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Research Collection Doctoral Thesis Le Courant résiduel dans les multiplicateurs d'électrons électrostatiques Author(s): Rajchman, Jan Publication Date: 1938 Permanent Link: https://doi.org/10.3929/ethz-a-000092069 Rights / License: In Copyright - Non-Commercial Use Permitted This page was generated automatically upon download from the ETH Zurich Research Collection . For more information please consult the Terms of use . ETH Library

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Research Collection

Doctoral Thesis

Le Courant résiduel dans les multiplicateurs d'électronsélectrostatiques

Author(s): Rajchman, Jan

Publication Date: 1938

Permanent Link: https://doi.org/10.3929/ethz-a-000092069

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LE COUMNT RÉSIDUEL

DANS LES MULTIPLICATEURS

D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES

THÈSE

présentée a

l'école polytechnique fédérale, zurich

pour l'obtention du grade de

docteur es sciences techniques

PAR

Jan RAJCHMAN

de Pologne.

Rapporteur: M. le Prof. Dr P. Scherrer.

Co-rapporteur: M. le Prof. Dr. F. Tank.

GENÈVE

Imprimerie Albert Kundig

1938

Extrait des Archives des Sciences physiques et naturelles.5m. période: Vol. 20. — Fasc. Sept.-Oct. et Nov.-Déc. 1938.

CURRICULUM VITAE

Né à Londres, Angleterre, le 10 août 1911.

Enseignements primaires de l'Ecole Privât et de

VEcole professionnelle à Genève et enseignementsecondaire à la Section technique du Collège de

Genève. Maturité scientifique du Canton de

Genève en juillet 1930.

Admission à la Section d'électricité (Section III B)de l'Ecole polytechnique fédérale. Diplôme d'in¬

génieur électricien en 1934.

Depuis 1935, au service de la « Radio Corporation

of America, Manufacturing Company », à Cam-

den N.-J., aux Etats-Unis de l'Amérique, en

qualité d'ingénieur aux Laboratoires de Re¬

cherches électroniques.Jan RAJCHMAN.

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PRÉFACE

Le travail expérimental décrit dans cette thèse

en vue d'obtenir le grade de docteur es sciences

techniques à l'Ecole polytechnique fédérale à

Zurich, a été entrepris sur le conseil de M. le

professeur Dr P. Scherrer. Il a été exécuté dans

les Laboratoires de Recherches électroniques à la

R.C.A. Manufacturing Company, à Camden N.-J.,

dirigés par le Dr V. K. Zworykin, qui a bien

voulu donner son approbation pour le texte

anglais.

Camden N.-J., Etats-Unis d'Amérique.Juin 1938.

Traduction française.

Genève, septembre 1938.

Jan Rajchman.

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LE COURANT RÉSIDUEL

DANS LES MULTIPLICATEURS

D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES

PAR

Jan ISAJCHVlArV

(Avec 28 flg.) .

I. INTRODUCTION

Lorsque la surface d'un solide est bombardée par des élec¬

trons, c'est-à-dire par des rayons cathodiques, elle est en

général capable d'émettre d'autres électrons. Ce phénomène,connu sous le nom d'« émission secondaire », a été étudié par

maint auteur x * tant au point de vue théorique que pratique.Il a été découvert que le courant secondaire émis est propor¬

tionnel au courant primaire. Le coefficient de proportionnalité

dépend de la vitesse des électrons bombardeurs et de la nature

de la surface émissive. Il peut atteindre 15 dans certains cas.

Un multiplicateur d'électrons est un appareil qui utilise le

phénomène d'émission secondaire pour amplifier un courant

d'émission électronique. Cela est réalisé par le moyen suivant:

Les électrons originels bombardent une cible dont la surface

est particulièrement apte à l'émission secondaire, puis les

électrons secondaires obtenus deviennent à leur tour les pro¬

jectiles d'une cible nouvelle. Ce procédé qui peut être répété à

volonté multiplie chaque fois le courant par le coefficient

* Les chiffres renvoient aux indications bibliographiques groupéesà la fin de ce mémoire

10 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

d'émission secondaire. Le quotient du courant final au courant

initial, le gain, peut ainsi atteindre d'énormes valeurs, même

lorsque le coefficient d'émission secondaire n'est que de 4 ou 5.

Le processus de multiplication peut être réalisé en contrôlant

le mouvement des électrons par un champ électromagnétique

soit .constant2, soit variable3. A cause de sa plus grande

stabilité, seul le type statique sera considéré ici.

En principe, un multiplicateur statique consiste en une série

d'électrodes maintenues à des potentiels positifs croissants et

dont la surface est susceptible d'émission secondaire. Un

courant initial d'électrons produit par son choc sur la première

cible un courant secondaire qui est dirigé sur la cible suivante

et engendre a son tour de nouveaux électrons. Ce processus est

répété autant de fois qu'il y a d'électrodes multiplicatrices. Les

électrons acquièrent l'énergie cinétique nécessaire à l'émission

secondaire, par la perte de leur énergie potentielle dans le

champ électrostatique. Le phénomène de l'émission secondaire

n'est effectif que si les électrons primaires se meuvent dans une

direction opposée au champ dans le voisinage immédiat des

cibles puisqu'un tel champ y est nécessaire pour libérer les

électrons secondaires émis à la surface de l'électrode. Le champ

électromagnétique existant dans le multiplicateur doit donc

tendre à extraire les électrons des régions effectives des élec¬

trodes. De plus, en dépit de cette condition adverse, il faut qu'il

soit capable de diriger l'émission d'une électrode à la suivante

sans perte d'électrons. Ce champ dépend de la configuration

et des potentiels des électrodes ainsi que d'un système extérieur

éventuel tel qu'un aimant.

Dans le type magnétique i le processus de multiplication est

réalisé grâce à une combinaison de champs électro- et magnéto-

statiques. Le fonctionnement de cet appareil ne laisse rien à

désirer. Cependant, il nécessite l'usage d'un aimant extérieur

au tube, dont le champ doit être minutieusement ajusté en

intensité et en direction, ce qui est un inconvénient pratiqueconsidérable dans la plupart des cas. L'aimant devient un

obstacle dans le cas où le champ magnétique, qui est difficile à

localiser, est d'un effet néfaste par ailleurs. Ceci a lieu, par

exemple, dans les multiplicateurs dans lesquels l'émission

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 11

thermique des électrons initiaux est contrôlée par une grille,ou dans le cas de l'application du multiplicateur à l'iconoscope.Le mouvement des électrons lents compris dans l'espace ca¬

thode-grille dans le premier cas ou de ceux dans le voisinagede la surface de la mosaïque de l'iconoscope dans le second cas,

est considérablement altéré par le champ magnétique.Les multiplicateurs purement électrostatiques des types L

et T 4 développés antérieurement ne nécessitent pas d'aimant.

Ils ont cependant l'inconvénient de ne pouvoir opérer qu'avecdes courants de sortie assez faibles à cause des effets des charges

spatiales. De plus, ils sont difficiles à construire et le traitement

dans le vide de leurs surfaces émettrices est délicat.

La première partie de cette dissertation décrit le développe¬ment d'un multiplicateur purement électrostatique qui ne

possède ni les inconvénients du type magnétique ni ceux des

types L et T. Elle traite plus particulièrement des méthodes

utilisées pour la solution des problèmes de trajectoires d'élec¬

trons dans le champ électrostatique, c'est-à-dire des méthodes

de l'optique électronique qui, quoique développées pour les

multiplicateurs, ont un intérêt plus général pour la construction

de toutes sortes de tubes à vide. La majeure partie du sujet de

cette première partie est commune avec un mémoire en publi¬cation 5 et est présentée ici parce qu'elle est une introduction

indispensable à la thèse proprement dite.

Le multiplicateur peut multiplier le nombre des électrons

émis par photo-émission ou par émission thermique ou par

tout autre procédé. Le multiplicateur photo-électrique, le seul

qui sera décrit ici, peut avoir une sensibilité énorme en compa¬

raison de celle des cellules photo-électriques ordinaires. Le

nombre des photo-électrons qui n'est pas amplifié du tout dans

les cellules à vide et qui n'est amplifié que de 20 fois au maxi¬

mum dans les cellules à gaz, peut être multiplié dans cet appareil

par un facteur qui est pratiquement aussi grand que l'on veut.

Des gains de 108 à 109 ont été observés. De plus, le courant de

sortie est strictement proportionnel à l'intensité de la lumière

excitatrice, grâce à la linéarité de l'émission photo-électriqueet à la dépendance linéaire des courants primaires et secon¬

daires. La grande sensibilité et la linéarité parfaite du multi-

12 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

plicateur le rendent un instrument idéal pour la mesure

d'intensités de lumière très faibles.

Le multiplicateur est capable de suivre des variations d'in¬

tensité de lumière très rapides, comme il a déjà été montré *.

La limite fondamentale à la fréquence qu'il peut suivre est

déterminée uniquement par l'étendue de la bande des tempsde transit des électrons d'électrode à électrode, puisque le

processus de l'émission secondaire lui-même est pratiquementinstantané. Dans les conditions habituelles, cette fréquence de

variation limite est de l'ordre de 109 par seconde. On voit

ainsi que le multiplicateur est susceptible de multiplier directe¬

ment tout signal électronique, qu'il soit faible, constant ou

variant très rapidement. Il est très difficile, sinon impossible,de réaliser ces mêmes propriétés au moyen d'un autre dispositiftel qu'une cellule photo-électrique suivie d'un amplificateur à

tubes. Il a été démontré 4que du point de vue du « souffle » ou

bruit dû aux fluctuations du courant électronique (shot effect)le multiplicateur est fondamentalement supérieur à tout autre

dispositif, puisque le bruit provient uniquement des fluctuations

du courant photo-électrique lui-même. Un article intéressant

vient d'être publié 8 qui développe une théorie du « shot effect »

dans les multiplicateurs d'électrons.

Les propriétés remarquables du multiplicateur qui viennent

d'être décrites ouvrent d'énormes champs d'applications à cet

appareil. Malheureusement il se présente un sérieux obstacle.

Dans tout multiplicateur photo-électrique il existe, en général,un courant de sortie lorsque le tube est dans l'obscurité la plus

totale, c'est-à-dire lorsqu'il est complètement à l'abri de toute

radiation, visible aussi bien qu'invisible (de Finfra-rouge à

l'ultra-violet). Ce courant de sortie qui est présent en l'absence

de toute lumière excitatrice, sera appelé dans la suite le

« courant résiduel » (the dark current, der Dunkelstrom).Suivant son ordre de grandeur et sa stabilité, le courant

résiduel est nuisible pour les raisons suivantes:

Lorsque le courant résiduel est suffisamment grand pour

être comparable au courant de sortie maximum dont le tube

est capable, il restreint le courant de sortie effectif, c'est-à-dire

le courant de sortie dépendant de l'intensité de la lumière

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 13

excitatrice. Dans ce cas, évidemment, il est impossible de

mesurer des intensités de lumière très faibles, puisqu'elles ne

causent qu'un courant de sortie négligeable en face du grandcourant résiduel existant en permanence.

Lorsque le courant résiduel est plus petit, il devient nuisible

à cause de son instabilité. Si les irrégularités sont grandes

comparativement à celles provenant du « shot effect », on dira

que le courant résiduel est « erratique ». Dans ce cas, la plus

petite intensité de lumière mesurable devra être considérable¬

ment plus grande que la plus grande variation du courant

résiduel. C'est ainsi que le pouvoir du multiplicateur de mesurer

de faibles intensités de lumière sera déterminé par les fluctua¬

tions de son courant résiduel plutôt que par son gain qui,

pratiquement, peut être augmenté à volonté.

Enfin, lorsqu'on est parvenu à établir un état dans lequelle courant résiduel est très faible et que ses variations sont dues

exclusivement au « shot effect », celui-ci devient beaucoupmoins gênant. Pour la mesure d'intensités constantes, il est

presque inofïensif, puisqu'il peut être neutralisé par un circuit

de compensation approprié. Cependant, pour un signal lumi¬

neux modulé, le rapport du signal aux fluctuations dues au

« shot efîect » est diminué à cause des fluctuations addition¬

nelles du courant résiduel. Cet apport devient gênant surtout

pour des signaux faibles, dont les fréquences sont réparties

sur une large bande.

Ainsi, il est clair que le courant résiduel est tout à fait indé¬

sirable. L'objet principal du présent travail consiste à découvrir

et analyser les causes du courant résiduel et à préconiser les

moyens de le réduire. La seconde partie de cette dissertation

est consacrée à la description des principaux phénomènes quicausent le courant résiduel et à celle des moyens utilisés dans

la construction de multiplicateurs dont le courant résiduel est

réellement très faible. Lorsque toutes les autres causes sont

éliminées, l'émission thermique des électrodes emettrices elle-

même reste la cause ultime du courant résiduel et constitue

ainsi une limite fondamentale au-dessous de laquelle celui-ci ne

peut plus être réduit. Dans ces conditions, le multiplicateur est

un appareil idéal pour la détermination des constantes ther-

14 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

miques des surfaces émettrices. Ces constantes sont déterminées

en observant le courant résiduel en fonction de la températuredu tube, qui est variée par rapport à celle du laboratoire. Les

constantes thermiques de la surface photo-émettrice conven¬

tionnelle de l'oxyde d'argent traité au caesium ont été déter¬

minées par ce procédé.L'étude du courant résiduel fut commencée avec des multi¬

plicateurs magnétiques. Cependant, pour conserver la clarté

de l'exposé, nous n'avons pas mentionné spécifiquement les

résultats obtenus qui sont inclus ipso facto dans la présenteétude.

Les multiplicateurs photo-électriques dont le courant résiduel

est très faible ont un vaste champ d'application. Ils ont été

spécialement développés en vue d'obtenir un appareil susceptiblede mesurer directement des intensités de lumière très faibles.

Un instrument de cette sorte peut être particulièrement utile à

des applications scientifiques. En spectroscopie 7, par exemple,

l'énergie de radiation dans une bande étroite du spectre peut

devenir très faible, particulièrement lors de l'examen de la

luminescence ou de l'absorption des matériaux. Un autre champ

d'application est l'astronomie 8. Le multiplicateur permet, en

effet, de mesurer avec précision l'intensité de la lumière d'étoiles

de grande magnitude et d'obtenir aisément un enregistrementcontinu de la variation de cette intensité.

II. LES TRAJECTOIRES ÉLECTRONIQUES

DANS LE CHAMP ÉLECTROSTATIQUE

1. Considérations analytiques.

Considérons un certain nombre d'électrodes maintenues à

des potentiels constants donnés et la trajectoire que décrit une

particule chargée sous l'unique influence de leur champ électro¬

statique. En particulier, nous ne considérerons pas l'influence

d'un champ magnétique ou celle du champ électrostatique

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 15

créé par d'autres particules chargées, c'est-à-dire que nous

négligerons les charges spatiales.Les lois du champ électrique et du mouvement d'un point-

charge sont classiques. Le potentiel V satisfait à l'équation de

Laplace

AV = 0 (1)

pour tous les points du champ, et il est assujetti aux conditions

limites, c'est-à-dire qu'il doit prendre les valeurs données à la

surface des électrodes.

Considérons maintenant, dans ce champ, une particule de

masse m et de charge e. Nous admettrons que cette particulede nature subatomique se comporte comme une sphère de

rayon infiniment petit. Son mouvement, dû aux forces d'un

système potentiel, obéira à l'équation de Newton:

m-jj= |egrad.V| (2)

dans laquelle R est le rayon vecteur de la particule. Il devra,en plus, respecter les conditions initiales.

Pour obtenir l'équation de la trajectoire il suffît, en principe,

d'intégrer l'équation de Laplace (1), d'introduire la valeur

trouvée du potentiel V dans l'équation (2) et d'éliminer le

temps. Au lieu de cela, il est souvent plus facile de se servir

du principe de la moindre action qui fournit des équationsdans lesquelles le temps est éliminé de lui-même. D'après ce

principe, la trajectoire entre deux points A et B dans un

champ de forces potentielles est telle que l'intégrale S

B B

S = C 2Wdt = ( mvds (3)A À

devienne extrémale. Dans cette intégrale, W est l'énergie ciné¬

tique, v la vitesse de la particule, ds un élément de sa trajectoireet dt un élément de temps.

Si l'on choisit l'origine du potentiel V de telle sorte que

16 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

l'énergie totale de la particule soit toujours nulle, par consé¬

quent leVl = W, l'intégrale devient:

B

S =

A

fVVrfs (4)

en négligeant toutes les constantes. Nous supposons que la parti¬cule se meut suffisamment lentement pour qu'une correction

relativistique soit négligeable. Si l'on considère un problème à

deux dimensions dans un système de coordonnées cartésiennes

(x, y), l'intégraleB

s = | Vv Vi + y'2 dx (5)

A

devient stationnaire si l'équation différentielle d'Euler est

satisfaite :

dans laquelle

¥(x,y,y') = y/Vjx~,y) V'^y'2 (?)

Cette équation (6) se réduit ici à l'équation appelée l'« équationdu rayon »

dx* IV [ày dx àx\ [ \dxj \ [ '

Une inspection de cette équation (8) montre que la trajectoired'une particule chargée dans un système d'électrodes donné est

indépendante de sa masse et charge, et qu'elle est invariante

par rapport à une variation proportionnelle des potentiels de

toutes les électrodes. L'équation du mouvement (2) dans laquelle

on remplace R par sR montre aussi que la trajectoire dans un

modèle agrandi linéairement est simplement agrandie à la même

échelle. Ces observations seront importantes dans la suite.

En général, l'intégration analytique des équations ci-dessus

est impossible même lorsque l'arrangement des électrodes

paraît très simple. La principale difficulté est de satisfaire aux

conditions limites. Une intégration numérique approchée,

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 17

utilisant, par exemple, un développement en série pour le

potentiel et remplaçant la trajectoire cherchée par des

segments de courbes algébriques, peut toujours être effectuée à

condition que le calculateur possède une patience à toute

épreuve. Toutefois, une telle intégration numérique est dénuée

de toute généralité et fournit seulement une solution à un

problème spécifique donné. Par conséquent, la conception d'un

appareil électronique que l'on développerait par ce procédé,doit consister en l'examen successif de beaucoup de cas parti¬culiers dans l'espoir d'arriver à une vue d'ensemble du problème,

susceptible d'inspirer un dessin optimum.

La longue et laborieuse intégration numérique peut être

remplacée avec avantage par des procédés expérimentaux.Certains d'entre eux sont très expéditifs et en même temps

suffisamment exacts pour les besoins de la pratique. Une des

méthodes décrite plus bas fournit une vue d'ensemble sur un

problème, en un temps qui suffirait à peine pour une seule

intégration numérique des équations différentielles.

2. Le bain électrolytique et les méthodes

graphiques.

La difficile détermination du champ potentiel par l'inté¬

gration de l'équation de Laplace peut être évitée si l'on se sert

de la méthode bien connue du bain électrolytique. On placedans un électrolyte des électrodes homothétiques aux électrodes

considérées, puis on applique à celles-ci des tensions propor¬

tionnelles aux potentiels correspondants des électrodes du tube.

Le potentiel en chaque point de l'électrolyte est alors propor¬

tionnel à celui qui règne au point correspondant dans le champ

examiné; il est alors facile d'obtenir les surfaces équipoten-tielles. La distribution du potentiel à la surface de l'électrolyte,facilement déterminée, est celle d'un plan central d'une struc¬

ture d'électrodes qui serait composée de la partie immergée des

électrodes et de son image réfléchie par rapport à la surface du

liquide II se trouve précisément qu'un tel plan central existe

dans les deux structures les plus usitées, qui sont celles possé-

18 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

dant une symétrie axiale et celle composée de cylindres à

génératrices parallèles. La théorie complète de cette méthode,

et des réalisations pratiques diverses ont été décrites dans bien

des ouvrages9 et ne seront pas discutées ici.

Le problème de la détermination des trajectoires des élec¬

trons, une fois le champ potentiel connu, peut être résolu par

une intégration numérique comme il a été indiqué plus haut.

Cependant, il est plus expéditif de se servir d'une méthode

graphique qui consiste à remplacer la trajectoire cherchée par

des segments de courbes algébriques, telles que lignes droites,

cercles, paraboles, etc. L'une d'entre elles, appelée la « méthode

du cercle », est basée sur une relation très simple entre le rayon

de courbure R de la trajectoire en un point P, le potentiel V

en P et la composante EB du champ normal à la trajectoire

en P.

En appliquant le principe de la conservation de l'énergie à

une particule, dont l'énergie initiale est eV0, on peut écrire

-mv* = e(\ + V.) . (9)

La force centrifuge étant égale à la force radiale, nous avons

Ç = «B. • <>

En éliminant la vitesse v entre les équations (9) et (10) on

trouve :

R =2(^±V»)- (il)

Cette relation (11) sert de base à la méthode graphique.

Supposons que les lignes équipotentielles soient dessinées

et que la particule soit arrivée en un point P, situé sur la ligne

équipotentielle V — AV, à une vitesse v (voir fîg. 1). Le

centre C de l'arc de cercle remplaçant le segment de trajectoire

entre les lignes équipotentielles V — AV et V, se trouve sur une

normale PTC à la trajectoire en P. La distance y = PQ étant

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 19

la plus courte distance entre les lignes V — AV et V, il en résulte

que le champ E en P est approximativement:

E = ^ (12)y

La composante ER du champ E le long de PC est donnée par:

ER = E cos a (13)

/\

expression dans laquelle oc = QPG. Si l'on construit QT per¬

pendiculaire à QP et si l'on appelle z = PT, l'on obtient:

cos a =y~ (14)z

Fig. 1.

Méthode du cercle.

La combinaison des équations (11) à (14) fournit simplement:

B = 2-±p», . (15)

Le coefficient.-^——

et la distance z qui sont tous deux

connus déterminent ainsi le rayon R et la position de C sur la

droite PTC. L'arc PPX de centre C et de rayon R est l'approxi¬mation de la trajectoire cherchée entre les lignes équipoten-tielles V — AV et V. La répétition de ce procédé permetd'obtenir toute la trajectoire. Il n'est pas nécessaire de cons¬

truire la vitesse v chaque fois, en raison du fait que les segments

20 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

de trajectoire doivent se rejoindre sans discontinuité, et que

par conséquent le point Cx doit être sur la ligne P^C. Les seuls

éléments qui doivent être construits sont le point Q, la tangente

QT et l'arc de cercle PPX.Plusieurs sources d'erreurs sont inhérentes à ce procédé.

Tout d'abord, la trajectoire réelle est remplacée par une série

d'arcs de cercle dont le rayon est seulement une approximationdu rayon de courbure moyen du segment de la trajectoireconsidéré. De plus, chacun de ces arcs est construit d'après son

précédent de sorte que l'on introduit des erreurs systématiquesaussi bien que des erreurs accidentelles. Si l'on choisit de petitesdifférences de potentiel entre les lignes équipotentielles, on

augmente le nombre d'opérations successives et bien que l'on

réduise l'erreur systématique on augmente les erreurs acciden¬

telles. Une solution pratique à ce dilemme consiste à choisir

de grands « pas » de potentiel lorsque la particule se meut

rapidement et de petits lorsqu'elle se meut lentement. Il est

assez difficile de donner une analyse quantitative exacte des

approximations que cette méthode introduit. Son importanceconsiste en la rapidité avec laquelle les trajectoires électro¬

niques peuvent être obtenues, et non pas en une précision

garantie à tel ou tel degré.On a construit 10,11 des machines traçant automatiquement

les trajectoires électroniques dont le principe est basé sur la

relation (11). Cette même relation est aussi utilisée indépen¬damment dans une méthode graphique ressemblant à celle

décrite ci-dessus 12.

3. Une propriété générale.

Une propriété générale des trajectoires des particules chargéesa été découverte en relation avec une difficulté rencontrée dans

l'application de la méthode des cercles à la trajectoire d'une

particule sans vitesse initiale. En effet, il résulte des considéra¬

tions précédentes que cette méthode donne un résultat d'autant

plus précis que la particule a une vitesse initiale plus grande.Pour une particule sans vitesse initiale, on se trouve embarrassé

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 21

pour commencer la construction de la trajectoire. Ce cas est

régi par le théorème qui suit:

Le rayon, de courbure de la trajectoire d'une particule chargéedont la vitesse est nulle en un point P d'un champ électrostatique,est égal à trois fois le rayon de courbure de la ligne de force passant

par P.

Ce théorème peut être démontré comme suit:

Choisissons un système de coordonnées cartésiennes ayant

son origine en P et son axe des x normal à la ligne équipoten-tielle passant par P (voir fig. 2). Nous supposerons que le poten¬

tiel est nul au point P. Cette hypothèse, faite déjà lors de la

dérivation de l'équation du rayon (8), n'enlève rien à la géné¬

ralité de la démonstration.

Flg. 2.

La courbure de la trajectoire d'une particule de vitesse nulle.

Le rayon de courbure est donné, en coordonnées cartésiennes,

par la relation:

r =\L2LlU—

. (16)y

Soit y = yt(x) l'équation de la trajectoire et y — yf(x) l'équa¬

tion de la ligne de force passant par P. Puisque les deux courbes

sont tangentes à l'axe des x, c'est-à-dire que yt = yf= 0, les

rayons de courbure Rt et R^ seront respectivement égaux à

1.

1— et —

.

yt Vf

22 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

Calculons y\ à l'aide de l'équation du rayon (8):

Vtd^dx2

—jl r^z ôV dy

dx dx1 +

dx(17)

Pour x = y = dy/dx = V = 0, cette expression est indéter¬

minée. Sa limite peut cependant être facilement calculée au

moyen du théorème de L'Hospital. Ce calcul fournit:

\Vt x=0

ô2V

dx dy~~ÔV~

àx

(18)

x=0

Calculons maintenant y,. Soit U(a;, 2/) = constante, l'équa¬tion de la ligne de force passant par P. On peut écrire succes¬

sivement :

et

ÔU,7 , dU,7ox oy

= 0

dU ÔU2 ôU ô2U

d*yf ôa: dx dy/ÔU

ôî/ or2

dt* \2

U* )

(19)

(20)

Soient V(x, y) = const., les équations des lignes équipoten-tielles et V (x, y) = const., celles des lignes de force. Les

conditions de Riemann-Caucby peuvent s'écrire alors:

ôa:

ÔU

dyet

ÔV

dy

ÔU

dx(21)

En se servant de ces conditions pour éliminer U de l'équa¬

tion (20), et en remarquant que-—- = 0 grâce au choix du sys¬

tème de coordonnées, on obtient pour y^ au point P-

ô2V

l»/lx-0dx dy~~d\~~

dx

(22)

x=0

La comparaison des équations (18) et (22) prouve le

théorème.

multiplicateurs d'électrons électrostatiques 23

4. Le modèle mécanique et les vérifications

électroniques.

Une méthode expérimentale très expéditive, résolvant

simultanément le problème du champ potentiel et celui de la

trajectoire, est basée sur l'analogie qui existe entre la trajectoired'une balle sphérique roulant sur une membrane de caoutchouc

convenablement tendue et celle d'une particule chargée se

mouvant dans un champ électrostatique. Bien des auteurs 9|13

se sont servi de cette analogie, connue depuis fort longtemps,

pour démontrer le fonctionnement de divers systèmes d'optique

électronique. Une analyse détaillée montre que si certains soins

sont pris, cette analogie peut servir de base à une méthode

expérimentale extrêmement utile dans les recherches électro¬

niques. La méthode s'applique au cas d'une particule chargée,

qui se meut dans un plan normal aux génératrices d'un système

d'électrodes cylindriques supposées infiniment longues ou en

tout cas suffisamment longues pour que l'effet des extrémités

soit négligeable.Sur une table horizontale on dispose des portions de cylindres

rigides dont les directrices sont une image à l'échelle des traces

des électrodes dans le plan de la trajectoire de la structure

électrique analogue et dont la hauteur verticale des génératrices

des divers cylindres est proportionnelle au potentiel des élec¬

trodes correspondantes. Si l'on considère la trajectoire d'une

particule négative, telle qu'un électron, à l'électrode la plus

négative correspondra le cylindre le plus haut. Pour un ion

positif l'inverse serait vrai.

Une membrane de caoutchouc qui a été préalablementtendue sur un cadre, est alors appliquée sur l'ensemble de ces

cylindres de telle sorte que la membrane soit en contact avec le

bord supérieur tout entier de tous les cylindres. Cela exige des

moyens auxiliaires pour presser le caoutchouc contre les

cylindres aux endroits où le contact ne se serait pas établi

autrement.

Il se trouve alors que la projection horizontale de la trajectoiredu centre d'une sphère solide roulant sur la surface de cette

24 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

membrane sous l'influence de la pesanteur est similaire à la

trajectoire d'une particule chargée se mouvant dans le système

électrique correspondant, pourvu que les conditions initiales

soient analogues dans les deux cas. Nous allons démontrer que

cette assertion est approximativement vraie, en considérant

successivement plusieurs problèmes dans lesquels les conditions

réelles seront quelque peu idéalisées.

Tout d'abord considérons la forme que la membrane prendra

dans les conditions décrites ci-dessus. Nous admettrons que la

membrane a été tendue sur son cadre de telle sorte que la

tension soit partout uniforme et grande par rapport aux tensions

supplémentaires qui résulteront des déformations dues aux

cylindres. Le problème peut être posé quantitativement de la

façon suivante: La membrane, initialement plane et horizon¬

tale, a été élevée le long de certaines lignes à une hauteur

z(x, y) par rapport à un plan horizontal contenant les axes x

et y d'un système de coordonnées rectangulaires. Nous suppo¬

sons que la membrane est un corps à deux dimensions idéal

qui ne présente aucune résistance au fléchissement et dont

l'énergie potentielle de tension est proportionnelle à l'accrois¬

sement de l'aire. La membrane assumera une forme qui rend

son énergie potentielle de tension superficielle minimum,

c'est-à-dire telle que l'aire de sa surface soit un minimum.

L'aire S d'une surface z(x, y) est donnée par l'intégrale

"-/.V'+W+W**- |23>A

Dans cette expression, A est la projection horizontale de l'aire.

La fonction z(x, y) cherchée, rendant cette intégrale extrémale,

satisfera à l'équation d'Euler:

~ F2 +A

Fz - Fz = 0 (24)

dans laquelle

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 25

Tous les calculs faits, cette équation (24) devient

dH r /ô£\2] a2zr (dzY)2

d'z dzdz_ 0

àx2 L \di// J ôy2 [ \ôx/ J dxàydxày

Si t— et t— sont petits, l'équation (26) se réduit à:

Ô2Z ÔZ2

OI2 01/''

qui est précisément l'équation de Laplace (1) dans laquelle V

aurait été remplacé par z. En d'autres termes, lorsque les pentesde la membrane sont faibles, et que par ailleurs les conditions

aux limites sont les mêmes, l'altitude d'un point quelconquede la membrane est proportionnelle au potentiel électrostatiquedu point correspondant du système électrique.

Il est intéressant d'observer ici, en passant, que l'expression

(26) est un facteur de celle de la courbure moyenne de Gauss

(somme des courbures principales). Ainsi, en tout point de la

membrane, les rayons de courbure principaux sont égaux et

de signe contraire. En d'autres termes, chaque point de la

surface est un point de selle.

Considérons maintenant une balle sphérique de rayon R,

roulant sur cette surface z (x, y) sous l'influence de la pesanteur.

Les déplacements élémentaires du centre de la sphère et de son

point de contact avec la surface peuvent être considérés égauxsi le rayon de la sphère est suffisamment petit en comparaisonde ceux de la surface de la membrane. Par conséquent, si le

centre de la sphère se déplace d'une distance ds, la sphère aura

tourné d'un angle dix. tel que

da = g (28)

L'énergie cinétique totale W de la balle sera donc:

W = \mV* + |lo>2 = ^^(m + ij) • (29)

Dans cette expression, v est la vitesse du centre de la sphère,

w sa vitesse angulaire et I son moment d'inertie diamétral.

26 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

Nous avons implicitement admis l'existence du frottement,

car la balle glisserait mais ne roulerait pas en son absence.

Cependant nous admettrons seulement l'existence du frotte¬

ment statique qui assure le roulement et nous négligerons les

frottements dynamiques tels que ceux dus au glissement partiel,au couple de frottement, à la déformation du caoutchouc, etc.

Nous aurons ainsi « un roulement parfait » où toutes les forces

dissipatives sont négligées. Il en résulte que la balle se meut

dans le système potentiel des forces dues à la pesanteur et que

le principe de la moindre action est applicable. Ce principe

exige que la trajectoire du centre de la sphère entre deux

points A et B soit telle que l'intégrale S devienne extrémale.

B B B

S = fvNdt = fv*(m + ^jdt = fvim + ^\ds . (30)

\ A A

Avec un choix approprié de l'origine des z on pourra écrire, grâceau principe de la conservation de l'énergie:

2~p,(m + S"1) = |mgz| • (31)

En substituant dans l'intégrale (30) le deuxième membre de

l'équation (31) et en négligeant toutes les constantes, l'inté¬

grale S devient

A A

La fonction caractéristique F qui est sous le signe d'intégration:

peut être considérée comme une fonction de x, y et y' seulement,

puisque z est une fonction connue de x et y.

Comparons maintenant cette fonction caractéristique (33)

avec la fonction analogue (7) relative au mouvement d'une

particule chargée dans un champ électrostatique. Nous avons

vu (voir éq. 27) que z peut être considéré comme proportionnel

MILTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 27

à V. Les fonctions (7) et (33) seront donc approximativementfdz a

proportionnelles dès que (j- ) sera négligeable par rapport à 1,

ce qui revient de nouveau à admettre de petites pentes à la

membrane de caoutchouc. Les fonctions caractéristiques étant

proportionnelles, les équations d'Luler seront identiques et par

conséquent les trajectoires dans les cas mécanique et électriqueseront homothétiques, pourvu que les conditions initiales et

aux limites soient les mêmes dans les deux cas. Cela prouve

i-ik. a.

Le modèle mécanique.

l'assertion énoncée plus haut. Dans toutes ces déductions, nous

nous sommes tacitement servi de l'invariance de la trajectoire

par rapport à la masse ou a la charge de la particule, aux chan¬

gements proportionnels de l'énergie potentielle, etdesonhomo-

thétie par rapport à un changement d'échelle, qui sont toutes

des propriétés établies auparavant.

Dans l'appareil de notre laboratoire 14 (voir lig. 3), une table

d'acier, dont les pieds sont montés sur des vis calantes, supporte

une plaque de verre de 86 x 86 cm. Les électrodes cylindriques

28 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

sont faites de bandes d'aluminium de 1,5 mm d'épaisseur quiont été coupées au préalable à la hauteur convenable. Pour

permettre une adaptation facile aux contours les plus compli¬

qués, l'aluminium peut être rendu suffisamment malléable par

un recuit à 300° ou 400° C. Les cylindres, une fois formés, sont

disposés sur la plaque de verre sur laquelle il a été facile de

dessiner les contours désirés et ils sont fixés au verre par une

bande gommée (Decorator's Scotch Tape). Le caoutchouc doit

être lisse et très élastique et cependant il doit pouvoir résister

à un déchirement éventuel dû aux cylindres et à une déforma¬

tion due au poids des balles. Nous avons trouvé que le caout¬

chouc « Latex chirurgical » n° 29 ou 32 était parfaitementsatisfaisant. La membrane est tendue sur son cadre en bois

auquel elle tient par de simples punaises. On peut s'assurer, en

pratique, d'une tension uniforme en dessinant d'abord sur la

membrane une figure similaire à celle du cadre, mais plus petite,

puis en tirant le caoutchouc de tous les côtés, jusqu'à ce que

la figure dessinée coïncide avec les bords du cadre. Une fois

que la membrane est posée sur l'ensemble des cylindres fixés

au verre, on la presse vers le bas contre la partie des cylindres

avec laquelle elle ne serait pas en contact autrement, au moyen

de cylindres auxiliaires qui sont maintenus par des tiges verti¬

cales tenues elles-mêmes par des pinces de laboratoire. Ces

pinces sont fixées à des barres horizontales montées sur la

table d'acier de l'appareil. L'« électron » est simplement une

bille d'acier pour roulement à billes. L'expérience a montré

que des billes de 1,5 à 7 mm de diamètre sont également satis¬

faisantes, de sorte que l'on a adopté dans la suite des billes de

5 mm. Pour des trajectoires parcourues sans vitesse initiale, la

bille est posée à l'endroit voulu où elle est maintenue par un

électro-aimant. Pour assurer un départ certain de la bille, le

courant de l'aimant, une fois interrompu, s'amortit dans une

oscillation qui supprime toute magnétisation rémanente. Les

trajectoires sont simplement observées. En général, de toute

la trajectoire, on s'intéresse seulement aux points de départet d'arrivée qui peuvent être facilement enregistrés, si l'on

marque des échelles convenables sur les électrodes terminales.

Ces échelles peuvent être dessinées, par exemple, sur la plaque

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 29

de verre et projetées sur le caoutchouc au moyen d'une lumière

placée en dessous (visible sur la fig. 3).

En pratique les conditions idéales admises pour les déductions

mathématiques du fonctionnement du modèle mécanique ne

sont pas réalisées, à cause des forces dissipatives du frottement,

de la déformation de la membrane due au poids de la balle,

des irrégularités dans l'épaisseur et la rugosité du caoutchouc,

du fait que de trop faibles pentes ne sont pas pratiques, etc.

La valeur pratique de la méthode doit donc être vérifiée par

l'expérience. Pour cela, plusieurs épreuves électroniques ont

été faites. Un modèle à l'échelle de la structure des électrodes

sous investigation est mis dans le vide. La cathode, c'est-à-dire

l'électrode d'origine des électrons, est rendue photo-sensible,

permettant ainsi d'émettre des électrons au point voulu en

illuminant au moyen d'un petit projecteur le point ou la ligne

convenable sur la cathode. Le collecteur, c'est-à-dire l'électrode

que les électrons bombardent, est pourvu d'une électrode-

sonde unique et mobile ou bien d'une série de sondes fixes.

L'aire illuminée sur la cathode ou la sonde mobile du collecteur

est déplacée jusqu'à ce que la sonde ou une sonde donnée

collecte un courant maximum. La figure 4 montre schématique-

ment un tel tube, dont le collecteur porte une série de sondes

fixes et qui fut construit pour vérifier l'opération d'un des types

de multiplicateur d'électrons adopté dans la suite (type C).

Les courbes de la figure 5, déterminées l'une par le modèle

mécanique et l'autre par le tube vérificateur, montrent la

coordonnée d'arrivée (bombardement) y, en ionction de la

coordonnée de départ (émission) x, ces coordonnées étant

définies sur la figure 8. La conformité des deux courbes qui est

très apparente dans ce cas et qui fut trouvée aussi dans

tous les autres cas examinés, justifie amplement l'usage du

modèle mécanique et inspire de la confiance pour son usage

dans un champ d'application très vaste.

On ne peut pas se servir du modèle mécanique pour des confi¬

gurations d'électrodes possédant une symétrie axiale parce que

la forme de la membrane est définie par l'équation (27) au lieu de :

*" = £ + £+ ^o <34>ox* oy' y oy

30 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

ELECTRONS

Fig. 4.

Tube vérificateur des trajectoires électroniques.

y

12

10

s

6

4

2

0 2 4 6 6 10 12 14 X

Fig. 5.

Comparaison des résultats.

A Tube vérificateur.

B Modèle mécanique.

——^—» A

B1 /A / IlOjv11 kIIu1 \

1S

\

V

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 31

qui régit le potentiel électrostatique dans un plan axial. D'autre

part, le modèle ne tient pas compte des charges spatiales quisont importantes dans bien des cas. En dépit de ces restrictions,le modèle mécanique est une aide presque indispensable qui

permet d'estimer rapidement et assez exactement la trajec¬toire des électrons dans les appareils électroniques. Si l'on

désire une très grande précision, il vaut mieux s'en servir

concurremment avec d'autres méthodes.

III. LE DÉVELOPPEMENT D'UN MULTIPLICATEUR

ÉLECTROSTATIQUE

1. Conditions a remplir.

Le processus de multiplication d'électrons décrit brièvement

dans l'introduction sera réalisé avec succès si certaines condi¬

tions sont remplies. Ces conditions peuvent être analysées

comme suit:

Appelons, par définition, « rayon électronique », la ligne

géométrique formée en reliant successivement les trajectoires— d'un électron originel qui se meut d'une première électrode

jusqu'à la deuxième — d'un électron secondaire libéré en son

point d'impact qui se meut de cette deuxième électrode jusqu'à

une troisième — d'un des nouveaux électrons libérés au point

d'impact nouveau, etc. jusqu'à ce que le dernier impact ne

produise plus d'émission. Nous appellerons « faisceau électro¬

nique » l'ensemble des rayons électroniques. On dit qu'un

multiplicateur d'électrons statique possède des propriétés de

« concentration » adéquates (is properly focussed) lorsque tout

rayon électronique ayant un départ convenable connecte

successivement toutes les électrodes multiplicatrices dans

l'ordre des potentiels croissants. Les termes « rayons » et « fais¬

ceau » sont empruntés à l'optique géométrique.

Nous avons déjà vu que l'émission secondaire d'une électrode

n'est effective que si le champ électrostatique dans son voisi-

32 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

nage immédiat s'oppose au mouvement des électrons primaires

bombardeurs. L'intensité de ce champ doit être suffisamment

grande, pour que le courant secondaire soit saturé, pour réduire

au minimum l'effet des vitesses initiales sur le trajet ultérieur

des électrons secondaires et réduire l'effet des charges spatiales

qui produit une « déconcentration » (defocusing) qui est spé¬

cialement accentuée aux fortes densités de courant présentes

surtout dans les derniers étages de multiplication.Les électrodes sont généralement traitées dans le vide afin

de leur donner leurs propriétés d'émissions secondaire et

photo-électrique. Pour cela, le libre accès du métal activateur

à leur surface est essentiel, particulièrement pour l'activation

habituelle de l'oxyde d'argent par le caesium. On dira dans

ce cas que la construction est « ouverte ».

Pour compléter la liste des conditions à remplir, nous anti¬

cipons ici sur les résultats relatifs à la suppression du courant

résiduel. Ces conditions sont:

L'arrangement des électrodes du multiplicateur doit être

tel qu'une particule chargée positivement, telle qu'un ion,

qui se trouve dans l'espace compris entre les électrodes des

derniers étages de multiplication, décrive une trajectoire qui

se termine à ces étages mêmes. Une des conséquences est qu'ildoit être impossible de relier par une droite un point quelconque

compris dans l'espace des derniers étages à un point quelconque

compris dans l'espace des premiers sans intercepter une élec¬

trode quelconque. Comme il sera expliqué, ceci est indispensable

pour supprimer la « réaction ionique ».

Les interstices entre les électrodes doivent être grands. Ceci

est particulièrement important à cause des arêtes des électrodes,

à la surface desquelles la direction du champ tend à extraire

des électrons. Ces arêtes peuvent être une source d'émission

froide qui est nuisible à la réduction du courant résiduel.

Finalement, non seulement la construction doit posséder des

propriétés de concentration adéquates et d'intenses champs

collecteurs, être « ouverte » et être « étanche aux ions » et

posséder de larges interstices entre les électrodes, mais encore

elle doit être conçue de façon qu'elle soit simple et aisée et

admette des tolérances suffisantes.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 33

2. L'ÉVOLUTION DU DÉVELOPPEMENT.

Un multiplicateur remplissant les conditions esquissées ci-

dessus fut finalement obtenu grâce à l'évolution d'un prototype.

L'idée fondamentale consiste à se servir du type appelé« linéaire à électrodes alternées ». Ce type de multiplicateur

comprend deux rangées parallèles d'électrodes cylindriques

équidistantes, toutes identiques, dont les génératrices sont

toutes normales à un plan dans lequel leurs directrices sont

alternées, c'est-à-dire que les directrices d'une rangée sont

décalées par rapport à celles de l'autre, d'un intervalle égal

à la moitié du pas. La recherche d'une structure d'électrodes

remplissant les conditions voulues est réduite ici à celle de la

forme des directrices et de leur position relative donnant les

résultats les plus favorables. Un système d'électrodes cylin¬

driques fut choisi de préférence à un système à symétrie axiale,

principalement parce que les champs collecteurs à la surface

des électrodes peuvent être rendus plus intenses dans le

premier cas que dans le second. La figure 6, A, B, C, D, illustre

les arrangements des directrices de divers multiplicateurs de

ce type1S dans l'ordre chronologique de leur conception. De

toute l'évolution, seuls les quatre types A, B, C, D sont men¬

tionnés à titre d'échelons logiques du développement. Les

électrodes numérotées dans l'ordre de propagation du faisceau,

sont maintenues à des potentiels proportionnels à leur numéro

d'ordre, la différence de potentiel entre deux électrodes consé¬

cutives variant entre 30 et 300 volts. La première électrode

(n° 0) est la photocathode, qui est l'origine des électrons émis

par la lumière excitatrice, la dernière (n° 11) est le collecteur

qui reçoit le courant multiplié.Le champ potentiel de la structure n'est pas altéré si un

conducteur métallique remplace la surface équipotentielle

ayant le potentiel d'une électrode, l'électrode numéro n par

exemple, qui s'étend entre l'électrode n et l'interstice comprisentre les électrodes (n — 1) et {n -f- 1). Il en résulte que, si

la structure est terminée par un tel conducteur, appelé doré¬

navant le « terminateur », les rayons électroniques de tous les

3

34 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

étages multiplicateurs seront identiques et le fonctionnement

d'un seul étage ou « cellule élémentaire » décrira celui du

multiplicateur tout entier. C'est ainsi que le problème de la

10

B

6 8 10

II

0 2 4 6 8 10

Fig. 6.

Types de multiplicateurs électrostatiques.

recherche d'un type satisfaisant toutes les conditions voulues

est réduit à celle des directrices d'une cellule élémentaire

unique.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 35

Le type A de la figure 6 comporte simplement des électrodes

planes. Des calculs préliminaires 16 démontrèrent que les pro-

Fig. 7.

Cellule élémentaire du type B.

priétés de concentration de ce type étaient insuffisantes mais

indiquèrent, cependant, la possibilité de les perfectionner.L'étude systématique des trajectoires électroniques dans les

36 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

cellules élémentaires, faite d'après les méthodes d'optique élec¬

tronique décrites plus haut, fournit le type B (flg. 6) qui est

capable d'une parfaite concentration. Les directrices sont des

demi-cercles et les terminateurs des plans. La figure 7 repré¬sente une cellule élémentaire dans laquelle les lignes équipo-tentielles furent obtenues dans le bain électrolytique et les

trois trajectoires dessinées par la méthode des cercles. Les

propriétés de concentration de ce type sont excellentes et des

tubes à étages multiples eurent réellement de très grands gains.

Fig 8.

Cellule élémentaire du type C.

Cependant, ce type fut abandonné pour des raisons qui seront

données plus tard en relation avec la réaction ionique, de

sorte que la discussion détaillée de la concentration est réservée

aux types adoptés ultérieurement.

Le type C (flg. 6) fut conçu dans le but de prévenir la réaction

ionique ainsi qu'il sera expliqué. La figure 8 représente une

cellule élémentaire. Une inspection des lignes équipotentiellesmontre l'uniformité, la forte intensité et la grandeur de l'aire

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 37

effective du champ collecteur. Les lignes grasses montrent les

trajectoires approximatives que suivent les électrons d'une

électrode à l'autre. Ces trajectoires furent déterminées par le

modèle mécanique et le résultat obtenu fut confirmé par le

tube vérificateur.

Le type D (fig. 6) est une légère modification du type C quifut élaborée dans le but d'accroître l'interstice entre les élec¬

trodes et diminuer ainsi l'émission froide. Ceci sera discuté en

Y

12

10

8

/

/

l ^: / £o

6 y

/1 '

I T:

A, ^L

/

i

/2

A/'

X. k 1A 6 8 10 12

Fig. 9.

Courbe de concentration du type D.

14

détail plus bas. Les propriétés de concentration des types C et

D sont presque identiques.L'excellence des propriétés de concentration du type D peut

être démontrée à l'aide d'une courbe montrant les coordonnées

terminales x et y d'un rayon électronique dans une cellule

élémentaire. Ces coordonnées sont définies sur la figure 8.

Considérons une telle courbe, donnée sur la figure 9, et suivons

la marche du rayon électronique à travers le tube. Un rayon

38 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

dont l'origine est à Fabcisse xx d'une électrode quelconque,

numéro 1 par exemple, atteindra l'électrode 2 de la même

cellule élémentaire en l'ordonnée yx qui sera à son tour la nou¬

velle abcisse pour la cellule suivante. En se servant de la bis¬

sectrice du quadrant formé par les axes x et y, il est facile

d'obtenir l'abcisse x2 du point 2 qui n'est autre que celle de

l'intersection 12 de la dite bissectrice et d'une parallèle à l'axe

des x par le point 1. La marche du rayon à travers le multipli¬

cateur est ainsi illustrée par la ligne brisée 1, 12, 2,23,3,34,etc.,

qui forme une sorte de « spirale rectangulaire ». Puisque cette

spirale converge sur un point P, quelle que soit l'origine du

rayon, il est évident que, quel que soit le nombre des élec¬

trodes multiplicatrices, le faisceau ne peut jamais s'étendre

sur une électrode quelconque en dehors de l'aire de largeur d.

Les propriétés de concentration de toutes les structures d'élec¬

trodes examinées furent analysées par un tel diagramme et le

type fut jugé par la largeur de la région des électrodes qui

peut contenir l'origine d'un rayon correspondant à une spirale

convergente.

Si la longueur des électrodes, qui doit être nécessairement

finie, est deux fois plus grande que leur largeur totale on peut

constater au moyen du bain électrolytique que le champ

potentiel dans le plan central ne s'écarte pas d'une façon

appréciable de celui qui existerait si la structure était infini¬

ment longue. D'autre part, des mesures effectuées dans des

tubes dont les électrodes étaient sectionnées transversale¬

ment pour créer des sondes latérales, ont montré que, grâce

aux champs accélérateurs intenses qui réduisent les effets de

dispersion des vitesses initiales etc., le faisceau électronique ne

s'étend latéralement que d'une façon à peine mesurable aussi

longtemps que la densité du courant reste assez faible. Aux

fortes densités de courant les charges spatiales provoquent un

élargissement latéral du faisceau dont il peut résulter un

débordement des électrodes causant à son tour une diminution

du facteur de multiplication. Ceci est un inconvénient sérieux

parce que la dépendance linéaire du courant de sortie et du

courant originel est une qualité primordiale du multiplicateur.

L'élargissement latéral du faisceau peut être considérablement

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 39

réduit si l'on ferme les extrémités des électrodes par des parois

métalliques pleines ou en forme de bande, ainsi qu'il est montré

sur la figure 10 A et B. Les plaques latérales de montage en

mica que l'on peut observer sur les figures 26 et 27 produisent

un effet de concentration qui fut découvert déjà dans les mul¬

tiplicateurs magnétiques 4. Lorsqu'un de ces moyens de concen¬

tration est employé, les mesures limitées par des densités de

courant admissibles (les densités supérieures à 7-1 0 mA par cm2

Fig. 10.

Terminaisons des électrodes.

endommagent la surface habituelle de l'oxyde d'argent traité

au caesium) ne révèlent aucun écart de la linéarité.

Les propriétés de concentration des types C et D étant

presque parfaites, il est possible de construire un multiplicateur

avec autant d'étages de multiplication que l'on le désire. Des

multiplicateurs à 16 étages fonctionnèrent parfaitement. On

doit prendre un soin suffisant dans la concentration pour

respecter les tolérances admissibles dans la forme et la position relative des électrodes. Les électrodes sont faites d'un

40 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

métal malléable de 0,10 à 0,30 mm d'épaisseur et portant des

nervures de renforcement. Elles peuvent être formées par une

presse à emboutir dont le flan 17en acier peut être facilement

usiné grâce à sa simple forme cylindrique. L'ensemble des élec¬

trodes est monté sur des supports isolants qui peuvent être en

mica, en « lavite » ou en verre, suivant les applications auxquelleson destine le multiplicateur. Des guides d'assemblage appropriésdoivent être utilisés durant le montage des électrodes sauf si

les supports isolants eux-mêmes sont convenablement conçus.

La construction et le fonctionnement des divers tubes cons¬

truits seront décrits par la suite en relation avec les nombreux

problèmes spécifiques que la réduction du courant résiduel a

posés.

3. L'appareillage pour les essais.

La figure 11 est un schéma de l'appareillage utilisé pour les

essais des multiplicateurs.Le convertisseur de puissance S peut fournir 250 watts sous

4000 volts. Puisque le coefficient de l'émission secondaire varie

aux tensions utilisées à peu près linéairement avec le potentiel,le gain total du multiplicateur suivra une loi de puissance par

rapport au potentiel. Par conséquent, pour des mesures stables,

il sera essentiel que la tension reste parfaitement constante.

Le régulateur R, basé sur un principe à réaction inverse18 a été

prévu dans ce but.

Les potentiels nécessaires aux diverses électrodes du mul¬

tiplicateur sont obtenus au moyen du potentiomètre P dont la

résistance totale de 64.000 ohms est divisée en 16 parties égales.Cette faible résistance a été choisie de façon que le courant

des électrodes elles-mêmes soit négligeable par rapport à celui

du potentiomètre, ce qui rend les potentiels indépendants du

courant de sortie auquel on opère. Sauf indication contraire,

les différences de potentiel entre étages ont été maintenues

égales pendant toutes les expériences pour préserver la nature

cyclique du potentiel que l'on avait admise pour toutes les

considérations relatives aux propriétés de concentration. Il faut

ajouter, cependant, qu'une certaine déviation d'une telle

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 41

distribution uniforme des potentiels ne cause pas, en fait, de

déconcentration appréciable.Les conducteurs de toutes les électrodes du multiplicateur

passent indépendamment par les parois de verre de l'enveloppedu tube, de sorte que le courant de chaque étage peut être

mesuré. Pour faciliter l'insertion d'un instrument de mesure

dans les circuits, des fiches spéciales J ont été insérées en série

"u

S

R-—

4-

V

PiP_J=yiMA/

o 'T T Y 1

T T T' '

T

41^L

=t>

A

MJS

B

Fig. 11.

Schéma de l'appareillage pour les essais.

avec ces conducteurs. On peut se servir d'un potentiomètre

monté à l'intérieur du tube pour réduire le nombre des conduc¬

teurs à sceller par le verre 4. Cependant, ces potentiomètresinternes n'ont pas été utilisés dans le présent travail pour éviter

les complications qu'ils ne manqueraient pas d'apporter au

problème de la réduction du courant résiduel.

42 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

Le multiplicateur M est placé dans une boîte B qui le protège

contre toute radiation lumineuse. On peut mettre à l'épreuve

l'efficacité de cette protection en observant qu'une forte illu¬

mination extérieure à la boîte ne produit aucun changement

dans le courant résiduel. Une lumière peut être projetée sur la

photocathode à travers l'ouverture A qui peut être fermée à

volonté.

Les courants mesurés au cours de ce travail varient de 10""

à 10~2 ampères. Les mesures furent rendues particulièrement

commodes grâce à un microampèremètre à lampes développé

dans notre laboratoire 19 et qui est maintenant fabriqué par la

R.C.A. Manufacturing Co. Il est basé sur le principe de la

contre-réaction. La déviation totale de l'échelle de l'instrument

utilisé au cours de ce travail varie entre 10~9 et 10" ampères

par multiples de 10. L'instrument est capable de mesurer des

courants de l'ordre de 10M1 ampères. L'erreur relative est

inférieure à0,5% pour des courants supérieurs à 10 ampères.

IV. LE COURANT RÉSIDUEL

1. Introduction.

Dans tout multiplicateur d'électrons dans lequel le courant

électronique originel est dû à la photo-émission, un courant

résiduel de sortie est observé dans le circuit du collecteur lorsque

le tube se trouve dans l'obscurité totale, c'est-à-dire lorsqu'il

est protégé complètement contre toute radiation lumineuse

(de l'infra-rouge à l'ultra-violet). Ce courant résiduel de sortie

sera appelé dorénavant le « courant résiduel » ou parfois le

« courant sombre » (the dark current, der Dunkelstrom).

Ainsi qu'il a été expliqué dans l'introduction, le courant

résiduel est tout à fait indésirable. Son existence est un obstacle

sérieux à l'application du multiplicateur aux domaines dans

lesquelles il doit faire concurrence à d'autres appareils, tels,

par exemple, que des cellules photo-électriques suivies d'un

amplificateur à lampes, et limite essentiellement son application

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 43

dans les domaines scientifiques tels que la spectroscopie ou

l'astronomie.

Le but du présent travail est de découvrir et analyser les

causes du courant résiduel et de préconiser les moyens de le

réduire.

Les quatre causes suivantes ont été découvertes:

1° Le courant de fuite ohmique s'écoulant entre le circuit

du collecteur et celui de n'importe quelle autre électrode;

2° Les effets que produisent les ions positifs résultant de

l'ionisation du gaz resté dans le tube;

3° L'émission froide des électrodes et de leur connection quiest provoquée par le champ électrostatique;

4° L'émission thermique des surfaces émissives, secondaire

et photo-électrique.

Toutes les observations faites peuvent être expliquées par

ces quatre phénomènes. Il n'y a ainsi aucune donnée expéri¬mentale pour supposer d'autres causes au courant résiduel.

Cependant, si ces causes prédominantes étaient complètement

supprimées, il est probable qu'un courant résiduel resterait

encore. Il pourrait être dû à la radio-activité des parois de

verre, aux radiations cosmiques, aux rayons X mous résultant

du bombardement électronique des électrodes ou à toute autre

cause.

A l'exception des fuites ohmiques, les facteurs contribuant

au courant résiduel sont décrits dans l'ordre chronologique de

leur analyse, qui coïncide avec l'ordre de leur importancerelative.

2. Les fuites ohmiques.

Les pertes ohmiques entre le collecteur et une électrode

quelconque, ou entre leurs fils de connection respectifs, est la

cause la plus évidente, mais non pas la plus importante, du

courant résiduel. Elle est traitée en premier lieu, parce que des

précautions relativement simples pour la rendre négligeablefurent prises au cours de tout ce travail.

44 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

L'isolement nécessaire peut être estimé en anticipant sur les

valeurs du courant résiduel les plus petites qui peuvent être

obtenues lorsque toutes les autres causes du courant résiduel

ont été réduites au minimum. Elles sont de l'ordre de 10"10 am¬

pères. Puisque la tension totale appliquée au multiplicateur

varie entre 2000 et 3000 volts, la résistance de l'isolement doit

être de l'ordre de 1013 ohms.

Les fuites extérieures au multiplicateur peuvent être mesurées

en déconnectant, dans le voisinage du tube, le conducteur du

collecteur sans déranger par ailleurs le reste de l'appareillage.

Lorsque l'on se sert de fds isolés par une couche de caoutchouc

très épaisse (supportant une tension nominale de 10.000 volts)

et que le multiplicateur soit tenu dans une boîte dont l'atmos¬

phère est desséchée par un agent convenable tel que le chlorure

de calcium, les pertes ohmiques externes deviennent négli¬

geables. On doit aussi prendre soin d'isoler convenablement le

microampèremètre du circuit de sortie.

Les pertes ohmiques internes peuvent être distinguées des

autres causes du courant résiduel de plusieurs manières diffé¬

rentes. Le processus de multiplication peut être détruit en

déconnectant une ou plusieurs électrodes multiplicatrices. Le

courant résiduel qui existe alors ne peut pas être dû à un bom¬

bardement électronique du collecteur et doit par conséquent

provenir d'une conductibilité ohmique directe. Une autre

méthode consiste à mesurer le courant résiduel en fonction de

la tension appliquée au tube. Puisque le coefficient de l'émission

secondaire varie linéairement en fonction du potentiel pour

les tensions utilisées, le gain total variera suivant une puissance

de ce potentiel. Ainsi qu'il sera montré, le courant résiduel

provenant des autres causes est proportionnel au gain total et

par conséquent varie suivant la même loi de puissance du

potentiel. La conductibilité électrique est, par contre, propor¬

tionnelle à la tension appliquée. En particulier, il est bien

évident que s'il existe un courant résiduel pour une tension

très basse, telle que 10 ou 15 volts par étage multiplicateur, les

fuites ohmiques doivent prédominer, puisque le gain total est

plus petit que 1 et toutes les autres causes du courant résiduel

sont pratiquement inexistantes.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 45

Au début de ce travail toutes les surfaces émettrices étaient

d'oxyde d'argent traité par un métal alcalin tel que le caesium

ou le rubidium. Ce métal alcalin, ayant une tension de vapeur

élevée, peut se condenser facilement sur les supports des élec¬

trodes et créer ainsi une sérieuse diminution de l'isolement.

Les fuites ohmiques entre les diverses électrodes autres que le

collecteur n'augmentent pas le courant résiduel et sont inoffen-

sives, puisque le potentiel des électrodes est maintenu par des

moyens extérieurs appropriés. Cependant, si ces fuites sont

très grandes, il devient impossible de mesurer les courants

électroniques émis aux diverses électrodes, en particulier à la

photo-cathode. Cela était le cas lorsque les supports des élec¬

trodes étaient en mica, parce que le métal alcalin qui pénètre

entre les couches de clivage du mica augmente de beaucoup sa

conductibilité. C'est pourquoi l'usage pratique de ce corps

dut être abandonné en faveur du verre avec lequel la construc¬

tion est plus délicate. Le verre procure un isolement suffisant

pour toutes les électrodes, excepté le collecteur.

Le collecteur est supporté directement par son fil conducteur

scellé dans l'enveloppe du tube et il n'est en contact avec

aucun autre corps. Le seul chemin restant pour les courants

de fuite est à la surface de verre du pied du tube, entre le fil

connectant le collecteur et ses voisins. Ce chemin de fuite

peut être allongé en scellant un petit tube en verre au pieddu fil du collecteur. Cette précaution fut tout à fait suffisante

pour rendre les fuites ohmiques négligeables, même lorsqu'un

excès de métal alcalin était resté dans le multiplicateur. Il n'a

pas été nécessaire de recourir aux « anneaux de protection »

bien connus.

Ces précautions très simples relatives à l'isolement du

collecteur furent adoptées dans le cours de ce travail tout

entier, même vers sa fin, lorsque l'usage du métal alcalin était

strictement localisé au traitement de la photo-cathode. Les

supports en mica furent utilisés à nouveau, mais leur contact

avec le collecteur ou son fil de connection fut soigneusement

évité.

46 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

3. L'effet uk^ ions.

a) Inlniiliiclioi).

Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'étude systématique des

trajectoires d'électrons dans les cellules élémentaires a fourni

le dessin du multiplicateur du type B (fig. 6). Les résultats

prévus par cette étude, quant aux propriétés de concentration,

furent entièrement confirmés par l'expérience.

Le premier tube de ce type était à 10 étages multiplicateurs.

Ce nombre fut choisi, parce que l'on avait cru qu'un défaut

1

nu. ::

Multiplicateur à 10 étages du t\pe H.

éventuel de la concentration n'aurait pas été détecté dans un

multiplicateur avec moins d'étages. Les électrodes en nickel

argenté électrolytiquement étaient montées sur des supports

en lavite et étaient activées par l'oxygène et du caesium de

la manière habituelle (fig. 12). Le processus de multiplication

a été trouvé en parfait accord avec les prédictions, car aucune

déconcentration ne put être observée aux faibles tensions.

Malheureusement, pour une tension suffisante, le courant

résiduel était énorme et pouvait atteindre jusqu'à 6 raA, l'n

état pouvait même être établi dans lequel le gain, mesuré

comme le quotient des augmentations des courants de sortie

et de la photo-cathode provoquées par une lumière excitatrice,

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 47

diminuait lorsque la tension augmentait. Cela est causé par

l'effet de déconcentration dû aux charges spatiales produites

par l'intense courant résiduel.

Une réduction radicale du courant résiduel devint absolu¬

ment indispensable, à ce point des recherches, non seulement

pour permettre l'emploi du multiplicateur pour la mesure

d'intensités de lumières très faibles, mais aussi à d'autres appli¬cations. La source des difficultés fut trouvée dans l'ionisation

du gaz présent dans le tube.

L'explication du phénomène en jeu sera esquissée, puis les

données expérimentales qui confirment les spéculations seront

exposées et enfin les méthodes utilisées pour supprimer les

effets indésirables des ions seront décrites.

b) Théorie.

Les courants électroniques intenses présents dans les

derniers étages de multiplication ionisent le gaz résiduel. Les

ions positifs ainsi produits se trouvent dans un champ qui est

à peu près parallèle aux rangées des électrodes, et sont par

conséquent contraints à se mouvoir vers la photo-cathode.Ils bombardent une des électrodes multiplicatrices initiales,

ou la photo-cathode elle-même, avec une énergie cinétique

acquise par la perte de leur énergie potentielle, ce qui corres¬

pond à une grande fraction de la tension totale appliquée au

tube. Le choc de ces ions à la surface des électrodes bombardées

produit des électrons secondaires. Ces électrons, s'ils sont

libérés à un endroit convenable de l'électrode bombardée ou

bien s'ils ont acquis une vitesse initiale suffisante pour vaincre

l'effet d'un champ adverse, seront multipliés par le processus

de multiplication normalement établi pour les photo-électrons.

Le courant électronique multiplié qui en résultera, produirade nouveaux ions positifs qui, à leur tour, vont libérer de

nouveaux électrons secondaires. Ce mécanisme régénérateur

peut se maintenir de lui-même ou bien il augmente simplementle gain effectif du multiplicateur. Dans le premier cas, le

courant de sortie, c'est-à-dire le courant résiduel, qui est

amorcé par des électrons émis thermiquement ou « par acci-

48 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

dent », sera limité par les effets des charges spatiales et, par

conséquent, deviendra très grand. La figure 13 illustre un

schéma de ce mécanisme régénérateur; les lignes grasses repré¬

sentent les trajectoires des électrons et les lignes pointillées

symbolisent celles des ions. Ce processus régénérateur, quelque

peu similaire à celui qui a lieu dans les cellules photo-électriques

à gaz, ne devient un phénomène observable dans ces tubes à

vide très poussé, que grâce à l'énorme multiplication du

courant électronique qui, en un sens, compense l'inefficacité

de la production des ions et de la régénération des électrons.

0 2 4 6 8 10

ELECTRONS IONS

Fte. 13.

La réaction ionique.

Considérons maintenant les choses d'une façon quelque peu

plus détaillée. D'abord, pour simplifier, nous admettrons que

tous les ions produits près du collecteur le sont par le courant

électronique final I et que les électrons secondaires qui résultent

du bombardement ionique ont leur origine à la photo-cathode.Cette hypothèse réduit à un mécanisme régénérateur uniquela réalité complexe des électrons secondaires libérés à chaque

électrode par des ions provenant de tous les étages qui la

suivent.

Cela revient à remplacer la somme d'une série géométrique

par son premier terme ce qui est parfaitement justifié, si l'on

se sert dans ce qui suit de coefficients « réduits » appropriés.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 49

Supposons maintenant que le courant électronique final I

produise un courant ionique al s'écoulant vers les électrodes

les plus négatives. Une fraction [3al seulement de ce courant

ionique al atteindra réellement la photo-cathode. Si S est le

quotient du courant électronique secondaire au courant ionique

primaire, un courant électronique secondaire Spal sera libéré

à la photo-cathode. Une partie seulement y8(3al des électrons

libérés sera vraiment multipliée. Les coefficients réduits P et y

tiennent compte de la complexité de la distribution et de

l'efficacité des ions et des électrons qui sont produits aux

divers étages. Le coefficient a mesure l'efficacité de l'ionisation

tandis que le coefficient S mesure celle de l'émission électro¬

nique par le bombardement des ions. Il résulte de ces consi¬

dérations que le courant électronique total i libéré à la photo¬

cathode est composé du courant originel i0 dû à l'émission

photo-électrique, thermique ou toute autre et du courant

additionnel y§(3al dû à la réaction des ions. Nous avons ainsi

la relation

i = i0 + XI (35)

dans laquelleX = apyâ . (36)

Le gain G du multiplicateur est, par définition, le quotient

du courant de sortie au courant émis à la photo-cathode,

c'est-à-dire que:

I = Gi. (37)

La combinaison des équations (35) et (37) fournit la relation

1 = r=W° = G'l° • (38)

On voit ainsi que la réaction ionique augmente le gain effectif

de G à G'. Pour établir l'équation (38) nous avions admis que

le coefficient X était constant, c'est-à-dire qu'il était indépen¬

dant de I. Cela cesse d'être vrai pour des courants très forts,

parce qu'alors les charges spatiales altèrent complètement le

champ et changent toutes les conditions. Lorsque les coeffi¬

cients X et G sont tels que XG = 1, cela signifie simplement que

i

50 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

la relation (38) d'après laquelle G' serait infini, n'est pas valable

et que l'on a à faire en réalité à un état stationnaire maintenu

par la régénération et limité par les charges spatiales. Dans

ce cas, un électron thermique ou « accidentel » suffira pour

amorcer un courant résiduel très grand. Analysons maintenant

la validité de l'explication ci-dessus en considérant successi¬

vement l'ordre de grandeur des divers phénomènes en jeu.

Les tubes sont vidés au moyen d'une pompe de diffusion à

mercure, à deux étages, et d'une pompe mécanique préliminaire.

Une trappe à air liquide assure la condensation des vapeurs

de mercure et autres. La pratique habituelle consiste à

chauffer le tube dans un four pendant 3 à 4 heures à 475-500° G

et à chauffer ensuite les parties métalliques par induction

jusqu'à ce qu'aucune augmentation de pression ne résulte d'une

prolongation de la chauffe. Ensuite les surfaces émettrices sont

traitées d'une façon convenable. La pression est mesurée avec

une jauge à ionisation qui est calibrée au moyen d'une jauge

de McLeod. La pression dans les tubes au moment où ils sont

scellés, devient de l'ordre de 10"6 mm de Hg.Il est difficile de calculer le coefficient oc, c'est-à-dire le cou¬

rant ionique auquel on doit s'attendre au dernier étage multi¬

plicateur pour un courant électronique I donné. Tout d'abord

la nature et la pression de l'atmosphère gazeuse du tube ne

sont pas bien connues. D'autre part la disposition compliquéedes électrodes et le champ potentiel non uniforme qui en

résulte, rendraient les calculs encore plus difficiles. Cependantle coefficient oc peut être estimé directement en se basant sur

les indications de la jauge à ionisation. En dépit du fait que les

dispositions des électrodes et des potentiels des électrodes du

multiplicateur et de la jauge à ionisation sont complètement

différentes, l'on peut néanmoins raisonnablement admettre que

l'ionisation est du même ordre de grandeur dans les deux cas.

C'est ainsi que, à partir des courants de grille et de plaque de

la jauge à ionisation, le coefficient oc a été estimé à 10"4.

On peut se faire une idée des trajectoires des ions produitsdans l'espace entre les électrodes du dernier étage multiplicateur

par une inspection de la figure 7. On peut, en effet, observer

qu'en moyenne, les surfaces équipotentielles sont perpendi-

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 51

culaires aux rangées des électrodes et que, par conséquent, un

ion dont un point tel que A est l'origine, décrira une trajectoireressemblant à une sinusoïde amortie et viendra heurter le ter-

minateur de la photo-cathode. L'énergie de l'impact correspondà la tension totale appliquée au tube et sera donc de l'ordre

de 1500 à 3500 électrons-volts. Des expériences faites sur le

modèle mécanique dont les cylindres les plus hauts correspon¬

daient aux électrodes les plus positives, montrèrent bien les

trajectoires attendues. Cependant, elles indiquèrent aussi que,

suivant la position du point A et suivant la vitesse initiale de

l'ion, certains ions ne réussissent pas à parvenir jusqu'à la

photo-cathode et sont collectés par quelque autre électrode. Le

quotient des ions effectifs aux ions produits, le coefficient (},

peut être estimé ainsi à 10_1 ce qui n'est sûrement pas une

valeur exagérée. Un raisonnement quelque peu analogue peut

être tenu pour les électrons secondaires libérés à la photo¬cathode et l'on peut bien admettre que le coefficient y est aussi

égal à 10_1. Si nous admettons que le coefficient S de l'émission

secondaire par ions est égal à 1, il résulte des estimations des

coefficients p et y que chaque 100 ions positifs produits prèsdu collecteur donnent naissance sur la photo-cathode à un seul

électron secondaire effectivement multiplié.Des mesures du coefficient S de l'émission secondaire par ions

positifs furent faites dans ce laboratoire 20en utilisant une cible

d'oxyde d'argent traité au caesium et des ions de Li comme

projectiles. Le coefficient S variait entre 0,5 et 2,0 pour des

voltages primaires de 500 à 2000 volts. Par conséquent, nous

pouvons bien admettre, dans nos considérations approxima¬

tives, que le coefficient S est égal à l'unité.

En introduisant les valeurs estimées des coefficients a, (3, y

et S dans la relation (36), le coefficient de réaction ionique X

devient :

X = a (3-y 8 = 10~4 x 10"1 x 1CT1 x 10° = 10"6 •

Si le gain G du multiplicateur est 106 ainsi qu'il le devient

facilement dans un tube à 10 étages multipliant chacun 4 fois,

le produit XG est égal à l'unité et l'on doit s'attendre à un très

grand courant (résiduel) de sortie stationnaire. Les ordres de

52 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

grandeur des divers coefficients furent estimés simplement

pour montrer que l'effet de la réaction ionique, dont on observe

les effets, est une hypothèse raisonnable.

Le mécanisme de la réaction ionique est assez compliqué et

une étude beaucoup plus approfondie de tous les phénomènes

en jeu serait nécessaire pour le bien comprendre. Cependant,la simple analyse qui vient d'être esquissée et dont la validité

est confirmée par les expériences décrites plus bas, nous a

permis d'atteindre notre but immédiat, c'est-à-dire de réduire

la réaction ionique jusqu'au point où sa contribution au courant

résiduel n'est plus mesurable. Cependant, il se peut parfaite¬ment que la réaction ionique puisse devenir très utile, si l'on

apprend à la contrôler convenablement. On peut s'en servir

simplement pour augmenter le gain effectif ou par exemple

pour créer une source d'électrons à la cathode. Si cette source

est modulée, le multiplicateur peut devenir un tube amplifi¬cateur ou oscillateur sans posséder pour cela de cathode ther¬

mique. Des applications de ce genre ne semblent pas, cependant,être très pratiques parce qu'il est très difficile de contrôler et

de stabiliser la réaction ionique qui dépend de beaucoup de

facteurs critiques, dont en particulier la pression de l'atmos¬

phère du tube. L'inertie des ions constituerait aussi un obstacle,

si l'on désire que le tube opère à de très hautes fréquences.

c) Les données expérimentales.

La validité de l'explication ci-dessus, à laquelle il vient d'être

donné une justification théorique, peut être confirmée par les

deux groupes d'expériences suivantes:

1. Les résultats des mesures obtenues avec le multiplicateurmentionné au paragraphe a) sont donnés par les courbes des

figures 14,15,16 et 17. Ce tube du type B possédait 10 électrodes

multiplicatrices maintenues à des potentiels proportionnels à

leur numéro d'ordre (voir fig. 6).Les courbes de la figure 14 représentent le courant résiduel (B)

et le courant de sortie (A) (c'est-à-dire l'augmentation du courant

dans le circuit du collecteur provoquée par l'illumination de la

photo-cathode) en fonction de la tension par étage. Il en ressort

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 53

clairement qu'à 120 volts par étage le courant résiduel devient

si grand que les charges spatiales produisent une déconcen¬

tration suffisante pour créer la condition paradoxale dans

laquelle le gain diminue lorsque la tension augmente. Les

valeurs énormes du courant résiduel sont dignes d'être remar¬

quées tout particulièrement.

Fig. 14.

Courant de sortie en fonction de la tension par étage.

A Courant de sortie utile dû à l'éclairement.

B Courant résiduel.

La courbe de la figure 15 représente le changement i du

courant de la photo-cathode que provoque une illumination

constante de celle-ci, en fonction de la tension, lorsque le

multiplicateur tout entier est en opération. Si toutes les élec¬

trodes, excepté la photo-cathode et la première électrode

multiplicatrice, sont déconnectées, il reste simplement une

cellule photo-cathode à vide poussé et le courant d'émission

54 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

atteint une valeur saturée i0 indiquée sur la figure 15. La diffé¬

rence entre le courant mesuré et le courant saturé est la contri¬

bution de la réaction ionique. Cette différence atteint un maxi¬

mum pour la même tension (120 volts) que le courant de sortie

utile.

Il est particulièrement significatif de représenter l'augmen¬tation i du courant de la photo-cathode que provoque une

illumination constante en fonction du courant de sortie I, ce

dernier étant varié par le changement de la tension. Cela a été

fait sur la figure 16. On trouve une dépendance linéaire presque

parfaite qui peut s'exprimer par la relation:

i = i0 + al (39)

dans laquelle a est une constante égale à 7,8 X 10~6 dans ce

cas. Cette relation ressemble à celle (35) qui fut déduite théo¬

riquement et confirme ainsi les hypothèses faites.

Il est intéressant de considérer plus en détail la similitude

des relations (39) et (35). Le courant de sortie I est varié, dans

les expériences, en changeant la tension, ce qui strictement

parlant, altère l'ionisation (coefficient oc) et le bombardement

ionique (coefficient S), et par conséquent on ne devrait pas

s'attendre à une variation linéaire du courant de la photo¬cathode en fonction du courant de sortie. Cependant, comme

de très petites variations de tension suffisent pour la variation

du courant de sortie dont on se sert pour la courbe, elles ne

produisent pas une altération substantielle du mécanisme de la

réaction, puisque l'ionisation du gaz et l'émission secondaire

par ions ne varient toutes deux que de très peu aux tensions

utilisées. C'est ainsi que la dépendance linéaire est préservée.Il faut remarquer, de plus, que le coefficient X de la relation

(35) et le coefficient a de la relation (39) n'ont pas exactement

la même signification. Les ions positifs arrivant et les électrons

secondaires partant sont des courants de la photo-cathodes'écoulant dans le même sens, ce qui rend le courant mesuré i

plus grand que le courant électronique réel émis à la photo¬cathode. Ce courant électronique serait donné par la relation

i = h + a(s^rj)ï <4°)

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 55

.016

b

l'A „

.012

~/ ,i

/004

J

V VOLTSt

40 160 20080 120

Fis. 15-

Courant de la photo-cathode en fonction du courant de sortie.

L

0.01

0.00

"z

5

0.00

o

1

0 Ï00 4<>0 fi00 e100 K>00 (JA

Pie. 16.

Courant de la photo-cathode en fonction !du courant de sortie.

Courbe de réaction ionique. Type P.

56 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

D'autre part, il faut remarquer aussi que le coefficient X est

« réduit », c'est-à-dire qu'il a une valeur telle que l'effet composéde toutes les réactions ioniques partielles qui ont lieu de toutes

les manières possibles entre les diverses électrodes, est similaire

à celui d'une réaction idéale unique prenant place entre le

collecteur et la photo-cathode. Par conséquent, il doit avoir

une valeur beaucoup plus grande que celle qu'il aurait s'il

correspondait seulement au courant réel émis à la photo-

//

f

m

-ION^

•*•"^

2

I

1 V V OLT5

O 40 80 120 ISO 200

Flg 17.

Gourant résiduel en fonction de la tension par étage (type B).

cathode. Ces deux différences entre a et X rendent difficile une

comparaison directe entre ces deux coefficients.

Il ne faut pas chercher dans les mesures ci-dessus une confir¬

mation numérique de la théorie, mais plutôt une confirmation

expérimentale de l'existence de la réaction ionique. Son

existence est symbolisée par l'équation (39) dans laquelle le

coefficient a est d'un ordre de grandeur tout à fait raisonnable.

La courbe de la figure 17 représente le courant dans le circuit

de la photo-cathode, lorsque le tube est dans l'osbcurité totale,

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 57

en fonction de la tension par étage. La partie de la courbe de 0 à

110 volts correspond simplement aux fuites ohmiques qui sont

assez élevées parce qu'aucune précaution pour les réduire n'a

été prise dans ce tube. La différence entre le courant total et

ces fuites ohmiques est la contribution de la réaction ohmique.Si cette différence est l'ordonnée d'une courbe dont le courant

résiduel est l'abscisse (ce dernier variant avec la tension), la

courbe est une droite passant par l'origine. La constante a

correspondante se trouve être égale à 8,8 X 10~6, ce qui est

presque la même valeur que celle obtenue en illuminant la

photo-cathode.

Le coefficient a de « la courbe de réaction ionique », c'est-à-dire

de la courbe représentant l'augmentation i du courant de la

photo-cathode en fonction de la tension par étage, est la même

pour toutes les illuminations constantes de la photo-cathode,et même, comme il vient d'être indiqué, lorsque cette illu¬

mination est nulle. Ainsi ce coefficient a peut très bien être

considéré comme une mesure de l'intensité de la réaction

ionique puisqu'il ne dépend pas des conditions de l'opérationdu tube mais seulement de ses caractéristiques intrinsèques.

Plusieurs tubes du type B furent construits pour faire des

mesures relatives aux propriétés de concentration. Nous

n'indiquons pas ici les résultats obtenus puisque ce sujet fut

déjà traité dans le chapitre précédent. Cependant il est inté¬

ressant de remarquer que des courbes de réaction ionique furent

trouvées pour tous les tubes construits et que le coefficient a

était toujours du même ordre de grandeur, c'est-à-dire 10~5.

2. Une autre confirmation de l'existence de la réaction

ionique fut obtenue comme suit:

Dans un multiplicateur du type B analogue à celui qui fut

utilisé pour les expériences précédentes, la photo-cathode portaitune grille qui constituait le terminateur nécessaire à la conser¬

vation de la nature cyclique du champ. Une plaque P activée

comme les autres électrodes (c'est-à-dire recouverte d'oxyde

d'argent traité au caesium) était montée derrière la grille

terrninatrice, ainsi qu'il est montré sur le schéma de la figure 18.

Le courant résiduel I était mesuré en fonction de la différence

58 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

de potentiel V0 entre la photo-cathode et la plaque P, pour

différentes valeurs V de la tension par étage. Les courbes de la

figure 19 montrent les résultats obtenus.

Fig. 18.

Tube vérifiant l'hypothèse de la réaction ionique.

II I I I I I I | I k. IVOLTSl I

-*0 -M O 20 *0 60 60

Fig. 19.

Courant résiduel en fonction du potentiel de la plaque P.

Une inspection de ces courbes montre que le courant résiduel

est réduit par un très grand facteur (10 à 1000) lorsque le

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 59

potentiel de la plaque P est de quelques volts au-dessus de

celui de la grille terminatrice. Cela provient de l'existence à

la surface de la plaque P d'un champ qui s'oppose à la libération

des électrons secondaires résultant du choc des ions passant

par les trous de la grille. Comme une petite fraction seulement

des électrons secondaires a une vitesse initiale suffisante pour

surmonter cette barrière de potentiel de quelques volts, l'effi¬

cacité de la réaction ionique est considérablement réduite.

Cela produit, à son tour, la diminution observée du courant

résiduel.

Ce dispositif, quoiqu'il réduise énormément le courant

résiduel, ne le supprime pas complètement. La réaction ioniquea encore lieu entre les paires d'électrodes qui ne comprennent

pas la photo-cathode, et est maintenue aussi par les ions quiheurtent les fils de la grille terminatrice. On avait espéré, tout

d'abord, que ce dispositif serait suffisant, mais comme les

expériences ont détruit cet espoir, on chercha un autre remède.

Avant d'aborder la description des moyens utilisés pour

supprimer la réaction ionique, il est intéressant de mentionner,

en passant, que le dispositif de la grille terminatrice permet

de mesurer approximativement le coefficient S des électrons

secondaires aux ions primaires. Le courant de la plaque P est

composé des ions arrivant et des électrons partant. En rendant

la plaque P de quelques volts positive par rapport à la photo¬

cathode, le courant électronique est supprimé et il peut par

conséquent être déterminé par la diminution résultante du

courant total. Si, lorsque cela est fait, le courant de sortie I

qui a changé à cause de la diminution de la réaction ionique,

est maintenu constant par un réajustement approprié de la

tension par étage V, le courant ionique qui bombarde la

plaque P restera le même. L'expérience est faite de préférenceen illuminant la photo-cathode de sorte que le réajustement

de la tension soit aussi faible que possible. Le résultat, pour

une cible d'oxyde d'argent traitée au caesium et bombardée

probablement par des ions de caesium à 2000 volts fut

S = + 0,4. Les erreurs présentes dans cette détermination sont

très nombreuses et proviennent de toutes sortes de causes

intempestives telles que l'effet des électrons secondaires pro-

60 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

duits sur les fils de la grille par le heurt des ions et collectés

par la plaque P, ou l'émission photo-électrique de la plaque P.

La valeur trouvée est probablement trop petite.

d) L'élimination de la réaction ionique.

Au lieu de supprimer la libération des électrons secondaires

produits par le retour des ions, il est plus effectif d'annihiler

la réaction ionique en empêchant ce retour lui-même. Cela fut

réalisé en abandonnant le dessin du type B et en cherchant

un type entièrement nouveau dans lequel la trajectoire d'un

ion quelconque se termine dans l'étage même de son origine,

pour qu'il lui soit impossible de produire de la réaction.

En plus d'être susceptible d'éliminer la réaction ionique, le

nouveau type doit remplir les conditions déjà décrites concer¬

nant les propriétés de concentration et les champs collecteurs

intenses. Le dessin d'un tel tube multiplicateur fut obtenu

après une série de conceptions successives qui furent toutes

examinées sur le modèle mécanique. La figure 6 C illustre

le type obtenu. Les directrices des électrodes sont des arcs de

cercle prolongés par des segments tangents. Les extrémités de

ces tangentes sont des points équidistants sur une ligne droite.

Il est clair qu'il est impossible de relier par une droite un point

quelconque compris dans l'espace des derniers étages multi¬

plicateurs à un point quelconque compris dans celui des étages

initiaux, sans intercepter la plupart des électrodes.

Les excellentes propriétés de concentration de ce type furent

déjà décrites. De plus, il fut facile de constater, avec l'aide du

modèle mécanique, que la trajectoire d'un ion produit en un

point quelconque se terminait réellement à l'électrode négativela plus proche. On peut d'ailleurs s'en rendre compte aisément

par une inspection de la figure 8 qui représente les lignes

équipotentielles et les trajectoires électroniques d'une cellule

élémentaire de ce type C.

Le premier multiplicateur de ce type, à 10 étages, fut

construit avec des dimensions plus grandes que d'habitude,

Les électrodes étaient montées sur des plaques de verre tan¬

gentes aux rangées des électrodes de sorte que leurs extrémités

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 61

étaient restées libres. La figure 20 montre le tube qui a un

diamètre de 9 cm et une longueur de 30 cm à peu près. La

multiplication n'a rien laissé à désirer, comme il a déjà été

dit. Cependant le courant résiduel, quoique considérablement

réduit, était encore assez intense (300 jaA pour un gain de 106).

Décevante aussi, fut l'observation de la réaction ionique.

Toutefois, une nouvelle propriété de celle-ci fut observée.

La constante a de la réaction ionique était égale à 10~6, lors-

Fig 20

Multiplicateur a 10 étages du type C, avec écrans protecteurs.

qu'elle fut déterminée par la variation du courant de sortie

résultant d'une illumination de la photo-cathode tandis que

cette même constante a était égale à 10~5, lorsqu'elle fut

déterminée par la variation du courant résiduel. Quoique cette

dernière détermination ait été assez délicate et n'ait probable¬

ment pas été très précise, les résultats obtenus n'en indiquent

pas moins que la réaction ionique influence plus fortement le

courant résiduel que le courant de sortie utile.

Le fait que la réaction ionique affecte le courant de sortie

utile fut attribué aux ions qui s'échappent par les interstices

compris entre les électrodes, aux endroits où celles-ci ne sont

pas couvertes par les plaques de support qui étaient plus

étroites que les électrodes. Ces ions étaient probablement

collectés par le fil reliant la photo-cathode au pied du tube,

car ce fil avait été laissé nu. Une certaine contribution à la

62 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

réaction ionique peut être due à des électrons s'échappantlatéralement. Ces pertes sont spécialement accentuées aux

grandes intensités de courant, ainsi que l'on peut en juger

par la légère courbure positive de la courbe de réaction.

La prédominance de l'influence de la réaction ionique sur

le courant résiduel peut être attribuée à un phénomène quiexiste aux bords des électrodes. Si l'alignement de celles-ci

n'est pas parfait, le retour des ions peut prendre place légère¬ment en dehors de la structure des électrodes et pourtant le

mécanisme de multiplication électronique peut encore être

possible aux bords mêmes des électrodes. Les densités des

courants sont très fortes à cause des petites surfaces en jeu,

de sorte que les charges spatiales qui en résultent, causent

une déflection latérale des électrons. Si ceux-ci sont défléchis

vers le milieu des électrodes, le retour des ions qu'ils produisentest impossible. Si, au contraire, les électrons sont défléchis vers

l'extérieur, le mécanisme de multiplication est gêné. Il résulte

de là qu'il s'établit un courant stationnaire aux bords des

électrodes laissés libres, qui se maintient grâce au mécanisme

habituel de la réaction ionique et qui est limité par les charges

spatiales.Il résulte de ces considérations que le courant résiduel serait

considérablement réduit si l'on arrivait à supprimer « l'efïet

des bords ». Or cet effet est détruit si les courants électroniques

sont maintenus au milieu de la structure. Une concentration

latérale de cette sorte est aussi désirable, comme on le sait,

pour accroître la région de dépendance linéaire du courant

de sortie. Les moyens susceptibles de produire cette concen¬

tration furent déjà décrits dans le chapitre relatif à la concen¬

tration en général. Le premier de ces moyens qui fut utilisé,

consiste à fermer les extrémités des électrodes par des cloisons

planes normales aux génératrices (voir fig. 10 A). Un multi¬

plicateur à 10 électrodes multiplicatrices de ce genre avait en

effet une région aggrandie dans laquelle le courant de sortie

était proportionnel au courant originel. Cependant, le courant

résiduel, quoique un peu réduit, était resté encore assez grand

(100 [iA pour un gain de 106). De plus la réaction ionique

est restée mesurable.

MULTIPLICATEURS d'ÉLKCTRONS ÉLECTROSTATIQUES 63

Puisque la suppression de «l'effet des bords» s'est montrée

insuffisante, il fut décidé d'obstruer toutes les trajectoires

possibles que les ions peuvent emprunter pour se diriger vers

les électrodes négatives, et de voir si alors le courant résiduel

devenait vraiment petit. Dans ce but, le premier tube du

type C construit, fut ouvert et plusieurs écrans métalliques y

furent insérés. Ces écrans métalliques s'étendent normalement

de la structure des électrodes jusqu'aux parois du tube. Sur

les côtés des électrodes, ils ont la forme de la surface équi-

potentielle de l'électrode à laquelle ils sont attachés, de façon

à ne pas altérer le champ et conserver les propriétés de concen¬

tration. Ils pénètrent légèrement à l'intérieur de la structure

des électrodes pour supprimer « l'effet des bords ». La figure 20

montre le tube après sa modification. Trois écrans furent

placés à divers étages de façon à assurer une protection généraleaussi parfaite que possible et aussi pour empêcher les réactions

« partielles ». L'insertion de ces écrans se révéla un parfaitremède car le courant résiduel devint de quelques microampèresseulement avec un gain d'un million. La réaction ionique,

encore mesurable, la constante a étant égale à 2 X 1CT7, fut

considérée inoffensive parce qu'elle fut attribuée aux ions

collectés directement par le fil de la photo-cathode laissé nu.

D?s écrans furent aussi introduits dans le multiplicateur dont

les électrodes étaient terminées par des plans latéraux. Ces

écrans s'étendaient seulement de l'arrière des électrodes

jusqu'aux parois de l'enveloppe sans protéger les côtés de la

structure des électrodes. Le courant résiduel devint 1 jxA pour

un gain de 106 et la réaction ionique devint enfin non mensu-

rable. Cette expérience confirma l'hypothèse relative à « l'effet

des bords », puisque celui-ci est effectivement supprimé par

les plans latéraux fermant les électrodes. Elle confirma aussi

celle relative à la collection des ions par le fil de la photo¬

cathode, qui était soigneusement isolé sur toute sa longueur.Dans tous les tubes construits par suite il a été indispensable

d'empêcher complètement tout retour des ions. Cela fut réalisé

par des moyens divers qui seront décrits en relation avec les

diverses constructions spécifiques adoptées pour réduire les

autres causes du courant résiduel. L'expérience a montré d'une

64 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

façon définitive qu'aucune liberté ne peut être prise dans cette

protection contre les ions intempestifs et que la réaction

ionique est toujours observée si une voie quelconque est laissée

non obstruée. L'existence de la réaction ionique, autre que

celle due aux ions collectés par le fil de la photo-cathode, est

toujours accompagné d'un fort courant résiduel. Il est difficile

de justifier la nécessité d'une obstruction si complète. En

particulier, il n'est pas immédiatement évident que les ions

qui heurtent les parties des électrodes d'où les électrons secon¬

daires ne peuvent pas être libérés puissent donner lieu à un

mécanisme régénérateur quelconque. Il n'est pas très étonnant,

par contre, qu'avec les gains énormes obtenus par la suite

(108 à 109) la moindre régénération provoque immédiatement

un grand courant stationnaire. L'étude de ce mécanisme de

régénération n'a pas été plus approfondie puisque notre but

immédiat, la réduction du courant résiduel, est atteint. En

effet, l'expérience montre l'absolue nécessité d'une obstruction

complète de tous les chemins possibles par lesquels les ions

pourraient passer des étages de multiplication finals aux

étages initiaux.

4. L'ÉMISSION FROIDE.

a) Introduction.

Une contribution sérieuse au courant résiduel provient de

l'émission des électrodes qui résulte de l'action du champ

électrostatique agissant à la surface des électrodes ou d'autres

conducteurs présents dans le tube. En général des champs

extrêmement intenses tendant à extraire les électrons, sont

nécessaires pour créer une émission appréciable. Cependant,à cause du gain énorme possible avec le multiplicateur, l'émis¬

sion par ailleurs imperceptible due à des champs relativement

faibles peut causer des courants appréciables.On sait 21

que le courant d'émission électronique I créé par

un champ extracteur E agissant à la surface d'un conducteur

est donné par la relation:

_^

I = aWeE

(41)

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 63

dans laquelle a et b sont des constantes qui dépendent de la

nature du conducteur. Ces constantes sont en relation étroite

avec le travail de sortie, car il est bien évident qu'à une faible

énergie nécessaire à la libération d'un électron correspondraune grande probabilité d'émission par un champ extérieur

donné. En réalité l'émission thermique et l'émission due au

champ sont presque toujours présentes simultanément. Si

l'émission thermique prédomine, l'émission du champ se mani¬

feste en ce que l'on appelle « l'effet de Schotky ». Si, au contraire,

le champ prédomine, l'émission, appelée alors « l'émission

froide » est indépendante de la température, en première

approximation. Pour les besoins pratiques de ce travail, les

deux phénomènes seront considérés indépendamment en dépitde leur relation.

Le gradient du champ est particulièrement grand aux

endroits où les rayons de courbure de la surface sont petits.C'est pourquoi, comme on le sait, les bords tranchants, les

pointes aiguës ou des particules collées à une surface lisse par

ailleurs, sont d'excellentes sources d'émission froide. L'émission

qui en résulte est généralement très erratique, parce que les

propriétés des points émetteurs changent incessamment sous

l'influence de la haute densité du courant qui provient d'une

surface d'émission très petite.

b) Expériences.

Du point de vue des remèdes à appliquer, il est très important

de pouvoir déterminer dans tous les cas la cause du courant

résiduel. En particulier, lorsque l'expérience a montré que les

fuites ohmiques et la réaction ionique n'y contribuent plus,

il est important de pouvoir distinguer entre les émissions

froide et thermique. Pour supprimer la première, un dessin

approprié ou des soins spéciaux dans la construction peuvent

être suffisants, tandis que la seconde dépend spécifiquementde la nature des surfaces émettrices (photo-électrique et à

émission secondaire) utilisées. Bien des expériences furent

imaginées pour les distinguer.Le courant résiduel résultant de l'émission froide est géné-

5

66 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

ralement plus intense que celui auquel on doit s'attendre de

l'émission thermique à la température habituelle du laboratoire,

et il est assez erratique en comparaison de la stabilité de ce

dernier. Cependant, ces différences ne sont pas générales et on

ne peut pas en juger â priori avant d'avoir établi, auparavant

et par ailleurs, quels sont les ordres de grandeur en jeu.

Si toutes les électrodes émettent uniformément un courant iset si le gain par étage R est le même pour tous les n étages

multiplicateurs, le courant résiduel I sera donné par la relation:

Par conséquent, si le quotient du courant résiduel au coefficient

RG

P ,ou même simplement au gain G, reste approximativement

constant lorsque la tension est variée, il y a lieu de croire que

l'émission est uniforme et très probablement de nature ther¬

mique. Si, au contraire, ce quotient varie beaucoup (par un

facteur supérieur à 5, par exemple) il est à présumer que c'est

la tension même qui affecte l'émission et que, par conséquent,

l'émission froide est la cause prédominante du courant résiduel.

En général, dans ce dernier cas, l'émission froide est localisée

à une électrode particulière et peut être évaluée en divisant

le courant résiduel par le gain correspondant au nombre réduit

des étages multiplicateurs. Cette émission devrait être régie par

la relation (41), si elle était réellement d'origine froide. Il a été

en effet observé, dans deux cas, que le logarithme du courant

résiduel divisé par le coefficient approprié dépendait à peu prèslinéairement de l'inverse de la tension par étage. Ces mesures

montrent clairement l'existence de l'émission froide. Cependantles constantes caractéristiques trouvées n'ont pas grande signi¬fication parce que la source de l'émission froide était purementaccidentelle et sa véritable origine était inconnue.

Une autre expérience très simple peut être effectuée comme

suit: Les fils connectant les diverses électrodes à leur source

de potentiel sont déconnectés successivement, en commençant

par les électrodes les plus négatives. Si toutes les électrodes

y contribuaient uniformément, l'abandon d'un étage devrait

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 67

diviser le courant résiduel par un facteur égal au gain de l'étageabandonné. Si, cependant, cet abandon produit une diminution

beaucoup plus grande (10 à 10.000 par exemple au lieu de 5 à 6)

la contribution prédominante d'une électrode particulière est

ainsi décelée. Dans la plupart des cas, cette contribution peut

être attribuée à l'émission froide. Cependant on a observé avec

des surfaces activées par un métal alcalin des émissions ther¬

miques très intenses qui provenaient de régions dont le travail

de sortie était particulièrement petit. Pour différencier ces deux

possibilités, le potentiel de l'électrode considérée peut être varié

par rapport à celui de l'électrode multiplicatrice suivante. Si

ce potentiel est suffisamment différent de sa valeur nominale,

les propriétés de concentration sont altérées et le gain décroît.

Gela fut confirmé en étudiant l'effet qu'a le potentiel de la

photo-cathode sur le courant de sortie utile. Si, en dépit de

cette diminution du gain, le courant résiduel augmente lorsquele potentiel de l'électrode à émission prédominante est beaucoup

plus négatif que sa valeur nominale, la forte dépendance de

celui-ci par rapport à l'intensité du champ qui a augmenté,

indique clairement une origine due à l'émission froide. Si, au

contraire, le courant résiduel diminue (ou change très peu)

l'origine de l'émission peut être déclarée thermique.

Bien d'autres expériences furent effectuées dans lesquelles

la nature de l'émission produisant le courant résiduel fut jugée

par la variation des potentiels d'opération. Elles étaient

adaptées spécialement aux divers cas particuliers rencontrés.

Enfin, une méthode décisive pour distinguer entre les émis¬

sions thermiques et froides consiste à varier la température de

l'ambiance du tube. S'il a été établi auparavant qu'il n'y a

plus de réaction ionique, qui dépend de la pression, qui elle

dépend de la température, et qu'un changement du courant

résiduel est observé, son origine peut être déclarée thermique

puisque l'émission- froide est indépendante de la température.

Cette méthode, qui sera décrite en détail, fut développée pour

étudier l'émission thermique. Comme elle met en jeu une tech¬

nique assez délicate, on y a eu recours seulement dans les cas où

toutes les autres causes du courant résiduel furent presque

complètement éliminées.

68 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

c) Vélimination des effets de rémission froide.

Il n'y a malheureusement pas de méthode spécifique pour

réduire l'émission froide d'une façon radicale. Cependant, une

série de mesures peuvent être prises pour rendre négligeableson influence sur le courant résiduel. Elles consistent à réduire

les gradients du champ, éviter les bords tranchants et autres

points à grande courbure, utiliser des matériaux possédant un

grand travail de sortie et finalement elles consistent à empêcher,

par des protections convenables, que les électrons libérés par

l'émission froide en dehors de la structure même des électrodes

multiplicatrices ne soient multipliés ou même simplementcollectés directement par le collecteur.

Puisque les valeurs des potentiels à utiliser sont déterminées

par les conditions qu'exige l'efficacité de l'émission secondaire,

l'intensité du champ peut être contrôlée seulement par la

disposition géométrique des électrodes. Comme aux petitesdimensions linéaires les champs sont intenses, il ne sera possiblede construire un tube de petites dimensions que si l'on prévoitde grands interstices entre les électrodes. Ainsi qu'il apparaît

par une inspection de la figure 8, un endroit particulièrement

dangereux du point de vue de l'émission par le champ, se trouve

au bord (de coordonnée zéro) des électrodes, puisque le champ

y est particulièrement intense et qu'il y a une direction quiconvient à l'extraction des électrons. La plupart des électrons

émis seront collectés directement par l'électrode voisine et ne

causeront par conséquent aucun mal. Cependant, grâce à la

nature erratique de l'émission froide et à la complexité de la

surface du bord de l'électrode à l'échelle miscroscopique, quel¬

ques-uns d'entre eux réussiront à heurter une des électrodes de

la rangée opposée. Ces électrons seront multipliés et contri¬

bueront au courant résiduel. L'on se rendit compte de cet état

dangereux dès que la réaction ionique fut suffisamment atté¬

nuée, et le dessin d'un type de multiplicateur nouveau fut

cherché dans lequel ces interstices critiques seraient aggrandis.Dans cette recherche il fallait tenir compte de toutes les condi¬

tions imposées déjà par une concentration adéquate, les champscollecteurs intenses et la suppression de la réaction ionique.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 69

Le type D (voir figure 6) dans lequel l'interstice critique est

approximativement doublé fut élaboré grâce à l'aide du modèle

mécanique. La forme des électrodes du type précédent fut

conservée, seul leur arrangement fut changé. Les excellentes

propriétés de concentration de ce type furent déjà décrites. La

suppression de la réaction ionique est encore plus certaine

dans ce type nouveau à cause du « recouvrement » des extré¬

mités planes des électrodes. De plus la recherche du dessin

nouveau possédant les mêmes directrices, arrangées à nouveau,

montra qu'une inexactitude considérable pouvait être tolérée

dans la construction de ce type sans affecter sérieusement la

concentration.

On peut réduire encore plus l'émission du bord critique des

électrodes en augmentant la courbure de celui-ci. Cela pourraitêtre fait simplement en enroulant ce bord sur lui-même. Cepen¬dant ce moyen compliquerait l'estampage des électrodes. Le

moyen utilisé consiste à protéger les bords tranchants des

électrodes par des bandes en forme de U. Ces bandes sont faites

en nickel ayant 0,13 mm d'épaisseur, les bras du U ayant

environ 1,5 mm. Elles sont appliquées sur le bord de l'électrode

et sont ensuite fortement comprimées pour éviter la nécessité

de la soudure électrique qui laisse en général de petites aspéritésà la surface du métal. Pour éviter les extrémités tranchantes

qui existeraient si on coupait les bandes à la longueur exacte

des électrodes, celles-ci sont laissées plus longues et sont ensuite

pliées de façon que leurs extrémités se joignent à l'autre bord

de l'électrode. L'émission froide n'est pas observée en cet endroit

à cause de la direction adverse du champ, de sorte que les

extrémités tranchantes et la soudure électrique peuvent y être

tolérés. La figure 10 B montre une électrode pourvue d'un

arrangement protecteur de cette sorte. L'existence des bandes

sur les côtés des électrodes produit simultanément l'effet de

concentration latérale qui est désirable à bien des points de

vue, comme on le sait.

Au début, les fils reliant les diverses électrodes au pied du

tube étaient laissés nus. Les électrons libérés par le champ à

leur surface, plus particulièrement près du pied où les champssont intenses, pénétraient alors dans la structure des électrodes

70 LE COlItANT RÉSIIM'EI. DANS LES

et contribuaient, par conséquent, au courant résiduel directe¬

ment ou après avoir été multipliés. Pour empêcher cela, les

électrons libérés furent arrêtés par des tubes en verre protégeantla longueur tout entière des fils. Les seules parties laissées

découvertes étaient aux endroits indispensables au contact

avec les électrodes. A ces endroits on prit un soin particulier

pour éliminer toute possibilité' d'émission froide.

L'émission froide due à des particules de poussière ou à des

aspérités collées à la surface des électrodes peut devenir très

sérieuse. Pour la prévenir, la structure des électrodes, après son

assemblage et avant d'être scellée dans son enveloppe de verre,

est exposée pendant quelques secondes à une flamme de gaz

brûlant avec un excès de gaz. Par ce procédé les aspéritésfusibles sont fondues et les particules combustibles brûlées,

sans cependant que l'argent des électrodes soit oxydé ou que

la structure soit abîmée par ailleurs.

d) Résultats.

La figure 21 montre un multiplicateur qui satisfait à toutes

les exigences imposées pour prévenir les fuites ohmiques, la

réaction ionique et l'émission froide. Les deux rangées d'élec¬

trodes en nickel électrolytiquement recouvert d'argent sont

KlK. Jl.

Multiplicateur à 10 étages du type D.

montées sur des plaques de verre reliées par des bras de verre

l'une à l'autre, ainsi qu'au pied du tube. Les connections sont

assurées par des fils llexibles qui sont entièrement protégés par

des tubes en verre, même au voisinage du pied. Les bords

tranchants des quatre écrans anti-ions en nickel sont dirigés

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 71

du côté des potentiels négatifs et ne constituent donc pas de

source d'émission froide.

Dans plusieurs tubes de ce genre, la contribution du courant

résiduel due à l'émission froide ne pouvait réellement pas être

observée et la seule contribution restante était, sans aucun

doute, l'émission thermique des électrodes.

Les surfaces émettrices de ce tube, et des tubes similaires,

étaient traitées de la manière habituelle aux surfaces photo¬

électriques activées par un métal alcalin. Ce traitement procèdeessentiellement comme suit: L'argent est oxydé par une

décharge électrique dans une atmosphère d'oxygène de 1 à 2 mm

de Hg. Ensuite le métal alcalin (Cs, Rb, Li, Na ou K) est intro¬

duit dans le tube. Il est obtenu en général en chauffant par

induction une petite capsule métallique contenant un mélangede l'oxyde de l'alcalin désiré avec un réducteur tel que l'alu¬

minium ou le chrome. Le tube est alors chauffé pendant plu¬sieurs minutes (10 à 30) à une température variant entre 150°

et 270° C. suivant le métal utilisé. Ce traitement a fait l'objet

de bien des publications 22 et ne sera pas décrit plus longuement.

Plusieurs multiplicateurs à dix étages analogues à celui qui

est représenté par la figure 21 furent construits. Les mesures

fournirent pour six d'entre eux, la tension étant de 200 volts

par étage, les caractéristiques résumées par le tableau suivant:

Numéro du tube....

1 2 3 4 5 6

Alcalin utilisé pour l'acti-

vation Cs Cs Rb Rb Cs Cs

Gain total en millions. . 10,0 4,2 2,2 5,0 1,0 10,0

Gain moyen par étage . . 5,01 4,59 4,29 4.68 3,98 5,01Sensibilité de la photo¬

cathode en jxA/lumens .10 15 0,5 1 12 5

Sensibilité du tube en

Amp/lumens 100 63 1,1 5 12 50

Courant résiduel à la tem¬

pérature du laboratoire

(27° C.) en [xA . . ..' 0,95 1,2 0,6 10 1,5 9

Intensité de lumière pro¬

duisant un courant de

sortie égal au courant

résiduel, en lumens

X 10-8 0,95 1,9 55,0 — — —

Cause principale du cou¬

rant résiduel émission therra ique émission froide

72 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

Les plus grands soins possibles furent pris dans la construc¬

tion des tubes pour prévenir l'émission froide. En dépit de ces

soins, dans la moitié des tubes construits, cette émission resta

encore la cause principale du courant résiduel. L'émission

froide est de toutes les causes du courant résiduel celle qui est

la plus difficile à éliminer d'une façon radicale, c'est-à-dire

d'une façon que l'on puisse reproduire à volonté. Dans la plupartdes cas où elle prédominait, on ne pouvait rien déceler d'anormal

en regardant l'électrode dont elle provenait. Il est très probable

que c'est le métal alcalin qui produit cet état fâcheux, car on a

observé en sa présence la création de points ayant un travail

de sortie très faible. Ces points peuvent se trouver, par hasard,

aux endroits où le champ est très intense. D'ailleurs, on verra

par la suite que si l'usage du métal alcalin est évité pour le

traitement des surfaces à émission secondaire, l'émission

froide n'apparaît que dans une fraction très faible de cas, à

condition que certaines autres précautions soient aussi prises.

Si, en plus des difficultés habituelles de la technique du vide,

celles dues à un traitement par un métal alcalin de beaucoup

d'électrodes disposées d'une façon compliquée sont à surmonter,

la fabrication de multiplicateurs ayant de grandes sensibilités

photo-électriques et à émission secondaire est un processus qu'ilest difficile de reproduire avec de la constance. Souvent, après

une première activation non satisfaisante, le tube a été vidé

et activé à nouveau pour essayer d'améliorer son fonctionne¬

ment. Les caractéristiques du tableau ci-dessus se rapportent à

l'état final des tubes.

La susceptibilité du multiplicateur pour la mesure des lu¬

mières de très faible intensité peut être exprimée par l'intensité

de la lumière qui produit un courant de sortie égal au courant

résiduel, ainsi qu'il a été indiqué sur le tableau. Cette intensité

de lumière n'est évidemment pas la plus faible que l'on puissedéceler. Elle représente néanmoins l'ordre de grandeur des

intensités qui peuvent être mesurées avec une grande précision.

Lorsque le courant résiduel provient de l'émission froide, il

est assez erratique et cette intensité de lumière perd de sa

signification caractéristique. C'est pour cette raison qu'elle a

été omise pour les tubes nos 4, 5 et 6. La très grande sensibilité

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 73

des meilleurs tubes obtenus peut être appréciée, si on la compare

à celle des cellules photo-électriques à vide ou même à gaz.

Une lumière de 1CT8 lumens, facilement mesurable par le multi¬

plicateur, produit un courant de 5 X 10~13 amp. au plus dans

une cellule à vide et 100 fois cette valeur au plus dans une

cellule à gaz. Il est bien évident que la mesure directe de cou¬

rants si faibles est à peine possible ou, même si elle l'est, elle

devient extrêmement difficile.

5. L'ÉMISSION THERMIQUE.

a) Introductien.

Le courant résiduel provenant de l'émission thermique est

petit et stable, si on le compare à celui qui est dû à la réaction

ionique ou à l'émission froide. Par conséquent, il ne diminue

pas d'une manière sérieuse la capacité du multiplicateur à

mesurer des lumières d'intensités faibles et constantes. A cause

de sa stabilité relative, ce courant peut même être neutralisé

par un circuit de compensation approprié. Cela est cependantune complication indésirable. Une objection plus sérieuse

apparaît lorsque la lumière est modulée. Le rapport du signalau « souffle » (fluctuations dues au « shot effect ») est alors

diminué par le souffle additionnel provenant du courant résiduel,ce qui se remarque surtout pour des signaux faibles. C'est ainsi

que si la contribution thermique au courant résiduel n'est pas

aussi fondamentalement gênante que celles dues aux autres

causes, elle n'en est pas moins parfaitement indésirable.

La réduction du courant résiduel provenant des fuites

ohmiques, de la réaction ionique et de l'émission froide fut

réalisée surtout par une construction appropriée du multipli¬cateur. L'émission thermique ne saurait être traitée de la même

manière, puisqu'elle dépend spécifiquement de la nature des

surfaces émettrices et de leur température.Etant donné la nature fondamentale de cette contribution

thermique qui met une limite à une nouvelle diminution du

courant résiduel, il fut décidé d'étudier la variation du courant

résiduel en fonction de la température. Cette expérience fut

74 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

entreprise primitivement pour prouver d'une façon concluante

que le reste du courant résiduel était vraiment d'origine ther¬

mique, chose qui fut établie bien vite. En effet, par un refroi¬

dissement approprié du multiplicateur, le courant résiduel

atteignit une valeur très petite et l'appareil était susceptiblede mesurer des intensités de lumière très faibles.

L'intérêt principal de cette expérience ne réside cependant

pas en ce qu'elle fournit un instrument d'une certaine utilité,

mais plutôt en ce qu'elle est une façon idéale de mesurer les

constantes thermiques des surfaces à émission photo-électrique.Ceci est particulièrement important pour les surfaces traitées

par un métal alcalin. En effet, lorsque la température de ces

surfaces est variée de façon à ne pas altérer leur nature, le

courant thermique est si petit que sa mesure directe est difficile

même si l'aire de la surface émettrice est assez grande. Nous

avons entrepris avec l'aide du multiplicateur de mesurer les

constantes thermiques de l'oxyde d'argent traité au caesium.

L'émission thermique obéit à l'équation de Richardson

I = AT2eT= A.H*e~W (43)

dans laquelle I est le courant émis en ampères/cm2, A est une

constante en ampères/cm2 degré2, T la température en degrésabsolus et B une constante égale à

B = 1,16 x 104 x W (44)

si e, la charge de l'électron, est exprimée en coulombs, k, la

constante de Bolzman, en joules/degré et W, le travail de sortie,

en volts. La théorie a montré que A est une constante univer¬

selle, indépendante de la nature du corps émetteur et qu'elleest égale à:

A = 120 amp/cm2 deg2 . (45)

Les déterminations expérimentales fournissent, en effet, cette

valeur pour beaucoup de métaux purs. Cependant, pour les

surfaces composées, les valeurs mesurées de A diffèrent de la

valeur théorique dans des rapports énormes (jusqu'à 10 30!).On explique cet écart en admettant que dans ce cas le travail

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 75

de sortie est une fonction de la température. Cette hypothèseconduit à une forme plus générale de l'équation de Richardson

dans laquelle le coefficient B (ou le travail de sortie) est un

développement en série de puissances de T. Cependant, on

retient généralement la forme simple (43) de l'équation, même

pour les surfaces composées, à cause de la difficulté énorme quise présente lors de la détermination expérimentale des cons¬

tantes de la série de l'équation généralisée. Les deux constantes

A et W caractérisent donc une surface donnée. Les résultats

des mesures sont généralement exprimés en portant le log (I/T2)en fonction de (1/T). Une droite est dessinée de façon à corres¬

pondre au mieux aux points expérimentaux. La pente de cette

droite et sa position par rapport aux axes déterminent respec¬

tivement le travail de sortie W et la constante A. Ainsi qu'onle sait, la plupart des expériences fournissent une valeur rela¬

tivement précise du travail de sortie W tandis que de grandeserreurs sont généralement présentes dans la détermination de

la constante A. Le but de nos expériences est strictement limité

à la détermination du travail de sortie de certaines surfaces

traitées par un métal alcalin.

b) Vappareillage expérimental.

La variation de la température des surfaces activées par un

métal alcalin, le caesium en particulier, qui est appropriée à

la détermination du travail de sortie, a une limite supérieure,environ 100° C, au-dessus de laquelle les propriétés de la surface

seraient altérées en permanence. Il a aussi une limite inférieure,

environ — 50° C, au-dessous de laquelle le courant d'émission

n'est pas mesurable même lorsqu'il est multiplié par l'énorme

gain du multiplicateur. Pour utiliser entièrement toute la

variation de température disponible, il est nécessaire de pouvoirmesurer des courants très faibles aux basses températures. Par

conséquent, il est essentiel que les fuites ohmiques externes

soient aussi petites que possible pour qu'elles ne masquent par

le courant d'origine interne. La réalisation de ce besoin est

rendue difficile par la vapeur d'eau de l'atmosphère qui, si on

ne l'empêche, se condense sur et entre les divers conducteurs

du tube et devient ainsi la cause de fortes fuites ohmiques.

76 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

Dans les multiplicateurs décrits antérieurement, les électrodes

émettrices sont thermiquement bien isolées de l'enveloppe de

verre du tube, car elles prennent la température de celle-ci

principalement par radiation et partiellement seulement par la

conductibilité thermique de leurs supports. Pour arriver à

connaître avec certitude la température des électrodes, il faut

donc que celle du tube varie lentement et soit uniforme.

Une méthode expérimentale pratique qui permet une variation

de température lente et uniforme et en même temps qui résoud

la question des fuites ohmiques consiste à faire circuler un

liquide entre un récipient contenant le tube et une spiralemétallique ayant une grande surface, et dont la température

peut être contrôlée à volonté. Le liquide ne doit pas être hygros-

copique, il doit avoir une faible conductibilité électrique, son

point d'ébullition doit être supérieur à 100° C et il doit

conserver à — 50° C une viscosité suffisamment faible pour ne

pas gêner la circulation. Le pétrole, essayé tout d'abord, satis¬

fait à toutes ces exigences sauf la dernière. L'éthylbenzène

purifié (CeH5. C2H5) est parfaitement satisfaisant.

L'appareillage utilisé est illustré par la photographie 22 et

il est dessiné schématiquement sur la figure 23. Le liquidecircule du récipient TH, à travers la pompe P, la spirale S et

le filtre F, pour retourner au récipient TH.

Le récipient TH est une bouteille thermos. Une région de

sa surface n'a pas été couverte par la couche métallique réflé¬

chissante pour permettre d'éclairer le multiplicateur. Le bon

isolement thermique de la bouteille économise la chaleur (ou« le froid ») de la source de chaleur et empêche que la conden¬

sation de la vapeur d'eau n'obstrue la fenêtre réservée à l'éclai-

rement.

La pompe P est simplement une pompe à essence pour

bateaux, type à membrane vibrante. Elle est mue par un

accumulateur de 6 volts et produit une circulation d'environ

3 litres à la minute.

La spirale de cuivre S est immergée dans un bain B. Pour

élever la température au-dessus de celle du laboratoire, on

chauffe simplement de l'eau dans B. Dans ce but on utilise un

réchaud électrique de préférence à un bec Bunsen à cause du

<X.

Ml I.TUM.H \TKl IIS I) I.I.KI.T IK > N > Kl.KCTitl )ST \TIQl Ks //

FifT. ::.

Appareil puur la ilrlerniinalion des constantes thermiques.

TH

Fie •::;.

Appareillage puur la détermination du courant thermique.

78 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

danger d'explosion de l'éthylbenzène. Pour abaisser la tem¬

pérature, un bain constitué par un mélange de glace carbonique

(C02) et d'alcool est utilisé. La température minimum obtenue

par ce moyen, mesurée dans le récipient TH était de — 75° C,

ce qui est plus bas que nécessaire. Pour la vidange un robinet V

fut aménagé dans la spirale.Le filtre F, un filtre à essence d'automobile, n'est pas abso¬

lument nécessaire. Cependant grâce à cette précaution de

propreté supplémentaire, il était possible de se servir du même

liquide pour plusieurs expériences.Les conducteurs C qui sont nécessaires aux courants du

multiplicateur M, sont isolés par une épaisse couche de caout¬

chouc supportant une tension nominale de 10.000 volts.

L'éthylbenzène dissout le caoutchouc ce qui augmente sa

conductibilité. Le même inconvénient se présente pour tous

les autres liquides et isolations qui furent envisagés. Pour

empêcher cette dissolution du caoutchouc, les fils C sont terminés

par des tubes de verre G dans lesquels ils sont scellés. Ces

tubes, plantés dans un bouchon E, sont immergés profondémentdans le liquide de manière qu'en dépit des variations du

niveau dues à la dilatation du liquide, les fils nus restent au

sein du liquide. Cela élimine la possibilité des fuites ohmiques

provenant de la condensation de la vapeur d'eau au pied du

tube. Le multiplicateur M pend par ses fils qui sont maintenus

par de simples fiches J. Pour simplifier le dessin, deux fils

seulement sont indiqués sur la figure 23 au lieu des 16 fils

réels de l'appareil.L'eau qui se condense sur le bouchon E ne produit pas de

fuites ohmiques à cause du bon isolement des fils. Cependant,comme précaution supplémentaire, de l'air chaud et sec est

amené sur cet endroit par le tuyau A. Un simple « fœhn » est

utilisé dans ce but. L'eau est absorbée par du chlorure de

calcium introduit dans la circulation de l'air.

Pour assurer une parfaite obscurité, le récipient TH est

contenu dans une boîte D. On met à l'épreuve l'efficacité de

la protection de cette boîte en observant qu'une forte illumi¬

nation extérieure ne produit aucun changement du courant

résiduel.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 79

La température du liquide est mesurée par un couple thermo¬

électrique T. Le calibrage des Tables Critiques Internationales

a été utilisé.

Certaines difficultés techniques furent rencontrées tout

d'abord. Elles provenaient des fuites ohmiques, des fuites du

liquide et d'une protection incomplète contre la lumière. Elles

furent surmontées bien vite et l'appareil fonctionna parfaite¬ment dorénavant. L'isolement était suffisant pour permettre

des mesures sûres de courants de l'ordre de 10~10 ampères

lorsque la tension totale était de 2500 volts.

c) Les mesures initiales.

Les tubes de la table de la page 71 ont été construits dans

le but de déterminer les constantes thermiques des surfaces

émettrices aussi bien que pour être susceptibles de mesurer

de faibles intensités de lumière. Le traitement par métal

alcalin de leurs électrodes est, comme on l'a vu. une opérationdélicate dont le résultat est, en général, une sensibilité secon¬

daire inégale des diverses électrodes. Il est donc à présumer

que l'émission thermique sera aussi différente suivant les

électrodes. Ce fait est d'ailleurs confirmé par l'expérience.Les hypothèses faites pour la dérivation de l'équation (42) ne

sont donc pas valables et le courant résiduel d'origine thermiquen'est pas proportionnel à l'émission d'un étage donné quel¬

conque.

Dans le cas des émissions thermiques inégales, on peut

établir une propriété générale assez intéressante. Dans ce cas

le courant résiduel I peut être exprimé par la relation

s^n bs

I = T2 ^V" • <46>S = l

Dans cette expression les constantes as tiennent compte des

constantes A de l'équation de Richardson et des gains partiels

correspondants à l'étage de multiplication s, les constantes bs

80 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

sont proportionnelles aux travaux de sortie et n est le nombre

des électrodes émettrices. En posant x = 1/T on peut écrire:

y = log(^) = logl + 21ogz = \og(^ase-bsA (47)

et calculer aisément la valeur de cPy/dx2

d2y_

s h(48)

Dans l'expression (48), s et k sont des indices de sommation

variant entre 1 et n. Si les travaux de sortie, c'est-à-dire les

coefficients bs et bh, sont inégaux, l'expression (48) sera toujours

positive, et par conséquent la courbe de Richardson y = y(x)

pour laquelle le courant résiduel total serait utilisé pour

l'ordonnée, aura toujours une courbure positive. En effet, des

courbes de ce genre eurent toujours des courbures nulles ou

positives dans tous les cas examinés au cours de ce travail.

Cela prouve clairement qu'il y a de très grandes variations

dans les propriétés thermiques d'électrode à électrode, puisque

celles-ci peuvent être décelées par un moyen si indirect et en

dépit de l'effet compensateur provenant des grandes différences

du facteur de multiplication des émissions des diverses élec¬

trodes.

Il résulte de ce qui précède que la contribution au courant

résiduel d'une seule électrode doit être considérée, si l'on veut

obtenir des résultats significatifs. La photo-cathode est tout

indiquée dans ce but, puisque pour elle le gain est le plus grand.C'est pourquoi la diminution du courant résiduel qui résulte

de la suppression de la contribution de la photo-cathode obtenue

par une certaine variation appropriée de la tension de cette

dernière fut considérée comme une mesure de l'émission

thermique et fut étudiée en fonction de la température.Ainsi qu'il a été expliqué, la température des éléments

internes du tube diffère, en général, de celle de l'enveloppe de

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 81

verre, c'est-à-dire de celle du liquide ambiant, et n'égale

celle-ci que dans un état stationnaire. Pour obtenir une indi¬

cation sûre et continue de la température de la photo-cathode,

un couple thermo-électrique fut monté à l'intérieur des tubes

et mis en contact direct avec le métal de la photo-cathode. Il

est difficile de sceller du constantan et du cuivre à travers le

verre (verre doux ou Pyrex) ou bien de sceller deux autres

métaux qui conviendraient à un couple thermo-électrique.C'est pourquoi l'expédient suivant a été adopté 23. Le coupleest constitué par des fils très fins, soudés électriquement aussi

près du verre que possible, aux fils de « nichrome » scellés dans

le pied. A l'extérieur, un fil de constantan est soudé au fil en

contact interne avec le fil de constantan. Il en a été de même

pour le cuivre. De cette manière, dans chaque conducteur,

deux forces électromotrices thermiques opposées furent pro¬

duites, qui se compensent parfaitement à condition qu'il n'y ait

pas de différence de température entre les deux côtés de la paroide verre.

Bien des difficultés furent rencontrées dans les expériences.

Elles peuvent être attribuées au traitement alcalin des élec¬

trodes et peuvent être résumées comme suit:

Premièrement, ainsi qu'il a été dit, c'est seulement par un

hasard heureux que l'émission thermique de la photo-cathode

est la cause prédominante du courant résiduel. Les mesures

sont encore possibles dans le cas contraire, mais leur précision

en souffre et peut même devenir insuffisante.

Deuxièmement, il arrive que la valeur du courant résiduel à

une température donnée dépende de la manière de laquelle

cette température a été atteinte, c'est-à-dire par refroi¬

dissement ou par échauffement. La courbe correspondanteressemble à une courbe d'« hystérèse ». Une relation peut être

établie entre ce phénomène et la distribution des contributions

au courant résiduel des diverses électrodes. Cette distribution

est, en effet, entièrement différente à une température donnée

(celle du laboratoire) après que la température du tube a été

changée et ramenée ensuite à sa valeur originelle. Ces phéno¬

mènes peuvent être attribués aux migrations d'électrode à

électrode du métal alcalin à l'état libre.

6

82 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

Enfin, parfois, après un intense éclairement du tube produi¬sant un fort courant de sortie, le courant résiduel prenait pour

commencer une valeur assez grande et décroissait ensuite

asymptotiquement. La valeur stationnaire était souvent 50 fois

plus petite que la valeur initiale observée et n'était atteinte

dans certains cas qu'après 30 à 40 minutes. Ce phénomène,

quoiqu'il ne soit pas entièrement expliqué, peut aussi être

attribué à des migrations du métal alcalin, parce qu'il ne fut

jamais observé dans les tubes qui ne contenaient pas un tel

métal, ainsi qu'il sera indiqué dans la suite.

En dépit de ces difficultés, l'expérience réussit avec le tube

n° 3 de la table de la page 71. dont les électrodes étaient traitées

au rubidium. Dans ce tube, la contribution au courant résiduel

de la photo-cathode prédominait. Le phénomène de la dimi¬

nution du courant résiduel était particulièrement prononcé.Les mesures ont été faites à l'état stationnaire. L'expériencea été répétée et a fourni chaque fois W = 1,03 volt et des

valeurs de A égales respectivement à 5 x 10~9 et 50 x 10"9

amp/cm2 deg2. A cause de cette variation dans les résultats

et à cause du phénomène de « diminution », ces résultats ne

doivent pas être considérés comme aussi sûrs que ceux quiseront obtenus plus tard pour l'oxyde d'argent traité au

caesium. C'est pourquoi la courbe de Richardson a été omise

dans ce cas.

Le tube n° 1 de la même table, traité au caesium, ne possède

pas de couple thermo-électrique interne, de sorte que seuls les

états stationnaires pouvaient être examinés. Le courant résiduel

était de 0,004 jj.A à -71,3° C, 0,95 jxA à 27° C et 65,0 y.A à

98,4° C. Ces trois valeurs ne suffisent pas à une détermination

autre que très approximative du travail de sortie. Cependant,il est intéressant d'observer la grande sensibilité du tube à

— 71,3° C, puisque à cette température une lumière de 4x 10-11

lumens produit un courant de sortie égal au courant résiduel.

Il est possible que des perfectionnements appropriés de ce

genre de multiplicateur dont les électrodes sont traitées par un

métal alcalin suffiraient à l'obtention des résultats désirés.

Cependant le développement de ce type de multiplicateur fut

arrêté en ce point, grâce à la découverte d'un corps ayant un

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 83

grand coefficient d'émission secondaire et n'exigeant aucun

traitement dans le vide.

d) Le multiplicateur à cloison.

Une méthode habituelle du traitement simultané par un

métal alcalin de beaucoup d'électrodes en argent ne fournit

pas de résultats uniformes ni reproductibles. De plus, le métal

alcalin est particulièrement nuisible à la réduction du courant

résiduel parce que son dépôt sur les isolants augmente les fuites

ohmiques, sa présence produit des places où l'émission froide

est particulièrement forte et enfin sa migration incessante

produit une émission thermique instable.

A la suite d'une investigation générale des surfaces à émis¬

sion secondaire faite dans notre laboratoire, un corps fut décou¬

vert dont la sensibilité ne dépend d'aucun métal alcalin et

qui ne nécessite aucun traitement dans le vide. C'est un alliagedont le coefficient d'émission secondaire varie entre 5 et 6 pour

une vitesse de bombardement primaire de 200 électrons-volts.

Il peut être facilement laminé en feuilles qui peuvent être

ensuite embouties. Une description détaillée de la préparation

et des propriétés de ce corps sera publiée 24.

La découverte de ce matériel élimine la nécessité d'utiliser

des surfaces alcalines pour les électrodes multiplicatrices et

élimine ainsi bien des difficultés. Cependant, la sensibilité

photo-électrique de cet alliage étant nulle (ou du moins non

mesurable) dans la partie visible du spectre, il est encore

nécessaire d'utiliser un autre corps pour la photo-cathode. Si

une surface photo-électrique traitée par un métal alcalin est

retenue pour cet usage, il devient important de pouvoir empê¬

cher les vapeurs alcalines de pénétrer jusqu'aux électrodes

multiplicatrices et leurs supports, puisque leur présence est

nuisible à la réduction du courant résiduel. Pour cela, il serait

désirable d'avoir un multiplicateur dans lequel la photo-cathodeet les électrodes multiplicatrices pussent être entièrement

isolées les unes des autres pendant le traitement de la photo¬cathode. Ce traitement fini, une voie d'accès serait établie entre

les deux parties du tube, à travers laquelle passent les photo-

84 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

électrons qui iraient bombarder la première électrode multi-

plicatrice. Par ailleurs, l'intérêt qu'offre la possibilité de traite¬

ments indépendants des surfaces à émission secondaire et

photo-électrique est plus général, parce que les surfaces ayant

une sensibilité très grande pour un type d'émission ne sont pas

nécessairement les meilleures pour l'autre.

Pour faciliter la détermination des constantes thermiques, il

est désirable que la photo-cathode de ce multiplicateur du type

« à cloison » soit portée directement par la paroi de verre. La

température de celle-ci est alors égale à celle du milieu ambiant

et peut être déterminée sans la complication supplémentaire

Le multiplicateur à cloison.

qu'introduit un couple thermo-électrique interne. Cela restreint

le choix de la forme de la photo-cathode à une forme qui peut

être facilement soufflée et ajoute ainsi une condition au problèmedu dessin d'un système d'optique électronique susceptible de

forcer les photo-électrons à traverser un passage étroit.

Le dessin d'un multiplicateur à cloison fut obtenu grâce aux

méthodes d'optique électronique décrites précédemment et plus

particulièrement grâce au modèle mécanique. La figure 24 repré¬sente une coupe longitudinale du tube. Les électrodes multi-

plicatrices nos 2 à 10 sont identiques à celles du type D. La

première électrode n° 1 porte un écran S pourvu en son centre

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 85

d'un cylindre circulaire R dont l'axe est dans le plan de la

figure. La cloison métallique P, dont les bords s'adaptentexactement à l'enveloppe du tube, porte un trou H coaxial

avec R. Les bords de ce trou peuvent devenir une origine d'émis¬

sion froide. Pour écarter ce danger, un anneau épais, tourné

et poli est soudé à la cloison à cet endroit. L'enveloppe du tube

qui est un cylindre circulaire est terminée par un hémisphère.A l'intérieur, une partie métallisée de cet hémisphère cons¬

titue la photo-cathode. Pendant le traitement de la photo¬

cathode, le trou H est formé par un volet approprié, qui peut

être par exemple une petite plaque de mica posée sur le plancentral de la cloison P, placé horizontalement dans ce but. Les

deux parties du tube sont ainsi entièrement isolées l'une de

l'autre et le métal alcalin introduit par le tube latéral A ne peut

pas contaminer les électrodes multiplicatrices. Le traitement

fini, le trou H est ouvert et le tube est prêt à fonctionner. La

photo-cathode sphérique PC, l'ouverture H et le cylindre R

créent un champ à symétrie axiale qui guide les photo-électronsà travers le trou H et les force à bombarder la partie active

de l'électrode n° 1. L'écran S et le cylindre R séparent presque

complètement les champs cylindriques et à symétrie axiale qui

ne se combinent que dans une très petite région au voisinagede R. A partir de l'électrode n° 1 jusqu'à l'électrode n° 10, la

marche du faisceau électronique se poursuit comme dans le

type D. Le collecteur n° 11 est un cylindre circulaire dont le

dessin fut conçu lors du développement d'un autre genre de

multiplicateur, dans le but d'accroître le champ collecteur25.

Il est utilisé ici parce qu'il est facile de le monter directement

par son fil et d'empêcher ainsi les fuites ohmiques qui résul¬

teraient de son contact avec les supports isolants des autres

électrodes.

L'emploi de l'alliage pour les électrodes et la suppression

du métal alcalin qui en résulte, facilitent beaucoup la cons¬

truction et la prévention des effets nuisibles de l'émission froide

et de la réaction ionique. La structure des électrodes ne doit

plus être « ouverte », ainsi que le nécessitait l'efficacité du

traitement. Les électrodes sont montées sur deux plaques de

mica convenablement perforées dont l'emploi avait été évité

86 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

jusqu'alors à cause des fuites ohmiques résultant de la péné¬tration du métal alcalin dans les couches de clivage. Des bandes

de nickel en forme de U sont fixées sur chacun des deux bords

des électrodes pour éviter complètement la soudure. Les prolon¬

gements passent par les trous des mica, maintenant les électrodes

dans leur position exacte. Deux autres feuilles de mica sont

disposées tangentiellement à l'arrière des électrodes et enfer¬

ment ainsi toute la structure dans une boîte de mica étanche.

Une des extrémités de cette boîte est terminée par la cloison P

et l'autre par un disque de mica. Cet arrangement élimine

complètement la réaction ionique. Les fils reliant les électrodes

au pied du tube peuvent être laissés nus puisque un électron

libéré à leur surface par émission froide ou toute autre, ne peut

pas pénétrer jusqu'aux électrodes multiplicatrices qui sont

complètement protégées par la boîte de mica. Les électrons

libérés dans l'espace compris entre le disque en mica et le pieddu tube sont encore nuisibles puisqu'ils peuvent venir bom¬

barder le fil du collecteur. C'est pourquoi l'on évite avec soin

les points saillants dans cet espace. La figure 25 montre l'assem¬

blage complet juste avant qu'il ne soit scellé, et la figure 26 le

tube fini.

Les multiplicateurs de ce type étaient satisfaisants à bien

des points de vue. Dans plusieurs tubes à 9, 11 et 12 étages

respectivement, le gain moyen par étage était compris entre

3,7 et 4,9 lorsque la tension par étage était de 200 volts. Cela

correspond à un gain total de 106 à 107. Le traitement par métal

alcalin de la photo-cathode est plus simple que celui de l'en¬

semble des électrodes du type précédent et l'on devrait donc

s'attendre à une sensibilité supérieure. Cependant, à cause de

divers accidents, la meilleure sensibilité obtenue n'était que de

10 fiA/lumen. De plus, le champ à la surface de la photo-cathode

(qui dépend du cylindre R dont l'effet est fortement masqué

par la cloison P) est assez faible, de sorte qu'avec les tensions

habituelles le courant photo-électrique n'est pas saturé. Cepen¬dant, ce manque de saturation n'affecte pas la linéarité de

l'émission en fonction de l'intensité de la lumière mais cause

une parte des électrons disponibles qui est inférieure à 40%

lorsque la tension est de 200 volts par étage.

MULTIl'LlCATEl'HS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 87

En général, le courant résiduel est très petit et les fuites

ohmiques et la réaction ionique n'y contribuent pas. Cependant

les effets de l'émission froide étaient encore observés dans

certains cas, à un degré moindre, il est vrai, que dans les tubes

FIg. 25.

Assemblage complet d'un multiplicateur à cloison.

FIk. iS.

Multiplicateur à cloison à 10 étages.

du genre précèdent. L'origine de cette émission froide se

trouvait dans des endroits répartis au hasard dans les divers

tubes, de sorte qu'il n'est pas possible de l'attribuer à une

cause définie.

88 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

e) La détermination des constantes thermiques de la surface

d'oxyde d'argent traitée au caesium.

Le multiplicateur à cloison employé pour cette détermina¬

tion fonctionna parfaitement à tous les points de vue. Il avait

onze électrodes en alliage. Le gain moyen par étage était de 3,7

pour une tension de 200 volts par étage. Le gain total était

de 1,5 X 106 à 200 volts par étage et 600.000 à 180 volts par

étage. La sensibilité de la photo-cathode était de 10 jxA/lumen.Le courant résiduel était presque entièrement d'origine

thermique. Ce fait pouvait être vérifié par l'un quelconque des

essais déjà décrits ou bien de la façon suivante. La photo¬cathode est reliée à la cloison P en fonctionnement normal.

Cependant cet état peut être changé à volonté dans ce tube

parce que la couche d'argent formant la photo-cathode PC,

qui n'est pas en contact interne avec la cloison, est reliée à

un fil séparé scellé dans le verre. Les courants de sortie résultant

respectivement de l'éclairement et de l'obscurité furent mesurés

en fonction de la tension V0 entre la cloison P et la photo¬cathode PC. Ces deux courants sont proportionnels entre eux

de sorte que, pour simplifier, seule la variation du courant

résiduel est représentée par la figure 27. Pour des valeurs

négatives de V0, les électrons libérés ne s'échappent que grâceà leur énergie initiale, ils peuvent être arrêtés complètement

par une barrière de potentiel de quelques volts. Pour des

valeurs positives de V0, le courant croît tout d'abord grâce au

champ collecteur plus intense et à une « optique » améliorée.

Pour des valeurs positives de V0 encore plus grandes, le courant

diminue à cause de la « déconcentration » (ce qui n'est pas

montré sur la courbe de la figure 27). Cette expérience montre

d'une façon indubitable que presque la totalité du courant

résiduel provient bien de l'émission de la photo-cathode.

Lorsque l'émission de la photo-cathode est supprimé, en

rendant V0 = V, c'est-à-dire en reliant la photo-cathode PC

à la première électrode multiplicatrice, il reste encore un

courant résiduel très petit qui dépend légèrement de la tempé¬

rature. Ce courant, provenant de la partie purement multi¬

plicatrice du tube, était compris entre 0,003 et 0,0003 fxA, et

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 89

il fut soustrait du courant résiduel total. Cette correction est

importante surtout aux basses températures.Les résultats des mesures du courant thermique en fonction

de la température sont illustrés par la courbe de la figure 28.

L'abcisse est proportionnelle à l'inverse de la températureabsolue. L'ordonnée est le logarithme de la densité du courant

émis à la photo-cathode. L'aire de la partie effective de la

pA I

0 16

^~ ~^

/^^\/

^>

/^ 0.12

V.* \

////

\ .

1

.^"A_L V0 VOLTS

12

Fig. 27.

Courant résiduel en fonction du potentiel de la photo-cathode dansun multiplicateur à cloison.

photo-cathode fut déterminée en explorant celle-ci avec une

petite tache lumineuse. Elle fut trouvée égale à 3,3 cm2. La

tension par étage fut maintenue à 180 volts, ce qui correspondà un gain total de 600.000.

La courbe qui suit le mieux les points expérimentaux a une

légère courbure positive. La présence de celle-ci peut être

expliquée au moyen des deux hypothèses suivantes:

90 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

a) Il existe, en dehors de l'émission thermique, une autre

émission constante provenant de la photo-cathode, émission

qui ne dépend pas de la température. Cette émission est déter¬

minée de telle sorte que quand elle est déduite de l'émission

360-340°—320°—300°— 280° 260 > ?A<\\oc

j

K

cA

*4oV

<OO_l

°\

-t\-

f4

O

2o

c\

SUl

2

<

S

\\\

-v1\

0/-1

4

\1

r \

s?8 30 32 3 3 6 3 S i\Q\

Fig. 28.

Courbe de Richardson pour l'oxyde d'argent traité au ceesium.

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 91

totale, la courbe résultante est aussi voisine que possible d'une

droite de Richardson. Un choix de 3 X 10~17 amp/cm2, c'est-

à-dire approximativement 200 électrons par cm2 et par seconde,

correspond à la ligne pointillée que l'on remarque aux basses

températures (1/T = 3,9 à 4,2 X 10~5). Bien des phénomènes

pourraient être invoqués pour expliquer cette émission secon¬

daire, tels que, par exemple, l'émission froide, la radiation

cosmique, la radio-activité des parois de verre, etc. Ceux-ci ne

seront pas examinés parce que l'hypothèse de cette émission

constante n'a été faite que pour expliquer la forme de la

courbe expérimentale.

b) On a vu (voir équation 48) que lorsqu'un courant est la

somme d'émissions thermiques diverses caractérisées toutes

par des travaux de sortie différents, la courbure de la courbe

de Richardson est toujours positive. Par conséquent, la cour¬

bure positive réduite, mais non nulle, de la courbe déjà corrigéesuivant l'hypothèse a) peut être expliquée en supposant que

la photo-cathode n'est pas sensibilisée uniformément et que le

travail de sortie n'est pas le même pour tous les points de

sa surface.

C'esc ainsi que, en réalité, il n'existe pas de constantes A

et W bien définies qui caractérisent la surface. Cependant, on

peut dessiner une droite qui passe au mieux par les points

expérimentaux, avec l'hypothèse de la validité absolue de

l'équation de Richardson. On peut alors envisager que l'équa¬tion correspondante

8750

I = 2,5 x 10"7T2e T amp/cm-2 (49)

représente les données expérimentales avec la meilleure approxi¬mation possible. Les constantes sont donc A = 2,5 X 10"'

amp/cm2 deg2 et W = 0,75 volt. De plus on peut supposer rai¬

sonnablement, grâce à l'hypothèse b), que les tangentes de la

courbe aux températures hautes et basses respectivement,

correspondent aux cas extrêmes déterminant les limites de

variation du travail de sortie à la surface de la photo-cathode.Les constantes de ces droites sont respectivement A = 1,6 X

92 LE COURANT RESIDUEL DANS LES

1(T6 amp/cm2 deg2, W = 0,80 volt et A = 2,3 x 10~8 amp/cm2 deg2, W = 0,70 volt.

Ces mesures ont montré premièrement la non-uniformité

de l'émissivité de la photo-cathode et deuxièmement, que si

l'opposé n'en est pas moins admis et l'écart entre les courbes

expérimentales et théoriques est attribué à des erreurs expéri¬

mentales, le travail de sortie est W = 0,75 volt (± 0,05 volt)

et la constante A, A = s x 2,5 x 10~7 amp/cm2 deg2

(0,1 < s < 10).Les mesures faites avec un multiplicateur magnétique dont

les électrodes étaient aussi d'oxyde d'argent traité au caesium

fournirent un travail de sortie de W de 0,70 volt et une cons¬

tante A = 2,2 X 10~7 amp/cm2 deg2. Cette détermination n'est

pas aussi sûre que celle qui vient d'être décrite parce que les

contributions au courant résiduel de la réaction ionique et de

l'émission thermique des autres électrodes ne furent pas élimi¬

nées. Cependant, il est remarquable que les valeurs trouvées

soient comprises entre les limites expérimentales des mesures

ci-dessus.

Il ressort des mesures et autres données accumulées au

cours de ce travail que l'émission thermique de l'oxyde d'argent

traité au caesium est très variable. C'est pourquoi, à moins

que l'on n'arrive à perfectionner une méthode susceptible de

fournir des résultats reproductibles, il n'y a aucun intérêt à

déterminer très exactement des constantes thermiques. La

valeur du travail de sortie trouvée peut être comparée à celle

que l'on peut déduire du seuil de fréquence. Les expériences

précédentes montrent indubitalement que le courant résiduel

est, pour finir, dû à l'émission thermique, et fournissent, de

plus, une première approximation des constantes thermiques.

Le seuil en longueur d'onde pour cette surface est compris

entre 12.000 et 16.000 Â, ce qui correspond à un travail de

sortie de 0,77 à 1,03 volt. Les valeurs obtenues par des phéno¬

mènes thermiques et photo-électriques sont donc approxima¬tivement égales, la première étant légèrement inférieure à la

seconde.

L'intensité du courant résiduel à la plus basse températureatteinte présente un intérêt tout particulier. Elle était de

MULTIPLICATEURS D'ÉLECTRONS ÉLECTROSTATIQUES 93

1,1 X 10"10 ampères à — 28° C. Pour le gain et la sensibilité de

la photo-cathode observés, un courant de sortie égal à ce

courant résiduel serait obtenu par une lumière de 2 X 10"11

lumens,

V. CONCLUSIONS

Les conclusions principales de ce travail peuvent être

résumées comme suit:

1. L'élaboration de plusieurs méthodes expérimentales

permet de résoudre aisément et rapidement des problèmes

compliqués relatifs aux trajectoires électroniques dans des

champs électrostatiques. Grâce à ces méthodes, on a réussi à

réaliser un multiplicateur électrostatique satisfaisant à toutes

les conditions qui dépendent de la disposition et de la forme des

électrodes.

2. Les causes du courant résiduel ont été découvertes. Elles

sont:

a) les fuites ohmiques du circuit du collecteur;

b) l'effet de l'ionisation de l'atmosphère gazeuse du tube;

c) l'émission froide provenant des conducteurs contenus dans

le tube;

d) l'émission thermique des électrodes émettrices.

On a imaginé les moyens de supprimer complètement les

contributions des causes a) et b) et de supprimer dans la plupartdes cas celle de la cause c). Toutefois, en dépit de toutes les

précautions prises, dans quelques tubes le courant résiduel

provenait encore, en grande partie, de l'émission froide.

3. La nature fondamentale de la contribution au courant

résiduel de l'émission thermique étant reconnue, le multiplica¬teur a pu servir à la détermination des constantes thermiquesde deux surfaces photo-émettrices d'oxyde d'argent traité par

des métaux alcalins. Pour la surface traitée au caesium, on

trouve un travail de sortie de 0,75 volts (± 0,05 volt) et une

constante A de s x 2,5 X 10""7 amp/cm2 deg2 (0,1 < s < 10).

94 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

Pour la surface traitée au rubidium, le résultat, malheureuse¬

ment moins bien fondé, a été que le travail de sortie était

de 1 volt et la constante A de l'ordre de 10~8 amp/cm2deg2.

4. Dans les meilleurs tubes obtenus, l'intensité de la lumière

qui produit un courant de sortie égal au courant résiduel était

égale à 2,5 X 10"11 lumens à — 28° C.

Il est donc possible de construire un multiplicateur photo¬

électrique à concentration purement électrostatique d'une

sensibilité donnée aussi grande que l'on veut et dont le courant

résiduel ne dépend que de l'émission thermique de la photo-

.

cathode (puisque l'émission thermique des électrodes en alliageest négligeable). Par conséquent, le rapport des émissions

thermiques à l'émission photo-électrique déterminée égale la

capacité du multiplicateur à mesurer des lumières faibles et

constantes. Pour d'autres surfaces que celles traitées par un

métal alcalin, ce rapport caractéristique peut être plus petit.Cela est le cas, par exemple, pour une surface récemment

décrite 26 d'un alliage de caesium et de bismuth évaporé sur

de l'argent.Grâce à la réduction du courant résiduel, le facteur décisif

intervenant dans les applications du multiplicateur dans le

domaine de l'effet des lumières de faible intensité est, en pra¬

tique, le souffle ou le « shot effect » du courant photo-électrique.C'est le cas même si l'emploi des surfaces alcalines est conservé

et que le courant résiduel d'origine thermique n'est pas aussi

petit qu'il pourrait l'être avec une surface photo-émissive à

caractéristiques plus favorables. Il est facile de s'en rendre

compte en considérant que dans un multiplicateur dont la

photo-sensibilité (10 nA par lumen) et le gain (600.000) ne sont

que passables, la valeur la plus petite du courant résiduel

(9 x 10"11 amp) observée à la température de —28° C. cor¬

respond à une émission originelle de la photo-cathode d'environ

1000 électrons par seconde.

Un refroidissement convenable des surfaces alcalines ou

l'emploi éventuel d'une autre surface photo-émettrice suffit donc

à réduire le courant résiduel jusqu'à un degré où il n'est plusle facteur décisif pour la possibilité d'emploi du multiplicateur à

MULTIPLICATEURS D'ELECTRONS ELECTROSTATIQUES 95

opérer avec de petites intensités de lumière. Le « shot effect »

devenant alors ce facteur décisif, il n'est plus possible d'ap¬

porter une amélioration nouvelle a l'appareil puisque ce phéno¬

mène dépend de la nature même de l'électricité qui est corpus¬

culaire

VI RÉFÉRENCES

1 II n'est pas possible de donner ici une bibliographie complètede tous les travaux concernant l'émission secondaire On peut en

trouver une, et un excellent résume du cujet, par R Kollath,

Physikahsche Zeitschrift, vol 138, n° 7, p 202 204 1937

2 Des brevets de multiplicateurs d'électrons ont ete pris déjà en

1919 Parmi les premiers inventeurs on peut citer Slepien, Jarvis,

Blair, Iams et Farnsworth

3« Télévision by Electron Image Scannmg » Journal of the

Franklin Institute, vol 218 Oct 1934, p 441 444, par P T Farns¬

worth

4« The secondary émission électron multiplier » par Dr V K

Zworykin, Dr G A Morton et L Malter Institute of Radio

Engineers, vol 24, n° 3 Mars 1936

5« The electrostatic électron multiplier », par Dr V K Zworykin

et Jan Rajchman Proc of the Institute of Radio Engineers (1938)6 «A Theory of IN oise for Electron Multiphers », pirW Shockley

et J R Pierce Proc Institute of Radio Engineers, vol 26, n° 3

Mars 1938

7 Un multiplicateur a ete utilise dans ce laboratoire pour un

photospectrometre-enregistreur pour corps luminescents a rayons

cathodiques Cet appareil sera décrit bientôt dans The Review of

Scientific Instruments par Dr V K Zworykin sous le titre «An

Automatic Recordmg Spectrophotometer for Cathode-lummescent

Materials > Un multiplicateur photo électrique construit dans ce

laboratoire est en usage dans le département de «pectroscopie du

« Massachusetts Institute of Technology » dirige par le Prof G R

Harnson8 l n multiplicateur photo électrique construit dans ce laboratoire

est en usage a l'observatoire du Cahfornia Institute of Technologj >

a Pasadena, Cahfornia

9 Geometrische Elektronenoptik, par E Bruche et O Schfrzfr

Juhus Sprmger, 1934

10« Mechanical Tracer for Electron Trajectones » par D Gabor

JSature p 373, vol 139 27 février 1937

11 Résultats inédits de D langmuir, de la «RC4 Radiotron

Co > de Harnson N -J

12 Electronics, par Dr H Sallinger, de la « Farnsworth Co » Oct

1937, p 50

13( The motion of an électron in a two dimensional electrostatic

field > par P II J KLEY^LN Philips Technical Review, vol 12

n° 11 p 321 352 ]\ov 1937

96 LE COURANT RÉSIDUEL DANS LES

14 M. L. R. Snyder, de notre laboratoire, contribua énormément

à la réalisation de cet appareil.16 Les types A, B, C, D sont en instance de brevet (U.S. patents).14 Les calculs ont été faits par le D1 E. G. Ramberg, de notre

laboratoire.17 Le Dr E. W. Pike, de notre laboratoire, aida à réaliser ces flans.18 Ce régulateur fut conçu par M. A. W. Vance, de notre labo¬

ratoire.19 «A vacuum tube microammeter », par A. W. Vance. Review of

Scientific Instruments, déc. 1936, vol. 7, p. 49.

20 Tiré d'un travail inédit du Dr E. R. Piore.

81 Voir, par exemple, De Boer, Emission and Absorption Pheno-

mena.

22 Voir, par exemple, Photocells and Their Applications, par

D' V. K. Zworykin et Dr E. D. Wilson (1934). Ed. John Wiley& Sons, Inc., New-York.

23 Cet expédient est l'idée de M. L. E. Flory, de notre laboratoire.

24 Cette description sera publiée par le Dr V. K. Zworykin,M. H. W. Leverenz et le Dr J. Ruedy, de notre laboratoire.

26 Tiré d'un travail inédit de M. R. L. Snyder.26 Gôrlich und Saur, Zeit. j. Instrumentenkunde, LVI, p. 423

(1936).

VII. REMERCIEMENTS

Je désire exprimer ici toute ma gratitude au Dr V. K.

Zworykin, directeur des Laboratoires de recherches électriques

de la « R.C.A. Manufacturing Company », qui a bien voulu

m'encourager à entreprendre ce travail dans ses laboratoires et

qui ne m'a pas épargné ses conseils les plus précieux au cours

de toutes mes recherches.

A mes collègues les Drs G. A. Morton et E. G. Ramberg

j'adresse mes remerciements très sincères pour maints échangesde vue pleins d'inspiration.Au Dr E. W. Pike et à M. E. L. Snyder je suis redevable

pour une collaboration relative à de nombreux problèmes

d'optique électronique.

Les Drs L. Malter et E. G. Ramberg ont bien voulu vérifier

le texte anglais et mon ami M. Koulikowitch le texte français,

ce dont je leur tiens bien gré.

Finalement, je tiens aussi à remercier M. M. S. Cytowic,

souffleur de verre, dont l'habileté remarquable a permis de

mener ce travail à bonne fin.

TABLE DES MATIÈRES

Pages

I. Introduction 9

IL Les trajectoires électroniques dans le champ

ÉLECTROSTATIQUE 14

1. Considérations analytiques 14

2. Le bain electrolytique et les méthodes gra¬

phiques 17

3. Une propriété générale 20

4. Le modèle mécanique et les vérifications élec¬

troniques 23

III. Le développement d'un multiplicateur électro¬

statique31

1. Conditions à remplir 31

2. L'évolution du développement 33

3. L'appareillage pour les essais 40

IV. Le courant résiduel 42

1. Introduction 42

2. Les fuites ohmiques 43

3. L'effet des ions 46

a) Introduction 46

b) Théorie 47

c) Les données expérimentales 52

d) L'élimination de la réaction ionique .60

4. L'émission froide 64

a) Introduction 64

b) Expériences 65

c) L'élimination des effets de l'émission

froide 68

d) Résultats 70

98 LE COURANT RESIDUEL

Pages

5. L'émission thermique 73

a) Introduction 73

b) L'appareillage expérimental 75

c) Les mesures initiales 79

d) Le multiplicateur à cloison 83

e) La détermination des constantes ther¬

miques de la surface d'oxyde d'argenttraitée au caesium 88

V. Conclusions 93

VI. Références 95

VII. Remerciements 96