Trump à la Maison-Blanche : bienvenue « chez les fous · Mais surtout, Donald Trump, d'après Bob...

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http://www.lepoint.fr/monde/trump-a-la-maison-blanche-bienvenue-chez-les-fous-05-09-2018- 2248596_24.php Trump à la Maison-Blanche : bienvenue « chez les fous » Coups de sang, mensonges... Les 448 pages du livre « Fear: Trump in the White House » du journaliste BobWoodward décrivent une Maison-Blanche en plein chaos. De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière Publié le 05/09/2018 | Le Point.fr Pour contrecarrer les décisions les plus dangereuses de Donald Trump , ses conseillers sont prêts à tout. Même à voler les documents sur son bureau. C'est l'une des anecdotes de Fear: Trump in the White House, le nouveau livre de Bob Woodward , dont plusieurs grands médias américains ont révélé mardi les bonnes feuilles. Le président n'a cessé de tonner contre les traités commerciaux qui vont, selon lui, à l'encontre des intérêts américains et a promis de les renégocier ou de s'en retirer. C'est ainsi qu'il a fait préparer une lettre annonçant le retrait des États-Unis d'un traité avec la Corée du Sud . Une catastrophe, car Séoul est un allié militaire de longue date particulièrement important dans la négociation sur la Corée du Nord .

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Trump à la Maison-Blanche : bienvenue « chezles fous »

Coups de sang, mensonges... Les 448 pages du livre « Fear: Trump in the White House » du journaliste BobWoodward décrivent une Maison-Blanche en plein chaos.

De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière Publié le 05/09/2018 | Le Point.fr

Pour contrecarrer les décisions les plus dangereuses de Donald Trump, ses conseillers sont prêts àtout. Même à voler les documents sur son bureau. C'est l'une des anecdotes de Fear: Trump in theWhite House, le nouveau livre de Bob Woodward, dont plusieurs grands médias américains ontrévélé mardi les bonnes feuilles. Le président n'a cessé de tonner contre les traités commerciaux quivont, selon lui, à l'encontre des intérêts américains et a promis de les renégocier ou de s'en retirer.C'est ainsi qu'il a fait préparer une lettre annonçant le retrait des États-Unis d'un traité avec la Coréedu Sud. Une catastrophe, car Séoul est un allié militaire de longue date particulièrement importantdans la négociation sur la Corée du Nord.

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Gary Cohn, son conseiller à l'Économie « atterré » par les conséquences potentielles, explique lejournaliste du Washington Post, s'est donc faufilé dans le Bureau ovale et a subtilisé le documentavant qu'il ne le signe. « Je l'ai volé sur son bureau », a raconté Cohn à un proche. « Je ne voulaispas qu'il le voie. Il n'aura jamais ce document entre les mains. Il faut protéger le pays. »

Lire aussi : Quand Trump perd ses nerfs

« Coup d'État administratif »

Devenu célèbre grâce à son travail sur le scandale du Watergate, Bob Woodward a bénéficié –comme dans tous ses ouvrages sur les présidents précédents – d'un accès privilégié à des dizaines demembres de l'Administration, dont beaucoup ont préféré rester anonymes. Les 448 pages du livre(en librairie le 11 septembre) dressent un portrait peu flatteur de la Maison-Blanche, en plein chaos,où le président ne cesse d'effarer ses proches, même les plus courtisans, par son ignorance, sonimpréparation et ses mensonges. Trump est un « leader émotionnellement à cran, lunatique etimprévisible », résume le journaliste.

Les conseillers en sont réduits à toutes sortes de manœuvres extraordinaires pour contrer sesinstincts les plus délirants. Ce que Woodward qualifie de « coup d'État administratif ». Gary Cohn,qui entre-temps a démissionné, a aussi escamoté un document qui devait annoncer le retrait desÉtats-Unis du Nafta, le traité commercial avec le Mexique et le Canada.

« Un gamin de 10 ou 11 ans »

Le dysfonctionnement de la Maison-Blanche n'est pas un scoop en soi. Mais les multiples exemplesdu livre sont particulièrement effrayants. Ainsi, lorsque Bachar el-Assad lance en avril 2017 uneattaque à l'arme chimique sur des civils, Trump appelle son ministre de la Défense et lui lance :« Putain, allons le zigouiller [en parlant du leader syrien, NDLR] ! Allons-y. Allons en zigouiller unmaximum. » Selon Woodward, le général Mattis répond qu'il va s'en occuper. Une fois qu'il araccroché, il dit à ses conseillers : « On ne va absolument pas faire ça. On va réagir de manière plusmesurée. » Tout cela se terminera par un bombardement classique d'infrastructures en Syrieapprouvé par le président.

Donald Trump rend dingues même les plus zen de ses conseillers. Après une énième réunion où ilsemble incapable de comprendre les enjeux, James Mattis « exaspéré et inquiet » déclare que leprésident a le comportement et l'entendement d'un « gamin de 10 ou 11 ans ». Le secrétaire général,un autre haut gradé, explose fréquemment et décrit Donald Trump comme un « idiot » et un« frappadingue ». « On est chez les fous. Je ne sais même pas ce que l'on fait tous là. C'est le piredes boulots que j'ai jamais eus », se lamente-t-il. Rob Porter, un autre collègue viré depuis pourviolences domestiques, résume : « On avait l'impression de marcher constamment au bord de lafalaise. »

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Donald Trump rend dingues même les plus zen de ses conseillers. Après une énième réunion où ilsemble incapable de comprendre les enjeux, James Mattis « exaspéré et inquiet » déclare que leprésident a le comportement et l'entendement d'un « gamin de 10 ou 11 ans ». Le secrétaire général,un autre haut gradé, explose fréquemment et décrit Donald Trump comme un « idiot » et un« frappadingue ». « On est chez les fous. Je ne sais même pas ce que l'on fait tous là. C'est le piredes boulots que j'ai jamais eus », se lamente-t-il. Rob Porter, un autre collègue viré depuis pourviolences domestiques, résume : « On avait l'impression de marcher constamment au bord de lafalaise. »

« Le Ernest Hemingway des 140 signes »

Donald Trump pique régulièrement des rages folles et prend un malin plaisir à insulter et humiliertous ses proches. Reince Priebus, son ex-secrétaire général, est « comme un petit rat. Il se carapatedans tous les sens ». Trump déclare à son ministre du Commerce octogénaire : « Je ne vous fais pasconfiance, je ne veux pas que vous vous mêliez des négociations commerciales… Vous êtescomplètement has been. » Il accuse son ex-conseiller à la Sécurité nationale, le général McMaster,de porter des costumes bon marché « comme un vendeur de bière ». Et bien sûr, il attaqueconstamment son ministre de la Justice, un « traître » car il osé se récuser sur l'affaire russe. « Cetype est un retardé mental », dit-il en imitant moqueusement son accent.

Sa principale activité, à part regarder de FoxNews pendant des heures, est, bien sûr, de tweetter. Luiqui se présente comme « le Ernest Hemingway des 140 signes » demande qu'on lui imprime sestweets et étudie les plus populaires, qui sont aussi les plus choquants. Au grand dam de ses équipes,qui craignent qu'il ne finisse par déclencher une guerre.

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Mais surtout, Donald Trump, d'après Bob Woodward, est obsédé par l'enquête russe et devient deplus en plus parano. Il est persuadé que Robert Mueller, le procureur spécial, veut sa peau. Pour lui,c'est une humiliation cuisante. Quand le leader égyptien Abdel Fatah al-Sissi, au cours d'uneconversation téléphonique, lui dit : « Donald, cette enquête m'inquiète. Vous allez arriver à rester ? »le président le prend « comme un coup de pied dans les couilles » (sic), déclare-t-il ensuite à sonentourage.

Mensonges à la pelle

Le passage du livre sur les débats pour savoir si le président devrait ou non témoigner devantRobert Mueller est truculent. Dans une scène saisissante, John Dowd, l'un de ses avocats, organiseune simulation d'audition. C'est un désastre. Le président ne cesse de se prendre les pieds dans letapis, se contredit, accumule les mensonges… Et semble sincèrement surpris par la réactionnégative de ses avocats. « Vous pensez que je m'en suis mal tiré ? » leur demande-t-il. John Dowdfinit par lui dire : « Ne témoignez pas. » Mais Trump, qui n'en fait qu'à sa tête, est convaincu qu'il sedébrouillera très bien. « Je serai un vrai bon témoin », clame-t-il. « Vous n'êtes pas un bon témoin »,lui rétorque l'avocat. « M. le président, je crains de ne pas pouvoir vous aider. » Il démissionne lelendemain.

« Peur : Trump à la Maison Blanche », par Bob Woodward, publié aux Etats-Unis par Simon & Schuster. AP

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https://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2018/09/05/bob-woodward-s-attaque-a-la-maison-blanche-de-donald-trump_5350316_4853715.html

Publié le 05/09/2018

« C’est un idiot. Il a déraillé » : la Maison Blanche de Trump vue par Bob Woodward

Les premiers extraits de « Peur : Trump à la Maison Blanche », le livre que publie le reporter à l’origine de la révélation du Watergate, sont saisissants.

Par Gilles Paris (Washington, correspondant)

« Des histoires fabriquées, souvent par d’anciens employés mécontents, pour montrer leprésident sous son pire jour. » Sarah Sanders, la porte-parole de Donald Trump, a peuapprécié le livre que l’ancien journaliste vedette du Washington Post, Bob Woodward,a consacré au président.

Après n’avoir pas tari d’éloges sur lui lorsqu’il racontait dans le détail la Maison Blanche de BarackObama, Donald Trump a également changé de ton. « Il a un gros problème de crédibilité », a-t-ilassuré en milieu de journée au cours d’un entretien accordé au site conservateur The Daily Caller.

Fear : Trump in the White House (« Peur : Trump à la Maison Blanche ») ne sera en librairie que le11 septembre, mais le Washington Post en a publié, mardi 4, quelques extraits saisissants, ainsi quel’enregistrement d’un entretien téléphonique, en août, entre l’auteur et le président, que Bob

Bob Woodward arrive à la Trump Tower, à New York, pour une rencontre avec le Président Trump, le 3 janvier 2017.

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Woodward n’a pu rencontrer longuement en dépit de demandes répétées. Dans ce court entretien,Donald Trump ne se berce pas d’illusions.

« Cela va être un livre négatif », estime-t-il, assurant ensuite qu’il sera « mauvais » et « inexact »,malgré les dénégations de l’auteur. Le portrait qui est dressé de lui n’est en effet pas à son avantage.Le président a déjà affronté un récit apocalyptique de la Maison Blanche sous la plume de MichaelWolff, Fire and Fury (Le Feu et la fureur, Robert Laffont), publié en janvier. Mais la notoriété et lecrédit de Bob Woodward, qui n’a épargné aucun président des Etats-Unis depuis l’affaire duWatergate – révélée avec son confrère Carl Bernstein –, confèrent au nouveau livre un tout autrestatut.

Lire aussi : « Fire and Fury » : comment Michael Wolff s’est infiltré dans la West Wing

Une administration en proie au chaosLes scènes révélées par le Washington Post dépeignent une administration en proie au chaos,entretenu par un président ignorant tout des mécanismes des institutions, des dossiers dont il a àtraiter, et faisant peu de cas des faits.

La conversation téléphonique le confirme sur un détail. Donald Trump y nie tout d’abord avoir étésaisi de la moindre demande d’entretien du journaliste, avant d’admettre en avoir été informé par aumoins deux personnes.

Une tirade prêtée au chef de cabinet de Donald Trump, John Kelly, au cours d’une réunion en petitcomité, donne un aperçu de l’atmosphère qui prévaut au 1600 Pennsylvania Avenue, selon BobWoodward : « C’est un idiot. Il est inutile d’essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il adéraillé, on est chez les fous, je ne sais même pas ce que nous faisons là. C’est le pire boulot quej’aie jamais eu », se plaint l’ancien marine, qui a immédiatement démenti en dénonçant une« tentative pathétique de salir les proches du président Trump et de détourner l’attention desnombreux succès de l’administration ».

« C’est ça ou la combinaison orange » des prisonniersL’ancien avocat du président, John Dowd, a également rapidement contesté le récit d’une simulationd’interrogatoire de Donald Trump par le procureur spécial chargé de l’enquête sur les interférencesprêtées à la Russie, Robert Mueller. Le locataire de la Maison Blanche dénonce une « foutuearnaque » et multiplie les hésitations et les contradictions au point que son conseil finit par tenter dele dissuader de rencontrer M. Mueller. « C’est ça ou la combinaison orange » des prisonniers,assure-t-il, selon Bob Woodward.

Le journaliste raconte que l’avocat va ensuite plaider la cause de Donald Trump devant le procureurspécial. M. Dowd lui explique : « Je ne vais pas le laisser ressembler à un idiot. Quand latranscription [de l’interrogatoire] sera publiée, car tout fuit à Washington, les gars à l’étranger vontdire : “Je vous avais dit qu’il était idiot. Je vous avais dit qu’il était un putain d’abruti.” » Et M.Mueller de répondre, selon ce récit : « John, je comprends. »

Avec les propos désobligeants sur ses conseillers, comme son ministre de la justice Jeff Sessions,ancien sénateur de l’Alabama, qualifié selon le livre de « crétin de Sudiste », ou son premier chef de

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cabinet, Reince Priebus, comparé à un « petit rat », les initiatives prises par ces derniers pour éviterle pire reviennent de manière récurrente.

Selon le Washington Post, l’ouvrage s’ouvre d’ailleurs par une scène dans laquelle le premierconseiller pour l’économie de Donald Trump, Gary Cohn, subtilise dans le bureau Ovale, « au nomde la sécurité nationale » comme il l’assurera après, un décret retirant les Etats-Unis de l’accord delibre-échange avec la Corée du Sud. Il fera de même avec un autre mettant fin brutalement à laparticipation des Etats-Unis à l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique (Alena). Dansles deux cas, sans que le président s’en soucie, ni même semble en prendre conscience.

« Tuons-le, putain ! », aurait dit Trump à propos d’AssadA la veille d’un bombardement de représailles contre le régime syrien, accusé d’avoir employé desarmes chimiques, Donald Trump s’emporte contre Bachar Al-Assad dans une conversationtéléphonique avec son secrétaire à la défense, James Mattis. « Tuons-le, putain ! Allons-y ! On leurrentre dedans et on les bute », suggère-t-il, selon Bob Woodward. L’ancien général opine, avantd’ajouter à l’attention de ses proches, après avoir raccroché : « On ne va rien faire de tout ça, on vaêtre beaucoup plus mesurés. » Sans contester cet épisode en particulier, le général Mattis s’est luiaussi fendu d’un démenti, expliquant dans un communiqué n’avoir jamais prononcé les « motsméprisants » qui lui sont attribués.

Dans un autre passage du livre, M. Trump se demande pourquoi les Etats-Unis dépensent del’argent pour maintenir des troupes sur la péninsule coréenne pour surveiller les activités de missilesnord-coréennes. « Nous faisons cela pour empêcher la troisième guerre mondiale », aurait déclaréle général Mattis, avant de raconter à ses proches collaborateurs que le président avait agi comme« un élève de CM2 ou de sixième ».

Lire aussi : Amazon rejoint Apple au firmament de la Bourse

Comme l’a indiqué la réaction de la porte-parole de Donald Trump, qui a estimé que ce portrait àcharge témoignerait du dépit des « démocrates et [de] leurs alliés des médias » qui « comprennentque les politiques du président fonctionnent et que, avec un tel succès, personne ne peut le battreen 2020 », la Maison Blanche compte politiser le livre pour limiter son effet dans l’opinionaméricaine. Elle peut se rassurer en se souvenant que celui de Michael Wolff, devenuimmédiatement un succès de librairie, n’a entraîné aucun dommage au sein de l’électoratrépublicain.

Lire aussi : Pleurs, trahisons, brosse à dents… ce que nous apprend « Fire and Fury », le livre surTrump et ses proches

Donald Trump, qui aime vanter ses anciens succès d’édition, s’agacera certainement de voir unouvrage critique sur lui devenir immédiatement la meilleure commande du géant du commerce enligne Amazon, le jour même où la capitalisation du groupe de Jeff Bezos – par ailleurs propriétairedu Washington Post –, qu’il attaque régulièrement, a dépassé pour la première fois les1 000 milliards de dollars (863 milliards d’euros).