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L’A NTHOLOGIE PERMANENTE DES LITTÉRATURES DE L IMAGINAIRE S OLARI S 192 fête ses 40 ans avec 40 auteurs

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L ’ A N T H O L O G I E P E R M A N E N T E D E S L I T T É R A T U R E S D E L ’ I M A G I N A I R E

S O L A R I S

192

fête ses 40 ans

avec

4 0 auteurs

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Solaris 192Automne 2014 Vol. 40 n° 2

Né en France en 1981, Grégory Fromenteauétudie en Arts et Littérature, avant de

commencer sa carrière dans le dessin animé. Il travaille notamment sur de nombreusesséries diffusées sur la scène internationale

(Code Lyoko, L'Homme invisible…).Quelques années plus tard, il s'installe à

Montréal afin de travailler dans le milieu dujeu vidéo. Il travaille également sur de grosses

productions (Iron Man, Prince of Persia,Avatar…) à différents postes, tels qu'éclaira-giste, directeur artistique et illustrateur. Il esttoujours dans ce domaine à l'heure actuelle.

En parallèle du jeu vidéo, il continue d'exploitersa passion pour le dessin en réalisant des cou-

vertures de livres pour différentes maisonsd'éditions. Vous pouvez découvrir son travail sur

son site internet : http://www.greg-f.com/

Sommaire3 Éditorial

Norbert Spehner, Joël Champetieret Jean Pettigrew

11 Des fictions de :Norbert Spehner, Richard Tremblay,Daniel Sernine, Michel Bélil, Élisabeth Vonarburg, Joël Champetier,Esther Rochon, Francine Pelletier, Michel Lamontagne, Jean Pettigrew, Alain Bergeron, Jean-Louis Trudel, Yves Meynard, Claude Bolduc, Natasha Beaulieu, Hugues Morin, Laurine Spehner, Frédérick Durand, Sylvie Bérard, Julie Martel, Éric Gauthier, David Dorais,Michèle Laframboise, Christian Sauvé,Pierre-Luc Lafrance, Mario Tessier,Michel J. Lévesque, Brian Eaglenor,Alain Ducharme, Alexandre Babeanu,Jonathan Reynolds, Philippe-Aubert Côté,Ariane Gélinas, Pascale Raud,Luc Dagenais. Guillaume Voisine,Dave Côté, Geneviève Blouin,Josée Lepire et Sébastien Chartrand

130 Les Carnets du FuturibleEnquête sur les classiques descience-fictionMario Tessier

147 Sci-némaChristian Sauvé

157 Les LittéranautesF. Pelletier, J. Reynolds

Illustrations

26 illustrateurs de la revue… et Suzanne Morel : 130

40 A N S

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Rédacteur en chef : Joël Champetier

Éditeur : Jean Pettigrew

Direction littéraire : Joël Champetier, Jean Pettigrew, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg

Site Internet : www.revue-solaris.com

Webmestre : Christian Sauvé

Abonnements : voir formulaire en page 9

Coordonnatrice : Pascale [email protected](418) 837-2098

Trimestriel : ISSN 0709-8863Dépôt légal à la Bibliothèque nationale du QuébecDépôt légal à la Bibliothèque natio nale du Canada

© Solaris et les auteurs

Solaris est une revue publiée quatre fois parannée par les Publications bénévoles des litté -ratures de l’imaginaire du Québec inc. Fondéeen 1974 par Norbert Spehner, Solaris est lapremière revue de science-fiction et de fantastiqueen français en Amérique du Nord.

Solaris reçoit des subventions du Conseil desarts du Canada, du Conseil des arts et des lettresdu Québec et reconnaît l’aide financière accordéepar le gouvernement du Canada pour ses coûts deproduction et dépenses rédactionnelles par l’entre - mise du Fonds du Canada pour les magazines.

Toute reproduction est interdite à moins d’ententespécifique avec les auteurs et la rédaction. Lescollaborateurs sont respon sables de leurs opinionsqui ne reflètent pas nécessairement celles de larédaction.

Date d’impression : octobre 2014

Le Prix Solaris s’adresse aux auteurs de nouvelles canadiensqui écrivent en français, dans les domaines de lascience-fiction, du fantastique et de la fantasy

Dispositions générales Les textes doivent être inédits et avoirun maximum de 7 500 mots (45 000signes). Ces derniers doivent être envoyésen trois exemplaires (des copies car lesoriginaux ne seront pas rendus). Afin depréserver l’anonymat du processus desélection, ils ne doi vent pas être signésmais être identifiés sur une feuille à partportant le titre de la nouvelle ainsi quele nom et l’adresse complète de l’auteur,le tout glissé dans une enveloppe scellée.On n’accepte qu’un seul texte par auteur.

Les textes doivent parvenir à la rédactionde Solaris, au 120 côte du Passage, Lévis(Québec) G6V 5S9, et être iden tifiés surl’enveloppe par la mention « PrixSolaris ».

La date limite pour les envois est le13 mars 2015, le cachet de la poste fai-sant foi.

Le lauréat ou la lauréate recevra unebourse en argent de 1 000 $. L’œuvreprimée sera publiée dans Solaris en2015.

Les gagnants (première place) des prixSolaris des deux dernières années, ainsique les membres de la direction littérairede Solaris, ne sont pas admissibles.

Le jury, formé de spécialistes, sera réunipar la rédaction de Solaris. Il aura ledroit de ne pas accorder le prix si lapartici pation est trop faible ou si aucuneœuvre ne lui paraît digne de mérite. Laparticipation au concours signifie l’ac-ceptation du présent règlement.

Pour tout rensei gnement supplémentaire,contactez Pascale Raud, coordonnatricede la revue, au courriel suivant :

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ÉditorialRequiem, ou les artisans de l’ombre…

Ils ne figurent pas dans Science Fiction from Québec, d’AmyJ. Ransom et ne sont pas mentionnés dans Canadian ScienceFiction and Fantasy, de David Ketterer. Dans le Daliaf, notreBible à tous, seuls sont retenus ceux qui ont écrit un texte de fictiondans Requiem ou Solaris mais sans aucune indication biogra-phique. Bref, ils ne méritent à peine qu’une mention dans l’Indexen ligne de la revue. Et pourtant, sans eux, Solaris n’existerait pas.C’est pourquoi je veux profiter de ce 40e anniversaire pour leurrendre un petit hommage et pour remercier les membres de cegroupe de jeunes enthousiastes qui a créé la revue avec moi.

En 1974, je suis un jeune prof de littérature qui a la chance dedonner un cours de science-fiction et fantastique qui attire les fansdu genre. Mais, la tête constamment plongée dans les bouquins,j’ai autant de sens pratique qu’un poisson qui voudrait faire dé -marrer une tondeuse! La mise en page? Connais pas! Les demandesde subventions? J’ai horreur de la paperasse administrative! Bref,je suis le gars qui a les idées, mais ce sont mes étudiants du clubde SF qui ont le sens pratique et vont concrétiser le projet.

Daniel Lapointe était incontestablement le maître d’œuvreen ce qui concerne la réalisation des premières maquettes dont il

De gauche à droite: Richard Leclerc, Jean-Guy Prévost, Daniel Lapointe,Gilbert Rodrigue et Charlotte Charest

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a fait la mise en page et le choix des illustrations. C’est lui quim’a initié à ces diverses techniques, me permettant plus tard deprendre la relève. Il était secondé par Charlotte Charest, la seulefille du groupe, experte en dactylographie et qui nous tapait lestextes au propre. C’est à elle que l’on doit le nom de Requiem,les gars étant incapables de s’entendre sur un choix quelconque(les horreurs auxquelles on a échappé !). Charlotte avait des am -bitions littéraires qu’elle ne semble pas avoir réalisées. RichardLeclerc, futur publiciste de renom et graphiste émérite, a mis lamain à la pâte à l’occasion. Il m’a aussi adéquatement conseillépour des problèmes de mise en page tout en facilitant mes contactsavec les imprimeurs. Gilbert Rodrigue, poète en herbe et grandpenseur devant l’éternel, a commis quelques textes et s’est arrangépour décrocher les premières subventions accordées par l’admi-nistration du collège. Sans ce coup de pouce initial, le projet seraitmort-né. Garçon discret et effacé, Vincent Rivet (qui habitait dansla même rue que moi) s’est occupé de la comptabilité et descontacts avec la banque, une tâche que je trouvais rebutante.

Même s’ils ne s’impliquaient pas directement dans la réali-sation matérielle du zine, plusieurs autres « fans » participaient àl’animation du groupe. Curieusement, dans cette équipe hétérocliteaux intérêts variés, il y avait peu de « lecteurs » de science-fiction.La majorité d’entre eux étaient des amateurs de cinéma ou debande dessinée. Jean-Guy Prévost, considéré par plusieurs comme« l’intello » de la bande, avait une certaine culture littéraire, maisc’était surtout une cinémathèque ambulante. Pierre Lenoir, aliasPierre Lalonde, ou l’inverse, je ne sais plus (que l’on voit souventdans diverses publicités télévisées) était lui le fan type : lecteurboulimique (surtout en anglais), grand admirateur de Kubrick etpianiste émérite, avec des ambitions littéraires (jamais réalisées).À la convention mondiale Torcon, il avait proposé à RobertSilverberg d’adapter une de ses nouvelles en comédie musicale.

Bref, ils étaient jeunes, pleins de fougue et d’idées, avant quela vie, les études et toutes ces sortes de choses les dispersent demanière définitive. Exception faite de Richard Leclerc et de PierreLenoir/Lalonde, j’ignore ce qu’ils sont devenus. Mais je ne lesoublierai jamais, car sans eux, et je les en remercie vivement, jen’aurais certainement pas pu continuer à publier ce fanzine qui amarqué l’histoire de la science-fiction francophone et dont, dujour au lendemain, j’ai dû assumer tous les rôles, de concierge àprésident directeur général !

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Longue vie à Solaris (titre que j’avais choisi dès le départmais que je n’ai pas eu le courage d’imposer, histoire de ne pasfaire mon « prof » !) et à ses maîtres d’œuvre passés et à venir,avec une pensée toute particulière pour Joël Champetier qui luttecontre une terrible maladie et à qui nous souhaitons tout le cou-rage nécessaire et un prompt rétablissement. Solaris est inscritdans la durée, nous avons tous grand besoin de lui, il n’a doncpas le choix !

Norbert SPEHNER

Quarante ans…L’idée d’offrir à nos lecteurs un sommaire constitué de quarante

fictions pour célébrer le 40e anniversaire de la revue n’est pas demoi mais plutôt de Jean Pettigrew, notre éditeur, et Pascale Raud,notre vaillante coordonnatrice, qui ont travaillé de concert pourmonter le numéro. Même que, soyons franc, sur le coup j’étaissceptique par rapport à la logistique de l’entreprise. Allions-noustrouver un nombre suffisant d’auteurs pour remplir la commande?Mon scepticisme a fondu comme une sucette glacée à la surface deMercure quand j’ai constaté l’enthousiasme des auteurs invités àl’événement, autant chez les Grands Anciens comme Michel Bélilou Esther Rochon, que chez les petits nouveaux comme GenevièveBlouin ou Jonathan Reynolds. Pour faire entrer autant de beaumonde dans le même nombre de pages que d’habitude, nousavons évidemment demandé que la nouvelle qu’on nous proposesoit courte : 750 mots maximum. (Les historiens savent que cen’est pas le premier spécial « contes brefs » de notre histoire, lepremier correspondant au numéro 13, lorsque la revue s’appelaitencore Requiem. Avouez qu’un numéro consacré à la fiction courtetous les trente-huit ans, ce n’est pas exagéré…) Deux autres con -traintes: il fallait avoir déjà publié dans la revue; et les participantsdevaient choisir parmi une liste de quarante (forcément !) sous-genres de l’imaginaire qui leur avait été soumis, sur laquelle ontrouvait aussi bien l’utopie ou les robots, que les livres mauditsou la fantasy urbaine, une liste préparée par une personne qui s’yconnaît en la matière, Jean Pettigrew.

Étant en veine de confidence, j’ajoute que je rédige cette sectionde l’éditorial avec la forte impression d’être un imposteur, consi-dérant à quel point j’ai peu travaillé sur ce 192e numéro de la revue.

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Norbert Spehner en a touché un mot plus haut, je suis traité depuisquelques mois pour une leucémie, ce qui a considérablementperturbé ma vie et mon travail, et continuera de le faire pour uncertain temps (ainsi, j’ai rédigé l’essentiel de cet éditorial dans unedes chambres du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières,en attente d’un traitement de chimiothérapie). Ironie du destin :c’est donc Pascale Raud qui s’est retrouvé à faire presque tout letravail. En tout cas, elle n’aura jamais autant mérité son titre decoordonnatrice. Jongler avec quarante auteurs pour un seul nu -méro – un record pour la revue – exige bien des efforts de coor-dination, n’en doutez point !

La contribution de notre futurible en résidence, Mario Tessier,s’inscrit parfaitement dans l’esprit de ce numéro. Cette enquêtesur les classiques de la science-fiction est à la fois fascinante etinstructive, et nous amène à nous demander si – pourquoi pas? –une des nouvelles publiées ici ne se retrouvera pas dans un pal-marès futur. C’est sans doute le bon endroit et le bon momentpour remercier Christian Sauvé, un critique de film aussi fiableque perspicace ; merci aussi à tous les critiques de livres, à tousnos illustrateurs et illustratrices, bref, à toutes les personnes quicontribuent, décennie après décennie, à faire de Solaris une desmeilleures revues de littérature, tous genres et styles confondus,du Québec et de l’Amérique francophone.

Sur ces paroles immodestes mais auxquelles je crois profon-dément, je vous donne rendez-vous dans trois mois pour le prochainnuméro. Bonne lecture !

Joël CHAMPETIER

Entretenir la flamme…

Comme mes illustres collègues viennent de le dire, l’histoire deSolaris est loin d’avoir été un long fleuve tranquille. En cesens, la revue a été le fidèle reflet de la société qui l’entoure.C’est qu’elle a bien changé, la Terre des hommes, au cours destrente-sept dernières années…

Ceux qui ont de la mémoire se seront rappelés que je com-mençais ainsi mon éditorial du numéro 184 (automne 2011), quisoulignait la longévité inégalée de Solaris pour une revue fran-cophone de science-fiction et fantastique francophone. Intitulé« Une histoire (utopique) des sept prochaines années de Solaris »,

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j’y traçais un portrait du moment de la vie des revues SFF en Oc -cident, tout en esquissant, pour chaque année à venir, des objectifspour la revue. Qu’en est-il trois ans plus tard?

2012: l’abonnement numérique est disponible pour l’ensembledes institutions. Outre de nombreux lecteurs, plusieurs professeursdu secondaire se réjouissent de cette possibilité…

Oui : √2013: nous proposons les numéros en format pdf et epub. Nousconstatons que l’appui des organismes de soutien à la culture estde plus en plus difficile à obtenir. Nous diversifions nos sourcesde finan cement, trouvons un mécène… heu… non, là, je rêve…

Oui : √ Oui : √ Oui : √

J’aurais préféré un « non » pour les deux dernières prédictions(vous aussi, je n’en doute pas), mais j’ai eu hélas raison. Tiens,je vous donnerai un seul exemple : en 2014-2015, Solaris a reçu,en soutien de base de la part du Conseil des Arts et des Lettres duQuébec, le même montant (à cent vingt-cinq dollars près) qu’en2002-2003. (Notez que j’écris ces lignes avant l’annonce desgrandes coupures que s’apprête à pratiquer l’actuel gouvernementdans tous les programmes.) Quant au mécène, je me contenteraide dire que le droit de rêver n’a pas encore été aboli : il doit bienexister en ce pays quelqu’un de suffisamment fortuné – disons unmédecin spécialiste, voire un neurochirurgien, pour demeurer dansle sujet – capable de soutenir, ne serait-ce que partiellement, uneorganisation sans but lucratif dont l’objectif premier est, grâceaux littératures de l’imaginaire, d’élargir et d’enrichir le spectrecognitif de ses concitoyens ? (Non, ne me répondez pas, de grâce.)

2014 : Il est temps pour Solaris de réorganiser sa demeurevirtuelle…

Oui : √Nous avons effectivement refondu le site cette année, y greffant

en plus un espace transactionnel sécuritaire. Mieux, nous avonsrevisité le volet papier en y ajoutant la couleur – comme quoi lerêve peut devenir réalité quand on n’attend pas après les autres !Mais replongeons dans mes futurs antérieurs…

2015 : deux partenariats amènent des possibilités supplémen-taires au site, et l’intégration des contenus améliore la présenceactive de la revue et sa pénétration sur de nouveaux marchés ;

Oui : o Non: o

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Ces projets, toujours à l’ordre du jour, voient actuellementleur existence menacée par le couperet (je veux dire le scalpel)de l’actuel gouvernement provincial. Or, bien qu’il sache perti-nemment les dégâts qu’on peut causer dans un cerveau lorsqu’ony coupe à tort et à travers, le neurochirurgien en chef semblevouloir sabrer aveuglément dans les programmes culturels.

2016: l’éditorial du numéro 200, dans ses versions numériques,est sous forme de vidéo. Sans surprise, tous constatent que JoëlChampetier a encore tous ses cheveux ;

Oui : o Non: oHum… Avouez que Joël m’a fait craindre beaucoup pour

cette prédiction. Heureusement, vous verrez à sa nouvelle photoque la toison repousse allégrement et qu’elle sera impeccabledans deux ans ! Quant aux éditos sous forme vidéo, sachez qu’onaurait pu les réaliser ainsi dès cette année.

2017: les abonnements numériques dépassent pour la premièrefois ceux de la version papier. Nous n’avons pas reçu de sou-mission de manuscrits papier depuis trois ans ;

Oui : o Non: oJe suis persuadé que je cocherai oui. D’une part grâce à Postes

Canada, dont les nouveaux frais postaux sont une honte, mais aussiaux libraires, de moins en moins nombreux à vouloir diffuser etvendre des revues de littérature dans leurs établissements.

Pour la suite des événements, ma boule de cristal s’embrouille,bien que je sois certain d’une chose : pour entretenir la flamme,il faudra éventuellement qu’une nouvelle équipe d’irréductiblesse manifestent. Pour ma part, quand les bras meurtris de l’équipeprécédente nous ont transmis le flambeau à l’automne 2000, jecroyais que j’y consacrerais un quinquennat, voire deux tout auplus. Quatorze ans plus tard, quand je regarde ce qu’est devenuSolaris, j’avoue être content du chemin parcouru, malgré les em -bûches et l’indifférence crasse des supposées élites de ce pays.

Voilà. Et c’est à vous que revient l’ultime choix: serez-vousde celles et ceux qui permettront aux futurs auteurs de SFF franco -phone, dans les années à venir, d’avoir la possibilité de publierdans Solaris?

Oui : o Non: o

Jean PETTIGREW

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COUVERTURE : NORBERT SPEHNER

Crépuscule sur Mars

Norbert SPEHNER

C ’était le moment de la journée qu’il préférait, alors que lesoleil couchant embrasait les contreforts sédimentairesd’Aeolis Mons, alias le mont Sharp, en vives lueurs rou-

geoyantes et que le fond du cratère Gale disparaissait dans unemer de reflets rouge vif. En bas dans la vallée, on distinguait àpeine quelques dômes de la Base H. G. Wells alors que le restedes structures était occulté par la réverbération aveuglante desrayons.

Pendant quelques minutes, réfugié dans le mini-dôme de lastation d’observation S2, le géologue Craig Dempsey jouissaitde ce spectacle féerique en essayant d’oublier durant quelquesinstants l’angoisse, la peur sourde qui les taraudait, lui et sescompagnons d’infortune, depuis maintenant plus de six mois.

Né en France en 1943, Longueuillois depuis 1968, il a étéprofesseur au cégep Édouard-Montpetit jusqu’à sa retraite.Fondateur de la revue Solaris (née Requiem) en 1974,Norbert Spehner a écrit plusieurs ouvrages bibliogra-phiques sur la SF, le fantastique, les tueurs en série, etc.Le Roman policier en Amérique française (Alire, 2000)lui a mérité le prix Arthur-Ellis 2001, volet francophone.Il a fait paraître, toujours chez Alire, Scènes de crimes(2007) et Le Roman policier en Amérique françaiseT.2 (2012). Depuis plusieurs années, Norbert Spehner com-

mente la littérature policière au quotidien La Presse.

Colonisation spatiale

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S O L A R I S 19212

Au début de son séjour sur Mars, il montait à la station régu-lièrement pour profiter du spectacle. Une fois la féerie du couchantpassée, profitant des dernières lueurs du jour déclinant, il fixait lelointain pendant de longues minutes, comme s’il s’attendait à voirsurgir il ne savait trop quoi. Face à ce décor immense, désertique,cet horizon vide et angoissant où rien ne bougeait, il pensait souventau Désert des Tartares, un récit étrange d’un auteur italien dont ilavait oublié le nom, et dont le héros, le lieutenant Drago, en gar-nison dans un fort isolé du désert, debout sur les remparts, avaitattendu, jour après jour, pendant plus de trente ans, l’arrivée d’unennemi invisible et inconnu. La maladie, puis la mort avaientempêché le militaire d’affronter les mythiques « Tartares » quidevaient surgir du néant.

Rien de tel ici. Ni Tartares ni Martiens… Deux ans de re -cherche intensive n’avaient révélé qu’une planète stérile, un amasde roches et de sédiments couleur rouille, sans aucune forme nitrace de vie. Les Martiens n’existaient que dans l’imagination tropfertile des auteurs de science-fiction. Le verdict des scientifiquesétait sans appel: rien dans l’état actuel de la recherche ne permettaitd’affirmer qu’il y ait eu une forme de vie quelconque sur la planèterouge.

Mais, un peu plus de six mois auparavant, un événement inat -tendu était venu ébranler les certitudes des explorateurs terriens.

Des capteurs ultra-sensibles, installés à plus de vingt kilomètresde la base, avaient repéré des mouvements inexpliqués. Unemasse non identifiée se déplaçait lentement sous la surface endirection de la Base. Les signaux ne permettaient pas de déter-miner si la chose repérée était une créature vivante ou un enginmécanique, mais elle était de bonne taille et progressait en lignedroite, avec une vitesse constante, à une profondeur approximativede trente mètres. Les capteurs avaient transmis ces étranges signauxpendant quelques minutes, puis le tout avait pris fin brusquement.D’abord alarmé, le Conseil, qui présidait aux destinées du centrede recherche, avait conclu à une défaillance momentanée del’équipement. Mais deux jours plus tard, la station lunaire d’oùpartaient les navettes de ravitaillement avait cessé d’émettre. Puisles communications avec la Terre avaient été interrompues sansavertissement. Depuis plus de six mois maintenant, la centainede techniciens et de chercheurs de la Base Wells était coupée detout contact avec l’extérieur.

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Après le vent de panique initial qui avait provoqué de vivestensions au sein des différents services, la petite communautés’était ressaisie tant bien que mal et avait commencé à planifiersa survie. Mais l’atmosphère était empoisonnée, les disputes fré-quentes, et nul ne savait ce qu’il allait advenir d’eux. Il n’y avaitni armée pour les défendre ni aide extérieure possible. Personnen’avait la moindre idée de ce qui pouvait se cacher sous la surfacede la planète rouge. Tout cela n’augurait rien de bon.

Le soleil avait disparu derrière la montagne. Comme unesorte de mauvais présage, le paysage, à la fois grandiose et lugubre,avait pris une étrange coloration rouge sang. Dempsey était encoreplongé dans ses pensées quand un message radio le tira de sa rê -verie. Il devina la panique dans la voix de son interlocuteur, quilui intimait de regagner ses quartiers au plus vite. Situés à moinsde cinq kilomètres de la Base, les capteurs du secteur AeolisPalus avaient enregistré un autre signal fort. Et la chose repéréese dirigeait droit sur eux.

Les contours de la montagne et du cratère s’estompaient len-tement dans les dernières lueurs du couchant. Avant de repartir,Craig Dempsey se laissa absorber entièrement par la scène gran-diose avant de réaliser avec angoisse que c’était peut-être la dernièrefois qu’il pourrait jouir de ce spectacle.

Norbert SPEHNER

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COUVERTURE : NORBERT SPEHNER

U n orant sumérien, ses grands yeux ronds telles les lentillesd’un masque à gaz, sa longue barbe mise en plis, et cettelourde jupe à motif de serpents…

J’ai parfois ce rêve – hélas pas assez souvent –, ce rêve où jerampe dans un souterrain si étroit que je ne pourrais m’y retournersi je voulais revenir à mon point de départ, qui est (peut-être) l’undes tombeaux du cimetière imaginaire. Je dis «  imaginaire  »,mais il est basé sur un cimetière existant, la grande nécropoleverdoyante juste en face de chez moi, familière et pourtant radi-calement réaménagée, comme ces topographies oniriques annexéesà des quartiers réels, juste au-delà du bord de la carte…

Daniel SERNINE

Romancier et nouvelliste, directeur de la revue Lurelu etdirecteur littéraire de la collection Jeunesse-pop (Médiaspaul),Daniel Sernine est aussi un des plus fidèles collaborateursde Solaris, revue à laquelle il participe depuis 1975 commeécrivain, puis comme membre de l’équipe puis directeurlittéraire. Au fil des ans, Daniel Sernine a remporté denombreux prix, dont le Prix de littérature jeunesse 1984du Conseil des Arts du Canada et les Grands Prix 1992 et1996 de la science-fiction et du fantastique québécois.

Sept-cent-cinquante

Fantastique / Cauchemar

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Un hiérophante de tarot, sa robe safran constellée d’homon-cules à tête de bœuf, de lion, d’aigle ou d’éléphant.

Dans ce rêve – mauvais rêve, il faut bien en convenir –, il ya la notion que le cimetière est sur le point d’être bouleversé pardes travaux à grande échelle, de l’ordre de l’aménagement paysagerradical, et que c’est la dernière fois que je peux accéder à monsouterrain. Oui, dans le rêve, ce souterrain est à moi, en quelquesorte, ou du moins nous sommes peu nombreux à en connaîtrel’existence secrète.

Sur ce zodiaque qui enlumine un manuscrit du XVe siècle, lafigure du scorpion est manifestement due au pinceau d’un moinequi n’en avait jamais vu, une sorte de poisson à six pattes dotéd’un appendice caudal… de scorpion. Il n’avait probablementjamais vu de centaure non plus, et pourtant son sagittaire s’avèremoins bizarre.

Ou peut-être, au contraire, sont-ce ces travaux d’excavationqui ont ouvert un accès au souterrain où je suis pourtant sûrd’avoir déjà rampé, rongé par cette angoisse qui m’est familière,celle de ne pouvoir me rendre au bout avant d’être rattrapé, oude ne pouvoir trouver une issue avant que mon torse se coinceentre le sol et la voûte toujours plus rapprochés.

La reine de deniers est affublée de cornes aux spirales extra -vagantes, qui ne dépareraient pas l’antilope d’une Afrique délirée.L’artiste peignait avec un style qu’on aurait pu qualifier de naïf,s’il ne s’était agi d’Alister Crowley. Il employait rarement le vert,mais quel vert éloquent ce pouvait être sous son pinceau…

Quand j’étais petit, il y avait un parcours semblable, quicombinait péril, reptation et escalade. C’était dans un entrepôtsemi-désaffecté, où de rares manutentionnaires s’activaient selonun horaire lâche, apparemment arbitraire. Nous y accédions parun trou dans une paroi de tôle, derrière un buisson rudéral. Ils’agissait ensuite, avec la certitude de récolter des échardes, delonger de vastes casiers de planches à claire-voie – vieilles commedu bois de grange –, escalader des piles instables de caisses ou deboîtes, dans une noirceur piquée de lames de clarté solaire où notre

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passage soulevait des rubans de poussière. Nul adulte n’aurait punous suivre, tant étaient serrés les passages que nous avions dé -couverts – jusqu’au nid de poches de jute et de cartons affaissésqui était notre repaire.

Le musée de Winter Park, en Floride, détenait, jusqu’auxannées soixante, une série incomplète de vitraux sortis des ate-liers de Charles Comfort Tiffany. La série, commandée par uncambiste new-yorkais suicidé en 1929, resta inachevée pour uneraison évidente. Panneau gauche d’un triptyque destiné à savilla de Long Island, le vitrail qui nous intéresse représentait uncapricorne, de la variété qui se termine en queue de sirène. Tel -lement plus riche de sens que la variante représentant un simplebouc, il se découpait sur un fond bleu persan, traversé de laitancesplus pâles.

L’inventaire pris en 1975 releva l’absence inexpliquée duvitrail. Les deux autres éléments du triptyque se trouvaient là oùils devaient être, rangée 7, glissières 12 et 13.

Dans mon rêve, qu’il faut bien appeler cauchemar lorsquel’angoisse succède à l’inconfort, les parois entre lesquelles jerampe ne sont plus de roc, de terre durcie ni même d’argile, maisd’une substance plus molle – organique, pour tout dire. Du béluga,par exemple, mais un béluga informe dont l’intérieur serait commel’extérieur, élastique, gris perle, virant au glaireux.

Et ce qui me pourchasse – car bien sûr quelque chose mepoursuit, asymptotiquement –, c’est une lèpre bulbeuse, grisâtre,aussi inexorable que les bulles qu’on voyait croître au grandécran quand la pellicule du film commençait à fondre, mais avecla lenteur écœurante de quelque chose qui ne finira jamais.

F

— Et puis ?— Ça fait une heure qu’il délire.— Il n’y a pas à hésiter. Remettez-lui en 750 milligrammes.

Daniel SERNINE

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REQU

IEM

2519

79

COUVERTURE : MARIO GIGUÈRE

V ivant. L’œil doit être vivant. Ce serait trop simple s’il suf-fisait de modéliser un œil et de le mouler. Avec du matérieldu niveau de celui auquel nous aurons affaire, le sang ar -

tériel doit circuler dans la rétine… Nos techniciens en arriverontà imiter ça aussi. Pas encore. Pour cette opération-ci, il nous afallu comparer 793000 scans rétiniens de nos archives et d’ail -leurs.

Le Premier Choix est parfait. Il appartient à une femme d’unetrentaine d’années vivant au nord de la Colombie-Britannique.Impossible de la ramener dans l’intervalle opérationnel.

Le Second Choix appartient à un homme qui vit dans unbungalow au toit actif moucheté de rouille et de chiures. C’estcomme ça dans ce quartier. Ils laissent décrépir ce qu’ils ont

Joël CHAMPETIER

Natif de l’Abitibi (Lacorne) mais Mauricien d’adoption, JoëlChampetier a à son actif plusieurs romans et nouvelles tou-chant à la science-fiction, au fantastique et à la fantasy. Ila gagné plusieurs prix, dont le Prix Jacques-Brossard pourson roman de fantasy Le Voleur des steppes, publié chezAlire. Un de ses romans fantastiques, La Peau blanche,a été adapté pour le cinéma, domaine dans lequel ils’implique de plus en plus. Joël Champetier est aussi ré -dacteur en chef de Solaris.

Pour son œil seulement

Machines & Gadgets

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reçu du Programme d’Accession. Pourquoi se fatiguer à entretenirce qu’on a reçu gratuitement?

Je suis venu seul. Moins impressionnant qu’à trois. Zemzkyet Dail attendent dans la voiture. Pas de sonnette. Je frappe. C’estmoi qui parle, généralement. J’ai l’œil bleu et doux. On me faitconfiance.

Ça n’aurait pas changé grand-chose qu’on soit trois ou dix.Dès qu’il m’a vu à travers le grillage, le vieux s’est énervé.

— La police? J’ai rien fait.— Monsieur Achmed Chalma? Je représente le bureau de

comté des services sociaux de Desert Junction. Puis-je entrer ?— J’suis malade. Revenez un autre jour.Je n’ai eu qu’à me servir de mon poids pour arracher la barrure

rouillée. Le vieux sue à grosses gouttes, ses lèvres sont couvertesde croûtes brunes. Son précieux œil gauche frémit.

J’utilise ma voix la plus onctueuse.— Monsieur Chalma, obéissez à nos instructions, et nous vous

donnerons cinquante mille dollars. Comprenez-vous? Nous ne vouscauserons absolument aucun mal.

Le vieux s’effondre comme un sac. Il suffoque. Il a une attaque.Zemzky et Dail apparaissent, indécis.

— Merde…Ils me regardent comme si j’avais été assez fou pour le frapper.— On appellera le 911 en chemin. Il reste la fille. Allez, on

part.Le Troisième Choix, hasard étonnant, demeure à moins de

cent kilomètres du Second. Dans un tout autre genre de quartier.Son fond d’œil est encore très semblable à celui de l’Ambassadeur.Les algorithmes n’y ont vu que du feu 93 % du temps.

Il n’y a pas de Quatrième choix.La fillette a onze ans. Elle ne les paraît même pas. Brune,

mince comme une clarinette dans son uniforme, elle longe letrottoir avec une amie. Dans moins de deux minutes, le réseausera en feu. Une voiture banalisée conduite par trois hommes ennoir aura enlevé la fille unique d’un orthodontiste réputé banal etsans histoire. Légende urbaine?

En trente secondes, nous avons repéré et désactivé sa puce,et jeté son pad dans le caniveau. Plus personne ne sait où setrouve cette fillette ; sans doute pour la première fois de sa brèveet luxueuse existence.

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Elle s’est à peine débattue. Elle respire vite. On lit beaucoupde perspicacité dans ce regard. Elle a saisi que la situation nes’inscrit pas dans le registre des atrocités contre lesquelles on l’aprévenue depuis qu’elle est en âge de comprendre. Nous ne pou-vons pas être des pervers ni des violeurs. Des kidnappeurs contrerançon? Peut-être…

Je lui parle en utilisant des mots clairs. Mon explication estsi proche de la vérité que j’aurais tout aussi bien pu m’en tenir àcelle-ci. Nous sommes une équipe opérationnelle agissant sousle radar des services officiels. Une équipe noire. Elle comprendde quoi je parle. Nous allons entrer en possession d’un porte-documents protégé par un détecteur oculaire sophistiqué. Nosservices ont déterminé que son œil droit est si semblable à celuide la personne à qui appartient le porte-documents que le dé -tecteur va être confondu. (À 93 %…)

Elle s’est calmée. Tout ce qui l’entoure l’incite à nous croire.Je lis dans son regard le point de bascule : celui où elle va nousaider de son plein gré. Quand on sait s’y prendre…

Nous approchons du point de débarquement. Qu’elle soitune fillette en uniforme scolaire facilite l’affaire. Là où le vieuxaurait juré avec le luxe du décor, la fillette s’y fond aisément. Noussommes ses gardes, et elle, la fille d’une personnalité importante.

Tout a fonctionné comme prévu. Voici le porte-documents.Regarde bien droit sans ciller, petite. Tout le monde a fait sonboulot, c’est à ton tour de faire le tien.

Demain, un empire s’effondrera…

Joël CHAMPETIER

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— D’accord, d’accord, JON, je m’y mets…Comme mes illustres collègues viennent de le dire, l’histoire deSolaris est loin d’avoir été un long fleuve tranquille. En cesens, la revue a été le fidèle reflet de la société qui l’entoure.C’est qu’elle a bien changé, la Terre des hommes…

Ceux qui bénéficient du surplus-mémoire se souviennent queje commençais ainsi mon éditorial du numéro 192 (automne 2014),qui soulignait le quarantième anniversaire de Solaris. Intitulé« Entretenir la flamme… », j’y brossais un rapide portrait de larevue, mentionnais les réalisations les plus récentes et revenaissur les prédictions que j’avais lancées dans le numéro 184, l’annéeoù notre publication battait le record de longévité pour une revuede science-fiction et de fantastique francophone.

SOLA

RIS5

919

85

COUVERTURE : BENOÎT LAVERDIÈRE

Jean PETTIGREW

(Saint-Pacôme, 16 avril 1955.) A publié depuis 1981 plusde soixante nouvelles, novelettes et novellas, sans oubliercinq scénarios de théâtre interactif. Spécialiste des genreslittéraires, éditeur et directeur littéraire depuis 1984 –Le Passeur, Québec/Amérique, Alire, Solaris, Alibis… –,il s’intéresse depuis toujours aux nouveaux moyens d’ex -pression littéraire, sans toutefois délaisser les anciens.

Procrastination extrême

Histoire du futur

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Or, à l’occasion de notre 1000e numéro, daté du 22 octobre2216, je suis fier de rappeler aux incrédules que notre record delongévité est devenu multilingue et transplanétaire voici plus d’unsiècle (Solaris 413), que nous sommes une des rares publicationsdiscursives à offrir encore, envers et contre tous, un format papier– nous nous en sommes félicités en 2065 lors du Grand Effacementde l’Infonuage qui a mené à la création du SécurÉtat mondial, unecatastrophe brillamment anticipée en 2059 par Fulgence Dakoisa-Douze dans « Les Sans-passés n’ont pas d’avenir » (Solaris 396) –,que nous n’avons jamais publié un numéro en retard, même lorsdu fulgurant Solblast de l’été 2188 qui a aveuglé la Gaïa sphèrependant soixante-dix-sept jours consécutifs… et que l’équipe adéjà hâte à 2224 pour célébrer notre deux cent cinquantièmeanniversaire !

Bien entendu, je n’aurais pu superviser cet exaltant parcourssans Paul Shibako (2004-2049BMJ…), l’inventeur du bioconnecteuruniversel. En 2037, j’avais quatre-vingt-deux ans quand les Bio-MàJont enfin été autorisés, d’où mon octolook. Je n’ai jamais changémon apparence, croyant, à juste titre, que ce code âgementaire de -viendrait « in » d’une décennie à l’autre. Bon, j’attends toujours ;on ne peut toujours avoir raison. Mais revenons à Solaris…

Au moment de gravepenser ces lignes, je me remémore lesétapes auxquelles nous devions nous astreindre pour publier unnuméro au début du XXIe siècle : la lecture des nombreux textessoumis, le travail de direction littéraire avec les auteurs choisis,et toujours le martèlement du clavier, la relecture sur d’antiquesécrans, la révision linguistique, la recherche de visuel, la mise enpage, les bogues techniques, le travail fastidieux pour fignolerles volets pdf, epub, etc.

Pour cette millième publication qui, incidemment, comprenddes fictions de trois auteurs présents dans le cinq centième numéro,JON, notre IA adorée, collige l’ensemble afin de générer les troisformats de Solaris. Ne reste que mon texte à livrer. Comme d’habi -tude.

En guise de clin d’œil au numéro 192, dans lequel nous avionsproposé aux auteurs de ne pas dépasser sept cent cinquante motspour leur fiction, je respecterai cette contrainte pour l’éditorial,que j’adapterai à l’archaïque façon de discursilinéer au XXIe –on disait encore « écrire » en ce temps-là.

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Dans le format Papier (pur bois d’arbre terrestre), disponiblepar Transmat sans surcharge pour les planètes & oïdes de laDiaspora solaire1, nos abonnés devront donc utiliser un surplus-mémoire pour bien senser c’que J glotte.

Cependant, tous pourront discurser sans souci la totalité del’édito dans le format Plug, qui intègre l’abonné dans les réalitielsde Solaris peu importe la MàJ. N’oubliez pas de gravepenser lalangue désirée parmi les quarante-deux disponibles – la versionoriginale demeure principalement le franquois.

Quant à ceux qui n’ont jamais été misàjourés et ne peuventdé coder le discursilinéaire ancien utilisé dans le Papier, il y a leformat Epub5.0, intégrable sur la plupart des casques virtuels.

Bien. Pour demeurer dans la tradition, j’aimerais maintenantprédire quelques événements qui devraient se produire pendantce XXIIIe siècle :

2236 : afin d’être plus près des grands centres de création ar -tistique, Solaris transmate JON sur Ganymède ;

Gravepenser Oui : o Gravepenser Non : o2275 : Shikako, qui travaille depuis un siècle aux améliorationsdes bio-MàJ, annonce que la nouvelle MàJ éliminera définitivementla toujours dégradable composante bio. Le posthumanisme estenfin à notre portée ;

Gravepenser Oui : o Gravepenser Non : o2289 : c’est la grande MàJ finale.

JON a bien calculé. Dans l’ancienne orthographe, le nombremaximum de mots est atteint. Mais comme à mon habitude, j’aiprocrastiné à l’extrême; le numéro entre en papimpression dans…une seconde !

— SEND, JON!

Jean PETTIGREW

1 Si la destination est exosolaire, ajoutez la surcharge logarythmique requisepour chaque parsec supplémentaire.

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Enquête sur lesclassiques de science-fiction

Mario TESSIER

Suzanne Morel

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… ma préférence à moi, Julien Clerc

Dernièrement, en me promenant dans un de mes milieux préférésde chasse littéraire, je suis tombé sur une édition complète des histoiresde Ray Bradbury. Je possède déjà dans ma bibliothèque plusieursrecueils de ses nouvelles mais il m’en manque quelques-uns. Bradburyétant un des grands maîtres du genre, je me suis dit qu’une telle éditioncompléterait bien ma collection.

Toutefois, après être rentré à la maison, ravagé par le doute, etaprès vérification dans des tas de bouquins rangés dans des placardsdifficiles d’accès, je me suis aperçu que j’avais effectivement une autreédition complète de ses nouvelles. (Vous me direz qu’il est grand tempsde mettre de l’ordre dans ma bibliothèque et qu’il est plus que pro-bable que le grand âge du Futurible soit responsable de ces pertes demémoire et le rende à moitié gâteux. Je ne vous contredirai pas.)

Mais la considération première qui me vient plutôt à l’esprit estl’attirance du lecteur pour ses amours de jeunesse et l’appel renou-velé des classiques. En effet, lorsqu’un titre connu est réédité, je suistoujours intéressé à examiner l’ouvrage pour y déceler changements,suppléments, appareil critique, etc.

Il y a des auteurs classiques que je ne me lasse pas de lire et derelire; Verne et Wells en sont les premiers exemples. Je relis égalementde temps à autre des œuvres classiques qui ont marqué mes lectures dejeunesse : la trilogie Fondation d’Asimov, Demain les chiens deSimak, 2001, l’Odyssée de l’espace de Clarke, etc. Ces romans descience-fiction sont des œuvres solides, aimées par les amateurs commepar les critiques du genre. Pourtant, certaines d’entre elles montrent desdéfauts évidents, comme celles d’Asimov. Et d’autres ne suscitentplus l’intérêt, comme celles de Simak. Des auteurs à l’imaginationfabuleuse comme Cordwainer Smith, Robert Sheckley, et FredricBrown, sombrent tranquillement dans l’oubli.

Mais, peut-on se demander, existe-t-il de véritables indémodablesen science-fiction ? Est-ce seulement souhaitable de compiler desclassiques, que bien peu d’entre nous se bornerons à lire, de toutema nière, si l’on en juge par l’anxiété provoquée par les lecturesobligatoires de notre passé scolaire? Cette « bibliothèque idéale »est-elle réellement canonique où ne reflète-t-elle qu’une liste subjec -tive de préférences, destinée à évoluer avec le temps? Les ouvragesperçus comme des classiques changent-ils avec les époques?

Pour répondre à ce genre de questions, examinons d’abord leslistes établies dans le passé.

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Les classiques anglo-saxonsLe monde anglo-saxon possède de nombreux outils nous per-

mettant de nous faire une bonne idée des préférences des lecteurs. Nonseulement y établit-on régulièrement des listes d’ouvrages essentielsmais on y publie également des anthologies de « Best of » depuis 1947.

Un petit sondage effectué par August Derleth en 1949 auprèsd’une douzaine de spécialistes du genre offrait la liste suivante d’ou -vrages essentiels :

Seven Famous Novels d’H. G. WellsBrave New World d’Aldous HuxleyLast and First Men d’Olaf StapledonAdventures in Time and Space, anthologie dirigée

par Healy et McComasSlan par A. E. van VogtShort Stories d’H. G. WellsStrange Ports of Call d’August DerlethThe World Below de S. Fowler WrightThe Lost World d’A. Conan DoyleTo Walk the Night de William SloaneSirius d’Olaf StapledonGladiator de Philip WylieOn y retrouve des maîtres du genre, an -

ciens et modernes, comme Wells et van Vogt,sans compter des œuvres majeures commecelles de Huxley, Stapledon et Wylie. Toute -fois, on y voit des auteurs qui ont complètementdisparu des radars contemporains commeWright et Sloane1.

En 1952, un sondage effectué dans lespages d’Astounding auprès des lecteurs donnela liste suivante :

Adventures in Space and Time, anthologie dirigée par Healy et McComasSlan d’A. E. van VogtSeven Famous Novels d’H. G. WellsThe Man Who Sold the Moon de Robert A. HeinleinWho Goes There ? de John W. CampbellThe Best of Science Fiction, anthologie dirigée par Groff ConklinThe Martian Chronicles de Ray BradburyThe Green Hills of Earth de Robert A. HeinleinThe Science Fiction Omnibus, anthologie dirigée par Bleiler et DiktyThe Illustrated Man de Ray Bradbury

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C’est à cette époque qu’émergent Heinlein et Bradbury. Si l’onvoit beaucoup de changement dans ces premiers palmarès, c’est parceque le genre est encore en plein développement.

En 1966, le même questionnaire, réalisé dans ce qui est maintenantAnalog, produit le palmarès suivant :

The Foundation Trilogy d’Isaac AsimovSeven Famous Novels d’H. G. WellsSlan d’A. E. van VogtThe Rest of the Robots d’Isaac AsimovThe Demolished Man d’Alfred BesterChildhood’s End d’Arthur C. ClarkeThe City and the Stars d’Arthur C. ClarkeThe Martian Chronicles de Ray BradburyCity de Clifford SimakA Canticle for Leibowitz de Walter M. Miller, Jr.Les décennies 1960 et 1970 voient l’élaboration d’un corpus

d’œuvres classiques dont la qualité leur permettra de demeurer long -temps dans les palmarès des livres essentiels en science-fiction. (Cesouvrages seront d’ailleurs ceux qui influenceront la génération descinquante ans et plus au Québec.)

Presque dix ans plus tard, en 1975, unscrutin réalisé dans la revue de l’industrie,Locus, nous offre la compilation suivante :

Dune de Frank HerbertChildhood’s End d’Arthur C. ClarkeThe Left Hand of Darkness d’Ursula K. Le GuinStranger in a Strange Land de Robert A. HeinleinA Canticle for Leibowitz de Walter M. Miller, Jr.The Foundation Trilogy d’Isaac AsimovThe Stars My Destination d’Alfred BesterThe Moon is a Harsh Mistress de Robert A. HeinleinMore Than Human de Theodore SturgeonLord of Light de Roger ZelaznyOn voit que des titres qui avaient marqué les lecteurs pendant

une vingtaine d’années, comme Slan et les romans de Wells, dispa-raissent tranquillement des listes des meilleures œuvres.

Plus de vingt ans plus tard, en 1998, la même enquête menéedans Locus produit une liste sensiblement similaire avec quelquesajouts comme Ender’s Game d’Orson Scott Card et Hyperion deDan Simmons, au détriment de Sturgeon et Zelazny.

En 2012, le palmarès de Locus comprend :

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Christian SAUVÉ

Grandes aventures post-apocalyptiquesLe net penchant hollywoodien pour la destruction explique à la

fois la vague récente de films d’invasions extraterrestres et son éternelintérêt pour les aventures post-apocalyptiques. Plus encore pour l’unionentre ces sous-genres, montrant bien qu’action reste compatible avecdésolation.

Malheureusement, le mélange n’est pas toujours réussi, ce qui nousamène à discuter d’After Earth [Après la Terre], un projet tellementmal conçu qu’on a peine à croire qu’il soit parvenu aux grands écrans.La prémisse n’a déjà rien de prometteur : un millénaire après quel’humanité a émigré en masse sur une autre planète, en plein milieud’une guerre avec une race extraterrestre, un accident d’astronef faitéchouer un général et son fils sur une Terre redevenue sauvage. Alorsque le père est immobilisé par une grave blessure, c’est au fils querevient le défi de compléter un long périple à travers cet environnementdangereux pour activer une bouée de secours et, évidemment, donnerune leçon à une créature extraterrestre meurtrière.

Au vu des ratés du résultat, il est utile de savoir que le film est unorgueilleux projet de l’acteur Will Smith. Voulant jouer dans un filmen compagnie de son fils Jayden Smith, il s’est inspiré d’une véritablehistoire de survie en forêt pour proposer un scénario science-fictionnel.Le scénariste Gary Rucka et le réalisateur M. Night Shyamalan ontensuite été recrutés pour perfectionner la vision de Smith, et le projeta fait boule de neige jusqu’à son adoption par un grand studio.

Mais dès les premiers moments de ce film (dont l’imbécillité nefait que croître), il devient clair que personne n’a réussi à en faire untout satisfaisant. La narration lourde des premières minutes multiplie lesabsurdités, présentant des extraterrestres qui ne peuvent appa remment

Sci-néma

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détecter les humains que par la senteur de leur peur, une société post-terrienne incapable de manier des armes contemporaines et n’ayantpas compris que des rideaux triangulaires ne peuvent pas complètementcouvrir des fenêtres carrées, et une collision entre astéroïde et astronefqui peut envoyer les survivants un peu partout dans l’univers… maisfinit par les faire entrer en collision carrément sur la Terre abandonnéeun millénaire plus tôt. Est-ce que cela aura une si gnification particulièrepour l’intrigue? Pas vraiment – rarement a-t-on vu un futur inventéaussi laid, superficiel, ennuyeux et inutile.

Ce qui se déroule une fois les personnages immobilisés sur Terren’est guère plus intéressant. Le récit devient une série d’aventures oùle jeune protagoniste est pourchassé par des animaux radicalement« évolués » de leur forme contemporaine (en à peine mille ans!). L’issued’After Earth n’est jamais en doute, mais ce n’est même pas la pirefaute du film : le réalisateur M. Night Shyamalan (dont l’étoile a tel -lement pâli…) semble désormais incapable de livrer une réalisationexcitante ou même compétente. Le film est d’une monotonie ennuyeuse,et il faut faire preuve d’un effort de volonté pour regarder jusqu’à lafin. Si Will Smith est intéressant dans un rare rôle d’adulte mature,Jayden Smith livre une performance guindée qui n’aide en rien àrehausser l’énergie du film.

Bref, en termes purement science-fictionnels, il n’y a là rien d’autrequ’une tentative bâclée de manipuler des poncifs ordinaires. On se ditque le projet aurait été mieux réalisé dans le mode contemporain del’histoire qui l’avait inspiré : un homme et son fils, victimes d’un ac -cident d’automobile loin de la civilisation. Ici, les éléments SF ne sontpas seulement superflus : ils sont mal employés, perturbants et nuisentau film.

Oblivion [L’Oubli] s’intéresse aussi à une grande quantité dethèmes SF classiques, mais réussit à en faire quelque chose malgréplusieurs maladresses. Une liste complète des éléments SF employéspar le scénario en révélerait trop sur le film, mais la première moitiéoffre des décors post-apocalyptiques, une invasion extraterrestre, uneexpédition spatiale, des rebelles contre l’ordre établi, des robots tueurset des mémoires fantômes : tout ceci suggère un certain fouillis quipersiste dans le résultat final, mais on peut aussi (plus charitablement)y voir une certaine maturité pour le cinéma SF qui recombine ici desconcepts bien établis pour présenter une vision particulière du futursans être tirée directement de sources littéraires. (Techniquement,Oblivion n’est pas une œuvre de SF originale, puisque basée sur uneBD jamais complétée du scénariste/réalisateur Joseph Kosinski, maison peut tout de même la considérer comme telle.)

Le résultat connaît sa part de ratés. L’arrière-monde post-apoca-lyptique dans lequel se déroule le film est inconsistant, préservant des

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repères connus tels l’Empire State Building, tout en montrant despaysages (géologiquement) altérés. Tom Cruise tient la vedette et ona manifestement adapté le scénario en conséquence pour profiter de soncharme sur le public américain moyen: on ne peut qu’être hilare devantla séquence où il fait semblant de jouer dans un stade de football enportant une casquette des Yankees, avec une motocyclette près de lui…avant de prendre un petit congé à son chalet près d’un lac. Vraiment?!?Les incohérences du début nuisent à la suspension d’incrédulité né -cessaire au reste du film. Si la conclusion finit par expliquer certainsdétails illogiques, Oblivion n’est jamais tout à fait cohérent, et leslecteurs de SF seront les plus susceptibles de critiquer le résultat. Cesmêmes lecteurs d’expérience seront aussi habitués à la structure nar-rative de percée conceptuelle dont dépend le scénario, et, par consé-quent, seront moins impressionnés que les seuls cinéphiles.

Ceci dit, ne renions pas l’aspect visuel réussi du film, qui flirte avecune vision moins habituelle que de coutume et qui réussit occasion-nellement à présenter de belles images (on pensera particulièrement àla « maison dans les nuages »). L’assemblage un peu débridé de tantd’éléments SF traditionnels a aussi de quoi plaire bien plus qu’uneénième adaptation de BD super-héroïque convenue, et le jeu des acteurs– même Tom Cruise jouant Tom Cruise – n’est pas à renier. Obliviona une petite dose d’originalité, et c’est ce qu’il y a de plus réussi.

Bref, malgré un ensemble peu cohérent, Oblivion ne fait pas tropmauvaise figure en tant que film de SF contemporain. Thématiquementplus ambitieux, visuellement plus réussi que bien d’autres titres, Oblivionprouve qu’il y a une vie après l’apocalypse, et qu’il ne faut jamais perdreespoir en la capacité de Hollywood à nous surprendre, même modes-tement, surtout quand l’alternative est un mauvais plat réchauffé telAfter Earth.

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Ariane GélinasLes Villages assoupis T. 3 : EscalanaMontréal, Marchand de feuilles(Lycanthrope), 2013, 173 p.

Pour fuir un amant sadique (quilui a scarifié le corps à l’aide d’unarchet), la musicienne Abigail s’est ré -fugiée dans la maison secondaire deson frère Éphraïm près du réservoir Gouin.Lors d’une promenade près du villagedisparu d’Aven, une étrange vibrationl’attire, elle qui possède l’oreille absolue,jusqu’aux confins d’une mine abandon-née. Là, elle ouvre une salle scellée, letemple du Hurleur, entité fantastiqueimmatérielle qui tente de renaître enabsorbant des souvenirs (et des cadavres),entre autres ceux des enfants d’Hateya(sœur de Nahele, un des personnages deTranstaïga), qu’Abigail rencontre dansles environs et qui porte le même enfantdepuis neuf ans. Hateya présente Abigailà Casimir, l’Éternel Adolescent – car lecontact avec le Hurleur a eu chez luil’effet de stopper son vieillissement. Letemple du Hurleur comporte douze fosses.Après avoir comblé la dernière fosseavec le corps de Casimir qu’elle a tué etdépecé sous l’influence du Hurleur,Abigail tente de fuir, d’autant plus quel’entité a pris l’apparence de Philbert,l’amant cruel qu’elle a quitté. Mais lafuite s’avère inutile, Abigail finit parrevenir à Aven (où Hateya accouched’une enfant de pierre), puis à la mine…

Le résumé (très incomplet) ci-dessusdonne à peine une idée de la richesse

de l’imaginaire déployé par ArianeGélinas. Il y aurait dans Escalana ma -tière à bien des analyses, à commencerpar une étude symbolique sur la mater-nité : les entrailles de la femme/de laterre, les écoulements de sang néces-saires à la re/naissance du Hurleur et desvillages engloutis, l’horloge à la foismécanique et organique du Hurleur, lamécanique du temps/adolescence éter-nelle/horloge biologique de la femme, lerefus par Hateya de donner (re)naissanceà sa fille (l’enfant qu’elle porte est la

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seconde Paija), alors que le Hurleur tentepour sa part de re/naître – sans compterla remontée dans le ventre maternelauquel se livre Abigail à travers lesboyaux de la mine…

Je ne veux pas trop m’aventurerdans l’analyse des fantasmes de lafemme, je préfère me pencher sur lefantasme de l’écrivaine : en effet, quandon sait combien Ariane Gélinas est pas-sionnée par les villes et villages aban-donnés, on comprend qu’elle ait donnévie à – accouché de? – une entité fan-tastique capable de faire ressurgir deseaux les villages engloutis, une entitédésireuse d’investir et d’habiter les lieuxdésertés par les humains. Dans les veinesde quartz de la terre, Ariane Gélinasfait couler un sang surnaturel qui relieentre eux des lieux éloignés. Les vil-lages assoupis deviennent les partiesd’un même corps, les organes d’un êtrequi est vivant bien qu’immatériel. Ça, sice n’est pas un fantasme d’écrivaine…Voilà sans doute ce qui m’a séduite dansEscalana : combien de fois, en contem-plant des ruines, n’ai-je pas rêvé de re -tourner dans le temps afin de voir demes propres yeux ce qu’était la vie, lavraie vie quotidienne, des êtres humainsqui habitaient ce lieu ? Plutôt que desituer son récit dans le passé – ce quiserait le choix en littérature générale –,Ariane Gélinas use du fantastique pourréinvestir dans le présent les lieux quihabitent ses rêves. Chapeau!

Il y aurait encore beaucoup à dire…Je noterai seulement les clins d’œil quim’ont fait sourire : en effet, quelle femmen’a pas rêvé de mettre en pièce sonchum éternel adolescent, ou à tout lemoins de le voir enfin rattrapé par lamaturité? Et ces petites chaînes qui relientles trois récits composant le triptyque :les thèmes de la folie, des addictions, dela perversité amoureuse… Bref rappeldes tomes précédents, ces petits maillons

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brillants dans cette chaîne: quand Florianévoque dans L’Île aux naufrages la finqu’on a imaginée à l’existence d’Anissa,puis l’évocation du frère de Hateya dansle présent tome, ainsi que cette scènedans le train où Abigail croise un coupleet leurs filles jumelles en provenance del’île d’Anticosti…

Moi qui ne suis pas du tout unelectrice de récits d’horreur, j’ai été com-plètement envoûtée par la plume etl’imaginaire d’Ariane Gélinas. Moi quisuis d’habitude plutôt répugnée par lesscènes de sadisme, par les descriptionsde tripes et autres organes déchiquetés,je n’ai pu « débarquer » de ce voyage àtravers les villages assoupis et j’ai lud’une traite ce court – ce trop court –triptyque. Bref, on en redemande.

Francine PELLETIER

Patrick SenécalMalphas T.4 : Grande LiquidationLévis, Alire (GF), 2014, 587 pages.

Te voici à la dernière manche d’unmatch. Mais pas n’importe lequel. Celuiqui se joue entre toi, lecteur, et PatrickSenécal, l’auteur. Et je ne te parle pasde baseball ou de hockey.

Non, je te parle de littérature, machouette.

De la série Malphas, pour être plusprécis. C’est normal si tu ne savais pastrop ce que je voulais dire… On est tou -jours perdus quand on revient de Saint-Trailoin. Surtout après trois visites.

Tu as donc survécu à ces premièresmanches : Le Cas des casiers carnas-siers (2011), Torture, luxure et lecture(2012) et Ce qui se passe dans la cavereste dans la cave (2013). Et, avouons-le, ça a été tout un match. Assez trash,merci !

Maintenant, tu te demandes si tudois continuer, si tu acceptes cettedernière invitation de Patrick Senécal à

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