Natural Born Killers - Oliver Stone 1994

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    Natural Born Killers - Oliver Stone - 1994

    Brult, film exprimental, dmonstration didactique par l'excs (parfois l'excs),propos jusqu'au-boutiste et forme indite de dynamisme, Natural Born Killers constitue plusieurs gards l'oeuvre charnire de la carrire d'Oliver Stone, comme si aprs tant defolie, l'homme n'avait plus qu' s'assagir. Il faut dire que le film lui a valu bien descritiques et des ennuis, qu'il convient de dpasser pour considrer, comme cela doit se

    faire, le film lui-mme.

    "You've made my shitlist"

    Je suis un cinaste, la manire dont des psychopathes peuvent prendre mon film ne me concerne pas.Dans une

    courte interview accorde Canal + en 1995 l'occasion de la diffusion "exceptionnelle" deTueurs Ns, Oliver Stone botte ainsi en touche avec un peu de facilit, face la question de ce qu'ilressent face aux faits divers (abusivement) rattachs son ouvrage. Le film a il est vrai tconsidr comme facteur dclenchant de vocations criminelles, notamment en France o lesaffaires "de Gournay" ou Rey-Maupin1 l'avaient mont en pingle, au point que son exploitationen vido fut interdite un temps. Stone a d galement essuyer une plainte pour "incitation la

    violence". Globalement, c'est le terme qui revient le plus souvent dans l'ensemble des critiques,positives ou non, que suscite le film depuis 15 ans, ce qui constitue tout de mme le premierdegr de la description vidente. On retrouve souvent, ce titre, l'ironique "ultra-violence", termepass dans le langage mdiatique courant et qui pourtant ne signifie, tymologiquement, rien: iltait la base une invention de Burgess dans son roman Clockwork Orangeplus tard adapt la

    manire qu'on connait, pour justement pasticher l'argot btard de la socit en dliquescence qu'ily dpeignait, avec notamment des expressions sans aucun sens bases sur des analogies desonorits, pointant l une perte de sens gnral. L'ironie, donc, rside dans le fait qu'on utilisedsormais ce terme sans y rflchir, donnant raison dans une certaine mesure son militantconservateur d'auteur. La remarque n'est pas anodine, puisque Natural Born Killersest considrcomme le (ou l'un des) Clockwork Orangedes annes 90, ayant essuy les mmes critiques (frisantparfois l'hystrie) et ayant suscit les mme types de dbats que le film de 71, portantprincipalement sur l'aspect graphique des exactions portraitures pour mieux luder le discourssocial et politique desdits films. Et de fait les deux mtrages partagent la mme perplexit quantaux climats sous lesquels ils ont t produits, le mme jusqu'auboutisme et la mme innovationdans la mise en scne et la direction artistique, et la mme manire ambige de traiter leurs

    personnages, sans les punir ni les juger, sans non plus les idaliser, et en leur donnant le cadeau del'apprentissage moral (voir plus bas). L'autre dbat, aisment dmontable tant il a t dcongeltous les cinq ans (pour Clockwork, Cannibal Hollocaust, NBK, et tant d'autres), est celui de ladnonciation de la violence en l'utilisant: dans tous les cas, et NBK ne fait pas exception, la

    violence dnonce est plus large que celle qui est reprsente: elle est sociale, conomique,

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    politique, et ici mdiatique. Plus qu'une contradiction, il faut plutt y voir une ironie, uncommentaire par l'exemple.

    "Frankenstein killed Dr Frankenstein, you know"

    En effet, Stone est dj coutumier du scandale autour de ses travaux, et le sera aussi par la suite(ses interviews de Castro, ses prises de positions vis--vis des FARC). Mais jamais au pointd'bullition que celui auquel sera portNBKde toutes parts. Car les ractions sont la semblancedu choc. A commencer par Quentin Tarantino, auteur du script original, et tellement mcontentque le traitement de son premier jet ait trop volu son got, qu'il s'en dsolidarise purement etsimplement et dcourage mme Michael Madsen d'y apparatre comme initialement prvu...D'une tarantinade la True Romance (un peu de gore, de la pose, des rfrences obscures la

    culture pop, des dialogues astucieux), ce qu'il tait la base (voir cet gard les scnes coupesdes jumeaux Hun ou du tribunal),NBKdevient non seulement un brlot sur la sphre mdiatiqueamricaine mais surtout un voyage initiatique pour ses personnages principaux, qui s'arrachent deleur condition pour acqurir une plus grande sagesse. Ils le font d'abord dans l'extriorisation laplus radicale (le meurtre de masse) puis de manire intrieure (la rencontre du chamane, la prison)pour finalement s'arrter de tuer, la mtamorphose effectue. Fait d'ailleurs intressant, dans lamesure o tous les autres personnages, principaux ou non, sont punis par o ils ont pch fauted'avoir pu ou voulu voluer : les parents de Mallory meurent respectivement tabass et noy pourle pre, et ligote et brle vive pour la mre, soit dans la violence et la dcadence pour l'un etl'immobilit pour l'autre. De mme, Scagnetti meurs de sa perversion et de son arrogance (gorgpar Mallory suite un duel " la dgonfle" o il aura t trop prsomptueux), Wayne Gale est

    excut via la prsence de sa camra, Dwight McClusky est littralement mis en pices par sespropres dtenus...

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    Que Stone n'offre ici l'opportunit d'voluer qu' ses lectrons libres n'est pas fortuit, ce n'est pas

    non plus un caprice. En effet, d'abord envisag comme un jeu autour du film d'exploitation,NBKse pose comme le film somme de la premire moiti de la carrire de son auteur. Or l'un desmotifs que l'on retrouve le plus souvent dans les films antrieurs NBKest la mise en avant del'outsider, de l'agent provocateur, du mutant. Comportement narratif que l'on voit retourn aprs1995, priode manifestement plus encline suivre des personnages marchant dans le rang, certessouvent pour le pire ou au prix de sacrifices spirituels importants. Pompiers hroques (WorldTrade Center), politiciens controverss (Nixon, Comandante, Alexander, W...) et magnats du sport(Any Given Sunday) remplacent dsormais speakers nihilistes (Talk Radio), activistes en tous genres(Born on the 4th of July, The Doors ) et plus globalement agents s'jectant du systme par lescepticisme ou la dlinquance ( JFK, Wall Street)2. On peut rsumer la carrire du monsieur encomparant une premire moiti dionysiaque, anarchiste, et une seconde moiti apollinienne, pour

    tout dire plus pantouflarde, NBKmarquant (avec U-turnsur un mode nettement plus mineur) lepoint de friction et mme de collision entre agents du Chaos et agents de l'Ordre (ou d'un certainOrdre), collision incarne par la squence de l'meute carcrale qui voit Mickey/Malloryaffrontant McClusky/Scagnetti, les mdias (Wayne Gale) jouant le rle d'arbitre et de catalyseur.Il est de fait intressant que le couple de meurtriers sorte seul vainqueur de la joute, sort quen'avaient pas souvent de tels personnages auparavant chez Stone, mourant plus ou moinsmisrablement, ou finissant en prison... D'autant qu'une autre fin existe o Owen, ange gardiendu film, abat les tourtereaux. Cette victoire totale rsulte donc d'un choix. Que le choix soitrhtorique ou moral, ou quil constitue un dernier cadeau (sous forme de baroud dhonneur) lafaction que Stone est en train de quitter, la question se pose.

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    Oliver Stone se voit un peu comme un Zola cinmatographique : son projet global, similaire celui du romancier, est d'encapsuler la socit qui l'entoure dans un grand-uvre discursif quitendrait la montrer dans toute sa complexit. Que ce soit par l'analyse frontale (biopics,documentaires), par la mtaphore (Alexander), ou par le pamphlet pur et simple (ce Natural BornKillers ). Chaque film entreprend ainsi de dmonter un aspect de la socit amricaine de laseconde moiti du vingtime sicle. Guerre du Vietnam, contestations, courants culturels,personnalits politiques, faits divers, explorations de milieux donns Natural Born Killers estparticulier galement vis--vis de cette dmarche : en effet, si ltude consiste en un dmontagepolmiste dun certain systme mdiatique amricain et de ses accointances avec des instancesdu(des) pouvoir(s) (la Fox anyone ?), il se place sur un point de vue extrmement large, quil necirconscrit pas un contexte donn (par exemple, comme ailleurs, le monde de la bourse, celuidu sport, les arcanes de la maison blanche, etc), et subvertit son propre sujet par un discours surla libert individuelle et la prise de conscience (au sens tant intellectuel que spirituel) qui prolongecertaines rflexions de The Doors, ainsi quune considration du terreau culturel et mythique delAmrique moderne, notamment dans son rapport ambigu la violence. Le point nodal delhistoire raconte, savoir linterview de Mickey, indique suffisamment comme matriau derfrence la fameuse interview de Charles Manson par Geraldo Rivera, o curieusement lepremier semble plus rflchi et sens que le second3. Les rfrences Starkweather et sacompagne (qui plus tard inspireront sur un ton plus lger les poux Bartlett du Frightenersde Peter

    Jackson), Ted Bundy (autre tueur en srie considr comme sduisant ), ou CharlesWhitman (la mre de Scagnetti compte parmi ses victimes !), mais aussi Dillinger et Bonnie andClyde, cest--dire de grands hors-la-loi passs une postrit culturelle via le cinma, la littratureet la culture populaire, donne la mesure dun sujet nbuleux, aux contours flous, sans cesse plusgrand que lui-mme tant ses ramifications sont protiformes. Chapeautant tout cela, la chargecontre les mdias qui se nourrissent et produisent cette culture de la violence et de la clbritinduite par faits divers, cette charge n'est que plus froce, que moins discutable, au pointqu'aujourd'hui on a le sentiment d'enfoncer des portes ouvertes en en parlant. Stone lui-mme atendance pontifier un brin dans cet aspect de son discours voulant que les mdias sont un bancde requins lancs dans une frnsie de dvoration ds le premier sang, ou lorsqu'il se met enscne de manire peine masque travers le personnage important du vieil indien qui fait"voluer" Mickey et Mallory.

    "How sexy am I now, hah ?"

    Une telle note dintention rclame un tonus et une certaine folie dans lexcution, de peur delnifier discours, sujet et effet. Impossible, avecNBK, de faire un simple shocker movie, un polarhard-boiled dj routinier en ce milieu de 90's ou pire un film de prtoire. Une mise en scnelinaire (la narration lest bien assez, elle se contente dun long flashback dans le premier acte et

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    dune poigne dellipses) tuerait dans luf le discours foisonnant quentend tenir Stone (etlaisserait trop de coudes franches la scolarisation systmatique -et mme pnible- de ce dernier,comme on le peut le voir dans ses films postrieurs). Au contraire d'un Michael Haneke, qui avecBenny's Video et plus encore Funny Games adopte un ton froid et clinique pour dnoncer la"glorification" de la violence au cinma sans y toucher lui-mme, Stone dcide de s'y rouler, demettre le nez du spectateur dans cette contradiction, de l'amener s'interroger lui-mme sur sesreflexes et attentes de spectateur en lui donnant ce qu'il est venu chercher, mais en trop grande

    quantit. Et puisque la toile de fond d'un tel rcit est le postmodernisme forcen de son quandetde son ici, la forme appuiera le fond, le dpassera, risquant constamment de l'annuler dans sondluge de stimuli. Natural Born Killersse prsente comme une vaste et plthorique digression ;l'aborder revient digresser soi-mme pour rester en adquation avec le contexte qui l'a enfant.Le rhteur devra alors boire la coupe jusqu' la lie ou ne la pas boire du tout.

    Selon la lgende, l'issue de la premire projection en interne de Gremlins 2, Steven Spielbergaurait demand Joe Dante, sur un ton de supplique dsespre : Mon Dieu, ce n'est pas aque vont ressembler les annes 90 quand mme ? A bien des gards, les annes 90 ont bel etbien ressembl la fameuse squence o les gremlins prennent leur film en otage via un zappingd'autres images provenant d'un peu partout, et principalement d'autres films. On revient

    Tarantino, symbole de cette omniprsence du postmodernisme dans la dcennie, qui fait unecarrire entire sur le principe que tout a dj t fait, que rien n'est nouveau, mais sur le fait denous le dire de manire cool, agrable, gouailleuse, whatever, man. Tout est, par extension,rfrence de rfrence. Dans le mme sillage, on trouve des palanques de Kevin Williamson etde Guy Richie, mais aussi des frres Wachovsky ou des Alex de la Iglesia, capables plus tard

    d'enfanter de nouvelles formes partir des dcombres de la prise de conscience rflexive. Car les90's c'est aussi des squelles qu'on commence nommer "franchises", l'irruption du cinma dansla tlvision ( X Files, Profit ), de la tlvision dans le cinma (les premires adaptations grosbudgets de sries dont nous sommes si coutumiers maintenant), et le dbut d'une inflation dehaut-parleurs et d'crans nouveaux ou remis aux gots des jours successifs. C'est enfin l'explosiondurable du mtatextuel, du rcit qui s'observe en tant que tel, voire du pirandellien (le douteDickien de Total RecallMatrix, l'horreur mtaphysique d'un In the Mouth of Madness, les ralitsimbriques de Last Action Hero). Tous ces pouvantails thmatiques, artistiques, mdiatiques, sontla fort qui dissimule l'arbre d'un pourrissement global du mode de vie occidental tel qu'il aperdur pendant le demi-sicle qui a prcd, et que les mutations profondes que ce dernier subitferont peut-tre voluer dans la dcennie qui suit. Autrement dit, dans les annes 90 on est trs

    occups regarder et analyser notre culture, dmarche assez souvent strile, mais ncessaire pourdpasser le nombrilisme/postmodernisme, et dans un troisime temps se remettre crer du (unpeu plus) neuf.

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    Tel un gigantesque tambour de machine laver,NBK mixe tous ces lments, en utilisant lesmmes forces centrifuge et centripte qui les animent l'extrieur pour en dcupler la vitesse.

    Aprs de trs longs reprages effectus travers tous les Etats Unis sous l'emprise sporadiqued'hallucinognes, Stone s'autorise absolument tout et signe un film qui, s'il tient sa narration debout en bout en restant intelligible, le fait sous la forme du film exprimental le plus dbrid:3000 plans, dans 18 formats d'image diffrents de la beta au super 35 en passant par le 8mm, dela couleur, du noir et blanc, des prises live, de l'animation, des projections en fonds de dcors ou

    dans les fentres, constituant des "paysages mentaux" et des tats d'esprit, un montage vertical(entre niveaux de lectures et/ou de discours) autant qu'horizontal (entre vnements qui sesuccdent ou axes de dcoupage dimensionnel), des superpositions lourdes de sens (la jeunessede Mallory et les svices subis par celle-ci prsents sous la forme d'une sitcom cradingue la

    Maris Deux Enfants, les inserts de publicits pour Coca Cola, les crans vido refilms en pelliculeou intgrs des cadres plus larges), ainsi que quelques interpellations directes de la camra parles personnages (deux fois par Mallory, une par McClusky), abolissant le quatrime mur, procdrepris plus tard dans des contextes voisins par Haneke, encore. Le tout dans un vritablemaelstrm d'inserts en tous genres, chacun ouvrant sur un sens supplmentaire, uneconsidration, un jeu sur le clich ou simplement un commentaire, la manire de renvois de basde page ou de liens hypertexte. En termes de construction cinmatographique, on peut

    considrer l'exercice comme une tentative de cubisme analytique dans l'intention de montrersimultanment les scnes sous tous les angles, physiques ou psychologiques.

    Car aucun photogramme n'est fortuit, et si l'nergie nait du dsordre elle ne nait pas de laconfusion. Les symboles utiliss (crotales, tueries d'animaux, lumire verte, inserts de dmons,archives diverses...) sont toujours cohrents avec l'ensemble et reviennent souvent dans lesmmes types de situations (les crotales pour l'apprentissage, les dmons pour la caractrisation, le

    vert pour la maladie et le conflit...), ainsi d'ailleurs que les changements de standard image quipermettent de jeter une lumire particulire sur chaque aspect de la squence. Le procd peutparatre par trop didactique, il l'est par moments (c'est le refuge que prend le besoin qu' Stone dejouer les doctes), mais l'ensemble est rendu si dynamique par le parti-pris que l'exprience en elle-mme devient hallucinatoire, un viol par condensation si on peut oser la formule : une semainede tlvision normale, avec es tueries, ses faits divers, ses redifs constantes, ses talk-shows, sesdbats, ses clips et ses publicits... Ramene deux heures, cette semaine concentre y fait aufinal le mme effet que trois ecstas arroses d'Absinthe/Redbull aux strodes, avec un zeste decitron cocan. Du sel pour les blessures.

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    La bande originale est l'avenant, construite sous l'gide de Trent Reznor l'poque o ses NineInch Nails signaient l'album Downward Spiral (album dont la tracklist reprend comme motifprincipal la tuerie mene par Manson et sa secte en 69, qui cota entre autres la vie de Sharon

    Tate. On revient au gourou de "la Famille", vraie figure tutlaire du film, symbole de cette Socitdu Spectacle plus "sanguine" que celle de Debord). Outre le score original de Brent Lewis (djprsent sur JFK, et assez anecdotique), et deux morceaux de Nustrat Fateh Ali Khan, la B.O. estune sorte de catalogue de culture musicale alternative: N.I.N., Jane's Addiction, Cohen, Dylan,Lard (groupe form par Jello Biaffra aprs les Dead Kennedies), NWA, Dr Dre, L7, Patty Smith,mais aussi Rage Against the Machine, Cowboy Junkies et les Specials... Le projet y gagne unedimension supplmentaire, une assise galement, qui tout en participant du montage verticalvoqu plus haut, joue le rle de commentaire supplmentaire, de tremplin pour le discoursglobal du film. Ce serait une erreur de voir la tracklist de NBKcomme une simple illustration, unbte exhausteur de got. Ici, l'influence de Tarantino se limite au premier jet du script, la musiqueest donc utilise pour elle-mme dans un ensemble plein, et un massacre sur une reprise pop de"Laisse tomber les filles" pour tout rendre cool et hip n'est donc pas le seul horizon cratif qu'onpeut attendre du mtrage... C'est mme tout l'inverse.

    "I've seen the future Brother, it is murder"

    Il y aurait tant dire de plus sur ce film, de son tournage l'arrache (deux mois, une vraie prisonavec ses dtenus condamns des doubles perptuits comme figurants), sa postproduction

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    gargantuesque (11 mois, 4000 points de montage sur le ngatif), ses acteurs lancs dans descomposition compltement folles, ses dmles avec la censure... Contrairement ce qu'en ontdit ses dtracteurs l'poque, NBK n'est pas un feu de paille, un simple "coup" de polmiste,pertinent uniquement dans une seule occurrence ou circonscrit dans son propre temps.Bizarrement, alors que Clockwork Orangeavait eu peu de postrit immdiate dans le propos (ausens de films reprenant sa thmatique et son discours), NBKsemble tomber pile au moment oce discours peut tre peru par l'ensemble de la socit, le projet compris et suivi pour lui-mme.

    L'ide directrice, l'utilisation du post-modernisme pour questionner le sens et la validit de celui-ci, et la forme de zapping telle qu'elle y est mise en place, se sont retrouves depuis dans nombrede films importants de ces dernires annes : Starship Troopers(il est vrai que le commentaire viaun zapping ou le pastiche de formes tlvisuelles est une habitude chez Verhoeven, voir parexemple Robocop), mais aussi une bonne partie de la carrire cinmatographique de Rob Zombie(Evidemment House of 1000 Corpses, mais aussi l'injustement conspu Halloween 2), Perdita Durango,l'excellent 15 Minutes de John Herzfeld, le Slashers de Devereaux, pour ne citer que les plusvidents... Plus globalement, NBK semble avoir fait sauter la bonde de ce type de proposcinmatographique o le dispositif fait partie intgrante de l'histoire et du sens gnr. La vaguede rflexions sur la subjectivit qu'on aura pu voir depuis vient, en partie, de ce film foutraque etmal reu par la socit qu'il dpeignait. Peinture bien entendu effectue en vain d'un point de vue

    socital, en dpit d'une postrit indniable dans son propre domaine culturel et lecinmatographique. Quelques prix en festivals ne sont, avouons-le, qu'une maigre consolationface la confirmation permanente que Wayne Gale reste matre et roi.

    F. Legeron

    1 Dans ces deux cas, l'argument a t infirm et dnonc pour ce qu'il tait, c'est--dire un bon moyen dedplacer le dbat sur la scne mdiatique, et ainsi noyer le poisson et obtenir des circonstances attnuantesen attisant le sensationnalisme. Dans l'affaire Rey-Maupin, l'affiche du film "trouve" dans la planque ducouple avait t rajoute aprs la premire perquisition, et le meurtre d'Abdel par ses camarades Vroniqueet Sbastien n'avait strictement rien voir, en termes de modus operandiet de motivations, avec ceux quel'on peut voir dans Tueurs Ns : Mickey et Mallory Knox ne prmditent pas leurs meurtres, ne torturentpas leurs victimes et ne cachent pas leurs corps. Ils tuent de manire instinctive, presque vgtale, soit toutl'inverse de ce dernier fait divers crapoteux. La polmique est donc considrer comme de l'opportunismepur et simple. Tous ces "dbats" ont aussi ceci d'ironique qu'ils utilisent toutes les ficelles dmontes etdnonces par le film mme qui les suscite.2 On pourrait aussi opposer les invocations de conflits arms perdus (la trilogie du Vietnam), celles deconflits victorieux (les films sur Cuba, ou mme Wdans une certaine mesure).3 Stone, ce moment-l, en veut de toutes faons dj Rivera (qui certes n'est pas le plus bel exemple dejournalisme clair) pour son interview de Noriega, trop charge selon lui.