Silva Tarouca, L'idée d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

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  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

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    Revue no-scolastique dephilosophie

    L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas d'AquinComte Amde de Silva Tarouca

    Citer ce document Cite this document :

    de Silva Tarouca Amde. L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas d'Aquin. In: Revue no-scolastique de

    philosophie. 40anne, Deuxime srie, n55, 1937. pp. 341-384.

    doi : 10.3406/phlou.1937.3042

    http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_55_3042

    Document gnr le 16/10/2015

    http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_55_3042http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_692http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1937.3042http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_55_3042http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_55_3042http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1937.3042http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_692http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1937_num_40_55_3042http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/
  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

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    L ide

    d ordre dans la philosophie

    de

    saint Thomas d Aquin

    Introduction.

    Saint Thomas

    n'a

    jamais affich l'ambition d'tre

    appel

    philosophe. Il

    se dclare thologien,

    fervent

    de

    la

    doctrina catholica (1).

    Des

    proccupations thologiques,

    apologtiques

    ou pastorales, selon

    les cas, sont le motif dernier de ses

    efforts,

    mme

    dans

    le

    domaine

    philosophique.

    Du point

    de vue

    de la

    psychologie

    du

    matre, aucun

    historien ne

    contestera cette

    thse.

    Mais il

    en va autrement

    de

    la

    signification logique

    ou doctrinale de son uvre.

    Sans doute,

    par

    ses

    intentions les

    plus

    foncires et les

    plus

    vitales, saint Thomas

    se

    comporte partout en

    contemplateur de

    la

    Vrit divine, mme

    lorsqu il

    descend

    la

    sphre des

    plus minutieux

    et

    des

    plus

    humb le s

    dtails

    de

    ce

    monde

    sensible.

    Mais son

    uvre littraire

    contient une foule de considrations purement philosophiques. C'est

    le cas galement des

    ouvrages qui

    sont expressment thologiques.

    Personne ne songe le

    contester.

    Mieux

    que

    cela, ces

    penses

    philosophiques

    ne

    sont

    point

    des

    rflexions

    pisodiques, parses

    et

    sans lien

    ; elles

    forment

    un vrai systme

    philosophique

    explicitement

    organis.

    De

    nombreux textes montrent que saint Thomas

    a

    eu au

    moins

    le

    dessein

    de

    distinguer

    rigoureusement

    entre

    la

    science

    rvle

    et

    la science rationnelle . Dans quelle

    mesure

    il y

    a

    russi, ce n'est

    pas

    l'historien

    comme

    tel

    en

    juger

    , mais

    cela relve dune

    Cf. A.-D.

    Sertillanges, Mlanges

    thomistes,

    1923,

    p. 175.

    Cf. titre d'exemples

    :

    la premire

    question

    de la Somme thologique ;

    5. c.

    G., I, 2-8; /a

    //, 17,

    6; //a //

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    342 Amde

    de Silva

    Tarouca

    interprtation analytique et logique de

    la

    doctrine elle-mme. La

    prsente

    tude

    se

    place

    exclusivement

    ce point

    de vue. Nous

    voudrions

    montrer que

    saint Thomas

    nous

    a transmis un vrai

    systme de philosophie

    organis

    autour

    d'un

    principe

    central,

    savoir

    l'ide

    de

    l'ordre

    thocentrique.

    1 .

    Les quatre sens

    du

    mot ordo

    ,,

    chez

    saint Thomas.

    La

    notion de l'ordre

    est assez

    complexe

    pour justifier

    une

    premire question

    :

    Dans quel sens

    prcis

    faut-il entendre le

    mot

    ordre

    ? Dans les textes

    de saint

    Thomas

    nous

    rencontrons en

    effet le mme

    mot ordre

    dans

    quatre

    acceptions philosophiques

    diffrentes.

    Ordo

    dsigne

    chez

    saint

    Thomas

    un

    phnomne,

    une ralit transcendentale, une prcision modale et

    un principe

    pratique.

    1 . Le

    phnomne de

    l'ordre. Pour

    saint

    Thomas, il

    est un

    ordre

    qu'on constate et qui ds lors peut

    figurer

    soit comme point de

    dpart

    empirique

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    344 .

    Amde

    de

    Silva

    Tarouca

    La mtaphysique a pour objet matriel

    l'tre

    en

    tant

    qu'tre

    et pour objet formel la connaissance

    ex

    causis

    ultimis

    ,

    c'est-

    -dire les causes mmes de

    l'tre.

    Sapientia mundana, quae dici-

    tur philosophia,

    quae

    considrt

    causas

    inferiores,

    scil.

    causas

    cau-

    satas,

    et

    secundum eas judicat

    et

    divina quae

    dicitur

    theologia,

    quae considrt

    superiores,

    id est divinas,

    secundum quas judicat

    (de Pot., 1, 4). Mais il y a

    duplex

    veritas

    divinorum

    (S.

    c.

    G.,

    1,

    9), la

    thologie

    rvle et la

    thologie naturelle,

    qui

    juge par

    la

    seule

    lumire

    rationnelle.

    Cette

    thologie

    naturelle est la

    mtaphysique proprement dite.

    Saint

    Thomas l'appelle

    philosophia

    prima

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    L'ide

    d'ordre dans

    la

    philosophie de saint Thomas

    345

    II

    ne s'agit videmment pas d'une relation rciproque entre

    la

    crature et

    le

    Crateur, mais

    d'une relation

    strictement

    unilatrale

    (Ia, 6, 2, 1). Le

    Crateur,

    perfection absolue, ne peut pas tre en

    relation

    d'ordre

    avec

    ses

    cratures.

    Cela

    supposerait

    une

    nouvelle

    unit

    commune

    et

    superpose entre

    Dieu et

    la crature. Pour autant

    l'ordre

    thocentrique

    est un ordre essentiel. La relation

    de

    l'tre

    cr, qui

    est

    la relation

    de

    la

    crature

    au

    Crateur,

    est, videmment,

    une relation

    essentielle. La

    relation de

    la

    crature

    au Crateur dit,

    en

    effet,

    relation d'origine

    (15>

    et de fin ontologiques. L'ordre

    thocentrique

    est

    donc un

    ordre

    ontologique.

    Enfin

    l'ordre

    thocentrique

    transcendant

    est, par cela

    mme, un ordre transcendental. Les

    transcendentalia

    sont,

    comme l'on

    sait,

    les proprits

    ncessaires de

    l'tre, qui suivent

    immdiatement l'tre

    en

    tant

    que

    tel,

    sans

    lesquelles

    un

    tre

    ne

    peut exister

    dans le

    concret

    :

    tout

    ce qui existe est, en

    tant

    qu'tre,

    un,

    vrai

    et

    bon. L ordre thocentrique

    est

    donc

    transcendental dans

    ce sens, qu'il a pour principe l'unit, la

    vrit

    et la

    bont

    absolues.

    Ds lors il est

    transcendantal

    d'une double manire : 1 il

    est

    l'unit

    de l'unit, de

    la vrit

    et de

    la

    bont, l'

    ordre

    des trans-

    cendentalia (cfr de

    Ver., 21, 3) ; 2 il est,

    par consquent,

    ordre

    d'units, de similitudes

    et

    de

    perfections

    gradues. Le phnomne

    de

    la

    convenance rciproque est donc convenance l'unit,

    la

    vrit,

    la

    perfection

    propre

    de

    chaque

    partie.

    3. L'ordre comme

    prcision

    modale. On a dj dit

    que

    l'ordre

    du

    cosmos

    est, au fond, une hirarchie, c'est--dire une unit

    ordonne d'ordres

    divers,

    une relation d'unit entre des relations

    diverses. Il faut tenir compte

    de

    ce fait pour comprendre la

    signification

    exacte dans

    laquelle saint Thomas emploie, si

    frquemment,

    le

    mot

    ordo

    en

    parlant

    des modes

    divers de

    l'tre. Il

    distingue notamment

    l'

    ordre

    final

    de

    l'

    ordre

    causal, l'

    ordre

    rel de l'

    ordre

    intentionnel, l a

    ordre

    rationnel de 1*

    ordre

    concret), et parfois au

    sens mtaphysique,

    que

    nous

    aurons toujours en vue

    dans

    cette tude. Exemple : Transcendit virtutem (scil. essendi) propriae

    formae

    (de Ver., 27, 4).

    (ls)

    Ordo

    originis

    (/a,

    41, 1). Quae diversa sunt in

    unum

    ordinem

    non

    convenirent, nisi

    ab aliquo

    uno ordinarentur

    (/a,

    11, 3).

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    346 mde de Silva Tarouca

    surnaturel. Ici le

    mot ordo ne

    dit

    pas

    une ralit mtaphysique,

    ni une

    simple

    convenance rciproque et phnomnale, mais une

    certaine unit dans

    la

    diversit des modes de

    l'tre

    (17>.

    Nous

    reviendrons plus

    tard

    sur

    l'norme

    importance

    de

    cette

    distinction des modalits au sein de l'unit.

    4. L'ordre comme principe pratique de l'activit

    proprement

    humaine. Dans

    ce

    quatrime

    sens,

    saint Thomas

    parle,

    par

    exemple, de 1*

    ordo rationis

    (Ia,

    6,3)

    et il applique

    trs

    souvent l'axiome

    aristotlicien

    :

    Proprium est rationis

    ordinare

    (//a

    //ae,

    83, 1) .

    Cet

    axiome

    aussi

    revt des significations diverses.

    Du point

    de vue

    psychologique d'abord, il s'agit du

    simple

    fait, que

    voluntas

    fertur

    in

    suum

    objectum consequenter

    ad appre-

    hensionem

    rationis

    .

    Puisque

    donc

    ratio ordinat

    ad

    alterum

    (//a

    //ae, 58, 4, 2), le

    ordinare

    ou

    ordo

    rationis

    vise

    le

    phnomne psychologique

    de l'imperium.

    Ordinare

    est

    pris,

    dans ce

    sens,

    comme

    quivalent

    de

    imperare

    (cf. //a

    //ae,

    45,

    5 ;

    /a

    //a6,

    72, 4; 87, 1)

    Le lger glissement

    de sens que le Pre Peghaire

    (p. 166,

    note

    2;

    cit note 6) signale, n'a

    donc lieu

    que lorsque l'axiome

    d'Aristote

    rationis

    est

    ordinare ne

    dsigne plus

    le imperium

    (cf.

    7a

    77ae,

    17, 1), mais une relation

    d'ordre,

    le droit

    d'ordonner.

    Voir encore : Ordo

    pertinet ad rationem sicut ad

    ordinantem sed, ad vim appetitivam pertinet sicut ad ordinatam (77a

    77ae,

    26,

    1.

    3).

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    L'ide

    d ordre

    dans la philosophie

    de

    saint Thomas

    347

    nat

    (in Trin., 2, 2,

    1).

    Sapientia... considrt altissimas causas...

    unde

    convenienter

    judicat et ordinal de omnibus

    (/a //a6, 57,

    2)

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    348 Amde de Silva Tarouca

    poser. Ces trois voies donnent

    de

    prime abord

    l'impression de

    recourir au principe de

    finalit.

    En

    ce qui

    concerne

    la

    seconde

    voie

    ex ordine causarum

    ,

    Thomas ne

    pense

    pas ici

    un ordre

    au sens

    strict

    du

    mot. Il

    ne s

    agit

    pas encore

    de

    la

    hirarchie

    dispose

    et chelonne des

    causes finales

    in via descensus

    ,

    mais de

    la

    chane des causes

    efficientes qui nous

    conduit

    in

    via ascensus

    de

    causes en causes

    jusqu'aux causes

    premires.

    Dans l'exercice

    de sa causalit,

    chaque

    cause

    pend

    , pour

    ainsi

    dire ,

    mais aussi

    pour

    la

    suite des causes en tant

    que causes.

    Dans

    la

    quatrime

    voie

    on part

    ex

    gradibus perfectionis

    .

    La

    mineure

    de l'argument

    dit : Magis et minus

    dicuntur de diver-

    sis,

    secundum quod appropinquant diversimode

    ad

    aliquid quod

    maxime

    est

    . Ici encore, le seul principe

    de

    la

    causalit efficiente

    est

    en jeu :

    Cum igitur Deus sit primum movens,

    et

    omnia

    alia

    moveat in suas

    perfectiones, necesse

    est omnes

    perfectiones rerum

    in ipso praeexistere superabundanter

    (/a,

    4, 2). Le principe de

    causalit

    efficiente

    se

    fait

    pleinement

    valoir, puisqu'il

    s'agit

    ici

    des

    transcendentalia

    ,

    c'est--dire des perfections qui suivent

    immdiatement l'tre en tant que

    tel

    et

    qui, ds

    lors, ne contiennent

    par

    dfinition aucun mlange d'imperfection :

    Sicut

    sunt

    omnia in

    quorum definitione

    non

    clauditur

    defectus, nee

    dependent a materia

    secundum

    esse, ut ens,

    bonum

    et alia

    hujusmodi

    (De

    Ver., 2,

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    L'ide d ordre dans

    la

    philosophie de

    saint

    Thomas 349

    Puisqu'il y a des

    degrs de

    perfections, une

    plnitude de

    perfection

    sans

    degr doit

    exister. Les degrs de

    perfections sont

    (comme

    perfections et

    comme degrs) de

    l'tre, des

    degrs de

    participation

    Y

    tre.

    Voil, en

    quelques

    mots, l'argument

    de

    la 4e voie.

    C'est ici

    qu'est

    pos

    le

    fondement d'une

    mtaphysique,

    qui

    unira

    la

    pense de Platon celle d'Aristote en un seul concept de l'ordre :

    tous les degrs

    d'unit,

    de vrit

    et

    de bont

    qui

    se ralisent

    en

    la

    magnifique hirarchie des

    tres

    crs sont les effets

    d'une Cause

    premire, qui, en

    vertu

    de

    la

    plnitude de sa

    perfectio essendi

    ,

    ne

    peut

    pas crer sans Sagesse et

    sans Bont, c'est--dire

    sans

    instaurer un ordre entre les

    diverses

    participations sa propre

    unit,

    sa

    propre vrit et

    sa

    propre bont.

    La cinquime

    voie

    ex gubernatione mundi

    (26), ne conclut

    pas

    seulement

    un

    ordonnateur

    d'intelligence, de

    sagesse

    et

    de

    force suprmes, mais, non

    moins

    directement que

    les

    autres

    voies,

    un

    Etre d'une

    ralit

    et

    d'une

    perfection

    absolues. Ce qu'il y a

    d'tre dans

    les phnomnes d ordre ou de

    convenance

    rciproque,

    exige une explication ontologique comme tout autre tre

    quo-

    cumque modo

    ralis. Ce qu'il

    y

    a d'unit

    et

    de vrit

    dans la

    convenance rciproque ,

    de bont

    et d'efficacit dans la tendance

    naturelle et

    efficace des choses

    leur propre perfection doit avoir

    une

    Cause

    premire et transcendante.

    Tanto se extendit

    ordinatio

    effectuum in

    finem,

    quantum

    se extendit causalitas

    primi

    agentis

    (/a, 22,

    2). La

    finalit

    apparente de l'ordre

    doit

    trouver une

    explication

    causale avant

    qu'une explication tlologique puisse

    tre

    propose et soit

    vraiment clairante.

    Primo oportet cognoscere

    originem alicujus ab aliquo, ex motu

    (/a. 41,

    1).

    C'est ce que

    saint

    Thomas fait dans la 5e voie. Ici il montre

    que la finalit dans

    les choses naturelles leur

    est, en dernire

    analyse,

    extrinsque.

    Elle

    requiert donc une explication causale avant

    de

    supporter

    une explication finale.

    C'est ainsi qu'il faut comprendre l'argument de

    sagitta

    a

    (26)

    Ad

    gubernationis

    autem

    rationem tria pertinent : quorum primum est

    distinctio eorum quae agenda sunt... secundum

    autem

    est praebere facultatem

    ad

    implendum...

    ; tertium

    autem

    est

    ordinare qualiter

    ea quae praecepta, vel

    definita

    sunt,

    impleri possunt, ut

    aliqui

    exequantur

    (7a,

    108, 6). Ce

    qui

    rpond

    prcisment comme l'on verra aux trois caractristiques essentielles de

    l'ordre du

    cosmos : formes

    graduellement

    varies, inclinations

    naturelles et

    proportionnes aux fins des formes, forces naturelles

    adaptes

    l'excution de ces

    fins.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    11/45

    350

    Amde de Silva Tarouca

    sagittante

    de

    la 5e

    voie.

    Dj

    l'exemple

    choisi

    montre qu'il

    ne

    s'agit pas d'un

    argument

    par la finalit au

    sens

    propre du mot.

    Faire

    mouche

    est

    totalement extrinsque la

    flche

    en

    tant que flche ;

    comme de

    faire une

    incision

    juste et rpondant

    l'ide du

    charpentier

    est

    totalement extrinsque

    la

    scie

    .

    Omne...

    quod

    naturaliter in

    alterum

    tendit,

    oportet

    quod

    hoc

    habeat ex aliquo

    dirigente ipsum

    in

    finem

    (De Ver., 2, 3). Ces quelques mots

    contiennent

    tout l'argument

    de

    la 5e voie.

    Dans

    cet

    argument on peut considrer l'exigence

    de

    la

    finalit

    ou celle de

    la

    causalit. Ainsi les axiomes de

    causalit

    de saint

    Thomas

    contiennent

    pour la plupart

    aussi un lment de

    finalit.

    Dira-t-on qu'il y a

    l

    une confusion d'ordres ? Pas ncessairement.

    Tout

    en

    concdant

    que

    l'explication du principe de causalit chez

    saint

    Thomas

    ne

    rpond

    pas

    nos

    exigences

    mthodologiques

    actuelles, il faut cependant signaler

    que

    cette souplesse

    bilatrale

    (causale et finale)

    de

    la pense

    thomiste rpond

    mieux au rel qu'une

    exclusivit unilatrale

    (seulement

    causale) qui devient artificielle

    ds

    qu'elle

    veut tre

    plus

    qu'une

    mthode

    scientifique

    ou

    un

    postulat mthodologique. Toutes les distinctions mthodiques et

    systmatiques, videmment ncessaires, ne peuvent pas nous faire

    oublier qu'en

    dernire

    analyse

    les deux aspects

    de

    l'existence cre

    forment

    ensemble

    la

    ralit. L'ordre de

    convenance

    rciproque

    est

    un fait parmi

    les

    autres : Vidimus... omnia...

    in

    unum ordinem

    concurrere

    (de Pot., 3, 6). C'est, pour ainsi

    dire, la

    gubernatio

    comme

    phnomne (/a,

    2, 3 et 103, 5

    ;

    S. c. G., I,

    13). Or, toute

    multiplicit

    unifie

    suppose une cause

    unifiante. Bref, mme

    l'argument

    ex gubernatione

    est

    une

    induction

    par

    la

    causalit avant

    d'tre une dduction par

    la finalit (28).

    Cf. S.

    c.

    G., 2, 29, 30;

    de

    Pot, 3, 6, et

    de Ver.,

    27,

    4 : quae

    transcen-

    dit

    virtutem propriae

    formae

    (de

    la

    scie)...

    facere

    rectam incisionem,

    et conve-

    nientem

    formae

    artis

    .

    Mme ide

    :

    Procedere... a scriptore convenit non libro

    in

    quantum

    est

    liber,

    sed

    in

    quantum

    est artificiatum

    ;

    sic

    enim

    et

    domus

    est

    ab

    artifice,

    et cultellus

    a

    fabro (de Ver., 7, 2). Scamnum

    non

    dicitur effectus

    serrae sed carpentarii

    (de

    Ver.,

    12,

    8,

    5).

    (28)

    Je

    n'ai pu

    trouver

    qu'un

    seul texte qui

    contredirait systmatiquement

    l'interprtation propose

    ici

    : 7a, 11,

    3. Saint Thomas donne comme troisime

    raison pour l'Unit de Dieu

    l'unit

    de l'ordre dans l'univers. Dans

    7a,

    47, 3,

    il

    procde inversement.

    Dans

    le

    premier cas il y

    a

    induction causale (qui

    conclut de l'effet de

    l'unit

    la cause, l'Unit absolue) et dans le

    second cas

    dduction mtaphysiquement

    ncessaire de

    la cause

    (antrieurement

    prouve

    comme existante) l'effet.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    12/45

    L'ide d ordre dans

    la

    philosophie de

    saint

    Thomas 351

    3. La premire

    dduction

    : le principe de l'ordre thocentrique.

    Dans les

    quinque viae

    , saint

    Thomas a considr

    successivement les phnomnes

    du

    monde naturel

    dans

    quelques-uns de

    leurs reprsentants

    typiques.

    Les compltant l'un par l'autre, il

    leur a

    appliqu

    le principe de causalit

    efficiente, pour arriver dans

    chaque voie

    la

    mme

    conclusion : il existe une cause

    premire,

    premier

    moteur, cause efficiente, tre ncessaire, parfait,

    intelligent

    et

    ordonnateur

    suprme, que

    nous

    nommons Dieu. Ces

    attributs du Principe absolu ne

    relvent

    donc pas

    d'une

    dduction

    mtaphysique

    ultrieure. Ils ne sont

    ontologiquement

    que

    les expressions

    diverses

    d'une

    seule et

    mme

    affirmation : Necesse

    est

    dicere

    omne

    quod

    quocumque modo

    est,

    a

    Deo

    esse

    .

    La premire thse qui sera

    dduite de

    cette

    ide

    de

    la

    dpendance totale des cratures

    l'gard

    du Crateur

    sera,

    chez

    saint

    Thomas, l'ide

    de Yordre thocentrique dont

    l'importance est

    ce

    point centrale chez lui qu'on peut bien

    la

    donner pour le principe

    de

    son systme mtaphysique.

    Il est clair

    que l a

    ordre

    thocentrique

    ne dit rien d'autre

    que

    l'unit des

    relations

    de

    dpendance

    essentielle des cratures

    l'gard du

    Crateur. Cette

    dduction se fait

    sans

    qu'il soit

    fait

    appel un

    nouveau principe.

    Si

    la

    Cause

    premire existe,

    tout

    ce

    qui est doit dpendre d'elle

    sous

    fous rapports : quocumque modo

    est.

    En

    vertu

    du principe de causalit, il

    existe

    donc un

    ordre

    universel et essentiel

    entre les cratures, l'ordre

    thocentrique.

    Tout

    ordre est

    une unit de

    relations.

    L'ordre universel

    et

    essentiel est

    l'unit

    des relations universelles et

    essentielles.

    Ces

    relations sont celles

    de

    la

    crature en tant

    que telle,

    relations

    unilatrales d ailleurs, comme nous l'avons not plus haut

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    13/45

    352 Amde de

    Silva

    Tarouca

    Le cosmos est donc un ordre

    thocentrique.

    La crature est

    tre cr

    ;

    elle

    est donc, en tant que crature,

    un

    mouvement

    ontologique, un

    devenir

    vers une

    fin.

    D'o il rsulte que

    l'ordre de

    la

    crature

    Dieu est

    double

    :

    Duplex

    ordo considerari

    potest

    inter

    creaturam

    et

    Deum.

    Unus

    quidem secundum

    quod

    creaturae

    causantur a Deo, et dependent ab ipso sicut a

    principio

    sui esse...

    Alius

    autem

    ordo est,

    secundum quod

    res reducuntur

    in Deum

    sicut in

    finem

    (///a, 6, 1, 1).

    In rebus

    potest

    considerari duplex

    ordo : unus

    secundum quod

    egrediuntur

    a

    principio ;

    alius

    secundum

    quod

    ordinantur ad

    finem

    (De Ver.f

    5,

    1,

    9).

    C'est cette unit mtaphysique

    et

    relle d'origine

    et

    de fin qui

    constitue l'unit de l'ordre

    thocentrique.

    Remarquez

    que

    jusqu'ici

    nous n'avons

    fait

    appel

    qu'au

    principe de

    la

    Cause premire. La

    thse

    que Dieu

    est

    la

    fin

    ultime

    et

    extrinsque de

    la crature, en

    tant que

    crature, peut

    et

    doit tre dduite immdiatement

    et

    cela

    sans

    faire

    appel

    au principe

    de

    finalit du seul fait

    de

    l'

    existence

    de

    cette

    Cause

    premire, laquelle est

    prouve

    inductivement

    l'aide

    du

    principe de

    causalit. L'intervention

    du principe de

    finalit n'est pas

    requise

    puisqu'il ne s'agit pas encore

    de

    l' ordre

    final, du

    cur

    et

    du

    quomodo

    ,

    des intentions

    de

    Dieu dans

    ses

    oeuvres, mais

    toujours de

    l' ordre

    causal

    des existences, du

    quid

    ,

    de

    la

    question

    de

    fait qui induit l'existence

    d'une

    Cause

    premire

    partir

    de l'existence des

    tres

    donns. Qui parle d'ordre,

    parle de

    fin.

    L'ordre

    est

    la

    convenance

    des

    moyens, en

    tant

    que

    moyens.

    Il marque

    aussi une

    finalit interne,

    mais jusqu'ici nous

    n'avons tabli

    que

    l'existence

    d'une

    fin extrinsque et ontologique

    des cratures en

    tant

    que telles. Celle-ci se dduit du seul principe

    de causalit

    : necesse est

    dicere

    omne

    quod quocumque

    modo

    est, a

    Deo

    esse ,

    sans

    l'intervention du principe

    de

    finalit :

    omne

    agens agit propter

    finem

    (S.

    c. G., 3, 2).

    4.

    La

    seconde

    dduction

    :

    l'ordre

    des

    moyens.

    Elle suit immdiatement et

    ncessairement

    du

    principe de

    l'ordre

    thocentrique qui est l'unit ontologique

    de

    l'origine et

    de

    la

    fin

    extrinsque

    ou transcendante.

    Il

    s'agit maintenant de l'unit

    des

    moyens

    qui est la

    fin

    intrinsque

    ou immanente

    du

    cosmos, le

    bonum

    ordinis

    . Du point de vue transcendental (ou

    mtaphysique proprement dit),

    le

    bonum

    ordinis

    n'est que

    l'unit

    des

    moyens

    la

    fin extrinsque. Mais, du point de vue immanent

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    14/45

    L'ide

    d'ordre

    dans la

    philosophie de

    saint Thomas 353

    (philosophique ou

    mtaphysique

    dans le sens moderne), le

    bonum ordinis

    est la

    fin propre et

    intrinsque,

    valeur suprme

    de

    l'univers (31).

    Dans

    ce

    paragraphe

    nous

    devons

    nous

    occuper

    du

    fondement

    mtaphysique

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    15/45

    354

    Amde de Silva

    Tarouca

    De mme

    que la

    bont

    (ou valeur) du

    bonum

    ordinis

    est

    dduite

    de la Bont

    divine,

    de

    mme l'ordre

    formel

    (unit

    dispose

    des moyens) est dduit

    de

    la Sagesse

    divine,

    que l'on

    a

    dmontre

    partir

    du

    phnomne

    de

    la

    convenance

    rciproque

    ou

    de

    la

    gu-

    bernatio

    (5a, via) en vertu du

    mme principe de causalit

    (33).

    Saint

    Thomas dira maintenant, dans l'ordre inverse :

    Ea quae

    ex

    divina

    sapientia procedunt, oportet esse ordinata

    (/a //ae, 102,

    1).

    Dieu

    est,

    par essence,

    Sagesse

    suprme.

    Donc, puisqu'il est

    Unit

    suprme

    et absolue, II ne peut pas

    crer,

    pour ainsi dire,

    sans

    Soi-

    mme

    ou, en

    d'autres

    mots,

    sans

    Sagesse (Cf. C.

    c. G.,

    2, 24, 25).

    Or, il

    appartient essentiellement

    la sagesse, perfection d'un tre

    rationnel, de

    juger de 1 tre.

    Ce

    jugement

    est

    l'opration spcu-

    lativo-pratique de l'

    ordinare et

    cela

    secundum

    causas altis-

    simas

    (34). C'est

    le

    fait

    de

    l'Art divin que

    de

    ordinare

    selon

    l'intelligence de sa

    propre Essence, a

    Genus autem subjectum

    divinae artis est ens

    (S. c.

    G.,

    2, 26), l'tre en

    tant

    que tel. Par

    l'unit absolue de

    l'Essence

    divine,

    Dieu est

    Cause premire

    de

    l'tre.

    Il

    cre par son Intellect, qui est

    la

    Cause premire des

    cratures

    (35), il

    cre par sa

    Sagesse.

    Donc

    : Deus res

    in esse

    pro-

    duxit eas ordinando. Deus per suam sapientiam

    (36>,

    res in esse

    produxit

    (S.

    c. G., 2,

    24, 29).

    Il est

    donc vrai de

    dire :

    Ea quae ex

    divina

    sapientia

    procedunt

    oportet

    esse

    ordinata

    (/a //ae,

    102, 1),

    ou bien

    :

    Quae-

    cumque

    autem

    sunt

    a

    Deo

    habent

    ordinem ad

    invicem

    (/a,

    47, 3).

    Mais,

    ce

    oportet

    ,

    cette ncessit

    mtaphysique

    se rapporte

    Dieu, non l'ordre concret de l'univers.

    Si

    aliter

    se haberet

    ordo

    rerum,

    contradictio non implicaretur

    (S. c. G., 2, 23). L ordre des

    cratures

    ad invicem

    ne

    leur est

    donc pas d mtaphysiquement

    en

    tant

    qu'elles sont

    dans leur tre

    propre

    et

    particip,

    mais

    en

    tant

    qu'elles sont cratures de Dieu.

    Il

    ne leur

    est

    pas d un

    cer-

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    16/45

    L'ide

    d ordre dans

    la

    philosophie de saint Thomas 355

    tain ordre,

    comme il

    ne leur est pas

    d d'exister. Mais, si Dieu a

    voulu

    crer ce qui

    dpend

    de sa seule

    et

    simple Volont

    (/a,

    23,

    5,

    3)

    il

    est

    mtaphysiquement ncessaire

    et

    mtaphysiquement

    d

    aux cratures,

    qu'elles

    puissent

    atteindre

    leurs

    perfections

    propres, qu'elles

    soient

    ordonnes

    .

    Du point de vue mtaphysique

    il

    est

    absolument ncessaire

    que

    tout tre qui vient

    de

    Dieu soit

    ordonn, mais

    sub conditione

    simplicis

    divinae Voluntatis

    .

    Or

    tout tre vient

    de

    Dieu. Donc il existe un ordre

    ad invicem

    entre les cratures

    :

    Necesse est... serram esse ferream, si

    debeat

    esse serra, et si debeat esse eius finis, quod

    est

    opus

    eius

    (In

    Phys.,

    2, 15).

    Entendons-nous bien.

    Il

    ne s'agit

    pas

    d'une tentative

    futile

    de

    vouloir

    comprendre

    l'essence

    divine. Saint

    Thomas

    ne

    veut

    pas

    dduire

    de

    l'essence divine la fin particulire

    de

    tel et tel

    tre

    concret

    ou

    la

    ncessit de tel

    ordre cr. Il constate seulement ce

    qui est

    essentiellement ncessaire

    aux cratures par

    le

    seul fait

    de

    Y

    existence divine. L'ordre

    ad invicem

    est

    d

    aux cratures

    en vertu

    de

    leur dpendance

    de

    Dieu

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    17/45

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    18/45

    L'ide

    d ordre

    dans la

    philosophie de saint Thomas 357

    trique : 1

    la

    preuve de l'existence de Dieu ; 2

    la

    dduction

    immdiate de l'unit d'origine

    et de

    fin

    ; 3 la

    dduction mdiate de

    l'unit d ordre

    entre

    les moyens.

    L'application

    philosophique de

    ce

    principe d ordre se fera

    dsormais

    au moyen du principe

    de

    finalit.

    5.

    Le

    principe de

    finalit.

    La mtaphysique de

    l'ordre

    thocentrique

    ne constitue pas

    encore, en elle-mme, cette connaissance propre, scientifique et

    d'importance

    pratique, laquelle tend le

    vrai

    philosophe

    qui ne

    perd

    de vue ni le

    rel concret,

    ni sa

    responsabilit envers

    l'humanit.

    Pour

    arriver

    une

    pareille

    connaissance

    il

    doit

    introduire

    un principe nouveau. La recherche inductive, qui applique

    aux

    donnes sensibles le principe

    de

    la

    causalit

    efficiente, n'y

    suffira plus. Saint Thomas en

    donne

    la raison :

    Effectus

    sunt

    in

    causa in

    potentia activa

    ;

    sicut

    domus

    est

    in mente artificis in

    potentia activa...

    unde per

    ligna et lapides non

    cognoscitur domus,

    sicut

    cognoscitur

    per

    formam

    suam,

    quae

    est

    in

    artifice

    {de

    Ver.,

    2, 4,

    7).

    La

    forme

    n'est donc autre

    chose que

    l'ide

    quam

    aliquid

    imitatur ex intentione agentis qui

    dtermint

    sibi

    finem

    (de Ver.,

    3,

    1).

    Dans la

    forme on

    reconnat

    l'ide d'une

    chose, c'est--dire

    l'intention

    sous-jacente,

    la place et la fonction d ordre

    de

    cette

    chose, bref, sa fin

    intrinsque

    et naturelle le

    bonum

    ordinis .

    Ex diversitate

    formarum

    sumitur ratio

    ordinis

    rerum

    (S. c.

    G.,

    3, 97).

    La recherche des formes (par l'analyse,

    la

    comparaison

    et la

    classification) n'est pas le privilge de

    la

    philosophie. La

    morphologie et

    l esthtique,

    par

    exemple, s'en occupent aussi. Mais seule

    la

    philosophie se demande pourquoi

    la

    recherche des formes peut

    tre poursuivie avec succs. Toutes

    les sciences

    appliquent

    constamment

    sans

    y rflchir

    l'axiome

    d ordre

    :

    Ea

    quae

    sunt

    ad

    formam, oportet esse aliqualiter fini proportionata

    (Virt. com.,

    10). Seule la

    philosophie,

    qui

    s'occupe de

    l'tre en tant

    qu'tre,

    donne

    la

    raison :

    la

    proportion vient de

    la

    proportionnalit,

    l'apparence

    de

    finalit vient comme l'effet

    de

    sa

    cause

    de

    l'intention que suit

    l'Intellect

    incr

    en imposant

    l'tre

    cr sa fin

    naturelle

    et

    ds lors sa fin propre ou

    proportionne.

    Le medium

    cognitionis

    quo

    pour

    la connaissance du

    quod

    (de

    l'ordre

    thocentrique)

    est

    donc

    la proportion ou similitude natu-

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    19/45

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    20/45

    L'ide

    d ordre

    dans la philosophie

    de

    saint Thomas

    359

    de l'ordre

    mtaphysique

    au

    rel

    concret.

    L'essentiel

    de tout

    ordre

    est

    l'unit

    des relations au

    principe

    commun. Mais en Dieu il

    n'y

    a

    pas

    d ordre au sens

    strict du mot.

    L'ordre

    est dans

    les

    cratures.

    Il

    prsuppose

    le

    mouvement

    vers

    l'unit,

    le

    devenir ordonn.

    L'ordre

    est

    donc un devenir

    pour

    la

    ,fin

    de

    l'ordre,

    cause

    du principe d'unit,

    fin

    de raliser cette

    unit.

    C'est

    ce

    qu'exprime exactement le concept

    de

    finalit

    Finis

    est cujus causa

    (in Met,

    8, 4,

    n

    1737; 2, 4, 316).

    C8) Cf. sur le primus motus naturalis : /a //ae, 10, 1 ; 94,

    2;

    /a, 82, et 2 ;

    de Ver., 22,

    5

    et 6. La doctrine du

    premier

    mouvement naturel est

    "dduite

    par le

    principe

    de finalit de la thse de l'ordre. Unumquodque naturaliter

    suo modo

    esse desiderat

    (/a, 75,

    6).

    Hoc

    modo competit

    fieri,

    sicut ei

    com-

    petit

    esse (/a, 90, 2).

    a

    Unumquodque agens agit secundum modum suae

    naturae (Q. Q., 3,7).

    Cette doctrine

    est d'importance

    capitale. Elle

    vite le

    regressus

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    21/45

    360 Amde de

    Silva Tarouca

    Cette

    rponse

    est trs importante pour la comprhension

    de

    la doctrine

    de

    saint

    Thomas.

    Elle

    implique

    deux

    constatations

    :

    I . La causalit finale est une vraie causalit d'influence

    ontologique

    et

    motrice.

    Elle

    dit

    action pour

    une

    fin

    . 2.

    Mais

    il n'est

    pas

    ncessaire que

    le

    pour

    ,

    l'intention

    de

    la

    fin

    soit

    per

    modum

    intellectus dans le

    sujet

    qui excute le mouvement vers

    la

    ,fin. Le principe de

    finalit

    exige

    que

    tout

    ce qui

    devient soit

    un mouvement d'

    excution

    de

    la fin ; il suffit que cette fin soit

    intentionnellement voulue par celui

    qui donne

    ou branle le

    mouvement. On ne peut donc parler

    de

    finalit

    que si la

    ralisation de

    la

    fin, c'est--dire le mouvement vers les

    moyens

    pour la

    fin, est intentionnellement voulue soit par

    le mme

    sujet

    psychologique,

    soit

    par un moteur extrinsque (47).

    Dans

    le

    finalisme

    de

    saint

    Thomas

    il

    n'y

    a

    donc

    pas

    d'anthropomorphisme.

    L'anthropomorphisme

    consiste

    juger

    le mode

    d'action du suprieur par le mode de l'infrieur. C'est ce

    que

    faisaient

    certains penseurs que saint Thomas critique (Sph. cr.,

    5

    ;

    //a

    //ae,

    188,

    5). Chez saint Thomas, au contraire, la finalit

    psychologique

    est explique

    par

    la finalit

    ontologique

    (48) et celle-ci

    par

    la

    causalit

    divine.

    Pour pouvoir parler

    de

    finalit

    proprement

    dite,

    trois

    lments

    doivent

    donc tre

    raliss

    : 1 . un

    bien comme

    fin,

    2. une

    intention

    (49) et

    3.

    une

    excution de

    cette

    fin

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    22/45

    L'ide

    d'ordre

    dans la

    philosophie de

    saint Thomas 361

    tion

    de

    finalit

    cre,

    mais

    de

    finalit absolue.

    En

    Dieu seulement

    les

    trois lments de

    la

    .finalit concident dans le mme

    sujet et

    sous le mme

    rapport.

    Primum... agens propter

    finem oportet

    esse

    agens

    per

    intellectum

    et

    voluntatem

    (5. c.

    G.,

    2,

    23).

    Voici, enfin, le

    principe

    de

    finalit

    :

    Omne agens

    agit

    propter

    finem

    (5.

    c.

    G.,

    3,

    2;

    l\ 44,

    4; /a

    //ae, 1,1,

    1)(51). Dans quel sens

    ce principe

    est-il un

    principe

    nouveau ? Comment se distingue-t-il

    du principe

    de causalit

    efficiente ? Le principe

    de

    finalit descend

    de

    la cause

    l'effet, tandis que le

    principe

    de causalit remonte

    de l'effet

    la

    cause. Lorsque le principe de causalit sert de

    mineure, nous

    parlons

    de

    dmonstration inductive. Par

    contre le

    procd

    est dductif l

    o le

    principe

    de

    finalit

    ligure comme

    terme

    moyen

    de

    la dmonstration.

    Les deux

    mthodes

    rpondent aux deux

    voies

    (viae) et les

    deux voies aux

    deux ordres

    rels

    dans

    le devenir de toute

    crature

    : l'ordre

    de

    la

    causalit

    et l'ordre

    de

    la finalit. Les deux

    ordres ne se distinguent pas en

    ce que l'ordre

    de

    la finalit

    ne

    serait pas, lui aussi, un ordre de causation. Ils se distinguent

    uniquement par le mode de

    la

    causation qu'ils expriment

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    23/45

    362

    Amde de Silva Tarouca

    tinen

    :

    par

    la

    fin nous reconnaissons

    les ides

    de Dieu dans les

    formes naturelles ou les

    vestiges

    de ses

    intentions (o4).

    Enfin

    un

    motif

    personnel, propre au Philosophe

    de

    l'Ordre (oo). Dans l'ordre,

    causalit

    et

    finalit

    s'unissent,

    comme

    dans

    la

    philosophie

    thomiste

    l'aristotlisme et l'augustinisme se donnent la main.

    Le concept de l'ordre est, au

    fond,

    un concept largi de

    finalit. Le

    principe de

    finalit dit : Omne agens agit propter

    finem.

    Le principe d ordre y ajoute : Omnia agentia

    I .

    differunt inter

    se,

    2. agunt propter ftnem

    communem

    et 3.

    per

    media gradatim dis-

    posita.

    De plus, le principe d ordre ne dpasse pas

    seulement

    le

    principe

    de

    finalit, mais

    aussi le

    principe

    de causalit

    et il les unit

    en les dpassant

    :

    comme principe,

    l'ordre

    est l'unit

    de

    l'origine

    et

    de

    la

    fin, l unit

    de la

    causalit

    efficiente et

    de

    la

    causalit

    finale dans un

    Principe

    absolu.

    6. L'application du principe d'ordre.

    a)

    L'ordre

    universel du

    monde,

    cette

    fin thocentrique

    du

    cosmos,

    par laquelle Dieu lui-mme

    est

    dsir

    et imit,

    n'est pas

    purement

    extrinsque

    aux

    cratures

    ni comme fin

    dsire,

    ni comme fin

    ralise.

    Il

    y

    a

    dans

    le

    cosmos,

    observe

    saint

    Thomas,

    un

    dsir

    naturel

    et

    une force naturelle du

    bonum ordinis . Ds lors saint

    Thomas

    pourra

    dire :

    Est

    autem

    ipse ordo rerum talis sectindum

    se, quod Deus

    est propter

    seipsum cognoscibilis

    et diligibilis (//a

    //ae, 27,

    4). Ainsi nous nous

    trouvons en

    pleine philosophie de

    l'ordre.

    Et

    nous

    retournons au

    plan

    des ralits concrtes pour y

    vrifier, l'aide du

    principe

    de

    finalit, la

    grande

    thse mtaphy-

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    24/45

    L'ide

    d ordre

    dans la

    philosophie de saint Thomas 363

    sique

    de l'ordre thocentrique.

    Le procd sera un procd, pour

    ainsi dire, phnomnologique

    (56>.

    En raison

    du

    principe de

    finalit (qui

    est

    comme principe

    mtaphysique

    un principe

    d'ordre, puisqu'il remonte

    la Fin ultime,

    la Sagesse

    de

    l'Ordonnateur),

    saint

    Thomas

    dduira

    de

    l'opration

    la

    facult,

    de la

    facult

    la forme naturelle,

    de

    la forme naturelle la

    fin naturelle.

    Il dduira

    de

    l'acte effectu l'inclination naturelle,

    de celle-ci

    la

    nature et

    de

    la nature la fin naturelle. Le procd sera donc

    le

    suivant : du phnomne de l'ordre

    (au

    sens

    1.)

    on dduit le

    principe

    de l'ordre

    (au

    sens

    2.),

    par l'intermdiaire de l'existence de

    Dieu

    pralablement

    prouve. Du

    principe de l'ordre se dduit

    l'ensemble des ordres phnomnologiques. De ceux-ci

    enfin

    se

    dduisent

    les

    rgles

    (ou normes) de l'activit humaine, scientifique

    et

    morale.

    Le

    ordinare

    de

    nos

    actions

    (au

    sens

    4.)

    suit

    donc

    le

    ordinari

    de notre intellect (au sens 3.).

    Ainsi

    la sagesse

    de saint Thomas reprsente une unit

    naturelle

    dont le principe

    est

    l'ordre

    :

    Fines autem morales accidunt

    rei naturali

    ; et e

    converso

    ratio

    naturalis finis accidit morali

    (7a

    //ae, 1, 3, 3).

    Mme

    ralisme dans

    la

    thorie des sciences

    : Ordo

    autem

    principalius

    invenitur

    in ipsis rebus

    et

    ex eis

    derivatur ad

    cognitionem nostram

    (//a

    H**, 26,

    1, 2). Par cette double

    obissance

    l'ordre

    rel, obissance scientifique et

    morale,

    la nature

    humaine ralise

    l' ultima perfectio ad quam anima

    potest perve-

    nire

    secundum

    philosophos... ut

    in

    ea

    describatur

    totus ordo uni-

    versi et causarum ejus

    (de

    Ver.,

    2, 2).

    Mais saint Thomas ne

    se

    contentera pas

    de

    ce describatur. Il dira

    de plus

    continuatur

    ,

    dpassant

    ainsi

    Aristote dans

    sa morale

    et

    sa

    sagesse

    naturelles.

    Parce que l'Ordonnateur existe, les tres crs sont

    destins

    naturellement tre considrs

    dans la

    perspective de l'ordre,

    nata

    sunt

    seorsum

    ab

    eo considerari

    (S. c. G., I,

    58).

    Nata

    sunt

    facere de se

    veram apprehensionem

    in

    intellectu

    humano

    (de Ver.,

    1,

    8). L'ordre

    est compos

    de

    facults

    proportionnes

    leurs

    propres

    objets,

    de causes

    propres ou

    proportionnes

    leurs

    effets

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    25/45

    364

    Amde de Silva Tarouca

    d'ordre)

    monter, descendre et remonter les marches naturelles, qui

    forment la

    pyramide gigantesque du

    bonum

    ordinis .

    Saint

    Thomas est

    un raliste de l'ordre. Les effets

    et

    les

    causes,

    les

    oprations, les facults et les objets, les inclinations, les forces et les

    fins

    naturelles

    sont

    vraiment

    et

    cela

    dans

    le

    sens ontologique

    du mot

    ordonnes

    ad

    invicem

    et

    leurs effets

    propres

    ,

    comme leurs devoirs

    et

    droits

    propres, qui leur sont

    dus,

    en

    tant

    que la perfection

    de

    leurs natures leur est due.

    C'est ici en

    effet que

    repose, nous l'avons dj

    dit,

    toute

    la

    force

    dmonstrative de ces dductions. En

    vertu du

    principe de

    finalit, du

    omne agens agit propter

    finem

    qui est

    prmisse de

    ces dductions,

    saint Thomas

    peut juger de tout

    ex ordine

    sa fin naturelle. Je dis

    :

    de tout, parce

    que

    mme les choses

    naturelles,

    qui

    ne

    connaissent

    pas

    leurs

    fins

    en

    tant

    que

    fins,

    ont

    une

    fin qui leur est donne par une

    Intelligence

    transcendante (cf.

    de

    Ver., 5, 2), mais qui leur

    est

    immanente, en tant qu'elle rpond

    leurs essences et forces naturelles.

    Virtutes activae

    in

    natura...

    quae ab

    arte

    divina producuntur,

    et

    manet in eis ordo

    et directio

    intellectus

    divini,

    sicut

    in

    re arti,ficiata

    manet

    directio

    artificis

    (//.

    D., 18,

    1, 2,

    1).

    Au

    nom du principe ontologique de

    finalit

    et

    de son

    driv, le principe

    de l'ordre

    des moyens,

    l'inclination

    naturelle ne peut pas tre radicalement fausse

    et futile, la

    force

    naturelle allant vers

    son

    objet

    propre

    ne

    peut

    pas

    errer

    radicalement. Bref,

    la convenance rciproque

    de fait rpond

    un ordre

    de

    droit, a

    quia Deus,

    qui

    est

    institutor

    naturae,

    non subtrahit

    rebus

    id

    quod

    est proprium naturis

    earum

    (S. c. G., 2, 55).

    Sans cette

    dpendance

    mtaphysique

    de

    Dieu, ce serait

    assurment un

    cercle vicieux

    que

    de

    dire : la nature, c'est--dire

    l'essence propre laquelle

    l'tre est

    destin,

    doit

    tre accomplie

    dans

    sa

    perfection

    ultime,

    donc

    les inclinations

    et

    les

    forces

    de

    la

    nature

    ne peuvent pas tre vaines. Ce

    doit

    de

    finalit et

    d ordre

    ne

    prend

    sa signification mtaphysique

    et

    son seul sens

    scientifiquement dmontrable

    que

    lorsqu'il

    est traduit

    dans

    la

    langue

    ontologique

    de

    la

    thologie naturelle

    :

    Capacitas...

    secundum

    or-

    dinem

    potentiae

    naturalis,

    quae a

    Deo

    semper

    impletur,

    qui

    dat

    unicuique rei secundum suam capacitatem naturalem

    (///a, 1, 3, 3).

    Debitum enim est unicuique rei naturali ut habeat ea

    quae

    exigit

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    26/45

    L'ide

    d'ordre

    dans la

    philosophie de

    saint Thomas 365

    sua natura... Hoc autem debitum ex divina sapientia

    dependet :

    in

    quantum

    scilicet res naturalis dbet esse

    talis

    quod

    imitetur

    pro-

    priam

    ideam quae

    est

    in mente

    divina

    (de Ver., 23, 6, 3).

    Contemplons maintenant

    l'univers naturel

    du point de vue

    phnomnologique

    de

    l'ordre. Les trois

    caractristiques

    du

    phnomne,

    diversit gradue, convenance rciproque

    et effectivit,

    rapparaissent alors comme diversit gradue des formes

    naturelles,

    unit

    des inclinations naturelles et

    unit

    des forces

    naturelles

    :

    Ex

    diversitate formarum sumitur ratio

    ordinis

    (5.

    c.

    G.,

    3,

    97).

    Ordo duo

    requirit,

    scilicet ordinatam distinctionem et com-

    municantiam distinctorum ad totum

    (in Met.,

    12, 12,

    n

    2637),

    bref,

    unit entre

    diversits.

    La

    communicantia

    ad totum est

    constate

    phnomnologiquement

    dans

    l'unit

    des inclinations naturelles et

    dans

    l'unit

    des

    forces

    naturelles.

    b) Nous avons parl de

    la diversit

    des formes. Portons

    notre

    attention au phnomne des

    inclinations

    naturelles.

    Omne quod

    agit, non

    agit nisi

    intendendo aliquid . Dans les

    tres

    qui, n'tant

    pas

    dous

    de

    connaissance immatrielle, sont inaptes saisir

    la

    ratio

    finis

    , cette intention

    nihil

    aliud

    est,

    quam

    habere naturalem in-

    clinationem ad aliquid

    (de

    Princ.

    Nat., opusc. 2, Mandonnet,

    pp. 1 1 sq.). L'inclination naturelle

    est

    identique aux concepts de

    dsir, 'd'amour,

    de dilection naturelle,

    sine

    qua,

    ad minus,

    quid-

    quid

    fit,

    maie

    t

    (de

    Ver.,

    23,

    7,

    8).

    A quoi tend donc

    cette inclination

    naturelle ?

    En quel objet

    formel

    trouve-t-elle le principe de son

    unit ? Toute inclination

    naturelle tend, de soi, l'tre

    et

    l'tre mesur par l'ordre.

    En raison de

    leur

    contingence les cratures tendent videmment

    au

    non-tre,

    in

    nihilum tendunt (S.

    c. G., 2, 30).

    Mais en

    raison de

    leur

    origine en Dieu elles

    ont, pourtant, et

    cela

    essentie l lement, un

    naturale desiderium essendi

    (S.

    c. G., 2,

    55).

    L'inclination naturelle l'tre (59), l'opration et la perfection pro-

    (s9>

    Resistunt

    anihilari

    (7a, 103, 3;

    5. c.

    G.,

    1,

    42),

    intendit perpetuum

    esse quantum potest

    (/a

    II3*, 85, 6).

    C'est

    le phnomne primaire de

    l inclination,

    apptit ou amour

    naturel.

    Cf.

    Za IIs*, 26, 1 et

    2;

    28,

    2;

    Z/a II3*, 26,

    3; /*,

    19,

    I;

    60,

    I ;

    5. c. G., 2, 55; de Car., 9. L'amour naturel est le principium

    motus (/a Z/8*, 26, 2 ; 28, 6) parce

    que

    id

    quod

    est

    naturale,

    in unoquoque

    est potissimum

    (7a

    77ae,

    31, 6).

    C'est

    un

    habitus

    naturel,

    appetitus

    for-

    mae

    (de

    Pot., 4, I, 2), qui,

    dans l'homme, se

    rvle

    aussi

    comme dsir naturel

    ad sciendum omnia quae pertinent ad perfectionem intellectus (Za, 12, 8, 4),

    un dsir

    naturel

    de connatre le

    causes.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    27/45

    366

    mde de

    Sila Tarouca

    prs

    explique

    l'aspect dynamique

    de

    l'univers.

    Omne agens,

    quodcumque sit, agit quamcumque actionem ex aliquo

    amore

    (/a

    ir, 28,

    6).

    On comprend ds

    lors

    pourquoi le mouvement naturel de

    l'univers

    est

    pour ainsi

    dire

    irrpressible,

    presque

    explosif.

    Ap-

    petitus naturalis

    statim

    procedit

    in actum

    (S.

    c. G.,

    2, 83),

    s'il

    n'est

    pas

    contrari. Les

    tres

    naturels

    quasi

    propria

    sponte

    (/a,

    103,

    8),

    quodammodo

    ipsa

    vadunt

    (de Ver., 22,

    I).

    Omne intendit

    exire

    in

    actum

    suum

    (S.

    c.

    G., 3, 48). Tout tre

    a un apptit naturel de se manifester,

    d'agir

    sa propre opration

    (/a

    II , 27, 3; S.

    c. G.,

    4, 19)(60).

    Mais cette

    tendance

    l'panouissement naturel ne va pas

    l'infini, dans le sens ngatif

    et imprcis

    du

    mot,

    bien qu'elle

    aille

    ontologiquement

    l'Infini

    absolu,

    positif

    et

    rel (61>.

    L'univers n'est pas un

    chaos,

    mais un ordre. Ds lors toutes

    ces

    tendances

    naturelles,

    dynamiques

    ou

    vitales

    comme on

    les appelle aujourd'hui sont des

    tendances dtermines.

    Na-

    tura

    determinatis mediis procedit ad suos efectus

    (/a,

    71,

    I,

    1).

    Dans un

    ordre

    tout

    est

    ordonn.

    Cum actio sequatur

    naturam rei,

    quorumcumque

    naturae

    sunt ordinatae, oportet

    quod etiam actiones

    subinvicem ordinentur, sicut patet ( )

    in rebus

    corporalibus

    (/a,

    109, 2;

    cf.

    S. c. G., 3, 97). Comme les

    actes

    sont mesurs

    ou

    proportionns, les

    inclinations

    qui y

    tendent sont mesures

    leur

    tour(62).

    Ad

    supereminentiam... divinae

    bonitatis

    pertinet quod

    esse,

    et

    bene esse ordine

    quodam distribuit

    (S.

    c. G.,

    3, 95).

    L'amour

    naturel

    est donc proportionn

    son objet

    (Virt. corn.,

    10;

    de

    Hebd., 2).

    Super

    communicatione bonorum naturalium

    nobis a

    Deo

    facta fundatur amor

    naturalis,

    quo

    non

    solum homo

    in sua integritate

    naturae super omnia

    diligit Deum, et

    plus

    quam

    seipsum, sed

    etiam

    quaelibet creatura suo

    modo,

    id est, vel intel-

    lectuali,

    vel rationali

    (63>,

    vel

    animali,

    vel

    saltern naturali amore

    (//a

    //", 26, 3).

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    28/45

    L'ide d ordre dans la

    philosophie de

    saint Thomas

    367

    Le

    simple

    fait

    d'exprience que

    omnem cognitionem

    sequitur

    appetitiva

    operatio

    (de

    Un.

    fidei, 4, pour ne relever qu'un texte

    pris

    au hasard) trouve

    dans la

    doctrine de l'inclination naturelle

    son

    fondement mtaphysique. Mais la doctrine

    de l'inclination

    naturelle se ramifie

    jusque

    dans des domaines apparemment

    trs

    lointains. Un

    exemple.

    Consensus in

    prima

    principia... causatur...

    ex similitudine

    naturae

    (64), ex qua

    omnes in idem

    inclinamur; sicut

    omnes

    oves consentiunt

    in hoc

    quod existimant

    lupum

    inimicum

    (Spir.

    cr.,

    9, 14). La preuve mtaphysique de

    la

    certitude des

    premiers principes

    se

    fait donc,

    sans ptition de

    principe,

    par

    l argument ontologique et final

    de

    l'ordre. Il revient au

    mme de dire

    que cette certitude

    vient uniquement de

    notre

    participation

    la

    lumire de

    la

    raison

    divinitus interius indita

    {de Ver.,

    11,

    1, 13)

    et

    de

    dire

    que

    consequitur

    providentiam

    divinam

    et

    dispositio-

    nem . Ex

    hoc enim quod res productae

    sunt

    in tali natura, in

    qua

    habent

    esse

    terminatum,

    sunt distinctae

    a suis

    negationibus :

    ex qua distinctione sequitur quod

    affirmatio et

    negatio

    non sunt

    simul

    vera

    ; et ex

    hoc

    principio est ncessitas

    in

    omnibus

    aliis

    prin-

    cipiis

    (de Ver., 5, 2,

    7).

    Au troisime phnomne

    de l'ordre,

    l'effet qui

    se produit

    toujours, ou au moins

    sicut in pluribus

    (/a,

    23, 7, 3),

    rpond

    sur le plan

    phnomnologique on

    l'a

    dj dit la

    notion de

    la

    force

    naturelle.

    La

    virtus

    naturalis

    (qu'on

    se

    gardera

    de

    confondre avec

    la vertu morale,

    habitus propre aux

    tres

    intellectuels)

    joue

    un

    trs

    grand

    rle dans la phnomnologie

    de l'ordre

    chez

    saint

    Thomas.

    Natura... causae non cognoscitur per

    erfec-

    tum, nisi

    in

    quantum per

    ipsum cognoscitur virtus

    ejus,

    quae natu-

    ram

    consequitur

    (5.

    c. G.,

    3,

    69). Les

    virtutes naturales

    expliquent

    les

    phnomnes

    de

    changement

    perus par les

    sens

    (In

    Met., 2, 3, n 307). De

    l

    l'importance

    phnomnologique

    des

    virtutes

    naturales

    : Virtus

    vero naturam

    rei

    demonstrat

    (S.

    c.

    G.,

    2, ]). Virtus

    naturae

    est signum

    completionis naturae

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    29/45

    368 Amde de Silva Tarouca

    (in

    Phys., 7, 6). L'importance de

    ce terme

    virtus

    consiste

    en

    ce que

    les

    virtutes activae

    in

    natura

    (// Sent.,

    d. 18, 1,2, 1; cf. /%

    23,

    I ;

    105, 5 ;

    de

    Ver., 22,

    2)

    constituent le vrai point

    de

    contact

    du

    philosophe

    avec le phnomne. La

    virtus

    naturalis est

    plus

    active que

    la puissance, qui

    ne se

    manifeste pas

    immdiatement,

    et

    elle

    est

    plus intime

    la

    nature mme de

    la forme que l'acte

    extrieur.

    Id per quod aliquid

    est

    in potentia, omnino videtur

    esse intrinsecum rei

    [de An., 5). Le concept

    de

    la

    force

    naturelle

    tient

    donc le milieu entre

    la

    puissance

    et

    l'acte, en tant

    qu'elle

    est

    comprise

    communiter

    secundum quod

    est media inter

    essentiam

    et

    operationem

    (/a, 108, 5).

    La

    virtus naturalis

    semble

    dsigner

    ce concept moyen

    entre

    la

    puissance pure

    et l'acte

    accompli par

    lequel

    les

    philosophes

    cherchent toujours

    fixer

    le

    dynamisme

    du

    devenir rel.

    La

    virtus

    naturalis

    est,

    en

    effet,

    une

    notion

    de ncessit philosophique ou

    virtus essendi

    {5.

    c. G.,

    \, 28). Ce n'est pas

    l'acte

    premier ni

    l'acte

    second, mais

    la

    force

    ontologique

    de

    l'acte second,

    considr

    comme effet. Par la

    vir-

    tus

    la

    cause naturelle meut

    et

    par la

    virtus

    de la

    cause

    l effet prexiste

    en

    elle

    (69).

    Les

    tres ne

    sont

    pas

    relis

    la

    Cause

    premire seulement

    par une

    chane de

    causes secondes, qui

    transmettent

    une

    virtus

    ,

    qu'elles

    ne

    possdent

    pas.

    En

    tant

    qu'tres

    ils sont

    relis

    immdiatement la

    Cause

    premire, qui donne chaque tre sa

    vir-

    tus essendi

    .

    La

    force

    naturelle

    est

    l'effet immdiat de

    Dieu

    qui

    est la cause

    de

    l'tre, causa

    ipsius esse

    et

    qui, ds

    lors,

    intime operatur

    (/a,

    105,

    5). Dieu

    tient

    les tres dans leur

    tre.

    Puisqu'il n'y a rien

    de plus

    intime

    aux tres

    que

    leur

    tre, puisque

    cet tre ne peut pas tre donn par une crature, qui ne le

    possde pas, l'action cratrice continue ou, plutt, non suspendue (70)

    de

    la

    Cause premire

    est la cause immdiate,

    intime

    et

    seule

    suffisante

    de

    la

    virtus

    naturalis (71).

    <

    Cf. J.

    SAUTER,

    Baader und

    Kant, Jena, 1928,

    p. 295.

    (67>

    Le Pre

    PEGHAIRE

    (op.

    cit., p. 79)

    dfinit

    l'nergie comme l'acte

    premier d'un corps physique vivant

    .

    Cf.

    Marchal,

    op. cit.,

    p.

    459.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    30/45

    L'ide

    d ordre dans

    la

    philosophie de

    saint

    Thomas 369

    7.

    L'anthropologie de l'ordre.

    Nous

    ne

    pouvons

    pas

    songer

    dvelopper

    ici

    la

    doctrine

    complte de

    saint Thomas

    pour

    montrer

    les points varis

    et multiples,

    o l'argument

    ex ordine

    joue

    un role

    dcisif.

    Bornons-nous

    la

    doctrine de l'homme, l'anthropologie

    dans

    le sens le plus

    large du

    mot.

    (

    L'homme tient

    le

    milieu entre

    les animaux

    et

    les

    esprits

    purs

    ,

    selon sa nature (

    cum

    sit

    constitutus

    ex spirituali et corpo-

    rali

    natura

    ,

    5. c. G.,

    4,

    55)

    et

    selon son opration naturelle.

    ( Intellectus noster est

    mdius

    inter

    substantias

    intelligibiles et res

    corporales...

    et

    hoc

    ideo

    quia

    per

    intellectum

    attingit

    ad

    substantias intelligibiles ;

    in quantum

    vero est actus corporis, attingit

    res

    corporales , IV Sent., d. 50, 1, 1). L'homme se trouve donc

    in

    confinio

    ou

    in

    medio

    (72)

    entre les animaux et les

    esprits purs.

    Cette place

    moyenne

    dans l'ordre

    de l'univers

    est

    naturelle

    l'homme.

    Il

    lui

    est

    naturel de dominer les essences corporelles

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    31/45

    370

    Amde de Silva

    Tarouca

    donc pas dans l'ide

    d'une

    perfection pure

    (77), mais dans l'Etre

    de

    la Perfection absolue :

    Totum universum cum singulis

    suis

    partibus

    ordinatur in

    Deum sicut

    in

    finem,

    inquantum in eis

    per

    quamdam

    imitationem

    divina

    bonitas repraesentatur

    (/a,

    65,

    2).

    La reprsentation

    de

    la

    Perfection divine est,

    nous

    le savons

    dj, la

    fin ultime

    et

    extrinsque du cosmos

    ad gloriam

    Dei

    et

    sa

    fin

    ultime

    et

    intrinsque

    propter perfectionem totius (/a, 47,

    2, 3). Lorsqu'on dira, par exemple, que l homme, par son me

    spirituelle, reprsente

    mieux

    .

    Voir note 25.

    Toujours selon l'analogie de proportionnalit. Cf. 7a, 23, 5,

    3;

    Comp.

    Theol,

    102.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    32/45

    L'ide

    d ordre dans

    la

    philosophie de saint Thomas

    371

    La perfection de l'homme ne s'arrte

    mme

    pas ( non sistit )

    au

    plan

    des esprits

    purs

    ; par la connaissance et l'amour

    intellectuels

    elle peut atteindre

    jusqu'au

    Principe premier de

    la

    hirarchie des

    tres

    (/\

    65, 2

    ;

    /a

    //",

    2,

    8,

    I ;

    de

    An.,

    7,

    11).

    L'homme est donc meilleur que

    l'univers

    ;

    mais,

    d'autre

    part,

    l'univers

    est

    meilleur

    que

    l'homme.

    Universum

    est perfectius

    in

    bonitate

    quam intellectualis creatura,

    extensive

    et diffusive ; sed

    intensive

    et

    collective similitudo divinae perfectionis

    magis inve-

    nitur

    in intellectuali

    creatura,

    quae es capax

    summi

    boni

    (/a, 93,

    2, 3 ; cf.

    S.

    c. G.,

    3, 130). Il est vrai que

    le

    capax

    dans

    son

    sens

    raliste ne

    relve plus de

    la

    philosophie,

    mais

    de

    la

    thologie

    releve

    (81).

    Pourtant ce

    sens-l

    n'est pas ncessaire la

    validit

    de

    l'argument. Si

    on comprend

    le

    intensive

    et

    collective

    au sens aristotlicien du

    quodammodo omnia , cela

    suffit

    et doit

    suffire

    la

    justification philosophique de

    la

    thse :

    Deus

    vult

    hominem

    habere rationem ad hoc, quod homo sit ;

    vult

    autem hominem

    esse ad hoc quod completio universi sit ;

    vult autem

    bonum universi esse,

    quia

    decet bonitatem ipsius

    (5. c. G.,

    1,

    86).

    Un corollaire pratique : l anthropologie tire de

    la

    philosophie

    naturelle du

    bonum ordinis

    donne un sens ultime

    et

    intrinsque

    la vie humaine,

    en vitant l'gosme

    spirituel

    des

    sages

    anciens

    aussi

    bien

    que

    le

    collectivisme

    aveugle d'un

    naturalisme

    brutal.

    Selon

    la doctrine

    de

    l'ordre,

    le

    quodammodo

    omnia

    , pouss

    toujours en

    avant par le

    progrs

    naturel, n'est ni le

    privilge de

    quelques savants,

    ni le rsultat

    d'une

    ascse inhumaine,

    qui

    serait

    force

    de

    fuir les

    biens naturels pour atteindre aux biens

    spirituels

    . L'homme est

    le

    centre

    de l'univers

    et avec

    ses

    sens et

    avec son intellect, par son corps

    et

    par son me

    (cf. /a, 80, 1 ;

    91, 3). Le corps et

    l'action

    corporelle sont

    de

    vrais biens en

    tant

    qu'ils

    relvent

    de l'tre.

    Esse... inquantum hujusmodi bonum est;

    nihil

    enim agit

    inquantum

    malum

    est

    (Je

    Pot.,

    3,

    6)

    (82).

    C'est

    (81> Les

    arguments pris, mme indirectement, de la

    thologie rvle

    (comme

    par

    exemple celui de

    /a II, 5, 5,

    2

    et 109, 5,

    3) ne

    touchent

    donc

    pas

    la

    valeur dmonstrative de la thse. 11 est bien certain

    que

    saint Thomas

    a

    contrl ses conclusions d'aprs la

    doctrine

    catholique ; mais

    sa

    philosophie, en tant

    que

    telle,

    reste

    autonome et rationnelle

    dans

    ses principes, ses

    mthodes

    et ses

    arguments. Cf. A.-D. SeRTILLANGES,

    Dieu,

    d.

    Revue

    des Jeunes,

    tome

    I, p. 329.

    (82> Cf. /

    Sent, d. 8, 5, 2; // Sent., d. 3, I,

    1, I ;

    5. c. G.,

    1,

    70 et 28

    :

    Unumquodque in

    se

    consideratum nobile

    est.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    33/45

    372 Amde de

    Silva

    Tarouca

    cette doctrine

    de l'ordre

    qui assure

    le

    frappant

    quilibre de

    l'anthropologie de saint Thomas

    (83).

    Nous

    connaissons

    maintenant

    la place que

    l'homme

    occupe

    dans la hirarchie des tres. Saint Thomas fait usage

    de

    la

    formule

    classique du

    Pseudo-Denys

    :

    Inferior natura in suo

    summo

    attingit ad

    aliquid

    infimum

    superioris naturae

    (de Ver.,

    15, 1).

    Ou, plus

    explicitement

    :

    Naturae

    enim ordinatae ad

    invicem

    sic

    se habent

    sicut

    corpora contiguata, quorum inferius in sui supremo

    tangit

    superius in sui infimo

    ;

    unde

    et inferior

    natura

    attingit

    sui

    supremo

    ad

    aliquid quod

    est proprium

    superioris naturae, imper-

    fecte

    illud

    participans

    {de Ver.,

    16, 1).

    Mais

    les expressions

    dont

    se

    sert

    saint

    Thomas

    :

    secundum

    regulam Dionysii

    (de Ver.,

    14,

    1,

    9)

    ou

    et

    hoc modo

    exponit

    Dionysius

    (/a, 9, 1,2) ne

    doivent

    pas nous faire croire que saint

    Thomas a suivi

    servilement

    le Pseudo-Denys.

    Il

    a transpos cette

    doctrine

    platonicienne dans le cadre aristotlicien de sa

    doctrine

    personnelle.

    Les

    fins

    particulires

    et

    intrinsques des

    tres

    naturels

    ne

    sont

    pas

    seulement

    statiquement embotes

    ,

    leur solidarit

    ne

    se

    borne

    pas aux relations extrinsques d'agent et

    de

    patient

    (84>.

    O

    il y

    a

    relation

    de fait,

    il doit y avoir relation

    de

    droit. La

    causalit

    externe

    n'explique,

    en

    tant

    que

    telle,

    ni

    la

    structure intime

    du

    monde, ni

    la

    causalit

    interne

    de

    1*

    inhrence intrinsque

    (85).

    Saint Thomas accepte aussi la notion du

    prius et posterius

    (86)

    qui gt au fond des concepts de rang, d'ordre

    et

    de hirarchie.

    Enfin, saint Thomas accepte

    aussi l'ide

    que la mesure

    des

    degrs de l'tre

    dans

    l'ordre se prend selon le

    magis

    et minus

    de

    la similitude (ou

    de

    la

    dissimilitude) au

    regard

    de

    la

    perfection

    absolue

    (87). Mais

    saint

    Thomas

    corrige le

    Pseudo-Denys en deux

    (8>>

    A titre d'exemples

    :

    5f>ir.

    cr.,

    7;

    de

    An., 10

    et

    ad

    1,

    2;

    ibid.,

    1,

    7;

    2,

    II ;

    9, 3 et 6; /\ 75, 6; 77, 1

    ;

    84, 4; 85, 7; 89, 1

    ;

    / //, 17, 4; S. c. G., 2, 84.

    Marchal,

    op.

    cit., p. 136.

    Cf.

    C.

    PlAT,

    L'intellect actif, Paris.

    1890,

    pp. 41, 82,

    166.

    Prius et posterius dicitur secundum relationem ad aliquod principium.

    Ordo autem includit in

    se

    aliquem

    modum

    prioris

    et

    posterioris.

    Unde oportet

    quod ubicumque est aliquod principium,

    sit

    etiam aliquis ordo (//a 7/ae, 26, 2).

    Le texte

    cit

    expose, en quelques mots, le procd scientifique de l'ordre

    phnomnal l'ordre noumnal et le retour l'ordre phnomnologique.

    Cf. VAN LEEUWEN, op. cit., pp. 311,

    470

    et passim. Il s'agit de l'c excs-

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    34/45

    L'ide

    d ordre dans la

    philosophie de

    saint Thomas

    373

    points capitaux, dont le second

    est la

    consquence du

    premier.

    I. Il limite la

    causalit

    du attingere et du

    participare

    l'ordre

    de

    la finalit.

    2.

    Il

    pure le concept des

    spiritus intelligi-

    biles

    de

    tout

    idalisme

    platonicien,

    comme

    il

    les

    a

    purifis

    aussi

    du

    monisme

    cosmique d'Aristote.

    Quelle est la

    porte ontologique

    du

    concept de

    la hirarchie

    des participations ?

    C'est

    la

    question

    dcisive. Ecoutons

    saint

    Thomas.

    In rebus ordinatis tripliciter aliquid esse

    contingit,

    scilicet

    per

    proprietatem,

    per excessum

    et

    per participationem

    (/a,

    108,

    5),

    ce qui

    signifie

    par substance ou par

    accident

    propre, c'est--dire

    raison d'une

    unit substantielle

    ; par

    inclinaison

    naturelle,

    c'est-

    -dire raison

    d'une causalit

    finale ; ou enfin par vertu naturelle,

    c'est--dire

    par une causalit

    efficiente. Le premier terme, saint

    Thomas

    doit

    l'exclure sous

    peine

    de panthisme

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    35/45

    374

    Amde

    de Silva Tarouca

    tingue pas

    les

    ordres

    modaux.

    Sicut dicitur

    principium multipli-

    citer...

    ita

    etiam dicitur ordo

    (/a,

    42, 3). Il faut

    distinguer l'ordre

    des relations entre les cratures

    et

    l'ordre qui relie les cratures

    au

    Crateur.

    Quando

    sunt

    multae

    causae

    agentes ordinatae, pos-

    sunt

    dupliciter considerari

    secundum

    quod

    est

    duo invenire in

    agente, scilicet ipsum agens quod exercet actionem (ordre des

    moyens),

    et virtutem

    ipsius,

    quae est principium

    actionis in

    ipso .

    Dans cet ordre-ci le

    prius et

    posterius

    cesse pour tre

    remplac,

    ds qu'il s'agit de

    la

    Cause

    premire,

    par le

    immediate

    et

    absolute

    (/ Sent, d.

    12,

    1, 3, 4 ; cf. ibid., 37, 1, 1, 4).

    Saint Thomas ne nie

    donc

    nullement

    toute causalit des

    tres

    plus

    parfaits

    sur les

    tres

    moins parfaits,

    ce

    qui constitue

    la

    raison

    formelle

    du concept

    pseudo-denysien de

    la hirarchie

    (91>. Mais il

    voit

    dans

    le

    fait

    que

    le

    devenir

    des

    tres

    naturels

    procde

    per

    media ,

    un

    nouveau tmoignage

    de

    la primaut

    de l'activit

    cratrice . Saint Thomas exclut, non

    de

    la hirarchie, en tant

    qu'tre,

    mais

    bien de

    la

    disposition hirarchique,

    en tant que

    relation

    rciproque, la relation transcendante et

    immdiate de

    la

    crature

    au

    Crateur.

    Dans l'ordre de

    la finalit,

    seules les

    actions des facults

    immatrielles sont exclues

    de

    la hirarchie des

    moyens

    :

    Cum

    secundum

    ordinem agentium

    sive

    moventium

    sit ordo .finium, necesse

    est

    quod

    ad

    ultimum

    finem

    convertatur

    homo

    per motionem

    primi

    moventis, ad

    finem

    autem

    proximum per

    motionem alicujus

    infe-

    riorum moventium

    {/a

    //ae,

    109,

    6). Dans

    l'ordre de

    la

    causalit, cependant,

    toutes

    les actions

    effectives

    de l'tre, en

    tant

    qu'tre, sont exclues de

    l'enchanement hirarchique

    des causes

    secondaires ou

    intermdiaires

    :

    Duplex ordo

    considerari

    potest

    inter creaturam et Deum.

    Unus

    quidem

    secundum

    quod

    creaturae

    causantur a Deo,

    et

    dependent ab ipso sicut a principio sui esse

    :

    ("'

    In

    omnibus

    naturis ordinat9 invenitur

    quod

    ad

    perfectionem

    naturae

    inferioris duo

    concurrunt

    :

    unum quidem

    quod est secundum proprium

    motum

    (ce

    qui garantit,

    d'un seul coup, et la diversit des

    tres

    et la Causalit

    immdiate de Dieu) ; aliud

    autem

    quod est secundum

    motum

    superioris naturae

    (//a //ae^ 2,

    3).

    Imperfecta a

    perfectis

    sumunt originem

    (S. c. G., 2, 15),

    quod est maximum in unoquoque gnre, est causa aliorum quae sunt in illo

    gnre

    (ibid.,

    1,

    39).

    Cf. aussi

    de

    Ver.,

    22, 5;

    /a,

    79, 4; /a

    //ae,

    93, 2; de Spe,

    3.

    (92)

    Cf.

    Spir. cr., 10, 16; /a, 103,

    6.

    Ainsi est sauve la causalit

    seconde,

    et

    le disme conjur (5. c.

    G., 3,

    77); descendit ad

    minima (/a, 8,

    1,

    3; 22,

    2 et 3; 5. c. G., 3, 75, 76).

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    36/45

    L'ide d ordre dans

    la

    philosophie de saint Thomas 375

    et sic propter infinitatem suae virtutis

    Deus immediate

    attingit

    quam-

    libet rem, causando

    et conservando

    : et ad

    hoc

    pertinet quod

    Deus

    immediate

    est

    in omnibus

    per

    essentiam, praesentiam et potentiam.

    Alius

    autem ordo

    est,

    secundum

    quod

    res

    reducuntur

    in

    Deum

    sicut

    in

    finem : et

    quantum

    ad

    hoc

    invenitur medium inter creaturam et

    Deum

    (///% 6, I, 1)(93).

    Saint Thomas vite donc,

    dans

    son concept

    de

    la hirarchie,

    le panthisme de l'unit

    substantielle entre

    les

    tres divers, Yida-

    lisme

    platonicien,

    selon lequel une ide pure

    doit intervenir

    pour mettre le monde extramental en contact avec l'intellect

    humain, et

    le

    panenthisme, qui

    imagine

    que la

    Virtus

    divina

    elle-mme (94) doit

    suivre les oppositions

    et

    les

    synthses

    successives

    de

    la

    hirarchie. Ainsi la

    conception

    thocentrique

    de

    l'univers,

    fonde dans

    la

    doctrine de

    l'ordre

    de saint Thomas,

    corrige

    et synthtise les trois formes

    typiques de l'unit

    anthropocentrique que

    connat l'histoire de la philosophie : Dmocrite, Py-

    thagore et Heraclite

    pour

    l'antiquit, Siger

    de Brabant, le

    Pseudo-

    Denys

    et

    Averros au temps

    de

    saint Thomas, Spinoza,

    Kant

    et

    Hegel dans le

    lointain

    avenir.

    Au

    concept de

    la

    hirarchie, ainsi dtermin,

    doit

    s accommoder le concept philosophique

    que

    saint Thomas

    a conu

    des

    esprits purs.

    L'anglologie

    philosophique

    de

    saint

    Thomas

    prend

    racine dans la tradition

    aristotlicienne

    et platonicienne, mais elle

    corrige,

    dpasse et

    unit

    les

    deux

    courants de cette tradition par

    la

    doctrine

    de

    l'ordre.

    Par les

    consquences que

    sa

    thorie

    philosophique de l'ordre

    a

    entranes dans l'anglologie, saint Thomas n'a

    pas

    hsit se

    mettre en opposition

    avec

    des

    coles

    thologiques influentes de

    son temps .

    C'est par des considrations

    strictement

    philosophiques que

    saint Thomas rfute, dans l'opuscule

    de

    Substantiis

    separatis,

    d-

    < >

    Cf.

    de Ver., 5,

    1, 9.

  • 7/25/2019 Silva Tarouca, L'ide d'ordre dans la philosophie de saint Thomas

    37/45

    376 Amde

    de Silva Tarouca

    die son

    cher confrre Reginald

    de Piperno,

    des opinions

    courantes

    sur

    les

    esprits purs.

    C'est encore par des raisons

    purement

    philosophiques qu'il

    dduit

    cette

    tonnante

    psychologie

    des

    anges

    (voir

    avant

    tout

    /a,

    54-60) dont

    l'importance

    pour

    l'anthropologie

    a

    t trop mconnue.

    Enfin

    ce sont

    de

    nouveau des considrations purement

    rationnelles qui

    amnent le Philosophe de l Ordre

    incorporer

    la

    science rationnelle le concept d'esprits purs, non, certes, comme

    un fait connu empiriquement, mais comme une possibilit

    logiquement exige par le principe

    de

    l'ordre :

    Talis

    enim

    videtur

    esse

    universi

    perfectio, ut non

    desit ei aliqua natura

    quam possi-

    bilis

    est

    esse

    (Spir. cr., 5, 8 ;

    Subst.

    sep., 10 ; Comp. theol.,

    77,

    78).

    L'ide

    d'esprits

    purs

    se recommandait

    saint

    Thomas

    sous

    les trois aspects qui caractrisent

    l'ordre

    : diversit gradue,

    inclination

    une perfection suprieure

    et

    causalit par causes

    moyennes. (Voir

    les

    indications dans

    /// Sent.,

    d.

    1, 1, 2, 2

    ;

    S.

    c. G.,

    2, 46 ; 3, 80 ;

    de Caus.,

    30 ;

    de

    Ver., 8, 15 ; /\ 84, 3, 1 ;

    115, 6, 1,

    et /a, 108).

    Ajoutons cela le double

    parallle qui

    s'imposait un

    esprit

    mdival : corps clestes-anges ; corps

    terrestres-

    mes

    humaines

    (96). Ce

    paralllisme reprsente

    srement

    plus qu'une

    manuductio

    si on le considre

    la

    lumire de ce texte :

    Cum

    actio sequatur motum

    rei,

    quorumcumque naturae

    sunt

    ordinatae,

    oportet

    quod

    etiam

    actiones subinvicem

    ordinentuv))

    (/a,

    109,

    2;

    cf.

    S. c. G., 3,

    97).

    Cette

    doctrine

    sur

    la

    place

    que

    l'homme

    occupe

    dans

    la

    hirarchie de l'univers

    fournit notamment

    saint

    Thomas

    le

    fondement de sa morale

    et

    le

    fondement

    de sa mthodologie

    scientif ique .

    Anima humana a

    est

    in confinio corporalium

    et

    separatarum

    substantiarum constituta {de An., 1).