Variabilité phyllochrone sorgho

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Étude originale Caractérisation de l’agrobiodiversité de l’agrosystème aux gènes Variabilité de la vitesse de développement chez le sorgho cultivé (Sorghum bicolor (L.) Moench) et relation avec le photopériodisme Benoît Clerget Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)/International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT), Projet Écophysiologie, BP 320, Bamako Mali <[email protected]> Résumé La vitesse de développement des sorghos fortement photopériodiques et par conséquent tardifs adaptés aux savanes d’Afrique de l’Ouest est ralentie pendant les phases de montaison et de développement de la panicule. Cette lenteur du développement, exprimée par un long phyllochrone, ou temps écoulé entre l’apparition de deux feuilles successives, est en relation avec la taille limitée des panicules des sorghos tardifs. Par conséquent, une modification de la vitesse de développement de la plante pourrait être une voie pour augmenter le potentiel de rendement de ce type de variétés. La variabilité pour ce caractère a été recherchée dans la mini core collection de sorgho du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et n’a pas été décelée. Au contraire, les vitesses de développement sont apparues homogè- nes au sein de l’espèce. Aucune variation du phyllochrone initial, depuis la levée, n’a été montrée et en dépit de la grande variabilité du phyllochrone secondaire, exprimé pendant la montaison, il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre variétés de même maturité. Le phyllochrone secondaire, fortement corrélé à la durée de la phase végétative, est apparu comme l’une des fonctions affectées par la réponse photopériodi- que. Mots clés : agrobiodiversité ; phénologie ; photopériode ; Sorghum bicolor. Thèmes : physiologie ; productions végétales. Abstract Variability in the rate of development of cultivated sorghum (Sorghum bicolor (L.) Moench) and relationship with photoperiod sensitivity The rate of development of highly photoperiodic and consequently late sorghums adapted to the West-African savannas is reduced during the phases of jointing and panicle development. Slow development, expressed by a long phyllochron or time between the appearances of two successive leaves, is related to the limited size of the panicles of late sorghums. Therefore, variation for phyllochron during plant development could be a way of increasing the potential grain yield of this type of sorghum. Variability for this trait was assessed in the Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) sorghum mini core-collection but none was detected. On the contrary, the rates of development appear to be homogeneous within the species. There was no significant variation observed for the initial phyllochron, following emergence. Although there was large variation in the secondary phyllochron expressed during the jointing period, there were no significant differences among varieties of a similar maturity. Secondary phyllochron was strongly correlated with vegetative phase duration and thus appears to be one of the functions affected by the photoperiod-sensitive response. Key words: agrobiodiversity; phenology; photoperiod; Sorghum bicolor. Subjects: physiology; vegetal productions. Tirés à part : B. Clerget Cahiers Agricultures vol. 17, n° 2, mars-avril 2008 101 doi: 10.1684/agr.2008.0176

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cet article étudie la variabilité du phyllochrone des différentes sorghos

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Étude originaleCaractérisation de l’agrobiodiversité

de l’agrosystème aux gènes

Variabilité de la vitesse de développementchez le sorgho cultivé (Sorghum bicolor (L.) Moench)

et relation avec le photopériodisme

Benoît Clerget

Centre de coopération internationaleen recherche agronomiquepour le développement (Cirad)/InternationalCrops Research Institute for the Semi-AridTropics (ICRISAT),Projet Écophysiologie,BP 320,BamakoMali<[email protected]>

RésuméLa vitesse de développement des sorghos fortement photopériodiques et par conséquenttardifs adaptés aux savanes d’Afrique de l’Ouest est ralentie pendant les phases demontaison et de développement de la panicule. Cette lenteur du développement,exprimée par un long phyllochrone, ou temps écoulé entre l’apparition de deux feuillessuccessives, est en relation avec la taille limitée des panicules des sorghos tardifs. Parconséquent, une modification de la vitesse de développement de la plante pourrait êtreune voie pour augmenter le potentiel de rendement de ce type de variétés. La variabilitépour ce caractère a été recherchée dans la mini core collection de sorgho du Centre decoopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) etn’a pas été décelée. Au contraire, les vitesses de développement sont apparues homogè-nes au sein de l’espèce. Aucune variation du phyllochrone initial, depuis la levée, n’a étémontrée et en dépit de la grande variabilité du phyllochrone secondaire, exprimé pendantla montaison, il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre variétés demême maturité. Le phyllochrone secondaire, fortement corrélé à la durée de la phasevégétative, est apparu comme l’une des fonctions affectées par la réponse photopériodi-que.

Mots clés : agrobiodiversité ; phénologie ; photopériode ; Sorghum bicolor.

Thèmes : physiologie ; productions végétales.

AbstractVariability in the rate of development of cultivated sorghum (Sorghum bicolor

(L.) Moench) and relationship with photoperiod sensitivity

The rate of development of highly photoperiodic and consequently late sorghumsadapted to the West-African savannas is reduced during the phases of jointing and panicledevelopment. Slow development, expressed by a long phyllochron or time between theappearances of two successive leaves, is related to the limited size of the panicles of latesorghums. Therefore, variation for phyllochron during plant development could be a wayof increasing the potential grain yield of this type of sorghum. Variability for this trait wasassessed in the Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomiquepour le développement) sorghum mini core-collection but none was detected. On thecontrary, the rates of development appear to be homogeneous within the species. Therewas no significant variation observed for the initial phyllochron, following emergence.Although there was large variation in the secondary phyllochron expressed during thejointing period, there were no significant differences among varieties of a similar maturity.Secondary phyllochron was strongly correlated with vegetative phase duration and thusappears to be one of the functions affected by the photoperiod-sensitive response.

Key words: agrobiodiversity; phenology; photoperiod; Sorghum bicolor.

Subjects: physiology; vegetal productions.

Tirés à part : B. Clerget

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doi:

10.1

684/

agr.2

008.

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L’ apex des tiges des plantesassure la production régulièrede nouveaux blocs de construc-

tion identiques, les phytomères. Chacund’eux est constitué d’une feuille, d’unnœud, d’un entre-nœud et d’un apexaxillaire pouvant donner naissance à unenouvelle ramification. Le rythme de cedéveloppement est très régulier lorsqu’ilest exprimé en temps thermique ousomme des températures. Il est constantau cours de la phase végétative mais ilvarie avec les conditions environnemen-tales régnantes au moment de l’émer-gence de la plantule (Bauer et al., 1984 ;Ellis et Russell, 1984 ; Craufurd et Bidin-ger, 1988 ; Birch et al., 1998 ; Craufurdet al., 1998). Ce rythme de développe-ment est exprimé grâce au phyllochroneou au plastochrone : ce sont les inter-valles de temps entre l’apparition de deuxfeuilles successives ou entre l’initiation dedeux primordia foliaires successifs parl’apex (Wilhelm et McMaster, 1995). Chezles céréales, la production des épis estassurée par l’apex de la tige après satransformation au moment de l’initiationflorale. Chez le blé, le rythme de produc-tion des épillets est alors égal à quatre foiscelui du phyllochrone (Kirby, 1990). Lenombre d’épillets par épi est corrélé avecla valeur du phyllochrone : un phyllo-chrone long diminue la taille potentiellede l’épi (Rickman et Klepper, 1995).Cependant le phyllochrone peut changerpendant la phase végétative et des rela-tions bilinéaires ou non linéaires entre lenombre de feuilles apparues et le tempsécoulé ont été régulièrement observées(Baker et al., 1986 ; Hay et Delécolle,1989 ; Cao et Moss, 1991 ; Tivet, 2000 ;Itoh et al., 2001 ; Miralles et al., 2001 ;González et al., 2002 ; Abeledo et al.,2004). Chez une même espèce de sorghotropical photopériodique, cette relationest bilinéaire dans le cas des semis préco-ces, lorsque la plante émet plus de25 feuilles au total et linéaire dans lasituation inverse. Chez les sorghos tardifs,le plastochrone prend, après la date del’inflexion qui est corrélée avec le débutde la montaison, une valeur au moinsdouble de celle de la phase précédente :le rythme de production des nouveauxorganes est lent pendant la montaison etla phase de développement de la pani-cule (Clerget et al., 2008).Le potentiel de rendement en grain de cessorghos photopériodiques tardifs est fai-ble au regard de leur production de bio-masse totale ou des rendements obtenusavec une culture de maïs (Bazile et Sou-

mare, 2003). Le nombre de grains de leurspanicules, qui est la composante majeurede l’augmentation du rendement engrains des sorghos (Blum, 1970), etl’indice de récolte sont faibles comparés àdes variétés améliorées plus précoces(Clerget, 2004). Par conséquent, l’accrois-sement de la taille des panicules est unobjectif majeur pour l’amélioration desrendements des sorghos tardifs, mais ilapparaît antagoniste de leur phyllo-chrone long au moment de l’initiationpaniculaire.La présente étude avait pour objectifs lavérification du caractère général de lacinétique bilinéaire de l’apparition desfeuilles chez les variétés tardives et larecherche d’éventuelles variétés tardivesayant un phyllochrone plus court pen-dant la seconde phase. Elle a été menéesur l’échantillon constitué par la mini corecollection de sorghos du Centre de coo-pération internationale en rechercheagronomique pour le développement(Cirad).

Matériel et méthode

Matériel végétal

La mini core collection du Cirad est cons-tituée de quelque 200 entrées choisiespour représenter la diversité génétiqueprésente dans la collection mondiale del’International Crops Research Institutefor the Semi-Arid Tropics (ICRISAT) quicompte plus de 22 000 accessions (Deuet al., 2006). Une première évaluation desdurées de cycle pour deux dates de semisavait déjà été réalisée à Samanko en 2002.En 2004, 207 entrées de la core collectiondu Cirad plus 5 témoins tempérés etIRAT 204 (variété tropicale non photopé-riodique), ont été reçus du Cirad Mont-pellier, auxquelles ont été ajoutés2 témoins locaux, CSM 335 et Sariaso 10.En 2005, 84 entrées tardives de cette corecollection dont la multiplication avait étéréalisée en 2004 ont été à nouveau testéesmais avec un seul témoin, CSM 335.

Dispositif expérimental

Les essais ont été conduits sur la stationde recherche de l’ICRISAT à Samanko,Mali (12° 34’ N, 8° 04’ W, altitude 330 m),dans un sol ferrugineux tropical lessivé àfaciès rouge.En 2004, l’essai a été disposé en 2 blocs de108 et 107 lignes distantes de 0,75 m,

encadrées par 2 lignes de bordure. Uneparcelle élémentaire était constituée d’uneligne de 5 m comportant 26 poquetsdistants de 0,20 m. Les 213 entrées ont étéclassées de la plus précoce à la plustardive sur la base des résultats de 2002 etsemées dans cet ordre, sans répétitions.Ce gradient de précocité permettait decréer un gradient de hauteur, chaquevariété étant encadrée par des variétés decycle et d’architecture comparables afinde limiter l’influence des effets d’ombrageréciproque sur la vitesse de développe-ment des plantes pendant la montaison.L’écart de hauteur finale entre deux par-celles adjacentes a ainsi été inférieur à1,5 m dans 98 % des cas alors que lesvariétés mesuraient entre 0,50 et 4,00 m.Un troisième bloc de 111 lignes, adjacent,a été entièrement semé avec la variétélocale CSM 335 et 5 parcelles ont été repé-rées toutes les 20 lignes afin d’estimerensemble les variabilités interparcellaire etspatiale du dispositif. Après labour etbillonnage, la parcelle a reçu 100 kg/ha dechlorure de potassium, de diamonium-phosphate (DAP) et de gypse, puis100 kg/ha de DAP et d’urée 1 mois aprèslevée et enfin 100 kg/ha d’urée 1 moisplus tard. Le 26 juin, chaque poquet a étésemé avec 3 à 5 grains et démarié à uneseule plante 2 semaines après la levée,établissant ainsi une densité de culture de67 000 plantes/ha. La saison des pluiess’est terminée très tôt en 2004 et desirrigations hebdomadaires ont été appor-tées tardivement aux 40 derniers numérosde la collection, entre le 20 octobre et le25 novembre.En 2005, l’essai a été disposé en 1 bloc de90 lignes, incluant les bordures consti-tuées par la variété CSM 335. Un blocadjacent supplémentaire a été semé avecla variété locale CSM 335 et 5 parcellesont été repérées toutes les 20 lignes afind’estimer la variabilité des mesures par-cellaires. Les pratiques culturales ont étéidentiques à celles de 2004. L’essai a étésemé le 15 juin.

Mesures

Dans chaque parcelle, 10 plantes succes-sives d’une ligne ont été marquées de 1à 10 et les feuilles de leur tige principalenumérotées à mesure de leur apparition.Chaque semaine, les nombres de feuillesdont la pointe était déjà apparue et lahauteur du cornet de la plante, à l’inter-section des 2 dernières feuilles apparues,étaient enregistrés sur chacune des tigesprincipales de ces 10 plantes. Pour cha-que parcelle, les dates auxquelles 50 %

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des plantes avaient déployé leur feuille-drapeau, épié et fleuri ont été notées.Les données météorologiques étaientenregistrées automatiquement (21 X,Campbell Scientific, Shepshed, UK) aupas de temps horaire dans le parc météode la station de Samanko, à 500 m de laparcelle. Le temps thermique a été calculésur une base horaire à partir de la tempé-rature de l’air à 2 m, avec des températu-res cardinales de 11, 34 et 54 °C, respecti-vement pour les températures de base,optimale et maximale, entres lesquellesune réponse linéaire était assumée. Letemps thermique prenait les valeurs zéropour les températures inférieures à labase ou supérieures au maximum.

Analyses statistiques

Dans certaines parcelles, les 10 plantessuivies ont constitué 2 populations dis-tinctes, avec une cinétique de développe-ment soit linéaire, soit bilinéaire. Cespopulations ont été séparées à l’aide d’untest de PPDS1 sur le nombre total defeuilles par plante (procédure GLM, SAS,2004). La population la plus nombreuse aété conservée pour l’analyse. Les parcel-les dans lesquelles les notations portaientsur moins de 5 plantes ont été écartées.Une procédure itérative a été utiliséepour estimer les pentes de la cinétiqued’apparition des feuilles au cours dutemps, à l’aide de deux modèles, linéaireet bilinéaire (NLIN, SAS). Le modèlelinéaire a été sélectionné lorsque lemodèle bilinéaire ne réduisait pas signifi-cativement la somme des carrés desécarts, testée grâce à un test F (a = 1 %).L’intervalle de confiance des phyllochro-nes individuels a été calculé à partir del’écart type interparcelles de CSM 335,supérieur à l’écart type intra-parcelle. Cesintervalles de confiance ont été reportésde part et d’autre des droites de régres-sion des phyllochrones sur la durée de laphase végétative pour l’ensemble desvariétés de la collection afin de visualiserles valeurs de phyllochrone s’écartantsignificativement de la moyenne estimée.

Résultats et discussion

Conditions de pluviométrie

et de croissance

En 2004, l’arrêt des pluies en début sep-tembre a été exceptionnellement précoce

dans toute la région (figure 1). Chez laplupart des variétés tardives, un ralentis-sement important du rythme d’apparitiondes feuilles est intervenu pour les nota-tions faites après le 15 septembre (ou1 130 °C j après levée), suivi par uneaccélération brutale après la première irri-gation, le 20 octobre (ou 1 700 °C j)(figure 2). En conséquence, toutes lesobservations effectuées après le 15 sep-tembre ont été éliminées et la détermina-tion des phyllochrones secondaires n’apu être réalisée en 2004. Quarante parcel-les dans lesquelles la croissance avait étémauvaise ont été écartées.En 2005, les pluies ont été régulières etabondantes jusqu’au 6 septembre, puisun épisode pluvieux totalisant 50 mmdu 24 au 26 septembre et une pluieultime de 22 mm le 12 octobre sont inter-venus (figure 1). La disponibilité hydri-que a été suffisante pour assurer unevitesse constante d’apparition desfeuilles, chez toutes les variétés, mêmechez les variétés les plus tardives, telle

SSM 1611 (figure 2). La racine du carrémoyen des écarts (RCME) entre valeursobservées et prédites par le modèle bili-néaire est ainsi tombée de 0,564 en 2004 à0,085 en 2005 pour les 52 variétés com-munes aux deux années. Par conséquent,les phyllochrones secondaires ont pu êtreestimés pour toutes les variétés sur lesdonnées de 2005.

Répartition des durées

de cycle et des valeurs

de phyllochones

En 2004, la répartition des durées de cycleentre le semis et la feuille-drapeau a étéreportée séparément pour les variétésdont la feuille-drapeau était sortie avantle 15 septembre et pour celles de cycleplus long dont le cycle peut avoir étéallongé par la sécheresse (figure 3). Cinqaccessions tempérées ont eu un cycleinférieur à 40 jours, les autres matérielscouvrant continûment une gamme allantde 40 à 131 jours. Quatre variétés prove-

1 PPDS : plus petite différence significative.

100

80

60

40

20

01 janv. 1 avr. 1 juil. 1 oct. 1 janv.

01 janv.

Pluie quotidienne (mm)Année 2004

Pluie quotidienne (mm)Année 2005

100

80

60

40

20

1 avr. 1 juil. 1 oct. 1 janv.

Figure 1. Répartition des pluies quotidiennes à Samanko en 2004 et 2005.

Figure 1. Daily rainfall distribution at Samanko in 2004 and 2005.

1re

irrigation

1 juin. 1 aoùt.1 sept.1 juil. 1 nov.1 oct. 1 déc.0

40

30

20

2004

DateSSM 1611 (T chad) SSM 1611 (T chad)

Nombre de feuilles apparues

2005

Nombre de feuilles apparues

10

1 juin. 1 aoùt.1 sept.1 juil. 1 nov.1 oct. 1 déc.0

40

30

20

Date

10

Figure 2. Cinétique d’apparition des feuilles d’une variété de sorgho très tardive en 2004 et 2005.

Figure 2. Kinetics of leaf appearance of a very late sorghum variety in 2004 and 2005.

Cahiers Agricultures vol. 17, n° 2, mars-avril 2008 103

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nant du Tchad, du Cameroun et du Nige-ria ont eu des cycles un peu plus longs. Ladistribution des phyllochrones initiauxn’a pas été significativement différente decelle d’une loi normale de moyenne 45,4et d’écart type 4,0 (figure 4).En 2005, les variétés tardives ont eu uncycle semis à feuille-drapeau comprisdans un intervalle de 61 à 153 jours, noncontinûment couvert en raison du petitnombre de variétés testées (84 pour unintervalle de 72 jours). La distribution desphyllochrones initiaux n’a pas été signifi-cativement différente de celle d’une loinormale de moyenne 38,3 et d’écart type3,5. En revanche, la répartition desphyllochrones secondaires, sur un longintervalle entre 52 et 96 °C j/feuille, a étésignificativement différente de celle d’uneloi normale (p = 0,01).

Les moyennes des phyllochrones initiauxpour CSM 335 ont été de 43,7 et 35,3 °Cj/feuille en 2004 et 2005 respectivement,significativement différentes (p < 0,001).Cette différence est due aux dates desemis différentes du 15 et 26 juin (Clerget,2004) et 46 des 52 variétés communesaux deux années ont eu, commeCSM 335, un phyllochrone plus long lors-que le semis a été plus tardif.

Développement bilinéaire

des sorghos tardifs

La généralité de la relation entre la bilinéa-rité de la cinétique de développement dusorgho et la durée du cycle est confirméepour l’ensemble de l’espèce représentéepar la core collection : chez 88 des91 variétés à cycle court qui ont émis

moins de 25 feuilles au total, la cinétiqued’apparition des feuilles a été linéaire(figures 5 et 6). À l’inverse, chez 31 des32 variétés tardives qui ont porté plus de30 feuilles, la cinétique d’apparition desfeuilles a été bilinéaire. Entre ces deuxtypes de comportement distincts, les58 variétés qui ont produit un total defeuilles compris entre 25 et 30 se sontréparties entre les deux groupes : 26 ontconservé une cinétique linéaire tandis que32 ont montré une cinétique bilinéaire.

Variabilité des vitesses

d’apparition des feuilles

Le phyllochrone initial des 157 accessionsconservées en 2004 a été représenté enfonction de la durée de cycle feuille-drapeau (figure 7). L’ensemble des pointsest soit enfermé dans l’intervalle deconfiance de la moyenne estimée pour ladurée de cycle correspondante, soit trèsproche de cet intervalle. Il en a été demême pour 77 des 78 accessions dont lesphyllochrones initiaux ont été mesurés en2005. Par conséquent, il n’a pas été mis enévidence de variation du phyllochroneinitial sur cet ensemble de 235 observa-tions réalisées sur 178 accessions diffé-rentes, en dépit d’une bonne précision dudispositif puisque la largeur totale desintervalles de confiance a été inférieure à11 °C j/feuille. Si elle existe, la différencede phyllochrone initial entre variétés estinférieure à 5,5 °C j/feuille, sera difficile àmettre en évidence et a peu de consé-quence sur le développement totalpuisqu’il concerne une phase courte.Le phyllochrone secondaire mesuré sur78 accessions tardives en 2005 a été cor-rélé positivement et significativementavec la durée du cycle semis-feuille-drapeau (r2 = 0,65 ; p < 10-8). L’ensemble

2004

8

7

6

5

4

3

2

1

030 40 50

Durée semis - feuille-drapeau (j)

Nombre2005

Nombre

60 70 80 90 100110120130140150

F-D avant le 15 septembre F-D après le 15 septembre

8

7

6

5

4

3

2

1

030 40 50

Durée semis - feuille-drapeau (j)60 70 80 90 100 110 120 130 140 150

Figure 3. Distribution des durées du semis à la feuille-drapeau de 211 accessions en 2004, réparties enfonction de la date de sortie de la feuille-drapeau avant ou après le 15 septembre, et de 84 accessions en2005.

Figure 3. Distribution of the durations from sowing to flag-leaf of 211 accessions in 2004, sorted on theirflag-leaf date before or after September 15th, and of 84 accessions in 2005.

2004

20

30 40

Phyllochrone initial (°C j/feuille)

Nombre2005

Nombre2005

Nombre

50 60

15

10

5

0

12

30 40

Phyllochrone initial (°C j/feuille)

50 60

10

64

8

20

Collection CSM 335

12

50 60

Phyllochrone secondaire (°C j/feuille)

70 80 90

10

64

8

20

Figure 4. Distribution des phyllochrones initiaux et secondaires de 157 accessions en 2004 et de 78 accessions en 2005.

Figure 4. Distribution of the initial and secondary phyllochrons of 157 accessions in 2004 and 78 accessions in 2005.

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des phyllochrones secondaires moins 3 aété contenu dans l’intervalle de confiancede la moyenne estimée. La différenceintervariétale pour le phyllochrone

secondaire dans l’échantillon des78 variétés tardives est donc gouvernéepar une règle unique, indépendante desaccessions, de relation entre la durée du

cycle végétatif et la valeur du phyllo-chrone secondaire : plus une variété esttardive, plus son rythme d’apparition desfeuilles pendant la montaison est lent.

Cette observation faite sur un échantillonreprésentatif de l’espèce sorgho rejointl’observation faite sur la variété tardiveCSM 335 lorsqu’elle était semée chaquemois de l’année. Pour les semis effectuésde février à juillet, la variété montrait descinétiques bilinéaires et une décroissancerégulière de la durée du cycle et de lavaleur du phyllochrone secondaire (Cler-get, 2004). La règle énoncée ci-dessuss’applique par conséquent entre variétésplus ou moins tardives comme entreplantes d’une même variété tardivesemées à des dates différentes.

Conclusion

La mesure des phyllochrones initiaux a étéprécise, celle des phyllochrones secondai-res l’a été moins. Dans ces conditions, iln’a pas été mis en évidence de variationvariétale pour le rythme d’apparition desfeuilles dans l’ensemble des 178 acces-sions mesurées. Au contraire, il est apparuune grande homogénéité de l’ensemblede l’espèce sorgho pour ce caractère : lesrythmes d’apparition des feuilles à partirde l’émergence de toutes les variétés n’ontpas été différents et toutes les variétéstardives qui ont eu une cinétique bili-néaire ont eu des phyllochrones secondai-res non différents de celui des variétés demême durée de cycle végétatif qu’elles.Les accessions sont d’autant plus tardivesqu’elles sont plus sensibles à la photopé-riode et elles ont alors un phyllochonesecondaire d’autant plus long. Le phyllo-chrone secondaire apparaît par consé-quent comme l’une des fonctions de laplante affectée par le photopériodisme, aumême titre que la durée de la phasevégétative.

Cette expérience a donc apporté uneréponse négative à la recherche d’unevariabilité des vitesses de développementau sein de l’espèce sorgho. En revanche,elle a mis en évidence une nouvellefacette de la réponse photopériodiquedes sorghos qui est un caractère-clé deleur adaptation dans les savanes souda-niennes d’Afrique. ■

40

30

20

10

0

Temps thermique

Nombre de feuilles apparues

IS 26041 (80 j)

IS 20727 (30 j)

IS 17658 (122 j)

IS 2814 (61 j)

IS 24139 (99 j)

IR AT 204 (48 j)

Figure 5. Représentation juxtaposée de la cinétique d’apparition des feuilles de 6 accessions choisiespour constituer une gamme croissante des durées de cycle.

Figure 5. Combined plotting of the kinetics of leaf appearance of 6 accessions chosen to constitute anincreasing range of the life-cycle durations.Les barres représentent l’intervalle de confiance des moyennes estimées pour chaque mesure chez la variété la plus tardive.

10 15

15

10

5

0

20 25 30

Nombre d'accessions

35 40 45

Linéaire Bilinéaire

Nombre de feuilles total

Figure 6.. Distribution du nombre de feuilles totales chez 181 accessions classées en 2 groupes, suivantque la cinétique d’apparition des feuilles a été linéaire ou bilinéaire.

Figure 6. Distribution of the total number of leaves of 181 accessions sorted into 2 groups, depending onthe linearity or bilinearity of leaf appearance kinetics.

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Références

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Phyllochrone initial Phyllochrone initial Phyllochrone secondaire

Figure 7. Relations entre la durée du cycle végétatif et les valeurs des phyllochrones initiaux et secondaires mesurées en 2004 et 2005.

Figure 7. Relationships between the vegetative phase duration and the initial and secondary phyllochron values in 2004 and 2005.Les barres verticales indiquent les intervalles de confiance de la moyenne des mesures réalisées sur le témoin CSM 335. Les droites continues représentent le modèle derégression sur les 2 variables et les droites en pointillés les intervalles de confiance de ces régressions.

Cahiers Agricultures vol. 17, n° 2, mars-avril 2008106