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Le rôle de l’Etat dans l’industrialisation : biaistechnologique, apprentissage institutionnel et politiques
sélectivesAouatif El Fakir
To cite this version:Aouatif El Fakir. Le rôle de l’Etat dans l’industrialisation : biais technologique, apprentissage insti-tutionnel et politiques sélectives. 2010. �hal-01511778�
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Le rôle de l’Etat dans l’industrialisation : biais technologique,
apprentissage institutionnel et politiques sélectives.
Aouatif El Fakir
Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS),
Champs-sur-Marne (France)
Résumé :
Le rôle de l’Etat dans le développement industriel fait toujours débat entre les néoclassiques
et les hétérodoxes. Les premiers défendent la supériorité indiscutable du marché dans
l’orientation de l’investissement vers des industries données et les deuxièmes la constante
nécessité de l’intervention de l’Etat dans ce sens. La théorie évolutionniste, qui fait partie des
approches hétérodoxes, considère que le développement industriel est « techno-centré » et que
le rôle de l’Etat est de mettre en place des politiques spécifiques (pour une ou plusieurs
industries considérées comme stratégiques) et un cadre institutionnel qui correspond aux
dynamiques techno-industrielles. Dans cet article, nous questionnons cette assertion
évolutionniste et montrons que le développement industriel peut se baser sur un cadre
institutionnel et des politiques génériques ; mais qu’il faut rendre spécifiques à un moment
donné.
2
Introduction :
Deux principaux courants dominent le débat autour du rôle de l’Etat dans le développement
industriel : Les néoclassiques d’une part et les économistes du développement et les
structuralistes de l’autre. L’économie institutionnelle et la théorie évolutionniste proposent
également des alternatives à la vision néoclassique. Nous avons choisi, dans cet article, de
nous concentrer sur la théorie évolutionniste dans la mesure où elle a mis en évidence le rôle
central du changement technique et l’importance du cadre institutionnel dans
l’industrialisation. Les évolutionnistes ont notamment mis au point le concept de la co-
évolution des technologies, institutions et industries que nous exposerons plus tard.
Du point de vue évolutionniste, le rôle de l’Etat est de mettre en place des politiques et un
cadre institutionnel spécifiques qui coïncident avec les dynamiques techno-industrielles. Nous
entendons par « spécifiques » un cadre et des politiques qui couvrent des industries que l’Etat
a sélectionnées parce qu’il les considère comme stratégiques. Cependant, la théorie
évolutionniste est largement basée sur les observations de ce qui se passe dans les pays
développés. Elle se focalise sur les nouvelles technologies comme source de croissance et de
développement. Ceci pose donc un certain nombre de questions lorsqu’il s’agit des pays en
développement. Le retard technologique, industriel et institutionnel de ces derniers les
empêche de tirer d’emblée profit des nouvelles technologies. Ils tendent plutôt à utiliser des
technologies matures pour déclancher le processus d’industrialisation.
Nous essayons, dans cet article, de savoir si un pays peut maintenir son industrialisation à
long terme (sustainable) en exploitant des technologies matures ; si elle s’appuie sur des
politiques génériques ou spécifiques et si l’Etat arrive toujours à jouer son rôle
« évolutionniste ». Dans ce but, nous avons réalisé une étude longitudinale sur l’industrie
marocaine de textile & habillement (T&H dorénavant). Si la technologie de production
mature, utilisée dans le T&H, a fourni au Maroc la possibilité de déclencher son
industrialisation, elle a néanmoins connu des changements significatifs : Nous étudierons les
effets de ces changements sur l’avantage comparatif du Maroc et les ajustements qui s’en sont
suivis.
Dans la section 1, nous faisons une revue des différents travaux théoriques et empiriques qui
ont porté sur le rôle de l’Etat dans l’industrialisation. Dans la section 2, nous exposons notre
cadre analytique, nos hypothèses et la méthodologie de notre étude. Nous présentons et
discutons les résultats dans la section 3. En guise de conclusion, nous esquissons les nouvelles
questions de recherche auxquelles notre étude a donné lieu.
3
1. Le rôle de l’Etat dans l’industrialisation : Un rôle à minima vs. un interventionnisme
nécessaire :
L’hypothèse principale des néoclassiques est la suivante : les marchés envoient les bons
signaux aux entrepreneurs et fournissent les ressources nécessaires (capital, technologie,
travail) pour entrer dans des nouvelles industries. Par conséquent, le rôle de l’Etat se limite à
fournir les biens publics (travailleurs qualifiés ou infrastructures) et à établir des règles de jeu
précises. Les néoclassiques sont fondamentalement contre des politiques industrielles
spécifiques et considèrent que l’intégration des pays en développement dans la chaîne
mondiale de production à travers un marché libre suffit pour tirer profit de leurs avantages
comparatifs (Lall 2005). La protection des industries naissantes est non seulement superflue
mais source de comportements rentiers, d’altération de la concurrence et de performances
économiques médiocres.
À l’opposé, les économistes de développement et les structuralistes se font les avocats d’une
intervention active de l’Etat dans l’industrialisation. Les premiers économistes du
développement, notamment Rosentein-Rodan, Fleming, Nurkse, Hirschman et Lewis, ont mis
en évidence l’incapacité des marchés à fournir les capitaux, la technologie et l’entreprenariat
nécessaires pour la mise en place des nouvelles industries. A titre d’exemple, les
imperfections du marché peuvent enrayer l’épargne ou l’allocation efficace des capitaux. Les
risques relatifs à la technologie ainsi que les externalités pécuniaires conduisent au sous-
investissement. La faiblesse ou l’aversion au risque du secteur privé freinent l’entreprenariat.
Toutes ces défaillances justifient pleinement l’intervention de l’Etat.
Les structuralistes (Chenery et Bruno, Prebisch, Furtado, Singer et Myrdal) estiment que les
défaillances du marché et les rigidités–du ratio de l’import ou de l’offre- dans les pays en
développement combinées aux distorsions du commerce international ne génèrent pas de
croissance. L’industrialisation de ces pays nécessite l’intervention de l’Etat et surtout la
substitution des importations et le protectionnisme (pour une bonne revue des théories de
développement voir Dutt et Ros 2003, Dutt 2002, Ros 2000).
Après la crise de la dette des années 1980 et le fiasco des politiques de substitution
d’importations dans certains pays en développement, le courant néoclassique et le scepticisme
vis-à-vis de l’Etat ont dominé à travers ce qu’on appelle le « consensus de Washington »1.
Cependant, les néo-structuralistes estiment que le rôle de l’Etat est toujours vital car, pour
citer Taylor (1992), le développement se déroule selon des processus cumulatifs de
changements distributionnels, institutionnels et technologiques. Le résultat de ces processus
est fortement influencés par les interventions publiques et l’arrière-plan politique.
Paradoxalement, les dragons asiatiques ainsi que la Chine ou l’Inde ont tous suivi des
politiques interventionnistes alors que les performances des pays qui ont suivi le consensus de
Washington sont plus médiocres. De 1980 à 2000, la part des pays de l’Est asiatique dans la
valeur ajoutée manufacturière mondiale est passée de 29 à 58%. A l’opposée, la part des pays
d’Amérique Latine et des Caraïbes, qui ont typiquement suivi le credo du consensus, est
passée de 48 à 22%. De même, la part de ces pays dans les exportations manufacturières
mondiales a baissé de 3,2 à 2,4% alors que les dragons asiatiques ont vu leur part passer de 7
à 18% (Lall 2005).
1 Le consensus de Washington est un ensemble de prescriptions développées par des économistes nord-
américains en termes d’économie politique que l’on peut résumer en trois mots : stabiliser, libéraliser, privatiser
(Rodrik 2008).
4
Les néoclassiques expliquent le succès asiatique par des circonstances particulières à ces pays
que les gouvernements des autres pays en développement ne peuvent pas reproduire à
volonté. Cependant, ils reconnaissent que des réformes institutionnelles sont nécessaires pour
permettre aux marchés de fonctionner efficacement. En somme, il existe une certaine
convergence entre les différents courants autour des synergies entre le marché et l’Etat ;
même si les uns veulent un Etat à minima alors que les autres prescrivent le contraire.
Le développement économique a donc fait l’objet de nombreux travaux avec des arrière-plans
théoriques différents. Cependant, les recherches sur le changement technique ont apporté un
nouvel éclairage sur la question. C’est pour cela que nous avons choisi ici de nous y intéresser
du point du vue évolutionniste. Dans cette perspective, la croissance et le développement
émanent principalement de l’innovation et du changement technique. Les évolutionnistes ont
ainsi démontré que l’intervention de l’Etat permet de combler les défaillances du marché
concernant l’innovation (c’est-à-dire, le changement technique dans un système donné).
Premièrement, l’innovation est une activité risquée dont la réussite commerciale ne peut pas
être toujours prévue. L’innovation est risquée aussi parce que les connaissances nécessaires
n’existent pas toutes en interne et qui faut aller les chercher à l’extérieur de l’entreprise. Par
conséquent, les entreprises peuvent se montrer réticentes à se lancer dans l’innovation.
Deuxièmement, cette dernière peut-être tellement coûteuse que les entreprises se trouvent
incapables de la financer. La recherche de gains à court terme et l’incertitude quant aux fruits
de l’innovation font que les sources de financement externes sont limitées. Troisièmement, les
innovateurs sont motivés par des rentes de monopole que leur confèrent leurs innovations et
tentent de dissuader les imitateurs le plus longtemps possible, à l’aide de droits sur la
propriété intellectuelle, secret, etc.
Le rôle de l’Etat est donc d’entreprendre une ingénierie institutionnelle favorable à
l’innovation (Nelson et Samapt 2001, Edquist 1997, McKelvey 1997). D’après Cimoli et al.
(2006), l’ingénierie institutionnelle affecte les capacités technologiques aussi bien des
individus que des entreprises ainsi que la vitesse à laquelle ils acquièrent les connaissances
nécessaires, les signaux économiques qu’ils perçoivent et la façon avec laquelle ils
interagissent avec des institutions non marchandes. Autrement dit, les lois de propriété
intellectuelle, les fonds publics de soutien à l’innovation, les dépenses nationales d’éducation
entre autres déterminent la capacité systémique à poursuivre le progrès technique.
Dans les pays en développement, l’innovation et le changement passent d’abord par
l’utilisation de technologies déjà existantes pour lancer des nouvelles activités économiques.
Cela paraît simple, les technologies existantes ont fait leurs preuves, sont plus accessibles et
leur prix est abordable. Pourtant, l’utilisation de la technologie pour déclencher
l’industrialisation est plus complexe.
D’une part, pour que des entrepreneurs se saisissent d’une technologie pour initier une
nouvelle activité économique, il faut qu’ils aient une garantie du retour sur investissement.
Rodrik (2001) explique que les entrepreneurs locaux investiront dans des activités nouvelles
et donc risquées s’ils ont sûrs que la rente à partir de cette activité ne sera pas dissipée par les
concurrents étrangers. Dans le même sens, Shapiro (2007) estime que dans les pays en
développement, les entreprises locales peuvent être poussées hors certaines industries si
l’écart de productivité est trop grand entre elles et les concurrents étrangers. Ainsi, l’argument
que List a avancé en 1841 sur la nécessité de protéger les industries naissantes est encore
d’actualité.
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D’autre part, l’utilisation proprement dite d’une technologie nécessite une combinaison
particulière d’investissements fixes (dans les machines), de connaissances, d’expérience et
d’externalités selon la phase du cycle de vie technologique. Perez et Soete (1988) ont été les
premiers à mettre en évidence que l’utilisation d’une technologie de production mature
nécessite des investissements fixes élevés. En revanche, on a moins besoin de connaissances
scientifiques poussées et des techniques pointues ou une très grande expérience pour exploiter
la technologie de production. Les formations, les manuels d’utiliser et les normes ou
standards permettent de combler les lacunes en connaissance. Une localisation avantageuse
(proximité du marché final, réseaux de transport) compte beaucoup dans ce cas. À l’opposée,
un niveau élevé de connaissances scientifiques et techniques est indispensable pour
l’assimilation et l’utilisation d’une technologie émergeante avec un minimum
d’investissements fixes mais une localisation avantageuse.
Deux facettes de l’industrialisation (l’utilisation de la technologie et l’entreprenariat)
demandent donc l’intervention de l’Etat parce que le marché ne peut pas les assurer. D’abord,
un marché libre apporte de la concurrence trop tôt et érode la motivation d’investir
lourdement dans une nouvelle activité. L’Etat apporte la protection nécessaire pour préserver
cette motivation. Puis, c’est aussi le rôle de l’Etat d’investir pour créer des localisations
avantageuses et de former des travailleurs capables d’assimiler des technologies de
production. La nouvelle économie géographique, portée notamment par le prix Nobel Paul
Krugman, a mis en évidence l’importance de la localisation.
Le nombre de participants dans le processus d’industrialisation semble être un facteur capital
pour pouvoir créer de la richesse d’une manière significative, le nombre d’entreprises doit
dépasser un seuil critique. Les premiers économistes du développement avaient étudié la
question et tenté d’esquisser des thèses pour en appréhender les différents aspects. Rosentien-
Rodan (1943) considère que la taille de l’industrie doit être suffisamment grande pour
absorber le surplus des facteurs de production (le travail typiquement dans les pays en
développement) et pour devenir une source considérable de richesse. Fleming (1955) avait
également mis en lumière les interactions entre l’offre des facteurs nécessaires (capital,
technologie, travail) et les économies d’échelle.
Dans une approche évolutionniste de l’industrie allemande des colorants, Murmann (2003)
explique que la première partie de la séquence du développement industriel est l’entrée d’un
grand nombre d’entreprises dans l’industrie. Il en découle que la gestion des facteurs de
production et la recherche des économies d’échelle nécessite un agent coordinateur qui ne
peut être que l’Etat.
Par ailleurs, Lall (2005) explique que la conception de politiques industrielles sélectives se
justifie par 3 éléments : les facteurs de production nécessaires pour une industrie donnée sont
particuliers, les marchés peuvent proposer des facteurs qui correspondent pas aux besoins de
l’industrie, les marchés peuvent ne pas orienter les facteurs de production vers l’industrie en
question. Sachant que les facteurs de production ne sont pas infinis dans une région ou un
pays donné (même avec un apport d’autres régions et pays), l’Etat doit donc assurer aussi une
fonction de sélection. Résumons toutes les actions envisagées que l’État prend en charge :
- Sélection et protection des industries stratégiques
- Incitations à l’entreprenariat
- Coordination des acteurs et marchés
- Investissements nécessaires aux industries stratégiques
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2. Cadre analytique et méthodologie :
En somme, les fonctions de sélection, protection, incitations, investissements et coordination
incombent à l’Etat. Les différentes études empiriques des dragons asiatiques montrent que le
succès de leur industrialisation est dû à une succession d’interventions publiques qui ont
accéléré le passage d’un modèle de production à un autre et en termes de spécialisation
commerciale.
Aussi, nous soutenons que l’industrialisation dépend d’un cadre institutionnel qui prend en
compte les caractéristiques de la technologie de production envisagé. Cependant, un cadre
institutionnel adéquat à l’entrée dans une industrie ne garantit pas le soutien à long terme de
l’industrialisation (sustainable). D’où la nécessité de mettre en place les cadres institutionnels
adéquats tout au long de l’industrialisation. C’est ce que Nelson (2008) appelle « la
coévolution des technologies, des structures des entreprises et des industries et des institutions
administratives et de soutien ». En d’autres termes, l’industrialisation est un processus
dynamique et techno-centré. Cependant, se basant sur ce qui se passe dans les pays
développés, la théorie évolutionniste restreint le cadre de son analyse au rôle du
gouvernement pour favoriser l’émergence et la diffusion de nouvelles technologies.
Or, ce sont les technologies matures qui intéressent les pays en développement, car elles sont
d’un abord plus aisé et demandent un apprentissage plus court. D’où le sujet de notre
recherche sur les possibilités d’une industrialisation soutenable à long terme fondée sur des
technologies matures.
Nous voulons savoir si le choix technologique est un biais qui préfigure le succès future de
l’industrialisation et comment l’évolution des politiques publiques peut assurer ce succès.
Nous nous situons dans le cadre évolutionniste en se basant sur deux notions. La première est
que l’industrialisation constitue une séquence variation-sélection-rétention. Cette séquence
commence par l’entrée d’un nombre important d’entreprises dans une nouvelle industrie,
suivie par une concurrence entre elles qui éliminent les moins compétitives pour finir par la
rétention des celles capables de survivre à cette compétition. La co-évolution, concept exposé
plus haut, consiste à l’évolution simultanée du cycle de vie technologique, des cadres
institutionnels et de la structure industrielle et corporative des différentes entreprises engagées
Nous allons donc réaliser une étude longitudinale de l’industrie de textile et habillement au
Maroc afin d’observer la séquence de variation-sélection-rétention et la co-évolution qui les
aurait accompagné, si elle a eu lieu. D’une part, cette industrie présente des barrières peu
élevées pour les pays en développement. D’autre part, elle a connu trois cycles de croissance
successifs qui ont changé d’une manière considérable la base de la compétition, déplaçant
l’avantage comparatif des vieux pays industrialisés vers leurs voisins moins développés puis
finalement vers les lointaines contrées asiatiques.
7
Sub-contracting cycle
Direct distribution
and Fast fashion
Technical
textiles
The 1970s The 1990s The 2000s
Production
Schéma 1 : Cycle de croissance dans l’industrie T&H
New value
chain
Existing
Value chain
Architecture
innovation:
Sub-
contracting
Fast-fashion
Incremantal
innovationExisting
technology
Radical
innovation
Platform
innovation
New
technology
Schéma 2: Typlogie des innovations
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2.1 Cycles de croissance dans l’industrie T&H:
Alors que les machines sont généralement standardisées dans l’industrie T&H, de nouveaux
modes de production et de distribution ont chamboulé les positions des différents acteurs
mondiaux depuis 4 décennies. Les années 1970 ont vu émerger le cycle de la sous-traitance
grâce aux codes barres qui permettent de faire remonter l’information du terrain sur les goûts
des consommateurs plus rapidement vers les centres de productions et leur prise en compte
dans les ajustements de l’offre possible. Les grands détaillants comme Wall Mart (un pionnier
dans ce cycle) définissent une nouvelle chaîne de valeur en commandant en grande quantité
des produits standards ou bas de gamme non à leurs fournisseurs traditionnels (locaux) mais à
plusieurs fournisseurs moins coûteux de par le monde entier. En revanche, des petites
commandes s’adressent fréquemment à des fournisseurs plus proches du marché final qui
offrent le meilleur prix et livrent juste à temps. Dans cette nouvelle organisation de la chaîne
d’approvisionnement, les détaillants occupent une position centrale. Cette nouvelle
organisation ouvre des créneaux pour les pays en développement dont la main d’œuvre est
bon marché n’ont pas tardé à saisir. La cadence de production dépend donc des commandes
que les détaillants passent via des centrales d’achat auprès des confectionneurs. En outre, ils
en définissent les termes en fournissant aussi les tissus, les accessoires et les patrons ainsi que
le seuil de malfaçon toléré pour réceptionner au bout de quelques semaines les produits finis.
L’accord multifibre (AMF) signé en 1974 était le principal outil pour réguler la concurrence
entre les pays en développement à travers les quotas (Nordas 2004).
Dans les années 1990, l’industrie T&H a dû faire face à une croissance faible de la demande
mondiale, car les consommateurs consacraient un pourcentage de moins en moins important à
l’habillement. Pour pallier à cette faible croissance, les industriels et les détaillants ont cultivé
le goût de la variété en offrant une large gamme de couleurs, de tailles et de styles. L’étape
suivante, celle de la « fast fashion », s’est basée sur des séries de production limitées et des
collections renouvelées régulièrement afin d’inciter les consommateurs à acheter tout le long
de l’année. La vente en détail a également connu un changement majeur avec l’arrivée de la
distribution directe, c’est-à-dire un réseau de magasins dédiées à une seule marque. Les
détaillants (Zara et Mongo en étaient des pionniers) ont mis en place une nouvelle
organisation employant un nombre limité d’intermédiaires et délocalisant progressivement
les fonctions de la chaîne de valeur (Fianti et al. 2006). Les chaînes de distribution mono-
marque constituent une innovation dans l’architecture de la production et de la distribution,
car elles court-circuitent les centrales d’achats en deçà d’un certain volume et traitent
directement avec les fabricants. Ceux-ci ont été alors conduits à développer des relations
directes avec leurs fournisseurs de textiles et d’accessoires ainsi qu’à internaliser les fonctions
comme le design ou le marketing. L’avantage comparatif d’un confectionneur devient dès
lors, en plus de la maîtrise des coûts de production, la flexibilité de la production et les délais
de livraison ; ce qui a représenté une nouvelle opportunité pour les pays en développement à
proximité des grands marchés européens et américains comme le Mexique, les caraïbes, les
pays de la rive sud de la Méditerranée et les pays de l’Europe de l’Est. Les confectionneurs
dans ces pays ont créé les fonctions de design, de marketing, d’achat et de logistique en
interne et se sont mis en relations avec des fournisseurs nationaux et internationaux de tissus
et accessoires.
Le prochain cycle de croissance semble se baser sur les textiles techniques pour développer
des produits dont les fonctionnalités et les propriétés totalement inédites (innovation de
plateforme ou innovation radicale). Les nanotechnologies permettraient d’améliorer la
fonction des vêtements (fonction antibactérienne, imperméabilité), d’accroître leurs
performances (protection contre les UV, fonction antiradiation) ou de créer une mode
innovante (Kaounides et al. 2007). Les avancées dans l’électronique permettraient de
9
développer des vêtements intelligents avec des appareils de divertissement et de
communication, des ordinateurs portables sur soi ou des vêtements dynamiques pour
expression artistique (Meoli et May-Plumlee 2002, Berzowska 2005, Kaounides et al. 2007).
En somme, les codes barres, la délocalisation de certaines fonctions de la chaîne de valeur et
la réorganisation de la distribution ont créé des opportunités pour les pays en développement
dont le travail était bon marché (pour diversifier la production et les exportations, et créer des
emplois).
2.2 Hypothèses et méthodologie :
Pour rappel, notre question de recherche est la suivante : est-ce que l’industrialisation à long
terme est possible lorsque la technologie est mature et est ce qu’elle peut s’appuyer
uniquement sur des politiques génériques? Pour répondre à cette question dans le cas de
l’industrie marocaine de T&H nous faisons les hypothèses suivantes :
- L’industrie marocaine de T&H a émergé parce que le Maroc avait l’avantage
comparatif correspondant au stade de la sous-traitance de masse dans les années 1970.
- Les incitations génériques (adressées à toutes les industries) à l’investissement et à
l’exportation combinées aux signaux du marché ont suffit pour attirer les entreprises
dans l’industrie T&H marocaine,
- L’accès facile de pays encore plus compétitifs en termes de coût à l’industrie T&H et
l’avènement du cycle de la fast fashion ont poussé les entreprises et l’Etat marocains à
procéder à des ajustements pour rester compétitifs.
- Pour rester compétitives dans le nouveau cycle, les entreprises marocaines ont intégré
les fonctions de design, de marketing, d’achat et de logistique en interne et se sont
mises en relations avec les fournisseurs nationaux et internationaux de tissus et
accessoires.
- L’Etat marocain a mis en place des politiques publiques pour accompagner
spécifiquement l’industrie T&H.
Pour valider nos hypothèses, nous réalisons une étude de l’industrie marocaine de T&H de
1980 à 2007. Cette étude consiste à :
- Mesurer les performances de l’industrie T&H en termes d’investissement, d’emploi et
d’exportations,
- Identifier l’avantage comparatif au début et à la fin de la période,
- Analyser les politiques publiques et leur évolution durant ladite période,
- Examiner l’organisation ou la réorganisation de l’industrie durant ladite période.
Cette industrie, stratégique pour la majorité des pays en développement et non seulement pour
le Maroc, a été largement étudiée. Nous nous baserons donc sur les études, enquêtes et
rapports produits ainsi que sur les bases de données statistiques au niveau national et
international.
10
3. L’industrie du textile au Maroc:
Le Maroc a et continue d’avoir un large secteur informel essentiellement pour l’habit
traditionnel tout en développant un secteur industriel intégré au marché mondial à partir des
années 19702. Ce dernier a connu son essor au cours du cycle de la sous-traitance et une
deuxième renaissance durant le cycle de la « fast fashion ». Les exportations T&H
(notamment l’habillement) ont été multipliées par 100 entre 1962 et 1990 faisant de cette
industrie la première (24%) au niveau national au même titre que pour l’emploi (41%) en
20073. En termes de valeur ajoutée, le secteur formel a progressivement dominé le secteur
informel comme le rapport entre eux est passé de 66/34% en 1980 à 37/63% en 1998
(Belghazi 2005b). dans ce qui suit, nous allons mettre en lumière comment cette industrie a
évolué en fonction de l’ingénierie institutionnelle et la réorganisation de l’industrie au fur et à
mesure que la base de compétition changeait. La présence de différents types d’entreprises ont
permis à l’industrie T&H d’émerger mais aussi de se réorganiser et en voici une taxonomie :
Microenterprises: focus on handicraft, subcontracting and production for domestic market.
Local producers: produce for the domestic market and use local subcontractors or a network
of microenterprises managed by merchants- collectors.
Local subcontractors: produce for exporters or for local producers or even foreign prime
manufacturers.
Subcontractors-exporters: formal small and medium enterprises (SMEs) producing for
foreign prime manufacturers.
Producers-exporters: large formal companies producing for stable foreign prime
manufacturers and domestic up-market. Encadré 1: Taxonomie des entreprises marocaines de textile et habillement (l’auteur et Belghazi 2005a).
2 Les entreprises formelles sont minoritaires dans l’industrie T&H au Maroc. Le recensement économique de 2002 fait état
de 44.217 unités dans cette industrie alors que le ministère de l’industrie ne compte que 1800 entreprises déclarées. Le
secteur informel compte les ateliers de couture traditionnelle ainsi que les ateliers clandestins créés par les contremaîtres qui
quittent les entreprises formelles. Ces derniers peuvent fabriquer tous types de vêtements. Ce sont des entreprises familiales
qui ont évolué vers des modèles capitalistes même si ce n’est pas irréversible. L’organisation de la production y est similaire
à celle des entreprises formelles mais pour des tailles beaucoup plus réduites. D’après Bleghazi (2005b), ces entreprises
informelles ne se sont jamais transformées en formelles à cause des charges patronales et fiscales ainsi que de leur faible
productivité. De plus, le niveau élevé des investissements fixes pour mettre en place les lignes de production ont certainement
fini par dissuader les entreprises informelles à avoir pignon sur rue. 3 Base de données du ministère marocain de commerce et de l’industrie http://intranet.mcinet.gov.ma/.
11
3.1 Cycles de croissance du T&H et les performances de l’industrie marocaine :
L’industrie marocaine de T&H a connu son essor au cours du cycle de la sous-traitance de
masse à la fin des années 1970. Cependant, elle fait face à une première crise au début des
années 1990 avec la guerre du golf comme déclencheur mais surtout à cause d’une hausse
sensible des salaires. Cette industrie connut une deuxième renaissance durant le cycle de la
« fast fashion » et un relèvement des performances à la fin des années 1990.
Investment (in tousands US$) Exports (in tousands US$) Employees
1980 40 000 121 788 62 711
1984 43 000 115 409 57 586
1987 80 000 164 696 68 082
1990 160 000 202 645 101 110
1991 205 000 186 103 113 043
1992 180 000 177 912 127 687
1993 140 000 165 212 132 219
1994 133 000 155 345 141 683
1995 173 000 177 199 145 078
1996 200 000 158 362 156 909
1997 200 000 134 924 171 313
1998 210 000 128 497 189 946
1999 252 000 131 008 211 500
2001 NA 143 058 200 000
2002 NA 138 219 292 747
2006 120 000 241 895 195 910
2007 153 000 325 969 187 761
Source: HCP and UNO Comtrade database. SITC Rev 1.
Schéma 3: Performance des entreprises marocaines de 1980 à 2007.
Source: HCP and UNO Comtrade database. Traitement de l’auteur
12
3.1.1 La sous-traitance de masse et les années textile :
Le début des années 1980 ont connu l’entrée des entreprises marocaines sur le marché
mondial grâce au cycle de la sous-traitance. Elles ont principalement bénéficié des incitations
publiques que nous détaillerons dans la section 3.2 ; de l’accès préférentiel au marché
européen et la protection douanière. A cette époque, les pays asiatiques avaient un accès
limité au marché européen dans le cadre du AMF. Les années 1980 étaient les années textile
par excellence car il était facile de trouver des commandes et gagner de l’argent.
Les salaires bas et la proximité de l’Europe étaient des avantages comparatifs stratégiques à
cette époque pour que les entreprises marocaines se positionnent sur le marché de
l’habillement comme sous-traitantes. Elles recevaient des donneurs d’ordre (les centrales
d’achat des détaillants) le tissu, les patrons et les accessoires et réexpédiaient les vêtements
assemblés. Les donneurs d’ordre étaient soit des entreprises qui délocalisaient soit des
centrales d’achat ou des détaillants avec noms de marque et circuits de distribution. Ainsi, le
nombre des entreprises est passé de 670 à 1900 entre 1984 et 1992 dans l’industrie marocaine
du T&H.
3.1.2 La fast fashion et la restructuration de l’industrie T&H :
Les années 1990 peuvent être baptisées les années de restructuration pour l’industrie
marocaine de T&H qui a dû faire face à une sérieuse crise de compétitivité pour plusieurs
raisons. Premièrement, le salaire moyen au Maroc a augmenté de 30% entre 1985 et 1990 (de
1230 à 1954 dhs) alors que les pays asiatiques, avec des salaires encore plus bas, faisaient leur
entrée. Deuxièmement, la baisse du prix final, sur le marché européen, s’est répercutée sur le
prix à l’export d’autant plus que le taux de change de la monnaie marocaine avait
augmenté (Belghazi 2005a). De plus, la faiblesse de l’offre textile, la bureaucratie, le coût
levé de la facture énergétique et du crédit (notamment avec la suppression des lignes de crédit
à l’export) n’ont fait que dégrader la situation (HCP 2000, ministère marocain de l’économie
et des finances 2000 et Okessou 2001).
Par conséquent, les exportations marocaines ont baissé durant cette décennie alors que
l’emploi et l’investissement ont évolué en dents-de-scie. Environ 500 entreprises ont péri
alors que la rentabilité (la marge nette) a baissé puisque une plus grande part de la valeur
ajoutée rémunérait le travail ( Duhautois et al. 2007, Belghazi 2005a).
Malgré une crise sans précèdent, les années 1990 ont apporté des opportunités avec la fast
fashion et ont connu une restructuration de l’industrie marocaine du T&H. Ce qui a permis à
cette dernière de survivre. Les besoins des clients en délais de livraison plus courts, en
flexibilité pour produire des petites séries ainsi que l’externalisation de certaines fonctions de
la chaîne de valeur par les distributeurs des mono-marques ont rendu les concurrents
asiatiques moins compétitifs par rapport aux pays plus proches du marché européen.
Face à une compétition de plus en plus dure, un premier groupe des entreprises marocaines de
T&H a choisi de maintenir l’avantage comparatif des bas coûts. Elles ont recruté des femmes
ou des travailleurs inexpérimentés qui acceptaient des salaires plus bas ou ont sous-traité chez
des entreprises informelles (Belghazi 2006, 2005b). Selon Laval et al. (2000), 43% des sous-
traitants marocains ont choisi cette stratégie alors qu’elle est marquée par une forte instabilité
de la main d’œuvre et de la demande, des relations commerciales à court terme et une trop
grande diversité des produits fabriqués.
13
Un autre groupe des sous-traitants marocains (17%) se sont positionnés sur une sous-traitance
« qualité conforme » en respectant scrupuleusement les cahiers de charge des donneurs
d’ordre. Cette stratégie s’est traduite par la réorganisation de la production en filiales plus
petites et spécialisées sur un nombre réduit de produit (2 ou 3). Cette spécialisation a permis
des gains de productivité, une plus grande flexibilité et une meilleure collaboration entre
différentes entreprises (puisqu’elles appartenaient à la même personne). Ce groupe
d’entreprises est celui qui a le plus bénéficié de la fast fashion et de la nouvelles chaîne de
valeur. Elles ont internalisé les fonctions de logistique, de marketing et parfois de design que
les distributeurs mono-marque (principaux acteurs) ont externalisées.
Les deux stratégies de sous-traitance semblent avoir été efficaces car leurs parts de marché
ont augmenté significativement entre 1992 et 1999. D’après Belghazi (2005a), leur part a
augmenté de 6,7% à 23,8% en bonneterie et de 26,8 à 40,8% en habillement.
Le dernier groupe, constitué notamment par les grandes entreprises ayant des relations stables
avec leurs clients, a évolué vers le co-traitance. Ces entreprises ont investi dans des nouveaux
équipements et recruté les meilleurs travailleurs et managers de la place pour augmenté leur
productivité. Elles ont parfois intégré l’ensemble de la chaîne de valeur allant du design
jusqu’à la logistique et développé leur capacité d’innover. Il faut signaler qu’une partie de la
production de ce groupe a été redirigé vers le marché local du haut de gamme afin de tirer
profit de cette demande solvable, de réduire les charges fixes, constituer des réserves
financières et tester les produits avant de les exporter. Selon Belghazi (2005a), leur part du
marché domestique est passée de 41 à 43,3% en bonneterie et de 25,7 à 34,3% en habillement
alors que leur part des exportations est passée de 92,5 à 75,7% et de 72,6 à 58,7%
respectivement. Ce groupe d’entreprises marocaines se positionne sur ce segment en amont
des détenteurs de marques connues (Diesel, Lacoste par exemple) et prend en charge
l’ensemble de la chaîne de valeur.
En somme, les nouvelles stratégies industrielles (que nous détaillerions dans la section qui
suit) ont permis une reprise des exportations marocaines de T&H, une stabilisation de la
production, de la valeur ajoutée et de la population des entreprises dans les années 2000. Ces
nouvelles stratégies ont été soutenues, comme nous le verrons, par des mesures
institutionnelles.
Au niveau de l’industrie, la restructuration s’est illustrée par l’apparition des micro-
entreprises (souvent informelles) qui ont pris en charge la sous-traitance. L’industrie a
également connu une intégration en amont avec une offre un peu plus étoffé pour le textile et
en aval pour intégrer les contraintes logistiques imposées par les clients. L’industrie a
également diversifié ses débouchées en réorientant une partie de la production vers le segment
haut de gamme du marché local. Mais les marques marocaines ne sont pas très connues pour
le moment.
Dans la section suivante, nous examinerons comment les actions de l’Etat génériques et
spécifiques ont influencé l’entrée des entreprises dans l’industrie T&H, l’intensité de la
concurrence et l’émergence de « champions ».
14
3.2 L’Etat et l’ingénierie institutionnelle:
À l’exception du gouvernement de 1960-1964, tous les gouvernements marocains ont
invariablement mis en place des mesures pour encourager le secteur privé, l’export et la
création d’emploi. Les politiques publiques se sont focalisées sur l’agriculture exportatrice, le
tourisme et les industries légères. L’industrie chimique, l’industrie T&H et l’agroalimentaire
ont émergé progressivement sur la base des avantages comparatifs du Maroc. Ainsi,
l’industrie chimique s’est développée pour valoriser le phosphate, la matière première la plus
importante du pays. L’industrie T&H a profité du travail bon marché et de la proximité de
l’Europe alors que l’agroalimentaire a transformé les produits agricoles et les produits de la
mer.
3.2.1 Politiques génériques et réservation du marché :
Dans les années 1970, l’Etat marocain a mis en place un centre et un code des exportateurs
afin de promouvoir l’exportation des produits manufacturiers. Il a également instauré une
exonération de la taxe sur les bénéfices pendant 10 ans dans le même but. Le code des
investissements a tenté d’attirer les investisseurs étrangers en garantissant le transfert de
dividendes et le re-transfert des capitaux aux pays d’origine4. La crise de la dette au début des
années 1980 a conduit au plan d’ajustement structurel sous le contrôle de la Banque Mondiale
et le Fonds Monétaire International. Dans le cadre de ce plan, il s’agissait de promouvoir les
exportations, de libéraliser les marchés, de déréglementer les prix, de dévaluer la monnaie
marocaine, de réformer la fiscalité et de réduire le rôle de l’Etat dans la production et la
coordination de l’économie.
Au-delà des incitations à l’investissement et à l’export, le Maroc avait signé un arrangement
textile avec l’Union Européenne en 1978 qui exonérait les exportations marocaines des droits
de douane. Cet accord a coïncidé avec l’expansion de la sous-traitance. Plus tard dans les
années 1980, les entreprises européennes ont bénéficié d’exonération de droits de douane
lorsqu’elles délocalisaient la production dans les pays du sud et de l’Est de la Méditerranée.
Enfin, l’industrie marocaine naissante de T&H a bénéficié d’une protection douanière
longtemps même après les réformes de libéralisation. En effet, les barrières tarifaires et non
tarifaires ont commencé à baisser effectivement à partir de 1993 (Belghazi 2005a,
Chaponnière 2003).
3.2.2 Politiques spécifiques et coopération État industriels :
Durant les années 1990, le gouvernement marocain a mis en place de nouvelles incitations
pour soutenir les industries. Des exonérations fiscales ont bénéficié aux investissements
supérieurs à 500 millions de dhs et aux investissements dans les régions défavorisées du
Maroc. Les importations des véhicules et des machines ont été exonérées des droits de douane
alors que les produits manufacturés et les services ont été exonérés des certaines taxes
(Ministère marocain de l’économie et des finances 2000). Des lignes de crédit et de garantie
ont été établies pour promouvoir la mise à niveau de la compétitivité, la dépollution,
l’immobilier et la création d’entreprises. D’autres lignes de crédit européennes ont mis en
place pour inciter les entreprises marocaines à acquérir des produits et services de l’Europe.
Les lignes de crédit des pays arabes et musulmans promouvaient la création d’entreprises, les
exportations et le commerce. Enfin, le cadre institutionnel a été renforcé pour améliorer le
4 Ce code d’investissement a été mis en place au même temps que l’opération de la marocanisation qui rendait obligatoire une
prise de participation par les marocains dans toutes les entreprises à hauteur de 50%. Cette obligation a été supprimée dans le
cadre du plan d’ajustement structurel dans les années 1980.
15
climat des affaires à travers la création des tribunaux de commerce et des agences
d’investissement, la promulgation de lois, les fonds de développement, etc.
Durant cette décennie, le gouvernement et les industriels du T&H représentés par l’AMITH5
ont mis sur pied, pour la première fois, une coopération fructueuse pour pallier les difficultés
de l’industrie. Des mesures spécifiques ont également été mises en place dans le domaine de
la formation professionnelle dans le T&H car une des difficultés été justement le manque de
travailleurs qualifiés. En effet, les entreprises marocaines avaient besoin de travailleurs peu
qualifiés dans les années 1980 mais, les changements liés à la fast fashion, l’internalisation de
plusieurs fonctions supplémentaires et l’accroissement de la concurrence ont changé la
donne.
Le Maroc s’était doté de centres de formation professionnelle dans le T&H, géré par l’office
de la formation professionnelle et la promotion du travail (OFPPT). Néanmoins, le système de
formation T&H a connu une véritable impulsion durant les années 1990. L’école supérieure
de textile et d’habillement (ESITH) a été créée en 1996 pour former des techniciens
spécialisés, des ingénieurs et des designers et pour prendre en charge la formation continue.
Les industriels ont été, pour la première fois, responsables de la programmation pédagogique
et de la gestion financière de l’ESITH. En 2008, cette dernière formait 300 ingénieurs, 330
étudiants en licence professionnelle et 90 étudiants en master.
L’OFPPT et l’AMITH ont également mis sur pied des programmes de formation en
alternance et des formations contractuelles au profit des entreprises. Aussi, un accord entre
l’AMITH et le gouvernement a été signé pour créer un GIAC (Groupement Interprofessionnel
d'Aide au Conseil) qui a reçu 3 millions de dhs d’aides publiques afin de prendre en charge
l’ingénierie de la formation continue des entreprises (Benkerroum et El Yacoubi 2006,
Medddab 2000).
En 1999, 13 centres de formation professionnelle étaient alloués au textile et à l’habillement,
supervisés par l’OFPPT et l’AMITH. Ces derniers décident des priorités en termes de
formation, évaluent les résultats des centres et restructurent les centres défaillants. Il existe
dans ces centres :
- 4 filières de spécialisation en habillement pour les diplômés du primaire.
- 1 filière de qualification en habillement pour les étudiants n’ayant pas achevé le
premier cycle de l’éducation secondaire (collège).
- 1 filière pour techniciens en habillement pour les étudiants n’ayant pas achevé le
deuxième cycle de l’éducation secondaire (lycée).
- 1 filière pour techniciens spécialisés en habillement pour les bacheliers.
- 1 filière pour techniciens spécialisés en textile pour les bacheliers.
- 2 filières pour techniciens en textile pour les étudiants n’ayant pas achevé le deuxième
cycle de l’éducation secondaire (lycée).
- 3 filières pour techniciens de qualification en textile pour les étudiants n’ayant pas
achevé le premier cycle de l’éducation secondaire (collège).
Selon, l’enquête économique du Haut Commissariat au plan de 1998, les entreprises T&H
déclarent employer 40% de travailleurs qualifiés, 3% de techniciens et 49% de travailleurs
non qualifiés.
5 L’association marocaine du textile et de l’habillement.
16
Durant les années 2000, l’ingénierie institutionnelle a été plus focalisée dans la mesure ou
l’AMITH et le gouvernement ont renforcé leur coopération pour achever le développement en
amont de la filière textile et améliorer l’offre de formation. L’accord signé entre les deux
parties en 2002 encourage surtout l’augmentation de la productivité et non seulement la
réduction des coûts afin d’améliorer la compétitivité de l’industrie. Selon les termes de cet
accord, le gouvernement marocain s’est engagé à réduire le coût du capital fixe et la
circulation des actifs, la facture énergétique pour les entreprises de textile et les taxes sur la
masse salariale de 50% sur les salaires inférieurs à 2500 dhs6. De son côté, l’AMITH s’est
engagée à promouvoir la formation et l’alphabétisation fonctionnelle (écrire/lire et initiation
au calcul) ainsi qu’à améliorer les conditions de travail dans les entreprises. L’AMITH a
entrepris de faire bénéficier 45.000 travailleurs de la formation professionnelle, alphabétiser
50.000 personnes et former 30.000 apprentis à la fin de 2010. l’ensemble des bénéficiaires
représente environ la moitié des travailleurs dans l’industrie T&H au Maroc.
En 2005, l’accord multifibre ayant pris fin, le gouvernement a signé un nouvel accord avec
l’AMITH sur la mise œuvre du plan Emergence relatif à l’amélioration des performance du
T&H. Ce plan se basait sur la réduction des coûts, la diversification des marchés, la montée en
gamme et la transformation des entreprises en co-traitants et en fabricants de produits finis. Le
design, la logistique et l’offre de travailleurs qualifiés s’avèrent nécessaires pour réussir cette
transformation. Le plan Emergence fournit des outils spécifiques : une assistance à la mise à
niveau technique, un fonds de garantie pour la restructuration financière des entreprises, le
démantèlement des barrières douanières sur les matières premières et les produits
intermédiaires, la promotion des plates-formes d’export et le financement et la stimulation de
l’investissement à travers le fonds Hassan II pour le développement économique et social. A
l’horizon de 2013, l’industrie T&C devrait contribuer au PIB à hauteur de 3 milliards de dhs
et créer 32.000 nouveaux emplois.
En somme, l’industrie marocaine de T&H s’est restructurée dans un nouvel environnement
façonné par des politiques publiques un peu plus spécifiques et par les opportunités offertes
par le cycle de la fast fashion et la coopération entre l’Etat et les industriels. D’une part, les
incitations publiques destinées à toutes les industries ont encouragé les investissements
nécessaires pour réaliser la transformation en co-traitants ou la réorganisation en petites unités
dans le cadre de la sous-traitance « qualité conforme ». D’autre part, la coopération public-
privé en matière de formation professionnelle a permis de fournir les travailleurs spécialisés et
les contremaîtres efficaces qui ont amélioré la qualité, la flexibilité et la réactivité des
entreprises marocaines vis-à-vis de leurs clients. Cet effort a également permis de former des
designers et des ingénieurs dont les grandes entreprises avaient besoin pour devenir co-
traitantes. Enfin, la mobilisation du secteur informel a maintenu la stratégie de sous-traitance
low-cost de certaines entreprises marocaines. Le réseau informel s’avère crucial pour
l’industrie marocaine T&H car il absorbe le surplus de travail et les fluctuations de la
demande tout en formant les diplômés de la formation professionnelle qui iront ensuite dans
des entreprises formelles.
6 La majorité des travailleurs dans l’industrie T&H sont payés au SMIC c’est-à-dire 2000dhs.
17
3.3 Discussion :
Notre étude montre bien que l’industrie marocaine de T&H est née et s’est développée selon
une logique évolutionniste. D’abord, il y a eu une entrée d’entreprises dans le segment
d’exportation encouragée par les incitations publiques, l’arrangement textile avec l’Europe,
l’accord multifibre et les droits de douane protectionnistes. Puis, la concurrence a augmenté
au fur et à mesure du démantèlement des quotas et des droits de douane ; ce qui a conduit à
l’élimination des entreprises les plus faibles. Ensuite, les plus compétitives ont pu bénéficié
par la suite de mesures publiques plus spécifiques.
Ceci dit, l’étude de l’industrie marocaine de T&H a confirmé les conséquences du biais
technologique dans l’industrialisation. Les caractéristiques de la technologie T&H
correspondait au départ au niveau du développement du Maroc. Les équipements standardisés
ont permis aux industriels marocains de bénéficier des connaissances et expériences
accumulées dans ce secteur. Malgré le coût élevé des lignes de production, il s’est trouvé des
investisseurs suffisamment motivés pour se lancer dans l’industrie naissante. Les travailleurs
marocains avaient les compétences de base requises pour fabriquer les articles demandés
tandis que la proximité de l’Europe, les infrastructures de transport et les facilités de
communication ont fait du Maroc une localisation privilégiée pour la sous-traitance.
Notre seconde hypothèse est que l’Etat peut mettre en place des mesures génériques pour
lancer l’industrialisation. Ce n’est pas tout à fait le cas pour l’industrie T&H dans la mesure
où l’arrangement textile est une mesure spécifique qui a incité les entreprises à entrer dans
cette industrie naissante parce qu’elles avaient un accès garanti et privilégié au marché. En
revanche, au début des années 1990, l’Etat n’a pas mis en place des mesures suffisamment
spécifiques pour soutenir l’industrie T&H face à la crise. Cette dernière avait besoin de
mesures ciblées en termes d’éducation, de marketing, d’intégration en amont et d’assistance
technique pour rester compétitive. Comme ce n’était pas le cas, les capacités des entreprises et
des travailleurs ont stagné et les performances de l’industrie se sont détériorées. À partir du
milieu des années 1990 et jusqu’à 2007, la coopération entre l’AMITH et le gouvernement a
amélioré les capacités des entreprises et des travailleurs et donc la compétitivité de l’ensemble
de l’industrie. Ainsi, comme nous l’avons supposé, l’ingénierie institutionnelle ne doit pas
seulement garantir l’entrée des entreprises dans l’industrie naissante mais également sa
maturation et sa pérennisation. En d’autres termes, la coévolution entre technologies,
institutions et organisations.
Cette ingénierie nécessite une sorte d’anticipation de la dynamique de l’industrie en question
que le gouvernement et les industriels marocains ont parfois ratée. Ils ont eu souvent une
attitude réactive plus que proactive vis-à-vis du marché et de la concurrence. Les ajustements
en termes de formation sont arrivés bien après le début de la crise des années 1990 alors que
les entreprises ont commencé à se réorganiser à la fin de la décennie et que l’intégration en
amont a démarré au milieu des années 2000 surtout parce que le ministre de l’industrie était
l’ancien président de l’AMITH. Aussi, le nouveau cycle qui émerge actuellement, qui se base
sur les textiles techniques pour créer des vêtements innovants, est ignoré par le Maroc qui
continue à exploiter la fast fashion.
18
Il s’avère enfin que dans l’ère de la mondialisation, l’intervention de l’Etat comprend des
outils traditionnels comme le protectionnisme mais aussi des outils supranationaux comme
l’accord multifibre ou la politique européenne de délocalisation. Ces derniers ont d’abord
maintenu artificiellement la compétitivité les entreprises marocaines en les protégeant de la
concurrence asiatique. Le démantèlement de l’AMF et de l’arrangement textile a sonné
comme une libéralisation trop vite et top tôt pour le Maroc.
Conclusion :
Notre étude de l’industrie T&H au Maroc donne lieu à des nouvelles questions que nous
esquissons ici. D’abord, il n’y a eu que des politiques spécifiques dans le cas de l’industrie
marocaine de T&H. Est-ce un cas particulier ou est-ce que le développement industriel
nécessite forcément une sélection en termes des industries et des soutiens à leur apporter ?.
Ensuite, le manque d’anticipation dans le cas d’une industrie stratégique sur celle du T&H
pour le Maroc pose la question des arrangements institutionnels qui peuvent assurer cette
anticipation. Plus généralement, quel type d’ingénierie peut anticiper ce qui est requis quand
un cycle de croissance décline et un autre émerge ?
Par ailleurs, l’accord multifibre et l’arrangement textile avec l’Europe servaient d’abord les
intérêts des pays développés . Les pays en développement n’ont profité que des retombées de
ces accords. Il n’est pas clair dans quelle mesure les pays en développement pourrait
manipuler des outils supranationaux en leur faveur alors que leur marge de manœuvre en
termes de politiques nationales se réduit comme peau de chagrin sous les nouvelles lois du
commerce international et de propriété intellectuelle? Enfin, il semble que l’Etat marocain soit
mieux armé depuis le début des années 2000 pour mettre en œuvre des politiques spécifiques
avec des résultats pour telle ou telle industrie (plan Azur pour le tourisme et le plan
émergence pour certaines industries). Est-ce dû à un apprentissage institutionnel de l’Etat ?
Est-ce le résultat d’assistance technique plus efficace de la part des donateurs, institutions et
autres cabinets de conseil ? Des travaux de recherche devraient s’attaquer à toutes ces
questions.
19
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