vice du consentement , mais
elle a toujours refusée d’erreur de droit (voir CPJI, 26 mars 1925, affaire des concessions
Mavrommatis). La convention de Vienne a repris cette solution traditionnelle.
L’erreur en droit conventionnel n’est constitutive d’un vice du consentement qu’à la condition
qu’elle porte sur un élément essentiel qui est la base même sur laquelle repose ce
consentement. En effet, L’Etat victime se fait une représentation inexacte de la réalité sur
laquelle s’est figé son consentement à être liée par le traité.
Exemple : Affaire Préah-Vihéar (Arrêt, 1962) (Thaïlande c. Cambodge) :
"la principale importance juridique de l’erreur, quand elle existe, est de pouvoir affecter la
réalité du consentement censé avoir été donné. Cependant, la Cour ne voit en l’espère aucun
élément de nature à entache, pour ainsi dire après coup et rétroactivement, la réalité du
consentement ".
« qu’une partie ne saurait invoquer une erreur comme vice du consentement si elle a
contribué à cette erreur par sa conduite, si elle était en mesure de l’éviter, ou si les
circonstances étaient telles qu’elle avait été averti d’une possibilité d’un erreur ».
Dans cette affaire, la cour estime que vu la qualité des personnes ayant examiné la carte de
délimitation litigieuse, il serait difficile d’invoquer l’erreur de la part de la Thaïlande. De plus,
la Cour conclut que pendant cinquante ans, la Thaïlande a joui des avantages que lui assurait
la convention de délimitation, et qu’elle doit donc admettre la souveraineté cambodgienne sur
la zone litigieuse.
Section 2 : Le dol
L’Etat victime se fait une représentation inexacte de la réalité. Mais cette représentation
inexacte est due à la conduite frauduleuse d’un autre Etat afin d’inciter l’Etat victime à
25
contracter. Le dol est souvent appréhendé comme une erreur aggravée par un élément
illicite de tromperie. Ainsi, en application de la maxime traditionnelle « fraus omnia
corrupit » (la fraude corrompt tout), l’article 49 de la Convention de Vienne admet le dol
comme irrégularité substantielle du consentement.
Les exemples de dol dans les traités sont vraiment rares. Quelques précédents très anciens
sont tirés des négociations menées à l’époque coloniale, dans le contexte des relations entre
les puissances européennes et les chefs des tribus africaines, à qui l’on montrait des cartes
volontairement falsifiées. Un autre exemple est tiré du tribunal militaire de Nuremberg à
propos des accords de Munich de 1938 : le tribunal a estimé que le gouvernement d’Hitler
avait conclu ces accords avec l’intention frauduleuse – qui ressortait des documents du IIIe
Reich saisis après la fin de la guerre – de procéder à l’annexion de la Tchécoslovaquie.
Section 3 : La corruption du représentant de l’Etat
Le terme corruption indique des actes pesant lourdement sur la volonté du représentant de
conclure le traité, c’est à dire que l’avantage procuré doit être assez important pour avoir
un impact significatif sur le jugement du représentant de l’Etat. Un simple geste de courtoisie
ou une faveur minime dont un représentant aurait bénéficié lors de la conclusion d’un traité
ne peut par être invoque comme prétexte pour annuler ledit traité.
La C.D.I. , qui a proposé la création de ce type de vice du consentement, a souligné que la
corruption du représentant devrait être définie de manière stricte et ne devrait viser que les
actes pour effet de « peser lourdement » afin d’éviter que des gestes de simple courtoisie ne
soient qualifiés de « corruption ».
Depuis quelques années, la lutte contre la corruption des agents publics est devenue une
préoccupation importante. Ceci est attesté par la multiplication de conventions/traités et autres
textes en la matière (voir notamment, la Déclaration des Nations Unies sur la corruption et les
actes de corruption dans les transactions internationales Résolution 51/191 ; convention de
l’O.C.D.E. sur la corruption de 1997 ; etc.)
26
Section 4 : La contrainte
§1- La contrainte sur le représentant de l’Etat
L’article 51 de la Convention de Vienne couvre toute forme de contrainte (menace,
contrainte morale ou physique, chantage), dirigé vers le représentant de l’Etat ou vers un
membre de sa famille dans le but de le forcer à donner le consentement de l’Etat à être lié
par le traité. Cet contrainte affecte le représentant de l’Etat comme individu, et non pas
comme organe de l’Etat.
L’histoire des relations internationales nous offre quelques exemples célèbres :
- François 1er , lorsqu’il était prisonnier de Charles Quint, fut contraint de signer le
traité de Madrid de 1526 cédant la Bourgogne à ce dernier. François 1er refuse
d’exécuter le traité une fois libéré.
- En 1905, les japonais occupant Séoul, obligèrent les coréens de signer un traité de
protectorat. En 1945, après la défaite japonaise, la nullité dudit traité fut prononcée et
ceci malgré son application effective pendant une longue période.
- Le 15 mars 1939, le président tchécoslovaque Hacha, et son ministre des affaires
étrangères furent contraints, suite à des actes graves d’intimidation, de signer un traité
instituant le protectorat allemand sur la Bohême et la Moravie.
- Etc.
Par conséquent, les actes de contrainte sont dirigés contre une personne ayant la qualité
d’engager l’Etat sur la scène internationale.
Ce type de vice du consentement est de nos jours, plutôt rare.
§2- La contrainte sur l’Etat
Il s’agit ici, d’une confirmation du principe d’interdiction du recours à la force armée de
l’article 2 de la Charte de l’ONU5 . Ce type de vice du consentement sera sanctionné par la
nullité absolue du traité (c’est-à-dire par l’impossibilité d’un acquiescement et l’indivisibilité
des dispositions du traité).
5 Voir infra.
27
Chapitre 4 : La sanction de l’irrégularité du traité
Section 1 : La nullité du traité. Une nullité ab initio
La nullité du traité entaché d’irrégularités substantielles est prononcée (ou considérée d’être
prononcée) ab initio. En d’autres termes, les parties au traité nul devront rétablir la situation
existante avant la conclusion du traité illicite. A priori le retour au statu quo devrait être
intégral. Néanmoins, en pratique le retour au statu quo n’est pas toujours évident :
1/ En ce qui concerne l’état des personnes : ex. cas de cession de territoire d’un Etat sous la
contrainte. Les personnes nées sur ce territoire auront la nationalité de l’Etat cédant. Quelle
sera leur nationalité après la nullité du traité de cession ? (Voir notamment droit d’option.)
2/ L’impossibilité de la restitutio in integrum : ex. cas de perte de l’objet à restituer. C’est
le droit à indemnisation qui s’applique.
3/ Jus cogens emergens : la nullité ab initio ne semble pas convenir à ce type d’irrégularité
substantielle du traité, pour la raison qu’avant la survenance de la norme du jus cogens le
traité était considéré comme licite.
Section 2 : Les types de nullité
§1- Nullité relative
Seul l’Etat victime peut invoquer la cause de nullité relative. Cependant, l’Etat intéressé ne
peut plus invoquer une cause de nullité d'un traité si, après avoir eu connaissance des faits, cet
Etat a explicitement accepté le traité ou , à raison de sa conduite, peut être considéré comme
ayant acquiescé. Par contre, dans l’hypothèse où l’Etat intéressé demande la nullité du traité,
l’article 44§3 de la Conv. de Vienne prévoit la division des dispositions du traité. La division
d’un traité dont la nullité ne vise que à certaines des ses clauses est obligatoire si :
1. Les clauses entachées de nullité sont séparables du reste du traité en ce qui concerne leur
exécution;
2. Si le traité permet sa division ;
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3. Ces clauses ne constituent pas pour un autre Etat contractant une base essentielle de son
consentement à être liées par le traité ;
4. S’il n'est pas injuste de continuer à exécuter ce qui subsiste du traité.
Cependant, si aucune des situations ci-dessus n’est présente dans le traité, celui-ci sera nul
dans sa totalité.
§2- Nullité absolue
Tout Etat peut invoquer la cause de nullité absolue du traité. Ce type de nullité est justifié par
la protection de l’intérêt général. Par conséquent, il peut être invoqué par tout Etat et non
seulement par l’Etat intéressé.
La nullité du traité entraînera automatiquement la nullité des actes signés en vertu dudit traité.
Par conséquent, l’Etat ayant exercé par exemple une contrainte quelconque à l’encontre d’un
autre Etat, il n’a aucun droit de demander l’établissement de la situation qui aurait existé si
aucun actes n’avaient pas été accomplis. Au contrainte il sera rendu responsable
internationalement et devra notamment dédommager l’Etat ( ou les Etats) ayant subi les actes
de contrainte.
De plus, l’acquiescement et la division des dispositions du traité sont impossibles.
Section 3 : Procédure de la nullité du traité
Pour sanctionner un traité irrégulier ou illicite par la nullité de celui-ci, il faut suivre une
certaine procédure:
Requête et notification :
L’action en nullité débute par une requête de la partie intéressée immédiatement notifiée aux
autres parties au traité. La notification comporte selon l’article 65 de la Convention de
Vienne :
- le motif invoqué contre la validité du traité ;
- la mesure envisagée contre le traité irrégulier (nullité relative ou absolue) ;
- les raisons des la requête.
Si les autres parties au traité ne forment aucune objection, la partie intéressée doit fixer un
délai d’extinction. S’il y a une objection à la requête, la partie intéressée qui continue à
réclamer la nullité du traité pourra notamment saisir le juge international. En effet, l’article
33 de la Charte ONU prévoit que :
29
« Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de
la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution par voie de
négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de
recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur
choix ».
En d’autres termes le règlement juridictionnel n’est pas obligatoire ni exclusif. Les parties
doivent rechercher une solution au conflit par tout moyen pacifique. La liste de l’article 33 de
la Charte n’est pas limitative mais plutôt indicative.
En ce qui concerne la nullité du traité pour cause de violation d’une règle du jus cogens
postérieure à celui-ci, l’article 71 al.2 de la Convention de Vienne, laisse supposer que le
traité ne sera pas nul ab initio :
« ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation, ni aucune situation juridique des parties,
crées par l’exécution du traité avant qu’il ait pris fin ; toutefois, ces droits, obligations ou
situations ne peuvent être maintenus par la suite que dans la mesure ou leur maintien n’est
pas en soi en conflit avec la nouvelle norme impérative du droit international général ».
Cependant, les débats doctrinaux ne permettent pas de donner une réponse claire à propos des
effets du traité antérieurs à la survenance de la norme du jus cogens (une indemnisation serait-
elle possible ?)
Récapitulatif
Les nullités énumérées dans la convention de Vienne pourraient se grouper comme suit :
Relatives
Vices de forme
Défaut de compétence (article 46)
Restriction de pouvoirs (article 47)
Vices substantiels
Erreur (article 48)
Dol (article 49)
Corruption (article 50)
Absolues
Vices substantiels Contrainte sur le représentant (article 51)
Contrainte sur l’Etat (article 52)
Autres causes Jus cogens existant (article 53)
Jus cogens émergent (article 64)
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4e PARTIE : LES EFFETS DES TRAITES
Chapitre 1 : L’application des traités entre Etats parties
Section 1 : Les principes applicables entre les Etats parties au traité
§1- Le principe de Pacta sund servanda
Selon l’article 26 de la Convention de Vienne : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit
être exécuté par elles de bonne foi ». Le principe de bonne foi est un principe essentiel du
droit des traités, et qui accompagne toute la vie du traité (de la négociation à la fin du traité).
Cet article confirme le préambule de la Charte de l’ONU, selon laquelle les Etats membres
doivent « créer les conditions nécessaires…au respect des obligations nées des traités et autres
sources de droit international ».
Selon l’article 18 de la Convention de Vienne, exécuter de bonne foi signifie : « Un Etat doit
s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but ». L’Etat est lié par le
traité et il doit l’appliquer tel quel. Si pour une partie de la doctrine jusqu’au début du XXe
siècle, le principe de pacta sund servanda conduisait à une limitation de la souveraineté de
l’Etat, la débat est définitivement clos aussi bien par la jurisprudence (voir affaire île de
Palmas) que par trois théories doctrinales :
- la théorie de l’auto-limitation : théorie volontariste dégagée par Jellinek. L’Etat ne
pouvant par définition être subordonné à aucune autorité extérieure, ne peut être lié
que par un acte émanant de se propre volonté.
- La théorie de la Vereinbarung : théorie volontariste soutenue essentiellement par
Triepel et Anzilotti. Le traité naît de l’union des volontés souveraines en une volonté
commune.
- La théorie de la règle préexistante à la volonté des Etats : la force obligatoire des
traités se trouve dans un principe de droit positif (Politis), doublé d’une règle éthique
(Verdross), ou comme une traduction d’une exigence sociale (Scelle), inhérente à la
vie internationale (J. Basdevant).
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§2- La non-rétroactivité des traités
Selon l’article 28 de la Convention de Vienne : « A moins qu'une intention différente ne
ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, les dispositions d'un traité ne lient pas une
partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d'entrée en vigueur de ce traité au
regard de cette partie ou une situation qui avait cessé d'exister à cette date ».
Cette règle trouve son fondement dans la protection des relations conventionnelles et la
sécurité juridique.
§3- L’exécution territoriale
Selon l’article 29 de la Convention de Vienne : « A moins qu'une intention différente ne
ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à l'égard de
l'ensemble de son territoire ».
Cette règle rappèle la règle de la clause coloniale (surtout pour l’écarter indirectement). En
effet, dans des traités plus anciens, une clause dite « coloniale » prévoyait que chaque partie
avait la possibilité d’étendre l’application du traité sur un ou plusieurs territoires coloniaux.
La « clause coloniale » diffère de la « clause fédérale » (a priori admise) qui a pour objectif
d’écarter les Etats fédérés du champ d’application du traité au profit de l’Etat fédéré et en vue
de sauvegarder l’autonomie des entités fédérées. L’utilisation de la « clause fédérale » est
relativement rare.
§4- Les clauses de non-exécution
Les obligations conventionnelles sont des obligations de droit international. Leur violation par
un Etat partie au traité entraîne la responsabilité internationale de celui-ci. Afin d’inciter les
Etats récalcitrants parties au traité à appliquer le traité, celui-ci peut prévoir une clause de
non-exécution, qui peut prendre la forme d’une « clause pénale ». Exemple : clause
d’exclusion d’un Etat membre d’une organisation internationale pour violation de l’acte
constitutif de cette organisation (cas de la SdN ou du Conseil de l’Europe).
32
Section 2 : L’application des traités en droit interne
Selon l’article 27 de la Convention de Vienne : « Une partie ne peut invoquer les dispositions
de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité ».
Voir exemples.
Avant d’examiner les deux systèmes il faut noter qu’il s’agit plutôt d’un débat doctrinal ayant
quelques conséquences limitées dans le contentieux interne. En droit international, la primauté
de celui face au droit interne a été confirmé à multiples reprises par la jurisprudence
internationale. Voir notamment :
- CPJI 25 mai 1926, certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise : les règles
internes sont de « simples faits » au regard du droit international.
- CPJI avis 31 juillet 1930, affaire des communautés gréco-bulgares : « C’est un
principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre
Puissances contractantes d’un traité, les dispositions d’une loi interne ne saurait
prévaloir sur celles d’un traité ».
- S.A. 23 mars 1936, affaire de la compagnie d’électricité de Varsovie : « un traité
régulièrement conclu est source du droit objectif dans les Etats contractants, ayant
force obligatoire tant dans chacun desdits Etats que sur le terrain international, même
dans le cas où les règles dudit traité seraient en contradiction avec le droit interne ».
- CIJ 26 avril 1988, avis cons. Accord relatif au siège de l’ONU (bureau OLP) : la CIJ
rappèle « le principe fondamental en droit international de la prééminence de ce droit
sur le droit interne » (§57).
§1- Les systèmes monistes et dualistes
Pour les ordres internes, il importe de déterminer la place exacte qu’occupent en leur sein les
règles internationales. Il est important de noter que les règles de droit interne contraires à un
engagement international ne peuvent être invalidées dans l’ordre interne par une instance
internationale, mais elles sont seulement inopposables sur le plan international. De plus, cette
situation peut conduire à la mise en œuvre de la responsabilité internationale de l’Etat.
33
A- Le dualisme
Cette conception considère le droit international et le droit interne comme deux systèmes de
droits égaux, indépendants et séparés, mais qui ne se confondent jamais, la valeur propre du
droit interne étant indépendante de sa conformité avec le droit international.
1/ Conséquences de la théorie dualiste :
- L’Etat, sujet de droit international, est en même temps créateur de droit interne, et
dans cette création, il reste tenu de l’obligation de conformer son propre droit interne à
ses engagements internationaux. Mais si l’Etat établit son droit interne sans tenir
compte de ses obligations internationales, la validité de ce droit n’en sera aucunement
affectée. Le manquement imputable à l’Etat n’aura d’autre conséquence que la mise en
cause de la responsabilité internationale de ce dernier.
- Pour être valable en droit interne, une règle de droit international doit être
préalablement transformée en règle de droit interne et elle ne vaut que comme telle.
Les auteurs dualistes qualifient de « réception » la reproduction des normes
internationales par le droit interne.
- Il ne peut pas y avoir de conflits possibles entre les deux ordres juridiques, mais
seulement des renvois de l’un à l’autre.
2/ Critiques :
- Selon G. Scelle, il s’agit d’une « confusion entre l’origine de la norme et ses facteurs
d’expression ».
- En pratique, il convient de relever l’application directe des normes internationales
dans l’ordre juridique interne.
3/Typologie :
- dualisme positif : on suppose que tout acte de droit interne postérieur au traité est
conforme à ce dernier. Exemple : jurisprudence de la House of Lords.
- Dualisme négatif : application de la règle lex posterior derogat priori. Exemple : Etats-
Unis (voir notamment affaire du bureau de l’OLP6.
6 Lire notamment, Stern, « L’affaire du bureau de l’OLP devant les juridictions interne et internationale », AFDI 1988, pp.165-194).
34
4/ Selon la pratique internationale :
La pratique internationale ne consacre pas la théorie dualiste :
- la jurisprudence internationale ne consacre pas la théorie dualiste du renvoi avec
réception.
CPJI avis 21 févr. 1925, échanges des populations grecques et turques : « De ce que
les parties contractantes se sont obligées à mettre leurs législations respectives en
harmonie avec la Convention de Lausanne du 30/01/1923 il ne dérive aucunement que
celle-ci renvoie aux lois nationales pour autant qu’elles ne sont pas contraires à la
Convention.
- Il n’existe pas de règle générale de droit international d’après laquelle un Etat serait
engagé par un traité inconstitutionnellement ratifié (irrégularité formelle selon la
convention de Vienne).
- Un traité international est parfaitement apte à abroger une loi interne, ce qui serait
inconcevable dans un système de droit fondé sur une séparation radicale des
ordonnancements juridiques. Ex. l’article 4 du traité de Latran du 11 février 1929 entre
l’Italie et le Saint-Siège a expressément abrogé la loi italienne des garanties du 13 mai
1871.
B- Le monisme
Ce système normatif est construit selon le principe de subordination, en vertu duquel toutes
les normes juridiques sont subordonnées les unes aux autres, dans un ordre rigoureusement
hiérarchique.
1/ Le monisme avec primauté du droit interne :
On admet que le droit international dérive du droit interne et l’on aboutit ainsi à une
conception unitaire du droit, avec primauté du droit étatique. Pour l’ « école de Bonn »
(favorable à ce type de monisme – Zorn, Erich Kaufmann, Max Wenzel), ce type de monisme
se justifie du fait de l’absence d’autorité supra-étatique, chaque Etat déterminant en
conséquence librement quelles sont ses obligations internationales et restant en principe seul
juge de la façon dont il les exécute.
Exemple : les Etats arabes dont la constitution renvoie au Coran.
35
Critique : cette conception est contredite par le droit international positif. En effet, les
modifications constitutionnelles ou législatives des Etats ne sauraient affecter la validité des
traités conclu par eux. Le persistance des obligations conventionnelles en dépit des variations
de l’ordre juridique interne s’explique par le principe de la continuité de l’identité de l’Etat.
2/ Le monisme avec primauté du droit international :
c’est le droit interne qui dérive du droit international. L’ordre juridique interne, dérivé de
l’ordre juridique international et placé sous sa suprématie, est ainsi une « dérivation » ou une
« délégation » du droit international, selon la formule de Kelsen. Cette construction a été
développée par l’école normativiste autrichienne (Kinz, Kelsen, Werdreoss) et française
(Duguit, Scelle, Politis, Bourquin).
Exemple : la France.
Critiques :
- le monisme en arrive à supprimer toute distinction entre le droit interne et le droit
international ;
- il serait contraire à la vérité historique ;
- il méconnaît certaines données formelles du droit positif, notamment par sa théorie de
l’abrogation automatique des normes juridiques inférieures contraires.
3/ Pratique internationale :
La pratique internationale ne consacre pas non plus le système moniste, pour les raisons
suivantes :
- seul le droit constitutionnel de chaque Etat fixe les règles de compétence et de
procédure de conclusion des traités7 ;
- il n’existe pas de règle générale de droit international suivant laquelle une norme
internationale abrogerait automatiquement une norme interne qui lui serait contraire.
L’Etat responsable pourra être mis en demeure de verse une indemnité ou de fournir
une satisfaction adéquate ; mais la règle interne internationalement irrégulière restera
7 Lire notamment, Paul de Visscher, « Les tendances internationales des constitutions modernes », R.C.A.D.I. 1952-I, p.515 et s.
36
en vigueur jusqu’à son abrogation par l’organe compétent. Voir notamment affaires de
nationalisation.
§2- L’hiérarchie des normes en droit français
L’examen de l’article 55 de la Constitution accorde une supériorité des traités sur les lois.
Cependant, c’est la jurisprudence qui a dû apporter la lumière sur l’étendue temporelle de
cette supériorité. La jurisprudence a connu une longue évolution , mais la règle de la
supériorité des traités sur les lois antérieures ou postérieures est incontestable.
A- L’évolution de la jurisprudence quant aux dispositions communautaires
1/ La C.J.C.E. a très tôt admis la supériorité du droit communautaire sur les droits des Etats
membres :
- C.J.C.E. 5 février 1963, Van Gend en Loos : le droit communautaire est un nouvel
ordre juridique de droit international. De plus, la Cour a posé le principe de leur effet
direct sous réserve de leur caractère self-executing.
- C.J.C.E. 14 juillet 1964, Costa c/Enel : le traité C.E.E. a institué un ordre juridique
propre intégré au droit des Etats membres.
2/ La jurisprudence de la Cour de cassation a admis cette supériorité assez tôt avec l’arrêt
du 24 mai 1975, Jacques Vabre. Dans cette affaire, la Cour fait prévaloir les dispositions du
traité de Rome sur une loi nationale postérieure.
3/ Cependant, il a fallu une vingtaine d’années au Conseil d’Etat pour arriver à la même
conclusion :
- C.E. 22 décembre 1978, Cohn-Bendit : les directives « ne sauraient être invoquées par
les ressortissants des Etats à l’appui d’un recours contre un acte administratif
individuel ».
- C.E. 1989, Nicolo: le traité de Rome prévaut sur une loi postérieure.
37
- C.E. Ass. 3 février 1989, Alitalia: le C.E. a annulé le refus de Premier Ministre
d’abroger des décisions antérieures contraires à la directive.
- C.E. 28 février 1992, SA Rothmans et Philip Morris, et Sté Arizona Tobacco et SA
Philip Morris : le C.E. a tenu pour « dépourvu de base légale » un décret incompatible
avec les objectifs définis par une directive.
- C.E. 9 octobre 1996, SA cabinet Revert et Badelon : le C.E. a annulé une décision
individuelle incompatible avec une directive, mais conforme au droit français.
- C.E. Ass. 6 février 1998, Tête : le C.E. annule une décision prise en violation d’une
directive non transposée en droit interne.
B- La valeur du droit international conventionnel en droit interne français
1/ Le Conseil constitutionnel a rejeté la thèse selon laquelle la supériorité des traités par
rapport à la loi, prévue par l’article 55 de la Constitution ’58, conduise à leur conférer une
valeur constitutionnelle (C.C. 15 janvier 1975, IVG). Cependant, dans les années 90, il a par
deux fois constater l’inconstitutionnalité de certaines dispositions conventionnelles – dans le
cadre du droit communautaire (voir affaires Maastricht et Amsterdam8) ou du droit
international général (voir par exemple affaire du statut de la Cour Pénale internationale9) – ce
qui a conduit ultérieurement à deux révisions constitutionnelles. Cependant, ce n’est pas le
C.C. qui révise la constitution. Il constate seulement une incompatibilité éventuelle entre le
traité et la constitution. Il incombe ensuite au Parlement de procéder à une révision
constitutionnelle ou non (voir notamment affaire de la Charte européennes des langues
régionales ou minoritaires10).
2/ Cette solution est confirmée par la Cour de cassation :
- C.cass. Ass. plén. 11 mars 1953, Gambino : refus d’appliquer un texte non ratifié,
approuvé et publié.
- C.cass. Ass. plén. 2 juin 2000, Fraisse: la Constitution a une valeur supérieure au
traité.
3/ La jurisprudence du Conseil d’Etat a connu une longue évolution en la matière :
8 C.C. N°97-394 DC du 31 décembre 1997. 9 C.C. N°98-428 DC du 22 janvier 1999. 10 C.C. n° 99-412 DC du 15 juin 1999.
38
- C.E. sec. 1er marts 1968, syndicat général des fabricants de semoule de France : le
traité a une valeur inférieure à une loi antérieure. Faire valoir le traité sur la loi serait
revenu à juger que le législateur, en adoptant une loi contraire à un traité préexistant,
avait méconnu la hiérarchie des normes établies à l’article 55. Le C.E. a estimé ne pas
détenir la compétence nécessaire pour se livrer à un tel contrôle de constitutionnalité
de loi (théorie de la loi écran).
- C.E. 24 septembre 1990, Boisdet : le traité prévaut sur la loi postérieure.
- C.E. 19 avril 1991, Belgacem et Babas : l’affaire portait sur les conditions
d’application de la convention européenne des droits de l’homme. Le traité a une
valeur supérieure à la loi postérieure.
- C.E. 3 juillet 1996, Koné : le traité a une valeur inférieure aux P.F.R.L.R.
- C.E. 30 octobre 1998, Sarran : il s’agissait d’un décret pris en application de la loi
électoral de 1998, en vue d’organiser un scrutin sur le territoire de la Nouvelle-
Calédonie. « La suprématie conférée aux engagements internationaux ne s’applique
pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ».
- C.E. 18 décembre 1998, SARL du parc d’activités de Blotzheim : le C.E. considère
qu’il doit se « prononcer sur le bien-fondé d’un moyen soulevé devant lui et tiré de la
méconnaissance, par acte de publication de cet engagement international, des
dispositions de l’article 53 de la Constitution ».
- C.E. 28 février 2000, Bamba Dieng : annulation d’un décret portant publication d’un
accord approuvé en méconnaissance de l’article 53 de la Constitution.
- C.E. sec. 8 juillet 2002, commune de Porta : le refus du contrôle de constitutionnalité
s’étend à la loi autorisant la ratification des traités ou l’approbation des accords non
soumis à raitification.
Chapitre 2 : Les effets des traités à l’égard des Etats tiers
L’article 2 de la Convention de Vienne fait une distinction fondamentale entre les Etats
parties au traité et les Etats tiers :
g)l'expression «partie» s'entend d'un Etat qui a consenti à être lié par le traité et à l'égard
duquel le traité est en vigueur;
h)l'expression «Etat tiers» s'entend d'un Etat qui n'est pas partie au traité;
De cette distinction découle le principe de l’effet relatif des traités.
39
Section 1 : Le principe de l’effet relatif des traités.
Selon l’article 34 de la Convention de Vienne : « Un traité ne crée ni obligations ni droits
pour un Etat tiers sans son consentement. ».
La notion d’effet relatif est basée sur les principes de l’autonomie de la volonté et de la
souveraineté des Etats. D’où un traité ne donne pas des droits ou des obligations à un Etat
tiers sans son consentement, La jurisprudence internationale a confirmé ce principe à
plusieurs reprises, et notamment:
- CPJI 1926, les intérêts allemands de la CPI en Haute Silésie polonaise : "Un traité ne
fait droit qu’entre les Etats qui y sont parties."
- S.A. roi de l’Italie du 28 janvier 1931, affaire de l’île de Clipperton : l’arbitre refusa
au Mexique de se prévaloir contre la France des dispositions de l’Acte général de
Berlin de 1885 (auquel le Mexique n’était pas partie). Il admit que le traité ne crée pas
de droits au profit des tiers.
- S.A. du 29 mars 1933, affaire des forêts du Rhodope central : « n’étant pas signataire
du traité de Constantinople, [la Grèce] n’avait pas de base juridique pour faire une
réclamation appuyée sur les stipulations matérielles de ce traité ».
- CIJ 1959, aff. de l’incident aérien du 27 juillet 1995 (Israël c/ Bulgarie) : la Cour dit
que l’article 26§5 de son statut ne possède « aucune force de droit pour les Etats non
signataires ».
Section 2 : Les exceptions au principe de l’effet relatif
§1- Les traités créant des obligations à la charge des Etats tiers
Selon l’article 35 de la Convention de Vienne : « Une obligation naît pour un Etat tiers d'une
disposition d'un traité si les parties à ce traité entendent créer l'obligation au moyen de cette
disposition et si l'Etat tiers accepte expressément par écrit cette obligation. »
Il s’agit de la stricte application du principe volontariste. En effet, l’obligation résulterait non
pas du traité initial mais de l’accord exprimé postérieurement au traité par l’Etat tiers. Ce type
d’accord est appelé « accord collatéral ». L’article 35 de la Convention reprend ainsi un
principe posé par la jurisprudence internationale :
40
- CPJI 1932, affaire des zones franches (France c/Suisse) : Selon la Cour « en tout état
de cause l’article 435 du Traité de Versailles n’est opposable à la Suisse, qui n’est pas
partie à ce traité, que dans la mesure où elle l’a elle-même acceptée »
- T.P.I. pour l’ex-Yougoslavie, arrêt du 29 octobre 1997 : le Tribunal indique que les
Etats non membre des Nations Unies peuvent « s’engager à respecter l’obligation
visée à l’article 29 [de son statut] en l’acceptant expressément par écrit ».
L’obligation ne peut être révoquée ou modifiée qu’avec le consentement express des parties
au traité et de l’Etat tiers intéressé (article 37 al.1er).
§2- Les traités créant des droits au profit des Etats tiers
Selon l’article 36 de la Convention de Vienne :
« 1. Un droit naît pour un Etat tiers d'une disposition d'un traité si les parties à ce traité
entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l'Etat tiers ou à un groupe d'Etats
auquel il appartient, soit à tous les Etats, et si l'Etat tiers y consent. Le consentement est
présumé tant qu'il n'y a pas d'indication contraire, à moins que le traité n'en dispose
autrement.
2. Un Etat qui exerce un droit en application du paragraphe 1 est tenu de respecter, pour
l'exercice de ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses
dispositions. »
Nous distinguons un certain nombre de dispositions conventionnelles ayant comme objectif
de créer des droits au profit des Etats tiers.
A- La clause de la nation la plus favorisée
Généralement c’est un principe du droit commercial qui peut être inclus dans des autres types
de traités. Les Etats A et B insèrent une clause dans le traité stipulant qu’un droit/avantage
concédé par l’un des deux à un Etat tiers est plus favorable aux droits/avantages inclus dans le
traité, ce droit/avantage pourra (avec ou sans conditions, avec ou sans réciprocité) bénéficier à
l’autre. Exemple :
Article I du G.A.T.T. 1947 : « Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par
une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront
41
immédiatement et sans condition étendus à tout produit similaire originaire ou à destination
du territoire de toutes les autres parties contractantes ».
Cette pratique, appliquée très tôt dans les relations aussi bien commerciales que consulaire
entre Etats, a été consacrée par la jurisprudence internationale (voir CIJ 22 juillet 1925, affaire
de l’Anglo-Iranian Oil Company ; CIJ 27 août 1952, affaire du droit des ressortissants
américains au Maroc).
B- La stipulation pour autrui
Technique de droit contractuel interne par laquelle les parties à une convention énoncent une
promesse dont le bénéficiaire est un tiers. Sa transposition en droit international se fonde
essentiellement sur un passage de l’ arrêt de la CPJI du 7 juin 1932 dans l’affaire des zones
franches du pays de Gex et de Savoie:
« il s’agit de constater si les Etats qui ont stipulé en faveur d’un autre Etat ont entendu créer
pour lui un véritable droit que ce dernier a accepté comme tel. »
L’article 36 de la Convention de Vienne semble avoir repris cette solution, en ajoutant
(article 37) que toute modification ou révocation de ce droit exige l’accord de l’Etat tiers
intéressé.
Il faut noter que le juge communautaire a lui aussi suivi le juge international. Dans l’affaire
Somalfruit du 27 nov. 1997, la CJCE a estimé que le régime découlant de la Convention de
Lomé avait été étendu à la Somalie (Etat non membre) du fait de l’attribution unilatérale à ce
pays d’un contingent d’exportation de bananes par le règlement portant organisation
commune du marché de ce produit.
§3- Les traités ayant effet erga omnes : les traités objectifs
Les traités objectifs possèdent une validité erga omnes. Ils sont donc opposables à l’égard de
tous les Etats de la communauté internationale, dans la mesure où ils établissent des régimes
généraux. Si ces traités constituent une brèche au principe du volontarisme et du
consensualisme, si cher au droit international, ils sont justifiés par une nécessité de protection
42
des relations internationales. Ainsi, face à des situations objectives, aucune contestation n’est
possible. Nous pouvons classer ces traités dans cinq catégories :
1/ Les traités de délimitation frontalière
Il s’agit a priori de traités objectifs, c’est-à-dire à partir du moment où ils portent pas atteinte
aux droits acquis des Etats voisins ou qu’ils n’ont pas été conclus dans des conditions illicites
(voir vices du consentement et cas de conflits armés ).
2/ Les traités établissant des « statuts territoriaux » :
Il s’agit de traités multilatéraux établissant le statut international d’un Etat ou d’une région.
Exemples : statut de neutralité perpétuelle de la Suisse (issu du congrès de Vienne de 1815) ;
statut de l’Antarctique (traité de Washington de 1959) ; la convention de Canberra du 20 mai
1980 sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique ; l’Accord de 1979
régissant les activités des Etats sur la lune et les autres corps céléstes.
Le caractère objectif de ce type de traités a été reconnu dès 1920 dans l’affaire des îles
d’Aaland. Selon le rapport du comité des juristes présenté en septembre 1920 devant le
conseil de la SdN : « Les puissances ont, en effet, dans de nombreux cas, depuis 1815 et
notamment lors de la conclusion du Traité de Paris [traité du 30 mars 1856 entre la France, la
Grande-Bretagne et la Russie], cherché a établir un véritable droit objectif, de vrais statuts
politiques dont les effets se font sentir en dehors même du cercle des parties contractantes ».
3/ Les traités relatifs aux voies de communication internationales :
Certains cours d’eaux (Rhin, Danube, etc.)et des canaux trans-océaniques (Suez, Panama,
etc.) ont été dotés, par des traités multilatéraux d’un régime international.
4/ Les traités créant une entité internationale :
Il s’agit de traités créant un Etat (ex. Belgique en 1831), une entité de nature infra-étatique
(ex. ville libre de Dantzig en 1919) ou une organisation internationale (ex. Charte de l’ONU,
voir à ce propos CIJ, affaire du comte Bernadote).
5/Les traités édictant des normes à vocation universelle/impérative :
Voir notion du jus cogens.
43
5e PARTIE : LA FIN DES NORMES CONVENTIONNELLES
Chapitre 1 : la fin de la norme convention n’équivalant pas la fin du traité. La modification
des traités
Les termes « modification », « amendement », et « révision » sont des termes synonymes
signifiant l’ « adaptation » du traité aux situations nouvelles et à la volonté des parties au
traité. En pratique, le terme le plus souvent utilisé est celui de « révision ».
Souvent, les conditions et les modalités de « modification » du traité sont prévus par celui-ci.
En effet, le traité peut prévoir qu’en cas d’objectif non atteint, de survenance de nouveaux
éléments scientifiques nécessitant un réajustement des règles juridiques, de fin dans une
situation prévue par une disposition du traité, ladite disposition sera modifiée, amendée voire
même supprimée.
Exemple : la Convention internationale sur la conservation de la faune et la flore marines,
signé à Canberra le 20 mai 1980 :
« ARTICLE XXX
1 . LA PRESENTE CONVENTION PEUT ETRE AMENDEE A TOUT MOMENT .
2 . A LA DEMANDE D ' UN TIERS DES MEMBRES DE LA COMMISSION , LE
DEPOSITAIRE CONVOQUE UNE REUNION EN VUE D ' EXAMINER UNE PROPOSITION D
' AMENDEMENT .
3 . UN AMENDEMENT ENTRE EN VIGUEUR LORSQUE LE DEPOSITAIRE A RECU DE
TOUS LES MEMBRES DE LA COMMISSION LES INSTRUMENTS DE RATIFICATION , D '
ACCEPTATION OU D ' APPROBATION DE CET AMENDEMENT .
Un traité ne peut être amendé que par l’accord entre les parties. Ceci exclut toute modification
unilatérale d’un traité, sauf si le traité le dispose autrement. Un traité amendé continue à
exister ; il s’adapte seulement aux situations nouvelles.
Section 1 : Modification par accord exprès
L’article 39 de la Convention de Vienne prévoit qu’un traité peut être amendé par accord
entre les parties. Cependant, les parties ne sont pas tenus de respecter une quelconque
44
obligation d’amender/modifier/réviser le traité en cas de changement de situation. Au
contraire, les parties peuvent exclure toute modification postérieure à l’entrée en vigueur du
traité. Le risque que le parties prennent dans cette hypothèse c’est de rendre caduque le traité
en cas de changement majeur dans les conditions d’application du traité. Dans l’affaire
Gabcikovo Nagymaros, la CIJ a exclut l’argument de l’extinction de l’objet du traité (et par
conséquent du traité lui-même) avancé par la Hongrie, parce que les parties au traité avaient
prévu la possibilité de renégocier.
Section 2 : Autres types de modification
§1- La modification par voie coutumière
L’article 38 du Statut de la CIJ ne donne aucune hiérarchie parmi les sources du droit
international. En d’autres termes, un traité a la même valeur qu’une coutume ou un principe
général de droit international. Cette absence d’hiérarchie conduit à une application stricte du
principe de lex posterior derogat priori. Ainsi, si la situation dans laquelle un traité modifie ou
met fin à une pratique coutumière paraît logique, la situation inverse l’est tout autant. Ainsi,
la C.D.I. dans son projet d’article 38 sur le droit des traités, elle avait proposé la disposition
suivante : « Un traité peut être modifié par la pratique ultérieurement suivie par les parties
dans l’application du traité lorsque celle-ci établit leur accord pour modifier les dispositions
du traité ». Cependant, cette disposition n’a pas été adoptée par souci de légaliser les
violations des traités par les Etats.
Malgré cette peur, la possibilité d’une modification coutumière d’un traité est admise par la
jurisprudence internationale. Que ce soit à propos du droit de décolonisation, de la règle selon
laquelle l’abstention d’un membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, ou de
l’acceptation tacite d’une carte contraire à un traité de délimitation antérieur à l’établissement
de celle-ci (affaire du temple de Préah Vihéar), la Cour a appliqué la règle du lex posterior
derogat priori.
§2- La modification par la survenance d’une règle du jus cogens.
Voir supra.
45
Chapitre 2 : Extinction des traités
Section 1 : Extinction des traités du fait de la volonté des parties
Selon l’article 54 de la convention de Vienne : « L'extinction d'un traité ou le retrait d'une partie peuvent avoir lieu: a) conformément aux dispositions du traité; ou, b) à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres Etats contractants ».
§1- L’extinction prévue par le traité Hypothèses :
1/ Traité conclu de date à date.
Exemple : cas du traité CECA.
2/ Extinction par exécution du traité.
Situation rencontrée dans le cadre des traités-contrats.
3/ Extinction par la renégociation du traité.
Les parties qui ont négocier un traité, n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur certains
aspects. Il renvoient alors la discussion de ces aspects à une négociation ultérieure. Le texte
résultant de cette nouvelle négociation abrogera le texte initial. Exemple : traité de Nice.
4/ Dispositions prévoyant le retrait d’un Etat membre.
Les traités multilatéraux (surtout ceux prévoyant une coopération entre Etats membres sur une
question donnée) prévoient parfois la possibilité de retrait d’un Etat partie. Les dispositions
prévoyant le retrait, peuvent également prévoir les conditions dans lesquelles ce retrait aura
lieu (formalités, délais, obligations, etc.)
Voir affaires Jamaïque et Trinité et Tobago.
§2 : Extinction non prévue par le traité mais voulue par les parties
Hypothèses :
1/ Survenance d’un nouveau traité
46
Ce nouveau traité remplacera l’ancien, soit de manière explicite (le nouveau traité prévoit
qu’il remplace l’ancien) soit implicitement (par application de la règle lex posterior).
2/ Suspension implicite en vertu du consentement des parties
Selon l’article 58§1 de la convention de Vienne : « 1. Deux ou plusieurs parties à un traité
multilatéral peuvent conclure un accord ayant pour objet de suspendre, temporairement et
entre elles seulement, l'application de dispositions du traité:
a) si la possibilité d'une telle suspension est prévue par le traité; ou
b) si la suspension en question n'est pas interdite par le traité, à condition qu'elle:
i) ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu'elles tiennent du traité
ni à l'exécution de leurs obligations; et
ii) ne soit pas incompatible avec l'objet et le but du traité. »
3/ Extinction d'un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa
violation
Voir article 60 de la convention de Vienne.
Il doit s’agir d’une violation substantielle.
Section 2 : Extinction du traité pour des raisons extérieures à la volonté des parties
Hypothèses :
1/ Conflit armé :
Les traités bilatéraux prennent fin dans une situation de conflit armé international. Cette règle
est confirmée par les traités de paix de 1919 et de 1947.
Les traités multilatéraux sont suspendus pendant la période du conflit.
Les conflits armés ne peuvent mettre fin aux traités objectifs.
2/ L’impossibilité d’exécution
Elle est la conséquence de la survenance d’une situation indépendante de la volonté des
parties. Il s’agit d’une cause de force majeure, laquelle bénéficie à la partie qui l’invoque et
l’exonère de toute responsabilité pour défaut d’application du traité. Selon l’article 61 de la
Convention de Vienne, cette impossibilité doit être définitive. En effet, une impossibilité
provisoire ne fait que suspendre le traité le temps de l’impossibilité.
47
Cette impossibilité peut provenir d’un changement dans les circonstances, selon l’article 62 de
la convention de Vienne. Mais ce changement doit être imprévu et radical. Selon la CIJ dans
l’affaire Gabcikovo Nagymaros en 1997 :
« Un changement fondamental de circonstances doit être imprévu ; les circonstances existant
à l’époque où le traité a été conclu doivent avoir constitué une base essentielle du
consentement des Parties à être liées par le traité. Le fait que l’article 62 de la convention de
Vienne sur le droit des traités soit libellé en termes négatifs et conditionnels indique d’ailleurs
clairement que la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d’un
changement fondamental de circonstances ne trouve à s’appliquer que dans des cas
exceptionnels » (§104).
3/ La survenance d’une nouvelle norme du jus cogens
Voir supra.
5e PARTIE : ETUDE DE CAS
48
Actes des organisations internationales
1/ Cour de cassation :
- C.cass. crim. 8 novembre 1963 : la Cour a assimilé les annexes ou « règlements
adoptés par le Conseil de l’OACI » au traité constitutif de l’organisation (Convention
de Chicago).
- C.A. Paris 18 nov. 1967, époux Pivert : la Cour refusait de reconnaître l’applicabilité
et l’effet direct à un règlement sanitaire international adopté par l’OMS.
- C.cass. 15 juillet 1999 : invocabilité de la résolution 687 du Conseil de Sécurité de
l’ONU, et dotée de caractère obligatoire puisqu’elle était prise en application du
chapitre VII.
2/ Le Conseil d’Etat :
C.E. 12 mars 1999, Société Héli-Union : incompétence pour connaître des mesures
d’exécution en France de la résolution 687. Le Conseil a eu recours à la théorie des « actes de
gouvernement ».
Coutume internationale et PGDI
1/ Le Conseil d’Etat :
- CE. 18 avril 1986, Sté des mines de potasse d’Alsace : le Conseil ignore la coutume
internationale.
- C.E. 13 octobre 1987, Sté Nachfolger Navigation Company : la Marine nationale
aurait dû agir « sans méconnaître aucun principe de droit international ».
- C.E. 6 juin 1997, Aquarone : la coutume internationale ne prime pas sur la loi.
49
2/ La Cour de cassation :
- Cass. 6 oct. 1983, Barbie : référence aux « principes de droit reconnus par l’ensemble
des nations ».
- Crim. 13 mars 2001, Kadhafi : idem.
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