santé complexe : cas de la République Démocratique du ...

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Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/165401 [Downloaded 2019/04/19 at 03:22:40 ] "Le financement basé sur la performance dans un système de santé complexe : cas de la République Démocratique du Congo" Mayaka Manitu, Serge Abstract The thesis analyzes the role of performance-based financing approach (PBF) in the health reform process of DRC. Its originality relies in the complex adaptive systems (CAS) framework adopted to analyze DRC health system. Indeed, we assess the huge potential of CAS in supporting the construction of health systems and for understanding the dynamic of the system under PBF. By using mixed methods, this thesis explores potential explanatory theories, bringing some insights regarding the causes of dissension, paradoxical results and emergent behaviors within the health system under PBF. The thesis demonstrates that the CAS approach can provide a better understanding of PBF implementation process in DRC. Understanding the basics of the CAS can become a major asset in the strengthening of local health systems. Document type : Thèse (Dissertation) Référence bibliographique Mayaka Manitu, Serge. Le financement basé sur la performance dans un système de santé complexe : cas de la République Démocratique du Congo. Prom. : Macq, Jean

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Available at:http://hdl.handle.net/2078.1/165401

[Downloaded 2019/04/19 at 03:22:40 ]

"Le financement basé sur la performance dans un système desanté complexe : cas de la République Démocratique du Congo"

Mayaka Manitu, Serge

Abstract

The thesis analyzes the role of performance-based financing approach (PBF) inthe health reform process of DRC. Its originality relies in the complex adaptivesystems (CAS) framework adopted to analyze DRC health system. Indeed,we assess the huge potential of CAS in supporting the construction of healthsystems and for understanding the dynamic of the system under PBF. By usingmixed methods, this thesis explores potential explanatory theories, bringing someinsights regarding the causes of dissension, paradoxical results and emergentbehaviors within the health system under PBF. The thesis demonstrates thatthe CAS approach can provide a better understanding of PBF implementationprocess in DRC. Understanding the basics of the CAS can become a major assetin the strengthening of local health systems.

Document type : Thèse (Dissertation)

Référence bibliographique

Mayaka Manitu, Serge. Le financement basé sur la performance dans un système de santécomplexe : cas de la République Démocratique du Congo.  Prom. : Macq, Jean

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Le financement basé sur la performance dans un système de santé complexe : cas de la République Démocratique du Congo

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade

de docteur en sciences de la Santé Publique

Présentée par

Serge MAYAKA MANITU

Date : septembre 2015

Institut de recherche santé et société (IRSS)

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Le jury

Président

Pr Mylène BotBol Baum

Health, Ethics, Law, Economics, & Social Issues (HELESI)

Institut de Recherche Santé et Société (IRSS)

Secteur des Sciences de la Santé

Université Catholique de Louvain (UCL), Bruxelles,

Belgique

Promoteur

Pr Jean MACQ

Institut de Recherche Santé et Société (IRSS)

Secteur des Sciences de la Santé

Université Catholique de Louvain (UCL), Bruxelles,

Belgique

Membres du jury

Pr Bruno Meessen

Institut de Médecine Tropicale (IMT), Anvers

Belgique

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Pr Véronique Zinnen

Institut de Recherche Santé et Société (IRSS)

Université Catholique de Louvain (UCL), Bruxelles,

Belgique

Pr Kiyombo Mbela

Ecole de Santé Publique de Kinshasa (ESP/Kinshasa)

Université de Kinshasa (UNIKIN)

Université Kongo (UK)

République Démocratique du Congo

Dr Etienne Mugisho

Coopération Technique Belgique (CTB)

Bujumbura, Burundi.

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Biographie

Serge MAYAKA MA-NITU, médecin de santé publique et spécialiste en économie de la santé. Chef de Travaux au département de politique et management des Systèmes de Santé à l'Ecole de Santé Publique (ESP) de Kinshasa et au département des sciences de la santé de l'Université Pédagogique Nationale (UPN) de Kinshasa.

Formation : Serge MAYAKA MA-NITU est docteur en médecine, chirurgie et accouchements depuis 2001(Université Kongo/RDC), diplômé en économie de la santé de l’Ecole de Santé Publique de Kinshasa (Université de Kinshasa/RDC) depuis 2005 et en Politique des systèmes de santé de l’institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT/Belgique) depuis 2011.

Expériences professionnelles: Il a une expérience polyvalente pour avoir travaillé à tous les niveaux de la pyramide sanitaire de la RDC: médecine clinique en milieu hospitalier rural (2001-2005), supervision médicale des activités de prise en charge des maladies de l'enfant et du VIH/SIDA au niveau zone de santé et provincial (2003-2005), expertise dans le suivi et évaluation des projets de santé au secrétariat général à la santé (2006), fonctionnaire de l'UNFPA/chargé des projets d'urgence pour la prise en charge des victimes des violences sexuelles (2006-2007). Cette expérience lui a apporté une vision systémique sur diverses thématiques de santé, en l'occurrence l'organisation et la gestion des services de santé, l'assurance qualité des soins, la gestion des données sanitaires, le financement des services de santé, le suivi et évaluation des projets de santé.

Son expérience de la RDC s'étend aussi dans le suivi scientifique des programmes santé de l'Union Européenne notamment les programmes santé du IXe et Xe FED (collaboration entre les écoles de santé publique de l'UCL et de l'Université de Kinshasa) pour lesquels il a effectué de nombreuses missions, notamment un appui technique à la commission financement et couverture universelle du secrétariat général à la santé (2007-2010 et de 2011-2013). Il a effectué aussi des missions de suivi scientifique du projet d’appui au système de santé au niveau Intermédiaire et périphérique (ASSNIP 4 et 5) avec l'ULB (2013).

Il est le point focal RDC du projet de recherche collaborative multi-pays Muskoka sur le financement de la santé et la couverture universelle (2013-2015).

Sur le plan international, il est administrateur du Bureau d'études en santé publique et économie de la santé Arcadie Consulting Sprl et collabore avec l'Agence Européenne pour le Développement et la Santé (AEDES). Ce qui lui a permis de réaliser de nombreuses consultances pour l'Union Européenne, la Banque mondiale, Médecins du Monde, Cordaid, l'Agence Française de Développement, la GIZ, etc. ; à travers différents pays (Burundi, Rwanda, RDC, Côte-d'Ivoire, Comores, Tchad, Bénin, Maroc, Ghana, Sénégal).

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C’est de son engagement personnel dans le domaine du financement basé sur la performance, à travers ses nombreuses consultances en Afrique et ses missions de suivi scientifique des programmes d’achat des services de de l'Union Européenne en RDC, qu’a germé l’idée de réaliser cette thèse de doctorat. Une bonne prise de distance analytique durant toute sa démarche de recherche étant importante pour aider le pays de manière plus rigoureuse.

Champ de compétences : Financement et politique de santé, Financement basé sur les résultats, Couverture Santé Universelle, Suivi et évaluation des programmes de santé publique, Enquêtes ménages (Capacité et volonté à payer des ménages) et études des coûts des soins, enseignement universitaire (financement de la santé, Economie de la santé).

Publications scientifiques et communications orales

Articles acceptées - Mayaka Manitu S, Meessen B, Muvudi M, Macq J. Arbitrage d’une controverse

de politique de santé : application au Financement basé sur la Performance en Afrique subsaharienne. Santé publique. 2015 (accepté et en cours de publication).

- Mayaka Manitu S, Meessen B, Muvudi M, Macq J. Le débat autour du

Financement basé sur la Performance en Afrique subsaharienne: analyse de la nature des tensions autour de l'approche. Santé publique. 2015; vol. 27/N° 1.

- J.-C. Chiem, N. Ribesse, S. Mayaka, N. Speybroeck, J. Macq (2012). La

modélisation « ABM » pour la mise à l’échelle d’interventions dans l’organisation de soins de santé. Revue d'Épidémiologie et de Santé Publique ; Volume 60, Supplément 2, Septembre 2012, Pages S89.

- Basinga P., Mayaka S. & Condo J. (2011). Performance-based financing: the

need for more research, Bulletin of the World Health Organization 2011; 89:698–699.

- Muvudi M, Coppieters Y, Mayaka S, Okenge L, Umuhire G, Quenum F, Nday M

(2011). Analyse de l’application de la Déclaration de Paris dans le secteur de la santé en République démocratique du Congo, Med Trop 2011 ; 71 : 215-217.

Articles en cours de soumission - Mayaka Manitu S, Meessen B, Korachais C, Muvudi Lushimba M, Macq J.

Financement basé sur la performance : à la recherche de plus de données probantes pour une prise de décisions (en cours de soumission dans la revue santé publique).

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- Mayaka Manitu S, Muvudi Lushimba M, Bertone MP, de Borman N, Macq J. Financement basé sur la performance en République Démocratique du Congo : interactions dynamiques entre projets pilotes (en cours de soumission dans la revue The Pan African Medical Journal).

- Mayaka Manitu S, Muvudi Lushimba M, Chiem JC, Macq J. Financement basé sur la performance en Afrique subsaharienne : analyse systémique d’une intervention de santé (en cours de soumission dans la revue The Pan African Medical Journal).

- Jean-Christophe Chiêm, Serge Mayaka, Jean Macq. Causal Loop Diagram To Model Complex Health Interventions: An illustration on Performance-Based Financing. (en cours de soumission in Health Policy and Planning)

Communications orales internationales - Serge Mayaka Manitu, Michel Muvudi Lushimba, Maria Paola Bertone, Nicolas

de Borman. « Le financement basé sur la performance en République Démocratique du Congo : comparaison de deux expériences pilotes ». A la 2ème Conférence de l’Association Africaine d’Economie et de Politique de la Santé (AfHEA) avec pour thème : "Elan pour une couverture sanitaire universelle en Afrique». Saly/Dakar, mars 2011. Et au 3ème colloque international sur le financement de la santé dans les pays en développement et émergents. CERDI/Clermont-Ferrand/France, mai 2011

- Serge Mayaka Manitu, Michel Muvudi Lushimba, Meessen B, Macq J. District

de santé: une proposition renouvelée par le financement basé sur la performance? Conférence Régionale: « Les districts sanitaires en Afrique : Progrès et perspectives 25 ans après la déclaration d’Harare ». Dakar/Sénégal, octobre 2013

- Serge Mayaka Manitu, Michel Muvudi Lushimba, Meessen B, Macq J. Effets

du financement basé sur la performance sur les prestations subventionnées et non subventionnées : cas de la RD Congo. Third International Conference of the African Health Economics and Policy Association. Nairobi, mars 2014

- Serge Mayaka Manitu, Michel Muvudi Lushimba, Meessen B, Macq J.

Structuration de la controverse sur le financement basé sur la performance en Afrique sub-saharienne : application de la grille de Daniels. Third International Conference of the African Health Economics and Policy Association. Nairobi, mars 2014

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Résumé de la thèse

Introduction: la thèse traite de la dynamique actuelle de renforcement du système de santé de la RD Congo, avec une attention particulière sur la place que le financement basé sur la performance (FBP) est en train de prendre dans le processus national de réforme sectorielle. Elle vise à générer, à l’aide de la grille des systèmes adaptatifs complexes (SAC), des explications et des connaissances de manière à instruire la mise en œuvre du FBP en RDC. Pour y parvenir, elle analyse l'environnement institutionnel congolais et son impact possible sur les modalités de mise en œuvre du FBP, elle dégage les différents fondements du débat autour du FBP, elle apprécie les interactions dynamiques ou influences mutuelles entre les projets pilotes FBP mais aussi leur fonctionnement sur le terrain en termes de délivrance des services et d'atteinte des résultats et, elle propose une série de facteurs à considérer dans le choix d’une stratégie de financement de la santé comme le FBP dans le contexte complexe de la RDC.

Ce travail puise son originalité et son intérêt dans sa manière de lire ou d'analyser le système de soins de santé congolais, car il recourt au cadre d'analyse des systèmes adaptatifs complexes (SAC) qui présentent un immense potentiel pour appuyer la construction de systèmes de santé solides et pour la compréhension des incidences de l’introduction du FBP, mais aussi du comportement dynamique et dufonctionnement du système dans son ensemble.

Approche méthodologique: Elle recourt à l'utilisation de méthodes mixtes: (i) des données qualitatives pour apprécier la nature des points de divergence/convergence mais aussi les causes des tensions autour du FBP, pour apprécier aussi les comportements émergents lors des interactions entre les projets FBP. (ii) Des données quantitatives pour cerner l'efficacité du FBP en termes d’utilisation des services, en identifiant les facteurs contextuels qui pourraient influencer sa mise en œuvre.

Résultats: Analyse du contexte. Les politiques de soins de santé de la RDC sont restées cohérentes au cours du temps avec l’évolution des politiques de soins santé au niveau international. Mais la RDC demeure un état fragile. Ainsi, malgré les réformes en cours, les problèmes sectoriels demeurent importants et sont susceptibles d'entraver la mise en œuvre d'interventions de santé.

Points de consensus et de désaccords. Il y a consensus autour de la considération du FBP comme une stratégie complémentaire à d’autres et concourant à l’amélioration de l’accessibilité financière aux soins. Mais on note un désaccord sur des résultats attendus du FBP.

Nature des tensions autour de l'approche. Les tensions autour des désaccords sont entretenues par plusieurs facteurs: un déficit informationnel entre protagonistes, des référentiels ou cadres normatifs opposés, des relations de pouvoir entre experts.

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Pour y remédier, nous avons proposé comme solutions: une clarification conceptuelle sur les dimensions du FBP et un enrichissement du débat avec des données empiriques valides, la valorisation de la communication entre les experts, pour mieux clarifier les systèmes de valeurs mutuels.

Interactions dynamiques entre expériences FBP en RDC. Malgré leurs différences de départ, on a constaté au fil du temps des dynamiques d’émulation, d'échanges et de dialogues entre projets FBP autour de leurs modalités organisationnelles et leur montage institutionnel.

Analyse des données d'utilisation des services d'une expérience FBP. Elle montre que des composants aussi bien internes au projet FBP sont susceptibles de faciliter ou d'entraver la mise en œuvre du FBP, d'un contexte à un autre.

Discussion et conclusion: Dans la discussion, cette thèse nous montre que le FBP doit être analysé différemment et qu’il ne faut pas sous-estimer la complexité, la possible dynamique du système de santé après l'introduction du FBP, surtout pas dans un état fragile. Elle permet de creuser davantage sur les théories explicatives potentielles apportant des éléments de réponses sur les causes des dissensions, des résultats paradoxaux ou observations aberrantes et des comportements émergents au sein du système avec le FBP ; chose que les études d’impact à elles seules ne peuvent pas. La thèse précise enfin son apport aussi bien dans les domaines méthodologiques, théoriques et pratiques. Elle précise notre contribution à l'état d'avancement des connaissances et traite des éléments de validité de notre étude, de ses limites et de ses forces. En conclusion, cette thèse démontre qu'une démarche utilisant le SAC comme cadre d’analyse peut nous aider à mieux comprendre le processus d’implémentation du FBP dans notre pays. A ce propos, l'adoption d'une telle démarche peut répondre aux enjeux de l'efficacité de l'aide au développement dans le secteur de la santé, surtout pour les interventions, comme le FBP, susceptibles d'entrainer des interactions entre les acteurs-clés du système. Appréhender les principes de base de la complexité peut aussi constituer un atout majeur capable de nous aider à développer des systèmes locaux de santé à la fois robustes et adaptatifs. Des différents constats qui sont ressortis de ce travail et pour rester toujours dans une perspective systémique, différentes recommandations ont été formulées pour l’implémentation du FBP.

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Sommaire Le jury ................................................................................................................... ii Biographie ............................................................................................................ iv Résumé de la thèse ............................................................................................ vii Dédicace ............................................................................................................. xii Remerciements ...................................................................................................xiii Liste des tableaux .............................................................................................. xvi Liste des figures ................................................................................................. xvii Liste des abréviations et signes .......................................................................... xix ETAPE 0. PRESENTATION GENERALE DE LA THESE....................................... 1

1.Problématique ................................................................................................ 1 2.Question de recherche et objectifs ................................................................. 3 3.Approche méthodologique générale ............................................................... 4 4.Bibliographie ................................................................................................ 13

ETAPE 1: PRESENTATION DU CONTEXTE ...................................................... 17 CHAPITRE 1: FINANCEMENT DE LA SANTE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : HISTORIQUE, ENJEUX ET PERSPECTIVES ....................................................................................................................... 17 1.Introduction : ................................................................................................ 17 2.Méthodes : ................................................................................................... 19 3.Résultats ...................................................................................................... 20 4.Discussion ................................................................................................... 36 5.Conclusion ................................................................................................... 42 6.Bibliographie ................................................................................................ 43 CHAPITRE 2: PRESENTATION GENERALE DU SECTEUR DE LA SANTE ... 49 1. La stratégie sectorielle santé et les nouveaux arrangements institutionnels induits ............................................................................................................. 49 2. Gouvernance et décentralisation ................................................................. 50 3. Situation des ressources humaines en santé ............................................... 51 4. L'organisation de l'offre des soins ................................................................ 53 5. Résultats de santé ...................................................................................... 54 6. Utilisation des services et couverture des interventions ............................... 55 7. Bibliographie ............................................................................................... 56 CHAPITRE 3: LE FBP: HISTOIRE, THEORIE DU CHANGEMENT ET MISE EN OEUVRE PRATIQUE ...................................................................................... 59 1. Bref rappel sur la contractualisation ............................................................. 59 2. Bref rappel historique de la genèse du FBP ................................................. 61 3. Histoire du FBP en RDC.............................................................................. 63 4. Le FBP et sa théorie du changement ........................................................... 66 5. Le FBP en pratique: .................................................................................... 71 6. Quelques critiques autour du FBP ............................................................... 74 7. Bibliographie ............................................................................................... 78

ETAPE 2: ANALYSE DE LA CONTROVERSE AUTOUR DU FBP ...................... 81 CHAPITRE 4: ARBITRAGE D’UNE CONTROVERSE DE POLITIQUE DE SANTE: APPLICATION AU FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ............................................................................................. 81

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1.Introduction .............................................................................................. 81 2.Méthodes ................................................................................................. 82 3.Résultats.................................................................................................. 87 4.Discussion ............................................................................................... 97 5.Conclusion ............................................................................................. 100 6.Bibliographie .......................................................................................... 101

ETAPE 3: EXPLORATION DE LA NATURE DE DESACCORDS AUTOUR DU FBP AU NIVEAU INTERNATIONAL .......................................................................... 103

CHAPITRE 5: FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE EN AFRIQUE : NATURE DES TENSIONS ET UN AGENDA POUR L’ACTION ..................... 103

1.Introduction ............................................................................................ 103 2.Méthodes ............................................................................................... 104 3.Résultats................................................................................................ 106 4.Discussion ............................................................................................. 115 5.Conclusion ............................................................................................. 120 6.Bibliographie .......................................................................................... 121

ETAPE 4: ANALYSE DE L'INTERACTION DYNAMIQUE ENTRE LES ACTEURS FBP EN RDC .................................................................................................... 125

CHAPITRE 6: LE FINANCEMENT BASÉ SUR LA PERFORMANCE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : INTERACTIONS DYNAMIQUES ENTRE PROJETS PILOTES ......................................................................... 125

1.Introduction ............................................................................................ 125 2.Méthodes ............................................................................................... 127 3.Résultats................................................................................................ 128 4.iscussion ................................................................................................ 136 5.Conclusion ............................................................................................. 139 6.Bibliographie .......................................................................................... 140

ETAPE 5: RESULTATS D’UNE INTERVENTION FBP ET FACTEURS CONTEXTEUELS A PRENDRE EN COMPTE LORS DU MONTAGE................ 143

CHAPITRE 7: FINANCEMENT BASÉ SUR LA PERFORMANCE : A LA RECHERCHE DE PLUS DE DONNÉES PROBANTES POUR UNE PRISE DE DÉCISIONS .................................................................................................. 143

1.Introduction ............................................................................................ 143 2.Méthodes ............................................................................................... 145 3.Résultats................................................................................................ 150 4.Discussion ............................................................................................. 159 5.Conclusion ............................................................................................. 166 6.Bibliographie .......................................................................................... 166

ETAPE 6: SYNTHESE ET DISCUSSION .......................................................... 169 A.Application de la grille SAC à la mise en oeuvre du FBP en RDC ........... 169 B.Notre contribution à l'état d'avancement des connaissances .................. 188 C. Validité de la recherche ........................................................................ 200 D. Limites et forces de la thèse ................................................................. 204 E. Pistes de recherche future .................................................................... 214 F. Conclusion générale de la thèse ........................................................... 215 G. Bibliographie ........................................................................................ 222

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ANNEXES (ETAPE 7) ................................................................................... 227 ANNEXE 1 : RECAPITULATIF DES DOCUMENTS STRATEGIQUES EN SANTE (RDC) ........................................................................................................... 227 ANNEXE 2: RESUME DES VERBATIM IMPORTANTS STRUCTURES SELON LES CRITERES DE DANIELS ...................................................................... 229 ANNEXE 3: GRAPHIQUES ET TABLEAU RELATIFS AUX INDICATEURS NON PRESENTES DANS LE CHAPITRE 7 ........................................................... 273 ANNEXE 4: GUIDE D’INTERVIEW DES EXPERTS ...................................... 279 ANNEXE 5: NOTE INFORMATIVE A L’INTENTION DES REPONDANTS A L’ETUDE....................................................................................................... 283 ANNEXE 6: FICHE DE CONSENTEMENT LIBRE ET ECLAIRE ................... 285

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Dédicace

Kisantu/RD Congo, Juin 2000, le hasard des rencontres a permis que je rencontre un homme avec qui j'allais très vite sympathiser. A son retour en Belgique, j'étais loin de m'imaginer un seul instant que ma vie allait basculer sept ans plus tard grâce à lui. Cher ami Nicolas de Borman, je te dédie ce travail.

Boma/RD Congo, mars 2002, tu m'avais écris une lettre (les téléphones portables ni l'internet n'existant pas encore à Boma) dans laquelle une phrase en particulier avait attiré mon attention et est restée gravée dans mon esprit: ..." je ne voudrais pas que le nom "Professeur Mayaka" puisse disparaitre avec moi"... Cher Professeur Phocas Mayaka Ma-Kanda (PhD, UCL 1980), cher papa, je te dédie ce travail.

A ma mère Rose Kiala Lawu, mes frères Manguy, Chancel et Christian; mes Sœurs Laura, Christanne, Patricia, Sandrine, Olivia, Natacha; mon cœur ne se rassasiera jamais de vous être reconnaissant pour tout l’amour vrai, vécu et partagé. Raison pour laquelle je vous dédie aussi ce travail.

A mes neveux et nièces Randy, Joanna, Jed, Jess, Jaël, Altesse, Eldad, Eliël, Stone, Steven, Dylan, Murphy, Prince Evan, Sydney, Louange, Lily, Isaac, Hope, Given.

A mon épouse bien-aimée Jeanne Grisay et à nos adorables enfants Maurine Grisay, Christopher, Jade et Jason Mayaka; malgré mes absences prolongées que vous avez supportés avec courage, vous m'avez toujours manifesté un grand amour et témoigné d'un profond soutien qui m'ont aidé à conduire ce travail jusqu'à son terme. Ce travail est le vôtre, et je vous le dédie.

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Remerciements

"S’il fallait faire le film de notre vie, disait un penseur, ce film durerait plus que notre vie elle-même, car notre vie se construit dans plusieurs à la fois". C'est ainsi qu'au terme de cette recherche doctorale, je tiens à m'acquitter de l’agréable devoir de remercier toutes les personnes qui, en contribuant à la réalisation de ce modeste travail, ont en partie contribué à la construction de notre vie.

Mes remerciements les plus sincères sont adressés au Professeur Jean Macq qui, bien que très sollicité, est resté très dévoué dans la direction de ce travail. Ses observations et ses suggestions très pertinentes, sa rigueur scientifique et surtout ces profondes qualités humaines m'ont été d’un précieux concours dans l'aboutissement de ce travail. Pour l'avoir expérimenté, je peux témoigner avec assurance que la réussite d'un doctorat dépend de la relation de confiance et du soutien puissant de son promoteur.

Je ne pourrais jamais tarir d’éloges à l'endroit du Professeur Bruno Meessen, co-promoteur de ce travail. A un moment où les idées foisonnaient sur l'orientation à prendre pour mon doctorat, l'avoir rencontré en février 2010 à Bujumbura a constitué un tournant décisif à ma thèse. J'ai su profiter de sa discipline tenace, de ses conseils et de la pertinence de ses remarques qui m'ont aidé à conserver le fil conducteur dans mon travail.

Aux Professeurs Mylène Botbol-Baum, Véronique Zinnen, Etienne Mugisho pour le suivi et leurs remarques lors des réunions de mon comité d'accompagnement de thèse. Leur jugement et leur contribution ont toujours été de haute qualité et ont permis l'aboutissement de notre travail.

Nos remerciements autant déférents que mérités sont adressés au Professeur Myriam Malengreau qui m'a recruté dans ce programme de l'Union Européenne qui déboucha sur ce doctorat dont elle fut la première promotrice avant son éméritat. Je considère comme une belle anecdote d'avoir fait des humanités scientifiques dans ce collège jésuite de Kisantu construit en 1936 par le Professeur Fernand Malengreau de la Fomulac, et de m'être vu ouvrir les portes de l'Université Catholique de Louvain par sa petite fille.

Au Professeur Guillaume Kiyombo Mbela qui, très tôt, a suscité en moi cette vocation pour la santé publique, en m'aidant à comprendre tout l'intérêt que représente cette branche de la médecine pour la santé nos populations. Il m'a beaucoup inspiré et guidé, tant sur le plan professionnel que familial. Je ne cesserai de le remercier pour toute cette attention à cette phase cruciale de ma vie.

Aux autorités, encadreurs et collègues de l'Ecole de Santé Publique de Kinshasa (Professeurs Okitolonda, Kaba, Munyanga, Kashala, Mashinda, Mapatanao, Mansiangi mais aussi Henri Mata, Eddy Kieto, Joël Konde, Wally Disuasani et

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Jacques Zandibeni), de mon Alma Mater l'Université Kongo (Professeurs Nsonsa, Nseka, Situakibanza mais aussi Makiese Lema), de l'Université Pédagogique Nationale (Professeurs Clémence Kasinga, Antoine Lema) pour leurs encouragements et leur soutien sans cesse renouvelé durant l'accomplissement de ce dur labeur.

De manière très particulière, je tiens à remercier mes amis Dr Serge Menayame et Honorable Albert Fabrice Puela qui n'ont ménagé aucun effort pour soutenir ma famille durant mes absences prolongées. Que ces actes sincères et désintéressés leurs soient remboursés au centuple.

A mon ami Dr Michel Muvudi Lushimba. Il m'a beaucoup soutenu durant mes séjours en Belgique, m'appelant sans retenue parfois même au prix d'énormes sacrifices. Ses avis stratégiques sur l'organisation et le financement de la santé en RDC, la transmission de données importantes et la riche documentation dont il m'a fait bénéficier, constituent une grande partie de la charpente de ce travail.

A la fondation Rawji et en particulier à Mr Rizwan Rawji, à qui je présente mes remerciements les plus sincères. Il a tout de suite compris l'intérêt d'une telle thèse pour la réforme du financement de la santé en RDC, et a permis que je bénéficie des subsides pour mener à bien mes recherches doctorales. Qu'il trouve à travers ces mots l'expression de ma profonde gratitude.

A l'Agence Européenne de Développement et de Santé (AEDES) pour l'opportunité qui m'a été offerte de réaliser de nombreuses missions dans différents pays mettant en œuvre, la stratégie de financement ayant fait l'objet de mes recherches. Ce regard dans d'autres contextes que celui de la RDC m'a été très bénéfique. J'adresse des remerciements particuliers aux Dr Jean-Pierre D'Altilia, Jean-Pierre de Lamalle, Paul de Caluwe et Mr Matthieu Antony.

Je ne pourrais passer sous silence l’importante contribution de ces importants forums de discussion que représentent les communautés des pratiques de l'Harmonization for Health in Africa (HHA). Leurs activités de gestion et de partage de connaissances nous ont été d'une grande utilité. Mes remerciements s'adressent notamment aux collègues facilitateurs: Isidore Sieleunou, Basile Keugoung, Maymouna Ba, Joël-Arthur Kiendrébéogo, Allison Kelley, Nadège Ade, etc.

A tous les Pères missionnaires de la Compagnie de Jésus, notamment ceux de Kisantu: André Rosier sj, Jan Evers sj, Paul Smolders sj (+), Edmond Van Iseguem sj (+), Franz Torfs sj (+), Guy Verhaegen sj; pour la solidité de leur formation. Trouvez à travers cette œuvre un motif d’encouragement dans votre mission au service des hommes, Ad Majorem Dei Gloria.

A tous mes collègues de thèse de l'UCL: Jean-Christophe Chiem, Nathalie Ribesse, Nathalie Maulet, Hermès Karemere, Hervé Hien, Berthé Abdramane, Diberu

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Seyoum, Joule Madinga, Thierry Matonda, pour leur collaboration et leur soutien substantiels et enrichissants.

Un grand merci aussi à tous les collègues africains doctorants et en master du foyer de solidarité socialiste de Bruxelles: Placide Mumbembele, Julien Mbwangi, Sylvain Kumba, Sylvain Alongo, Idriss Kyoni, pour le soutien et pour les réflexions partagées sur le développement de l'Afrique.

Un profond remerciement enfin à Florence Binon et à Mimy Kapinga pour la relecture des chapitres en français et en anglais de notre thèse. Qu'elles trouvent à travers ces quelques mots l'expression de ma profonde reconnaissance.

A tous mes amis, les couples Felix et Aline Gamba, Guy et Riziki Bandu, Ben et Gisèle Banzuzi, Lucien et Marie-Chantal Nkunku, Thierry et Dukel Matonda, Patrick et Dolly Kaseku ainsi qu'au Dr Eric Mukenge, mes remerciements les plus sincères pour votre soutien combien substantiel à mon endroit mais aussi à toute ma famille.

Je ne saurais terminer sans remercier toute ma famille et ma belle famille présente en Belgique et en France pour leur soutien moral durant les quelques moments de profonde solitude: Dinah Grisay et Dr Jean-Sebastien Kovanda (ma seconde famille en Belgique), Christiane Grisay, Raymond et Sheila Grisay, Gina Mavambu, Alain et Hélène Nkaka, Nathalie Kiala et Roger Tshimanga, Elodie Tula et Matthieu Sita, Célestin "Rasta" et Hortense Khonde, Sheikedan Samba Sivi et mes tantines Pauline Marquis et Hélène Khonde. Que Papa Thaddée Mavambu et Maman Caroline Masunda reçoivent aussi tous mes remerciements.

Que toutes les personnes ci-haut citées et celles qui ne le sont pas, mais pour qui nous garderons toujours une pensée noble, sachent que nos remerciements sont sincères car les mots pour les exprimer sont tirés du fond de notre cœur.

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Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Présentation synthétique de l’évolution des orientations prises par les systèmes de santé des pays à faible revenu

Tableau 1.2: Evolution de la situation du personnel de santé entre 2009 et 2013

Tableau 1.3: Exemple de prestations du PMA d'un centre de santé avec leurs coûts d'achat

Tableau 1.4: Exemple de calcul des subventions FBP pour un centre de santé

Tableau 2.1 : résumé des critères de la grille de Daniels

Tableau 2.2 : Profil des experts interviewés durant l’étude

Tableau 2.3 : Synthèse de l’appréciation du FBP par les experts interviewés

Tableau 3.1 : Présentation du profil des répondants à l’étude

Tableau 4.1 : Présentation générale des programmes de FBP en cours en RDC

Tableau 4.2 : Description des deux projets avec une composante FBP

Tableau 4.3 : Description des différentes modalités de mise en œuvre

Tableau 4.4 : le montage institutionnel des deux modèles FBP

Tableau 5.1: Liste des prestations subventionnées et non subventionnées de l'étude

Tableau 5.2: Présentation des principaux résultats des modèles (1) et (2)

Tableau 5.3: Présentation des principaux résultats du modèle (3)

Tableau 7.1. Récapitulatif des documents stratégiques en sante (RDC)

Tableau 7.2. Synthèse avec les résultats de tous les indicateurs

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Liste des figures

Figure 0.1 : Représentation schématique de la structure de la thèse

Figure 1.1 : Evolution du taux du budget de l'Etat alloué à la santé de 1968 à 2012 (en pourcentage).

Figure 1.2 et 1.3 : Mortalité des enfants de moins de cinq ans (1990-2013) et mortalité maternelle (1990-2010), RDC et pays pairs (1990-2014)

Figure 1.4: Situation du FBP en Afrique en 2013

Figure 1.5: Influence du modèle rwandais sur le modèle congolais

Figure 1.6: Principes associés au FBP

Figure 1.7: Séparation des fonctions induites par le FBP

Figure 3.1 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des faits

Figure 3.2 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des valeurs

Figure 3.3 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des relations de pouvoirs et des comportements inadéquats dans le processus délibératif. (1)

Figure 3.4 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des relations de pouvoirs et des comportements inadéquats dans le processus délibératif (2)

Figures 5.1 et 5.2: Evolution du taux d'utilisation du curatif à l'introduction du FBP Cash sans (figure 1) ou avec tendance temporelle (figure 2)

Figures 5.3 et 5.4: Evolution du taux de vaccination en DTC3 et du nombre de visites à domicile

Figures 5.5 et 5.6: Evolution du taux d'accouchement assisté et de la détection des cas de malnutrition

Figure 5.7: Ligne du temps de l'évolution du FBP au Kasaï oriental entre 2005 et 2013

Figure 6.1: caractéristiques des systèmes adaptatifs complexes

Figure 6.2: Proposition de cadre d'analyse d'une controverse en politique de santé

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Figures 7.1, 7.2, 7.3 et 7.4. Prestations payantes / Subventionnées FBP

Figures 7.5, 7.6 et 7.7. Prestations payantes / Non subventionnées FBP

Figures 7.8 et 7.9. Prestations gratuites / Subventionnées FBP

Figures 7.10, 7.11 et 7.12. Prestations gratuites / Non subventionnées FBP

Figure 7.13. Prestations gratuites avec démarche active du prestataire / Subventionnées FBP

Figures 7.14 et 7.15. Prestations gratuites avec démarche active du prestataire / Non subventionnées FBP

Figure 6.1: Modèle de Diagramme à boucles causales résumant le FBP au niveau d'une structure de santé

Figure 6.2: Modèle de boucles causales d'une intervention FBP dans une structure de santé

Figure 6.3: Effet contre-intuitif possible du contrôle sur la qualité des soins

Figure 6.4: Effet contre-intuitif possible de l'augmentation de l'utilisation des services sur la qualité

Figure 6.5: Proposition de scénario-contrôle de l'interaction entre types de prestations

Figure 6.6: Proposition de scénario-contrôle sur la charge de travail

Figure 7.1: Caractéristiques des systèmes adaptatifs complexes

Figure 7.2: Proposition de cadre d'analyse d'une controverse en politique de santé

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Liste des abréviations et signes

- $ ou USD: Dollar américain - AAP: Agence d’achat des performances - AEDES: Agence Européenne pour le Développement et la Santé - ASBL: Association Sans But Lucratif - ATI: assistant technique international - ATN: assistant technique national - BDOM: Bureau Diocésain des Œuvres Médicales - BM: Banque Mondiale - CA: Conseil d’Administration des zones de santé - CAG: Cellule d’appui et de Gestion - CaMPS: Cadre du ministère de la santé publique - CBHI: Community Based Health Insurance - CDF : Francs de la République Démocratique du Congo - CDR : Centrales de Distribution Régionales - CDR: Centrale Régionale de Distribution de Médicaments - CLD: Causal loop diagrams - CNP: Comité National de Pilotage - CNS : Comptes Nationaux de la Santé - CoP: Communautés de pratiques - CORDAID: Catholic Organization for Relief and Development Aid - CPN: Consultations prénatales - CPP: Comité provincial de pilotage - CS: Centres de Santé - CSU : Couverture Santé Universelle - CTB: Coopération Technique Belge - DFID : Département pour la Développement International Britannique - DPS : Division Provinciale de la Santé - DS: district sanitaire - DTC: Diphtérie Tétanos Coqueluche - EDS : Enquête Démographique et Santé - ENSEF Enquête Nationale sue la Situation des Femmes et des Enfants - ESP: Ecole de Santé Publique - ETD : Entité Territoriale Décentralisée - EUP: Etablissement d’Utilité Publique - FASS: Fonds d’achat des services de santé

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- FBP: Financement basé sur la performance - FDSS: Fonds de développement des services de santé - FED: Fonds Européen pour le Développement - FONAMES: Fonds National Médico-Sanitaire - GAVI : Alliance Mondiale pour les vaccins et l’immunisation - GIBS: Groupe Inter-Bailleurs Santé - GIZ: Agence de coopération internationale allemande pour le

développement - HealthNet TPO: HealthNet Transcultural Psychosocial Organization - HGR : Hôpital Général de Référence - ICN: International Council of Nurses - IMT: Institut de Médecine Tropicale - IPS: Inspection Provinciale de la Santé - IRC: International Rescue Committee - MED: Médicament - MEG: Médicaments essentiels et génériques - MIBA: Minière de Bakwanga - MICS : Multi-Indicator Cluster Survey - MSF: Médecins Sans Frontières - MSP : Ministère de la Santé Publique - Nb_dom: Nombre de visites à domicile - Nb_mpe: Nombre de malnutrition protéino-énergétique - NEI : Nouvelle économie institutionnelle - OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement - OMS : Organisation Mondiale de la Santé - ONG: Organisation Non-Gouvernementale - ONUSIDA: Organisation des Nations Unies contre le SIDA - P4P: Paiement pour la performance - PAO : Plan d’Action Opérationnel - PATS: Programmes d’appui transitoire au secteur de la santé - PCA : Paquet Complémentaire d’Activités - PESS : Programme d’Equipement des Structures Sanitaires - PEV: Programme élargi de vaccination - PMA : Paquet Minimum d’Activités - PNDS : Plan National de Développement Sanitaire - PS9FED: Programme santé du 9ème Fond Européen pour le

développement - PTF: Partenaires techniques et financiers

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- RCA: République Centrafricaine - RDC : République Démocratique du Congo - SAC: Systèmes adaptatifs complexes - SIDA: Swedish International Development Cooperation Agency - SIS: Système d’information sanitaire - SNIS: Système national d'information sanitaire - SRSS: Stratégie de Renforcement du Système de Santé - SSP: Soins de santé primaires - Tx_acc: Taux d'accouchement assisté - Tx_nc: Taux de nouveaux cas de consultation curative - UCL: Université Catholique de Louvain - UE: Union Européenne - UNFPA: Fonds des Nations Unies pour la Population - VAT: Vaccination Antitétanique - VIH/Sida : Virus de l’Immunodéficience humaine - ZS: Zone de Santé

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ETAPE 0. PRESENTATION GENERALE DE LA THESE

1. Problématique Nonobstant les différents efforts actuellement fournis, de nombreux défis restent encore à relever au niveau des systèmes de santé d’Afrique Subsaharienne, notamment le faible niveau de la qualité des soins et l’accès limité à des services essentiels.

Face à cette performance jugée décevante des systèmes locaux de soins de santé africains, certains auteurs s’interrogent sur la nécessité de repenser leur architecture ou de les adapter (Meessen et Van Damme, 2005; Hamdouch et Depret, 2005).

A ce propos, plus de 25 ans après la déclaration d'Harare, de nombreuses transformations se sont opérées au fil du temps sur le plan socio-économique (libéralisation économique), politique (décentralisation administrative), sanitaire (apparition du VIH/SIDA, transition épidémiologique), etc. (Meessen et Malanda, 2014).

Dans ce contexte, soucieux de développer des stratégies assurant aux individus des soins de santé abordables et de qualité, des experts africains et européens ont testé, développé et théorisé la stratégie de financement basé sur la performance (FBP). Si les origines de la stratégie dans les pays à faible revenu remontent au moins jusqu’à des expériences innovantes au Cambodge à la fin des années 90 (Soeters et Griffiths, 2003), c’est au Rwanda, au début des années 2000, que cette stratégie a été présentée comme efficace (Meessen et al. 2006).

Cette stratégie partage certaines similarités avec les stratégies « paiement pour la performance » (P4P) en développement dans les pays riches comme au Royaume-Uni où elle représente près de 25% du revenu de médecin de famille (Siva, 2010).

Pour ses promoteurs, le FBP doit être vu comme un instrument d’appui au développement de services de santé de meilleure qualité, plus inclusifs et plus accessibles. Pour y parvenir, le FBP va assujettir des paiements directs aux prestataires à l’atteinte de résultats spécifiques mesurables et vérifiables. Mais, ils

Cette section aborde la problématique de la mise en œuvre du Financement Basé sur la Performance dans le système de santé de la République Démocratique du Congo.

Elle fixe les objectifs de notre travail ainsi que la question de recherche que nous nous posons. Elle se termine par la présentation de la méthodologie générale retenue, en apportant des éléments d'information sur les concepts d'analyse systémique et de systèmes adaptatifs complexes (concepts centraux à la thèse), mais aussi en détaillant la structure de la thèse, étape par étape, ainsi que les méthodes qui seront employées.

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estiment aussi que l'approche n'est pas seulement financière car elle implique également des changements fondamentaux dans la responsabilisation, la transparence et la redevabilité (Fritsche, Soeters, Meessen, 2014).

Comme en Amérique du Nord et en Europe où le Pay For Performance est implémenté, le FBP ne fait pas toujours l'unanimité parmi les acteurs engagés dans le renforcement du système de santé en Afrique Sub-Saharienne. Un débat important existe donc autour de cette stratégie.

Si les différentes parties peuvent échanger des arguments théoriques ou empiriques pour défendre leurs propositions, elles succombent parfois également à la dissimulation des faits ou même au parti-pris. Il n’est donc pas certain que ce débat soit construit sur les meilleures bases, tant il combine, dans le feu des discussions, différents registres de discours et d’argumentation. Un tel processus ne sera pas optimal pour aider les pays mettant en œuvre le FBP (comme la République Démocratique du Congo), à améliorer l’état de santé des populations.

De fait, les acteurs du système de santé congolais sont eux aussi divisés quant à la reproduction de cette stratégie de financement, testée au Rwanda dans un contexte bien particulier. Selon eux, les risques d’échec d'une telle reproduction du FBP sont grands quand on connait le contexte spécifique et complexe de la RDC (Ireland, Paul, Dujardin, 2011).

Les constats faits dans les paragraphes qui précèdent nous poussent à réfléchir sur la manière d’aider notre pays, la RDC, à prendre la bonne distance par rapport au débat sur le FBP. En effet, si pour certains acteurs le FBP peut s'avérer néfaste, et que pour d'autres il est bénéfique pour les populations et qu’il peut constituer un « plus » pour les systèmes locaux de santé, alors cette situation de tensions est problématique car elle peut bloquer ou ralentir des processus nationaux de développement.

Une réponse plus appropriée à la résolution de ce genre de situation devrait passer, pour certains auteurs, par la prise en compte objective, par l’ensemble des acteurs de la santé, des subtilités de la dynamique des systèmes et de leur caractère adaptatif (Plesk et Greenhalgh, 2001, Gouberman et Zimmerman, 2002, Ribesse et al, 2013). Ils s'accordent aussi sur l’importance d’une vision plus holistique, plus globale, bref une analyse systémique, dans la manière d'aborder les interventions de santé comme le FBP et de renforcer nos systèmes de santé défaillants (Pourbohloul et Kieny, 2011).

Cette analyse systémique décrit et examine les caractéristiques et les effets des interventions dans des systèmes adaptatifs complexes (SAC). Elle nous invite à abandonner les modèles linéaires au profit de nouveaux cadres conceptuels intégrant une vision plus dynamique des systèmes, acceptant l'imprévisibilité, respectant l'autonomie et la créativité et répondant avec souplesse aux tendances émergentes et aux opportunités (Plesk et al, 2001). Elle peut constituer ainsi un

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support utile à la compréhension des incidences d'une intervention mais aussi au comportement et au fonctionnement du système dans son ensemble (De savigny et adam, 2009).

Cette présente recherche s’inscrit dans ce cadre et elle porte donc sur la stratégie FBP, telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre en RDC. Elle vise à identifier les éléments affectant cette mise en œuvre, tout en appréciant leur caractère systémique. Pour ce faire, nous adopterons une approche de systèmes adaptatifs complexes (SAC).

Notre travail non seulement teste l’intérêt du SAC comme modèle d’analyse pour réfléchir sur l’implémentation et la mise en œuvre du FBP, mais permet aussi par la suite de mieux comprendre les enjeux et les défis auxquels la RDC fera face dans les prochaines années.

2. Question de recherche et objectifs

2.1. Question de recherche Au cours de cette recherche, notre principale question sera de savoir si la grille SAC peut être un cadre utile et pertinent pour analyser et améliorer l’implémentation du FBP en RDC.

2.2. Objectif général Générer à l’aide de la grille SAC des explications et des connaissances de manière à instruire la mise en œuvre du FBP en RDC.

2.3. Objectifs spécifiques : Pour atteindre cet objectif général, nous tenterons de:

Analyser l'environnement institutionnel congolais et son impact possible sur les modalités de mise en œuvre du FBP ;

Dégager les différents fondements du débat autour du FBP entre les différents agents du système ;

Expliquer le lien existant entre l’implémentation des projets FBP en RDC et les comportements ou les réactions observées au sein du système ;

Apprécier comment les projets pilotes FBP ont fonctionné sur le terrain en termes de délivrance des services et d'atteinte des résultats ;

Proposer une série de critères ou facteurs sous-jacents à prendre en compte dans le choix d’une stratégie de financement de la santé comme le FBP dans le contexte complexe de la RDC.

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3. Approche méthodologique générale Nous sommes partis de l'hypothèse que toute intervention telle que le FBP est complexe, car liée à toute une série de facteurs interconnectés et interdépendants, pouvant s'auto-organiser ou s'adapter de façon constante (positivement ou négativement) au fil du temps. Ces facteurs sont aussi bien internes (montage/design de l'intervention, services offerts, le personnel ou l'équipe du projet, etc.) qu'externes (contexte d'implantation, population cible, autres détenteurs d'enjeux, qualité du partenariat avec d'autres acteurs, etc.). Ainsi, si le dispositif FBP a atteint les buts visés dans d'autres contextes (Rwanda, Burundi, etc.), il ne produira pas forcément les mêmes résultats dans le contexte de la RDC.

Devant ces nombreux facteurs, il faut donc contextualiser les effets de l'approche, et surtout examiner son développement et sa mise en œuvre en accordant une place prépondérante à l'imprévisibilité, à la créativité, aux phénomènes émergents et à la flexibilité des équipes et de l'environnement.

Mais tous ces aspects nous renvoient aux concepts d'analyse systémique et de systèmes adaptatifs complexes que nous devons expliquer pour mieux comprendre la structure de notre thèse.

3.1. Eléments d'information détaillés sur les concpets d’analyse systémique et de systèmes adaptatifs complexes avec leurs relations avec le FBP

3.1.1. Systèmes complexes adaptatifs comme cadre d’analyse Certaines interventions peuvent butter, au cours de leurs mises en œuvre, à des obstacles pouvant empêcher l'atteinte des objectifs généraux de santé. Elles progressent de manière assez lente et ne sont pas à la hauteur des attentes, avec des résultats limités voire inexistants.

Trop souvent, lorsque l’on est confronté à ce genre de situation, on a tendance à sous-estimer les problèmes inhérents à la faible capacité des systèmes de santé à fournir les services attendus. On pense que des solutions externes sont requises pour remettre le système de santé et ses composantes sur les rails, en oubliant parfois que des solutions (et même de nouveaux problèmes) pourraient aussi venir de l'intérieur du système (Sturmberg et al, 2012).

Ainsi, la prise en compte des caractéristiques ou des facteurs intrinsèques au système de santé est donc importante, et pourrait modifier fondamentalement la nature des questions posées, les solutions élaborées et les interventions mises en œuvre (Gouberman et al, 2002).

La complexité des interventions de la santé (complexité technique, complexité dans la production et l'utilisation des services, complexité dans la capacité de mise en

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œuvre, etc.) peut représenter une contrainte à la mise en œuvre et nécessite d'être gérée pour augmenter la couverture (Paina et Peters, 2011).

Selon De Savigny et Adam (2009), l'analyse systémique peut offrir des avantages potentiels considérables pour le développement global du secteur, dans la mesure où elle permet d'élucider les questions de complexité du système de santé. Elle ne se concentre pas que sur des indicateurs ou des objectifs particuliers mais prend en compte toutes les subtilités de la dynamique des systèmes et de leur caractère adaptatif; et donc selon une vision plus holistique et plus globale (Plesk et Greenhalgh, 2001, Gouberman et Zimmerman, 2002, Ribesse et al, 2013).

Cela permet aussi de comprendre comment un léger stimulus dans le secteur conduit à un changement important et rapide, ou comment des inputs et des programmes de grande envergure conduisent plutôt à des changements modestes et inattendus (Paina and Peters, 2011).

De plus, grâce aux connaissances qu'elle aura permis de générer, elle nous pousse à revoir nos modes d'intervention, et à concevoir des stratégies à même d'améliorer efficacement la santé de la population.

Cette démarche est d'autant plus utile qu'elle aidera également dans la compréhension des effets complexes des interventions ainsi que des comportements émergents et des synergies qu'elles induisent; et par le fait même, elle contribue au fonctionnement plus constructif et efficace des systèmes de santé.

Mais intégrer la pensée systémique pour des interventions de santé plus efficaces, suppose aussi une parfaite compréhension des caractéristiques des systèmes adaptatifs complexes (SAC).

Les SAC sont définis par Plesk et al (2001) comme étant un ensemble d'agents individuels avec la liberté d'agir de différentes manières qui ne sont pas toujours prévisibles, et dont les actions sont interconnectées de sorte que les actions d'un agent change le contexte pour les autres agents. Mais en plus d'être interconnectés, ces agents ont la capacité de s'auto-organiser, de s'adapter et d'apprendre partant de leur expérience.

Ils se caractérisent par (Sturmberg et Martin, 2008 et 2009; Serrat, 2009; Swanson et al, 2012; Plesk et al, 2001):

i. Leurs limites qui sont en général floues, vu que la composition des membres peut changer et les agents peuvent être simultanément membres de plusieurs systèmes.

ii. La réaction des agents à leur environnement qui recourent à l'usage d'un ensemble de règles internes ou locales animant leur action.

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iii. Le fait qu'aussi bien les agents et le système soient adaptatifs. Comme les agents en son sein peuvent changer, le système complexe peut adapter de façon constante (positivement ou négativement) son comportement au fil du temps.

iv. Un certain nombre d'éléments interconnectés et interdépendants. Comme chaque agent et chaque système est imbriqué dans d'autres systèmes, tous évoluent ensemble, interagissent et s'influencent mutuellement. On ne peut donc pas comprendre totalement chaque agent ou système sans se référer aux autres.

v. Des tensions et des paradoxes qui sont considérer comme des phénomènes naturels. Les forces opposées en apparence par compétition, peuvent travailler ensemble pour améliorer la performance collective.

vi. L'émergence continue de nouveaux comportements. Le comportement d'un système complexe émerge de l'interaction entre les agents.

vii. La non-linéarité dans leur comportement. Il n'y a pas de corrélation directe entre les intrants apportés au système et les résultats qui sont produits.

viii. L'imprévisibilité. Avec leur caractère adaptatif, les relations non-linéaires et les phénomènes émergents, le comportement précis de tout système complexe est fondamentalement imprévisible au fil du temps.

ix. L'auto-organisation au moyen de règles simples d'application locale. L'ordre, l'innovation et le progrès peuvent aussi émerger naturellement des interactions au sein d'un système complexe sans qu'ils soient imposés par l'extérieur.

x. La dépendance à des facteurs temporels (path dependence). L'histoire d'un système contient la signification de son changement. Donc l'évolution de certaines interventions de santé est en partie déterminée par leur cheminement antérieur.

En abordant les interventions de santé avec un tel cadre, on cherche à se démarquer des approches employées dans les évaluations dites classiques. En effet, selon des auteurs comme De Savigny et al (2009), ces dernières, lorsqu’elles se déroulent, se penchent très souvent sur les ressources investis, sur l’atteinte ou non des résultats ainsi que sur les effets et les impacts observés en aval aussi bien sur les maladies ou sur la morbi-mortalité.

Pour ces auteurs, les évaluations classiques peuvent présenter des limites car cela ne suffit généralement pas à avoir une vision globale du fonctionnement du système de santé, et de mieux cerner les interventions qui marchent, pour qui et dans quelles conditions.

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D’où leurs recommandations d’aborder les interventions de santé dans cette perspective systémique ou de système adaptatif complexe dont les caractéristiques sont décrites ci-haut.

Ce qui suppose pour eux d’aller au-delà de ces évaluations de type « entrée-sortie » portant très souvent sur l’élaboration d’indicateurs sensibles et facilement mesurables, pour suivre les changements induits par ces interventions sur l’une ou l’autre composante du système.

Cela suppose aussi de considérer les rétroactions, les processus, les synergies globales entre les éléments constitutifs du système, les comportements émergents ou les réactions du système face aux interventions destinées à le renforcer, ou encore tous les facteurs d’ordre contextuel.

Pour ces auteurs et d’autres également (Sturmberg et Martin, 2008 et 2009; Serrat, 2009; Swanson et al, 2012; Plesk et al, 2001), ces différents éléments sont susceptibles de nous apprendre beaucoup plus au sujet des mesures relatives au renforcement des systèmes de santé complexes et fortement interactifs, ou à l’atteinte des objectifs spécifiques de santé publique.

Ils peuvent aussi aider dans la réflexion sur l’identification des points de contrôle ou de haute influence pour la performance du système, et aider à creuser davantage sur les théories explicatives potentielles (à tester) capables d'établir une relation entre différents facteurs qui expliquent ces causes des dissensions, de résultats paradoxaux ou encore de comportements émergents au sein du système lors de la mise en œuvre de toute intervention de santé.

De ce fait, certaines interventions complexes ayant des effets profonds sur l'ensemble du système, en particulier sur des systèmes de santé fragiles comme celui de la RDC, gagneraient si elles faisaient l'objet d'une analyse systémique. C'est le cas notamment avec l'approche de financement basé sur la performance (FBP).

3.1.2. Le financement basé sur la performance et la perspective systémique Le FBP peut être considéré comme une intervention à l'échelle du système dans la mesure où, de par les réarrangements institutionnels qu'il promeut, il peut influer sur la quasi-totalité des éléments constitutifs du système de santé.

En effet, pour des auteurs comme De Savigny et al (2009), le FBP agit sur tous les piliers du système de santé (OMS, 2008) sur lesquels repose d'ailleurs l'actuelle stratégie de renforcement du système de santé de la RDC (MSP, 2010).

A ce propos, ils constatent que le FBP soulève des questions de gouvernance (gestion des primes de performance, séparation des fonctions, etc.) mais aussi

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d'information sanitaire (utilisation de l’information pour vérification et contrôle des prestations dans les structures de santé avant l'allocation des primes), de financement (sa complémentarité avec d'autres mécanismes de paiement et de financement existants, une réduction des tarifs pour une meilleure accessibilité financière), de ressources humaines (introduction d'incitations financières pour les prestataires ou non), de prestations (augmentation de l'utilisation des services et une amélioration de la qualité des prestations subventionnées).

Pour Glouberman et Zimmerman (2002), le FBP peut aussi être considéré comme une intervention qui en elle-même est complexe, notamment parce qu'il existe plusieurs designs ou montages différents (rien qu’en voyant par-exemple les barèmes ou prix relatifs entre activités à inciter) mais aussi parce qu'il est très dépendant du contexte et donc du système dynamique dans lequel il se met en place. Ainsi, pour pouvoir analyser de manière appropriée l'action ou l'efficacité du FBP, il faut aussi analyser ce système dynamique dans lequel il s'implante. De plus, pour ces auteurs, le FBP fait intervenir de nombreux acteurs du système de santé (prestataires, patients, associations locales ou organisations à base communautaires, agences d'achat de performance avec ses statisticiens vérificateurs, équipes cadres de district et provinciales, partenaires techniques et financiers, assistants techniques ou consultants nationaux et internationaux, etc.) et on ne sait pas toujours prévoir la manière dont ils vont interagir entre eux.

Le FBP induit justement de nouveaux arrangements institutionnels c.à.d. de nouvelles règles de fonctionnement sur la manière dont les différents agents (individus et groupes d'individus qui sont les acteurs du système) vont interagir les uns avec les autres (Bertone, Meessen, 2013). Mais les acteurs définissant ces règles ne peuvent pas s'assurer qu'elles seront acceptées par tous ou qu'elles conduiront nécessairement aux résultats attendus, du fait de l'imprévisibilité du comportement de ces agents.

Ainsi donc, ces arrangements institutionnels tels qu'ils sont définis en théorie de manière formelle, n'influencent pas toujours nécessairement le comportement des agents de la manière attendue. En clair, il peut arriver parfois que leur comportement soit plutôt contre-intuitif par rapport à ce qui avait été initialement planifié (Forrester, 1971).

C'est donc ce caractère contre-intuitif et inattendu de la manière dont les agents du système de santé se comportent, qui va rendre intéressant l'usage du SAC comme cadre d’analyse.

En effet, c'est en utilisant une perspective de SAC que l'on va reconnaitre le fait qu'il y aura une série de comportements qui ne seront pas prévisibles. De cette façon, les acteurs avertis du FBP devront travailler dans une logique incrémentale, c'est-à-

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dire devraient avoir eux-mêmes un comportement adaptatif dans leur manière de vouloir influencer le comportement des autres agents. Ils ne chercheront pas par exemple la mise en place d'un modèle standard FBP, en espérant qu'il fonctionnera partout de la même manière (Macq, Chiem, 2011).

En définitive, le SAC est une manière de lire ou d'analyser un système de soins de santé. A ce propos, voir le système de soins de santé de la RDC sous une perspective de SAC ou à travers la lorgnette des SAC, suppose que l'on considère le système de soins de santé comme un ensemble d'individus, d'acteurs avec des caractéristiques qui sont propres à celles d'un SAC: les agents interagissent donc entre eux, disposant d'une certaine liberté d'initiative ou indépendance.

Cette thèse apprécie également comment une démarche systémique peut constituer aussi un outil méthodologique pouvant nous aider à mieux appréhender la complexité de la mise en œuvre du FBP dans notre pays, mais aussi le comportement et le fonctionnement du système de santé dans son ensemble.

A l’aide du cadre d’analyse SAC, nous apporterons aux lecteurs, à chacune des étapes de cette thèse, des élements prouvant que le FBP doit être vu comme une intervention systémique et complexe.

3.2. Structuration de la thèse Notre thèse se propose d'entreprendre les différentes analyses utiles, reprises ci-dessous, partant des concepts de complexité et d'analyse systémique:

(i) l'identification des préalables indispensables au système de santé congolais pour la mise en œuvre de l'approche. Il est crucial d’inscrire la dynamique en cours du FBP dans son contexte géographique, économique, sanitaire et historique. En d'autres termes, il faut comprendre l'environnement institutionnel congolais extrêmement variable, les voies par lesquelles il est passé (path dependence) et son impact possible sur les modalités de mise en œuvre du FBP.

(ii) l'analyse de l'existence de tensions et de paradoxes entre les différents agents du système devant les propositions de changements apportées par le FBP. Il faut connaitre la nature et les causes de ces tensions ou paradoxes de manière à dégager les aspects à améliorer dans la mise en œuvre de l'approche. En effet, gérer les passions, décanter la discussion (points de convergences et de divergences), aidera à se concentrer sur l’essentiel.

(iii) l'appréciation des dynamiques d’émulation et d’échange entre les acteurs de santé qui permettent la résolution de certaines questions de mise en œuvre. Cela suppose qu'il faut analyser les projets pilotes FBP les plus importants et décrire leurs

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stratégies d'implémentation, mais aussi comment ils se sont adaptés (Emergent behaviour) aux différents défis rencontrés tout au long de leur développement.

(iv) l'appréciation de comportements émergents et des synergies potentielles qui pourraient se dégager lors des interactions ou interconnexions entre les projets FBP. Cela aidera à apprécier si des forces opposées en apparence par compétition, peuvent travailler ensemble pour améliorer la performance collective du système de santé.

(v) le recours à d'autres pistes méthodologiques pouvant structurer la discussion, mais aussi qui aident à comprendre le caractère adaptatif et complexe de notre système de santé sous FBP; ainsi que les théories permettant de l'expliquer.

De cette manière, nous pourrons au terme de notre thèse produire une série de recommandations tenant compte de l'ensemble des facteurs pouvant intervenir dans l'atteinte des résultats du FBP en RDC.

3.3. Différentes étapes de la thèse Vu ce qui précède, nous avons opté pour une étude exploratoire comprenant les étapes suivantes:

Etape 1 : poser le contexte : présentation générale du secteur et de l'évolution du financement de la santé en RDC/présenter le FBP et les enjeux: son histoire, sa théorie du changement et sa mise en œuvre en pratique (trois chapitres)

Cette section analyse l’évolution des approches ayant conduit à la dynamique actuelle en matière de financement de la santé jusqu’à l’émergence du FBP : voies spécifiques prises ou les visions politiques mises en exergue à différentes périodes de la construction des systèmes de santé tant au niveau international que national. De plus, une réflexion est menée sur les raisons expliquant pourquoi les différentes modalités de financement de la santé mises en œuvre n’ont pas toujours abouti à une architecture du système de soins stable en RDC, et pourquoi les changements souhaités n’ont pas été observés.

Ensuite on éclaircit les objectifs principaux de la politique sanitaire de la RDC ainsi que les arrangements institutionnels actuels. On traite aussi de la question des ressources humaines en santé, de l'offre des soins, de l'efficacité de l'aide et du niveau des indicateurs sanitaires, de la gouvernance et de la décentralisation.

Et enfin, on apporte des éléments d'informations sur le FBP et ses concepts sous-jacents, ainsi qu'une description brève de ses modalités de mise en œuvre. De manière plus spécifique, une brève présentation du FBP en RDC sera faite.

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Le contexte d’implantation

La dépendance à des voies et facteurstemporels

Interactions entre les agents du système(parties prenantes, acteurs individuels et institutionnels )

Les comportements émergents et dynamiques internes des projets pilotes

Les résultats de l’intervention et facteurs contextuels à prendre en compte

FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE DANS UNE OPTIQUE DE SAC

Etape 1

Etape 2

Etape 3

Etape 4

Etape 5

Etape 6

Synthèse analytique des informations collectéesRecommandations aux décideurs

Figure 0.1 : Représentation schématique de la structure de la thèse

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12

Etape 2: Arbitrage d’une controverse de politique de santé: application au Financement basé sur la Performance en Afrique subsaharienne (un chapitre)

Elle analyse le débat international relatif à la controverse autour du financement basé sur la performance. Cette analyse vise à réduire les tensions entre les parties en discussion par une meilleure structuration du débat et à une reprise du contrôle des débats autour du FBP, avec des arguments plus techniques. A ce propos, notre démarche délibérative structurante consiste à organiser un dialogue indirect entre experts critiques et partisans du FBP sur base d'une grille élaborée par Norman Daniels. On relève alors leurs convergences, divergences ou nœuds problématiques.

Etape 3: Financement basé sur la Performance en Afrique : nature des tensions et un agenda pour l’action (un chapitre)

Elle vise l’exploration de la complexité des tensions autour du FBP et l’identification des causes des désaccords autour du FBP telles que évoquées lors de l'étape 2. Partant des compétences réflexives d’experts engagés dans le renforcement des systèmes de santé, on a tenté de déboucher sur un dialogue intégrant la pluralité interprétative. Les données de cette étape, couplées à celles de l'étape 2, ont permis de rassembler suffisamment de données qualitatives auprès des experts, toutes tendances confondues, sur les facteurs à considérer dans la mise en œuvre de l'approche.

Etape 4: Financement basé sur la performance en République Démocratique du Congo : interactions dynamiques entre projets pilotes (un chapitre)

En vue de préparer les étapes 5 et 6, la présente section a capitalisé les expériences FBP en RDC et a identifié les bonnes pratiques ainsi que les processus d'adaptation au cours de leurs mises en œuvre. Elle s’est appesantie principalement sur les deux systèmes FBP mis en place par Cordaid dans la province du Sud Kivu et par l'Union Européenne dans 4 autres provinces du pays, avec leurs logiques d'interventions différentes, et a tenté de tirer des leçons de leurs influences mutuelles et de leurs interactions dynamiques.

Etape 5: financement basé sur la performance : résultats d’une intervention et facteurs contextuels à prendre en compte lors du montage (un chapitre)

Partant du modèle FBP développé par l'Union Européenne dans l'une de ses 4 provinces du pays, en l'occurrence celle du Kasaï oriental, nous avons tenté de générer des données probantes indiquant l’atteinte effective ou non des objectifs espérés par l’introduction du FBP dans notre système de santé, de cerner son

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efficacité en termes d’utilisation des services de santé de qualité aussi bien pour des prestations subventionnées que non-subventionnées. Ce qui nous a permis d’intégrer la stratégie FBP dans le contexte global de réforme du financement de la santé et d'identifier les aspects importants ou des facteurs contextuels à ne pas négliger durant la mise en œuvre.

Etape 6: Discussion générale sur le caractère dynamique et complexe de la mise en œuvre du FBP, conclusion et recommandations (un chapitre),

Dans cette section, nous avons analysé le caractère dynamique et complexe de la mise en œuvre du FBP. Cette analyse a consisté à réaliser une évaluation qualitative de la logique d'intervention des programmes FBP selon le cadre d’analyse proposé par les SAC. Pour se faire, elle a été nourrie par toutes les informations recueillies au cours des étapes précédentes: les visions politiques mis en exergue à l'étape 1, les arguments en faveur et en défaveur du FBP ainsi que la nature des désaccords dans les étapes 2 et 3, les interactions dynamiques entre les projets FBP en RDC, les phénomènes émergents ou autres leçons apprises soulevés à l'étape 4, ainsi que les facteurs contextuels importants décrits à l'étape 5 et à ne pas négliger lors de la mise en œuvre du FBP.

Ensuite, nous avons abordé successivement: la synthèse des résultats obtenus, notre contribution à l'état d'avancement des connaissances, les éléments de validité de notre étude, les limites et les forces de la thèse. On a terminé par une conclusion générale et des recommandations devant servir à améliorer la qualité de mise en œuvre de l'approche en RDC.

3.4. Méthodes par étape Les différentes approches méthodologiques plus spécifiques (aussi bien quantitatives que qualitatives) sont développées au niveau des différents chapitres.

4. Bibliographie 1. Bertone MP, Meessen B. Studying the link between institutions and health

system performance: a framework and an illustration with the analysis of two performance-based financing schemes in Burundi. Health Policy Plan. 2013; 28(8):847-57. Doi: 10.1093/heapol/czs124.

2. De Savigny D et Adam T. Pour une approche systémique du renforcement des systèmes de santé. Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé, OMS, 2009.

3. Forrester JW (1971) Counterintuitive behavior of social systems. Theory and Decision 2: 109-140.

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4. Fritsche G B; Soeters R; Meessen B. Performance-Based Financing Toolkit. 2014; Washington, DC: World Bank.https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/17194.

5. Glouberman S, Zimmerman B. Complicated and Complex Systems: What Would Successful Reform of Medicare Look Like? Commission on the Future of Health Care in Canada, discussion paper N° 8, July 2002.

6. Hamdouch A, Depret M-H. Carences institutionnelles et rationnement de l’accès à la santé dans les pays en développement: repères et enjeux. Mondes en Développement Vol.33-2005/3-n°131.

7. Ireland M, Paul E, Dujardin B. Can performance-based financing be used to reform health systems in developing countries? Bull World Health Organ. 2011; 89:695–698.

8. Macq J, Chiem JC. Looking at the effects of performance-based financing through a complex adaptive systems lens. Bull World Health Organ. 2011; 89: 699–700.

9. Meessen B., Malanda B. No universal health coverage without strong local health systems. Bull World Health Organ 2014; 92:78–78A. doi.org/10.2471/BLT.14.135228.

10. Meessen, B., Musango, L., Kashala, J.-P. I. and Lemlin, J. Reviewing institutions of rural health centres: the Performance Initiative in Butare, Rwanda. Tropical Medicine & International Health. 2006; 11: 1303–1317.

11. Meessen, B., Van Damme, W. Systèmes de santé des pays à faible revenu: vers une révision des configurations institutionnelles?, Mondes en Développement, vol. 33, no. 131,2005 pp. 59-73.

12. Ministère de la santé publique/RDC. stratégie de renforcement du système de santé: deuxième édition, Kinshasa, 2010.

13. OMS. Rapport sur la santé dans le monde : les soins de santé primaires - maintenant plus que jamais. 2008, Genève-Suisse.

14. Paina L and Peters D H. Understanding pathways for scalling up health services through the lens of complex adaptive systems. Health Policy and Planning 2011; 1–9.

15. Plsek P E, Greenhalgh T. Complexity science: The challenge of complexity in health care. BMJ 2001; volume 323:625–8.

16. Pourbohloul B and Kieny M P. Complex systems analysis: towards holistic approaches to health systems planning and policy. Bull World Health Organ 2011; 89:242.

17. Ribesse N, Fromont A, Macq J. Prendre en compte la complexité dans la planification et le suivi des interventions de développement du secteur santé. Policy brief N° 14 décembre 2013 (GRAP-PA Santé).

18. Serrat Olivier. Understanding Complexity. Working Paper November 2009 | 66, Knowledge Solutions, Asian Development Bank.

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19. Siva I. Using the lessons of behavioral economics to design more effective pay-for-performance programs. Am J Manag Care. 2010 July; 16(7):497–03.

20. Soeters R, Griffiths F. Improving government health services through contract management: a case from Cambodia. Health Policy and Planning; 18(1): 74–83.

21. Sturmberg J P, O’Halloran D M, Martin C M. Understanding health system reform – a complex adaptive systems perspective. Journal of Evaluation in Clinical Practice 18 (2012) 202–20.

22. Sturmberg JP, Martin CM. Complexity and health – yesterday’s traditions, tomorrow’s future. Journal of Evaluation in Clinical Practice. 2009; (15) 543–54.

23. Sturmberg JP, Martin CM. Knowing – in Medicine. Journal of Evaluation in Clinical Practice. 2008; (14) 767–770.

24. Swanson R C, Cattaneo A, Bradley E, Chunharas S, Atun R, Abbas K M, Katsaliaki K, Mustafee N, Meier B M and Best A. Rethinking health systems strengthening: key systems thinking tools and strategies for transformational change. Health Policy and Planning 2012;27:iv54–iv61

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ETAPE 1: PRESENTATION DU CONTEXTE

CHAPITRE 1: FINANCEMENT DE LA SANTE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : HISTORIQUE, ENJEUX ET PERSPECTIVES

Ce chapitre informatif explique l’évolution des politiques de soins de santé en RDC, en insistant sur les changements non seulement dans la construction de l’architecture du système de soins, mais aussi dans les modalités de financement. Il abordera aussi l’évolution de la réalité du système de santé congolais et tentera d'expliquer l'écart entre ces politiques et la situation au niveau opérationnel.

Il apportera certaines informations utiles pour la discussion autour de l'évolution des projets pilotes FBP existants en RDC et le cheminement antérieur de notre système de santé complexe (history dependence - path dependence).

1. Introduction : Plus de 30 ans après Alma Ata, les effets et l’impact des politiques mises en œuvre dans les pays à faible revenu ne sont pas à la hauteur des espérances et des

Comme signalé dans la partie introductive, la présente thèse s'est fixée comme objectif général de générer, à l’aide de la grille SAC, des explications et des connaissances permettant d’instruire la mise en œuvre du FBP en RDC.

A cet effet, les contraintes éventuelles dans la mise en œuvre du FBP peuvent être mieux appréhendées non seulement par une parfaite compréhension de la situation actuelle que traverse le secteur de la santé (utile pour meilleure appréciation de la sensibilité du FBP aux conditions locales actuelles), mais aussi par une analyse de l’évolution des approches ayant conduit justement à la dynamique sectorielle actuelle.

La présente section, à travers ces deux premiers chapitres, tente donc d'apporter des éléments d'informations sur ces facteurs anciens et nouveaux au sein du secteur pouvant expliquer la fragilité de l’Etat congolais justifier ces comportements ou réactions inappropriés à l'introduction du FBP.

Un troisième chapitre présente le FBP: son histoire, ses enjeux, sa théorie du changement et ses modalités de mise en œuvre. Ce chapitre permettra d'avoir le même entendement sur le FBP et ses concepts sous-jacents, de manière à clarifier notre compréhension et évacuer d’éventuels malentendus au niveau des connaissances.

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moyens mobilisés (OMS, 2006). Le constat sur le financement de la santé est quasi identique dans l’ensemble de ces pays: insuffisance de ressources pour le développement et le maintien des services, inefficience et inéquité des systèmes, errance en quête de solutions qui ont du mal à se mettre en place (Audibert et al 2004).

Face à cette situation préoccupante, la révision des arrangements institutionnels structurant le fonctionnement des systèmes de santé figure parmi les solutions préconisées, devant des apports supplémentaires de ressources (Meessen et Van Damme, 2005 ; Meessen, 2009; Bertone et Meessen 2013).

Mais les arrangements institutionnels en place actuellement sont le résultat des choix auxquels ont été confrontés nos pays au cours de leur évolution, des orientations stratégiques prises (pathways dependance), mais aussi de tous ces événements isolés ou uniques dont les effets systémiques persistent parfois pendant longtemps (Paina et Peters, 2011).

Ainsi, parvenir à une parfaite compréhension des débats et enjeux du présent, implique aussi une parfaite lecture du passé. En d'autres termes, la perspective historique devrait servir de cadre temporel de référence à l’intérieur duquel on pourra sélectionner des informations ou des réponses à certaines questions que l’on se pose (Vincent, 2009). Cela est d'autant plus important que le développement de nos systèmes et les solutions optimales aux défis qu’ils doivent surmonter continueront à être influencés par leurs facteurs historiques spécifiques.

En se focalisant donc sur le cas de la République Démocratique du Congo, ce chapitre va tenter d’analyser l’évolution des approches ayant conduit à la dynamique actuelle en matière d'organisation et de financement de la santé. Dans un premier temps, on expliquera la méthodologie suivie pour collecter de la documentation décrivant l’évolution de l’organisation et du financement de la santé en RDC. Les résultats feront ressortir les principaux concepts sous-jacents, les visions ou conceptions politiques qui ont été mis en exergue à différentes périodes de la construction du système de santé. La discussion qui s'ensuivra expliquera l’évolution de la réalité du système de santé congolais et le fossé entre les documents de politiques et les pratiques sur le terrain et réfléchira sur les arrangements institutionnels.

Partant des enseignements qui seront tirés, des orientations seront apportées, dans notre conclusion, pour une meilleure reforme de la politique de financement de la RDC.

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2. Méthodes : Ce chapitre essentiellement informatif devait aider dans la maitrise du contexte congolais et de tous ses enjeux. Ainsi, on a exploité tout une série de documents importants sur l’histoire de l’organisation et du financement du système de santé congolais, mais aussi sur les politiques et stratégies mises en œuvre au niveau international.

En s’inspirant du travail de Audibert et al (2003), sur les questions récurrentes autour du financement de la santé dans les pays à faible revenu, nous avons structuré ce chapitre autour des temps forts ayant marqué l’évolution des politiques de financement de la santé tant au niveau national qu’international, en tentant de retrouver les sources primaires d’information.

Ces temps forts correspondaient à la période coloniale et postcoloniale, à celles des déclarations d’Alma Ata et d’Harare, de l’initiative de Bamako et le recouvrement des coûts, la période des réformes ("global health initiatives", "objectifs du millénaire pour le développement"), l’agenda de l’efficacité de l’aide, et la situation actuelle du financement de la santé en RDC.

Ces documents devaient répondre à nos principales interrogations sur :

Les voies spécifiques prises lors de l’évolution des approches ayant conduit à la dynamique actuelle en matière de financement de la santé en RDC

Les principaux concepts sous-jacents, les visions politiques qui ont été mis en exergue à différentes périodes de la construction des systèmes de santé tant au niveau international que national

Les raisons expliquant pourquoi les différentes modalités de financement de la santé mises en œuvre n’ont pas toujours abouti à une architecture du système de soins stable en RDC ; mais aussi pourquoi les changements souhaités n’ont-ils pas été observés

Bien qu’aucune procédure de saturation de l’information n’ait été établie, un effort a été fait pour trouver un équilibre entre le niveau de précision recherché et la quantité d’information requise pour une bonne compréhension du sujet.

L'analyse des articles ou publications recueillis devait faire ressortir à la fois les aspects liés: (i) au contexte historique (ii) au contexte de l’aide internationale, (iii) aux politiques de financement de la santé et (iv) aux spécificités du système de santé congolais. Cette analyse a insisté aussi sur la vision sous-jacente à la définition des politiques de santé, à la base de différents modèles d’organisation opérationnelle de soins de santé, et aux différentes formes prises par l’aide au développement.

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La structuration de la discussion a été guidée par les concepts d'arrangements institutionnels à savoir: (i) la coordination d’agents économiques impliqués dans la production des résultats de santé, (ii) leur degré de conformité aux nouvelles institutions avec tous les mécanismes d’application et d’exécution qui en découlent, (iii) une bonne clarification de la manière dont sont répartis les droits de propriétés au sein des institutions, (iv) le bon alignement des incitations par rapport aux objectifs poursuivis, (v) le changement de comportements des agents de santé (Meessen et Van Damme, 2005 ; Meessen, 2009; Bertone et Meessen 2013).

3. Résultats Cette section reprend l’évolution des politiques de soins de santé en insistant sur les changements non seulement dans la construction de l’architecture du système de soins, mais aussi dans les modalités de financement. Cela sera confronté au contexte congolais.

3.1. L’évolution des politiques de soins de santé 3.1.1. Des changements dans la « structure » organisationnelle du système

Centralisation dans la prise de décision avec une base opérationnelle structurée en hôpitaux et programmes de lutte contre la maladie

Au cours des périodes coloniale et postcoloniale, a prévalu le modèle hospitalo-centrique dispensant des soins de haute qualité et des programmes verticaux de lutte contre les grands fléaux. Cette logique se prêtait bien à la vision des déterminants de la maladie de ces périodes, mais aussi aux contextes politique et économique.

Les conceptions en matière de santé tournaient autour de: (i) l'organisation des soins de santé comme prérogative de l’état, avec une couverture médicale systémique, (ii) la dimension « populationnelle » (centrée sur la maladie), (iii) la protection du capital humain, (iv) l'extension progressive d’une approche plus individuelle et curative (avec des soins hospitaliers avant tout) des zones urbaines, vers les zones rurales, (v) un faible souci d’intégration entre la dimension «populationnelle» (maladie) et la dimension « individuelle » (soins curatifs), (vi) l'amélioration du bien-être des populations autochtones et (vii) une meilleure accessibilité aux soins de santé (Unger, 1992 ; Janssens et al 1993 ; Van Dormael, 1997 ; Dujardin, 2003 ; Van Lerberghe, 2000 ; Aubibert et al 2003 ; Meessen, 2009).

Face aux insuffisances de ce modèle et à la précarité sanitaire de millions de personnes dans ces jeunes Etats aux ressources limitées, intervint la conférence d’Alma Ata sur les soins de santé primaires (SSP) (OMS/UNICEF, 1978 ; Van Lerberghe et al, 1997).

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Le niveau de santé devint un droit fondamental pour tout être humain, un objectif social devant réduire les inégalités flagrantes de santé. Naissent alors des réflexions autour des concepts comme : (i) l’équité et la couverture universelle des services de santé, (ii) l’efficience, (iii) une approche globale des SSP en opposition à une approche sélective (soins continus, globaux et intégrés portant sur la prévention de la maladie, la promotion de la santé, le traitement et la réadaptation), (iv) la participation communautaire en vue de promouvoir l’auto-responsabilité et l’autodétermination, (v) le professionnalisme, (vi) la planification rationnelle et (vii) la coopération intersectorielle.

Décentralisation dans la prise de décision (districts sanitaires) avec une base opérationnelle structurée en CS et petits hôpitaux (hôpitaux de district)

La Déclaration de Harare (1987) sur le système de district sanitaire (DS), fournit un cadre d’organisation devant soutenir la mise en œuvre des SSP (OMS, 1987 ; Grodos et Tonglet, 2002 ; Görgen et al, 2004; Grodos, 2004).

Différents concepts sont mis en exergue (OMS, 1987; Van Lerberghe et al, 1991; Van Lerberghe, 1992; Van Balen, 1995 ; Van Lerberghe, 1997); avec cette approche: (i) gestion décentralisée avec autonomie, (ii) coordination centrée sur une équipe cadre compétente, (iii) collaboration intra et intersectorielle, (iv) l’intégration dans le système de santé (infrastructure polyvalente ou aux fonctions multiples, et coordination des programmes), (v) échelonnage du niveau de soins (référence et de contre-référence), (vi) dimensions spatiale et démographique, managériale et technique de l’aire d’intervention, (vii) planification et organisation participatives des services de santé avec la communauté. Le modèle du DS est sujet parfois à des contraintes, et nécessite parfois certaines adaptations surtout politiques ou techniques pour en améliorer la performance (Grodos et Tonglet, 2002).

Décentralisation dans la prise de décision (districts sanitaires) avec une base opérationnelle où les programmes de contrôle de maladie redeviennent importants

Au début des années 90, la communauté internationale devient consciente du fait que de plus en plus de personnes sont sans protection sociale et s’appauvrissent à cause des problèmes de santé (Kerouedan, 2011).

Mais c’est avec la déclaration des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2001 que les politiques internationales de santé prennent un tournant décisif (Heller et Gupta, 2002 ; Nations unies, 2008).

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En effet, le souci d'accélérer la réduction de la pauvreté par l’atteinte des OMD, va conduire à la création d'une série de programmes sélectifs ou de fonds d'appui aux problèmes spécifiques de santé. Ces initiatives globales (PEPFAR, Fonds Mondial, etc.) vont relancer le débat sur la verticalisation de l’aide (Atun et al, 2008).

3.1.2. Des changements dans les modalités de financements :

Financement assuré par l’état (« gratuité ») A la fin de la période coloniale jusqu'à la fin des années 70, les jeunes états ont organisé la santé autour d’un système public: "l’Etat providence" (Perrot et de Roodenbeke, 2008). En effet, pour eux, le rôle premier de financement des soins de santé revenait d'abord et avant tout au pouvoir public, qui était sensé protéger ses citoyens et assumer la totale responsabilité de leur santé. Ce système public était fortement centralisé, édictant les lois, les normes et règlements, établissant les politiques de santé, et disposant des structures de santé financées par les recettes publiques et l'aide publique.

Mais les restrictions et les réformes imposées par les crises financières profondes au début des années 80, ont fait qu’on ne puisse plus réellement poursuivre avec cette logique1.

Financement avec paiement direct des soins (Initiative de Bamako) C'est dans un contexte où la mobilisation des ressources financières pour appuyer la relance de la stratégie définie à Alma Ata devenait difficile, qu'a été adopté en 1987 le principe de recouvrement des coûts (Brunet-Jailly, 1992 ; Van Lerberghe et De Brouwere, 2000; Aubibert et al, 2003; Ridde, 2008).

Cette approche a donc surtout insisté sur des concepts tels que : (i) le financement et la gestion communautaires des services de santé garantissant une parfaite transparence de l’utilisation des fonds et crédibilisant le système, (ii) l’autonomie financière des districts sanitaires rendant ainsi la décentralisation administrative effective, (iii) la rationalisation des coûts des prestations de santé, (iv) l’optimisation des ressources humaines et matérielles, (v) l'amélioration de la disponibilité des services, (vi) l'amélioration de la qualité des soins. Malheureusement, cette approche n’a fait que marginaliser davantage certains sous-groupes déjà très vulnérables au profit d’une plus grande viabilité financière des structures (Ridde, 2004 ; Ridde, 2008).

1 Actuellement, des partenaires tels que DFID et les ONG intervenant dans les contextes d’urgence (MSF) recourent à des projets avec exemption des paiements par les usagers.

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Réflexion sur la manière dont le financement apporté par l’aide internationale devrait être structurée:

o Initiatives globales Au début des années 90, la santé va devenir une question d’intérêt mondial. Cela va se traduire par de profonds changements dans l’architecture de l’aide, et par le recours à de nouveaux instruments de financement. D’où la création des initiatives mondiales telles que le Fonds Mondial (en janvier 2002), les fonds GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunisation, en 2000), le PEPFAR (President's Emergency Plan for AIDS Relief, en 2003), la Fondation Bill-et-Melinda-Gates (en 2000) et d’autres partenariats publics-privés (International Health Partnership, Global Health Initiative,…) chargés de mobiliser les ressources financières à allouer aux états et à la société civile. La mobilisation de ces fonds repose donc sur l’urgence pour la communauté internationale d’atteindre d’ici 2015 les OMD de la santé.

Les concepts mis en avant durant cette période sont: (i) la lutte contre la pauvreté (World Bank, 2004), (ii) la réduction des dépenses catastrophiques des ménages (Ke Xu, 2003), (iii) l’universalité de l’accès aux soins (OMS, 2010), (iv) la protection sociale (BIT, 2011), (v) le contrat social mondial pour la santé (Banque Mondiale, 2015), (vi) la responsabilité collective et solidarité durable (Kerouedan, 2011), (vii) la vulnérabilité et les bénéfices partagés. Peu d’attention est accordée au renforcement des capacités des systèmes de santé qui connaissent déjà une faible capacité managériale et institutionnelle, aggravée par le détournement du personnel de qualité par ces programmes.

o Déclaration de Paris La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement est reconnue depuis 2005 comme un accord international crucial pour améliorer de manière significative le volume de l’aide publique au développement.

Différents concepts se dégagent de ces forums de haut niveau sur l’efficacité de l’aide (OMS/Banque mondiale/OCDE, 2008 ; Six, 2008 ; Wood et al, 2008) à savoir : (i) l’appropriation par les pays au travers d’un renforcement des capacités des cadres et une administration plus forte, (ii) l’alignement aux procédures des états et aux priorités sectorielles, (iii) l’harmonisation des actions des donneurs en vue de réduire la fragmentation de l’aide, (iv) la gestion axée sur les résultats avec des conditionnalités en phase avec les priorités nationales, (v) la responsabilité mutuelle et le respect des engagements entre donateurs et bénéficiaires.

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Tableau 1.1 : Présentation synthétique de l’évolution des orientations prises par les systèmes de santé des pays à faible revenu

Avant 1960 De 1960 à 1978 De 1978 à 1987 De 1987 à 2000 De 2000 à 2014

Contexte historique

- Colonisation par l’Europe - Révolution pasteurienne - Jeudi noir (1929) - Première et seconde guerre

mondiale - Montée en puissance de

l’hégémonie américaine au détriment de l’Europe

- Guerre froide et socialisme - Création des institutions de

Bretton Woods - Mouvements de

revendication des indépendances

- Période de croissance économique

- Poursuite de la guerre froide

- Crise du Pétrole (1973)

- Guerre du Biafra - Sécheresse au

Sahel

- Crise de la dette extérieure (dégradation des taux de change pour les pays africains) et gouvernements néo-libéraux de Thatcher et Reagan

- Perestroïka (URSS) - Second choc pétrolier

(1979)

- Fin de la guerre froide - Institutionnalisation de

l’Union Européenne - Mouvement de

démocratie en Afrique (conférences nationales souveraines, élections)

- Chute des dictatures associée à des conflits armés

- Montée des pays émergents et croissance économique en Afrique

- Mondialisation - Attentats du 11

septembre 2001 - Crise économique

mondiale (2008)

Secteur de l’aide internationale

- Théorie de la modernisation - Progrès social - Plan Marshall

- Théorie de la modernisation

- Théorie des besoins fondamentaux

- Politique d’ajustements structurels (réduction drastique du budget santé)

- Canalisation de l’aide à travers les ONG

- Développement de l’approche projet

- Redécouverte du rôle de l’Etat

- Appui humanitaire

- Mise à l’agenda de la réduction de la pauvreté et initiative des pays pauvres très endettés

- Mise en place des OMD

Politiques et systèmes de santé

- Médecine des émigrants - Modèle hospitalo-centrique

urbain,

- Modèle hospitalo-centrique urbain,

- Programmes verticaux de lutte contre les grands

- Conférence d’Alma Ata et les soins de santé primaires (1978)

- Débat entre SSP sélectifs et globaux

- Politique du district sanitaire (conférence d’Harare, 1987)

- Initiative de Bamako (recouvrement des

- Approche contractuelle

- Partage du risque maladies (mutuelle de santé, assurance maladie)

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- Programmes verticaux de lutte contre les grands fléaux (équipes mobiles)

- Soins centrés sur la maladie

fléaux (équipes mobiles)

coûts par les usagers, 1987)

- Approches innovantes de financement de la santé (fonds d’équité, FBP/RBF, chèques santé, conditionnal cash transfers)

- Verticalisation de l’aide aux travers des initiatives globales (PEPFAR, Fonds Mondial, etc.)

Système de santé congolais

- Modèle hospitalo-centrique - Equipes itinérantes de

contrôle des grandes endémies

- Application du Plan Van Hoof Duren sur la politique de santé (1945)

- Pérennisation du plan Van Hoof Duren

- Quasi-gratuité des soins

- expériences en médecine communautaire (Bwamanda, Kisantu, Katana, Kasongo, Vanga)

- Désengagement de l’Etat du financement de la santé ; budget santé insignifiant (1982)

- Découpage du pays en 306 districts sanitaires (1985)

- Elaboration du Plan d’Action Sanitaire 1982-1986

- Ouverture démocratique avec Mobutu (avril 1990)

- Conflits armés (environs 6 millions de morts, femmes violées, etc.)

- Projets d’urgence et humanitaire

- Présence d’une multitude d’ONG

- Elaboration Plan Directeur de Développement sanitaire 2000-2009

- Elaboration du PNDS2011-2015 et de la SRSS

- Agenda de Kinshasa sur l’efficacité de l’aide

- Atteinte du point d’achèvement de l’IPPTE (2010)

- Approches innovantes de financement de la santé (FBP au Sud Kivu en 2005, fonds d’équité, etc.)

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3.2. L’évolution de la réalité du système de santé congolais (et le fossé clair avec les politiques mentionnées ci-dessus)

Période coloniale et postcoloniale

Van Dormael (1997) a divisé la période coloniale du Congo en deux phases, à savoir: (i) la phase d’expansion coloniale, qui s’étend de l’arrivée des premiers colons jusqu’à la fin de la première guerre mondiale et la stabilisation des frontières coloniales ; (ii) et la phase de consolidation caractérisée par l’intention manifeste de l’occident d’apporter la civilisation aux populations colonisées. Le développement de notre système de santé durant cette période a été marqué par ces deux périodes.

Au cours de la phase d’expansion coloniale, le modèle d’organisation de la santé dans la colonie traduit la situation que vivait aussi la Belgique. En effet, selon Janssens et al (1993), la notion d’intervention de l’Etat dans les questions de santé publique, n’est pas encore familière en Belgique. Ils rapportent que les ressources financières officielles allouées au service sanitaire en Belgique se chiffraient à 2,24% en 1888 et à 1,90% en 1906 du budget ordinaire de l’Etat.

Comme en Belgique, les initiatives privées (institutions charitables catholiques le plus souvent) comblaient les lacunes de l’organisation de la santé avec cette faible participation de l’Etat.

Ce n’est qu’au cours de la phase de consolidation que progressivement se sont développés des projets ambitieux d’une couverture médicale dans la perspective d’une contribution au bien-être sanitaire de ces populations

Le système de santé du Congo va se développer en combinant une approche verticale avec des organisations mobiles indépendantes et une approche horizontale basée sur des postes sanitaires fixes décentralisés, hôpitaux et dispensaires urbains ou ruraux (Van Lerberghe and Lafort, 1991 ; Van Lerberghe et al, 1992 ; Van Lerberghe et al, 1997).

On constate la mise en avant d’une dimension « populationnelle » pour les régions rurales, et une extension progressive d’une approche plus individuelle et curative des zones urbaines, vers les zones rurales ; sans intégration suffisante entre dimension «populationnelle» et dimension « individuelle ».

Toutefois, la structure sanitaire en place au Congo avant l’indépendance était considérée parmi les meilleures de l'Afrique sub-saharienne (MSP, 2004 a). Le système était fortement financé à travers le Fonds Reine Elisabeth pour l’Assistance Médicale Indigène (FOREAMI) crée par décret royal en 1930 ; appuyé par ceux du FBEI (Fonds du Bien Etre indigène) organisme parastatal constitué en 1947.

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Au lendemain de l’indépendance, le Congo s’est efforcé de poursuivre cette logique « d’Etat providence », en assurant des soins quasi « gratuits ». La vision des nouveaux dirigeants, de veiller que l’Etat conserve sa place prépondérante dans l’organisation d’un système de santé public plus proche des populations, se prêtant bien au maintien de cette logique (MSP, 2004 a et b).

Mais la rupture des relations diplomatiques entre la Belgique et le Congo ainsi que l’exode important du personnel européen, les tumultes entre 1960-1965 (rébellion, instabilité politique, etc.), la réduction des moyens budgétaires alloués à la santé, furent à la base de la désorganisation du réseau médical mis en place des années durant (Janssens et al, 1993 ; Van Dormael, 1997).

L’aide humanitaire internationale (OMS, Croix Rouge Internationale, aides bilatérales, etc.) qui s’ensuivit, malgré les apports louables (ressources humaines, matérielles et financières), était très souvent ponctuelle, temporaire et peu efficace pour fournir aux populations tous les soins qu’elles attendaient (Janssens et al, 1993).

De plus, selon Audibert et al (2004), les agences de coopération et les organismes internationaux préféraient financer la lutte contre des pathologies infectieuses bien précises, plutôt que de renforcer la viabilité des services généraux de santé ou des organisations concevant et organisant les politiques de santé.

Ces auteurs estiment que cette approche des programmes verticaux présentait des insuffisances : d’abord la mise en œuvre de ces programmes de lutte nécessitait l’allocation de ressources financières importantes, difficilement mobilisables par ces jeunes états. Par conséquent, les financements provenaient des partenaires techniques et financiers extérieurs qui contrôlaient l’organisation du système mais aussi tout le circuit de mobilisation des ressources.

Ainsi, la mise en place de procédures parallèles ne relevant pas du système national de santé, n’a pas permis aux états, comme le Congo, de renforcer leurs capacités d’organisation et de planification, dans la gestion des défis sanitaires.

Ensuite, cette approche n’avait qu’une vision très sélective des problèmes de santé, n’apportant aucune réponse aux autres questions d’accessibilité aux soins et d’équité de plus en plus préoccupantes.

Déjà en 1968, le besoin de restructuration du système de santé pour faire face à la situation, conduira à la publication du "Manifeste de la Santé et de Bien-être", matérialisé en 1973 par la création du "Conseil National de la Santé et du Bien-être" chargé de la conception, de l'orientation et du contrôle de la politique sanitaire

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nationale. Bien que existants dans les faits, les résultats de ces organisations ne furent pas concluants (MSP, 2006).

Alma Ata et les soins de santé primaires

Au début des années 70, le 27 octobre 1971 plus précisément, le président Mobutu annonce « le recours à l’authenticité », qui se traduit par un ensemble de mesures visant à se détacher de tout ce qui peut rappeler l'Occident et sa domination. Le pays étant rebaptisé «Zaïre», de même que de nombreuses villes ainsi que la monnaie.

Dans le même élan, en 1974, il instaure «la zaïrianisation» dans le but de nationaliser progressivement des biens commerciaux et des propriétés foncières qui appartenaient à des ressortissants ou groupes financiers étrangers.

Cette expropriation au profit de nouveaux propriétaires, insuffisamment préparés à assurer une gestion à moyen et à long terme de ces outils de production, aura de graves conséquences sur l’économie du pays, déjà très ébranlée par la baisse des prix du cuivre et par l’augmentation de ceux du pétrole en 1973.

Le Zaïre ne sera plus en mesure d'affecter un financement suffisant pour faire fonctionner le système de santé (MSP, 2004 a). L’analyse de la situation sanitaire prévalant durant les années 70, montra que des millions de personnes vivaient dans des conditions précaires et inacceptables ; et que des groupes défavorisés n’avaient accès à aucune forme de soins de santé de base.

Le système hérité de la période coloniale entrait donc en crise (MSP, 2004 b).

Face à ces nombreux défis, les modèles d’organisation des systèmes de santé existants, devenaient pour la plupart de plus en plus complexes et couteux.

Ainsi, soucieux d’atteindre la satisfaction des besoins de santé de toute la population aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, le pays avec l’appui de ses partenaires, a expérimenté des politiques de santé communautaire dont l’évolution progressive a abouti, après la conférence internationale d’Alma Ata de 1978, à la politique sanitaire basée sur les soins de Santé primaires.

A ce sujet, les expériences en médecine communautaire mises en œuvre au cours des années 70, notamment à Bwamanda (province de l’Equateur), à Kisantu (province du Bas-Congo), à Katana (province du Sud-Kivu), à Kasongo (province du Maniema) et Vanga (province de Bandundu) vont être déterminantes. En effet, elles vont influencer d’une manière caractéristique la politique de santé du Zaïre (Equipe du projet Kasongo, 1976 ; Lamboray, 1979).

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C’est ainsi que le gouvernement, qui venait de ratifier la déclaration d’Alma Ata, mit en place un plan national de développement pour l’année 1980, intégrant ces différents concepts et les leçons apprises de ces expériences.

Les années 80 et 90

Le début des années 80 est surtout marqué par « la crise de la dette extérieure » à laquelle sont confrontés les pays en voie de développement dont le Zaïre. Les mesures de choc imposées par les plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale, ont entrainé des coupes budgétaires drastiques dans les secteurs publiques jugés « non-productifs » comme le secteur de la santé (Millet D. et Toussaint E., 2008).

Dans un tel contexte, la mobilisation des ressources financières pour appuyer la relance de la stratégie définie à Alma Ata devenait difficile.

L’Etat zaïrois s’efforça d’assurer, malgré ces mesures d’ajustements structurels, le financement des services de santé sur l’ensemble de son territoire national.

Mais suite aux nombreuses difficultés économiques et financières et devant l’échec des objectifs de son plan national de développement pour l’année 1980, et surtout devant l’évidence de son incapacité d’assumer ses responsabilités de gestionnaire des institutions publiques de santé, le gouvernement décréta en 1982, leur autonomie financière. Ce qui impliqua le transfert de la quasi-totalité de la charge financière des services de santé vers les partenaires internationaux, les privés lucratifs et non lucratifs (organisations confessionnelles et caritatives) et surtout vers les usagers ou les ménages. (MSP, 2004 a).

Mais en transférant le sort de la population entre les mains des prestataires de soins, ces derniers, certes soucieux d’améliorer la qualité de l’offre des soins mais aussi de garantir la viabilité financière de leurs structures de santé, commencèrent à fixer les règles d’accès aux soins en négligeant la capacité à payer de ces usagers. Le mode de paiement direct des soins par les ménages a eu pour conséquence la marginalisation ou voire l’exclusion des indigents ou des plus démunis des services de santé (MSP, 2004 a).

La population Congolaise est donc une population qui, bien avant la mise en pratique de l’initiative de Bamako en 1987, à laquelle le Zaïre avait adhérée, avait pris l’habitude de payer pour ses soins. (MSP, 2004 b).

Cet important obstacle financier à l’accès aux soins par les couches les plus pauvres de la population et a entrainé une baisse du taux d’utilisation des services curatifs

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passant de 0,60 contacts par habitant et par an pendant les années 80 à 0,15 (0.07 à 0.42) contacts pendant les années 1990 à 2010 (MSP, 2010 a).

Mais ces mesures d’ajustements structurels ainsi que désengagement progressif de l'Etat dans le financement du système de santé ont eu aussi comme conséquence l’incapacité des hôpitaux d’assurer l’approvisionnement régulier en médicaments et le renouvellement des matériels de soins. La plupart d’entre eux ne gardent aujourd’hui que des bâtiments dans un état de délabrement avancé, avec des équipements vétustes, rarement en état de fonctionnement satisfaisant (MSP, 2004 a).

De plus, il se créa des flux financiers où l’argent de la contribution des malades remonte pour financer les niveaux administratifs supérieurs : c’est « le financement ascendant » des services de santé. Cette pratique s’est intensifiée à partir des années 1990, lorsque les centres de santé et hôpitaux ont été amenés à reverser 5-10% de leurs entrées financières aux bureaux centraux des zones de santé (BCZS) qui eux-mêmes devaient en faire autant pour le niveau provincial, et celui-ci pour le niveau central. Ces versements devaient servir au fonctionnement des activités, mais également aux rémunérations des personnels à ces différents niveaux. Au fil des années ce système de taxation informelle et inéquitable s'est enraciné et est devenu un des moteurs du système pour la survie financière des individus et des institutions (MSP, 2006).

Au début des années 90, l’aide internationale pour la santé, qui couvrait les coûts d’investissement du système et palliait aux difficultés d’autofinancement des ZS, a fortement diminué suite aux sanctions internationales qui pesaient sur le Zaïre ; sanctions en partie dues aux massacres des étudiants de l’Université de Lubumbashi en mai 1989 par le régime de Mobutu. Le discours d'ouverture démocratique du président Mobutu le 24 avril 1990 ne permit pas d'alléger ces mésures à l'encontre de son régime.

En plus des conséquences de ces sanctions internationales, il faut ajouter aussi que le peu tissu économique existant sera fortement affectée par les émeutes et pillages qui ont eu lieu en septembre 1991 et en janvier 1993. A cause des pillages, de nombreuses entreprises formelles virent leurs activités s’arrêter ; leurs investisseurs quittèrent le pays et leurs employés perdirent leurs emplois formels. Cette réduction importante du secteur formel occasionna une croissante importante du secteur informel.

En vue de répondre aux problèmes de santé de la population, quelques partenaires ont continué une aide sporadique à travers les ONGs et les organisations

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confessionnelles pour assurer le maintien d'un niveau minimal d'activités dans le secteur et favoriser l’accessibilité aux services de santé de base (MSP, 2004 b).

Mais ces interventions, pour la plupart humanitaires, de ces bailleurs extérieurs étaient menées selon une approche sélective des problèmes de santé. Au lieu de laisser progressivement la place à des interventions de développement, en fonction de la normalisation de la situation socio-économique, elles devinrent chroniques et contribuèrent à la déstructuration du système de santé (SRSS, 2006).

En mai 1997, la chute du régime de Mobutu avec l’arrivé de l’alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) de Laurent Désiré Kabila laisse présager une excellente opportunité de remise en question de l'ensemble de la vie nationale.

Mais cette rébellion de l’AFDL pour la libération ne s’est pas faite sans dégâts, mais aux prix de pillages et de destructions des infrastructures notamment des structures de santé.

A cela s’ajoutent, en 1998, les conflits armés consécutifs à l’agression de la RDC par des forces étrangères rebelles. Ces conflits ont contribué à aggraver la destruction du tissu socio-économique, affectant par le fait même l’organisation des services de soins de santé (structures non fonctionnelles, désertion du personnel, absence d’équipements et de médicaments). Ils ont également exposé les populations à des graves problèmes socio-économiques (déplacements de masse et dislocations familiales, viols, etc.), sécuritaires (inaccessibilité des actions humanitaires aux populations des zones de conflits) et sanitaires (épidémies, SIDA, malnutrition, recrudescence des maladies jadis sous contrôle).

Pour faire face à ces conflits dévastateurs, le gouvernement mobilisa d’importantes ressources mais qui furent orientées en grande partie vers les efforts des guerres au détriment des secteurs sociaux de base.

Les années 2000

Après une longue période de belligérance ayant beaucoup fragilisé la situation sociale du pays, l’accord global et inclusif de Sun City (Afrique du Sud) est signé en décembre, mettant ainsi un terme aux conflits armés.

Il sera suivi par la mise en place d’une constitution et d’un gouvernement de transition en 2003.

Ce gouvernement accordera à la Santé pour la toute première fois depuis 40 ans une part de 7% du Budget national soit 0,5 $ par tête d’habitant. Mais malheureusement l’essentiel sera orienté vers les programmes verticaux de santé

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(Sida, Paludisme et Tuberculose) sans prendre en compte les plus démunis (MSP, 2004 a).

Figure 1.1 : Evolution du taux du budget de l'Etat alloué à la santé de 2000 à 2013 (en pourcentage). Source des données: DEP-MSP

Selon les dernières revues des dépenses publiques en santé, la hauteur du financement de la santé de l’Etat par tête d’habitant reste globalement très faible ; et les allocations budgétaires ne tiennent pas compte des priorités sectorielles2.

A ce propos, ces rapports relèvent que le budget du Ministère de la Santé Publique a représenté en moyenne, entre 2007 et 2013, 4% du budget de l’Etat. De plus, le niveau central a dépensé moins d’1$ par habitant (0.84$ par habitant) par tête en moyenne entre 2007 et 2013 sur ressources domestiques pour la santé.

2 L’introduction en 2011 de Cadre des Dépenses Sectorielles à Moyen Terme (CDSMT) pour la santé devait permettre de remédier à ce genre de problème. Le CDSMT a été reconnu par le MSP comme un véhicule efficace de formation et de sensibilisation à la technique de préparation budgétaire. Mais la faible prévisibilité des ressources extérieures et l’incertitude liée à la décentralisation rend le processus de budgétisation à moyen terme particulièrement fragile et souvent déconnecté de la réalité macro-économique. Les CDSMT provinciaux sont élaborés sur base d’une information prospective incomplète et parcellaire: les provinces n’ayant qu’une idée très imparfaite des ressources domestiques ou extérieures qui leur seront allouées l’année suivante. Par conséquent, ce qui était présenté comme outil utile devant corriger les incohérences budgétaires, ne sera que très peu utilisé pour le pilotage des ressources sectorielles et servira surtout de simple exercice théorique (Revue des dépenses publiques -RDC, 2014).

0.2 0.2 0.2 0.1 0.2

7.2

4.55.1

3.84.5

3.1 3.44.3 4.2

-1,00%

0,00%

1,00%

2,00%

3,00%

4,00%

5,00%

6,00%

7,00%

8,00%

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

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Cette part de la santé dans le budget de l’Etat est minime, largement inférieure à la moyenne régionale3.

Selon les dernières revues des dépenses publiques en RDC (2007 et 2014), le fait que ces taux d’exécution restent trop faibles (37.7% par-exemple en 2014) entrainent un bas niveau de réalisation des activités programmées.

En 2006, le MSP assisté de ses partenaires techniques et financiers dressèrent un bilan de la situation sanitaire du pays à travers le document de stratégie de renforcement du système de santé (SRSS, en sigle) qui se voit comme une contribution du secteur aux efforts de lutte contre la pauvreté.

Ils relèvent alors dans ce document (actualisé en 2010) que le pays reste caractérisé par: (i) la chronicité du financement des interventions humanitaires au lieu des interventions de développement ; (ii) la sélectivité dans le financement du système sous le prétexte d'accélérer la réduction de la pauvreté; et la marginalisation des SSP et des ZS ; (iii) la faiblesse du budget de l’Etat alloué à la santé (lourde charge financière pour les ménages et forte dépendance aux bailleurs) ; (iv) le désengagement progressif de l'Etat dans le financement du système ; (v) le sous financement du secteur public entrainant le développement anarchique du privé lucratif, non régulé, de qualité des soins douteuse, pour des coûts exagérés.

La SRSS qui sera décliné en un plan de développement sanitaire 2011-2015 (PNDS 2011-2015), proposera les stratégies suivantes pour améliorer la performance du secteur: (i) l’amélioration de l’efficacité de l’aide, (ii) l’amélioration de la part du budget de l’Etat pour la santé et de son affectation pertinente, (iii) l’approche pour canaliser le financement extérieur, (iv) la couverture universelle, et la continuité et la globalité des soins, (v) la décentralisation du lieu de négociation du financement de la santé, (vi) la revitalisation des ZS, (vii) le leadership et la gouvernance du MSP.

Pour parvenir à l’atteinte des objectifs de sa politique nationale sanitaire, le RDC bénéficie actuellement d’une aide extérieure très substantielle et fortement concentrée autour cinq principaux partenaires qui ont apporté plus de 70% de l’aide en santé entre 2007 et 2012. Il s’agit, par ordre croissant, du Fonds mondial (21.5% du total), puis USAID (15.6%), Banque Mondiale (14.4%) et enfin de la Belgique (10.3%) et de GAVI (9.6%) (Revue des dépenses publiques, 2014).

3 Le rapport des comptes nationaux de la santé 2008-2009, parle plutôt d’une dépense de santé/habitant qui reste stationnaire à $13 par habitant par an dont 6$ provenant des ménages (MSP, 2010 b). On reste donc encore loin des $USD 18 par habitant par an proposés par le MSP (MSP, 2009) ou encore des $USD 34 par habitant proposés par l’OMS (2002) pour assurer le fonctionnement minimal d’un système de santé.

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Mais compte tenu des inquiétudes des bailleurs dans la gestion saine des dépenses publiques (pratiques de gestion locale peu satisfaisantes) et des faibles capacités institutionnelles du MSP, 91% de cette aide est allouée en hors budget, à travers des projets et des programmes individualisés. Mais la grande diversité des procédures propres à chacun des partenaires n’étant pas suffisamment maîtrisée par les agents de services publics, les bailleurs préfèrent monter des structures autonomes de coordination et de gestion (opaque) de leurs financements (Zinnen, 2012). C’est ce qui explique la mise en place de cellules d’exécution et le recours à des prestataires non gouvernementaux, avec des coûts de transaction très importants (jusqu’à 39% du budget) et des problèmes d’appropriation (MSP, 2006 ; revue des dépenses publiques, 2008).

Certains de ces partenaires interviennent selon une logique de soins centrés sur la maladie au lieu d'une logique de renforcement des systèmes de santé.

En effet, le fait que ces ressources destinées à la lutte sélective contre la maladie (Fonds Mondial, etc.) aient été pratiquement les seules disponibles dans le secteur de la santé au lendemain de la redéfinition de la politique nationale de santé, a certainement contribué à la marginalisation de la stratégie basée sur les soins de santé primaires et de la zone de santé comme unité opérationnelle (SRSS, 2010).4

De plus, on constate une diversité des stratégies de financement mises en œuvre pour améliorer l’accès financier aux soins: financement budgétaire, soutien en ressources physiques, mutuelles, gratuité des soins pour un groupe-cible (programmes verticaux), exemption des plus pauvres à travers des fonds d'équité, financement basé sur les résultats, etc. Cette combinaison de mécanismes est rarement réfléchie comme un tout mais résulte plutôt de décisions non coordonnées. Cette juxtaposition est potentiellement une source de pertes d’efficience, au vue des coûts de transaction importants, mais aussi d’inéquité.

4 En effet, les revues des dépenses publiques (2007 et 2014) indique que leur appui aux programmes de santé et de lutte contre le VIH/SIDA est passé de 117 millions $ USD (2,20 par habitant) en 2003 à 302 millions de $ (4,30 par habitant) en 2006. Tandis que leur appui aux programmes de développement du secteur de la santé est passé de 64 millions de $ en 2003 (1,20 par habitant), à 175 millions de $ en 2006 (2,95 par habitant). Il faut ajouter à cela les fonds alloués par le round 8 du fonds mondial, soit près de 650 millions de $ pour 5 ans, pour la lutte contre le paludisme et le VIH/SIDA. Ce qui ramène la part de l’aide internationale à environ 7 à 8 $ USD par habitant et par an à partir de 2009.

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Depuis 2006, le MSP a déploré son manque de leadership, et cette absence de coordination dans les interventions des bailleurs. Il reconnait que cela a favorisé des effets pervers en l'occurrence la désarticulation du système de santé associée à une fragmentation des prestations et une verticalisation des interventions. C'est ainsi qu'il a mis en place le "Comité National de Pilotage" de la SRSS qui est considéré comme l'organisation officielle de coordination des bailleurs de fonds de la santé.

Désirant s'aligner sur la SRSS, les partenaires techniques et financiers du MSP ont pour leur part mis sur pied le GIBS (Groupe Inter-Bailleurs Santé). L'objectif du GIBS était de partager et d’harmoniser leurs différentes stratégies/interventions par rapport au secteur de la santé et d’assurer l’interface entre les membres du GIBS et les mécanismes de coordination sectorielle du gouvernement dans le secteur de la santé. Aujourd'hui, le GIBS avec ses 14 membres, est plus considéré comme un forum d’échange d’informations et d’opinions (parfois divergentes) que comme un organisme de coordination (revue des dépenses publiques, 2014).

En Novembre 2009, le MSP a lancé une nouvelle tentative de coordination des donateurs par le biais de la Cellule d'Appui et de Gestion (CAG). Cet organe doit centraliser et assurer la gestion financière des fonds provenant des principaux bailleurs de fonds et remplacer les nombreuses unités de gestion de projets en cours. A l’heure actuelle, seulement trois donateurs acheminent leurs fonds par l'intermédiaire de la CAG : GAVI, le Fonds Mondial et la Commission Européenne (MSP, 2009).

On ne pourrait cloturer cette section sans présenter l'actuel Programme d’Equipement des Structures Sanitaires (PESS), initié par le gouvernement congolais, en partie sur financement issu en partie des ressources minières (Banque Mondiale, 2014).

Ce programme, lancé officiellement en décembre 2013, comporte deux grandes phases (i) une première phase appelée PESS-Réseau Primaire (PESS-RP) en cours d'éxécution et d'une hauteur de 80 milliards de FC (85 millions $US),). Elle vise la réhabilitation, l’équipement, la formation et l’approvisionnement en médicaments essentiels de 1.000 centres de santé (CS) et 200 hôpitaux généraux de référence (HGR) répartis dans les 11 provinces. (ii) une deuxième phase appelée PESS-Réseau Secondaire et Tertiaire (PESS-RST) en cours de formulation et d'une hauteur d'environs 90 millions de $US. Elle devrait viser quant à elle l’équipement des hôpitaux provinciaux et tertiaires.

Le programme PESS, même s'il est exécuté en hors budget, montre une volonté manifeste du gouvernement d'appuyer efficacement son secteur de la santé.

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4. Discussion

La RDC demeure est pays fragile

Il ressort de ce qui précède que la RDC est plongée dans un état de fragilité constante, depuis des décennies, comme de nombreux pays à revenu faible et moyen.

Cela se confirme au vue de ces conflits violents chroniques, dès le lendemain de l’indépendance, avec leur cortège d’insécurité permanente et des crises humanitaires. Nous citerons à titre d’exemple : les tumultes entre 1960-1965, les pillages de 1991 et 1993 consécutifs au malaise social de la fin des années 80, les guerres de libération et ensuite d’agression auxquelles nous ajouteront les rebellions du M 23.

Cette fragilité a été remarquée aussi dans l’incapacité de l’État d’assurer certaines de ses fonctions de base et d’assumer ses obligations et responsabilités, notamment en matière de santé avec ce décret de 1982.

Cette fragilité s’est fait ressentir également dans le secteur économique très instable et vulnérable face à des grandes crises comme les ruptures de coopération avec la Belgique, la récession des prix de matières premières et la crise du pétrole en 1973 la zaïrianisation en 1974,

Cette fragilité enfin qui se traduit aussi par des institutions publiques, des processus politiques et des mécanismes sociaux dépourvus souvent d’efficacité, de caractère inclusif ou de légitimité ; le régime monolithique de Mobutu étant une illustration.5

Dans de telles conditions où les normes de gouvernance sont constamment bafouées, le développement institutionnel et financier, très utile pour la planification de stratégies à long terme, devient difficile. Ce qui occasionne une profonde pauvreté de la population avec une répartition inégale des richesses.

Ces conditions favorisent la forte dépendance de l’Etat aux fonds des partenaires techniques et financiers ayant des agendas qui leur sont propres, leurs propres logiques d’interventions, pouvant freiner la stabilisation et le développement.

5 Cette situation perdurera tant que ne seront pas instaurés un État de droit, l’égalité d’accès au pouvoir, la sécurité et la sûreté de la population ainsi que la protection et la promotion des droits et libertés de tous les citoyens congolais.

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Un fossé grandissant entre documents de politiques et réalité de terrain

La RDC a donc bien suivi et intégré tous les changements importants de l’évolution des politiques de santé au niveau international. Il faudrait reconnaitre ce travail non négligeable réalisé par le pays dans la mise en œuvre tant de modalités de construction de l’architecture sanitaire que de modalités de financement de la santé.

A cet effet, différents plans nationaux, cohérents dans les textes, ont été mis en œuvre. Malgré cela, les faits prouvent que le pays n’a pas su mener à bien ses différentes politiques d’organisation des services de santé. A ce propos, le PNDS 2011-2015 ainsi que la SRSS en 2006, relèvent la faible performance de notre système de santé, profondément désintégré et désarticulé (MSP, 2006 ; MSP, 2010 b). Sans oublier la situation des indicateurs sanitaires traduisant l’extrême précarité dans laquelle vit la population (EDS, 2007 ; MICS, 2010).

Devant cette situation, nous sommes en droit de nous interroger sur la manière dont le financement de la santé pourtant présent, en partie grâce à l’Etat mais surtout grâce à ses partenaires, a agi sur l’organisation du système, sans que nous puissions aboutir aux résultats escomptés.

La SRSS relève des effets pervers comme la juxtaposition, dans les zones de santé, des interventions des acteurs qui, selon elle, étaient "plus soucieux de leur visibilité que de la satisfaction des attentes des populations bénéficiaires". Mais aussi cette multiplication de directions et de programmes spécialisés pour mieux capter ces financements surtout au niveau central et intermédiaire.

Ces réponses, et beaucoup d’autres, se prêtaient bien au contexte dictatorial de Mobutu, caractérisé par des dysfonctionnements dans l’appareil de l’Etat, une faiblesse de son leadership, de l’anarchie et de la corruption qui gangrénaient les institutions (MSP, 2004 ab).

Et aujourd’hui, la situation d’Etat fragile décrite précédemment peut expliquer la non-atteinte des résultats de santé escomptés.

Bref, le constat est que les choses ne se sont pas passées comme on le souhaitait et, malgré tous les avantages du district sanitaire, il n’y a pas eu de cohérence entre structure et financement.

Nous devons donc réfléchir autrement, en recourant à d’autres grilles de lecture, et tenter de comprendre, avec un autre regard, la dynamique d’amélioration des performances du système.

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A cet effet, nous pensons que toutes ces propositions autour des arrangements institutionnels (Meessen et Van Damme, 2005) peuvent constituer des pistes de solutions importantes à creuser. Ces propositions sont décrites dans la section suivante.

A-t-on tenu assez compte des arrangements institutionnels existants et de la difficulté de changer les arrangements institutionnels ?

Les constats soulevés ci-haut justifient les réflexions de différents auteurs qui estiment nécessaire et incontournable une refonte en profondeur des architectures institutionnelles nationales et internationales et des modes de gouvernance de nos états afin de les sortir durablement de l’ornière du "sous-développement endogène" (Hamdouch et Depret, 2005).

En effet, le financement de la santé est indissociable de la question des institutions et de celle de la gouvernance. C’est justement cette combinaison de carences institutionnelles et de dysfonctionnements structurels qui explique la faible performance de nos systèmes de santé (Meessen et Van Damme, 2005).

Ces dysfonctionnements sont observés dans l’inefficience des modes d’allocation des ressources, sur le plan politique (corruption, détournement des ressources, oligarchisation du fonctionnement des institutions politiques et développement de logiques "claniques") et organisationnel (inadéquation des objectifs poursuivis et des systèmes incitatifs, implication inadaptée des autorités et des autres institutions en matière de politique). Une telle inadaptation des institutions ne pourra jamais concourir à la satisfaction des besoins sanitaires des populations. Dans un tel contexte d’inefficience, l’augmentation du volume des ressources consacrées au financement sectoriel n’aura aucun effet sur l’amélioration de l’état de santé des populations (Hamdouch et Depret, 2005).

La question centrale qui demeure serait alors la manière la plus adéquate pour enclencher des changements structurels cohérents et capables d’améliorer la performance des arrangements institutionnels actuels, pour qu’ils soient plus en phase avec nos problèmes de développement.

Des experts s’accordent sur l’importance de mettre l’accent sur une logique de contractualisation (Perrot et De Roodenbeke, 2005 ; Loevinsohn et Harding, 2005; Loevinsohn, 2008). D’autres insistent sur le respect des fonctions du système de santé, en l’occurrence l’achat des services (Kutzin, 2008), ou encore sur l’amélioration de l’efficience des dépenses de santé orientées vers des interventions identifiées comme prioritaires (Audibert et al, 2004).

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Pour d’autres enfin, la soutenabilité de ces nouvelles "architectures institutionnelles" requièrt l’introduction de nouveaux dispositifs incitatifs, davantage de décentralisation et de participation des communautés à l’ensemble du processus, depuis la définition des plans stratégiques de développement jusqu’à leur mise en œuvre et leur supervision (Kernaghan, 2000; Gruening, 2001).

Cet ensemble de propositions peut s’avérer très utile. Mais parmi les idées qui nous permettent de mieux appréhender les dimensions institutionnelles des systèmes de santé, il y a celles qui sont véhiculées par la théorie de la nouvelle économie institutionnelle qui prend en compte le caractère stratégique du comportement des agents économiques et la mise en place de dispositifs de coordination optimale de leurs actions et de celles des organisations.

A ce propos, Bertone et Meessen (2013) nous proposent un cadre d’analyse ayant trait à la manière de structurer le débat autour des arrangements institutionnels.

Parmi les différents points évoqués dans ce cadre, certains méritent notre attention car ils soulèvent des problèmes de fond auxquels est confronté le système de santé congolais.

i. Le système de santé sera plus performant si on recherche des arrangements institutionnels qui non seulement assurent le plus grand bien-être en fonction des ressources disponibles, mais surtout garantissent la coordination des agents économiques impliqués dans la production des résultats de santé. Malheureusement, la crise que traverse la RDC a engendré, dans le secteur de la santé, différentes stratégies de survie individuelles et institutionnelles qui se sont traduites par une prolifération anarchique aussi bien des structures de formation des professionnels de santé que des structures de soins. Ce manque de coordination dans la formation des médecins et des infirmiers ainsi que dans la délivrance des autorisations d'ouverture des structures de santé, a été rapporté par la SRSS (2006) comme étant à la base de la détérioration de la qualité des soins de santé au fil du temps. Face à ce genre de situation, la stratégie de financement basé sur la performance (FBP), et les dispositions contractuelles (redéfinition des règles du jeu) qui en résultent, sont souvent présentées comme l'un des moyens susceptibles d'insuffler une dynamique d’efforts en vue d'une amélioration de la performance (Soeters et al, 2006; Soeters et Vroeg, 2011).

ii. Les différents acteurs doivent se conformer aux différentes institutions existantes. Cette conformité ne se limite pas à un simple respect de contrats ou de nouvelles règles ou lois mais doit se traduire en pratique par des comportements ou des attitudes plus conséquentes envers ces institutions,

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dans un parfait équilibre dans le jeu des pouvoirs, de manière à éviter les conflits d'intérêt. Il n’est pas rare de constater, dans nos pays, les influences politiques dans le secteur de la santé, entravant son bon fonctionnement. A ce propos, les exemples de favoritisme, de méritocratie, de décisions unilatérales sont légions, avec en toile de fond des considérations purement tribales ou « géopolitiques ».

iii. Une bonne clarification de la manière dont sont répartis les droits de propriétés au sein des institutions, est également nécessaire. En effet, une parfaite allocation de ces droits, entrainent des orientations claires pour ce qui est du pouvoir décisionnel ou des revenus des acteurs clés, dans cette nouvelle configuration institutionnelle du système de santé. Cela rejoint toute cette problématique autour de la gouvernance avec ses principes de séparation des fonctions ou de clarification des rôles, pour faire en sorte que les responsabilités de chaque acteur, en cas de mauvaise performance, soient plus claires.

Il peut s’avérer utile d’éviter que tout ne soit concentré par le MSP. C’est cela qui va créer de la redevabilité et qui va générer la performance du secteur public.

C’est ainsi qu'en dépit de toutes les propositions entourant le concept de district sanitaire, le système est resté dans un équilibre plus ou moins de centralisation. La bonne gouvernance implique donc de donner le pouvoir à d’autres acteurs de manière à créer un jeu de contre pouvoir, utile pour améliorer la performance de l’ensemble du système (Meessen et al, 2011).

iv. Le bon alignement des incitations par rapport aux objectifs poursuivis. Ce qui implique une meilleure connaissance des dispositions contractuelles par les acteurs de santé concernés, une meilleure gestion de l’asymétrie de l’information ; mais aussi une évaluation du pouvoir incitatif identifié. Sur ce dernier point, il faut voir comment arriver à une meilleure motivation du personnel de santé, de laquelle découlerait de sa meilleure prestation ou performance. C’est ainsi que des approches comme le FBP se proposent de mesurer quantitativement et qualitativement cette performance et d’y mettre un lien financier. En RDC, les faibles incitations justifient la migration des cadres compétents sur lesquels l’Etat a investi mais aussi, comme évoqué précédemment, la prolifération anarchique des structures de santé à but purement lucratif délivrant des soins de qualité douteuse.

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v. Il faudrait maitriser l’interaction entre motivation intrinsèque et extrinsèque, et arriver à un changement de comportements des agents de santé, dans notre pays où de nombreuses antivaleurs se sont érigées en droit. Ainsi, en RDC, où la faible conscience professionnelle, le manque de professionnalisme et l'absence de valeurs (éthiques) sont de mise, il est certes indispensable d'allouer des salaires pour permettre à l'agent de santé de mieux gagner sa vie à travers son métier, mais il est aussi utile de l'encadrer. Lorsque les conditions de travail sont bonnes, il faut absolument accompagner l'exercice du métier de : la régulation administrative (lois et règlements à appliquer), la régulation par la loi du marché (incitants… via le FBP ou un autre acheteur stratégique) et le sermon (autorégulation, les valeurs ou principes et valeurs de l'organisation).

Ces différents points résument quelque peu nos propositions des différentes dimensions que pourraient considérer les décideurs pour revisiter nos arrangements institutionnels actuels défaillants.

Quels instruments pour quelle politique de financement de la santé ?

Dans nos pays, il n’est pas rare de constater un manque de synergie entre les différents outils de financement de santé, source d’inefficacité et d’incohérence de nos politiques.

En effet, lorsque les bailleurs sont nombreux et qu’à côté d’eux il existe toute une multitude de sources et d’outils de financement, il s’avère important de définir clairement qui doit financer quoi et comment (Sector-Wide Approach) (Zinnen et al, 2009). A ce propos, les bailleurs développent à travers le pays diverses approches de financement, en l’occurrence: la gratuité des soins (IRC), le financement basé sur les résultats (Cordaid, UE), le financement classique avec apports financiers, matériels et humains, pas nécessairement lié à la performance sous forme de subsidiation forfaitaire sur base de dépenses observées ou estimées.

Il faudrait donc enclencher le processus d’élaboration d’une stratégie nationale de financement de la santé pour réformer l’architecture du financement de la santé avec des arrangements institutionnels plus adéquats. Ce processus demeure une bonne opportunité de conjuguer les mécanismes de financement divers en un système aussi cohérent que possible. Ce processus est également un bon mécanisme pour construire le pilier politique de la couverture universelle en santé, pour engager toutes les parties prenantes de cette réforme, et pour clarifier les devoirs, rôles et responsabilités de tous les acteurs institutionnels.

Mais ce processus peut être rendu difficile par certains partenaires qui accordent parfois une importance excessive à leur instrument de financement, l’estimant

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mutuellement exclusif avec les autres (Soeters et al, 2006 ; Soeters et Vroeg, 2011); d'où les débats récurrents au sein du MSP.

Il est donc important d’éviter au maximum de privilégier le recours à un seul instrument de réforme de la politique et du financement de la santé surtout dans un système de santé aussi dynamique et complexe que celui de la RDC, et envisager plutôt un ensemble d’options (Macq et Chiem, 2011).

A ce propos, on constate que dans l’actuel Plan National de Développement Sanitaire, le MSP hésite entre différentes modalités de financement et n’offre pas de recommandations claires.

L’OMS (2008) ne propose pas non plus une modalité ou mécanisme stéréotypé de financement mais exhorte les différents acteurs à veiller à la cohérence entre les options d’instruments retenus et les objectifs des différentes politiques, sans négliger les contraintes budgétaires conditionnant leur mise en œuvre.

Les réformes du financement de la santé devraient donc reposer non seulement sur des fondements solides d’ordre conceptuel mais aussi sur des informations factuelles. Ce qui implique un important travail de capitalisation de toutes les bonnes pratiques qui découlent des expériences-pilotes de financement, avant un éventuel passage à l’échelle nationale.

Par ailleurs, le processus d’évaluation des réformes devra recourir à des cadres d’analyse s’articulant autour de différents critères jugés pertinents pour apprécier de manière objective les effets de ces réformes dans le secteur de la santé et la pertinence de leur recours (Daniels et al, 2000 ; 2005). Il appartient donc au gouvernement de s’approprier ces outils et ces enseignements, et de participer activement au dialogue sectoriel, en apportant une analyse critique constante. Cela lui permettra d’éviter une réplique identique de stratégies de financement de la santé non-adaptées à son contexte et donc potentiellement nocives, même si des succès ont été relevés ailleurs.

5. Conclusion Ce chapitre nous a permis d’analyser les orientations prises par nos systèmes de santé, et d’apprécier leurs réactions aux changements sociaux et aux attentes des populations au cours du temps. A cet effet, on a pu constater à travers tous les points développés que l’évolution du financement du système de santé de la RDC (évolution plus ou moins superposable à celles des systèmes locaux de santé des pays à faible revenu) a été marquée par le recours à différents modèles d’organisation opérationnelle de soins de santé. Mais aussi que très souvent les

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mêmes thématiques croisaient les différents moments de l’histoire et on fait l’objet de débats portant aussi bien sur leur interprétation que sur leur opérationnalisation.

Ces débats reposaient quelques fois sur les différentes valeurs mises en exergue par ces politiques de santé ; ce qui est facile à appréhender lorsqu’on sait que toute politique par essence est empreinte de valeurs car elle représente le choix d’une société.

De plus, même s’il n’existe pas de modèle « clé sur porte » sur la façon d’organiser les systèmes de financement de la santé, le MSP devra capitaliser les enseignements tirés de ses différentes politiques antérieures. Partant de cette expérience, il devra définir clairement les objectifs de sa politique de financement de la santé dans son document de politique nationale et les traduire en des mesures concrètes d’intervention.

Par la suite, il devra construire un cadre descriptif pour une meilleure compréhension du système existant à reformer ; le tout dans des limites réalistes intégrant aussi bien les contraintes budgétaires que tous les autres facteurs contextuels pouvant avoir une incidence sur la dynamique de réforme du financement.

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CHAPITRE 2: PRESENTATION GENERALE DU SECTEUR DE LA SANTE

Cette partie traite des objectifs principaux de la stratégie sectorielle en cours en RDC et des arrangements institutionnels qu'elle a établis. Elle aborde la question sensible des ressources humaines pour la santé, mais aussi les principaux goulots d'étranglement liés à l'offre des soins. Il est aussi question de la fragmentation de l'intervention des bailleurs et son impact dans la délivrance des soins, de la question de la décentralisation et de la gouvernance du secteur. Pour finir, les données de résultats de santé et d'utilisation des services seront également présentées.

Noter que les principaux points qui se rattachent à cette partie, ont été choisis par rapport aux aspects qui sont sujets à tension dans le FBP. En effet, le FBP intervient à une période où d'importantes réformes ont déjà été menées dans le secteur de la santé (points 1 et 2). Il faut donc voir comment intégrer les propositions du FBP à la dynamique en cours. Le FBP apporte entre autres des incitations financières pour les prestataires et agit sur l'amélioration de la qualité de l'offre des soins. La situation actuelle des ressources humaines en santé (point 3) et de l'offre des soins (point 4) en RDC, est dressée.

Pour finir, le FBP devrait contribuer à l'amélioration des résultats de santé et des taux d'utilisation des services de santé dont l'évolution est décrite aux points 5 et 6.

Ces différents points sont exploités pour nourrir la discussion à chaque étape de la thèse mais aussi au niveau de la discussion générale.

1. La stratégie sectorielle santé et les nouveaux arrangements institutionnels induits L'actuel Plan National de Développement Sanitaire 2011-2015 (PNDS 2011-2015), véritable fil conducteur de la stratégie sectorielle en santé en RDC, fait suite au Plan Directeur de Développement Sanitaire qui a orienté la politique sectorielle de 2000 à 2009 (MSP, 2010a). Il constitue le plan de mise en œuvre de la Stratégie de Renforcement du Système de Santé (SRSS), adoptée par le Ministère de la Santé Publique et ses partenaires techniques et financiers. (MSP, 2006 et 2010b)

Avec la SRSS et le PNDS, le MSP s'est décidé à quitter cette logique d'interventions d'urgence ou prioritaires, à la base de la fragmentation du système de santé, vers une logique de développement. Ce qui suppose donc une planification impliquant les zones de santé (plan de développement de la ZS), les provinces (plan provincial de développement sanitaire).

Afin de mieux suivre les résultats et la performance du secteur, différents outils programmatiques ont été conçus (cadre de résultats pour le PNDS, Plan d’Action Opérationnel -PAO- décentralisé avec l’instauration de PAO provinciaux); ce qui

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atteste d’une volonté politique forte pour inscrire le secteur de la santé dans une vision stratégique à long terme.

(Voir Annexe 1: synthèse des principaux axes stratégiques en santé).

La mise en œuvre des différentes stratégies décrites ci-haut, a nécessité des réarrangements institutionnels plus en phase avec les défis à relever. En effet, en termes de structures, on a vu la naissance du CNP (Comité National de Pilotage), des CPP (Comité provincial de pilotage), des CA (Conseil d’Administration des zones de santé) ainsi que de la CAG (Cellule d’appui et de gestion du MSP). Ces organes correspondent aux structures d’accompagnement de la réforme et de la mise en œuvre de la SRSS aux différents niveaux de responsabilité (MSP, 2010a).

Depuis octobre 2012, le MSP dispose d’un nouveau cadre organique redéfinissant les rôles et attributions de ses différentes structures. Ce document, adopté dans le cadre de la réforme de l’administration publique, prévoit aussi la réforme des services centraux (directions centrales et programmes spécialisés) ainsi que la mise en œuvre des 26 nouvelles Divisions Provinciales de la Santé (DPS), structures décentralisées placées sous l’autorité des Ministres provinciaux ayant la santé dans leurs attributions.

Ce processus s'inscrit dans la lignée du mouvement de décentralisation impulsé par la constitution de 2006, et qui créée les parlements et gouvernements provinciaux, ainsi qu’un Ministère provincial de la santé. D'où la nécessité d'un transfert des compétences et des ressources aux Provinces et aux entités territoriales décentralisées avant que cette décentralisation ne soit effective. (MSP, 2014a)

2. Gouvernance et décentralisation Selon la nouvelle constitution de la RDC, la gouvernance du secteur de la santé est du ressort des provinces et se traduit par une redéfinition des attributions entre le niveau central et les niveaux décentralisés de l’administration sanitaire. Le rôle du Ministère de la Santé (niveau central) devrait être de l’ordre règlementaire (normes et politiques) (article 202 de la Constitution), la compétence de mise en œuvre des politiques revenant directement aux provinces (article 204).

Le niveau intermédiaire doit répondre directement devant les Gouvernements Provinciaux. Donc les DPS deviennent les structures décentralisées de la santé qui dépendent directement du Gouvernement provincial et les IPS deviennent des entités déconcentrées qui dépendent du Ministre National de la santé mais mis à la disposition du Gouverneur de province (MSP, 2010a).

Cette décentralisation administrative pourrait également représenter une opportunité pour le financement du secteur de la santé. En effet, avec les

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rétrocessions faites aux provinces, on devrait constater une augmentation globale des crédits pour les provinces (MSP, 2011a ; MSP, 2013a).

3. Situation des ressources humaines en santé Le Plan national de développement des ressources humaines pour la santé 2011 - 2015 a identifié une longue liste de problèmes majeurs affectant ce sous- secteur (MSP, 2011b).

En effet, bien que la liste ne soit pas exhaustive, les principaux problèmes rencontrés sont:

Le nombre insuffisant de membres du personnel hautement qualifié, surtout dans le secteur public. En effet, le pays disposerait de près de 6,000 médecins et de 72,000 infirmiers en exercice en 2013, soit 11 personnels de santé qualifiés pour 10,000 habitants (Normes OMS pour la population de la RDC 23 personnels pour 10,000 habitants); avec 0.7 médecin pour 10,000 habitants en 2013 (Revue des dépenses publiques, 2014). Très peu de prestataires de soins acceptent de se rendre dans les provinces. Pour ceux qui s'y rendent, la majorité reste confinée dans les chefs-lieux ou les grandes villes.

La prolifération des institutions de formation en santé: le nombre d'instituts des techniques médicales et d'instituts d'enseignement médical, formant les infirmiers de niveau A2, est passé, entre 1998 et 2009, de 255 à 470. 56% d'entre eux fonctionnaient sans arrêtés d'agrément. Le nombre d'instituts supérieurs de techniques médicales, formant aussi les infirmiers mais de niveau A 1, est passé de 53 à 108 de 1998 à 2008. Pour les facultés de médecine, leur nombre est passé de 3 à 39 entre 1998 à 2008 et à 61 en 2013 (MSP, 2013b). Le personnel de santé en surplus, ne trouvant pas d'emploi dans les structures de santé formelles, crée, pour des raisons de survie, des structures de santé qui offrent des soins de santé de qualité pour le moins douteuse. Dans certains cas, la mauvaise qualité des services rendus par ces prestataires traduit la faible qualité de l'enseignement reçu.

Les salaires encore bas pour le coût de la vie actuelle: selon la revue des dépenses publiques (2014), Les dépenses de personnel de santé ont fortement progressé depuis 2007, traduisant ainsi une revalorisation importante du niveau de rémunération publique. A ce propos, cette revue indique que la rémunération publique moyenne est passée de 340.457 CDF (soit 380US$) en 2009 à 816.192 CDF (soit 880US$) en 2013-2014 ; soit une hausse de plus de 140%. Mais cette hausse de la rémunération est due à la prime « de risque » qui est passée de complément de salaire ou de mesure d’incitation, à l’élément principal

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de la rémunération publique. Elle compose plus de 85% de la rémunération publique des médecins, et constitue 73% des dépenses de personnel en 2013 (contre 65% en 2009). Cette prime de risque a donc permis de relever le niveau de rémunération des prestataires (pour les médecins, le ratio entre salaire et prime est de rapport de 1 sur 6) mais en cas d'inactivité, ces derniers la perdent et ne bénéficient alors que de leur salaire faible. (MSP, 2013b) Si l'instauration de la prime a permis d'aligner le niveau de la rémunération du personnel de santé sur celui des autres pays de la région, cela soulève un certain nombre de questions en termes de durabilité financière, d'absence de motivation liée à la performance surtout que cette prime est perçue par les prestataires comme un droit, de non-inclusion dans calcul des retraites, de son maintien en cas de maladie ou de formation de longue durée à l'étranger (Banque mondiale, 2008).

Mais ce niveau de rémunération atteint ne permet pas de subvenir aux besoins des prestataires au vue de la conjoncture actuelle en RDC.

Les mauvaises conditions de travail: on observe une vétusté des bâtiments et l'obsolescence des équipements.

La fuite des cerveaux liée justement à la modicité des salaires et aux mauvaises conditions de travail évoquées ci-dessus. Cette fuite se fait aussi à l'intérieur du pays car les bailleurs recrutent des assistants techniques parmi les meilleurs cadres nationaux du ministère de la santé, ce qui ne fait qu’affaiblir davantage ce dernier.

Tableau 1.2: Evolution de la situation du personnel de santé entre 2009 et 2013 2009 2013

Total effectifs 106,836 127,716 Agents recevant un salaire 32,450 (30%) 40,910 (32%) Agents recevant une prime +/- 90,000 (84%) 103,563 (81%) Agents sans rémunération Non disponible 16,757 (13%)

Source: MSP, annuaire sanitaire 2013

La mauvaise gestion des effectifs: recrutement, affectation, plans de carrière et rémunération. Selon le dernier annuaire des ressources humaines de la santé (2013), il y a 40.910 agents mécanisés et payés, 65.000 avec numéro matricule de la fonction publique mais non encore payés et 27.163 sans numéro matricule (nouvelles unités).

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Dans sa stratégie d'appui aux ZS, le PNDS prévoit une place prépondérante au développement des ressources humaines pour la santé. A ce propos, le résultat poursuivi est que le secteur puisse disposer d'un personnel de santé compétent, performant, en quantité suffisante et équitablement réparti pour une offre de services et de soins de santé de qualité (MSP, 2010a)

4. L'organisation de l'offre des soins Bien que les rapports donnent un centre de santé pour 10218 habitants (norme : 1 pour 10000 habitants), une maternité pour 40613 habitants et un hôpital général de référence pour 180397 habitants (norme : 1 pour 150000), ces chiffres, mis en parallèle avec la superficie du pays et la répartition de la population, montrent clairement un déficit de structures de santé et donc un problème de couverture médicale adéquate (Zinnen, 2012). Pour ce qui est de la couverture sanitaire, le découpage de 2003 a vu le nombre de ZS passer de 306 à 515 (actuellement 516), sans investissement suffisant dans les nouvelles ZS, dont 125 sont sans hôpital général de référence. De manière générale, il y a eu très peu d’investissements dans les infrastructures sanitaires depuis une trentaine d’années et la majorité des infrastructures sanitaires existantes sont héritées de l’époque coloniale et donc demeurent très vétustes (Kayembe et Okitolonda, 2010). A ce propos, 12% de l’ensemble des centres de santé planifiés dans le pays sont construits en matériaux durables. Les HGR connaissent aussi une vétusté non seulement de leur infrastructure mais aussi de leurs équipements requis pour leurs services de base; ce qui affecte fortement la qualité de l’offre de soins qu'ils peuvent fournir (PNDS, 2010).

Les structures de santé, orientées surtout vers le curatif, ont en général une faible capacité de prise en charge des malades en raison d’un plateau technique insuffisant et d'une faible intégration du paquet minimum d'activités (PMA) et du paquet complémentaire d'activités (PCA) complet.

Une telle inadaptation de l'offre de soins ne pourra jamais concourir à la satisfaction des besoins sanitaires des populations (Kayembe et Okitolonda, 2010).

Devant ces faiblesses du secteur public, le secteur privé lucratif et non lucratif, dont la qualité n'est pas toujours satisfaisante, contribue dans la fourniture de services pour environ 50% des soins délivrés aux patients. Malgré ça, l’accessibilité à un service de santé de qualité reste très faible avec seulement 26 % de la population qui se situait à moins de 5 km d’une structure sanitaire (EDS 2007).

C'est dans cette optique que le gouvernement a initié la mise en œuvre du projet d’équipement des structures sanitaires (PESS). Ce projet, d'une hauteur de 84

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millions de dollars $ (4 phases de 21 millions chacune), vise notamment la réhabilitation, l’équipement, la formation et l’approvisionnement en médicaments essentiels de 66 Hôpitaux Généraux de Référence et 330 centres de santé répartis dans les 11 provinces du pays. Actuellement, les deux premières phases sont presque achevées (MSP, 2014a ; 2014b).

L'offre des soins est confrontée à d'autres problèmes plus généraux tels que: l'inaccessibilité géographique et financière de la population aux services de santé de qualité, la faible disponibilité des médicaments essentiels génériques (y compris les contraceptifs) et intrants de base de qualité, le manque de prévisibilité des financements et les difficultés d’utilisation effective des financements des PTF en faveur des interventions des zones.

Tous ces constats peuvent expliquer que les résultats obtenus en matière de santé soient insuffisants et souvent clairsemés. Ce qui montre que le secteur doit encore faire des efforts pour mieux orienter les financements disponibles sur les actions prioritaires vers l’atteinte des objectifs du PNDS (Murru and Pavignani, 2013).

5. Résultats de santé 5.1. Le taux de mortalité demeure extrêmement élevé en RDC surtout parmi les populations affectées par les conflits armés.

Pour ce qui est du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, on constate une légère amélioration. En effet, ce taux est passé de 172 ‰ dans la période 1992-1997 à 165 ‰ dans la période 1997-2002, puis à 148 ‰ dans la période 2002-2007 (ENSEF, 1997 ; MICS 2). Selon l'EDS 2013-2014, ce taux est estimé à 104 ‰. Malgré cela, la cible visée par l'OMD 4, de réduire ce taux de deux tiers entre 1990 et 2015, semble difficile à atteindre.

L'amélioration des taux de mortalité infantile est par contre très faible depuis ces 15 dernières années. Elle part de 98‰ en 1997-2002 à 92‰ en 2002-2007, pour atteindre 58‰ en 2014.

L’amélioration de la santé des enfants demeure donc assez lente. A ce rythme, la cible de 30 pour mille en 2015 ne sera pas atteinte.

5.2. En RDC, la mortalité maternelle est en baisse. En effet, de 2001 à 2014, nous sommes passés de 1.289 à 730 décès pour 100.000 naissances vivantes. Il apparait clairement que la cible de 322 décès pour 100.000 fixée pour 2015 (OMD) ne sera pas atteinte; quand bien même la RDC est classée parmi les pays en progrès au niveau de l’Afrique.

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Figure 1.2 et 1.3 : Mortalité des enfants de moins de cinq ans (1990-2013) et mortalité maternelle (1990-2010), RDC et pays pairs (1990-2014)

Source : ENSEF (1997), MICS (2001 et 2010), EDS (2007 et 2013-2014) pour RDC et World Development Indicators pour autres pays

5.3. Selon le rapport d'évaluation des OMD en 2013 en RDC (PNUD, 2014), la prévalence du VIH/SIDA au sein de la population en général est passée de 5 % en 1990 à 1,2 %. S’agissant des femmes enceintes, le taux de prévalence passe de 4,3 % en 2008 à 3,5 % en 2011. Pour les femmes enceintes âgées de 15 à 24 ans, ce taux est plus faible, soit de 1,88 %, 1,79 % et 1,72 %, respectivement en 2010, 2011 et 2012; alors que l'ONUSIDA en 2007 faisait état d'une prévalence entre 2 et 8 %.

A propos de la prévalence du paludisme, elle est en moyenne de 23% selon les estimations de l'EDS 2014. Le paludisme demeure la cause principale de la mortalité (80%) et de la morbidité (76%) en 2012.

Quant à la tuberculose, sa mortalité serait en baisse: de 150 pour 100.000 en 1990, elle se situe en dessous de 100 pour 100.000 en 2011 plus précisément à 94 nouveaux cas pour 100.000 habitants en 2012 pour un taux de détection de 63% (MSP, 2013c).

6. Utilisation des services et couverture des interventions 6.1. En matière de couverture vaccinale, partant d’une analyse des données du MICS 2 (2001) et des dernières EDS (2007 et 2014), on peut affirmer qu’elle a doublé entre 2001 et 2014 (passant de 23% d’enfants pleinement vaccinés à 45%). Par contre, la proportion des enfants complètement vaccinés aurait chuté de 53% à 46% entre 2010 et 2013/2014 (EDS, 2014).

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Cette couverture demeure plus faible que celle des pays pairs et voisins comme le Rwanda (90%), le Burundi (83%) ou encore le Cameroun (53%) (OMS, 2013). Pour ce qui concerne le taux de couverture vaccinale du BCG, peu de progrès ont été constatés durant ces quatre dernières années (en léger recul entre 2010 et 2014 de 84% à 83%); de même que pour le pentavalent 3 (couverture identique à 2010 à hauteur de 61%), malgré des efforts encourageants entre 2001 et 2007.

6.2. Selon le système national d'information sanitaire, le taux d'utilisation des services curatifs demeure encore très faible, soit près de 40% (nouveaux cas de consultations curatives) en 2012. Mais pour les maladies de l’enfant, on constate une légère amélioration de l'accès au traitement de base (auprès d’un établissement ou d’un prestataire de soins) contre les symptômes d’Infection Respiratoire Aiguë, de diarrhée ou de fièvre.

Pour ce qui est de l’utilisation des services de santé maternelle, elle semble connaître une amélioration substantielle depuis la dernière revue.

En effet, la consultation prénatale a connu une faible progression entre 1998 et 2014, passant de 68% (MICS 2) à 80% en 2007 (EDS) pour atteindre à 87% en 2010 (MICS 2010) et 88% en 2014 (EDS); ce qui demeure supérieur à la moyenne africaine qui est de 77%.

Quant aux accouchements assistés par un personnel qualifié, selon les résultats de l'EDS 2014, le taux est de 80%. Il était de 75% en 2010 (MICS), de 74% en 2007 (EDS) et de 61% en 2001 (MICS). Ainsi donc, la RDC, qui se situe parmi le tiers des pays africains les plus performants en cette matière, peut s’approcher sensiblement de la cible de 100%.

Pour ce qui est de la prévalence contraceptive, elle a connu quelques variations entre 2007 (21%), 2010 (18%) et 2014 (20%) par rapport à l'utilisation de toutes les méthodes. Il faut noter que cette prévalence était de 27% pour la région africaine et de 38% pour les pays à faible revenu entre 2005 et 2012 (OMS, 2013). Mais pour ce qui est des méthodes modernes, la prévalence demeure assez faible, allant de 4% en 2001, à 6% en 2007, 5% en 2010 et 8% en 2014. Ce taux doit tripler d’ici 2015 pour atteindre la cible fixée de 15%, chose irréalisable.

7. Bibliographie 1. Banque Mondiale. Revue des dépenses publique de la République

Démocratique du Congo en 2007 (Rapport N° 42167 – ZR du département en charge de la Réduction de la Pauvreté et de Gestion Économique). 2008 ; Kinshasa : Banque Mondiale, Région Afrique.

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2. Banque Mondiale. Revue des dépenses publiques. Investir dans la couverture santé universelle : opportunités et défis pour la République Démocratique du Congo. 2014; Kinshasa : Banque Mondiale, Région Afrique.

3. Kayembe, Okitolonda. Rapport état des lieux du secteur de la santé, Ecole de santé publique/DEP Kinshasa, 2010.

4. Ministère de la Santé publique (a). Rapport annuel d'activités 2013, Kinshasa, janvier 2014.

5. Ministère de la Santé Publique (a). Manuel de Procédures de Gestion applicables aux financements du Secteur de la Santé (PGFSS), 2ème édition (draft), Kinshasa, avril 2011.

6. Ministère de la Santé Publique (a). Mesures d’applications de la mise en œuvre de l’axe financement de la santé de la SRSS : draft, Kinshasa, janvier 2013.

7. Ministère de la Santé publique (a). Plan national de développement sanitaire/PNDS 2011-2015, Secrétariat général de la santé, Kinshasa, 2010.

8. Ministère de la Santé publique (b). Etat d’avancement du Programme d’Equipement des Structures Sanitaires – Réseau primaire, situation au 17 avril 2014.

9. Ministère de la Santé Publique (b). Plan national de développement des ressources humaines pour la santé 2011-2015, Kinshasa, mars 2011.

10. Ministère de la santé publique (b). Stratégie de renforcement du système de santé : deuxième édition, Kinshasa, 2010.

11. Ministère de la Santé publique (c). Rapport annuel d'activités 2012, Kinshasa, janvier 2013.

12. Ministère de la Santé publique. Stratégie de renforcement du système de santé, Kinshasa, 2006.

13. Ministère de la santé publique/Direction des services généraux et ressources humaines (b). Annuaire des ressources humaines de la santé 2013, Edition 2013.

14. Ministère du Plan et de la Reconstruction/UNICEF. Enquête Nationale sur la Situation des Enfants et des Femmes (MICS2/2001) : rapport d'analyse, Volume II, Kinshasa, juillet 2002.

15. Ministère du Plan et de la Reconstruction/UNICEF. Enquête Nationale sur la Situation des Femmes et des Enfants (ENSEF). Rapport d'analyse, Kinshasa, 1997.

16. Ministère du Plan et Macro International. Enquête Démographique et de Santé, République Démocratique du Congo 2007, Calverton, Maryland, U.S.A. : Ministère du Plan et Macro International, 2008.

17. Ministère du Plan et Suivi de la mise en œuvre de la révolution de la modernité/ Ministère de la Santé publique (b). Enquête démographique et de la santé 2013-2014 : rapport préliminaire. Kinshasa, mai 2014.

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18. Ministère du Plan/Institut National de la Statistique/UNICEF. Enquête par grappes à indicateurs multiples/MICS-RDC 2010, Kinshasa, Septembre 2010.

19. Murru M et Pavignani E. La prestation des soins de santé en situations de crise : République Démocratique du Congo, le cœur de l'Afrique en souffrance chronique (Alternative: une plaie ouverte au cœur de l’Afrique), Etude multi-pays de l'Université de Queensland, Queensland, 2013.

20. Organisation Mondiale de la Santé. Statistiques sanitaires mondiales, Genève, 2013.

21. PNUD. Rapport national sur les OMD en 2013 : évaluation de la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement, Kinshasa, Février 2014.

22. Zinnen Véronique. Documentation des résultats de la mise en œuvre des principes de l’efficacité de l’aide dans le secteur de la santé: Etude de cas de la République Démocratique du Congo, rapport d'étude Version finale, février 2012.

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CHAPITRE 3: LE FBP: HISTOIRE, THEORIE DU CHANGEMENT ET MISE EN OEUVRE PRATIQUE

Ce chapitre présente notre compréhension du FBP, en expliquant les enjeux ayant justifié sa conception au niveau international, ses propositions de changement pour le renforcement du système de santé ainsi que les conditions d'implémentation de cette approche en RDC.

1. Bref rappel sur la contractualisation Plusieurs années après que « l’Etat-providence » ait montré ses limites, on assista à de profondes mutations dans les systèmes de santé des pays à faible et moyen revenu (Audibert et al, 2003).

En effet, l’incapacité de l’Etat a assuré un financement efficace et suffisant provoqua le développement du secteur privé et l’émergence de nouveaux acteurs indépendants et autonomes devant compenser les faiblesses du secteur public. De plus, cette évolution fut marquée par une plus grande spécialisation dans les fonctions de ces acteurs ou une diversification de leurs rôles (prestataire, régulateur, financeur, etc.). Mais le secteur public et le secteur privé évoluaient chacun en vase clos, et il était difficile d’établir une dynamique d’échanges qui aurait permis au système de santé de mieux performer. Ainsi, devant la nécessité d’une interdépendance entre les acteurs du secteur de la santé, il devenait important de mieux formaliser leurs modalités concrètes de collaboration ou de partenariat (Perrot et De Roodenbeke, 2005).

La contractualisation ou l’approche contractuelle se propose justement comme un moyen susceptible d’organiser et de structurer les relations entre ces différents acteurs du système. A cet effet, pour améliorer la performance des systèmes de santé, l’isolement entre leurs acteurs ou les partenaires du secteur n’était plus possible. D’où cette approche politique mais aussi stratégique destinée à formaliser leurs relations et à redéfinir leurs engagements mutuels. La politique contractuelle peut aussi servir d’instrument à l’Etat pour une régulation des pratiques développées par les acteurs de santé (qui fait quoi ? Qui a le droit de faire quoi ?), mais aussi pour coordonner et combiner les contributions de chacun

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d’eux dans la mise en œuvre de la politique nationale sanitaire (Perrot, De Roodenbeke, 2005)6. L’OMS, lors d’une réunion stratégique sur « la contractualisation dans les systèmes de santé » (2008), a constaté que la contractualisation est désormais une réalité dans presque tous les systèmes de santé, tant dans les pays développés où elle s’est étendue, que dans les pays en développement où depuis peu, les expériences se multiplient rapidement. Dans son vade-mecum de la contractualisation dans le secteur de la santé, l’OMS (2007) définit la contractualisation comme "un processus d'entente, sur un objet donné, entre différents acteurs et basée sur un contrat". Des arrangements contractuels ne sont envisageables sans contrat (sauf dans quels que rares cas) qui demeure l'élément central du processus si l’on souhaite formaliser la stratégie de contractualisation. La contractualisation est aussi présentée comme un long processus constitué de différentes d'étapes distinctes qu'il convient de mener à bien si l'on veut que la relation contractuelle porte ses fruits. Ces étapes sont énumérées comme suit : la préparation à la contractualisation, la formalisation de la relation contractuelle, la mise en œuvre du contrat et la fin du contrat. Selon Jean Perrot (2004), il existe de nombreuses typologies de relations contractuelles. Une typologie en trois catégories peut être proposée :

les relations contractuelles basées sur une délégation de responsabilité:

qui correspondent aux situations où un acteur préfère déléguer, par contrat, sa responsabilité à un autre acteur qui agira en son nom et à sa place.

les relations contractuelles basées sur un acte d'achat : qui correspondent aux situations où un détenteur de ressources financières préfère acheter la prestation de services plutôt que de produire lui-même ce service.

les relations contractuelles basées sur une coopération : qui correspondent à des accords établis dans une perspective de long terme impliquant une interaction entre membres d'organisations indépendantes qui combinent ou mettent en commun leurs moyens.

Il est vraiment important de garder à l’esprit que la contractualisation n’est qu’une stratégie de renforcement des systèmes de santé parmi beaucoup d’autres et qu’il

6 Ces auteurs démontrent que les arrangements contractuels sont les conséquences des arrangements ou des recompositions institutionnelles. En effet, avec les profondes recompositions des pays en voie de développement, on assiste à cette multiplication de nouveaux acteurs et à la spécification de leurs rôles. Il est donc évident de réfléchir sur les modalités d’interdépendances entre ces acteurs qui en découlent.

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faut également disposer d’un plus grand nombre de données factuelles pour savoir à quel moment ne pas recourir à la contractualisation ou à quel moment lui préférer une autre stratégie ou un autre outil (OMS,2008).

L'histoire actuelle du FBP dans les pays à faible revenu peut être considérée comme un processus cumulatif d'expériences de contractualisation qui se sont déroulées dans des contextes différents (Boulanger, 2009).

A ce propos, le Cambodge, et par la suite le Rwanda, ont été cruciaux pour la compréhension de ce qui est possible en matière de contractualisation avec les prestataires de santé. On pourrait ajouter aussi l’expérience d’Haïti où des fournisseurs de services de santé ont été contractés et rémunérés selon leur performance, en fonction des taux de couverture atteints (Loevinsohn, 2008).

2. Bref rappel historique de la genèse du FBP Vers le milieu des années 90, MSF Belgique avait mis en œuvre un projet classique de renforcement du district sanitaire de Butare grâce au financement de l'agence suédoise SIDA (Swedish International Development Cooperation Agency). Vu ses réorientations opérationnelles de la fin des années 90, MSF amorce en 1998 sa stratégie de désengagement du projet et l'ONG HealthNet TPO en accepte la reprise, y compris son système de primes fixes pour les prestataires mais avec un dispositif beaucoup plus léger. HealthNet est, à la même époque, impliqué dans un projet de contractualisation au Cambodge dans la province de Pearang (Soeters et Griffiths, 2003), et l'ONG décide d’apporter les leçons apprises de ce projet au Rwanda. Certes la décision est prise de mettre en œuvre une initiative d'approche contractuelle au Rwanda mais, compte tenu de certaines divergences d'idées et frictions avec l'équipe locale de HealthNet, l'assistance technique venue du Cambodge est remplacée par une équipe de l'IMT/Anvers en 2001. Cette dernière a aussi été impliquée dans une expérience au Cambodge: le "New Deal" dans la province de Sotnikum (Van Damme et al, 2001). Elle apporte donc au Rwanda les bonnes pratiques du New Deal. Pour se faire, elle va revoir certains axes de l'approche contractuelle définie avec l'ancienne équipe et fera remonter des nombreuses idées du Cambodge mais de Sotnikum (Meessen et al. 2006 et 2007). L’assistance technique venue du Cambodge va alors convaincre l'ONG hollandaise Cordaid de mener une approche similaire toujours au Rwanda mais dans le district de Cyangugu ayant aussi bénéficié de l'appui de MSF (Soeters et al, 2006). En clair, on aura comme configuration deux experts internationaux qui en parallèle, et dans deux districts différents, vont explorer deux modèles extrêmement proches et nourris par deux expériences différentes du Cambodge (Pearang et Sotnikum).

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Le changement clé qui s'est opéré au Rwanda par rapport au Cambodge fut le calcul des primes de performance en fonction des unités ou des prestations produites, avec des pondérations ou des barèmes en fonction des priorités. En effet, selon le modèle de Pearang, la subvention était calculée par rapport à la progression des taux de couverture des structures de santé tandis que le modèle de Sotnikum reposait sur un "matching grant" ou une subvention équivalente à chaque "Riel" (monnaie cambodgienne) gagné par la structure de santé auprès des usagers; pour 1 Riel gagné la structure recevait 1 Riel de plus de MSF. A noter qu'une petite dualité était observée aussi sur d'autres aspects de mise en œuvre. En effet, selon le modèle de Sotnikum, l'expérience contractuelle est développée à l'intérieur du système public ou à l'intérieur de l'Etat, avec une agence d'achat et un comité de pilotage suffisamment proches de la hiérarchie sanitaire (contracting in); tandis que pour le modèle de Pearang, il fallait, pour lutter contre la corruption du secteur public, arriver à une externalisation de l'agence d'achat devant être gérée par un acteur privé comme une ONG internationale apportant les fonds (contracting out). Le contracting out est mis en avant avec la Banque Mondiale et d'autres bailleurs qui n'ont plus confiance en l'Etat ou en un secteur public en crise, et qui préfèrent confier la gestion des districts sanitaires à des ONG après des appels d'offre (Loevinsohn et al, 2005 et Palmer et al, 2006). Mais cela sera perçu par les Cambodgiens comme une déresponsabilisation, voire une exclusion des acteurs. Ces modèles vont se développer dans le contexte du Rwanda, où l'on reconnait qu'un problème de performance existe sans que la stratégie classique ne puisse y apporter des solutions adéquates: il y a donc une demande pour une nouvelle proposition. Le ministère de la santé accepte donc cette stratégie qui se prête bien au contexte de décentralisation et de gouvernance. Sa décision sera appuyé par un troisième projet pilote induit par les deux autres et mis en œuvre par la CTB dans six districts dont celui de Rutongo (Rusa et al, 2009). Ainsi donc, avant d'intégrer le FBP dans sa politique nationale en 2008, l'expérience du Rwanda a été nourrie de la richesse informative de trois projets pilotes menés par trois acteurs différents, dans trois zones différentes. C'est surtout le modèle de contracting in qui sera en définitive accepté par le Rwanda. D'abord parce que le pouvoir politique en place souhaitait la disparition des ONG et donc ne pouvait pas accepter de donner autant de pouvoir à des acteurs extérieurs; il recherchait un modèle démontrant sa faisabilité dans le secteur public. De plus, Butare étant plus accessible de Kigali, il offrait un cadre plus favorable pour les décideurs désirant s'enquérir du fonctionnement et de l'efficacité de l'approche.

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Figure 1.4: Situation du FBP en Afrique en 2013

Source: Banque Mondiale, 2013

Après avoir été théorisé et testé au Rwanda, le FBP dans sa forme actuelle gagnera de nombreux autres pays africains. Notons qu'on compte à ce jour en Afrique trois pays (Sierra Leone, Burundi et Rwanda) qui ont mis en place des programmes nationaux de FBP tandis que 14 pays autres (Bénin, Zimbabwe, Zambie, Burkina Faso, RCA, RDC, Congo, Kenya, Tanzanie, Nigéria, Tchad, Cameroun, Malawi, Mozambique) sont actuellement en phase expérimentale. Six pays se trouvent actuellement en phase de planification avancée et les initiatives FBP sont examinées dans neuf autres. (Banque Mondiale, 2013)

3. Histoire du FBP en RDC La République Démocratique du Congo entrera en contact pour la première fois avec l'approche grâce à l’intervention de Cordaid qui finançait le Bureau Diocésain des Œuvres Médicales (BDOM) de Bukavu dans la province du Sud Kivu. En effet, une mission d’échange dans les zones de santé du Rwanda (contiguës à la province du Sud Kivu, notamment à Cyangugu), là où Cordaid menait déjà un projet FBP, fut organisée en 2004. Elle permit le démarrage, en 2005, d'un projet pilote en RDC,

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d'abord dans la zone de santé d'Idjwi avant de s'étendre à d'autres ZS de la province (Agence d’achat des performances du Sud-Kivu, 2007). En 2006, l’Union Européenne, dans la continuité de ses programmes d’appui transitoire au secteur de la santé (PATS I et II) mis en œuvre entre 1992 et 2005, décida lors de la formulation de son programme santé du 9ème Fonds Européen pour le Développement, d'inclure une composante de financement basé sur la performance pour ses 4 provinces d’intervention (Nord Kivu, Province Orientale, Kasaï Occidental et Kasaï Oriental). Elle appuya sa décision en partant de l’évaluation de ces programmes (PATS I et II) qui avait souligné les limites des actions classiques des ONG et insisté sur la nécessité d’une réflexion globale sur le financement et le renforcement de l’approche contractuelle [Commission européenne, 2009]. Elle fut rejointe ensuite par la Banque Mondiale en 2007, ce qui porta à 189 sur 515 le nombre de ZS sous FBP en 2011 (Bertone et al, 2011). Il faut préciser à ce niveau que ces projets pilotes FBP de l'UE et de Cordaid, les plus grands de la RDC, avaient subis l'influence de la même dualité entre les modèles de contracting in (UE) et de contracting out (Cordaid) du Rwanda. A cet effet, les acteurs de la mise en œuvre de ces projets se sont opposés dans leurs modalités opérationnelles de mise en œuvre et dans le montage institutionnel (ces aspects sont développés en détail dans le chapitre 6). En effet, Cordaid est arrivé en RDC avec cette vision de contracting in tandis que le programme santé du 9ème fonds européen pour le développement (UE) avait pour agence d'exécution l'Agence Européenne pour le Développement et la santé (AEDES), la même qui avait contribué avec l'ONG HealthNet au montage de l'expérience pilote de Butare. Au cours de leur évolution, ces deux acteurs se sont influencés mutuellement mais demeurent toujours très dépendants des projets extérieurs dont ils sont issus, tant pour leur financement que pour leur mise en œuvre, plutôt que d’une réelle volonté politique (Mayaka et al, 2011).

Il ressort de ce qui précède que l'impulsion du recours au FBP en RDC comme stratégie de financement de la santé est venue des partenaires et non du gouvernement. De plus, cette première expérience, développée dans la province du Sud Kivu en 2005, s'est faite sans associer le niveau central. Ce manque de collaboration entre le projet et le niveau central explique en partie pourquoi le débat politique autour du FBP est resté déconnecté de la mémoire institutionnelle7. 7 Lors de nos discussions avec les acteurs du niveau central, leurs doutes sur le FBP étaient présentés comme étant dus au fait que les acteurs de terrain ne les associaient pas assez et ne partagaient pas suffisamment les leçons apprises. Les chapitres 4 et 5, recourant à des interviews individuelles et

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Pearang

Sotnikum

HealthNet

Cordaid

CTB

CAMBODGE RWANDA

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Contracting out

UE Cordaid

Assistance technique via AEDES

Assistance technique

Figure 1.5: Influence du modèle rwandais sur le modèle congolais

Une manière de bien assoir cette collaboration entre acteurs FBP aurait été de commencer déjà les débats au sein des cadres de concertation du niveau central (tel que le comité national de pilotage) qui inclut les partenaires, les décideurs politiques du MSP et la société civile, pour discuter et définir les grandes orientations du FBP en RDC.

Dans le même ordre d'idées, on ajoutera aussi que le FBP se développe fortement au niveau provincial, et que le débat autour de l'approche se fait uniquement à ce niveau. Mais quand il faut définir les politiques, cela se passe au niveau central. Et ceux qui doivent les définir ne sont malheureusement pas au courant de la dynamique qu'engendre le FBP dans le secteur de la santé. On comprend aussi comment dans le PNDS 2011-2015, il n'est nullement fait mention du FBP alors que les expériences de Cordaid et de l'UE existaient déjà.

anonymes, nous montrent qu’en plus de cette base informationnelle différente sur le FBP entre niveau central et opérationnel, d’autres facteurs peuvent expliquer ces tensions (des référentiels ou des préférences normatives différentes entre les acteurs de la santé sur les voies à suivre en matière de renforcement du système de santé, des conflits d’intérêts devant des logiques d’interventions différentes, des rapports de pouvoir, etc.).

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Il faut noter que depuis 2013-2014, les débats ne sont plus cloisonnés dans les cadres de concertation des projets (comité provincial de pilotage FBP) et sont ramenés au sein des cadres de concertation réglementaires (Comité national de pilotage ou commissions financement) qui ont été mis en place par le ministère de la santé.

4. Le FBP et sa théorie du changement Pour les promoteurs de l’approche, le FBP s'est en partie construit contre des défaillances des systèmes existants (défaillances par rapport au manque d’attention aux résultats, à une centralisation excessive, au mauvais alignement des incitations sur les objectifs de santé, à la négligence du secteur privé, etc.) mais aussi pour des systèmes de santé renforcés, plus redevables, plus ouverts (Meessen, Soucat & Sekabaraga, 2011). Mais toute politique publique recouvre une théorie du changement par laquelle elle se définit. La question du changement au cœur de leur approche FBP, sa tentative de traitement ou de résolution des problèmes de performance de nos systèmes de santé sera présentée selon les trois visions suivantes (Muller, 2005):

Un changement des objectifs des politiques et, plus généralement, des cadres normatifs ou des référentiels qui orientent l’action publique.

Pour les promoteurs de l'approche, il est essentiel voire crucial de mettre en exergue le rôle central des arrangements institutionnels pour mieux comprendre la dynamique d'amélioration des performances des systèmes de santé (Hamdouch et Depret, 2005; Meessen et Van Damme, 2005). En effet, ils estiment que dans le contexte de reforme de la santé des pays à faible revenu, les arrangements institutionnels ne sont pas appropriés car ils ne parviennent pas à créer un cadre qui favorise l'incitation à la performance du personnel de santé (Meessen, 2009).

Parmi les idées qui nous permettent de mieux appréhender les dimensions institutionnelles des systèmes de santé, il y a celles qui sont véhiculées par le corpus théorique de la Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI). Selon Bertone et Meessen (2012), la NEI implique notamment: (i) des arrangements institutionnels capables non seulement de coordonner des agents économiques impliqués dans la production des résultats de santé, mais aussi qui fournissent le plus grand bien-être donné en fonction des ressources disponibles; (ii) une bonne clarification de la manière dont sont répartis les droits de propriétés au sein des institutions. Des droits de propriétés clairs entrainant des orientations claires pour chaque acteur de l'organisation (comme les systèmes de santé des pays à faible revenu). (iii) une parfaite analyse de ce qui peut changer ou de ce qui a changé dans le pouvoir

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décisionnel ou dans les acquis des acteurs clés du système de santé avec cette redéfinition des droits de propriétés, pour une meilleure application et exécution de ces nouvelles institutions. (iv) le meilleur alignement des incitations sur les objectifs poursuivis; le tout étant clairement défini dans un contrat basé sur le consentement mutuel entre les parties ("théorie de l'agence") (v) la maitrise de l'interaction entre motivation intrinsèque et motivation extrinsèque. Cette dernière pouvant induire des changements de comportement suite au type d'incitations.

Une bonne compréhension de la NEI s'avère être d'une importance cruciale pour comprendre les raisons des succès et des faiblesses des réformes dans le secteur de la santé des différents pays à faible revenu. La NEI nous propose des facteurs à considérer dans les environnements institutionnels préexistants pour mieux comprendre comment réformer les systèmes de santé.

Un changement des instruments qui permettent de concrétiser et de mettre en mouvement l’action publique dans un domaine

Le financement basé sur la performance est justement l'instrument permettant d'opérationnaliser cette nouvelle vision ou ce nouveau référentiel. Il va lier le financement à des résultats prédéterminés, le paiement n’étant effectué qu’après vérification que les résultats convenus ont été effectivement atteints. Ce mécanisme peut aider à améliorer, tant du côté de l’offre que de la demande, la performance des systèmes de santé qui visent une couverture santé universelle. Dans un programme de financement basé sur les résultats, les paiements sont fonction de la quantité et de la qualité des services de santé fournis (Banque Mondiale, 2013).

Il est encadré par toute une série de mesures puisées de la NEI, à savoir: la clarification de la mission de chaque composante du système de santé et une séparation des fonctions, plus d’autonomie, plus de responsabilisation bien spécifiée dans un contrat, avec une allocation de ressources directement aux structures de santé selon la performance mesurée et l’incitation personnelle des prestataires.

Comme le montre cette figure, le FBP aborde donc aussi les questions de redistribution des rôles ou l’introduction de nouvelles règles du jeu dans l'organisation du système de santé. Il invite à la prise en compte du caractère stratégique du comportement de ces agents économiques que sont les prestataires des soins et à la mise en évidence de l’hypothèse de l’homo oeconomicus. A ce propos, si "l'agence", ou la structure qui engage des prestataires, veut maximiser son rendement, elle devra veiller à un meilleur

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alignement des incitants pour que ses prestataires puissent en échange tirer des bénéfices de ses actions.

Figure 1.6: Principes associés au FBP

Source : Bruno Meessen 2013, conférence académique IMT/Anvers

A cet effet, 10 ans après avoir été développé et théorisé par des experts africains et européens au Rwanda, ses promoteurs le considère comme une proposition structurante pour les systèmes de santé de nombreux pays pauvres, peut-être la plus aboutie depuis ces 25 dernières années, voire même un nouveau regard sur les systèmes de santé. En introduisant des incitations financières pour récompenser l’atteinte de résultats positifs pour la santé, le FBP s’inscrit dans une logique réformatrice qui insuffle une nouvelle dynamique aux prestataires, un changement de comportements et, par le fait même, une performance des organisations et des systèmes locaux de santé.

Selon ses promoteurs, il peut aider à renforcer des fonctions essentielles du système de santé, accroissant l’efficience et la responsabilité de celui-ci.

De plus, il contribue pour eux à l'atteinte des objectifs de couverture universelle en agissant sur les trois domaines suivants: (a) définition de paquets minimum et complémentaires d’activités en santé et leur prestation, (b) expansion de la couverture des services de santé à la population en général, mais particulièrement aux personnes les plus pauvres ; avec une action sur les activités préventives (c) amélioration de l’accès à des services de santé de haute qualité (Banque Mondiale, 2013).

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Pour finir, les promoteurs voient dans le FBP, avec sa logique d’achat stratégique, une stratégie de financement compatible avec d’autres telles que les mutuelles de santé, la gratuité des soins, le recouvrement des coûts.

Un changement des cadres institutionnels qui structurent l’action publique dans le domaine concerné

Le FBP nécessite que des dispositifs soient mis en place par les agents afin de permettre la coordination de leurs actions de la manière la plus optimale possible. Il se construit donc autour de certaines formes organisationnelles ou de nouvelles procédures.

A ce propos, il s’est dégagé un consensus entre les acteurs de l'approche, à savoir que : le système de santé repose sur des fonctions complémentaires et de ce fait, il doit tendre vers une plus grande spécialisation. Ce qui suppose pour eux d'attribuer les fonctions du système à des acteurs différents avec pour avantage l'amélioration de l’efficience et de la transparence dans le système, la réduction des situations potentielles de conflits d’intérêt, le limite du cumul des fonctions (au risque de voir certaines fonctions mal accomplies….), de manière à aider l’Etat à se concentrer sur d’autres fonctions pour lesquelles il a des compétences uniques mais que d'autres acteurs ne peuvent pas assumer.

Cette séparation des fonctions devra porter sur: la régulation, la vérification, le financement et la prestation.

– La fonction de régulation est assurée par le niveau central du Ministère de la santé et ses structures déconcentrées (au niveau des Provinces, Districts, …). Elle consiste à édicter des règles de la politique nationale et à garantir le respect et la conformité aux normes sanitaires. Elle supervise également la mise en œuvre du processus et participe à la vérification de la qualité des services de santé. La régulation découle des choix politiques.

– La fonction de prestation de soins est assurée par les formations sanitaires qui prestent des actes promotionnels, préventifs, curatifs (dépistage, soins, accueil), de réhabilitation ou de conseil; ainsi que des actes administratifs (gestion, reporting, etc.)

– La fonction d’achat et paiement permet de financer le prestataire pour l’effort et les ressources utilisés pour la prestation. Dans le FBP, elle est assurée par une structure indépendante (étatique, paraétatique ou privée non lucrative)

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qui canalise les fonds jusqu’aux prestataires de soins; mais on parle aussi d'achat quand l'usager paie une contribution financière pour les soins reçus.

Selon les montages, l'achat et le paiement peuvent être soit séparés soit fusionnés. Lorsque ces deux fonctions sont dissociées, l'acheteur (stratégique) sera celui qui décide des services à rémunérer, négocie/fixe les tarifs et les critères de paiement. Cette fonction est souvent attribuée à un comité de pilotage national assisté de comités provinciaux. Ce comité prend les décisions stratégiques de mise en œuvre (détermination des critères d’éligibilité des structures de santé contractées, élaboration du contenu des contrats avec la liste des prestations à subventionner, etc.), il suit la mise en œuvre du système FBP au quotidien (validation des factures trimestrielles consolidées des districts sanitaires et instruction de leur paiement, participation aux évaluations des structures de santé et des équipes cadres, etc.).

Le payeur quant à lui exécute le transfert de l’argent vers les structures de santé. Cette fonction est assurée par une agence d'achat de performance ou une agence fiduciaire.

Minisanté, autorités sanitaires provinciales et de district

Communauté (ONG), agence d’achat (vérificateurs)

Structures de santéMinifinances, bailleurs de fonds, agence d’achat

Figure 1.7: Séparation des fonctions induites par le FBP

– La fonction de vérification est spécifique pour les systèmes FBP car elle

permet de réaliser un contrôle sur l’output. En clair, elle consiste en une

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validation de données quantitatives (vérification quantitative), une vérification de l’existence des malades (vérification communautaire) et une évaluation de la qualité des services (vérification qualitative). Elle peut être assurée par l’acheteur ou par une agence contractée.

5. Le FBP en pratique: En plus des différents aspects théoriques évoqués précédemment, il est important aussi de comprendre les aspects pratiques qui sont liés à la mise en œuvre effective du FBP sur le terrain. Ces principaux aspects qui font partie de la routine quotidienne des zones de santé ou des structures de santé sous FBP, portent essentiellement sur : (i) L’identification des prestations à subventionner: lors du montage d'un programme FBP, la question de la mesure de la performance est cruciale. Cela implique qu'un ensemble de services prioritaires soit défini au préalable. La détermination de ces prestations peut se faire par-exemple sur base d'enquêtes ménages permettant d'identifier: le niveau socio-économique de la population (Revenus, dépenses santé, niveau de pauvreté, accès financier aux soins, etc.), les opinions de la population sur les PMA et PCA, les besoins ressentis mais non satisfaits de la population (= demande existante mais pas d’offre), la morbi-mortalité et la natalité, d'autres indicateurs de vie comme l’assainissement du milieu, la disponibilité de l’eau potable, l’alphabétisation, la scolarisation etc. A ces enquêtes ménages sont couplés: des enquêtes qualité des structures de santé (montrant le niveau d’atteinte des normes nationales / internationales de qualité), des entretiens et/ou enquêtes auprès du personnel des structures de santé qui s’expriment sur les problèmes de leur institution, des entretiens avec les autorités administratives et sanitaires, une revue de la littérature des différents documents sur la politique nationale. La triangulation de ces différentes sources informations permettra la formulation d'un projet FBP et ses indicateurs outputs (et qualité). Une analyse des coûts sera réalisée pour déterminer les frais associés à la prestation de ces services, autrement dit leur barème d'achat.

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Tableau 1.3: Exemple de prestations du PMA d'un centre de santé avec leurs coûts d'achat

Prestations à subventionner / mois

quantité réalisée (x)

Barème d’achat (y)

Montant à payer (x*y)

Consultation curative enfant de moins de 5 ans - $ 0,5 a

Enfants complètement vaccinés - $ 5,00 b

Accouchement assisté par infirmier qualifié - $ 10,00 c

Parturientes référées - $ 2,00 d

Consultation prénatale nouveaux cas - $ 0,20 e

Consultation prénatale standard - $ 0,20 f

Distribution de moustiquaires imprégnées - $ 2,00 g

TOTAL à payer a+b+c+d+e+f+g

(ii) La signature des contrats qui détaille des engagements réciproques et responsabilise les acteurs, l’un vers l’autre. Les contrats définissent les règles et les procédures d'allocation des ressources. L’achat des soins sera effectué après la signature de ce contrat établi entre une partie qui achète (acheteur) et une partie qui vend les soins (vendeur = prestataire). (iii) Le Paiement pour la quantité et la qualité des prestations réalisées: Les structures de santé reçoivent des fonds en fonction de la quantité et de la qualité des services qu’ils produisent. A ce propos, une évaluation mensuelle du volume des services produits par les formations sanitaires subventionnées est réalisée. Le montant total pour le volume des services est ajusté en tenant compte de l’éloignement de la structure (prime d’équité ou prime d'isolement), étant donné que les structures urbaines ou périurbaines pourraient gagner un montant disproportionné. Le montant total est également corrigé grâce à un ajustement de la qualité fondé sur une liste de contrôle administrée dans la structure de santé.

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Tableau 1.4: Exemple de calcul des subventions FBP pour un centre de santé Prestations Quantité

réalisée Coût d'achat (en $)

Montant à payer (en $)

Enfant complètement vacciné 200 5 1000

Accouchement assisté 30 10 300

Consultation curative enfant de moins de 5 ans 1.000 0,5 500

Total avant correction 1.800

Bonus d’isolement 0,5 2.700

Ajustement selon la qualité atteinte x 60% 1.620

(v) La vérification: Avant que la structure de santé ne puisse bénéficier du paiement de sa facture ou de son bordereau de prestations réalisées, une vérification quantitative doit être réalisée par des statisticiens-vérificateurs ou superviseurs médicaux d’une agence de vérification. Cette vérification administrative ou interne se fera à partir des supports ou registres de collecte des données de la structure de santé. De plus, un organisme indépendant (association locale ou organisation à base communautaire) enverra des enquêteurs aux domiciles des patients afin de vérifier leur existence et de recueillir leur satisfaction sur les services reçus tels qu'indiqués dans le registre de la structure de santé. Cette vérification communautaire se fera sur base d'un certain nombre de patients choisis de façon aléatoire dans les registres.

(vi) La gestion des subventions perçues par la structure de santé: ayant eu une meilleure appréhension du rapport entre la quantité de prestations déclarées par la structure et les prestations constatées après vérification, les fonds seront transférés sur son compte bancaire et pourront être utilisés en fonction de la clé de répartition préalablement décidée. Ils couvriront par exemple: les coûts opérationnels ou de fonctionnement de la structure, les primes de performance pour les agents de santé fondées sur des critères bien définis prenant en compte leur performance individuelle, l’épargne, les investissements, etc. Même si la structure jouit d’une autonomie substantielle dans la gestion ou l'utilisation de ses fonds, le régulateur devra veiller qu'elle tienne une comptabilité régulière.

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6. Quelques critiques autour du FBP Même si la stratégie du FBP rencontre une large adhésion d’experts et connait un engouement dans de nombreux pays depuis 2006 (voir figure 1.4), elle a aussi ses détracteurs. Ces critiques, basées pour certaines sur des jugements de faits et pour d’autres sur des jugements de valeur, méritent qu’on y accorde une attention objective car elles sont susceptibles de nous renseigner sur des incertitudes, des doutes ou des faiblesses de cette approche. A ce propos, Kalk (2011) émet quelques critiques notamment sur:

- L’'introduction d'incitations financières dans un environnement de travail caractérisé par un degré élevé d'idéalisme (le souci du bien-être des patients), pourrait diminuer la motivation intrinsèque des prestataires de soins, caractérisée notamment par une satisfaction personnelle dans l’exercice de l’art de guérir, ou par la fierté du travail bien fait.

- Les risques que des incitations financières ciblant quelques indicateurs puissent conduire à la focalisation des prestataires sur les patients venant avec des problèmes de santé dont la résolution est liée à des récompenses. Tandis que les indicateurs non-subventionnés ou non liés à des incitations, mais portant indispensables, sont négligés et voient leur qualité se détériorer.

- Les coûts de transaction importants liés à la nécessité de réaliser des vérifications sur la quantité et de la qualité des services fournis à la population. Ces coûts, selon lui, peuvent avoisiner les 50% surtout dans des contextes géographiques difficiles comme en RDC. A ce sujet, il critique aussi la charge de travail supplémentaire (surtout administrative) qu’occasionne la mise en œuvre de l’approche pour les prestataires, lors du processus de contrôle et de vérification de la quantité et de la qualité des prestations réalisées.

- Les risques que l’approche puisse influencer négativement certaines valeurs ou attitudes inhérentes à la vocation médicale telles que: la conscience professionnelle ou le professionnalisme, l'estime de soi et l'éthique médicale des prestataires de soins. Ils ajoutent à cela le sentiment de fierté face à la qualité technique des services rendus.

Pour Irland et al (2011), les principales critiques portent sur les faits suivants:

- Ces auteurs estiment qu'il n'y a pas suffisamment de données probantes qui prouvent que l'introduction d'incitations financières pour des prestataires de soins, devrait conduire à l'amélioration de leur performance et de ce fait à l'augmentation de la quantité et de la qualité des services de santé produits.

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Selon eux, la seule évaluation souvent citée en exemple (Basinga et al, 2011) était certes parvenue à isoler l'effet des incitations financières sur l'augmentation des résultats. Mais quand on sait que le FBP est une intervention agissant sur un système complexe et spécifique, qu'il vise l'amélioration du secteur de la santé en jouant sur les arrangements institutionnels, sur les mécanismes de financement et d'allocation des ressources, sur les systèmes d'information sanitaire, la planification, le suivi-évaluation; alors toute évaluation d'une telle approche devrait tenir compte, sur le plan méthodologique, du contexte (économique, social, politique), ainsi que du contenu et du processus de mise en œuvre.

- Ils relèvent les risques d'effets pervers que peuvent avoir des incitations financières sur la motivation et la performance des prestataires. Il s'agit notamment de: leur focalisation sur des prestations subventionnées au détriment des prestations non-subventionnées, les tricheries ou sur-déclarations des prestations réalisées, leur focalisation sur la quantité des services produits au détriment de la qualité. Ils ajoutent aussi des améliorations temporaires dans le niveau de résultats atteints, mais qui s'estompent dès que les subventions cessent. Selon eux, ces différents risques ou conséquences négatives possibles du FBP ne sont pas suffisamment abordés dans la littérature car la plupart des études démontrant l'efficacité de l'approche, provient essentiellement d'auteurs activement impliqués dans la mise en œuvre du FBP; ce qui constitue un biais.

- Comme Kalk (2011), ils critiquent aussi les coûts de transaction importants tout en s'interrogeant sur les avantages réels et la viabilité financière des interventions FBP. Mais ils reviennent aussi sur les coûts d'opportunité élevés avec des prestataires fortement occupés par les rapports et d'autres charges administratives liés au suivi et à l'évaluation des objectifs de performance.

- Les risques de la reproductibilité du modèle rwandais dans un autre contexte différent sont également soulevés par ces auteurs. A cet effet, ils estiment que le Rwanda remplissait les bonnes conditions pour relever efficacement, et avec succès, le défi de la mise en œuvre du FBP; ce qui n'est pas forcément le cas pour d'autres pays avec leurs propres contraintes contextuelles (qualité du leadership et de la volonté politique, qualité du système d'information sanitaire, capacité de gestion au niveau national et local pour la mise en œuvre effective, efficacité et flexibilité du système de gestion des finances publiques dans la mobilisation et le transfert des ressources, etc.).

- Ils invitent aussi les promoteurs de l'approche à prendre conscience que l'incitation à la performance des prestataires comprend un ensemble d'éléments ou de facteurs et que cela ne se limite pas seulement au paiement de primes de performance mais qui faut considérer aussi l'accroissement de l'encadrement

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des prestataires, leur supervision, leur responsabilisation, l'augmentation de leurs salaires et l'augmentation des dépenses pour la santé.

- Pour finir ces auteurs réfutent l'idée que la réforme du système de santé dans les pays à faible revenu puisse, selon eux, avoir pour fondement des interventions basées sur les résultats comme le FBP, et dictées par des considérations économiques. A ce propos, ils estiment que la qualité des soins ne peut jamais vraiment être améliorée lorsque le système de santé et ses prestataires se focalisent sur des objectifs liés à un gain financier plutôt que sur les soins centrés sur le patient et les besoins des populations qu'ils desservent. Alors que l'OMS dans son rapport de la santé dans le monde de 2008, mettait un accent important sur la réponse aux besoins et attentes de la population, comme pierre angulaire de toute réforme; ces auteurs pensent qu'une fixation d'objectifs sur des prestations à acheter pourrait créer un conflit d'intérêts entre les patients et les prestataires, et agir comme un frein à des soins centrés sur le patient.

D'autres auteurs tels que Fox et al (2012), en analysant des données qualitatives et quantitatives à différents niveaux du système de santé, dans le programme FBP de la Banque Mondiale dans la province du Katanga en RDC, n'ont pas pu établir de relation entre l'introduction de l'approche et l'amélioration de la motivation des prestataires des soins, et de ce fait de la performance des services de santé.

Ils estiment à cet effet que les programmes FBP doivent répondre à des défis considérables en termes de conception et de mise en œuvre appropriée, en fonction des contextes spécifiques; rejoignant ainsi Ireland et al (2011).

Ces auteurs ont constaté également que les primes de performance apportées par le FBP n'avaient pas de réel pouvoir incitatif sur les prestataires de la province, fortement dépendants d'autres sources de revenu (avant la mise en œuvre de cette approche) telles que le recouvrement des coûts et les salaires de l'Etat. Pour ce qui est des salaires, même s'ils étaient faibles et irréguliers, ils revêtaient une valeur particulière pour les prestataires d'abord parce qu'ils représentaient une forme plus fiable de rémunération sur le long terme et ensuite parce ce qu'ils signifiaient pour eux une reconnaissance de leur rôle d'agents de l'Etat. Ils rejoignaient donc Kalk (2011) et Unger (2013) pour ce qui est de l'importance de l'estime de soi pour les prestataires.

Ils estiment prioritaire de veiller surtout à la mécanisation et au paiement de salaire pour le personnel de santé du secteur public.

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Fox et al estiment que le programme FBP de la Banque Mondiale n'avait pas rassemblé suffisamment d'information claire sur la totalité des coûts de prestations, et de l'impact de leur prix et du volume sur les niveaux de rémunération des agents de santé. Ce qui a rendu difficile le calibrage des incitations financières pour atteindre les effets souhaités. Des effets négatifs ont été donc constatés dans ce projet du Katanga car, selon eux, avec la hauteur des primes de performance, les prestataires ne sentaient pas une rémunération conséquente par rapport à l'augmentation de la charge de travail.

Comme autres facteurs évoqués par ces auteurs pour justifier les faibles effets de l'introduction du FBP dans cette province, nous avons: la nécessité pour les prestataires de soins de bien comprendre ce que l'on attend effectivement d'eux, de bien comprendre comment ils seront évalués (grille d'évaluation pas trop complexe) et le lien de cette évaluation avec leur rémunération, de bien comprendre enfin comment ils peuvent agir ou avoir un contrôle sur les critères de performance. Ces aspects n'étant pas maitrisés, ce qu'ils affirment avoir observé dans au Katanga, cela peut expliquer les faibles résultats du FBP.

L'article de Soeters et al (2011) est beaucoup plus optimiste que celui de Fox et al (2012) en ce qui concerne les preuves du bénéfice du FBP dans un état fragile comme la RDC.

En effet, en analysant, entre 2005 et 2008, des zones de santé (ou districts sanitaires) sous FBP avec un financement de 2$USD/habitant/an, à des zones de santé contrôle sous financement extérieur d'une hauteur de 9-12$ USD/habitant/an et alloué selon une approche différente du FBP, ils ont constaté que le FBP a dans ses zones d'intervention, conduit à des améliorations rapides dans l'accès aux soins de santé et dans la qualité de ces soins; pour un niveau relativement faible de financement externe.

Devant ce que ces auteurs considèrent comme des gains importants d'efficacité et d'efficience, ils invitent les gouvernements, dans des contextes de ressources rares, à investir davantage dans ce genre d'approche.

Sans chercher à prendre position pour les personnes pour ou contre le FBP, dans les chapitres qui vont suivre, nous tenterons de montrer comment se positionner devant les tensions autour de ce débat.

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ETAPE 2: ANALYSE DE LA CONTROVERSE AUTOUR DU FBP

CHAPITRE 4: ARBITRAGE D’UNE CONTROVERSE DE POLITIQUE DE SANTE: APPLICATION AU FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Serge Mayaka Manitu, Michel Muvudi Lushimba, Jean Macq, Bruno Meessen Publié dans Santé Publique, 2015/3 Vol. 27 L'existence de tensions, perturbations et fluctuations entre les acteurs du système de santé constitue l'une des caractéristiques d'un système complexe adaptatif. Ce chapitre, partant d'une démarche délibérative structurante, tentera d'organiser un dialogue indirect entre experts critiques et partisans du FBP sur base d'une grille d'analyse, non partisane, et comportant des critères clairs et objectifs. Il relèvera ensuite les points de convergence et de divergence entre ces experts et proposera des pistes de solutions pour faire avancer la réflexion commune autour de cette approche.

1. Introduction Le champ des politiques de santé est un domaine où de nombreuses idées sont en concurrence. Pour « arbitrer » cette « compétition », des approches différentes ont progressivement émergé, mais sans toujours permettre une résolution rapide de la controverse. Une partie de la solution ne serait-elle pas de concevoir une démarche qui structurerait le dialogue entre parties en désaccord?

Nous avons testé cette idée sur le débat qui touche le Financement Basé sur la Performance (FBP), stratégie de financement en expansion rapide en Afrique subsaharienne.

Le FBP est considéré par ses promoteurs (1-3) comme un axe majeur de restructuration des systèmes de santé, avec pour fondement de lier le financement des services de santé à des résultats prédéterminés. Le paiement n’est effectué qu’après vérification de l’atteinte effective des résultats en quantité et en qualité. Mais bien plus qu’un strict provider payment mechanism, ces promoteurs le considèrent comme une révision substantielle des arrangements institutionnels

Cette étape abordera la controverse que suscite le FBP au niveau international, et tentera de structurer le débat avec des arguments plus techniques, des critères plus objectifs définis dans une grille neutre élaborée par Norman Daniels.

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structurant les systèmes de santé (1,3). Certains experts ne partagent pas cette vision (4). Ils ont critiqué le décalage entre l’engouement pour la stratégie et des données probantes encore limitées (5). D'autres ont relevé sa faible contribution aux efforts de promotion de la santé car il ne génère pas assez d'équité en matière de santé et ne cible pas la couverture totale des besoins des individus (4).

Un indicateur de la controverse est l’ensemble de réactions qu’avait suscité l’article de Meessen, Soucat et Sekabaraga (2011), mettant en avant l’ambition systémique et réformatrice du FBP (4,6). D’autres contributions, soit appuyant le FBP (7), soit appelant à plus de recherche (8,9), ont confirmé l’existence d’une controverse. Celle-ci est aussi présente dans certains pays. C’est le cas en République Démocratique du Congo (RDC) où l’institutionnalisation du FBP a longtemps peiné à rencontrer l’assentiment de tous les acteurs du secteur. Les systèmes FBP mis en place restent donc fragiles. Plus fondamentalement, le pays reste dans un entre-deux politique handicapant.

Ainsi donc, devant cette controverse qui affecte les efforts de renforcement sectoriel dans certains pays comme la RDC, une reprise du contrôle de ce débat et une synthèse constructive sont nécessaires. Sans vouloir prendre une position en faveur ou en défaveur du FBP, notre présent travail aura pour objectif d’aider à une meilleure structuration du dialogue entre les parties en désaccord. Les éléments de discussion sur le FBP étant nombreux, il sera question dans ce travail de recueillir auprès d’experts, leurs arguments, opinions, contradictions, et de les structurer autour de concepts pertinents et objectifs de santé publique.

2. Méthodes Avec cette étude, nous nous sommes assignés comme objectif d’aider à la meilleure structuration du débat autour du FBP. Les éléments de discussion relatifs à la stratégie étant nombreux, nous avons convenu qu’il nous fallait une grille ayant au moins deux attributs: d’une part être structurante et d’autre part acceptable par les différentes parties comme non partisane.

Notre choix s’est porté sur la grille développée par le philosophe politique Norman Daniels. Ses «benchmarks for fairness» («critères pour un système de santé juste»), Daniels les avait initialement dégagés pour aider à apprécier les propositions réformatrices faites sur le système de santé américain en matière d'assurance-maladie. L’idée de départ était que tous les systèmes de santé subissent des réformes du fait du bouleversement des systèmes économiques et politiques, sans qu’il n’y ait de débat sur la question de l’impact de ces dernières.

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S’il avait initialement conçu sa grille pour évaluer des réformes de santé aux Etats-Unis, Daniels l’a ultérieurement adaptée pour l’analyse du caractère juste (fairness) ou de l'équité globale des réformes de santé dans les pays en développement.

Cette adaptation a notamment reposé sur des études de cas dans différents pays (Cameroun, Equateur, Guatemala, Zambie, Thaïlande, etc.). Cela a permis de valider la capacité de sa grille à stimuler la réflexion sur des réformes et les mesures y afférentes, et surtout à aider à poser des questions de recherche adéquates permettant de dégager les éléments nécessaires d’information à la prise de décision (10, 11).

Notre postulat était que les différentes parties au débat seraient intéressées à interagir rationnellement, via notre «médiation», pour identifier leurs divergences et convergences. Dès lors, l’hypothèse était que les critères de Daniels, par leur assise théorique et leur origine exogène à la controverse, allaient permettre d’établir une discussion moins chargée émotionnellement. Tester l’utilité de cette grille pour structurer un débat en politique de santé est donc bien un second objectif de cette recherche.

Il est important de noter que notre objectif ici n’est pas d’évaluer le FBP avec cette grille. En effet, la seule information rapportée dans notre section de résultats est celle provenant des répondants. A cet égard, nous sommes dépendants de leurs propres connaissances et points d’attention.

Tableau 2.1 : résumé des critères de la grille de Daniels

THE NINE MAIN BENCHMARKS OF FAIRNESS AND THEIR CORRESPONDING KEY OBJECTIVE OF FAIRNESS

Benchmark Objective of fairness B 1 Intersectoral public health Equity B 2 Financial barriers to equitable access B 3 Non-financial barriers to access B 4 Comprehensiveness of benefits and tiering B 5 Equitable financing B 6 Efficacy, efficiency and quality improvement Efficiency B 7 Administration efficiency B 8 Democratic accountability and empowerment Accountability B 9 Patient and provider autonomy

Source: Daniels et al, bulletin OMS, 2000

Les critères de la grille, à transposer à la problématique du FBP, sont formulés comme suit:

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1. Approche intersectorielle de la santé publique (C1): Avec ce critère, il s’agit de voir si la réforme prend en compte tous les déterminants sociaux de la santé ou facteurs de risque, survenant «en amont» des services de santé et susceptibles d’influencer la santé de la population. Il apprécie aussi les effets de la réforme dans la réduction des inégalités en santé et sa capacité d’induire des efforts intersectoriels.

2. Obstacles financiers à un accès équitable (C2): Ce critère permet d’apprécier si les services de santé les plus importants sont financièrement accessibles et si les efforts fournis avec cette réforme peuvent faire passer la population du secteur informel, peu réglementé et peu équitable, vers un secteur formel mieux adapté.

3. Obstacles non financiers à l’accès (C3) Ce critère apprécie si la reforme permet de remédier aux obstacles non financiers à l’accès aux services de santé (géographiques, culturels, sexo-spécifiques, discriminatoires selon la race, la religion, la classe sociale, l’orientation sexuelle, la maladie, y compris la stigmatisation des groupes recevant des soins de l’Etat).

4. Degré de complétude des prestations et degré de catégorisation (C4) Avec ce critère, on apprécie si tous les services efficaces et nécessaires sont abordables et fournis par tous les dispensateurs nécessaires, à tous les individus, indépendamment de leur classe sociale, ethnie ou sexe. Mais aussi si la réforme réduit la catégorisation et permet d’obtenir une couverture et une qualité plus uniformes tout en intégrant les services dispensés aux plus pauvres et aux autres.

5. Financement équitable (C5) Avec ce critère, il s’agit de voir si la réforme tient suffisamment compte de la capacité financière des usagers et si elle ne laisse pas trop de charge sur eux.

6. Efficacité, efficience et qualité des soins (C6) Ce critère apprécie si la réforme vise réellement une amélioration des soins de santé primaires (SSP), si sa mise en œuvre est fondée sur des données factuelles (gestion de l’information sanitaire et d’une base de données, activités de recherche, etc.) et, enfin, si elle met suffisamment l’accent sur l’amélioration de la qualité des soins.

7. Efficacité administrative (C7) Avec ce critère, on apprécie le degré de rigueur et de transparence de la réforme, pour garantir plus d’efficacité dans la gestion du système de santé, à travers une réduction des frais généraux administratifs et des autres couts, une réduction des abus, fraudes ou autres incitations inappropriées ainsi qu'une efficacité dans les achats.

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8. Transparence et habilitation (C 8) Ce critère doit apprécier si la réforme permet à ses bénéficiaires d’être en mesure de comprendre et de maitriser le système. Cette transparence suppose des comptes à rendre pour la pertinence des décisions prises et la répartition des ressources, des procédures explicites et publiques détaillées, un budget d’ensemble.

9. Autonomie du malade et du dispensateur de soins (C9) Pour ce critère enfin, il s’agit d’apprécier l’importance accordée à la liberté de choix des patients pour leurs prestataires et des prestataires pour les solutions adaptées aux problèmes de santé de leurs malades.

Tableau 2.2 : Profil des experts interviewés durant l’étude

PROFIL DES RÉPONDANTS CRITIQUES PARTISANS Académiques

a. du Nord 7 2 b. du Sud 1

Assistants techniques internationaux a. du Nord 2 6 b. du Sud

Cadres du ministère a. du Nord b. du Sud 4 1

Bailleurs (agences de coopération bilatérale ou multilatérale, ONG internationales)

a. du Nord 4 5 b. du Sud 1 2

Assistants techniques nationaux a. du Nord b. du Sud 4

Prestataires a. du Nord b. du Sud 1 2

TOTAL 20 22 Application itérative de la grille

Nos répondants (ayant permis l’atteinte du seuil de saturation) ont été sélectionnés sur base de leur connaissance des enjeux du FBP (11 d’entre eux avaient déjà écrit des articles pour ou contre le FBP dans une revue internationale ou un blog), leur implication dans la controverse, leur degré d’implication dans la politique nationale

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sanitaire de la RDC et leur connaissance de l’évolution des politiques internationales de financement de la santé.

La collecte de données a été réalisée en quatre étapes entre octobre 2012 et février 2013:

1) Un guide d’entretien a été utilisé pour réaliser des entrevues avec des experts critiques du FBP. Ils ont pu avancer leurs critiques, leurs craintes et donner leurs arguments.

2) Une synthèse des arguments recueillis a été réalisée, ensuite validée par tous les opposants qui ont marqué leur accord sur la qualité de la retranscription de leurs propos.

3) Cette synthèse a ensuite été présentée à tous les défenseurs du FBP pour qu’ils apprécient les critiques des «opposants» du FBP.

4) La dernière synthèse qui a été faite par la suite a dégagé les points sujets à des controverses ou à des consensus.

Traitement et analyse des données

Après ces interviews (98 heures au total), les données collectées ont été ensuite retranscrites. On devait s’assurer, par des retours auprès des interviewés, que les informations fournies étaient claires et compréhensibles; mais aussi qu’elles se rapprochaient d’une question spécifique du cadre de Daniels, la passion affichée par nos répondants les faisant souvent dévier de notre propre objectif.

L’analyse de ces données qualitatives, avec le logiciel N-VIVO, a permis: la sélection de segments dans les documents primaires de transcriptions, et leur regroupement selon les thématiques sectorielles les plus reprises par les interviewés. Compte tenu de notre objectif centré sur le canevas de Daniels, nous avons synthétisé les nombreuses réponses qui se répétaient. Cela a permis de réduire considérablement la taille des textes, et de ne faire ressortir que les grandes tendances de cette controverse.

Après cette synthèse, nous avons procédé par une sélection et une codification des citations des experts, utiles à l’analyse stratégique.

L'indexation par codes devait permettre de retrouver rapidement l'auteur de la citation et de savoir avec précision à quel groupe d’experts interrogés le répondant appartenait (Acad.= académique, ATI= assistant technique international, ATN= assistant technique national, Presta.= Prestataire de soins, CaMPS= Cadre du ministère de la santé publique, Baill.=Bailleur de fonds).

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Exemple : G1.Acad1= répondant du groupe 1 (groupe 1 ou groupe des personnes critiques, par opposition au groupe 2 représentant les personnes en faveur du FBP), dans la catégorie des académiques.

3. Résultats Partant des critères de Daniels, les principales critiques autour du FBP ont été résumées et confrontées aux arguments des partisans. Cette section reprend, de manière synthétique et neutre, les principales idées convergentes et divergentes qui se sont dégagées de nos entretiens.

Critère 1 : Approche intersectorielle de la santé publique

FBP et déterminants sociaux de la santé

Sur cet aspect, partisans et opposants sont d’accord. La stratégie ne s’attaque pas aux déterminants sociaux survenant en amont des services de santé.

"...Le FBP est très partiel en termes d’approche sur la santé...il ne cible que quelques prestations et non les déterminants de la santé qui ont une dimension plus large..." (G1. CaMPS.3)

Si les partisans rappellent que la stratégie ne peut pas résoudre tous les problèmes, ils reconnaissent qu’elle peut s’améliorer. Mais si, parmi eux, certains demeurent modestes, d’autres sont assez maximalistes quant à ce que le FBP peut réaliser. Certains enfin relèvent que cette critique de désintérêt pour les déterminants sociaux vaut pour toutes les stratégies de financement, y compris celles promues par les opposants. (G2. Acad. 1, G2.Baill.4)

FBP et la réduction des inégalités en matière de santé

Sur ce point, on observe également un relatif consensus. Les opposants expriment un doute sur la capacité du FBP à réduire ces inégalités car les indigents demeurent toujours marginalisés. Les partisans partagent cette préoccupation d’équité en santé, et reconnaissent cette limite du FBP. Ils notent toutefois qu’une partie des inégalités ont des fondements autres que les problèmes auxquels le FBP s’attaque. Pour eux, le FBP n’est pas une panacée et demeure perfectible. Et donc ses limites pourraient être comblées par d’autres approches.

"...le FBP n'est qu'un outil qui peut travailler en synergie avec d’autres outils afin de concourir à la réduction des inégalités en santé..."(G2.CaMPS.1)

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Critère 2 : Obstacles financiers à un accès équitable

A nouveau, un consensus entre experts existe sur ce point. Les opposants estiment que le FBP est centré sur l’offre de soins, avec une action sur la tarification mais pas sur les autres coûts indirects de santé; d’où la persistance de l’inaccessibilité aux soins surtout pour les indigents.

"… le FBP ne résout pas le problème d’inaccessibilité aux soins de santé comme le ferait l’assurance maladie. Les soins demeurent encore chers pour les indigents..."(G1. Presta.1)

Pour les partisans, le FBP ne peut agir seul sur les facteurs d’exclusion aux soins; il doit être associé avec d’autres mécanismes de réduction des barrières financières, comme au Rwanda (les mutuelles) ou au Burundi (politique de gratuité). Ceci dit, le FBP offre par contre un canal pour mettre en place des fonctions d’achat stratégique (strategic - purchasing) susceptibles, à termes, de se donner des objectifs explicites de ciblage des plus pauvres.

"...Il faut le coupler avec la gratuité des soins, les mutuelles de santé, l’assurance maladie, les fonds d’équité et c’est alors que cela peut marcher, sinon c’est nul…"(G2.ATI.6)

Critère 3 : Obstacles non financiers à l’accès

Sur ce point, les répondants sont relativement d’accord. Les opposants relèvent l’incapacité du FBP à réduire, seul, ces obstacles qui relèvent d'un financement «d’inputs».

"… Comment le FBP qui ne va financer qu’une vingtaine d’indicateurs, peut, par on ne sait quelle chaine causale, diminuer les distances géographiques, amener des moyens de transport..." (G1. ATI.1)

Pour les partisans, il est pertinent que les Etats conservent des budgets d’investissement parallèles pour développer l’offre des soins. Pour certains d’entre eux, le FBP s’attaque indirectement à ces obstacles car, en créant des incitants, le personnel développe des stratégies pour atteindre les populations. (G2.ATN.3, G2.ATN.4)

"… Le FBP est un instrument de paiement des prestataires, qui ne remplace pas tous les instruments de pilotage d’un système de santé..."(G2.ATI.6)

Il est à noter que les répondants des deux groupes ont par contre peu discuté des autres barrières à l’accès (culture, genre…).

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Critère 4 : Degré de complétude des prestations et degré de catégorisation

On constate qu’il n’y a pas de consensus sur ce point. Le fait que le FBP se focalise sur des activités mesurables est perçu comme une faiblesse conceptuelle: des dimensions importantes et pertinentes, mais difficiles à mesurer, ne peuvent être considérées par la stratégie. Mais cela n’est pas nécessairement perçu par les opposants comme une raison de rejet.

"… Avec le FBP, le danger potentiel est que l’on cible les efforts sur une liste des prestations qui vont rapporter de l’argent, et les autres sont négligées car elles ne sont pas rémunérées..."(G1.Acad.6)

Les partisans ne contestent pas que certaines prestations puissent être négligées. Ils insistent sur le fait que le FBP intervient dans un contexte de ressources rares qui exige de se concentrer sur les activités prioritaires et efficaces. Ils rappellent que le FBP s’intègre dans un écheveau de mécanismes pouvant atténuer certains de ses effets pervers.

"...Le FBP est une solution dans un ensemble plus vaste. Ce problème qui est dans le système, pourra être réglé en partie par d’autres stratégies…"(G2.Baill.4)

Certains partisans font l’hypothèse que les activités négligées, par effet d’entrainement, bénéficieront indirectement de la même attention des prestataires devenus plus performants grâce au FBP (G2.ATN.3, G2.ATN.4). En l’absence de données probantes, les opposants expriment des doutes à ce sujet.

Critère 5 : Financement équitable

Ce critère fait aussi l’objet de désaccord. Les opposants déplorent que la capacité à payer des ménages soit peu prise en compte dans la conception des régimes FBP.

"… Le FBP n’a rien à voir avec le financement de la demande mais plutôt avec le financement de l’offre. Cela est plus du ressort de certaines approches telles que les mutuelles de santé ou l'abolition des coûts des soins..."(G1.Acad.5)

Les partisans ne pensent pas que ce soit au FBP de résoudre tous les problèmes individuels d’équité, ni même de financer la totalité des coûts de soins. Toutefois, certains ont rappelé qu’une des bonnes pratiques au démarrage des projets FBP est la conduite d’enquêtes et d’analyses de coût, justement pour capter et intégrer ce genre d’informations lors du montage. (G2.CaMSP.1)

"...le démarrage des projets FBP inclut des enquêtes ménages qui collectent ce genre d'informations, les opposants devraient mieux s'informer..."(G2.Baill.4)

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Critère 6 : Efficacité, efficience et qualité des soins

Existence de circuits parallèles de gestion de l’information sanitaire dans le FBP

Il y a un accord relatif sur ce point. Les opposants critiquent la mise en place d’un système d’information sanitaire (SIS) propre au FBP.

On remarque, chez les partisans, un désir de contribuer au renforcement du système et de s'aligner sur les stratégies et procédures des pays. Plusieurs estiment que le FBP est perfectible pour sa synergie avec les SIS, mais un expert a aussi invité les détracteurs à «balayer devant leur porte» (G2.Acad.1). En effet, les défaillances chroniques des SIS découlent aussi des arrangements institutionnels inadéquats auxquels s’attaque le FBP.

Place des données probantes dans le FBP (activités de recherche, gestion des données, etc.)

Un consensus relatif est aussi relevé sur ce point. Les opposants ont observé que plusieurs expériences FBP ont été documentées par des experts qui promeuvent la stratégie. Il y a consensus sur le fait qu’il serait préférable que l’évaluation soit confiée à des équipes de recherche neutres et indépendantes faisant usage de méthodologies plus rigoureuses.

Le FBP et la qualité des soins

Un accord a été relevé sur ce critère. Selon les opposants, le choix des indicateurs n’est ni orienté vers une qualité clinique ou technique des actes ni axé sur le respect des protocoles thérapeutiques et encore moins sur la qualité relationnelle. Les indicateurs de qualité repris dans les systèmes FBP n’intègrent pas le caractère biopsychosocial d’une consultation ou de soins centrés sur le patient.

"...on ne peut pas contrôler le qualitatif a postériori...l’accent qui est mis sur la qualité des soins dans le FBP ne devrait pas être limité non plus à un simple contrôle sur papier..."(G1.Acad.1)

Plusieurs partisans ont concédé que la mesure de la qualité est un défi. Ils reconnaissent la nécessité d’intégrer, en plus des aspects liés à la performance technique, aux compétences professionnelles, à l’innocuité ou à l’environnement, les dimensions relatives aux relations interpersonnelles (courtoisie, empathie, etc.).

"…Reconnaissons que le FBP a permis d’améliorer certains aspects de la qualité, tels que l’hygiène, la propreté,...Certes, il y a encore beaucoup de travail et d’efforts à fournir..."(G2.ATN.1)

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Prise en compte des pré-requis de qualité des soins des structures ciblées

Sur ce critère, particulièrement débattu en RDC, il y a désaccord entre experts. En effet, les opposants estiment nécessaire de relever au préalable le niveau des structures de santé avant d’acheter leurs résultats.

"...On devrait d’abord commencer par garantir tous les coûts d'investissement (infrastructures, équipement, matériel, etc.) soutenant le processus conduisant à l’atteinte des résultats...Sinon on achètera des prestations de mauvaise qualité..." (G1.CaMSP.4)

Les partisans, par contre, pensent que contractualiser uniquement avec les structures déjà bien équipées n’est pas souhaitable. Il faut concevoir, concomitamment, des programmes FBP et d’amélioration de la qualité, mais indépendants les uns des autres. Le FBP s’inscrit dans une vision misant sur la capacité d’initiative et d’efforts des structures.

"...On garde toujours cette vision top-down du modèle classique du district sanitaire où l’on suppose que des ONG internationales ou le gouvernement apporteraient ces pré-requis. Il faut que cette dynamique soit bottom-up: c’est la plus grande force du FBP…"(G2.Acad.1).

FBP et altération de la qualité du dialogue entre prestataires et population :

Sur ce point, un désaccord a également été relevé. Selon les opposants, la logique de promotion de la santé n'est possible qu'en cas de dialogue entre communauté et prestataire. Mais les vérifications communautaires organisées dans le FBP, au cours desquelles le patient contribue au contrôle du prestataire, ne sont pas favorables à ce dialogue.

Pour les partisans, la mise en œuvre d’un système d’incitation à la performance doit être encadrée par des mécanismes de contrôle et d’évaluation. Les audits, inspections et contrôles sont utiles pour suivre l'application et le respect des normes de qualité. Cela est pratiqué aussi par les assurances-maladies dans les pays riches, sans que cela ne pose de problèmes. Un expert a même qualifié cette logique de promotion de la santé comme faisant partie «des visions théoriques et fantasmées» des adversaires du FBP qu’ils peinent eux-mêmes à réaliser. (G2.Acad.1).

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Critère 7 : Efficacité administrative

Le FBP et la problématique des coûts de transaction

On note sur ce point une préoccupation commune. En effet, des coûts de transaction parfois énormes sont encourus par les Etats suite à un degré élevé de fragmentation de l’aide, avec un volume excessif de petits projets, dû au manque de cohérence d’interventions des partenaires. Il faut un réel engagement mutuel des gouvernements et de leurs partenaires pour réduire ces coûts.

"...si tous les bailleurs s’harmonisent autour de cet instrument de financement et injectent plus d’argent, cela va permettre de réduire ces coûts de transaction qui sont des coûts fixes..."(G2.ATI.7)

Pour les défenseurs de l’approche FBP, la problématique des coûts de transaction, occasionnés surtout par la vérification, ne doit pas conduire au rejet de l’approche, mais plutôt faire l’objet de recherche opérationnelle afin de déterminer la façon la plus efficiente de procéder à cette vérification qui, au stade actuel, apporte une garantie de qualité des données du SIS.

Ils mettent en exergue que la rémunération des associations locales, à qui est confiée une partie de la vérification, correspond à une injection de fonds dans l’économie locale.

Le FBP et ses effets pervers

Il y a accord sur le fait que l’approche est sujette à des risques de sur-déclarations, de surmédicalisation d’actes; mais aussi de falsification des données.

"…Parmi les effets pervers dus au FBP, nous notons une focalisation sur ce qui rapporte ou une vision très économique de la santé: ce qui est très choquant par rapport à notre éducation de la santé..."(G1.Acad.3)

Pour gérer ces risques, les partisans rappellent que le système d’incitations mis en place doit être réaliste et applicable dans le contexte. La non-réalisation des différentes clauses des contrats de performance et le manque d’exigence mutuelle entre parties impliquées peuvent engendrer une démoralisation ou démotivation des prestataires, expliquant ces pratiques inappropriées.

Création de structures parallèles au système de santé et problèmes d’appropriation

On ne note pas d’accord sur ce point. Des critiques estiment aberrant de parler d’amélioration de l’efficacité administrative du système avec le FBP car il n’y a pas de renforcement intrinsèque du prestataire public mais plutôt une mise en place de

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structures parallèles, faisant preuve de bonne gouvernance, certes, mais sans impact sur l’ensemble du système. (G1. Baill.3 et 4)

Pour les partisans, les critiques se trompent quand ils croient que la clé de la performance du système de santé passe par une concentration des fonctions sous une seule autorité. Pour eux, la performance d’un système passera au contraire, par l’acceptation de la décentralisation et de la séparation des fonctions. Cela implique la création de structures non pas «parallèles» mais extérieures et l'intervention de nouveaux acteurs suffisamment distincts pour créer des contre-pouvoirs. Ils contestent aussi l’analyse selon laquelle le FBP est une stratégie importée: en Afrique, le FBP n’est pas mis en œuvre par des occidentaux mais par des experts africains. (G2. Baill.2 et ATI.7)

Critère 8 : Transparence et habilitation

Compréhension et maitrise du processus de la réforme par les bénéficiaires

Sur ce critère, on constate un désaccord. En effet, pour les opposants, il y a dans le FBP une focalisation sur une «commercialisation des soins» et non sur la santé.

"...Il faut que les gens comprennent comment la structure de santé pourra avoir un rôle de promotion de la santé et le FBP, hormis sa logique marchande, n’aide pas à comprendre cela plus qu’autre chose…"(G1.ATI.1)

Pour les partisans, le FBP est un mode de financement et donc il est clair que les explications entourant sa mise en œuvre portent sur la manière dont on sera financé. Mais les séances de formation, lors du démarrage des projets, mettent l’accent sur les liens entre mode de financement et amélioration de la quantité et de la qualité des soins.

"… C’est vrai que les prestataires ne maitrisent que la partie comptable du FBP mais cela ne dénature pas fondamentalement la relation médecin-malade, et n’empêche pas le régulateur d’avoir une vision de santé publique..." (G2.ATI.4)

Critère 9 : Autonomie du malade et du dispensateur de soins

Sur ce point, un consensus relatif a été relevé. En effet, les répondants estiment que l'insuffisance du nombre de structures de santé et les difficultés géographiques ne concourent pas à une autonomie des patients dans le choix de leurs prestataires.

"...Il n’y a pas d’alternatives pour les patients... on ne peut pas faire beaucoup de choix à la campagne car l’offre des soins est réduite; cela n’est possible qu’en ville…"(G1.Acad.4)

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Un respect des aires de responsabilité et de couverture des structures serait préférable pour garantir une relation de confiance entre le patient et son prestataire, un respect de la continuité des soins. Un nombre non négligeable de partisans estime par contre cette autonomie des patients cruciale pour le FBP car, pour attirer et fidéliser les patients, les structures fourniront plus d’efforts d’amélioration de la qualité des soins. (G2.ATN.4)

Les deux camps reconnaissent aussi que l’autonomie des prestataires devrait les aider à fixer leurs priorités et à résoudre leurs problèmes locaux, sans exclure des mesures d'accompagnement pour éviter d'éventuelles déviances.

"…Accroitre l’autonomie des prestataires va dans le sens d’une meilleure efficacité des systèmes de santé. Toute délégation de pouvoir à la périphérie doit être accompagnée en parallèle de régulation ou tutelle technique par l’Etat..."(G2.Baill.3)

Les deux camps sont plus partagés quant au libre choix des prestataires dans l’approvisionnement en médicaments. Pour certains partisans, le monopole accordé aux centrales de distribution de médicaments «a montré ses limites». Selon eux, il faut dès lors accorder aux structures la liberté de recourir à d’autres dépôts pharmaceutiques, tout en garantissant la qualité des médicaments. (G2.Baill.1)

Résumé des jugements sur le FBP et pistes d’action pour réduire la controverse

Les jugements des opposants et des partisans ont été appréciés critère par critère: des signes + ou -, ont été utilisés à titre indicatif. De plus, une analyse des points convergents ou divergents a été faite, avec des propositions de pistes d’action pour évacuer les malentendus.

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Tableau 2.3 : Synthèse de l’appréciation du FBP par les experts interviewés

Critères Jugements sur le FBP par les opposants

Jugements sur le FBP par les partisans

Analyse Accord/ Désaccord

Pistes d’action pour réduire les tensions

C 1 -- -- Consensus fort

Critère hors champ du FBP mais possibilité d’élargissement aux déterminants non médicaux

C 2 -- -- Consensus fort

Malentendus sur les prétentions du FBP mais réflexions à mener sur le strategic purchasing et sa complémentarité avec d’autres approches

C 3 - -/+ Consensus relatif

Reconnaissance des limites de la stratégie mais renforcement des instruments de pilotage d’un système de santé

C 4 -- ++ Désaccord Malentendus à évacuer par des données probantes

C 5 -- ++ Désaccord Malentendus dus au déficit informationnel. Mais nécessité d’une amélioration des montages

C 6 --- +++ Accord/ Désaccord

Forte polarisation de la controverse. Actions à mener sur le design de l’évaluation de la qualité et des recherches pour plus de preuves scientifiques

C 7 - + Désaccord Actions possibles à mener sur les effets pervers, les coûts de transaction et la gouvernance

C 8 - + Désaccord Malentendu lié au déficit informationnel à corriger

C 9 - - Consensus mitigé

Malentendus à réduire avec plus de données probantes sur l’autonomie

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Autres arguments recueillis :

De nombreux arguments, recueillis lors des interviews, et utiles à notre débat, n’ont pas pu être classés parmi les critères initiaux du cadre, mais nous avons tenu à les évoquer. Ils ont été regroupés en trois grandes rubriques à savoir:

Les tensions autour du diagnostic initial

Les opposants estiment erroné d'affirmer que l'approche de financement classique ait échoué. Selon eux, quand on renforce la régulation et qu'on assure une dotation en équipements, une logistique médicamenteuse et de consommables correcte avec un suivi des prestations en quantité et en qualité, on parvient aussi à de bons résultats. Les succès du projet Kasongo avaient d'ailleurs été évoqués (11). Les partisans, en majorité, estiment que cette tension n'a pas lieu d'être car les deux approches sont complémentaires. Ils proposent d'élever le débat en analysant les arrangements institutionnels actuels, inadéquats, et de proposer un alignement satisfaisant des incitants sur nos objectifs de santé publique.

Les tensions autour des fondements normatifs ou des valeurs

Selon les opposants, il faudrait promouvoir des approches qui mettent en avant les propres valeurs des prestataires en tant qu’êtres humains responsables, autonomes et fiers d’eux-mêmes et donc ayant une estime de soi. Mais pour eux, avec le FBP, il y a une diminution d’estime et de confiance aux prestataires mis sous la pression permanente du contrôle, réalisé d'ailleurs par les usagers. Ils l’estiment "infantilisant" car mettant en avant la motivation extrinsèque au détriment de la motivation intrinsèque et pensent que le FBP va à l’encontre de "l’éthique hippocratique" par son induction de mécanismes de maximisation des profits.

Les partisans les appellent à ne pas extrapoler leurs propres valeurs pour expliquer les actions d’autres individus. Ils les invitent à reconnaitre que les prestataires ne sont pas si altruistes purs qu’on ne le pense, qu'ils n'ont ni le même alignement incitatif ni le même alignement de valeurs. Certes, il y a nécessité de développer les aspects de motivation extrinsèque, de créativité, mais même le système actuel ne le fait pas.

Les tensions autour des solutions alternatives

Pour les opposants, une gestion adéquate des ressources humaines à travers des salaires, l’encadrement, la supervision, les perspectives de carrière, les sanctions, l’impartialité des nominations, la formation de base, la déontologie professionnelle, produirait de meilleurs résultats que le FBP et serait plus valorisante.

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Les partisans y répondent en les invitant à l’autocritique de leur propre cadre analytique et leur demandent d'éviter de développer un système partant de leurs motivations personnelles et de leurs expériences passées. Selon eux, il ne faut pas voir le FBP comme une nouvelle politique, encore moins le réduire à l’octroi d’une prime, mais le considérer comme un outil de financement structurel, une solution qui oblige à regarder les arrangements institutionnels, les incitants que cela produit et leur alignement sur les objectifs de santé.

4. Discussion Avec cette étude, nous poursuivions l’objectif d’aider à la meilleure structuration du débat sur le FBP autour de concepts plus pertinents et d'objectifs de santé publique.

Dans cette discussion, nous analyserons comment, en dépit des désaccords entre experts, des convergences existent aussi entre eux. Des pistes de solutions seront proposées pour faire avancer la réflexion commune autour de cette approche.

Points de consensus Nos entretiens nous ont permis d'identifier des points de consensus sur les relatives faiblesses du FBP (voir critères C1, C2, C3 et C9 du tableau 1). A priori, sauf nouveau développement, ce n’est pas au niveau de ces quatre critères que la controverse devrait se porter. Par contre, ce constat fait en commun pourrait amener les partisans à enrichir leur stratégie (C3) ou à opter pour un discours plus modeste (C9).

A cet effet, les partisans reconnaissent que le FBP s’est toujours focalisé sur la prestation des soins préventifs et curatifs, ainsi que sur le renforcement du district mais très peu sur les déterminants sociaux (C1). La critique est intéressante car, tout en portant sur un aspect négligé, elle pousse à faire mieux, sans invalider le FBP.

Un consensus s’est dessiné autour de la considération du FBP comme un levier et une stratégie complémentaire à d’autres stratégies focalisées sur l’amélioration de l’accessibilité financière aux soins (C2). Dans le même ordre d’idées, si le FBP est considéré comme une solution dans un ensemble plus vaste, il n’aura pas à résoudre tous les problèmes qui peuvent être abordés en partie par d’autres stratégies (C3).

De telles dispositions des partisans et opposants devant ces critères seraient des facteurs favorables à la réduction de la controverse.

Le lecteur attentif aura noté que notre étude n'a pas rapporté beaucoup de points de consensus sur les forces du FBP. Cela est sans doute dû au fait que notre cycle de dialogues a commencé par la consultation des opposants. Par endroit, les

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adversaires ont suggéré des améliorations éventuelles, ce qui peut sous-entendre un soutien partiel, mais guère plus.

Deux explications sont possibles sur cet état de fait. Soit tous portés à la charge contre le FBP, les opposants ont oublié de mentionner leurs points d’approbation, soit ils n’en ont vraiment aucun.

Cela explique aussi sans doute pourquoi les partisans se sont retrouvés à surtout parler des limites de la stratégie. Lors de nos interviews, nous avons noté qu’ils n’étaient guère incommodés à parler de ces limites qui sont, pour eux, des motifs d’amélioration ou de combinaison avec d’autres stratégies, et non d’abandon de la stratégie.

Points de divergences Nos entretiens nous ont permis aussi d’identifier des points de désaccord (critères C4, C5, C6, C7 et C8), à interpréter souvent comme étant des malentendus sur les prétentions accordées au FBP. La tension est attisée lorsque les opposants voient le FBP comme un outil de financement parmi tant d’autres, tandis que les partisans ont une vision plus systémique. Ces désaccords sont liés aussi à une absence de preuves suffisantes ou à un déficit informationnel (sur le FBP) entre experts, déficit pouvant être atténué en résolvant ce problème cognitif (10, 12).

Certaines critiques formulées contre le FBP relèvent plus d’appréhensions face à des risques (effets pervers, évaluation subjective de la qualité des soins, etc.) que de problèmes prouvés. Cela indique aussi un pas à faire par les opposants: ne pas rejeter en bloc, mais promouvoir l’amélioration de la qualité du dispositif de mise en œuvre. On constate aussi que les opposants ont parfois tendance à formuler des critiques sur base de visions théoriques, idéales, pas toujours étayées par des preuves scientifiques. Les partisans leur rappellent alors qu’ils tardent eux-mêmes à concrétiser ces visions idéalistes. Ils peuvent aussi reprocher aux opposants de ne pas avoir fait un bilan critique de leurs approches antérieures. On peut deviner que si seul le FBP est soumis à la critique, il sera difficile de trouver une synthèse.

Autres points de discussion Si la grille de Daniels semble rendre un vrai service pour structurer ce débat, peut-on pour autant dire qu’elle aurait ainsi été validée pour ce type d’usage? Nous n’en sommes pas certains. Lors de la conduite de nos interviews, il s’est avéré que des arguments recueillis, également nécessaires pour nourrir le débat, ne pouvaient pas être pris en compte car non associés à des critères de la grille. Notre analyse est que la grille de Daniels est préoccupée par les résultats des politiques («outcomes»), les objectifs de santé publique, alors que les désaccords peuvent porter davantage sur les mécanismes pour les atteindre, les hypothèses sous-jacentes ou des valeurs.

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Il est important de noter que cette grille a été détournée de son usage premier car Daniels l’avait initialement conçu pour apprécier des propositions de réforme sur le plan de l’équité. Avec le FBP, nous touchons d’autres aspects du système de santé. Pour ceux qui, comme nous, souhaiteraient utiliser cette grille pour structurer des controverses, une piste d’amélioration possible serait justement la prise en compte de ces arguments non associés aux critères.

Pistes de solutions pour un meilleur débat Au début de cet article, nous avons souligné que les controverses peuvent être nocives par le fait qu’elles bloquent les politiques. Structurer le débat sur le FBP est la responsabilité des différentes parties, surtout que ce sont les populations qui seront les premières bénéficiaires de systèmes de santé renforcés.

Ainsi, ayant constaté que certains points de clivage entre experts sont résorbables, nous proposons quatre pistes de solutions pouvant faire avancer la réflexion commune:

(i) La production d’informations et de preuves fiables sur le FBP (C4, C6, C9). Cela implique davantage de recherches sur les effets systémiques de l’approche et son action dans différents contextes (13), en accordant une plus grande attention aux points de désaccord. Cela pourra combler les trous de connaissances afin d’éviter ces processus spéculatifs divergents (12). Mais le risque est que certains partisans ou critiques résistent aux preuves ou contestent les conclusions d’une étude rigoureuse, si elle ne donne pas de résultats en faveur de leur système de croyances. Si la controverse ne prend pas fin, même si les questions scientifiques de départ sont résolues (14-16), la recherche d'une explication sociale dans les prises de position des experts sera nécessaire (10). Elle pourrait révéler que les blocages ont d’autres raisons sous-jacentes (intérêts contraires, éléments sociologiques…). Cela constitue une piste de recherche à explorer ultérieurement.

(ii) La réduction du déficit d’informations entre experts devant avoir le même niveau de compréhension des dimensions du FBP (C5, C6, C8). Cela devrait se faire des deux côtés de la discussion. D'une part, les opposants devraient aller voir sur le terrain les expériences existantes et discuter avec les acteurs de première ligne. Cela leur permettrait de découvrir alors des aspects qu’ils ignoraient, voire même une complémentarité avec leurs idées. De plus, ils pourront à l’occasion apporter aux praticiens leur savoir, leurs questions et leurs propositions. D’autre part, il est de la responsabilité des tenants du FBP de convertir au maximum leurs savoirs expérientiels en savoirs explicites, en décrivant leurs expériences dans des documents écrits. Ils doivent fournir l’effort de comprendre la base informationnelle «adverse», leurs référentiels ou systèmes de croyances (14).

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(iii) Réfléchir sur les faiblesses communes des propositions des opposants et des partisans et sur leurs préoccupations communes en faveur des populations (C3, C7). Les experts sont appelés à travailler ensemble sur ces points. Selon notre analyse, la controverse serait peut-être atténuée si, de leur côté, les opposants pouvaient formuler des recommandations sur les améliorations à apporter. Concomitamment, il faudrait que les partisans prennent du recul pour relever les limites du FBP, et surtout l’influence des facteurs contextuels.

(iv) Amener les experts critiques à proposer des alternatives fortes au FBP. Ces alternatives devront être soumises à une démonstration scientifique du même standard que celui fait du côté du FBP (étude d’impact avec essai randomisé). Ils pourront ainsi enrichir le débat avec des propositions cohérentes étayées par des données probantes valides.

5. Conclusion Il s'est agi dans cet article sur le FBP de tenter de créer un processus de discussion pour rassembler différents points de vue au sujet de cette controverse afin d'équiper le public et de mieux le guider dans sa construction d'un avis propre sur la question.

Les interviews réalisées nous ont montré que les discussions demeuraient (en date de nos interviews) encore polarisées autour de plusieurs questions. En dépit de cette situation, une synthèse est possible, avec une meilleure structuration des convergences et des divergences. Au regard des enjeux à venir, il incombe aux experts d’adopter une démarche systématique avec des critères acceptés par tous, pour structurer le débat et la recherche. Cela évitera de laisser les pays à l’emprise d’un ballotage au fil des opinions ou des spéculations.

Mais cela suppose le respect de la complexité des perceptions subjectives de chacun sur la performance du système. Si les divergences persistent, des études devront se focaliser sur les causes sous-jacentes aux désaccords, aussi bien les faits sociaux ou historiques, les considérations éthiques et politiques et les enjeux de pouvoir.

La conclusion la plus stimulante pour ce travail est peut-être la recommandation qui nous a été faite lors de la présentation de nos résultats: il faut sortir du schéma contraignant les acteurs à se positionner comme «partisans» ou «opposants» du FBP. Cette opposition, parfois académique, ralentit une synthèse qui est en train de se produire au niveau des pays. Nous avons d’ailleurs pu noter qu’entre la date du lancement de cette recherche (septembre 2012) et la date de sa publication, de nombreux acteurs, comme en RDC, ont naturellement convergé vers un entendement commun.

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6. Bibliographie 1. Soeters R, Habineza C, Peerenboom PB. Performance-based financing and

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2. Meessen B, Soucat A, Sekabaraga C. Performance-based financing: just a donor fad or a catalyst towards comprehensive health-care reform? Bull World Health Organ. 2011; 89(2): 153-156.

3. Fritsche G B; Soeters R; Meessen B. 2014. Performance-Based Financing Toolkit. Washington, DC: World Bank. © World Bank. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/17194.

4. Ireland M, Paul E, Dujardin B. Can performance-based financing be used to reform health systems in developing countries? Bull World Health Organ. 2011; 89:695–698.

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8. Basinga P, Mayaka S, Condo J. Performance-based financing: the need for more research. Bull World Health Organ. 2011; 89(9):698-9.

9. Macq J, Chiem JC. Looking at the effects of performance-based financing through a complex adaptive systems lens. Bull World Health Organ. 2011; 89: 699–700.

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11. Daniels N, Flores W, Pannarunothai S, Ndumbe P N, Bryant J H, Ngulube T J, Wang Y, An evidence-based approach to Benchmarks the fairness of health sector reform in developing countries. Bull World Health Organ. 2005; 83:534-540.

12. Meessen B. Financement basé sur la performance : structurons mieux le débat [Page internet]. s.l. Performance based financing. 2013. [Visité le 28/11/2013]. En ligne : http://performancebasedfinancing.org/2013/06/09/financement-base-sur-la-performance-structurons-mieux-le-debat/.

13. Witter S, Toonen J, Meessen B, Kagubare J, Fritsche G, Vaughan K. Performance-based financing as a health system reform: mapping the key dimensions for monitoring and evaluation. BMC Health Services Research. 2013; 13:367.

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14. Martin B, Richards E. Scientific knowledge, controversy, and public decision making. In Jasanoff S, Markle G, Petersen J, Pinch T. Handbook of science and technology studies, revised edition. Thousand Oaks-CA (USA): SAGE Publications; 1995. pp. 506-526.

15. Brante T, Elzinga A. Towards a theory of scientific controversies. Science Studies. 1990; 2: 33-46.

16. Palier B, Surel Y. Les «trois I» et l'analyse de l'État en action. Revue française de science politique. 2005; 55 (1): 7-32.

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ETAPE 3: EXPLORATION DE LA NATURE DE DESACCORDS AUTOUR DU FBP AU NIVEAU INTERNATIONAL

CHAPITRE 5: FINANCEMENT BASE SUR LA PERFORMANCE EN AFRIQUE : NATURE DES TENSIONS ET UN AGENDA POUR L’ACTION Mayaka Manitu S, Meessen B, Muvudi M, Macq J. Publié dans Santé publique. 2015; volume 27/N° 1

1. Introduction Le pluralisme constitutif de nos sociétés et les nombreux enjeux que cela pose en termes de gestion des politiques publiques, sont souvent à la base de controverses. Ces dernières, parfois révélatrices de rapports de force, de positions institutionnelles et de systèmes de valeurs, laissent apparaître des clivages entre experts aux cultures professionnelles et aux intérêts divergents (1-4).

Les politiques de santé y sont également confrontées. C’est le cas de l’approche de financement basé sur la performance (FBP). Le FBP est une stratégie de financement et de renforcement des systèmes de santé connaissant un fort développement ces dernières années dans les pays pauvres, et en Afrique sub-saharienne en particulier. Il a pour fondement de lier le financement des services de santé à des résultats prédéterminés. Le paiement, assumé par un tiers-payeur indépendant de l’usager, n’est effectué qu’après vérification de l’atteinte effective des résultats en quantité et en qualité. Pratiquement, il procède par la rémunération d’une série d’actes et d’indicateurs à des barèmes établis par l’organisme tiers-payeur (5).

Son expansion rapide a généré une polémique, opposant les promoteurs de la stratégie (6,7) et des experts plus sceptiques (8-11).

Cette section ne comporte qu'un seul chapitre, qui a été accepté pour publication dans la revue Santé Publique. Ayant constaté que la grille de Daniels, utilisée à l'étape 2, n’épuisait pas les causes de la controverse, ce chapitre reprend le riche matériel d'interview pour l'analyser sous un second angle : celui de la sociologie et de la cartographie des controverses scientifiques ou politiques ainsi que de la structure des révolutions scientifiques.

Elle pourra ainsi explorer la complexité des tensions autour de cette approche et identifier les causes des désaccords et de ce fait proposera des pistes de solution pour réduire ces tensions.

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Pour le bon devenir des systèmes de santé des pays l’ayant adopté, le débat sur le FBP ne doit pas être négligé. Mais la priorité ne doit peut-être pas être un accord sur "la meilleure interprétation" de l’approche, mais plutôt une formulation plus contrastée des divergences interprétatives, de manière à réduire les difficultés majeures dans la prise de décision et la mise en œuvre des politiques de santé. De plus, savoir sur quoi reposent les tensions, les limites ou difficultés rencontrées dans la résolution de la controverse autour du FBP, serait également important.

Cette étude se propose d’explorer la nature et la complexité des tensions autour du FBP et d’identifier les causes derrière les désaccords entre experts.

Dans un premier temps, notre démarche méthodologique insiste sur notre grille d’analyse des désaccords à appliquer au débat particulièrement fécond du FBP, pour voir si les divergences recèlent des pistes intéressantes à explorer. Sur base des résultats obtenus, nous conclurons en donnant quelques pistes d’action sur la manière d’articuler la prise en compte de la diversité des expériences et la construction d’une analyse d’ensemble autour du FBP.

2. Méthodes L'approche méthodologique a reposé sur la conduite d'interviews mobilisant les compétences réflexives d'experts aux argumentaires différents et aux positions diverses sur le FBP.

La conduite de ces interviews s'est appuyée sur un cadre d’analyse développé par Norman Daniels (12) et reconnu comme neutre par les experts aussi bien en faveur («partisans») du FBP que sceptiques («opposants») par rapport à l'approche. En effet, partant des «benchmarks for fairness» de ce cadre, un questionnaire avait été conçu et administré aux experts pour apprécier les propositions réformatrices induites sur le système de santé par le FBP.

Ces interviews ont été organisées en cycle avec une confrontation d'arguments avancés d'abord par les opposants puis par les partisans, jusqu'à dégager leurs lignes de force (1). Par des retours auprès des interviewés, on devait s’assurer que ces données qualitatives retranscrites étaient claires et compréhensibles, mais aussi qu’elles se rapprochaient d’une question spécifique du questionnaire.

Ce riche matériel d’interviews a été retranscrit et partagé entre co-auteurs pour une validation interne. Les analyses sur ces données retranscrites devaient initialement se focaliser uniquement sur la nature des tensions autour de l'approche FBP à partir de la grille de Daniels. Toutefois, après avoir constaté que cette grille n’épuisait pas les causes de la controverse, il a été décidé d’analyser les interviews selon un

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second angle : celui de la sociologie et de la cartographie des controverses scientifiques ou politiques et de la structure des révolutions scientifiques.

Ce qui a permis de rassembler toute une série de facteurs à l'origine de l'émergence et de l'entretien des controverses. Certes, cette liste n'est pas exhaustive mais nous pensons qu'elle peut contribuer au processus cumulatif et collectif d'identification des causes de tensions dans la mise en œuvre de toute politique publique.

La synthèse de ces facteurs nous a permis de construire une grille d’analyse à appliquer au débat du FBP. Les facteurs ont été regroupés en trois champs décrits ci-dessous. Pour chaque champ retenu, les références bibliographiques les appuyant ont été mentionnées. Nous avons alors associé les segments de réponses des experts à l’un des trois champs en précisant le facteur concerné. Ces trois champs sont:

A. Le champ des théories explicatives: lié au niveau et à la qualité des connaissances sur la question débattue. Ici le facteur à la base des désaccords est le déficit informationnel. Les protagonistes ne partent pas à armes égales et n’ont pas forcément l’intention de laisser s’exprimer d’autres opinions que la leur. Ils vont confronter leurs hypothèses rivales et les éléments de preuve à leur disposition, plutôt que d'accepter leur coexistence. Davantage d'explications scientifiques pourraient permettre d'évacuer ce malentendu cognitif (13,14).

B. Le champ des valeurs: associé aux systèmes de croyances ou valeurs fondamentales différentes qui induisent des choix sociétaux différents. Les experts vont percevoir les problèmes et les différentes solutions pour les résoudre au travers du prisme résultant de leurs référentiels ou cadres normatifs (15-21). A l’image d’un «dialogue de sourds», ils analyseront les résultats de l'autre à la lumière de leur propre modèle de référence.

C. Le champ des relations interpersonnelles et des rapports de pouvoir: il est multifactoriel et traduit les comportements et attitudes des experts. Il comprend : 1. Le jeu des intérêts des groupes rivaux: qui nous renvoie à tous les calculs

et stratégies déployées par les acteurs en fonction des bénéfices attendus des conflits éventuels ou des coopérations envisageables (3). Des organismes gouvernementaux, des groupes d'experts, etc., au cœur de la dynamique du conflit, sont capables de défendre leurs idées en mobilisant d’énormes ressources financières ou des autorités politiques ou scientifiques

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2. Le poids des institutions: un champ saturé de règles, de pratiques, de conventions et de normes ou de cartes mentales enracinées, peut peser sur les comportements des acteurs concernés par la controverse (3).

3. La psychologie humaine: les scientifiques étant d’abord des hommes, avec tout le côté émotionnel que cela implique, leurs argumentations peuvent parfois être de nature idéologique (22, 2), ou trahissent des acteurs aveuglés par des préjugés ou trop catégoriques sous l’effet de l’emportement (1).

4. Les autres causes non rationnelles (mécaniques de domination, de préjugés, les jalousies personnelles): on peut constater un choc des égos qui se traduit par des propos désobligeants et très maladroits, voire même par de fausses affirmations, preuves d’une mauvaise foi.

A cheval entre les différents champs, nous notons comme autre facteur, des comportements inadéquats dans le processus délibératif. En effet, par exemple, aussi bien les promoteurs d'une théorie que ses détracteurs sont capables d’établir des principes ou des faits sur ce qui n’a encore jamais été prouvé, au lieu de formuler des hypothèses.

Devant nos verbatim trop abondants, des représentations graphiques des divergences ont été réalisées en complément. Ce sont des axes bidirectionnels croisés proposés par Van Campenhoudt et al et devant favoriser la compréhension des positions des experts et mettre l’accent sur les axes de tension qui sous-tendent leurs interprétations divergentes (23). Ces représentations étaient strictement ancrées dans les propos des répondants.

Même si, à notre connaissance, une telle approche n'a pas été utilisée dans le passé pour analyser d'autres controverses de santé publique, les lignes qui vont suivre nous montreront l'utilité d'appliquer une telle démarche dans le débat autour du FBP.

3. Résultats Les 42 acteurs aux compétences variées ont été interviewés d'octobre 2012 à février 2013.

Leurs arguments, repris en italique, ont été liés aux champs présentés dans la méthodologie. Ils sont précédés d'une phrase justifiant leur lien avec le champ. Des mots jugés importants ont été soulignés et chaque argument d'un opposant a été confronté à un contre argument d'un partisan.

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Tableau 3.1 : Présentation du profil des répondants à l’étude

Le champ des théories explicatives le déficit informationnel (controverse cognitive).

Les verbatim repris ci-dessous traduisent un déséquilibre informationnel entre experts qui ne comprennent pas le FBP de la même façon. Les désaccords sont entretenus par ces connaissances ou entendements différents.

a) «…Le FBP est un mécanisme de financement parmi tant d’autres mais les partisans de cette approche en font une philosophie, un nouvel esprit que l’on doit imposer à tout le système. On ne peut pas changer tout un système, réinstaurer une bonne gouvernance, rien qu’avec une petite prime de performance…» (G1.Baill2)

PROFIL DES RÉPONDANTS PARTISANS DU FBP OPPOSANTS AU FBP Académiques

a. du Nord 2 7 b. du Sud 1

Assistants techniques internationaux

a. du Nord 6 2 b. du Sud

Cadres du ministère a. du Nord b. du Sud 1 4

Bailleurs (agences de coopération bilatérale ou multilatérale, ONG internationales)

a. du Nord 5 4 b. du Sud 2 1

Assistants techniques nationaux a. du Nord b. du Sud 4

Prestataires a. du Nord b. du Sud 2 1

TOTAL 22 20

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A cela un promoteur du FBP répond:

«…c’est une mécompréhension du FBP et c’est très figé de le présenter de cette manière alors qu’il va bien au-delà de ça […] le FBP introduit aussi des changements au niveau de la gouvernance, des droits de propriété, des droits de décision.… » (G2.ATI1)

b) «…Trop de prétentions sont accordées au FBP qui est souvent présenté comme une nouvelle politique. […] Il doit être vu comme un outil au service d’une politique et non l’inverse […] Comme un moyen mis en œuvre en complément d’autres stratégies en parallèle…» (G1.AT2)

A cela un promoteur du FBP répond:

«...Pour nous, le FBP est un outil et non une idéologie. Il va travailler en synergie avec d’autres outils afin de concourir à une reforme de la santé. […] On peut aussi l'envisager comme un point d’entrée, un instrument, afin d’atteindre des objectifs plus ambitieux comme le renforcement des aspects de «strategic purchasing»...» (G2.ATI5)

Les lignes de force relevées ici sont mieux résumées dans la figure 1 ci-dessous.

Figure 3.1 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des faits

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Le champ des valeurs systèmes de croyances et valeurs fondamentales propres

Ici les verbatim indiquent que les experts sont équipés de cadres d’analyse différents, inhérents à leur background ou à leur expérience professionnelle. Ils ne percevront donc pas l'approche de la même manière.

«…Dans ce débat manichéen, deux mondes de valeurs s’opposent. Un monde plus social, de solidarité, un monde où l’on met en avant les propres valeurs de gens qui se développent en tant qu’êtres humains responsables, autonomes et fiers d’eux-mêmes et donc ayant une estime de soi. Puis, il y a un monde néolibéral caractérisé par la recherche de résultats immédiats pour l’argent que l’on met et le manque de confiance aux acteurs que l'on doit contrôler…» (G1.Acad3)

A cela un partisan répond qu'il est dangereux d’extrapoler ses propres valeurs pour expliquer les actions d’autres individus

«…Les experts qui développent les politiques de santé ne doivent pas prendre leur cadre d’analyse personnel comme meilleur, mais ils doivent apprendre à deviner les motivations des autres individus, à accepter que ces gens qui vont produire cette «santé pour tous» n'ont ni le même alignement incitatif ni le même alignement de valeurs. Ils doivent reconnaitre que les prestataires ne sont pas si altruistes purs qu’on ne le pense et qu’il y a nécessité de développer les aspects de motivation extrinsèque, de créativité. Chose que le système actuel ne fait pas suffisamment…» (G2.Acad. 2)

Autres désaccords associés au champ des valeurs Les représentations bidirectionnelles croisées reprises ci-dessous nous résument d'autres tensions de ce champ.

A titre d'exemple, les opposants estiment imprudent de vouloir quantifier des résultats pour pouvoir justifier de façon causale un investissement alors que la qualité clinique et technique des soins, par exemple, est multidimensionnelle et donc difficilement mesurable. Les partisans estiment par contre que la mesure de la performance acquise par les prestataires envoie un signal fort pour davantage de redevabilité et de sens de l’initiative.

Les opposants estiment que le FBP joue plus sur l’un des aspects de la motivation qui est la motivation extrinsèque, comme si la motivation intrinsèque (conscience professionnelle, la fierté du travail bien fait, investissement du personnel dans la production des services selon l'éthique hippocratique, etc.) n'était pas importante. D'où leur conclusion «d'effet péjoratif», «d’infantilisation du FBP» et de «commercialisation des soins de santé».

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Les partisans par contre estiment que la motivation extrinsèque est plus importante qu’on ne le pense et qu'un rééquilibrage est nécessaire.

Figure 3.2 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des valeurs

Le champ des relations interpersonnelles et des rapports de pouvoir: Le jeu des intérêts des groupes rivaux

Ces verbatim indiquent qu'aussi bien les partisans que les opposants ont des intérêts personnels à défendre et veillent à leur positionnement en promouvant leur approche. Ils sont particulièrement prompts à voir des intérêts personnels dans le camp d’en face.

a) « …le FBP est une mode en santé publique où des gens, avec des plans de carrière, se prennent pour des gourous […] les consultants indépendants cherchent à vendre leurs CV et à conserver cette étiquette «d’experts en FBP». Surtout que toutes les coopérations sont engagées dans son implémentation et en cherchent… » (G1.Baill1)

À quoi répond un expert favorable au FBP, de façon aussi réductrice : «…dans toute réforme les sceptiques existent pour détruire, car ils ne sont pas repris comme champions de la réforme malgré leur carrure de «grands experts internationaux». Ce sont les défenseurs de la coordination par le district mais qui se trompent. […] D’où les arguments contre, par jalousie…» (G2.ATN2)

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Mais ce jeu des intérêts peut se transformer en une lutte d'experts réunis autour de différentes organisations internationales, avec des remises en question de leurs politiques d'intervention respectives.

b) «…la Banque Mondiale est à l’origine de problèmes existants dans les systèmes sociaux, et donc de ces dérapages, de cette absence d’éthique et de toutes ces malversions. Elle a été tellement stupide avec ses ajustements structurels, qu’elle a provoqué la déliquescence des systèmes sociaux […] Et ses économistes espèrent reconstruire avec du FBP…» (G1.Acad3)

Un promoteur y répond en estimant que:

«…Ce discours de dénonciation des ajustements structurels ne va pas au fond des choses ; car même s’ils étaient maladroits, ils essayaient au départ de répondre à la déstructuration des économies, causée non pas par les bailleurs uniquement mais aussi par les pouvoirs politiques. […] on ignore aussi que dans l’actuelle démarche de «la méchante Banque Mondiale», il y a au départ une vraie demande des Etats…» (G2.Acad2)

Le poids des institutions A travers les verbatim repris ci-dessous, on constate que les experts ont des difficultés à changer leur mode opératoire ou leurs conventions, souvent hérités du passé. Ils hésitent à puiser dans des solutions alternatives proposées par d’autres, ou inversement à reconnaitre que les approches traditionnelles ont fait leur preuve.

«… Le financement classique, s’il est bien coordonné, peut aboutir au même résultat que le FBP. […] Surtout quand on déploie une régulation, une offre d’équipements, une logistique médicamenteuse et de consommables correcte avec un suivi des prestations en quantité et en qualité […] Ce qui fait la différence, c’est l’intérêt et l’investissement que l’on fait dans les gens et dans les moyens que l’on met à leur disposition pour offrir les soins. […] On avait à Kasongo, sans FBP, des résultats relativement bons avec des ressources de 3$/Hab/an…» (G1.Acad6)

À cette référence à une expérience-pilote datant de plus de trente ans, dans ce qui était le Zaïre à l’époque, un expert partisan répond :

«…Les gens doivent être capables de faire l’autocritique de leur propre cadre analytique, et éviter de développer un système partant de leurs motivations personnelles et de leurs expériences passées […] Ce qui est désagréable pour eux, c’est qu’il y a une solution alternative qui se présente, qui est assez radicale et qui les attaque sur leur base. […] une solution qui oblige à regarder les

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arrangements institutionnels, les incitants que ça produit et leur alignement sur les objectifs de santé…» (G2.Acad1)

La psychologie humaine Les verbatim suivants, marqués par l’usage de termes connotés négativement, laissent transparaitre le côté émotionnel de cette controverse avec des arguments parfois assez catégoriques et idéologiques.

«…Les conclusions tirées dans le FBP sont trop hâtives. […] On se glorifie du niveau d’utilisation des services atteint dans les expériences existantes. Mais comment peut-on s’appuyer uniquement sur des résultats de l’utilisation des services pour conclure que le FBP marche et que ça développe le système? C’est du charlatanisme, de l’illusionnisme, de la démagogie. […]…» (G1.Baill4)

Ce à quoi un défenseur, actif dans une ONG internationale, répond vivement:

«…Les opposants sont de mauvaise foi car au lieu de critiquer, ils auraient dû proposer des éléments d’amélioration […] Et puis, cela fait plus de 30 ans qu'ils sont au commande mais pour quels résultats? […]Il est temps pour eux d'admettre qu'une autre solution devrait être tentée, comme le FBP. Qu'ils nous laissent travailler et nous verrons…» (G2.ATN1)

Les autres causes non rationnelles Les verbatim repris ci-dessous montrent que les experts peuvent recourir à des fausses affirmations, preuve de leur rejet radical des propositions de l’autre.

«…Le FBP a tendance à diaboliser le système actuel en lui prêtant tous les défauts, à diaboliser les SSP, le système du district, en appelant tout cela socialisme […] et on prétend qu’on pourra corriger ces défauts avec du FBP…» (G1.AT1)

Un promoteur du FBP y répond par une autre critique:

«…L’histoire du financement de la santé montre que l’approche «input» coûte énormément cher, et n’a pas conduit à l’atteinte des résultats. […] On peut affirmer qu’elle a échoué car nous ne sommes pas au rendez-vous de beaucoup de challenges de santé…» (G2.ATI4)

Des comportements inadéquats dans le processus délibératif Lors de nos interviews, nous avons souvent noté que nos interlocuteurs formulaient des affirmations non étayées par les données probantes, sur des problématiques qu'ils peinaient à décanter. Les verbatim énoncent des principes ou des faits sur ce qui n’a encore jamais été prouvé.

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«…La baisse des prix dans le FBP n’aura pas d’action directe sur l’accessibilité financière tant qu’elle ne sera pas couplée à une tarification forfaitaire. Si cette condition n’est pas remplie, il faudrait alors considérer la réduction des obstacles financiers à un accès équitable comme illusoire…» (G1. Baill. 2).

Devant ces affirmations expéditives la partie adverse répond:

«…Parfois il y a des critiques sur le FBP qui sont intéressantes car elles portent sur des aspects un peu négligés et qui poussent à mieux faire, mais cela ne l'invalide pas pour autant. […] Pour le mode de tarification, c’est vrai qu’il peut y avoir des risques. Il y a des pays où c’est au forfait et d’autres où c’est à l’acte mais il ne faut pas associer cela au FBP et ne pas trop l'affliger là-dessus…» (G2.ATI5)

Autres désaccords liés aux champs des relations de pouvoir et des comportements inadéquats dans le processus délibératif

En plus des désaccords relevés à travers les différents verbatim repris ci-haut, d'autres axes de tension sont à noter (figures 3 et 4). A ce propos, nous notons les tensions dans les logiques d'interventions qui s'opposent. C'est le cas notamment de la logique dite de «financement d'inputs» (financement classique), basée sur une subsidiation forfaitaire, indépendante des performances mais liée à une planification fondée sur la production standard des structures, des données démographiques ou historiques (dépenses observées ou estimées), avec diverses mesures d'accompagnement (salaires, médicaments, formations, supervisions, etc.). Cette logique s'oppose à celle dite de «financement d'outputs» (FBP) basé sur l'introduction des incitations financières pour récompenser la production de services.

Comme corollaire à ces deux logiques, s'ajoute toute la question des préalables à apporter aux structures de santé pour plus de garantie dans la qualité des prestations à acheter. Cela revient à un apport «en inputs» complété par des nombreuses mesures d'accompagnement.

Des tensions sont également perceptibles avec cette logique de choix limité des prestations à subventionner, jugées prioritaires, au lieu d'un choix plus global et moins déstructurant pour le système de santé.

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Figure 3.3 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des relations de pouvoirs et des comportements inadéquats dans le processus délibératif. (1)

Figure 3.4 : Présentation des axes principaux de tension liés au champ des relations de pouvoirs et des comportements inadéquats dans le processus délibératif (2)

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On note des propos, jugés désobligeants par les partisans du FBP, sur le caractère partisan de leurs publications scientifiques, sur le caractère mercantile de l'esprit entrepreneurial des prestataires du FBP, sur les informations sanitaires volontairement faussées pour prouver l'efficacité du FBP, sur la manque d'appropriation du FBP par les Etats africains, sur les nombreux effets pervers induits par l'approche.

Parmi les autres exemples d'affirmations non prouvées par des faits, nous citerons: les avantages d'une plus grande autonomie des prestataires aussi bien dans la gestion que dans la prise de décision, ainsi que les risques de déviance et de perte du pouvoir de tutelle de l'Etat occasionnés par le FBP. Cela nous amène aussi à la question de la séparation des fonctions et de sa capacité à renforcer la gouvernance par la création de contre-pouvoirs et non de structures parallèles.

4. Discussion Avec cette étude, nous avions comme ambition d'explorer la nature et la complexité des tensions et des positions entre pro et anti FBP et d'examiner plus minutieusement les causes sous-jacentes aux désaccords. Notre grille d’analyse, appliquée aux verbatim des experts, nous a aidés à démontrer que les désaccords s’expriment sur différents champs.

Plutôt que de développer un discours mettant en opposition ces experts, notre discussion se construira autour de certains axes de tension et proposera des pistes de solutions pour améliorer la délibération entre experts.

Tensions autour de l'interprétation de la signification du FBP

Le FBP est souvent catalogué comme une prime de performance ou comme une politique de santé. A ce propos, les opposants estiment que les incitants doivent être non seulement financiers mais aussi non financiers, et donc la prime de performance ne peut pas être isolée du reste (24). De plus, il faudrait le voir comme un instrument au service d'une politique.

Selon les partisans, le FBP n’est pas n'est réductible à une prime de performance mais équivaut à une proposition de reforme des systèmes de santé qui implique des changements au niveau de la gouvernance, des droits de propriété, des droits de décision. Bref c’est une révision substantielle des arrangements institutionnels (7,25). Pour eux, l’enthousiasme autour de l’approche est due aussi au fait que ce financement prend en compte, en plus des primes, plusieurs volets du fonctionnement des structures de santé (7).

Ils estiment que le FBP n’est pas tant une politique de santé mais réellement un outil qui concourt à l’atteinte des objectifs de santé. De ce fait, il ne peut être considéré

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comme une panacée et, la majorité d’entre eux l’envisagent plutôt en complémentarité avec d’autres stratégies de financement (26).

On peut donc lever l’équivoque sur ces tensions puisqu'elles reposent sur des affirmations que la majorité des partisans ne soutiennent pas. S’il est prouvé que certains partisans en font une nouvelle philosophie à imposer à tout le système, cela risque d’attiser les tensions avec les opposants mais aussi entre les partisans eux-mêmes.

Tensions autour des cadres conceptuels propres à chaque groupe d'experts

Selon les opposants, le médecin a besoin d’éthique et donc d’une stratégie de motivation qui moralise sa pratique. Le recours à une technique économique comme stratégie de structuration ou axe de reforme du secteur de la santé n’est pas accepté car la motivation doit d’abord être intrinsèque.

Selon eux, le risque des méthodes qui mettent la quantification au centre de la gestion des ressources humaines, c’est que l'on va progressivement donner plus d’importance à ce qui est quantifiable, à la réponse aux attentes de la bureaucratie, pour négliger tout le reste (11).

Ils souhaitent surtout la mise en avant d’un monde plus social centré sur des valeurs. Mais pas un monde néolibéral dont l’objectif n’est que d’obtenir des résultats quantifiables pour justifier à court terme l'investissement de façon causale.

Allant dans le même sens, dans un billet de blog relatif au FBP, Unger (27) estime que la qualité des soins implique des valeurs non mesurables et non-standardisables qui échappent aux représentations des sciences biomédicales et de l’économie, à savoir: l’acquisition continuelle d’une habilité manuelle, le comportement du prestataire pour améliorer ses capacités de résolution des problèmes, plus d’intelligence dans la communication médecin-malade pour des soins biopsychosociaux et pour prendre des décisions complexes pour le bien du patient et, enfin, l’éthique dans l’administration des soins.

Il invite les promoteurs à réfléchir à une motivation qui humanise le prestataire, au lieu de le ramener à n’être qu’un agent économique calculant la maximisation de ses revenus. Il les invite aussi à faire confiance aux gens, plutôt que de les contrôler car, s’ils sont payés décemment, l’identité professionnelle, la recherche de la qualité, la satisfaction pour le bien de l’autre et l’utilisation intelligente des standards, se feront avec plus d’engouement.

Il privilégie des stratégies visant le développement et la promotion du professionnalisme et qui touchent à toutes les dimensions évoquées précédemment.

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Les partisans ne contestent pas ces enjeux du FBP et ils conviennent que le FBP demeure perfectible. Ainsi, plutôt que de faire de ces préoccupations des arguments contre le FBP, il faudrait les convertir en propositions concrètes d’action, sinon on se cantonne dans un discours idéaliste et on neutralise une intervention qui aurait pu contribuer à améliorer la performance des systèmes de santé (28). Ils visent un système de santé équitable mais pensent que ces gens qui vont produire cette santé pour tous, ne sont pas si altruistes qu'on le pense, d'où la nécessité de revoir les dispositifs incitatifs actuels.

De plus, ils estiment que le FBP rehausse l’estime de soi par la négociation d’égal à égal entre prestataire et payeur, par l’autonomie de gestion avec élaboration d’un business plan lié à leurs besoins et par le transfert direct des fonds vers la structure, sans intermédiaire (7).

Tensions autour des relations de pouvoir entre groupe d'experts

Notre analyse des arguments avancés a montré que nous sommes en présence de deux groupes d'experts idéologiquement distants. Certes, on pourrait considérer les opposants comme des chevronnés de l'appui aux systèmes de santé, mais hésitants à changer leur mode opératoire car concevant mal que des hypothèses concurrentes ou de nouveaux instruments soient introduits sur la base de l’invalidation de leurs anciennes façons de faire (2). Leur prise de position est entretenue par des contraintes institutionnelles, souvent héritées du passé et régissant les interactions au sein du système de santé (3), mais aussi par leur appartenance à un groupe rival prônant des logiques d’intervention différentes.

L’autre groupe semble aussi succomber à certains travers. Ils viennent bien avec des idées «innovantes», mais ne privilégient pas toujours assez l’équilibre entre la radicalité révolutionnaire et la recherche d’une synthèse pragmatique. Parmi eux, une minorité estime même que le FBP constitue «la solution» pour remédier à la faible performance de nos systèmes de santé. Ils ne prennent pas en considération le fait que les arguments et les craintes de ceux qui sont opposés à cette stratégie, ou qui s'interrogent sur l'opportunité de son recours, mettent parfois le doigt sur des forces ou des faiblesses du FBP, sur des zones d’incertitude méritant d’être étudiées.

Notre interprétation est que les experts interrogés sont tous engagés dans le renforcement des systèmes de santé des pays à faible revenu, parfois depuis des décennies, et donc ils sont tous préoccupés par un meilleur état de santé des populations. Ils ne sont donc pas tous dogmatiques mais critiques, et ne devraient pas seulement affirmer que leur modèle est plus efficace ou valorisant mais ils doivent aussi s’interroger sur la meilleure manière de le faire émerger.

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Pistes de solution pour le futur Pour le champ des théories explicatives

Une bonne clarification conceptuelle sera utile pour comprendre les bases informationnelles des uns et des autres sur les dimensions du FBP. Cette compréhension est d’autant plus importante que ces bases adverses peuvent s’avérer complémentaires (cas des tensions sur l'interprétation de la signification du FBP). De plus, cela permettra de lever des équivoques sur le plan cognitif (18).

Dans chaque camp, les affirmations devraient être aussi étayées par plus de données probantes. A ce propos, on constate qu’il y a parfois un faible recours à des faits dans le développement d’argumentations. Ce qui traduit les limites rencontrées dans la résolution de ces controverses, alors que plus de rigueur scientifique, d’objectivité, et une prise de distance par rapport à leurs propres considérations professionnelles seraient souhaitables.

Ainsi donc, il serait important d’enrichir le débat avec des données empiriques valides. Ces données devraient permettre une meilleure compréhension sur le type de réponses apportées par le FBP et les problèmes de santé qu'il est censé résoudre. L’appui des scientifiques sera précieux pour générer et partager des résultats empiriques de qualité.

Pour le champ des valeurs

Sans négliger la diversité des cultures professionnelles des experts, il serait utile d’arriver, avec plus de communication et de négociation, à une hybridation de leurs systèmes de valeurs fortement cloisonnés (29).

Nous pensons qu’il y a un gros espace pour des réflexions dans le mouvement FBP et qu’au lieu de polariser le débat à un niveau purement idéologique et abstrait, il faudrait aller sur le terrain, interagir et proposer des solutions concrètes pour améliorer la performance des districts sanitaires.

En effet, des questions sensibles méritent d'être analysées de manière moins radicale, partant du fait que les mécanismes traditionnels de financement de la santé ont eu à faire leur preuve, mais qu'ils peuvent bénéficier d'une vision renouvelée partant des connaissances et des plateformes nouvelles.

Les experts pourraient par exemple s'interroger, ensemble, sur la manière concrète de faire émerger le professionnalisme et la motivation intrinsèque ou de soutenir l’évaluation de la qualité dans sa multi-dimensionnalité. Mais aussi sur la stratégie incitative la plus appropriée, combinant équitablement des incitations non financières (autonomie, flexibilité des horaires et gestion des charges de travail,

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développement de carrière et reconnaissance professionnelle, bonne supervision clinique et personnelle, qualité du cadre de travail, accès à un soutien social, etc.) et financières dans ces contextes de forte précarité des prestataires et de leur famille (30-32). Ils devront s'interroger aussi sur l'efficience des différentes dotations au district sanitaire, en valorisant les capacités à planifier et à programmer des prestataires (33).

Pour le champ des relations interpersonnelles et des rapports de pouvoir

Le rôle que devraient jouer les gouvernements à ce sujet est primordial. Il faudrait les interpeler à se rapprocher du cœur du problème et à démêler les nœuds problématiques au cœur des tensions. A cet effet, plusieurs interrogations persistent, auxquelles ils doivent apporter des réponses objectives: pourquoi nos systèmes de santé ne sont toujours pas à la hauteur des espérances et des moyens mobilisés (34)? Faudrait-il s’intéresser aux arrangements institutionnels (25,35)? Doit-on considérer les mécanismes de paiement et la place des incitants comme un axe majeur de restructuration de notre système de santé?

Devant la pluralité de cadres référentiels en concurrence ou des propositions de mutations structurelles, c’est aux états de créer des cadres réflexifs ou de valorisation de la communication intersubjective (1). Cela permettra aux différents intervenants du secteur de s’extraire de leurs arguments d’autorité ou de leurs égos et de développer des argumentations visant l’intérêt de la population. Ce détachement est valable autant pour les opposants que pour les partisans.

Dans le même ordre d’idées, nos interviews ont montré que, très souvent, chaque camp recourt à des rhétoriques pour caricaturer l’autre («…l’approche input ne marche pas, …le FBP est infantilisant, etc. ») et démontrer les mérites relatifs de sa propre dynamique de renforcement des systèmes de santé. Ces stratégies de communication débouchent nécessairement sur des réticences devant ce processus de persuasion réciproque s'éloignant des discussions purement logiques. C’est ce qui justifie tous les comportements inadéquats dans le processus délibératif, alors que plus de rigueur scientifique, d’objectivité, et une prise de distance par rapport à leurs propres considérations professionnelles auraient été souhaitées (36).

Il incombera aussi au pouvoir régulateur de garder la maitrise de toute proposition de reconfigurations institutionnelles, en veillant à les rapprocher des réalités des groupes bénéficiaires. Pour ce faire, il optera pour une démarche objective d’analyse des expériences de financement de la santé existantes, dans toute leur diversité, leur complexité et leur dynamique, pour en dégager les axes et les lignes de force. Cela implique de lui un sens critique et une résistance à la séduction et à la dualité

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des groupes rivaux. Mais aussi assez de persuasion pour faire comprendre aux différentes forces en présence qu’elles doivent reconnaitre les interprétations des uns et des autres comme des points de vue dignes d’intérêt et, a priori, aussi légitimes.

Une telle attitude adoptée dès le départ augmentera les chances de transformations qui seront acceptées par tous car résultant d’un processus collectif (37).

Le changement est un processus systémique qui implique des dynamiques relationnelles complexes. Les changements les plus profonds résulteront de revendications et de pressions plus ou moins fermes, de compromis plus ou moins ardus, de stratégies plus ou moins concurrentes que les décideurs devront gérer intelligemment (38).

5. Conclusion Plutôt que de se limiter à ce simple constat de l’existence de camps bien tranchés avec un stock d’arguments stylisés et radicalisés, notre étude s'est penchée aussi bien sur l’explication du différend que sur l’analyse de sa dynamique instituante.

Nos interviews ont montré que les experts ont tendance parfois à polariser le débat à un niveau purement idéologique et abstrait, au lieu d'être plus pragmatiques et rechercher des solutions concrètes pour améliorer la performance des systèmes de santé. Cette situation ne peut qu'entraver la prise de décision et entretenir la crise de réforme du secteur.

Devant ces problèmes de communication, il incombe aux gouvernements de veiller à ce que chacun reconsidère ses intérêts ou ses convictions, prenne plus de recul réflexif sur ses cadres normatifs, et réajuste sa stratégie par rapport aux autres acteurs. Ce qui constituera un environnement propice à une coopération conflictuelle bénéfique au système.

Ils devront prendre en compte la diversité des expériences, la réalité des rapports de force et des processus sociaux, des contraintes et des possibilités institutionnelles ainsi que des intérêts. Ils devront encourager l'expression ouverte des différences et des positions dissidentes, le tout dans la clarté des concepts débattus, la rigueur et l’honnêteté intellectuelles, pour ensuite parvenir à leur propre synthèse.

Une bonne compréhension de la nature des tensions et une amélioration de la qualité du dialogue entre experts auront alors aidé à enclencher une réelle dynamique de changement et la conception d’un agenda pour l’action.

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ETAPE 4: ANALYSE DE L'INTERACTION DYNAMIQUE ENTRE LES ACTEURS FBP EN RDC

CHAPITRE 6: LE FINANCEMENT BASÉ SUR LA PERFORMANCE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : INTERACTIONS DYNAMIQUES ENTRE PROJETS PILOTES Mayaka Manitu S, Muvudi Lushimba M, Bertone MP, de Borman N, Macq J. Article en cours de soumission dans la revue The Pan African Medical Journal

1. Introduction Les pays à faible revenu font face à de nombreux problèmes majeurs en matière de financement de la santé. Plus de 30 ans après Alma Ata, les effets et l’impact des politiques mises en œuvre ne sont pas à la hauteur des espérances et des moyens mobilisés (1). Soucieux de répondre à cette insuffisante performance, ils ont pour la plupart mis en place différentes réformes. Mais face aux défis persistants auxquels ils restent confrontés, un changement fondamental vers l’adoption de solutions innovantes a été envisagé. C’est dans ce cadre que plusieurs d'entre eux, dont la République Démocratique du Congo (RDC), ont adopté la stratégie du Financement Basé sur la performance (FBP), au vu des effets concluants de l'approche dans les pays pionniers (2-5). En le présentant comme instrument d’appui à des services de santé pour qu’ils deviennent de meilleure qualité, mais aussi plus inclusifs et plus accessibles, les promoteurs du FBP estiment que le FBP peut s’avérer déterminant pour l’atteinte

Les systèmes de santé complexes sont aussi caractérisés par les nombreuses interactions entre les agents. Ces interactions sont à l'origine de changements au sein du système lui-même ou au sein des projets pilotes qui y sont exécutés. En analysant la mise en œuvre des plus importants projets FBP de la RDC, nous chercherons à apprécier cette capacité d'adaptation et d'auto-organisation du système sans l'imposition d'une force extérieure. Nous montrerons comment ces projets aux logiques d'interventions différentes se sont influencés mutuellement jusqu'à partager leurs bonnes pratiques. Il revient au MSP d’éviter une prise de position trop hâtive sur un modèle FBP ou sur un autre, et de tirer des leçons de ces interactions dynamiques entre projets, pour mieux orienter sa politique sectorielle en matière de financement.

Cette étape comprend un chapitre qui a généré un article en cours de publication.

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d’une couverture universelle en santé. Selon eux aussi, cette approche, en assujettissant des paiements directs (ou des allocations de ressources) aux prestataires à l’atteinte de résultats spécifiques mesurables et vérifiables (atteinte effective des résultats en quantité et en qualité), implique des changements fondamentaux dans la responsabilisation, la transparence et la redevabilité (6). C'est depuis 2004 que le Ministère de la Santé Publique (MSP) de la RDC a favorisé l’éclosion d'initiatives FBP, au sein de projets appuyés par divers partenaires, dont l’Union Européenne, la Banque Mondiale, et des ONG comme Cordaid et Heath Net International (7). Différents facteurs contextuels justifient cette dynamique d'adhésion aux nouvelles modalités organisationnelles véhiculées par cette approche. Nous pouvons citer notamment: (i) l’échec de l’organisation et du financement de la santé, (ii) la rationalisation du financement sectoriel envisagée par l'actuelle stratégie nationale de renforcement du système de santé, avec une allocation plus efficace des ressources limitées, (iii) la faible incitation financière du gouvernement aux structures sanitaires et aux équipes-cadre de district ou de province dont le FBP représente la seule source de financement (hormis le recouvrement des coûts), (iv) l'autonomie opérationnelle importante des bailleurs dont les projets ont évolué graduellement vers le FBP, (v) la présence d’ONG « militantes » et expertes du FBP, (vi) les échanges techniques entre la RDC et les pays voisins actifs dans le FBP (8). Bien que le FBP soit mis en œuvre par de multiples partenaires, son institutionnalisation fait encore l’objet de nombreux débats. Son utilisation comme outil de la politique nationale de financement du secteur ne rencontre pas l’assentiment de tous les acteurs du secteur [8]. Les systèmes de FBP existants restent donc très dépendants des projets extérieurs dont ils sont issus, tant pour leur financement que pour leur mise en œuvre, plutôt que d’une réelle volonté politique.

Mais comme dans tout système complexe adaptatif composé d'un certain nombre d'éléments interconnectés et interdépendants, ces projets de FBP épars, aux logiques d'interventions différentes, sont aussi appelés à évoluer ensemble, à interagir et à s'influencer mutuellement. Mais de la même façon qu'ils ont cette capacité de s'auto-organiser, de s'adapter et d'apprendre partant de leur expérience, le système de santé dynamique et complexe peut aussi adapter de façon constante (positivement ou négativement) son comportement au fil du temps (9). Cette prise en compte des subtilités de la dynamique du système et de son caractère adaptatif, contribuera à son fonctionnement plus constructif et efficace (10). Elle sera d'autant plus utile qu'elle permettra au MSP d'éviter une prise de position trop hâtive sur un modèle FBP ou sur un autre, mais l'aidera à tirer des leçons des interactions dynamiques entre les projets.

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Ce chapitre s'inscrit principalement dans ce cadre. En effet, dans notre contexte de diversité des expériences de FBP et de nécessité pour le MSP de reprendre son leadership sectoriel, cet article devra contribuer à cet exercice de capitalisation et d’analyse pour orienter la politique sectorielle en matière de financement. Ce faisant, il tentera de cerner les comportements émergents ainsi que les synergies potentielles, aussi bien en matière de modalités organisationnelles ou de mise en œuvre que de montage institutionnel, qui pourraient se dégager lors des interactions entre les projets FBP. Enfin, il aidera à apprécier si des forces opposées en apparence par compétition, peuvent travailler ensemble pour améliorer la performance collective du système de santé.

2. Méthodes Face à la diversité d'expériences de FBP en RDC (Banque Mondiale, Union Européenne, Cordaid, HealthNet TPO), un choix raisonné préalable, sur un nombre plus réduit, devait se faire. Ce choix a été guidé par l’établissement des critères d’inclusion suivants : être initié et soutenu par des agences différentes, présenter un modèle FBP avec une logique d’intervention différente ou un design différent, avoir une grande couverture géographique, avoir une durée de mise en œuvre d’au moins 2 ans pour fournir des données de routine sur l'expérience.

Tableau 4.1 : Présentation générale des programmes de FBP en cours en RDC

Province Initiateur Population couverte (millions)

Nombre de zones de santé

Bénéficiaires du bonus de performance

Période de mise en œuvre

Kasaï Occidental

Projet UE 2,4 16 Structure de santé

Depuis 2006 Kasaï

Oriental Projet UE 4,4 21

Nord-Kivu Projet UE 3,5 15 HealthNet TPO

0,2 1 Structure de santé

Province Orientale

Projet UE 1,2 12 Structure de santé

Sud-Kivu Cordaid 0,8 5 Structure de santé

Depuis 2006 Bas-Congo

Cordaid 0,2 2 Depuis 2008

Bandundu Projet BM 1,3 14 Individus

Depuis 2013 Maniema Projet BM 1 8 Equateur Projet BM 4 12 Katanga Projet BM 1,9 28 Structure de

santé Kinshasa Projet BM 1,1 7 Total 22/65 153/515

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Notre analyse s’est ainsi focalisée essentiellement sur deux modèles de FBP : celui du programme santé de l'Union européenne (UE) et celui de l'ONG internationale Cordaid. Les autres expériences, notamment les expériences naissantes de la Banque Mondiale et de HealthNet TPO n'ayant pas été retenues.

Pour assurer l’objectivité de l’analyse, l’identification des principales caractéristiques des expériences de FBP a été rendue possible grâce à une grille analytique simple, complétée par les responsables des projets. Cette grille qui se rattachait aux points en commun dans les fiches projets et manuels de procédures, devait permettre de mieux comprendre leur historique, leur contexte d’intervention, le processus de mise en œuvre, le montage institutionnel, et les changements qui se sont produits.

Notre analyse de ces grilles dûment remplies s'est focalisée alors sur l’identification des convergences et des divergences entre ces expériences, tant sur leurs modalités opérationnelles que sur leurs arrangements institutionnels. Noter que cette analyse ne constitue pas une comparaison de ces projets mais juste une description de leurs caractéristiques et de la manière dont elles ont évolué après leurs influences mutuelles. Dans cette analyse, les coûts d’opportunités et les frais de gestion ne sont pas considérés vu que ces deux modèles étaient d’envergure différente : l’un relatif à une coopération bilatérale (UE) et l’autre à une ONG. Pour affiner l’analyse, une revue documentaire portant essentiellement sur les principaux documents produits par ces projets (conventions de financement, manuels de procédures, rapports d'activités, etc.) s'est avérée nécessaire. L’analyse des interactions entre ces deux projets a porté sur la période allant de 2006 à 2012.

3. Résultats Nous décrirons d’abord l’historique des deux projets retenus, puis leurs différences et similarités par rapport à leurs modalités opérationnelles et leurs arrangements institutionnels. Pour finir, on abordera les implications des interactions ou des influences mutuelles entre ces projets. 3.1. Historique L’intervention de l'UE (sur financement du 9ème et du 10ème fonds européen pour le développement) a été élaborée dans la continuité de ses programmes d’appui transitoire au secteur de la santé (PATS I et II), mis en œuvre entre 1992 et 2005. Le choix des 4 provinces d’intervention (Nord Kivu, Province Orientale, Kasaï Occidental et Kasaï Oriental) est donc une continuation logique du PATS II dont l’évaluation avait souligné les limites des actions classiques et avait insisté sur la nécessité d’une réflexion globale sur le financement et le renforcement de l’approche

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contractuelle [11]. A partir de cette réflexion, le projet mis en œuvre à partir de 2006 a inclus une composante de FBP. Tableau 4.2 : Description des deux projets avec une composante FBP

RUBRIQUES MODELE FBP UE MODELE FBP CORDAID

Année de démarrage 2006 2006

Type d’intervention Projet bilatéral mis en œuvre par une agence externe. Le FBP n'est qu'une composante.

Projet ONG focalisé sur le FBP.

Objectifs du projet Renforcement du système de santé : accent sur l'accessibilité financière.

Amélioration de la performance du système de santé : accent sur la réduction de la mortalité maternelle, le maintien des ressources humaines en milieu rural.

Localisation

Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, Nord Kivu, Province Orientale

Sud Kivu

Nombre de zones de santé 64 5

Population 12.011.402 habitants soit 44,6% de la population totale des provinces concernées

843.657 habitants soit 20% de la population totale du Sud Kivu

Structures de santé contractées

903 Centres de Santé (CS) 69 Hôpitaux Généraux de Référence (HGR)

53 CS 10 HGR

Paquet d’activités appuyées

Préventif, curatif et promotionnel

Préventif, curatif et promotionnel

Durée du projet 4 ans 5 ans Budget prévu pour le FBP

28.000.000 € soit ~1,5 USD/hab./an

3.619.000 € soit ~2$USD/hab./an

L’intervention de CORDAID au Sud Kivu, quant à elle, a démarré sous l’impulsion du Bureau Diocésain des Œuvres Médicales (BDOM) de Bukavu, de l’inspection

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provinciale de la santé et de Cordaid, après une mission d’échange dans les districts sanitaires du Rwanda, contigus à la province du Sud Kivu où Cordaid menait déjà un projet FBP [12].

Pour mener à bien ce projet, Cordaid a recouru à des fonds propres (part mineure dans son budget global) et en majeure partie à un financement de la Commission Européenne et du gouvernement néerlandais.

Les deux projets présentaient une composante de FBP. Ils ont modifié les arrangements institutionnels du système de santé local pour permettre l’opérationnalisation de cette composante. Toutefois, il est clair que les deux projets avaient des caractéristiques très différentes (tableau 2). Une différence fondamentale entre les deux approches était la logique d’intervention.

Le projet UE était un projet de coopération bilatérale de grande taille, dont le FBP n’était qu’une composante. L’objectif qui lui était assigné était de « couvrir » dès le départ un très grand nombre de zones de santé dans un délai court, et ce avec comme objectif principal d’améliorer l’accessibilité financière aux soins pour la population. Pour atteindre cet objectif, le projet a adopté une stratégie incrémentale en matière de FBP:

A partir de 2006 : un système de « FBP simple » où les paiements se faisaient sous forme de médicaments (payés sur le compte des structures de santé auprès de la Centrale Régionale de Distribution de Médicaments - CDR).

A partir de 2007 : perfectionnement du FBP et paiement en espèces, en parallèle au paiement en médicaments.

A partir de 2008 : Mise en place des Etablissements d’Utilité Publique (EUP) comme agences autonomes, responsables de la canalisation des fonds et de l’achat de services; et introduction des Fonds d’Equité pour la prise en charge des indigents aux niveaux des hôpitaux généraux de référence.

A partir de 2010 : introduction de l’évaluation de la qualité par les pairs. A partir de 2011: suppression de paiement des subsides en médicaments

mais uniquement en cash. Par cette stratégie, l'UE avait l’ambition de démontrer qu’il est possible de

passer à l’échelle avec un FBP en améliorant et complexifiant graduellement un système simple au départ (11).

Le projet de Cordaid était, lui, plus modeste en couverture et financement. Il était mis en œuvre par une ONG internationale indépendante, qui se focalisait sur l’opérationnalisation de l’approche de FBP. Son objectif était de démontrer

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l’efficacité du système de FBP à petite échelle, et d’influencer le dialogue sectoriel par cette voie. L’intervention de Cordaid ne se limitait pas uniquement au système de santé mais intéressait également les secteurs de l’éducation et du développement rural. Contrairement au projet de l’UE et ses fonds FED (Fonds Européen pour le Développement) mis en œuvre par une agence d’exécution externe (l’Agence Européenne de Développement et de Santé/ AEDES), le projet Cordaid était mis en œuvre par l’ONG elle-même. 3.2. Les modalités opérationnelles des deux interventions Les deux projets ont mis en place un système de contractualisation des structures de santé sur base de leur performance. Cependant, un certain nombre de points de divergences apparaissent dans la stratégie de mise en œuvre (tableau 2).

Tableau 4.3 : Description des différentes modalités de mise en œuvre

RUBRIQUES

MODELE FBP UE

MODELE FBP CORDAID

Accréditation des formations sanitaires

Structures qui respectent des critères de qualité

Toutes les structures de santé de la ZS

Contrat 2 contrats : d’intégration et de progression 1 contrat unique

Qualité des soins Pas inclus dans le calcul du bonus FBP

Bonus qualité. Evaluation par les équipes des zones de santé

Fonds d’équité Dans les hôpitaux (2 provinces) Non intégrés

Coaching des structures de santé

Coaching irrégulier effectué par les ONG ou les équipes cadres de zones de santé. Plan de développement prévu, mais peu exécuté

Coaching très actif de l’AAP. Plans de développements ou « business plans » trimestriels

Degré d’autonomie de la structure de santé

Variable : décidé par le comité de pilotage Axe fondamental du projet

-Autonomie de la tarification

Régulé par les provinces sanitaires Libre

-Approvisionnement en MEG

Approvisionnement à la CDR en priorité Libre (grossistes agréés)

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L’accréditation des structures sanitaires et l’assurance-qualité L’inclusion des structures de santé s’effectue de manière différente. Dans le projet de Cordaid, les structures sont toutes contractées sans une accréditation préalable. Pour se faire, l’agence d’achat de performance (AAP) met en place un coaching rapproché des structures pour s’assurer du respect des normes et de la qualité des services prestés. La vision du projet de Cordaid est d’intégrer l’ensemble des structures dans un processus d’amélioration continue. De plus, pour renforcer la qualité des soins, ce projet a, dès le départ, mis en place un « bonus qualité », système par lequel une partie du financement de la structure est octroyée en fonction de la qualité des soins évalués trimestriellement par les Equipes cadres des zones et les experts de l’AAP. Cette évaluation de la qualité porte notamment sur des indicateurs généraux, la gestion du malade, la qualité du plan d’action, la gestion du budget, des comptes et des biens ; la gestion des médicaments, l’hygiène et la stérilisation, les consultations externes/urgences, la planification Familiale, le laboratoire, les salles d’hospitalisation, la maternité, le bloc opératoire.

Dans le cas du projet UE, seules les structures de santé qui respectent un minimum de critères de qualité se voient proposer un contrat. Sur base de ces critères (taille de la population couverte, intégration dans la carte sanitaire, agrément du MSP, taux de fréquentation, existence d’un organe de participation communautaire fonctionnel, prestation du Paquet Minimum d’Activités), certaines structures signeront le contrat « d’intégration » qui finance uniquement les consultations curatives. Sous ce régime, les subsides sont alloués sous forme de médicaments. Le contrat de «progression » est réservé aux structures qui répondent mieux aux critères définis ci-haut (y compris la présence de personnel qualifié, la tenue d’outils de gestion financière et de gestion des médicaments et le bon rapportage au système national d’information sanitaire). Ce contrat finance toutes les autres prestations (en plus des consultations curatives) ; les subsides sont alloués sous forme de médicaments et de paiement en cash (dans le modèle Cordaid, le payement se fait exclusivement en cash). La vision initiale de l'UE consistait à être sélectif sur les services achetés et à s’assurer de la qualité des services avec une sélection a priori des structures contractées. Toutefois, le débat sur la pertinence du paiement sous forme de médicaments reste ouvert. Plusieurs rapports soulignent sa complexité administrative et la perte d’efficience induite ; d’où la nécessité de ne plus inclure ce type de paiement dans les autres financements de l'UE pour la santé [13]. Ainsi, le projet UE a décidé, comme dans le projet Cordaid, de n’introduire qu’un seul contrat, de supprimer le paiement des subsides en médicaments, pour ne retenir que le cash.

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De plus, un accent majeur a été mis sur la dimension de la qualité des soins car un « bonus de qualité » a été intégré progressivement dans le projet. Ainsi, certaines provinces ont adopté en 2010 un système d’évaluation de la qualité par les pairs, couplé au calcul du financement de la structure. Il faut ajouter aussi que dans les deux modèles on observe une bonne relation, dans la prestation, entre les structures du secteur public et privé. Les prestataires privés lucratifs et non-lucratifs, dans la mesure où ils respectent la politique nationale sanitaire, peuvent aussi être contractés. L’autonomie des structures de santé Le coaching actif dans le système Cordaid a été accompagné d’une autonomie étendue des structures : autonomie sur la tarification, les sources d’approvisionnement en médicaments (parmi une liste des grossistes agréés), la gestion du personnel. Cette autonomie est érigée en principe du FBP par Cordaid, bien qu’elle soit une autonomie éclairée par un coaching actif. Dans le cadre de l'UE, la décision sur le degré d’autonomie des structures a été laissée à la responsabilité des provinces (comités de pilotages provinciaux). On note que, dans tous les cas, le degré d’autonomie octroyé aux structures semble être inférieur par rapport au système de Cordaid. En effet, dans le modèle Cordaid, on parlait de « boîte noire » dans un premier temps, c'est-à-dire une totale autonomie de gestion laissée aux prestataires avec une totale confiance en leur esprit entrepreneurial. Par contre, le projet UE avait imposé une clé de répartition des dépenses aux structures pour déterminer la répartition et l’utilisation de leurs recettes. Il est important de noter que l’évolution des projets fut caractérisée par une suppression des clés de répartition dans le modèle UE pour accorder plus d’autonomie aux structures; et dans le modèle Cordaid, par l’introduction d'un outil (outil d'indice) pour une meilleure répartition des dépenses. La notion de « boîte noire » a alors fait place à celle de la « boîte noire éclairée » [12,14]. Les Fonds d’Equité Le programme UE a prévu la mise en place de Fonds d’Equité, fonds de prise en charge des indigents au niveau des hôpitaux. Ce fonds est géré par une ONG contractée à cet effet. Cet accent traduit la priorité mise par le projet sur la question d’accessibilité financière. Par contre, le projet de Cordaid qui n’avait pas prévu ces Fonds depuis le départ, les a introduit par la suite, à l’image du projet UE.

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3.3. Le montage institutionnel des deux interventions Les deux approches se fondent sur le principe de la séparation des fonctions [4, 15, 16], et prévoient la mise en place d’une agence externe qui contracte les structures et assure la canalisation des fonds. A cet effet, on constate que le montage institutionnel n’a presque pas évolué dans le modèle UE (tableau 3). Le paiement pour les services rendus et la canalisation des fonds sont assurés par un établissement d’utilité publique (EUP) dont le conseil d’administration (CdA) associe des représentants du MSP au niveau national, des autorités de la province, des représentants des bailleurs et des ONG. Un Comité de Pilotage en place depuis 2007, valide les critères d’éligibilité et d’exclusion des structures, la définition des indicateurs de performance, les grilles d’évaluation de la qualité et les montants par indicateur. Ce Comité de Pilotage s’appuie sur un secrétariat exécutif qui effectue des propositions techniques. Par contre pour le modèle Cordaid, on a constaté qu’initialement un pouvoir important était concentré à une agence d’achat (AAP). Cette dernière, sans personnalité juridique formelle, combinait de facto l’autorité du Bureau Diocésain des Œuvres Médicales (BDOM) et les moyens humains et financiers de Cordaid. L’AAP détenait donc un pouvoir important sur le système de santé, d’autant plus que les équipes cadres de zone lui étaient dépendantes financièrement. Le modèle s’est progressivement orienté vers une dissociation de la fonction d’acheteur ("strategic purchaser", celui qui définit les prestations à subventionner et identifie les structures bénéficiaires ; sans détenir les fonds) et celle de payeur ("fundholder", celui qui détient les fonds et qui les alloue en fonction des performances réalisées). Et depuis 2010, la fonction d’achat a été confiée à un "Comité de Pilotage de l’Approche Contractuelle". Quant à la fonction de payeur, elle reste assurée par l’AAP, qui dispose désormais d’un statut formel d’Association Sans But Lucratif (ASBL), sous contrôle d’un conseil d’administration ne comptant qu’un membre issu de l’administration publique (sur neuf administrateurs). De manière générale, dans les deux modèles, l’Equipe Cadre Provinciale conserve ses fonctions telles que définies dans le cadre organique du MSP (appui technique aux zones de santé; gestion des ressources humaines, matérielles et logistiques, gestion de l’information sanitaire en Province; coordination des interventions et des actions des partenaires de la santé; suivi-évaluation des interventions du secteur de la santé; etc.). De plus, elle est garante de la cohérence des interventions du FBP avec les priorités nationales de santé. Les Equipes Cadres de Zone gardent aussi les pouvoirs qui leurs sont dévolus et qui se résument au pilotage du développement de la zone de santé en tant que système intégré qui offre des soins de santé de qualité, globaux, continus et intégrés.

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Tableau 4.4 : le montage institutionnel des deux modèles FBP

RUBRIQUES MODELE FBP PS9FED MODELE FBP CORDAID

Statut de l’agence fiduciaire

Etablissement d’Utilité Publique/EUP= statut d’organisation juridiquement autonome (depuis 12/2007)

Agence d’achat des performances/AAP= au début pas de personnalité juridique formelle, actuellement, c’est une ASBL (depuis 12/2010)

Responsabilités Fund holder (=payeur) EUP AAP

Strategic purchaser (=acheteur)

Comité de pilotage Au début AAP, actuellement c’est le comité de pilotage de l’approche contractuelle

Qui définit les règles

Comité de pilotage (depuis 2007)

D’abord BDOM/AAP + autorités sanitaires provinciales mais depuis 2010, c’est le comité de l’approche contractuelle.

Conseil d’administration (CdA)

1 Ministère de la Santé 1 Ministre de la santé provincial 1 Gouvernorat provincial 3 Commission Européenne 1 ONG

Comité de Suivi du BDOM sans pouvoirs légaux CdA : 1 Eglise Catholique (présidence) 3 Agence d’Achat des Performance 1 Ministère de la santé 1 Cordaid 1 ONG 1 Comités de santé 1 Parents d’élèves

Mission de service public

Délégation officielle de mission de service public par les Ministères de la Santé et des Finances

--

Dans le cas du projet UE, elles assurent aussi systématiquement la vérification et la validation des prestations déclarées par les structures aux agences fiduciaires. Pour ce qui concerne le financement des régulateurs (Equipes Cadre de Province et de Zone), dans le projet Cordaid, l’Agence d’Achat contracte et affecte un bonus à la régulation pour l’inciter à améliorer la réalisation des supervisions. Certes, le

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financement de l’encadrement par l’acheteur provincial permet à ce dernier de veiller à la cohérence des actions des régulateurs. Mais cette contractualisation et ce financement induisent également un risque de dépendance de l’autorité sanitaire, soumise à une agence toute puissante. C’est ainsi que dans le projet de l'UE, le travail de la régulation et de l’encadrement est financé par le niveau central, et non pas par l’acheteur provincial.

4. Discussion

Principaux constats de notre analyse De manière générale, les deux projets analysés poursuivent des objectifs similaires et visent une meilleure performance des structures de santé, en insistant sur une efficience dans la canalisation et la gestion des ressources, et en faisant référence à la stratégie nationale de renforcement du système de santé. Le modèle Cordaid est orienté vers l’intégration totale de toutes les structures au processus de FBP sans que des critères leur soient imposés. Le sens entrepreneurial des prestataires est privilégié, d’où l’autonomie qui leur est accordée. Dès son démarrage, les aspects de qualité des soins ont été mis en exergue dans ce modèle, avant l’attribution des subsides essentiellement en cash.

Le modèle UE tient compte du potentiel de développement des zones de santé avant la signature des contrats et les accompagne dans leur amélioration de performance. Malgré la confiance dans les qualités intrinsèques des prestataires, ce modèle estime qu’ils doivent bénéficier d’un encadrement pour une meilleure maîtrise de cette approche innovante. Cet encadrement s’étend jusqu’à l’approvisionnement en médicaments. De plus, dès son démarrage, ce modèle a tenu à intégrer des fonds d’équité pour améliorer l’accessibilité des indigents, exclus des services malgré le FBP.

Convergence entre projets dans leurs logiques d'interventions Notre analyse montre que, bien que conçus au départ en fonction d’objectifs différents, les deux systèmes convergent graduellement vers un modèle similaire. Le projet UE envisage aussi d’introduire un seul contrat, de mettre un accent majeur sur l’autonomie des structures, d’inclure la dimension de la qualité dans le calcul du bonus de performance et de supprimer le paiement des subsides en médicaments, pour ne retenir que le cash. Le projet de Cordaid prévoit, de son côté, l’introduction de Fonds d’Equité, à l’image du projet UE. Plus fondamentalement, un effort a été fait pour donner un statut propre et formel à l’Agence d’Achat, y compris en essayant de séparer la fonction de canalisation des fonds de celle d’achat stratégique. Cela dénote un effort de s’éloigner du modèle d’une agence d’achat dominatrice.

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Dans cette perspective, l’analyse des deux modèles de FBP permet d’observer des lignes de forces auxquelles la convergence des deux expériences semble conférer un statut de bonnes pratiques que le MSP peut capitaliser. Ces bonnes pratiques considérées aussi comme des principes de base par les promoteurs de l’approche devraient être respectées. Il s’agit notamment de: - La séparation des fonctions devrait être un principe sur lequel les futures

initiatives pourraient s’inspirer. A cet effet, la mise en place d’une agence provinciale indépendante chargée du financement est pertinente.

- Cependant, pour une parfaite démarcation entre cette agence et l’administration sanitaire, il semble important de confier la fonction de paiement à l’agence, mais la fonction d’achat à un Comité de Pilotage où se retrouvent les acteurs de la santé, y compris le MSP. Cela fut également sujet à débat au Rwanda et au Burundi avant qu’ils ne prennent cette option [17,18].

L’avantage de la présence d’un Comité de Pilotage à composition mixte (acteurs publics et privés) et d’une agence d’achat indépendante avec rôle de fundholder est de pouvoir permettre, avec une relative simplicité, la participation d’autres bailleurs et la création de basket funds au niveau provincial [19,20].

On constate aussi que certains éléments contenus dans la fonction d’achat stratégique, font en réalité partie de la fonction régulation. En effet, une inspection provinciale forte et organisée peut très bien prendre des décisions sur les indicateurs à subventionner en fonction des priorités provinciales de santé. Malheureusement, dans le contexte actuel de la RDC où la régulation est souvent défaillante, le comité de pilotage mixte vient en appui. De plus, les bailleurs qui investissent leurs ressources désirent être associés à la prise de décision et s’assurent que l’achat se fasse en fonction de l’enveloppe budgétaire disponible. D’où ces comités provinciaux mixtes où siègent non seulement les partenaires mais aussi les représentants du MSP.

Toutefois, le débat demeure entier quant à l’institutionnalisation formelle de l’achat stratégique (combinaison idéale des attributions du comité de pilotage et du pouvoir régulateur) et à la clarification du statut et du nombre d’agences de paiement (agence unique? coexistence de différents payeurs? Pour quel statut?). Leçons apprises par l'Etat de ces interactions entre projets Nous estimons que, pour rendre le paiement plus aisé, il serait souhaitable que le MSP octroie aux agences fiduciaires un statut d’organisation juridiquement autonome, avec une délégation officielle de mission de service public au lieu du statut d’ASBL afin qu’elles bénéficient mieux des finances publiques en cas d’appui budgétaire [21].

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Il ressort aussi de notre analyse que la « dynamique de FBP » en RDC est lancée. Les multiples initiatives pilotes ont contribué à dynamiser le dialogue sectoriel sur le financement. Cette graduelle convergence des initiatives sur des leçons apprises, telle que signalée précédemment, montre qu’il y a des échanges riches et continus. Les projets pilotes restent très dynamiques et prêts à apprendre les uns des autres. Toutefois, le pays n’est pas encore arrivé à une politique nationale de FBP. A l’image du nouveau Plan National de Développement Sanitaire (qui ne mentionne même pas l’approche), le MSP hésite entre différentes modalités de financement et n’offre pas de recommandations claires [20]. Certes, ce plan insiste sur l’amélioration de l'accessibilité financière des populations aux soins de santé de qualité, axe stratégique que vise aussi le FBP, mais il évoque d’autres mécanismes de financement comme les fonds d’équité, l’assurance maladie obligatoire sans citer le FBP. Ainsi, dans un contexte où l’approche de FBP est mise en œuvre dans le cadre de projets de plus en plus nombreux, et dans l’optique d'une éventuelle institutionnalisation, il est important que le gouvernement s’approprie réellement ces leçons apprises et participe activement au dialogue sur l’approche, en apportant une analyse critique constante. Pour y parvenir, il est important d'éviter que le débat politique autour du FBP soit déconnecté de la mémoire institutionnelle. De ce fait, il ne faudrait pas le limiter au niveau des projets mais le ramener au niveau stratégique ou au sein des cadres de concertation du niveau central qui inclut les partenaires, les décideurs politiques du MSP et la société civile, pour discuter et définir les grandes orientations du FBP en RDC. Cela est d’autant plus important que la pérennité financière des actions entreprises en dépend (22,23). En effet, c’est justement dans ces cadres, organisés autour de la direction d’études et de planification du ministère de la santé, que se décident les grandes orientations stratégiques en matière de politiques de santé. Il est donc crucial que les acteurs qui y siègent se sentent associés à la capitalisation des expériences de terrain. Hormis cet aspect, Mayaka et al (2015) expliquent clairement ces différentes relations de pouvoir justifiant ces tensions autour de l’implémentation de l’approche (24).

De plus, d’aucuns s’accordent sur le fait que l’approche de FBP est une stratégie de financement complémentaire à d'autres (25). Le MSP devra songer par exemple, à amener les structures de santé à un niveau minimal de fonctionnalité leur permettant d’intégrer facilement cette approche. Cela sous-entendra des apports en matériels et équipements, des réhabilitations ou des constructions, ainsi que des salaires décents pour le personnel de santé.

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Le MSP devra aussi s’attaquer au problème d’approvisionnement en médicaments en accréditant plusieurs officines pharmaceutiques, de manière à désengorger les centrales de distribution régionales défaillantes. En définitive, nous estimons que l’appropriation de cette stratégie par le MSP, bien que très faible actuellement, mérite d’être renforcée à travers un document de politique nationale de financement de la santé capitalisant les leçons apprises (même celles des projets pilotes FBP) et dans lequel figureront, de maière claire, les orientations générales convenues entre le Ministère de la Santé Publique et les partenaires techniques et financiers. Comme proposé par Mayaka et al, il incombera aussi au pouvoir régulateur de garder la maitrise de toute proposition de stratégie de financement, en veillant à les rapprocher des réalités des groupes bénéficiaires. Pour ce faire, il optera pour une démarche objective d’analyse des expériences de financement de la santé existantes, dans toute leur diversité, leur complexité et leur dynamique, pour en dégager les axes et les lignes de force ; et parvenir à une stratégie nationale de financement de la santé plus adaptée et plus cohérente (24).

5. Conclusion

Durant cette étude, il n’a pas été question de prendre position en faveur ou en défaveur d'un modèle mais de créer un espace de discussion faisant ressortir très clairement les convergences observées entre ces projets, au départ très différents de par leurs objectifs. Cette convergence, bien que résultant des échanges d’expérience et des leçons apprises les uns des autres, peut aussi être interprétée comme une émergence de bonnes pratiques. Il est donc important que ce processus soit poursuivi et renforcé. En effet, les interactions dynamiques sont des phénomènes naturels utiles à considérer pour orienter les futures discussions en RDC sur la politique sectorielle autour de l'approche. Toutefois, la question relative à l’institutionnalisation formelle de l’achat stratégique et au statut des agences de paiement demeure, et nécessite que le MSP puisse clarifier sa position à cet égard. Pour finir, la grille analytique que nous avons employée pourrait évoluer dans le futur pour davantage refléter le débat dynamique. Il devra idéalement permettre de prendre en compte, d’une part, le grand nombre et la diversité des expériences acquises dans le FBP, et d’autre part, les différents aspects des incidences escomptées du FBP (en termes de gains d’efficacité, d’augmentation des résultats, d’amélioration de la qualité, d’impact sur l’équité et l’accessibilité, de coût de mise

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en œuvre, etc.). Il permettrait peut-être alors de déterminer la véritable valeur ajoutée du FBP mais aussi la juste place et la portée de cette stratégie dans le système de santé. D’où la nécessité d’impliquer davantage le MSP pour s’assurer une appropriation de la stratégie et une analyse critique constante.

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13. De Caluwe P., De Borman N., Mayaka S., Kieto E. Rapport de mission d’appui au Fonds d’achat des services de santé/UE-AEDES. 2009; Kinshasa-RDC.

14. Soeters R. et al, Théories et Instruments d’Application du Financement Basé sur la Performance (FBP): livre d’accompagnement pour le cours. La Haye: CORDAID-SINA.

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16. Loevinsohn B. La contractualisation des services de santé axée sur le rendement dans les pays en développement: un guide des principaux outils. 2008; Québec, Canada: Editions Saint-Martin.

17. Ministère de la Santé/République du Rwanda. Guide de l’approche contractuelle pour les centres de santé: manuel de l’utilisateur. 2008; Kigali: MSP.

18. Ministère de la Santé Publique/République du Burundi. Manuel des procédures pour la mise en œuvre du financement basé sur la performance au Burundi. 2010; Bujumbura: MSP.

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20. Ministère de la Santé Publique/RDC. Plan National de Développement Sanitaire 2011-2015. 2010; Kinshasa.

21. Perrot J, de Roodenbeke E. La contractualisation dans les systèmes de santé: pour une utilisation efficace et appropriée. 2005; Paris: Editions Karthala.

22. Kalk A. the costs of performance-based financing. Bull World Health Organ. 2011; 89: 319.

23. Ireland M, Paul E, Dujardin B. Can performance-based financing be used to reform health systems in developing countries? Bull World Health Organ. 2011; 89:695–698.

24. Mayaka Manitu S, Meessen B, Muvudi M, Macq J. Le débat autour du Financement basé sur la Performance en Afrique subsaharienne: analyse de la nature des tensions autour de l'approche. Santé publique. 2015; Vol. 27/N° 1.

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ETAPE 5: RESULTATS D’UNE INTERVENTION FBP ET FACTEURS CONTEXTEUELS A PRENDRE EN COMPTE LORS DU MONTAGE

CHAPITRE 7: FINANCEMENT BASÉ SUR LA PERFORMANCE : A LA RECHERCHE DE PLUS DE DONNÉES PROBANTES POUR UNE PRISE DE DÉCISIONS Mayaka Manitu S, Meessen B, Korachais C, Muvudi Lushimba M, Macq J. En cours de soumission dans la revue santé publique

1. Introduction Depuis ces dix dernières années, le Financement Basé sur la Performance (FBP) a connu une rapide expansion dans les pays à faible et moyen revenu.

La logique causale sous-jacente mise en évidence par ses promoteurs, leur «théorie du changement», part du constat de carences institutionnelles et de dysfonctionnements structurels causant la faible performance de nos systèmes de santé qui ne sont plus en phase avec nos problèmes de santé (1,2).

A cet effet, puisant dans les concepts véhiculés par la théorie de la nouvelle économie institutionnelle, tels que le caractère stratégique du comportement des prestataires de soins et la coordination optimale de leurs actions ainsi de celles des organisations (3,4), ces promoteurs proposent de nouvelles "architectures institutionnelles". Elles portent notamment sur: l’introduction de nouveaux dispositifs incitatifs liant les paiements directs des prestataires à la quantité et à la qualité des services de santé fournis; plus de séparation des fonctions; plus d’autonomie; plus de participation des communautés à l’ensemble du processus (5).

Il n'est pas rare de constater, au cours de la mise en œuvre d'interventions complexes, que les moyens dépensés ne puissent pas aboutir aux résultats escomptés.

Cette section étudie justement ce décalage entre les entrées et les sorties dans les projets FBP. En se basant sur le projet FBP de l'Union Européenne dans le Kasaï oriental, il analysera les données quantitatives de routine aussi bien pour les prestations subventionnées que pour des prestations non-subventionnées par le FBP, et identifiera les facteurs contextuels à la base de ce manque de corrélation directe entre les intrants ou les extrants lors des montages FBP.

Cette section d'un seul chapitre a fait l'objet d'un article actuellement en soumission dans la revue d'épidémiologie et de santé publique.

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Depuis 2002, le Ministère de la Santé Publique (MSP) de la RDC a favorisé l’éclosion de différentes initiatives FBP dans le pays, et ce pour accélérer la reconstruction du système de santé. Ces initiatives ont émergé au sein de projets appuyés par divers partenaires, dont l’Union Européenne (UE), la Banque Mondiale et des ONG internationales comme Cordaid et HeathNet International. En 2011, on estimait déjà que 153 zones de santé (ZS) sur 515 implémentaient le FBP, soit 22 millions d’habitants sur 65 millions (6).

Bien que le FBP soit mis en œuvre à travers différents projets et par de multiples partenaires, son institutionnalisation à l’échelle nationale fait encore l’objet de nombreux débats. Son utilisation comme outil de la politique nationale de financement du secteur ne rencontre pas l’assentiment de tous les acteurs (7). Pour preuve, la stratégie n’est pas clairement reprise parmi les axes stratégiques de l’actuel plan national de développement sanitaire de la RDC (8). Les systèmes existants restent donc très dépendants des projets extérieurs dont ils sont issus, tant pour leur financement que pour leur mise en œuvre, plutôt que d’une réelle volonté politique.

Ces programmes pilotes de grande envergure, faisant face aux gros enjeux sanitaires de la RDC, demeurent faiblement documentés, à quelques exceptions près (9,10). Ce manque de données probantes ou de production de savoirs explicites peut ainsi constituer un obstacle à une prise de décision éclairée et consensuelle nationale autour de cette approche «nouvelle et prometteuse» (11), surtout que les stakeholders veulent souvent savoir si et comment les changements espérés se sont effectivement produits. (12,13)

Mais trop souvent, malheureusement, les études dans les pays à faible revenu recourent à des méthodologies peu rigoureuses et se contentent de comparer des données « avant et après » une intervention. Il est néanmoins possible aujourd’hui de mieux utiliser les données répétées à intervalles réguliers et régulièrement contrôlées par des systèmes d'information de routine.

Le présent chapitre s’inscrit dans ce cadre et aura pour objectifs : de fournir des données probantes quant à l’atteinte ou non des objectifs espérés par l’introduction du FBP dans notre système de santé de cerner son efficacité en termes d’utilisation des services de santé de qualité en identifiant ses forces et ses faiblesses, d’apprécier les facteurs contextuels à considérer pour la mise en œuvre de l'approche au sein du système de santé complexe de la RDC.

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2. Méthodes Description du contexte de l’étude :

Notre étude se focalise sur le programme FBP développé par l’Union Européenne depuis 2006; d’abord avec le 9ème Fonds Européen pour le Développement-FED (2006 à 2010) et ensuite avec le 10ème FED (de 2011 à 2015). Pour atteindre ses objectifs d’amélioration des performances de notre système de santé, ce programme a prévu la mise en place progressive de deux outils de financement, à savoir : le fonds d’achat des services de santé (FASS, en sigle) et le fonds de développement des services de santé (FDSS, en sigle). (14)

Le FASS vise à financer directement les formations sanitaires non pas sous forme d’intrants, mais en fonction de leurs résultats. Le financement s’effectue à travers l’achat des prestations produites par les structures de santé (mentionnées comme services subventionnés plus loin). En cela, le fonctionnement du FASS propose un système de financement basé sur la performance des formations sanitaires tel que décrit par de nombreux auteurs (15,16).

Le FDSS quant à lui finance l’encadrement du système de santé, des programmes sociaux et appuie l’investissement de certaines formations sanitaires. Ce qui permet de garantir la qualité des prestations achetées par le FASS.

Bien que le programme FBP de l’UE concerne 4 provinces de la RDC, notre étude se focalisera uniquement sur la province du Kasaï oriental. Cette région très diamantifère, compte 8 200 000 habitants répartis sur 150 000 Km2. Sur le plan administratif, elle a 2 villes (Mbuji Mayi : le chef-lieu et Mwene Ditu), 3 districts (Tshilenge, Sankuru et Kabinda), 16 territoires et 7 communes. Sur le plan sanitaire, cette province compte 51 zones de santé (ZS) reparties sur 5 districts sanitaires. Les 5 ZS (Tshilenge, Kabinda, Miabi, Kasansa, Makota), actuellement sous FBP avec le 10ème FED, sont toutes inclues dans l'étude.

Pour finir, on dit noter que les ZS ont bénéficié depuis 2008 d’une assistance technique spécifique aux questions d’assurance qualité des soins (appui technique devant viser l’amélioration de la qualité des services offerts à la population); ainsi qu’une assistance technique spécifique aux questions de financement de la santé (veillant au montage du dispositif FASS et aux conditions d’amélioration de l’accessibilité financière de la population).

L’assistant technique chargé des questions de qualité des soins, devait veiller aussi, de manière largement participative, à tous les opérations de gestion de l'information sanitaire (la recolte des données, leur compilation, leur transmission, leur contrôle de la qualité, leur centralisation, leur encodage, leur analyse, leur interprétation, leur

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archivage, la rétroinformation (feed-back) vers les prestataires). Il s’assure aussi que tous les outils indispensables au développement et fonctionnement du SNIS soient disponibles (outils de récolte et de transmission, outils de diffusion de l’information sanitaire). Cela traduit toute l’importance que le FBP accorde au renforcement du SNIS, surtout que les mêmes outils de gestion normatifs du SNIS (pour la collecte et la transmission des informations des prestations réalisées) sont utilisés aussi dans le processus de vérification.

Type d’étude:

Cette étude s’est appuyée sur les hypothèses suivantes: (i) il existe une association positive entre l’utilisation des services et le FBP; (ii) il n'y a pas d’association entre FBP et l’utilisation des services pour les prestations non-subventionnées; (iii) les effets éventuels du FBP dépendent de plusieurs facteurs contextuels Nous avons recouru à l'analyse de séries chronologiques temporelles pour détecter, grâce à une suite d’observations indicées par le temps, s’il existe une association statistique entre l’implantation du FBP et la couverture des soins offerts. Notre intérêt dans le choix des séries temporelles est que cette méthode repose sur des données relativement faciles à recueillir en routine à intervalles égaux de temps et elle permet d’envisager des scénarios utiles pour le futur en agissant sur des variables explicatives. Dans la mesure où aucune étude d’impact avec groupe de contrôle n’a été mise en œuvre, il s’agit d’une des méthodes les plus fiables pour mesurer l'association entre une intervention et un résultat (17, 18).

Liste des indicateurs et variables:

Une attention a été accordée aussi bien aux prestations subventionnées qu'à celles non subventionnées. En effet, partant d’une liste exhaustive préétablie, nous avons choisi au hasard 8 prestations subventionnées et 6 non-subventionnées. Elles ont été classées selon qu'elles étaient gratuites ou payantes, et selon la démarche de la population et des prestataires. Pour chacune de ces prestations, la hauteur de leur coût d'achat par le FASS était précisée.

Collecte des données :

L’analyse des différents rapports annuels d’activités et de la base de données du bureau de la division provinciale de la santé chargée de la gestion du système d’information sanitaire, a permis de recueillir, à intervalles égaux de temps, les valeurs numériques représentant l'évolution des différents indicateurs de production de ces prestations.

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Nous avons considéré la période de mise en œuvre allant de 2005 à 2013. Celle-ci a connu trois phases importantes, à savoir: le FBP avec subventions sous forme de médicaments essentiels génériques uniquement (FBP MEG) de mars 2007 à janvier 2009, le FBP avec subventions en MEG et en cash (FBP MEG-Cash) de janvier 2009 à décembre 2010 et le FBP avec Cash uniquement (FBP Cash) de janvier 2011 jusqu'à ce jour.

Tableau 5.1: Liste des prestations subventionnées et non subventionnées de l'étude

Prestations gratuites mais démarche active de la population

Prestations payantes mais démarche active de la population

Prestations gratuites mais démarche active des prestataires

Prestations Barème Prestations Barème Prestations Barème

Subventionnées

Vaccination en DTC 3

0,12 $ Consultation curative

0,23 $ Référence vers l'hôpital général de référence

1,15 $

Consultations prénatales (CPN)

0,23 $ Accouchement assisté

2,31 $

Césarienne 17,31 $

Actes chirurgicaux majeurs

17,31 $

Consultations médicales pour cas référés

2,31 $

Non subventionnées

Consultations postnatales

0 $ Détection malnutrition protéino-énergétique

0 $ Visites à domicile

0 $

CPN 2+ 0 $ Prise en charge de l'hypertension artérielle

0 $

VAT 2+ 0 $

La collecte de données de janvier 2005 à décembre 2013, nous a permis de disposer de multiples points d'observation pour une analyse des séries temporelles. Ces observations étaient faites selon une fréquence trimestrielle, soit 4 points/an sur 9 ans, ce qui équivaut à 36 points pour chaque prestation considérée. Comme le travail concernait 5 ZS, cela fait un total de 180 observations temporelles par prestation considérée.

Des informations complémentaires ont été obtenues à travers une revue documentaire des différents rapports d'évaluation externe du projet ou des rapports de mission de backstopping.

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Traitement et analyse des données

Pour l’analyse des séries chronologiques, une régression linéaire segmentée avec l'estimateur des moindres carrés ordinaires a été réalisée. Ce type de régression permet de contrôler de tendances séculaires selon les périodes considérées de mise en œuvre du FBP (MEG, MEG-Cash, Cash) et d'expliquer les fluctuations de certaines variables dépendantes.

Ainsi, lors de la modélisation de l'ensemble des données, certaines composantes ayant potentiellement de l'effet sur l'intervention ont été intégrées partant de nos hypothèses de recherche (le type de FBP selon la période considérée, la subvention ou non des prestations, la rupture des stocks en vaccin,).

Les retards de paiement des prestataires et les faibles taux de disponibilité des médicaments traceurs à la centrale de distribution régionale n’ont pas pu être intégrés dans la construction des modèles. En effet pour les taux de disponibilité des médicaments, nous n’avions que des données annuelles qui n’étaient pas compatibles avec nos données trimestrielles, et donc non exploitables dans l’analyse.

Pour ce qui est de la variable explicative retard de paiement, on l’a testé pour chacune des variables dépendantes et on n’a jamais trouvé de relation significative (avec une p-value toujours supérieure à 0,10). Selon le modèle, la variable dépendante est alternativement une des 14 variables citées dans le tableau 1 ci-dessus.

Plusieurs modèles sont construits. Le premier modèle tente de dégager l’effet de l’introduction du FBP Cash :

(1) _ = + . + . _ ℎ +

Où i représente la zone de santé (il y en a 5),

t (ou time) représente la dimension temporelle,

taux_utilisationit représente la variable dépendante (par exemple le taux d’utilisation des services curatifs) dans la zone i pendant la période de temps t

FBP_casht est une variable binaire égale à zéro avant la mise en place du FBP cash, puis à 1 après

erreurit représente le terme d’erreur

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Le coefficient a associe la tendance temporelle à notre variable dépendante, tandis que le coefficient b associe l’intervention FBP Cash à la variable dépendante.

Afin de prendre en compte l’éventuel changement de tendance temporelle de la variable dépendante, concomitant avec l’introduction du FBP Cash, le modèle alternatif suivant est proposé

(2) _ = + . + . _ ℎ + . _ ℎ_ +

Ici, en plus des autres variables précédemment citées, _ ℎ_ est une variable temporelle nulle avant l’introduction du FBP cash, puis séquentielle (1, 2, 3…) après l’introduction du FBP cash. Le coefficient c donnera l’effet de l’intervention FBP Cash sur la tendance de la variable dépendante (les coefficients a et b s’interprètent de la même manière que précédemment). Autrement dit, on cherche à observer si la tendance de la variable dépendante (allure de la pente) change après l’introduction du FBP cash. Il s'agira de regarder deux tronçons de la série temporelle: avant et après l’introduction du FBP cash; et de voir si l'allure de la pente varie significativement.

Enfin, afin d’observer les effets des différents FBP qui ont été mis en place dans la zone, à savoir le FBP médicament (2e trimestre 2007), le FBP médicament + cash (1e trimestre 2009) et le FBP cash seul (1er trimestre 2011), un troisième modèle est proposé :

(3) _ = + . + . _ + . _ ℎ +. _ ℎ +

Où FBP_medt est une variable binaire égale à zéro avant la mise en place du FBP médicament, puis à 1 après

FBP_medcasht est une variable binaire égale à zéro avant la mise en place du FBP médicament + cash, puis à 1 après

A noter que le FBP médicament n'avait été appliqué que pour le taux d'utilisation des services curatifs entre 2007 et 2008. Ainsi pour les autres variables dépendantes, le modèle n’inclut pas la variable FBP_med.

Il convient également de noter qu’un modèle alternatif à celui-ci est proposé pour tenir compte des éventuels changements de tendances temporelles des variables dépendantes suite à l’introduction des différents FBP, en incluant les variables FBP_med_tend et FBP_medcash_tend et FBP_cash_tend, dont la construction est

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similaire à celle de FBP_cash_tend décrite ci-dessus (respectivement pour le FBP médicament, FBP médicament+cash, et FBP cash).

Enfin, le modèle dont la variable dépendante est le taux de vaccination propose une variation afin de prendre en compte les éventuelles ruptures de stock ayant lieu à telle ou telle date. Une variable de rupture de stock est ainsi ajoutée.

Un contrôle pour l'auto-corrélation de la série de données a été réalisé. A ce propos, nous avons recouru à l'approche économétrique standard consistant à effectuer un test de Durbin-Watson pour exclure une éventuelle auto-corrélation des résidus et s'assurer ainsi qu'une des hypothèses de notre modèle n'est pas été violée; ou que les coefficients et les p-values ne sont pas faussés et rendus non interprétables. L'estimateur des moindres carrés généralisés Prais-Winsten a été utilisé pour chacune des régressions.

Bien que les données longitudinales figuraient sur Excel, tous ces calculs ont été fait dans STATA.

Pour finir, nous tenons à préciser que par souci de ne pas surcharger la lecture, vu l’abondance des informations obtenues lors du traitement des données, nous avons fait le choix de restreindre nos résultats qu’à 5 variables dépendantes, présentées sous forme de tableaux et de graphiques. Ces 5 variables (dont 3 relatives à des prestations subventionnées et 2 relatives à des prestations non subventionnées) ont été choisies de manière aléatoire parmi les 14 autres. Mais pour des raisons de transparence, les autres variables seront reprises dans un tableau et des graphiques en annexe de la thèse.

3. Résultats Les résultats de l'application dans notre analyse des séries chronologiques sont présentés pour les différentes données collectées dans nos 5 zones de santé.

(i) Effet de l'introduction du FBP Cash

Le tableau 2 ci-dessous rapporte les principaux résultats des modèles (1) et (2), avec comme variables dépendantes respectivement le taux de consultations curatives, d'accouchement, de vaccination en DTC3, les nombres de cas de malnutrition protéino-énergétique et de visites à domicile.8

8 Note explicative pour la lecture des tableaux : partant de la colonne 1, il faut voir d’abord la constante qui est à 173,5 et qui indique qu’au début de la période d’étude, on avait 173,5 consultations curatives en moyenne par mois. En regardant la variable time avec son coefficient de 1,029, Cela signifie que l’on a un nombre de nouvelle consultation qui va à la hausse chaque mois, de 1,029 nouvelle

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La première colonne reprend le modèle 1, avec comme variable dépendante le taux de consultations curatives. On voit que le coefficient de la variable temporelle (time) est égal à 1,029 et qu'il est significativement différent de 0 avec un p-value de 1% (très significatif). Cela signifie que la tendance temporelle naturelle du taux d’utilisation des services curatifs est positive. Chaque trimestre, ce taux gagne ainsi 1,029 point de pourcentage. Le coefficient de la variable FBP cash correspond au changement de niveau entre avant et après l’introduction du FBP Cash. Ici, il est égal à 6,114. Cela signifie qu’au moment où a été introduit le FBP Cash, le taux d’utilisation des services curatifs a augmenté de 6,114 points de pourcentage (cf. figure 1).

La colonne 2 reprend le modèle 2 avec la même variable dépendante. Ici, le coefficient de la variable FBP cash est non significativement différent de zéro, ce qui suggère qu’aucun « saut » n’a eu lieu dans le taux d’utilisation du curatif au moment de l’introduction du FBP Cash. Toutefois, le coefficient de FBP Cash Tendance est de 1.558 et significatif, ce qui suggère que la tendance temporelle du taux d’utilisation du curatif a augmenté avec l’introduction du FBP Cash. Autrement dit, après l’introduction du FBP Cash, la tendance temporelle est passée à 1,558+0,669=2,227. Cela signifie que chaque trimestre, le taux d’utilisation augmente désormais de 2,227 points de pourcentage, plutôt que 0,669 comme auparavant (cf. figure 2).

consultation en plus. On regarde ensuite la variable FBP Cash qui indique que le mois qui a suivi à l’arrivée du FBP Cash, il y a un bond du nombre de nouvelle consultation de 6,114. En regardant la seconde colonne où l’on a ajouté la variable FBP_cash_tend qui représente la tendance temporelle après l’introduction du FBP Cash. Cette tendance temporelle qui était de 0,669 nouvelle consultation chaque mois en plus en moyenne, a été augmentée de 1,558 quand le FBP Cash a été introduit. Et donc cette tendance temporelle augmentait chaque mois après l’introduction du FBP d’environs 2,224 soit 0,669+1,558. Les 180 représentent le nombre de données mensuelles recueillies (36 chiffres différents soit 9 ans* 4 trimestres pour les 5 ZS). Le R-squared donne le pouvoir explicatif du modèle (entre 0 et 1) dans la colonne 1, il est de 0,283 ce qui revient à dire que le modèle explique 28,3% des variations que l’on observe dans la variable dépendante. Quant à la statistique de Durbin Watson, c’est pour expliquer la corrélation. Il faut quelle celle de Durbin Watson transformée soit proche de 2. Si elle n’est pas proche de 2, cela veut dire qu’il n’y a pas autocorrélation des erreurs ; mais pour éviter cela, on utilise un estimateur des moindres carrés.

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Figures 5.1 et 5.2: Evolution du taux d'utilisation du curatif à l'introduction du FBP Cash sans (figure 1) ou avec tendance temporelle (figure 2) Légende: acronymes: tx (taux), nc (nouveau cas curatif)

Les colonnes 3 et 4 reprennent les résultats des mêmes modèles avec comme variable dépendante le taux d'accouchement assisté. Là aussi, la tendance temporelle est positive dans les deux cas. Par contre, aucun effet significativement différent de zéro n’arrive avec l’introduction du FBP Cash, que ce soit en niveau ou sur la tendance.

Les colonnes 5 à 8 concernent le taux de vaccination en DTC3. Aucune tendance temporelle significative n’est constatée ici. Par contre, le coefficient du FBP cash est significativement positif. Il est de 9.37 pour le modèle 1 (col. 5), ce qui suggère que le FBP cash fait augmenter le taux de DTC3 significativement de 9.37 points de %. En introduisant la composante rupture de vaccin, le taux de DTC3 demeure significatif à 9.57 points de % (col. 7). Les modèles prenant en compte la tendance temporelle suggèrent que l’introduction du FBP Cash est concomitante avec une tendance temporelle des taux de vaccination à la hausse (+0.86 à +0.88 % pts chaque mois). Cela étant, ces coefficients sont significatifs à 10%; ce qui rend ces résultats moins fiables (col. 6 et 8).

Les colonnes 9 et 10 concernent le nombre d’enfants détectés avec malnutrition protéino-énergétique. Ici, il n'y a pas d'effet sur le niveau avec l’introduction du FBP Cash. Par contre, le coefficient de FBP Cash Tendance est de 21.332 et significatif, ce qui suggère que la tendance temporelle de la détection des enfants avec malnutrition protéino-énergétique a augmenté avec l’introduction du FBP Cash (cela étant, c’est significatif à 10% seulement).

020

4060

80

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_nc_mean Linear prediction

Tx d'utilisation du curatif

020

4060

802005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3

time

tx_nc_mean Linear prediction

Tx d'utilisation du curatif

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Les colonnes 11 et 12 reportent les résultats des mêmes modèles avec comme variable dépendante le nombre de visites à domicile. Ici, les résultats suggèrent que le FBP cash fait augmenter le nombre de visites mensuelles en niveau (de 45 à 47), mais n’a pas d’effet sur la tendance.

(ii) Effet de l’introduction du FBP MED, du FBP MED Cash et du FBP Cash (tableau 3) La colonne 1 du tableau 3 reprend le modèle 3 avec comme variable dépendante le taux de consultations curatives. On voit que la tendance temporelle est significative à 1.359. Donc, chaque trimestre, ce taux gagne 1.359 points de %.

Par contre, les coefficients des variables représentant les deux premiers types de FBP (FBPmed et FBPmedcash) sont tous deux négatifs (-4,027 et -8,753) et significatifs à 10%. Cela pourrait signifier qu’ils ont eu un impact négatif sur le taux des consultations curatives.

La colonne 2 reprend le même modèle, en ajoutant la variable prenant en compte les tendances temporelles. Ici, on observe que la tendance temporelle générale est de 0,672 (significatif à 1%). Les coefficients suggèrent une baisse de la tendance temporelle après l’introduction du FBP MED et du FBP MED Cash, sans que cela ne soit significatif. Aucun effet significativement différent de zéro n’arrive avec l’introduction du FBP Cash, même si la tendance temporelle demeure significativement positive.

La colonne 3, relative à l'accouchement assisté, ne suggère pas d'effet significativement différent de zéro avec l’introduction du FBP Cash et FBP_medcash. Cependant, la colonne 4, qui prend en compte les tendances temporelles de chaque section, suggère une augmentation de la tendance temporelle significative après l’introduction du FBP MEDCash, ainsi qu’une augmentation du niveau de 28 % pts avec le FBP Cash.

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Tableau 5.2: Présentation des principaux résultats des modèles (1) et (2)

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

VARIABLES tx_nc tx_nc tx_acc tx_acc tx_dtc3 tx_dtc3 tx_dtc3 tx_dtc3 nb_mpe nb_mpe nb_dom nb_dom

time 1.029*** 0.669*** 1.906*** 2.028*** -0.043 -0.174 -0.050 -0.185 4.740 1.075 -0.245 -0.090

[0.000] [0.000] [0.000] [0.000] [0.817] [0.414] [0.789] [0.392] [0.110] [0.719] [0.768] [0.918] FBP_cash 6.114** 3.357 0.673 2.079 9.370** 6.177* 9.569** 6.361* 20.460 -46.156 44.703*** 47.388***

[0.019] [0.116] [0.889] [0.561] [0.023] [0.096] [0.023] [0.091] [0.711] [0.372] [0.001] [0.007] FBP_cash_tend 1.558*** -0.583 0.863* 0.878* 21.332* -0.879

[0.007] [0.467] [0.054] [0.051] [0.060] [0.810] ruptvacc 2.070 2.488

[0.217] [0.180]

Constant -173.555*** -105.583*** -305.870*** -329.034*** 91.063** 115.931*** 92.363** 117.931*** -650.317 46.319 230.326 200.835

[0.000] [0.001] [0.000] [0.000] [0.011] [0.004] [0.010] [0.004] [0.250] [0.935] [0.155] [0.239] Observations 180 180 180 180 180 180 180 180 180 180 180 180 R-squared 0.283 0.379 0.336 0.342 0.098 0.108 0.099 0.110 0.067 0.103 0.073 0.074 Durbin Watson transformed 2.150 2.095 1.895 1.893 1.987 1.963 1.986 1.961 2.165 2.137 1.973 1.971

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Durbin Watson original 0.720 0.794 0.779 0.782 1.292 1.324 1.298 1.333 1.106 1.139 0.999 1.003 *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1 p values in brackets

Note

a. Les régressions économétriques utilisent l'estimateur des moindres carrés généralisés Prais-Winsten.

b. Acronymes : taux de nouveaux cas curatifs (tx nc), taux d'accouchement (tx acc), taux de vaccination en DTC3 (tx dtc 3), nombres de cas de malnutrition protéino-énergétique (nb mpe), nombres de visites à domicile (nb dom).

c. Se référer au texte pour la description des modèles.

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Tableau 5.3: Présentation des principaux résultats du modèle (3)

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10)

VARIABLES tx_nc tx_nc tx_acc tx_acc tx_dtc3 tx_dtc3 nb_mpe nb_mpe nb_dom nb_dom

Time 1.359*** 0.672* 1.617*** 0.787** 0.247 0.428** 7.637* -2.904 0.632 1.493

[0.000] [0.073] [0.000] [0.036] [0.199] [0.049] [0.053] [0.381] [0.631] [0.371]

FBP_med -4.027* -0.114

[0.088] [0.960]

FBP_med_tend -0.169

[0.862]

FBP_medcash -8.753* -4.884 6.982 -0.551 -6.376** 1.807 -65.579 -73.920 -19.890 -22.236

[0.097] [0.495] [0.210] [0.906] [0.046] [0.634] [0.126] [0.165] [0.338] [0.375]

FBP_medcash_tend 0.810 4.138*** -2.435*** 26.358 -1.301

[0.359] [0.004] [0.006] [0.123] [0.771]

FBP_cash -3.413 4.013 8.360 28.607*** 1.989 -4.915 -53.258 38.700 22.136 17.643

[0.556] [0.611] [0.191] [0.001] [0.656] [0.260] [0.439] [0.595] [0.417] [0.602]

FBP_cash_tend 1.444** 0.171 0.362 23.089** -2.309

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[0.023] [0.787] [0.377] [0.038] [0.543]

Constant 232.985*** -105.618

-252.817*** -98.543 37.610 4.024

-1,183.488 789.820 69.007 -92.369

[0.000] [0.124] [0.000] [0.155] [0.298] [0.921] [0.111] [0.208] [0.781] [0.768]

Observations 180 180 180 180 180 180 180 180 180 180 Durbin Watson original 0.817 0.810 0.811 0.986 1.348 1.495 1.109 1.143 1.005 1.019

R-squared 0.339 0.390 0.357 0.453 0.108 0.155 0.074 0.121 0.078 0.081 Durbin Watson transformed 2.136 2.104 1.875 1.889 1.975 1.966 2.157 2.128 1.973 1.966

p values in brackets *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

Note

a. Les régressions économétriques utilisent l'estimateur des moindres carrés généralisés Prais-Winsten. b. Acronymes : taux de nouveaux cas curatifs (tx nc), taux d'accouchement (tx acc), taux de vaccination en DTC3 (tx dtc

3), nombres de cas de malnutrition protéino-énergétique (nb mpe), nombres de visites à domicile (nb dom). c. Se référer au texte pour la description des modèles.

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La colonne 5, qui concerne le taux de vaccination en DTC3, suggère une réduction de niveau avec l'introduction du FBP medcash. La colonne 6, qui prend en compte les tendances temporelles, suggère plutôt un abaissement de la tendance suite au FBP med cash.

Figures 5.3 et 5.4: Evolution du taux de vaccination en DTC3 et du nombre de visites à domicile

Figures 5.5 et 5.6: Evolution du taux d'accouchement assisté et de la détection des cas de malnutrition

Les colonnes 7 et 8 concernent la détection des enfants avec malnutrition protéino-énergétique. La colonne 7 suggère une baisse de niveau après l’introduction du FBP

6070

8090

100

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_dtc3_mean Linear prediction

Tx de vaccination DTC3

150

200

250

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

nb_dom_mean Linear prediction

Nb visites à domicile

4060

8010

0

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_acc_mean Linear prediction

Tx d'accouchement assisté

200

300

400

500

600

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

nb_mpe_mean Linear prediction

Nb détection malnutrition

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Cash et du FBP_medcash, mais sans que cela ne soit significatif. La colonne 8 suggère au contraire une hausse de la tendance suite au FBP Cash.

Pour les colonnes 9 et 10 relatives aux visites à domiciles, on ne constate aucun effet relatif à aucun des schémas de FBP considérés.

Les graphiques 5 (de 5.1 à 5.6) nous montrent que des taux de couverture allaient parfois au-delà de 100%.

4. Discussion Les données présentées dans cette étude nous permettent d’étudier l’association statistique entre différentes modalités de FBP implémentées à différents moments et le taux d’utilisation des services pour différentes activités.

Les informations apportées par les différents rapports de missions d'évaluation externe et de monitoring régulier (backstopping, nous permettent de proposer des explications à nos résultats.

Au cours de cette discussion, nous analyserons non seulement l'efficacité du FBP en termes d’utilisation des services, en identifiant ses forces et ses faiblesses, mais aussi les facteurs contextuels à considérer dans la mise en œuvre pour un système de santé complexe comme celui de la RDC.

1. Synthèse des principaux résultats statistiques

A l'introduction du FBP Cash, on constate une augmentation statistiquement significative uniquement pour les taux d'utilisation des services curatifs, de vaccination en DTC 3 et de visites à domicile.

Selon le modèle 2 (tableau 2), avec l'introduction du FBP Cash, les tendances temporelles s'améliorent pour les taux d'utilisation des services curatifs et de DTC3 et pour la détection de la MPE. Mais il n'y a pas d'augmentation significative du taux d'accouchement assisté avec l'introduction du FBP cash au modèle 1 ou 2.

Avec le modèle 3 (tableau 3), analysant la succession de différents modèles FBP, on voit que l'introduction du FBP MED et du FBP MED Cash ont eu un impact négatif sur le taux d'utilisation des services curatifs.

Alors que l'introduction du FBP Cash en janvier 2011 (tableau 2) avait augmenté de façon positive le taux de DTC 3 (prestation gratuite mais subventionnée, avec démarche active de la population), l'introduction du FBP MED Cash entre janvier 2009 et décembre 2010 a plutôt eu un impact négatif significatif (tableau 3).

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Par contre, on note une amélioration significative du taux d'accouchement assisté à l'introduction du FBP Cash, ainsi qu'une augmentation de la détection de la MPE à l'introduction du FBP MED Cash et du FBP Cash.

De ce qui précède, on constate des résultats encourageants avec l'introduction du FBP. Ces résultats sont d'autant plus encourageants pour un FBP dont les subventions sont allouées sous forme de Cash que pour un FBP dont les subventions sont allouées sous forme de médicaments ou sous forme de médicaments et Cash.

Mais notre étude n'a pas trouvé d’association positive ou négative significative sur les indicateurs d’activités non-subventionnées par le FBP hormis pour les visites à domicile (prestations gratuites, non subventionnées et avec démarche active des prestataires). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que, en menant des stratégies avancées ou en allant vers la communauté, les infirmiers titulaires des centres de santé pourraient drainer davantage de patients vers leurs structures et donc bénéficier de plus de subventions pour les autres prestations réalisées. Toutefois, il serait intéressant de vérifier si elles n'ont pas suscité des demandes irrationnelles.

Pour expliquer les raisons potentielles des autres associations statistiques observées, nous avons repris ci-dessous des caractéristiques d’implémentation du FBP ainsi que différents niveaux d’éléments de contexte: le dispositif d’ensemble du programme dont fait partie le FBP, le système de santé et le contexte plus large.

2. Facteurs contextuels/composantes à intégrer dans la mise en œuvre Les éléments des différents niveaux de contexte pourraient expliquer certains résultats obtenus.

2.1. Facteurs contextuels liés au projet Design du programme FBP de l'UE La stratégie FBP présentée ici est intervenue dans un contexte d’appui global aux zones de santé avec un apport du Fonds de développement des services de santé (FDSS).

Ce FDSS devait cibler les ouvrages à haut impact sur la qualité tels que les travaux de réhabilitation et l’acquisition de petits équipements pouvant améliorer les conditions de l’offre des soins. Il a porté aussi sur l’assurance qualité qui a réellement été intégrée à partir de 2010 avec un assistant technique provincial (AT qualité) devant être attentif aux besoins des patients en matière de qualité et appuyer les structures de santé pour y subvenir (19).

Les scores de qualité des structures de santé ont été évalués 6 fois entre 2011 et 2013 (environs tous les 6 mois) et une augmentation a été constatée au Kasaï oriental (20).

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La hauteur des subventions à allouer aux structures était indexée par le score qualité obtenu. Les prestataires, en améliorant la qualité des soins, pourraient avoir contribué à cette meilleure utilisation des services constatée pour certains indicateurs.

En plus d'être combiné à cette démarche d'assurance qualité, le FBP était couplé à des fonds d'équité pour la prise en charge des indigents.

Taille des incitations Il y a souvent un lien entre la taille de l’incitation et le comportement ou l'attitude des prestataires. Il est donc important de savoir à partir de quelle hauteur d’incitation le prestataire sera assez satisfait pour faire plus que ce que l’on lui demande (21, 22).

Le tableau 1 nous montre que les barèmes demeurent encore faibles. Il faut donc craindre que la modestie des résultats obtenus pour l'accouchement assisté (tableau 2) soit le reflet de la modestie de la hauteur des incitants financiers prévus pour les prestataires.

Délai de paiements des prestataires Certains auteurs ont constaté que les incitants extérieurs de la performance ne conservent leur pouvoir incitatif que durant une courte durée (23). Mais les différents rapports de capitalisation (24) et de monitoring du projet (25) relèvent quelques moments de retards de paiement des factures des structures de santé: au 2ème trimestre 2009 (suite au retard dans la signature des contrats avec ces structures), au 2ème trimestre 2011 (suite aux tractations liées au passage du 9ème au 10ème FED), au 2ème trimestre 2012 (suite au gap lié à la signature entre les devis-programmes 1 et 2) et au 3ème trimestre 2013 (suite au gap entre la signature du devis-programme 2 et son avenant).

La démotivation qui en résulte pourrait aussi expliquer le manque d'augmentation significative du taux d'accouchement assisté (tableau 2). Il est donc important de réduire le délai d'attente entre l'introduction des factures des structures de santé et leur paiement par l'agence fiduciaire responsable.

2.2. Facteurs contextuels liés au système de santé Renforcement des capacités des membres des équipes cadres L’augmentation de l'utilisation des services curatifs et de la vaccination en DTC3 pourrait être attribuée aussi au leadership du personnel de santé qui a développé des initiatives pour promouvoir ses structures de santé, renforcer les relations de confiance avec la communauté et améliorer la perception positive de la qualité des soins par les utilisateurs. En effet, sur recommandation de la province, les médecins chefs de zone de Kabinda et de Tshilenge ont été formés en santé publique durant la même période.

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Disponibilité des médicaments essentiels et des vaccins Hormis la réduction des tarifs induite par le FBP, les usagers ne sont réellement satisfaits de la qualité des soins dispensés que lorsque les médicaments sont disponibles à la pharmacie et à des prix abordables.

Malheureusement, les taux faibles de disponibilité des médicaments traceurs à la centrale de distribution régionale (entre 2007 et 2013, ils ont varié entre 41,5% et 44,5%) ont entrainé des ruptures fréquentes de stocks dans les structures contractantes. Cela a eu pour effet une faible satisfaction des usagers qui n'utilisaient plus ces services. Cette situation pourrait expliquer l'impact négatif qu'ont eu l'introduction du FBP MED et du FBP MED Cash sur le taux d'utilisation des services curatifs (modèle 3).

Le «mouvement FBP» se propose de clarifier les responsabilités et obligations de chaque acteur du système de santé et de pouvoir le rétribuer en fonction de sa performance dans la bonne réalisation de ces obligations spécifiques (26). Il devrait donc se pencher sur la performance des acteurs en charge de l'approvisionnement en médicaments et surtout questionner la performance des centrales d'achat publiques et privées. Cela est valable aussi pour la disponibilité en vaccins pour lesquels une rupture de stock avait été enregistrée en 2009, lors du remplacement des antigènes DTC 3 par le Pentavalent 3. Ce qui peut expliquer l'impact négatif significatif constaté après l'introduction du FBP MED Cash en janvier 2009.

Amélioration de la tenue des données sanitaires En instaurant une vérification systématique des données sanitaires avant l'allocation des subventions, le FBP a amélioré la tenue et le rapportage de l'information sanitaire. Il se pourrait donc que des cas de vaccination au DTC3 aient été sur-notifiés avant la mise en œuvre du FBP car on note une diminution significative du taux de DTC3 à l'introduction du FBPMED Cash (tableau 3) traduisant surement un meilleur rapportage de données.

Amélioration des incitations financières des prestataires de soins Plus de 80% des effectifs du personnel de santé de la RDC reçoivent une forme de rémunération par l’Etat, à travers des primes principalement (pour les médecins le ratio entre salaire et prime est de rapport de 1 sur 6). Des augmentations significatives des salaires et primes ont été mises en place entre 2007 et 2012. Ces augmentations se sont traduites par une harmonisation des rémunérations par catégorie sur l’ensemble du territoire et par une multiplication par 4 de la rémunération totale des médecins et par 6 de celles des autres professionnels de santé. Cela pourrait expliquer la plus grande motivation des prestataires à réaliser plus d'activités et à augmenter l'utilisation des services curatifs et préventifs.

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163

2.3. Facteurs contextuels liés à l'environnement du Kasaï oriental Conditions socio-économiques Le Kasaï oriental est une zone hautement diamantifère où le coût de la vie est assez élevé. La plupart des structures de santé appartiennent à des individus avec une visée purement lucrative (en RDC, une différence est faite entre les privés lucratifs et les privés confessionnels). Ils sont donc très réfractaires à toute idée de baisse de tarif. Cette prolifération du privé lucratif résulte de la faillite de la principale société minière (la MIBA: la minière de Bakwanga) dont dépendait toute l'activité économique de la province. Son réseau très développé de structures de santé a subi aussi les conséquences de sa faillite. Le manque d'augmentation significative de l'accouchement assisté pourrait en être la traduction.

•Premières Elections

présidentielles et législatives

•Poursuite PATS/UE

•Faillite de la MIBA (principale

industrie provinciale)

•Mise en œ

uvre du projet d’appui transitoire à la santé de l’UE

Mise en place de

l’établissement d’utilité

publique/octobre 2008

Fin du 9èm

eFED et passage au 10

ème

•Retard de paiement des

prestataires•Form

ation en santé publique m

édecin Kabinda

2006 2007 2008 2009 2010

•Retard de paiement des

prestataires•Rupture des vaccins en DTC3

Période avant PBF Période PBF Med Période PBF Med Cash Période PBF Cash

Time

2011 2012 20132005

•Retard de paiement des

prestataires•Form

ation en santé publique m

édecin Tshilenge

•Retard de paiement des

prestataires

Figure 5.7: Ligne du temps de l'évolution du FBP au Kasaï oriental entre 2005 et 2013 Légende: Acronymes: UE (Union Européenne), FED (fonds européens pour le développement), DTC 3 (ou Penta 3, diphtérie-tétanos-coqueluche), PATS (projet d'appui au secteur de la santé de l'union européenne), FBP ou FBP (financement basé sur la performance), MED (médicaments)

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L'accessibilité géographique des zones de santé Ce facteur contextuel est également à prendre en compte, surtout dans le contexte du Kasaï oriental en particulier et de la RDC en général.

En effet, les zones de santé de Kabinda, Tshilenge et Miabi (contrairement à Makota et Kasansa) sont très vastes. D'où les problèmes d'accessibilité géographique, réduisant l'utilisation des services. Ceci pourrait expliquer aussi le manque d'augmentation significative de l'accouchement assisté.

2.4. Autres facteurs utiles à ne pas négliger La question de la variabilité de l’efficacité de certaines interventions de santé en fonction du contexte ou de la manière optimale de promouvoir leur mise en œuvre, demeure au cœur des réflexions de nombreux auteurs (Damschroder, 2009; May et Finch, 2009; May, 2013). Ces derniers suggèrent notamment d'accorder une attention particulière aux caractéristiques de l'intervention, à différents facteurs externes ou internes au système de santé, aux caractéristiques des acteurs concernés ainsi qu'au processus de mise en œuvre.

Dans sa thèse de doctorat, portant sur la gouvernance hospitalière adaptative en contexte changeant de la RDC, Karemere (2013) a aussi tenté de générer des propositions théoriques utiles pour aborder différemment la gouvernance des hôpitaux généraux de référence, l’analyse de leur performance et la manière d’améliorer cette performance.

En effet, cette thèse, menée en milieu hospitalier congolais où le FBP est mis en œuvre, aborde l’hôpital de référence comme SAC et attire notre attention sur la nécessité de tenir compte de : (i) l’interaction solide et positive entre trois agents clés des hôpitaux de référence (l’équipe dirigeante, le staff hospitalier et le propriétaire) qui influencent l’atteinte des résultats ; (ii) la solidité des arrangements institutionnels préexistants ou nouveaux des différents hôpitaux, surtout dans les hopitaux à longue tradition d’appui (comme dans les ZS de Kabinda et Tshilenge) ; (iii) l’intégration d’un hôpital initialement autonome et isolé dans un réseau hospitalier plus important (confessionnel par-exemple) ; (iv) la présence d’une expertise externe, nationale ou internationale, managériale ou médicale (toutes les ZS de l’étude bénéficiant d’une assistance technique sur les questions de financement et d’assurance qualité des soins).

3. Propositions de pistes pour le futur Même dans le cas d'interventions de santé relativement simples, il est difficile de repérer les effets indépendamment les uns des autres. A ce propos, de nombreux facteurs confondants peuvent avoir un impact sur ces effets. De ce fait, chercher à isoler une intervention du contexte social dans lequel elle s'inscrit peut produire un portrait limité de ses effets sur la population dans le milieu réel.

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L'évolution des indicateurs ainsi que les facteurs contextuels identifiés peuvent nous renseigner sur la conduite à tenir lors de la prise de décision en faveur ou en défaveur du FBP. En effet, il demeure important de considérer non seulement les résultats du FBP au Kasaï oriental mais aussi les spécificités de son fonctionnement sur terrain telles que: le type de services offerts et les modalités d'organisation ou de fonctionnement, la perception de l'offre de soins par la population, leur adaptation au fil des années devant des effets attendus ou non.

Cela permettra d’améliorer le design des montages FBP à venir, en tenant compte du niveau ou de la capacité technique du bénéficiaire ciblé et de l'ensemble des facteurs intervenant dans l'atteinte des résultats. Ainsi le paquet d’interventions à proposer sera plus approprié avec les différentes mesures d'accompagnement qui s'imposent: disponibilité des médicaments et des vaccins, coûts d'achat des prestations déterminés sur une base plus réaliste, renforcement des capacités des parties prenantes, etc. Au lieu de procéder par de simples "copier-coller", les leçons apprises de l'expérience concrète des projets FBP aideront à proposer, lors du processus d'implantation, les modifications à apporter à l'organisation et au contenu des services à offrir. Certes notre liste de facteurs contextuels à considérer, et susceptibles d’influencer sur la qualité de la mise en œuvre n’est pas exhaustive, ce qui signifie qu’il faudra aussi récolter d’autres éléments d'information sur les conditions d'implémentation des interventions de santé que notre travail n’a pas abordé mais que la littérature (Damschroder, 2009; May et Finch, 2009; May, 2013) nous renseigne. On peut citer à titre d’exemple :

(i) des paramètres externes: l’influence des politiques et des lignes directrices du gouvernement, les pressions parfois perturbantes des partenaires ;

(ii) des paramètres internes: les caractéristiques structurelles (coalitions de professionnels et leur mode de coordination pour la production des services, stabilité des équipes de travail durant une période de temps assez longue, compétences administratives et managériales développées au sein de l'organisation ou du système, etc.); la nature et la qualité des communications formelles et informelles, la cohésion entre les personnel ("esprit d'équipe"); les normes, valeurs et présupposés de base du système; le climat de mise en œuvre (réceptivité et soutien des bénéficiaires, etc.) ; la qualité du processus de mise en œuvre (planification, engagement, exécution, évaluation) ; son adaptabilité pour répondre aux besoins locaux, intégration des besoins et les ressources des patients

(iii) les caractéristiques ou attributs personnels des prestataires : Connaissances et croyances à propos de l'intervention, efficacité personnelle, capacité

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intellectuelle, motivation, valeurs, compétences, capacités, esprit innovateur, style d'apprentissage, etc.

5. Conclusion Le présent article, partant de mesures objectives des résultats dans des zones de santé, a suivi différentes modalités de FBP dans le temps. Il en ressort que des composants aussi bien internes (montage institutionnel déterminant le type et la hauteur des incitations, les délais de paiement des factures) qu'externes (capacité et performance des centrales de distribution régionale de médicaments, performance du programme PEV, contraintes géographiques) au projet FBP sont susceptibles de faciliter ou d'entraver ses modalités de mise en œuvre. Il incombe donc aux décideurs et aux acteurs de mise en œuvre de veiller à la surveillance continue des programmes d’incitation à la performance, de manière à déterminer leur efficacité et à déceler des éventuels effets indésirables sur la qualité des soins. Ils doivent reconnaître qu'ils sont profondément enracinés dans les structures sociales et que de nombreux facteurs sont susceptibles de les influencer. Devant la complexité de ces enjeux, l'une des options permettant d'atteindre un certain équilibre serait alors de tendre vers un mélange de données probantes, de connaissances locales quant aux principaux facteurs contextuels et d'exemples de pratiques prometteuses.

6. Bibliographie 1. Meessen, B., Van Damme, W. Systèmes de santé des pays à faible revenu: vers

une révision des configurations institutionnelles?, Mondes en Développement, vol. 33, no. 131,2005 pp. 59-73.

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11. Soeters R, Vroeg P. Why there is so much enthusiasm for performance-based financing, particularly in developing countries Bull World Health Organ 2011, 89:700.

12. Gertler P J, Martinez S, Premand P, Rawlings L B, Vermeersch C M J. L’évaluation d’impact en pratique. Banque mondiale, Washington, 2011.

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23. Leonard K., Masatu M.C., Vialou A. Getting doctors to do their best. The Journal of Human Resources 42, 682–700, 2007.

24. De Caluwe P., De Borman N., Mayaka S., Kieto E. Rapport de mission d’appui au Fonds d’achat des services de santé/PS9FED. Kinshasa, 2009.

25. Cellule d'appui et de gestion du ministère de la santé/RDC. Rapport synthèse de la mise en œuvre du Projet d’appui au Plan National de Développement Sanitaire en RD Congo, janvier 2014.

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ETAPE 6: SYNTHESE ET DISCUSSION

A. Application de la grille SAC à la mise en oeuvre du FBP en RDC Différentes stratégies et outils sont souvent proposés lors de l'application concrète de la pensée systémique dans la conception, le suivi et l'évaluation des interventions de santé (Swanson et al 2012; Paina et al 2011), nous avons quant à nous choisi le SAC comme cadre d’analyse.

Mais parmi les caractéristiques du SAC qui nous aideront à cerner la complexité de l'organisation du système de santé sous FBP (Gouberman et al 2002 ; Swanson et al 2012 ; Paina et al 2011), nous tenons à rappeler:

La non-linéarité des outputs dans le FBP. Il s'agira de voir s'il existe une corrélation directe entre les intrants ou les extrants lors des montages FBP, en d'autres termes s'il y a souvent un décalage entre les entrées et les sorties.

L'existence de tensions, perturbations et fluctuations entre les acteurs du système de santé autour du FBP. Certaines peuvent être perçues comme des opportunités car mettant parfois le point sur des améliorations possibles à apporter.

En guise de rappel, nous pouvons dire que la nécessité de générer, à l’aide de la grille SAC, des explications et des connaissances de manière à instruire la mise en œuvre du FBP en RDC, est à l'origine de cette thèse. A cet effet, nous sommes partis de l'hypothèse que toute intervention telle que le FBP est complexe, car liée à toute une série de facteurs aussi bien internes qu'externes. Devant ces nombreux facteurs, il fallait donc contextualiser les effets de l'approche, et surtout examiner son développement et sa mise en œuvre en accordant une place prépondérante à l'imprévisibilité, à la créativité, aux phénomènes émergents, à la flexibilité des équipes et de l'environnement, à l'interconnexion et à l'interdépendance des agents. Tous ces aspects sont liés justement au concept de systèmes adaptatifs complexes (avec leurs caractéristiques) ont constitué la structure de la thèse.

C'est ainsi que dans cette étape, nous discuterons d'abord sur une analyse du FBP en RDC en appliquant la grille SAC. Ce point sera suivi par: notre contribution à l'état d'avancement des connaissances, les éléments de validité de notre thèse, ses limites et ses forces. Nous terminerons par une conclusion et des recommandations devant servir à améliorer la qualité de la mise en œuvre de l'approche en RDC.

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Les éléments reconnus d'imprévisibilité et d'incertitude observés au cours de la mise en œuvre. Il s'agira de voir certains changements qui se sont produits de façon disproportionnée et imprévisible lorsque les acteurs du système ont interagi entre eux.

La dépendance à des facteurs temporels (path dependence): il s'agira d'apprécier comment l'histoire contient la signification du changement et comment l'évolution des projets pilotes FBP existants est en partie déterminée par leur cheminement antérieur. On appréciera aussi la sensibilité d'un système à des conditions locales.

L'existence d'observations aberrantes survenant en cours de mise en œuvre. Certaines d'entre elles pouvant être traitées comme des déterminants clés possibles de la mise en œuvre.

Les comportements émergents et un processus décisionnel émergent plutôt que le rigide suivi des plans initiaux. Il s'agira de voir si la mise en œuvre du FBP a permis l'apparition de nouvelles propriétés, de nouvelles formes d'organisation, de nouveaux rôles ou relations.

Les interactions entre les agents du système et avec le reste du contexte dynamique. Il s'agira de relever les influences mutuelles entre les agents au sein du système lui-même ou dans le contexte dans lequel les projets pilotes sont exécutés. On appréciera aussi la capacité d'adaptation et d'auto-organisation du système sans l'imposition d'une force extérieure.

Le fonctionnement des relations réelles et des boucles de rétroaction (positives et négatives). Il s'agira ici de voir comment des outputs (variables de sorties) générés par le système peuvent exercer une rétro-influence sur les inputs (variables d'entrées); de sorte que les causes et les effets se confondent (Ribesse et al 2013).

Nous utiliserons les étapes précédentes de la thèse (de l'étape 1 à l'étape 5) comme source d’information pour vérifier l'application des différentes caratéristiques des SAC dans la mise en oeuvre du FBP en RDC.

Nous partirons de l'absence de consensus autour de l'approche et on montrera ensuite qu'il est souvent difficile d'établir un lien de cause à effet entre FBP et résultats, pour diverses raisons, en l'occurrence: l'history dependence du contexte de mise en œuvre et les nombreuses adaptations des programmes FBP qui suivent des trajectoires propres et qui sont confrontés à des comportements émergents des acteurs du système.

A ce propos, l'étude sur les interactions dynamiques entre les projets pilotes FBP de la RDC (Mayaka et al, 2015 en cours de publication) pourra, par exemple, nous aider à comprendre les comportements émergents et imprévisibles, les interactions

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entre agents du système et certaines subtilités liées au fonctionnement de ces expériences pilotes.

Par ailleurs, les données qualitatives produites avec les interviews réalisées lors des études portant sur la structuration des controverses dans le FBP et la nature de ces controverses (Mayaka et al, 2015) seront utiles pour mieux appréhender les aspects liés aux tensions entre acteurs. En tant qu'acteur nous- même du système de santé congolais, nous pourrons, à ce niveau, donner notre point de vue sur certains sujets à tension.

Les données quantitatives produites par des études de suivi de certains projets FBP en RDC (Mayaka et al, 2014en cours de publication ; Soeters et al, 2011) aideront à comprendre les observations aberrantes et la non-linéarité des outputs.

Pour finir, l'analyse approfondie de l'évolution de l'organisation et du financement de la santé en RDC, menée dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de renforcement du système de santé (MSP, 2010), aidera à comprendre les questions relatives à la dépendance à des voies et aux facteurs temporels.

1. L'existence de tensions, perturbations et fluctuations entre les acteurs du système de santé autour du FBP

On a pu constater que dans le FBP, il y a une absence de consensus aussi bien sur ce que c'est que le FBP que sur l'attendu ou le type de résultats que l'on espère obtenir.

En effet, notre article sur les points d'accord et de désaccord avait relevé qu'au cœur des débats actuels autour du FBP, on retrouve des opinions fortement ancrées et une multitude d'intervenants opposés. Il a attiré notre attention sur le fait que, par suite de ces désaccords et de ces divergences, le risque était grand que de nombreux problèmes relatifs à l'organisation et au financement de la santé demeurent insolubles.

En essayant d'utiliser une grille d'analyse (grille de Norman Daniels) pour mieux structurer ce débat sur le FBP, les zones de tensions ont été observées autour des points suivants: (i) le degré de complétude des prestations et le degré de catégorisation (apprécier si tous les services efficaces et nécessaires sont abordables et fournis à tous et si la réforme réduit la catégorisation et permet d’obtenir une couverture et une qualité plus uniformes tout en intégrant les services dispensés aux plus pauvres); (ii) le financement équitable (apprécier si la réforme tient suffisamment compte de la capacité financière des usagers et si elle ne laisse pas trop de charge sur eux); (iii) l'efficacité, l'efficience et la qualité des soins (apprécier si la réforme vise réellement une amélioration des soins de santé

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primaires, si elle est fondée sur des données factuelles et si elle met suffisamment l’accent sur l’amélioration de la qualité des soins); (iv) l'efficacité administrative (appréciation du degré de rigueur et de transparence de la réforme, de l'efficacité dans la gestion du système de santé, de la réduction des frais généraux administratifs et des autres couts, des abus, fraudes ou autres incitations inappropriées); (v) la transparence et l'habilitation (apprécier si, avec cette réforme, les bénéficiaires sont en mesure de comprendre et de maitriser le système; et observer la transparence dans la prise de décisions, la répartition des ressources, etc.)

Selon cet article, les désaccords autour de ces points de la grille relèvent surtout de malentendus sur les significations du FBP et sur des appréhensions face à des risques (effets pervers, évaluation subjective de la qualité des soins, etc.). Ces désaccords sont liés aussi à une absence de données probantes suffisantes ou à un déficit informationnel (concernant la qualité et le niveau des connaissances sur le FBP) entre experts.

Dans la même lancée, une seconde étude a été menée. Elle avait principalement pour objectif d'explorer la nature et la complexité des tensions et des positions entre pro et anti FBP et d'examiner plus minutieusement les causes sous-jacentes aux désaccords. Au cours de cette étude, différents facteurs à l'origine de l'émergence et de l'entretien des controverses ont été rassemblés. Ces facteurs ont été regroupés en trois champs: (i) Le champ des théories explicatives (avec pour facteur principal le déficit informationnel); (ii) Le champ des valeurs (associé aux systèmes de croyances ou valeurs fondamentales différentes qui induisent des choix sociétaux différents); (iii) Le champ des relations interpersonnelles et des rapports de pouvoir (multifactoriel car comprend le jeu des intérêts des groupes rivaux, le poids des institutions, la psychologie humaine, les autres causes non rationnelles comme les mécaniques de domination, de préjugés, les jalousies personnelles); (iv) les comportements inadéquats dans le processus délibératif.

En tant qu'acteur du système de santé congolais, nous nous sommes permis d'exprimer notre point de vue sur certaines points ayant suscité des désaccords entre les acteurs notamment sur les questions relatives à: la production d'évidences scientifiques dans la mise en oeuvre du FBP, la prise en compte des prérequis de qualité des structures de santé avant tout acte d'achat de prestations, le degré d'autonomie à accorder aux prestataires, la focalisation sur des prestations subventionnées au détriment des prestations non-subventionnées

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Le FBP et la production de données probantes

Le manque d’objectivité des différents auteurs qui produisent des articles scientifiques ou des rapports d’évaluation (surtout les évaluations internes) des programmes FBP, ainsi que le manque d’équipes neutres et indépendantes prenant assez de recul pour produire des évidences scientifiques prouvant que le FBP fonctionne (ou pas) ont suscité des craintes parmi les acteurs du système.

Nous sommes d'accord que le débat autour de FBP doit être fondé sur des preuves et donc les partisans et les opposants devraient éviter de prendre une position dogmatique, surtout qu’ils sont d’accord sur le fait que FBP n'est pas une panacée (Meessen, Soucat, Sekabaraga, 2011).

Sans rejeter l’importance cruciale de fonder sur une évidence, toute proposition d’approches de reformes du financement de la santé ; même celles ayant un gros potentiel comme le FBP. Nous craignons aussi que le respect strict de ce principe puisse conduire à une inertie des systèmes de santé en quête de performance. A ce propos, des propositions comme celles du système de district sanitaire n’ont pas subi la même rigueur. Ce qui n’enlève rien de leur pertinence (Basinga, Mayaka, Condo, 2011). Nous soutenons toute la démarche actuelle de la Banque Mondiale qui couple systématiquement son design de mise en œuvre du FBP avec des évaluations d’impact réalisées par des bureaux d’études indépendants, selon des designs rigoureux. Ces dernières ne devront uniquement prouver l’efficacité (ou non) de l’approche, mais comprendre les réactions ou les comportements des systèmes de santé à l’introduction du FBP (Macq et Chiem, 2011).

Le FBP et la prise en compte des pré-requis des Fosa avant l’implémentation de l’approche

Dans les Etats en situation de post-conflit comme la RDC, on pourrait s'interroger sur la nécessité de commencer d’abord par garantir tous les coûts liés aux investissements (infrastructures, personnel, équipement, matériel, etc.) soutenant le processus qui conduit à l’atteinte des résultats, de manière à être sûr de la qualité des prestations à acheter. A ce propos, nous pouvons noter que les mauvaises conditions de travail constituent aussi des facteurs qui sont à la base de l’insatisfaction et de la faible motivation des prestataires, et donc des facteurs de mauvaise qualité des soins offerts à la population (OMS, 1987).

Nous pensons que la fourniture des soins et le développement des services de santé, à travers des programmes d’incitations, devront prendre en compte tous ces

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aspects d'amélioration de la qualité de l'offre de soins dans leur conception ou design. Un bon système d’incitations doit être bien conçu, adapté à la réalisation d’objectifs stratégiques à long et à court terme. Cela implique une adaptation aux contextes locaux notamment les approches de financement de la santé en vigueur mais aussi les conditions de travail réelles ainsi que les infrastructures à disposition du personnel soignant (Chaix-Couturier et al, 2000 ; cités par ICN, 2008).

Dans la SRSS (MSP, 2006), la RDC a tenu compte du potentiel de développement (les pré-requis) des différents districts devant bénéficier d’un appui financier. Dans ce cas, l’objectif stratégique à long terme à poursuivre sera d’aider les zones de santé à faible potentiel de développement, à devenir progressivement des zones de santé à haut potentiel de développement.

Il faudrait donc produire davantage de données probantes sur les capacités de ces zones de santé à réagir positivement (malgré leur potentiel de développement faible) à ces systèmes d’incitations à la performance qui peuvent jouer sur l’esprit entrepreneurial des responsables des structures de santé.

Le FBP et l'autonomie des prestataires dans la délivrance des soins

Cette autonomie des prestataires peut contribuer à un climat de confiance qui affecte leur performance et influence fortement leur fidélisation.

A ce sujet, il a été démontré que les prestataires jugent positif leur environnement professionnel ou leur cadre de travail lorsqu’ils bénéficient de plus d’autonomie (De Gieter et al, 2006 ; Dambisya, 2007 ; Lipinge et al, 2009). Si cela représente un avantage immédiat pour les prestataires, c'est aussi le cas pour leurs employeurs qui apprécient mieux le réel engagement dans l'exécution de leurs taches.

La question qui demeure alors est : Quel degré d’autonomie leur accordé pour le management de la structure de santé? Pour la prestation des services ? Pour la gestion des ressources financières ? Pour la tarification des prestations ? Pour l’approvisionnement en médicaments? Pour la gestion des ressources humaines ?

Dans notre contexte de décentralisation, on reconnait qu’il y a différents niveaux d’autonomie, certains plus facilement acceptables « politiquement » que d’autres. Nous pensons qu'une autonomie totale sur les questions de gestion des ressources pourrait être acceptable et bénéfique pour les prestataires. Mais pour les questions relatives à l'approvisionnement en médicaments essentiels (avec tous les risques dans le choix des produits de qualité) et de tarification (avec tous les risques de fortes disparités dans la fixation des tarifs entre structures de

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santé entrainant des problèmes d'équité dans l'accès aux soins), nous pensons que l'autonomie devrait être partielle.

C’est donc tout l’intérêt du renforcement de la régulation (à ne pas confondre avec le commandement ou le contrôle) dont l’élément clé sera que l’individu ou l’organisation régulée devrait tout de même avoir un certain degré d’autonomie ou d’indépendance dans la prise de décision’’.

Le FBP et les prestations non-subventionnées

Comme de nombreux auteurs (Armour et al, 2001; Leonard et al. ,2005; Steel et al, 2007; Campell et al. 2009; Van Herck et al, 2010; Doran et al ,2011), nous pensons aussi que l’introduction d’un système d’incitation aura peu d’effets apparents à court terme sur les indicateurs non-subventionnés, mais au contraire des effets néfastes à long terme suite à la focalisation des prestataires sur les patients dont la résolution des problèmes de santé est liée à des récompenses. A ce propos, notre analyse des données au Kasaï oriental n'a d'ailleurs montré aucune association positive ou négative significative sur les indicateurs d’activités non-subventionnées par cette approche, hormis pour les visites à domicile.

Nous pensons qu'il serait important d’améliorer le caractère multidimensionnel (multitasking) des taches réalisées par les prestataires, avec par-exemple "des indicateurs composites" ou des indicateurs synthétiques constitués eux-mêmes d’un ensemble d’indicateurs individuels valorisés (Siva, 2010).

Il est important aussi d'amener le prestataire, en dépit de cette perspective de gains, soit à travailler plus, soit à s’investir davantage dans sa pratique pour améliorer ses résultats. (Bras et Duhamel, 2008). Sur ce dernier point nous tacherons de ne pas nous détacher de la réalité de l'environnement institutionnel congolais où l'enseignement des professionnels de santé est défaillant. A ce propos, le programme de formation devra insister sur le fait que, dans la profession médicale, la motivation et les efforts des prestataires sont aussi sous l’influence des normes éthiques et professionnelles.

Lors des formations qui accompagnent la mise en œuvre du FBP, des messages claires seront apportées aux acteurs de santé qui devront bien intégrer le fait que même si cette approche de financement cherche à booster leur aptitude à diagnostiquer ou à prescrire des traitements conformes aux ordinogrammes, et à assurer un accompagnement du patient, elle ne doit pas être conçue comme une simple récompense.

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2. Pas de relation linéaire simple entre l'introduction du FBP et des résultats attendus (non-linéarité, pas de lien simple de cause à effet)

Ce sujet a été longuement abordé au cours de notre travail. Selon notre article relatif à la tentative d'arbitrage de la controverse autour du FBP, il ressort que, pour quelques "opposants" au FBP, il est dangereux de croire que l'introduction du FBP pourra toujours apporter des résultats quantifiables, à court terme, en termes d'augmentation de l'utilisation des services ou d'amélioration de la qualité des soins.

Dans le contexte du Congo, il n'est pas rare de constater que les moyens mis en œuvre lors du montage des projets FBP n'aboutissent pas aux résultats escomptés. Les résultats peuvent alors être disproportionnés voire imprévisibles. A ce propos, l'article sur l'analyse des données quantitatives nous renseigne que des facteurs aussi bien internes (montage institutionnel déterminant le type et la hauteur des incitations, les délais de paiement des factures) qu'externes (capacité et performance des centrales de distribution régionale de médicaments, performance du programme PEV, contraintes géographiques) au projet FBP sont susceptibles de faciliter ou d'entraver les modalités de mise en œuvre du FBP, d'un contexte à un autre.

Par conséquent au lieu de procéder par de simples "copier-coller", il incombe aux décideurs et aux acteurs de mise en œuvre de veiller à un mélange de données probantes sur la mise en œuvre du FBP, de connaissances locales des principaux facteurs contextuels, et d'exemples de pratiques prometteuses.

3. Dépendance à des facteurs temporels (history dependence - path dependence):

Ce point nous rappelle que la manière dont le FBP doit s'implémenter en RDC n'est pas nécessairement la même que celle des autres pays de la région dont les histoires sont très différentes.

A ce propos, il est important de relever à ce niveau les grandes orientations prises en RDC en matière de financement de la santé depuis cette dernière décennie. En effet, l'introduction de la thèse relève que les différents documents stratégiques (MSP, 2001, 2005, 2009, 2011a, 2013a) convergent vers les actions suivantes: (i) l'augmentation du budget de l'État pour la santé mais aussi l'amélioration de son exécution, de son affectation, grâce à une gestion plus décentralisée; (ii) l'amélioration de l'accessibilité financière de la population aux soins grâce au prépaiement (mutuelles à base communautaire) et à d’autres mécanismes de partage du risque; iii) une meilleure traçabilité des flux financiers et une réduction de la fragmentation dans la gestion des fonds extérieurs ; et (iv) l'amélioration de la planification financière, aussi bien au niveau central que provincial.

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Ces actions ont été proposées mais la situation politique tendue, la conjoncture socio-économique précaire, les conflits armés, etc. n'ont pas permis leur implémentation optimale.

Tout ceci a nécessité des réarrangements institutionnels plus en phase avec les défis à relever. En effet, en termes de structures, on a vu la naissance du CNP (Comité National de Pilotage) et des CPP (Comité provincial de pilotage) comprenant en leur sein des commissions "financement et contractualisation", des CA (Conseil d’Administration des zones de santé) ainsi que de la CAG (Cellule d'appui et de gestion du ministère de la santé). Ces organes correspondent aux structures d’accompagnement de la réforme et de la mise en œuvre de la stratégie de renforcement du système de santé, aux différents niveaux de responsabilité.

La mise en œuvre en RDC du FBP, qui propose une révision des arrangements institutionnels de nos systèmes afin de les rendre plus performants, devra prendre en considération cette nouvelle donne ou dynamique impulsée par la SRSS. A ce propos, notre article sur la nature des tensions autour du FBP avait épinglé la place prépondérante du poids des institutions défini comme un champ de règles, de pratiques, de conventions et de normes ou de cartes mentales enracinées, pouvant peser sur les comportements des acteurs, surtout ceux ayant contribué très significativement à la création des structures évoquées ci-haut.

En dehors des arrangements institutionnels actuels à ne pas négliger, la situation des ressources humaines en santé développée dans notre introduction devrait attirer toute notre attention. En effet, le Plan national de développement des ressources humaines pour la santé 2011 - 2015 a identifié une longue liste de problèmes majeurs et récurrents affectant ce sous- secteur (MSP, 2011b).

On peut citer notamment le nombre insuffisant et inéquitablement réparti du personnel de santé hautement qualifié surtout dans le secteur public. Très peu de prestataires de soins acceptent de se rendre dans les provinces. Pour ceux qui s'y rendent, la majorité reste confinée dans les chefs-lieux ou les grandes villes car, depuis des années, le gouvernement ne recourt plus à ses stratégies de rétention et de fidélisation du personnel de santé en leur octroyant différents avantages sociaux (primes d'éloignement ou de "brousse" c'est à dire des frais d'installation lors de l'affection de son personnel, le logement du personnel, les soins médicaux et la scolarité des enfants).

Cette situation est en défaveur des niveaux de soins de premier échelon et de première référence car cela limite l’accès à un personnel qualifié dans les zones les moins avantagées. De plus, on note une prolifération des institutions de formation en santé. Le nombre d'instituts des techniques médicales et d'instituts

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d'enseignement médical formant les infirmiers de niveau A2 est passé, entre 1998 et 2009, de 255 à 470 dont 56% d'entre eux fonctionnaient sans arrêtés d'agrément. Le nombre d'instituts supérieurs de techniques médicales formant les infirmiers de niveau A1 est passé de 53 à 108 de 1998 à 2008. Pour les facultés de médecine, leur nombre est passé de 3 à 39 entre 1998 à 2008. On en dénombre 61 en 2013 (MSP, 2013b).

Le personnel de santé en surplus, ne trouvant pas d'emploi dans les structures de santé formelles, crée, pour des raisons de survie, des structures de santé qui offrent de soins de santé de qualité pour le moins douteuse. Cette mauvaise qualité de services rendus par ces prestataires traduit aussi la faible qualité de l'enseignement reçu.

Le niveau de performance du FBP dans les structures de santé gérées par ces prestataires ne doit donc pas être attribué au FBP lui-même mais plutôt à toutes les causes inhérentes au niveau de qualité du personnel de santé formé.

Notre article sur les désaccords autour du FBP avait également soulevé cette question. En effet, la majorité des opposants avaient suggéré qu'il était souhaitable de contractualiser avec des structures de santé déjà bien équipées (aussi bien en infrastructures, équipement, matériel, qu'en personnel qualifié et compétent) et remplissant correctement leurs fonctions de base. De ce fait, pour eux la mise en œuvre du FBP impliquait la nécessité de commencer d’abord par garantir tous les coûts liés aux investissements soutenant le processus, pour garantir ainsi l’atteinte des résultats de qualité. Leur crainte était qu'en négligeant les investissements, et donc tout le processus, pour ne se focaliser que sur les résultats, cela pouvait constituer un risque de destruction du système car on allait encourager la production de soins de mauvaise qualité.

Un cercle vicieux peut alors rapidement s'installer car les mauvaises conditions de travail constituent aussi des facteurs à la base de l’insatisfaction et de la faible motivation des prestataires (OMS, 2006) qui, eux-mêmes, sont aussi des facteurs de mauvaise qualité des soins offerts à la population.

Tous les éléments doivent servir à la réflexion sur les capacités de nos zones de santé à réagir positivement ou non à ce système d’incitations à la performance. La prise en compte de leur potentiel de développement de départ pourrait constituer une explication.

De manière concrète, les succès du FBP dans les ZS financées par l'Union Européenne pourraient s'expliquer en partie par les pré-requis apportés dans le cadre du programme d'appui transitoire au secteur de la santé (PATS 1 et 2) entre 1992 et 2005. Les succès des ZS du Sud-Kivu pourraient aussi s'expliquer par les

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pré-requis apportés durant des décennies par la coopération belge dans la ZS de Katana et les ZS environnantes, relayée par la suite par le bureau diocésain des œuvres médicales.

Pour finir, la partie introductive nous rappelle que les salaires des prestataires sont encore très bas au vue de la conjoncture actuelle en RDC. Et ces salaires ne sont pas perçus par l’ensemble des prestataires du secteur public. A ce propos, il faut noter que 32% du personnel de santé bénéficiait du salaire de l'Etat en 2013 (MSP, annuaire sanitaire 2013).

Certes, ces salaires sont complétés par des "primes de risque", perçues comme un droit et donc sans réel pouvoir incitatif, mais les prestataires les perdent et ne bénéficient que de leur salaire, faible, en cas d'inactivité (maladie ou formation de longue durée à l'étranger). De plus, cette prime n'est pas inclue dans le calcul des retraites ou de la pension.

La prime apportée dans le FBP intervient donc dans ce contexte. On comprend alors les critiques des opposants qui estimaient qu'une gestion adéquate des ressources humaines à travers des salaires, l’encadrement, la supervision, les perspectives de carrière, les sanctions, l’impartialité des nominations, la formation de base, la déontologie professionnelle, produirait de meilleurs résultats que le FBP. Les opposants estiment, comme les partisans, que le problème de fond est l'absence d'une rémunération de base décente qui permet à chacun de vivre correctement. Notre article sur la nature des tensions est revenu sur ce malentendu entre experts.

4. Les interactions entre les agents du système et avec le reste du contexte dynamique:

Notre travail a permis de relever que des programmes d'implémentation du FBP en RDC ont connu leur propre mode de développement.

A cet effet, dans l'introduction, nous avons expliqué que les projets pilotes de l'UE et de Cordaid sont les plus grands projets FBP de la RDC mais qu'ils ont subi l'influence de la dualité entre les modèles de contracting in (UE) et de contracting out (Cordaid) au Rwanda.

Selon le "contracting in", l'expérience contractuelle est développée à l'intérieur du système public ou à l'intérieur de l'Etat, avec une agence d'achat et un comité de pilotage suffisamment proches de la hiérarchie sanitaire, tandis que pour le "contracting out", vu la corruption du secteur public, il fallait arriver à une externalisation de l'agence d'achat devant être gérée par un acteur privé comme une ONG internationale apportant les fonds. Le contracting out est mis en avant avec la Banque Mondiale et d'autres bailleurs qui n'ont plus confiance en l'Etat ou en un

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secteur public en crise et qui préfèrent confier la gestion des districts sanitaires à des ONG après des appels d'offre. Ce qui est parfois perçu comme une déresponsabilisation voire une exclusion des acteurs.

Quatre ans après leur mise en œuvre, notre analyse, réalisée dans notre article sur les interactions dynamiques entre les expériences FBP de l'Union Européenne et de Cordaid, a montré très clairement les convergences graduelles observées entre ces projets, au départ très différents de par leurs objectifs. Cette convergence, bien que résultant des échanges d’expérience et des leçons apprises les uns des autres, peut aussi être interprétée comme une émergence de bonnes pratiques.

En clair, ces lignes de forces auxquelles la convergence des deux expériences semble conférer un statut de bonnes pratiques sont notamment:

La séparation des fonctions entre l'agence d'achat des performances et l’administration sanitaire. Pour se faire, il fallait confier uniquement la fonction de paiement à une agence provinciale indépendante tandis que la fonction d’achat (la définition du contenu des contrats, des critères d’éligibilité, des prix d’achat, des sanctions, etc.) est confiée à un Comité de Pilotage où se retrouvent les acteurs de la santé, y compris le MSP. C’est ainsi que, dans le projet de l'UE, le travail de la régulation et de l’encadrement est financé par le niveau central, pas par l’acheteur provincial. En ce qui concerne le financement des régulateurs (Equipes Cadre de Province et de Zone), dans le projet Cordaid, l’Agence d’Achat contractait et affectait un bonus à la régulation pour effectuer des supervisions. Ce financement de l’encadrement ou de l’administration sanitaire par l’acheteur provincial donnait un levier additionnel à l’agence d’achat pour assurer la cohérence des interventions. Mais cette contractualisation et ce financement induisaient également un risque de dépendance de l’autorité sanitaire, soumise à une agence toute puissante.

L'influence du projet UE sur celui de Cordaid a permis cette séparation de fonctions au Sud-Kivu car, même si cela demeure encore assez théorique dans les faits, un effort a été fait pour donner un statut propre et formel à l’Agence d’Achat du projet Cordaid, en essayant de séparer la fonction de canalisation des fonds (paiement) de celle d’achat stratégique comme c'est le cas avec l'agence d'achat dans le modèle UE (mieux connu sous le nom d'établissement d'utilité publique). Cela dénote un effort de Cordaid pour s’éloigner du modèle d’une agence d’achat dominatrice.

Le projet FBP de l'UE a envisagé aussi d’introduire un seul contrat comme dans le projet Cordaid, de mettre aussi un accent majeur sur l’autonomie des

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structures de santé et d’inclure la dimension de la qualité dans le calcul du bonus FBP. Sur ce dernier point, on notera que le programme FBP de l'UE a renforcé son approche d'assurance qualité en recrutant un assistant technique provincial, externe au système et chargé de développer des stratégies d'amélioration de la qualité des soins de santé en complément aux contrats de performances. Le projet de Cordaid au Sud-Kivu avait aussi prévu de son côté l’introduction de Fonds d’Equité, à l’image de certaines provinces dans lesquelles le projet FBP de l'UE opérait. Ce qui prouve que, sur le terrain, on a pu constater la capacité d'adaptation et d'auto-organisation des projets FBP sans l'imposition d'une force extérieure.

5. Les comportements émergents et un processus décisionnel émergent:

Au cours de la mise en œuvre du FBP, il n'est pas rare de découvrir des comportements inattendus ou particuliers qui émergent de manière spontanée chez certains acteurs.

A ce propos, on peut citer tous ces comportements corruptifs (qui ne sont pas nécessairement résolus par la séparation de fonction) relevés par les articles sur les accords et les désaccords et sur la comparaison entre programmes FBP UE/Cordaid. En effet, on peut relever les arrangements constatés entre les responsables des hôpitaux lors de l'évaluation de la qualité des soins par les pairs, à l'origine des scores complaisants permettant aux structures de bénéficier de l'ensemble de leurs primes. Cette complaisance a aussi été relevée entre les prestataires et les vérificateurs communautaires ainsi qu'entre les prestataires et les statisticiens vérificateurs de l'agence d'achat. Dans les deux cas, des rétrocessions financières étaient faites.

A cela s'ajoutent aussi les sur-déclarations systématiques dans les structures de santé sous-contractantes. En effet, pour réduire les contraintes de couverture et d'accessibilité géographique aux services de santé, les centres de santé sous FBP pouvaient signer des contrats avec d'autres structures de santé de l'aire de santé. Mais, pour des raisons de logistique, la vérification se limitait parfois au CS, les structurantes sous-contractantes étant souvent très éloignées. D'où les cas de sur-déclarations et de fraudes orchestrés par l'infirmier titulaire du CS.

Outre ces comportements émergents à connotation négative, ces articles ont relevé aussi le développement d'initiatives locales par les prestataires pour la réhabilitation de leur environnement de travail. En effet, avec cette plus grande autonomie de gestion qui leur était accordée, leur esprit entrepreneurial les a parfois conduits à effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation, ou encore à se procurer du matériel médical avec leurs recettes propres. Certes, on

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admet que l'esprit entrepreneurial n'est pas uniquement positif car on connait, par exemple, des cas de prestataires sous FBP ayant imaginé des dispositifs de paiements informels (au détriment des patients) pour faire face aux retards de paiement de leurs factures par l'agence.

Comme autres comportements émergents à connotation positive, on peut citer aussi la promotion d'activités génératrices de revenus réalisées par les différentes associations locales chargées de la vérification communautaire, traduisant l'impact d'une stratégie de financement de la santé sur le niveau socio-économique de la population.

6. Imprévisibilité et incertitude observées au cours de la mise en œuvre du FBP

Il a souvent été question de la part de responsabilité du FBP dans la survenue de certains effets imprévisibles et inattendus au sein du système.

A cet effet, notre article sur les accords et désaccords dans le FBP fait allusion aux effets pervers observés dans la mise en œuvre du FBP, à savoir : des risques de sur-déclarations, de surmédicalisation des patients qui reçoivent ainsi des actes dont ils n’ont pas besoin. D’où l’expression souvent utilisée « d’iatrogénicité potentielle du FBP ». A cela s’ajoutent aussi les risques de falsification des données et la focalisation de l’attention des prestataires sur ce qui rapporte.

Mais partisans et opposants sont d'accord sur le fait qu’aucun système de financement, même pas le FBP, n’est à l’abri de la tricherie, de la corruption ou de la falsification. La mise en place des instruments et des outils efficaces pour les combattre est impérative. Les partisans se défendent de le faire avec les vérifications communautaire et administrative.

Même si partisans et opposants n'étaient pas d'accord sur le fait d'attribuer ou pas au FBP des défauts relèvant plus de la nature humaine qui pousse toujours à maximiser le profit (Homos economicus), ces effets pervers sont susceptibles d'entraver la mise en œuvre de l'approche.

A ce stade, cet article a relevé aussi le danger potentiel, avec cette approche, de voir les prestataires cibler leurs efforts et leur temps sur la liste des prestations retenues. Les autres étant négligées car non rémunérées. Cette faiblesse de l’approche n'a pas été clairement objectivée dans notre article sur l'analyse quantitative des indicateurs du FBP. En effet, cette étude n'a pas trouvé d’association positive ou négative significative sur les indicateurs d’activités non-subventionnées par le FBP, hormis pour les visites à domicile (prestations gratuites, non subventionnées et avec démarche active des prestataires). Des discussions sur

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la combinaison équitable entre incitants financiers et non-financiers dans le FBP ont été d'ailleurs amorcées dans ce sens.

7. Existence d'observations paradoxales survenant en cours de mise en œuvre.

Notre article sur la situation du FBP dans le Kasaï oriental nous a révélé un impact négatif sur le taux d'utilisation des services curatifs, de l'introduction du FBP avec des subventions sous forme de médicaments uniquement ou du FBP combinant des subventions sous forme de dotations en médicaments et en cash.

Normalement, l'introduction du FBP entraine une réduction des tarifs et donc une meilleure accessibilité financière de la population et par le fait même une augmentation de l'utilisation des services de santé. Les résultats de cette étude nous indiquent qu'hormis la baisse des tarifs, les usagers ne sont réellement satisfaits de la qualité des soins dispensés que lorsque les médicaments sont disponibles à la pharmacie et à des prix abordables.

En effet, au Kasaï oriental, les taux faibles de disponibilité des médicaments traceurs à la centrale de distribution régionale (entre 2007 et 2013, ils ont varié entre 41,5% et 44,5%) ont entrainé des ruptures fréquentes de stocks dans les structures contractantes. Cela a eu pour effet une faible satisfaction des usagers qui n'utilisaient plus ces services malgré la mise en œuvre du FBP avec ses tarifs bas.

En plus de cette situation, notre article sur la structuration de la controverse autour du FBP indique que, avec le FBP, des efforts sont fournis par la réduction des tarifs et l'amélioration de la qualité des soins, pour faire passer la population du secteur informel, peu réglementé et peu équitable, vers le secteur officiel mieux adapté. Mais cela n'est que temporaire et non pérenne. En effet, dès que la charge de travail des prestataires commence à augmenter fortement, ces derniers auront alors tendance à augmenter le ticket modérateur. Le différentiel de prix entre formel et informel ayant diminué, la population va retourner dans le secteur informel.

A noter que l'augmentation du ticket modérateur a aussi été constatée dans notre étude dans le Kasaï oriental, en réaction à des délais trop longs dans le paiement des factures des structures de santé par rapport aux prestations réalisées.

D'autres éléments pourront aussi expliquer ce retour vers le secteur informel. En effet, les prestataires du secteur formel, recevant la prime de performance, vont à un certain moment s’habituer à cette prime qu’ils n’estimeront plus suffisante pour eux (effet de lassitude). Comme ils sont aussi prestataires dans l’informel, ils vont y retourner, drainant avec eux quelques patients.

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Pour finir, s'il y a trop de monde dans les structures de santé (augmentation des taux de fréquentation), il y aura une diminution de la qualité des soins (p.ex. temps d’attente trop long, nervosité des prestataires qui ont une plus grande charge de travail et mauvais accueil, etc.). Cela entrainerait aussi le retour vers l’informel.

En clair, ces observations paradoxales doivent être traitées comme des déterminants clés possibles de la mise en œuvre. Ce qui implique de réduire le délai d'attente entre l'introduction des factures des structures de santé et leur paiement par l'agence fiduciaire responsable, de veiller à la disponibilité en médicaments, de réfléchir sur la taille des incitants pour les prestataires dont la charge de travail est plus importante (à partir de quelle hauteur d’incitation, le prestataire sera assez satisfait pour faire plus que ce qu'on lui demande).

Constat général

En appliquant les caractéristiques des SAC reprises ci-haut, on constate qu'il serait important de fournir des efforts pour analyser le comportement dynamique du système de santé après l'introduction du FBP qui, par les arrangements institutionnels induits, permet de mieux comprendre la quasi-totalité de ces éléments constitutifs et donc d’agir de manière plus systémique.

Tant que ces efforts ne seront pas fournis pour une meilleure compréhension de notre système de santé complexe et hautement interactif, les tentatives de développer des programmes FBP aussi bien à l'échelle du district, de la province ou du pays, risquent de s'avérer inefficaces ou décevantes, avec des résultats escomptés bien loin de satisfaire à nos attentes.

Implications de la pensée systémique

Admettre le caractère complexe de la mise en œuvre du FBP dans notre système de santé tel que décrit précédemment appelle à de nouvelles façons de penser et donc à de nouvelles approches pour mieux répondre à nos défis de santé. Nous pouvons citer notamment:

(i) une meilleure collaboration entre disciplines ou organisations (Swanson et al, 2010): cela suppose que les acteurs aillent au-delà de leur domaine d'expertise ou de leur pratique et collaborent avec d'autres collègues ayant différentes expériences et des objectifs distincts. Cela pourrait peut-être réduire d'éventuelles tensions et faciliter la compréhension de la survenue de certains phénomènes imprévisibles ou paradoxaux que seuls les acteurs de santé peuvent capter.

(ii) un apprentissage itératif et constant (Swanson et al, 2010): les changements constatés au niveau de nos systèmes de santé nous obligent à reconnaitre que le

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contexte est en constante évolution. Les preneurs de décision doivent s'adapter en permanence, apprendre et appliquer de nouvelles connaissances aux défis actuels. Ils doivent comprendre les subtilités de la conception des systèmes de santé et des actions dynamiques dans la mise en œuvre des interventions de santé comme le FBP. Cette reconnaissance de l'importance de l'apprentissage des bonnes pratiques les rendra plus objectifs dans la capitalisation des expériences pilotes.

(iii) un leadership transformationnel (Swanson et al, 2010): il est essentiel que des leaders soient capables de contester s'il le faut un paradigme dominant, de sacrifier les intérêts aussi bien personnels que liés à certaines organisations, et de plaider pour un changement nécessaire. Tout en promouvant les hypothèses de base sur la façon dont les soins de santé sont délivrés, ils doivent mobiliser autour d'une vision commune et ancrer la collaboration sur des valeurs fondamentales (responsabilité sociale, équité, efficience, engagement pour améliorer les résultats, professionnalisme...).

(iv) un recours à des modèles de simulation pour comprendre et agir dans la complexité: (Forrester, 1971 ; Leischow et al, 2008) : on pourrait construire et tester des modèles établissant des relations entre les différents facteurs expliquant les causes de dissensions, de résultats paradoxaux, d’imprévisibilité et d’incertitude, ou encore d'émergence de nouveaux comportements dans le FBP.

Ces modèles doivent reproduire des hypothèses contenues dans les modèles mentaux des acteurs engagés dans le renforcement du système de santé. Ces hypothèses devront être plausibles, créant peu de désaccords dans la perception des faits aussi bien par les opposants que par les partisans de l'approche, mais refléteront les affirmations courantes ayant émergé de leurs discussions.

Ces modèles, aux hypothèses plus affinées, seront donc plus explicites dans la description des théories et auront l'avantage de déterminer ou d'anticiper de façon fiable les conséquences futures dynamiques découlant des interactions entre les composants du système et de réduire certaines incertitudes.

Il est important d'examiner et de comprendre les composants du système de santé sur lesquels on souhaite agir en introduisant le FBP car en agissant sur l'un d'eux, dans un souci d'équilibre du système, les autres peuvent chercher à contrebalancer l'attrait supplémentaire engendré. Ce contrepoids peut agir négativement sur le système. Il faut donc toujours avoir à l'esprit cette nature contre-intuitive des systèmes sociaux devant des solutions présumées pallier à des difficultés mais qui en définitive aggravent les choses.

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Position à adopter par le Ministère de la santé

Actuellement en RDC, tous les acteurs de la santé sont conscients et unanimes que notre système éprouve de nombreuses difficultés. Toutes les discussions ayant conduit à l'adoption de l'actuelle stratégie de renforcement du système de santé (SRSS) le prouvent. En effet, la SRSS a permis de pointer du doigt plusieurs causes et les solutions pour y remédier semblent assez polarisées. (MSP, 2010)

Au cœur des débats actuels dans les cadres de concertation du niveau central, on constate des opinions parfois fortement ancrées sur des modalités opérationnelles opposées, vu la multitude des intervenants. Devant de telles divergences, le risque est grand que de nombreux problèmes inhérents à la politique et au financement du système de santé, demeurent insolubles.

Il revient donc au MSP d'adopter un leadership organisationnel favorisant une vision partagée et un environnement organisationnel favorable permettant à tous les acteurs de croiser les limites personnelles de leurs interventions ou de partager leurs bonnes pratiques ou leurs leçons apprises (Sturmberg, 2005). La diversité des points de vue et des expériences étant respectée, cela facilitera l'apprentissage sur la meilleure manière d'organiser le système de santé à tous les niveaux pour obtenir les meilleurs résultats possibles.

Le MSP veillera aussi une à compréhension suffisante de la nature et de l'organisation du système de santé dans son ensemble (Gouberman et al, 2008). En effet, comme signalé précédemment, au-delà d'un simple suivi d'indicateurs sensibles et aisément mesurables, une plus grande compréhension des facteurs systémiques liés aux interventions de santé s'impose. Elle permettrait d'identifier les atouts et mêmes les carences du système face au FBP ou à tout autre mécanisme de financement, de manière à concevoir des interventions plus spécifiques à optimiser les résultats (De Savigny et Adam, 2009).

Aspects de la mise en œuvre du FBP à considérer dans une perspective systémique

Tout au long de la mise en œuvre des programmes FBP, il s'avère important de prendre en compte les changements éventuels qui peuvent se produire parmi les nombreux composants du système de santé quand on agit sur des mécanismes incitatifs. Ces programmes ne seront considérés comme réussis que s'ils parviennent à améliorer la performance de l'ensemble du système de santé.

Comme dans tout SAC, cela suppose de ne pas se concentrer uniquement sur les causes apparentes qui sont à proximité des problèmes à résoudre, car les troubles ou les difficultés éprouvées au sein du système de santé sont imputés à des forces

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extérieures mais surtout à des politiques internes plus éloignées dans le temps et dans l'espace (history dependence - path dependence).

Cela suppose aussi de réfléchir sur les points de contrôle ou de haute influence susceptibles d'améliorer la performance du système de santé. Cette question a été longuement débattue au cours de notre travail, avec des nombreuses divergences notamment entre primes de performance et salaires décents et entre l'apport de subventions uniquement sous forme numéraire ou sous forme des dotations physiques.

Cela suppose enfin de comprendre qu'une stratégie de financement ne devrait pas se focaliser uniquement sur une amélioration à court terme même si le court terme et entraine une attention immédiate. Il faut avoir à l’esprit les risques d’effets contre-intuitifs ou imprévisibles éventuels liés à cette stratégie.

Synthèse personnelle Il ressort de notre analyse que la pensée systémique présente un immense potentiel pour appuyer la construction de systèmes de santé solides et pour comprendre la manière dont les progrès se sont réalisés. Cette synthèse devrait donc intéresser les pays en voie de développement.

Pour faire face à la montée en puissance du concept de complexité, ces pays sont appelés à abandonner les modèles linéaires (vu que la causalité est multifactorielle et dynamique), accepter l'imprévisibilité, respecter l'autonomie et la créativité et répondre avec souplesse aux tendances émergentes et aux opportunités.

A ce propos, l'adoption d'une telle démarche peut répondre aux enjeux de l'efficacité de l'aide au développement dans le secteur de la santé, surtout pour les interventions susceptibles d'entrainer des interactions entre les acteurs-clés du système. Appréhender les principes de base de la complexité peut aussi constituer un atout majeur capable de nous aider à développer des systèmes locaux de santé à la fois robustes et adaptatifs.

Il nous revient de cultiver cette démarche pour, par exemple, établir une relation entre différents facteurs qui expliquent les causes des dissensions ou des résultats paradoxaux dans une intervention de santé, pour comprendre l'histoire et la manière dont se structure notre environnement institutionnel

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B. Notre contribution à l'état d'avancement des connaissances

a) Apport général

(I) Cette recherche doctorale apporte une contribution empirique majeure pour améliorer la conception et à la mise en œuvre du FBP en RDC, grâce à l'utilisation du SAC comme cadre d’analyse.

Non-linéarité des outputs

Existence de tensions, perturbations et fluctuations entre les acteurs

Imprévisibilité et incertitude

Dépendance à des facteurs temporels

Existence d'observations aberrantes

Comportements émergents et processus décisionnel émergent

Interactions entre les agents du système et avec le reste du contexte dynamique

Fonctionnement des relations réelles et des boucles de rétroaction

Critère 1

Critère2

Critère 3

Critère 4

Critère 5

Critère 6

Critère 7

Critère 8

Figure 6.1: caractéristiques des systèmes adaptatifs complexes

En effet, analysant la mise en œuvre du FBP en RDC sous la guidance des caractéristiques des systèmes complexes adaptatifs, il en ressort que le FBP peut être considéré comme une intervention dynamique et complexe. En effet, dans le FBP: il n'y a pas de lien simple de cause à effet entre son introduction du FBP et les résultats attendus; il y a une dépendance à des facteurs temporels (path dependence); on observe des interactions entre les agents du système et le reste du contexte dynamique; des comportements inattendus et un processus décisionnel émergent; l'imprévisibilité et l'incertitude au cours de sa mise en œuvre sont fréquentes ; on constate l'existence d'observations paradoxales survenant en cours de mise en œuvre.

Les différentes informations recueillies peuvent constituer un support utile à la compréhension des incidences du FBP mais aussi au comportement dynamique et au fonctionnement du système dans son ensemble après son introduction. Par la

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suite, elles aideront à la conception d'interventions FBP plus spécifiques à la RDC avec des résultats plus optimaux.

(II) Cette recherche doctorale apporte aussi une contribution empirique majeure pour l'analyse de la controverse et de tensions autour de la mise en œuvre du FBP dans le système de santé complexe de la RDC.

En effet, elle propose une démarche délibérative structurante pour organiser un dialogue indirect entre experts critiques et partisans du FBP, sur base d'une grille d'analyse non partisane et comportant des critères clairs et objectifs de santé publique. De cette façon, elle permet de dégager les pistes de convergence ainsi que les désaccords autour du FBP.

(III) En se penchant uniquement sur les causes des désaccords, cette recherche permet de montrer que les tensions autour du FBP reposent sur un déficit informationnel ou malentendu cognitif (autour de l'interprétation des experts sur le FBP), des systèmes de croyances ou valeurs fondamentales différentes (autour des cadres conceptuels de chacun), des problèmes de relations interpersonnelles ou de rapports de pouvoir entre groupe d'experts mais aussi sur des comportements inadéquats dans les processus délibératif.

-Déficit informationnel-Malentendu cognitif

-Systèmes de croyances différents -Référentiels ou cadres normatifs différents

-Jeu des intérêts des groupes rivaux-Poids des institutions-Psychologie humaine-Autres causes non rationnelles (mécaniques de domination, de préjugés, les jalousies personnelles)

champ des théories explicatives

champ des valeurs fondamentales

champ des rapports de pouvoir

Comportements inadéquats dans le processus délibératif

Figure 6.2: Proposition de cadre d'analyse d'une controverse en politique de santé

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Ces différentes causes nous aident à comprendre pourquoi chaque point de vue reste isolé, chaque expérience individualisée, et pourquoi la vue d’ensemble fait défaut, ce qui peut entraver la prise de décision et entretenir la crise de réforme du secteur.

(iii) Elle permet également de dégager de manière empirique quelques facteurs à prendre en compte dans la mise en œuvre du FBP dans un système de santé complexe adaptatif. Pour y parvenir, elle couple aussi bien des données qualitatives (étude comparative de deux expériences FBP en RDC, interviews des experts partisans et opposants au FBP) que quantitatives (séries chronologiques temporelles des données de routine du système d'information sanitaire).

Ces facteurs externes et internes au FBP sont regroupés de la manière suivante:

Facteurs contextuels liés au programme FBP

A ce niveau, nous avons pouvons citer:

Le design du programme: cela suppose: - La combinaison de l'achat des services avec un ciblage d'ouvrages à haut

impact sur la qualité, tels que les travaux de réhabilitation et l’acquisition de petits équipements pouvant améliorer les conditions de l’offre des soins

- Une assistance technique pour un accompagnement des structures de santé dans le processus de mise en œuvre

- Une grande importante accordée à démarche d'assurance qualité avec des évaluations fréquentes

- Un couplage du FBP avec une prise en charge des indigents grâce à des fonds d'équité

La taille des incitations ou des barèmes d'achat des prestations conséquents Le délai de paiement des prestataires réguliers: pas de retards de paiement et

respect des dispositions contractuelles relatives à leur fréquence. A ce propos, il serait crucial que des efforts soient fournis pour doter toutes les structures de santé d'un compte bancaire pour le versement de leurs subsides. En effet, l'irrégularité des paiements peut résulter aussi des difficultés de transfert de fonds en espèces vers les structures de santé, avec tous les risques que cela implique (détournements de fonds, attaques des agents payeurs par des milices armées, etc.).

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Facteurs contextuels liés au système de santé

Ici nous citerons principalement:

Le renforcement des capacités de management et de leadership des membres des équipes cadres

La disponibilité des médicaments essentiels et des vaccins. Cela suppose d'abord que le circuit d'approvisionnement garanti par le programme élargi de vaccination est bien organisé. Mais aussi, pour ce qui est des médicaments, comme les centrales de distribution régionale des médicaments essentiels, bien qu'offrant des garanties de qualité, ont montré leurs limites, il faudrait accorder aux structures la liberté de recourir à d’autres dépôts pharmaceutiques accrédités et garantissant aussi la qualité de leurs médicaments.

L'amélioration de la tenue des données sanitaire, importante pour apprécier l'évolution des indicateurs et identifier les indicateurs à problème. A ce propos, nous encourageons l'avènement de logiciel open source software tel que le DHIS 2 (District Health Information System) permettant de construire des portails web pour le suivi des indicateurs FBP à travers le pays. Cela ne fera que renforcer davantage la prise de décisions.

L'amélioration des incitations financières des prestataires de soins. Les agents de santé de l'Etat, pour la plupart, ne bénéficient pas de salaires de l'Etat (voir introduction de la thèse). Par conséquent, la prime de performance à elle seule ne suffira pas pour les inciter à la performance. Elle sera alors perçue par les prestataires comme un droit et risque de perdre son pouvoir incitatif. De plus, les risques sont grands qu'en appliquant des clés de répartition des fonds FBP perçus, ils puissent tout concentrer sur la rémunération du personnel et très peu pour le fonctionnement et pour les investissements. Cette situation peut freiner les efforts d'amélioration de la qualité des soins.

L'amélioration du niveau d'enseignement des prestataires de soins. En effet, la qualité des soins dépend également du bagage intellectuel dont disposent les prestataires des soins. Nous avions signalé précédemment la prolifération des institutions de formation médicale (aussi bien pour les infirmiers que pour les médecins) dispensant un enseignement de très mauvaise qualité et déversant ensuite sur le marché de l'emploi des prestataires de soins sans compétence. Ces derniers, par favoritisme, se retrouvent alors dans des structures de santé contractées par le FBP ou encore sont capables d’obtenir, par souci de survie individuelle, des autorisations d'ouverture pour des établissements de soins dont ils seront les responsables. Le manque de professionnalisme et le souci du lucre de ces agents de santé pourra expliquer, par exemple, certains effets pervers tant décriés dans le FBP ainsi que la négligence des prestations non-subventionnées par le FBP.

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Il incombe donc à l'Etat de réguler l'épineuse question de la formation des ressources humaines en santé.

La meilleure coordination de l'intervention des bailleurs finançant le FBP. Cela devrait permettre la réduction des coûts de transaction. En effet, la grande diversité des procédures propres à chacun des partenaires n’étant pas suffisamment maîtrisée par les agents de services publics, les bailleurs préfèrent monter des structures autonomes de coordination et de gestion (opaque) de leurs financements. Cet état de choses fait que dans la pratique, on peut assister à la mise en place de structures accomplissant en parallèle les mêmes actions (vérification, paiement, assistance technique, etc.). Si dans le programme FBP de Cordaid au Sud Kivu, des efforts sont fournis pour que 70% des fonds servent aux subsides destinés aux structures de santé et 30% pour les coûts administratifs, d'autres bailleurs utilisent plus que 30%. Pour plus d'efficience et surtout pour que l'approche produise réellement un effet sur l’amélioration de l’état de santé de nos populations, la coordination de l'intervention des bailleurs s'impose. Elle permettra de réduire les coûts de transaction, dont certains sont des coûts fixes, et augmentera la part destinée à inciter les prestataires à plus de performance, réduisant de ce fait le ticket modérateur des usagers.

Facteurs contextuels liés à l'environnement général congolais

A ce niveau, nous pouvons citer notamment:

Les conditions socio-économiques et culturelles: Il est important que le design d'un programme FBP intègre ces informations. Cela implique de toujours veiller à des enquêtes ménages sur la capacité et la volonté à payer des ménages. Les résultats de ces enquêtes croisés à ceux des analyses de coûts des soins, permettront de fixer non seulement les barèmes (coûts d'achat) à appliquer pour les prestations mais aussi le ticket modérateur qui sera supporté par les usagers des services de santé. De plus, certaines particularités culturelles d'une contrée à une autre peuvent expliquer la non évolution de certains indicateurs. C'est le cas, par exemple, du taux d'accouchement assisté très faible dans les ZS où les accouchements étaient dirigés par des hommes, malgré leur grande qualification.

L'accessibilité géographique des zones de santé: L'immensité du territoire congolais réduit l'accessibilité aux services de santé et donc explique aussi la faible utilisation des services. Des travaux d'amélioration des routes, des ponts ou la construction de nouvelles infrastructures sanitaires seraient utiles pour améliorer l'utilisation des services

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L'amélioration des conditions sécuritaires: Comme pour le facteur précédent, un climat de paix et d'absence de guerres serait utile pour améliorer l'utilisation des services

L'introduction de plus de rigueur dans la gouvernance de l'Etat: Cela suppose la fin de l'impunité, la lutte contre la corruption, la prise de sanctions exemplaires à l'endroit des acteurs de santé responsables de mégestion. A ce propos, la SRSS avait évoqué les décisions unilatérales du Ministère de la Santé Publique de permuter les médecins chefs de Zones de Santé problématiques (qui ont été mal gérées) vers des Zones de Santé fonctionnelles, au mépris du principe de méritocratie. Ce genre d'attitude peut justement provoquer des tensions dans la ZS au point de paralyser les activités de santé. La peur des sanctions contribuera à réduire les tentatives de fraudes, de tricheries et de trafics d'influence pouvant gangrener tout le système.

(V) L'identification des points de consensus entre experts:

En dehors des points de divergence causant des tensions entre acteurs, et pour lesquels nous avons donné notre position personnelle en tant qu'acteur congolais du secteur de la santé, nous avons aussi identifié des points de convergence, notamment par rapport: aux limites de l'approche, aux effets pervers observés durant sa mise en oeuvre, aux questions de pérennisation, de qualité des soins, de coûts de transaction; et enfin sur le type d'incitations à promouvoir.

Ce n’est donc plus au niveau de ces points que la controverse devrait se porter. Mais ce constat fait en commun entre opposants et partisans pourrait amener ces derniers à enrichir leur stratégie ou à opter pour un discours plus modeste.

Le FBP et ses limites

Les acteurs interrogés durant cette thèse reconnaissent que le FBP n’est pas une panacée aux problèmes de santé (Meessen, Soucat et Sekabaraga, 2011 ; Basinga, Mayaka, Condo, 2011) et que l’approche demeure perfectible.

Ils reconnaissent aussi que sa mise en œuvre n’exclut pas les autres approches pouvant contribuer au renforcement des systèmes de santé et à l’amélioration de l’accessibilité de la population à des soins de santé de qualité. C’est ainsi que Loevinsohn (2008) estime que l’amélioration des indicateurs de santé au Rwanda serait due non seulement au FBP mais aussi aux mutuelles de santé.

Il incombe donc aux acteurs de la santé d’être plus pragmatiques que dogmatiques avec un focus sur l’objectif principal d’améliorer l’état de santé des populations et une identification des enjeux collatéraux importants. Les faiblesses ou les limites du FBP pourraient alors être comblées par d’autres approches (fonds d’équité,

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assurance maladie, etc.) à développer en concomitance et pouvant agir efficacement sur la réduction des barrières financières à l’accès aux services de santé (Sekabaraga, Diop et Soucat, 2011). Mais le tout ne peut se faire qu’avec un engagement réel de l’Etat.

Pour améliorer l'approche FBP dans son volet incitatif pour les prestataires de soins, on pourrait envisager par-exemple les propositions de l’International Council of Nurses- ICN (2008) à savoir: une clarté des objectifs de santé publique poursuivis ; plus de réalisme (système réellement applicable) ; que le système reflète les besoins et préférences des prestataires de soins ; un système bien conçu, adapté à l’objectif poursuivi et avec une portée stratégique ; un système qui s’inscrit pleinement dans un contexte d’application ; un système juste, équitable et transparent ; un système facilement mesurable de la manière la moins onéreuse possible ; un système qui intègre aussi bien des incitants financiers que non financiers.

Le FBP et ses effets pervers

Les experts sont tous d'accord qu'aucun système de financement, même pas le FBP, n’est à l’abri de la tricherie, de la falsification, de la corruption. Pour eux, tous ces risques d'effets pervers existeront toujours lors de la mise en œuvre de toute incitation liée à une obligation d’atteinte de performance.

Ces effets pervers relevant notamment de la nature humaine qui pousse toujours à maximiser le profit; mais aussi à des vices dans le montage; à la non-réalisation des différentes clauses des contrats de performance et au manque d’exigence mutuelle entre les différentes parties impliquées, ce qui engendrent des sentiments de démoralisation et de démotivation des prestataires, les exposant à ces pratiques inappropriées.

Les promoteurs reconnaissent que c'est justement ce processus de contrôle et d’évaluation de la performance qui explique les coûts de transaction énormes qu’entraine l’implémentation du FBP. Ils demeurent ouverts à des propositions concrètes d'instruments et d'outils plus efficaces; et à un système de vérification réaliste et applicable dans le contexte.

La pérennisation du FBP

Cela constitue un réel problème dans des pays comme la RDC où près de 100% des fonds destinés au FBP proviennent de sources externes. Ainsi, la faible prédictibilité de l’aide demeure un problème potentiel pour la mise en œuvre de l’approche sur du long terme.

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Cela ne constitue pas un problème lié uniquement au FBP mais plutôt à l’efficacité de l’aide au développement.

Il faudrait donc que l’Etat puisse aussi s’investir dans la santé en mettant un plus grand pourcentage de son budget pour ce secteur, au risque que les acquis des projets (FBP ou non-FBP) puissent s’écrouler avec l’arrêt du financement des bailleurs extérieurs.

Selon Kutzin (OMS, 2008), on pourrait à terme envisager la constitution d’un "acheteur stratégique" national, et donc avoir des ressources mises en commun provenant des cotisations de la population du secteur formel, du privé et tenir compte de la frange de la population ne sachant pas cotiser. Ainsi, des réflexions autour de la pérennité de ce nouvel acteur seraient plus importantes. On devrait ainsi arriver progressivement à cette fusion des acheteurs par exemple fusionner le FBP avec une caisse d’assurance maladie, des mutuelles ou encore avec l’Etat.

Pour finir, il faut noter que les ressources humaines sont la clé de la production des services de santé. Les incitations sont donc des outils dont les gouvernements et les gestionnaires d’organisations doivent user pour motiver et maintenir les prestataires à leur mission de fourniture des soins de santé de qualité (Rusa et al, 2009 ; Busogoro et Beith, 2010). Cela est valable même en l’absence de l’appui des bailleurs extérieurs, car la mise en œuvre de systèmes d’incitations cohérents et efficaces constitue un investissement auquel ne peuvent se soustraire les états, sous peine de perdre l’un de leurs plus grands atouts de fonctionnement des services de santé.

Le FBP et la qualité des soins

Les experts reconnaissent que l'évaluation de la qualité par les pairs (qui n'est pas propre au FBP) ne doit pas être un outil de contrôle mais d’amélioration de la qualité, dans un environnement de travail neutre, un environnement d’ouverture d’esprit où l’on peut poser un jugement critique sur l’autre, de manière objective, sans effet par la suite sur des rétributions financières.

Les promoteurs de l'approche sont entièrement ouverts à des propositions sur un instrument amélioré permettant de mesurer de la façon la plus fidèle possible, la qualité réelle des soins. A ce propos, la Direction des Services des Etablissements des Soins (2ème Direction centrale), ayant pour attribution la normalisation et la réforme hospitalière et la contractualisation, pourrait être chargée de réfléchir sur des instruments plus adaptés à notre contexte.

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Il est important de savoir que l’évaluation de la qualité des soins intègre différentes dimensions et donc pas seulement les aspects liés à la performance technique, aux compétences professionnelles, à l’innocuité ou à l’environnement mais aussi et surtout des aspects liés aux relations interpersonnelles (Niveau de confiance, respect, confidentialité, courtoisie, empathie et capacité d’écoute, de réponse et de communication, etc.) (Donabedian, 1988).

De plus, il n’est guère envisageable de fixer la qualité des soins dans le temps ou dans l’espace et peu réaliste d’en imaginer une lecture univoque, consensuelle et indépendante de la réalité des acteurs et des soins concernés (Haddad, Roberge, Pineault, 1997). En effet, la qualité des soins doit être envisagée comme un concept multiforme et multidimensionnel, comme une notion dynamique évoluant aussi bien dans ses significations que dans ses traductions opératoires (Garnerin et al, 2001 ; Vuori, 1984).

Le FBP et les incitations non-financières

Les incitations, de manière générale, constituent un levier important dont disposent les organisations pour attirer, motiver et maintenir leurs employés et surtout pour booster leur performance professionnelle.

Les incitations financières (ou matérielles), estiment certains experts, permettent: une fidélisation des prestataires à leur poste de travail, une réduction des compléments de salaires qu'ils réclament directement aux patients (Soeters et Griffiths, 2003) ; et enfin, un sentiment de valorisation des bénéficiaires qui sont alors motivés pour augmenter la qualité des services fournis (Kipp et al, 2001).

Mais les experts reconnaissent qu'ils doivent aussi tenir compte de l’importance des incitations non financières et psychologiques (DeGieter et al. 2006 ; Dambisya, 2007) telles que: l'autonomie de travail, la flexibilité des horaires et la gestion des charges de travail, les mesures favorables au développement de carrière et à la reconnaissance professionnelle, la possibilité d’accéder à des formations et à une éducation formelle ou informelle, une bonne supervision clinique et personnelle, la qualité du cadre de travail, l'accès à des prestations et soutien social pour les prestataires, etc.) (Van Lerberghe et al, 2002; ICN, 2008).

Il est donc important de combiner équitablement ces deux types d'incitations ou instruments de gestion et de régulation des ressources humaines dans la santé (Scott, 2007).

Même s’il est vrai que le développement de systèmes d’incitations et leur application aux soins de santé, sont des domaines encore émergents, des efforts de documentation et de capitalisation des différentes expériences s’imposent. Cela

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aidera dans la réflexion des montages ou des designs s’accompagnant réellement d’atteinte de performances non seulement au niveau des ressources humaines mais aussi au niveau organisationnel ou financier et cela pour l’ensemble du secteur.

Le FBP et ses coûts de transaction importants

Autour de cette question, souvent soulevée durant notre recherche, les experts estiment que cela nous ramènent à toutes les réflexions autour de l’efficacité de l’aide au développement.

Ces coûts de transaction élevés résultent d'un degré élevé de fragmentation de l’aide en faveur de la santé, avec un volume excessif de petits projets. Ils résultent aussi des inquiétudes des bailleurs au sujet des capacités gouvernementales dans une gestion saine des ressources publiques nationales et des faibles capacités institutionnelles des structures du Ministère de la Santé notamment au niveau périphérique. D’où le recours à des cellules d’exécution et à des prestataires non gouvernementaux, avec des coûts de transaction très importants (jusqu’à 39% du budget pour l’Assistance Technique dans certains projets) et des problèmes d’appropriation (Banque Mondiale, 2008; MSP/RDC, 2010).

Il y a donc nécessité d’un réel engagement mutuel du gouvernement et de ses partenaires techniques à œuvrer ensemble pour accélérer le développement du pays. Mais surtout pour s’assurer que les ressources qu’ils y consacrent soient employées avec efficacité.

Ce type d’engagement implique la mise au point d'instruments plus efficaces pour l’harmonisation et l’alignement, mais aussi pour trouver le moyen de tirer le meilleur parti possible des ressources des Etats et des donateurs, en vue d’un financement plus optimal (OMS, 2005).

On sait que l’appui au budget sectoriel demeure la modalité de choix, car en transférant des fonds directement dans le circuit des dépenses publiques de l'Etat, cette allocation visera un ensemble de résultats sectoriels convenus entre les parties prenantes. Mais devant ce manque de transparence dans la chaine des dépenses publiques au niveau national et la réticence des bailleurs d'y verser leurs fonds, on peut suggérer la création de paniers communs (baskets fund) qui conserveront les ressources financières provenant de différents donateurs, mises en commun selon un ensemble de procédures convenues. Ces financements seront ensuite débloqués au profit de la liste des activités prioritaires retenues dans le programme sectoriel en question.

Dans la pratique, on pourrait envisager que les bailleurs puissent veiller à la coordination et la gestion des fonds mis en commun. Ceux-ci sont ensuite débloqués

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et transférés au gouvernement bénéficiaire conformément aux critères convenus. Cela permettra notamment une meilleure canalisation du financement extérieur alloué sous forme de FBP et aidera les partenaires à ne pas disperser leurs efforts, surtout en ce qui concerne la vérification administrative et communautaire.

b) Apports méthodologiques

Parmi les apports méthodologiques de cette recherche, nous citerons:

(i) Notre démarche délibérative structurante reposant essentiellement sur le cadre d’analyse développé par le philosophe politique Norman Daniels avec ses «benchmarks for fairness» («critères pour un système de santé juste»). En organisant un dialogue indirect entre experts critiques et partisans du FBP, cette grille a permis la visualisation de nombreuses informations issues de l’analyse de la controverse. De plus, elle a permis de créer un espace de discussion où les différents points de vue au sujet de cette controverse pouvaient être rassemblés afin d'équiper le public et de mieux le guider dans sa construction d'un avis propre sur la question.

Le recours futur à cette grille pour structurer d'autres controverses pourrait nécessiter une amélioration permettant de capter davantage d'arguments. Des propositions seront formulées dans ce sens dans la section relative aux limites de la thèse.

(ii) En couplant tous les concepts proposés, aussi bien par la sociologie et la cartographie des controverses scientifiques ou politiques que par la structure des révolutions scientifiques, une grille d’analyse pouvant contribuer au processus cumulatif et collectif d'identification des causes de tensions dans la mise en œuvre de toute politique publique, a été conçue et appliquée au débat du FBP.

A notre connaissance, une telle méthode recourant à une grille similaire pour analyser d'autres problèmes dans le domaine de la santé publique (par exemple, programmes verticaux versus programmes horizontaux, etc.) n'a jamais été appliquée.

c) Apports pratiques et aide à la prise de décision

A travers ses résultats, cette recherche envisage diverses solutions quant à la manière: (i) d'analyser un système de santé où des stratégies de financement n'aboutissent pas aux résultats escomptés mais à des réponses inappropriées du système; (ii) d'analyser la dynamique et les interactions entre deux programmes FBP aux designs différents; (iii) de structurer le débat autour du FBP pour en dégager les convergences et les divergences, pour ensuite analyser les causes de ces

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divergences; (iv) de mesurer la performance des ZS sous FBP au travers de données quantitatives; (v) de conduire une réflexion systémique sur la mise en œuvre du FBP.

Premièrement, les résultats indiquent que l'analyse de la faible performance du système, peut être abordée aussi sous l'angle des carences institutionnelles et de dysfonctionnements structurels. Ils suggèrent de s'intéresser de manière générale aux problèmes d’inefficience des modes d’allocation des ressources. Sur le plan politique, ils invitent à se pencher sur les questions de corruption, détournement des ressources, oligarchisation du fonctionnement des institutions politiques et développement de logiques "claniques". Sur le plan organisationnel, ils mettent en avant les questions d'inadéquation des objectifs poursuivis et des systèmes incitatifs, l'implication inadaptée des autorités et des autres institutions en matière de politique. Ils montrent aussi que le FBP vient justement avec des propositions de réarrangements institutionnels.

Deuxièmement, les résultats nous révèlent que des programmes FBP différents peuvent, au fil du temps, arriver à des échanges de bonnes pratiques permettant d'améliorer leur design respectif. Cette attitude est positive et s'inscrit dans le cadre des coalitions ou alliances entre acteurs en vue d'influer sur la volonté politique. En effet, pour atteindre cet objectif, il est important que les acteurs FBP évoluant dans des projets différents parviennent à se coordonner et à collaborer pour une vision commune sur le FBP. Cela suppose aussi que les acteurs du FBP ainsi que les détenteurs d'enjeux devraient avoir une attitude incrémentale lors de l'implémentation du FBP, vu les dynamiques internes ou les possibilités d'évolution des projets FBP.

Troisièmement, les résultats indiquent que les points de désaccord entre experts autour du FBP peuvent être interprétés souvent comme étant des malentendus sur les prétentions accordées au FBP. Ils précisent que ces points de clivage peuvent être résorbables par la production d’informations et de preuves fiables sur cette approche, la réduction du déficit d’informations entre experts sur les dimensions du FBP, des réflexions sur les faiblesses communes des propositions des opposants et des partisans et de leurs préoccupations communes en faveur des populations, et enfin par des propositions d'alternatives fortes au FBP.

Quatrièmement, les résultats montrent que des composants aussi bien internes (montage institutionnel déterminant le type et la hauteur des incitations, les délais de paiement des factures, etc.) qu'externes (capacité et performance des centrales de distribution régionale de médicaments, performance du programme PEV, contraintes géographiques, etc.) au projet FBP sont susceptibles de faciliter ou d'entraver ses

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modalités de mise en œuvre. Ils suscitent l'attention des décideurs et des acteurs de mise en œuvre sur ces différents facteurs.

Cinquièmement, les résultats précisent que le FBP, par les réarrangements institutionnels qu'il promeut, influe sur la quasi-totalité des éléments constitutifs du système de santé complexe de la RDC. Ils insistent sur la nécessité de fournir des efforts pour analyser le comportement dynamique du système de santé après l'introduction du FBP. Ce qui suppose d'identifier les points de contrôle ou de haute influence susceptibles d'améliorer la performance du système, mais aussi de creuser davantage sur les théories explicatives potentielles capables d'établir une relation entre différents facteurs qui expliquent les causes des dissensions, des résultats paradoxaux ou encore comportements émergents au sein du système avec le FBP.

C. Validité de la recherche Cette question nous renvoie à la nécessité d'apprécier non seulement la qualité et la crédibilité des sources de données (aussi bien qualitatives que quantitatives) utilisées, mais aussi la qualité des informations recueillies ainsi que la validité des résultats obtenus.

Qualité et crédibilité des sources de données

Les experts nous ayant permis de recueillir des données qualitatives ont été sélectionnés sur base de leur connaissance des enjeux du FBP (11 d’entre eux avaient déjà écrit des articles pour ou contre le FBP dans une revue internationale ou un blog), de leur implication dans la controverse, de leur degré d’implication dans la politique nationale sanitaire de la RDC et de leur connaissance de l’évolution des politiques internationales de financement de la santé.

Les données quantitatives ont été recueillies au niveau des divisions provinciales de la santé (DPS), plus particulièrement au niveau du bureau des soins de santé primaires chargé d'alimenter le système national d'information sanitaire (SNIS).

Pour ce qui est de la revue documentaire ayant permis de décrire l'environnement institutionnel congolais, elle a reposé d'abord sur les documents de politique nationale disponibles sur le site web du ministère de la santé. La valeur des publications complémentaires retenues a été jugée en fonction de la crédibilité de l’approche méthodologique, la conduite de l’étude, l’analyse des données (validité interne) et de la possibilité de généralisation des résultats ou encore de l’applicabilité des informations contenues dans la publication (validité externe).

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Pour finir, les informations relatives aux programmes FBP de la RDC ayant fait l'objet de notre étude comparative, ont été obtenues directement auprès des responsables de ces programmes.

Qualité des informations recueillies

Concernant les données qualitatives, on peut noter qu'après leur collecte et leur retranscription, on devait s’assurer, par des retours auprès des interviewés, que les informations fournies étaient claires et compréhensibles, mais aussi qu’elles se rapprochaient d’une question spécifique de la grille de collecte. A la fin de l'interview de chaque groupe d'experts, des synthèses étaient préparées et soumises par la suite au groupe qui devait marquer son accord sur la qualité de la retranscription de leurs propos.

Les données quantitatives provenaient de la base de données provinciale du SNIS. En cas d'incohérences, un recours était fait aux canevas de départ produits par les équipes cadres de zone de santé; voire même à certains programmes verticaux. A noter que depuis quelques années, les DPS bénéficient d'une assistance technique chargée notamment de l'accompagnement dans la gestion des données SNIS.

Validité des résultats:

Pour apprécier la validité des résultats de notre recherche, il est important à ce stade d'analyser le positionnement du chercheur vis-à-vis de cette thématique de recherche, de questionner la dimension critique de ses analyses dès lors qu’elles se donnaient entre autres comme objectif de contribuer à rendre compte d’échanges argumentatifs authentiques autour d'une approche de financement de la santé.

Il faut donc savoir que le chercheur principal a travaillé depuis 2001 à tous les niveaux de la pyramide sanitaire de la RDC. Son expérience professionnelle peur se résumer à travers l'accomplissement des rôles suivants: un rôle de prestataire des soins en milieu rural (niveau hospitalier primaire) et ensuite urbain (niveau hospitalier tertiaire); un rôle de superviseur provincial sur les questions de prise en charge intégrée des maladies des enfants; un rôle de chargé des projets d'urgence provinciale (UNFPA); un rôle d'expert national en économie de la santé dans la cellule de suivi et évaluation des projets du ministère de la santé; un rôle d'assistant technique court terme au programme santé du 9ème Fond Européen pour le développement (PS9FED). Au sujet de ce dernier rôle, le chercheur était chargé d’appuyer la commission "financement" du ministère de la santé publique mise en place dans le cadre de la stratégie de renforcement du système de santé, d’assurer l’archivage de la documentation scientifique et des rapports du volet « financement » du projet, d’appuyer des experts internationaux envoyés dans le cadre du volet « financement » du projet, de servir de banque de données en matière

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de financement en se documentant sur la réforme du système de santé et son financement (lectures de documents et articles, participation aux réunions des différents projets). Ce rôle entrait dans le cadre du suivi scientifique du projet pilote FBP du PS9FED (documentation d'une expérience innovante de FBP) à travers le consortium AEDES et ESP-UCL.

On ajoutera aussi un rôle d'enseignant et chercheur (chef de travaux au département de management et organisation des services de santé de l’Ecole de santé Publique de Kinshasa) chargé des enseignements et la direction des travaux pratiques pour les modules de financement de la santé dans les pays à faible revenu, doctorant à l’institut de recherche santé et société de l’Université Catholique de Louvain/Belgique); ainsi qu'une rôle de consultant international qui lui a permis de réaliser de nombreuses consultances pour l'Union Européenne, la Banque mondiale, Médecins du Monde, Cordaid, GTZ, etc. et de visiter de nombreux modèles FBP en Afrique (Burundi, Rwanda Comores, Tchad, Bénin, Sénégal, Côté d'Ivoire, etc.).

Enfin nous ajouterons un rôle de membre de la communauté de pratique FBP. A ce propos, il faut noter que les Communautés de pratique (CoP) sont des groupes de personnes qui interagissent régulièrement pour approfondir leurs connaissances sur un sujet spécifique. Ces contacts se font principalement grâce aux technologies de l'information et de la communication qui permettent d’impliquer des experts répartis dans plusieurs pays et insufflent ainsi une adhésion «transnationale» au partage d’information. Les CoP représentent un outil potentiellement précieux pour la production et le partage des connaissances explicites, ainsi que des connaissances et pratiques de mise en œuvre tacites.

Ils peuvent également agir efficacement dans la création des liens entre les différents "détenteurs de savoirs", par exemple: les chercheurs, les décideurs, les assistants techniques, des praticiens, etc. (Bertone et al, 2013)

La CoP FBP, quant à elle, se présente comme une plate-forme à la croisée des responsables gouvernementaux, des organismes d'aide et établissements universitaires pour tirer de toutes les informations produites sur le FBP, les raisons de succès ou d'échec d’un projet FBP dans un contexte ou dans un autre contexte et les autres leçons profitables à l’ensemble du système lors de la mise en œuvre.

Tous ces rôles exercés ont probablement pu influencer la dynamique de la recherche. Il se pourrait même que la validité externe de nos résultats soit remise en question au regard, par exemple, des activités au sein de la CoP FBP ou de cette participation au suivi scientifique d'un programme FBP.

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C'est ainsi que pour, maximiser la distance entre notre position d’analyste et l’activité argumentative produite par les locuteurs dans les données analysées, nous avons opté pour une perspective purement descriptive sur l’argumentation. Une approche descriptive de l’interaction argumentative analysant les enjeux du discours des experts et leur adhésion à des normes argumentatives (Doury, 2013).

En effet, les experts engagés dans un débat autour du FBP, au-delà de l’activité d’étayage argumentatif de la position qu’ils défendent, se livraient parfois à une intense activité de critique de l’argumentation adverse – critique largement soumise à un objectif stratégique de disqualification.

Notre contribution personnelle de chercheur résulte donc de notre capacité de déplacement vis à vis des positions des experts rencontrés durant notre travail; experts avec cette part inhérente de subjectivité relevant de leur condition humaine.

Il faut noter toutefois que notre expérience au différents niveaux de la pyramide sanitaire, notre appartenance à l'une des plus grandes institutions de recherche de la RDC en matière de santé publique ainsi que notre rôle d'expert au sein de la commission financement du ministère de la santé, avaient permis de tisser différentes relations professionnelles ayant facilité l'accès à toute une série d'informations qualitatives et quantitatives.

Hormis la question du positionnement du chercheur qui vient d'être éclaircie, il faudrait également examiner tout le processus ayant abouti justement à la production de résultats fiables et valides.

En ce qui concerne la fiabilité interne, les différentes sources documentaires (aussi bien de la littérature grise que d'articles scientifiques publiés) et les données de routine (SNIS) sont bien identifiées et accessibles.

Par rapport aux données empiriques d'interviews, elles ont été retranscrites et présentées aux répondants pour validation de la fidélité et de la qualité de la retranscription, avant leur utilisation.

L'analyse et l'interprétation de nos différentes données avaient toujours bénéficié de la contribution pertinente des promoteurs de la thèse.

En ce qui concerne la fiabilité externe, notre position de chercheur principal, et surtout notre neutralité scientifique vis à vis du FBP, avaient été clairement expliquées aux experts côtoyés durant le travail. De plus, les projets retenus pour l'étude comparative, le choix et la catégorisation professionnelle des répondants à nos entrevues ainsi que tout le processus de collecte, de traitement et d'analyse de données quantitatives et qualitatives était à chaque fois précisé.

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De ce qui précède, il apparait très clairement que les questions de fiabilité et de validité ont été centrales tout le long de notre recherche qui a la fin a permis de prouver que l’approche analytique des SAC peut donner des réponses et enrichir la compréhension des acteurs congolais au sujet du FBP. Nous avons donc veillé, dès le départ, à une bonne prise de distance analytique pour ne pas dévier de cette démarche rigoureuse.

D. Limites et forces de la thèse Limites de la thèse

Application de la rigueur des études d'impact lors de l'analyse des données quantitatives du FBP

Cette thèse aurait pu s'inscrire aussi dans une démarche politique. En effet, comme signalé dans la description du contexte, la politique nationale sanitaire actuelle de la RDC est guidée par le plan national de développement sanitaire (PNDS) 2011-2015 dont les axes stratégiques, bien qu'insistant sur la réforme du financement de la santé, ne mentionnent pas le FBP.

Cette première thèse de doctorat sur le FBP en RDC aurait pu ainsi permettre aux décideurs publics de connaître les impacts potentiels (et les conséquences) sur la santé que peut entraîner la mise en œuvre du FBP et d’en tenir compte. Elle aurait pu permettre de mieux apprécier les effets directs et indirects (à partir de facteurs jouant sur les déterminants de la santé de la population) du FBP sur la santé de la population et des personnes, aussi bien immédiatement, à court terme ou après un long délai. Elle aurait pu permettre, enfin, en cette année où le PNDS devrait être réévalué, de promouvoir la prise de décision des décideurs sur base de données probantes et de contribuer à réduire les inégalités de santé partant des stratégies de financement de la santé adaptées à notre contexte. La rigueur scientifique d'une étude d'impact appliquée dans l'un des chapitres de la thèse aurait bien pu se prêter à cet exercice.

Mais hormis le projet actuel de la Banque Mondiale, très peu de projets ont débuté en établissant le design d'une étude d'impact. Nous avons recouru à l'analyse des séries chronologiques temporelles pour contourner cette difficulté.

Les limites du cadre d'analyse ayant permis la structuration de la controverse et la collecte de données qualitatives

Comme nous l'avions expliqué dans le chapitre de la thèse y afférent, l’une des limites de notre cadre d'analyse est que de nombreux arguments recueillis lors de

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ces interviews, et utiles à notre débat, n’ont pas pu être classés parmi les neufs critères initiaux imaginés par son concepteur Norman Daniels.

En effet, cette grille est préoccupée par les résultats des politiques («outcomes»), les objectifs de santé publique, alors que les désaccords peuvent porter davantage sur les mécanismes pour les atteindre, les hypothèses sous-jacentes ou des valeurs.

Parmi les arguments autour du FBP, collectés mais non classés par les neufs critères de Daniels, nous citerons: les problèmes de fond du dysfonctionnement des systèmes locaux de santé, la promotion du professionnalisme, de l’éthique médicale auprès des prestataires ou autres valeurs fondamentales (estime de soi et confiance aux prestataires, promotion de la motivation intrinsèque, etc.) et la capacité d’intégration de l’approche dans le contexte global de réforme de la santé (sa combinaison avec des solutions alternatives).

Pour pallier à cette limite, toutes ces données supplémentaires ont été exploitées dans la thèse notamment dans la section ayant abordé l'analyse des causes des controverses. Tous les arguments non-exploités ont été placés à titre d'information, sous forme de verbatim, en annexe de la thèse.

D’autres auteurs comme Cust (1993) ont aussi critiqué les idées de Daniels, en évoquant par-exemple : (i) une négligence des risques liés à certaines stratégies de financement de la santé qui privilégient l’accès aux soins de santé sans tenir compte de l’accès aux autres besoins de base ou autres projets de vie personnels des individus (les taxes, les contributions ou les prélèvements fiscaux étant importants). (ii) les critères décrivant l’égalité ou l’équité des chances pour l’accès aux soins n’étant pas assez exhaustifs. (iii) une négligence ces aspects liés à la protection de la santé pour les individus ayant des activités à risque.

Discussion autour de la grille de Daniels

Nous ne regrettons pas pour autant le choix de la grille de Norman Daniels qui demeure un philosophe politique très prolifique. D’autres philosophes politiques ont certes critiqués ses propositions mais sans proposer d’autres alternatives supérieures à la sienne.

Pour rappel, les protagonistes du FBP échangeaient des arguments théoriques ou empiriques pour défendre leurs propositions politiques, mais ils succombaient parfois à la tentation rhétorique, à la dissimulation des faits ou même au parti-pris. Le débat autour de l’approche n’était pas construit sur les meilleures bases.

Nous avons donc opté pour le choix d’une grille neutre pour réduire ces tensions. Pour Daniels, les prises de décision devant les questions de justice et d'équité

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globale des réformes de santé dans les pays en développement, ne devaient pas être arbitraires ou non-motivées mais en se basant sur des dimensions. Sa force est qu’il avait sous-tendu ses propositions avec de la philosophie politique. Nous avions donc estimé utile de discuter du FBP autour de ces mêmes dimensions.

Notre choix a justement permis de démontrer qu’on pouvait structurer la discussion entre les experts mais cette grille a montré des limites. Mais il est important de noter que les tensions ne sont pas liées aux critères de Daniels ; elles sont non-résorbables à cause d’enjeux cognitifs, de valeurs et de pouvoir.

Pour rechercher une discussion la plus rigoureuse possible entre deux parties, il est important d’envisager des propositions ou des pistes futures de critères décisionnelles en santé publique.

A ce propos, certains auteurs nous donnent quelques postes de réflexions utiles. C’est le cas par-exemple de Tromp et Baltussen (2012) qui estiment aussi que toute prise de décision rationnelle en matière de soins de santé, devrait être guidée par une série de critères sous-jacents. C’est ainsi que contrairement aux 9 critères de Daniels regroupés en trois catégories (équité, efficience, redevabilité), ils ont développé une cartographie conceptuelle de 31 critères regroupés en cinq catégories (distribution équitable de la santé, réactivité, protection sociale et financière des risques, efficacité et leadership / gouvernance) partant des piliers et des cadres de performance des systèmes de santé développées par l’OMS.

Les décideurs peuvent donc l’utiliser pour identifier les critères les plus pertinents pour l définition de leurs priorités dans leur contexte spécifique.

Baltussen et Niessen (2006) avaient eux aussi réfléchi sur la nécessité d’une analyse multicritère dans la prise de décision.

En effet, selon eux, devant la complexité du choix des interventions de santé prioritaires qui concourent par-exemple à optimiser la santé générale de la population, à réduire les inégalités de santé des groupes défavorisés ou vulnérables, à répondre efficacement aux situations d’urgence en fonction des contraintes pratiques et budgétaires; les décideurs politiques ne sont pas assez appuyés dans leur prise de décision.

Ces auteurs trouvent qu’ils simplifient la complexité en recourant à des méthodes intuitives ou en répondant à des motifs politiques, approches qui se concentrent sur des critères simples, au lieu d’utiliser des approches transparentes et systématiques qui prennent en compte tous les critères pertinents simultanément.

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Pour finir, il existe aussi une préoccupation similaire par rapport aux questions clés de justice et d'équité qui se posent dans les nombreux états engagés sur la voie de la couverture santé universelle (OMS, 2014).

En effet, pour atteindre l’objectif de CSU, les pays doivent avancer dans au moins trois dimensions liées à ce concept (élargir le paquet de soins offerts, permettre l’accès aux services de santé à plus de personnes, réduire la hauteur des paiements directs par les usagers).

Cependant, dans chacune de ces dimensions, les pays sont confrontés à des choix critiques: Quels volets du paquet de soins à élargir d’abord ? Quelle frange de la population à inclure en premier lieu ? Quel mécanisme de financement serait plus pertinent pour réduire la contribution des usagers ?

Pour l’atteinte progressive et équitable des objectifs de la CSU, ces trois choix critiques et des compromis entre les trois dimensions du progrès doivent être soigneusement pris en compte. Surtout qu’avec les nombreuses contraintes liées aux ressources, garantir tous les services possibles semble difficile contrairement à une gamme complète de services clés, bien alignée à d'autres objectifs sociaux.

Ainsi, des décisions politiques difficiles doivent être prises pour les aspects à considérer lors de l'établissement de ces priorités (critères pour établir les services de haute priorité et rentables pour tout le monde, critères d’appréciation des personnes encourant les risques les plus graves ainsi que des risques financiers, etc.).

Tout chercheur désirant poursuivre une démarche similaire à la nôtre, peut l’améliorer notamment en recourant à la proposition de Baltussen (2012) qui a conçu, sur une base inductive, des critères trouvés dans la littérature; contrairement à Daniels dont le choix des 9 critères reposent sur une démarche philosophique déductive. Le chercheur peut donc lui aussi lire la littérature existante et identifier d’autres critères ou dimensions à intégrer dans sa grille pour structurer un débat en politique de santé.

Le chercheur peut adopter une approche similaire à celle proposée par l’OMS (2014) qui montre aussi cette nécessité d’adopter des critères.

La nécessité de discuter des options politiques à partir d’une grille s’avère être une démarche cruciale surtout qu’une partie du débat peut être réductible grâce à ce genre de grille. A cet effet, notre étude sur le FBP montre des convergences d’efforts sur des questions de recherche prioritaires, et invite à établir des règles d’exigences mutuelles entre les parties en débat.

Les controverses ont des sous-jacents de nature très diverses et notre contribution originale est de montrer qu’un facilitateur extérieur peut réduire la controverse aux éléments ou aux questions les plus essentiels du domaine empirique.

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A ce propos, en réduisant les tensions, on a pu dégager les principales questions de recherche du FBP en RDC.

La démarche utilisée pourrait être aussi employée dans le cadre d’une réunion en face à face (atelier) pour consolider un consensus.

Subjectivité inhérente à notre condition humaine

Durant toute cette recherche, il n’a été question de prendre position pour ou contre le FBP; mais plutôt de créer un espace ou un processus de discussion où les différents points de vue au sujet de cette controverse pouvaient être rassemblés, afin d'équiper le public et de mieux le guider dans sa construction d'un avis propre sur la question.

Comme nous avons pu le relever il y a beaucoup de malentendus et de passions autour du FBP, même si actuellement les points de vue commencent à converger sur de nombreux points, surtout en RDC. Ainsi, il fallait s'efforcer d'être le plus objectif possible et donc respecter la complexité des perceptions subjectives des idées de chacun, relatives à un système de santé performant, et ne pas contraindre les acteurs interrogés à changer leurs appréhensions sur le FBP sur base de nos convictions personnelles.

Les limites du système d'information sanitaire

Il nous faut préciser que les différentes données exploitées dans notre chapitre 7 ont été obtenues auprès des responsables provinciaiux chargés de la gestion du système d'information sanitaire pour la province du Kasai oriental. Mais avant leur compilation au niveau provincial, ces données sont passées par les différentes étapes d'un long processus, et donc sont susceptibles d'avoir été biaisées. Des erreurs ont pu survenir par-exemple lors de la récolte des données primaires au moment de la réalisation des activités curatives ou préventives. Pendant cette récolte, les informations devaient être stockées dans des supports liés à la gestion des problèmes de chaque individu (fiche, dossier médical) ou à l’évaluation des activités de la structure (registre, etc.). Les données ont été par la suite transmises, avec une périodicité mensuelle (rapports mensuels d’activités), trimestrielle ou annuelle; de la structure de santé vers la zone de santé, et de la zone de santé vers la division provinciale de santé. Cette transmission se faisait à l'aide de différents supports: soit sous la forme d’un canevas de transmission, soit sous format informatique. A ce niveau des erreurs ont donc pu être possibles; tout comme aussi lors de la centralisation et de la compilation des données données issues de plusieurs structures de santé (par la zone de santé) ou de plusieurs zones de santé (par la

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division provinciale). Ces erreurs, à la base de la faible qualité des données, ont pu survenir lors de l'intégration des données dans un support unique ou lors du calcul des différents indicateurs. La faible complétude et promptitude des rapports (transmission de façon incomplète et tardive), peuvent s'accompagner d'une analyse insuffisante9 aux niveaux hiérarchiques supérieurs de la pyramide sanitaire, ce qui ne donne finalement lieu qu'à des résultats peu utilisables pour la prise de décisions. Nous ne pouvons pas ignorer ces risques mais nous pensons que six ans 10 après la mise en oeuvre du FBP, des mesures ont été prises pour y remédier et qu'elles ont eu de l'effet. A ce propos, dans la pratique, le FBP utilise les outils de gestion normatifs du système d'information sanitaire pour la collecte et la transmission des informations relatives aux prestations réalisées. Ces mêmes outils sont aussi exploités lors de la vérification et du contrôle. La tenue correcte des outils de gestion des données (aussi bien sous format électronique que sous format papier) est une exigence du système national d'information sanitaire mais aussi une exigence contractuelle du FBP, et dans ce dernier cas, l’achat des prestations ou l'octroi des subventions en dépendent. Cette incitation financière et la présence continuelle d'un assistant technique long terme chargé du contrôle de qualité des données au niveau provincial, ont surement pu être bénéfiques. La présence de cet assistant technique s’inscrit dans ce souci pour le FBP de viser le renforcement du SNIS, et non pas la mise en place d’un nouveau système d’information sanitaire. En ce qui nous concerne, une triangulation de nos données avec celles des enquêtes nationales notamment l’enquête démographique sanitaire (2007), et les enquêtes MICS (2001 et 2010), a été nécessaire. Forces de la thèse

Preuve que l’approche SAC apporte des réponses et enrichit la compréhension des acteurs congolais sur la mise en œuvre du FBP

9 Les données produites par les structures sanitaires sont normalement évaluées lors des revues mensuelles d'activités de la zone de santé 10 Le chapitre 7 a été écrit en 2013 alors que le FBP existait déjà depuis 2006 dans cette province.

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Cette thèse nous ouvre à une nouvelle perspective d’analyse d’une intervention de santé telle que le FBP : celle de recourir au cadre d’analyse des SAC

En effet, elle nous montre que le FBP doit être analysé différemment et qu’il ne faut pas sous-estimer la complexité, la possible dynamique du système de santé après l'introduction du FBP, surtout pas dans un état fragile.

Pour analyser le FBP, elle a combiné différentes approches : l’analyse des tensions entre experts, puis suivre et comprendre les arguments qui s’en dégagaient (volet qualitatif), la documentation d’expériences pilotes pour une meilleure compréhension du caractère hautement interactif de notre système de santé face à l’approche ; l’analyse de séries chronologiques temporelles partant de données de terrain afin de détecter une possible association statistique entre l’implantation du FBP et la couverture des soins offerts (volet quantitatif).

En recourant au cadre d’analyse des SAC, cette thèse permet de creuser davantage sur les théories explicatives potentielles apportant des éléments de réponses sur les causes des dissensions, des résultats paradoxaux ou observations aberrantes et des comportements émergents au sein du système avec le FBP; Chose que les études d’impact à elles seules ne peuvent pas. Elle peut donc avoir des implications non seulement pour les scientifiques mais aussi pour les décideurs

Qualité et richesse des données récoltées lors des interviews des experts

Les répondants à nos entrevues appartenaient à des catégories professionnelles diverses, ce qui explique la richesse des informations qualitatives collectées. Parmi eux, nous avions des académiques, des assistants techniques nationaux et internationaux, des cadres du ministère de la santé, des représentants de bailleurs de fonds (agences de coopération bilatérale ou multilatérale, ONG internationales), des prestataires de soins.

Ils avaient été sélectionnés sur base de leur connaissance des enjeux du FBP (11 d’entre eux avaient déjà écrit des articles pour ou contre le FBP dans une revue internationale ou un blog), leur implication dans la controverse, leur degré d’implication dans la politique nationale sanitaire de la RDC et leur connaissance de l’évolution des politiques internationales de financement de la santé.

La masse d'informations recueillies a non seulement permis de comprendre les points de convergence et de divergence entre experts mais aussi de maitriser les causes de ces divergences. Elles fournissent des pistes sur la manière de réduire les difficultés majeures dans la prise de décision et la mise en œuvre du FBP.

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Les lecteurs de la thèse trouveront en annexe les nombreux verbatim qui n'ont pas pu être retenus dans les chapitres précédents.

La structuration de la controverse autour du FBP

En RDC, l’institutionnalisation du FBP ne rencontre pas l’assentiment de tous les acteurs du secteur et il n'y a pas encore à proprement parler de vision nationale unifiée autour de l'approche; ce qui explique que les systèmes FBP mis en place restent encore assez fragiles.

Mais cette tension est problématique car si le FBP est bénéfique pour les populations et qu'il constitue un « plus » pour les systèmes locaux de santé, alors cette situation bloque des processus nationaux de changement et les efforts de renforcement des systèmes de santé.

Notre recherche à tenté d'apporter une partie de la solution à cette situation en organisant, d'une part, des critères pertinents et objectifs de santé publique (souvent utilisés de façon opportuniste par les parties en débat) et en concevant, d’autre part, une démarche qui structurait le dialogue entre parties en désaccord autour du FBP.

Elle a ainsi créé un espace de discussion autour du FBP au sein duquel l'équivoque a pu être levé sur certains malentendus, les précisions ont été apportées sur les aspects de la stratégie que les partisans pourraient être amenés à enrichir et sur la manière d'adopter un discours moins empreint de dogmatisme, de fanatisme ou de passion, mais acceptable par tous, et où le caractère perfectible de la stratégie a été admis par les forces en présence sans nécessairement invalider l'approche. Bref, cette recherche a permis de constater que certains points de clivage entre experts sont résorbables et elle a proposé quatre pistes de solutions intéressantes et pertinentes pouvant faire avancer la réflexion commune autour de cette approche.

L'identification des champs de tension mais qui sont aussi des champs de résolution de ces tensions

Cette recherche devait explorer la complexité des tensions et des positions entre promoteurs et critiques du FBP et examiner plus minutieusement les désaccords autour de l’approche ainsi que leurs causes sous-jacentes.

Elle s'est donc plongée dans la littérature autour des conditions d’existence et d’entretien des controverses scientifiques ou politiques, et a pu constater qu’en gros une controverse peut se limiter à une opposition d’arguments rationnels, mais elle peut aussi, lorsque les chercheurs viennent à court d’arguments, déplacer les rivalités scientifiques sur le plan personnel. Ce qui nous permet ainsi d'identifier toute une série de facteurs, souvent « extrascientifiques » (méthodologiques, doctrinaux,

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liés à la productivité scientifique, institutionnels, politiques, philosophiques, professionnels, sociaux et métaphysiques ou liés à des valeurs), à l’origine de crispations et qui expliquent l’engagement parfois passionné des savants.

Ce constat a permis d’identifier trois grands champs (les champs des théories explicatives, des valeurs, des relations interpersonnelles et rapports de pouvoir) qui s’influencent mutuellement et dans lesquels ont lieu les controverses.

Mais en plus d'expliquer les principales causes de désaccords entre les acteurs impliqués, ces champs peuvent aussi nous indiquer sur quel facteur agir pour réduire les tensions.

En effet, une synthèse est en train de se produire au niveau de certains pays depuis le lancement de notre processus doctoral. A ce propos, de nombreux acteurs ont naturellement convergé vers un entendement commun, comme s'est le cas de la RDC qui se prépare à lancer un ambitieux projet fédérant de nombreux acteurs.

Ces différents champs peuvent donc expliquer comment certaines lignes de force se sont pliées pour aboutir à cette synthèse.

En RDC par-exemple, de nombreuses formations FBP ont été organisées et financées par les acteurs FBP à l'intention des cadres du ministère de la santé et de certains bailleurs. Cela a contribué à augmenter non seulement la masse critique des acteurs maitrisant toutes les dimensions de l'approche mais aussi à réduire les tensions résultant d'un déficit informationnel ou d'un malentendu cognitif (champs des théories explicatives).

De plus, des ateliers de réflexions ont été organisés avec l'appui de la Banque Mondiale et l'accord de la direction d'études et de planification (DEP) du ministère de la santé, assez hostile au départ avec le FBP. Au cours de ces négociations et de ces échanges, il était clairement démontré le caractère perfectible du FBP (émergence du professionnalisme, évaluation de la qualité des soins, etc.) et de sa contribution à l'atteinte des objectifs de santé publique. Il était également question de parvenir à une formulation plus contrastée aussi bien des convergences que des divergences interprétatives autour du FBP.

Au cours de ces ateliers, il a été décidé que le point d'ancrage du futur projet FBP soit la DEP qui se fera assister par différents assistants techniques nationaux financés par la Banque Mondiale (champs de valeurs).

Pour finir, afin de réduire certaines tensions interpersonnelles, des séances de plaidoyer ont été organisées avec les membres du cabinet du président de la République, pour solliciter leur arbitrage et faire passer cette idée d'introduire une

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culture des résultats dans le système de santé. Ces séances de plaidoyer ont également été organisées au sein du groupe inter-bailleurs santé pour la RDC (GIBS/RDC), insistant sur la complémentarité du FBP avec d'autres approches, pour ne pas frustrer les bailleurs avec des logiques d'interventions différentes.

Des rapprochements ont également eu lieu entre tous les acteurs FBP du pays qui ont décidé d'écrire ensemble un guide d'opérationnalisation du FBP en RDC ainsi qu'un manuel de procédures FBP.

On ne devrait pas négliger non plus le retrait temporaire de la CTB dans son renforcement institutionnel au niveau de la DEP, ce qui a contribué à décrisper l'attitude des autorités de la DEP vis à vis du FBP et à améliorer leur réceptivité (champs des relations interpersonnelles et des rapports de pouvoir).

Ces champs ont montré leurs capacités à contribuer à la bonne compréhension de la nature des tensions et à l'amélioration de la qualité du dialogue entre les parties prenantes, pour parvenir à la conception d’un agenda pour l’action autour du FBP en Afrique en général et en RD Congo en particulier.

L'identification d'effets contre-intuitifs dans le FBP pour orienter la prise de décision

En démontrant le caractère complexe et adaptatif de notre système de santé, cette recherche interpelle à ne pas sous-estimer les problèmes inhérents à la faible capacité des systèmes de santé à fournir les services attendus. A cet effet, les interactions entre les différentes composantes du système crée une dynamique systémique guidée par des effets non-linéaires, des retards et des boucles de rétroaction qu'il faut toujours prendre en compte lors de la mise en œuvre d'une intervention, car pouvant conduire à des résultats inefficaces voire contre-intuitifs et imprévisibles.

Nous avons montré comment l'augmentation de l'utilisation des services pouvaient alourdir la charge de travail des prestataires, ainsi que les effets du contrôle ou de la vérification sur le comportement des prestataires face aux prestations subventionnées (contrôlées) et non-subventionnées (non-contrôlées).

Cette recherche nous interpelle ainsi à ne pas envisager uniquement des solutions externes pour remettre le système de santé et ses composantes, sur les rails, mais à avoir à l'esprit que, parfois, des solutions (et même de nouveaux problèmes) pourraient aussi venir de l'intérieur du système. Elle le démontre avec la mise en œuvre du FBP en RDC, en prenant appui sur tous les arguments quantitatifs et qualitatifs générés.

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Ce constat est important surtout pour les décideurs politiques qui sont appelés à prendre des décisions sur la mise en œuvre du FBP. Ils devront disposer de toutes ces informations pour une mise à l'agenda du FBP.

Fondements de la recherche sur des réalités vécues et sur le contexte institutionnel congolais

La position du chercheur comme assistant technique court terme pour le suivi scientifique du programme FBP de l'Union Européenne en RDC, ainsi que son rôle comme expert national au sein de la commission financement du ministère de la santé, lui ont permis d'évoquer des faits réellement vécus et d'aborder des facettes concrètes du FBP.

Des études de cas ont permis de présenter et de comparer les expériences FBP les plus anciennes et les plus importantes en termes de financement et de population considérée. Les données collectées décrivant ces expériences provenaient d'informateurs clés impliqués dans leur mise en œuvre. Il en est de même aussi pour l'étude de cas du Kasaï oriental analysant la production de données quantitatives et pour laquelle l'interprétation des résultats traduit une réalité à laquelle le chercheur avait été confronté.

Pour ce qui est des données qualitatives résultant de nos entrevues, les experts interrogés étaient, pour la plupart, soit impliqués directement dans la mise en œuvre d'un programme FBP, soit avaient pu voir sur le terrain les expériences en cours de mise en œuvre, soit avaient pu discuter avec les cadres et acteurs de première ligne.

Les données de cette recherche peuvent donc être exploitées par nos décideurs politiques car elles reflètent les conditions de notre contexte.

E. Pistes de recherche future Nous pensons que des recherches futures peuvent approfondir certains aspects que la présente thèse a énoncés. Il s'agit de:

L'amélioration de la grille de Daniels pour son recours futur lors d'une autre tentative de structuration d'un débat en politique de santé

La conception d'une grille d'analyse de la nature des tensions entre experts autour d'une politique de santé, faisant intervenir davantage de théories explicatives des tensions

Une étude sur la psychologie de la réaction des prestataires de soins face à des mesures incitatives financières. A ce propos, une importante littérature existe sur l’économie comportementale ainsi que sur les déterminants du

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comportement des des prestataires ; elle pourrait servir pour mieux structurer les incitations apportées par le FBP.

La construction de modèles FBP spécifiques à la RDC en appliquant une démarche systémique fondée sur d'autres méthodes capables d'élucider aussi les questions de changements ou d'effets contre-intuitifs éventuels pouvant se produire au sein du système de santé suite à l’implémentation du FBP

F. Conclusion générale de la thèse Ce travail de recherche a exploré une stratégie de financement des soins de santé en rapide extension depuis ces dix dernières années en Afrique Subsaharienne en général et en RDC en particulier. A ce propos, même s'il est reconnu que c’est au Rwanda que la FBP a pour la première fois confirmé son potentiel en Afrique, sa reproductibilité dans le contexte congolais ne rencontre pas l'assentiment de tous les acteurs.

Notre engagement personnel depuis quelques années comme assistant technique ou comme consultant en matière de FBP, a généré l’idée de cette thèse de doctorat. Mais tout au long de ce travail scientifique, il nous fallait prendre une bonne distance analytique pour mieux aider notre pays de manière rigoureuse. Pour se faire, nous avons recouru à l’approche analytique des SAC pour enrichir la compréhension des acteurs congolais sur la mise en œuvre de cette stratégie de financement, mais aussi pour comprendre sous quelles conditions le FBP pouvait-il renforcer la performance du système de santé de la RDC.

A la fin ce travail, on peut affirmer que l’approche SAC, prenant en compte les aspects dynamiques du système de santé, nous donne des réponses et nous montre qu’il ne faut pas sous-estimer la complexité surtout pas dans un état fragile. Cette démarche nous a permis d'identifier des points de contrôle ou de haute influence susceptibles de garantir une mise en œuvre ou un fonctionnement plus adéquat du FBP et, de ce fait, pouvant améliorer la performance du système de santé.

Des différents constats qui sont ressortis de ce travail, et pour rester toujours dans une perspective systémique, nous pouvons formuler les recommandations suivantes:

1) Parvenir à une collaboration sur des valeurs fondamentales (responsabilité sociale, équité, etc.) entre les acteurs du secteur des soins de santé et leur implication sur les choix réalisés en matière de mécanismes de financement

La charte de partenariat, signée depuis 2000 par le MSP et ses différents partenaires, insiste sur cela car elle invite les parties prenantes à soutenir le secteur

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de la santé de manière efficace et efficiente par des actions et interventions (hormis le FBP) coordonnées en vue d’améliorer la santé des populations congolaises.

Dans le même ordre d'idées, il faudrait aussi veiller qu'à leur démarrage, les expériences FBP portées par les partenaires puissent associer le niveau central, de manière à éviter que le débat politique autour de l'approche soit déconnecté de la mémoire institutionnelle. En effet, tant que le FBP se développe fortement au niveau provincial, et que le débat autour de l'approche ne se fera uniquement à ce niveau, sans que les décideurs politiques ne soient informés de la dynamique enclenchée (parfois à plus de 2000 Km de Kinshasa), ils ne pourront pas intégrer cette approche lors de la définition des politiques de santé.

Une manière d'agir efficacement sur cette situation serait d'amener les débats au sein des cadres de concertation du niveau central (tel que le comité national de pilotage, le groupe inter-bailleurs santé-GIBS, la commission financement et couverture universelle) qui inclut les partenaires, les décideurs politiques du MSP et la société civile, pour discuter et définir les grandes orientations du FBP en RDC. En clair, il faudrait que les débats ne soient plus cloisonnés dans les cadres de concertation des projets mais plutôt vers les cadres de concertation réglementaires qui ont été mis en place par le ministère de la santé.

Cette collaboration sectorielle devra intéresser aussi les provinces dotées de ministères provinciaux de la santé. A ce propos, nous pensons que la RDC, par sa taille et ses nombreux facteurs contextuels liés à sa gouvernance, les profils des acteurs, la disponibilité et l'allocation des ressources financières, ne peut pas être comparée avec d'autres pays. Il est donc difficile d'envisager la reproductibilité d'un modèle rwandais ou burundais comme seul design possible pour l'ensemble du pays. Si l'option est retenue d'étendre le FBP au niveau national, il doit donc être adapté au contexte de chaque région. C'est ainsi que cette collaboration entre acteurs FBP ne doit pas signifier avoir un modèle unique FBP mais faire en sorte que chaque expérience FBP puisse apprendre et échanger ses bonnes pratiques avec les autres.

L'organisation régulière d'ateliers nationaux de capitalisation et d'échanges des leçons apprises par les différents projets pilotes existants serait très utile.

2) Cultiver un apprentissage itératif et constant, et appliquer les nouvelles connaissances sur l’implémentation du FBP pour mieux répondre aux défis actuels en matière de renforcement du système de santé

Pour encadrer le processus de toutes ces connaissances générées par le FBP, on peut envisager différentes stratégies, à savoir:

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L'inclusion des questions relatives aux enjeux des mécanismes de financement de la santé (avec un volet sur le FBP) dans l'enseignement médical de base des écoles de formation. Cela permettrait aux diplômés des écoles de santé publique de se faire une idée sur toutes les dimensions de l'approche et de poser un jugement plus conséquent sur sa mise en œuvre. Cela pourrait se faire soit sous forme de séminaire ou sous forme de cours.

Associer systématiquement une des institutions de recherche congolaises dans le processus de mise en œuvre des programmes FBP dont elle portera le lead du volet recherche action. En effet, les institutions de recherche (Ecoles de santé publique) ne sont pas assez associées à la conduite et à la gestion de ces grands programmes. Encore moins dans le processus d'évaluation d'impact, ni dans les enquêtes baseline ou les enquêtes ménages, ni dans les revues à mi-parcours ou missions de backstopping. Elles qui sont pourtant le carrefour d'afflux de plusieurs apprenants mais aussi de la génération des connaissances, ne sont pas au rendez-vous des débats. Elles ne peuvent donc pas contribuer efficacement à la genèse de données probantes utiles pour la prise de décisions. Sur ce dernier point, nous devons signaler toute l'importance de la direction d'études et de planification (DEP) du MSP pour mieux répondre aux défis d'implémentation du FBP en RDC. En effet, avec sa fonction d'appui à l'élaboration des politiques, normes, stratégies et reformes sectorielles, la DEP a la responsabilité d'appuyer la collecte, l'analyse, la synthèse et l'organisation de ces données pertinentes disponibles dans ou en dehors du pays; pour qu'elles servent de référence unique à la prise de décisions stratégiques en matière d'organisation et de renforcement du système de santé. Ces différentes données issues, des études menées par exemple par les écoles de santé publique, des enquêtes ménages, de la capitalisation des expériences ou projets pilotes, du rapportage continue de l'information sanitaire, seront conservées dans un "entrepôt de données" ou un centre de veille stratégique après avoir été rendues suffisamment exploitables et compréhensibles par toutes les parties prenantes ou preneurs de décision (Macq, Iyeti, 2010). La DEP devra mobiliser l’expertise des Ecoles de Santé Publique (ESP) nationales ou autres institutions de formation/recherche pour conduire les différentes étapes du processus de production de données probantes sur ces expériences innovantes comme le FBP, et assurer la diffusion des résultats à toutes les parties prenantes pour faciliter ainsi des prises de décision plus rationnelles et plus réfléchies.

Nous ajouterons aussi la nécessité d'un renforcement de capacités de tous les

acteurs de mise en œuvre pour documenter leurs expériences, et générer des

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connaissances factuelles qui seront ensuite présentées aux décideurs politiques. Il y a très peu de documentations FBP en RDC. Lorsqu'on fait la liste des articles scientifiques publiés sur le FBP, peu d’articles ont été réalisés par des institutions de recherche nationale. Il n'existe aucun article sur les grandes expériences FBP de l'UE, de la BM ou encore de Cordaid écrites par les congolais eux-mêmes. Nous encourageons donc des initiatives telles que la création d'un "Hub FBP" en RDC pour générer des connaissances de l'intérieur et non de l'extérieur. En effet dans un pays pluri-contextuel comme la RDC, avec une faible structuration interne des dialogues autour de l’approche, avec la présence de plusieurs acteurs FBP très dispersés, il faudrait inviter les différents détenteurs de savoir sur une plateforme commune pour produire des connaissances et agir ensemble. A défaut d'un Hub, on pourrait aussi renforcer les attributions de la commission financement et converture santé universelle, rattachée au comité national de pilotage de la SRSS, qui est le cadre insitutionnel par excellence pour un dialogue technique et stratégique autour de toutes les questions relatives aux mécanismes de financement de la santé et des stratégies associées pour parvenir à une couverture santé universelle.

3) Arriver à un leadership transformationnel au sein du secteur de la santé capable de mieux gérer les débats en cours sur l’implémentation du FBP

Cela suppose, au niveau sectoriel, que des leaders visionnaires soient capables de remettre en question un paradigme dominant s’il montre ses limites; qu'ils sachent aussi scruter l'environnement de manière à voir où des améliorations ou des changements doivent être apportés. Les leaders du MSP, devant les controverses (scientifiques ou sociales) entourant la stratégie, n'ont pas favorisé l'émergence d'un débat scientifique permettant qu'on aille de l'avant sur cette question. Le manque d'un tel leadership transformationnel n'a donc pas aidé les différentes parties prenantes à réfléchir à l'essentiel, de manière moins passionnée et plus objective. On s'est trop souvent limité à comparer le FBP avec les autres stratégies de financement au lieu de s'interroger sur leur complémentarité, sur plus de rationalité dans le financement de l'offre, sur l'incitation à la performance des prestataires; le tout devant concourir à une meilleure accessibilité financière de la population aux soins. Le leadership transformationnel suppose aussi d'être en mesure de coordonner et de mobiliser tous les partenaires qui ont développé et mené des expériences concluantes de FBP en RDC autour d'une même vision. Cet ensemble de bonnes

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pratiques aidera à la conception d'un document d'orientations stratégiques dans une vision de leadership et de capitalisation. De ce qui précède, nous pensons que le ministre de la santé est le mieux placé pour porter ce leadership, en tant que président du comité national de pilotage qui réunit tous les partenaires11. De plus, dans une vision intersectorielle, le ministre pourrait aussi mobiliser les autres ministères en charge, par exemple, de la formation des cadres de santé.

4) Intégrer les leçons apprises des programmes d’appui, actuels et nouveaux, testant de nouvelles modalités de financement de notre système de santé, en maximisant les effets positifs tout en évitant les chevauchements

A ce propos, il est important de recourir au dialogue sectoriel, très utile pour apprécier tout ce que nous avons de positif (à promouvoir) et de négatif (à réduire). Son renforcement grâce aux cadres de concertation existants ou forums de rencontre et de discussion entre les partenaires et le ministère, permettra déjà de réaliser une grande avancée. Mais tout cela à condition que le dialogue sectoriel réalisé au niveau central soit nourri par les attentes de la population et celles du niveau de mise en œuvre. Ce dialogue sectoriel proposera des orientations mais avec, comme soubassements, les leçons apprises des difficultés ou des succès rencontrés par les prestataires au niveau opérationnel lorsqu'ils ont été confrontés à différents régimes de financement de la santé (FBP, gratuité des soins, fonds d'équité, mutuelles de santé, financement par l'apport en ressources physiques, etc.). Pour finir, face à certaines questions relatives à la mise en œuvre des stratégies de financement de la santé (problèmes d'articulation, de chevauchements, etc.), il ne faudrait pas oublier que des réponses appropriées et efficaces pourraient venir du niveau opérationnel de mise en œuvre. Ce qui implique une décentralisation de certains débats, du niveau central vers le niveau de la mise en œuvre. Dans le contexte actuel de réforme du financement de la santé, il faudrait donner la possibilité ou le pouvoir décisionnel aux structures décentralisées, qui vivent la mise en œuvre, d'avoir la capacité d'ajuster ou de réorganiser les stratégies de financement de la santé de manière plus adéquate afin de combler les trous ou éviter les redondances dans la couverture de la population. A ce propos, les

11 Ici aussi la commission financement et couverture santé universelle pourrait aussi jouer un grand

rôle comme cadre reflexif autour des principaux enjeux du finanement de la santé en RDC.

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commissions financement et couverture sanitaire universelle existant aussi au niveau provincial seraient d'un support très utile.

5) Mener des réflexions objectives sur les questions relatives aux mécanismes incitatifs des prestataires

Comme signalé au début de ce travail, le FBP présente des similarités avec le Pay for Performance développé dans les pays riches où des réflexions ont aussi été menées sur la manière de maximiser la réponse du prestataire à une incitation. Mais selon Siva (2010), il est important que les incitations puissent non seulement viser l’atteinte des résultats mais aussi le changement de comportement des prestataires qui doivent consacrer plus de temps et de ressources à l’amélioration de la qualité des soins. Siva reconnait que, même dans les pays riches et organisés, l’un des principaux inconvénients du recours à des incitations financières demeure ce potentiel risque de conséquences imprévues et négatives. Il reconnait aussi que les résultats mitigés de la stratégie sont dus à des mesures incitatives insuffisantes ou à des modalités sous-jacentes de mises en œuvre inappropriées. C’est ainsi qu’il propose quelques facteurs à considérer pour améliorer la conception d’un programme d’incitation à la performance en termes de fréquence et de types de paiements incitatifs. Ces facteurs pourront peut-être nous être utiles lors de nos réflexions sur le FBP en RDC. Il s’agit de :

Une fréquence régulière dans l’allocation des incitations. La prise en compte de l’écart entre la performance de base des structures de

santé et le niveau optimal de performance à atteindre, surtout en termes de qualité des soins. Cela pourrait impliquer par-exemple de jouer sur une série de seuils absolus graduels à atteindre.

Réduire les délais entre l’administration des soins et la réception des incitants car la behavioral response des prestataires serait compromise.

Etudier la possibilité de présenter les primes de performance ou les subventions comme une perte dans le revenu (Malus) plutôt que sous forme de gain (Bonus). Selon Siva, l’aversion pour la perte a un plus grand pouvoir incitatif.

Réduire la complexité du processus incitatif en le rendant de compréhension plus facile pour tous les prestataires et faciliter leur engagement au processus.

Pour une meilleure behavioral response des prestataires, il serait utile que le paiement incitatif soit perçu comme étant spécial et distinct de leur paiement habituel. Cela implique notamment de réfléchir sur la manière de rendre attractive la taille des incitants.

Réfléchir à l’opportunité d’une récompense en nature pour les prestataires et de leur behavioral response à ce type d’incitants.

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6) Anticiper les conséquences inattendues de l’implémentation du FBP

Il est important d'avoir toujours à l'esprit que nos systèmes de santé sont dynamiques et complexes. Ainsi partant des expériences existantes en Afrique et dans le reste du monde, ainsi que d'une revue documentaire, on peut déjà prendre conscience de quelques conséquences inattendues éventuelles que d'autres ont rencontrées et se préparer à les contourner. Cela requiert beaucoup d'attention au démarrage des projets FBP et davantage d'écoute des acteurs, de manière à intégrer beaucoup d'éléments susceptibles de réduire certains risques. Cela suppose aussi une grande flexibilité durant la mise en œuvre, pour procéder à des réajustements éventuels devant de possibles conséquences inattendues liées à des limites ou faiblesses de montage d'un projet FBP.

7) Renforcer les institutions et les organisations existantes à travers des partenariats véritables et équitables entre les acteurs impliqués dans le financement et la régulation du système de soins de RDC

On devrait donc envisager l'établissement de partenariats transparents, entre les acteurs impliqués dans le financement et la régulation du système de soins de RDC. Cela implique que l'Etat finance certaines de ses fonctions régaliennes appuyées actuellement par les bailleurs (qui financent à ce jour 100% des fonds FBP en RDC), pour ne pas perdre de poids dans la prise de décisions. Il faudrait aussi veiller au respect des principes de la déclaration de Paris et pousser les partenaires à s'aligner sur les principes ou les outils nationaux. Cela suppose aussi un engagement de l'Etat dans l'amélioration de l’efficacité du circuit de la dépense publique. Nous espérons que la mise en place effective d’une Direction Administrative et Financière (DAF) au sein du ministère de la santé, permettra au secteur de disposer d’un mécanisme de gestion de l’aide intégré et efficace. Actuellement en RDC ce débat est toujours au cœur des discussions car l'alignement demeure encore trop faible. Pour finir, ce partenariat ne sera possible que par le dialogue sectoriel à mener au sein des institutions appropriées (comités, commissions, etc.), conçues justement à cet effet aux différents niveaux de la pyramide sanitaire, et où tout le monde peut exposer ses idées et ses avis.

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57. Soeters R. and Griffiths F., can governement health workers be motivated? Experimenting with contract management : the case of Cambodia, in le financement de la santé dans les pays d’Afrique et d’Asie à faible revenu, Editions Karthala, Paris, 2003

58. Steel N., Maisey S., Clark A., Fleetcroft R. and Howe A. Quality of clinical primary care and targeted incentive payments: an observational study. British Journal of General Practice 2007; 57: 449–454.

59. Sturmberg J P, O’Halloran D M, Martin C M. Understanding health system reform – a complex adaptive systems perspective. Journal of Evaluation in Clinical Practice 18 (2012) 202–20

60. Sturmberg JP, Martin CM. Complexity and health – yesterday’s traditions, tomorrow’s future. Journal of Evaluation in Clinical Practice. 2009; (15) 543–54

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62. Swanson R C, Cattaneo A, Bradley E, Chunharas S, Atun R, Abbas K M, Katsaliaki K, Mustafee N, Meier B M and Best A. Rethinking health systems strengthening: key systems thinking tools and strategies for transformational change. Health Policy and Planning 2012;27:iv54–iv61

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227

ANNEXES (ETAPE 7)

ANNEXE 1 : RECAPITULATIF DES DOCUMENTS STRATEGIQUES EN SANTE (RDC)

Date d’adoption Document stratégique Objectifs principaux

2011 Stratégie de Croissance et Réduction de la Pauvreté (SCRP2)

• Pilier III : améliorer l’accès aux services sociaux de base pour permettre une amélioration de l’état de santé et nutritionnel

2011 Plan National de Développement Sanitaire II (PNDS II)

• Développer les Zones de sante

• Renforcer le leadership et la gouvernance du secteur

• Renforcer la collaboration intersectorielle

2010

Stratégie de renforcement du système de santé (SRSS)

• Revitaliser la Zone de Santé

• Corriger les distorsions dues aux programmes verticaux

• Développer les RH en santé

• Réformer le secteur du médicament

• Réformer le financement de la santé

• renforcer la gouvernance et le leadership sectoriel

• Renforcer la collaboration intersectorielle

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228

2010

Plan National de Développement des Ressources Humaines pour la Sante 2011-2015

• Améliorer la gestion de carrière (la gestion et l’utilisation rationnelles des RHS)

• Renforcer la rétention et la fidélisation des RHS

• Systématiser la formation continue

• Accroitre la production des professionnels de santé

2006 Document sur les normes sanitaires

• Définition des normes quantitatives et qualitatives du paquet de soins

• Paquet minimum d’activités • Paquet complémentaire d’activités

2005 2014 (draft)

Stratégie de financement de la santé

• Accroitre le financement du secteur

• Augmenter la prévisibilité des dépenses publiques internes et externes

• Accroitre les mécanismes de prépaiement (assurance à base communautaire et autres formes d’assurance)

• Réduire la fragmentation de l’aide internationale consacrée à la sante

• Améliorer l’accessibilité financière des populations aux soins de santé de qualité

(Source : Revue des dépenses publiques en santé-RDC, 2014)

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229

ANNEXE 2: RESUME DES VERBATIM IMPORTANTS STRUCTURES SELON LES CRITERES DE DANIELS

1.1. Approche intersectorielle de la santé publique :

Négligence des déterminants sociaux et des autres facteurs de risque survenant « en amont » des services de santé.

Cela suppose un focus uniquement sur le patient au moment de son arrivée dans la structure de santé. De plus, le FBP n’intervient pas sur le statut de la femme, ni sur l’éducation des enfants et des femmes, ni sur la pauvreté.

Le FBP ne s’occupe même pas du patient quand il est dans la structure, mais plutôt d’une batterie d’indicateurs (20 ou 30) par rapport au quantitatif et d’une « galaxie » de micro-indicateurs de « qualité ». Le FBP ne s’occupe donc que de la production de ces indicateurs, il ne regarde que « ce qui sort du tuyau ». Comment peut-il encore prendre en compte ces déterminants et facteurs de risque ? (G1Acad1Cr1)

Comme réponses à ces critiques nous pouvons citer :

Des arguments convergents portant sur :

Incapacité du FBP à résoudre tous les problèmes mais focus important sur l’accessibilité financière aux soins de santé

Impact faible du FBP sur les déterminants sociaux et les facteurs de risque : naïveté de croire que cela est possible

Des arguments divergents portant sur :

Expériences débutantes de FBP communautaire, pour le volet préventif et promotionnel, pour y remédier

Critique valable aussi pour la stratégie traditionnelle de financement de la santé.

Expériences de FBP dans l’éducation des filles et dans le développement rural (aménagement des routes de dessertes agricoles)

Flexibilité du FBP comme outil de financement pour agir sur ces déterminants moyennant le temps et les ressources humaines

Il faut reconnaitre qu’on a longtemps négligé les déterminants sociaux ; tout le monde les a négligés. L’école de pensée belge s’est toujours intéressée à la prestation des soins et donc au préventif et au curatif mais très peu aux aspects tels

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230

que l’alcoolisme, les maladies professionnelles, bref aux déterminants plus généraux. (G2Acad1Cr1)

Altération de la qualité du dialogue entre prestataires des soins et population

Cette critique sous-entend que le FBP est négatif car il introduit une relation de contrôle entre les gens, ce qui empêche une relation de dialogue entre les prestataires et la communauté

Agir sur les déterminants importants suppose de la part des prestataires, une manière de parler avec les gens.

Mais, dans le FBP, on demande aux communautés d’être des agents de contrôle de la performance des structures de santé. Cela risque d’être contre-productif. En effet, cette contribution de la communauté dans l’amélioration de la performance des prestataires des soins doit se faire au-delà de cet esprit de contrôle, mais à travers un véritable dialogue, surtout que le prestataire des soins fait aussi partie de la communauté. (G1Acad8Cr1)

A cette critique, nous avons pu relever qu’aucun argument convergent n’a été soulevé mais plutôt des arguments divergents portant sur:

Nécessité de définir et de planifier les audits, les inspections, les contrôles pour veiller au respect et à l’application des normes

Introduction de la vérification et du contrôle antérieur au FBP Obligation de l’introduction des systèmes de contrôle devant tout système

de paiement à l’acte pour une meilleure gestion des fonds

Mais il faut noter une fois de plus que ce n’est pas le FBP qui est venu introduire la vérification et le contrôle qui existent dans tout système.

C’est faux que de dire que le prestataire doit refuser la vérification et le contrôle, de peur de voir la qualité de son dialogue altérée. Les audits, les inspections, les contrôles doivent être définis et planifiés pour suivre comment les normes sont appliquées et respectées, voir si les prestations se font selon les conventions. (G2ATNCr1)

Réduction partielle des inégalités en matière de santé avec la FBP

En clair, le FBP à lui tout seul ne peut pas réduire les inégalités en matière de santé, à moins d’associer dans son montage d’autres stratégies: fonds d’équité ou d’autres mécanismes de financement. De plus, en payant un nombre limité d’indicateurs, il

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231

pousse les prestataires à ne se focaliser que sur ces prestations au détriment d’autres patients qui souffrent de pathologies non subsidiées.

Il est important de noter que ce sont les mutuelles de santé obligatoires qui sont venues avant le FBP et ce sont elles qui ont, plus que le FBP, contribué à réduire ces inégalités. Le FBP intervenait plus dans la qualité des soins dans les structures de santé. Le FBP intervient quand le patient arrive à l’hôpital mais s’il a pu accéder aux services de santé, c’est grâce à son adhésion à une mutuelle de santé. (G1PrestaCr1)

A cette critique, les réponses ont été :

Comme arguments convergents :

Conséquence possible du FBP, vu le souci de une priorisation des besoins vers les aspects les plus cout-efficaces.

Risque d’inégalités dans l’allocation des subsides entre les structures de santé suite à leur différence structurelle (pré-requis)

Incapacité du FBP seul à réduire ces inégalités. C'est valable aussi pour les autres approches de financement

Le ciblage des prestations crée un biais dans le comportement des soignants (cas du Tchad)

Importance du design de l’achat stratégique avec un rapprochement vers un système plus complexe des groupes homogènes de maladies

Comme arguments divergents :

Recours à des indicateurs composites affectant les prestations non ciblées et donc la globalité des prestations de la structure de santé

Allocation efficiente des ressources dans le FBP : ciblage des interventions les plus efficientes et des catégories les plus vulnérables

Pouvoir dynamique du FBP laissant la possibilité d’une révision des indicateurs ou des pondérations selon l’importance des problèmes

Même si le FBP ne se focalise que sur quelques indicateurs, on a constaté au contraire qu’il améliore aussi les autres indicateurs. Ce n’est donc pas vrai de penser que les prestataires ne vont que se concentrer sur quelques indicateurs car le terrain prouve le contraire. Tout le paquet du PMA et du PCA sera amélioré malgré le choix de ces quelques prestations (G2ATN2Cr1)

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232

Aucune induction d’efforts intersectoriels bénéfiques sur la santé avec le FBP

Aussi bien pour améliorer les déterminants sociaux de la santé et impliquer la communauté

Il faut noter que ce n’est pas le but du FBP de tout faire ; et ça dépasse le champ d’action du FBP. (G1Acad5Cr1)

Comme argument convergent :

Limites du FBP dans la promotion des actions à mener en amont des services de santé, concourant à leur utilisation

Comme arguments divergents :

Expérience de FBP dans l’éducation comme preuve de la reconnaissance de cette nécessité

Flexibilité du FBP pour son extension à d’autres secteurs sociaux de base (routes, sécurité alimentaire avec l’agriculture et la pêche)

Déséquilibre structurel entre les secteurs à cause du FBP

Cela implique que le FBP entraine des inéquités entre les professionnels de la santé et les professionnels des autres secteurs. Il a donc tendance à augmenter les inégalités intersectorielles plutôt qu’à les réduire.

On constate qu’avec les incitations financières introduites par le FBP (avec parfois des primes allant au delà des salaires), il y a eu un potentiel déséquilibre structurel entre les secteurs d’où la volonté des autres secteurs à faire du FBP. Mais on reconnait tout de même que cela a attiré des convoitises. (G1AT2Cr1)

Comme argument convergent :

Reconnaissance de la nécessité d’une inter-sectorialité pour éviter des tensions entre les fonctionnaires.

Comme arguments divergents :

La faible performance des autres secteurs sociaux ne devrait pas constituer une contrainte pour la promotion du FBP dans la santé

Aucun inconvénient pour des systèmes de rémunération élaborés de façon différente entre les secteurs

Normalement la rémunération des militaires est plus importante que celle du personnel de santé

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233

Cela ne doit pas vouloir dire que pour une meilleure satisfaction et moins de tension, tous les secteurs doivent rester pauvres. Mais doit-on empêcher au secteur de la santé d’avancer sous prétexte que les autres secteurs n’avancent pas au même rythme que celui de la santé? Cela est un argument assez spécieux (G2ATICr1).

1.2. Obstacles financiers à un accès équitable : Pas de réduction des obstacles financiers avec le FBP ou réduction passagère et non pérenne

En clair, les opposants estiment que le FBP n'est pas plus efficace que d'autres mécanismes de financement pour résoudre l'inaccessibilité de la population aux services de santé.

Le FBP ne résout pas le problème d’inaccessibilité aux soins de santé comme le ferait l’assurance maladie. Les soins demeurent encore chers, il n’y a pas de subventions spécifiques pour que les services de santé reçoivent les indigents. De plus, il ne finance pas l’évacuation des patients et leurs nombreux allers-retours entre le CS et leur domicile. (G1Ca MSP1Cr2).

En réaction à cette critique, différents arguments ont été avancés par les défenseurs du FBP:

Comme arguments convergents:

Limites de cette approche centrée sur l’offre de soins avec action sur la tarification mais pas sur les autres coûts indirects de santé.

Aucune prétention d’être une solution miracle mais possibilité d’articulation/ complémentarité avec d’autres mécanismes de financement

La réduction des barrières à l’accès aux soins n’est pas centrale au FBP mais plutôt un effet collatéral. C'est central pour d’autres approches

Comme arguments divergents:

Importance de la conception, du design ou du montage de l’approche. Possibilité d’évolution du FBP en acheteur expérimenté (assureur maladie),

puissant levier pour la réduction des barrières financières. Rapidité d’intervention du FBP contrairement aux mutuelles de santé et à

l’assurance maladie

Le FBP ne vas pas lutter non plus contre les changements climatiques ni favoriser la réélection de Barack Obama. Le FBP n’est qu’une approche centrée sur l’offre de

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soins, il ne peut donc avoir un impact que sur les tarifs et non pas sur les autres coûts indirects de la santé. Et donc il est extrêmement limité. (G2ATI1Cr2)

Pas de lien très fort entre introduction du FBP et accès équitable aux soins

Cette critique se rapporte au fait qu’on ne peut pas tout faire avec ce seul outil FBP qui n’agit que sur l’offre ; il faut le compléter avec d’autres approches comme les mutuelles de santé au Rwanda ou la gratuité des soins au Burundi.

Au Rwanda, c’est la mutuelle de santé qui facilite l’accès aux soins. La population trouve la facilité d’accéder aux services de santé grâce à la mutuelle de santé et non à cause de la qualité des soins induite par le FBP. Le FBP n’a pas vraiment réduit le tarif des prestations dans notre contexte, peut-être pour les FOSA très fréquentées mais pas pour les FOSA peu fréquentées (régions montagneuses) avec peu de prestations. Ainsi, comme l’apport financier du FBP n’était pas tangible dans ces FOSA peu fréquentées (le FBP n’y apportant pas grand-chose), on ne pouvait pas prendre le risque de réduire le prix des prestations en espérant que le FBP allait compenser. (G1PrestaCr2)

Les arguments évoqués en réponse à cette critique sont :

Parmi les arguments convergents:

Obligation de coupler FBP et mutuelles de santé ou assurance maladie ou fonds d’équité ou gratuité des soins

Risque aussi d’inéquité et d’exclusion du système de santé avec l’assurance maladie mise en œuvre de manière isolée (Cfr USA)

Parmi les arguments divergents:

Organisation d’enquêtes ménages au démarrage pour une appréciation les disparités relatives au pouvoir d’achat entre classes sociales

Intégration de la prise en charge des indigents dans les projets FBP Subsidiation des services de santé, d’où la baisse des tarifs avec

augmentation des taux d’utilisation et la garantie de leur viabilité financière Prise en compte dans le FBP des autres facteurs, hormis la baisse des tarifs,

associés à l’augmentation du taux d’utilisation des services

Oui, je suis d’accord avec cette critique car il faut que le FBP soit couplé avec la gratuité des soins comme au Burundi, les mutuelles de santé au Rwanda, l’assurance maladie au Benin. Que le FBP soit combiné avec le fond d’équité et c’est alors que cela peut marcher, sinon c’est nul. Il y a beaucoup de mesures d’accompagnement qu’il faut mettre ensemble avec le FBP. (G2ATI4Cr2)

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Réduction théorique des tarifs accompagnée de paiements informels

Cette critique part du constat de ce sous positionnement des tarifs des indicateurs subsidiés par le FBP par rapport aux couts réels des prestations réalisées. Ce qui entraine des pertes considérables pour les FOSA, d’où les compensations financières demandées aux patients ou les dessous de table.

Les tarifs des indicateurs subsidiés sont restés figés dès la mise en place du FBP et ne font pas l’objet de réévaluation malgré l’inflation sanitaire. Et donc les FOSA dépensaient beaucoup plus pour la prise en charge des patients par rapport à ce qu’elles recevaient lors des remboursements ou du paiement des factures.

Ainsi donc, ces pertes considérables pour les FOSA ont donné lieu à des demandes de compensation financière directement aux patients. (G1AT2Cr2)

A cette critique, on lie les arguments suivants :

Comme arguments convergents

Risques de dessous de table en l’absence d’études des coûts réels des prestations au démarrage, pour préserver la viabilité financière des Fosa

Risques accrus de perturbation du système FBP s’il n’y a pas de continuité et de régularité dans les paiements.

Solution possible mais impliquant l’augmentation des subventions, situation inévitable en cas de sous-financement des structures de santé

Comme arguments divergents

Inepties non liées de manière intrinsèque au FBP en tant que concept mais à des défauts d’implémentation par les acteurs

Ce n’est pas la logique du FBP en tant que concept mais celle des bailleurs de fonds, de leur montage et de leurs priorités. On reconnait que, des fois, on n’a pas fait les choses correctement. Si on rachète certaines prestations avec des coûts de misère, les indicateurs spécifiques ne vont pas progresser (cas du Tchad où les consultations curatives sont rachetées à 150 FCFA), car ces prestations ne sont pas payées correctement, d’où les risques d’effets pervers. (G2ATI5Cr2)

Maintien dans le FBP de la tarification par acte rendant illusoire l’accès équitable

Cela suppose un risque d’augmentation du nombre d’actes par les prestataires.

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Le FBP est certes une occasion de faire baisser les prix mais si on maintient une tarification par acte, le patient sera toujours perdant car il payera autant qu’auparavant vu le risque d’augmentation du nombre d’actes par les prestataires.

Cette baisse des prix n’aura donc pas d’action directe sur l’accessibilité financière tant qu’elle ne sera pas couplée à une tarification forfaitaire. Si cette condition n’est pas réunie, il faudrait alors considérer la réduction des obstacles financiers à un accès équitable comme illusoire. (G1Baill2Cr2).

A cette critique fait suite des arguments tels que :

Comme arguments convergents:

Préférence du « forfait » à « l’acte » mais implication sur la maitrise de la prescription rationnelle et du principe de partage des risques

Risques élevés de sur-prescriptions et de fraudes pouvant être résolus par la tarification par groupes homogènes de maladies

Critique n’invalidant pas le FBP car portant sur des aspects négligés, et prouvant qu’il est perfectible

Prise en compte du forfait dans le FBP car intégration dans l’achat d’un nouveau cas de tout le package (MEG, consultation, labo.).

Comme arguments divergents:

Aucune opposition entre FBP et mutuelles de santé ou fonds d’équité et donc concomitance dans leur mise en œuvre

Nécessité de concevoir le FBP comme un canal et donc le mode d’allocation des ressources vers les structures de santé dépendra du régulateur

Risques dans la tarification forfaitaire de remboursements ou de paiements non adaptés aux coûts de production des structures de santé

Les aspects de tarification et d’accessibilité sont liés, non pas au FBP, mais à la régulation et à une prise de décision autonome des prestataires

Appréciation de la tarification forfaitaire par la population mais pas par les structures de santé car risques pour leur viabilité financière

Impact de la qualité perçue par les usagers sur la limitation des excès induits par les prestataires

Le FBP laisse la latitude aux responsables des structures de développer le mode de tarification le plus adéquat. On peut soit adopter la tarification par acte ou la tarification forfaitaire, le FBP n’imposera rien. (G2ATN3Cr2)

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Incapacité pour le FBP d’agir seul sur le passage de l’informel vers le formel

En effet, cela dépendra surtout de la qualité des soins et du contrôle, mais aussi l’action sur de nombreux autres facteurs justifiant le recours au secteur informel

Il faudrait améliorer davantage la qualité des soins et surtout mettre réellement en pratique les soins centrés sur les patients (soigner le patient dans son ensemble : accompagnement psychologique, suivi du patient à domicile, etc.) afin de faciliter ce passage du secteur informel vers le secteur formel. Actuellement, la satisfaction des patients n’est pas à son optimum malgré le FBP. Il faut donc d’autres mesures car l’accessibilité demeure encore limitée, et le FBP seul ne peut pas résoudre ce problème. (G1CaMSP1Cr2)

A cette critique, les défenseurs réagissent de la manière suivante :

Arguments convergents:

Déclarations à appuyer par des évidences, mais accord sur le principe de l’incapacité du FBP seul à tout résoudre : nécessité de synergie

L’attraction vers les services de santé dépend de la qualité des soins ou d’autres déterminants sur lesquels il faut agir et non du FBP

Arguments divergents:

Capacité du FBP à créer l’offre des soins là où elle n’existait pas et à lever les barrières à l’accès aux soins ; ce que l’input n’arrive pas à faire

Le FBP seul n’est pas capable de tout résoudre dans ce domaine car le fait que les gens ne consultent pas est lié à la qualité, aux barrières financières et à d’autres déterminants d’ordre personnel (manque d’instruction, manque d’information, les croyances, etc.) ; mais il peut apporter une contribution. (G2ATN4Cr2)

1.3. Obstacles non financiers à l’accès :

L’action du FBP sur la réduction des obstacles non financiers à l’accès ; parfois cette réduction est non pérenne ou conditionnée par une motivation extrinsèque

En effet, l’accessibilité géographique est améliorée avec de nouvelles constructions ou avec de nouveaux moyens de transport public et des routes plus convenables pour arriver au CS/HGR. Mais ceci c’est du financement d’inputs, et non du FBP

Comment le FBP qui ne va financer qu’une vingtaine d’indicateurs, peut, par on ne sait quelle chaine causale, diminuer les distances géographiques, etc.?

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En ce qui concerne, l’accessibilité géographique, ce n’est pas le FBP qui va améliorer la situation, car pour diminuer à certains endroits les distances géographiques c’est avec de nouvelles constructions ou avec de nouveaux moyens de transport public et des routes plus convenables pour arriver au CS/HGR. Mais ceci c’est du financement d’inputs, on ne va donc jamais arriver à financer tout ça avec du financement d’outputs attribué à ces structures de santé déjà fonctionnelles : c’est irréaliste. On ne doit donc pas croire que tout financement d’inputs doit disparaitre surtout pour les investissements de cette ampleur. (G1AT1Cr3)

A cette critique, les arguments avancés sont les suivants :

Arguments convergents :

Limites du FBP comme simple instrument de paiement des prestataires ; d’où la nécessité de développement de tous les instruments de pilotage d’un système de santé.

Impossibilité pour le FBP en soi, comme mécanisme de financement, de pouvoir tout résoudre ; les problèmes économiques, l’amélioration du pouvoir d’achat des populations.

Nécessité pour les Etats de conserver des budgets d’investissement parallèles au FBP pour développer l’offre des soins.

Arguments divergents :

Intégration dans le FBP des bonus d’équité pour les structures de santé défavorisées géographiquement

Exemples d’application du FBP dans le développement rural avec la construction des routes, des ponts, etc.

Possibilité de contractualisation avec la population pour sa participation matérielle à des investissements (Impact significatif sur la réduction des coûts)

Flexibilité du FBP dans l’octroi d’avances financières aux CS pour l’achat de moyens de déplacements utiles pour les stratégies avancées

Possibilité de contractualisation avec des entrepreneurs ou une ONG locale pour la réalisation des grands travaux de qualité; le paiement étant fonction des résultats atteints.

Le FBP est un instrument de paiement des prestataires et qui ne remplace pas tous les instruments de pilotage d’un système de santé. Il est donc pertinent que les Etats conservent encore des budgets d’investissement parallèles au FBP pour développer l’offre des soins lorsque c’est nécessaire ou pour développer l’accessibilité aux soins

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de santé à des lieux stratégiques lorsque c’est nécessaire. Et ce n’est pas le FBP qui doit faire ça. (G2ATI6Cr3)

1.4. Degré de complétude des prestations et degré de catégorisation

Négligence des prestations non-subventionnées et sélectivité dans la prise en charge avec exclusion de certaines catégories

Avec le FBP, le danger potentiel est que l’on cible les efforts et le temps sur la liste des prestations qui font partie du FBP et qui vont rapporter de l’argent. Et les autres sont négligées car elles ne sont pas rémunérées. Et par le fait même, les patients concernés par ces prestations seront négligés (G1Acad6Cr4)

A cette critique, les défenseurs ont apporté des réponses portant sur :

Arguments convergents :

Négligence d’indicateurs importants (tels que la malnutrition) mais sans action invalidante sur l’approche

Aspect corrigeable selon le montage et les fonds disponibles Rareté des ressources impliquant une concentration sur les indicateurs

prioritaires et avec le plus d’effets en termes d’années de vie sauvées. Importance du business plan des Fosa prévu dans le FBP pour le suivi des

prestations négligées Possibilité de correction par l’introduction d’un critère sur le bonus qualité,

comme contrainte à la réalisation des prestations négligées

Arguments divergents :

Question empirique de l’effet d’entrainement basé sur une incertitude et sur peu d’évidence

Couverture très large du paquet d’activités de santé grâce au FBP Possibilité d’effet d'entrainement sur les autres prestations qui ont toutes

des liens entre elles (CPN et détection grossesse à haut risque, etc.)

Le FBP essaye de prendre en considération tout qui est le plus important. Ainsi, si tout ce qui est négligé est non important, ce n’est pas trop grave. L’idée est de bien garder les gens concentrés sur les idées les plus prioritaires. Par contre, le danger, c’est que des choses importantes ne soient pas intégrées dans le FBP, comme c’est le cas souvent de la malnutrition dans certains pays. Il y a donc un besoin de réfléchir un peu plus sur la solution idéale pour le FBP d’intégrer un composant. Mais à priori cela n’invalide pas non plus le modèle (G2Acad1Cr4)

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Pas de solidarité dans le partage du risque maladie avec le FBP

Cela revient donc à dire que les gens qui auraient pu payer leurs soins, payent moins. Il y a donc des profiteurs du système aux dépends de vrais nécessiteux ou indigents dans le besoin.

On ne sait pas apprécier si ceux qui viennent dans les FOSA sont réellement ceux qui ont besoin des soins (problème de pertinence) et on n’a aucune information pour ceux qui ne viennent pas… (G1Acad4Cr4)

A cette critique, les arguments avancés sont tous convergents car les défenseurs ont reconnu la faiblesse du FBP sur cet aspect. Ces points de convergence s’articulent autour de :

Accent accordé dans le FBP à l’offre et non à la demande, contrairement aux fonds d’équité ou à un système d’assurance maladie

Argument valable aussi pour l’approche input, incapable d’atteindre la couverture universelle

Critique vérifiable dans le contexte burundais, cependant non attribuable au FBP mais à des décisions politiques

Nécessité d’amélioration des systèmes FBP pour le ciblage des personnes ne bénéficiant pas d’une couverture d’assurance maladie.

Nécessité de compléter le FBP avec d’autres approches

La capacité du FBP à prendre en compte cette dimension d’équité est fondamentale et donc on partage cette critique sur le FBP qui ne met pas suffisamment l’accent sur cette dimension, beaucoup moins que les fonds d’équité ou un système d’assurance maladie pour laquelle l’Etat prend en charge les cotisations des pauvres. Il y a donc une analyse à faire sur les systèmes FBP pour savoir s’ils sont pro-riches ou pro-pauvres. Il faudra donc faire en sorte que les bénéfices du financement public, du FBP, soient ciblés sur ceux qui ne bénéficient pas d’une couverture d’assurance maladie. (G2ATI6Cr4)

Pas de prise en compte de ces aspects dans le montage d’un programme FBP

Cette critique part du constat que l’on finance par exemple très peu de la Communication pour la Changement de Comportement ou d’autres aspects promotionnels.

Le FBP peut être considéré comme l’un des instruments pouvant conduire à l’accès universel mais l’exclusion d’une catégorie de la population peut intervenir uniquement dans la sélection des prestations à subventionner. Cela suppose, que

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dans la détermination des prestations à acheter, il faudra qu’on prenne réellement en compte les SSP (toutes les composantes) dans leurs dimensions préventives, curatives, promotionnelles et de réadaptation. (G1Baill5Cr4)

Face à cette critique, les défenseurs ont argumenté en insistant sur :

Arguments convergents :

Critique pertinente dans la mesure où le FBP n’a pas la prétention d’être l’instrument adéquat pour tout.

Focus du FBP sur des indicateurs coût-efficaces et objectivement vérifiables (IEC et nutrition difficiles à quantifier)

Argument divergent :

Intégration des aspects de marketing social ou de communication pour le changement de comportement dans le FBP communautaire

Le FBP ne sera pas l’instrument adéquat pour tout. (G2ATI3Cr4)

Incapacité du FBP seul à réduire les problèmes d’accès aux soins de santé

En clair, malgré le FBP, de nombreux groupes demeurent marginalisés à cause de leur pauvreté. Les mutuelles de santé et l’assurance maladie sont plus enclines à atteindre cet objectif d’accès universel, et non le FBP qui ne vise que la qualité, et cela uniquement pour les patients ayant pu accéder aux services de santé.

Avec le FBP, on ne peut favoriser que certains groupes vulnérables par rapport à d’autres. On peut favoriser des catégories médicales : les femmes enceintes, les malades du SIDA, etc. mais on ne peut pas le faire sur base d’un indice de pauvreté. Cela suppose l’association d’une approche autre que le FBP telle que les fonds d’équité.

Le ticket modérateur sera le même pour tout le monde et certaines personnes ne pourront pas payer. (G1Baill1Cr4)

A cette critique, nous opposons l’argumentation ci-dessous qui indique que les opposants reconnaissent cette faiblesse du FBP et qu’ils formulent des orientations pour son amélioration :

Caractère transitoire du FBP mais nécessité d’évolution vers un système d’assurance maladie

Opportunité offerte par l’approche pour reformer le mode de financement ou d’allocation des ressources aux hôpitaux et aux centres de santé

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Nécessité d’une fusion des acheteurs, comme au Rwanda (fusion FBP et le CBHI-Community Based Health Insurance) ou au Burundi (FBP, MS de la fonction publique, Fonds de la carte d’assurance maladie)

Le FBP n’est qu’un début de solution pour améliorer le système, mais il pourrait évoluer en assurance maladie dans 20 ou 30 ans. Il marche bien dans les pays post-conflits car, dans ces pays, l’Etat est absent, d’où la nécessité du recours au FBP pour plus de résultats avec ces fonds extérieurs. (G2Baill4Cr4)

1.5. Financement équitable :

La charge financière encore lourde pour certains patients malgré le FBP

A ce propos, ils ont relevé que certains coûts connexes et d’opportunité n’étaient pas pris en compte : le prix du transport, la perte de temps pour aller cultiver, le fait de faire garder les enfants chez le voisin pendant qu’on se rend à l’hôpital sont des coûts certes intangibles mais réels.

Dans le sens premier du FBP, il ne se préoccupe pas de la capacité à payer (CAP) des usagers car il finance des compléments de prestations. Le FBP ne prend pas en compte, par exemple, les frais de déplacement des patients. La charge financière qui pèse sur les patients et le FBP ne sont pas liés. En effet, si le FBP, dans sa version pure, est la mise à disposition de primes pour les prestataires en fonction de leur production, à ce moment là, le patient n’a rien à voir là dedans. Donc ça dépend de la manière dont on organise le FBP sur le terrain. Au Rwanda, les frais des patients sont pris en charge par les mutuelles. Ca n’a rien à voir avec le FBP (G1Acad3Cr5).

A cette critique, les défenseurs du FBP ont donné comme arguments :

Arguments convergents :

Faible prise en compte de l’accessibilité financière au démarrage de certains programmes FBP

Négligence de la prise en charge des indigents et nécessité de complémentarité de l’approche avec les autres outils de financement existants

Arguments divergents :

Constitution du FBP en tiers payant permettant d’améliorer l’accessibilité financière aux services de santé

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243

Le FBP n’a pas d’efficacité sur la prise en charge des indigents, cela est hors de son champ. Il faut d’autres approches pour les prendre en charge. (G2Presta1Cr5)

Négligence de l’estimation de la CAP des ménages lors d’un montage FBP

Certes des études CAP et VAP (volonté à payer) ont été réalisées mais on n’a pas vu au Burundi comment cela structurait la répartition de l’argent entre les différentes performances financées, et en quoi et par quel mécanisme cela allait diminuer le poids financier supporté par les gens. (G1AT1Cr5)

A cette critique, nous avons pu relever comme arguments des défenseurs, ce qui suit :

Arguments convergents :

Focalisation du FBP sur le financement de l’offre Incapacité du FBP, malgré sa pertinence, à résoudre tous les

problèmes d’équité et à financer la totalité des coûts de soins

Arguments divergents :

Imputation à tort de certains problèmes indépendants du FBP comme la faible disponibilité des ressources financières

Mauvaise information des opposants ou procès d’intention contre le FBP dont le démarrage implique toujours au préalable la réalisation d’une enquête baseline et une analyse des coûts des soins

Encore une fois, le problème ce n’est pas le FBP mais plutôt la disponibilité des ressources financières. En effet, plus il y a de l’argent, plus il y a possibilité d’apporter plus de subventions. (G2Acad1Cr5)

Apports financiers du FBP insuffisants aggravant le souci du lucre chez les prestataires au détriment des patients

L’esprit du FBP prône le profil au lieu d’un esprit de service et de bonne gouvernance. Cela risque de conforter certaines attitudes dysfonctionnelles où ce n’est que le portefeuille du prestataire qui compte. Et par le fait même, on va à l’encontre des stratégies de renforcement des systèmes de santé. (G1Baill4Cr5)

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Les défenseurs du FBP ont tenu à apporter les arguments suivants :

Arguments convergents :

Nécessité de mise en commun des fonds des bailleurs dans cet instrument de financement avec un pilotage stratégique.

Importance du montage ou du design d’un projet FBP pour une garantie de réussite

Arguments divergents :

Avantage du FBP dans l’apport direct des fonds aux Fosa contrairement à l’approche input

L’apport du FBP est insuffisant et nous espérons que cet instrument pourra canaliser 50% du financement sectoriel (80% en Belgique) et que les bailleurs vont accepter de mettre en commun leurs fonds dans cet instrument de financement avec un pilotage stratégique pour bien l’encadrer. (G2ATI6Cr5)

1.6. Efficacité, efficience et qualité des soins :

1.6.1. Amélioration des soins de santé primaires (SSP)

Coûts de transaction trop élevés avec le FBP pour améliorer les SSP

Les coûts des transactions dépassent mêmes les coûts d’une supervision correctement faite. (G1Acad6Cr6)

A cette critique, les arguments pour y répondre sont les suivants :

Arguments convergents :

Possibilité de réduire ces coûts en contraignant certaines ONG cherchant à tirer leurs profits

Défaut de design de certains projets FBP avec une forte proportion des coûts de transaction (0,6$/Hab/an pour la vérification) par rapport au budget global investi (projet de 1$/Hab/an)

Possibilité de réduction de ces coûts fixes en cas d’harmonisation des bailleurs autour de cet instrument avec un apport de fonds plus substantiels

Nécessité d’une recherche opérationnelle pour déterminer la meilleure procédure : recours à une agence de vérification indépendante ? Usage des nouvelles technologies (téléphonie mobile) ? Réduction de l’appui technique et du pilotage pour un meilleur financement de la régulation ?

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Arguments divergents :

Coûts de transaction acceptables par rapport à d’autres projets (12-16% pour la vérification au Burundi) ou à l’approche classique (2 à 3 fois plus)

Effets bénéfiques indirects de la vérification communautaire sur l’économie locale et la lutte contre la pauvreté : contractualisation des associations locales (associations paysannes, associations de femmes séropositives, les associations d’orphelins, etc.) utilisant les fonds reçus pour des activités génératrices de revenus

La fenêtre d’opportunité de 25 ans depuis la déclaration d’Harare n’a pas permis de faire mieux

Garantie et certification de la fiabilité des données sanitaires produites dans le contexte de l’Afrique

Importance des coûts de transaction dans l’approche traditionnelle mais pour moins de résultats

On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Ce n’est pas parce que ce n’est pas parfait maintenant que le FBP est mauvais. On reconnait que, dans beaucoup de projets, les coûts de transaction sont énormes, ce qui crée une perte d’efficience qui fait en sorte que l’approche input ou traditionnelle demeurent encore compétitive par rapport au FBP. (G2ATI5Cr6)

Avec le FBP, négligence de la logique de promotion de la santé, pourtant capitale dans les SSP

Cette logique, capitale pour les SSP, implique, selon les opposants, un dialogue entre la communauté et le prestataire qui tente de comprendre le contexte de vie du patient, sa capacité à se soigner correctement à son retour à domicile mais aussi de lui apprendre les raisons ou les comportements à risque ayant conduit à sa maladie. Par la suite, il devra discuter avec les responsables de la communauté, lancer une série d’activités avec eux pour la prise en charge progressive de toute une série de problèmes pouvant agir sur la santé de la population. Mais cette dimension de contrôle que l’on introduit dans la relation entre le patient et le prestataire n’est pas favorable pour ce dialogue.

Le FBP ne favorise pas une participation communautaire interactive mais plutôt une participation sous forme de contrôle des prestataires. Ça peut être important mais ça ne favorise pas le renforcement de la santé de la population. (G1Acad8Cr8)

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Les réponses à cette critique sont toutes des arguments divergents à savoir:

Efficacité de cette logique de promotion de la santé uniquement dans les posters affichés dans les BDS

Non fonctionnalité des CODESA et donc procès d’intention car incapacité pour le FBP de détruire l’inexistant

Amélioration des activités promotionnelles avec le FBP communautaire recourant aux relais communautaires

Beaucoup d’idéologies et de rhétoriques dans les critiques traduisant les modèles de références des opposants au FBP

La confiance de la population pour ses Fosa, dépendante de leur performance (qualité et disponibilité des services), ce à quoi contribue le FBP

Pas assez d’évidence de l’impact négatif du FBP sur la qualité de cette relation

Affirmation très naïve d’un monde idéal où une totale confiance (sans contrôle) est accordée aux prestataires

Obligation pour les bénéficiaires de se prononcer sur la qualité des services, contrainte efficace pour une amélioration de l’offre

Prise en compte du fait que la vérification n’intéresse qu’un échantillon de bénéficiaires ciblés soumis à des questions bien précises et structurées

Aucun contrôle de la communauté sur la qualité des soins offerts mais juste une appréciation afin de stimuler un changement

Conception d’indicateurs composites de qualité incitant les prestataires à améliorer les aspects liés à la globalité et à la continuité des soins.

Il y a aussi beaucoup d’idéologies dans cette critique, ce qui prouve que les personnes hostiles au FBP ont leur modèle idéal en tête. (G2Acad1Cr6)

Aucune action du FBP sur les SSP plus que l’approche classique de financement et surtout négligence avec le FBP des aspects de soins globaux

Par cette critique, les personnes hostiles au FBP estiment qu’il y a trop de prétention autour du FBP qui n’est qu’une approche centrée sur la maladie et non sur le renforcement de la capacité de la personne à mieux se prendre en charge

Ce n’est pas le FBP qui met en place les supervisions, ni la formation des cadres compétents, ni les administrateurs gestionnaires avec une bonne capacité de gestion des MEG ou une transparence face aux partenaires, à la population et au gouvernement, ni la prise de conscience dans le lieu d’approvisionnement en MEG, encore moins la nécessité d’allier la population de manière beaucoup plus

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participative. Tout cela peut être mis en place de manière efficace et efficiente en dehors du FBP. (G1Baill4Cr6)

A cette critique, les arguments avancés par les défenseurs sont énoncés comme suit :

Arguments convergents :

Trop de prétention sur le FBP qui n’est qu’un instrument de financement décentralisé utile pour ses potentialités dans la résolution des problèmes, un instrument qui donne la responsabilité et le droit de décision à la structure de santé,

Construction du FBP sur des acquis, sans une rupture totale avec l’existant mais complétant les erreurs du système précédent et visant plus de résultats de qualité avec efficience

Arguments divergents :

Nécessité de reconnaitre la capacité du FBP à corriger les différents aspects dysfonctionnels dans un certain nombre de contextes.

Vision erronée du FBP allant bien au-delà d’une simple prime et d’un contrat pour l’amélioration de la qualité des soins, le renforcement des capacités des équipes de gestion des Fosa ou des prestataires, le contrôle, la tenue des outils de gestion et le respect des ordinogrammes, la supervision en termes quantitatifs et qualitatifs, la gestion en MEG des structures avec une bonne planification et de l’autonomie.

Le FBP ne prétend pas cela mais ce n’est juste qu’un mécanisme de financement qui vise plus de résultats de qualité avec efficience. Il vient plutôt améliorer, par exemple, la supervision en termes quantitatifs et qualitatifs, la compétence des cadres formés, la gestion en MEG des structures avec une bonne planification, une bonne réquisition sur base des maladies fréquentes du milieu, grâce à leur autonomie. (G2ATN3Cr6)

1.6.2. Données factuelles et FBP

Peu de fiabilité des données produites ou des rapports rédigés avec le FBP d’où les coûts de contrôle importants

Cette critique fait allusion au manque de fiabilité des rapports d’activités sur le FBP qui sont rédigés dans le but d’impressionner les bailleurs. Il y a donc beaucoup de falsifications des données avec le FBP; certains indicateurs quantitatifs ne sont pas remis en cause tant que leur interprétation peut servir.

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Dans le FBP les données produites sont peu fiables et parfois fausses. En effet, les données deviennent moins bonnes lorsqu’on introduit un système récompensant leur production ou leur rapportage.

Dans le FBP, les gens substituent l’argent à leur satisfaction personnelle, d‘où le risque de glissement de valeurs. (G1Acad4Cr6)

A cette critique, les arguments suivants ont été avancés par les défenseurs :

Arguments convergents :

Falsification des données produites dans le FBP dans le seul but d’impressionner les bailleurs

Nécessité de ne pas enjoliver autour du FBP et de ne pas mettre en avant une rhétorique, encore moins les points positifs autour de l’approche

Mauvaise séparation des fonctions car les promoteurs du FBP sont aussi conseillers des gouvernements, évaluateurs des projets FBP et auteurs d’articles sur le FBP. Nécessité pour les partisans du FBP du choix de leur rôle et d’une indépendance pour les chercheurs

Arguments divergents :

Meilleure fiabilité des données produites dans le FBP par rapport à celles SNIS car elles font l’objet de vérification.

Critiques souvent émises sans une bonne base informationnelle du FBP et par des personnes ne publiant pas d’articles scientifiques

C’est indubitable que les données produites dans le FBP sont parfois falsifiées pour impressionner les bailleurs. Mais c’est faux de dire que les données produites dans le FBP sont moins fiables que les données du SNIS car les données du FBP font l’objet de vérification. (G2ATI1cr6)

Mise en place de circuits parallèles de collecte de l’information sanitaire avec le FBP

Cette critique se base sur l’exemple du Burundi où le système d’information sanitaire national géré sur GESIS existe en parallèle avec un système d’information sanitaire complètement indépendant du SNIS et mis en place par la cellule technique nationale FBP. Le renforcement du système d’information sanitaire existant, jugé trop défaillant par les acteurs du FBP, aurait dû être une priorité.

La création de systèmes de recueil de données parallèles ne nous fait pas gagner grand-chose. En effet, les gens risquent de penser que le SNIS ne rapporte rien

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mais que le système du FBP est meilleur ; d’où une plus grande négligence du SNIS au profit du système du FBP. (G1AT1Cr6)

A cette critique ont fait suite les arguments suivants :

Arguments convergents :

Nécessité pour le FBP de renforcer le système de santé en recourant au SNIS et non à des circuits parallèles de collecte de l’information sanitaire

Nécessité de créer une connexion entre le logiciel qui détermine le montant des factures et la base de données SNIS

Opposition contre cette logique de mise en place de circuits parallèles mais situation due au manque de qualité des données produites par le SNIS

Arguments divergents :

Contribution du FBP dans l’amélioration des taux de complétude du SNIS Le mauvais fonctionnement du GESIS exige aussi des opposants une

autocritique du financement de leur assistance technique Crédibilisation par le FBP de la qualité de l’information collectée compte

tenu de la vérification instaurée. Il y a adéquation entre les données reprises dans les bordereaux et celles retranscrites dans les canevas SNIS.

Préférence pour une centaine de données valides au lieu d’une multitude de données incomplètes et non valides.

Mais si le GESIS ne fonctionne pas, que les gens fassent leur autocritique d’abord (G2Acad1Cr6)

Evaluations et publications partisanes sur le FBP ; manque d’objectivité des auteurs

Tant qu’il n’y aura pas d’équipes neutres et indépendantes qui vont évaluer les effets du FBP, c’est difficile de croire aux partisans du FBP qui évaluent eux même leurs activités (Cfr travaux de Soeters et al.) et qui n’ont plus aucun recul scientifique. (G1Acad3Cr6)

A cette critique les défenseurs ont répondu de la manière suivante:

Arguments convergents :

Manque d’objectivité pour les évaluations internes financées par les bailleurs eux-mêmes

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Regret du manque de recherche indépendante autour de cet instrument, par des personnes assez extérieures au FBP et neutres

Arguments divergents :

Prise en compte du fait que ces publications ont subi les critiques de reviewers qualifiés et rigoureux, des comités d’éthique accrédités et d’autres scientifiques avant leur publication dans des revues internationales.

Nécessité pour les opposants d’écrire leurs articles reprenant leurs arguments en défaveur ou leurs critiques.

Risques élevés aussi de magouilles dans le système input dans la surestimation des statistiques sur la couverture vaccinale par-exemple

Je reconnais qu’il y a beaucoup de partisans dans la littérature sur le FBP (Cfr. la dernière Cochrane review. Il faudrait faire en sorte qu’il y ait plus de méthodes scientifiques pour démontrer ce qu’il y a à démontrer. (G2ATI5Cr6)

1.6.3. FBP et qualité des soins

Manque d’objectivité et falsifications des données de la qualité des soins dans le FBP

Cette critique traduit une crainte qui est celle de la perversion de l’évaluation des pairs qui, au lieu d’être considéré comme un échange, se transforme en une occasion pour poser un jugement sur l’autre. D’où les risques élevés de subjectivité pour les différents acteurs impliqués, qui se connaissent et ont des rencontres d’échanges professionnelles.

Chez nous au Rwanda, il arrivait parfois que le directeur de nursing puisse concevoir de toutes pièces le compte-rendu d’une réunion d’assurance qualité n’ayant jamais eu lieu et le faire signer au responsable d’assurance qualité la veille des évaluations afin d’avoir les points prévus pour cette activité… le FBP payait donc pour une activité qui ne s’était jamais réalisée. (G1PrestaCr6)

Cette critique suscita les réactions suivantes :

Arguments convergents :

Complaisance car les pairs et les évalués se connaissent. De plus, possibilité pour les évalués de se préparer car la date de l’évaluation est connue

Possibilité de remédier à la complicité ou complaisance et aux règlements de compte car le FBP est perfectible.

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Nécessité d’introduire d’autres mécanismes de contrôle de qualité des soins, en plus du FBP qui ne sera donc pas le seul moyen

Importance pour le FBP de ne pas remplacer le régulateur et de contrôler l’état des infrastructures, l’évolution des indicateurs, etc. Nombreux conflits d’intérêt entre le régulateur et ses amis prestataires dans le système n’étant pas à la hauteur.

Arguments divergents :

Vision péjorative de l’évaluation des pairs qui est bien plus qu’un contrôle de l’un par un autre, qui représente un partage d’expériences entre confrères travaillant dans les mêmes conditions.

Tirer profit de l’effet bénéfique de l’évaluation de la qualité pour l’organisation des services de santé, en étudiant les moyens de réduire cet effet pervers (la coupler avec un financement ? Ou avec du benchmarking et donc à de la comparabilité entre les ZS?)

Falsification des données, antérieure au FBP. Mais au moins cette approche se donne les moyens pour la combattre

Il faut savoir qu’on apprend davantage des confrères. Même en Europe, on voit des chirurgiens qui circulent entre hôpitaux. L’évaluation des pairs donc est surtout vue comme un moyen d’apprendre l’un de l’autre en tant que confrère. En effet, on écoute mieux ce qu’un confrère (qui travaille dans les mêmes conditions que nous même s’il est dans une autre région) nous dit de son expérience qu’une personne assise dans un bureau. (G2Baill4Cr6)

Choix des indicateurs non orienté vers une qualité clinique ou technique des actes, sur le respect des protocoles thérapeutiques et encore moins sur la qualité relationnelle

En effet, les hostiles estiment que la plus grosse majorité des indicateurs du FBP vérifie l’état des infrastructures sans se préoccuper du respect des protocoles thérapeutiques. De plus, le contrôle du qualitatif se fait à postériori et l’accent qui est mis sur la qualité des soins se limite qu’à un simple contrôle sur papier.

Le FBP n’agit pas sur des protocoles cliniques ou thérapeutiques ou encore diagnostic mais plutôt sur certaines normes comme l’utilisation des partogrammes ou autres outils. A titre d’exemple, on peut prendre comme indicateur « un partogramme correctement rempli » alors que dans la réalité, l’accouchement était mal fait. (G1Baill2Cr6)

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A cette critique les arguments des défenseurs ont été les suivants :

Arguments convergents :

Honnêteté de reconnaitre que le FBP a permis d’améliorer certains aspects de la qualité, même si beaucoup de travail et d’efforts restent à fournir.

Concordance du processus de vérification (sur papier) pour les assurances sociales dans les pays à haut revenu et le FBP

Reconnaissance des limites des indicateurs du FBP n’ayant pas la prétention de donner l’information exhaustive sur la prestation.

Arguments divergents :

Ne pas attribuer à l’évaluation de la qualité les prérogatives de supervision mais d'intégration de l’audit clinique, d’où toute l’importance des pairs.

Critique non attribuable au FBP mais pour tout le système car obligation de l’Etat à bien définir les règles et les approches d’une évaluation

Reconnaissance de l’apport du FBP dans les évaluations trimestrielles de la qualité, inexistantes dans l’approche traditionnelle de financement.

Caractère composite des indicateurs qualité dans le FBP avec possibilité d’englober plusieurs éléments (infrastructures, environnement, etc.)

Intégration de données des protocoles thérapeutiques, de quelques fiches des patients prises au hasard, pour le contrôle de la prescription rationnelle

Intégration des aspects de l’évaluation réalisée par les pairs mais aussi celle des vérificateurs expérimentés de l’agence prenant en compte tous les aspects cliniques, techniques, biopsychosociaux

On est d’accord avec le fait qu’on ne fait pas assez d’observations des soins. Le patient n’est jamais là lors de ces évaluations. Mais on ne doit pas tout demander non plus au FBP. Il y a une différence entre supervision et évaluation de la qualité. (G2ATI1Cr6)

L’évaluation des pairs se compare à du tourisme inter-hospitalier

Les opposants estiment qu’il n’y a pas d’approches et de méthodologies claires, objectives et ces fameux « pairs » ne le sont pas au vrai sens du mot car, parmi eux, il y a des gens sans compétences faisant partie de ces équipes.

L’évaluation par les pairs est très superficielle et elle se déroule dans un contexte où elle n’est pas culturellement bien ancrée. En effet, on ne va pas trop critiquer le

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pair qui risque de se retrouver chez vous dans 6 mois et de vous rendre la pareille. (G1AT1Cr6)

Les arguments avancés en réaction à cette critique sont :

Arguments convergents :

Reconnaissance du fait que cette évaluation est souvent réalisée par des personnes n’ayant pas la compétence requise.

Caractère figé de la grille d’évaluation, d’où l’habitude et la routine qui se créent

Flexibilité des montages FBP où l’évaluation des pairs peut être remplacée par l’évaluation de l’échelon supérieur sur l’échelon inférieur

Aucune garantie totale des soins de qualité avec la FBP mais mérite de l’approche qui envoie un signal sur l’importance de la qualité

Nécessité d’un recours à des stratégies multiples car les déterminants de la qualité sont multiples et le FBP ne peut les atteindre tous.

Concentration du FBP sur des dimensions vérifiables par une tierce personne, sans pouvoir résoudre tous les problèmes de qualité.

Reconnaissance du caractère crucial de la confiance, de l’autonomie et du professionnalisme des prestataires pour attirer l’attention sur la qualité.

Véracité des problèmes soulevés par l’évaluation par les pairs mais pas de meilleures solutions et possibilité de flexibilité de l’approche.

Arguments divergents :

Justification des critiques par une mauvaise compréhension de l’évaluation des pairs

Réalisation de l’évaluation de la qualité dans le système traditionnel uniquement dans le cadre des supervisions formatives. Mais il existe aussi des supervisions formatives touristiques.

Effectivement, l’évaluation par les pairs pose problème. Elle ressemble à ce que l’on a vu avec le concours qualité de la GTZ, mais il faut bien tester quelque chose Il se pourrait qu’un jour on puisse recourir à des corps d’inspecteurs incorruptibles mais on en est encore bien loin. Il n’y a donc pas de meilleures solutions et le FBP n’est pas figé. (G2ATI5Cr6)

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Pas de prise en compte des pré-requis des Fosa avant l’achat des prestations de qualité

Cette critique s’appuie sur la négligence par le FBP de la nécessité de relever au préalable le niveau des Fosa avant d’acheter les services produits.

Certes le FBP prend en compte les besoins prioritaires de la population mais son application dans un contexte doit se faire avec certains préalables (investissements) si on veut améliorer les SSP. Très souvent sa mise en œuvre intervient sans que les pré-requis ne soient réglés. (G1CaMSP2Cr6)

En réaction à cette critique, les défenseurs ont avancés différents arguments, en l’occurrence :

Arguments convergents :

Conception, en parallèle des programmes FBP, de programmes d’amélioration de la qualité en veillant à l’indépendance des uns et des autres

Nécessité de considérer le FBP comme quelque chose d’évolutif

Argument divergent :

Prévision de petits investissements dans les projets FBP avec un fonds de démarrage devant couvrir un minimum de garantie en termes de qualité.

Il y a échec lorsqu’on continue longtemps à acheter des prestations de mauvaise qualité. Mais si au début on achète des prestations de mauvaise qualité et qu’à la longue cela permet aux structures de s’améliorer, c’est positif. (G2ATI1Cr6)

Effet dés-incitatif à long terme pour les Fosa de l’évaluation de la qualité

Cette critique insiste sur les risques de voir certaines structures de santé plafonner dès les premiers mois de la mise en œuvre du FBP, pouvant atteindre de 90 à 95%, ce qui n’a pas beaucoup d’effets incitatifs pour la poursuite des efforts d’amélioration de la qualité.

Les grilles ne sont donc pas compatibles avec plus d’ambitions pour les FOSA. Celles qui sont bien dotées au départ arrivent rapidement, avec les grilles de qualité, à des scores plafonds. Ce qui ne les motive plus à investir dans de la qualité, au profit de reversements dans les primes du personnel. (G1AT2Cr6)

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Face à cette critique, les arguments ci-dessous ont été avancés :

Arguments convergents :

Importance d’une révision des grilles de qualité pour les rendre plus exigeantes et atteindre une meilleure performance

Innovation continuelle en termes d’indicateurs de résultats visant des aspects plus difficiles à atteindre.

Veiller au principe du rendement marginal décroissant et mettre en place des mécanismes à l’intention des prestataires arrivant au plafonnement, pour leur maintien à ce niveau de performance acceptable sans possibilité de redescente.

Envisager des systèmes d’accréditation avec des grilles pondérées et des processus d’amélioration continue de la qualité

Nécessité de propositions concrètes des opposants sur les éléments d’amélioration de la grille donnant tout de même des aspects de qualité non-négligeables (administratifs, la propreté, le rangement de matériel, etc.).

Arguments divergents :

Facilité avec le FBP d’une meilleure adaptation constante des indicateurs ou d’un changement en fonction des problèmes, grâce à leur renégociation survenant trimestriellement

Il faut que les grilles de qualité évoluent dans le temps. On y mettra plus de critères et précisera dans les manuels de procédures que ces grilles vont évoluer, voire même vers les aspects liés au caractère biopsychosocial d’une consultation ou le caractère de soins centrés sur le patient. (G2AT5Cr6)

Utilisation des fruits de l’enquête qualité uniquement pour le paiement des primes du personnel

On sait que les fruits de l’incitation doivent être utilisés pour améliorer les services de santé mais, en RDC, 80% de ces fruits servent à la rémunération des prestataires par manque de réglementation. Pratiquement, rien n’est réservé pour l’amélioration des conditions de travail. (G1Baill5Cr6))

Pour y répondre, les arguments suivants sont avancés :

Arguments convergents :

Allocation des fruits de l’enquête qualité pour le paiement du personnel les incitant davantage à améliorer la qualité.

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Enjeu d’un arbitrage entre financement alloué et qualité des soins souhaitée (pas de haute qualité sans financement)

Réglementation de l’utilisation des recettes FBP avec des clés de répartition

Argument divergent :

Critique fausse car les instructions à l’intention des prestataires précisent leur obligation d’investir leur bonus qualité dans l’amélioration de la qualité. Leur plan de business les aide dans cet exercice.

C’est positif si les fruits de l’enquête qualité sont alloués au paiement du personnel qui aura ainsi plus d’incitation à améliorer la qualité aussi pour lui-même. (GAT1Cr6)

1.7. efficacité administrative

Induction d’effets pervers avec le FBP

La sur-déclaration, la surmédicalisation des patients (recevant des actes dont ils n’ont pas besoin, etc.) sont évoquées dans cette critique.

Le FBP contribue à la falsification des données (remplacement des fiches de malades par des fiches avec des meilleurs protocoles de PEC, remplissage à postériori par les médecins des fiches de consultation pour un malade consulté par un infirmier). (G1CaMSP1Cr7)

Les arguments avancés par les défenseurs convergent tous dans le sens de cette critique. Ce qui traduit une prise de conscience des défenseurs du FBP sur cette faiblesse de l’approche. D’où les arguments ci-dessous :

Imperfections du FBP (fraudes et effets pervers) présentes également dans le système traditionnel de financement de la santé

Prise de conscience de la fragilité de la nature humaine et de la culture de certaines sociétés et nécessité d’instauration de contrôle

Conception d’un système appréhendant l’intégralité de l’activité de la formation sanitaire comme celui des groupes homogènes de maladies

Introduction d’un contrôle systématique non pas comme garantie de la qualité des soins mais plutôt comme stimulus de la motivation intrinsèque

Mise en place des mécanismes de contrôle en rapport avec la satisfaction du client pour une perception réelle de la situation

Aucune induction d’effets pervers avec le FBP mais plutôt des risques d’effets pervers

Capacité des Etats à rendre leur financement de la santé, et même leur FBP, dynamique, pour corriger les effets pervers générés.

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Le FBP peut corrompre mais la corruption la plus grave, c’est quand on paye le vérificateur pour qu’il atteste que tout est bon alors que les choses ne sont pas bonnes. Alors c’est très grave. (G2Acad1Cr7)

Lourde charge administrative des prestataires à la veille des évaluations, paralysant les activités de leur Fosa

Cela se voit surtout à la veille des évaluations ou des vérifications, comment les responsables des FOSA sont stressés.

Les médecins étaient mobilisés pour compléter, cacheter et signer à postériori des dossiers des malades hospitalisés qui devaient être vus au moins une fois par jour. (Prestataire de soins) (G1Acad7Cr7)

Les arguments soulevés face à cette critique sont tous convergents. Nous citerons:

Lourdeur administrative avec le FBP mais dont les bénéfices sont supérieurs aux coûts

Pas de système parfait et pas solution miracle possible avec le FBP Prise de conscience de ce problème d’où les évaluations de la qualité

réalisées trimestriellement pour le réduire Division des équipes des Fosa durant cette activité (pour l’évaluation, pour

les activités de la Fosa)

Il faut surtout voir si le temps est bien utilisé, si les prestataires en profitent pour apprendre beaucoup de choses, bref si les bénéfices sont supérieurs aux coûts. On reconnait que des excès sont possibles. (G2ATI1Cr7)

Substitution du FBP à l’action régulatrice du ministère de la santé

Il était très difficile au Burundi de mobiliser les cadres du MSP pour aller sur le terrain car ils estimaient que ce qu’on leur proposait de faire n’était pas dans le FBP, alors que c’était capital. (G1AT1Cr7)

A cette critique, les réactions étaient toutes convergentes avec des arguments tels que :

Critique justifiée pour les phases-pilotes mais des moyens permettent d’y répondre.

Tout l’enjeu résidant dans la gestion de la transition entre les instances mises sur place lors des phases pilotes et les organes de régulation

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258

Le FBP subventionne la régulation avec des indicateurs de résultats qui ne sont certes pas toujours satisfaisants : c’est un chantier à améliorer. C’est donc une critique qui est justifiée dans les phases-pilotes et il y a des moyens pour y répondre. (G2ATI1Cr7)

Efficacité administrative uniquement pour les structures parallèles au système de santé et mises en place par les acteurs du FBP, pas d’appropriation pour les Etats.

L’inquiétude soulevée ici est le manque de renforcement intrinsèque du prestataire public au profit des structures parallèles au système qui sont mises en places. Une telle substitution ne pouvant induire de changement durable.

Il faudrait plutôt que le FBP apporte, par exemple, des assistants techniques qui soient intégrés dans les unités à appuyer pour que les principes de gestion transparentes soient réellement transmis.

Les structures font preuve de bonne gouvernance qui n’est pas intégrée à tout le système. (G1Baill4Cr7)

Comme arguments avancés par les défenseurs nous citerons :

Arguments convergents :

Pertinence de la critique d’où tout l’enjeu de bien réaliser le transfert de compétence

Forte centralisation des systèmes de santé en Afrique et mauvaise définition des attributions des acteurs, perturbant ainsi leur fonctionnement

Mise en place délibérée de mécanismes de financement extérieurs au MSP dans un souci de séparation des fonctions et d’un bon contrôle externe.

Arguments divergents :

Importance du respect de la séparation des fonctions entre les agences fiduciaires (AAP) et le gouvernement pour un transfert direct des fonds aux Fosa, sans transition, sans intermédiaire, de manière à réduire les risques de détournement

Fausses impressions de structures parallèles suite à la sortie de certaines fonctions bien distinctes pour créer des contre-pouvoirs.

Expérience très africaine du FBP dont la mise œuvre recourt à très peu d’experts internationaux.

Nécessité de décentralisation et de relâchement de pouvoir pour une meilleure performance; attitude paradoxale en cas de forte centralisation.

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259

Sous-estimation dans cette critique de la problématique du sous-financement de la régulation par l’Etat expliquant cette juxtaposition du FBP à une structure administrative structurellement sous-financée et dans l’incapacité de remplir correctement sa mission.

Lors de la mise en place du FBP, c’est vrai que l’on vient avec des ressources humaines plus qualifiées que celles qui sont dans le système et donc les structures parallèles vont tourner beaucoup mieux. Tout l’enjeu sera donc de faire un transfert de compétence à un moment ou à un autre. (G2ATI1Cr7)

Problème « d’iatrogénicité » potentielle du FBP

Cette critique revient encore sur les aspects liés à la sur-prescription médicale

Si on commence à payer par césarienne, c’est la porte ouverte à tous les abus en termes de sur-prescription médicale (médicaments et interventions). Et donc ça sera difficile de contrôler à posteriori que la césarienne n’était pas justifiée à cause de la souffrance fœtale. Même si les partisans du FBP disent que c’est contrôlable, en réalité c’est incontrôlable… (G1Acad3Cr7)

Par rapport à cette critique, les arguments, tous convergents, sont:

Amélioration du système de vérification pour détecter et réduire tous ces effets négatifs rencontrés dans tout mode de paiement des prestataires

Faire confiance aux prestataires. Importance de la triangulation des informations collectées au niveau

administratif et communautaire pour y remédier. Ce que ne fait pas l’approche input.

Tous les mécanismes de contrôle (vérification administrative et communautaire) mis en place dans le FBP visent à réduire tout ça. (G2ATN3Cr7)

1.8. transparence et habilitation

Incompréhension du FBP par les usagers des services de santé et autres bénéficiaires

Ou encore le peu d’efforts de vulgarisation, de communication, de sensibilisation autour du FBP tant au niveau du MSP qu’au niveau des FOSA. Hormis les prestataires bénéficiaires d’une prime.

Les malades ne connaissent pas les aspects spécifiques du FBP. Ils ne savent pas faire le lien entre le FBP et l’amélioration de la qualité des soins qu’ils attribuent plus

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à la bonne gouvernance. Pour les prestataires, ils maitrisent surtout la manière de se faire de l’argent. (G1PrestaCr8)

Parmi les arguments avancés, nous citerons :

Arguments convergents

Le niveau d’alphabétisation, d’éducation et de compréhension du grand public n’aidant pas à la perception de tous les enjeux.

Aucune préoccupation des bénéficiaires, même en Belgique, quant au mode de rémunération des prestataires ou de celui des hôpitaux par l’INAMI. La préoccupation des patients reposant uniquement sur des soins de santé corrects.

Focalisation du FBP non pas sur la population mais plutôt sur l’amélioration du comportement des professionnels de santé.

Ignorance de l’existence du FBP par la majorité des citoyens. Or la question demeure leurs observations des changements survenus ou leur appréciation positive de leur système de santé

Le FBP peut consolider la participation communautaire, sans avoir la prétention d’être le modèle le plus participatif

Arguments divergents :

Efforts non négligeables réalisés par les acteurs du FBP à travers le marketing social au niveau des CODESA

On reconnait que cela est une faiblesse mais au moins, il faut reconnaitre que les détenteurs d’enjeux (les AT, le CA de la ZS, les propriétaires des Fosa comme les églises) sont informés et qu'on mise sur eux pour informer la population car cela risque d’engendrer des ressources financières supplémentaires. (G2ATN4Cr8)

Les explications sur le FBP focalisées sur une logique purement comptable et non sur une logique pour la santé.

Des explications sont données aux bénéficiaires certes mais selon une logique marchande; ce qui ne doit pas être le but des services de santé (manière dont la structure de santé contribue à l’amélioration de la santé).

Il y a aussi beaucoup de confusions entre experts sur ce que c’est que le FBP,à tel point que les bénéficiaires, eux-mêmes, ne comprennent pas non plus. (G1Acad8Cr8)

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261

Devant cette critique, les défenseurs ont évoqué les arguments suivants :

Arguments convergents :

Aucune dénaturation fondamentale dans la relation médecin-malade si les prestataires ne maitrisent que la partie comptable du FBP

Nécessité pour les partisans d’insister sur le message économique du FBP qui a manqué dans l’approche input, en relevant le souci de tout travailleur sur l’amélioration de son revenu.

Avec le FBP, création d’habitudes, en partant d’un incitant financier, qui, au fur et à mesure, deviendront des acquis.

Arguments divergents :

Accent particulier mis, lors des séances de formation, sur les liens entre mode de financement et amélioration de la quantité et de la qualité des soins.

Refus de compréhension de tous les concepts liés au FBP par les grands opposants du FBP

C’est certain que la majorité des citoyens ignorent que le FBP existe mais la question, c’est de savoir s’ils voient des changements ou s’ils sont contents avec leur système de santé. (G2Acad1Cr8)

1.9. autonomie du malade et du dispensateur de soins :

Réduction de la liberté de choix des patients car une relation financière vient se mélanger avec une relation thérapeutique Il faut développer une relation de confiance entre le patient et le prestataire de soins. Pour ce faire, il faut que les donations financières soient le moins envahissantes possibles (« free on the point of use »). (G1Acad2Cr9)

Devant cette critique, les arguments suivants ont été avancés :

Arguments convergents :

Possibilité pour le FBP de très bien fonctionner sans liberté de choix des patients qui n’est qu’une fiction entretenue par des avocats idéologues du FBP estimant que la concurrence entre les Fosa améliorera le système de santé.

Eventualité d’un bon fonctionnement pour un système de district sous FBP avec un respect des aires de responsabilité des aires de santé.

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Arguments divergents :

Renforcement non pas de l’autonomie mais de l’empowerment du malade ayant plus de poids car permettant au prestataire, à chaque consultation, de gagner quelque chose

Proposition de solution avec le FBP permettant le respect de la continuité des soins et d’éviter que le malade fasse du shopping

Critique surtout avancée par les opposants partant de l’idée fausse que le FBP ne se limite qu’à l’achat de la quantité.

Aucun lien entre le manque de choix du malade et le FBP, car historiquement, cela a été déjà observé depuis la genèse des DS.

Le FBP essaye de fidéliser en poussant le personnel à améliorer la qualité de l’accueil pour que le personnel revienne. C’est une vraie stratégie de fidélisation, meilleure que dans la stratégie classique. (G2Acad1Cr9)

Autonomie des prestataires dans le FBP peut effective et parfois néfaste pour les patients Cela suppose très peu de liberté ou de marge de manœuvre des prestataires par rapport à leur personnel soignant, pour la liberté dans la fixation des tarifs ou pour de grandes réhabilitations ou de constructions

Au Burundi, on constate en réalité que les FOSA n’ont pas cette liberté. Elles ne sont pas les principales actrices de la mise en œuvre de cette approche car: elles ne sont pas à l’origine des mesures de décision des tarifs, de décisions d’indicateurs, des choix en santé publique, etc. Elles dépendent plus des lignes directrices du niveau national et n’ont pas de marges de manœuvres. (G1AT2Cr9)

Devant cette critique, les réponses ci-dessous ont été suggérées :

Arguments convergents

L’autonomie suppose l’idée de responsabilisation de l’équipe du CS connaissant très bien ses besoins.

Rôle de la régulation de s’assurer, lors de ses supervisions régulières, qu’il n’y a pas de déviance à ce sujet.

Différence entre indépendance et autonomie qui implique la gestion par l’équipe elle-même de son personnel, ses finances, et l'amélioration de la qualité de ses services

Critique sur un principe limité dans son application par des contraintes que n’a pas créées le FBP

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263

Arguments divergents

Le principe de séparation des fonctions, défendu par le FBP, accorde plus de chance au renforcement de l’autonomie de gestion et du rôle du régulateur, réduisant ainsi les risques de conflits d’intérêt.

On considère l’autonomie des prestataires comme une hypothèse fatale, car sans autonomie tout le système sur lequel est bâti le FBP ne marchera pas. On ne peut pas prétendre les rémunérer sur base de leurs résultats sans les laisser libres d’assurer leur destin. (G2ATN4Cr9)

Autonomie de gestion mitigée des prestataires dans le FBP/Autonomie de gestion prématurée Par rapport aux prestataires, le FBP entraine trop de libéralisme ce qui est contraire à la vision des SSP qui vise une unité opérationnelle qui doit être rationnelle, et non consituée des « petits rois » qui font ce qu’ils veulent chacun dans leur contexte. En définitive, cette autonomie est prématurée car nous sommes un pays en développement n’ayant pas de ressources suffisantes. (G1Baill4CTBCr9)

Comme arguments avancés par les défenseurs du FBP par rapport à cette critique, nous avons :

Arguments convergents :

Reconnaissance des craintes soulevées par le mot « autonomie », même s’il est réservé à des aspects bien spécifiques. C’est une autonomie contrôlée qui n’est pas synonyme d’indépendance ni de liberté totale

Obligation d’avoir un pouvoir régulateur fort car toute décentralisation ou toute délégation de pouvoir à la périphérie doit être accompagnée en parallèle d’un système de régulation ou d’une tutelle technique par l’Etat.

Arguments divergents :

Accroissement de l’autonomie des prestataires qui va dans le sens d’une meilleure efficacité des systèmes de santé

Erreur pour le secteur médical de ne pas accorder cette autonomie; risque de déresponsabilisation et de diminution de la motivation intrinsèque du personnel soignant

Nécessité pour le prestataire d’une planification selon ses besoins ou problèmes; avec une liberté dans l’utilisation des moyens disponibles pour réaliser les activités planifiées

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264

Il faut surtout comprendre qu’il est important que le prestataire puisse planifier selon ses besoins, selon ses problèmes et qu’il soit libre d’utiliser les moyens dont il dispose pour réaliser tout ce qu’il a planifié. Mais tout cela se fera sous l’encadrement ou la guidance du régulateur pour éviter tout risque de dérapage. (G2ATN3Cr9)

Discours néolibéral du FBP inadapté pour le secteur de la santé Il est donc préférable de favoriser plutôt une certaine fidélisation du patient vis-à-vis d’un prestataire donné.

Il ne faut pas laisser une totale liberté au patient de voir n’importe quel prestataire mais l’inciter à une fidélité vis-à-vis d’un prestataire donné car une absence sur le long terme avec un prestataire fait que ce dernier risque de ne pas le connaitre, et donc sera moins à même de bien lui expliquer ce qui est bon ou moins bon pour sa santé. (G1Acad8Cr9)

Pour cette critique, les réponses suivantes ont été apportées :

Argument convergent :

Terme « néolibéral » inapproprié. C’est plutôt un discours idéologique du FBP

Arguments divergents :

Refus d’adhérer des opposants car, sur ce critère d’autonomie, le FBP fait mieux que le système actuel

Incompatibilité du FBP avec le néolibéralisme où il n’y a pas de financement public de la santé; le financement est privé sans un purchaser unique

Aucune différence entre un système de FBP et le système belge où le libre choix de son prestataire est de mise, sans perturbation de la relation de confiance entre le patient et le soignant.

Régulation de l’autonomie de gestion mais latitude accordée aux prestataires pour la gestion et la prise d’initiatives adaptées au contexte.

La régulation veille à l’atteinte des indicateurs et à la détermination de fourchettes dans l’utilisation des subsides dans le but d’éviter des excès

Ce discours, basé sur la concurrence entre prestataires pour attirer des patients ayant un libre choix, est néfaste au FBP. Les gens qui le promeuvent font du mal au FBP en le propageant, car cela va braquer les gens et cela n’est pas adapté à la réalité de terrain. En effet, c’est absurde que de parler de concurrence entre 2 CS qui sont les seuls CS dans un rayon de 60 Km. On n’a pas de situations de concurrence mais des

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265

situations de monopole ; il ne faut donc pas entretenir cette fiction qui est contreproductive. (G2ATI1Cr9)

Approvisionnement en médicaments de mauvaise qualité consécutive à l’autonomie accordée aux Fosa (confusion entre autonomie et laisser-faire ou laissez-passer) Au vue des difficultés énormes pour assurer un minimum de qualité du circuit du médicament, encourager les CS à s’approvisionner n’importe où, les opposants estiment que c’est de l’irresponsabilité.

Comment feront-ils pour s’approvisionner ? Avec quels moyens de transport (voiture, moto) ? C’est justement tout le sens des pharmacies de district dans un contexte pareil, c’est d’assurer une décentralisation mais aussi la disponibilité des médicaments dans les structures périphériques après un minimum de contrôle. (G1AT1Cr9)

Les arguments avancés par les défenseurs en guise de réponses sont :

Arguments convergents :

Le secteur du médicament est une donnée pour le FBP et non un élément sur lequel le FBP peut avoir un impact direct (par exemple les problèmes d’approvisionnement en MEG rencontrés dans les pays qui sont extérieurs au FBP)

Critique pertinente en cas de dysfonctionnement dans l’approvisionnement public et sans assurance de la qualité des MEG distribués par les privés. Mais la distribution des MEG de mauvaise qualité par les grossistes n'est pas due au FBP mais à la régulation du niveau national

Pas de consensus à l’intérieur des défenseurs du FBP sur ce sujet l’autonomie du dispensateur des soins sur ce point ne doit pas être totale

ou maximale; elle doit être régulée

Arguments divergents :

Illustration de la RCA où l’approvisionnement chez les grossistes privés fait suite à la défaillance de la centrale d’achat nationale s’approvisionnant elle-même chez les grossistes privés

Le refus de libéralisation du marché des MEG cache aussi des intérêts financiers des politiciens (risque élevé de détournements de fonds des MEG)

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266

On reconnait qu’il faut éviter cette confusion entre autonomie et laisser-faire ou laissez-passer. Pour ce qui est des médicaments, si le CS peut recourir à plusieurs fournisseurs sur le marché, il faut l’aider à le faire. Mais si on sait qu’il risque de s’approvisionner en MEG de mauvaise qualité, il faudrait éviter cela. (G2Acad1Cr9)

1.10. Autres critiques pertinentes

Plusieurs autres critiques et incertitudes autour du FBP ont été soulevées sans que cela ne puisse correspondre aux critères du cadre d’analyse proposée par Norman Daniels. Elles ont été résumées dans cette section.

Parmi les plus récurrentes, nous pouvons citer :

FBP est un effet de mode entretenu par des acteurs recherchant leurs intérêts, parfois par intimidation Intimidation dans les débats, intimidation dans la masse d’argent véhiculée et intimidation dans ce processus de culpabilisation (échec de l’input)

Le FBP est une mode en santé publique et un groupe de personnes (des experts) veulent parfois se prendre pour des gourous, surtout les consultants privés et indépendants qui cherchent à vendre leurs CV sur le marché, d’où ils veulent avoir cette étiquette d’experts en FBP. (G1Baill1Cr10)

L’argumentation avancée repose essentiellement sur :

Arguments convergents :

Aucune intimidation avec les ressources financières véhiculées dans le FBP mais juste une attraction.

Mise en avant du changement des arrangements institutionnels dans le FBP mais ayant besoin d’une rhétorique qui est l’échec de l’approche input. D’où les réticences.

L’effet de mode n’étant pas le FBP mais plutôt l’achat stratégique. Ainsi, tout ce qui fait partie de la doctrine initiale du FBP (vérification, etc.) pourra disparaitre mais pas l’idée de financer directement les Fosa

Trop de prétention de certains partisans du FBP se prenant parfois pour des prophètes ou pour le Christ venu changer le monde entier avec la bonne nouvelle du FBP.

Possibilité pour le FBP de durer, voire même d’évoluer au point de ne peut-être plus porter le même nom d’ici 5 ans. Possibilité aussi de disparition ou de fusion du FBP avec la couverture universelle et assurance maladie pour arriver à un acheteur unique.

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267

Arguments divergents :

Reconnaissance par l’OMS de la nécessité du « stratégic purchasing » et du lien entre le financement et des résultats.

Phase de réformes des modes de financement archaïques des pays pauvres

Beaucoup de sophisme de la part des partenaires anti-FBP, payant des primes de performance ou des rémunérations axées sur les résultats à leurs prestataires, sans reconnaitre qu’ils le font et sans le remettre en cause.

Intimidation de la part des opposants du FBP en limitant les espaces d’échanges relatifs au FBP dans certains forums ou en refusant les résultats encourageants du FBP, considérés d’office comme étant faux ou falsifiés

Intimidation des académiques du nord ou des ONG internationales dont le discours n’admet aucune contradiction au risque d’être considéré comme politiquement incorrect

Le FBP, c’est juste ça, c.à.d. un instrument qui permet de faire plus d’achat stratégique dans des systèmes qui avaient des systèmes de financement de la santé figés et plutôt administratifs, et donc où il fallait introduire un instrument plus dynamique et plus stratégique. Croire que cela va s’arrêter, c’est aller à l’encontre de la dynamique non seulement de l’Afrique mais du monde entier depuis environs 20 ans. (G2ATI6Cr10)

Tendance avec le FBP à la libéralisation cachée des systèmes de santé au détriment du rôle de l’Etat Nécessité de reconnaitre que les états ont tout de même un rôle à jouer (encadrement, régulation, définition de politiques).

On dirait qu’ils voudraient introduire des conceptions de l’ère Thatcher et Reagan actuellement dans le système de santé, en poussant à une libéralisation cachée des systèmes de santé alors qu’on se rend compte depuis quelques années avec la crise que l’on a bien besoin du rôle de l’Etat pour réguler un peu le système. (G1AT1Cr10)

A cette critique, les défenseurs ont tenu à apporter les réponses totalement divergentes. Nous citerons en l’occurrence :

Mauvaise perception du FBP dont sont responsables sont des promoteurs trop idéologues. C’est plutôt une vraie occasion pour l’Etat de s’affirmer.

Nécessité de revoir les arrangements institutionnels actuels pour qu’ils contribuent à une bonne performance et à une bonne santé de la population. Cela ne veut pas dire qu’il y aura moins d’Etat mais un Etat plus intelligent.

Aucune visée de dépossession des prérogatives de l’Etat avec le FBP

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268

Critiques récurrentes dites par des belges ou des gens formés en Belgique, qui ont du fétichisme pour les stratégies mais qui n’ont pas un fétichisme pour les résultats

Refus des partisans du FBP d’un marché libre, d’où la contractualisation avec la régulation, etc.

Cela ne veut pas dire qu’il y aura moins d’Etat mais un Etat plus intelligent. Les Etats auront donc un rôle à jouer en termes d’encadrement, régulation, définition des politiques, etc. Mais est ce que l’Etat doit être propriétaire de tous les prestataires ? Les gens du FBP pensent que non. L’Etat n’en reste pas moins dépossédé de ses prérogatives, comme c’est le cas au Rwanda. (G2Acad1Cr10)

Négligence d’éléments importants du package pour l’implémentation du FBP Cette critique insiste sur la négligence des autres facteurs pouvant inciter les prestataires à plus de performance.

La mise en place d’un système d’incitation à la performance des prestataires nécessite la conjonction de plusieurs éléments qui sont le leadership, la qualité de l’information produite et des indicateurs de résultats, l’acceptabilité sociale, la prime de performance. Mais les promoteurs du FBP ne se focalisent que sur la prime de performance et négligent tous ces autres éléments qui sont aussi importants. (G1Acad5Cr10)

A cette critique, les défenseurs du FBP ont tenu à apporter les arguments suivants :

Arguments convergents :

La liaison entre la rémunération et la performance n’a jamais été considérée comme la solution à tous les problèmes

Reconnaissance qu’hormis le FBP, il existe beaucoup de techniques de motivation des individus dans une équipe

La réalité du FBP n’étant pas uniquement la prime car dans aucun système FBP, on n’utilise plus de 50% des subventions pour le paiement du personnel.

Prise de conscience que le paiement de la prime dans le FBP deviendra obsolète devant la garantie du salaire de l’Etat substantiel.

Arguments divergents :

Longue liste des mécanismes d’incitation des individus mais aucune réponse concrète sur la manière de les faire émerger et de les entretenir.

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269

Importance des incitants financiers permettant que les gens émergent et aillent dans les directions où ils vont apporter plus de valeurs à la société.

Force du marché à émettre des signaux en créant des incitants pour pousser les gens avec des talents à être au bon endroit, à se concentrer sur leur expertise, pour avoir un revenu suffisant en fonction de son volume

Nécessité, à travers le FBP, d’une reforme partant d’un mécanisme de financement pour repenser toute la performance du système de santé

On peut faire une longue liste des mécanismes d’incitation des individus, mais il demeure une question: comment met on en place tous ces mécanismes? C’est justement ça tout le problème avec les gens critiques vis-à-vis du FBP, c’est qu’ils n’ont jamais donné de réponses concrètes à ça. (G2Acad1Cr10)

Forte dépendance à l’aide extérieure pour la mise en œuvre du FBP (pérennité et réversibilité de l’aide) et perte du leadership de l’Etat Cette critique s’appuie sur le fait que les fonds FBP proviennent à 100% des bailleurs de fonds, avec des risques pour ce qui est de la prédictibilité de l’aide, mais aussi de ces autorités parallèles des bailleurs apportant les primes.

Avec le FBP, il y a risque de perte de l’autorité des ECP et des ECZ qui dépendent de certaines ONG pour percevoir leurs primes. Ces structures, étant facilement corruptibles, peuvent très bien se faire « acheter » afin de laisser les ONG tranquilles. (G1Baill 2Cr10)

Face à cette critique, les arguments avancés se résument en :

Arguments convergents :

En quoi la dépendance aux bailleurs et aux fonds extérieurs est supérieure dans l’approche input que dans l’approche output ?

Le vrai enjeu du FBP est de permettre la création d’un acheteur national pouvant se transformer en une structure plus pérenne que de l’aide input.

Critique à ne pas attribuer au FBP mais à l’efficacité de l’aide au développement car même sans FBP, l’Etat reste dépendant de l’aide extérieure

Aucune assurance que l’Etat prendra la relève du financement FBP. La pérennisation, aussi bien pour les inputs que pour le FBP, passe par

l’engagement plus important du financement public pour la santé.

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270

Arguments divergents :

Importance du rôle du FBP apportant de l’efficience dans un contexte de besoins importants avec des ressources limitées.

Output ou input quand l’aide s’arrête, on se retrouve dans exactement la même situation. Et donc il ne s’agit pas d’un problème lié au FBP mais à l’assistance. (G2Baill2Cr10)

Le FBP doit être considéré comme un financement marginal Cette critique sous-entend qu’il faudrait d’abord commencer par garantir tous les coûts liés aux investissements et ensuite implanter le FBP dans les districts sanitaires ciblés.

Si l’on néglige les investissements, et donc tout le processus, pour ne se focaliser que sur les résultats, on risque de détruire le système car on va encourager la production des soins de mauvaise qualité. On ne peut donc pas bâtir un système de santé sur le FBP car il n’agit qu’au bout du processus. Le FBP peut être utile uniquement dans la gestion d’une crise. (G1CaMSP3Cr10)

A cette critique, les arguments récoltés sont les suivants :

Argument convergent :

Eviter cette vision top-down où des bailleurs internationaux ou nationaux apporteraient ces pré-requis.

Arguments divergents :

Incitations avec le FBP pour que le personnel mette en place lui-même ces pré-requis

Potentialisation avec le FBP de l’existant, en complétant l’approche input ou en s’articulant avec les autres modes de financement

On parle toujours de cette vision top-down où l’on suppose que des assistants techniques ou des ONG internationales (bailleurs) ou encore le gouvernement apporteraient ces préréquis. (G2Acad1Cr10)

Effet stérilisant du FBP En effet, suite à une mauvaise expérience avec le FBP, risque de découragement des usagers qui n’accorderont plus aucun crédit à d’autres modes paiements similaires proposés

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271

L’argumentation développée par les défenseurs est divergente et elle repose essentiellement sur la validité de la critique pour n’importe quelle approche qui échoue, même pour l’approche input.

Commercialisation des soins de santé avec le FBP Cette critique se fonde sur le risque que les prestataires, transformés en petits entrepreneurs, auront plus un souci de maximisation de leur profit qu’un souci de rendre service.

L’argumentation développée par les défenseurs du FBP n’épouse pas le même point de vue. Ces derniers estiment qu’il n’y a aucun effet observé avec la régulation administrative ou les valeurs. D’où cette tentative du FBP d’une régulation basée sur les lois économiques en achetant des résultats.

Amalgame dans la séparation des fonctions Cette dernière critique s’appesantit sur le fait qu’il n’existe pas de frontières entre la régulation et l’achat, la régulation et la prestation. Les commissions d’évaluation achetant aussi les soins, les prestataires sont impliqués dans l’évaluation.

Pour cette critique, les arguments convergents proposés sont les suivants

Confusions car la séparation totale des fonctions n’est pas possible, le plus important demeure la neutralisation des conflits d’intérêt

Pas de systèmes FBP parfaits ni de bons systèmes de financement sans effets pervers

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272

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273

ANNEXE 3: GRAPHIQUES ET TABLEAU RELATIFS AUX INDICATEURS NON PRESENTES DANS LE CHAPITRE 7

Figures 7.1,7.2, 7.3 et 7.4. Prestations payantes / Subventionnées FBP

020

4060

80

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_nc_mean Linear prediction

Tx d'utilisation du curatif

020

4060

80

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_nc_mean Linear prediction

Tx d'utilisation du curatif

4060

8010

0

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_acc_mean Linear prediction

Tx d'accouchement assisté

1015

2025

3035

nb_c

esar

_mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Nb de cédariennes

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274

Figures 7.5, 7.6 et 7.7. Prestations payantes / Non subventionnées FBP

5456

5860

62nb

_chi

r_m

ean

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Nb d'actes chirurgicaux

050

0010

000

1500

0nb

_ref

med

_mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Nb de consultations médicales pour cas référés

200

300

400

500

600

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

nb_mpe_mean Linear prediction

Nb détection malnutrition

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275

Figures 7.8 et 7.9. Prestations gratuites / Subventionnées FBP

6070

8090

100

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

tx_dtc3_mean Linear prediction

Tx de vaccination DTC3

5060

7080

9010

0tx

_cpn

_mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Tx de CPN

4050

6070

8090

tx_c

pon_

mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Tx de CPoN

2040

6080

tx_c

pn2_

mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Tx de CPN2+

Page 299: santé complexe : cas de la République Démocratique du ...

276

Figures 7.10, 7.11 et 7.12. Prestations gratuites / Non subventionnées FBP

Figure 7.13. Prestations gratuites avec démarche active du prestataire / Subventionnées FBP

6070

8090

100

110

tx_v

at2_

mea

n

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Tx de VAT2

12

34

56

tx_r

efho

p_m

ean

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Tx de référence vers l'hopital

Page 300: santé complexe : cas de la République Démocratique du ...

277

Figures 7.14 er 7.15. Prestations gratuites avec démarche active du prestataire / Non subventionnées FBP

150

200

250

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

nb_dom_mean Linear prediction

Nb visites à domicile

100

150

200

250

300

nb_h

ta_m

ean

2005q3 2007q3 2009q3 2011q3 2013q3time

Nb HTA

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278

Tableau 7.2. Synthèse avec les résultats de tous les indicateurs

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14)

VARIABLES tx_nc tx_acc nb_cesar nb_chir nb_refmed nb_mpe tx_dtc3 tx_cpn tx_cpon tx_cpn2 tx_vat2 tx_refhop nb_hta nb_dom

time 1.029*** 1.906*** 0.172 -0.173* -3,298.629 4.740 -0.043 1.757*** 1.459*** 1.155*** 1.137*** 0.075*** -0.250 -0.245

[0.000] [0.000] [0.393] [0.075] [0.105] [0.110] [0.817] [0.000] [0.000] [0.001] [0.000] [0.003] [0.853] [0.768]

FBP_cash 6.114** 0.673 -0.343 1.399 362.230 20.460 9.370** -10.404** 4.313 3.631 -1.974 0.116 8.174 44.703***

[0.019] [0.889] [0.943] [0.544] [0.562] [0.711] [0.023] [0.026] [0.579] [0.548] [0.743] [0.810] [0.747] [0.001]

Constant -173.555*** -305.870*** -13.733 90.446*** 290,933.508 -650.317 91.063** -267.340*** -227.388*** -185.296*** -141.485*** -11.948** 227.475 230.326

[0.000] [0.000] [0.720] [0.000] [0.109] [0.250] [0.011] [0.000] [0.000] [0.003] [0.003] [0.011] [0.380] [0.155]

Observations 180 180 180 180 175 180 180 180 180 180 180 180 180 180 Durbin Watson original 0.720 0.779 1.149 0.910 0.123 1.106 1.292 1.361 0.644 0.575 0.771 0.912 1.250 0.999 Durbin Watson transformed 2.150 1.895 2.034 2.225 2.126 2.165 1.987 1.876 2.105 1.964 2.174 2.171 1.959 1.973

R-squared 0.283 0.336 0.020 0.339 0.024 0.067 0.098 0.301 0.209 0.116 0.213 0.067 0.006 0.073

p values in brackets

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279

ANNEXE 4: GUIDE D’INTERVIEW DES EXPERTS

1. Approche intersectorielle de la santé publique

a) Pensez-vous que la reforme introduite dans la cadre du FBP prend suffisamment en compte tous les déterminants sociaux et les autres facteurs de risque « en amont » des points de prestation des soins de santé susceptibles d’influencer l’état sanitaire de la population ?

b) Dans le montage du FBP, une importance est-elle accordée à la réduction des inégalités en matière de santé ?

c) Existe-t-il des efforts intersectoriels induits par le FBP, au niveau local, provincial et national, pour améliorer les déterminants sociaux de la santé et impliquer la communauté et les groupes vulnérables

Quel score proposez-vous en définitive? Justifiez à chaque fois votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

2. Obstacles financiers à un accès équitable

Le FBP permet-il de réduire les obstacles financiers lors de l’accès aux services de santé de base ? Les services de santé les plus importantes sont-ils accessibles à tous ? Comment appréciez-vous les efforts fournis à travers cette réforme pour faire passer la population du secteur informel, peu réglementé et peu équitable, vers le secteur officiel mieux adapté ?

Quel score proposez-vous en définitive? Justifiez à chaque fois votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

3. Obstacles non financiers à l’accès

Pensez-vous que la reforme induite dans la cadre du FBP permet de remédier aux obstacles non financiers à l’accès aux services de santé (répartition géographique, considérations sexo-spécifiques, obstacles culturelles, discrimination, etc.) ?

Page 303: santé complexe : cas de la République Démocratique du ...

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Quel score proposez-vous ? Justifiez votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

4. Degré de complétude des prestations et degré de catégorisation

Pensez-vous que le FBP veille à ce que la réponse aux besoins sanitaires des individus soit la même pour tous, quelque soit la classe sociale, l’ethnie ou le sexe ; et donc qu’il y ait égalité dans la couverture et la qualité des soins qui sont dispensés à la population ? Pensez-vous que certaines catégories sont exclues des services de santé à cause du FBP ?

Quel score proposez-vous ? Justifiez votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

5. Financement équitable

Pensez-vous que cette approche de financement prend suffisamment compte de la capacité financière des usagers et qu’elle ne fait pas porter trop de charge sur eux ?

Quel score proposez-vous ? Justifiez votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

6. Efficacité, efficience et qualité des soins

Trouvez-vous que le FBP vise réellement une amélioration des soins de santé primaires intégrant : formation, incitations, allocation appropriée des ressources et participation communautaire interactive (y compris les groupes vulnérables) ? La mise en œuvre du FBP est-elle fondée sur des données factuelles (gestion de l’information sanitaire et d’une base de données, activités de recherche sur les services de santé, etc.) ? Dans un contexte de ressources limitées, pensez-vous que le FBP met suffisamment l’accent sur l’amélioration de la qualité des services dans le système ?

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281

Quel score proposez-vous ? Justifiez votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

7. efficacité administrative

Pensez-vous que la reforme proposée par le FBP a assez de rigueur pour garantir une gestion efficace du système de santé, à travers une réduction des frais généraux administratifs et des autres couts, une réduction des abus, fraudes ou autres incitations inappropriées (corruption) et une efficacité dans les achats (en vue de réduire les coûts) ?

Quel score proposez-vous ? Justifiez votre réponse.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

8. transparence et habilitation

Pensez-vous qu’avec le FBP, tous ceux qui sont touchés par les décisions et les politiques en matière de santé (usager, prestataire) sont en mesure de comprendre et de maitriser le système (compte à rendre pour la pertinence des décisions prises et la répartition des ressources, procédures explicites et publiques, budget d’ensemble, renforcement de la société civile) ?

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

9. autonomie du malade et du dispensateur de soins

Trouvez-vous que le FBP accorde une place prépondérante à l’autonomie ou à la liberté de choix des malades de leurs dispensateurs de soins et des praticiens dans leur résolution de problèmes de santé de leurs malades (ce qui implique un niveau élevé de compétence et de connaissance des pratiques appropriées) ?

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

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282

10. Autres Avez-vous d’autres critiques à formuler sur le FBP qui ne figurent pas dans les questions reprises ci-haut ?

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

De cet examen critique, que concluez-vous : faut-il abandonner le FBP, le réviser (alors sur quels aspects) ou encore continuer le système en cours ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

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ANNEXE 5: NOTE INFORMATIVE A L’INTENTION DES REPONDANTS A L’ETUDE

Certains auteurs définissent le financement basé sur la performance (FBP) comme est « une stratégie de financement des services de santé qui vise à augmenter la quantité et la qualité des soins de santé curatifs et préventifs fournis à la population, dans le respect des normes, à travers l’achat des soins. »

Cette approche, adoptée par de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, est liée d’une part aux résultats produits et d’autre part aux efforts et aux initiatives entreprises pour y arriver.

Mais depuis quelques temps, on constate qu’un débat manichéen entre les "partisans" et "adversaires" du FBP devient de plus en plus présent parmi les experts engagés dans le renforcement des systèmes de santé des pays en développement; débat interminable et stérile qui ne contribue pas à un meilleur état de santé des populations de nos pays.

Toutes ces controverses ou tensions sur le FBP peuvent ou ne pas avoir leur raison d’être. Ainsi, dans l’intérêt de tous, il est important de prendre en considération les arguments et les craintes de ceux qui sont opposés à cette stratégie ou qui s'interrogent sur l'opportunité de son recours; car ils mettent parfois le doigt sur des faiblesses du FBP, sur des zones d’incertitude méritant d’être étudiées et rigoureusement prouvées.

De plus, une écoute attentive et objective des arguments de chacun, dans le respect de la diversité, serait judicieuse car les opposants du FBP eux aussi se consacrent au renforcement des systèmes de santé, pour certains depuis des décennies, avec autant de conviction et de désir d’améliorer le sort des populations que les partisans du FBP.

Notre étude aidera à mettre à plat ces différents aspects et veut s’inscrire dans la reprise du contrôle des débats autour du FBP et le retour à des fondements plus importants, à des arguments plus techniques (efficience, équité, autonomie et liberté de l’individu sur son système de santé, etc.) ; mais aussi dans la recherche des consensus basés sur des faits.

Elle aura donc pour objectif général d’identifier les fondements de l’opposition autour de l’implémentation du FBP dans un système de santé complexe comme celui de la République Démocratique du Congo.

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284

Ainsi, partant de l’outil d’analyse des politiques de santé des pays en développement proposé par Norman Daniels et al, un guide d’entretien objectif sera conçu.

Cet outil offre un parfait cadre d’analyse s’articulant autour de différents critères jugés pertinents (équité, efficience et responsabilisation) pour l’évaluation des effets de différentes réformes dans le secteur de la santé.

Des interviews seront ainsi réalisées, aussi bien chez les opposants que chez les partisans du FBP. La synthèse des arguments avancés par les uns et par les autres, permettra de faire ressortir les points sujets à des controverses ou à des consensus entre les deux camps. Pour mieux expliquer ces controverses ou confirmer ces consensus, il faudra dégager ce qui relève des faits (évidence scientifique) ou des valeurs (expérience professionnelle personnelle ou dialectiques d’opinion ou idéologie d’école)

En définitive, cela pourra concourir à la construction de nouveaux modèles visant l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de l’aide au système de santé complexe congolais.

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ANNEXE 6: FICHE DE CONSENTEMENT LIBRE ET ECLAIRE

N° |__|__|__|__|__|

Je soussigné (Nom, post nom et prénom) ------------------------------------------------------------------------------

Adresse -----------------------------------------------------------------------------------------------------------, certifie avoir donné mon accord pour participer à une étude portant sur l’analyse des tensions et des controverses autour du financement basé sur la performance dans un système de santé complexe : Cas de la République Démocratique du Congo

J'accepte volontairement de participer à cette étude et je comprends que ma participation n'est pas obligatoire et que je peux stopper ma participation à tout moment sans avoir à me justifier ni encourir aucune responsabilité. Mon consentement ne décharge pas les organisateurs de la recherche de leurs responsabilités et je conserve tous mes droits garantis par la loi.

Avant cette interview, j’ai pris connaissance de la note informative préparée à l’intention des participants à cette étude et je suis d’accord avec son contenu.

Au cours de cette interview, j’accepte que soient recueillies des données qualitatives sur mes réponses. Je comprends que les informations recueillies sont strictement confidentielles et à usage exclusif de l’investigateur concerné.

J’ai été informé que mon identité n’apparaîtra dans aucun rapport ou publication et que toute information me concernant sera traitée de façon confidentielle. J’accepte que les données enregistrées à l’occasion de cette étude puissent être conservées dans une base de données et faire l’objet d’un traitement informatisé non nominatif par le chercheur qui appartient à l’institut de recherche santé et société de l’Université Catholique de Louvain.

J’autorise (Nom, Post nom et Prénom) --------------------------------- ------------------------------------------------------------------------------------------------------ à m’interviewer de manière objective. (Mentionner aussi la fonction et la profession)

Date et lieu : -----------------------------------------------------------------------------------------------------

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Signature du répondant : -------------------------------------------------------

Signature du chercheur : --------------------------------------------------

Observations : -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------