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FINANCE 4 – LES PRINCIPALES METHODES D’EVALUATION FINANCIERE DE L’ENTREPRISE « I l ne faut pas demander à l 'ar t i s t e p lus qu ' i l ne peut donner , n i au c r i t ique p lus qu ' i l ne peut vo i r » Georges Braque
INTRODUCTION
Comment déterminer la valeur d’une entreprise ? S’il existe bien, pour les cédants comme
pour l’acquéreur, un sujet délicat à traiter, c’est celui de la valorisation de l’entreprise, objet
du processus de cession. Il existe de nombreuses méthodes d’évaluation de l’entreprise, et
cette diversité nous montre bien qu’aucune d’entre elles n’est parfaite.
La vraie question est donc de trouver le modèle qui approcherait au plus près la
valeur « réelle » de l’entreprise, ou de combiner les différentes méthodes de façon à
envisager plusieurs possibilités et calculer alors une fourchette de prix.
Retenons les principales méthodes :
• Les méthodes patrimoniales,
• Les méthodes fondées sur les flux futurs de revenus actualisés,
• Les méthodes de multiples,
• La méthode fondée sur l’EVA ou Valeur Ajoutée Economique,
• Les méthodes mixtes, qui associent dans l’évaluation, la méthode des flux et celle
patrimoniale.
Thèmes traités par fiches
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FICHE 44 – L’EVALUATION D’ENTREPRISE PAR LA METHODE PATRIMONIALE
Définition
Les méthodes de valorisation patrimoniales, aussi appelées statiques, sont d’essence
comptable. La valorisation des capitaux propres est directement extraite de la lecture du
bilan. On retranche les dettes financières nettes pour obtenir la valeur des capitaux propres.
Méthode
L’approche patrimoniale correspond à la lecture directe du bilan de l’entreprise.
La méthode d’évaluation patrimoniale consiste à « évaluer le niveau de patrimoine
détenu par les associés au travers de l’entreprise »1. En d’autres termes, il s’agit
schématiquement de déterminer l’ensemble des biens que possède l’entreprise (son
« actif ») et d’y soustraire la valeur des dettes qu’elle détient (« ce qu’elle doit ») afin
d’obtenir la situation nette comptable (« valeur de ses fonds propres ») à l’instant t comme
résumé ci-dessous :
Principe de la méthode patrimoniale
Situation nette comptable
(1)-(2) Actif
= ce que l’entreprise possède
(1) Passif exigible
= ce que l’entreprise doit
(2)
. Il existe deux démarches d’application pratique de cette méthode :
l’ANC : Actif Net Comptable
l’ANR : Actif Net Retraité
L’ANC donne une valeur comptable de l’entreprise. En effet, le calcul de l’ANC
repose sur le principe du coût historique c’est-à-dire la prise en compte de la valeur
d’acquisition des biens, diminuée des amortissements soit les valeurs nettes comptables des
actifs.
1 Guide du responsable comptable et financier – LAMY SA – Avril 2006 (p 355-1)
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En pratique, il s’agit de prendre la VNC de l’ensemble des actifs de l’entreprise et d’y
soustraire les dettes, provisions et les actifs fictifs (c'est-à-dire charge présente à l’actif et ne
pouvant être revendue, tels que les frais d’établissements, frais de recherche et
développement…). Notons que seuls les biens dont l’entreprise est propriétaire sont retenus,
ce qui revient à exclure notamment les biens en crédit-bail. Cependant, cette démarche est
aisément critiquable car l’ANC revient à donner une valeur « passée » à une entreprise
évaluée à l’instant t. C’est pourquoi la pratique privilégie l’approche patrimoniale par la
détermination de l’Actif Net Retraité.
L’ANR, en se basant sur la valeur réelle des actifs, fournit une valeur économique de
l’entreprise. Contrairement à l’Actif Net Comptable qui s’appuie sur le coût historique, l’ANR
se fonde sur la détermination de plus ou moins-values des actifs immobilisés
(immobilisations corporelles, incorporelles, financières) et circulants (stocks, clients,
disponibilités), permettant ainsi leur réévaluation à la date t.
Concrètement, l’application de l’ANR passe par deux types de retraitement : le
retraitement de la valeur comptable vers la valeur économique de l’actif et du passif, et le
retraitement de l’exploitation (du hors-exploitation). Ceci nécessite le recours à des experts.
L’exemple le plus fréquemment cité concerne l’évaluation des immeubles.
Ainsi, ceux-ci sont réévalués à la valeur de marché. De même, les actifs incorporels
tels que les brevets, les marques… tirent leur valeur réelle (et actualisée) de l’estimation de
la durée restante pendant laquelle ils seront source de revenus. A noter que les biens en
crédit-bail sont cette fois-ci retraités en fonction de la durée restante du contrat.
Nous pouvons également citer le cas des biens assurés qui nécessitent, lors du
processus de l’évaluation, la vérification de leur vraie valeur afin d’éviter de payer des primes
trop élevées, ou de percevoir une sous-indemnisation en cas de sinistres.
Enfin, le fonds de commerce est évalué selon la méthode du goodwill, laquelle
consiste à définir la survaleur issue de la rentabilité attendue de son exploitation au moyen
d’un taux d’actualisation.
Nous constatons que les biens sont réévalués à leur valeur réelle. En définitive,
l’ANR permet de donner une valeur d’utilité, de remplacement aux biens détenus par
l’entreprise à l’instant t.
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Appréciation de la méthode
L’évaluation de la PME par l’approche patrimoniale fournit une valeur-plancher…
Lorsqu’une entreprise est évaluée via l’estimation de la valeur de son patrimoine, cela
revient à indiquer à l’acquéreur l’effort financier qu’il devrait consentir s’il décidait de créer lui-
même à l’identique l’entreprise–cible. Le processus d’évaluation débouche sur une valeur
minimale d’achat/vente ou valeur « plancher ». Appliquée aux PME et à leurs spécificités,
l’approche patrimoniale possède alors deux principaux attraits :
D’une part, comme nous l’avons vu dans la première partie, la PME se définit notamment par
une structure d’exploitation restreinte par rapport à celle d’une grande entreprise. Or, cette
méthode, par l’inventaire des biens présents dans l’entreprise, offre l’avantage de valoriser
de manière exhaustive le patrimoine décrit dans le bilan, et s’adapte donc bien à la structure
de la PME. Ainsi, plus la structure d’exploitation est restreinte, plus l’approche
patrimoniale devient pertinente.
D’autre part, le mode de calcul définit par l’ANR exige de distinguer les « biens » utiles des
« biens » non utiles à l’exploitation. Cette distinction est appréciable dans l’hypothèse où il
existe des investissements liés à la personne du dirigeant (exemple : l’achat d’une voiture de
luxe…). Ces achats sont alors évalués à leur prix de cession (donc de marché). De la même
façon, la distinction « exploitation/hors exploitation » permet le retraitement des salaires du
propriétaire-dirigeant (s’il est supérieur aux salaires du marché, le salaire de son successeur
sera plus faible et son retraitement permettra d’augmenter le résultat) et de sa famille. La
prise en compte du caractère intuitu personae dans l’approche patrimoniale apparaît
également dans la détermination de la valeur-plancher qui permet au propriétaire-dirigeant
d’avoir une base de négociation équitable avec les acquéreurs potentiels, et donc d’établir
un climat de confiance. N’oublions pas, en effet, que si l’acheteur acquiert son futur, le
vendeur cède une partie de son passé.
…mais l’approche patrimoniale ne prend pas en compte le potentiel de développement de
l’entreprise.
En effet, l’approche patrimoniale, en basant la valeur de l’entreprise sur son bilan, lui donne
une valeur statique, figée à l’instant t qui ne correspond pas nécessairement à la réalité de
l’entreprise. Ceci n’est pas compatible avec les spécificités de la PME pour trois raisons.
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Premièrement, nous savons qu’une PME dispose de moyens financiers limités par
rapport à une grande entreprise. Or, la seule lecture du bilan peut fausser cette image. Par
exemple, si nous prenons le cas des disponibilités, nous pouvons être devant une PME qui
présente des disponibilités supérieures aux dettes financières ce qui est la marque a priori
d’une situation financière saine. Or, des disponibilités massives peuvent également trouver
leurs origines dans la saisonnalité de l’activité … De même, il est facile de jouer sur la
présentation du bilan en gonflant notamment le résultat des derniers exercices.
Deuxièmement, la méthode patrimoniale ne prend pas en compte les changements qui
interviennent parmi les éléments constituant la valeur de l’entreprise. Nous savons
cependant qu’il existe un fort lien de dépendance entre la PME et le propriétaire-dirigeant. Le
départ de ce dernier peut avoir des conséquences sur l’organisation même de la PME avec
le départ d’hommes-clés, le changement de climat social, le départ des membres de la
famille... A l’inverse, si le propriétaire-dirigeant n’est pas bien perçu au sein de son
entreprise, son départ peut provoquer l’arrivée de nouvelles compétences et un meilleur état
d’esprit du personnel… En d’autres termes, l’approche patrimoniale omet les aspects
humains de la PME, sources d’avantage compétitif (cf. la valeur du réseau développé par le
propriétaire-dirigeant…).
Troisièmement, la seule lecture du bilan revient à omettre la rentabilité présente et
future de la PME. En effet, l’approche patrimoniale intègre le résultat plus ou moins retraité
de la PME à l’instant t. Or, nous avons vu que la PME, par nature plus flexible mais plus
risquée en terme de pérennité que la grande entreprise, offre d’une part une plus forte
variabilité des résultats et d’autre part, de belles perspectives d’avenir en cas de perception
prématurée des évolutions du marché.
Nous constatons donc que l’approche patrimoniale permet d’établir une valeur minimale.
Cependant, en omettant l’activité de l’entreprise et ses perspectives, elle présente dès lors
certaines limites.
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FICHE 45 – LA NOTION DE GOODWILL
1 Approche comptable
Du point de vue comptable, le goodwill acquis via un regroupement d’entreprises est un acte
incorporel qui prend la dénomination de « fonds commercial » dans les comptes sociaux, et
d’« écart d’acquisition » dans les comptes consolidés.
a) Fonds commercial
Le fonds commercial est inhérent à toute entreprise. Lorsque celui-ci est créé, il n’apparaît
nulle part dans les comptes. Ceci s’explique en partie, par les difficultés liées à son
évaluation. Le fonds commercial trouve sa source dans les relations de l’entreprise avec ses
clients, sa réputation, la qualité de ses ressources humaines, sa situation de monopole, son
savoir-faire technologique, sa position stratégique, ses opportunités commerciales
favorables, et l’ensemble des facteurs non valorisés au bilan qui créent des avantages
distinctifs. Le fonds commercial est une immobilisation incorporelle qui regroupe les
éléments suivants:
! La clientèle et l’achalandage, ! Le nom commercial, ! L’enseigne ! Le droit au bail.
b) Ecart d’acquisition
Lors de la prise de contrôle d’une entreprise par une autre, la différence entre le prix payé et
la valeur comptable de l’entreprise acquise (quote-part des capitaux propres de l’entreprise
consolidée) fait naître une survaleur1 dans les comptes consolidés de l’entreprise
acquéreuse. Cette survaleur est appelée « écart de première consolidation ». D’un point de
vue comptable, l’écart de première consolidation est ventilé entre la juste valeur des actifs et
passifs identifiés ou « écart d’évaluation » et les éléments incorporels non identifiés ou
« écart d’acquisition ». Ce dernier résulte donc de la différence entre l’écart de première
consolidation et l’écart d’évaluation.
Le goodwill pourrait alors correspondre à une partie des ressources intangibles de la firme,
elles-mêmes sources d’un avantage concurrentiel. Ces ressources intangibles pourraient
correspondre à des compétences fonctionnelles (liées à une activité spécifique), des
compétences culturelles (la manière dont l’organisation fonctionne dans son ensemble), et
des ressources positionnelles (conséquences de l’accumulation d’actions dans le temps :
réseau de relations, réputation, etc.). Le goodwill payé par l’entreprise acquéreuse
correspondrait donc, en partie, à l’acquisition du savoir-faire, produit de l’accumulation des
connaissances.
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1.2 Approche économique
Selon l’approche économique, le goodwill représente un supplément de prix justifié par
l’espoir de bénéfices économiques futurs. Ces bénéfices résulteront notamment des
synergies réalisées entre les entités rapprochées. La synergie fait référence à un
accroissement potentiel de valeur en raison d’une révision de la valeur.
« La juste valeur est le prix auquel un actif pourrait être échangé ou un passif réglé entre
deux parties bien informées, consentantes et agissant dans des conditions de concurrence
normales »
«Effet magique» qui peut venir d’une augmentation des recettes de la nouvelle entité, et/ou
d’une réduction des coûts et de l’impôt. On distingue généralement deux types de synergies:
a) Synergies de coût
En théorie, l’acquisition d’une autre entreprise permet de générer une réduction des coûts
qui peut résulter de l’économie d’échelle, d’une intégration verticale ou horizontale, d’une
complémentarité dans les ressources, et de l’élimination des dirigeants incompétents.
L’économie d’échelle présente « une diminution du coût moyen suite à une augmentation de
la production marginale »
b) Synergies de revenus
Le rapprochement entre entreprises, présents sur des marchés hétérogènes et ayant des
activités complémentaires, permet d’accroître les revenus plutôt que de réduire les coûts.
Les synergies de revenus proviennent donc des complémentarités de métiers et/ou de
marchés:
L’approche économique du goodwill permet également de valoriser approximativement les
données incorporelles.
L’objectif étant de placer dans une matrice les éléments incorporels selon leur application
dans le temps et selon leur rentabilité dans le département dans lequel ils opèrent, on essaie
alors d’optimiser l’utilisation économique des éléments incorporels en ayant une vision
stratégique globale de leur apport.
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1.3 Approche financière
Selon cette approche, le goodwill correspond à la prime payée dans le but de maximiser la
valeur actionnariale. La création de la valeur dérive de l’amélioration des rentabilités
potentielles. Une grande partie de ces rentabilités provient des richesses réalisées à travers
les effets de synergies. Cependant, il existe d’autres procédés d’ordre purement financier.
Les dirigeants peuvent ainsi rentabiliser des trésoreries inutilisées en achetant des entités
sous-évaluées pour les restructurer et les céder ensuite à un prix supérieur.
Des rentabilités peuvent également se réaliser à travers l’effet de levier lorsque l’entreprise
choisit de financer une partie ou la totalité (LBO) du regroupement avec l’endettement.
Dans cette approche financière, on tente également de déterminer la valeur des actifs
incorporels, mais de manière différente.
Les approches comptables, économiques et financières permettent alors d’expliquer les
différentes composantes du goodwill. On peut alors dire que le goodwill est composé
généralement des éléments suivants:
• Les coûts affectés à des activités de recherche et de développement en voie de réussite :
antérieurement comptabilisés en charges;
• La somme des compétences et des ressources de la firme;
• La valeur financière des synergies anticipées et valorisées sur la base des caractéristiques
organisationnelles et des positions concurrentielles acquises par les sociétés à la date du
rapprochement;
• La volonté d’atteindre une taille critique et un pouvoir de marché;
• Les options de croissance liées aux investissements futurs.
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FICHE 46 – L’EVALUATION PAR LA METHODE DU SURPROFIT OU DU GOODWILL
Définition :
Le goodwill correspond à la différence entre la valeur à laquelle les entreprises s’achètent ou
se vendent et la valeur nette comptable que l’on retrouve dans le bilan.
Appelé aussi écart d’acquisition, le goodwill, lorsqu’il est positif, apparaît sur le bilan de
l’entité consolidée en tant qu’immobilisation incorporelle. Dans le cadre des normes ias / ifrs,
sa valeur est testée chaque année et dépréciée le cas échéant.
D’où provient la valeur du goodwill ?
-‐ Les actifs enregistrés dans le bilan de l’entreprise valent plus que leur coût historique
-‐ Certains actifs intangibles tels que les brevets, licences et la part de marché peuvent ne
pas être comptabilisés dans le bilan
-‐ La fusion entre les deux entreprises (absorbée et absorbant) peut créer des synergies,
soit par la réduction de coûts, soit l’augmentation des revenus.
Le goodwill est ainsi la somme de tous les éléments immatériels non pris en compte par les
méthodes de valorisation classiques aboutissant ainsi à une sous-estimation de la valeur de
nombreuses entreprises.
Distinction entre l’actif incorporel et le goodwill
Pour distinguer un actif incorporel du goodwill, l’IAS 38 demande que l’actif incorporel soit
séparable et identifiable. C'est-à-dire que l’entreprise peut ‘louer, vendre, échanger ou
distribuer les avantages économiques futurs attribuables à l’actif sans se séparer des
avantages économiques d’autres actifs utilisés dans la même activité’.
Formule :
Le calcul du goodwill s’effectue en trois étapes :
-‐ Détermination de l’actif économique de l’entreprise (après les retraitements du bilan)
-‐ Calcul du résultat d’exploitation normatif à partir de la formule REnorm = AE x CMPC
-‐ Détermination du résultat d’exploitation anticipé à partir du business plan (après
l’estimation des revenus futurs)
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La différence entre le résultat d’exploitation normatif et le résultat d’exploitation anticipé
correspond au surprofit qu’on désigne sous le terme de ‘goodwill’.
En d’autres termes, le goodwill correspond à la prime que l’acheteur est prêt à verser pour
l’acquisition de l’entreprise, en tenant compte des éléments stratégiques et immatériels qui
composent son patrimoine.
Le traitement comptable du goodwill
Les normes IAS 36 et 38 exigent des entreprises l’inscription du goodwill dans le bilan
consolidé, ainsi que d’effectuer des tests d’impairment chaque année. Si la valeur de marché
du goodwill est inférieure à sa valeur comptable nette, l’entreprise doit enregistrer une
dépréciation du montant correspondant, afin d’égaliser la VCN avec la valeur de marché.
Principes
a) La notion de superbénéfice
La notion de superbénéfice peut être définie comme le différentiel de rendement du capital
investi par rapport à une rentabilité normative des actifs engagés. La combinaison des
facteurs de production d’une entreprise génère un résultat qui est différent du rendement que
les mêmes capitaux auraient obtenu sur un marché de référence.
Cette différence, si elle est positive, constitue un surprofit récurrent, une rente qui
récompense à la fois le savoir-faire, la notoriété ou les parts de marché de l’entreprise. De la
même façon, ceci permet de prendre en compte certains éléments incorporels qui ne sont
pas des actifs de l’entreprise, puisque comptabilisés comme charges :
- les frais de communication
- les frais de recherche et développement
- les frais de constitution et d’extension d’un réseau commercial...
Un superbénéfice peut également apparaître temporairement lorsque l’entreprise bénéficie
d’un environnement favorable par rapport à ses concurrents. Il peut aussi résulter de la
supériorité technologique de l’entreprise ou de barrières à l’entrée importantes qui
empêchent toute concurrence et accordent une « rente de situation » à l’entreprise en
situation de quasi-monopole. Mais cette différence peut tout aussi bien être négative, parce
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que, pour une quelconque raison, l’actif net est inapproprié ou mal géré. On doit alors tenir
compte de ce « badwill » pour déterminer la valeur de l’entreprise, qui sera inférieure à la
somme de ses composantes patrimoniales.
b) La notion de Goodwill
Le goodwill n’est que la valeur actualisée des superbénéfices futurs. On peut donc actualiser
ce goodwill de deux façons, selon que le superbénéfice est considéré comme infini ou à
durée limitée.
Avec une durée infinie : Dans ce cas, on considère que le superbénéfice est constant et
infini. La formule de calcul du goodwill est simple :
(i étant le taux d’actualisation retenu)
Goodwill = superbénéfice / i
" Avec une durée limitée : Le recours au concept d’infini n’est pas vraiment compatible avec
la notion de superbénéfice, puisque celui-ci est rarement éternel. Il faut donc faire ressortir
ce risque propre de la rente :
- Soit en augmentant le taux d’actualisation du superbénéfice : on actualise alors à un taux i’
supérieur à i, ce qui diminue la valeur du goodwill.
- Soit en limitant la durée d’actualisation : les superbénéfices lointains et aléatoires sont
éliminés.
- Soit en cumulant les deux méthodes : en augmentant le taux d’actualisation et en limitant la
durée de vie du superbénéfice.
c) La valeur de l’entreprise
De manière générale, on peut écrire que la valeur de l’entreprise est égale à l’actif net
auquel on ajoute un complément appelé goodwill.
De nombreuses méthodes se sont développées à partir de ce principe général. Le goodwill
étant défini simplement comme un supplément de résultat par rapport à la rentabilité
théorique de l’actif engagé, il convient de procéder en plusieurs étapes successives:
• Déterminer l’actif engagé : Plusieurs concepts peuvent être utilisés, tels que l’actif net
corrigé, la valeur substantielle ou les capitaux permanents nécessaires à
l’exploitation.
• Déterminer la rentabilité théorique : La rentabilité théorique est égale au bénéfice
minimum nécessaire pour procurer une rémunération normale aux capitaux engagés.
Le taux retenu correspond habituellement à celui négocié pour un placement long
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non risqué, mais il peut être opportun d’envisager une prime de risque si ce bénéfice
minimum n’est pas assuré
• Déterminer le super bénéfice ou la rente de goodwill Il correspond simplement à la
différence entre le résultat réel retraité et la rentabilité théorique.
• Choisir un taux de capitalisation Comme vu précédemment, la rente de goodwill est
capitalisée, à durée limitée ou infinie, à un certain taux. Ce taux doit être supérieur au
taux retenu pour la rémunération normale des capitaux afin de prendre en compte les
risques relatifs à la pérennité du superbénéfice dégagé.
• Choisir une période de capitalisation. Les experts préfèrent travailler par exemple sur
un horizon de trois à cinq ans.
Il serait donc intéressant d’approfondir les différents concepts permettant de déterminer
l’actif engagé.
Pratique / Analyse et utilisation
La valeur par le goodwill est la première méthode qui dépasse le seul bilan de l’entreprise et
qui admet finalement la pertinence, dans l’objectif de l’évaluation, d’intégrer un supplément
de valeur qui corresponde probablement à un mix des savoir faire, de la marque, du
portefeuille client…
Micro-Cas - Exemple
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FICHE 47 – L’EVALUATION PAR LA METHODE DES FLUX
(Discounted Cash Flow / DCF)
Définition
Cette méthode rend compte du potentiel de création de valeur de l’entreprise. Elle permet de
calculer la valeur de l’entreprise dans son ensemble (dettes + capitaux propres) ou de
calculer la valeur des capitaux propres directement.
En se fondant sur les prévisions économiques de l’entreprise, on détermine les flux de
trésorerie à venir sur une période déterminée dans le futur, sur quelques années. On
déterminera une valeur terminale, à l’issue de cette période de prévision de quelques
années.
Ces flux sont ensuite actualisés à un taux qui correspond à la nature des flux :
• Calcul de la valeur de l’entreprise => actualisation des flux de trésorerie à venir pour
l’entreprise => actualisation au coût moyen pondéré du capital (WACC)
• Calcul de la valeur des capitaux propres => actualisation des flux de trésorerie à venir
pour les détenteurs du capital-actions => actualisation au coût du capital-actions
• La méthode de prédilection pour les LBO est celle des discounted cash-‐flows (DCF),
puisque c’est la seule tournée vers l’avenir, or c’est précisément ce qu’on achète dan
s le cadre d’un LBO.
La méthode
1 - Le calcul des Free Cash Flows
Le cash flow des opérations ou le flux de trésorerie d’exploitation est publié dans le tableau
des flux de trésorerie disponible pour quasi-totalité des entreprises cotées. Il correspond à :
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On l’appelle aussi parfois cash flow to firm.
2) Détermination du coût moyen pondéré du capital
Avec C : le montant des capitaux propres, D : le montant de la dette nette, k : le coût des
capitaux propres, RD (1-t) : le coût de la dette prenant en compte l’avantage fiscal.
Le coût des capitaux propres s’obtient par la formule du MEDAF :
Avec k le taux de rendement exigé de l’actif, β le coefficient de sensibilité du prix de l’actif au
portefeuille de marché, RF le taux sans risque (risk-free rate) et RM le taux de rentabilité
exigé du marché.
3 - La formule du DCF
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Le business plan s’établit généralement sur un horizon de l’ordre de 5 ans, au-‐delà
il devient difficile de prévoir comment évoluera l’activité. La valeur terminale (VT), se
calcule d’après l’hypothèse d’une croissance continue du dernier FCF,
ce qui permet alors d’utiliser la formule simplificatrice de Gordon-‐Shapiro :
Implicitement, on comprend très bien que les paramètres qui vont faire fluctuer le
prix d’acquisition – donc la parité capitaux propres / endettement – sont les valeurs
retenues pour les FCF, le WACC et g (le taux de croissance à l’infini). On comprend dès
lors qu’ils feront l’objet d’âpres négociations entre les différentes parties.
Le fond privilégiera une approche « up side », avec un business plan très optimiste,
alors que les créanciers préfèreront une approche « down side » calquée sur le
scenario le plus pessimiste (worst case).
4 – Valeur de l’entreprise – valeur des capitaux propres
Pour obtenir la valeur des capitaux propres, on retranche à la valeur de l’actif économique
obtenue la valeur des dettes financières nettes.
On peut également déterminer directement la valeur des capitaux propres en déterminant,
au lieu des flux de trésorerie disponibles pour l’entreprise, les flux de trésorerie qui
reviennent aux actionnaires.
Cela revient à actualiser les dividendes futurs pour obtenir la valeur du capital-actions.
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FICHE 48 – L’EVALUATION PAR LA METHODE DES MULTIPLES
Définition
L’approche par les multiples, également désignée sous les termes approches par analogie
ou par comparables, permet de valoriser l’entreprise et les capitaux propres. Les multiples
en question sont calculés en observant les données de marché d’entreprises comparables à
l’entreprise à valoriser.
La méthode
La méthode consiste à déterminer la valeur de l’entreprise à partir d’un échantillon
d’entreprises ayant une activité comparable à celle-ci. On évalue l'entreprise sur la base des
niveaux de valorisation de sociétés comparables (entreprises du même secteur, ou ayant le
même modèle économique). Le principe :
- on sélectionne les ratios qui vont servir à la comparaison (le CA, l'EBE, le REX...),
- on calcule la valeur des multiples à partir des ratios des comparables,- on applique ces
multiples à la société que l'on souhaite évaluer.
Différents types de multiples :
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Il existe deux grandes catégories de multiples :
- les multiples boursiers : les comparables sont dans ce cas des sociétés cotées en
bourse; la valeur des capitaux propres retenue pour la comparaison est la valeur de ses
titres en bourse, c'est à dire la capitalisation boursière.
- les multiples de transactions : les comparables ne sont pas obligatoirement des sociétés
cotés en bourse. La valeur des capitaux propres retenue pour la comparaison est égale au
prix de cession des titres lors de la transaction.
ATTENTION : suivant le ratio utilisé, le multiple permet d'obtenir soit la valeur d'entreprise,
soit la valeur des capitaux propres.
Rappel : Valeur d'entreprise (VE) = Valeur capitaux propres (VCP) + endettement net
Le choix du multiple
Avant de commencer les calculs, il convient de choisir le solde de gestion qui semble le plus
à même de rendre compte de la valeur économique de l’entreprise à évaluer en se référant à
une base de données typique de son activité (barème, etc.).
Selon le solde de gestion que l’on retient, il faut changer de multiple pour obtenir la même
valeur d’entreprise.
Prenons l’exemple d’une entreprise sans dettes financières ni trésorerie, c'est-à-dire sans
emprunt ou découvert bancaire ni compte en banque excédentaire : elle ne paye pas de frais
financiers.
Supposons qu’elle ne présente pas non plus d’éléments exceptionnels (en produits ou en
charges) et que son taux d’impôt sur les sociétés soit de 33 1/3%.
Alors les multiples d’EBIT (x) et de résultat net après impôt s’échangent selon la formule
suivante :
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Pour certaines valeurs, on obtient le tableau suivant :
Multiple d’EBIT Multiple équivalent de résultat net après impôt pour
une société sans dettes financières ni trésorerie (RN)
X 2 X 3
X 3 X 4,5
X 4 X 6
X 5 X 7,5
X 6 X 9
X 7 X 10,5
X 8 X 12
X 9 X 13,5
X 10 X 15
Ce tableau se lit de la façon suivante : un multiple de 7 appliqué à l’EBIT conduit à la même
valeur d’entreprise qu’un multiple de 10,5 appliqué au Résultat net, lorsque cette entreprise
est imposée à l’Impôt sur les sociétés au taux de 33 1/3% et qu’elle n’a ni trésorerie
excédentaire ni dettes financières ni Résultat exceptionnel.
Mais il n’est pas toujours possible de donner une table systématique permettant de passer
de l’un à l’autre.
Il s’agit d’identifier les indicateurs les plus pertinents, c'est-à-dire ceux dont la dispersion
dans l’échantillon est faible.
Certains évaluateurs calculent des régressions afin de positionner l’entreprise à évaluer au
sein de l’échantillon, par exemple :
- entre la rentabilité des Capitaux Propres et le Price to Book Ratio (PBR)
- entre la valeur des actifs et l’excédent brut
Le coefficient de corrélation permet de guider l’évaluateur sur le critère le plus pertinent dans
le secteur considéré.
Par exemple, le CCEF (Compagnie des Conseils et Experts Financiers) a constaté que
durant les 5 premières années, à partir d’un échantillon significatif d’entreprise, les PME-PMI
se vendaient entre 5 et 6 fois le résultat net après impôt et normatif, ajusté des éléments
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 19 06/02/10
exceptionnels ou non récurrents. Une pondération peut être affectée aux 3 derniers
exercices, afin de lisser l’évolution des résultats.
Dans certains métiers, notamment les prestations de services, la valorisation peut se faire
sur la base de 1 à 2 fois le Chiffre d’affaire annuel. Dans le secteur du transport, c’est la
logique de la Capacité d’autofinancement (Rappel : CAF = Résultat net + Amortissement) qui
est privilégiée. Selon les cas, l’évaluation se fera avec un multiple de 3 à 5.
A l’évidence, un multiple de 2 ou 3 fois l’EBIT est bas : d’après le tableau ci-dessus, le
repreneur devrait avoir récupéré en 3 à 4,5 années l’équivalent de son investissement (le
coût d’acquisition de l’entreprise) sous forme de résultat contribuable (Résultat net).
Ce niveau peut être adapté à certaines activités aux résultats extrêmement variables ou
présentant une grande fragilité ou encore fortement liés au dirigeant (par exemple certaines
activités de négoce).
A l’inverse, un multiple de 9 ou 10 sur l’EBIT est élevé : à Résultats constants, il faudra que
le repreneur patiente environ 13 à 15 ans avant de récupérer sous forme de résultat
distribuable, le montant de son investissement (le coût d’acquisition de l’entreprise).
Il peut s’agir d’entreprises importantes, présentant à la fois un potentiel de croissance
susceptible de raccourcir le délai de retour sur investissement du repreneur et une grande
solidité de résultats.
Le calcul de la valeur de l’entreprise en multipliant l’EBIT (avant impôt) par un coefficient
entre 5,5 et 7,5 semble correspondre, selon le métier et le secteur (près de 15 à 20 fois pour
SSII), à de nombreuses situations d’entreprises.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 20 06/02/10
FICHE 49 – PANORAMA DES METHODES – PONDERATIONS ET RESULTATS
Panorama des méthodes d’évaluation d’entreprise Il existe de nombreuses méthodes d’évaluation - nous rassemblons dans cette présentation
bon nombre d’entre elles classées par « familles ». Chaque famille renvoie à des options
spécifiques sous-jacentes à la méthode.
Nota : Les méthodes en « jaune » sont les plus utilisées.
Nous avons retenu ici le choix de pondérer certaines méthodes en fonction du type
d’entreprise (PME de taille petite ou moyenne).
Les pondérations permettent d’observer les écarts de centrage ou les convergences. Dans le
cas considéré, les résultats de calculs montrent une certaine convergence (Entre 152 M€ et
156 M€), et la fourchette de valeur obtenue est largement acceptable et permet d’encadrer la
valeur.
N’oublions cependant pas que nos hypothèses induisent nos résultats et que les choix de
pondérations interviennent largement dans les synthèses de valeurs proposées.
Cependant certaines pondérations stables appliquées à différentes entreprises permettent
d’afficher des résultats de valorisation intéressants pour observer comparer les différentes
méthodes.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 21 06/02/10
Nous proposons ci-après la synthèse des résultats de calculs appliqués à un échantillon de
10 entreprises – PME
Ces résultats démontrent avec l’application d’une pondération stable entre les différentes
familles de méthodes, un bon niveau de convergence entre les différentes méthodes
pondérées et les résultats obtenus par la méthode VEVA. Nous ne pouvons généraliser nos
conclusions sur ces résultats, mais restons avec une information intéressante.
Illustration sur 10 PME
CONCLUSION
Les méthodes basées sur les flux semblent mieux répondre aux exigences nécessaires à
l’évaluation d’une entreprise, par une vision plus large que les méthodes patrimoniales.
Toutefois, tout ne réside pas dans le choix de la méthode : en effet le poids donné aux
différents paramètres peut modifier considérablement le résultat.
Ensuite, chaque «camp», acheteur ou vendeur, peut privilégier des paramètres et des
méthodes dont les résultats apparaissent plus satisfaisants à l’entrée en négociation.
En outre il s’agit également de choisir des paramètres pertinents : par exemple le temps est
un paramètre indispensable dans une logique spéculative.
Dans les faits, plusieurs méthodes sont souvent combinées afin d’approcher un résultat.
Cela a pour conséquence de pondérer l’impact de chaque paramètre qui peut, dans une
méthode donnée avoir un poids très important.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 22 06/02/10
FICHE 50 – UNE AUTRE METHODE D’EVALUATION : LES OPTIONS REELLES
1 - DEFINITION
Une option est un produit qui confère à son détenteur le droit (et non l’obligation) d’acheter
ou de vendre une certaine quantité d’un actif donné, à un prix donné à une date future. Pour
obtenir ce droit, l’acheteur de l’option verse une prime au vendeur.
Par analogie aux options financières, on appelle option réelle la possibilité de développer,
de suspendre ou d’abandonner un projet en fonction de l’évolution du contexte
économique. Les projets qui possèdent des options réelles sont ceux pour lesquels le
manager a une certaine flexibilité au niveau des décisions à prendre (contrairement aux
projets d’investissement dont les options ont disparu au profit d’un engagement ferme).
Tout comme le détenteur d’une option financière, le manager d’un projet avec des options
réelles a le droit et non l’obligation d’exploiter le projet s’il est en possession d’une nouvelle
information favorable tout comme il peut ne pas l’exploiter si l’information est défavorable.
2 - LES TYPES D’OPTIONS REELLES
L’option de lancer un nouveau projet est le propre d’un investissement qui génère à son tour
de nouvelles opportunités d’investissement. C’est le cas des projets de R&D : un projet de
recherche, lorsqu’il aboutit, créé la possibilité de poursuivre l’investissement afin de lancer le
nouveau produit. Cette opportunité sera exploitée si l’environnement économique est
favorable.
• L’option de développer l’activité offre la possibilité d’augmenter la production en
cas de hausse de la demande. Comme exemple on prendra le cas de la construction
d’une usine permettant une production à grande échelle. De même, l’option de
réduire l’activité permet de réduire le volume en cas de baisse de la demande.
• L’option de différer l’exécution d’un projet permet d’attendre jusqu’à ce que
l’environnement devienne favorable pour l’exploitation de celui-ci. L’exercice de cette
option dépend de l’évolution des paramètres comme le prix de vente, le taux de
change, le coût des matières premières, la situation concurrentielle etc. Les brevets
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 23 06/02/10
et les droits exclusifs d’extraction des ressources naturelles permettent de bénéficier
de cette option sans que les concurrents ne puissent exploiter le même projet.
• L’option de différer l’avancement des travaux est caractéristique des projets qui
s’exécutent de manière séquentielle. Lorsqu’un projet nécessite des investissements
successifs et se réalise par étapes, le gestionnaire peut décider de suspendre son
avancement s’il juge que l’environnement économique est défavorable.
• L’option d’abandon du projet permet au gestionnaire de mettre fin, de manière
irréversible, au projet d’investissement, indépendamment de son état d’avancement.
Contrairement à l’option de suspendre, l’exercice de l’option d’abandon ne permet
pas de reprendre le projet même si le contexte redevient favorable par la suite.
SCHEMA
T0 T1 T2
FORMULES
Le modèle de Black-Scholes : évaluation en temps continu
Soient les notations suivantes :
La valeur du call s’obtient par la formule suivante :
(3) Avec
Lancement du projet
Exécution
Suspension
Expansion
Suspension
Reprise
Abandon
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La formule de Cox-Ross-Rubinstein
Soit S (comme spot) le prix actuel de l’actif, Su le prix dans le cas haussier (up) et Sd le prix
dans le cas baissier (down). Nous pouvons schématiser le modèle binomial à deux périodes
de la manière suivante :
Valeur de l’option à l’échéance
p Suu
p Su 1-p
S0 p Sud
1-p Sd
1-p Sdd
Période : T0 T1 T2
Le modèle de Cox-Ross-Rubinstein est fondé sur la construction d’un portefeuille d’arbitrage.
Ce portefeuille est construit de manière à obtenir les mêmes flux que l’option, et permet de
déterminer la valeur de celle-ci en appliquant le principe d’arbitrage.
Plus précisément, le portefeuille d’arbitrage est construit en achetant unités de l’actif sous-
jacent et en empruntant un montant B (borrow).
Soit la valeur du call lorsque le sous-jacent vaut
la valeur du call lorsque le sous-jacent vaut
Nous avons :
Le prix du call sera égal à la valeur des actifs contenus dans le portefeuille, c’est-à-dire
, à laquelle on soustrait le montant de l’emprunt contracté par le vendeur. Ce
raisonnement conduit à la formule suivante :
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3 - LA PORTEE PRATIQUE DE LA THEORIE DES OPTIONS REELLES
L’approche peut être employée dans différents cas d’évaluation financière. Il peut s’agir de
l’évaluation d’un projet d’investissement industriel. Dans ce cas, on cherchera à évaluer les
options de développer, de suspendre ou d’abandonner le projet. La méthode peut aussi être
employée dans le cadre de l’évaluation d’une entreprise.
A la différence de la VAN, cette approche permet, de prendre en compte la possibilité de
liquidation d’une entreprise suite à son acquisition. Finalement, cette méthode peut servir
dans l’évaluation des décisions de financement.
En effet, un financement par capitaux propres permet de garder la possibilité de contracter
davantage de dette dans le future, contrairement à un financement par dette qui, en
augmentant le risque d’insolvabilité de l’entreprise, restreint les opportunités d’emprunt futur.
4 - LES CONDITIONS D’EXISTENCE DES OPTIONS REELLES
Le principe de la théorie des options réelles se fonde sur l’idée selon laquelle : l’incertitude
d’un projet ouvre un éventail de décisions à l’investisseur.
Cependant, la présence d’incertitude ne suffit pas à elle seule à développer l’hypothèse
d’une option réelle. En effet, on compte trois conditions d’existence pour les options réelles.
• Premièrement, le projet doit avoir un certain degré de volatilité (ou d’incertitude).
• Deuxièmement, les dépenses d’investissement doivent être irréversibles. Si tel n’est
pas le cas, les dépenses sont récupérables et le décideur investira dans le projet,
peu importe le risque.
• Troisièmement, le projet doit avoir une gestion flexible, c’est-à-dire, il doit pouvoir être
géré en fonction de l’évolution du contexte économique.
MINI ETUDE DE CAS : Evaluation d’un brevet : le cas du médicament Avonex Ce cas est tiré de l’article « The Promise and Peril of Real Options », de A. Damodaran (NYU Press).
Il s’agit de l’évaluation d’un brevet obtenu par une firme de biotechnologie, Biogen, pour un
médicament qu’elle a développé en 1997, appelé Avonex. Le médicament a été approuvé
par le FDA (US Food and Drug Administration) pour le traitement de sclérose en plaques. On
cherche à déterminer la valeur du brevet.
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1. La valeur d’un brevet
Un brevet donne le droit à son détenteur de développer et de commercialiser un produit. Le
détenteur d’un brevet procédera au lancement du produit si les revenus estimés de sa vente
permettent de couvrir les coûts liés au développement. Si les revenus sont insuffisants, le
détenteur du brevet est libre de retarder le lancement en attendant que le contexte devienne
favorable.
Le détenteur du brevet doit ainsi arbitrer entre les profits courants auxquels il renonce en
retardant le lancement du produit et les pertes futures qu’il évite à la même occasion. Soit I
le coût de développement et V la valeur actuelle des revenus futurs de la vente. Ainsi, le
détenteur du brevet exercera son droit de commercialisation du produit si , en
d’autres termes, si le projet est rentable. Dans le cas contraire il ne lancera pas le produit et
aura un bénéfice nul.
2. Les données du problème
La valeur actuelle des flux futurs est estimée à 3,422 milliards de dollars américains, sans la
prise en compte de l’investissement initial. Celui-ci est estimé à 2,877 milliards de dollars et
correspond aux coûts de développement initial.
Le brevet est valable pour une durée de 17 ans. Le taux d’intérêt sans risque est de 6,7%
(qui correspond au taux des obligations du trésor américain).
La variance moyenne de la valeur d’entreprise des firmes de biotechnologie se situe autour
de 0,224.
On suppose que la firme est protégée de la concurrence durant toute la durée de vie du
brevet, au-delà de laquelle la concurrence viendra effacer les revenus excédentaires (les
surplus).
De même, chaque année retardée engendrera des coûts d’opportunité à la proportion de
1/17, puis 1/16, 1/15 et ainsi de suite.
3. Calcul de la VAN
La VAN du projet est égale à la différence entre les flux futurs actualisés et le coût
d’investissement initial :
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 27 06/02/10
Le projet a donc une valeur actuelle nette positive, ce qui indique que Biogen devrait
procéder au lancement du médicament Avonex.
4. Formule de Black-Scholes
Avec les données précédentes nous obtenons les paramètres du modèle de Black-Scholes.
Le sous-jacent est le médicament, le prix d’exercice K étant le coût d’investissement associé
au lancement du médicament et la valeur de marché S étant la valeur actuelle des flux
provenant de la commercialisation du médicament. Nous avons donc:
S=3,422 K=2,875 t=17ans rf =6,7% σ2=0,224 y=1/17=5,89%
En effectuant les calculs nous obtenons :
et
La valeur du produit avec l’option de retarder le lancement sur le marché est donc égale à
905,4 millions de dollars.
Comparons la à la VAN calculée auparavant : 905,4 – 547 = 358,4 millions.
Nous pouvons en conclure que l’option de retarder le lancement du médicament a une
valeur positive. En d’autres termes, la firme ferait mieux d’attendre l’année prochaine avant
de lancer le médicament Avonex sur le marché.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 28 06/02/10
FICHE 51 – LES ACTIFS IMMATERIELS
Ce qui fait la richesse et la puissance d’une société n’est plus seulement représenté par le
total de son bilan comptable, mais va bien au-delà. Ainsi la côte des sociétés sur les
marchés financiers et boursiers sont parfois largement supérieure à leur valeur bilancielle, et
cet écart n’a cessé de s’agrandir ces dernières décennies, à l’image de l’évolution du « Price
to Book ratio » (hors effet crise). En effet ce ratio, qui va évaluer la différence entre la valeur
boursière et la valeur au bilan d’une organisation, a vu sa valeur s’amplifier ces dernières
décennies, puisqu’il s’élevait à un dans les années 70, contre cinq dans les années 2000.
Nous pouvons de fait nous interroger sur les raisons qui justifient que les sociétés soient
valorisées, ou bien acquises, à une valeur supérieure à celle de leur bilan. Il s’agit alors de
considérer qu’il existe un autre type d’actifs, qualifiés d’actifs immatériels, qui sont des actifs
détenus par l’entreprise, mais dont la valeur n’est pas inscrite dans les comptes.
1 – Différentes définitions dans un cadre flou
Comme évoqué lors de notre introduction, les entreprises recèlent de richesses
difficilement indentifiables mais qui leur donnent une valeur réelle qui peut aller bien au-delà
de leur valeur comptable. Une bonne organisation, de bonnes interactions entre les services,
un savoir faire particulier qui permet de se positionner comme un leader sur le marché, sont
autant d’éléments qui vont donner à l’entreprise une valeur différente de celle fournie par des
chiffres.
Les termes de capital immatériel et d’actif immatériel renvoient à des notions telles
que l’intangibilité, l’incorporel, le cognitif ; qui à priori ne trouvent pas leur place dans un
environnement comptable où il est indispensable de pouvoir appréhender les éléments, et de
les compter pour les valoriser. Autrement dit, ces notions ne semblent pas pouvoir s’intégrer
et se comprendre dans une sphère purement comptable.
Les différents termes utilisés dans l’environnement de l’immatériel.
Les actifs incorporels sont des actifs qui peuvent être comptabilisés au bilan de
l’entreprise. Ce sont des actifs immatériels identifiables, bien que selon Pierre Vernimmen2
2 Pierre Vernimmen, Finance d’Entreprise, Edition Dalloz, 6ème édition, 2005
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 29 06/02/10
« ce sont des actifs que l’on ne peut pas toucher du doigt ». Ce type d’actif va pouvoir être
comptabilisé car il est caractérisé le plus souvent par un prix d’acquisition. Nous pouvons
citer par exemple des frais de développement, ou des marques acquises.
Sont également souvent évoqués les actifs intangibles qui, à l’inverse, ne sont pas
comptabilisés car très difficilement identifiables au sein d’une organisation. Ils sont sans
substance physique et non monétaire, à l’image d’une relation de confiance avec un client ou
un fournisseur, ou encore d’une synergie particulière au sein d’un groupe qui est à l’origine
de ses performances.
Enfin, vont être utilisés les termes de capital intellectuel ou cognitif, le second, n’étant que
l’équivalent du premier à un niveau plus macroéconomique. Le capital intellectuel va être le
fait de posséder et de maîtriser des technologies, des process techniques particuliers, des
expertises uniques, des compétences spécifiques dans des domaines pointus ; et d’avoir
une certaine expérience. Il va se matérialiser plus particulièrement au sein de l’entreprise à
travers les services de recherche et développement, mais également dans le cadre de la
gestion du savoir, qui de plus en plus se gère par des indicateurs de gestion. Il est alors
souvent distingué au sein d’une organisation les connaissances explicites et les
connaissances tacites. Tout ce qui est matériel (procédures rédigées et formalisées, mise en
place d’un système d’information, …) va représenter la connaissance explicite, tandis que le
capital intellectuel et cognitif est synonyme de connaissance tacite.
L’ensemble de ces approches est alors utilisé et étudié afin de déterminer, et de pouvoir
mesurer comment ces éléments immatériels vont permettre aux différentes organisations
d’obtenir des avantages concurrentiels dans différents secteurs et sur différents marchés.
Ainsi de nombreux auteurs et économistes ont taché, à partir de ces différents éléments, de
définir les caractéristiques indispensables dont un actif devait disposer afin d’être qualifié de
matériel ou d’immatériel.
• Quatre critères pour qu’un actif puisse être comptabilisé au bilan comptable d’une
entreprise3 : « ils doivent être facilement identifiables, séparables (c'est-à-dire
cessibles), sous le contrôle juridique de l'entreprise et susceptibles d'être évalués par
leur coût interne ou leur utilité aux yeux du Marché. Les droits de propriété tels que
brevets et marques, les droits réglementaires (quotas, autorisations) ou contractuels
(concessions, licences), les programmes informatiques ou bases de données
3 Gérard Chapalain, Pratique moderne de l’évaluation d’entreprise, Edition EMS, 2004
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 30 06/02/10
répondent généralement à tous ces critères - la valeur des équipes, les capacités
d'innovation, les rentes de situation, les synergies ou systèmes d'information ne
satisfont pas simultanément à ces normes ».
• D’après Christian Pierrat4, un actif immatériel est un élément du patrimoine de
l’entreprise, qui présente plusieurs caractéristiques simultanément. Il doit en effet y
avoir une absence de substance physique, il doit avoir une durée de vie
indéterminée, il doit être unique ou tout du moins très spécifique, il doit présenter une
grande incertitude sur ses revenus futurs et, pour finir, être difficilement séparable
des autres actifs.
• Enfin, selon Alan Fustec5, spécialiste de la mesure du capital immatériel dans
l’entreprise, « un actif immatériel est un constituant de l’entreprise, identifiable
séparément, qui participe aux opérations génératrices de rentabilité présente ou
future, mais dont la valeur ne figure pas au bilan ». Plus communément, on va
considérer que les actifs immatériels sont des éléments sans substance physique et
qui ont une valeur positive pour l’organisation. Et c’est justement ce manque de
substance physique qui rend leur détermination d’autant plus difficile et
problématique pour les entreprises.
Il est également tout à fait concevable que des actifs matériels et visibles au bilan
comptable de l’entreprise soient porteurs d’une valeur immatérielle ou d’un goodwill invisible.
De fait, nous pouvons conclure que le capital immatériel est partout. Fustec explique
d’ailleurs que dès lors qu’un élément de l’entreprise a une valeur supérieure à son coût, il est
porteur d’une valeur immatérielle.
La notoriété d’une organisation, son savoir-faire et ses performances vont avoir comme
équivalent financier le goodwill, à travers une valorisation d’occasion stratégique. Cela
permet d’expliquer les causes qui font qu’une entreprise génère une rentabilité parfois bien
supérieure au bénéfice normal lié à son actif net.
On parle alors de « superbénéfice » du goodwill. Notons alors que l’objectif de la notion de
goodwill n’est pas de représenter l’ensemble de l’actif immatériel d’une entreprise, mais de la
rapprocher au maximum de sa vraie valeur de marché.
4 Christian Pierrat , Immatériel et comptabilité, Edition Economica 5 Alan Fustec, Valoriser le capital immatériel de l’entreprise, Editions d’Organisation, 2006
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 31 06/02/10
2 . La typologie habituelle des actifs immatériels
C’est Leif Edvisson6, qui, dans le cadre de ses recherches sur les méthodes de travail
au sein d’un groupe, va le premier aborder les trois principales composantes des actifs
immatériels : le capital humain, le capital organisationnel ou structurel et le capital
informationnel.
C’est dans son ouvrage Le capital immatériel de l’entreprise, dans lequel il cherche à
expliquer et à identifier tout ce qui fait la richesse d’une organisation mais qui n’apparaît pas
dans son bilan comptable ; qu’il affirme que ces trois éléments sont à la base du capital
immatériel.
Le capital humain réside dans les savoir-faire, les compétences des employés, et
les talents intrinsèques qui peuvent faire la force et la spécificité d’un groupe. Ce capital
humain va constituer un actif immatériel « positif », dans la mesure où il va servir la stratégie
d’une entreprise, et lorsque l’ensemble de ces talents et de ces savoir faire vont permettre
de réaliser les stratégies gagnantes de l’organisation.
Il s’agira en quelque sorte d’un facteur clé de succès à maîtriser afin d’obtenir sur
les marchés un avantage concurrentiel durable.
Nous pouvons également évoquer comme étant inclus dans le capital humain, au-delà des
compétences, le savoir-être. Dés caractéristiques tels que l’autonomie, la confiance, la
collaboration et la communication à bon escient, le partage et la transparence des
informations sont autant d’éléments qui vont faire la vitalité d’une entreprise.
L’investissement dans la formation est également un point important qui va alimenter la force
du capital humain. Il est fondamental que les expertises particulières qui peuvent exister au
sein d’un groupe enrichissent les autres membres du groupe, afin qu’une qualité propre à un
employé face partie intégrante du patrimoine de l’entreprise.
En effet comme l’indique Bertrand Duperrin7 « Tout savoir, toute expertise individuelle, ne
servira à personne d’autre qu’à son détenteur, voire à son équipe, tant qu’il n’est pas
exprimé noir sur blanc et ainsi rendu tangible. Dommage pour l’entreprise qui ne récupère
pas l’intégralité de son investissement sur l’individu. ».
6 Leif Edvisson , Le capital immatériel de l’entreprise, Maxima, 2000 7 Bertrand Duperrin, L’entreprise pour développer le capital humain au service de la stratégie, Bloc Note
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 32 06/02/10
Le capital organisationnel et structurel d’un groupe va se décomposer en quatre
éléments selon Bertrand Duperrin8 :
1. culture : appropriation de la vision et des valeurs clés nécessaires à
l’exécution de la stratégie.
2. leadership : présence de leaders qualifiés à tous les niveaux pour
mobiliser l’organisation.
3. alignement : lien entre les objectifs et récompenses individuelles et
collectives, et l’atteinte des objectifs stratégiques.
4. travail d’équipe : partage de la connaissance au travers de
l’organisation.
Enfin, il peut-être intéressant d’ajouter à ces caractéristiques, qui sont finalement des
éléments qui font la force d’un groupe en son sein, une notion qui va lier l’organisation à son
environnement extérieur, c'est-à-dire un certain capital relationnel. On entend par là
l’ensemble des relations que va entretenir l’entreprise avec ses partenaires extérieurs, et qui
vont de fait jouer un grand rôle dans ses résultats. Les relations de confiance sur le long
terme avec des fournisseurs, ainsi que de bonnes relations fidèles entretenues avec des
clients, font patrie intégrante de ce capital relationnel. De même, l’image que l’organisation
renvoie vis-à-vis de l’extérieur va soutenir ce capital relationnel, comme une bonne image de
marque, une bonne situation financière ou encore une grosse notoriété.
3. Extension de la notion : plus proche de la structure de l’entreprise
Dès lors que la notion d’immatériel a été considérée comme un nouvel enjeu dans la
compétition inter-entreprise, les recherches et les groupes de travail à propos de celle-ci se
sont développés de façon exponentielle.
Ainsi, les travaux réalisés par l’Observatoire de l’Immatériel9 ont été une bonne
source d’informations et de réflexions pour cette étude.
Les travaux de cet organisme vont dans le sens d’une meilleure compréhension de
l’immatériel au sein de l’entreprise. Composée de chercheurs, de professeurs, de chefs
d’entreprises et de spécialistes de l’immatériel, elle travaille dans le but de donner aux
entreprises des moyens d’être évalués à leur juste valeur.
8 Bertrand Duperrin, Entreprise et capital organisationnel, Bloc Note 9 L’observatoire de l’immatériel, www.observatoire-immateriel.com
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 33 06/02/10
Est développé par cet observatoire un ensemble de neuf caractéristiques qui vont
constitués le capital immatériel. Leur étude se veut de fait plus précise et plus proche de la
réalité de l’entreprise que la typologie traditionnelle.
Ces caractéristiques sont les suivantes :
• Le capital client, lié à la direction commerciale, qui se caractérise par la fidélité, la
rentabilité, la solvabilité, ou encore la satisfaction du client, dont le suivi peut se
réaliser à partir des différents tableaux de bord de la direction commercial et
également par des outils tels que les CRM (Customer Relationship Management).
• Le capital humain, géré par la direction des ressources humaines, et qui se trouve
être à la base de la performance des entreprises. Des tableaux de bord de suivi des
compétences et des réalisations par rapport aux objectifs établis vont permettre
d’effectuer le suivi de ce capital humain.
• Le capital partenaire, lié à la direction des achats, et dont l’objectif affirmé est de
réduire les prix d’approvisionnement. Cependant, il reprend également les notions
telles que la fidélisation, la confiance envers les fournisseurs.
• Le capital organisationnel, que l’on peut rapprocher au sein de l’entreprise d’une
éventuelle direction de l’organisation. Aussi, comme l’expriment très bien les
membres de l’Observatoire de l’immatériel : « Organiser, c’est exprimer une aptitude
à mettre en œuvre et à faire vivre des processus qui vont mobiliser et animer des
ressources, humaines et technologiques, des compétences, de la connaissance, en
réponse à une stratégie. » Cette notion va pouvoir être suivie en observant les
moyens mis en œuvre et l’adaptation de l’organisation aux changements.
• Le capital système d’information va être géré par la direction des systèmes
d’information, que l’on retrouve au sein de grands groupes dans lesquels la
circulation de l’information est un défi permanent. Aussi, pour être efficace et pour
prendre la réelle mesure de la force du capital système d’information, celui-ci doit-
être traité en relation avec les autres directions fonctionnelles, afin que les outils
informatiques soient mis en place au service des fonctions plus opérationnelles.
• Le capital connaissance, savoir R&D, technologique, dont le développement est
effectué au sein de l’entreprise par la direction de la R&D. Vont être intégrés les
expertises uniques, les secrets de fabrication, les brevets ou encore les innovations.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 34 06/02/10
Il est fondamental, et de fait, c’est l’un des éléments immatériels qui a été le plus tôt
appréhendé dans l’entreprise, car il est au cœur de la création de valeur.
• Le capital marque, qui est valorisé par la direction marketing, se trouve être le plus
« connu ». Il est évalué par la notoriété de la marque sur les marchés, sa réputation,
et l’image qu’une marque peut représenter et évoquer au-delà de ses simples
produits. Certaines marques vont développer tout un imaginaire autour de leurs
produits, qu’il est fondamental de savoir évaluer pour représenter au plus près la
valeur d’une entreprise.
• Le capital actionnarial, lié à la direction financière. Nous allons considérer ici, au-
delà des apports financiers des actionnaires, qui sont des éléments tout à fait
tangibles et matériels ; la manière dont la personne de l’actionnaire va pouvoir influer
sur la valeur de l’organisation. L’observatoire a ainsi défini des caractéristiques telles
que la pression qu’un actionnaire peut exercer, sa notoriété ou son influence
personnelle sur le marché, qui sont autant d’éléments qui vont avoir un impact sur les
performances de la société.
• Le capital « environnement », qui, s’il a un sens au sein de l’organisation, sera
rattaché à la direction du développement durable. De nos jours, le caractère éthique
et respectueux de l’environnement prend une valeur essentielle dans l’entreprise, et
peut impacter l’image de celle-ci vis-à-vis de l’extérieur. Il s’agit alors, selon les
représentant de l’Observatoire de l’Immatériel, pour valoriser le potentiel de ce
capital environnemental, de « s’appuyer sur des référentiels normalisés qui prennent
en compte les attentes de l’ensemble des parties prenantes et l’identification des
enjeux de développement durable clés pour l’entreprise. ».
Conclusion
Une entreprise n’intégrant pas l’immatériel en son sein, va uniquement chercher à
suivre son activité et ses performances; tandis qu’une organisation qui a su cultiver son
capital immatériel, va tendre à améliorer ce qu’elle possède pour en tirer le meilleur.
Il convient donc de trouver les méthodes les mieux adaptées à l’évaluation de ce que
possède une entreprise, dans son caractère matériel et surtout immatériel
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FICHE 52 – L’EVALUATION DES MARQUES
DEFINITION
La marque est tout d’abord un concept de marketing. Elle se définit comme tout signe
servant à distinguer des produits, des objets, des services.
En finance, la marque est traitée comme un actif immatériel dont la valeur dépend des
revenus futurs qu’il est susceptible d’engendrer.
NORMES IAS/IFRS 36 ET 38
Les normes ias/ifrs 36 et 38 obligent les entreprises d’inscrire la valeur d’actifs immobiliers
au bilan selon le principe de juste valeur (marques acquis seulement) et de procéder à des
tests d’ « impairment » tous les ans afin de tenir compte de l’éventuelle dépréciation de la
valeur de ces actifs.
La norme IAS 38 définit les immobilisations corporelles comme ‘tout actif non monétaire
identifiable sans substance physique, détenu en vue de son utilisation pour la production ou
la fourniture de biens ou services’.
Pour distinguer un actif incorporel du goodwill, l’IAS 38 demande que l’actif incorporel soit
séparable et identifiable. C'est-à-dire que l’entreprise peut ‘louer, vendre, échanger ou
distribuer les avantages économiques futurs attribuables à l’actif sans se séparer des
avantages économiques d’autres actifs utilisés dans la même activité’.
METHODES D’EVALUATION DE LA MARQUE
Evaluation au coût historique : La méthode consiste à évaluer la marque selon le montant
investi pour son acquisition ou pour sa création. L’inconvénient de cette méthode est qu’elle
ne tient pas compte de l’évolution de la valeur de la marque ou du temps.
Evaluation au coût de remplacement : Il s’agit d’évaluer la marque selon le montant
nécessaire pour la recréer. On tient compte des coûts de création, de développement et de
publicité liés à l’établissement de la marque.
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Evaluation à partir des revenus futurs : Il s’agit de la méthode la plus répandue aujourd’hui.
Elle consiste à appliquer un taux d’actualisation aux cash-flows futurs attribuables à la
marque. Le taux d’actualisation reflète le risque de non réalisation de ces revenus.
Evaluation par la méthode des royalties : La méthode consiste à déterminer le montant que
le propriétaire de la marque est prêt à payer afin de pouvoir l’exploiter. Il dépend donc de la
valeur que la marque représente pour le consommateur, justifiant la prime que celui-ci sera
prêt à verser pour l’obtenir.
Evaluation par la méthode des comparables : Il s’agit d’évaluer la marque par comparaison
aux transactions récentes de marques comparables sur le marché. Cette méthode n’est
viable que si la marque a une certaine ancienneté et popularité sur le marché. L’inconvénient
majeur de cette méthode est que les transactions sur des marques similaires sont rares sur
le marché, d’où la difficulté de trouver un échantillon de comparables nécessaire à
l’évaluation.
DETERMINATION DES REVENUS IMPUTABLES A LA MARQUE
Lorsqu’on évalue une marque à partir des revenus futurs il convient d’abord de déterminer la
part du chiffre d’affaire imputable à la marque.
Ensuite, il faut projeter son évolution sur un horizon temporel prévisible. La deuxième étape
consiste à déterminer le taux d’actualisation des flux financiers en utilisant la méthode du
MEDAF. La valeur de la marque est égale à la somme des flux futurs actualisés.
ILLUSTRATION : METHODE D’EVALUATION INTERBRAND
Créé en 1974, le cabinet Interbrand s’est imposé sur le marché de l’évaluation de la marque.
La méthode Interbrand est désormais largement utilisée dans le monde. Depuis sa
création, le cabinet a évalué plus de 1200 marques, ce qui représente plus de 50 milliards de
dollars.
Cette méthode est fondée sur une évaluation marketing reflétant les perspectives de
croissance de la marque et une évaluation financière reflétant les gains potentiels futurs de
la marque.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 37 06/02/10
D’après E. WALLISER ‘La mesure comptable des marques’(2001)
La contribution de la marque dans la création de valeur est de plus en plus reconnue dans le
monde financier.
Pratique / Analyse et utilisation
Le rôle des marques dans la création de valeur par l’entreprise est incontournable.
Cependant, en l’absence d’un véritable marché actif, les entreprises ne les évaluent pas
systématiquement.
L’évaluation de la marque naît du besoin de connaître sa valeur, comme dans le cas d’un
transfert de propriété par exemple. Plus généralement, la valorisation de la marque peut
intervenir dans les cas suivants :
1. Cession ou acquisition de la marque
2. Estimation des droits liés à l’exploitation d’une franchise ou d’une licence
3. Evaluation des dommages liés à un litige (ex : contrefaçons, utilisation illicite
d’une marque déposée, concurrence déloyale, imitation illicite)
4. Evaluation de la contribution de la marque à la création de valeur de l’entreprise
5. Gestion d’un portefeuille de marques
Il existe aujourd’hui un véritable marché de l’évaluation financière de la marque où
interviennent les grands cabinets d’audit et des consultants spécialisés (sociétés conseils en
création et stratégie de marques, cabinets spécialisés dans le management de la propriété
industrielle, le droit des brevets, des marques, des dessins et modèles).
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 38 06/02/10
FICHE 53 – VALEUR FONDAMENTALE ET VALEUR EN BOURSE
Dans l’économie moderne, l’évaluation d’entreprise est un outil important de mesure de la
performance des entreprises et de la gestion financière. Elle intervient tout au long de la vie
d’une société, que ce soit pour un diagnostique financier, dans le cadre d’une transmission,
ou en cas de cession de l’entreprise.
Cependant, il convient de distinguer valeur d’entreprise et valeur de marché. En effet, la
valeur d’entreprise est calculable à partir d’informations objectives découlant de l’observation
de l’entreprise alors que la valeur de marché, c'est-à-dire le prix de la transaction, se dégage
de l’appréciation des parties en présence et comporte une part importante de subjectivité.
Ce constat est illustré par l’analyse de l’évolution des cours de bourses qui reflète la valeur
de marché d’une société à un instant précis par la rencontre immédiate de l’offre et la
demande sur les sociétés cotées.
La crise financière qui a débuté en 2007-2008 nous montre bien la déconnexion qui peut
exister entre la valeur d’entreprise et la valeur de marché d’une entreprise. En effet, la
capitalisation boursière (et donc la valeur de marché) des sociétés cotées passent en
quelques mois d’une phase d’augmentation importante à une baisse très violente.
Comment réconcilier la valeur d’entreprise au cours de bourse ?
La question sous-jacente à ce consiste à définir les éléments qui, d’une part, expliquent la
différence entre la valeur d’entreprise et sa valeur de marché dans le cas d’une société non
cotée en bourse, et d’autre part, de les transposer et de les compléter dans le cas des
sociétés cotées.
1 – Les méthodes fondamentales (voir fiche 49)
Les principales méthodes fondamentales
1. Les méthodes patrimoniales qui se fondent sur la valeur des biens
possédés par l’entreprise.
2. Les méthodes par les flux qui se basent sur la capacité de l’entreprise à
générer de la richesse dans le futur.
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3. Les méthodes par les multiples qui se basent sur les résultats dégagés
par l’entreprise.
2 – La valorisation de l’entreprise sur les marchés financiers
Sur les marchés financiers, la valeur d’une société n’a d’existence qu’à cause du marché, et
c’est sur ce marché qu’est définie sa valeur.
a - L’émission de titres
Lorsqu’une société décide d’ouvrir son capital à l’épargne publique, elle fait appel à une
banque qui se chargera du montage du placement (modalités de souscription, détermination
du cours d’émission …) moyennant une commission sur le montant total du placement. Le
marché boursier des introductions en bourse est appelé le premier marché.
Il existe plusieurs méthodes pour définir le prix d’émission :
• L’offre à prix ouvert : Consiste à donner une fourchette de prix à l’intérieur de laquelle
le prix définitif sera fixé. Les acheteurs présentent alors la quantité souhaitée et le
prix maximal (limite) qu’ils sont prêt à mettre. Le prix définitif sera celui qui satisfera le
plus d’acheteurs.
• L’offre à prix ferme : Fixe une quantité de titre à un prix défini et inchangeable. Seuls
les ordres d’achat à ce prix seront recevables.
• L’offre à prix minimal : L’émetteur annonce un prix minimal en dessous duquel il n’est
pas vendeur, tous les ordres d’achat qui sont au-dessus de ce prix sont servis.
Le prix d’émission est donc principalement basé sur une valorisation initiale de l’entreprise
(en fonction de méthodes fondamentales préalablement étudiées), mais il fait déjà l’objet
d’ajustements selon la valeur perçue de la société par les donneurs d’ordres.
b - La cotation
Il existe deux méthodes de cotation : la méthode de la cotation périodique (dites du fixing) et
la cotation continue. La cotation périodique est de moins en moins utilisée. Elle consistait à
« stocker » les ordres de ventes et d’achats et à les confronter à des heures précises de la
journée. La cotation en continu permet aux échanges de se faire dès que deux ordres de
sens opposé se rencontrent.
Donc si une entreprise présente de très bonnes perspectives, il est logique que les
détenteurs d’actions ne souhaitent pas s’en séparer, sauf à un prix permettant la réalisation
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 40 06/02/10
d’une plus-value intéressante. Comme sur tout marché, si la demande est forte et si l’offre
est faible, le prix augmente.
A tout moment d’une séance sur le marché, voici comment est établi le cours d’une action
Exemple : Le cas RENAULT
Ordres Qté Achat
Vente Qté Ordres
1 20 13.070
2 18 429 13.055
2 6 139 13.045
2 28 678 13.040
2 24 765 13.035
1 29 13.030
1 350 13.020
3 48 349 13.015
3 29 459 13.005
5 10 943 13.000
13.080 95 010 1
13.100 99 916 1
13.120 21 165 2
13.130 23 038 1
13.140 28 954 2
13.150 1 475 1
13.165 17 942 1
13.185 75 129 3
13.200 500 1
13.205 18 974 1
22 167161 TOTAL
TOTAL 382103 14
Ce carnet d’ordre présente à gauche les ordres d’achats et à droite les ordres de ventes.
Dans cet exemple on voit qu’il y a 1 ordre d’achat (représentant 20 actions) prêt à acheter le
titre à 13,070. De l’autre coté, il y’a 1 ordre de vente (concernant 95 010 titres) pour un prix
de vente de 13,080. Le cours de bourse de l’action est ainsi fixé à 13,080 jusqu'à ce que
95 010 titres soient vendus à ce prix ou jusqu'à ce qu’un vendeur propose un prix de vente
inférieur.
Grace à l’informatisation des transactions, tout se fait instantanément. Par exemple, si un
acheteur arrive en demandant 98 000 titres à 13,080, il sera servi pour 95 010 titres, et il
restera 2990 titres dans le cadre de gauche à 13,080 tandis que à droite, l’ordre de vente à
13,080 sera entièrement versé et le meilleur prix de vente sera de 13,100, prix qui deviendra
le nouveau cours de l’action.
Ce tableau récapitulatif représente la situation de marché d’un titre. Dans cet exemple, on
voit qu’il y a plus de vendeur que d’acheteur (167 161 titres à l’achat contre 382 103 à la
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 41 06/02/10
vente). On peut donc supposer que le cours de l’action va baisser dans les prochaines
heures.
Nous observons que le prix de marché peut différer de la valeur d’entreprise calculée à l’aide
des différentes méthodes.
Ceci s’explique tout d’abord par la situation du marché sur lequel la société étudiée se
trouve. Ainsi, la position de l’entreprise sur son marché, les perspectives de croissance des
sociétés sur ce marché, et ses avantages concurrentiels pourront faire évoluer sa valeur de
marché.
Ensuite, la valeur de l’actif immatériel de la société doit pouvoir être appréciée. Il s’agira pour
l’analyste de valoriser le capital client, innovation, humain, organisationnel et stratégique de
la société. Tous ces éléments contribuent à la création de valeur de l’entreprise et font, de ce
fait, varier la valeur de marché.
Enfin, la valeur de marché n’est rien d’autre que le prix qui permet la rencontre entre l’offre et
la demande. Alors que pour une société non cotée le processus de négociation peut être
long et couteux, sur les marchés boursiers, la rencontre entre les acheteurs et les vendeurs
se fait presque sans entrave et immédiatement.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 42 06/02/10
FICHE 54 – Comment réconcilier les valeurs fondamentales et les valeurs de marché
Avec le constat d’évolution parfois extrême (à la hausse comme à la baisse), il convient de
réfléchir à la notion de rationalité des opérateurs sur le marché boursier. Cette notion de
rationalité rejoint celle d’efficience des marchés financiers.
Un marché est dit efficient lorsque les échanges ne connaissent pas d’obstacle, lorsque
l’information y circule bien, et lorsque leurs régulations assurent de façon optimale le respect
de l’offre et de la demande.
Sur les marchés financiers, on distingue plusieurs types d’efficience ; allocationnelle,
informationnelle et opérationnelle. Ces trois catégories peuvent être fortes, semi-fortes et
faibles.
1. L’efficience opérationnelle facilite l’accès au marché et assure la rencontre entre les
investisseurs et les entreprises. L’efficience opérationnelle est forte si on trouve le
marché un grand nombre d’intermédiaires financiers comme les courtiers et les
sociétés de bourses, mais aussi un système informatique centralisé et généralisé
(ex : Euronext). Sur les marchés actuels, l’efficience opérationnelle n’est entravée
que par les coûts d’accès (commissions) revenant aux intermédiaires, coûts qui ne
sauraient à eux seuls avoir un impact sur le cours d’une valeur.
2. L’efficience allocationnelle caractérise l’aptitude du marché à allouer les ressources
aux valeurs les plus productives et pour le plus grand profit de l’économie. C’est la
notion de rationalité des opérateurs qui intervient ici. L’efficience est d’autant plus
forte que les investisseurs sauront reconnaitre les valeurs rentables et placeront
leur argent de façon objective.
3. L’efficience informationnelle facilite la diffusion de l’information relative aux valeurs
sur le marché (Informations financières, sectorielles, juridiques etc.) C’est cette
efficience qui est la plus déterminante. Cette efficience sera faible si ne sont
disponibles que les informations historiques sur le cours des actions. Elle sera
semi-forte si, en plus des informations historiques, on y trouve des informations
publiques telle que les états financiers, des annonces etc. (on les appelle les
informations blanches). Enfin, l’efficience informationnelle sera forte si on trouve
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 43 06/02/10
sur le marché des informations privilégiées (ou illégalles) susceptibles d’influencer
le cours de bourse.
Si le marché est très efficient, il existe alors une parfaite allocation de l’épargne et le prix des
titres intègre une évaluation « correcte » des informations disponibles. Il n’est donc
théoriquement pas possible de réaliser des profits car le prix des titres a autant de chance de
monter que de baisser.
L’existence de cycle sur les marchés boursiers vient prouver la limite de l’efficience actuelle
des marchés. Ces tendances spéculatives peuvent être schématisées comme suit :
Prix
Sur ce schéma, lorsque VM=VF, le marché est efficient car la valeur de marché vient se
réconcilier à la valeur que l’on aurait obtenu avec des méthodes fondamentales et donc avec
toute l’information requise disponible.
On peut donc en conclure que, dès lors que l’on note l’apparition d’une bulle spéculative, le
marché devient inefficient. La crise des années 2000-2001 illustre bien cette notion de bulle
spéculative. Avec la montée en puissance des nouvelles technologies, toutes les sociétés
« technologiques » ont vu leur cours de bourse s’envoler. Les investisseurs surévaluaient
alors l’immatériel et plus particulièrement le capital innovation de ces sociétés. La faillite de
quelques unes de ces sociétés a fait douter les investisseurs qui ont alors retiré leurs
capitaux, entrainant la chute du marché boursier.
Cela peut s’expliquer par l’imperfection de l’information disponible sur les sociétés cotées.
Voici une liste des principales informations disponibles au grand public :
A -Bilan, compte de résultat, annexe, rapport de gestion des exercices déjà clos.
Ces documents, certifiés par des commissaires aux comptes, contiennent
beaucoup d’informations sur l’activité de la société et son évolution. L’application
récente des normes IFRS a étoffé les informations à présenter dans l’annexe,
ECLATEMENT DE LA BULLE
VF (Valeur Fondamentale)
VM (Valeur du marché)
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 44 06/02/10
comme par exemple la juste valeur des éléments d’actif des sociétés. Cependant,
ces états financiers ne sont publiés par défaut qu’une fois par an (parfois
trimestriellement mais de manière partielle). Ces documents ne présentent que très
peu d’informations sur les prévisions d’activités sur les années suivantes.
B - Comparatif entre toutes les sociétés du secteur d’activité. Il permet de
positionner la société étudiée par rapport à ses concurrents, avec par exemple la
comparaison de la croissance du chiffre d’affaire, le PER, etc.
C - Actualités affectant l’entreprise ou son marché. On a donc des informations sur
les communiqués de presse des sociétés (changement de direction, ouverture de
nouvelles usines etc.)
D - Conseils d’analystes et d’experts en finance. Ces derniers peuvent avoir une
forte influence sur l’évolution du cours de bourse. On retrouve par exemple sur des
sites boursiers, des « consensus » d’experts qui conseillent les investisseurs sur la
gestion de leur portefeuille (vendre, alléger, renforcer, acheter un titre)
Les investisseurs disposent d’une information fournie sur l’actualité et le passé des sociétés.
Cependant, les informations sur le futur des sociétés sont limitées et par définition
« incertaines ». Le fait que l’immatériel devienne un composant essentiel de la valorisation
d’un titre par son cours de bourse, et que son évaluation soit fondée sur des prévisions,
participe à expliquer le fait que les cours de bourse s’éloignent de leur valeur fondamentale,
rendant parfois le marché inefficient.
Conclusion
Les méthodes patrimoniales classiques (ANR et Valeur de constitution) sont à exclure pour
l’évaluation d’une société qui a ouvert son capital sur le marché financier. Les méthodes par
le résultat et notamment celles basées sur l’actualisation des flux futur sont plus adaptées à
l’estimation de la valeur de l’entreprise mais nécessitent des informations sur les
perspectives de croissance qui ne sont pas accessibles à tous.
La valeur fondamentale obtenue par ces méthodes n’a de sens que si elle permet la
rencontre entre les acheteurs et les vendeurs. Bien souvent, le prix de transaction et donc la
valeur de marché de l’entreprise présenteront un écart avec la valeur fondamentale. Cette
différence s’explique par les différences d’analyses réalisées sur la société évaluée :
- position sur son secteur d’activité
- caractéristiques financières, structurelles, organisationnelles et stratégiques.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 45 06/02/10
- Mais elle dépend aussi de la motivation qui pousse l’investisseur à acheter des
actions de l’entreprise et le cédant à en vendre.
Par raccourci, cette différence représente l’évaluation que font les investisseurs de l’actif
immatériel de la société. La capitalisation boursière des sociétés cotées est donc composée
d’environ 60% d’actifs intangibles, qui n’ont de valeur que par les revenus futurs qu’ils sont
censés générer, d’où une forte subjectivité de la valorisation des sociétés.
L’évaluation de cet immatériel tend à éloigner la valeur de marché de la valeur fondamentale
de l’économie de façon spéculative, en période de croissance.
Cependant, des évènements brutaux inversent ces tendances et font chuter les cours
jusqu'à ramener la valeur de marché à un niveau proche de la valeur d’entreprise. Ces crises
financières montrent l’existence de cycles boursiers qui illustrent les périodes durant
lesquelles les marchés sont inefficients. (Voir table du financier – fiche 87).
En effet, si d’une part toute l’information était intégrée dans le cours de bourse, et que
d’autre part les informations comptables intègrent correctement les données d’immatériel,
nous pourrions observer une meilleure convergence entre la valeur fondamentale calculée et
la valeur de marché.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 46 06/02/10
FICHE 55 – LA VALEUR DE L’ENTREPRISE LORS D’UNE INTRODUCTION EN BOURSE
L’Introduction en Bourse, ou Initial Public Offering (IPO) en anglais, est une étape
importante dans la vie d’une entreprise. Elle consiste en l’émission d’actions d’une entreprise
sur les marchés financiers.
DEFINITIONS
Une introduction en bourse est donc une procédure qui permet à la firme de vendre
des actions ordinaires à de nouveaux investisseurs, ce qui lui ouvre l’accès aux marchés des
capitaux ; c’est un moyen disponible pour la firme d’aller chercher du financement sous
forme de fonds propres en diluant son capital entre les mains de nouveaux actionnaires, qui
en deviennent alors propriétaires au même titre que les actionnaires historiques, et
proportionnellement au nombre d’actions qu’ils détiennent.
Autrefois réservée à une minorité d’entreprises, l’introduction en bourse séduit de
plus en plus de firmes depuis le début des années 1990, et ce surtout dans les marchés
anglo-saxons. En effet, hormis une forte diminution des sociétés cotées constatée entre
1998 et 2004, due notamment à l’éclatement de la bulle Internet et des scandales qui ont
impliqué certaines banques de placement de renom en révélant leurs connivences avec la
sphère des investisseurs institutionnels, le nombre d’introductions en bourse n’a pas cessé
d’augmenter. Et même s’ils n’ont pas encore retrouvé les niveaux atteints au milieu des
années 1990, et ce en grande partie du fait de la crise financière que nous vivons
actuellement, laquelle a freiné leur élan, les IPO constituent toujours une activité majeure
des marchés financiers et représentent une fraction importante de toutes les émissions si
l’on considère les placements privés et les émissions d’obligations convertibles.
La reprise du nombre d’introductions en bourse à partir de 2005 a été le fruit de mesures qui
ont facilité l’accès pour les entreprises aux marchés financiers. En témoigne la création du
marché non réglementé Alternext en France qui s’inspire du marché anglais de
l’Alternative Investment Market, et qui a vocation de permettre aux petites et moyennes
entreprises d’accéder à la cote de manière simplifiée, tout en assurant la protection des
investisseurs.
Néanmoins, et malgré cette simplification des processus d’introduction en bourse, l’IPO reste
une étape ardue.
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 47 06/02/10
PROBLEMATIQUES :
1) Un constat général à l’introduction : Une sous évaluation systématique
Il s’agit dans cette partie de montrer que les méthodes d’évaluation et le résultat qu’elles
génèrent ne sont pas à l’origine de la sous-évaluation constatée. Il faudra alors en
déterminer les causes en présentant les différentes hypothèses théoriques qui tentent
d’expliquer ce phénomène. Enfin, nous présenterons les différents paramètres à prendre en
considération dans le but de réduire cette sous évaluation.
C’est le traitement des données recueillies, en termes de volumes d’actions faisant
l’objet d’une promesse de vente et de leur prix, qui permettra de décider ou non de
l’introduction en bourse, et qui aboutira donc à la formation du prix de l’action.
En effet, une fois l’évaluation de l’entreprise effectuée, la fourchette de prix indicatifs connue
et les promesses d’achats des investisseurs potentiels enregistrés, plusieurs choix s’offrent à
l’entreprise introductrice. Si la demande des investisseurs est jugée trop faible par
l’entreprise, elle peut soit demander un report de l’IPO, soit proposer une fourchette de
prix ou un volume d’actions mises en vente qui soient inférieurs à ceux proposés
auparavant. Si en revanche la demande des investisseurs est importante, la vente des titres
a de grandes chances de s’effectuer au prix le plus élevé de la fourchette de prix proposée.
Les prix indicatifs fournis pour encadrer la demande des investisseurs servent surtout à
l’entreprise émettrice puisqu’ils lui permettent d’appréhender la demande réelle du marché.
C’est en confrontant l’offre et la demande que l’entreprise réussira à déterminer le prix
auquel ses actions doivent être mises en vente.
Cette formation du volume des actions mises en vente et du prix final de vente en fonction
de la demande du marché est un mécanisme que l’introduction en bourse de Google permet
de mettre en lumière et sur lequel elle nous renseigne particulièrement bien.
Exemple : GOOGLE
Lors de l’annonce de son IPO en juillet 2004, l’entreprise Google avait indiqué pour
ses actions un prix de vente se situant entre $120 et $135, ce que dénoncent certains
analystes en invoquant une surélévation de la valeur de ces titres. L’entreprise ouvre alors
les enchères sur son site à partir du 13 août de la même année. Dans la nuit du 18 août,
Google annonce par le biais de son site, une réduction du nombre d’actions mises en vente
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 48 06/02/10
à 19,6 millions de titres et une baisse du prix de vente qui passe à $85 ce qui se rapproche
d’avantage du prix préconisé par les observateurs.
Ainsi, Google a ajusté son offre pour l’adapter à la demande réelle du marché qu’elle a pu
appréhender par la mise en place des enchères sur son site. Le prix de vente final ne se
situe même pas dans la fourchette de valeurs que Google avait initialement définie par
l’application des méthodes d’évaluation les plus couramment mises en pratique et qui lui
étaient le mieux adaptées. Cela montre bien que les méthodes d’évaluation ne sont pas à
l’origine de la sous-évaluation constatée sur les marchés lors des opérations d’introduction
en bourse, puisqu’elles ne font que définir un cadre transactionnel qui peut être transgressé.
Ce ne sont pas elles qui induisent ce taux de rendement si élevé au premier jour de cotation.
Les causes de ce taux de rendement observé sont donc à chercher dans les mécanismes
d’une introduction en bourse autre que l’évaluation de l’entreprise, tels que le choix des
procédures d’introduction, le moment de l’introduction, le nombre d’actions conservées par
les actionnaires historiques. Il paraît également intéressant de voir si les raisons de
l’introduction en bourse n’influence pas ce phénomène de sous évaluation à l’introduction.
• Plusieurs hypothèses tentent d’expliciter l’origine de cette sous évaluation :
Ce phénomène de sous évaluation des entreprises lors de leur introduction en bourse
n’est pas un phénomène nouveau. Plusieurs analystes et experts de la finance se sont déjà
penchés sur cette caractéristique particulière des IPO. Nous allons à présent faire le tour des
principales hypothèses qui ont tenté d’en déterminer les origines et d’en expliquer les
causes. Nous présenterons touts d’abord les hypothèses qui lient cette sous évaluation à
l’introduction à l’actionnariat historique de la firme. Nous verrons ensuite les théories
de la sous évaluation qui reposent sur les caractéristiques intrinsèques de
l’introduction en bourse.
Parmi les hypothèses liant la sous-évaluation en bourse à l’actionnariat d’origine de la
firme émettrice, il convient de citer celle développée par Géraldine Broye et Alain Schatt
dans leur étude intitulée « Sous-évaluation à l’introduction et cessions d’actions par les
actionnaires d’origine : le cas français » et publiée dans la Revue Finance Contrôle et
Stratégie de juin 2003. Selon les auteurs de cet article, la sous-évaluation des entreprises
lors de l’introduction en bourse est la traduction financière d’un équilibre entre deux
forces qui s’opposent. La première de ces forces est la volonté qu’ont les actionnaires
historiques de signaler au marché la bonne santé de leur entreprise. La seconde force
© Gérard Chapalain « 100 fiches en Finance » Page 49 06/02/10
est la volonté des actionnaires historiques de la firme de limiter la perte de richesse
liée à la sous évaluation.
En effet, comme nous l’avons vu en première partie, une des raisons de
l’introduction en bourse peut être le souhait d’envoyer un signal au marché pour faire
montre de la solidité et de la qualité de l’entreprise. Plus ce signal sera coûteux et plus il
sera crédible car seule une entreprise performante et sure aura la capacité de se le
permettre. D’où la pratique consciente, selon Broye et Schatt, d’une certaine sous-
évaluation des titres à l’introduction par les actionnaires historiques. En opposition à
cette envie des actionnaires de lancer un signal au marché, se dresse leur volonté de limiter
la perte de richesse liée à la sous-évaluation.
Les auteurs de l’étude ont mis en évidence cette relation par le biais de statistiques
empiriques recueillies auprès d’un échantillon formé de 402 entreprises s’étant introduites en
France entre 1986 et 2000. Ils ont montré qu’à partir d’un certain niveau d’actions
cédées lors de l’IPO, les actionnaires historiques sont incités à réduire la sous-
évaluation afin de minimiser la perte de richesse subie. Cette volonté des actionnaires
historiques de limiter la sous-évaluation montre bien qu’ils en sont conscients a priori, ce qui
prouve qu’une partie de la sous-évaluation leur incombe.
Cette théorie rejoint celle développée par Allen et Falhauber en 1989, dans leur
article « Signaling by Underpricing in the IPO Market » paru dans le Journal of Financial
Economics, et qui avait attribué ce phénomène de sous-évaluation à la volonté de
l’entreprise émettrice de se démarquer des firmes de mauvaise qualité en pratiquant
une sous-évaluation importante, tout en espérant récupérer sur les ventes subséquentes.
Une autre hypothèse présentée par Dominique Dufour, Eric Molay et Bernard Olivero
dans leur étude intitulée « Sous-évaluation à l’introduction en bourse et gestion de
l’actionnariat : l’exemple d’Alternext » rejoint également celle de Broye et de Schatt. Selon
cette étude, les actionnaires historiques de la firme envoient effectivement un signal au
marché en ayant recours à une décote des prix qui conduit à la sous-évaluation constatée à
l’introduction.
Cependant le but des actionnaires qui pratiquent cette décote ne serait pas
seulement de signaler aux investisseurs la bonne santé de leur entreprise. Par le biais de
cette pratique, ils espèrent provoquer une sur-demande des titres qui leur permettrait de
sélectionner parmi les investisseurs potentiels ceux qui les intéressent le plus pour former un
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bloc de contrôle. « La sous-évaluation s’analyserait comme un coût de conservation du
contrôle ».
Enfin, une dernière théorie liant la sous-évaluation aux comportements des
actionnaires d’origine a été développée par Loughran et Ritter dans une étude parue en
2002 dans la Review of Financial Studies et dont le titre est « Why Don’t Issuers Get Upset
about Leaving Money on the Table in IPOs? ». Cette étude lie la sous-évaluation à
l’introduction à la corruption des dirigeants et des larges actionnaires de l’entreprise
qui acceptent de laisser de « l’argent sur la table » afin de profiter d’introductions
futures pour leurs comptes personnels. La banque introductrice, soucieuse de réussir la
vente d’actions et de rester en bons termes avec ses clients importants que sont les
institutionnels, va promettre aux actionnaires historiques de la firme émettrice de les placer
en position favorable lors des autres introductions en bourse dont elle sera chargée.
Hormis ces hypothèses, liant la sous-évaluation à l’introduction à la volonté des
actionnaires historiques, de nombreuses théories expliquent l’origine de la sous évaluation
par les caractéristiques intrinsèques du processus d’IPO.
Parmi ces théories on peut signaler celle développée en 1989 par Benveniste et
Spindt dans leur article « How investment bankers determine the offer price and allocation of
new issues » publié dans le Journal of Financial Economics. Selon eux, cette sous-
évaluation à l’introduction serait le coût de l’acquisition par la banque introductrice (et
donc par l’entreprise émettrice) de l’information détenue par les institutionnels. En
d’autres termes, la sous-évaluation serait une sorte de rémunération offerte par les
actionnaires historiques aux investisseurs institutionnels potentiels, pour que ces derniers
donnent des informations relatives au prix qu’ils sont prêts à payer pour les titres.
Une autre hypothèse fait intervenir le problème d’asymétrie d’information,
caractéristique d’une introduction en bourse. C’est la théorie de la malédiction du gagnant
(ou winner’s curse) décrite par Rock en 1986 dans son article intitulé « Why new issues are
underpriced » et publié dans le Journal of Financial Economics. Selon lui, l’asymétrie
d’information qu’il y a lors d’une introduction en bourse entre les investisseurs institutionnels
et les petits porteurs, favorise toujours les premiers par rapport aux seconds. En effet, les
petits investisseurs privés disposent de moins d’informations concernant l’entreprise
émettrice que les institutionnels. Si, comme dans la majorité des introductions en bourse, le
système d’allocation choisi se fait en fonction de la demande, alors ces petits investisseurs
vont se voir attribuer une petite fraction des actions des IPO les plus courues et vont recevoir
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une grande fraction des actions des IPO les plus délaissés par les institutionnels : c’est la
malédiction du gagnant. Les investisseurs privés ne se voient attribuer un nombre
suffisant d’actions que lorsque l’IPO n’est pas attractives. Ils ne vont donc investir dans
des introductions en bourse que lorsqu’il y a sous-évaluation importante des titres pour
compenser le système d’allocation qui les désavantage.
Le modèle des cascades informationnelles développé par Welch en 1992 repose
également sur la manière dont l’asymétrie d’information affecte la sous-évaluation, lors de
l’introduction en bourse. Selon Welch, si l’achat d’un investisseur potentiel n’est pas
seulement motivé par les informations qu’il détient mais est également influencé par les
achats des autres investisseurs du marché, alors pratiquer une sous-évaluation relève d’une
stratégie de la part de l’entreprise émettrice qui consiste à inciter des investisseurs à acheter
ses actions et à provoquer par la suite un effet cascade. D’autres investisseurs suivront le
mouvement indépendamment de ce qu’ils pensent savoir à propos de l’entreprise désireuse
de s’introduire à la cote.
Mis à part ces deux grandes familles d’hypothèses expliquant les origines de la sous-
évaluation constatée lors des introductions en bourse, on peut évoquer d’autres théories qui
se sont attelées à la compréhension de ce phénomène.
Parmi ces théories, l’une des plus importantes est celle développée par Hughes et
Thakor en 1992 dans la Review of Financial Studies sous le titre « Litigation risk,
intermediation, and the underpricing of initial public offerings ». Dans cet article, ils mettent
en lumière le lien positif entre sous-évaluation et réduction de poursuites pénales
puisque seuls les actionnaires soumis à des pertes peuvent prétendre à des dommages et
intérêts. Cette peur des poursuites pénales est l’un des facteurs qui aurait augmenté le
niveau de sous-évaluation pour les valeurs de la bulle internet introduites entre 1999 et
2000.
Une autre de ces théories lie la sous-évaluation lors de l’introduction aux raisons qui
ont poussé l’entreprise à s’introduire. Si l’introduction avait pour but de faire de la publicité à
l’entreprise par exemple, alors pratiquer une sous-évaluation serait un moyen pour elle
de garantir un rendement très élevé au premier jour et donc de faire parler d’elle.
Enfin, une dernière hypothèse présente ce phénomène de sous-évaluation à
l’introduction comme un moyen pour la banque introductrice d’éviter un échec, surtout
s’il y a engagement ferme de sa part. Cela lui facilitera également la tâche pour ce qui est de
soutenir le titre dans l’après marché.
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Ainsi, plusieurs hypothèses expliquent la sous évaluation à l’introduction. Ces
théories ne sont pas mutuellement exclusives, et la plupart des experts s’accordent sur le
fait que ce phénomène est certainement causé par tous ces facteurs à la fois et
certainement par d’autres, ce qui expliquerait sa variabilité dans le temps.
En effet, la sous-évaluation à l’introduction en bourse existe depuis des décennies et
concerne tous les pays. Cependant, le poids relatif des différents facteurs de ce phénomène
peut avoir évolué dans le temps. Il est possible que, dans les années 1980, cette sous
évaluation ait été principalement due au coût d’acquisition de l’information auprès des
institutionnels et à la théorie de la malédiction du gagnant, alors que dans les années 1990
elle serait essentiellement due à l’asymétrie d’information.
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