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55 e ANNÉE – N o 16779 – 7,50 F -1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI MERCREDI 6 JANVIER 1999 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 9 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 45 FB ; Canada, 2,25 $ CAN ; Côte-d’Ivoire, 850 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 225 PTA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 2900 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 250 PTE ; Réunion, 9 F ; Sénégal, 850 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,10 FS ; Tunisie, 1,2 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. International ............. 2 France .......................... 6 Société ......................... 8 Carnet........................... 10 Régions......................... 11 Horizons ...................... 12 Entreprises ................. 15 Communication ........ 18 Tableau de bord ........ 19 Aujourd’hui ................ 23 Abonnements ............ 24 Météorologie, jeux .. 26 Culture......................... 27 Guide culturel............ 29 Kiosque........................ 30 Radio-Télévision ....... 31 LE MONDE INITIATIVES a Le bilan de la décennie sociale a Emploi : 10 pages d’annonces classées 1989, l’année qui a changé le monde AU DÉBUT de 1989, une seule chose était sûre : ce serait l’année du bicentenaire de la Révolution française et on pouvait compter sur la République pour le fêter avec faste. On ne manquerait pas de dis- cours et de parades en l’honneur des droits de l’homme et de la dé- mocratie. Mais qui se doutait que de Berlin-Est à Varsovie, de Prague à Moscou, et jusqu’à Pékin, le mes- sage de 1789 allait servir de drapeau à des peuples réclamant la liberté jusqu’à lui ériger une statue en po- lystyrène sur la place Tienanmen, lieu symbolique du pouvoir du plus grand parti communiste du monde ? Qui prévoyait qu’à la fin de l’année un ordre international vieux de quarante ans se serait ef- fondré avec l’ouverture du mur de Berlin ? Cet ordre portait un nom : Yalta, à la suite de la conférence qui avait réuni en 1945 Staline, Roosevelt et Churchill pour sceller le sort de l’Europe. On l’appelait aussi « guerre froide » pour signifier que l’antagonisme entre les deux blocs ne devait pas déboucher sur un conflit ouvert, à cause de la dissua- sion représentée par les arsenaux nucléaires concurrents. Un ordre in- juste qui laissait dans la sphère so- viétique une moitié des Européens devenus communistes sans avoir été consultés, mais un ordre auquel les chancelleries s’étaient habituées parce qu’il assurait à l’Europe une stabilité comparable au « concert des nations » du congrès de Vienne. Dix ans plus tard, le Vieux Continent est encore à la recherche d’une nouvelle organisation. Le modèle existe. L’Europe commu- nautaire a réussi à transcender l’hostilité héréditaire entre les Etats. Officiellement, elle se propose d’ex- porter à l’Est la prospérité qu’elle a produite à l’Ouest et les méca- nismes de solution des différends fondés sur la négociation et le compromis qu’elle applique depuis des décennies. Pourtant, hors les bonnes paroles, elle reste timorée. Elle ne s’est pas préparée à accueil- lir ces « frères séparés » qui se re- vendiquent de la même culture mais qui, pendant quarante ans, ont vécu une autre vie. Elle hésite de- vant l’obstacle, pose des conditions – légitimes aux yeux des écono- mistes, déplacées pour ceux qui es- péraient des retrouvailles enthou- siastes entre les deux parties d’une même famille. Daniel Vernet Lire la suite page 14 Une exception dans le jazz ELLE ne fait pas partie de ces chanteuses à voix qui sont l’ordi- naire de l’amateur de jazz. Mais cette vieille dame est une musicienne hors pair, pianiste de formation classique, et son timbre si singulier est devenu familier aux plus jeunes grâce à la publicité de Calvin Klein pour son parfum Obsession. Londres et New York ont redécouvert Blossom Dea- rie, qui fait salle comble. Lire page 27 BLOSSOM DEARIE ROME, Alexandrie, Carthage, Beyrouth, Jé- rusalem ou Arles ? Laquelle de ces cités est re- présentée sur une fresque colorée découverte à Rome dans un cryptoportique appartenant soit au palais de Néron (64-68 après J.-C.), soit à des superstructures de l’époque de Vespa- sien (69-79) ? Depuis que cette peinture a été dévoilée, en mars 1998, chacun rivalise d’éru- dition pour localiser ce panorama grandiose et se l’approprier. Dernier candidat en date, la ville d’Arles, dont le conservateur en chef du musée affirme que le plan correspond au des- sin de cette cité ceinte de murailles surplom- bées de tours aux toits en forme de campa- niles, bordée par un pont et agrémentée d’un théâtre et d’un temple dédié, semble-t-il, à Apollon. Dès le mois d’avril 1998, Nicholas Purcell, du Saint John’s College d’Oxford, avait pris les de- vants en donnant son interprétation de l’œuvre dans la revue Nature. « Il est difficile de faire la relation avec la topographie de la Rome antique, qui ne devait acquérir de tels murs qu’à la fin du troisième siècle de notre ère », estimait le chercheur, qui ne voyait rien dans la fresque qui corresponde aux autres grandes cités ro- maines. Cet avertissement n’a pas découragé ses col- lègues. En août 1998, après qu’on eut évoqué Londres, un archéologue italien proposait la candidature de Beyrouth, suggérant que le pont ne bordait pas un fleuve, mais la Médi- terranée. « Cette proposition était assez exci- tante, note Hélène Eristoff, du Centre d’étude des peintures murales romaines (CNRS-Ecole normale supérieure). Mais elle ne tenait pas compte des fouilles récentes », qui montrent qu’il n’y avait pas de théâtre à l’emplacement correspondant à celui de la fresque. Mais que faire de toits à bulbe de facture plutôt orien- tale ? Aussi ne s’étonne-t-elle pas que certains aient pensé à Jérusalem. Eric Lewin Alschuler, de l’université de Californie, à San Diego, vient de proposer dans Nature du 24 décembre 1998 une carte de la Ville sainte avant la des- truction du second temple en 70 après Jésus- Christ, qui présenterait « plusieurs simili- tudes » avec la fresque. Répliquant dans le même numéro, Nicholas Purcell ne nie pas que la conquête de la Judée ait pu inspirer des fresques illustrant la puissance de l’Empire ro- main. Mais, assure-t-il, le temple ne ressemble pas à celui d’Hérode. Cette fresque est, af- firme-t-il, un « caprice » d’artiste incorporant des merveilles de la Jérusalem d’Hérode. Dans cette course aux interprétations, il faut désormais compter avec un outsider : Arles. Son conservateur des musées, Claude Sintès, clame être sûr « à 80 % » que la ville dépeinte est en fait « Ar-Lath ou Arelate » qui, en celte, désigne « la ville située face aux marécages ». Il reprend à son compte une hypothèse formulée par un amateur italien, Feruccio Lombardi, mais admet que quelques détails « clochent », ce qui ne le surprend guère, les géomètres ro- mains étant volontiers approximatifs. Pour- quoi ont-ils représenté une ville aussi mo- deste ? « Il s’agit sans doute d’une portion d’un ensemble plus vaste, avance Claude Sintès. Un peu comme si ne subsistait de la fresque de la gare de Lyon que le panneau dépeignant Péze- nas. » Et d’ajouter que les interprétations concurrentes « ne s’appuient sur rien ». En février, le surintendant de Rome, qui a la charge des fouilles, doit présenter au Louvre les dernières recherches sur la fresque mysté- rieuse. Peut-être aura-t-elle, d’ici là, suscité de nouvelles vocations. Hervé Morin Querelle de clocher autour d’une fresque de Néron ou Vespasien 1983 1991 1998 Emplois temporaires (CDD, intérim, etc.) en % des emplois salariés 0 2 4 6 8 10 12 Insécurité : le mauvais chiffre de 1998 b Les crimes et délits ont augmenté de 2,7 % durant les onze premiers mois de l’année, selon la police et la gendarmerie b Après trois ans de baisse, la délinquance s’accroît, notamment chez les mineurs b M. Chirac presse M. Jospin de faire face à une situation « très préoccupante » Les 35 heures face aux juges a LA MISE en place des 35 heures et les horaires de travail des cadres soulèvent de nombreuses questions juridiques. Pour la première fois en France, un dirigeant d’entreprise, le PDG d’une filiale de Thomson CSF, de- vra répondre devant un tribunal de grande instance d’« exécution d’un travail clandestin ». Le pro- cureur de la République de Ver- sailles estime, comme l’inspection du travail, que faire effectuer des heures supplémentaires non dé- clarées peut être assimilé à du tra- vail dissimulé, au même titre que le travail au noir. D’autre part, la signature dans les banques d’un accord sur les 35 heures par une seule organisation, le SNB-CGC, relance la question de la représen- tativité syndicale. Lire page 15 a L’aventure de l’embryon Deuxième volet de notre enquête sur l’embryon qui, à la neuvième semaine, at- teint 30 mm de long, et quelques jours plus tard, devient fœtus. p. 12 a Cuba : embargo assoupli Les Etats-Unis devaient annoncer mardi des « mesures de soutien à la population cubaine », notamment des services pos- taux et un renforcement des liaisons aé- riennes. p. 32 a Elf : l’impunité d’Alfred Sirven Alfred Sirven, l’homme-clé de l’affaire Elf, n’est réellement recherché qu’en Suisse. Le mandat d’arrêt international délivré contre lui devrait être diffusé dans les se- maines à venir. p. 9 et notre éditorial p. 14 a Zones franches : un constat brutal Deux ans après leur création, l’inspection générale des affaires sociales dresse un piètre bilan des « zones franches ur- baines », dont l’existence pourrait être re- mise en cause par le gouvernement. p. 8 a L’appel du préfet d’Ile-de-France Dans un entretien au Monde, Jean-Pierre Duport affirme que l’Etat doit aider la ré- gion à « tenir son rang dans la compéti- tion internationale ». p. 11 a Football : Blatter, seul maître du jeu L’idée d’un Mondial tous les deux ans, avancée par le président de la FIFA, ne de- vrait pas s’appliquer avant 2008. Cet épi- sode prouve le pouvoir de Sepp Blatter sur le monde sportif. p. 23 a La fraternité, prochaine utopie Une Europe privilégiant les services vitaux de santé et d’éducation « en créant les conditions d’une réelle égalité dans leur accès », telle serait, selon Jacques Attali, la prochaine utopie. p. 13 a Art : faire ses courses Il suffit d’oublier les grands noms pour trouver dans les galeries d’art parisiennes des œuvres contemporaines à moins de 5 000 francs (762,25 euros). Guide shopping. p. 28 L’effet euro a Le Japon redoute une forte hausse de la monnaie des Onze a A Paris, son premier ministre proposera un contrôle des fluctuations dollar-euro-yen a Première journée euphorique dans les places financières européennes Lire pages 2, 3, 16 et nos nouvelles pages « Bourse » DURANT les onze derniers mois de 1998, la délinquance dans l’Hexa- gone a augmenté de 2,7 % par rap- port à 1997. Ces chiffres des crimes et délits enregistrés par la préfec- ture de police de Paris, la direction centrale de la sécurité publique en province et la gendarmerie natio- nale marquent une augmentation sensible après trois années de baisse, en 1995, 1996 et 1997. Cette hausse, qui mesure l’activité de quelque 7 000 services de police et de gendarmerie à partir des procès- verbaux de police judiciaire, est iné- galement répartie sur le territoire. La préfecture de police, à Paris et en petite couronne, et la gendarmerie, en charge des zones rurales ou péri- urbaines, ont plus été touchées que la sécurité publique, compétente, elle, dans les villes de province. A l’exception notable de novembre : ce mois-là, la sécurité publique y a enregistré une hausse de plus de 7 % des faits constatés par rapport à 1997. La délinquance des mineurs poursuit son explosion statistique, commencée en 1994 : en 1998, le chiffre devrait atteindre environ 20 %. Recevant, lundi, les vœux du gou- vernement, Jacques Chirac a jugé « très préoccupante » cette situation, mettant le gouvernement devant ses responsabilités. A l’évidence, le président est informé de ces statis- tiques alarmantes, encore confiden- tielles. Jean-Pierre Chevènement, qui a repris, lundi, ses fonctions au ministère de l’intérieur, avait remis au premier ministre, à la fin de la se- maine dernière, une note sur ce su- jet, longue d’une trentaine de pages. A Strasbourg, trois jeunes gens ont été condamnés à des peines de prison – huit mois dont quatre ferme pour deux d’entre eux, dix mois dont cinq ferme pour le troi- sième – par le tribunal correction- nel, à la suite des incidents violents qui ont eu lieu dans le Bas-Rhin pendant la nuit de la Saint-Syl- vestre. Lire page 6

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    55e ANNÉE – No 16779 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIMERCREDI 6 JANVIER 1999

    25 ATS ; Belgique, 45 FB ; Canada, 2,25 $ CAN ;Côte-d’Ivoire, 850 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce,500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 2900 L ; Luxembourg,46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas,3 FL ; Portugal CON., 250 PTE ; Réunion, 9 F ;Sénégal, 850 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,10 FS ;Tunisie, 1,2 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

    ROME, Alexandrie, Carthage, Beyrrusalem ou Arles ? Laquelle de ces cité

    Querelle de

    Emplois temporaires

    Insécurité : le mauvais chiffre de 1998b Les crimes et délits ont augmenté de 2,7 % durant les onze premiers mois de l’année, selonla police et la gendarmerie b Après trois ans de baisse, la délinquance s’accroît, notamment

    chez les mineurs b M. Chirac presse M. Jospin de faire face à une situation « très préoccupante »

    a Cuba : embargo

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    DURANT les onze derniers moisde 1998, la délinquance dans l’Hexa-

    commencée en 1994 : en 1998, lechiffre devrait atteindre environ

    gone a augmenté de 2,7 % par rap-port à 1997. Ces chiffres des crimeset délits enregistrés par la préfec-ture de police de Paris, la directioncentrale de la sécurité publique enprovince et la gendarmerie natio-nale marquent une augmentationsensible après trois années debaisse, en 1995, 1996 et 1997. Cettehausse, qui mesure l’activité dequelque 7 000 services de police etde gendarmerie à partir des procès-verbaux de police judiciaire, est iné-galement répartie sur le territoire.La préfecture de police, à Paris et enpetite couronne, et la gendarmerie,en charge des zones rurales ou péri-urbaines, ont plus été touchées quela sécurité publique, compétente,elle, dans les villes de province. Al’exception notable de novembre :ce mois-là, la sécurité publique y aenregistré une hausse de plus de7 % des faits constatés par rapport à1997. La délinquance des mineurspoursuit son explosion statistique,

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    Cet avertissement n’a pas découragé ses col-lègues. En août 1998, après qu’on eut évoqué

    firme-t-il,des merve

    clocher autour d’une fresque de Néron ou

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    vernement, Jacques Chirac a jugé« très préoccupante » cette situation,mettant le gouvernement devantses responsabilités. A l’évidence, leprésident est informé de ces statis-tiques alarmantes, encore confiden-tielles. Jean-Pierre Chevènement,qui a repris, lundi, ses fonctions auministère de l’intérieur, avait remisau premier ministre, à la fin de la se-maine dernière, une note sur ce su-jet, longue d’une trentaine de pages.

    A Strasbourg, trois jeunes gensont été condamnés à des peines deprison – huit mois dont quatreferme pour deux d’entre eux, dixmois dont cinq ferme pour le troi-sième – par le tribunal correction-nel, à la suite des incidents violentsqui ont eu lieu dans le Bas-Rhinpendant la nuit de la Saint-Syl-vestre.

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    ’annéeé le mondedevenus communistes sans avoirété consultés, mais un ordre auquel

    un « caprice » d’artiste incorporantilles de la Jérusalem d’Hérode.

    Vespasien

    une forte haussede la monnaiedes Onzea A Paris,son premier ministreproposera un contrôledes fluctuationsdollar-euro-yena Première journéeeuphorique dansles places financièreseuropéennes

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    « Bourse »

    Les 35 heuresface aux jugesa LA MISE en place des35 heures et les horaires de

    présentée sur une fresque colorée découverteà Rome dans un cryptoportique appartenantsoit au palais de Néron (64-68 après J.-C.), soità des superstructures de l’époque de Vespa-sien (69-79) ? Depuis que cette peinture a étédévoilée, en mars 1998, chacun rivalise d’éru-dition pour localiser ce panorama grandiose etse l’approprier. Dernier candidat en date, laville d’Arles, dont le conservateur en chef dumusée affirme que le plan correspond au des-sin de cette cité ceinte de murailles surplom-bées de tours aux toits en forme de campa-niles, bordée par un pont et agrémentée d’unthéâtre et d’un temple dédié, semble-t-il, àApollon.

    Dès le mois d’avril 1998, Nicholas Purcell, duSaint John’s College d’Oxford, avait pris les de-vants en donnant son interprétation del’œuvre dans la revue Nature. « Il est difficile defaire la relation avec la topographie de la Romeantique, qui ne devait acquérir de tels murs qu’àla fin du troisième siècle de notre ère », estimaitle chercheur, qui ne voyait rien dans la fresquequi corresponde aux autres grandes cités ro-maines.

    Londres, un archéologue italien proposait lacandidature de Beyrouth, suggérant que lepont ne bordait pas un fleuve, mais la Médi-terranée. « Cette proposition était assez exci-tante, note Hélène Eristoff, du Centre d’étudedes peintures murales romaines (CNRS-Ecolenormale supérieure). Mais elle ne tenait pascompte des fouilles récentes », qui montrentqu’il n’y avait pas de théâtre à l’emplacementcorrespondant à celui de la fresque. Mais quefaire de toits à bulbe de facture plutôt orien-tale ?

    Aussi ne s’étonne-t-elle pas que certainsaient pensé à Jérusalem. Eric Lewin Alschuler,de l’université de Californie, à San Diego,vient de proposer dans Nature du 24 décembre1998 une carte de la Ville sainte avant la des-truction du second temple en 70 après Jésus-Christ, qui présenterait « plusieurs simili-tudes » avec la fresque. Répliquant dans lemême numéro, Nicholas Purcell ne nie pasque la conquête de la Judée ait pu inspirer desfresques illustrant la puissance de l’Empire ro-main. Mais, assure-t-il, le temple ne ressemblepas à celui d’Hérode. Cette fresque est, af-

    Dans cette course aux interprétations, il fautdésormais compter avec un outsider : Arles.Son conservateur des musées, Claude Sintès,clame être sûr « à 80 % » que la ville dépeinteest en fait « Ar-Lath ou Arelate » qui, en celte,désigne « la ville située face aux marécages ». Ilreprend à son compte une hypothèse formuléepar un amateur italien, Feruccio Lombardi,mais admet que quelques détails « clochent »,ce qui ne le surprend guère, les géomètres ro-mains étant volontiers approximatifs. Pour-quoi ont-ils représenté une ville aussi mo-deste ? « Il s’agit sans doute d’une portion d’unensemble plus vaste, avance Claude Sintès. Unpeu comme si ne subsistait de la fresque de lagare de Lyon que le panneau dépeignant Péze-nas. » Et d’ajouter que les interprétationsconcurrentes « ne s’appuient sur rien ».

    En février, le surintendant de Rome, qui a lacharge des fouilles, doit présenter au Louvreles dernières recherches sur la fresque mysté-rieuse. Peut-être aura-t-elle, d’ici là, suscité denouvelles vocations.

    Hervé Morin

    travail des cadres soulèvent denombreuses questions juridiques.Pour la première fois en France, undirigeant d’entreprise, le PDGd’une filiale de Thomson CSF, de-vra répondre devant un tribunalde grande instance d’« exécutiond’un travail clandestin ». Le pro-cureur de la République de Ver-sailles estime, comme l’inspectiondu travail, que faire effectuer desheures supplémentaires non dé-clarées peut être assimilé à du tra-vail dissimulé, au même titre quele travail au noir. D’autre part, lasignature dans les banques d’unaccord sur les 35 heures par uneseule organisation, le SNB-CGC,relance la question de la représen-tativité syndicale.

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    France .......................... 6Société ......................... 8Carnet........................... 10Régions......................... 11Horizons ...................... 12Entreprises ................. 15Communication ........ 18

    Aujourd’hui ................ 23Abonnements ............ 24Météorologie, jeux .. 26Culture......................... 27Guide culturel............ 29Kiosque........................ 30Radio-Télévision ....... 31

    Une exceptiondans le jazz

    du bicentenaire de la Révolutionfrançaise et on pouvait compter surla République pour le fêter avecfaste. On ne manquerait pas de dis-cours et de parades en l’honneurdes droits de l’homme et de la dé-mocratie. Mais qui se doutait quede Berlin-Est à Varsovie, de Pragueà Moscou, et jusqu’à Pékin, le mes-sage de 1789 allait servir de drapeauà des peuples réclamant la libertéjusqu’à lui ériger une statue en po-lystyrène sur la place Tienanmen,lieu symbolique du pouvoir du plusgrand parti communiste dumonde ? Qui prévoyait qu’à la finde l’année un ordre internationalvieux de quarante ans se serait ef-fondré avec l’ouverture du mur deBerlin ?

    Cet ordre portait un nom : Yalta,à la suite de la conférence qui avaitréuni en 1945 Staline, Roosevelt etChurchill pour sceller le sort del’Europe. On l’appelait aussi« guerre froide » pour signifier quel’antagonisme entre les deux blocsne devait pas déboucher sur unconflit ouvert, à cause de la dissua-sion représentée par les arsenauxnucléaires concurrents. Un ordre in-juste qui laissait dans la sphère so-viétique une moitié des Européens

    les chancelleries s’étaient habituéesparce qu’il assurait à l’Europe unestabilité comparable au « concertdes nations » du congrès de Vienne.

    Dix ans plus tard, le VieuxContinent est encore à la recherched’une nouvelle organisation. Lemodèle existe. L’Europe commu-nautaire a réussi à transcenderl’hostilité héréditaire entre les Etats.Officiellement, elle se propose d’ex-porter à l’Est la prospérité qu’elle aproduite à l’Ouest et les méca-nismes de solution des différendsfondés sur la négociation et lecompromis qu’elle applique depuisdes décennies. Pourtant, hors lesbonnes paroles, elle reste timorée.Elle ne s’est pas préparée à accueil-lir ces « frères séparés » qui se re-vendiquent de la même culturemais qui, pendant quarante ans, ontvécu une autre vie. Elle hésite de-vant l’obstacle, pose des conditions– légitimes aux yeux des écono-mistes, déplacées pour ceux qui es-péraient des retrouvailles enthou-siastes entre les deux parties d’unemême famille.

    Daniel Vernet

    Lire la suite page 14

    International ............. 2 Tableau de bord ........ 19

    ELLE ne fait pas partie de ceschanteuses à voix qui sont l’ordi-naire de l’amateur de jazz. Mais cettevieille dame est une musicienne horspair, pianiste de formation classique,et son timbre si singulier est devenufamilier aux plus jeunes grâce à lapublicité de Calvin Klein pour sonparfum Obsession. Londres et NewYork ont redécouvert Blossom Dea-rie, qui fait salle comble.

    Lire page 27

    BLOSSOM DEARIE

    a L’aventurede l’embryonDeuxième volet de notre enquête surl’embryon qui, à la neuvième semaine, at-teint 30 mm de long, et quelques joursplus tard, devient fœtus. p. 12

    assoupliLes Etats-Unis devaient annoncer mardides « mesures de soutien à la populationcubaine », notamment des services pos-taux et un renforcement des liaisons aé-riennes. p. 32

    d’Alfred SirvenAlfred Sirven, l’homme-clé de l’affaire Elf,n’est réellement recherché qu’en Suisse.Le mandat d’arrêt international délivrécontre lui devrait être diffusé dans les se-maines à venir. p. 9

    et notre éditorial p. 14

    un constat brutalDeux ans après leur création, l’inspectiongénérale des affaires sociales dresse unpiètre bilan des « zones franches ur-baines », dont l’existence pourrait être re-mise en cause par le gouvernement. p. 8

    d’Ile-de-FranceDans un entretien au Monde, Jean-PierreDuport affirme que l’Etat doit aider la ré-gion à « tenir son rang dans la compéti-tion internationale ». p. 11

    seul maître du jeuL’idée d’un Mondial tous les deux ans,avancée par le président de la FIFA, ne de-vrait pas s’appliquer avant 2008. Cet épi-sode prouve le pouvoir de Sepp Blattersur le monde sportif. p. 23

    prochaine utopieUne Europe privilégiant les services vitauxde santé et d’éducation « en créant lesconditions d’une réelle égalité dans leuraccès », telle serait, selon Jacques Attali,la prochaine utopie. p. 13

    Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 9 F ; Autriche,

    Il suffit d’oublier les grands noms pourtrouver dans les galeries d’art parisiennesdes œuvres contemporaines à moins de5 000 francs (762,25 euros). Guideshopping. p. 28

    LE MONDE INITIATIVES

    a Le bilan dela décennie socialea Emploi : 10 pagesd’annonces classées 1983 1991 1998

    (CDD, intérim, etc.)en % des emplois salariés

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    I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / MERCREDI 6 JANVIER 1999

    La confiance des grandesentreprises nippones

    Beaucoup des grandes sociétésjaponaises ont adopté, lundi4 janvier, l’euro comme monnaiede référence de leurs échangesavec l’Europe tout en poursuivantleurs affaires comme d’habitudeet en assurant qu’elles ne seraientpas affectées par le lancement dela monnaie unique européenne.Le géant électronique Sony Corp.et le contructeur d’ordinateursFujitsu Ltd. ont déclaré utiliserl’euro comme monnaie de lacomptabilité de toutes leurs fi-liales européennes, y compriscelles situées en territoire britan-nique. Pour le constructeur auto-mobile Toyota, l’apparition del’euro n’aura pas d’autre consé-quence que de diminuer lenombre de monnaies dans les-quelles il devra traiter. Le Japonest le quatrième partenairecommercial de l’Euroland, mêmesi le Japon n’entre que pour 5,32 %dans les échanges commerciauxavec les pays de la zone, soit loinderrière la Grande-Bretagne(17,01 %) et les Etats-Unis (14,12 %).

    « M. Yen » s’inquièted’une hausse trop rapide de la nouvelle monnaie

    Le vice-ministre japonais des finances, Eisuke Sakakibara, estpréoccupé par une appréciation trop rapide de l’euro face au yen etau dollar, qui serait négative pour l’économie mondiale. « Il existedes inquiétudes sur une forte progression de l’euro face au dollar et auyen », a indiqué M. Sakakibara, dans un entretien publié, mardi5 janvier, par le quotidien Nihon Keizai Shimbun. « Notre tâche dansl’immédiat est de faire face à un possible renchérissement excessif del’euro qui pourrait intervenir d’ici au milieu de cette année », a affirmél’homme qui a été surnommé « M. Yen ». Pour M. Sakakibara, « il estcrucial de garantir la stabilité des trois monnaies que sont le yen, le dol-lar et l’euro ». Le yen, qui se traînait, il y a six mois, à ses plus bas ni-veaux face au dollar depuis huit ans est revenu, mardi, au plus hautdepuis deux ans. « Il serait souhaitable de discuter d’un nouveau cadrepour coordonner les politiques de chacun, ce qui serait plus solide que lesystème actuel d’interventions coordonnées ponctuelles », a-t-il ajouté.

    « Une opportunité pour le système monétaire »La naissance de l’euro va

    « rééquilibrer les relations moné-taires internationales » et devraitpousser l’Europe à peser sur lareconstruction du système mo-nétaire international, a déclaré,lundi 4 janvier, le commissaireeuropéen, Yves-Thibault de Sil-guy, chargé des affaires moné-taires. La place de l’euro va aug-menter dans les transactionscommerciales et financières etpourrait atteindre, selon les ex-perts, quelque 30 %, a-t-il fait va-loir lors d’un entretien accordé àla chaîne LCI. « Nous devons re-prendre le dialogue avec les Amé-ricains sur un pied plus d’égalitépour essayer de trouver des systèmes permettant d’obtenir une meil-leure stabilité internationale », a t-il poursuivi. « La naissance de l’euroest une opportunité pour l’Europe de participer à la reconstruction dusystème monétaire international, qui en a bien besoin », a-t-il ajouté.

    AUTRES DEUTSCHEMARK

    DOLLARYEN

    48%

    15%

    32%

    5%

    La faible part du yen

    PART DES MONNAIES DANS LES RÈGLEMENTS COMMERCIAUXMONDIAUX

    MONNAIES Le premier ministrejaponais, Keizo Obuchi, commence,mercredi 6 janvier à Paris, une visitedans trois pays européens pour ras-surer sur l’avenir de l’économie nip-

    pone en difficulté et tenter d’éviterla marginalisation du yen face audollar et à l’euro. M. Obuchi vientdéfendre auprès des dirigeants eu-ropéens l’idée d’un système moné-

    taire tripolaire (euro, dollar, yen).b LE SURSAUT du Japon pour fairedu yen une monnaie internationalesemble tardif. Et ce projet difficile àréaliser en période de crise. La dé-

    pendance du Japon à l’égard desEtats-Unis ne le place pas en posi-tion de revendiquer un statut inter-national pour sa monnaie. b LA RÉ-FORME du système financier

    international, rendue nécessaire parl’ampleur de la crise asiatique, estpour l’instant au point mort malgréde nombreuses propositions et lapersistance des menaces.

    Le Japon veut sauver le yen face à la puissance de l’euro et du dollarLe premier ministre japonais commence à Paris une tournée européenne pour promouvoir un système monétaire international « tripolaire ».

    Malgré la crise, la refonte des mécanismes financiers mondiaux est toujours en gestation

    La réforme du système financier international se fait toujours attendre... DEPUIS le début de la crise asia-

    tique, qui a dévasté les pays d’Asie,s’est propagée à la Russie et auBrésil et a provoqué un ralentisse-ment marqué de la croissancemondiale, les grandes puissancesn’ont cessé de décortiquer lesfailles d’une planète financièredont le fonctionnement leur aéchappé.

    La perspective de l’euro a permisd’amortir le choc en Europe en des-sinant une zone de stabilité salu-taire. Pour les Américains, le lance-

    ment de la monnaie unique neconstitue pas une menace pour ledollar, si le gouvernement améri-cain poursuit une politique budgé-taire qui maintienne le billet vertattractif pour les investisseursétrangers. Par contre Tokyo, dont ledélabrement économique estpatent, craint d’être le « dindon dela farce » et plaide pour une coopé-ration monétaire renforcée.

    Depuis des mois, le diagnosticdes causes de la crise est unanimeet désigne les marchés comme cou-

    pables des turbulences : c’est leurlibéralisation trop rapide, prônéedepuis des années par les tenantsde l’orthodoxie financière et qui apermis des flux gigantesques de ca-pitaux spéculatifs et volatils. La rus-ticité des systèmes bancaires et lacollusion constatée entre le pou-voir et le monde des affaires danscertains pays émergents a fait lereste.

    Depuis l’automne, les proposi-tions de remèdes n’ont pas manquépour tenter de remettre de l’ordreet apprivoiser la volatilité des mar-chés qui déstabilise les monnaies.Mais pour l’instant, aucune déci-sion n’a été prise, comme si lecalme relatif retrouvé et la menaced’une implosion mondiale écartéepar le sauvetage momentané duBrésil, il n’y avait plus urgence.

    En attendant l’émergence du sys-tème financier du troisième millé-naire, chacun avance ses solutions.Lundi 4 janvier, dans un point devue paru dans le Financial Times, lefinancier George Soros – qui sait dequoi il parle puisque son fonds spé-culatif a perdu des millions de dol-lars en Russie et en Malaisie – pré-conise de transformer le FMI enune Banque centrale mondiale.Pour échapper aux fluctuations dé-

    vastatrices des monnaies, les diri-geants de l’Association des nationsd’Asie du sud-est (Asean) réflé-chissent à la création d’une mon-naie commune pour « restaurer laconfiance, relancer la croissance etpromouvoir la stabilité financièredans la région ».

    Les institutions de BrettonWoods et le G7 planchent égale-ment sur les différents chantiers dela réforme du système financier in-ternational :

    b Modernisation des marchésde capitaux : l’une des pistes suiviepour améliorer le bon fonctionne-ment des flux est d’une part de sur-veiller étroitement le volume del’endettement à court terme,d’autre part d’élargir la missionFMI à la surveillance de tous lesmouvements de capitaux. Celapasse également par une meilleureinformation de la part des institu-tions publiques et privées (lesbanques mais aussi les assurances,les fonds de pension, les fonds d’in-vestissement), la supervision dusecteur financier non-bancaire, lamise en place d’infrastructures fi-nancières juridiques et sociales mo-dernes dans les pays en développe-ment et le respect des règlesfinancières internationales par les

    centres off-shore. Le président dela Bundesbank, Hans Tietmeyer, aété mandaté par ses pairs pour exa-miner la façon dont peuvent coo-pérer les organismes de surveil-lance et le secteur privé pourdéfinir ces nouvelles règles. Il de-vrait rendre ses conclusions lors duG7 du 20 février.

    b Bonne gouvernance : il s’agitd’un des points-clé de la préventiondes crises. L’effort doit porter surl’adoption par les pays du respectd’un environnement juridique etdes règles de transparence en ma-tière économique et statistique, surl’éradication de la corruption et lebannissement de la collusion entreles gouvernements et les milieuxd’affaires.

    b Adaptation du FMI : afin derendre l’action du FMI plus effi-cace, la France, à laquelle se sontralliés les membres de l’Union eu-ropéenne, a proposé un renforce-ment du « gouvernement » de l’ins-titution en transformant le Comitéintérimaire, organe consultatifbiannuel de vingt-quatre membresreprésentatifs des pays membres,en un conseil politique décision-naire dont le rythme des réunionss’adapterait aux problèmes du mo-ment.

    b Coopération plus étroiteentre les différentes institutions :la rapidité de la propagation de lacrise et la nécessité d’y répondrequasi-instantanément a montré leslimites de la coopération entre lesinstitutions de Bretton Woods (FMIet Banque mondiale). De même,aucune coordination n’a eu lieuentre le FMI et la Banque des règle-ments internationaux, pourtantchargée de surveiller les mouve-ments de capitaux.

    b Implication du secteur privé :il a alimenté sans retenue la créa-tion de bulles financières dans lespays en développement. La ques-tion de l’aléa moral, c’est-à-dire lamise à contribution du secteur pri-vé dans la prévention et la résolu-tion des crises est l’un des pointsque les organismes multilatérauxvont devoir résoudre par une meil-leure coordination en amont descrises.

    Mettre la communauté interna-tionale au diapason d’une mêmerègle du jeu n’est évidemment pasfacile. L’Allemagne, qui exerce de-puis le 1er janvier la présidence del’Union européenne et celle du G7aura un rôle décisif à jouer.

    Babette Stern

    PROFIL

    UN « BŒUF EMPESÉ »MAIS DÉTERMINÉ

    Qualifié de « pizza froide » par la presse américaine,Keizo Obuchi, soixante et un ans, n’était pas l’hommeque les Japonais, déprimés par la crise, attendaient.Jugé terne et triste, homme de coulisses, sans compé-tence économique, le ministre des affaires étrangèresd’Hashimoto était le moins populaire de trois candi-dats à la sucession du premier ministre, après l’échecdu Parti libéral démocrate (PLD, au pouvoir depuisquarante ans) aux élections partielles de juillet 1998.

    Conscient de ses faiblesses, M. Obuchi s’est qualifiélui-même de « bœuf empesé » et de « M. Ordinaire ».Mais il a mis en garde : « On dit que je suis un hommetrès, très ordinaire. On dit que je suis doux et bon parnature... mais je veux que vous compreniez que je suisun homme qui fait ce qui doit être fait. » Sur le terrainde l’humour, il a contre-attaqué en lançant : « Les piz-zas, ça se réchauffe ! » Sur le plan économique, il a an-noncé un plan de relance au montant record pour

    l’économie nippone. Et dans une action présentéecomme décisive, il a nationalisé en décembre 1998 laNippon Credit Bank criblée de dettes. Las !, la popula-rité du chef du gouvernement ne décolle pas. Les mi-lieux d’affaires doutent toujours de sa capacité à sortirle pays de la récession (le PIB à chuté de 3 % en 1998).Et la population, pour la première fois victime du chô-mage, continue à souffrir du « blues nippon ».

    Alors, cet homme d’appareil, entré en politique àl’âge de vingt-six ans, en héritant du mandat de dépu-té de son père et qui a fait toute sa carrière dansl’ombre de l’ancien premier ministre Takeshita, conti-nue de manœvrer en coulisses pour asseoir son pou-voir. Il prépare pour son retour au Japon un remanie-ment ministériel, grâce auquel il intègrerait dans soncabinet des membres du Parti libéral. Même siM. Obuchi n’a pas encore convaincu, c’est un hommequi a fait preuve de méthode et de détermination, desa capacité à manœuvrer dans des situations délicates.Ce qui laisse certains espèrer que cet appartchik duPLD sera, à l’image de Mikhaïl Gorbatchev, l’hommede la perestroïka à la japonaise.

    Jean-Baptiste Naudet

    TOKYOde notre correspondant

    Ce n’est pas un premier ministretriomphant, « caracolant » à la têted’un pays en expansion qui

    commence,mercredi6 janvier à Pa-ris, une visitedans trois payseuropéens(France, Italieet Allemagne).Keizo Obuchi

    vient davantage en voyage de« promotion ». On ne peut certesplus qualifier de « marchand detransistors » – expression du géné-ral de Gaulle dans les années 60 – lechef de gouvernement de la se-conde puissance économiquemondiale. Mais l’économie nip-pone continue à aller mal. Et en dé-pit des congratulations officielles,le lancement de l’euro sème l’in-quiétude à Tokyo. Les dirigeantsnippons se sentent mal à l’aise, à latraîne. Ils sont conscients d’avoirraté le coche de l’internationalisa-tion de leur monnaie et craignentqu’elle soit marginalisée entre ledollar et l’euro.

    La politique menée par M. Obu-chi depuis son accession au pou-voir en août (programme de re-dressement du système bancaire,décision méritoire de nationaliserla banque Nippon Credit, plan derelance d’un montant record) tardeà se concrétiser. Et l’économie nip-pone ne se dégage pas de la « dé-prime », bien que l’on puisse espé-rer poindre une reprise à l’été. Maisd’ici là, de mauvaises surprises nesont pas à exclure avec des compa-gnies d’assurance au bord du

    gouffre et une Bourse inquiète de lamontée du yen par rapport au dol-lar qui entame la compétitivité desentreprises nippones à l’extérieur.La première mission de M. Obuchien Europe sera donc de rassurer surl’avenir de l’économie nippone.

    La seconde sera d’assurer la sur-vie du yen en proposant à ses inter-locuteurs la création d’une « nou-velle architecture monétairemondiale » par la mise en placed’un système de change qui, touten respectant le principe de flotte-ment des monnaies, permettrait delimiter les fluctuations des paritésgrâce à un mécanisme de concerta-tion trilatérale nippo-euro-améri-cain comportant une réforme dufonctionnement du Fonds moné-

    taire international (FMI). Au fil dece processus, Tokyo espère pro-mouvoir une internationalisationdu yen qui deviendrait la monnaiepivot de l’Asie. Les dirigeants japo-nais se sont aperçus que la margi-nalisation de leur monnaie, prise enétau entre le dollar et l’euro, va dé-tourner les investisseurs des em-prunts en yen ou de la Bourse deTokyo et que les entreprises nip-pones seront plus vulnérables auxfluctuations des parités. « L’idéal, adéclaré M. Obuchi dans son dis-cours du Nouvel An, serait un par-tage des responsabilités mondialesentre trois monnaies. »

    Selon le Nihon keizai, quotidiendes milieux économiques, M. Obu-chi compterait sur l’amitié du pré-

    sident français pour le Japon pourapporter son appui à cette « diplo-matie du yen » et se faire l’avocatauprès des dirigeants européensd’un système monétaire tripolaire.

    Le Japon, la grande puissance enAsie, entend apparaître assumerses responsabilités dans la région, àcommencer peut-être par celle del’avoir laissée dans une dépen-dance excessive du dollar. Au-jourd’hui, dit-on à Tokyo, un ac-croissement de l’utilisation du yendans les transactions commercialeset financières contribuerait à stabi-liser les économies asiatiques. L’in-ternationalisation du yen serait enoutre l’aboutissement du vasteprogramme de déréglementationdu système financier japonais (BigBang).

    Le sursaut nippon est cependanttardif. Et l’ambition de Tokyo– faire de yen une monnaie inter-nationale – est plus difficile à réali-ser qu’elle ne l’était il y a une di-zaine d’années lorsque l’archipelétait au faîte de la puissance. Maisses dirigeants d’alors avaient craintl’impact négatif d’une internatio-nalisation du yen sur les exporta-tions. Et surtout peut-être la pertede contrôle de leur monnaie. Auplus fort de la flambée du yen enété 1995 (lorsque le dollar valait80 yens), la question de l’interna-tionalisation du yen refit briève-ment surface. Aujourd’hui, le Ja-pon est talonné par l’urgence. Maisla pente est plus difficile à remon-ter. Alors que l’euro est lancé, le yenreste peu utilisé comme monnaiede compte (moins que le mark) etles facturations libellées en yenssont rares, excepté en Asie.

    Sans doute les crises financièresde la région et les rancœurs qui s’ymanifestent à l’égard du FMIconjuguées à l’impact de l’euroconcourent-elles à créer un envi-ronnement favorable à la proposi-tion japonaise. Tokyo conduit enoutre une diplomatie active dans larégion pour mettre en œuvre uneaide de 30 milliards de dollars des-tinée à son redressement financier.Ce programme, dont les prêts sontlibellés en yen, pourrait-il amorcerune internationalisation de fait dela monnaie nippone ? Les échangesimportants entre le Japon et le restede l’Asie (bien qu’ils aient diminuéen raison de la récession, l’archipeldemeure le premier partenaire decelle-ci), les crédits commerciaux etles programmes d’assistance (le Ja-pon est son premier bailleur d’aideau développement dans la région)sont libellés en yen. Ils concourentà donner une assise régionale à lamonnaie nippone. Tokyo a d’autrepart proposé à la Corée du Sud un

    accord de libre-échange favorisantles transactions en yens. Mais l’idéeest accueillie sans enthousiasme àSéoul.

    En dépit de l’importance régio-nale du yen, son internationalisa-

    tion suscite le scepticisme. Pour ef-fective qu’elle soit ladéréglementation du système fi-nancier n’est pas aussi rapide quecertains le souhaitent. Le marchédes changes a été libéralisé mais ce-lui des obligations manque de sou-plesse et de liquidités. Et le régime

    fiscal n’est pas encore adéquat. Enoutre, l’ambition de Tokyo de fairedu yen une devise internationaleintervient alors que les banques ja-ponaises sont contraintes à « ra-mener de la toile » à l’étranger en

    raison de leur problèmes internes.A ces questions de technique fi-

    nancière s’en ajoutent d’autres : leséquilibres géopolitiques. Certainsexperts japonais en sciences poli-tiques soulignent la dépendance duJapon vis-à-vis des Etats-Unis enmatière de sécurité. Celle-ci neplace guère Tokyo en position derevendiquer un statut internationalpour le yen. Si la monnaie uniqueeuropéenne apparaît effective-ment comme un puissant ancragemonétaire, les Etats-Unis ont-ils in-térêt à voir une autre monnaie seposer en concurrent du dollar ?L’Europe dispose d’une indépen-dance stratégique vis-à-vis desEtats-Unis que le Japon est loind’avoir. Dans son cas, il est vrai-semblable que Washington saurafaire sentir sa tutelle (comme ce futtoujours le cas dans le passé) le jouroù, à ses yeux, les Japonais iront« trop » loin avec le yen.

    Un test de la dépendance japo-naise sera la réaction de Washing-ton si Tokyo commence simple-ment à diversifier trop fortementen euros ses réserves en devises(qui sont actuellement à 90 % endollars). La Chine d’autre part, auxambitions hégémoniques régio-nales évidentes, verra-t-elle d’unbon œil la consécration internatio-nale du yen ? Les Japonais nepeuvent en tout cas entreprendre lalongue marche de l’internationali-sation de leur monnaie sans uneconcertation renforcée avec les Eu-ropéens.

    Philippe Pons

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    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / MERCREDI 6 JANVIER 1999 / 3

    Les Danois moins méfiantsvis-à-vis de l’euro

    STOCKHOLMde notre correspondant

    en Europe du Nord« Je crois que le mieux pour le Da-

    nemark, pour l’emploi et pour notresociété de bien-être serait qu’un journous rejoignions l’euro. » Exprimantson « point de vue personnel » lorsdu traditionnel discours télévisé dupremier ministre, vendredi 1er jan-vier, le social-démocrate Poul Ny-rup Rasmussen n’a pas fait mystèrede ses préférences. Le messagen’est pas nouveau en soi. Ce quil’est, en revanche, c’est qu’une ma-jorité de Danois semblent penser lamême chose que lui. Sept des huitsondages effectués depuis octobre1998 donnent l’avantage aux parti-sans de l’euro : 48 % sont désormaispour, 42 % contre et 10 % indécis,selon la dernière enquête d’opinionen date, publiée le 31 décembre. Unrevirement de tendance étonnant,lorsqu’on se souvient de l’hostilitéexprimée il y a encore quelquesmois par la majorité des Danois.

    C’est en partie à cause de cetteopposition que la population duroyaume avait dû s’y reprendre àdeux fois pour adopter par référen-dum le traité de Maastricht, jugétrop fédéraliste. Et encore ne dit-elle finalement « oui », en 1993,qu’à une version du texte purgée dequatre thèmes alors tabous dans leroyaume : monnaie unique, dé-fense commune, citoyenneté euro-péenne et coopération judiciaire.Une version agréée auparavant parles partenaires européens de Co-penhague, qui se voyaient ainsi ac-corder quatre exemptions. Résul-tat, le Danemark est, avec laGrande-Bretagne, la Suède et laGrèce, l’un des quatre paysmembres de l’Union européenne(UE) à ne pas faire partie de la zoneeuro, bien qu’il respecte les critèresde convergence économique pour yaccéder.

    Comment expliquer la volte-faceactuelle ? Dès l’automne 1998, lesDanois purent constater les pre-mières conséquences d’une non-adhésion à la monnaie unique. Leurdevise, la couronne, fut secouéelors de la crise boursière mondiale.Les investisseurs internationaux dé-laissèrent le royaume, forçant sabanque centrale à vendre des de-

    vises étrangères et à augmenter lestaux d’intérêt pour défendre la cou-ronne. Ces remous, cumulés auxcontrecoups des crises asiatique etrusse, ont-ils inquiété les Danois ?A moins qu’ils n’aient plus prosaï-quement réalisé que leurs vacancesà l’étranger seraient plus coû-teuses ? Toujours est-il que le venta tourné.

    Depuis 1993, il existe un consen-sus parmi la classe politique, enmajorité favorable à l’euro, selonlequel tout abandon d’une desexemptions sera soumis au préa-lable à l’approbation populaire. Laquestion est désormais de savoirquand une telle consultation pour-ra avoir lieu. Au début de l’été, laplupart des observateurs esti-maient que le pays attendrait laGrande-Bretagne et la Suède avantde s’y risquer. « Le gouvernementdoit être très sûr de lui, car si le“non” l’emporte, le Danemark serabloqué pour dix ans au moins », esti-mait alors Karsten Sjkalm, cher-cheur à l’Institut danois des affairesinternationales. Un avertissementqui vaut encore aujourd’hui. De-puis l’automne, le premier ministrea fait preuve de prudence en assu-rant que le référendum n’aurait paslieu avant 2001. Il faut, a-t-il dit, ques’instaure d’ici là « un large débatnational sur le pour et le contre » del’Union économique et monétaire(UEM).

    Certains sont toutefois pressésd’aller plus vite et s’appuyent surl’évolution de l’opinion publiquepour plaider leur cause. Ainsi la mi-nistre de l’économie, Marianne Jel-ved, membre du Parti radical, alliéaux sociaux-démocrates au gouver-nement, a-t-elle prôné une consul-tation « bien avant 2001 ». Mais sonopinion reste très minoritaire parmila classe politique. Techniquement,l’adhésion à l’euro pourrait se fairerapidement. La couronne danoiseest déjà attachée à la nouvelle ver-sion du système monétaire euro-péen, le SME bis, ce mécanisme derégulation des taux de change pourpays hors zone euro. Copenhaguefait d’ailleurs tout pour que sa de-vise suive au plus près la monnaieunique.

    Antoine Jacob

    Le chef du gouvernement espagnol décolle dans les sondagesMADRID

    de notre correspondanteEst-ce le premier « effet euro » sur la poli-

    tique espagnole ? Au moment où, galvaniséepar l’euro, la Bourse de Madrid s’envolait, lundi4 janvier, le chef du gouvernement, José MariaAznar, l’homme qui a porté son pays dans legroupe de tête de la monnaie unique, décollaitlittéralement dans les sondages. Et ce pour lapremière fois en deux ans de mandat.

    Les difficultés de M. Aznar à acquérir dansl’opinion publique une « visibilité » à la hau-teur des succès enregistrés par son gouverne-ment ou son parti (le Parti populaire, conserva-teur) sont connues. On le disait méfiant, secret,assez autoritaire. En un mot, avec une imageaussi rigide que la moustache drue lui barrantle visage, le président du conseil avait du mal àpasser. En quelques mois, tout s’est pourtantcorrigé.

    Le virage au « centre », amorcé cet été, avecla mise à l’écart des plus voyants chiens degarde conservateurs, et l’attitude résolumentplus ouverte au dialogue de l’équipe au pou-voir, y ont été pour beaucoup. Mais aussi le« relookage » discret, opéré sur un premier mi-

    nistre plus décontracté, chaleureux et à lamoustache subtilement éclaircie. Les balbutie-ments de la paix au Pays basque, l’euro et l’an-nonce de la baisse des impôts (une valeur sûre)ont fait le reste. Bref, s’il y avait des électionsaujourd’hui, le PP l’emporterait sur les socia-listes, par 6,8 % d’avance.

    SATISFACTION DES ÉLECTEURSAinsi, dans un récent sondage du quotidien

    El Mundo, José Maria Aznar l’emporte person-nellement de plus d’un point (un record) surl’inséparable troïka socialiste : le charismatiqueex-premier ministre Felipe Gonzalez, l’intellec-tuel candidat aux prochaines élections, JoséBorrell, ou le populaire secrétaire du parti, Joa-quin Almunia. Mieux, les électeurs trouvent legouvernement plutôt très bien, 30 % des élec-teurs socialistes étant de cet avis. On ne lui re-proche sérieusement qu’une chose : avoir, dansun excès d’américanophilie, approuvé sans motdire les bombardements en Irak.

    On comprend, dans ces conditions, que lenouveau centriste mais toujours prudent chefdu gouvernement, tirant les enseignements dudésastre essuyé par Jacques Chirac en son

    temps, au lieu d’avancer les élections, ait an-noncé qu’il respecterait le calendrier prévupour l’an 2000. L’année qui vient, il est vrai, se-ra difficile pour les socialistes, avec l’annoncede nouveaux procès sur les GAL, ces comman-dos antiterroristes de libération responsablesde vingt-huit assassinats dans les milieuxbasques radicaux du sud de la France dans lesannées 80, dont le premier, cet été, s’est soldépar la condamnation de l’ex-ministre de l’inté-rieur socialiste, José Barrionuevo. Par ailleurs,la justice s’intéresse aussi au scandale desfonds dits « réservés » du ministère de l’inté-rieur, au temps des socialistes. Une vraiebombe à retardement.

    Enfin, dernier cadeau de bonne année à leurpremier ministre déjà comblé, les Espagnolsl’ont placé deuxième, derrière le juge Garzón,dans la liste des hommes de l’année pour 1998.Il surpasse un astronaute, deux joueurs de ten-nis et même le populaire latin lover d’Holly-wood, Antonio Banderas, nouveau Zorro àl’écran. Et battre Zorro, ça c’est vraiment unexploit.

    Marie-Claude Decamps

    L’Allemagne accueille le successeur du deutschemarkavec une grande sérénité

    FRANCFORTde notre correspondant

    « Der Euro ist da », clament lesbanderoles disposées au cœur dela Bourse de Francfort. L’euro estlà et les Allemands, pourtant ré-putés sceptiques à l’égard de lamonnaie unique, semblent vivreles premiers jours de cette nou-velle ère européenne avec unegrande sérénité. La journée dulundi 4 janvier, présentée commecruciale, s’est passée dans lecalme. Le soir, certains com-mentateurs parlaient même de« Traumstart », un départ de rêve,pour une devise en passe de rem-placer le très populaire deutsche-mark.

    Les premiers pas de l’euro, dontla parité avec le mark (1 euro vautun peu moins de 2 deutschemarks,à 1,95595 deutschemark) rend lescalculs mentaux bien moinscompliqués qu’en France, ont-ilsrassuré les Allemands ? Le nombredes consommateurs qui se sontlancés dans des achats libellés eneuros est comme ailleurs très mar-ginal. Mais au fil des enquêtesd’opinion, l’euro gagne en sympa-

    thie. 56 % des gens, selon un der-nier sondage, seraient désormaisfavorables à son introduction,alors que les opposants sont res-tés longtemps majoritaires.

    Les nombreuses émissions télé-visées consacrées au sujet sou-lignent avec une belle unanimitéla très bonne tenue de la monnaieeuropéenne vis-à-vis du dollar,apportant un début de réponse ausouci, quasi existentiel en Alle-magne, d’« un euro aussi fort que ledeutschemark ». L’évolution de laBourse ne peut que calmer les es-prits ; les principales actions sesont bien comportées lundi. L’in-dice des valeurs allemand, le DAX,a progressé de 5 %.

    Lundi, la presse avait retenu sonsouffle. Mais la monnaie uniqueest revenue en force mardi matinà la « une » des quotidiens. « L’eu-ro démarre comme une monnaieforte », se réjouit la SüddeutscheZeitung, qui constate que « lesadaptations techniques à la nou-velle monnaie européenne se sontdéroulées sans anicroche et parfoisplus rapidement que prévu ». Pourle quotidien bavarois, le succes-

    seur du deutschemark « est sur lemeilleur chemin pour devenir unemonnaie de réserve mondiale ».Die Welt, quotidien pro-européenconservateur, observe que « l’euroa fêté une entrée réussie sur lesmarchés financiers internatio-naux » et bénéficie « d’un bonus deconfiance », alors que la Frankfur-ter Allgemeine Zeitung reste plusmesurée et parle d’un lancement« sans difficulté ».

    UNE PRUDENTE RETENUELa classe politique affiche, de

    son côté, une prudente retenue.Elle se passionnait davantage, encette rentrée politique de janvier,pour le projet du gouvernementd’accorder la double nationalitéaux enfants d’immigrés, contre le-quel s’érigent les partis de droite.A l’instar du ministre des finances,Oskar Lafontaine, qui avait préfé-ré rester en vacances plutôt quede participer, jeudi 31 décembre, àla cérémonie de lancement del’euro à Bruxelles, ce qui lui a valuune salve de critiques, les hommespolitiques ne se sont pas précipi-tés pour célébrer l’avènement de

    la nouvelle monnaie. Aucune per-sonnalité n’était présente lundimatin à la Bourse de Francfortpour assister aux premières cota-tions, alors que DominiqueStrauss-Kahn est venu encouragerles professionnels parisiens de lafinance. C’est le commissaire eu-ropéen, Yves-Thibault de Silguyqui est venu jouer à Francfort les« M. Euro ».

    Les nouveaux dirigeants seconcentrent sur la présidence alle-mande de l’Union, commencée le1er janvier, et dont ils tiennent àfaire un succès. Le chancelierSchröder, qui était toujours lundià Marbella, où il a dîné avec lechef du gouvernement espagnolJosé Maria Aznar, a réaffirmé dansle magazine Der Spiegel sa volontéde boucler, d’ici à mars, la réformedu financement de l’Union, en ob-tenant une baisse de la contribu-tion allemande. Il a brandi en casd’échec la menace d’un report del’élargissement de l’Union ou de lafin de certains programmes de co-hésion.

    Philippe Ricard

    Plus de trois mille sans-abri cet hiver à StockholmSTOCKHOLM

    de notre correspondanten Europe du Nord

    Les manifestations sont rares enSuède. Il faut la fermeture d’unegrosse usine, le ras-le-bol des im-pôts ou un crime raciste pour fairedescendre les gens dans la rue, laplupart du temps en petit nombre.Le 30 décembre, une trentaine depersonnes rassemblées devant leParlement de Stockholm dénon-çaient ainsi « ces politiciens qui fer-ment les yeux » sur les problèmesdes sans-abri et des exclus.

    L’ambiance était plutôt bon en-fant, avec distribution aux pas-sants de petits pains briochés et decafé par des sans-abri eux-mêmes.En cette fin d’année, les médiass’étaient penchés sur cette catégo-rie pour constater, une fois deplus, que leur situation avait empi-ré. Mais le phénomène « ne dispa-raît pas après Noël, lorsque les télé-visions ont rangé leurs caméras. Lasociété doit continuer à œuvrer toutau long de l’année pour résoudre ceproblème », selon Uno Svedin,membre de l’association NouvelleCommunauté, à l’origine de la ma-nifestation. « Les autorités et leschercheurs montrent un désintérêt

    extraordinaire pour ces questions »,écrivait l’universitaire Hans Sward,dans un quotidien, le 3 janvier.

    Les organisations caritatives es-timent à trois mille cinq cents lenombre de personnes sans loge-ment à Stockholm. Elles seraientmille à Göteborg et plus de huitcents à Malmö, les deux autresprincipales villes du pays. La ma-jeure partie d’entre elles trouventtoutefois refuge dans différentesinstitutions. « A Stockholm, environquatre cents personnes se retrouventdehors la nuit sans savoir où aller »,calcule Lennart Eld, qui dirige unfoyer de l’Armée du salut dans labanlieue de la capitale. Ce sontelles qui frappent à sa porte, sielles peuvent payer 40 couronnes(4,26 euros) la nuit. On les croiseaussi à la gare ou à bord des busde nuit.

    Selon M. Eld, l’état de santé dessans-abri s’est dégradé au fil desannées. Aux alcooliques de na-guère ont succédé les toxicomaneset les personnes souffrant detroubles psychiques. Les premiersfurent délaissés par les services so-ciaux, contraints de réduire leursactivités et leur personnel à caused’un vaste plan d’austérité mis en

    place par le gouvernement poursortir le pays de la crise écono-mique du début des années 90. Lessecondes se retrouvèrent à la ruequasiment du jour au lendemain, àla suite de la réforme du secteurpsychiatrique. Fermer des institutsspécialisés pour réintégrer leurspatients dans la société : tel étaitl’objectif du gouvernement. Maissa mise en pratique fut loin d’êtreréussie et elle coïncidait en outreavec les fortes réductions budgé-taires. L’Etat et les communesn’étaient plus en mesure d’assurerl’impressionnant service social desdécennies précédentes.

    DE L’ÉTAT AU PRIVÉ« Le peuple suédois croyait que

    son niveau de bien-être ne serait ja-mais remis en cause... », note StinaDahlgren, fondatrice dès 1951d’une association caritative pourles exclus et les personnes seules,Fatimaunionen. « Lors de la dé-pression des années 30 aussi, la si-tuation était dure, mais on savaitcomment se débrouiller. C’est beau-coup plus difficile aujourd’hui d’ac-cepter la pauvreté, après avoir vécudans l’opulence », explique cetteseptuagénaire. La société est deve-

    nue plus égoïste, moins respon-sable. Dans certains quartiers, deshabitants s’opposent à l’ouverturede foyers pour exclus. Pour beau-coup de Suédois, c’est à l’Etat etnon à eux-mêmes qu’il revient des’occuper du quart-monde. A quoicela sert-il sinon de payer tantd’impôts ? Cette mentalité est tou-tefois en train d’évoluer, comme lemontre une participation accruedes jeunes aux œuvres caritatives.

    « Beaucoup de gens savent main-tenant ce que ça veut dire de vivredans des conditions sommaires »,constate Jessica Blom, une béné-vole qui offrit un Noël décent àdes sans-abri de Malmö. Organisa-tions non gouvernementales et as-sociations religieuses d’entraiden’avaient pas pignon sur rue dutemps du welfare flamboyant or-chestré par le pouvoir social-dé-mocrate, qui revendiquait alors lemonopole de l’action sociale. Au-jourd’hui encore, certains éluscommunaux continuent à voird’un mauvais œil ce genre d’initia-tives privées. La crise économiquea toutefois fini par les rendre in-contournables.

    A. J.

  • LeMonde Job: WMQ0601--0004-0 WAS LMQ0601-4 Op.: XX Rev.: 05-01-99 T.: 10:56 S.: 111,06-Cmp.:05,11, Base : LMQPAG 39Fap:100 No:3134 Lcp: 700 CMYK

    Tansu Ciller, comme un poissondans les eaux troublesde la politique turque

    4 / LE MONDE / MERCREDI 6 JANVIER 1999 I N T E R N A T I O N A L

    Touchépar l’affaireMandelson,Tony Blaircontre-attaque

    LONDRESde notre correspondant

    Fidèles de la méthode Coué, lesconservateurs veulent y voir lesigne d’un « effondrement progres-sif » du gouvernement travailliste– que les sondages n’indiquentpas. Les supporteurs de Tony Blairestiment plutôt qu’il s’agit d’uneferme tentative de reprise en mainpar le premier ministre. Vendettaou coup de balai, une chose estsûre : la démission, lundi 4 janvier,de Charlie Whelan – troisième vic-time de l’affaire Mandelson-Ro-binson en dix jours – fait plutôtdésordre pour la nouvelle annéetravailliste et témoigne de la per-sistance des querelles intestinesprofondes entre les « anciens » etles « modernes » de ce parti. « Lescomplots et contre-complots qui sesuccèdent au cœur du gouverne-ment, ironisait, lundi, Mike Russel,un politicien indépendantisteécossais, donnent à l’équipe Blairl’allure d’une véritable cour médié-vale. »

    Charlie Whelan était le conseil-ler de presse du chancelier del’Echiquier, Gordon Brown. Il estsoupçonné – « à tort », jure-t-il –d’avoir causé la chute de PeterMandelson, l’ancien puissant mi-nistre du commerce extérieur au-to-éjecté du gouvernement le22 décembre après que la presseeut révélé l’emprunt secret de3,5 millions de francs (530 000 eu-ros) qu’il avait contracté auprès deson richissime collègue des postes,Geoffrey Robinson (égalementdémissionnaire le même jour). Se-lon le Mirror du mardi 5 janvier,c’est le propre frère de M. Brownqui aurait révélé discrètement à unjournaliste l’existence de l’em-prunt secret qui causa la chute deM. Mandelson.

    « FAISEUR D’IMAGES »Ancien rival de Tony Blair à la

    direction travailliste et ennemi ju-ré de Peter Mandelson, lui-mêmeconsidéré comme le « toutou » dupremier ministre, Gordon Brown,qui doit régulièrement proclamersa loyauté vis-à-vis du « patron »tant elle apparaît douteuse àbeaucoup, se retrouve aujourd’huiconsidérablement affaibli par ledépart − exigé par Tony Blair, dit-on − de son conseiller de presse. Ilest vrai qu’à quarante-quatre ans,dont cinq au service de M. Brown,Charlie Whelan était, pour le mi-nistre des finances, beaucoup plusqu’un simple porte-parole, un« manipulateur de grande classe,qui savait “vendre” son ministre àla presse », reconnaissent ses en-nemis. « Qui vit par l’image meurtpar l’image », ironise encore MikeRussel. Avant de devenir ministreen 1997, Peter Mandelson, qu’onappelait alors « le prince des té-nèbres », assumait la même fonc-tion de faiseur d’image auprès deTony Blair...

    Mais, au-delà de l’importancedémesurée prise ces dernières an-nées par tous ces jeunes sorciersde la communication dans la poli-tique britannique – une soixan-taine d’entre eux seraient au-jourd’hui régulièrement appointéssur fonds publics par les différentsministères –, la bataille des « spin-doctors », les faiseurs d’images, re-couvre sans doute des rivalités po-litiques plus sérieuses.

    La nomination, lundi, par le pre-mier ministre de deux personnali-tés qui lui sont totalement dé-vouées – Lord Falconer et DawnPrimarolo –, pour remplacer res-pectivement Peter Mandelson à latête du projet-phare des célébra-tions du millénaire – le Dôme deLondres – et Goffrey Robinson auposte de trésorier-payeur général,démontre que Tony Blair entendgarder en main le ferme contrôlede la politique gouvernementale.Au moment où de plus en plus devoix, au sein de la gauche travail-liste, dénoncent la dérive droitièredu gouvernement, où certains,comme John Prescott, vice-pre-mier ministre et allié du chancelierGordon Brown, évoquent « les va-leurs » du travaillisme, sous-en-tendu « à l’ancienne », Tony Blairse rebiffe.

    Patrice Claude

    ALORS QUE le premier ministreturc désigné, Yalim Erez, mettait ladernière touche à son cabinet, quidevait être composé des trois par-tis de la coalition actuelle, TansuCiller, dirigeante du Parti de lajuste voie (DYP), a lancé, lundi4 janvier, une attaque de dernièreminute qui menace de détruire cetédifice politique délicat.

    Mme Ciller a pratiquement cla-qué la porte au nez de M. Erez, unde ses anciens proches collabora-teurs, lorsqu’il est venu demanderla coopération du DYP. Elle a en-suite relancé l’idée d’un gouverne-ment minoritaire formé par BülentEcevit, dirigeant du Parti démocra-tique de gauche (DSP), qui seraitsoutenu de l’extérieur par plu-sieurs partis et dirigerait le paysjusqu’aux élections, prévues pourle 18 avril. Tansu Ciller avait pour-tant très récemment rejeté cettehypothèse.

    Ce revirement surprise de l’an-cien premier ministre (1993-1996),qui fut ensuite la partenaire privi-légiée de l’islamiste Necmettin Er-bakan dans son gouvernement(1996-1997), a été accueilli favora-blement par M. Ecevit, vétéran dela gauche nationaliste qui, à l’âgede soixante-quatorze ans, ne voitpas d’un mauvais œil l’idée de re-venir au pouvoir. Bülent Ecevit,qui a récemment échoué dans satentative de former un gouverne-ment, a cependant précisé que cemandat étant actuellement entreles mains de M. Erez, il ne pouvaitrien faire tant que le président dela République, Suleyman Demirel,ne lui avait pas repassé le flam-beau.

    VINGT ET UN PARTIS EN LICETansu Ciller a également obtenu

    le soutien – crucial – de son rivalconservateur, Mesut Yilmaz, diri-geant du Parti de la mère patrie(ANAP), qui contrôle 137 des550 sièges à l’Assemblée nationale.Après sa discussion avec Mme Cil-ler, M. Yilmaz a déclaré que « pourla première fois, il semble que noussoyons arrivés à un consensus sus-ceptible d’obtenir la majorité au

    Parlement ». A eux trois, les partisde Tansu Ciller, Mesut Yilmaz etBülent Ecevit contrôlent 297 dessièges parlementaires, ce qui leurdonne une marge considérable, lamajorité requise pour le vote deconfiance étant de 276 voix.

    Accusée de corruption, critiquéepour son alliance avec les isla-mistes et ses liens avec l’extrême-droite, Tansu Ciller a néanmoinsdémontré, à plusieurs reprises, sonhabileté à manœuvrer dans leseaux troubles de la politiqueturque. L’arrivée de Yalim Erez aupremier plan de la scène politiquela menaçait directement, ce qui l’apoussée à agir. L’ancien présidentde l’Union des chambres decommerce semble en effet être lecandidat choisi par l’« establish-ment » pour prendre en mains lesrênes de la droite centriste, uneplace que Mme Ciller et Mesut Yil-maz se disputent âprement depuisdes années.

    Le programme de réformes am-bitieux proposé par Yalim Erezavait alimenté les soupçons del’opposition – les islamistes et leparti de Mme Ciller – qui craignaitque, une fois en place, son gouver-nement ne tente de retarder lesélections anticipées, avec l’accorddu chef de l’Etat et de l’armée, quisouhaitent éviter un succès électo-ral des islamistes. Ceux-ci ont ce-pendant, pour l’instant, refusé desoutenir la proposition de Mme Cil-ler.

    Les 35 millions d’électeurs turcsdevront choisir, le 18 avril, parmivingt et un partis alignés sur unbulletin de vote qui mesure ainsi86 centimètres... Les fonction-naires et employés de l’Etat quisouhaitent se lancer dans la car-rière politique doivent soumettreleur démission avant le 11 janvierpour être éligibles. Faute de pro-gramme politique et d’idées nou-velles, les diverses formations sontactuellement à la recherche decandidats médiatiques suscep-tibles d’attirer l’attention d’élec-teurs désillusionnés.

    Nicole Pope

    a La Maison Blanche a écarté,lundi 4 janvier, l’éventualité d’unreport du discours sur l’état del’Union, le traditionnel exposé depolitique générale, qui sera pré-senté par le président Bill Clintondevant les deux Chambres duCongrès réunies le 19 janvier. « Leprésident est très concentré sur lapréparation de son discours surl’Etat de l’Union. Il a prévu de leprésenter le 19 janvier et, à maconnaissance, personne au Congrèsne nous a approché ou demandéd’en modifier la date », a déclarélundi le porte-parole de la MaisonBlanche, Joe Lockhart.

    Nouvelle rumeur sur le passé du président américainSelon des informations publiées par The Star, un magazine améri-

    cain grand public, un garçon de treize ans aurait fait l’objet d’un testde recherche génétique afin de déterminer si Bill Clinton est sonpère. L’enfant, Danny Williams, est le fils d’une prostituée noire del’Arkansas, Bobbie Ann Williams, qui affirme avoir eu Bill Clintoncomme client à de nombreuses reprises, à l’époque où celui-ci étaitgouverneur de l’Arkansas.

    D’après le quotidien New York Post, Mme Williams aurait passé unaccord avec le Star et réservé ses déclarations à son journaliste ve-dette, Richard Gooding, celui qui avait rendu publique, en 1996, larelation de l’ancien conseiller de Bill Clinton, Dick Norris, avec uneprostituée, le forçant ainsi à la démission. Selon Richard Gooding, lamère et l’enfant sont tenus cachés dans un endroit secret dans l’at-tente des résultats d’un test ADN. La Maison Blanche s’est refusée,jusqu’à ce jour, à tout commentaire sur cette affaire.

    Les sénateurs divisés sur la forme du procès ClintonLe chef de la majorité républicaine du Sénat, Trent Lott, devra convaincre les extrémistes de son parti d’en finir au plus vite

    avec l’affaire Lewinsky en préférant le vote d’une censure à une tentative de mener à son terme la procédure de destitutionLes républicains au Sénat américain sont divi-sés sur la forme et la durée du procès du pré-sident Clinton, qui devrait débuter en fin desemaine devant la Chambre haute. Le nou-veau Congrès, issu des élections de no-

    vembre 1998, entame sa session, mercredi6 janvier, avec le procès en tête d’affiche auSénat. Les sénateurs conviennent qu’un votedestituant M. Clinton est quasiment exclu.Une destitution doit en effet recueillir l’as-

    sentiment de deux tiers des sénateurs, soit67 voix, alors que les républicains ne dis-posent que de 55 sièges contre 45 pour lesdémocrates. Les sénateurs abandonneraientla procédure de destitution pour débattre

    d’une motion de réprimande condamnant laconduite de Bill Clinton. Ce scénario bénéfi-cie du soutien du leader de la majorité répu-blicaine au Sénat, Trent Lott, pourtant issudes milieux ultraconservateurs.

    PORTRAITUn ultra-conservateurqui saitnéanmoins passerdes compromis

    WASHINGTONde notre correspondant

    Alors que les parlementaires re-tournent au Capitole après lesfêtes de fin d’année et que va re-

    prendre la procédure de jugementde Bill Clinton, tous les yeux deWashington se tournent versTrent Lott, le chef de la majoritérépublicaine au Sénat. C’est en ef-fet à lui qu’il revient de ramener lecalme parmi ses troupes, alors quele poids de l’histoire passe de laChambre des représentants à laChambre haute du Congrès.

    C’est sur cet homme discret, or-donné, très conservateur, qui saitcombiner un esprit des plus parti-sans et un sens du deal de couloir,que retombera la responsabilitédu déroulement de la dernièrephase de cet engrenage qui pour-rait conduire à la destitution duprésident.

    Qu’il cède à ses penchants – et àses amis de la droite chrétienne –,et le procès risque de s’éterniser,souillant encore plus l’image, nonseulement de M. Clinton, mais duSénat et de tout le monde poli-tique ; que ses instincts à éclipsede leadership impartial et d’effica-cité l’emportent, et qu’il parvienneà convaincre une majorité de sesamis de se rallier au compromisnégocié avec les démocrates, etl’affaire pourrait être enlevée enquelques jours ou semaines. Qu’il

    réussisse, et il fera un triomphe ;que le procès s’enlise, et beaucouplui en tiendront rigueur.

    Car le sénateur du Mississippiest une personnalité complexe. Ilsait un jour rompre le consensusnational et dénoncer les bombar-dements de l’Irak par son propreprésident − avant d’être contraintde reculer piteusement –, et unautre négocier avec ses adver-saires politiques un accord sur unthème qu’il exècre, le salaire mini-mum ; bon fonctionnement du Sé-nat oblige. C’est par lui que passe-ra, ou ne passera pas, la solutionque la plupart espèrent. Si les sé-nateurs démocrates sont relative-ment unis en faveur d’une censuredu président, il faudrait aussi,pour que le compromis négociéentre Trent Lott et Tom Daschle,son homologue démocrate, soitacceptable, qu’il recueille l’avald’une majorité de républicains.

    KU KLUX KLAN EN COSTUMEAgé aujourd’hui de cinquante-

    sept ans, Trent Lott a été durant leWatergate le plus jeune membrerépublicain de la commission judi-ciaire de la Chambre lors de l’en-quête contre Richard Nixon, dontil fut l’un des farouches défen-seurs. Il en a gardé un souvenirqui, comme chez nombre de sesamis, s’exprime dans un désir −plus ou moins rentré − de re-vanche. Il a ensuite été Chief Whip(chargé d’assurer la discipline) deson parti à la Chambre avant de ledevenir au Sénat, où il a été élu en1988. Il sera donc soumis à réélec-tion en l’an 2000, ce qui expliquepeut-être son désir d’en finir auplus tôt avec une affaire Clintonqui empoisonne les relations entre

    le Parti républicain et l’opinionpublique.En homme du Sud, ilaime à apporter à ses administrésles largesses de Washington, cequi explique par exemple qu’il soitfavorable à toujours plus de dé-penses militaires − pour les arse-naux de sa circonscription avanttout −, alors qu’il prêcheconstamment en faveur de« moins de gouvernement ». C’està ce titre qu’il s’est opposé auxprojets de lois sur la limitation dufinancement des partis politiquesou pour faire payer les fabricantsde cigarettes.

    L’analyse de ses votes montre

    des positions systématiquementconservatrices, même s’il a aidéBill Clinton à faire passer le traitésur l’interdiction des armeschimiques contre l’avis d’autresrépublicains. Chrétien ultra-conservateur, il a affirmé récem-ment que l’homosexualité étaitune maladie et qu’elle devait être

    soignée. Il a eu le soutien des ad-versaires farouches de l’avorte-ment, les « pro Life ».

    Blanc du « Sud profond », il aaussi, du moins jusqu’à ce que lapresse s’en empare et lecontraigne à faire marche arrière,maintenu des relations avec uneorganisation exclue pour « ra-cisme » par la Conférence pourl’action politique conservatrice, leConseil des citoyens conserva-teurs (CCC). Il est ainsi apparu à latribune de cette sorte de Ku KluxKlan en complet veston pour direqu’il « représentait les vrais prin-cipes et la vraie philosophie » et il a

    écrit des éditoriaux dans sa revue,Citizens Informer.

    Baptiste et avocat, comme BillClinton, il a montré qu’il savait sebattre, au couteau si nécessaire,pour enlever de haute lutte lespostes qu’il guignait. Mais la res-semblance s’arrête là, et TrentLott n’hésitait pas à exprimer en

    pleine affaire Lewinsky à la foisson dégoût devant la conduite duprésident et son impartialité. Il areprésenté au Sénat la nouvellevague, qui se disait révolution-naire, et que Newt Gingrich avaitmenée victorieusement à l’assautde la Chambre en 1994. Mais, mal-gré une tendance à parler un peutrop, et un peu trop fort, il a jus-qu’à présent su se montrer plushabile que l’ancien président de laChambre des représentants.

    Cette fois, il sait qu’il joue en-core plus gros et que ses pires en-nemis risquent d’être cette droiteultra qu’il a si longtemps cultivée.Et il sait que celle-ci, fanatiséecontre le président, ne le lui par-donnera guère. Mais le risqued’une nouvelle défaite électoralede son parti en 2000 a, jusqu’àprésent, été suffisant pour le faireréfléchir. Reste à savoir si sa déter-mination tiendra ou fondra faceaux coups de boutoir de cette mi-norité extrémiste.

    Patrice de Beer

  • LeMonde Job: WMQ0601--0005-0 WAS LMQ0601-5 Op.: XX Rev.: 05-01-99 T.: 11:03 S.: 111,06-Cmp.:05,11, Base : LMQPAG 39Fap:100 No:3135 Lcp: 700 CMYK

    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / MERCREDI 6 JANVIER 1999 / 5

    La violence religieuse, politique et mafieuse devient incontrôlable au Pakistan

    Le Pendjab est le théâtre privilégié d’une lutte endémique entre groupuscules extrémistesL’année 1999 a commencé dans la violence auPakistan, où seize chiites ont été tués, lundi4 janvier, lors d’une fusillade dans une mos-

    quée. La province du Pendjab est un lieu privilé-gié de conflits sanglants, qui ne sont pas exclu-sivement religieux, mais aussi politiques et

    mafieux. Les mesures antiterroristes du gouver-nement ne peuvent remédier à cette situation,alors que le pays est en quasi-banqueroute.

    NEW DELHIde notre correspondante

    en Asie du SudUne tentative d’assassinat du

    premier ministre, Nawaz Sharif,seize morts lors d’une fusilladedans une mosquée chiite, deuxpendaisons en une semaine à Kara-chi après des procès expéditifs : lePakistan débute l’année comme ilavait fini 1998, dans une violence deplus en plus incontrôlable.

    L’attentat perpétré lundi 4 jan-vier par quatre jeunes gens à moto-cyclette contre des fidèles chiitesqui priaient dans la mosquée deKaramdad Koreshi, petit village dela province centrale du Pendjab (LeMonde du 5 janvier), risque de re-lancer la lutte que se livrent depuisplusieurs années, surtout danscette région, les groupuscules ex-trémistes sunnites et chiites. Cetteattaque, qui rappelle celle du11 janvier 1998 contre un cimetièrechiite, qui avait fait vingt-quatremorts, est survenue alors mêmeque les tribunaux antiterroristesmis en place par le gouvernementpour tenter de mettre fin à cesluttes sectaires venaient decondamner à mort quatorze mili-tants. Parmi eux figurent huit sun-nites, accusés d’un attentat, en fé-vrier 1997, contre le centre cultureliranien de la ville de Multan (huitmorts, dont un diplomate iranien)et six chiites, condamnés pour l’at-taque d’une mosquée sunnite, enseptembre 1996, qui avait fait vingt-deux morts.

    Radicalisés par la guerre en Afg-hanistan, à laquelle aurait participéplus de 20 000 jeunes Pakistanais yayant appris le maniement desarmes – souvent gardées à la faveurdu laxisme du gouvernement –, lesgroupuscules extrémistes se livrentune guerre ouverte mêlant poli-tique, religion et banditisme. Mal-

    gré les mesures antiterroristes, quidonnent à la police presque tousles droits, la violence au Pendjab afait plus de 1100 morts en 1998, etrien ne permet de penser que leschoses puissent s’améliorer.

    « SUSPECTS »La situation n’est guère meilleure

    à Karachi, la capitale économique

    du pays, qui vit depuis décembre1998 quasiment sous un régime deloi martiale, après que les violencesy ont fait près de 1 000 morts en1998. Depuis la dissolution de l’as-semblée provinciale et les largespouvoirs donnés par le gouverne-ment d’Islamabad à l’armée, des di-zaines d’arrestations ont eu lieu.Plusieurs suspects, ou considérés

    comme tels, sont morts en déten-tion, et les tribunaux militaires ontdéjà envoyé à la mort deux « sus-pects ». Depuis le retour de la dé-mocratie, en 1988, c’est la troisièmefois que Karachi est soumis à ce ré-gime, et nul ne croit qu’une solu-tion soit en vue.

    La lutte politique et mafieuse quioppose, dans cette ville de tous lestrafics, le MQM (parti des musul-mans venus d’Inde, lors de la parti-tion, en 1947) à l’une des forma-tions qui en sont dissidentes, leMQM-Haqiqi, largement soutenu,sinon créé par le pouvoir, pourcontenir les revendications des Mo-hadjirs (réfugiés), dépasse de loinde simples mesures de répression.C’est un problème politique qui netrouvera de solution que politique.

    Devant l’effondrement des insti-tutions politiques, judiciaires et po-licières, la corruption généralisée etle mépris de la loi à tous les ni-veaux, beaucoup de Pakistanais enviendraient presque à regretter lesrégimes militaires qu’ils ont coura-geusement combattus. Triompha-lement élu en février 1997, NawazSharif n’a fait que renforcer sespouvoirs, et il est sans aucun doutele premier ministre le plus puissantde l’histoire du Pakistan. Mais, pa-radoxalement, le pays n’a jamaisété aussi mal.

    Evitée de justesse grâce au sou-tien des Etats-Unis – inquiets de lapossible dérive islamique radicaled’un pays aujourd’hui puissancenucléaire –, la banqueroute du Pa-kistan pourrait de nouveau se pro-filer si des mesures économiquessévères n’étaient pas prises. Maison voit mal un gouvernement dé-considéré, et dont la seule préoc-cupation semble être de survivre,s’attaquer à des maux structurels.

    Françoise Chipaux

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    2,23

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    Aung San Suu Kyi est de plus en plus isolée par la junte birmaneBANGKOK

    de notre correspondanten Asie du Sud-Est

    Comme chaque semaine, ces der-niers temps, Aung San Suu Kyi s’estrendue à Rangoun, lundi 4 janvier,date du 51e anniversaire de l’indé-pendance de la Birmanie, au siègede son mouvement, la Ligue natio-nale pour la démocratie (LND),pour y distribuer du riz aux nécessi-teux. La raison de ce geste : donnerl’impression que la LND vit encorealors que, sous forte pression desmilitaires, elle se vide de son sang.

    Certes, si des élections libresavaient lieu en Birmanie, le PrixNobel de la paix 1991 l’emporteraithaut la main, comme en 1990. Maisil en est moins question que jamaiset la junte au pouvoir, le Conseilpour la paix et le développement(SPDC), démantèle avec succès laLND. Arrestations, placements enrésidence surveillée et démissionsforcées de centaines de membresont défait le réseau de la Ligue.C’est la réponse des militaires à lacampagne menée par Mme Suu Kyi,l’an dernier, en faveur d’une réu-nion des élus de 1990, membres dela LND dans leur immense majori-té.

    Cette entreprise s’accompagnede rassemblements contre l’oppo-sante et d’attaques verbales de plusen plus vives à son égard. Le géné-ral Than Shwe, président du SPDC,a accusé, sans la nommer, la célèbre

    opposante de faire le jeu des « néo-colonialistes » et l’a assimilée à un« traître ». L’éventualité d’un dia-logue entre les militaires etMme Suu Kyi n’a donc jamais paru siéloignée. Même si leur pays est aubord de la banqueroute, les géné-raux ne manifestent pas le moindresigne de vouloir partager le pou-voir.

    MINORITÉS ETHNIQUESLes gouvernements occidentaux

    et asiatiques qui, avec l’aide del’ONU et de la Banque mondiale,cherchent depuis octobre à rétablir

    le dialogue, peuvent en tirer quel-ques conclusions. La première estqu’il faudra du temps et beaucoupd’énergie pour convaincre la junteque sa politique actuelle ne la mènenulle part. En outre, aucune réu-nion ne peut avoir lieu sur le solbirman. La troisième est qu’il fautassocier à toute initiative des mino-rités ethniques qui, pour l’essentiel,entretiennent une paix armée etbien précaire avec la junte de Ran-goun. Depuis sa naissance, l’Unionbirmane, que les militaires ont re-baptisée Myanmar en 1989, est mi-née par les heurts entre Birmans du

    centre et minorités.Le prochain test pourrait être,

    dans la deuxième quinzaine de jan-vier, une visite d’Alvaro de Soto, lereprésentant spécial de Kofi Annan,qui s’est déjà rendu à Rangounfin octobre après une rencontre enGrande-Bretagne entre Britan-niques, Thaïlandais, Japonais, Amé-ricains, Australiens et Philippins.Une autre occasion devrait êtrefournie par l’assemblée d’Interpol,prévue à Rangoun du 23 au 26 fé-vrier.

    Jean-Claude Pomonti

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    AFGHANISTAN

    IRANINDE

    CHINE

    Mer d'Oman

    PENDJABBALOUTCHISTAN

    SIND

    ISLAMABAD

    CACHEMIRE

    200 km

    Le Pendjab, une région de conflits sanglants

    FRONTIÈREDU NORD-OUEST

    Peshawar

    Multan

    Hyderabad

    Karachi

    Lahore

    Quetta

    Gilgit

    PAKISTAN

    FUSILLADE DANSUNE MOSQUÉE

    ATTENTAT CONTRE LE PREMIERMINISTRE

    RÉPRESSION MILITAIRE

    Les musulmans pakistanaisb LES SUNNITES : majoritairesdans une population à 97 %musulmane, les sunnites sonttraversés par plusieurs courantsextrémistes, alimentés par des écolesreligieuses (madrassa) dont certainesont été financées par l’Arabiesaoudite qui, au début des années 80,voulait faire pièce au regaind’influence de l’Iran sur les chiites.b LES CHIITES : ils constituentenviron 20 % des musulmanspakistanais. Ils ont relevé la tête, à lafois sous l’influence de l’Iran et pour

    contrer l’islamisation grandissante,au bénéfice des sunnites, instauréepar le général Zia-ul-Haq(1978-1988). b LES MOHAJIRS : constituantenviron 60 % des 12 millionsd’habitants de Karachi, les mohajirs,ou réfugiés, sont des musulmansvenus d’Inde lors de la partition, en1947. Ils vivent surtout dans laprovince du Sind, dont Karachi est lacapitale, et luttent pour lareconnaissance de leur spécificité etdavantage de pouvoirs.

    Des prêtres chinois seraient soumis à des tortures sexuellesDES PROSTITUÉES auraient

    été recrutées dans des prisonschinoises pour tenter de compro-mettre des prêtres de l’Eglise ca-tholique « clandestine » (8 mil-lions à 10 millions de fidèles selonles estimations) qui se distinguede l’Association « patriotique »des catholiques de Chine contrô-lée par le régime (4 millions), nonreconnue par le Vatican. Cette in-formation a été publiée, lundi4 janvier, à Rome. Elle rejoint cellequi fait état, dans le New YorkTimes du 5 janvier, de l’arrestationà Shanghaï d’un dissident,convaincu de proxénétisme aprèsla découverte de deux « prosti-

    tuées » dans sa chambre d’hôtel.Selon Fides (agence de la

    Congrégation du Vatican pourl’évangélisation des peuples), plu-sieurs prêtres auraient été vic-times de « tortures sexuelles »,dans la province du Hebei, au sudde Pékin, où la répression antireli-gieuse serait l’une des plus sévèresdu pays. L’agence cite le cas de LiQinghua, 31 ans, prêtre du districtde Yixian, arrêté le 15 novembre etenfermé dans une prison du Xus-hui, près de Baoding. Selonl’agence vaticane, « le personnelféminin de la prison, composé deprostituées, cherche par tous lesmoyens possibles à avoir des rap-ports sexuels avec lui », sous lecontrôle d’une caméra. Il s’agit de« lui faire confesser par le chantageses contacts avec d’autres prêtres del’Eglise clandestine et à l’obliger às’inscrire à l’Association des catho-liques progouvernementale ».

    « UNITÉ SPÉCIALE »L’agence Fides affirme que « de-

    puis quelques années, le gouverne-ment de la province d’Hebei a ins-tallé à Xushui une “unité spéciale”pour faire “changer leurs idées”aux prêtres ». Elle rapporte des té-moignages de prêtres emprison-nés, soumis à la « pression desprostituées, qualifiées de personnelféminin de service, qui cherchent àavoir un rapport sexuel avec vous,en vous adressant des mots doux,accompagnés de gestes ». Fides

    rapporte que « même ceux qui ré-sistent reçoivent constamment desvisites de filles qui cherchent à em-brasser le prisonnier (...). Si vous hé-sitez un instant, affirme un témoin,la photo prise par la caméra donnel’impression que vous avez couchéavec ».

    Les autorités chinoises ont dé-menti ces informations, mardi5 janvier. Un responsable des af-faires religieuses de la préfecturede Baoding a affirmé qu’il était« impossible de faire changer d’opi-nion des religieux dissidents avecdes prostituées ». Par ailleurs, dessources de Hongkong viennent derapporter le cas du Père WangZhongfa, dans la province de Zhe-jiang, à qui on interdit de serendre, avec ses fidèles, au cime-tière où est enterré un prêtre morten détention en 1955.

    Avec l’Eglise catholique clandes-tine, les Eglises « domestiques »(obligées de se réunir dans desmaisons privées), proches des mi-lieux protestants évangéliques,sont devenues les « cibles privilé-giées » de la répression, selonEglises d’Asie, l’agence des Mis-sions étrangères de Paris. Dans undocument sans précédent, publiédans la province du Hunan en août1998, leurs responsables ont lancéun appel au gouvernement pourlui demander de faire cesser touteviolation des droits religieux.

    Henri Tincq

    Déportations et assassinatsde dissidents en IrakWASHINGTON. Le département d’Etat américain a fait état lundi« d’arrestations massives et de centaines d’exécutions sommaires de dissi-dents » chiites dans le sud de l’Irak et les banlieues chiites de Bagdad aucours des six semaines écoulées. Informé par des mouvements chiitesd’opposition que Washington considère comme crédibles, le porte-pa-role du département d’Etat, James Rubin, a précisé que « des centainesde personnes ont été tuées dans des opérations conduites directement parQoussaï Hussein », un des fils du président irakien. Selon M. Rubin, cetterépression « a atteint son point culminant en novembre » dernier. Il a aus-si affirmé qu’avaient été déportés vers Bagdad plus de 2 000 civils habi-tant à la lisière des marais du sud de l’Irak, en particulier des femmes,des enfants et des vieillards. Sept villages auraient été détruits par lesforces irakiennes dans cette région.M. Rubin a réaffirmé la volonté des Etats-Unis de faire respecter les« zones d’exclusion aériennes » dans le nord et le sud de l’Irak. Uneautre source militaire américaine, anonyme, a indiqué lundi que desavions de chasse irakiens se sont approchés des limites des zones d’ex-clusion et y ont même pénétré brièvement ces derniers jours. – (AFP.)

    L’ONU « indignée » par les attentatscontre deux de ses avions en AngolaNEW YORK. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est déclaré « indigné »,lundi 4 janvier, par le deuxième attentat perpétré contre un de sesavions en Angola (Le Monde du 4 janvier). Il a réclamé une « coopérationimmédiate et entière » du gouvernement angolais et de l’Unita, le mou-vement d’opposition de Jonas Savimbi, pour la recherche d’éventuelssurvivants, Les deux appareils, emportant respectivement quatorze ethuit personnes, ont été abattus, les 26 décembre 1998 et 2 janvier, dansle centre du pays.En dépit des appels du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, etd’une résolution votée jeudi par le Conseil, aucune équipe de secoursn’a encore pu se rendre sur les lieux. 1 000 « casques bleus » sont char-gés de surveiller l’application des accords de paix de Lusaka de 1994, au-jourd’hui ouvertement violés par les deux parties. Des membres duConseil ont proposé l’évacuation de cette mission de l’ONU. – (AFP,Reuters.)

    Un ministre finlandais démissionneaprès une privatisation frauduleuseSTOCKHOLM. La plus grosse privatisation de l’histoire de la Finlandes’est soldée, lundi 4 janvier, par le renvoi du PDG de la société concer-née et la démission du ministre des communications. Le conseil d’ad-ministration de Sonera, plus gros opérateur téléphonique du pays, arenvoyé son PDG Pekka Vennamo pour avoir acquis indirectement25 000 actions de la firme, en plus des 20 000 qui lui avaient été accor-dées. Le ministre conservateur Matti Aura avait maintenu sa confianceau dirigeant controversé, jusqu’à ce qu’il reconnaisse, lundi, l’avoir« mal jugé ». L’affaire tombe mal pour le gouvernement de coalitiongauche-droite, à deux mois des législatives. L’opposition centriste a ac-cusé le ministre d’avoir « bradé » les 20 % des parts de l’Etat dans Sone-ra, dont la vente a rapporté plus de 7 milliards de markka (environ 1,2milliard d’euros). – (Corresp.)

    DÉPÊCHESa CONGO : Le corps d’un expatrié français de 27 ans a été découvertlundi 4 janvier à N’Kayi, une ville du sud du Congo-Brazzaville, dans leslocaux de l’entreprise dont il était le directeur financier, révèle Le Dau-phiné libéré dans son édition de mardi. Thierry Teissedre, originaire desAvenières (Isère), a été retrouvé assassiné par une mission de reconnais-sance dépêchée par sa firme, une filiale des Grands Moulins de Paris. Lepays est en proie depuis décembre à une recrudescence des combatsmeurtriers entre, d’un côté, l’armée et les miliciens Cobras du présidentDenis Sassou Nguesso, soutenus par des soldats angolais, et, de l’autre,les miliciens de l’ancien premier ministre Bernard Kolélas. – (AFP)a ISRAËL : la Knesset a adopté, lundi 4 janvier, la loi organisant desélections générales anticipées le 17 mai. Les députés ont voté la proposi-tion en dernière lecture par 85 voix pour, 27 contre et 1 abstention. « Laquatorzième législature est dissoute », a proclamé le président du Parle-ment, Dan Tikhon. Le scrutin aura lieu avec un an et demi d’avance surla date normale de novembre 2000. – (AFP.)a 46 000 ressortissants de l’ex-URSS ont immigré en Israël en 1998,contre 54 000 l’année précédente, a indiqué un rapport officiel publiémardi. Selon l’Agence juive, organisme paragouvernemental chargé del’immigration, les nouveaux arrivants d’ex-URSS (surtout de Russie etd’Ukraine) ont représenté 80 % du total des immigrants arrivés en Israëlen 1998. En tout, 769 000 ressortissants de l’ex-URSS sont arrivés en Is-raël depuis 1989. – (AFP.)a CHINE : une centaine d’ouvriers en retraite qui manifestaient lundi4 janvier dans la province de Wuhan, dans le centre du pays, ont été ar-rêtés par la police et certains ont été passés à tabac, selon une organisa-tion hongkongaise des droits de l’homme. Les retraités protestaientcontre les retards dans le versement de leurs pensions mensuelles. –(Reuters.)a BELGIQUE : des sans-papiers s’enduisent d’excréments afin d’évi-ter leur expulsion de Belgique, ont reconnu, lundi 4 janvier, le parquetde Bruxelles et une source proche de la gendarmerie, à la suite d’unepolémique soulevée par le journal Het Laatste Nieuws. Celui-ci a révéléqu’en décembre le parquet a visionné vingt vidéos de rapatriement for-cé de personnes sans papiers ; certaines montrent des sans-papiers nus,douchés et savonnés de force. Selon le porte-parole du parquet, il arriveque des demandeurs d’asile déboutés s’enduisent de leurs excrémentspour entraver leur expulsion, ce qui rend une douche nécessaire. –(AFP.)a ROUMANIE : Les mineurs en grève depuis lundi ont menacé le gou-vernement, qui refuse de négocier, de descendre sur Bucarest. Menéspar Miron Cozma, le leader syndical qui avait dirigé les sanglantes ma-nifestations dans la capitale en 1990 et 1991, les quelque 15 000 grévistesde la Vallée du Jiu (centre) demandent l’abandon du programme gou-vernemental de fermeture des mines non rentables. – (AFP.)

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    F R A N C ELE MONDE / MERCREDI 6 JANVIER 1999

    Un an de prison pour l’agresseur d’un chauffeur de busUn homme de vingt et un ans a été condamné, lundi 4 janvier, à

    un an de prison ferme par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne pour avoir frappé le conducteur d’un autobus avec unebatte de base-ball, le 30 décembre, au Chambon-Feugerolles(Loire), dans la banlieue stéphanoise.

    Le jeune homme était entré dans l’autobus et avait brisé unevitre avant d’assener un coup de batte au chauffeur, qui, souffrantd’un hématome, s’est vu prescrire un jour d’arrêt de travail. Le par-quet avait requis deux ans fermes pour violences aggravées avecarme sur agent chargé d’une mission de service public. Jugé encomparution immédiate, le jeune homme a été écroué à l’issue del’audience.

    Les auteurs de violences dans le Bas-Rhin écopent de peines de détention fermeSTRASBOURG

    de notre correspondant régionalTandis que les incidents conti-

    nuent à Strasbourg et dans sa péri-phérie – quatre-vingts véhicules ontété incendiés, depuis la nuit de laSaint-Sylvestre, dans le Bas-Rhin –,huit jeunes gens ont comparu de-vant le tribunal correctionnel de lacapitale alsacienne, lundi 4 janvier.Sur la cinquantaine de personnes in-terpellées depuis le 1er janvier, trenteet une sont mineures, dont deux en-fants de douze ans ; un seul ado-lescent, âgé de seize ans, a été main-tenu en détention.

    « C’est sévère pour une premièrecondamnation, mais cela s’inscritdans un contexte de violences ur-baines », a répété, tout au long del’audience, Pierre Wagner, substitutdu procureur de la République.Frank, dix-huit ans, sans profession,et Michael, vingt et un ans, travail-leur intérimaire, ont été les premiersà payer cher leur errance de la nuitdu 31 décembre au 1er janvier : huitmois de prison, dont quatre fermes,pour avoir tenté d’incendier une ca-mionnette à Schweighouse-sur-Mo-der, dans le nord du département. Ilsont expliqué qu’ils avaient été entraî-nés, qu’ils étaient sous l’effet de l’al-

    cool, mais Frank a résumé : « Je nesais pas pourquoi j’ai fait ça, c’estcomme ça. »

    Grégory, dix-neuf ans, sans em-ploi, vit chez ses parents. Interpellépour avoir cassé la vitre d’un Abribusà Koenigshoffen, faubourg de l’ouestde Strasbourg, il a donné un coup detête à un policier après que celui-ci,raconte-t-il, l’a « provoqué » en luidonnant des tapes sur la figure. Cegeste d’« énervement » explique lasévérité du tribunal, qui a prononcéune peine plus lourde – dix mois deprison, dont cinq fermes – que celledemandée par M. Wagner (six donttrois). Lui non plus, il ne sait pas

    pourquoi il s’est mis en tête de casserun Abribus. « C’était n’importequoi ! », dit-il. Et, surtout, il n’a passu dire au tribunal ce qu’il comptaitfaire de ses journées s’il était remisen liberté.

    Les cinq autres prévenus, qui s’enétaient pris, eux aussi, aux forces del’ordre, ont demandé le renvoi del’audience, comme le permet la pro-cédure de comparution immédiate.Jacques, vingt ans,