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LE PRESIDENT Thomas Bernhard – Mise en scène, Blandine Savetier La pièce est disponible aux éditions de L’Arche. I/ Une vie brisée Une biographie peut être trouvée sur les sites suivants : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Thomas_Bernhard http://livres.fluctuat.net/thomas- bernhard.html http://www.thomasbernhard.de/ (pour les germanistes) Mais aussi dans le En savoir plus proposé par la Comédie de Béthune ou à la fin de l’ouvrage critique de Chantal Thomas, Thomas Bernhard par Chantal Thomas, Seuil, collection Les Contemporains, 1990. (pp. 255-258). On lira pour découvrir le personnage ses entretiens avec Krista Fleishmann aux éditions de L’Arche. Ci-dessous, je vous propose un article extrait de l’Encyclopédie Encarta mais qui n’est pas libre de droits. 1 INTRODUCTION Bernhard, Thomas (1931-1989), poète, romancier et auteur dramatique autrichien, reconnu dès les années soixante comme 1

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LE PRESIDENT

Thomas Bernhard – Mise en scène, Blandine SavetierLa pièce est disponible aux éditions de L’Arche.

I/ Une vie briséeUne biographie peut être trouvée sur les sites suivants :http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Bernhardhttp://livres.fluctuat.net/thomas-bernhard.htmlhttp://www.thomasbernhard.de/ (pour les germanistes)

Mais aussi dans le En savoir plus proposé par la Comédie de Béthune ou à la fin de l’ouvrage critique de Chantal Thomas, Thomas Bernhard par Chantal Thomas, Seuil, collection Les Contemporains, 1990. (pp. 255-258).On lira pour découvrir le personnage ses entretiens avec Krista Fleishmann aux éditions de L’Arche.

Ci-dessous, je vous propose un article extrait de l’Encyclopédie Encarta mais qui n’est pas libre de droits.

1 INTRODUCTIONBernhard, Thomas (1931-1989), poète, romancier et auteur dramatique autrichien, reconnu dès les années soixante comme l'écrivain de langue allemande le plus original, le plus important, mais aussi le plus cinglant de sa génération.

2 UNE JEUNESSE MARQUÉE PAR LA MALADIENé à Heerlen (Limbourg, Pays-Bas), Thomas Bernhard passe son enfance chez ses grands-parents, à Vienne, tandis que sa mère est restée à travailler au pays. Son

grand-père, Johannes Freumbichler, écrivain régionaliste, a sur lui une influence décisive. En 1940, son père, qu'il ne connaît pas, se suicide. En 1942, sa mère l'envoie dans un « foyer d'éducation » national-socialiste mais, deux ans plus tard, sur l'initiative de son grand-père et

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malgré l’extrême indigence de sa famille, il reçoit des cours de violon, de dessin et de peinture à Salzbourg. À l'âge de seize ans, il commence un apprentissage chez un épicier tout en poursuivant ses cours. Atteint de tuberculose, il entre à l'hôpital quelques jours après son grand-père, qui y meurt le 11 février 1949. Thomas Bernhard doit faire plusieurs séjours au sanatorium de Grafenhof, et c'est cette immobilisation forcée qui l'incite à lire et à écrire. Il y fait aussi la connaissance d'Hedwig Stavianicek, de trente-cinq ans son aînée, qui est sa compagne jusqu'en 1984, date de sa mort.À partir de 1952, Thomas Bernhard devient journaliste au Demokratisches Volksblatt de Salzbourg, où il tient la chronique judiciaire. Parallèlement, et jusqu'en 1957, il suit des cours de mise en scène et d'art dramatique au Mozarteum et publie ses premiers recueils de poésie dans diverses revues. En 1963, Gel, son premier roman, est salué par la critique. Suivent en 1964 Amras — un livre que Thomas Bernhard chérit particulièrement dans l’ensemble de sa production — puis Perturbation, en 1967. Dès lors et jusqu'à la fin de sa vie, il publie chaque année plusieurs ouvrages.

3 DES RAPPORTS DIFFICILES AVEC L’AUTRICHESon discours de remerciements pour le Petit Prix national de littérature en 1968 est à inscrire au nombre des multiples scandales qui jalonnent les œuvres et les apparitions publiques de Thomas Bernhard. Ce dernier reçoit cependant, deux ans plus tard, le prix Büchner, le plus prestigieux des prix allemands, pour la Plâtrière (1970), sans cesser pour autant d’éreinter férocement les institutions autrichiennes. Controversé mais combatif, Thomas Bernhard se joue des provocations : « Mon existence tout entière ne répond qu’à la seule volonté de déranger et d'irriter. » En 1972, il se défait officiellement de tout lien d’appartenance au catholicisme et, en 1979, il démissionne de l'Académie allemande de langue et de littérature. Son dégoût pour la société autrichienne est tel qu'il en vient à interdire la vente de ses livres en Autriche.

4 FASCINATION   /   RÉPULSION POUR LE THÉÂTRE Bernhard affiche son horreur pour le théâtre, ce qui — paradoxalement et dans la dynamique de cette négation— , ne l’empêche pas d’écrire une quinzaine de pièces, sur le mode de la fascination et du défi. Il confie à Claus Peymann la mise en scène d’Une fête pour Boris (1970), puis de l’Ignorant et le Fou (1972) et, par la suite, de presque toutes ses pièces, de Minetti (1976) au Faiseur de théâtre (1985).Le théâtre de Thomas Bernhard s’étend à différents registres : celui de la politique (la Société de chasse, 1974 ; le Président, 1975 ; les Célèbres, 1976 ; Avant la retraite, 1979), celui du théâtre lui-même (Au but, 1981 ; le Faiseur de théâtre ; Les apparences sont trompeuses, 1983 ; Simplement compliqué, 1986 ; Minetti). Deux figures de philosophes y apparaissent, notamment dans Emmanuel Kant et dans Déjeuner chez Wittgenstein (1984). Quant à sa dernière pièce, Heldenplatz (littéralement, « la Place des héros », 1988), elle fera à nouveau scandale.

5 L’OBSESSION DE LA MORTEn vérité, sa maladie pulmonaire et ses problèmes cardiaques ne lui laissent plus que « le temps le plus bref » : son écriture participe de cette urgence. Thomas Bernhard fait de la littérature son ultime moyen de survie. Comme en marge de la folie, il s'y montre hanté par l'absurdité fondamentale de la vie. Ses livres sont pour

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lui l'occasion à la fois de disserter en profondeur et d’énoncer les plus anodines banalités, tant sur les prix littéraires que sur les cafés viennois, sur la campagne autrichienne ou sur la maladie, au cours de soliloques hallucinés et itératifs.Les œuvres de Thomas Bernhard ont un indéniable caractère autobiographique. Dans plusieurs récits, on retrouve ainsi la personnalité de son grand-père, comme dans l'Origine (1975), la Cave (1976), ou encore dans Un enfant (1982), qui sont autant de témoignages d'amour, de respect et de reconnaissance intellectuelle. Dans le Neveu de Wittgenstein (1982), il fait part de son admiration pour ce philosophe dont il souligne l’originalité et la vérité pathétique.Nombre des textes de Thomas Bernhard se caractérisent par un goût manifeste pour le dénigrement et la noirceur. L'obsession de la mort ne l’abandonne jamais, ni celle du suicide : elles l’accompagnent tout au long de ses œuvres, selon des modulations et des registres variés. Elles sont présentes dans le Naufragé (1983), bâti sur son amitié avec Glenn Gould et prenant aussi pour modèle l’écriture contrapunctique des Variations Goldberg de Bach, comme dans Maîtres anciens (1985), un texte de réflexions sur l'art, sans doute le plus abouti, né de la contemplation de l'Homme à la barbe blanche du Tintoret. Mais, au cœur des ténèbres, le rire parfois éclate : dans le désastre même, Thomas Bernhard trouve encore matière à jubilation.Thomas Bernhard est mort le 12 février 1989 dans sa maison de Gmunden, quelques heures après le quarantième anniversaire de la mort de son grand-père.Microsoft ® Encarta ® Collection 2002. © 1993-2001 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

En bref   : L’absence du père ; produit d’un vol ou d’une liaison fugace d’où l’éloignement de la mère et la naissance aux Pays-Bas.Importance des grands parents maternels.L’éducation dans une école nazie, école reprise par ses fondateurs catholiques.1947 : « la direction opposée » ; principe qui régentera toute sa vie. Bernhard décide un maton de ne pas aller au lycée et de partir.La maladie : pleurésie, tuberculose ; fréquentation du sanatorium.Etudes musicales.Contre (Autriche, musique, théâtre).

II/ Une œuvre complexeDans un premier temps, Bernhard est un poète lyrique. Son lyrisme est

empreint de catholicisme en quête d’un Dieu désespérément absent. Sur la terre comme en enfer, 1957 In hora mortis, 1958 Sous le fer de la lune, 1958

Son premier succès de romancier se situe en 1963 avec Gel. Perturbation, 1967 La Plâtrière, 1970 Corrections, 1975 Le Neveu de Wittgenstein, 1982. Maîtres anciens, 1985 Extinction, 1986

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Les thèmes sont assez souvent identiques. Un héritier d’une grande famille aristocratique (autrichienne de préférence) doit liquider un héritage. Le thème de l’enfermement intervient alors comme une manière de procéder à cet acte. L’enferment permet le rejet des origines et aboutit très souvent à la mort. Les formes romanesques s’inspirent des recherches musicales notamment autour de la musique sérielle. Les perspectives narratives s’imbriquent ou s’opposent.

A partir de 1970, son théâtre comprendra une vingtaine de pièces : L’Ignorant et le fou, 1972 La Société de chasse, 1974 La Force de l’habitude, 1974 Minetti, 1976 Le Faiseur de théâtre, 1984 Heldenplatz,

Yves Lartichaux déclare que son théâtre correspondrait à une « marionettisation » de ses personnages romanesques. Le grotesque y explose. La parole est essentiellement constituée de monologues et le style est brisé, sans ponctuation, fragmentaires.

III/ Le propos de la pièce

L’histoirePièce en cinq scènes rappelant la structure d’une tragédie classique finalement. Elle est constituée de deux groupes de deux scènes. Les deux premières se situent dans le palais présidentiel et la Présidente se livre à deux longs monologues. La Présidente expose sa névrose. Elle fait tomber les masques et révèlera tout : la comédie du pouvoir, la répugnance pour le peuple et son mari etc. Les deux scènes suivantes se situent, au Portugal, à Estoril, d’abord dans un hôtel luxueux l’Inglaterra, puis dans un casino. Ce sont deux monologues du Président. Contrepoint par rapport aux deux autres scènes. Autre version de la comédie du pouvoir. La même haine est déployée. La dernière scène, très courte, met en scène la mort du Président.

Peu de personnages  : le couple présidentiel, une actrice - maîtresse du Président, Mme Gai dont les rapports avec La Présidente sont assez troubles (double, repoussoir, dialectique maître-valet, rapport de domination, d’humiliation etc.), un masseur et quelques personnages très secondaires. D’autres personnages ne sont pas présents mais sont largement évoqués. Ce sont le fils anarchiste, les deux amants de la présidente (l’aumônier et le boucher) et le chien – sorte de double du fils qui recueille l’affection de la mère. N’oublions pas le colonel qui vient d’être assassiné. Les personnages deviennent des espèces de marionnettes. A l’origine, les personnages ne portaient pas de noms mais représentaient un vice. La Présidente était l’hypocrisie et le Président, la mesquinerie. Ce sont des figures, des pensées plutôt que des personnages finalement.

La trame est à découvrir à travers cette écriture particulière  : le couple présidentiel vient d’échapper à un attentat fomenté par les milieux anarchistes étudiants. Leur fils est soupçonné mais la Présidente ne veut y croire et préfèrerait qu’il s’agisse du fils de Mme Gai, sa gouvernante. Le fils subit les

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compromissions du père et veut tuer le père selon l’expression consacrée. Le danger est permanent car les attentats se multiplient pour atteindre le Président. Il vient d’échapper de justesse à l’attentat en soulevant sa canne et en déviant la balle qui lui était destinée. Le colonel est tué à sa place et le chien de La Présidente meurt d’un arrêt cardiaque. Longue plainte, climat de peur et d’insurrection. Les anarchistes sont aux portes du palais. Pendant ce temps, le Président son bain, se fait masser et ne cesse de rire en coulisses. La Présidente tente de défendre son mari et le présente comme le plus grand président. Dans la deuxième scène, la situation change car elle va dévoiler les failles du pouvoir, la haine qu’elle voue à cet homme ambitieux qui a profité de sa fortune et de sa position. Gagnée par la peur et la paranoïa (elle devient pitoyable et par la même humaine), elle pousse son mari à partir avec sa maîtresse au Portugal et elle pourra faire de même avec son (ses) amant(s). Une pierre brise une fenêtre et rappelle le danger. Dans la deuxième partie, le Président est ailleurs et livre son histoire et celle de sa femme en contrepoint. La politique ressemble à l’art dramatique et être dictateur est un jeu de comédie burlesque. Explosion de l’hypocrisie, du cynisme et de la férocité du personnage. Dans le casino, le danger est présent à travers les bruits et le personnage sera finalement assassiné.

Le contexte historiqueLa pièce est écrite en 1975 et l’œuvre de Bernhard s’inscrit dans l’Autriche de l’après

guerre. L’Autriche n’a pas connu le même procédé de dénazification et il faut être conscient de cela.Bernhard n’a jamais cessé de haïr l’Autriche et particulièrement la ville de Salzbourg dans laquelle il ne reconnaissait pas la patrie de Mozart. Bien entendu, cette haine (comme celle pour le théâtre) est très ambiguë. Salzbourg est la ville de la mort et du suicide (cf. L’Origine œuvre autobiographique qui raconte ses années d’internat).

Il regrette, dans la culture autrichienne, l’absence de grandes figures de philosophes comme celles de Montaigne, Descartes, Voltaire ou Rousseau en France.

Une écriture particulièreUne écriture de la répétition qui se déploie comme l’expression d’une obsession, comme la mise au jour d’un inconscient tourmenté.Continuité entre son oeuvre romanesque et son œuvre théâtrale par la répétition certes mais aussi par la présence de la voix et le monologue qui ne comprend aucune ponctuation.C’est un théâtre « écrit en “lignes inégales” comme des vers qui seraient nés au point de fission de la prose. » (Jean-Yves Lartichaux : « La vérité est une débâcle », L’Envers du miroir / Cahier n°1, Paris, Arcane 17, 1987, p. 57)Thomas Bernhard lui-même pensait avoir inventé une nouvelle écriture, une écriture chaotique capable de mimer et de représenter le chaos qu’il donne à voir dans son œuvre.Simplicité et raréfaction du vocabulaire.

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Les scansions du texte ne sont pas liées au sens mais plutôt au rythme, à la musicalité ; en ce sens, on peut parler de théâtre poétique.Dans la pièce, les premiers mots de la présidente sont :

Ambitionhainerien d’autre

Ces mots apparaissent comme une matrice qui va revenir telle quelle mais aussi avec des variations subtiles qui montrent une gradation. C’est une sorte de leitmotiv. Ces mots peuvent être précédés ou suivis dans le reste du texte par les vices du pouvoir comme la bassesse ou la corruption.

Certains motifs construisent le texte également : celui des couleurs (rouge, gris, noir) notamment à travers les robes de Mme Gai ou de la Présidente ou celui de la tête lié à l’opposition entre le corps et l’esprit.La dialectique maître-esclave sous-tend également le texte.

Le thème du pouvoir la mise en scène du pouvoir et la politique spectacleArticle très intéressant dans Wikipédia à ce sujet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mise_en_sc%C3%A8ne_du_pouvoir_politique#Mise_en_sc.C3.A8ne_du_pouvoir_politique_par_lui-m.C3.AAme#Mise_en_sc.C3.A8ne_du_pouvoir_politique_par_lui-m.C3.AAme un pouvoir en déliquescence, quelques exemples au hasard :

Fin de l’Ancien Régime en FranceLes CeaucescuLes années MitterrandLe couple Chirac

Le grotesqueGrotesque adj. et n. m. et parfois n. f. ( http://www.lettres.net/files/grotesque.html )Risible par son apparence bizarre, caricaturale: burlesque, extravagant. Le comique de caricature poussé jusqu'au fantastique, à l'irréel.n. f.:Nom donné aux ornements (rinceaux, arabesques, guirlandes, etc.) découverts à partir du XVe s. en Italie dans des édifices souterrains de la Rome antique appelés grottes.Par ext. Nom donné aux dessins ornementaux inspirés aux artistes, à partir de la Renaissance, par les grotesques de l'Antiquité. Œuvre picturale ou sculptée représentant le sujet de manière caricaturale ou risible.

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« Ce fou rire contenu ou déferlant qui envahit les personnages de Thomas Bernhard est lié à la perception d’un trop, d’un excès dans la somme de désastres qui les environnent, ou dans la profondeur du noir de leur horizon. Avec pour unique certitude la proximité de la mort, tout le reste est perçu dans un sentiment de dérision, qui fait de la souffrance même une manifestation qu’il est difficile de prendre au sérieux. Le fond nihiliste de l’univers de Thomas Bernhard métamorphose en défilé de carnaval, en sarabande insensé le cours d’une vie humaine. » (Thomas Bernhard par Chantal Thomas, op. cit. , pp. 21-22).

Le grotesque naît également du décalage entre la pseudo grandeur des personnages et leur situation réelle, leur position dans cette intimité obscène.

L’exposition de la pièceLecture des pages 9, 10 et 11 qui constituent l’exposition de la pièce.

L’intention de Blandine SavetierRechercher le point d’équilibre pour les comédiens entre le tragique, le comique, le grotesque et le dérisoire. Cela n’est pas sans rappeler le travail proposé par Sophie Rousseau à propos de l’œuvre de Müller.Aborder les trois niveaux de la pièce : le banal inquiétant, le politique, la tragédie.Voici ce que Blandine Savetier a écrit dans ses notes dramaturgiques : « Je propose deux grandes questions, chacune se déclinant en plusieurs petites autres.La première est celle du Nihilisme communément attribuée à l’œuvre de T. Bernhard. Qu’en est-il? Et est-on fondé à monter Le Président d’une manière qui ne soit pas que Nihiliste?La deuxième est celle de l’exploration par le théâtre des espaces informes, souterrains, inconscients de la psyché humaine. Comment donner à voir, entendre ce malaise essentiel qui nous parcoure au plus profond quand se lézarde la figure paternelle du pouvoir? Quelle mise en scène, quel jeu d’acteurs peuvent donner ce niveau de perception qui traverse l’intellect pour toucher aux affects essentiels? Quelles doivent être les parts respectives, la complémentarité du visuel et de la parole dans ce processus? Comment faire coexister une mise en scène, un jeu "de l’inconscient" et l’humour qui parcourent la pièce ? »

IV/ Résonances

ArtistiquesSophocle avec Œdipe Roi ou Œdipe à Colone. (p. 72, la Présidente met dans sa bouche une épingle à cheveux qui rappelle celle qu’a utilisée Œdipe pour se crever les yeux ; p. 152, les allusions au fils destiné à tuer le père sont explicites mais on peut noter également toutes les paroles prophétiques de l’aumônier).

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Tout le théâtre de Shakespeare ou presque (Macbeth, Jules César, Le Roi Lear etc.).

Dans le théâtre classique, certaines pièces de Corneille (Le Cid, Sertorius etc.) ou de Racine (Bérénice ou Britannicus notamment).Ubu Roi de JarryCocteau notamment avec L’Aigle à deux têtes (cf. p. 79 de la pièce de Bernard) dont les résonances sont troublantes voire La Machine

infernale avec le mythe d’Œdipe.Le Balcon de Jean Genet : Le Balcon est un bordel de luxe où plusieurs personnages viennent assouvir leurs fantasmes, sadomasochistes en apparence, philosophiques en réalité. Sous la comédie érotique se cache un drame métaphysique, une réflexion sur la mort. Toute y est faux, tout n’est qu’illusion, et, en même temps, tout est vrai : la mythologie du bordel exprime la puissance sexuelle, le débordement de

la jouissance. Le bordel offre à quelques médiocres une existence d'emprunt.Les Justes de Camus (1949).Visconti et Les Damnés : «  Les Damnés de Visconti commencent par une scène somptueuse, la célébration de l’anniversaire du patriarche, Joachim von Essenbeck. Nous sommes dans l’Allemagne des années 30, le cadre est celui d’une

famille aristocratique à la tête d’un empire industriel de l’acier, proche par la force des choses du pouvoir Nazi. Pour célébrer l’anniversaire du Président-Père Von Essenbeck, une petite scène de théâtre est montée sur laquelle de gentilles et convenables scénettes sont jouées par les enfants, un adolescent exécute au violoncelle une sonate de Bach. Et voici dans cette mise en scène parfaite, soigneusement décorée de tous les signes du pouvoir aristocratique, surgit le petit fils pervers, travesti, qui entame un numéro érotique de cabaret. Le contraste est colossal, violent. La gêne qui s’installe dans l’assistance, chez le patriarche Joachim von Essenbeck, nous saisit également, la façade de l’ordre paternel se lézarde, derrière l’ordre apparent on devine des gouffres de perversité, frustration, violence retenue. Ce qui fonctionne et nous saisit dans cette scène des Damnés, c’est le contraste violent entre la figure de l’ordre paternel caricaturée jusque dans les moindres détails et le surgissement de la perversité dans cette façade presque parfaite. » (Blandine Savetier)Evita, film d’Alan Parker d’après la comédie musicale sur la vie d’Eva Perón, femme du dictateur argentin.

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Dernièrement, The Queen, film de Stephen Frears qui montre conjointement les troubles à l’intérieur de la famille royale lors de la mort de Lady Diana et l’accession au pouvoir d’un jeune loup de la politique britannique, Tony Blair.

Les Objets d’étude au lycéeThéâtre, registre et genre, 2°

une séquence autour de la frontière ténue entre le tragique et le comique qui utiliserait comme support la pièce dans son intégralité ou un groupement de textes. Le groupement peut également avoir une cohérence thématique autour du pouvoir. autre séquence possible autour du pouvoir au théâtre.Théâtre, texte et représentation 1° le texte de théâtre qui évoque sa propre mise en scène, théâtre dans le théâtre, la mise en scène politique etc.Le biographique, 1° études des œuvres autobiographiques de Bernhard.

Dossier réalisé par Philippe Cuomo, professeur missionné à La Comédie de Béthune

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