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Thierry Brugvin Sociologue Largotec/Paris Est [email protected] sociologue LA RELOCALISATION FEDERALISTE ET SOCIALE CONTRE LA RELOCALISATION NATIONALISTE Proposition de contribution pour THE 3RD INTERNATIONAL CONFERENCE ON DECREASE FOR ECOLOGICAL SUSTAINABILITY AND SOCIAL EQUITY (VENICE, 19-23 SEPTEMBER 2012) Sous thème: DEMOCRACY AND DEGROWTH Work shop: 43. A place for everything an everything in its place: scales of power and appropriate size of political communities Une politique de régulation relocalisée permet de développer de diminuer l’empreinte carbone, et l’empreinte écologique et les pollutions diverses. La régulation relocalisée, favorise aussi l’autonomie économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un pays. Un développement local économique, social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle, l’autonomie et les besoins essentiels selon Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance (quantitative) sont nécessaires dans les pays et auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil maximal l’empreinte écologique par habitant (1,8ha/hab en 2005). Face à la régulation relocalisée des écologistes, certaines formes d’altermondialisme porté par des associations tel Attac font la promotion d’un renforcement des organisations internationales, tel l’ONU et court le risque d’un centralisme excessif. L’internationalisme, tend à dissoudre les nations pour créer une humanité sous la direction d’un gouvernement mondialisé et non un gouvernement international, qui supposerait qu’il existe encore des nations. Cependant, l’autonomie économique, de la régulation relocalisée écologiste et sociale, ne signifie pas pour autant égoïsme nationaliste. Une part des richesses, de la production et des services peut continuer à être échanger, entre pays, dans un but de solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne peuvent être créer sur place. La redistribution

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Thierry BrugvinSociologueLargotec/Paris Est

[email protected] sociologue

LA RELOCALISATION FEDERALISTE ET SOCIALECONTRE LA RELOCALISATION NATIONALISTE

Proposition de contribution pourTHE 3RD INTERNATIONAL CONFERENCE ON DECREASE

FOR ECOLOGICAL SUSTAINABILITY AND SOCIAL EQUITY (VENICE, 19-23 SEPTEMBER 2012)

Sous thème: DEMOCRACY AND DEGROWTHWork shop: 43. A place for everything an everything in its place: scales of power and appropriate size of political communities

Une politique de régulation relocalisée permet de développer de diminuer l’empreinte carbone, et l’empreinte écologique et les pollutions diverses. La régulation relocalisée, favorise aussi l’autonomie économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un pays. Un développement local économique, social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle, l’autonomie et les besoins essentiels selon Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance (quantitative) sont nécessaires dans les pays et auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil maximal l’empreinte écologique par habitant (1,8ha/hab en 2005).

Face à la régulation relocalisée des écologistes, certaines formes d’altermondialisme porté par des associations tel Attac font la promotion d’un renforcement des organisations internationales, tel l’ONU et court le risque d’un centralisme excessif. L’internationalisme, tend à dissoudre les nations pour créer une humanité sous la direction d’un gouvernement mondialisé et non un gouvernement international, qui supposerait qu’il existe encore des nations.

Cependant, l’autonomie économique, de la régulation relocalisée écologiste et sociale, ne signifie pas pour autant égoïsme nationaliste. Une part des richesses, de la production et des services peut continuer à être échanger, entre pays, dans un but de solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne peuvent être créer sur place. La redistribution des richesses au niveau local, régional, national et international va de paire avec la régulation relocalisée et un certain protectionnisme. En revanche, ce dernier et la redistribution ne doivent pas être détournés et les prêts ne doivent pas devenir des dettes permettant d’assurer une domination politico-économique comme c’est le cas du FMI envers les pays les plus pauvres et maintenant certains nations européennes.

Sans l’autonomie économique, l’autonomie politique est quasiment impossible. Cette dernière permet à la population et à ses représentants élus de décider par eux mêmes de leurs orientations sociétales, sans être dépend du pouvoir d’autres acteurs économiques (les banques et leurs créances) ou publiques (les organisations internationales, tel l’OMC, le FMI, ou des Etats puissants comme ceux du G8). L’autonomie politique est fondée sur la subsidiarité, le fait de ne décider à un niveau supérieur que ce qui ne peut être décidé au niveau inférieur.

Les décroissants socialistes autogestionnaires cherchent donc à trouver un équilibre entre un internationalisme, ou un altermondialisme, écrasant les spécificités culturelles et les autonomies des localités et des nations et une régulation relocalisée nationaliste égoïste, en développant une régulation relocalisée fédéraliste et sociale.

En effet, outre la dimension économique, sociale et culturelle, la dimension démocratique est centrale. Afin d’éviter les risques d’une centralisation excessive des décisions et d’une dérive vers un gouvernement mondial peu démocratique, la régulation relocalisée fédéraliste. Le véritable fédéralisme, n’est pas une fédération centralisée, mais un fédéralisme fondé sur la subsidiarité, tel qu’il a été pensé à l’origine notamment par Proudhon. C'est-à-dire que les décisions prises au niveau supérieur, ne peuvent être prises que si elles sont impossibles ou inadaptées à l’échelon inférieure, tel la création d’un réseau ferroviaire. La régulation relocalisée fédéraliste permet donc de trouver une équilibre entre les dérives

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d’un centralisme coercitif et uniformisant d’un côté et de l’autre les excès d’une régulation relocalisée ou démondialisation trop nationaliste et égoïste.

Politique centralisatrice versus décentralisatrice

Mondialisme néolibéral Internationalisme Nationalisme

Régulation relocalisée

fédéraliste et sociale

Altermondialisme

centralisateur

Démondialisation ou régulation relocalisée

stricte Régulations (normes) Renforcement Renforcement Affaiblissement Renforcement

Solidarité (redistribution) Affaiblissement Renforcement Affaiblissement Renforcement Autonomie économique

et identité culturelle Affaiblissement Affaiblissement Renforcement Renforcement Centralisation excessive

des décisions, avec risque de dérive vers un gouvernement mondial

peu démocratique Renforcement Renforcement Renforcement Renforcement

Démocratisation par un processus décisionnel

fondé sur la subsidiarité (du bas vers le haut) Affaiblissement Affaiblissement Renforcement Renforcement

VERS UNE RELOCALISATON SELECTIVE ET SOCIALE DE L’ALIMENTATION

Dans les villes des pays industrialisés, comme des pays en développement, un nombre de plus en plus grand de citoyens, cherchent à retrouver une autonomie qui soit à la fois alimentaire, mais aussi économique et politique. Une des raisons est qu’au plan écologique, le commerce mondialisé et libéralisé, qu’il soit ou non équitable nuit majoritairement à la planète, accroît les distances de transports et donc les émissions de carbone et le réchauffement climatique. Pour éviter les écueils de ce système de production, les objecteurs de croissance privilégient une relocalisation de la production alimentaire notamment et cherchent à n’importer que ce qui ne peut être produite sur place, afin de développer l’autonomie économique, mais aussi politique.

La relocalisation économique s’inscrit dans une lutte contre la délocalisation et la perte d’autonomie du développement alimentaire et économique local. Elle consiste à produire localement afin de développer son autonomie économique, politique, culturelle et à diminuer son empreinte écologique et son empreinte carbone notamment. Serge Latouche défini la relocalisation comme le fait de « produire localement pour l'essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d'entreprises locales financées par l'épargne collectée localement ». Pour l’objection de croissance, les 8 «R» de Latouche, forment le cercle vertueux de la construction d'une société écologique soutenable, la réévaluation constitue logiquement la première action et la base du processus. « Toutefois, la relocalisation représente à la fois le moyen stratégique le plus important et l'un des principaux objectifs de ce dernier. Cela traduit en quelque sorte l'application du vieux principe de l'écologie politique : penser globalement, agir localement (...). Il y a d'abord ceux qui veulent «vivre et travailler au pays» (...). On a même forgé un vocable, « glocal », pour désigner cette nouvelle articulation entre le global et le local1.

Le capitalisme mondialisé s’oppose à l’objection de croissance internationale. Le socialisme autogestionnaire et l’écosocialisme qui sont anti-capitalistes, recherchent en particulier à supprimer la propriété privée des entreprises et des coopératives, puis à adopter une gestion démocratique et écologique de la société. Cependant, la décroissance autogestionnaire, suppose en plus, le passage au paradigme postmodernisme de la décroissance et en particulier de la « simplicité volontaire ». Ces derniers

1 LATOUCHE Serge, le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 198.

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impliquant à la fois dans la représentation du monde et dans les comportements des citoyens.Il y a une logique politique commune entre le capitalisme néolibéral exercé par les transnationales dans

les pays industrialisés et dans les pays en développement. Marx explique, que la pauvreté, l’exploitation des travailleurs permet leur domination et leur aliénation, qui limitent leur capacité à se former et donc leur capacité à tenir leur rôle de citoyen, c’est à dire à défendre la démocratie. Avant, de trouver d'éventuelles causes, relevant de l'illégalité, il faut en effet, chercher les causes de la pauvreté des pays en développement dans l’analyse marxiste notamment. Cette dernière explique les inégalités principalement par le rôle des infrastructures économiques, des rapports sociaux de production, les inégalités des termes de l’échange, la division internationale du travail entre le centre et la périphérie 2 et la libéralisation mondialisée. Ce dernier est fondé en particulier sur les théories de Ricardo sur l’avantage comparatif et la division internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en voie de développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés 3. Ces politiques néolibérales permettent aux transnationales agricoles d’écouler leurs produits agricoles dans les PED. Or, elles sont fortement industrialisées et subventionnées par leurs Etats. C’est pourquoi la concurrence est inégale. Ainsi en écoulant par exemple, du blé, des ailes de poulet ou du lait à très bas prix, elles font disparaître les petits paysans locaux qui ne peuvent assumer la concurrence. Le chômage s’accroît et le pays perd son autonomie alimentaire. De même la privatisation des services publics sous la pression de l’OMC et de la Banque Mondiale, permet aux transnationales du Nord, de racheter à bas prix les entreprises publiques. Le pays perd alors son autonomie au plan économique.

A l’inverse certains courants, cherchent à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc autonome.

Une relocalisation non sociale et non sélective s’inscrit dans une politique autarcique relevant d’une décroissance d’extrême droite. Elle consiste dans un repli excessif sur soi, sur le local, sa nation, sans prendre en compte les pays et les régions les plus pauvres. Dans un contexte quelque peu différent, puisqu'il s'agit de politique intérieure, la Lombardie (en Italie du nord), ou la Serbie (dans l'ex-Yougoslavie) ont chacune à leur manière cherchée à se séparer des régions les plus pauvres de leur pays par exemple.

« Ce sont bien les régions du Nord et Nord-est de l’Italie, ce qu’on appelle la 3e Italie, régions typiques du développement local fondé sur le dialogue entre les quatre acteurs, qui ont accouché politiquement de la Ligue du Nord. Mais elles ne sont pas les seules. Tous les modèles corporatistes qui ont su construire un assez bon compromis social engendrent des réactions populistes face aux nouveaux venus (voir l’Autriche et les Pays-Bas) (...). Le local ne se préoccupe pas forcément des plus démunis, au contraire. Au Japon et en Corée, qui sont des cas de développement local national contre les puissances dominantes, il s’agit de modèles de « close shop», dans lesquels on trace une frontière entre ceux qui participent aux bons côtés du modèle, et les « derniers arrivants » qu’on exclut. L’esprit de solidarité qui caractérise le développement local peut donc déboucher sur l’esprit de clocher, voire la xénophobie (...). Il y a une seconde limite au développement local, la conscience du caractère environnementalement dangereux, à terme, d’une sur-spécialisation productive industrielle n’apparaît pas tout de suite. Les exemples abondent : Silicon Valley, tanneries de Fès, etc »4.

Or, la richesse des pays les plus industrialisés, s'explique, notamment par la prédation et l'exploitation des matières premières et des travailleurs des pays en développement, qui se sont déroulées de la colonisation jusqu'à aujourd'hui.

La relocalisation, le développement local, « l’écorégion favorise les échanges internes mais ne s’interdit pas les partenariats », précise Nicolas Ridoux5. "Cette refondation du local n’est nullement synonyme de repli sur soi ou de repli identitaire Qui en effet, pourrait croire qu’une région pourrait se suffire à elle-même, que chaque région du monde serait suffisamment dotée pour se passer de tout échange avec ses voisines ? » affirme Latouche.

2 EMMANUEL Arrighi, 1969, L'échange inégal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux, Maspero.3 RICARDO David, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817.

4 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.5 RIDOUX Nicolas. "La décroissance pour tous", Ed. PARANGON, 2006, 155 p.

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En effet, une relocalisation sélective et sociale et suppose aussi la prise en compte, de cette dette économique, écologique et sociale, liées aux relations historiques des « pays du Nord envers ceux Sud ». C'est à dire, qu'elle peut consister dans un soutien économique réel aux pays les plus faibles économiquement, afin de rembourser cette dette. Cette aide peut prendre différentes formes, l’Aide publique au développement), ou encore les taxes écologiques (Robin Hood tax), financière (taxe Tobin) visant à faire payer les pollueurs ou les spéculateurs et à aider les plus faibles.

Cependant, il s'agit de prendre garde, aux stratégies de retournement consistant pour les élites dominantes à détourner une bonne mesure en son contraire, que ce soit l’aide publique, l’écologie ou la relocalisation...

La préservation des biens communs et la décroissance de la consommation des ressources non renouvelables suppose une régulation publique internationale démocratique fondée sur la subsidiarité.

Pour parvenir à démocratiser la société, il s'agit selon les écosocialistes d'appliquer une régulation fondée sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l'exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).

Au niveau national, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer lui-même ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau nationale s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches du sujet, plus ils connaissent les besoins), et sur le développement d’une culture spécifique. Nous développerons ces éléments ensuite.

Néanmoins il est difficile d’éviter une certaine tension dans les négociations entre les instances situées à la base et le sommet, entre le local et le national, voir l’international. En effet, si la l’autonomie locale est un fondement des politiques économiques libertaires ou décroissante, certains secteurs ne peuvent néanmoins pas être complètement délégué au niveau local. En effet, la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres », c’est à dire lorsqu’une action locale nuit à l’existence des autres, par exemple une centrale nucléaire qui fuirait, ou une production de carbone par habitant, ou empreinte écologique non équilibrée. Cependant, si un pays applique à la fois les principes de relocalisation et d’empreinte écologique, mais que cette dernière s’avère supérieure à la limite égale par individu (1,8ha/hab en 2005), alors les habitants disposeraient du droit de choisir librement de compromettre leur production future, en puisant exagérément dans les ressources non renouvelables. En effet, l’empreinte écologique puise dans les seules ressources locales, si et seulement si, elle est limitée à au frontière nationale, or quasiment aucun pays ne fonctionne ainsi actuellement.

L'ingérence humanitaire, (ou écologique), à parfois des vertus lorsqu’il s’agit de sauver une population en danger de mort à cause du dirigeant d’une nation. Cependant, les grandes puissances n’interviennent généralement, que si en plus de la morale, il y existe aussi des ressources à prélever ou au moins un intérêt pour elle-même. Par conséquent, l’ingérence humanitaire, renforcent généralement les pratiques consistant à s'immiscer dans la souveraineté d'un Etat et d'un peuple.

De l’ingérence humanitaire à l’ingérence écologique il n’y a qu’un pas. Fabrice Flipo explique que la nature, qui n’est produite par personne, est la propriété de toutes et de tous. Une démocratie écologique doit donc pérenniser les droits de tous les êtres humains à disposer d’un espace écologique minimal (terre, climat, services écologiques essentiels ressources renouvelables ou non, etc.) lui permettant de disposer des moyens de vivre. Elle doit aussi faire en sorte que les disparités de modes de vie ne dépassent pas un espace écologique maximum au-delà duquel les autres espaces écologiques sont réduits. L’idée de « res communis » peut traduire cela : la nature est une chose commune au sens où chacun(e) doit y avoir droit mais pas plus que sa part (Flipo, 2009)6.

La relocalisation suppose la subsidiarité démocratique politique, sociale et économiqueLa subsidiarité signifie qu’une décision ne doit être prise au niveau supérieur que si les instances du

niveau inférieur n’en ont pas la capacité et lorsque l’intérêt général s’avère moins bien respecté lorsqu’il est géré au plan inférieur. Par exemple en France, décider du montant du RMI ou du salaire minimum au niveau national, peut éviter la concurrence vers le bas entre région ou les entreprises. Par contre décider du 6 FLIPO Fabrice, 2009, « La Terre, 2108 : un archipel de communautés autonomes », Mouvements.

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montant du budget pour le transport collectif dans une commune peut légitimement se discuter à au niveau municipal.

Dans cette perspective il s’agit de décentraliser les décisions en assurant une redistribution des financements et leur péréquation vers les niveaux inférieurs dans le respect du principe de subsidiarité. Les transferts de charges sans transferts correspondants de ressources ni péréquations appropriées paralysent les collectivités territoriales et menacent leur avenir et leur raison d’être, à savoir la libre administration de la collectivité et sa capacité à conduire des politiques innovantes au service de la population. C’est ce qui s’est passé en 2010 avec la fin de la taxe professionnelle prélevée auparavant par les municipalités. Or, les nouvelles taxes proposées par le gouvernement français, qui n’ont pas suffit à compenser le déficit lié à la suppression de cette taxe.

Ces réformes sont particulièrement nécessaires pour alimenter et rendre crédibles les budgets participatifs. Il parait difficile d’inscrire l’entreprise dans une relation citoyenne et responsable avec son territoire, sans imposer le contrôle des fonds publics affectés, directement ou non, à l’implantation d’entreprises et à l’emploi, ainsi que le remboursement aux collectivités des sommes détournées.

Dans le cadre d’une régulation fondée sur la subsidiarité lorsque qu’un désaccord survient, il peut être tranché, grâce au pouvoir de l'autorité de régulation arbitrale des pouvoirs publics (lorsqu’on leur attribue cette fonction comme c’est le cas dans le cadre des organismes paritaires en France: Assedic, sécurité sociale...).

La subsidiarité dans la régulation relève donc de deux types:- La subsidiarité entre types d’acteurs: c’est à dire la différenciation entre la nature des acteurs

(acteurs privés puis pouvoirs publics qui les encadrent).- La subsidiarité verticale: la différenciation entre les niveaux les plus adaptés à la prise de

décision: local, national, international.

Cependant la régulation fondée sur la subsidiarité, n’est pas très éloignée d’une régulation fondée sur la décentralisation. Or, dans les deux cas on relève que:

- Si cela diminue les excès du pouvoir global centralisé, cela peut augmenter le développement des potentats locaux (plan politique).

- Si c’est un rempart contre les reculs sociaux au plan global, cela peut rendre plus difficile la généralisation des avancés sociales (plan social).

- Si cela permet de mieux cibler et redistribuer des richesses (donc des moyens) entre les acteurs locaux, (s’il y a une volonté politique), cela peut entraîner plus de difficulté de redistribution entre les régions ou les pays (plan économique).

La croissance infinie des transports permet de vivre dans un mouvement perpétuel favorable à l’oubli de soi et au capitalisme néolibéralLa décroissance des transports est une des clés du projet décroissant et écologiste. En particulier, parce

que la pollution liée au transport est la première cause de réchauffement climatique. Comme l’a montré Ivan Illich au début des années 70, la voiture individuelle est le symbole de la civilisation occidentale. Ivan Illich calculé qu’un Américain moyen passait plus de mille six cents heures par an à sa voiture, que ce soit en roulant ou en travaillant pour la payer. Ce dernier permet d’éviter de passer sa vie à gagner de l’argent, pour s’acheter une voiture pour pouvoir aller travailler ! Une véritable histoire de shadoks … S’il exerce une activité professionnelle, l’Américain moyen dépensait ainsi 1600 heures chaque année pour parcourir 10000 kilomètres. Cela correspondait une vitesse moyenne d’environ 6 km/h, soit à peine plus que la vitesse moyenne d’un piéton (4 à 5 km/h) (Illich, 1973)7. La voiture a donc un rapport coût/efficacité largement plus faible que le vélo, un des anciens symboles de la république démocratique de Chine.

Serge Latouche souligne que « si les idées doivent ignorer les frontières, les mouvements de marchandises et de capitaux doivent être réduits à l'indispensable (...). Il faut pour cela impulser une réalisation plus complète. C'est l'essentiel de l'activité économique et de la vie tout court qui doit être reterritorialisé. Comment y parvenir? En internalisant les coûts externes du transport (infrastructure, pollution, dont effet de serre et dérèglement climatique), on relocaliserait probablement un grand nombre d'activités. Avec un coût du kilomètre multiplié par dix, les entreprises productrices redécouvriraient les vertus des

7 ILLICH I., Energie et équité, Le Seuil, 1973.

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produits et des marchés de proximité » »8. Dans le modèle capitaliste et plus largement le productivisme, le transport s’inscrit lui aussi, dans un projet

de croissance mondiale infinie. L’axiome premier de son développement est le besoin du marché et non par la rationalité écologique et sociale. L’organisation mondiale du commerce (OMC) a pour mandat prioritaire, la levée des obstacles au commerce et notamment des obstacles techniques. Les dirigeants de l’OMC cherchent donc à faire disparaître, les normes sociales et environnementales qui sont des obstacles au commerce.. De plus cette dernière s’inscrit dans le cadre de l’économie néolibérale, qui met en avant l’avantage comparatif (Ricardo) et la division internationale du travail. Elle se fait donc l’apôtre d’un accroissement des échanges commerciaux, des délocalisations au détriment de la relocalisation ou du droit à certain protectionnisme permettant un développement autonome. Ce dernier est d’ailleurs la condition préalable à l’ouverture économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales étrangères.

A l’inverse dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent pédestre, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur vitesse était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout du monde.

Culture Moderne(du capitalisme occidental

techno-industriel)Culture traditionnelle

(des peuples premiers)Culture postmoderne(de la décroissance autogestionnaire)

Mode de transport

Croissance infinie et mondialisée

Régulée par les besoins du marché et non par la rationalité

écologique

Lent car pédestre, animal, voile, mais respectueux de

l'environnement

Décroissance des transports visant à réduire l’empreinte

écologique

Localisation de la

production

SpécialisationDomination du centre sur la

périphérieInégalité des termes de

l'échangeOuverture des marchés

Production localeEchanges limités

essentiellement aux nomades

Autonomie locale et nationale, avant d’échanger

Relocalisation sélective de la production

Un développement agricole autonome suppose une relocalisation sélective et une baisse des transports. Dans les années 70, les pays non alignés revendiquaient un développement autocentré, notamment par la voix de l’économiste Samir Amin (1972). Un projet de développement pérenne devrait s’appuyer sur la satisfaction des besoins essentiels, l’autonomie et le respect de l’identité culturelle observe Roy Preiswerk9. Comme l’ensemble des actions de développement, une action peut aboutir à l’effet inverse, lorsqu’elle entraîne une perte de l’identité culturelle, une perte de l’autonomie économique et politique, une diminution de l’agriculture vivrière (Galtung, 1975). Cette dernière signifie que l’agriculture doit permettre aux populations de se nourrir par elle-même et non orienter la production locale vers l’exportation de céréales, tels le thé, le café, qui ne relèvent pas d’une consommation locale essentielle... Or, le commerce équitable tend vers cela. Ces principes et ceux de la « production soutenable écologiquement » entrent en conflit avec ceux de la mondialisation libérale. Mais le sont-ils aussi avec les principes du commerce équitable fondés notamment sur le développement de la solidarité mondiale et de partage des richesses ? En effet, un

8 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, p. 2059 PREISWERK Roy, in IUED: Il faut manger pour vivre...Controverses sur les besoins fondamentaux et le développement, PUF, 1980, p 132.

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développement autonomie, suppose une relocalisation globale ou sélective (c’est à dire partiel), de même que le droit à un certain protectionnisme. L’autonomie économique s’avère d’ailleurs la condition préalable à l’ouverture économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales étrangères. Certaines ONG, tels les membres de MINGA (une fédération d’acteurs du commerce équitable cherchant à intégrer les principes de la décroissance) cherchent en plus, à ce que les produits du Sud, qu’elles vendent dans les pays industrialisés, ne concernent pas une part trop importante de la production de la coopérative, pour lui permettre de conserver suffisamment d’indépendance.

Tandis que la mondialisation libérale renforce, la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, les transports et la pollution, à l’inverse, dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent pédestres, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur vitesse était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout du monde. Concilier commerce équitable et décroissance, suppose donc de limiter la consommation de produits « indispensables » et d’user de modes de transport non polluant. De plus dans 40 à 80 ans les réserves de pétroles devraient être épuisées, il ne restera alors plus que la voile, telle que la marine marchande en a fait usage, pendant des siècles, ou la découverte d’énergies non polluantes et renouvelables. Mais actuellement ces dernières restent du domaine de la spéculation.

La relocalisation de la production suppose néanmoins une planification démocratique globale. En ce qui concerne la relocalisation de la production, se pose alors la question de la coordination au niveau régional, national voir international, lorsque c’est nécessaire, par exemple sur les taux d’émissions de CO2 ou l’empreinte écologique. Dans ce cas l’objection de croissance socialiste autogestionnaire envisage une planification démocratique, c’est à dire que chaque fédération de travailleurs décide au niveau local, régional, national et international ce qui ne peut être produit localement et qui doit être produit au niveau supérieur.. Au niveau national la production de train semble un niveau de décision adapté par exemple, car il serait peut rentable que chaque région crée sa propre coopérative de production de train à l’échelle française.

COMMENT CONSOMMER EQUITABLE ET ECOLOGIQUE ?Tandis que le secteur du commerce équitable se développe doucement, l’intérêt des consommateurs pour

l’écologie, lui s’accélère rapidement. Au point que nombre d’entre eux, considèrent parfois, que l’écologie (favorisée par la consommation de proximité) et le commerce équitable s’opposent, notamment à cause du dégagement de CO2, lié au transport, un des facteurs importants du réchauffement climatique et de l’empreinte écologique. Or, il existe néanmoins des approches ou ces deux courants peuvent coexister, tels que le commerce équitable Sud-Sud ou la relocalisation sélective.

L’écologie est-elle compatible avec le commerce équitable Sud-Nord ? Selon la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (1988), l’amélioration des conditions de travail renforce les chances de préservation de l’environnement et donc de s’orienter vers une production soutenable. Car, plus un pays dispose de richesses financières, plus il dispose potentiellement de la capacité à assumer le coût de la protection de son environnement. Cependant, le commerce équitable s’avère limité par le principe écologique, qui suppose de diminuer les distances de transport qui accroissent les émissions de carbone. C'est-à-dire que ne doit être importé que ce qui ne peut être produit sur place, afin de limiter la pollution liée aux transports et l’autonomie alimentaire. Par exemple, en Suisse, le « label bio » Bourgeon interdit les transports par avion et les matières premières importées, ne doivent pas dépasser 90%, tandis que pour le « label Bio suisse » de Bourgeon, la limite autorisée descend à seulement 10%. En 2010, il existait environ 800 exploitations de production ou de commercialisation qui bénéficient de ce label. En effet, plus la production se rapproche du consommateur, moins cela engendre de pollution, c’est le processus inverse du commerce équitable.

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L’objection de croissance socialiste autogestionnaire, implique notamment de cesser le productivisme effréné de la société de consommation, de développer l’économie de proximité en la relocalisant, de diminuer la pollution liée aux transports, de consommer des fruits locaux, donc de saison, d’éviter la concurrence avec les petits producteurs locaux au Nord… Certains écologistes considèrent donc qu’il faudrait supprimer le commerce éthique et équitable, car il nuit à une production véritablement « écologique et durable ». D'autres, moins radicaux, envisagent plutôt une « décroissance sélective », tels Nicolas Hulot, ou une « relocalisation sélective » de l’économie, tel Thomas Coutrot, le coprésident d’Attac. Cela consisterait à relocaliser la majorité de la production de chaque nation, tout en conservant une part mineure des importations en provenance de pays étrangers et lointains. Car, si vous résidez à Lille, importer des marchandises indispensables, issues de la Belgique, peut s’inscrire dans la démarche de relocalisation sélective, d’un point de vue écologique. Par contre au plan de l’autonomie économique, les critères deviennent alors encore un peu plus restrictifs. Dans le cas d’une décroissance et d’une relocalisation sélective, certains secteurs peuvent continuer à croître, comme la production alimentaire, tant que les besoins essentiels au Sud ne seront pas satisfaits, tandis que d’autres comme les transports, devraient décroître dès à présent, au Nord comme au Sud. Les échanges internationaux ne seraient pas non plus interrompus complètement, mais limités aux secteurs indispensables.

Ainsi, la solidarité internationale ne serait pas interrompue, mais mieux pensée, afin de permettre un développement favorisant l’autonomie économique et politique, avec la préservation des ressources non renouvelables et plus généralement l’écologie. On le voit chacun des choix d’actions de solidarité internationale, suppose une réflexion profonde qui doit prendre en compte chacun des éléments du « système monde » dans une perspective systémique.

Le secteur du commerce équitable alimentaire : Nord-Sud, Sud-Sud ou Nord-Nord ?Traditionnellement, on considère que commerce équitable concerne les relations Nord-Sud, cependant

Minga estime que les relations Sud-Sud et même Nord-Nord doivent aussi être développée. Par exemple, le siège d’Oxfam aux Philippines vend de manière croissante des produits à des magasins Oxfam de Bangkok. Minga, de même que la Confédération paysanne, pensent que le concept de commerce équitable doit aussi recouvrir les relations de solidarité commerciale Nord/Nord. L’économie de proximité (Amap), l’économie solidaire, par exemple pourrait s’inscrire dans ce cadre.

Cependant, l’association Max Havelaar, considère que la situation sociale des pays en développement est telle, qu’on doit les distinguer par en créant plutôt un label « commerce solidaire » pour le commerce Nord/Nord et un « label commerce équitable » pour le Sud/Nord. En effet, les niveaux de salaires et de revenus des plus pauvres sont misérables (de 30 à 60 $/mois), il existe du travail des enfants, du travail forcé, des durées de travail de 15h/jour, etc. Alors qu’en France, salaire minimum légal, s’élève à 1055 euros nets et les plus pauvres ne meurent pas de faim.

Les ONG qui entendent concilier commerce équitable, écologie et autonomie économique cherchent à importer des produits du Sud, se limitant par exemple à l’artisanat local (objets d’art, vêtements…), afin de ne pas diminuer leurs cultures vivrières, ou de ne pas concurrencer les petits producteurs au Nord, qui vendent du miel près de chez eux par exemple. Elles n’importent que des aliments, comme le chocolat, ou le café, ne pouvant être cultivés dans les pays industrialisés. Cependant, même ce type d’aliment peut limiter l’agriculture vivrière, dans la mesure où les populations locales ne peuvent pas se nourrir principalement de café par exemple. Dans certaines régions d’Amérique du Sud, comme en Bolivie, le développement du quinoa équitable, se développe tellement, qu’il déséquilibre et désorganise, la production des autres céréales et donc perturbe l’autonomie alimentaire locale. D’autres produits ne peuvent pas être produits aux Nord, par exemple les tapis indiens labellisés par Step-Suisse, et plus généralement l’artisanat s’inscrivant dans une culture spécifique.

Quel que soit le choix qui sera fait, on observe d'ores et déjà, une concurrence entre certains produits labellisés bios et commerce équitable et les produits bio français, par exemple des producteurs de miel local, se trouve parfois en concurrence avec un producteur de miel équitable provenant du Sud.

Cependant, étant donné que le commerce équitable ne représente qu’une part infime du commerce mondial (0,02%), ce type de dérive, n’a quasiment aucune incidence au plan macroéconomique, et l’impact négatif lorsqu’il survient se limite actuellement à des secteurs commerciaux très circonscrits. Néanmoins, il faut le prendre en compte dans la réflexion pour un modèle de production alternatif et du point de vue de

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l’éducation populaire, de la prise de conscience citoyenne, qui est actuellement un des intérêts principaux du commerce équitable.

Ainsi, à long terme, on peut imaginer que la majorité du commerce équitable serait Sud-Sud et Nord-Nord (commerce solidaire), tandis qu’une faible part des flux commerciaux classiques et équitables porteraient sur les relations entre le Sud et le Nord.

Écologie et solidarité internationale en matière alimentaire sont indissociables. En effet, la priorité des populations les plus pauvres consiste à satisfaire leurs besoins essentiels et ensuite seulement à s’intéresser aux questions écologiques. Car, on meure plus rapidement du manque de nourriture, lorsque l’on ne vit qu’à avec 1$/jour, que de la pollution. Concilier écologie et développement autonome, suppose donc de permettre économiquement et culturellement, aux plus démunis, de prendre en compte, dès le départ, les besoins essentiels et l’écologie. Sinon, cette dernière restera lettre morte. Or, le nombre des populations pauvres dans le monde reste majoritaire, par rapport à celui des populations riches, vivant notamment dans les pays industrialisés.

En tout cas, pour ceux qui refusent d’appliquer une politique écologique malthusienne, consistant à laisser mourir de faim, les populations les plus pauvres. Car ce type de politique malthusienne néolibérale, s’oppose à une redistribuant des richesses mondiales, mais s’autorise à exploiter les ressources des pays en développement.

Liepietz souligne aussi, qu’il « y a toujours une articulation de deux stratégies, en ce sens que même dans un développement très autocentré, il faut une source de financement qui permet l’achat de produits de la ’’grande économie’’ mondialisée (des ordinateurs, des téléviseurs...). Cette source, c’est la redistribution nationale (administration, dépenses sociales) ou les exportations locales. Un projet de développement de pays intègrera par exemple le tourisme à la ferme, ou la production bio et fermière de qualité»10.

La préservation des biens communs agricoles suppose une régulation publique internationale démocratique fondée sur la subsidiarité. Pour parvenir à démocratiser la société, il s'agit selon les écosocialistes d'appliquer une régulation fondée sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l'exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).

Au niveau national, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer lui-même ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau nationale s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches du sujet, plus ils connaissent les besoins), et sur le développement d’une culture spécifique. Nous développerons ces éléments ensuite.

Néanmoins il est difficile d’éviter une certaine tension dans les négociations entre les instances situées à la base et le sommet, entre le local et le national, voir l’international. En effet, si la l’autonomie locale est un fondement des politiques économiques libertaires ou décroissante, certains secteurs ne peuvent néanmoins pas être complètement délégué au niveau local. En effet, la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres », c’est à dire lorsqu’une action locale nuit à l’existence des autres, par exemple une centrale nucléaire qui fuirait ou une production de carbone par habitant, ou empreinte écologique non équilibrée. Cependant, si un pays applique à la fois les principes de relocalisation et d’empreinte écologique, mais que cette dernière s’avère supérieure à la limite égale par individu (1,8ha/hab en 2009), alors les habitants disposeraient du droit de choisir librement de compromettre leur production future, en puisant exagérément dans les ressources non renouvelables. En effet, l’empreinte écologique puise dans les seules ressources locales, si et seulement si, elle est limitée à au frontière nationale, or quasiment aucun pays ne fonctionne ainsi actuellement.

10 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.

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Culture Moderne

(du capitalisme occidental

techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne

(de la décroissance

autogestionnaire)

Localisation de la production

SpécialisationDomination du centre sur la périphérieInégalité des termes de l'échange

Ouverture des marchés

Production localeEchanges limités

essentiellement aux nomades

Autonomie locale et nationale, avant

d’échangerRelocalisation

sélective de la production

La relocalisation de la production suppose néanmoins une planification démocratique globale. En ce qui concerne la relocalisation de la production, se pose alors la question de la coordination au niveau régional, national voir international, lorsque c’est nécessaire, par exemple sur les taux d’émissions de CO2, ou l’empreinte écologique. Dans ce cas l’objection de croissance socialiste autogestionnaire envisage une planification démocratique, c’est à dire que chaque fédération de travailleurs décide au niveau local, régional, national et international ce qui ne peut être produit localement et qui doit être produit au niveau supérieur. Nous préciserons plus loin, les différents systèmes possibles de la planification démocratique. Au niveau national la production de train semble un niveau de décision adapté par exemple, car il serait peut rentable que chaque région crée sa propre coopérative de production de train à l’échelle française.

Les besoins essentiels, le développement autonome et l’identité culturelle sont les trois principes d’un projet d’autonomie alimentaire. De plus, ils sont interdépendants et synergiques. Rappelons au préalable, que d’une part, le développement économique et social est souvent une nécessité vitale, pour les populations n’ayant pas atteint le niveau de l’empreinte écologique moyenne et soutenable pour l’humanité. D’autre part le développement n’est pas qu’économique, mais il peut aussi être social ou culturel. Il s’agit de différencier la notion de croissance, qui relève du quantitatif, du développement qui s’inscrit surtout dans le qualitatif. Il est donc possible de décroître quantitativement, tout en développant qualitativement, l’éducation, la culture, les services, la santé...

La stratégie des besoins essentielles est un des fondements de la décroissance, dans la mesure ou cette dernière cherche à créer une société ou les besoins essentiels seront satisfaits, mais que les individus sauraient autolimiter leurs besoins (Castoriadis 1996, IV : 137), afin de développer une « sobriété heureuse » (Rabbi) dans à un monde ou les ressources matérielles et agricoles sont limitées.

En matière agricole, la culture technologique du capitalisme industriel, pousse vers une utopie prométhéenne de la technique, comme solution à tous les problèmes. Elle prend une orientation relativement contraire à l’optique de la technologie appropriée, car dans « sa vision du monde » (Weltanschauung en allemand),, tous doivent adopter les technologies de pointes de l’occident, représentant le fleuron du progrès pour l’humanité. Certains espèrent par exemple, que les ressources non renouvelables (pétrole, uranium, métaux…) pourront être recrées notamment grâce aux nanotechnologies, en reconfigurant les atomes un à un pour recréer par exemple les métaux qui auront été épuisés. Or, le pouvoir de la technique (du technicien et du technocrate) crée à la fois une dépendance de la population et un ascendant vis à vis du peuple, qui ne peut en maîtriser et en mesurer tous les impacts négatifs. D’ailleurs comme le souligne Jacques Ellul (1997)11 la technique domine elle-même ceux qui cherchent à l’utiliser comme solution unique pour résoudre les problèmes de l’humanité. L’approche techniciste tend à mettre en avant les valeurs utilitaristes d'efficacité et de progrès technique, au détriment des besoins de l'homme, de la culture et de sa

11 ELLUL Jacques (1997), 2004, Le système technicien, Ed. Le Cherche-Midi.

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relation à la nature. Bruno Latour souligne à ce propose que « les techniques appartiennent au règne des moyens et la morale au règne des fins, même si, comme Jacques Ellul en a témoigné il y a bien longtemps, certaines techniques finissent par envahir tout l'horizon des fins en se donnant à elles-mêmes leurs propres lois, en devenant "auto-nomes" et non plus seulement automatiques » (Latour, 2000 : 19)12.

En répondant aux besoins des populations, en stimulant par exemple la production des cultures vivrières, en permettant l'éducation de base, en répondant aux besoins locaux avant de suivre la demande internationale, le pays devient ainsi plus autonome et peut assurer sa croissance à long terme.

La participation communautaire est une des applications de ce modèle de "développement tripartite." Mais, pousser trop loin ces trois principes du développement poussent vers certains excès. Trop de « self reliance » conduit à l’autarcie sclérosante, l’exacerbation de l'identité culturelle pousse vers un nationalisme destructeur et la satisfaction des besoins essentiels devient à nouveau un moyen de conserver les privilèges des plus riches, avec un système à deux vitesses. La vigilance et le discernement restent donc nécessaires, lorsque l'on s'appuie sur ces trois piliers du développement.

Le capitalisme libéral mondialisé est fondé en particulier sur l’avantage comparatif et la division internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en voie de développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés (Ricardo) 13. Il s’appuie aussi sur la domination du centre sur la périphérie, l’inégalité des termes de l'échange (Emmanuel, 1969) 14

renforcé par une ouverture « forcée » des marchés nationaux au nom du néolibéralisme, en particulier par l’OMC, appuyé par les institutions de Bretton-Woods. A l’inverse la décroissance autogestionnaire, cherche à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc autogéré.

La technologie appropriée en agriculture est un moyen de conjuguer l’autonomie et l’identité culturelle. C’est aussi l’opportunité de découvrir des techniques spécifiques à un pays ou d'adapter des technologies extérieures aux besoins du pays. Il s’agit par exemple de l’utilisation de la traction animale pour labourer son champ, plutôt que de l’utilisation d’un tracteur à la fois cher et qui ne peut être réparé par manque de pièces disponibles sur place et des connaissances nécessaires.

La production extensive et naturelle permet une forte productivité et l’accès à l’autonomie. C’est ce que nous montre le film documentaire, « Herbe » sorti en 2008, réalisé par Matthieu Levain et Olivier Porte. Il se déroule dans la Bretagne paysanne. Alors que des fermes se sont engagées depuis plusieurs années dans une agriculture autonome, durable et performante, la majorité de la profession refusent cette approche. Ce film illustre très bien, deux orientations opposées de la production agricole. D’un côté la production extensive et naturelle et de l’autre, la production agro-industrielle qui est intensive, productiviste, chimique, modifié génétiquement et fortement irriguée. Cette dernière approche est le résultat de l'industrie agro-alimentaire et du complexe pétro-chimique de transnationales, telle Monsanto. Elle a pour objectif de vendre plus d’engrais et de pesticides qui proviennent en large partie de la production de pétrole. Cette orientation qui s’est fortement accélérée durant ce que l’on a appelé la révolution verte au cours de la période 1944-1970. Mais cette dernière devrait plutôt être qualifiée de révolution industrielle de l’agriculture, dans la mesure ou il se s’agit que de la couleur verte des plantes et non pas du vert de l’écologique. Cette approche est encore renforcée par le fait que les faits que les ingénieurs agronomes sont formés dans cette optique. D’ailleurs les lobbies de l’industrie font pressions de diverses manières afin que les ingénieurs, soient formés ainsi.

Or, ce mode de production fondé sur le pétrole et la mécanisation va devenir de plus en plus coûteux du fait de la raréfaction du pétrole. Il a déjà un coût très important en terme même simplement financier, car les agriculteurs de ce type doivent emprunter aux banques privées. Ces prêts vont leur permettre d’acheter de gros tracteurs, de grands systèmes de traites automatisées, de fabriquer de très grosses exploitations agricoles, capables d’accueillir un gros troupeau de vaches laitières et de les nourrir, mais aussi de stocker du

12 LATOUR Bruno, « La fin des moyens », Réseaux. Communication – Technologie – Société, année 2000, volume 18, numéro 100, p. 39.13 RICARDO David, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 181714 EMMANUEL Arrighi, L'échange inegal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux (Maspero, 1969)

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mais et du soja qu’ils produisent eux-mêmes. Ce modèle de production industrialisé, permet de produire beaucoup, avec très peu de personnel. Cependant cela à plusieurs inconvénients. Le premier c’est qu’il a un coût financier très important, ce qui oblige les agriculteurs à travailler de très longues journées à un faible salaire, afin de rembourser leurs emprunts aux banques. C’est par contre un mode de production très rentable pour le capitalisme bancaire et pétrochimique.

A l’inverse les paysans qui ont choisis de nourrir leur troupeau avec de l’herbe en laissant paître leur troupeau dans les prairies, n’ont pas eu besoin de faire de prêts si importants. Le mode de production naturel et extensif peut-être qualifiée de post-moderne, dans la mesure ou elle cherche à conjuguer certains avantages de l’agriculture moderne (un petit tracteur) et de l’agriculture traditionnelle (laisser les vaches brouter l’herbe qui pousse grâce aux seules force de la nature : la terre, la pluie et le soleil). Ainsi, dans ce film on constate, que les salaires mensuels de ce type de paysans sont relativement proche de ceux de l’agriculture industrialisés, mais par contre leur salaire horaire est considérablement plus élevés, car ils ne travaillent environ 30 à 50% de temps en moins !

ConclusionUne politique de relocalisation permet de retrouver une autonomie alimentaire, développer de diminuer

l’empreinte carbone, et l’empreinte écologique et les pollutions diverses.La relocalisation, favorise aussi l’autonomie économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un

pays. Un développement économique local social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle, l’autonomie et les besoins essentiels selon Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance (quantitative) sont nécessaire dans les pays et auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil maximal l’empreinte écologique par habitant (1,8ha/hab en 2005).

Cependant, l’autonomie économique, ne signifie pas pour autant égoïsme nationaliste. Une part des richesses, de la production et des services peut continuer à être échanger, entre pays, dans un but de solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne peuvent être créer sur place. La redistribution des richesses au niveau local, régional, national et international va de paire avec la relocalisation et un certain protectionnisme. En revanche, ce dernier et la redistribution ne doivent pas être détournés et les prêts ne doivent pas devenir des dettes permettant d’assurer une domination politico-économique comme c’est le cas du FMI envers les pays les plus pauvres et maintenant certains nations européennes.

Sans l’autonomie économique, l’autonomie politique est quasiment impossible. Cette dernière permet à la population et à ses représentants élus de décider par eux mêmes de leurs orientations sociétales, sans être dépend du pouvoir d’autres acteurs économiques (les banques et leurs créances) ou publiques (les organisations internationales, tel l’OMC, le FMI, ou des Etats puissants comme ceux du G8). L’autonomie politique est fondée sur la subsidiarité, le fait de ne décider à un niveau supérieur que ce qui ne peut être décidé au niveau inférieur.