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Sahara Green
Comment la coopération transméditerranéenne durable et l’énergie
solaire du Sahara apporteront bien-être, paix et prospérité en Méditerranée …
Sahara Green
Les Voies de l’Economie Verte en Méditerranée
Cas de l’Energie Solaire
Nasser Hadroug
Sahara Green 2
OMDD EDITIONS
Réédition 2011
Sahara Green 3
SAHARA GREEN
LES VOIES DE L’ECONOMIE VERTE EN MEDITERRANEE
OU
COMMENT LA COOPERATION TRANSMEDITERRANEENNE
DURABLE ET L’ENERGIE SOLAIRE DU SAHARA APPORTERONT
BIEN-ETRE, PAIX ET PROSPERITE EN MEDITERRANEE …
Dr HADROUG Nasser http://fr.linkedin.com/in/nasserhadroug
Président de l’Observatoire Méditerranéen du
Développement Durable. Directeur de programmes : SaharaGreen, RoboticaGreen, Euromed GEI
OMDD EDITIONS
Sahara Green 4
« J’utiliserai le sable du désert pour produire des cellules
solaires afin de générer une énorme quantité d’électricité et
transformer ainsi le désert en paradis »
Hassan Kamel Al-Sabbah, 1928.
Chercheur chez General Electric, Inventeur des cellules
photovoltaïques.
« Le Sahara reçoit une énorme quantité d’énergie solaire, que
nous pouvons utiliser pour initier une économie plus
respectueuse de l’environnement méditerranéen. Cette
fabuleuse quantité d’énergie propre permettra de dessaler
massivement l’eau de mer, afin de reverdir le Sahara. Si cette
initiative est reprise dans plusieurs endroits de notre planète,
cela permettra également de freiner la montée des eaux ».
Nasser Hadroug, 2002.
Dr-Ing, MBA. Sustainable Program Director. Président de
SaharaGreen
Sahara Green 5
SYNTHESE
Depuis le début de ce millénaire, les dépêches se bousculent à
une vitesse étourdissante. Tempêtes géantes, pollutions,
conflits, crise des matières premières, crise économique,
catastrophes humanitaires, incompréhensions Nord-Sud ; il
semble irréel que toutes ces catastrophes à répétitions aient un
dénominateur commun, et pourtant il est probable que la plupart
auraient une ampleur bien moindre si les principes du
Développement Durable étaient respectés, si les effets
anthropiques était plus canalisés, et si toutes les parties
prenantes étaient prises en compte dans la course effrénée à la
mondialisation.
La mise à l’écart des classes sociales les plus défavorisées a
participé à la formation du terreau sur lequel ont pu se
développer le terrorisme, les guerres civiles, et les récentes
émeutes, du sud de la Méditerranée à l’Angleterre1.
Notre boulimie d’énergies fossiles est un des facteurs
principaux de l’effet anthropique. En quelques mois, il y a eu la
catastrophe de l’or noir au large des Etats-Unis, la catastrophe
1 DANIEL J.M., professeur d'économie à l'ESCP Europe,
http://www.latribune.fr/opinions/20110216trib000601638/revoltes-frumentaires-et-
printemps-arabe.html, 2011
Sahara Green 6
nucléaire au Japon, et l’envolée des prix de l’énergie et des
matières premières.
La mondialisation de l’économie par la financiarisation à
l’extrême, a précipité le monde dans la plus grave crise
économique depuis 1929. Depuis la crise des «subprimes» qui a
éclaté aux USA en Aout 2007, la confiance s’est effondrée,
entrainant dans le feu des critiques les hypothèses d’ «efficience
du marché» et d’ «anticipation rationnelle» (donnant raison en
partie au Keynésianisme)2.
Et il n’est plus à démontrer l’effet anthropique sur le
changement climatique et la désertification, entrainant par
ricochet les migrations forcées.
Ces sujets qui font la une de l’actualité sont l’expression
d’enjeux globaux, et nous questionnent sur les politiques de
développement durable à mener à l’échelle mondiale et
territoriale. Ils montrent la nécessité d’une implication réelle et
durable des états développés dans la mise en place d’une
régulation mondiale soutenable et la mise en place de
programmes de coopération Nord-Sud durable.
2 BLINDER A. S., Professor of Economics at Princeton University, « Keynesian
Economics », <http://www.econlib.org/library/Enc/KeynesianEconomics.html>, 2011
Sahara Green 7
Abordés dans l’Agenda 21, ces sujets complexes nécessitent
une réflexion et une législation au niveau global mais doivent
également être traités sous l’angle territorial. Afin d’aider à la
réflexion globale, il est nécessaire comme pour toute analyse, de
choisir un terrain d’expérimentation. Ce livre s’inscrit dans cette
perspective en s’intéressant au cadre géographique «espace
méditerranéen». Car la Méditerranée, compte tenu de ses
asymétries sur les plans économique, environnemental, et
social, constitue un véritable laboratoire régional d’innovation,
d’expérimentation, et de coopération en matière de
développement durable (DD).
Le bassin méditerranéen, zone d’échanges et de tensions entre
trois continents, représente un ensemble économique cohérent,
une «économie monde» tel que le décrivait Fernand Braudel.
Mais contrairement à sa description3, la Méditerranée n’est pas
un «lac occidental» et le Sahara n’est pas la «contre
Méditerranée».
Le bassin méditerranéen est une région ouverte sur le monde où
se côtoient des espaces géopolitiques divers, porteurs de valeurs
et d’intérêts souvent différents.
Le Sahara, séparant le Maghreb de l’Afrique sub-saharienne,
fait apparaître le nord de l’Afrique comme une ile entourée de
3 LIAUZU, C., « La méditerranée selon Fernand Braudel », Revues
plurielles, Confluences Méditerranée - N°31, Paris, automne 1999, p.
186
Sahara Green 8
deux mers : la mer Méditerranée et la mer de sable. Cette vaste
zone désertique, malgré ses apparences, comporte bien des
atouts qui peuvent être mis au service du bassin méditerranéen,
tel que son gigantesque potentiel d’énergie solaire.
La Méditerranée dispose quant à elle, d’atouts incontestables et
offre des opportunités réelles de développement, grâce
notamment à la coopération transméditerranéenne énergétique.
La récession nous offre une rare opportunité d’effectuer de tels
investissements, car les gouvernements étant conduits à
dépenser davantage pour stimuler l’économie, ils peuvent tout
aussi bien le faire en affectant certaines dépenses à des projets
«verts».
Mais les enjeux financiers sont si énormes qu’ils peuvent attiser
bien des convoitises et emmener les marchés financiers vers ce
qu’on pourrait appeler une «bulle verte». A titre d’exemple, la
chine a alloué 40 % de son plan de relance (586 milliards USD)
à des projets verts, la transformant en premier marché mondial
des énergies renouvelables, alors que Citigroup estime que faute
d’interconnexions, 30% des centrales éoliennes chinoises
n’étaient pas en service en 2009. Cela illustre la nécessité d’une
stratégie de développement durable pour baliser tout chemin
menant à une «économie verte».
L’UE a ainsi lancé sa stratégie pour une croissance verte.
Encore faut-il une institution forte pour mettre en place
Sahara Green 9
une politique qui viserait à stimuler l’éco-innovation au service
de la coopération transméditerranéenne tout en abordant les
questions clés de la transition vers une économie verte, comme
l’emploi, les compétences, l’investissement, la fiscalité, les
échanges, le développement.
L’Union Pour la Méditerranée (UfM), a bien été créée dans
cette optique, mais tourne au ralenti. Cette institution, appelée
aujourd’hui «Secrétariat de l’Union Pour la Méditerranée», était
censée être centrale, puisqu’elle regroupe l’Union Européenne
(UE) et 15 pays de l’Adriatique et de la Méditerranée. Devant
les difficultés rencontrées, ces pays se sont mis d’accord pour
une institution légère, ce qui ne facilite guère la mise en œuvre
d’une politique de développement durable dans un espace aussi
tumultueux.
La politique de l’UfM met l’accent sur plusieurs programmes,
dont la coopération scientifique et universitaire. Cette dernière
pourrait s’intéresser à l’étude de la transposition des principes
de l’Agenda 21 à un territoire aussi complexe que la
Méditerranée, afin d’aider l’émergence d’un comité structuré en
collèges, dans lesquels tous les acteurs de la société civile
seraient regroupés. Sa mission serait de contribuer à la mise en
œuvre d’Agenda 21 méditerranéens, d’assurer la cohérence de
ces projets territoriaux de développement durable, et de
renforcer la coopération entre les collectivités et les
Sahara Green 10
entreprises du bassin méditerranéen.
Quant au Plan Solaire Méditerranéen (PSM), autre programme
d’importance, il a ouvert la voie à des initiatives industrielles
prometteuses, mais qui ont du mal à se montrer convaincantes.
Malgré leur côté pharaonique et extraordinaire, elles ne
génèrent ni l’espoir des populations du Sud, ni l’enthousiasme
du Nord. L’analyse du cas concret de la coopération énergétique
solaire transméditerranéenne, a permis d’apporter des pistes
d’amélioration de la politique de développement durable de ces
initiatives, ce qui permettrait de gagner une adhésion élargie.
Par ailleurs, de ce balbutiement d’initiatives, un espoir européen
nous illumine. Les citoyens européens vont-ils utiliser leur
nouvel outil de démocratie participative pour remettre l’Union
Méditerranéenne sur les rails, promouvoir des projets
transméditerranéens durables, dans le but d’initier une
« économie verte » dans le bassin Méditerranéen ?
De telles opportunités se présentent rarement.
Ce serait du gaspillage que de l’ignorer …
Sahara Green 11
INTRODUCTION
Les évènements décrits dans la presse ces derniers mois
rappellent qu’il est urgent de mettre en place une politique de
développement durable au niveau mondial. Aussi, une initiative
essentielle a été lancé à l’échelle mondiale : le concept
d’Agenda214, dont les résultats des initiatives territoriales
locales peuvent alimenter la conception d’une politique globale.
Et pour initier cette stratégie globale, le bassin méditerranéen,
constitue un terrain d’analyse et d’expérimentation approprié
puisqu’il abrite un écosystème complet, et donc un territoire où
peuvent être élaborées et testées des politiques de
développement durable qui pourront être ensuite transposées à
l’échelle de la planète.
L’ «Union Pour la Méditerranée» aurait pu suffire pour définir
et mettre en œuvre une politique méditerranéenne de
développement durable. Mais elle s’est transformée en
« Secrétariat de l’Union Pour la Méditerranée »5. Et il reste
encore à construire une coopération multilatérale novatrice et
durable pour bâtir un avenir forcément commun à l’Union
4
ONU, « Agenda 21 »,
<http://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/french/action0.htm>, 2011 5 Union for the Mediterranean, « The Secretariat of the Union for the Mediterranean »,
<http://www.ufmsecretariat.org>, 2011
Sahara Green 12
Européenne, au bassin méditerranéen, et à l’Afrique sub-
saharienne.
Parallèlement, des initiatives privées impulsées par des états de
l’UE, l’Allemagne pour DESERTEC, et la France pour
MedGrid, semblent se faire concurrence. Les responsables de
ces initiatives ont bien tenté de corriger la perception qu’en
avaient les parties prenantes des deux rives, mais la pente reste
difficile à remonter car les détracteurs avaient déjà fait leur
travail. Pour certains il s’agissait de projets néo-colonialistes,
alors que pour d’autres l’UE allaient perdre son indépendance
énergétique. Ces projets semblaient trop focalisés sur les
problèmes de l’UE et ne donnaient pas l’impression de
s’inscrire dans une logique de coopération transméditerranéenne
durable.
C’est en se fondant sur ces convictions que ce livre vise à
dessiner une alternative d’avenir en terme de coopération
énergétique qui réponde aux enjeux des deux rives, et rend
compte de:
- la situation de la coopération transméditerranéenne en
matière de développement durable,
- l’importance géostratégique du bassin méditerranéen et de
l’Afrique Sub-Saharienne pour la survie de l’Europe face à
des géants tels que la Chine par exemple.
Ce travail est basé sur une étude bibliographique traitant de
Sahara Green 13
ces sujets, des interviews de personnalités, spécialistes de ces
problématiques, et sur un sondage de type 2.0 afin de prendre en
compte l’avis de toutes les parties prenantes.
L’objectif de la première partie est de poser le contexte de la
problématique du développement durable en Méditerranée, et
de faire le constat des enjeux géostratégiques de l’espace Euro-
méditerranéen. Ce diagnostic est réalisé à partir d’une étude
bibliographique, et de l’analyse qualitative du point de vue de
parties intéressées, réalisée à partir d’interviews, de discussions
autour de tables rondes professionnelles, de réponses à des
questions posées lors de forums spécialisés, et de données
extraites des questionnaires réalisés pour ce livre et mis en ligne
sur un réseau social professionnel. Cette recherche a porté sur
les thèmes de la construction de l’Union Pour la Méditerranée,
de la coopération territoriale ou industrielle
transméditerranéenne, des politiques nationales
environnementales et énergétiques en vigueur.
La seconde partie est consacrée à l’exploration des voies de la
coopération transméditerranéenne. L’objectif est de présenter
une analyse critique du traitement actuel des enjeux, risques et
opportunités de l’espace Euro-méditerranéen, et de proposer des
pistes d’amélioration en matière de gouvernance territoriale, de
coopération, de communication, et de politique participative,
pour la construction d’une stratégie de développement
Sahara Green 14
durable méditerranéenne.
Dans la troisième partie, l’analyse du cas concret de la
coopération énergétique, en particulier l’opportunité d’utiliser
l’énergie solaire du Sahara pour répondre aux enjeux qui
intéressent les deux rives de la Méditerranée, apporte un regard
sur les limites des initiatives actuelles, en terme de
communication, de prise en compte des parties prenantes, et de
politique de développement durable. Nous proposons des pistes
d’amélioration qui mettent en avant les bénéfices que cette
coopération peut apporter aux deux rives de la Méditerranée,
afin de gagner l’adhésion de toutes les parties intéressées. Ce
livre présente un nouveau concept qui répond de façon globale
aux défis humains, environnementaux, et économiques de la
Méditerranée.
Sahara Green 15
I) Les enjeux géostratégiques méditerranéens et le défi de l’ « économie verte »
L’analyse de la problématique du développement durable en
Méditerranée, nécessite d’examiner les enjeux d’une meilleure
intégration des pays du pourtour de la Méditerranée dans les
domaines de l’environnement, de l’énergie, et des contraintes
géostratégiques.
Le Nord a de gros besoins énergétiques, entre autre, et envisage
demain de s’approvisionner en électricité verte produite au
Maghreb. Le Sud a, quant à lui, une consommation énergétique
en forte croissance et compte sur le Nord pour le transfert de
technologies.
Malgré ces besoins réciproques, il reste de nombreux obstacles
techniques, économiques, et politiques, pour mener à bien une
stratégie de coopération transméditerranéenne durable, et notre
analyse révèle des contraintes externes issues de la stratégie de
pays extérieurs au bassin méditerranéen, mais qui y ont des
intérêts vitaux.
I.1) Les enjeux géostratégiques euro-méditerranéens
Parmi les enjeux et défis, qui entrent dans le cadre de la
coopération transméditerranéenne, il y a ceux auxquels doivent
faire face ensemble les deux rives de la Méditerranée (pollution
de la Méditerranée, stabilité politique), et ceux qui
Sahara Green 16
n’intéressent que le Nord (migrations, émissions de C02 de
l’UE) ou que le Sud (développement économique et bien être
dans le sud).
Ils peuvent être classés selon quatre catégories :
- Environnement : climat, énergie, eau, pollution et
déchets, désertification, transports ;
- Sociétal : migrations, démographie, démocratie, emploi,
santé, éducation, sécurité ;
- Economique : économie verte, équité macroéconomique
nord-sud ;
- Géopolitique : partenariats Europe / Afrique, intégration
méditerranéenne.
Afin de tenir compte de l’avis des «parties intéressées» sur le
développement humain, des sondages ont été réalisés pour ce
livre (Annexe-1). Selon l’intérêt des parties prenantes aux
questions posées, jusqu’à 251 personnes y ont répondu.
Aux deux sondages ci-dessous, extraits de notre questionnaire
(Annexe-1) et relatifs aux ressentis des parties intéressées sur
les enjeux et défis du bassin méditerranéen, 155 personnes ont
répondu à ceux qui concernent les pays du Nord, et 132
personnes aux enjeux du Sud.
Sahara Green 17
Le graphique ci-dessus montre que les parties intéressées
pensent que les enjeux les plus importants pour les pays du
Nord de la Méditerranée sont : l’énergie (30%) et les migrations
(30%), puis la pollution (18%) et la géopolitique
méditerranéenne (16%).
Celui qui suit montre que les parties intéressées pensent que les
enjeux les plus important pour les pays du Sud de la
Méditerranée sont : l’emploi (50%), puis l’énergie et l’eau
(25%), et enfin la gouvernance et les droits de l’Homme (11%).
Sahara Green 18
Ces sondages confirment le sentiment déjà relevé lors des
entretiens réalisés dans le cadre de la réalisation de ce livre,
notamment avec Mr Luc GNACADJA6, Secrétaire général à
l’ONU, qui a confirmé l’importance de l’intégration
méditerranéenne dans la lutte contre la désertification, mais qui
reste surpris que des sujets aussi importants que la
désertification et la dégradation des terres ne soient pas si
souvent traités dans les forums dédiés au développement
durable du Sud.
Or tout est lié. L’Europe a besoin du sud pour s’alimenter en
«électricité propre» et ainsi remplir son objectif de réduction de
6 Interview dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Luc GNACADJA, Secrétaire
Exécutif de l’UNCCD, Desertification, United Nations.
Sahara Green 19
CO2. Et en développant des projets de coopération durable avec
le Sud, l’UE participe au développement économique de ce
dernier et à sa stabilité politique, tout en oeuvrant pour un
développement durable de l’espace méditerranéen. Ce qui aura
pour effet positif de freiner les migrations climatiques,
économiques, et politiques.
La «coopération méditerranéenne soutenable et équitable» est
donc une stratégie vertueuse, mais qui devrait s’inscrire dans le
cadre d’un espace méditerranéen unifié, avec comme vision
«une économie verte au service du développement humain dans
le respect de la biocapacité».
L’«économie verte» devient ainsi l’un des enjeux majeurs de
l’espace Euro-méditerranéen. Elle vise à concilier amélioration
«du bien-être collectif», et réduction des «atteintes à
l'environnement» et des «prélèvements sur les ressources».
Thomas Robert Malthus 7 a lancé un débat en 1798, sur le
déséquilibre entre les ressources disponibles et l'accroissement
de la population. Que dirait-il aujourd’hui alors que notre
7 MALTHUS T. « An essay on the principle of population ». 1798. Réédition de la
traduction
Sahara Green 20
planète compte presque 7 milliards d'habitants, soit près de sept
fois plus qu'à son époque ?
Pour Adam Smith 8 (1723-1790), la crise malthusienne n’est pas
inévitable, car l’homme peut se sortir d’une crise en utilisant sa
créativité et en laissant le libre marché faire son œuvre.
De l’avertissement de Malthus, et de la théorie néolibérale de
Smith, on peut retenir un enseignement qui alimente les débats
actuels sur l'économie verte.
La théorie de Malthus sur la démographie et la rareté des
ressources, a été mise en défaut, car l’homme par son
ingéniosité a toujours pu repousser les frontières de la pénurie.
Mais cette méconnaissance par Malthus9, du rôle de
l'innovation, ne peut contredire sa théorie qui implique que la
terre est limitée dans sa capacité de production, car notre
capacité à innover n’a essentiellement été utilisée que pour
repousser ces limites. Néanmoins, cette capacité à innover ne
pourra indéfiniment repousser ces limites, car les ressources
offertes par notre planète ne sont pas infinies, et vient s’ajouter
aux craintes de Malthus, le péril climatique.
Il devient donc impératif de prendre en compte les deux
approches de Malthus et Smith, en conciliant relance 8 SMITH A. « An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations »,
Library of Economics and Liberty, 2000 9 RAYSSON V. « La fausse question de la surpopulation », Atlas des Futurs du
Monde, pages 124-125.
Sahara Green 21
économique et respect de l’environnement, car l’homme
consomme aujourd’hui au-dessus de la capacité de la terre à
subvenir aux besoins des générations futures.
Pour sortir par le haut du dilemme «ralentissement de la
croissance» vs «épuisement des ressources», l'UE a fait le pari
du découplage entre la croissance économique et la
consommation des ressources. Elle prône ainsi l’économie
verte10, laquelle ne se réduit pas à la lutte contre le changement
climatique, ou à la découverte de technologies propres, mais
représente la mise en œuvre effective du développement durable
dans l'activité économique.
C'est au XXème siècle que la pression exercée par l'homme sur
les ressources s'est amplifiée dans des proportions inouïes, mais
c'est dans le sillage de la crise de 2008 qu'apparurent les débats
sur l' «économie verte» : à l’ONU (Programme des Nations
Unis pour l’Environnement), à l'OCDE (Stratégies pour une
croissante verte), dans les institutions des grands ensembles
10 In rapport PNUE, « Vers une économie verte, vers un développement durable et une
éradication de la pauvreté, synthèse à l'intention des décideurs », page 1, 21 février
2011.
Sahara Green 22
économiques régionaux : l’UE (Europe 2020), les USA, ou la
Chine11.
Il s’agit de l'économie dans laquelle le développement est
soutenable et équitable. Une économie verte est « à bas carbone,
efficace en ressources et socialement inclusive »12. Mais
comment formuler les effets anthropiques de façon simple et en
faire une évaluation ?
La «tonne d'équivalent CO2», est devenue l’unité de mesure
pour évaluer le principal impact des actions de l'homme sur le
climat, et a facilité l'émergence de modèles13, débouchant sur
des lignes directrices (scénario 450, Agence Internationale de
l'Energie : concentration CO2 dans l'atmosphère limitée à 450
ppm afin de maintenir le réchauffement à 2°C).
Dans le cas de l'épuisement des ressources, notamment des
métaux14 et des énergies fossiles15, les scientifiques ont
11 Le Figaro, « La pollution menace le développement et la stabilité politique de la
Chine », 30/01/2007. 12 In Rapport PNUE. « What is a green economy ? ». Page 16. 13 BADER N., BLEISCWITZ R., « Comparative analysis of local greenhouse gas
inventory Tools ». Collège d'Europe. Avril 2009. 14 RAISSON V. « USDI/USGS Mineral Commodities Summary 2010 », Atlas des
futurs du monde.
Sahara Green 23
rencontré des difficultés méthodologiques de part leur complexe
diversité, mais ont élaboré des méthodes simplificatrices
permettant d'évaluer la pression totale exercée sur les
ressources, telle que «l'empreinte écologique», notion apparue
lors de la conférence de Rio en 1992, puis affinée par
l'association Global Footprint Network.
Appliquée à 7 milliards d'êtres humains, cette empreinte
s'établit à une planète terre et demie, et pourrait atteindre deux
planètes à l’horizon 2040 selon l’ONU.
Parmi les acteurs en pointe dans cette réflexion stratégique,
l’UE s'est distinguée par la publication de plusieurs
communications avec plans d’actions (communications
2011/2516, 2011/2117, 2008/39718, et 2003/57219). Le pari du
15 Meadows D. Rapport Meadows 1972. « The limits to growth » . The 30 year
update ». Club of Rome. 16 Communication 2011/25. « Relever les défis posés par les marchés des produits de
base et les matières premières ». UE. 2011. 17 Communication 2011/21. « Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources –
initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020». Commission européenne. 26
janvier 2011. 18 Communication 2008/397. « Plan d’action pour une consommation et une
production durables et pour une politique industrielle durable ». Commission
européenne. 16 juillet 2008. 19 Communication 2003/572. « vers une stratégie thématique pour une utilisation
durable des ressources naturelles ». Commission européenne, 1er octobre 2003.
Sahara Green 24
découplage que fait l'Union européenne apparaît donc comme
un objectif majeur et ambitieux qui permettrai de sortir par le
haut d'un dilemme dont les deux voies sont inacceptables : «une
économie décroissante qui appauvrirait les individus», ou «une
économie qui continuerait sa route vers des pénuries
prévisibles».
Mais pourquoi n’arrive t’on toujours pas à tirer parti des
convergences et des complémentarités entre les rives de la
Méditerranée ? Il est pourtant crucial pour y promouvoir une
«économie verte», de s’intéresser à la constitution d’un espace
méditerranéen unifié, stable, et prospère.
I.2) Intégration stratégique de l’espace méditerranéen : point
de vue du parlement européen et contraintes externes
Le parlement européen a adopté le 28 avril 2010, une résolution
(2009/2215(INI)), sur l'Union pour la Méditerranée (UfM),
basée sur le rapport réalisé par l’eurodéputé Vincent Peillon.
Cette résolution20 appelle les États à tout mettre en œuvre pour
mettre en route les institutions nécessaires, et progresser dans
tous les chapitres de la coopération euro-méditerranéenne.
20 Parlement Européen, « Résolution du 20 mai 2010 sur l'Union pour la Méditerranée
UfM »,
<http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference
=P7-TA-2010-0192>, 2011
Sahara Green 25
Cependant, l'enlisement perdure pour des raisons qui semblent
être identiques à celles qui entravaient le processus de
Barcelone de 1995 : les tensions régionales de la rive sud
(Sahara occidental, conflit chypriote, conflit israélo-
palestinien). Aussi, le Parlement appelle à ce que les tensions
méditerranéennes ne freinent pas la possibilité d'avancer vers
des coopérations multilatérales, car c’est à travers la réalisation
de grands projets intégrateurs et un dialogue politique ouvert
que l’UfM contribuera à développer un esprit de confiance,
dans un esprit de solidarité et de paix. Le Parlement reconnaît
toutefois qu'il ne pourra y avoir de succès total sans une
résolution des différents conflits régionaux dans le respect du
droit international.
La commission des affaires étrangères du Parlement européen a
ensuite souligné l’importance de cette «union de projets», qui
rassemble un grand nombre de propositions sur les six grands
secteurs stratégiques de l’UfM (protection civile, autoroutes de
la mer et terrestres, dépollution de la Méditerranée, plan solaire
méditerranéen, expansion des affaires en Méditerranée,
université euro-méditerranéenne), tout en soulignant
l’importance d’élargir le champ des coopérations aux domaines
de la culture, de l’agriculture et des migrations. Mais le
Parlement reste préoccupé par l'absence de définition claire de
Sahara Green 26
la politique méditerranéenne de l'UE et de vision stratégique à
long terme. Il faut donc que le processus d'intégration euro-
méditerranéen redevienne une priorité politique dans l'agenda
de l'UE.
L’architecture institutionnelle et fonctionnelle de l'UfM
constitue une autre priorité absolue et devrait prendre en compte
les grands axes suivants :
- un secrétariat doté de moyens adéquats, statutaires et
financiers ;
- un mécanisme de décision, de financement et de mise en
œuvre pour les grands projets ;
- représentation adéquate côté UE et participation active
des autres pays méditerranéens ;
- légitimité démocratique : associer le parlement européen
et les parlements nationaux au processus décisionnel ;
- coopérations multilatérales à géométrie variable, ouvertes
aux pays et institutions souhaitant travailler ensemble ;
- coopération entre secrétariat de l’UfM, commission
européenne, et autres pays méditerranéens : clarification
au plan institutionnel ;
- meilleure visibilité des activités de l'UfM ;
- dialogue renforcé avec les parties prenantes (autorités
locales et organisations) avec participation au processus
décisionnel des projets.
Sahara Green 27
Le Parlement considère également qu’il est essentiel de
renforcer les échanges Sud-Sud car ils ne représentent que 6%
des échanges commerciaux. Or, l'intérêt pour ces pays est de
parvenir à un pôle économique uni, fort et attractif pour les
investisseurs.
Il souligne la nécessité de la création d’une zone de libre
échange Euro-méditerranéenne conforme à l’OMC, et appelle
l'UfM à sélectionner les projets en fonction des besoins socio-
économiques, et de la réduction de l'impact sur l'environnement,
telle que la coopération énergétique, entre autre. Il évoque
l’énorme potentiel des énergies renouvelables, et soutient les
initiatives telles que le Plan Solaire Méditerranéen et les
interconnexions électriques.
Le Parlement rappelle ensuite les objectifs 20-20-20 en matière
de climat (-20% d'émissions, +20% d'économies d'énergie,
+20% d'énergies renouvelables pour 2020) qui auront des effets
sur le mix énergétique des pays de l’UE.
Enfin, il souligne la nécessité d'élaborer des politiques
industrielles visant les économies d'échelle, tout en soutenant
les PME et en renforçant les secteurs à haute technologie.
Sahara Green 28
Tous ces objectifs convergent vers la Coopération
Transméditerranéenne Industrielle en matière d’électricité verte.
Mais ils ne tiennent pas compte des contraintes géopolitiques
extérieures à intégrer dans les stratégies d’intégration de
l’espace euro-méditerranéen.
François Scheer 21 a déclaré, au Forum Mondial du
développement durable, qui s’est déroulé les 27 et 28 juin 2011,
à l’Ecole Militaire de Paris : «Aucune des entreprises impériales
qui ont tenté de rassembler les peuples méditerranéens, n’est
venue à bout des divisions qui aujourd’hui encore, demeurent
comme autant de lignes de fracture entre ces peuples. Et
pourtant, sans une Méditerranée rassemblée, aucun de ces
peuples ne peut prétendre relever la somme des défis qui les
assaillent en ce début de 21ème siècle. Pour la première fois dans
l’histoire de l’espace méditerranéen, une évidente communauté
d’intérêts entre les rives de cet espace peut conduire à la mise
place de partenariats librement consentis, qui seuls
permettraient à l’Europe, à l’Afrique et au Moyen-Orient de ne
pas perdre pied dans un monde multipolaire dont le centre de
gravité s’est déplacé dans le Pacifique. Encore faut-il ne pas
trop tarder du côté européen, car à la faveur de la
21 Interview réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre : François Scheer
(Ambassadeur de France, Conseiller d’Areva)
Sahara Green 29
mondialisation, d’autres partenaires se pressent aujourd’hui
dans cet espace pour contrecarrer les ambitions européennes.»
L’espace méditerranéen, est-il donc une zone où les puissances
qui prétendent avoir une influence mondiale se côtoient,
s’épient et se concurrencent ?
Durant ce forum, Denis Simmoneau 22 a dressé un vaste tableau
de ces différentes influences, et Mohammed Tawfik Mouline 23
a souligné la présence croissante des pays émergents. Durant
cette conférence, plusieurs personnalités et professeurs émérites
sont intervenus, et nous avons pu retenir comme marquantes, les
quatre influences suivantes.
La Turquie a une forte ambition régionale, en laquelle certains
voient poindre un impérialisme néo-ottoman, alors que d’autres
y voient un allier de poids et reconnaissent que sa volonté
d’influence bénéficie d’atouts majeurs : son identité
musulmane, sa force militaire, ses talents d’exportateur, son
ouverture à la modernité, des institutions démocratiques
susceptibles de séduire les jeunes africains épris de changement.
22 Denis Simonneau. Conseiller diplomatique, membre du comité exécutif de GDF-
SUEZ, directeur des relations européennes et internationales. Forum Mondial du
développement durable, 28 Juin 2011, Paris. 23 Mohamed Tawfik Mouline, Directeur général de l’IRES. Forum mondial du
développement durable, 28 Juin 2011, Paris
Sahara Green 30
La Turquie peut être un acteur essentiel de la coopération nord-
sud et pour l’UE, un allié de premier plan dans la création d’une
«macrorégion de la Méditerranée». Celle-ci, évoquée par
l’Amiral Jacques Lanxade24, semble très pertinente, à condition
qu’elle puisse aboutir rapidement.
La Chine développe sa présence dans la zone, car les ressources
naturelles du continent africain lui sont vitales. Bien que Jean-
Claude Lévy25 ait relativisé son influence actuelle, il n’en
demeure pas moins que ses atouts sont importants :
«l’exceptionnelle qualité de sa diaspora et le fait que, faute d’un
passé historique commun, elle ne suscite aucun ressentiment
dans les sociétés africaines». Il faut cependant noter que la
Chine, par son aptitude à produire à faible coût, peut constituer
un concurrent redoutable pour l’industrie africaine naissante.
Les Etats-Unis apprennent fort bien à maîtriser leur arrogance et
ils réévaluent leurs intérêts dans la zone, mais leur présence
maritime reste porteuse d’une force militaire considérable.
24 Amiral Jacques Lanxade, Président de la fondation méditerranéenne d’études
stratégiques. Forum mondial du développement durable, 28 Juin 2011, Paris 25 Jean-Claude LEVY, conseiller spécial auprès du délégué pour laction extérieure des
collectivités locales, MAEE. Forum mondial du développement durable, 28 Juin
2011, Paris.
Sahara Green 31
La France, compte tenu de son passé et aussi du lien
exceptionnel que constitue la francophonie, se sent très
concernée par le maintien de la stabilité sur une partie du
continent africain. Elle ne s’interdit pas les interventions
militaires, et les risques d’enlisement des conflits existent, ce
qui pourrait aggraver le ressentiment anticolonialiste des
populations.
A ces analyses extraites des discours de spécialistes reconnus,
nous ajouterons l’Allemagne, première puissance économique
de l’espace euro-méditerranéen, et qui a du mal à trouver sa
place, entre, d’une part les pays de l’Est, dont elle doit supporter
le poids du développement, et d’autre part, la Méditerranée dont
elle n’est pas riveraine, mais en laquelle elle voit un espace
prometteur. Elle refuse donc toute construction méditerranéenne
sans elle, et a mis son véto contre la création d’une Union
Méditerranéenne composée uniquement des pays du bassin
méditerranéen, ce qui a conduit à la création d’une union de
projets plutôt qu’une véritable Union. L’Allemagne, a ensuite
saisit l’occasion de multiplier les projets de coopération avec les
pays du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique, tels que le projet
DESERTEC par exemple.
Cette analyse montre l’urgence pour l’UE de réaliser
l’intégration méditerranéenne, préalable à la mise en place
Sahara Green 32
efficace d’une politique de développement durable visant à
promouvoir une «économie verte» en Méditerranée. Et pour
aider à définir une politique efficace, il est nécessaire de
cartographier le niveau de développement durable en
Méditerranée.
I.3) Analyse de la situation du bassin méditerranéen sur
la voie du Développement Durable
1.3.1) Méthodologie et cadre géographique de l’analyse
Cette analyse nécessite l’étude d’un grand territoire composé
des pays de l’UE, des pays méditerranéens, et de l’Afrique
subsaharienne. Afin de simplifier notre étude, mais sans y
enlever sa substance, nous avons choisi de la focaliser sur un
cadre géographique déjà utilisé pour ce type d’étude, le
«dialogue 5+5»26 composé de cinq pays du nord de la
Méditerranée et cinq du sud, mais que nous élargissons à deux
pays, la Turquie et l’Allemagne, dont l’influence en
Méditerranée est incontestable. Nous appellerons ce cadre
géographique «groupement 6+6», que nous complèterons par
l’Afrique subsaharienne si nécessaire.
26 V E D R I N E H u b e r t , L e c e r c l e d e s é c o n o m i s t e s , 5 + 5 = 3 2 : F e u i l l e
d e r o u t e p o u r u n e U n i o n m é d i t e r r a n é e n n e , P e r r i n , F r a n c e , 2 0 0 7
Sahara Green 33
Les enjeux géostratégiques identifiés seront classés en plusieurs
groupes, géopolitique, économique, social, et environnemental,
et seront analysés suivant les trois axes environnement, énergie,
et développement, à travers le prisme des cinq finalités du cadre
de référence français de l’Agenda21 :
- Lutte contre le changement climatique et protection de
l’atmosphère
- Conservation de la biodiversité, protection des milieux et des
ressources
- Cohésion sociale et solidarité entre territoires et entre
générations
- Epanouissement de tous les êtres humains
- Développement suivant des modes de production et de
consommation responsables.
La déclinaison opérationnelle de ces finalités vise à une
amélioration continue des territoires à long terme et s’appuie sur
l’adaptativité des choix de développement et la solidarité.
L’analyse du contexte du développement durable en
Méditerranée sous l’angle de l’Agenda21, nous apporte ainsi un
regard selon une approche territoriale. Mais afin d’éclaircir sa
grille de lecture, elle se fera selon trois axes traduisant la
«qualité du développement humain», l’ «insécurité
économique», et la «menace du dépassement écologique».
Sahara Green 34
Mahbub Ul Haq (1934-1998), fondateur du rapport mondial sur
le développement humain, disait : «L’objectif du
développement est de créer un environnement favorisant
l’épanouissement pour que les gens puissent jouir d’une vie
longue, saine et créative. Mais traduire dans les faits ces
objectifs exige que le progrès soit équitable et bénéficie à tous,
en s’assurant que les succès du présent ne sont pas acquis au
détriment des générations futures».
Les douze pays de notre cadre géographique, seront donc
comparés sur plusieurs composantes clés du bien être et de la
préservation de l’écosystème à travers les indices de
Développement Humain (IDH) et de l’Empreinte Ecologique, et
leurs composantes telle que l’autonomisation, la vulnérabilité, la
soutenabilité et la durabilité, entre autre.
1.3.2) Etude comparative basée sur le Développement Humain
Deux finalités de l’Agenda21 français, «cohésion sociale et
solidarité entre territoires et entre générations», et
«épanouissement de tous les êtres humains», transparaissent
dans l’indice de développement humain IDH. Mais, le
développement humain n’est pas seulement affaire de santé,
d’éducation et de revenu. Il implique également l’engagement
actif des citoyens dans le façonnement du développement, de
l’équité et de la soutenabilité. Le graphique ci-dessous que nous
Sahara Green 35
avons réalisé à partir de données issues des Nations Unis27 et de
la Banque Mondiale28, montre qu’il existe de fortes disparités
entre les deux rives, mais ne permet pas d’en tirer d’autres
conclusions.
Nous constatons en effet que cet indice met au même niveau la
Turquie et la Tunisie, et place la Libye en bonne position.
D’autre part, selon la Banque Mondiale, approximativement un
quart des pays dans le monde ont un IDH élevé mais une faible
durabilité, et une tendance similaire bien que moins soutenue
concerne les libertés politiques.
Indice Développement Humain Rang
Développement Humain
27 UNDP, « Human Development Reports », <http://hdr.undp.org/en/countries>, 2011 28 The World Bank, « Data », <http://data.worldbank.org/country>, 2011
Sahara Green 36
Graphique réalisé à partir de données issues du programme de
l’ONU (PNUD)
L’indice IDH ne permet donc pas à lui seul de faire un
comparatif sur le «développement humain», et il convient donc
d’analyser plusieurs de ses composantes.
Les changements contribuant à l’autonomisation intègrent de
nettes améliorations en matière éducative, qui ont renforcé la
capacité des individus à prendre des choix avertis et à tenir les
gouvernements pour responsables. Cette autonomisation s’est
élargie grâce à la technologie : téléphonie mobile, télévision par
satellite, accès à l’Internet ; ce qui a augmenté la capacité à
exprimer des opinions. Les évènements actuels au Moyen
Orient, en Afrique du Nord, ou en Angleterre semblent le
confirmer.
La crise actuelle, la plus sévère depuis 1928, a révélé la fragilité
de certaines réussites économiques. Le risque d’une dépression
« à deux creux » demeure et un rétablissement complet pourrait
prendre plusieurs années. En témoignent les récentes actualités
sur la dette des états, en particulier celles de la Grèce et des
USA, et qui ont provoqué début Aout 2011, de très violentes
turbulences sur les marchés boursiers.
Sahara Green 37
Mais le plus grand défi pour la perpétuation du progrès en
matière de développement humain vient sans doute du manque
de soutenabilité des modes de production et de consommation.
Rendre le développement humain soutenable implique de
réduire le rapport entre croissance économique, émission de gaz
à effet de serre, et consommation de matières premières.
L’analyse des composantes de l’IDH peut donc orienter la
formulation des politiques de développement durable et les
débats qui les entourent.
Selon la Banque Mondiale, toute faiblesse importante d’IDH du
fait de l’inégalité, montre que renforcer les réformes sur l’équité
apporterait des bénéfices. Un indice de pauvreté élevé couplé à
un faible niveau de pauvreté monétaire, révèle qu’il y aurait à
gagner dans l’amélioration des prestations de services publics
de base.
Dans le tableau ci-dessous réalisé dans le cadre de l’élaboration
de ce livre, à partir des données 2010 récupérées auprès du
PNUD9, le volet «durabilité et soutenabilité» est analysé à
travers le «taux d’épargne net ajustée». Pourcentage du Revenu
National Brut, ce taux appelé TENA représente le taux
d'épargne dans une économie, après avoir tenu compte des
investissements en capital humain, de l'épuisement des
ressources naturelles et des dommages dus à la pollution. Un
Sahara Green 38
TENA négatif indique que la richesse totale est en baisse et que
l'économie se situe sur une trajectoire de croissance non
soutenable. Plus cet indice est élevé, et plus l’économie est dite
«soutenable».
Le tableau ci-dessous révèle que le peloton de tête des pays
ayant l’économie la plus soutenable est composé de l’Algérie,
suivi du Maroc, puis de l’Allemagne. Le peloton intermédiaire
est composé de l’Espagne, la France, l’Italie, la Turquie, la
Tunisie. Le restant des pays de notre panel se trouvant en queue
de peloton.
On constate également qu’il ne suffit pas d’avoir une économie
soutenable pour être dans le meilleur rang du développement
humain. L’Algérie ayant l’indicateur de soutenabilité le plus
élevé du panel, n’a pas le meilleur rang en terme d’IDH. A
l’inverse, la France est très bien classée en terme de
développement humain, mais se retrouve dans le milieu du
classement pour ce qui est de la soutenabilité de son économie.
Sahara Green 39
Sahara Green 40
L’indice d’inégalité de genre montre quant à lui, que l’inégalité
homme-femme est plus élevée au Sud qu’au Nord. Les pays du
Sud gagneraient certainement en Développement Humain,
nécessaire à une bonne coopération Nord-Sud, s’ils mettaient en
place des politiques incitant l’amélioration de la place de la
femme dans la société civile et la sphère privée avec pour
objectif une égalité totale entre la femme et l’homme en termes
de droits et devoirs.
Concernant la pauvreté, seuls le Maroc et la Mauritanie sont
mal classés. C’est ce qui contribue certainement à les
positionner dans le peloton de queue du classement IDH.
1.3.3) Etude comparative basée sur la soutenabilité et la durabilité
Il existe un lien intime entre vulnérabilité et soutenabilité.
Dans le contexte du développement humain, la «vulnérabilité»
est associée à la possibilité du déclin : perte d’emploi pour les
individus, catastrophe naturelle pour les communautés, crise
financière pour les pays, en autre.
Quant à la notion de «soutenabilité», elle implique que les
améliorations du développement humain peuvent être
soutenues. En 1987, la Commission Brundtland définissait le
développement soutenable comme «celui qui répond aux
Sahara Green 41
besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs».
Les finalités suivantes, extraites de l’Agenda21 français,
illustrent la nécessité, dans le bassin méditerranéen et en
Afrique, de lutter contre la vulnérabilité, et de favoriser la
soutenabilité :
- Conservation de la biodiversité, protection des milieux et des
ressources
- Développement suivant des modes de production et de
consommation responsables
- Lutte contre le changement climatique et protection de
l’atmosphère
Ils montrent la nécessité de mettre en place des choix politico-
économiques forts qui favorisent l’avènement de l’économie
verte.
L’objectif du progrès social et de l’épanouissement de chacun
doit orienter les choix économiques et l’innovation, par la prise
en compte d’une consommation et d’une production moins
polluantes, et moins consommatrices en ressources naturelles.
Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique nécessite
de limiter l’augmentation de la température moyenne à 2°C par
rapport à l’ère préindustrielle, ce qui suppose de diviser par
Sahara Green 42
deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2050
par rapport aux niveaux de 1990.
L’effort doit être collectif, mais les objectifs individuels adaptés
à chaque pays. La décision 406/2009/CE29 du parlement
européen fixe les objectifs des États membres pour la période
2013-2020. Les limites de ces émissions fixées pour 2020, aux
six états européens du «groupement 6+6», par rapport aux
niveaux de 2005, sont : «Allemagne -14%», «Espagne -10%»,
«France -14%», «Italie - 13%», «Malte +5%», «Portugal
+1% ».
Prévenir les effets du réchauffement orientera les choix de
développement territorial et obligera à prendre des mesures
d’adaptation dans tous les domaines, notamment celui de
l’énergie.
Afin de traiter ces notions de vulnérabilité et de soutenabilité,
cette étude comparative se focalisera sur l’ «insécurité
économique» et le «dépassement écologique».
29 Journal officiel de l’UE, « Limitation des émissions de CO2 des pays de l’UE », <
http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:140:0136:0148:FR:PDF >,
2009
Sahara Green 43
Insécurité économique
La production mondiale continue d’augmenter par rapport au
niveau d’avant crise. Les estimations du PNUD indiquent
également que l’espérance de vie et la scolarisation continuent
d’augmenter, résultant en un IDH mondial qui s’améliore et
atteint 0,68 en 2010, soit 2% de plus qu’en 2007. Cependant,
dans le Nord, l’IDH n’a que légèrement augmenté, les chutes
importantes des revenus ayant fait contrepoids aux gains en
matière de santé et d’éducation.
Dans le même temps, la crise a propulsé la réglementation des
marchés sur le devant de la scène et soulevé des questions
d’importance majeure concernant la soutenabilité du boom
économique des années 2000. Et l’UE peine à réformer le
système financier. Les USA ont bien règlementé les contrats
dérivés qui furent à l’origine de la crise, et l’Allemagne a
interdit les ventes à découvert. Mais cela n’a pas empêché le
retour de la crise durant l’été 2011, et la destruction d’emplois,
ce qui représente pour le plus grand nombre l’un des
événements les plus importants pouvant nuire à leur
développement humain.
Ainsi, toute analyse de la vulnérabilité devrait-elle examiner
attentivement l’insécurité de l’emploi et les sources d’instabilité
économique.
Sahara Green 44
Le chômage s’est donc brutalement aggravé, et la hausse des
prix des denrées de base a entrainé bien des familles dans la
pauvreté ; plusieurs millions d'individus se sont retrouvés au
dessous du seuil de pauvreté de 1,25 $ par jour. En 2010, le
chômage a atteint une moyenne de 9% dans les pays
développés, avec une pointe de 20% en Espagne.
Par ailleurs, la reprise amorcée en 2010, est loin d’être garantie :
le risque d’une récession en deux temps est d’actualité, et une
reprise totale pourrait prendre plusieurs années. La rechute des
marchés boursiers début août 2011 est là pour nous le rappeler.
La dégradation de la note Américaine dont la dette n’est plus
cotée AAA par Standards & Poors, la crise de la dette Grecque,
et les graves émeutes en Angleterre ne rassurent pas non plus.
Ceci met en évidence l’importance du niveau de dettes
(publique et privée) d’un Pays dans le volet économique du
développement durable. Comment un Pays, peut-il œuvrer en
faveur d’un développement économique équitable et soutenable,
s’il laisse aux générations futures le soin de rembourser les
dettes actuelles ?
Des interventions politiques imaginatives et d’énormes stimuli
financiers dans de nombreux pays, alliés à une coordination
mondiale rapide, ont permis d’éviter temporairement une crise
de plus grande ampleur, mais nous sommes aujourd’hui à un
tournant, car les marges de manœuvre des états et des banques
Sahara Green 45
centrales se sont considérablement réduites. Et il sera de plus en
plus difficile d’assurer un avenir aux futures générations si les
états ne baissent pas drastiquement leurs déficits.
Quelques pays ont réussi à s’imposer une gestion responsable
des deniers publics. On peut citer un pays européen, la Suède, et
un pays du sud de la Méditerranée, l’Algérie. Ce pays a eu
l’audace et l’intelligence de se débarrasser de sa dette, et se
retrouve aujourd’hui dans la petite liste des pays très faiblement
endettés. Mais ceci est dû à ses ressources en hydrocarbures qui
ont fortement augmenté, et aujourd’hui, sa balance commerciale
penche dangereusement du mauvais côté, à cause de son
économie basée essentiellement sur le pétrole et le gaz. Faute de
relais, l’Algérie importe une énorme partie des biens
consommés par ses citoyens. Il s’agit donc bien d’une économie
non soutenable, et l’Algérie, autant que ses voisins, a besoin de
favoriser le développement d’une économie diversifiée et
propre.
L’économie verte en Méditerranée par l’inclusion des principes
du développement durable s’avère donc vital, non seulement
pour l’aspect environnemental, mais également pour les volets
économique et social.
Notre sondage (voire figure du chap. I.1) révèle par ailleurs que
près de la moitié des personnes interrogées estiment que l’enjeu
le plus important est celui de l’économie et de l’emploi. Ces
Sahara Green 46
préoccupations au sujet de la sécurité de l’emploi ont bien incité
la plupart des gouvernements à se pencher sur la question, mais
la couverture et les prestations sociales sont souvent partielles et
inadéquates. En l’absence de protection sociale, les individus
qui perdent leur emploi doivent intégrer l’économie informelle,
où les salaires sont inférieurs et la vulnérabilité accrue, tel que
nous pouvons le constater dans le bassin Méditerranéen.
Les effets des crises sur le développement humain vont
évidemment plus loin que les revenus. Les familles pauvres
peuvent décider de déscolariser leurs enfants, au détriment des
débouchés futurs. Les crises économiques font augmenter la
mortalité et la malnutrition infantiles, les retards de croissance
entraînant des coûts très élevés sur le long terme. Les
estimations suggèrent qu’en Afrique, au moins 50.000 enfants
mourront à cause de la crise financière récente, notamment dans
la corne de l’Afrique. Les effets néfastes peuvent s’étendre à
des hausses du nombre d’enfants des rues, des taux de suicide et
de criminalité, des abus et violences domestiques, ainsi que des
tensions ethniques.
Tandis que certains pays en développement, qui disposent
aujourd’hui d’une plus grande marge de manœuvre, ont cette
fois protégé leurs budgets sociaux, d’autres pays d’Afrique
subsaharienne voient leur pouvoir d’achat diminuer d’un tiers.
Sahara Green 47
Et alors que les USA30 et la Chine31 (120 milliards USD
d’échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique
subsaharienne en 2010) investissent en Afrique, l’Europe reste
en retard.
Car, même si la croissance des pays africains n’est pas aussi
importante que celles de la Chine ou de l’Inde, elle reste quand
même plus enviable que celle des pays de l’UE.
Et, c’est dans l’Afrique (Afrique du Nord et Afrique
Subsaharienne), plus proche et accessible que l’Asie, et
possédant une grande partie des ressources de la planète, qu’il
faut aller chercher la croissance future de l’UE. Le Président du
Groupe de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a clôturé sa
tournée africaine en août 2009, en affirmant que «malgré les
difficultés issues de la crise, l’Afrique pouvait connaître un
siècle de croissance et d’opportunités»32.
C’est donc une réelle opportunité pour l’UE, que de promouvoir
le développement durable en Méditerranée et en Afrique, en
30 Interview de Hilary Clinton, RDC, « Investir en Afrique : opportunité de croissance
pour les USA, http://www.laconscience.com », 2011 31 Conjoncture, « Comment la Chine soutient la croissance africaine »,
www.lefigaro.fr, 2011 32 ZOELLICK R., Président de la Banque mondiale, « Un siècle de croissance et
d’opportunités en perspective pour l’Afrique », <http://web.worldbank.org>, 2011.
Sahara Green 48
investissant dans l’économie verte, ce qui serait une réponse à
l’insécurité économique ressentie par les européens.
La menace du « dépassement écologique »
La principale menace qui pèse sur le développement humain
provient de l’insoutenabilité des modes de production et de
consommation. Le lien étroit entre croissance économique,
émissions de gaz à effet de serre (GES), et surconsommation
doit donc être rompu.
Certains pays développés ont commencé à atténuer les pires
effets en élargissant le recyclage et en investissant dans les
transports en commun et les infrastructures. Cependant, la
majorité des pays en développement sont gênés dans leurs
efforts par les coûts élevés de l’énergie propre.
Les pays développés du nord de la Méditerranée doivent donc
donner l’exemple en matière de découplage et soutenir la
transition des pays du sud vers un développement humain
soutenable.
Les premiers travaux du PNUD traitaient habituellement des
menaces environnementales, et se sont penchés plus récemment
sur le changement climatique et la pénurie d’eau. Des études ont
abordé ces problèmes, certaines d’un point de vue international
(le changement climatique) et d’autres d’importance locale
Sahara Green 49
(l’énergie et les ressources d’eau). Cependant, un des défis de la
soutenabilité, celui de l’utilisation des ressources et de leur
répartition mérite une attention particulière face aux menaces
courantes.
Comment aborder les divergences observées entre les hausses
de l’IDH et les indicateurs environnementaux ? Comment les
prescriptions stratégiques pour l’économie verte peuvent-elles
prendre en compte développement durable et redistribution ?
Une partie de la difficulté en ce qui concerne la soutenabilité au
niveau mondial et national réside dans la notion de mesure.
Certains analystes préconisent une mesure exhaustive de la
soutenabilité, qui détermine si l’économie appauvrit à la fois les
actifs naturels et les actifs matériels, tandis que d’autres
préconisent de séparer la soutenabilité environnementale
d’autres types de soutenabilité. Ils sont donc en désaccord sur la
question de savoir si une accumulation d’actifs matériels peut
compenser la dégradation de l'environnement.
Le taux d’épargne net ajusté (TENA) de la Banque mondiale
repose sur une mesure du capital synthétisant tous types
d’actifs, partant du principe qu’ils peuvent se substituer les uns
aux autres. Tandis que les empreintes carbone et écologique du
Global Footprint Network et l’indice de soutenabilité
Sahara Green 50
environnementale de l’Université de Yale33 se concentrent
uniquement sur l’environnement, mais montrent néanmoins que
le monde est devenu moins soutenable.
De 1970 à 2008, le TENA mondial a chuté de moitié, de 19%
du RNB à 7%, tandis que les émissions de CO2 ont doublé. La
situation pose des défis énormes, et il est impératif que les pays
à faible IDH atteignent des niveaux de croissance et des revenus
convenables, mais la croissance verte dépendra avant tout de la
richesse des idées et des innovations technologiques.
Notre étude comparative, sur l’origine des effets anthropiques,
utilise également «l'empreinte écologique», qui comptabilise la
demande exercée par les hommes envers les «services fournis
par la nature». Cet indicateur mesure les surfaces de terre et
d´eau biologiquement productives, nécessaires pour produire les
ressources de consommation et pour absorber les déchets
générés. Il s´efforce ainsi de répondre à une question
scientifique précise, et non à tous les aspects de la durabilité, ni
à toutes les préoccupations environnementales ; il part de
l'hypothèse que la capacité de régénération de la Terre pourrait
33 Yale & Columbia Universities, « Environmental Sustainability Index »,
http://www.yale.edu/esi/ESI2005_Main_Report.pdf, 2011
Sahara Green 51
être le facteur limitant pour le développement humain, en cas de
surexploitation de ce que la biosphère est capable de renouveler.
Tel que souligné au chapitre 1.2, nous vivons dans un monde
fini où la population croît, et plus l’empreinte anthropique est
large, plus on s’éloigne de l’optimum de soutenabilité et de
durabilité du développement. Cet écart, le «dépassement
écologique», signifie que l´on déprécie du capital naturel (en
puisant dans les stocks plutôt que dans le surplus généré), ou
que l´on accumule des déchets dans l´environnement (plus que
ce que la nature peut assimiler).
Il peut être évalué en soustrayant la «biocapacité» de
l’ «empreinte écologique», à partir du tableau ci-dessous, réalisé
dans le cadre de l’élaboration de ce livre, à partir de données
issue de la banque mondiale, de l’ONU, et du « footprint
network »34.
Le tableau qui suit montre ainsi une partie des indicateurs
utilisés pour cette étude, destinée à fournir une réponse à la
question « Les pays Méditerranéens progressent-ils sur la voie
du développement durable ? ».
34
Footprint Network, « Ecological Footprint Atlas »,
<http://www.footprintnetwork.org/images/uploads/Ecological_Footprint_Atlas_200
9.pdf, 2011
Sahara Green 52
Sahara Green 53
I.4) Résultats de l’étude. Vers quels partenariats durables ?
En analysant la problématique du développement durable en
Méditerranée, à partir des bases de données du PNUD, du
Gobal Footprint Network, de la Banque Mondiale, de FAO-
Aquastat, et de United Nations Statistical Division, cette étude
permettra également de répondre à la question «Vers quels
partenariats durables ?». Pour faciliter la lisibilité des résultats
ceux-ci sont présentés sous la forme de réponse aux questions
ci-dessous.
Progrès des pays méditerranéens sur la voie du développement
durable ?
Les trajectoires des pays méditerranéens selon les axes
socioéconomique et environnemental représentés par l’IDH et
l’EE (empreinte écologique), sont habituellement analysées en
prenant comme hypothèse que la situation d’un pays est
compatible avec le développement durable si son IDH est
supérieur à 0,8 et que son EE est inférieure à la moyenne
globale de la «biocapacité disponible par habitant» de 1,8
hectare.
En 2007, aucun pays méditerranéens n’est en situation de
développement durable. Seul l’EE du Maroc est inférieure à 1,8.
Et de 2000 à 2007, tous les pays augmentent leur EE, excepté
Malte. Deux groupes de pays de notre panel se distinguent et
correspondent à la classification des pays utilisée par la Banque
Sahara Green 54
Mondiale :
- PSEM (pays Sud et Est de la Méditerranée) : revenu
intermédiaire (RNB par habitant en 2007 de 936 à 11 455
USD) avec IDH et EE faibles, mais avec IDH qui
s’améliore ;
- pays de l’UE : revenu élevé (RNB ≥ 11 456 USD en
2007) avec IDH et EE élevés.
Le défi des PSEM sera donc de poursuivre leur développement
économique en accroissant leur IDH sans augmenter l’EE,
tandis que celui des pays membres de l’UE sera de diminuer
l’EE en maintenant l’IDH à un niveau élevé.
Les écarts des revenus entre le Sud et le Nord de la
Méditerranée se réduisent-ils ?
En 2009, le revenu annuel moyen par habitant dans les PSEM
(8000 USD) est 3,5 fois inférieur à celui de l’UE, qui représente
plus de 68 % du Produit Intérieur Brut (PIB) méditerranéen.
Bien que les taux de croissance du PIB dans les PSEM sont
supérieurs à ceux des pays méditerranéens de l’UE, ils restent
faibles au regard de leur croissance démographique. La part du
PIB de la Méditerranée dans le PIB mondial a enregistré un
léger recul en l’espace de 15 ans, passant de 13,5 % en 1990 à
11,5 % en 2009. Or dans le même temps, la population de la
Méditerranée a gardé une part constante dans la population
mondiale (autour de 7%).
Sahara Green 55
Le bien être social progresse t-il autant en Méditerranée que
dans le reste du monde ?
En Méditerranée, l’IDH est en constant progrès depuis 1980.
Avec un IDH moyen de 0,734 en 2010, la région
Méditerranéenne se situe au dessus de la moyenne mondiale
(0,624). Cependant, tel que présenté au chapitre I.4.2, de fortes
disparités entre les rives Sud et Nord sont observées.
L’espérance de vie à la naissance présente un écart de plus de
dix ans, entre les deux rives. Les écarts en terme de taux brut de
scolarisation combiné sont de l’ordre de 35%.
Quel est l’impact des activités humaines sur l’environnement ?
Tous les pays méditerranéens de notre panel enregistrent un
déficit écologique en 2007, excepté la Mauritanie. Le capital
environnemental de la région est dépensé plus vite qu’il ne se
renouvelle (2.5 pour la région méditerranéenne vs 1.5 planète).
De 1995 à 2007, l’EE a diminué à Malte, et depuis 2000 en
France. En 2007, l’EE globale des pays méditerranéens a atteint
1,5 milliards d’hectares globaux (gha) soit près de 8,4% de l’EE
mondiale alors que la population méditerranéenne est de 7 % de
la population mondiale. L’EE méditerranéenne (3,3 gha/hab) est
donc supérieure à l’EE mondiale (2,7 gha/hab). Le Déficit
Ecologique (DE) du bassin méditerranéen (2 gha/hab) est 2 fois
supérieur au DE mondial (0,9 gha/hab). L’EE des pays du Nord
Sahara Green 56
(4,5 gha/hab) ainsi que leur DE (2,7 gha/hab), sont très
important, plus de 2 fois celui des PSEM. Les écarts entre les
pays en termes de «DE / unité de PIB» sont alors inversés. La
France consomme 160 gha par millions USD, l’Italie en
consomme 179, et l’Algérie 228.
L’efficience d’utilisation de l’eau 35, s’améliore t’elle ?
L’efficience totale d’utilisation de l’eau en Méditerranée va de
40-50% (Italie, Tunisie, Turquie) à 60%-70% (Algérie,
Espagne, France, Libye). C’est l’une des plus fortes asymétries
du bassin méditerranéen. Dans certains pays (Maroc, Tunisie,
Italie) l’efficience de l’eau d’irrigation est plus faible que celle
de l’eau potable, alors que c’est l’inverse pour Malte. Pour la
France et l’Espagne, elles sont presque équivalentes. Depuis
1995, la plupart des pays ont apporté des progrès importants en
matière d’efficience, mais il reste du chemin à parcourir.
La demande en eau se modère t-elle ?
La part de l’eau agricole reste importante dans tous les pays,
souvent supérieure à 50 % et atteint près de 90 % au Maroc. Les
quantités d’eau agricole utilisées pour produire 1000 USD de
valeur ajoutée agricole sont d’environ 300 m3 en Tunisie, autour
de 500 m3 au Maroc et 1900 en Libye. Il y a donc de fortes
35 FAO-Aquastat, http://www.fao.org/nr/water/aquastat/main/indexfra.stm, 2011
Sahara Green 57
disparités au Sud. La demande en eau potable par habitant
couvre un large éventail, d’environ 40 m3/an/hab (100
litres/jour) au Maroc et en Tunisie à près de 140 (400 litres/jour)
en Italie. Cela montre qu’il est difficile de découpler la
croissance du PIB et la consommation d’eau.
Les pressions sur les ressources en eau naturelles
renouvelables diminuent-elles ?
Les pays méditerranéens peuvent se classer selon l’indice
d’exploitation (pression de la consommation sur la quantité
renouvelable en eau) en trois groupes :
1- très forte tension (prélèvements > volume renouvelable
de l’eau) : Malte, Libye ;
2- forte tension (prélèvements < volume renouvelable),
mais avec indice d’exploitation supérieur à 25% :
Tunisie, Maroc, Algérie, Espagne ;
3- tension moyenne : indice d’exploitation < 25% : Italie,
Turquie, France.
La situation au regard des ressources disponibles par habitant
est légèrement différente :
1- pays en situation de pénurie : ressource annuelle < 500
m3/hab : Malte (80 m3/hab), Libye, Algérie et Tunisie
(400 m3/hab).
2- pays pauvres en eau : ressource annuelle entre 500 et
1000 m3/hab : Maroc (700).
Sahara Green 58
3- pays considérés comme riches en eau : ressource
annuelle > 1000 m3/hab.
L’accès à l’eau potable augmente-t-il ? 36
La proportion de la population disposant d’un accès durable à
une source d’eau améliorée est de plus de 80% dans la majorité
des pays méditerranéens en 2008. Les pays de l’UE, ont déjà
atteint un taux d’accès à l’eau potable égal à 100 %. Dans les
zones rurales, plus de 23 millions de méditerranéens (du sud),
n’ont pas accès à l’eau potable en 2008. De 1990 à 2008, le
Maroc, la Tunisie, et la Turquie affichent des progrès
encourageants, mais pas l’Algérie. L’accès à l’eau potable en
zone urbaine se situe à un niveau élevé, plus de 97 %, dans la
plupart des pays. Il se situe entre 85% et 95 % en Algérie.
L’accès à l’eau potable dans les PSEM (93 %) est supérieur à la
moyenne mondiale. C’est également le cas pour l’accès en zone
urbaine (96 %) et en zone rurale (88%).
Progresse t-on dans l'utilisation rationnelle de l’énergie ?
Alors qu’un début de découplage partiel entre consommation
d’énergie et développement économique est observable au
niveau mondial et européen (depuis 2000, la croissance de la
consommation d’énergie est 2 fois moins rapide que celle du 36 United Nations Statistical Division, « The Millennium Indicators Database ».
http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Data.aspx, 2011
Sahara Green 59
PIB), ce n’est pas le cas en Méditerranée où l’on observe plutôt
une parité, notamment dans le sud. L’ «intensité énergétique»
(IE) en 2008 des pays méditerranéens (135 kep/1000 USD) est
supérieure au niveau moyen européen (123), et en dessous du
niveau mondial (183). Mais les disparités entre les pays restent
importantes, même à niveau de revenu équivalent. Ainsi l’IE en
Tunisie atteint 150, tandis qu’elle est inférieure à 100 à Malte.
Dans les pays à très forte consommation (rive Nord), les gains
en IE, s’ils sont suffisants, pourraient aussi se traduire par un
ralentissement de la croissance de la consommation d’énergie
par habitant. Celle-ci est encore très importante dans les pays
méditerranéens de l’UE (3550 kep/hab) et atteint même 4280 en
France. La consommation d’énergie dans les PSEM est
inférieure à 1500 kep/hab (Moyenne mondiale 1800) mais les
taux de croissance sont très différents selon les pays.
La part des énergies renouvelables progresse t-elle ?
La part des énergies renouvelables (ER) dans le Mix
énergétique des pays méditerranéens ne progresse pas depuis
2000 (3,2% des approvisionnements totaux en énergie).
Néanmoins, la production d’énergie renouvelable progresse en
volume. La part des ER en Méditerranée, hors hydraulique et
géothermie, est de 21 %. Dans les PSEM, elle est de 23 %.
Depuis 1995, les ER connaissent une croissance de +2,2% / an
en Méditerranée, légèrement supérieure à celle des
Sahara Green 60
approvisionnements en énergie primaire (+2%). Les ER (hors
hydroélectricité et biomasse) connaissent une très forte
progression (+7,9 %). La part du charbon se maintient, celle du
nucléaire se stabilise et celle du gaz progresse fortement. En
2008, ces ressources dominent l’approvisionnement énergétique
en Méditerranée : 72 % de la consommation au Nord (hors
électricité nucléaire : 20%) et 95% dans les PSEM.
Les pays méditerranéens maîtrisent-ils leurs émissions de CO2 ?
Les émissions de CO2 issues des combustibles continuent
d’augmenter. La croissance des émissions de CO2 due à
l’énergie entre 1990 et 2007 est supérieure aux objectifs
nationaux des pays de l’UE, excepté en France où elles ont
baissé. Elles ont doublé en Turquie et au Maroc.
En 2007, un méditerranéen émet 5 tonnes de CO2/an, peu plus
que la moyenne mondiale (4,5 tonnes), mais 2 fois moins qu’un
habitant de l’UE (8) et 4 fois moins qu’un américain (19).
Coopération: l’aide publique au développement est-elle à la
hauteur des enjeux ?
L’aide publique au développement (APD) en Méditerranée est
essentielle pour atteindre les objectifs de développement
durable du millénaire. Le Maroc, la Turquie et l’Egypte ont reçu
en 2009 les 2/3 de l’APD à destination des pays méditerranéens.
Sahara Green 61
La solidarité euro-méditerranéenne est-elle à la hauteur des
défis du Sud ?
En 2009, l’UE et ses pays membres sont encore les plus
importants donateurs internationaux, fournissant 60% de l’aide
totale. Les pays méditerranéens ont reçu en 2009 1,7 milliards €
de l’UE. Les montants par tête reçus dans les PSEM (6 €) sont
trois fois inférieurs à ceux reçus par les habitants des pays des
Balkans (18€). La part des financements de la catégorie
«Infrastructures et services sociaux» est de 50%.
Les PME, peuvent-elles bénéficier de crédits pour financer
leurs investissements ?
Dans les PSEM, le secteur public accapare une grande partie du
crédit domestique. Depuis 1995, Le crédit domestique alloué au
secteur privé est en augmentation dans la plupart des pays
méditerranéens de notre panel, excepté en Tunisie et en Libye.
La part des crédits bancaires alloués au secteur privé en 2009
est faible en Libye (11%) et en Tunisie (68%). En 2009, le
crédit domestique alloué au secteur privé est supérieur au PIB
dans 5 pays, atteignant 316% à Malte et 212% en Espagne. En
2009, le crédit domestique fourni par le secteur bancaire est
supérieur au PIB dans 7 pays, dont Malte, Espagne, Italie,
France, et Maroc.
Le microcrédit, très répandu en Asie, est encore peu utilisé dans
les pays méditerranéens.
Sahara Green 62
L'effort financier pour la Recherche et développement
augmente-il ?
Au niveau mondial, la plupart des pays dépensent entre 0,25%
et 1% de leur PIB en recherche et développement, et 2% dans
l’UE. Ce pourcentage augmente dans tous les pays
méditerranéens, mais reste globalement faible. De 1 à 2 % en
France, Espagne, Italie, Tunisie et moins de 1% dans les autres
pays méditerranéens.
Vers quels partenariats durables ?
Cette étude a permis d’identifier les cas prioritaires, qui
nécessitent un renforcement de la coopération Nord-Sud, et qui
répondent aux enjeux géostratégiques méditerranéens :
- gestion coordonnée des ressources naturelles et de la
protection environnementale : «désalinisation d’eau de
mer»
- énergie et changement climatique : «coopération
transméditerranéenne en matière d’énergie solaire»
- désertification et développement agricole durable :
«désertification et permaculture»
- coopération équitable en faveur du développement
durable à l’échelle territoriale : « transferts de
technologies et partenariats industriels, coopération
scientifique »
Sahara Green 63
- relations entre pays méditerranéens et Afrique sub-
saharienne : « l’espace Eurafricain »
Avant d’analyser les chemins qui mènent à la coopération
transméditerranéenne durable, il est nécessaire d’identifier le
moment présent et de comprendre les enjeux immédiats, cerner
les mutations en cours et rendre intelligible cette réalité
apparemment complexe qui semble nous dépasser.
Sahara Green 64
II) Les voies de la coopération transméditerranéenne durable et équitable
Les économistes continuent de faire référence aux modèles
d’une époque révolue, inadaptés à la conjoncture actuelle, tel
que le modèle économique libéral élaboré par Adam Smith, et
auquel nous devons renoncer, car nous assistons aujourd’hui à
une mutation technologique comparable à l’invention de la
machine à vapeur dont la révolution industrielle est issue.
Depuis une quarantaine d’années, l’arrivée massive des
«nouvelles technologies» a induit un profond bouleversement
de la société. Certains tentent d’établir un lien entre l’évolution
du chômage de masse et cette mutation, mais la réalité est plus
complexe car si ces innovations étaient mises à la disposition
d’une économie soutenable, ses effets seraient plus bénéfiques
pour le «développement humain».
La révolution numérique, partie intégrante de cette rupture
technologique, a entre autre entraîné un bouleversement
culturel, mais a surtout favorisé la multiplication des échanges
informels. Cette facilité devait amplifier les échanges
économiques et permettre l’essor du bien être, mais a eu pour
effet la globalisation financière et son surdimensionnement par
rapport au reste de l’économie. Il y a un siècle, la part de
l’économie matérielle (produits manufacturés) était de 95 %
Sahara Green 65
tandis que la part de l’économie immatérielle (la finance) était
de 5 %. A l’heure actuelle, nous assistons à une inversion totale
de ce rapport.
Nous remarquons donc que la phase de transition de l’ère
industrielle vers l’ère de la mondialisation et de l’immatériel,
n’a pas eu les effets bénéfiques escomptés, et a conduit par
ailleurs à une mutation des «acteurs géopolitiques» et une «crise
des identités». Cette mondialisation, a redistribué les cartes de
la gouvernance mondiale et a donné encore plus d’importance à
quelques organisations multilatérales telles que l’OMC, le FMI,
et l’OCDE qui instaurent une concurrence économique
mondiale entre les pays. Il en a résulté un morcellement
d’anciennes puissances (éclatement de l’URSS, et de la
Yougoslavie) et le développement de firmes globales, dont les
activités couvrent tous les champs économiques.
Aujourd’hui, les USA et la Chine tentent de tirer profit de cette
redistribution. Les Etats-Unis dominent la planète dans tous les
domaines : hégémonie politique et militaire, économique,
scientifique, et culturelle. Demain ce sera probablement au tour
de la Chine.
Parmi ces géants, seuls d’autres grands espaces économiques
pourront s’épanouir. C’est dans ce contexte que l’espace
Sahara Green 66
méditerranéen prend tous son sens. Mais quelle identité
fédératrice pour toutes ces populations ? Finalement, un des
phénomènes révélateurs des transformations actuelles est la
crise des identités. Auparavant, les citoyens dans les pays
industrialisés se définissaient par rapport à un groupe social ou
politique, «je suis ouvrier» ou «je suis communiste» ;
aujourd’hui, elles sont de type ethnique ou religieux, voire
même de type tribal «je suis de telle ou telle cité», «je supporte
telle ou telle équipe de foot». Nous assistons donc à la naissance
d’identités provisoires, qui montrent la nécessité d’affirmer une
identité méditerranéenne au delà des identités nationales. La
création d’une Union Méditerranéenne permettra de donner ce
sentiment d’appartenance à un ensemble fort et prospère, et
favorisera ainsi les échanges et la coopération
transméditerranéenne durable.
La construction d’un espace méditerranéen unifié, où
prospèrerait une nouvelle forme d’économie, nécessite avant
tout d’apporter des solutions qui répondent aux enjeux
géostratégiques méditerranéens, et c’est ce que j’ai tenté de
faire dans cette analyse en apportant des pistes de réflexion :
- sur la coopération décentralisée et territoriale ;
- sur la manière de promouvoir des projets
transméditerranéens durables ;
Sahara Green 67
- sur les choix technologiques prioritaires qui permettent
de rapprocher les deux rives par l’innovation et le
transfert de technologies.
Le graphique ci-dessous représente le résultat d’une des
questions posées dans le cadre de l’étude de terrain (voire
annexe-1), dont le but est de prendre en compte l’avis des
parties intéressées par la question du développement durable en
Méditerranée.
Ce sondage révèle que 50% des 119 personnes qui ont répondu
à cette question, estiment que plus de coopération territoriale
Sahara Green 68
serait bénéfique au développement durable en Méditerranée, et
42% préconisent plus de projets transméditerranéens.
Les parties prenantes estiment donc que la coopération
transméditerranéenne, est une question centrale, mais cela
nécessite des initiatives, outils et méthodes, qui sont présentés
dans ce qui suit. Nous ferons ensuite la transition avec la
troisième partie, en choisissant un cas concret à traiter en
matière de coopération transméditerranéenne Nord-Sud durable.
II.1) L’Union Méditerranéenne, au service d’un
développement durable en Méditerranée
A défaut d’une réelle intégration méditerranéenne, l’originalité
de l’Union Pour la Méditerranée, dont le secrétariat a été créé
en Juillet 2008, est de bâtir une coopération régionale autour de
projets concrets ; les besoins en infrastructures ont été évalués à
200 milliards d'euros par la Banque européenne
d'investissement (BEI).
Lors de la création de l’UfM, les ministres ont examiné deux
cents projets et annoncé le lancement de cinq d'entre eux, pour
un montant d'un milliard d'euros. Cela paraît insuffisant, mais
l’important est que le processus avance. Un de ses projets phare,
le «Plan Solaire Méditerranéen», a un peu avancé en juillet
2011, alors qu’il était en suspend depuis fin 2008.
Sahara Green 69
Le chemin de la création d’un « espace méditerranéen » unifié
reste long et difficile, malgré les bénéfices qu’apporterait
l’intégration méditerranéenne, dont le premier serait de sortir
par le haut du processus de Barcelone («dialogue 5+5»). Avec
l’Union Méditerranéenne, le dialogue se poursuivrait dans le
cadre de deux institutions distinctes (Union Européenne et
Union Méditerranéenne), avec l’objectif de les rapprocher par
une zone de coopération économique, technologique,
environnementale, et diplomatique, et atténuera ainsi les
tensions et rivalités entre les pays du bassin méditerranéen
(Grèce-Turquie, Algérie-Maroc, Palestine-Israel).
Une seconde vertu : proposer un rapprochement de type
géographique favorisant l’homogénéité économique et
environnementale, plutôt que selon leurs identités culturelle ou
religieuse. Par exemple, des pays du monde musulman tels que
l’Indonésie et la Malaisie pourraient s’insérer dans un nouvel
ensemble avec la Chine et le Japon ; le Pakistan et le
Bangladesh pourraient réintégrer leur ancien espace de
civilisation avec l’Inde, lequel était d’ailleurs unifié avant sa
partition en 1947. C’est dans cette optique, que les pays du
bassin méditerranéen devraient s’unir pour un destin commun,
quelque soient leurs traditions ou religion principale, et
promouvoir une identité méditerranéenne.
Sahara Green 70
Ainsi, à travers ce mécanisme, nous pourrions entrevoir une
troisième opportunité, celle de voir Israël et ses voisins se
reconnaître mutuellement et se respecter, condition d’accès aux
importants et proches marchés européens.
Ensuite, le quatrième bienfait que pourrait apporter cette
« Union méditerranéenne », est la création d’un «précédent»,
pour la réalisation de l’Eurafrique, dont la conclusion serait un
atout stratégique majeur en faveur de l’UE, du bassin
méditerranéen, et de l’Afrique sub-saharienne.
Enfin, nous pouvons souligner également, la nécessaire
coopération transméditerranéenne en faveur du développement
durable en Méditerranée, qui peut être largement facilitée par
une «Union» active sur les réponses à apporter aux enjeux
géostratégiques communs.
Pourtant, malgré ces différents avantages, l’intégration
méditerranéenne stagne et a du mal à émerger de façon
significative, en partie à cause des moyens mis en œuvre, du
véto de l’Allemagne, et de la communication sur ce sujet. Bien
que d’une importance majeure et stratégique, une telle Union ne
suscite aucun enthousiasme de la part des deux rives. Il en va de
même des projets transméditerranéens, qui de part leurs
Sahara Green 71
dimensions pharaoniques et extraordinaires devraient au moins
susciter le rêve de la part des populations concernées.
Ce projet d’Union peut paraître également selon les
observateurs, comme une formidable opportunité de stabilité et
de prospérité, ou une occasion d’éloigner la Turquie d’une
candidature à l’UE. Rappelons que si la question maghrébine
est un impératif pour la France, l'entrée de la Turquie dans un
vaste ensemble Euro-méditerranéen semble être hautement
stratégique pour assurer la stabilité de cette région (voire
chapitre I.2).
Enfin, ce sentiment de nécessité d’intégration de l’espace
méditerranéen, a été renforcé par le résultat de notre étude qui a
révélé que 60% des personnes interrogées seraient favorables à
la création d’un espace Euro-méditerranéen (voire graphique du
chapitre II.5).
II.2) Politique de développement durable en Méditerranée :
Nécessité d’un Observatoire Méditerranéen du Développement
Durable ?
Afin d’éviter l’utilisation de politiques «standards» de
développement durable, lesquelles sont vouées à l’échec, il est
nécessaire de poser certaines bases :
Sahara Green 72
- identifier les axes d’évaluation des différentes alternatives
possibles (équité, pauvreté, par exemple), en fonction de
l’expérience et des contraintes propres à chaque pays ;
- ne pas sous-estimer l’importance du contexte (économie
politique locale par exemple), et de toutes les parties
prenantes ;
- faire évoluer les politiques mondiales, et leur déclinaison
territoriale, car de nombreux défis et enjeux dépassent la
capacité des seuls États et sont de niveau planétaire.
-
C’est dans cet esprit, qu’a été réalisée cette étude, qui révèle
l’importance d’une organisation chargée de centraliser tous les
tenants et aboutissants de la mise en œuvre d’une économie
verte dans l’espace méditerranéen.
II.2.1) Initiatives actuelles de développement durable en Méditerranée
Les prévisions économiques montrent que le bassin
méditerranéen a tous les atouts pour devenir une économie
avancée, avec un large potentiel d’investissements à la clé.
Cela nécessite un minimum de stabilité d’une part pour que les
pays méditerranéens puissent avancer avec une vision partagée
pour un intérêt commun et une approche proactive du
développement durable, et la volonté de la population à un
respect total de l'environnement méditerranéen dans leurs vies
quotidiennes, d’autre part.
Sahara Green 73
L’objectif est non seulement de changer les attitudes mais aussi
de motiver et donner les moyens aux citoyens d’agir en faveur
de l’environnement dans le bassin méditerranéen. L’analyse des
plans d’actions en faveur d’une «économie verte» en
Méditerranée révèle que les initiatives de l’UfM sont restées
longtemps timides face à celles d’organisations plus anciennes
et globales, telles que l’ONU, la Banque Mondiale, ou venant
de l’UE ou des pays du versant Sud de la Méditerranée. Mais la
dynamique des projets de l'UfM reprend.
Initiatives de l’ONU
- « Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement
(PNUE) » : Le PNUE prône la réaffectation de 2% du PIB
mondial (10% des investissements mondiaux), en faveur
d' «investissements verts» dans dix secteurs clés, dont
l’énergie et l‘eau, entre autre.
- « Mediterranean Action Plan (MAP II) » : Ce programme, à
l’origine dédié au contrôle de la pollution marine, s’est
dirigé vers un plan MAP II, intégrant plus de facettes du
Développement Durable, dont le développement socio-
économique durable.
- « Medpartnership » : Cette initiative a pour but de protéger
les côtes méditerranéennes et les eaux territoriales sur le plan
environnemental, et comporte deux lignes directrices : le
Sahara Green 74
support technique et législatif de l’UNEP/MAP (projets
régionaux), et le financement des projets par la Banque
Mondiale (Investment Fund / Sustainable MED).
- « UNCCD » : Les NAP (National Action Program) sont
l’une des clés du programme de lutte contre la
désertification, sont renforcées par une approche
participative impliquant les parties prenantes locales à
travers des programmes régionaux RAP et sous-régionaux
SRAP, et proposent des actions en tenant compte des
spécificités écosystémiques locales.
Initiatives de l’OCDE
- Recommandations stratégiques de l'OCDE en mai 2010,
pour une croissance verte : recommandations techniques,
telles que la mise en place de signaux ou instruments de
marché pour faire payer la pollution, ou la mise en place de
nouveaux indicateurs.
Initiatives de l’Union Européenne
- « Europe 2020 » : Présentée en mars 2010, et destinée à
relancer l'économie européenne par la promotion d’une
«économie verte», cette initiative vise à développer une
croissance durable et inclusive. L’accent est mis sur les
technologies vertes et de communication, la lutte contre le
changement climatique, et les questions énergétiques.
Sahara Green 75
- « Plan Bleu » : mise en œuvre du « Mediterranean Action
Plan » établit par l’ONU.
Initiative de la Banque Mondiale
- «Sustainable Med» : succède au METAP, pour accélérer la
réduction de la pollution transfrontalière, à améliorer la
gestion des ressources en eau, et à développer des mesures
de conservation de la biodiversité dans les zones sensibles
prioritaires méditerranéennes.
Initiatives de l’Union Pour la Méditerranée
- 7 programmes ont été sélectionnés mi-2008 : Plan Solaire
Méditerranéen (PSM : 20 Gigawatt en 2020), Stratégie pour
l'Eau, Dépollution de la Méditerranée (Horizon 2020),
Autoroutes marines et terrestres, Protection civile, Université
méditerranéenne, Développement des affaires. Sur les 4
programmes d'infrastructures, 252 projets ont été identifiés,
pour un coût total de 38,5 Md€, dont les ¾ ont été affectés à
Horizon2020 et au PSM. L’UE mobilise 0,2 % pour soutenir
ces projets, reste à financer 99,8 %. Une partie des projets
correspond déjà aux plans nationaux de développement des
pays du sud, et donc déjà financés par le Sud, notamment les
plans solaires (voire chap. III).
Sahara Green 76
II.2.2) L’ «Union Pour la Méditerranée» visible et accessible aux citoyens des deux rives ?
La commission Barroso a tenté de rendre l’Europe plus lisible et
accessible aux citoyens, et malgré le nombre important de
colloques pour sensibiliser l'opinion aux enjeux européens, elle
ne s’est pas approprié le sujet. C’est le cas de l’UfM (voire
notre sondage ci-dessous).
Le graphique ci-dessus élaboré à partir du sondage réalisé dans
le cadre de l’élaboration de ce livre, montre bien que la
définition de l’UfM n’est pas très connue. L’UfM est bien une
communauté euro-méditerranéenne de partenariat, et pas encore
une Union Méditerranéenne.
Sahara Green
L’existence d’un «Observatoire Méditerranéen du
Développement Durable», tel que mentionné au début de ce
chapitre, semble donc nécessaire. Rattaché à une «Union
Méditerranéenne» plus représentative, elle aurait pour mission
de coordonner toutes les initiatives, et serait reconnue par les
méditerranéens comme l’institution qui défend leur bien-être, et
leur environnement.
II.3) Coopération décentralisée et approche territoriale: vers
un Agenda21 méditerranéen ?
La décentralisation a t’elle une place à jouer dans la réponse aux
défis de la Méditerranée ? Quel rôle peut jouer la coopération
entre collectivités des deux rives de la Méditerranée ? Quels
projets concrets de coopération territoriale peut-on privilégier ?
Autant de questions qui mettent l’accent sur la portée de la
coopération territoriale comme appui au développement durable
en Méditerranée.
Face aux enjeux globaux du développement durable et
considérant le rôle majeur des territoires vis-à-vis de ces enjeux,
il est nécessaire de mettre à la disposition des acteurs, réflexions
et outils leur permettant de développer des stratégies et d’en
mesurer les effets.
Sahara Green 78
Par ailleurs, tel que décrit au chapitre I.2, si l’Europe souhaite
pouvoir peser sur la scène internationale, elle ne peut ignorer le
bassin méditerranéen. Et la nature multidimensionnelle de ses
enjeux milite pour que soit initiée une mobilisation euro-
méditerranéenne afin de favoriser la convergence d’actions pour
y répondre, et soient développées des coopérations
mobilisatrices car solidaires et mutuellement profitables aux
deux rives de la Méditerranée.
La coopération décentralisée et la promotion de projets
transméditerranéens durables apparaissent donc comme
nécessaires. L’Assemblée des Régions d’Europe (ARE), a
d’ailleurs réalisé une étude37 qui donne un aperçu de la manière
dont la décentralisation et l’application du «principe de
subsidiarité descendante» peut aboutir à une réussite
économique (plus de responsabilités au niveau régional que
national). Elle révèle que la décentralisation a un impact très
positif sur les résultats économiques et la capacité d’innovation
appliquée (R&D) des pays et des régions. Par contre, la
recherche universitaire ou fondamentale aurait tendance à
profiter d’un système plus centralisé. Compte tenu de la
spécificité des pays et des régions examinés dans l’étude, les
37 Assemblée des Régions d’Europe, « De la subsidiarité à la réussite : « l‘impact de la décentralisation sur la croissance économique », <http://www.aer.eu/fileadmin/user_upload/PressComm/Publications/AER_Study_on_decentralisation/Studies/FR-FINAL+cover.pdf>, 2009
Sahara Green 79
conclusions semblent indiquer que les résultats économiques
d’un pays peuvent être améliorés grâce à :
- plus d’influence et indépendance des régions, de
compétences et ressources financières ;
- plus de compétences : loisirs, culture, infrastructures,
éducation, recherche, santé.
Les résultats de l’étude de l’ARE indiquent que les
gouvernements nationaux devraient se concentrer sur la
prestation de services qui répondent aux besoins qui dépassent
ceux du territoire et à économies d’échelle substantielles, tout
en définissant une politique générale dans les autres domaines et
en surveillant la conformité. Toutes les autres compétences, à
savoir la prise de décisions (pouvoir législatif) et la mise en
œuvre (pouvoir exécutif), doivent incomber aux autorités
infranationales.
La création d’un Agenda21 méditerranéen, avec déclinaisons
locales, rentre bien dans ce cadre de décentralisation, et de
coopération territoriale, et nous pouvons déjà avancer quelques
pistes de coopération territoriale transméditerranéenne à
privilégier et qui correspondent au sujet de ce livre: «énergies
renouvelables», «accès à l’eau», «lutte contre la désertification
et agriculture en zone aride», «émissions de CO2», «freiner la
montée du niveau de la mer».
Sahara Green 80
II.4) La diplomatie d’entreprise et la gouvernance par projet,
au service du développement durable en Méditerranée.
En deux décennies, la mondialisation de l’économie a provoqué
de profonds chamboulements sur le plan diplomatique, au
niveau des relations commerciales et économiques :
- Dialogue avec la société civile : La société civile est passée
de contre-pouvoir au statut de partenaire stratégique de
l’entreprise, ce qui a révélé l’importance des entreprises à
dialoguer avec elle, et à entreprendre des actions et des
politiques qui facilitent des relations plus équilibrées,
estompent les relations conflictuelles, et créent des liens de
confiance.
- Accompagnement des collectivités dans la décentralisation :
Les mouvements de décentralisation confèrent aux
collectivités territoriales un rôle accru dans le processus de
décision publique, d’où l’intérêt des entreprises à créer des
équilibres économiques vertueux qui profitent à tous, en
accompagnant les collectivités dans leur développement.
- Coopération avec les gouvernements : La négociation de
grands contrats, les décisions d’investissement majeur ou
d’implantation dans un pays étranger nécessitent de
dialoguer habilement avec les gouvernements locaux.
Sahara Green 81
Les affaires publiques s’imposent donc comme une fonction
stratégique dans la gouvernance d’entreprise. Mais comment
bâtir une politique de relations institutionnelles efficace qui
réponde aux attentes des différentes parties prenantes ?
Comment la pratique de la diplomatie d’entreprise développe-t-
elle la performance des organisations ?
Création de valeur, diplomatie d’entreprise et gouvernance par
projets, tels étaient les maitres mots des personnalités
interrogées, dans le cadre de l’élaboration de ce livre, lors du
Forum Choiseul dédié aux «nouveaux pouvoirs», qui s’est tenu
le 8 juin 2011 au CESE (Conseil Economique, Social, et
Environnemental, au palais d’Iena à Paris), sous le haut
patronage de Jean Pierre Raffarin.
D’entrée de jeu, Jean-Paul DELEVOYE (président du CESE),
Pascal LOROT (président de l’institut Choiseul), et Pierre
LELLOUCH (secrétaire d’Etat au commerce extérieur), ont fixé
le décor en utilisant plusieurs formules visant à alerter : «le
monde est de plus en plus brutal et complexe», «notre modèle
occidental est de plus en plus contesté», « il faut bâtir un
modèle d’intelligence relationnelle pour faire face».
Sahara Green 82
Ce modèle d’intelligence relationnelle, passe par la «diplomatie
d’entreprise», dont le but est de faire de la coopération
industrielle un outil stratégique «gagnant/gagnant» d’influence
et de création de valeur, à travers une «gouvernance par
projets».
C’est ce type de stratégie et de gouvernance en matière de
coopération économique, qui a permis à l’ancien Premier
ministre Jean-Pierre Raffarin de relancer la coopération franco-
algérienne en mai 2011, lors d’un forum de deux jours à Alger
réunissant 700 entreprises des deux pays. Nous avons choisi de
traiter cet exemple car il explique bien les atouts de la
diplomatie d’entreprise.
Les affaires reprennent donc entre l’Algérie et la France, sur
fond de pragmatisme économique, et il ne restait plus qu’à
transformer cette reprise en croissance et emplois. Ainsi, deux
gros accords en négociation depuis plusieurs années sont venus
couronner le forum, l’autorisation à AXA d’opérer en Algérie,
et le rachat par Saint-Gobain du leader de la verrerie algérienne.
Signe d'une grande impatience entre les partenaires des deux
pays, 4 500 rendez-vous ont été fixés entre eux, ce qui confirme
l’importance de la «diplomatie d’entreprise» dans la négociation
de gros contrats, dans une optique «gagnant/ gagnant».
Sahara Green 83
Dans le cas de cette coopération bilatérale, cette stratégie
permettra aux deux pays de répondre positivement et
équitablement à leurs enjeux respectifs :
- L’Algérie, confrontée à taux de chômage des jeunes de plus
de 20%, s’intéresse aux investisseurs et aux transferts de
technologies. Elle veut créer diversifier son économie pour
réduire sa dépendance vis à vis des hydrocarbures (98 % de
ses recettes actuelles).
- La France souhaite avant tout sécuriser un accès stratégique
aux ressources naturelles, en pétrole et en gaz. Mais la
France, dont 420 filiales d'entreprises opèrent en Algérie, est
le premier investisseur hors hydrocarbures. En 2009, les
échanges commerciaux bilatéraux ont atteint 9 milliards €,
au bénéfice de la France en terme de balance commerciale.
Enfin, les contacts les plus importants et les plus fructueux ont
été enregistrés dans huit filières , dont le BTP, l'agro-
alimentaire, l'équipement industriel et les TIC, ce qui conforte
le rôle bénéfique que peut jouer la «diplomatie d’entreprise»
dans la promotion de projets transméditerranéens.
Des initiatives industrielles de coopération
transméditerranéenne durable commencent à aller dans ce sens,
Sahara Green 84
et travaillent en «grappes d’entreprises », telles que Desertec
Industrial Initiative (Allemagne), et MedGrid (France),
exemples intéressant à étudier en matière de «diplomatie
d’entreprise» et de «management du développement durable par
projets» (voire chap. III).
II.5) L’Initiative Citoyenne Européenne au service de
l’intégration méditerranéenne
Que souhaitent vraiment les européens ? Moins d’impôts ?
Moins de dettes ? Plus de partage ? Plus de démocratie ? Plus de
participation à l’orientation de leur destin commun ?
Nous le saurons grâce à la nouvelle initiative européenne ECI
(European Citizen Initiative).
« Il s’agit de prendre ce qui est en dehors du périphérique de
Bruxelles et de lui donner une complète expression
démocratique », a précisé Maros Sefcovic, Commissaire de
l’UE chargé de mettre en place l’initiative ECI38. Il ajoute
«l ‘UE est souvent accusée de complexité et d’éloignement des
citoyens ; favoriser un débat animé transfrontalier sur ce qui est
38 Time Magazine, « Direct Democracy : Citizen Initiatives Come to
Europe »,
<http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1978069,00.html>,
2011
Sahara Green 85
fait à Bruxelles mènera à une meilleure réglementation, inspirée
par la base.»
L'ECI, Initiative Citoyenne Européenne39, instaurée par le traité
de Lisbonne, est une nouvelle forme de démocratie
participative. Elle permet à compter du 1er avril 2012, à des
citoyens de l’UE, au nombre d'un million au moins et
ressortissants d'un nombre significatif d'États membres,
d'appeler directement la Commission à soumettre une
proposition sur des questions présentant pour eux un intérêt et
relevant des domaines de compétence de l'UE. Il n’y a
cependant pas de restrictions sur la collecte des signatures de la
pétition, qui peut être faite dans la rue, ou sur les réseaux
sociaux. L’ECI pourrait donc être mise au service de l’UfM, en
soumettant une pétition en ligne de type 2.0, en faveur de la
mise en œuvre de l’Union Méditerranéenne et des projets qui
rapprochent les deux rives de la Méditerranée.
Un million de signature peut sembler énorme, mais il ne s’agit
que de 0,2 % de la population. De plus, quand on voit que des
39 Commission Européenne, « Initiative citoyenne européenne »,
http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/index_fr.
htm, 2011
Sahara Green 86
stars du showbiz peuvent avoir plus d’un million de «suiveurs»
sur certains réseaux sociaux, cela ne semble pas insurmontable.
Un groupe représentant plusieurs ONG, telle que Greenpace, a
salué cette initiative qui représente un nouveau pas vers
l’augmentation de la participation publique dans la prise de
décisions au sein de l’UE. Tandis que d’autres restent septiques,
tel que Janis Emmanouilidis, analyste chez «the European
Policy Center», qui dit : «Un million de citoyens est un seuil
bas, et cela risque de conduire à une tyrannie des minorités
soutenues par des groupes d’intérêts puissants40 ». D’autres
détracteurs disent que de tels schémas existent en Suisse et en
Californie, et que certaines initiatives échouent par manque de
débat et de participation.
Mais ces critiques semblent défaitistes, et si un ou deux
passionnés arrivent à gérer la collecte d’un million de
signatures, ils prouveraient que ces craintes ne sont pas fondées.
Et si en plus, ces passionnés d’Europe sont aussi passionnés de
Méditerranée, cette initiative permettrait de faire participer les
méditerranéens de l’UE dans la définition de la politique de
40 Time magazine, « Is the European Union Exporting Torture
Devices ? »,
<http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1976495,00.html>,
2011
Sahara Green 87
développement durable en Méditerranée, d’affirmer leur
appartenance aux deux espaces Europe et Méditerranée, et leur
permettre de sélectionner les projets transméditerranéens qui
présentent le plus d’intérêts pour toutes les parties prenantes,
celles du Nord comme celles du Sud.
En tout cas les résultats ci-dessous du sondage réalisé dans le
cadre de l’élaboration de ce livre (annexe-1), montrent l’intérêt
des citoyens européens sur cette question. Ils révèlent que 71%
des 81 personnes qui ont répondu, souhaitent participer à l’ECI,
notamment pour demander plus de coopération
transméditerranéenne durable, ainsi que l’intégration Euro-
méditerranéenne.
Mais 23% soutiennent cette initiative mais sont contre
l’intégration Euro-méditerranéenne.
Sahara Green 88
II.6) « Financement de l’Economie verte méditerranéenne »
vs « Bulle verte » ?
Côté financements des grands projets transméditerranéens, le
Parlement Européen41 demande qu’ils soient garantis par des
montages financiers alliant fonds publics et privés. Les fonds
nécessaires devraient être coordonnés avec les moyens offerts
41 Parlement Européen, « Résolution du 20 mai 2010 sur l'Union pour la Méditerranée
UfM »,
<http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&referen
ce=P7-TA-2010-0192>, 2011
Sahara Green 89
par la Banque Européenne d’Investissement, et des fonds
d’investissement tels qu’InfraMed, mais on peut regretter
l’absence d’une banque Euro-méditerranéenne de
développement.
Cette institution pourrait structurer les investissements en
direction du bassin méditerranéen, afin de mettre en place une
«économie méditerranéenne verte». Par ailleurs, la nouvelle
donne régionale impose une reconsidération des rapports entre
les deux rives de la Méditerranée qui soient fondés sur un réel
partenariat. Les besoins de la région méditerranéenne en
investissements, infrastructures et emplois sont considérables, et
une telle banque permettrait de passer d’une logique de transfert
de fonds à une logique d’intégration régionale durable.
Mais il faudra également tenir compte des effets de la crise
économique actuelle. Allons nous vers une «révolution
technologique verte», ou une «bulle spéculative verte» ?
Depuis la prise de conscience du réchauffement climatique et du
gaspillage des services rendus par la nature, nous avons assisté à
une véritable ruée vers l’ «or vert». Malheureusement toute ruée
vers la martingale engendre de la spéculation, et au final une
«bulle spéculative» qui ne manquera pas d’éclater, comme cela
a été le cas de la bulle immobilière récente aux USA et en
Espagne, ou de la «bulle internet» des années 2000.
Sahara Green 90
Après l’explosion de cette «bulle verte», beaucoup
d’investisseurs auront perdu une grande partie de leurs
économies, mais auront payé le passage de l’ «économie brune»
à l’ «économie verte», comme c’est le cas en général des bulles
spéculatives liées à une rupture technologique.
Mais une crise sans précédent depuis 1928, a enrayé cette belle
«mécanique verte» ; celle-ci se construisait depuis trente ans,
grâce aux experts en «réchauffement climatique» et «ressources
naturelles». Ces sujets sont passés d’inquiétude scientifique à
opportunité commerciale, grâce à la reconnaissance par les
assureurs du fait que le changement climatique est une réalité et
qu’il résulte en grande partie des activités humaines. Cette
reconnaissance a notamment été faite par AIG en 2006
(American International Group). Alors que les agents
d’assurances et conseillés financiers de ces grands groupes
s’apprêtaient sans doute à vendre des «produits financiers
verts», la crise de 2007 a surgit et fait vaciller la plupart de ces
grands financiers.
Nous avons alors assisté à une chute spectaculaire des valeurs
«cleantech», en témoigne les graphiques boursiers ci-dessous
sur les marchés de l’environnement et des énergies
renouvelables, réalisés dans le cadre de l’élaboration de ce livre.
Sahara Green 91
Cette crise qui sévit depuis 2007, aura eu raison pour un temps
du financement de l’économie verte qui devait se faire par la
spéculation boursière et l’endettement des états. Il ne reste qu’à
espérer que les dirigeants de la planète sauront sortir le monde
de la crise, et financer cette transition de l’ «économie brune»
vers l’ «économie verte».
Action VEOLIA ENVIRONNEMENT
Action THEOLIA
Sahara Green 92
Tracker ISHARES SUSTAINABLE
Tracker POWERSHARE Green Energy
II.7) Coopération Nord-Sud : technologies et développement
durable au delà des frontières
Si la devise «un problème, un impôt» est spontanément
appliquée en France, le paradigme Américain va plutôt à «un
problème, une technologie». Nous utiliserons ce pragmatisme
Sahara Green 93
américain pour accompagner notre analyse d’une réponse
technologique à chaque défi.
II.7.1) Quelles opportunités pour le développement durable en Méditerranée ?
95 spécialistes ont répondu la question du choix des réponses
technologiques à apporter pour faire face aux enjeux
méditerranéens. L’histogramme ci-dessous est le résultat de ce
sondage.
Celui-ci montre que 52% sont favorables à une coopération
dans les énergies renouvelables, et les réseaux intelligents, que
28% préconisent la désalinisation de l’eau de mer, et 14% se
sentent concernés par la lutte contre la désertification. Ces
résultats sont certainement dû à la composition des personnes
qui ont répondu au questionnaire ; les méditerranéens du Nord
s’intéressant aux objectifs de réduction des émissions de CO2
de l’UE, tandis que ceux du Sud, aux problèmes que pose la
désertification et le manque d’eau potable.
Ces résultats montrent également que les citoyens du Nord
comme ceux du Sud, ont des difficultés à extrapoler les
bienfaits que pourrait apporter une coopération technico-
économique accrue.
Sahara Green
Les migrations peuvent par exemple être causées à court terme
par les technologies du «cyberespace» : télévision par satellite,
téléphonie mobile, internet. Elles apportent un vent de
démocratie au sud, mais apportent également des révolutions
qui entrainent des migrations à court terme, mais stabilité et
liberté à moyen terme, préalable à toute prospérité, et donc à
toute coopération transméditerranéenne profitable et équitable.
L’accès à l’eau potable peut également être utilisée comme
courroie de transmission vers la paix ; c’est ce qu’on appelle
«hydro-diplomatie» au Moyen Orient. Mais quelles sont les
solutions à apporter au stress hydrique ?
Sahara Green 95
Cela passe par une gestion plus économe de l’eau à l'échelon
des villes et des territoires. Les technologies disponibles
permettent la réutilisation des eaux usées, selon les usages
souhaités par les autorités locales ; irrigation principalement,
mais il est possible de produire de l'eau potable par le recyclage
des eaux usées. Quant à la mer, elle constitue une ressource en
eau potentiellement inépuisable, dans la mesure où les progrès
technologiques permettent de limiter la consommation d'énergie
et les rejets excessifs de saumure des usines de dessalement. Au
bout du compte si la gestion efficiente de l'eau doit toujours se
concentrer en premier lieu sur les eaux de surface et
souterraines, par la lutte contre le gaspillage et le bon entretien
des réseaux, les voies du dessalement et du recyclage des eaux
usées offrent de belles opportunités.
Cependant, l’accès à l’eau potable pour tous, ne peut être
garantie sans une énergie bon marché. Alors quel MIX
énergétique pour l’espace Euro-méditerranéen ? Quel sera le
rôle des énergies renouvelables dans la croissance du Moyen
Orient, de l’Afrique du Nord, et du Sahel ? Comment les
différentes technologies et initiatives existantes peuvent elles
assurer la transition énergétique sans trop de turbulences, tout
en évitant la prolifération du nucléaire civil ? Le futur appartient
probablement à la «fusion nucléaire» qui peut permettre de
produire directement de l’électricité sans passer par la phase
thermodynamique, sans pollution radiative, avec des centrales
Sahara Green 96
de petites tailles. Mais sa mise au point risque de prendre des
décennies. D’ici là, il faut une énergie de transition, propre et
disponible à volonté, et l’énergie solaire semble la plus indiquée
en Afrique du Nord.
Pour compléter notre analyse, Sid Ahmed Ghozali42, ex premier
ministre algérien, nous a livré son analyse lors d’un entretien :
« La possession de ressources naturelles est une bénédiction
qu’il serait souhaitable d’utiliser comme un catalyseur de
développement durable, un puissant levier pour réformer
l’économie, et tenter d’éradiquer le chômage, la pauvreté et
l’injustice. Malheureusement, elle est aujourd’hui exploitée
pour financer les deux tiers du budget de fonctionnement des
Etats producteurs ou leurs importations aux fins de
consommation immédiate. Il devient donc vital d’investir dans
d’autres alternatives. De plus l’Afrique du Nord offre une
opportunité : un territoire immense, 300 millions de personnes
en 2040 avec 600 Milliards € d’échanges commerciaux.»
Parmi les enjeux, la lutte contre la désertification et la sécurité
alimentaire sont étroitement liées. Nous pouvons citer plusieurs
techniques utilisées ou en cours de développement, telles que la
42 Interview réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Sid Ahmed
GHOZALI, Consultant, Ex premier ministre Algérien.
Sahara Green 97
Permaculture (technique agricole et de verdissage des zones
arides), ou la robotisation.
Mohamed ZAOUI 43, a déclaré lors d’un entretien réalisé dans
le cadre de l’élaboration de ce livre :
«La télédétection par satellite permet de suivre à moindre coût
et à long terme les zones à risque, tandis que la géolocalisation
offre le moyen de déployer des systèmes dans les régions
dépourvues d’infrastructures de communication. Des robots de
petite taille, alimentés en énergie solaire, peuvent assurer une
meilleure protection des sols et de la flore. Une nouvelle
approche basée sur la synergie de ces techniques constitue donc
un facteur d’intégration des régions à faible densité de
population, au sein de la communauté euro-méditerranéenne.
C’est aussi un moyen de réinvestir les territoires désertiques ou
en voie de désertification. »
II.7.2) Cas concrets de projets interrégionaux
Les «Projets méditerranéens de recherche scientifique
interuniversitaire» (MeRSI) ont pour but de renforcer la
recherche et la coopération scientifique du bassin
méditerranéen. Cette action fait l’objet d’un appel d’offres
auquel peuvent candidater les 413 institutions membres de
43 Interview dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Mohamed ZAOUI,
Responsable r.stepps (Robots nomades de protection écosystèmes et lutte contre
désertification), Collège de France, CNRS.
Sahara Green 98
l’Agence Universitaire de la Francophonie, notamment les pays
du sud de la Méditerranée. Ces projets devront être conformes
aux thématiques qui entrent dans le cadre de l’Union pour la
Méditerranée. Parmi les projets industriels en cours, nous
pouvons citer les plus emblématiques et qui concernent le cas
de la coopération énergétique transméditerranéenne : le Plan
Solaire Méditerranéen, DESERTEC, et MedGrid, que nous
présentons dans le prochain chapitre.
Sahara Green 99
III) Le cas de la coopération énergétique transméditerranéenne : l’électricité verte
Dans les décennies à venir l’humanité fera face au considérable
défi de composer avec les besoins de la population mondiale
sans cesse croissante. Seule la réduction des asymétries en
termes de « développement humain » aura une chance de
prévenir les conflits potentiels qui tirailleront le futur. Cela
conduira à une énorme augmentation de la demande
énergétique, laquelle ne devra pas être couverte par des énergies
polluantes.
Par ailleurs, le monde ne fait pas face uniquement à des réserves
fossiles limitées, mais également aux risques climatiques et à la
dégradation des sols. Dans une « économie verte» nous pouvons
résoudre ce dilemme en employant les technologies actuelles
pour exploiter l’énorme potentiel d’énergies solaire et éolienne
qu’offre le Sud méditerranéen.
En même temps, les systèmes modernes de transport de
l’électricité et le processus de globalisation, offrent de nouvelles
options de coopération transrégionale avec d’importantes
synergies en terme de développement et de lutte contre le
changement climatique.
Sahara Green 100
Des initiatives pour la production d’électricité à partir de
l’énergie solaire du Sahara, ou encore pour la désalinisation
solaire de l’eau de mer existent, mais ne se sont pas mariées
pour faire face à la lutte contre la désertification.
C’est dans ce contexte que ce livre propose un concept qui
permet d’élargir la réponse aux besoins des deux rives, parmi
lesquelles le reverdissage du Sahara et la contribution à la
limitation de la montée du niveau de la mer Méditerranée,
favorisant ainsi une coopération énergétique
transméditerranéenne durable et équitable.
III.1) Avantages et limites des initiatives et plans solaires
actuels
Un pas important dans le sens de la stabilité, de la durabilité, et
de la paix, peut être fait grâce à la coopération énergétique
transméditerranéenne durable. Le nord a besoin du Sud pour
s’approvisionner en énergie, et le fait déjà en ressources
fossiles, mais a également besoin de réduire ses émissions de
gaz à effets de serre.
Et tandis que le Nord voit son pic de demande énergétique
durant l’hiver, le Sud a surtout besoin d’énergie électrique en
été. D’autant plus que l’énergie solaire est plus intense en été
Sahara Green 101
pendant que l’énergie éolienne donne tout son potentiel en
hiver.
La complémentarité saisonnière du rayonnement solaire et du
vent, et des besoins énergétiques du Nord face à ceux du Sud,
fait de cette coopération tout son intérêt économique.
Par ailleurs, l’intensité de ces énergies dans le Sud
méditerranéen, les effets d’échelle et l’efficacité des
technologies qui ne cesse d’augmenter, les rend rentable dès
aujourd’hui.
Selon le German Aerospace Center44, le Sahara possède l’un des
plus gigantesque potentiel énergétique mondial. Ce centre de
recherche a estimé que cinq pour cent de sa surface suffirait à
extraire assez de rayonnement solaire en 2009 pour
approvisionner la planète entière en électricité verte (18 000
TWh/an en 2009), ce qui réduirait les émissions de CO2 de 4,7
milliards de tonnes d’ici 2050, soit six fois la production
annuelle de l’Allemagne d’aujourd'hui.
Ces avantages correspondent à ceux des initiatives et plans
solaires actuels, mais ceux-ci n’intègrent pas toute la
potentialité de cette énergie en termes de développement
44 German Aerospace Center, « AQUA-CSP Concentrating Solar Power for Seawater
Desalination », novembre 2007.
Sahara Green 102
humain, et de lutte contre le changement climatique et la
désertification.
III.1.1) Coup d'envoi d’un nouveau partenariat énergétique euro-méditerranéen : le Plan Solaire Méditerranéen
Lors de la 5ème conférence ministérielle euro-méditerranéenne
de l'énergie qui s’est tenue à Chypre le 17 décembre 2007,
Andris Piebalgs, membre de la Commission européenne chargé
de l'énergie, a donné le coup d'envoi à un nouveau partenariat
énergétique euro-méditerranéen45. Les ministres et le
commissaire ont approuvé son plan d'action prioritaire 2008-
2013 pour une coopération euro-méditerranéenne dans le
domaine de l'énergie :
- favoriser l'intégration énergétique : harmoniser les marchés
et les législations sur l'énergie ;
- encourager le développement durable dans le secteur de
l'énergie ;
- élaborer des initiatives d'intérêt commun dans des domaines
clés tels que les infrastructures.
Ce coup d’envoi au partenariat énergétique méditerranéen, a été
suivi du lancement du programme « Plan Solaire
45 Europa, «IP/07/1945 : Commissioner Piebalgs launches the new Euro-Mediterranean
energy partnership»,
<http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/07/1945>, 2007.
Sahara Green 103
Méditerranéen » 46, projet phare de l’Union Pour la
Méditerranée.
Il vise officiellement à « accroître l'utilisation des énergies
renouvelables et à renforcer l'efficacité énergétique de la région
», permettant ainsi « de limiter les émissions de gaz à effet de
serre et de réduire la vulnérabilité du système énergétique de
chaque pays et de la région dans son ensemble». Il procure
également «des avantages financiers liés aux économies de
CO2».
Le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) vise à produire 20 GW
d' «électricité verte» à l'horizon 2020. Ses centrales électriques,
principalement solaires, seraient basées sur les rives Sud et Est
de la Méditerranée.
Une part de l'électricité ainsi produite serait acheminée vers
l'Union Européenne qu'elle alimenterait en partie « afin de
garantir la rentabilité des projets ». L'autre partie serait destinée
à la consommation locale.
En décembre 2009, la Banque Mondiale a déclaré qu'elle
investirait lourdement dans la construction de centrales
46 Interview réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Antoine-Tristan
MOCILNIKAR, Responsable Environnement & Développement Durable à la
mission Union Pour La Méditerranée, Présidence de la République.
Sahara Green 104
thermodynamiques solaires dans cinq pays du Sud de la
Méditerranée (Algérie, Egypte, Jordanie, Maroc, Tunisie).
Bénéficiant du concours conséquent d'autres investisseurs, le
montant des fonds alloués au renforcement du programme
solaire sur les rives du bassin méditerranéen s'élèverait à plus de
5,5 milliards USD.
Enfin, le PSM a ouvert la voie à plusieurs initiatives
industrielles, et il règne déjà une certaine effervescence autour
du PSM : de multiples évènements naissent en vue de s'y
greffer, telles que Desertec et Medgrid.
III.1.2) Les initiatives industrielles actuelles
L’initiative allemande « Desertec » 47
Le PSM a ouvert la brèche du marché solaire euro-
méditerranéen, et l'un des premiers à s'y être engouffré est le
programme d'initiative allemande Desertec.
Ce projet, initié par le « Club of Rome », et dévoilé par la
fondation DESERTEC en Juillet 2009, est ambitieux : il s'agit
47 Interviews réalisées dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Oliver
STEINMETZ (Membre du conseil d’administration de la fondation DESERTEC),
et Mr Paul VAN SON (PDG de Dii Gmbh (Desertec Industrial Initiative), Munich).
Sahara Green 105
de relier le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et l'Europe via un
gigantesque réseau d'installations éoliennes et de centrales
solaires.
Les responsables de la fondation DESERTEC résument la
situation : «Les déserts de notre planète reçoivent en six heures
plus d'énergie solaire que n'en consomme l'humanité en une
année. Le soleil dispense quotidiennement une quantité
considérable d'énergie qu'il convient d'exploiter en vue
d'alimenter proprement l’Europe, l’Afrique du Nord et le
Moyen Orient».
L'électricité verte, produite par une trentaine de centrales
thermiques dans le Sahara, pourrait être acheminée vers
l'Europe pour couvrir au moins 15% de ses besoins énergétiques
à l'horizon 2050. Selon la presse allemande, 400 milliards
d'euros seraient nécessaires à la réalisation du projet et à la
construction des centrales thermodynamiques (85 à 90% du
budget) et des interconnexions (10 à 15 %).
Afin de mettre en œuvre ce projet le consortium indusriel
Desertec Industrial Initiative (Dii) fût créé par la fondation et de
grands groupes allemands essentiellement. Mr Paul Van Son,
PDG de Dii, est convaincu que «cette initiative favorisera le
développement de tous les pays méditerranéens et contribuera à
une prospérité croissante tant au Nord qu'au Sud ».
Sahara Green 106
Mais cette initiative pourrait, comme ce livre le propose,
apporter plus de bénéfices environnementaux, et donc humains
par ricochet, si elle allait au delà du seul besoin d’énergie
propre auquel elle tente d’y répondre.
MEDGRID 48, une initiative industrielle française
Comme pour Desertec, la démarche de MedGrid est
d'acheminer vers l'Europe l'énergie solaire qui sera produite au
Moyen Orient et au Nord de l’Afrique, mais ne concerne que le
lot «interconnexions » : lignes de transmission en CCTH
(courant continu haute tension), qui limite les pertes de courant
électrique à moins de 3% pour 1000 km.
L’objectif prioritaire du consortium MedGrid, qui réunit les
principaux industriels européens spécialistes de la construction
des grands réseaux électriques, sera d’élaborer un schéma
directeur du système électrique euro-méditerranéen à l’horizon
2020 et d’établir la faisabilité ainsi que la rentabilité de ce
projet.
48 Interviews réalisés dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr André MERLIN
(PDG de MedGrid, Président conseils de surveillance de RTE et d'ErDF), et Mr
Gassan ANBAR, Vice Président de MEDGRID.
Sahara Green 107
Mr André MERLIN et Mr Gassan Anbar, ont déclaré lors d’une
interview réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre :
«Les pays d’Afrique du Nord et du Proche Orient connaissent
un fort développement de leur consommation d’électricité (7% /
an), et ont des plans de développement d’énergies alternatives et
notamment d’énergie solaire. Ces énergies étant plus chères
pour les pays exportateurs de ressources fossiles, que les
énergies conventionnelles, il paraît judicieux d’en exporter une
partie vers l’Europe, qui elle-même s’est fixé des objectifs
ambitieux en matière de réduction d’émissions de CO2 et
d’accroissement de la part des énergies renouvelables dans son
mix énergétique, et qui est prête à acheter cette électricité verte
aux mêmes prix que ceux pratiqués dans chacun des Etats
membres (Article 9 du troisième paquet énergétique). »
Les avantages que procure le projet MedGrid, seraient donc de
sécuriser l’alimentation en électricité de l’ensemble du bassin
méditerranéen et réduire les coûts de production, mais certains
«problèmes» pourraient jalonner son parcours, telles que des
difficultés politiques ou avec des organismes et associations
écologistes. En effet, la Méditerranée est un écosystème fragile
et il faudra prendre toutes les précautions environnementales
pour faire passer autant de câbles sous les eaux.
Enfin, ce consortium souhaite devenir le fer de lance d’un
partenariat renforcé, entre l’Europe et les autres pays
Sahara Green 108
méditerranéens, dans le domaine de l’énergie et ainsi préfigurer
l’amorce d’une Communauté Méditerranéenne de l’Energie.
Cependant, comme pour DESERTEC, les bénéfices humains et
environnementaux pourraient être bien plus globaux si MedGrid
allait au delà de la simple préoccupation énergétique.
III.1.3) Les plans solaires des pays du Maghreb
Pour faire face au Peak Oil, l’Algérie doit diversifier son mix
énergétique et trouver un substitut aux revenus pétroliers et
gaziers. Pour le Maroc et la Tunisie, pays non producteur
d’hydrocarbures, leur préoccupation est plutôt l’augmentation
des prix des énergies fossiles, et cherchent à utiliser leur
potentiel en énergies renouvelables pour y faire face.
Le Plan Solaire Marocain (PSM)
Le Plan Solaire Marocain repose essentiellement sur la mise en
place d'un important réseau de production électrique utilisant
l'énergie solaire à hauteur de 2 GW entre 2015 et 2019. Le
Maroc prévoit en outre qu'à l'horizon 2020 la part de la
puissance électrique provenant des énergies renouvelables
(solaire, éolienne, hydraulique) représentera 42% du parc total.
Le Plan Solaire Tunisien (PST)
Le programme annoncé permettrait d'éviter l'émission de 1,3
Sahara Green 109
millions de tonnes par an de CO2, et économiserait 100 millions
de Tonnes Equivalent Pétrole à l'horizon 2030. Le PST coûterait
2 Milliards d'€ pour une quarantaine de projets : énergies solaire
et éolienne, efficacité énergétique, interconnexion électrique
avec l'Italie, fabrication de panneaux photovoltaïques.
Les projets solaires en Algérie
L'Algérie s'annonce comme un interlocuteur incontournable
dans la mise en œuvre des plans solaires transméditerranéens,
car il est le pays au plus important potentiel d'ensoleillement de
par l'immensité de son territoire. L’Algérie ambitionne de
produire 40% de son électricité à l’horizon 2030 à partir des
énergies renouvelables, et de se positionner comme fournisseur
majeur d’électricité verte en direction du marché européen en se
fixant un objectif d’exportation de 10 Gigawatt. En 2020 et
2030, la consommation d’électricité devrait se situer
respectivement à 80 TWh et 150 TWh. L’objectif global du
programme consiste dans l’installation de 22 Gigawatt à
l’horizon 2030, dont 10 gigawatt seraient dédiés à l’exportation.
La première centrale « hybride solaire/gaz » de 160 MW
opérationnelle au niveau mondial, a été mise en route en 2011,
et une usine de production de panneaux photovoltaïques est en
construction.
Sahara Green 110
III.2) Proposition d’un concept qui réponde aux enjeux de
façon globale et locale
Si l'on n'observe pas de lien officiellement assumé entre
Desertec et l'UfM, le projet MedGrid tente de s’ancrer dans le
processus du Plan Solaire Méditerranéen (PSM).
Les gouvernements du Sud étaient donc sceptiques au départ,
sur la viabilité de ces initiatives industrielles, sachant qu’il
existait déjà le Plan Solaire Méditerranéen. Mais le PSM ne
parlait pas de l’énergie solaire du Sahara, ni d’un «Super Smart
Grid» comme l’envisage MedGrid.
Le PSM apparaît donc finalement comme pas assez ambitieux,
tandis que DESERTEC et MedGrid ne répondent pas à tous les
enjeux.
La préoccupation première de l’Allemagne, étant de sortir du
nucléaire, est de trouver une énergie propre pour faire face à ses
objectifs de réduction de CO2.
Quant à MedGrid, ce projet donne l’impression que la France
tente de contrecarrer le projet Allemand en lançant une initiative
industrielle qui complète le Plan Solaire Méditerranéen, dont
elle est l’instigatrice.
D’après les critiques du Sud de la Méditerranée : «ces tensions
révèlent un néocolonianisme ambiant, qui vise à profiter du
soleil Africain sans bénéfices réels pour ce continent».
Sahara Green 111
Et au Nord, les détracteurs fustigent la perte d’indépendance
énergétique que cela procurerait, alors que l’UE est déjà
dépendante en termes de Gaz naturel, Pétrole, ou Uranium.
En fait, ces « différents » traduisent tout simplement le besoin
vital de l’UE de coopérer et d’intégrer totalement cette région
pour faire face aux enjeux du XXIème siècle.
Enfin, l’un des objectifs de ce livre, étant de faire la promotion
au niveau mondial du concept qui vise à utiliser le soleil des
déserts pour créer une énorme quantité d’énergie, la création
d’un site internet et de plusieurs forums de discussion a permis
à plus de 4000 professionnels de participer quotidiennement au
débat. Au total, 249 personnes ont répondu au sondage 2.0
réalisé en ligne dans le cadre de l’élaboration de ce livre, ce qui
a révélé par ailleurs qu’une partie des citoyens du Nord comme
du Sud de la Méditerranée, a revu sa position qui n’était pas
forcément favorable au départ à la promotion de ces projets.
En effet, certaines informations sont difficilement accessibles
auprès des organisations chargées de ces programmes : plan de
développement, répartition territoriale, mix énergétique,
forces/faiblesses et risques/opportunités de chaque pays du sud
concernant un éventuel transfert de technologies ayant pour
objectif la production des composants des stations solaires et
éoliennes sur place. Ces projets ayant été annoncés très tôt, ont
eu un effet «Buzz», ayant entrainé une déception pour les
«parties intéressées» qui voulaient en savoir plus, ce qui a
Sahara Green 112
généré chez les « enthousiastes de départ » un sentiment
dubitatif.
Pour mesurer l’évolution du ressenti des parties prenantes, nous
avons réalisé un questionnaire en ligne : 117 personnes répondu
au sondage ci-desous sur la pertinence du projet DESERTEC.
Le graphique ci-dessous, résultat d’un de nos sondages, révèle
que 71% pensent que DESERTEC est un bon projet pour le
Développement Durable du Sud, et 14% pensent qu’il n’est
bénéfique qu’à la réduction des émissions de CO2 de l’UE.
Cette communication de type 2.0, montre bien la nécessité de
mieux communiquer et de prendre en compte toutes les parties
prenantes dans un débat ouvert à tous, sans négliger leurs
Sahara Green 113
aspirations. Parmi elles, nous avons noté leur attachement à la
lutte contre la désertification, l’emploi au Sud et l’accès à l’eau.
Pour que ces initiatives industrielles soient acceptées et
soutenues, il faut donc un concept qui réponde à ces besoins.
L’étude réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre
montre que 41% préconisent plus d’investissements dans la
zone MENA (Middle East and North of Africa), 25% une
coopération accrue, et pour 23%, plus d’objectifs DD
bénéfiques à la zone MENA.
Pour gagner l’adhésion des citoyens du Sud, il faudrait donc un
programme qui réponde à leurs attentes, à savoir, utiliser
l’énergie du désert pour :
Sahara Green 114
- assurer la sécurité énergétique dans l’espace méditerranéen,
- dessaler l’eau de mer,
- lutter contre la désertification,
- initier l’économie de l’hydrogène,
- créer des emplois au Sud,
- rétablir la balance commerciale entre l’UE et le Sud de la
Méditerranée.
Ces objectifs viendraient alors compléter le transfert de
technologies vers le sud, et l’exportation de l’électricité verte
vers l’UE, pour garantir, entre autre, l’objectif de réduction des
émissions de C02 de l’UE. Le développement du sud apportant
également d’autres bénéfices, tel que le fort ralentissement des
migrations climatiques ou économiques, verrait s’y rallier plus
de soutien de la part des populations du Nord.
Pour répondre à ces objectifs, il faudrait un concept d’une autre
dimension : un système qui utiliserait l’énorme quantité de
soleil du Sahara, pour reverdir ce dernier et freiner la montée du
niveau de la mer. Et dessaler l’eau de mer à très grande échelle,
peut permettre d’atteindre cet objectif. Il permettrait de produire
des quantités considérables d’eau potable, ce qui freinerait la
montée du niveau de la mer, et qui seraient acheminées au
Sahara par pipelines, pour le verdir.
Il y a donc d’excellentes raisons à la mise en œuvre à très
grande échelle, de stations de désalinisation alimentées par
l’énergie solaire thermique (CSP-SWD) :
Sahara Green 115
- grâce aux capacités de stockage par sels fondues, et
l’utilisation hybride (gaz naturel, hydrogène), les centrales
solaires à concentration (CSP) peuvent fournir de
l’électricité en continu aux stations de désalinisation
(SWD) ;
- les stations CSP-SWD de très grande capacité peuvent
fournir jusqu’à 100000 m³/jour ;
- l’énorme potentiel solaire du Sahara, peut aisément
permettre de combler le déficit en eau potable, qui risque
de passer de 50 milliards, à 150 milliards de m3 en 2050;
- en 2020, les stations CSP-SWD pourraient devenir la
source d’électricité la moins chère (0,04 €/kWh) et fournir
une eau propre économique (0,4 €/m³) 49;
- combiner l’efficacité d’utilisation de la ressource en eau la
désalinisation à grande échelle, d’ici 2030 (la seule
efficacité ne permettrait de combler que 50% du déficit de
la région ;
- on peut utiliser les techniques avancées de désalinisation à
drain horizontal et nano-filtration pour éviter les impacts
environnementaux, et éviter le rejet d’eau saumâtre ;
49 German Aerospace Center, « AQUA-CSP Concentrating Solar Power for Seawater
Desalination », novembre 2007.
Sahara Green 116
- ces stations peuvent produire de l’Hydrogène, utile
notamment pour le “transport propre” ;
- l’eau potable produite en très grande quantité peut
permettre le “reverdissage” du Sahara, et participer à
contrebalancer la montée du niveau de la mer.
Il faudrait donc construire des stations disséminées entre le
Sahara et le rivage méditerranéen, regroupant à la fois des
unités de dessalement d’eau de mer, de production d’hydrogène,
et de permaculture, le tout alimenté par une station solaire
thermodynamique à concentration (CSP).
Ces stations, sorte d’ «Oasis Power» fournirait de l’eau potable,
participeraient au reverdissage du Sahara et à l’agriculture en
zone aride, donc finalement à la lutte contre la désertification et
la dépendance alimentaire, enjeux importants pour les
populations du Sud.
Ces «Oasis Power» reliés par un «Super Smart Grid»
intelligent, alimenteraient toute la région, et relié à l’Europe par
des lignes «HVDC» fourniraient à l’UE l’électricité verte dont
elle a besoin pour atteindre ses objectifs de réduction de CO2.
Enfin, si le matériel nécessaire est construit sur place, avec une
réelle coopération technologique, cela créerait des milliers
d’emplois au Sud, y améliorerait le développement humain,
réduisant ainsi les migrations.
Il s’agirait, en somme, d’une stratégie de développement
durable gagnant/gagnant, qui ferait entrer durablement l’espace
méditerranéen dans la nouvelle ère de l’ «économique verte ».
Sahara Green 117
CONCLUSION
Les recommandations énoncées dans ce livre sont destinées au
développement durable en Méditerranée, et comme nous
l’avons abordé dans la première partie de ce document, celle-ci
constitue un laboratoire à partir duquel nous pouvons élaborer
une politique plus globale, mondiale, en faveur de la
«mondialisation de l’économie verte».
Cette politique globale devra intégrer un processus de
gouvernance locale des territoires, ce qui représente une tache
immense et appelle des évolutions considérables à court terme,
notamment sur le plan de la démocratisation. Celle-ci doit
progresser dans de nombreux pays ; les évènements actuels dans
les pays arabes en sont peut-être les prémices.
Les systèmes d’éducation doivent également s’adapter à la
nouvelle donne pour répondre à la demande de connaissances
qui permettra à une nouvelle génération d’entrer de façon
compétitive dans une économie verte dominée par l’information
et l’innovation.
Des politiques urbaines d’un genre nouveau doivent être
conçues pour maitriser les immenses mouvements de population
que le monde, connaîtra dans les prochaines décennies, et que
nous commençons déjà à en voire les effets en Méditerranée.
Les politiques démographiques et de santé doivent être
améliorées pour mieux contrôler les effets anthropiques et le
déficit écologique d’une part, et assoir le développement
humain sur de bonnes bases d’autre part.
Sahara Green 118
Toutes ces tâches qui nous attendent, et bien d’autres, nous
lancent un défi majeur. Elles ne pourront être entreprises et
apporter des bénéfices à l’écosystème et au développement
humain, qu’avec des mécanismes de meilleure gouvernance et
un regard plus lucide sur notre façon de vivre au quotidien. La
responsabilisation collective pour la gestion des écosystèmes
terrestres est indispensable. Nous devons donc changer de
«paradigme». La gouvernance territoriale en sera l’instrument
public.
Cependant, cette gouvernance territoriale ne pourra éclore dans
le sud de la Méditerranée, que grâce à une solidarité
méditerranéenne qui sera le reflet de la «coopération
transméditerranéenne équitable» dont ce livre fait la promotion.
Celle-ci nécessitera plus de visibilité de la part de l’Union Pour
la Méditerranée sur la politique de développement durable à
mettre en œuvre. Il faudra donc donner plus d’audience aux
initiatives transméditerranéennes durables, et la création d’un
Observatoire Méditerranéen du Développement Durable peut en
constituer un des éléments porteurs ; il aura pour vision : «une
économie méditerranéenne verte basée sur un partenariat
transméditerranéen équitable». Cet observatoire sera très utile
pour notamment :
- faire des études visant à faire face aux enjeux
géostratégiques méditerranéens ;
- identifier des financements possibles pour les projets
transméditerranéens ;
Sahara Green 119
- créer une boite à outils pour : aider les entreprises à se réunir
en «Clusters» et les organisations territoriales à mettre en
place l’Agenda21 méditerranéen ; les aider à rédiger leur
politique DD et leur charte achat ; les soutenir dans la mise
en place d’actions respectant l’essence du «global compact»
et les recommandations de l’ISO26000 ;
- noter le niveau de responsabilité sociétale des organisations
souhaitant participer à ces projets transméditerranéens ;
- rendre visible et lisible la problématique du développement
durable en Méditerranée :
. réaliser des formations 2.0 en ligne, des partenariats
universitaires, des forums ;
. utiliser l’Initiative Citoyenne Européenne en faveur d’une
«économie verte équitable» ;
- promouvoir des projets transméditerranéens durables par
l’approche «parties prenantes» ; en particulier l’utilisation de
l’énergie solaire du Sahara pour une «croissance verte
durable» dans le bassin méditerranéen, tel que décrit dans le
troisième chapitre de ce document ;
- promouvoir les approches «territoriale» et «écosystémique»
en Méditerranée.
L’opinion publique des pays riches et des pays émergents, doit
prendre conscience du dividende que payera la solidarité. Les
écosystèmes terrestres et marins sont un bien public commun de
l’humanité. Leur restauration incombe en très grande partie à
des populations déshéritées. Elle apporte cependant des
Sahara Green 120
améliorations globales dont tous les citoyens de la planète
bénéficient. Cet effet justifie amplement la solidarité Nord Sud,
et le principe de «coopération transméditerranéenne équitable».
Les instances européennes doivent prendre conscience du
manque d’initiative positive «concrète» en faveur des
populations du sud, et de l’importance géostratégique du
ralliement du nord de l’Afrique et de l’Afrique sub-saharienne à
l’Union Européenne, pour faire face à de grands ensembles
économiques tels que l’Amérique, la Chine, l’Inde, la Russie,
par exemple.
Alors, l’Union Européenne et les Pays du bassin méditerranéen,
vont-ils s’unir pour mettre en place une «politique économique
verte», basée sur un «développement humain équitable», et un
«fonctionnement écosystémique équilibré» ? Cet ensemble
économique, va t’il s’unir à l’Afrique sub-saharienne pour un
avenir commun forcément meilleur ? Les citoyens européens
vont-ils user de leur nouveau droit de démocratie participative,
pour relancer cette fabuleuse aventure de construction
méditerranéenne ?
Sahara Green 121
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ANNEXE-1 : Questionnaire sur la « coopération transméditerranéenne durable », réalisé par N. Hadroug
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ANNEXE-2 : LIENS VERS NOS FORUMS
Plus de 7000 membres internationaux participent à nos forums :
professionnels du Développement Durable, des CleanTechs, de
l’énergie, de l’eau, et des questions géostratégiques du bassin
Méditerranéen :
Site Internet SaharaGreen
http://desertec-mediterranee.over-blog.com
International Green List
http://www.linkedin.com/groups?gid=3971464
Blog SaharaGreen
http://www.linkedin.com/groups/SaharaGreen-Sahar-Green-
Sahara-Green-2685545
Sahara Green sur Twitter
http://twitter.com/Sahara_Green
Blog Aqua-CSP
http://www.linkedin.com/groups?gid=3453372
Blog Euromed
http://www.linkedin.com/groups/EUROMED-Union-
Mediterranean-UfM-Union-3944477
Blog DESERTEC
http://www.linkedin.com/groups/DESERTEC-2113510
The New Energy Manager
http://www.linkedin.com/groups/New-Energy-Manager-500000-3882429?gid=3882429
Sahara Green 131
The Green MBA http://www.linkedin.com/groups/Green-MBA-2779128?gid=2779128
Blog de l’Observatoire Méditerranéen du Développement Durable : OMDD http://www.linkedin.com/groups?gid=4046591
The Green Project manager http://www.linkedin.com/groups?gid=4024952
Green Business International Managers http://www.linkedin.com/groups/Green-Business-International-Manager-2398682
Blog de l’Initiative « Robotica Green » http://www.linkedin.com/groups/Robotic-Green-Robotica-Green-RoboticaGreen-1932429
Blog de l’initiative « Euromed GEI » http://www.linkedin.com/groups/GEIEuromed-Mediterranean-Green-Economy-Initiative-2700054
Blog « Plan Solaire Méditerranéen » http://www.linkedin.com/groups?gid=2694468
Blog « Initiatives SaharaGreen, DESERTEC, MedGrid, PSM » http://www.linkedin.com/groups?gid=2944372
International Green Jobs http://www.linkedin.com/groups/Linked-JOB-2693317
MdF « Managers de France » http://www.linkedin.com/groups?gid=2389859
Green Open Networker http://www.linkedin.com/groups/Green-Open-Networkers-Lets-reach-4034238
Sahara Green 132
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux
professeurs Karen Delchet-Cochet et Olivier Soria pour avoir
bien voulu participer à la relecture de ce livre.
J'adresse mes plus vifs remerciements à Monsieur Paul
Van Son, PDG de Dii Gmbh (Desertec Industrial Initiative), de
m’avoir donné l’occasion de m’impliquer dans la promotion du
concept DESERTEC au niveau international, et à Monsieur
Gerry Wolff, coordinateur DESERTEC UK et TREC UK
(Trans-mediterranean Renewable Energy Cooperation, initiative
du Club de Rome) pour m’avoir invité à intégrer son équipe
(http://www.trec-uk.org.uk/members.html).
Je remercie également Monsieur Philippe Mangeard,
Vice Président d’UBIFRANCE, et Monsieur Antoine-Tristan
Mocilnikar, responsable Environnement et Développement
Durable de la mission Union Pour la Méditerranée à la
Présidence de la République, pour l'attention qu'ils ont prêté à
mes travaux en m’ayant invité à des conférences de haut niveau,
lesquelles m’ont permis d’enrichir cet ouvrage.
Enfin, je tiens à remercier les membres du think tank
international Sahar@Green et tous ceux qui participent à ses
blogs et forums, ainsi que toutes les personnes qui ont bien
voulu répondre à mes interviews et questionnaires, en
particulier Monsieur Gassan Anbar, Vice président de Medgrid,
et Monsieur André Merlin, PDG de MedGrid et Président des
conseils de surveillance de RTE et d'ErDF.
Sahara Green
OMDD EDITIONS
Réédition 2011
Sahara Green
Let's implement Green Economy in the Mediterranean.
Let's re-green the deserts. Let's use the solar energy from deserts for a sustainable growth. Let's promote Trans-mediterranean sustainable projects. The goals of Sahar@Green are to promote the vision SaharaGreen (since 1928 this dream was to use Solar Energy to transform the deserts into paradise), and to help professionals to share Scientific & Technologic & Market informations about Sustainable Development, CSR, Green Business, Renewable Energy, Smart Grids, Energy storage, Greenhouse Gas Emission, Desalination, HVDC, Desertification, Agenda21, ISO26000, and to promote Renewable Energy Projects / initiatives, as DESERTEC, MedGrid, Mediterranean Solar Plan, Sahara Green vision.
Many thanks to everyone who is helping us to reduce our climate impact, to preserve the biosphere, by helping all the stakeholders to do business with the respect of the three Bottom Lines : Economic, Environment, Social.
Dr HADROUG Nasser
http://fr.linkedin.com/in/nasserhadroug
Chairman of OMDD (Observatoire Méditerranéen du Développement Durable - Mediterranean Observatory of Sustaibale Development) link
Program Director of SaharaGreen,
RoboticaGreen, Euromed GEI.