Corriger une InjusticeUne Base Referentielle Pour L’Alphabetisation des Adultes

RESUME DE SYNTHESE

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David Archerdavid.archer@actionaid.orgActionAid InternationalHamlyn HouseMacDonald RoadArchwayLondon N19 5PGUK

Lucia Frylucia@campaignforeducation.orgGlobal Campaign for EducationPO Box 521733SaxonwoldJohannesburg 2132South Africa

Pourquoi nous devons investirMAINTENANT dans l’alphabétisation des adultesUn milliard d’adultes ne savent ni lire niécrire d’après les statistiques del’UNESCO. Les chiffres sontprobablement plus proches des deuxmilliards1 et les dépassent encore si l’onprend en compte d’autres compétencescomme le calcul et la fréquence de leurutilisation. La majorité de ces adultesvivent dans une extrême pauvreté. Lesfemmes en représentent presque lesdeux tiers, et une personne sur cinq estun jeune qui a entre 15 et 24 ans. Cespersonnes ont été pourtantabandonnées depuis des dizainesd’années. Bien que les gouvernementsdu monde entier aient souscrit à lapromesse d’une réduction de moitié del’analphabétisme d’ici 2015, ilsinvestissent des sommesscandaleusement dérisoires dans lesprogrammes établis à cette fin.

L’analphabétisme est la violation du droitfondamental à l’éducation, mais commesi cet argument ne suffisait pas, laCampagne Mondiale pour l’Education est également convaincue qu’il y a cinqraisons pratiques suffisammentpersuasives pour décider lesgouvernements et les donateurs à investir dans l’alphabétisation des adultes:

Q L’alphabétisation est un facteurdécisif de la réduction des inégalitésentre les sexes. Elle encourage laparticipation des femmes aux sphèrespubliques et privées, aux prises dedécisions familiales et aux affairescommunautaires et à la vie nationale autitre de citoyennes engagées. Lesprogrammes d’alphabétisation desadultes ont de considérablesrépercussions sur l’opinion que lesfemmes se font d’elles-mêmes, leurpermettant de libérer au travers de leur émancipation des ressourceséconomiques, sociales, culturelles et politiques.2

Q L’alphabétisation des adultes est unélément crucial du développement desenfants sur le plan de la santé et del’éducation, surtout les filles. Chaqueannée supplémentaire d’éducation estassociée pour une mère à une fortebaisse de la mortalité infantile et à uneamélioration significative de la santé deses enfants3. Des parents instruitsélèvent des enfants instruits. Lesenfants avec des parents (surtout lesmères) qui savent lire et écrire poursuiveleurs études plus longtemps etobtiennent de meilleurs résultats4.

Q L’alphabétisation est un élémentcrucial du développement humain etéconomique. La hausse des tauxd’alphabétisation peut offrir desavantages économiques importants sur le plan individuel mais aussi pour le bien-être des nations. Les étudesdans différents pays ont révélé les liensévidents qui existaient entre les tauxd’alphabétisation d’un pays et entreautres la vitalité de sa performanceéconomique et la croissance de sonRNB5. De même, les taux élevésd’analphabétisme parmi les femmes et les populations démunies ont limitél’impact des programmes visant àstimuler les organes de production,les activités rémunératrices, à protégerl’environnement, à approvisionner en eaupotable, à promouvoir la participationcivique et la démocratie, et à combattreles maladies mortelles. A moins que legroupe ciblé ne possède descompétences de base en lecture et encalcul, beaucoup de ces programmesn’atteindront pas leurs objectifs, auquels’ajoute le risque d’une appropriationdes bénéfices par ceux qui détiennentdéjà le pouvoir et les ressources (et quisont plus susceptibles d’être deshommes instruits).

Q L’alphabétisme est un élémentessentiel de la lutte contre le SIDA. Lapandémie du SIDA a créé toute unegénération perdue d’orphelins et enfantsvulnérables qui grandissent sans

éducation. D’après l’avertissement lancé par la Banque Mondiale, si cettetendance n’est pas renversée, ellepourrait paralyser les économies despays africains pour les prochainesdécennies. Les programmesd’alphabétisation des adultes peuventjouer un rôle décisif pour juguler lapropagation du VIH/SIDA et permettreaux communautés de réagir face à un monde dans lequel toutes lesdimensions de leur existence sontaffectées par ce fléau6. La prestation à grande échelle de programmesd’alphabétisation des adultes estégalement indispensable pour fournir unfilet de sécurité aux orphelins du SIDA(comme aux nombreux autres enfantsaffectés chaque année par lescatastrophes naturelles ou les guerresqui sont obligés d’abandonner leursétudes et de travailler dans desconditions abusives) qui leur offre unedeuxième chance de s’instruire.

Q Les activités des programmesd’alphabétisation pour adultes. Enfin,les recherches menées pour ce rapportde la Campagne Mondiale pourl’Education montrent que contrairement à l’opinion généralement professée parla communauté des donateurs, lesprogrammes d’alphabétisation pour lesadultes peuvent être efficaces et

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CORRIGER UNE INJUSTICE UNE BASE REFERENTIELLE POUR L’ALPHABETISATION DES ADULTES

RESUME DE SYNTHESE

1 Les statistiques officielles de l’UNESCO les

évaluent à 785 millions, mais le manque de

fiabilité de ces chiffres est notoire, dans la

mesure où ils dépendent de la validité des

réponses des personnes interrogées. Des

calculs plus rigoureux donnent des chiffres

beaucoup plus élevés.

2 Voir par exemple, Stromquist 2005.

3 Voir par exemple Caldwell 1979, Sandiford

1995, Burchfield 2002, Robinson Pant

2005.

4 Voir par exemple Schultz 1991, Carr-Hill

2001, Burchfield 2002, Robinson Pant

2005.

5 Voir par exemple Bashir et Darrat (1994),

Naudé (2004), Cameron 2005

6 Voir par exemple les directives STAR,

ActionAid 2004Actio

nAid

L’ambition des éléments indiqués ci-dessous est de faciliter uneplanification rigoureuse pour atteindrel’objectif de ‘l’Education Pour Tous’ deDakar, qui est la réduction de moitié del’analphabétisme adulte d’ici 2015, et qui aété endossé par 185 gouvernements dumonde entier. Ils ont été élaborés par desexperts du monde entier en matièred’alphabétisation des adultes et s’appuientsur une étude mondiale des programmesélaborés à cette fin. Le processus du travailde recherche est expliqué plus en détaildans le Chapitre Deux.

Nous espérons que cette baseréférentielle fournira un point de départ audialogue politique entre les gouvernements,les agences de financement, les ONG et lesadultes qui ont été privés de leur droit àl’éducation. Elle pourrait également êtreutilisée comme une liste de contrôle pourrépondre aux questions d’un gouvernementou d’un donateur sur un programmeexistant ou une proposition de programme.Elle n’est toutefois pas conçue pour être unprojet-cadre ou une série de conditions àsatisfaire. Nos recherches confirmentl’opinion largement répandue parmi lesexperts praticiens que le succès de toutprogramme d’alphabétisation dépend de sasouplesse d’adaptation à l’unicité descirconstances et des besoins locaux.

1Il s’agit avec l’alphabétisationd’acquérir et de mettre en pratique

des compétences de lecture, d’écritureet de calcul, qui conduisent audéveloppement d’une citoyenneté active,à une amélioration de la santé et desmoyens d’existence, et à l’égalité entreles sexes. Les objectifs desprogrammes d’alphabétisation devraientrefléter cette notion.

2L’alphabétisation devrait être vécuecomme un processus linéaire qui

exige un apprentissage et une applicationsoutenue. Il n’y a pas de lignes magiquesà franchir pour passer del’analphabétisme à l’alphabétisme.Toutes les politiques et les programmesdevraient être définis en vue d’encouragerune participation soutenue et célébrerdes achèvements progressifs plutôt quede se concentrer sur une uniqueprestation à délivrer en fin de parcours.

3Les gouvernements ont pour premièreresponsabilité de satisfaire le droit à

l’alphabétisation des adultes et à fournir

le leadership, les cadres politiques,l’environnement habilitant et lesressources à cette fin. Ils devraient:• assurer la coopération de tous les

ministères compétents et des liensavec les programmes dedéveloppement pertinents,

• collaborer de manière systématiqueavec les organisations expérimentéesde la société civile.

• assurer les liens entre toutes cesagences, en particulier au niveau local et

• garantir une pertinence aux différentsaspects de la vie des apprenants enencourageant la décentralisationbudgétaire et décisionnelle à l’égarddu programme scolaire, de ladocumentation et des méthodespédagogiques.

4Il est important d’investir dans des mécanismes de feedback et

d’évaluation, de systématisation desdonnées et de recherches stratégiques.L’objectif de ces évaluations devrait êtrel’application pratique des connaissanceset leur impact sur la citoyenneté active,l’amélioration de la santé et des moyensd’existence et l’égalité entre les sexes.

5Pour fidéliser les animateurs, il estimportant qu’ils reçoivent une

rémunération minimale au moins égale à celle d’un instituteur pour toutes lesheures travaillées (en tenant compte du temps de formation, de préparation et de suivi).

6Les animateurs devraient être choisisdans les communautés locales et

recevoir initialement une formationsubstantielle suivie à intervalles réguliersde cours de rafraîchissement, tout enayant l’opportunité de maintenir deséchanges soutenus avec les autresanimateurs. Les gouvernementsdevraient mettre en place un cadregénéral pour le développement dusecteur de l’alphabétisation adulte, dontles instructeurs/superviseurs feraientpartie – et en offrir l’accès à tous lesanimateurs du pays (par exemple enutilisant l’enseignement virtuel).

7Il devrait y avoir au moins unanimateur pour 30 apprenants et au

moins un instructeur/superviseur pour 15groupes d’apprenants (1 à 10 dans lesendroits isolés), avec une visite de

soutien au minimum par mois. Lesprogrammes devraient avoir des emploisdu temps qui s’adaptent avec souplesseà la vie quotidienne des apprenants, maismaintiennent avec eux un contact régulieret soutenu (par exemple deux fois parsemaine pendant au moins deux ans).

8Dans les environnementsmultilingues, il est important que les

apprenants aient à chaque étape lapossibilité de choisir la langue de leurapprentissage. Des efforts devraient êtreactivement déployés pour encourager etsoutenir l’apprentissage bilingue.

9Le processus d’apprentissage devraitcomporter un large éventail de

méthodes participatives en vue d’assurerl’engagement actif des apprenants et sapertinence à leur vie. Les mêmesméthodes participatives devraient êtreutilisées à tous les niveaux de formationdes instructeurs et des animateurs.

10Les gouvernements devraient secharger de stimuler sur le

marché national la production et ladistribution de textes convenant auxdifférents niveaux d’alphabétisation desnouveaux lecteurs, par exemple entravaillant avec des maisons d’éditionset des maisons de journaux. Ils devraientl’équilibrer avec le financement d’uneproduction locale de documentation,surtout pour les apprenants, lesanimateurs et les instructeurs.

11Un programme d’alphabétisationde bonne qualité avec tous les

components de la base référentielledevrait probablement coûter entre US$50et US$100 par apprenant pendant uneannée et cela sur une période de troisans au moins (deux ans d’apprentissageinitial auxquelles s’ajoute la mise enplace des possibilités d’apprentissagepour tous)

12Les gouvernements devraientconsacrer au moins 3% de leurs

budgets du secteur de l’éducationnationale à des programmesd’alphabétisation pour adultes qui soientalignés sur cette base référentielle.Lorsque cette condition est satisfaite, lerôle des donateurs internationaux seraitde pallier au manque de ressources (parexemple en intégrant l’alphabétisation desadultes à l’Initiative de Voie Accélérée).

financièrement abordables. C’est cequ’ont récemment confirmé d’autresrecherches, entre autres les étudescommissionnées par EPT pour le RapportMondial de Suivi 2006. Elles enlèventtout crédit aux excuses avancées par lesgouvernements et les donateurs visant às’absoudre de toute responsabilité àl’égard des jeunes et des adultesanalphabètes du monde entier.

L’alphabétisation est en bref l’engraisdont a besoin le développement et ladémocratie pour prendre racine ets’épanouir. C’est l’ingrédient invisible detoute stratégie qui parviendra à éliminerla pauvreté. Ces récentes annéesmalheureusement, elle est devenue quetrop invisible.

Les objectifs de l’Education pour Tous(EPT), tels qu’ils ont été convenus àJomtien en 1990 et réaffirmés à Dakaren 2000 incluent un ferme engagementà l’égard d’un apprentissage tout au longde la vie et la promesse d’une réductionde moitié de l’analphabétisme d’ici2015. De nombreux praticiens sontconvaincus toutefois que le mouvementd’EPT d’après Dakar a orienté lefinancement et la volonté politiquepresque exclusivement vers l’expansionde l’éducation primaire au détrimentd’autres secteurs moins traditionnelscomme l’éducation des adultes et desenfants en maternelles.

Cette position n’est pas seulementinacceptable, mais elle souffre égalementde myopie intellectuelle. L’Education pourTous apportera la plus grande contribution

au développement et à la réduction de lapauvreté si elle est vraiment ‘pour tous’–ciblant tous les groupes sociaux qui ontbesoin des compétences et desconnaissances de base, et pas seulementles enfants de moins de 12 ans. Bien quela scolarisation de tous les enfants soit àla fois une tâche urgente et exigeante, lesefforts intensifs exigés par la réalisationde l’éducation primaire universelle ne doitet ne devrait pas empiéter sur les autresdimensions d’EPT. Par ailleurs, comme onl’a vu plus haut, l’alphabétisation desadultes est intrinsèquement liée ausuccès des autres objectifs d’EPT. Nosrecherches semblent indiquer quel’objectif d’alphabétisation d’EPT pourraitêtre atteint avec seulement 3% du budgetannuel du ministère de l'éducation.

Les gouvernements et les donateurs sesont depuis quelque temps réfugiésdans la notion du manque defonctionnalité des programmesd’alphabétisation, ou de l’impossibilitéd’enseigner les adultes, du moins pasdans des programmes d’envergure.C’est une absurdité. Qui est contreditepar les nombreux succès des anciensprogrammes d’alphabétisation pouradultes, en particulier quand ils ont étéétablis dans le sillage d’une révolutionnationale qui a suscité l’élan et mobiliséla volonté politique nécessaire à leurréalisation. Mais précisément en raisonde la rareté des programmes de cegenre à l’heure actuelle, il est difficiled’identifier des exemples de succès plusrécents, surtout sous une forme simpleet pratique que les planificateurs etdécisionnaires pourraient utiliser7.

Cette étude est la plus large tentativejamais entreprise qui vise à systématiserles expérimentations réussies en matièred’alphabétisation des adultes. Nousavons analysé 67 programmesd’alphabétisation réussis dans 35 pays,pour tenter de discerner les traitscommuns qui pouvaient se réduire à une base référentielle ou à desdirectives simples et pratiques à l’usagedes décisionnaires. Bien que personne,et encore moins la CME, ne veuillepréconiser une approche ‘schématisée’ à l’égard de l’alphabétisation, unconsensus remarquable prévaut chez les praticiens que nous avons interrogéssur les ingrédients indispensables à saréussite. Qui est confirmé par lescommentaires favorables que nousavons reçus de 142 répondants de 47pays sur les premiers projets d’une baseréférentielle (entre autres desdécisionnaires et des praticienstravaillant pour le gouvernement, lesONG et les universités.) Il se trouve quenous savons très bien ce dont nousavons besoin pour réussir desprogrammes d’alphabétisation pouradultes, et cela n’a rien de mystérieux. Il s’agit de prendre des mesures biendéfinies pour concevoir et gérer desprogrammes de bonne qualité qui soientrentables – et quand cela se produit, lesrésultats peuvent être exceptionnels.

2 3

7 Il existe bien entendu des exceptions.

Plusieurs travaux excellents ont été entrepris

envers et contre tout par des chercheurs tels

que HS Bhola, Rosa Maria Torres, Agneta Lind

et d’autres auxquels ce rapport fait référence.

LES ÉLÉMENTS DE LA BASE RÉFÉRENTIELLEJa

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LE TEMPS EST

VENU D’AGIR

Ces vingt dernières années, lesgouvernements s’étant abstenusd’investir dans des programmesappropriés pour l’alphabétisation desadultes, les ONG – dont de nombreusesorganisations affiliées à la CampagneMondiale pour l’Education – ont choisi des’y substituer. Les ONG ont joué un rôleimportant et devraient continuer à le faire,mais seuls les gouvernements peuventgarantir à tous leurs citoyens l’accès àl’éducation de base de qualité à laquelleils ont droit. L’amélioration des tauxd’alphabétisation peut aider par ailleursles gouvernements à atteindre leursobjectifs de croissance économique,d’égalité entre les sexes et de réductionde la pauvreté. Les gouvernementsdoivent par conséquent se réengager surla question de l’alphabétisation, avec le plein appui de la communauté desdonateurs, et cette étude montre quepour ceux qui sont disposés à le faire,la voie est toute tracée.

Cette base référentielle a, en fait, l’appuides experts gouvernementaux quitravaillent encore à des programmesd’alphabétisation des adultes – dans despays aussi divers que la Chine, le Brésil,le Pérou, le Guatemala, le Nigeria, leGhana, la Namibie et l’Irlande. Elle estégalement soutenue par de nombreuxmembres des ONG internationales etnationales, des mouvements sociaux etdu monde universitaire. On sait depuislongtemps que l’investissement dansl’éducation des adultes offre encontrepartie des avantages économiques,sociaux, culturels et politiquesconsidérables à un pays. Maintenant queles programmes d’alphabétisation desadultes ont fourni les preuves de leurcôté pratique, abordable et efficace, lesexcuses pour priver les adultes d’unechance d’éducation ont été épuisées.

4

Actio

nAid