Nacache Lacteur de Cinema

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  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    1/94

    o.LI{*

    )

    Collection

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    2/94

    Dans

    la mme

    collection

    :

    Franois

    ALBERA,

    L'Avant-Garde

    au

    cinma.

    Vincent

    AMIEL,

    Esthtique

    du montage.

    Jacques

    AuMoNT,

    L' Image.

    Jacques

    AuMoNT,

    Les Thories

    des

    cinastes.

    Jacques

    AuMoNT,

    Alain

    BenceI-R,

    Michel

    MARIE,

    Marc VERNET,

    Esthtique

    dufilm.

    Jacques

    AuMoNT,

    Michel

    Manm,

    L'Analyse

    des

    films.

    Jacques

    AuMoNT,

    Michel

    MaRrc, Dictionnaire

    thorique

    et

    critique

    du cinma.

    Pierre

    BEyI-or,

    Le

    Rcit audiovisuel.

    Jean-Loup

    BoURGET,

    Hollywood.

    La

    norme

    et la

    marge.

    Nol

    Buncu,

    Genevive

    snr.LteR,

    In

    Drle

    de

    guerre

    des

    sexes

    du cinmafranais

    (19s0-19s6).

    Francesco

    CASETTI,

    Les

    Thories

    du cinma

    depuis

    1945.

    Dominique

    Cnlrseu,

    Cinma

    et

    philosophie.

    Michel

    CHIoN,

    L'Audio-vision.

    Image

    et son

    au cinma.

    Michel

    CHroN,

    Le

    Son.

    Laurent

    CRET0N,

    conomie

    du cinma.

    Perspectives

    stratgiques.

    Jean-Pierre

    EsqunNazr,

    Godard

    et

    la

    socit

    franaise

    des

    annes 1960.

    Guy

    GlururBR,

    Le Documentaire,

    un

    autre

    cinma.

    Guy GaurHtER,

    Un Sicle

    de documentaire

    franais.

    Martine

    Jow,

    L'Image

    et

    les signes.

    Approche

    smiologique

    de

    l,imagefixe.Martine Jot:", L'Image

    et

    son interprtation.

    Ranois

    Josr, Andr

    GeuonnauLr,

    Le

    Rcit

    cinmatographique.

    Laurent

    JULLIER,

    L'Analyse

    de squences.

    Laurent

    JULLIER,

    Star

    Wars.

    Anatomie

    d'une

    saga.

    Raphalle

    MoINB,

    Les

    Genres

    du

    cinma.

    Fabrice

    MoNrBsrI-Lo,

    Le

    Cinma

    en

    France.

    Yannick

    MouRrN,

    Le

    Flash-Back.

    Vincent

    PINEL,

    Vocabulaire

    technique

    du cinma.

    Ren

    Pnoar-,

    Le

    Jeune cinmafranais.

    Franois

    Sout-,q.cBs,

    Esthtique

    de

    la

    photographie.

    Francis

    VANoyE,

    Rcit

    crit,

    rcitfilmique.

    Francis

    VRNoyg,

    Scnarios

    modles,

    modles

    de scnarios.

    ce logo

    a

    pour

    objet d'lerter

    le lteur

    sur la menace que

    rep.sente pour

    l'aveni.

    de

    l'crit,

    tout

    pmicurirement

    dans

    le domaine

    universitaire,

    le dveloppement

    massifdu

    photopillage

    .

    Cette

    pratique

    qui

    s,est gnralise,

    noment

    dms

    les tablis*mens

    d'enignement,

    povoque

    une baiss botale

    des

    hats de lires,

    au

    point

    que

    la

    posibilit

    mme

    pour

    les

    auteuft

    de crer des

    uvrcs nouvelles

    et de

    les

    faire

    diter conectement

    est

    aujourd,hui

    menace.

    Nous

    mppelons

    donc

    que

    la

    rcproduction

    et la vente

    Mns utorisatior,

    ainsi

    que

    le

    recel,

    snt

    psibles

    de pouNuites.

    Les demandesd'autorisation

    de

    photopierdoiventtre

    adrcsses

    l'diteurou

    au

    Centre frdais

    d,exploitation

    du

    droit

    de

    copie :

    20, rue

    des crmd-Augustins,

    ?5006

    pais.

    T1.

    0t

    44

    O7 41 7O

    @

    Armand

    Colin, 2005,

    pour

    la

    prsente

    impression.

    @

    Nathan

    2003

    ISBN

    :

    2-200-34173-3

    Table

    des matires

    lntroduction

    l3

    t4

    l5

    15

    15

    I7

    l8

    t9

    t9

    20

    2t

    22

    22

    23

    24

    25

    27

    29

    30

    33

    33

    36

    37

    39

    40

    42

    42

    44

    45

    47

    47

    49

    50

    52

    52

    52

    53

    57

    57

    59

    62

    64

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    3/94

    L'acteur de

    cinma

    The

    actor

    is the

    limit

    Technologie

    et

    disparition

    L'imagex.....

    La

    fantaisie

    finale

    Chapitre

    4

    :

    L'acteur, le

    cinaste : artistes

    et

    modles

    La direction

    d'acteurs

    L'action

    et

    l'interprtation

    . . .

    Un

    lien

    occulte

    Troupes,

    duos et ftiches.

    L'acteur comme matriau

    Sternberg.

    Hitchcock

    Bresson

    Pasolini

    Harmonies

    et

    rencontres

    La

    famille

    :

    John Cassavetes.

    L'

    acteur-ralisateur.

    hapitre

    5

    .'

    Acteur et

    personnage

    Etats du

    personnage.

    Des personnages

    en

    qute

    d'acteurs

    Remakes et

    sries

    Dfaite

    des

    mythes

    L'acteur-personnage

    L'invitable

    plnitude.

    Un couple

    signifiant-signffi

    ?

    .

    .

    De

    quelques

    acteurs-personnages

    Acteurs decomplment.

    . . . . .

    Supporting actors .

    L'acteurdu

    documentaire,

    un

    ? . . . . .

    Le figurant.

    Loin

    de

    la

    mimesis.

    Une

    garantie

    de la

    fiction

    Les

    prototypes

    corporels

    )>.

    . . . . .

    Chapitre 6

    :

    L'actnur

    amricain

    De Delsarte

    I'AADA

    Jouer

    son

    propre

    rle

    La

    destine

    de

    la mtamorphose. .

    .

    Les transformations

    du

    jeu

    hollywoodien

    Des acteurs amricaniss

    Une attnuation

    du

    jeu

    Laligne de l'acteurphysique

    . .

    L'Actors Studio

    .

    Une

    mthode.

    Une

    nouvelle

    prsence

    du corps

    Une forme

    idale

    pour

    le

    jeu

    de I'acteur.

    Une

    volution irrversible

    Table des matires

    Chapitre

    7 :

    Acteur vrai, non-acteur

    '*n',"i:i""Jiiilli:....

    .:.

    :

    '

    Trop

    de

    vrai

    tue

    le vrai .

    L'acteur

    non

    professionnel.

    . .

    L'acteur du noralisme

    Paradoxes de la vrit

    Les corps

    vrais

    sont

    trompeurs

    L'enfant

    acteur.

    Une vrit tenace.

    Le child actor hollywoodien

    Comment l'thique

    vient

    la

    direction d'acteurs

    Chapitre

    8 .' L'acteur et I'analyse

    Critique

    : un discours d'amour.

    Affect et

    contemplation

    Un

    progrs

    irrversible

    L'acteur-auteur

    Une

    problmatique

    :

    la

    star .

    La star au centre du film . . .

    La

    prhistoire

    des star studies

    .

    .

    . . .

    Le dveloppement

    des

    star studies . , .

    Analyse textuelle : l'acteur comme texte introuvable . . . .

    L'impossible smiologie du

    geste.

    Une

    conception

    de

    I'image

    Un moment de modration

    Un chantier

    en

    cours.

    Un

    champ interdisciplinaire .

    . . .

    [,e domaine amricain.

    Cinma

    et thtre.

    Perspectives

    Rapports

    d'acteurs.

    Le retour aux

    images.

    Un

    geste

    : La Nuit du

    chasseur

    Conclusion

    Bibliographie

    . ..

    .

    lndex

    des

    flms.

    Index des

    noms

    .

    65

    65

    66

    67

    68

    68

    69

    7t

    72

    73

    74

    76

    79

    80

    80

    81

    83

    86

    86

    87

    89

    90

    90

    9l

    92

    92

    93

    94

    98

    99

    100

    102

    104

    105

    105

    106

    t07

    107

    108

    110

    t13

    tt4

    15

    t7

    20

    I

    I

    5

    123

    r27

    r28

    t29

    130

    132

    t32

    135

    135

    137

    138

    157

    t57

    159

    l6l

    162

    162

    t63

    164

    166

    167

    169

    170

    t72

    140

    140

    t42

    143

    145

    146

    150

    t52

    t73

    179

    186

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    Introduction

    Actrices

    et acteurs occupent en

    volume la plus

    grande

    partie

    de

    la littra-

    ture

    cinmatographique,

    mais sur des modes

    qui

    ne

    varient

    gure,

    l'entre-

    tien, l'album,

    la

    biographie

    ou

    les mmoires.

    L'acteur

    aime

    se

    montrer et

    se

    raconter

    ;

    mme en coulisses,

    il reste

    du

    ct du

    spectacle et de

    l'exhi-

    bition,

    du

    glamour

    et de

    l'anecdote.

    Il

    intresselefan

    et le

    profane, mais le

    spcialiste

    ne

    le

    prend pas

    au srieux

    -

    comment

    considrer

    srieusement

    quelqu'un

    qui

    fait

    du

    fllm son

    terrain

    de

    jeu

    ?

    Et

    s'il

    va

    jusqu'

    inspirer

    I'admiration,

    c'est

    pour

    des raisons

    vagues

    et diffuses,

    la

    beaut,

    l'aura,

    l'nigme

    d'une

    prsence.

    Il

    n'en faut

    pas plus pour

    conclure

    que

    les

    acteurs dans

    le fllm

    ne nous regardent

    pas

    (cela

    leur

    est d'ailleurs en

    principe

    interdit)

    ;

    et

    nous, tudiants,

    universitaires,

    critiques,

    chercheurs,

    nous

    le

    leur

    rendons

    bien

    :

    More

    words and less sense

    have

    been

    written

    about

    stars

    than about any other

    aspect

    of

    the

    cinema

    >>r.

    Pourtant,

    rpter si rgulirement

    qu'on

    ne

    parle pas assez

    des

    acteurs,

    on finit

    par

    en parler, et

    plus

    qu'on ne

    le

    pense. De

    fait,

    depuis un

    peu

    plus

    de

    deux dcennies, des

    commentateurs

    de

    plus

    en

    plus

    nombreux

    se

    montrent attentifs

    l'acteur

    de cinma,

    son

    histoire, ses

    pratiques,

    ses

    rapports

    avec

    la cration,le

    spectateur, le champ artistique

    et social. Mais

    ces

    efforts

    semblent

    infimes,

    tant

    le domaine

    des tudes cinmatographi-

    ques

    est occup

    par

    ses objectifs

    dominants;

    l'approche

    des uvres,

    des

    cinastes, des

    influences,

    des

    styles

    ;

    l'approche du

    cinma comme

    langage,

    comme rcit,

    comme art

    visuel

    et sonore. L'acteur

    parat

    avoir

    peu

    faire

    dans

    cette

    aventure,

    d'autant

    plus

    qu'il

    hrite

    d'un

    handicap ancien, remon-

    tant aux origines

    mmes du

    thtre

    :

    la rprobation

    morale, sociale, esthti-

    que,

    qui

    a

    toujours

    pes sur les

    histrions.

    Cette

    rprobation, la

    pense sur

    le

    cinma

    l'a

    reconduite comme elle

    a

    reconduit, en des

    termes

    parfois

    peu

    diffrents,

    la

    plupart

    des

    questions

    souleves

    avant elle

    par

    I'art

    dramatique

    ;

    elle

    l'a mme

    aggrave,

    car

    non

    seulement

    la dfense

    des

    acteurs ne sert

    pas

    la

    qute

    de lgitimation

    (non

    acheve

    ce

    jour)

    de l'art

    cinmatographique, mais elle

    passe

    souvent

    pour la compromettre.

    Rien d'tonnant

    ce

    que,

    dans

    un

    tel

    contexte, les recherches sur

    l'acteur

    manquent encore de visibilit.

    Elles s'articulent

    pourtant

    sur

    une

    tradition

    aussi

    1.

    C'est

    autour des stars,

    plus

    qu'aucun

    autre aspect du cinma,

    qu'on

    a

    produit

    le

    plus

    de

    mots

    et

    le

    moins

    de sens

    (Dyer,

    1986)

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    5/94

    8

    L'acteur

    de

    cinma

    ancienne

    que

    le

    cinma

    lui-mme

    ;

    depuis

    que

    cinastes

    et

    critiques ont

    com-

    menc,

    voil

    un

    sicle,

    rflchir

    sur

    le

    septme art,

    ce

    sont eux

    qui,

    bien

    plus

    que

    les thoriciens,

    ont

    observ,

    apprci,

    discut,

    et

    le

    plus souvent

    cart

    facteur.

    Ce

    socle

    de

    parole, il

    nous appartiendra

    de

    le

    construire,

    en

    nous

    rsignant

    par

    avance

    fne

    le

    faire,

    dans

    l'espace

    restreint

    de

    ce livre,

    que

    de

    faon

    trop

    partielle.

    Qu'en est-il

    aujourd'h

    ?

    Sommes-nous

    assez

    srs

    du

    cinma,

    de

    sa

    phce

    ans

    I'art

    et

    dans

    la

    socit,

    pour ne

    plus

    avoir

    craindre

    de

    parler

    des

    cteurs

    ? Entendons-nous

    ;

    il

    n'est

    pas question

    de

    rhabiliter

    une

    victime

    de

    l'histoire,

    ni

    de

    plaider

    pour l'importance

    du

    futile,

    mais

    simplement

    de

    rappe-

    ler

    que,

    malgr1a

    rsistance

    ininterrompue

    de

    l'animation,

    de

    l'exprimental,

    du

    documentaire,

    le

    film

    narratif

    de fiction

    comme

    film

    iou

    reste

    la

    forme

    cinmatographique

    dominante.

    Certes

    les

    comdiens

    n'y

    font

    pas

    tout,

    et

    il

    serait

    narf

    d

    s'arrter

    leur opacit

    ;

    mais

    il

    est

    galement

    illusoire

    de

    la

    tra-

    verser

    colme

    un

    spectre,

    tel

    le

    smiologue

    qui, malicieusement

    voqu

    par

    Andr

    Gardies

    (1980),

    croise

    Marylin

    Monroe

    longueur

    de

    plans sans

    la

    voir.

    Pour

    vaincre

    cet

    aveuglement,

    il

    s'agit

    d'abord de

    montrer

    que l'acteur

    de

    cinma

    n'a

    pas

    t

    donn

    au

    film,

    mais

    forg,

    gagn,

    presque

    invent

    par

    lui

    :

    cela

    mrite

    u

    moins

    une

    enqute

    dtaille,

    au

    fil

    de

    laquelle

    appamtra

    peut-

    tre

    une

    auffe

    certitude.

    L-haut, sur

    l'cran, des

    tres

    s'agitent,

    femmes,

    hom-

    mes, enfants

    (limitons-nous

    l'humain,

    pour

    ce

    livre

    du

    moins),

    parlent

    ou se

    taisent,

    mettent

    ou

    captent

    des

    rayons

    lumineux,

    circulent

    dans

    le champ,

    l,agencent

    et

    l'animent,

    se

    prtent

    des

    couleurs,

    des

    personnages,

    des

    mo-

    tions. Ce

    ne sont

    que

    des

    ombres,

    bien sr,

    prises

    dans

    la

    toile

    d'une

    mise

    en

    scne, d'un

    projet

    formel

    et

    narratif,

    et

    on ne songerait

    pas

    les

    en

    sparer;

    mais

    on

    ,"

    peot

    nier

    non

    plus

    qu'au

    plan

    qui

    les encadre,

    la

    lumire

    qui

    les

    cLure,

    la mise

    en scne

    qui

    les

    organise, et

    dans

    leur

    relation

    avec

    eux,

    elles

    apportent

    des

    effets

    d'image,

    de

    son

    et de sens

    qui leur

    sont

    propres,

    et affec-

    t"rt

    t"

    film

    de

    multiple

    faon.

    Que

    l'acteur

    soit

    actif

    ou immobile,

    qu'il

    mas-

    que

    son

    personnage

    ou

    soit masqu

    par

    lui,

    que

    la

    camra

    le

    capte

    dans

    l'entier

    ou

    le

    frgment,

    tut

    film

    jou

    dveloppe

    des

    formes

    actorales

    plus

    ou moins

    riches

    etiignifiantes,

    mais

    pleinement inscrites

    au sein

    des

    formes filmiques'

    Pour

    les

    analyser,

    ou

    commencer

    le

    faire,

    l'approche

    du

    jeu

    parat

    l'accs

    le

    plus simple.

    Pourtant,

    ds

    ce stade,

    se

    pose en des

    termes

    cruciaux

    la

    question

    de

    h

    mttrode.

    Nicole

    Brenez, dont

    le

    nom

    reviendra

    souvent

    ici

    parce

    qu'elle

    a

    plus

    d'une

    fois

    affront

    cette difficult,

    propose de

    ne com-

    *"nc"i

    questinner

    le

    jeu

    de

    l'acteur

    que lorsqu'on

    a fini

    d'analyser

    tout

    le

    restel. Mais

    quand commencer,

    puisque toute

    analyse

    est

    interminable

    ?

    En

    1. Nicole

    Brenez,

    1993,179.

    Introduction

    9

    cette

    affaire,

    le

    pragmatisme

    s'impose,

    ainsi

    que

    l'humilit.

    Si

    les

    outils

    rnan-

    quent encore,

    nous

    travaillerons

    avec

    les moyens

    du

    bord.

    Et

    si

    l'tude

    des for-

    rnes

    actorales

    est

    sans

    dbut,

    sans

    fin

    et sans

    limites, nous

    pouvons

    cependant

    cn

    poser

    le cadre

    et

    proposer

    I'ide,

    travers

    quelques

    moments_du

    cinma,

    quelques

    dclarations,

    quelques

    gestes

    arrts,

    que

    le

    corps

    de

    l'acteur

    est,

    *inon

    ."

    que

    Serge

    Oaney'appe'iait

    l'histoire vritable;

    du

    cinmal,

    du

    moins

    sa

    fce visible,

    lisible,

    et

    mritant

    ce

    titre

    notre

    entire

    attention.

    Le

    hut

    de

    ce

    livre,

    on

    l'aura

    compris,

    sera

    moins

    d'tudier

    des

    prestations

    de

    comdiens

    que de

    constituer

    autour

    de

    l'acteur

    un terrain

    lgitime

    de

    rf'lexion

    ;

    il i'est

    dsormais

    crit et

    pens assez

    de

    choses

    pour

    que

    survienne

    une

    premire

    pause,

    accompagne

    d'une

    premire synthse'

    Malgr

    l,ambition

    d'un

    titre

    vaste,

    cette

    tude

    n'a

    donc

    aucune

    vise

    encyclop?dique

    ;

    ses

    zones

    de

    silence,

    conscientes

    et

    assumes,

    doivent

    tre

    pris cmm

    un

    encouragement

    ce

    que

    chacun

    occupe

    le territoire

    sa

    iaon.

    Oe

    plus, le

    discours

    sur

    l'acteur

    exige

    une

    matrise

    du

    contexte

    hiitorique,

    conomique,

    et esthtique

    des

    uvres

    envisages,

    et

    plus encore

    une

    familiarit

    culturelle

    avec

    les

    objets

    analyss,

    ce

    qui

    nous conduira

    privilgier

    les

    domaines

    qui

    nous

    sont

    le

    plus

    prochel

    (pTPi

    eux, au

    premiei

    rang,

    des

    films

    amricains et

    franais).

    La proximit

    linguistique

    st

    galemJnt

    essentielle,

    car

    l'acteur

    doubl

    n'est

    pas un ma/.s

    deux

    ucteuis;

    Jean

    Eustache,

    avec

    l'exaltation

    propre

    la cinphilie

    classique,

    dclarait

    qu'il aimait

    voir des

    films

    de

    Mizoguchi

    sans

    sous-titres

    pour ne

    pas

    avoir

    .'o""rp".

    de

    la

    justesse

    du

    jeu

    des

    acteurs,

    mais

    quel

    analyste

    e

    films

    prf&eriit

    aujourd'hui

    ne

    pas

    comprendre

    les dialogues

    de

    La

    Maman

    et la

    putain ?

    Deux

    prcisions

    pour terminer.

    La

    prsence

    enregistre

    de

    l'acteur,

    grave

    dani

    la pellicul,

    est

    aussi

    grave dans des

    espaces,

    des

    poques,

    des

    Jomportementi

    ;

    ce

    titre

    son

    tude

    prsente un

    intrt

    ethnographique,

    socilogique,

    anthropologique,

    mais ce n'est

    pas

    ce

    qui nous

    retiendra ici,

    gu

    seulment

    sur le

    mode d'une

    vocation

    rapide. L'acteur

    (c'est une des

    tatalits

    qui

    psent sur

    lui)

    a

    galement

    le

    don

    de

    nous entraner

    sans cesse

    hors

    des

    fiims,

    dans

    le

    professionnel,

    l'conomique,

    le

    tlvisuel,

    le

    psychologique,

    le

    politique. ces

    questions

    sont

    importantes,

    majeures

    peut-

    ti"

    pou.i"rtains

    lcteurs,

    mais

    nous

    ne

    prendrons

    pas

    non

    plus

    le

    temps

    de

    norr

    y

    arrter,

    tout

    simplement

    parce que l'urgence

    est ailleurs,

    et

    qu'il

    nous

    faut faire des

    choix.

    Enfin,

    dans

    tous

    les cas

    o

    l',on

    parlera

    ici

    de

    faon

    gnrale

    des

    uctrices

    et acteurs

    de

    cinma,

    et dans

    la

    mesure

    o

    il n'existe

    pas

    de terme

    l. serge

    Daney,

    kt

    Rampe,

    cir

    par Jean-Louis

    Leutrat,

    l4

    cinma

    en

    perspective:

    une histoire'

    Nathan

    Universit, coll.

    128

    ,1992,96.

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    6/94

    l0 L'acteur

    de cinma

    piqne,

    le

    masculin

    l'emportera pour

    des

    raisons pratiques.

    Cette

    incorrection

    politique

    est vite

    de ns

    jours

    par

    la plupart

    ds ouvrages

    anglo-saxons,

    mais

    la

    langue

    franaise,

    hlas

    pour

    nous,

    s,pargne

    plus

    dif-

    ficilement

    les injustices

    grammaticales.

    Remerciements

    Tous

    mes remerciements

    vont

    Michel

    Marie pour

    sa confiance,

    ainsi

    qu'

    Francis

    vanoye

    pour

    avoir

    permis

    ce livre

    de natre,

    et

    en

    avoir

    accompagn

    avec

    viilance

    les

    premiers

    tats.

    Merci

    aux collgues

    qui

    m'ont

    conseille,

    et

    m'ont

    signal

    ou communiqu

    des

    articles et

    ouvrag.es

    :_Pierre

    Beylot,

    Rosemarie

    Godier,

    Herv

    Joubert-Laureniin,

    Tim

    palmer,

    Genevive

    Sellier,

    Gianluca

    Sergi,

    Christian

    Viviani.

    eJc-i l

    nap lle

    Moine pour

    nos

    stimulantes

    conversations

    ;

    Alain

    Kleinberger,

    Barbara

    Le Matre

    et Thierry

    Tissot,

    claire Nacache,

    claudine

    et Jennifer

    Ruimi, pourleur

    soutien

    et

    leurs

    encouragements.

    Merci

    enfln

    Jean

    Roy pour

    son aide

    prcieuse,

    Michal

    et

    Lucile

    pour

    leur

    affectueuse

    patience.

    Chapitre

    Naissance

    d?un

    acteur

    Incarnation

    du lien du

    spectateur

    au

    film,

    vecteur

    privilgi de

    l'imagi-

    naire, l'acteur

    de

    film

    reste

    mystrieux,

    et

    la

    question intacte

    :

    qu'est-ce

    qu'un

    acteur

    de cinma

    ?

    Autour

    de

    moi, on

    s'tonne

    que

    je

    me

    le demande.

    L'acteur

    ne

    serait-

    il

    pas ce

    que

    le cinma

    montre avec

    le

    plus

    de

    complaisance

    ?

    Ne saurais-je

    pas

    qui snt

    ces

    femmes, ces

    hommes,

    ces

    enfants

    qui habitent

    les

    films,

    mobiles

    ou

    immobiles,

    muets

    ou

    bavards,

    ces

    visages,

    ces

    regards, ces

    corps

    qui

    s'exposent,

    ces

    voix

    dont

    le grain reconnaissable

    sont

    pour

    moi la

    voix

    mme

    a fim

    ? Ne suis-je

    pas

    assez

    informe

    sur

    le

    mtier:

    feindre

    d'tre

    ce

    qu'on

    n'est

    pas, de

    vivre ce

    qu'on ne

    vit

    pas,

    en

    rendant

    l'illusion

    la

    plus

    parfaite

    possible

    -

    et sur

    le rituel,

    plateaux,

    camras,

    lumire,

    rptitions,

    moteur,

    ction,

    coupez

    ? Tout

    porte

    croire

    que

    l'acteur

    est

    le

    tout

    du film,

    ce

    qu'il renferme de

    plus

    dsirable,

    mouvant,

    ou

    dtestable,

    mais en

    tout

    cas d'humain;

    que

    l'cran

    est

    d'abord

    un miroir

    dans

    lequel

    nous recon-

    naissons

    ce

    qui

    nous

    ressemble.

    Mais

    tant de

    certitude

    a de

    quoi

    inspirer

    la

    mfiance.

    Au

    thtre

    il y

    a

    du corps

    en

    face de moi,

    dont

    le fonctionnement

    me

    fascine et

    m'intrigue,

    pris

    dans

    l'unit

    d'un

    temps et

    d'un

    espace.

    De

    I'acteur

    de

    thtre,

    Valre

    Novarina

    peut souhaiter

    qu'un

    jour

    il

    livre

    son

    corps

    vivant

    la mdecine,

    qu'on

    ouvre,

    qu'on

    sache

    enfin

    ce

    qui

    se

    passe

    dedans,

    quand

    a

    joue

    >>.

    (I-ettre

    aux

    acteurs).

    Au

    cinma,

    pas

    de

    peau ni

    de

    chair

    ni

    de

    dehors-dedans.

    L'acteur

    n'est

    que

    fantme,

    analoSon

    lectrique,

    vestige

    de

    quelque

    chose

    qui

    a

    vcu,

    boug,

    souri,

    pleur

    devant

    l: camra,

    mais

    dont

    il ne

    reste

    presque

    rien

    ;

    image dans

    laquelle

    l'humain ne

    pse

    pas

    lourd,

    mais

    qui ne laisse

    pas

    d'orienter,

    de captiver

    mon

    regard.

    Pourtant

    cette

    prsenc cgnotante

    que

    je

    perois

    sur l'cran

    ne m'apparat

    gure

    comme

    empreinte

    d'un

    moment

    humain,

    mais synthse

    d'une

    te:nporalit

    multiple

    et

    clate.

    i'acteur

    n'est

    pas,

    en

    principe, ce

    qui

    cote

    cher

    au

    film,

    c'est

    mme

    ce

    qui peut

    lui

    coter

    le moins

    ;

    foyer essentiel

    de

    mouvement,

    c'est

    aussi

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    7/94

    12 L'acteur

    de

    cinma

    l'essentiel

    de ce

    qu'il y

    a

    de filmable,

    ce

    qu'on

    peut

    toujours

    filmer

    quand

    bien

    mme

    rien d'autre

    ne se laisserait attraper

    pat

    la

    camra.

    Mais

    que

    ce

    visage

    soit celui d'une star,

    voici

    qu'il

    vaut une

    fortune,

    qu'il

    relve

    du

    luxe

    et clipse

    tout ce

    qui

    autour de lui

    a

    un

    prix.

    L'acteur

    n'est

    pas

    le

    personnage

    de

    fiction

    ;

    je

    ne

    peux

    pas

    les

    confon-

    dre, surtout s'il s'agit d'un visage connu, charg de vies antrieures.

    En

    mme temps,

    il

    ne se

    propose pour

    rien

    d'autre

    que

    ce

    personnage

    : tel qu'il

    m'est

    donn

    voir

    dans

    le

    film,

    tel

    que

    je

    l'aperois

    ds

    le premier instant,

    par

    son vtement,

    sa

    posture,

    le

    dcor

    dans

    lequel

    il se

    trouve, il est dj

    personnage

    et

    n'chappera

    pas plus

    cette

    condition

    qu'

    celle

    d'tre

    lui-mme.

    De ce corps illusoire, rien ne me

    garantit

    I'unit

    ;

    tout

    moment

    il

    peut

    tre

    spar

    de

    sa voix, ou

    dot

    d'une

    voix d'emprunt

    :

    tout

    moment

    le

    cadrage

    peut

    en isoler des fragments, courbe d'paule coupe

    par

    la ligne

    du

    cadre,

    grossissement

    inattendu

    d'un

    regard,

    d'un sourire,

    plans

    d'chelle

    vaie

    que

    le

    montage

    articule

    en des combinaisons phmres. Ce corps,

    je

    n'ai mme

    pas

    l'assurance

    qu'il

    soit un et authentique

    ;

    il

    y a

    peut-tre

    l

    du

    composite,

    un

    plan

    de mains ou de

    pieds

    qui vient d'ailleurs, une

    doublure

    pour

    une scne impudique ou difficile. Mme si

    l'acteur

    m'est

    familier,

    je

    ne sais

    jamais

    sous

    quelle

    surprenante

    apparence

    le

    film

    me le

    rvlera, les effets les

    plus

    ralistes

    pouvant

    rehausser sa beaut, le

    rendre

    anonyme

    ou

    le

    dfigurer,

    le

    faire

    entrer

    dans

    le rgne du monstrueux,

    voire

    me

    drober totalement son visage, homme invisible, femme-lopard,

    homme-lphant.

    Si

    je

    voulais

    pour

    me rassurer faire concider I'acteur dans

    le film

    avec

    l'image

    que

    je

    perois

    de

    lui

    la tlvision, assurant la

    promotion

    de

    ses

    films, recevant des mdailles, l encore

    j'en

    serais empche. Comment

    reconnatre

    dans

    cette

    Sandrine

    Bonnaire

    avenante,

    lgante, et

    souriant sur

    un

    plateau

    de

    tlvision aux couleurs

    vives, la

    brutalit

    de celle

    queje

    vois

    l'uvre

    dans

    La

    Crmonie

    ?

    Si du

    temps s'est coul

    -

    car

    le drame

    (ou

    la

    chance)

    des

    publics

    de cinma est de

    n'tre

    pas

    toujours

    les contempo-

    rains des acteurs

    qu'ils

    regardent

    -,

    le gouffre

    qui

    spare

    les

    deux

    images

    est

    infranchissable. Il

    faut

    se

    figurer

    une

    vie teinte

    depuis

    longtemps,

    il

    faut, avec

    douleur,

    superposer une Lauren Bacall ride aux images ternel-

    lement

    jeunes

    de

    Key

    Largo.

    Enfin, faute de

    percevoir quelque

    chose de

    l'acteur

    dans

    le

    flux

    des

    images

    mouvantes,

    je

    puis

    m'en

    remettre

    aux

    photographies, qui

    m'en

    pro-

    posent

    des

    images

    sinon

    stables, du moins fixes. Mais comment m'y fier ?

    Le

    portrait

    de studio, sophistiqu et

    intemporel,

    ne

    m'apprend rien,

    sinon

    une version romanesque et idalise de ces visages, comme Roland Barthes

    l'crivait des

    portraits

    Harcourt

    (Mythologies).

    Mais il

    n'est

    pas plus

    roma-

    nesque, somme toute,

    qu'un

    instant

    intime

    en

    famille

    vol

    par

    lespaparazzi,

    Naissance

    d'un

    acteur

    13

    0u

    ce reportage

    de

    Life

    qui me

    promet

    de voir

    Elizabeth

    Taylor

    sans

    rnaquillage.

    Dtache

    des

    films

    comme

    de toute

    alit,

    morceau

    de

    fiction

    irnmobil,

    une

    photo

    d'acteur,

    de

    quelque

    ct

    qu'on

    la

    prenne,

    eit

    toujours

    tle

    la

    mise

    en

    scne.

    Llacteur,

    ou

    comment

    s'en

    dbarrasser

    De

    Platon

    Shakespeare,

    l'acteur

    est

    devenu

    le

    lieu

    commun

    d'une

    invi-

    table

    analogie

    entre

    vie

    et

    thtre.

    Quel

    que

    soit

    le

    metteur

    en

    scne

    (Dieu,

    le

    destin,

    l'histoire),

    tout

    tre

    humain

    peut

    tre

    tenu

    pour

    participant une

    vaste

    pice dont

    la fln

    n'est

    que

    trop

    connue.Wlontaigne,

    citant

    Ptrone,

    le

    tlisaitn

    Son

    temps

    :

    Mundus

    universus

    exercet

    histrionam

    ,

    le

    monde

    cntier

    joue

    la

    comdie.

    Toute

    action

    est assimilable

    au

    reprsent,

    et

    donc

    uu

    jou

    :

    >),

    mot

    qui

    a subi,

    assez

    tt

    dans

    son

    histoire,

    la

    drive

    morale

    que

    l'n

    sait.

    L'actor

    latin

    est

    plus

    simple

    ;

    avant

    de

    dsigner

    la

    profession de

    comdien, il signifie

    trs

    pragmatiquement

    :

    dont

    le sens,

    d'aprs

    le

    dictionnaire

    Robert,

    resta

    longtemps

    fluctuant

    :

    l'acteur

    dramatique.

    Chez

    ,ouJ,

    la nuance

    est

    plus

    llbre

    comdien,

    plus technique,

    suscite

    l'image

    d'un

    professionnel au service

    de

    son

    rle et

    du texte.

    Le mot voque

    la

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    8/94

    14 L'acteur

    de

    cinma

    scne

    sans lui

    tre exclusivement

    rserv,

    mais ne

    s'impose

    pas

    l'cran

    ;

    la

    sphre de l'acteur inclut

    des

    conditions

    et des statuts

    plus

    divers. Le

    terme anglais

    >,

    enfin,

    est de

    plus

    en

    plus

    souvent employ

    au

    thtre

    pour

    insister

    >.

    Du

    reste, si Aristote

    dfend la

    tragdie, il

    ne

    se

    prive

    pas

    de charger les

    acteurs :

    quand

    le

    thtre semble

    contorsionn,

    ce

    n'est

    pas

    la faute

    du

    pote

    1. Cf.

    Jerome

    Delamater,

    Ritual,

    Realism and

    Abstraction:

    Performnce

    in the

    Musical,

    Zucker,199O.

    2. Voir

    ce sujet Jean-Marie

    Schaeffer, Pourquoi

    lafiction

    7, Seuil, 1999.

    Naissance

    d'un acteur

    15

    mais

    celle de

    I'acteur.

    Dclamant

    l'pope,

    le rhapsode

    lui aussi

    peut

    se

    montrer

    mauvais

    acteur, et

    >.

    [,e

    mieux

    est encore

    d'liminer

    la tentation

    du

    jeu,

    la

    >

    (Potique,

    t462

    a).

    Un

    acteur

    encombrant

    Ce

    n'est

    que le dbut d'une

    discussion

    qui

    se

    prsentera de nouveau

    sous

    bien

    des

    formes

    :

    que

    faire de

    l'acteur

    ? Comment

    s'en

    dbarrasser

    ?

    Il

    encombre,

    tous

    points

    de

    vue,

    notre civilisation

    occidentale.

    Lorsqu'au

    xvlle

    sicle

    prend forme en

    France

    la

    notion

    d'acteur,

    c'est

    dans

    l'espace

    restreint

    que lui assignent

    la

    socit,

    l'Eglise,

    et

    la

    rhtorique

    classique:

    lnventio,

    dispositio,

    elocutio,

    et

    la

    quatrime

    partie, l'actio oratoire,

    cnsemble

    de techniques

    d'loquence

    enseignes

    notamment

    par les

    jsuites

    aux

    futurs

    professionnels

    de la

    parole publique

    (Chaouche,

    2001).

    Longtemps

    les

    lois

    de

    la dclamation

    se

    confondent

    avec

    l'art dramatique

    ;

    puis, lorsque

    celui-ci

    va

    de l'emphase

    l'intriorit,

    au ralisme

    du

    geste,

    la

    psychologie,

    lorsque

    le metteur

    en

    scne prend le

    pas sur

    l'acteur, c'est

    tut

    ce

    qu'il y

    a

    d'humain

    chez

    l'acteur,

    de non

    rductible

    par

    la technique

    du

    jeu

    et

    la mise

    en scne,

    qui fait

    encore

    obstacle

    la

    perfection

    thtrale,

    Ct

    plus

    encore

    la

    rflexion.

    Mme dans

    le domaine

    du

    thtre,

    o

    l'acteur

    u

    suscit

    infiniment

    plus d'intrt

    qu'au

    cinma,

    l'analyse

    de sa

    contri-

    bUtion

    au

    spectacle

    reste

    un

    terrain

    mal

    connu,

    pour

    lequel

    on

    en

    est encore

    proposer de

    nouveaux

    outils

    (Pavis,

    1996).

    Vers

    un

    acteur

    de cinma

    Nouveau

    mtier,

    nouvelles rgles

    l,c

    cinma

    devra lui

    aussi,

    on

    le verra,

    faire

    face

    l'encombrement

    actoral.

    Mais

    son arrive

    la n

    du

    xIf sicle

    suspend

    un temps

    la

    question

    en'

    transformant

    brutalement

    le mtier, le

    statut,

    le

    contenu

    du concept

    d'acteur.

    Ds

    les premires vues

    Lumire

    apparaissent

    sur l'cran

    des

    tigures

    humaines

    animes

    auxquelles

    ne convient

    ni

    le

    titre

    de comdien

    ni

    cetui

    de

    mime.

    Auguste

    Lumire,

    sa

    femme

    et leur enfant

    tiennent

    la

    vcdette

    du

    Djeuner

    de bb,

    Mme

    Lumire

    et ses deux

    filles

    celle de

    La

    Sortie

    du

    port.

    Llacteur de

    L'Arroseur

    arros

    est

    M.

    Clerc,

    un vrai

    jardi-

    nier

    au service

    de

    la

    famille

    Lumire, et

    le

    petit plaisantin est

    un

    apprenti

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    9/94

    16

    L'acteur

    de cinma

    de

    l'usine.

    Personnes

    relles,

    certes,

    mais

    dont ne

    se

    peroivent

    que

    des

    ombres

    mouvantes

    et

    silencieuses

    ;

    hommes

    et femmes

    de

    la

    rue, loin

    de

    toute

    scne, pris

    sur le

    vif d'une

    situation

    relle

    ou

    peine

    fictionnante.

    Ainsi,

    ds

    ses dbuts, le

    cinma

    utilise

    le

    corps d'une

    faon

    qui

    n,a

    pas

    d'quivalent

    au

    thtre,

    comme

    lment

    du

    dcor

    et donc du

    monde. Il

    n,y

    a

    pas

    encore

    de nuances

    entre le

    figurant

    et

    le protagoniste

    dont les

    actions

    monopolisent

    l'attention

    de

    la

    camra

    ;

    mais

    c'est

    l

    ce

    qui

    est

    prcieux.

    En

    un

    temps

    o

    ni

    le

    montage

    ni

    l'chelle

    des

    plans ne peuvent

    morceler

    les

    co{ps,

    les

    films primitifs

    abordent

    leur

    faon

    la

    singulire

    condition

    de

    l'acteur

    de

    film,

    qui

    est

    l

    sans

    y

    tre,

    joue

    sans

    faire le

    comdien,

    >

    en

    mme

    temps qu'il

    se

    laisse

    agir, saisir par

    la prise

    de

    vue

    comme

    par

    ce

    que

    F.

    Niney

    (2000)

    appelle,

    parlant

    du

    documenture,we

    prise

    de vie.

    Les

    premiers

    >

    de Montreuil,

    Georges

    Mlis

    construit,

    ds 1897,

    une vraie

    scne,

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    10/94

    18

    L'acteur

    de

    cinma

    remplacent l'embauche

    pour

    un

    seul film;

    l'industrie

    du cinma

    se

    struc-

    ture

    en

    professionnalisant

    ses

    acteurs.

    Ceux-ci

    demeurent

    cependant

    le

    plus

    souvent

    dans

    l'anonymat,

    et n'en

    sortent

    qu'

    partir

    de 1910lorsque,

    le

    mtrage

    des

    films

    s'allongeant

    pour

    rpondre la

    demande

    publique, des

    producteurs

    clairvoyants

    se

    tournent

    de

    nouveau

    vers les

    vedettes

    du

    thtre et

    de

    l'opra.

    Asta

    Nielsen

    tourne

    L'Abme,en

    1910, Sarah

    Bernh

    ar;dt

    In

    neme lizabeth,

    en

    1912,leonoru

    Duse

    Cendres,

    en

    1913.

    Le

    jeu

    de

    Nielsen

    dans

    L'Abme

    cherche aussitt

    dans le cinma une

    expression

    pour son

    rotisme

    vibrant

    (Aud,

    1993).

    Beaucoup

    d'autres,

    que

    le

    cinma

    laisse

    sans

    voix, ne

    lui

    apportent

    rien en

    change;

    de

    Sarah Bernhardt,

    Louis

    Delluc disait,

    en

    revoyant

    ses tout

    premiers

    films,

    que

    c'tait

    >.

    En

    Italie,

    l'art

    des

    grands

    comdiens

    de

    la fin

    du

    XIxe sicle, la

    Duse,

    Zacconi,

    Novelli,

    est dj sur

    le dclin,

    et

    l'cran

    ils

    se contentent

    de

    rpter leur

    jeu

    thtral, moins

    pour se mettre

    l'preuve du

    cinma

    que

    pour

    enregistrer

    leur

    prestation

    (Farinelli,

    2000,

    108)'

    A

    Hollywood,

    Adolph

    Zlkor,

    la Famous

    Players,

    devient

    le

    plus rput des

    promoteurs

    dt star

    system;

    V/illiam

    Fox transforrne

    une

    comdienne de

    thtre, la

    brave

    Theodosia

    Goodman de

    Cincinatti,

    en

    une

    femme fatale

    au

    regard

    charbonneux,

    pare

    de

    toutes

    les

    dangereuses

    sductions

    de

    I'Orient.

    Le

    pseudonyme de cette

    mangeuse d'hommes

    est

    Theda Bara,

    l'anagramme

    sulfureux de

    >

    et

    ,

    et

    son

    personnage de

    vamp

    se dveloppe

    entre 1915 et

    1919, avant de

    tomber dans l'oubli.

    Les

    aues acteurs

    sont

    recruts dans

    tous

    les

    milieux

    -

    au cabaret,

    au

    vau-

    deville, au cirque

    -

    et

    souvent

    pour

    accomplir

    bien

    autre chose

    qu'un

    travail

    de

    comdien.

    Soit

    que

    le cinma

    les

    emploie

    pour leur apparence

    fortement type,

    comme

    ces

    figurants

    chinois ou

    mexicains

    qui,

    dans

    les dbuts d'Hollywood,

    espraient

    toujours

    trouver

    du travail

    en

    rdant

    autour

    des compagnies

    de

    cinma

    nouvellement

    installes

    ;

    soit

    qu'on

    leur demande

    surtout

    des comp-

    tences

    physiques,

    cofilme

    ce

    fut

    le cas

    ds

    les courts-mtrages

    Path,

    et

    plus

    encore avec

    le

    dveloppement

    du

    cinma burlesque.

    L'acteur du

    burlesque

    muet, tel

    que

    le consacrent

    en

    France

    Jean

    Durand,

    ses Calino

    etZigoto,l'l'

    g*""

    ,orpl, de

    Max

    Linder, Mack

    Sennett

    et

    ses

    du

    thtre

    sudois

    donne

    les

    mcilleurs

    rsultats dans les

    films

    de

    Victor

    Sjstrom

    ou

    de

    Stiller,

    tous

    deux

    vnus

    cle

    l'art

    dramatique.

    Aux

    tats-Unis,

    la

    scne

    continue fournir

    beau-

    eoup

    d'acteurs,

    mme

    s'il faut les rompre

    aux

    exigences de

    l'cran; et,

    qu'ils

    f'assent

    leur

    carrire

    en

    Angletelre

    ou

    outre-Atlantique,

    rares

    seront,

    0u

    long du

    sicle,

    les

    acteurs britanniques

    qui n'ont

    pas

    commenc

    sur les

    plunches.

    En

    Chine,

    le

    cinma

    est

    tiraill

    entre

    la

    copie

    des films

    occi-

    dentaux

    et

    les

    genres

    thtraux traditionnels

    ;

    il

    faudra attendre

    les

    annes

    trente,

    et

    le

    >

    avant

    l'heure des

    Anges

    du boulevard

    (Yuan

    Muzhi,

    1937)

    pour

    qu'merge

    ce

    que le

    grand acteur

    chinois

    Zhao

    Dan

    uppelle

    un

    venu

    d'Occident.

    Et

    l'on

    verra bientt

    qu'cn

    URSS,

    les modles

    thoriques

    proposs pour

    l'acteur

    de cinma

    se

    ilont

    tous

    articuls

    sur

    des

    rvolutions

    thtrales.

    t

    Un

    acteur

    sans

    aura

    Ibut

    joue

    dans

    Ie film

    i

    I'acteur

    de

    film

    est

    diff,cile

    concevoir,

    c'est

    que,

    contrairement

    ce

    qui

    se

    passe

    sur scne,

    tout

    joue

    dans

    le

    film.

    Tout

    y

    a

    une me

    -

    un

    arbre,

    un

    objet,

    un

    paysage.

    Le

    cinma

    >

    du Dictionnaire du

    cinmafranais des

    annes

    lirrxt

    (

    I t|95, n'

    33,

    2001),

    sous

    la direction

    de

    Franois Albera

    et Jean Gili.

    ,1,

    Voir

    Jacqueline

    Nacache,

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    11/94

    20 L'acteur

    de cinma

    mondes du cinma. Fntz

    Lang,

    rappelle J.-L.

    Leutrat,

    >

    Rebecca,

    dans

    une

    scne du film de

    Hitchcock, comme si elle tait

    prsentel

    ;

    elle

    l'est, actrice

    absente,

    personnage

    qui

    n'aspire

    pas, pour

    exister,

    l'incarna-

    tion. Face cette rude et multiple concurrence, l'acteur est secondaire,

    priphrique,

    marqu en tout

    cas par

    un dflcit

    de

    prsence.

    Ds I'appari-

    tion

    du

    cinma,

    c'est

    l'homme

    qui

    tonne

    le moins

    ;

    aprs

    tout,

    remarque

    Iouri Lotman,

    la mobilit

    des

    personnages

    n'avait

    rien

    de nouveau, alors

    que

    la

    locomotive

    et

    le

    feuillage

    derrire

    le

    repas

    de Bb

    meuvent

    et

    surprennent,

    pil

    > (Lotman,

    1977).

    [,lacteur n'est

    pas

    l'affaire

    du

    cinma

    Si

    l'acteur est le tout

    du thtre,

    il

    n'est

    donc

    pas

    celui

    du

    cinma, dont,

    bien

    au-del de

    l'homme,

    la matire

    inflnie

    est le

    flux

    des

    phnomnes

    visibles

    (S.

    Kracauer).

    Une

    porte qui

    bat, une feuille

    dans le

    vent, les

    vagues

    qui

    lchent une

    plage

    peuvent

    accder la

    puissance

    dramatique

    ,

    dit

    Bazin.

    Quelques-uns

    des chefs-d'uvre du cinma

    n'utilisent

    l'homme

    qu'accessoirement

    ;

    comme

    un

    comparse,

    ou en contrepoint

    de

    la

    nature qui

    constitue

    le

    vritable

    personnage

    central.

    Mme si

    dans Nanouk ot

    Man

    of

    Aran

    la lutte de l'homme et de la nature est le sujet du film, elle ne saurait tre com-

    pare

    une action thtrale, le

    point

    d'appui du levier dramatique n'est

    pas

    dans

    l'homme mais dans les choses. Comme l'a dit,

    je

    crois, Jean-Paul Sartre,

    au

    thtre le drame

    part

    de

    l'acteur,

    au cinma il va du dcor

    l'homme.

    ,2

    Justement,

    partir

    de

    I'acteur

    >>

    devient

    ceci mme

    par quoi

    le

    thtre

    se

    dfend, rsiste l'invasion du cinma. Un lieu commun de la critique thtrale,

    selon

    Bazin,

    est

    >,

    sur

    la

    scne de thtre,

    prsence physique

    jusqu'alors

    parfaitement

    banale, et

    laquelle

    le

    cinma con-

    fre

    par

    contecoup un immense

    prestige.

    [,e

    thffe est le sanctuaire de

    l'acteur

    ;

    le

    bruit,

    le

    souffle,

    la matrialit

    de son

    corps

    sur

    la

    scne

    attestent

    qu'il

    n'est nulle

    part

    ailleurs

    en mme temps, que

    l'instant

    thtral est

    phmre,

    unique,

    irrpetable,

    et

    digne

    ce

    titre du

    plus grand

    respect.

    C'est

    donc

    pour

    Walter

    Benjamin la

    seule condition

    possible

    d'ne

    aura

    du comdien

    :

    >.

    Ils sont,

    rclun

    le

    mot

    de

    Luigi

    Pirandello

    que

    cite Benjamin:

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    12/94

    22 L'acleur de

    cinma

    exigences du

    cinma

    moins dformantes

    que

    celles du

    thre

    >>,

    et se

    laisse

    mouvoir

    plus

    que

    tout

    par

    les

    performances

    physiques,

    comrne

    celles

    de

    Douglas

    Fafubanks,

    >,

    il

    faudra

    pour

    cela envisager

    >,

    dont

    pas plus

    d'une

    douzaine

    ne seraient

    gards.

    Pour injuste et

    excessif

    que

    semble

    ce

    discours,

    il aduit

    le dsir

    de

    comprendre

    et

    si

    possible

    de

    codifler

    la spciflcit

    de

    l'acteur

    de film. Mais

    ce dsir

    n'aboutit,

    pour

    le

    moment,

    qu'

    une volont

    d'attnuer, sur

    deux modes

    rcurrents,

    la

    prsence

    trop massive

    de l'acteur

    : soit

    qu'on le

    tenne

    pour

    un

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    13/94

    24

    L'acteur

    de cinma

    cration

    d'un

    ,

    QU

    sa luxu-

    riance protge

    de

    tout

    excs smantique.

    Longtemps

    aprs

    la

    fin

    du muet, les

    thoriciens

    consacreront

    encore

    la

    supriorit

    artistique

    du non-verbal

    (avantage

    culturel

    confirm,

    de nos

    jours,

    par

    le

    fait

    que

    le muet

    soit

    plus

    connu

    des

    lites

    cinphiles

    que

    du

    grand

    public).

    Pour

    Rudolf Arnheim (1989,

    115),

    c'est

    dans

    le muet

    que

    la

    signication

    nous

    parvient

    de la faon

    la

    plus

    artistique,

    par

    le

    jeu

    des

    muscles

    du

    visage,

    des

    membres,

    du

    corps.

    La

    qualit

    motionnelle de

    la

    conversation

    est

    rendue

    vidente,

    avec une

    clart

    et une

    exactitude qui

    sont

    inaccessibles

    au langage.

    Les

    choses

    sont

    pourtant

    moins

    simples

    qu'elles

    ne le semblent,

    et

    l'acteur

    du

    muet doit,

    tout en liminant

    la surexpressivit

    thtrale, pro-

    mouvoir

    le

    geste

    comme

    fondement d'un langage

    expressif. Son

    jeu

    sera

    donc

    pris

    dans

    une

    srie

    de

    tensions,

    entre

    surjeu

    et

    sous-jeu,

    humain et

    inhumain,

    emphase

    et

    dpouillement.

    En Italie, les

    poses

    et

    la

    lenteur

    hiratique

    des

    divas coexistent

    avec la

    gesticulation

    des

    acteurs de

    Cabiria

    (19t4);

    le burlesque

    ne peut

    se concevoir que

    dans

    un

    rappofi dialectique

    entre

    la

    dpense

    chaplinienne (F. Bordat) et l'conomie

    keatonienne

    ;

    l'impassibilit

    du

    Japonais

    Sessue

    Hayakawa

    dans Forfaiture

    (1915)

    sou-

    lve

    l'admiration

    de

    la

    critique intellectuelle. A

    la lgendaire

    inexpressivit

    de

    Mosjoukine dans le

    rcit

    de

    l'effet

    Koulechov,

    s'oppose

    un

    cinma muet

    o

    l'acteur,

    ne comptant que

    sur

    lui-mme,

    continue

    de

    rouler des

    yeux,

    de

    rire,

    pleurer,

    grimacer,

    retrouvant,

    cofitme

    l'c/rt

    Sylvie Pierre,

    r1.

    Prsence,

    pril

    et

    combustion

    Ce

    qui

    est

    en

    jeu

    dans

    cette tension

    n'est rien

    de

    moins

    que

    le

    statut

    de

    la

    prsence

    cinmatographique.

    Longtemps

    aprs, il

    reviendra

    la

    critique

    et

    la thorie commenante

    de

    remettre

    la

    question

    au

    centre

    des dbats

    sur

    les

    diffrences

    entre thtre

    et

    cinma.

    Il

    est faux,

    critBazin,

    de

    dire

    que

    l'cran

    soit absolument

    impuissant

    nous mettre

    >

    de

    I'acteur.

    Il

    le

    fait

    la

    manire d'un

    miroir

    (dont

    on

    accordera

    qu'il

    relaie

    la

    prsence

    de ce

    qui

    s'y

    reflte),

    mais

    d'un

    miroir

    au reflet

    diffr,

    dont le

    tain

    retiendrait l'image.

    Il est vrai

    qu'au

    thtre

    Molire peut

    agoniser sur la

    scne et

    que rous

    avons

    le

    privilge

    de

    vivre

    dans le temps

    biographique

    de

    l'acteur;

    l. Sylvie Pierre

    (1992-1993).

    Naissance

    d'unacteur 25

    mais

    nous

    assistons

    bien dans

    le film

    Manolete

    la

    mort

    authentique

    du clbre

    torero,

    et si

    notre motion

    n'est

    pas

    tout

    fait

    aussi

    forte

    que

    si

    nou-s

    avions t

    clans I'arne en

    cet

    instant historique, elle

    est

    pourtant

    de

    mme nattire.l

    L'motion

    comme

    preuve

    d'une

    prsence

    :

    l'argument a

    quelque

    chose

    d'incontestable

    mais narl

    plein

    de

    foi dans

    le

    >

    de

    I'image

    cinmatographique. Un

    peu

    plus

    tard encore

    Christian

    Metz, dans

    Ufl

    article

    fondateur,

    mettra

    de

    l'ordre

    dans

    ces

    impressions,

    en

    distinguant

    prsence

    et

    ralit.

    la

    suite de plusieurs filmologues,

    il

    indique

    que le

    dlspositif

    thtral,

    acteurs compris, compromet l'impression

    de

    ralit

    plus

    qu'il

    ne

    la

    favorise

    : les entractes,

    le rituel

    social,

    la

    prsence

    de l'acteur

    sur

    ffne,

    ne

    permettent

    pas que

    soit

    ressentie

    comme

    relle la fiction

    dve-

    loppe

    par la

    pice.

    En

    revanche,

    continue

    Metz, c'est

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    14/94

    26 L'acteur de cinma

    vide

    parfois,

    on

    n'exprime

    rien

    pour que

    le

    visage

    reste

    masque

    propice

    contenir

    toutes

    les motionso

    on se rsigne

    facilement

    n'avoir

    aucun

    aperu d'ensemble sur son travail.

    On arrive

    sur

    un

    plateau,

    et

    quelques

    heures

    plus

    tard

    on a des

    relations intimes

    avec un

    parfait

    inconnu,

    sous

    l'il

    attentif de

    l'quipe.

    Sternberg

    persifle:

    pour

    se soumettre

    un

    tel

    traitement, il vaut mieux ne

    pas

    avoir l'intelligence

    trop dveloppe, dix ans

    d'ge

    mental

    tout au

    plus.

    Partout la

    phrase

    revient comme un

    refrain

    :

    pour

    des cinastes

    toujours stupfaits

    d'avoir

    besoin

    d'un

    matriau

    si

    inepte,

    l'acteur

    de cinma est irresponsable,

    angoiss

    par

    sa

    propre

    nullit. Pour

    Jerry

    Lewis

    (Quand

    je

    fais

    du

    cinma), les

    acteurs

    ont tous neuf

    ans,

    c'est

    l'ge

    auquel ils s'arrtent

    de

    grandir.

    Pour Godard, ils

    sont

    non

    seulement

    purils

    mais vaniteux,

    paresseux,

    et

    pleins

    de

    prjugs.

    Il

    faut

    dire

    que

    tout le monde

    s'en mle, commencer

    par

    les

    acteurs

    eux-mmes.

    Une

    journaliste

    interroge un

    jour

    Isabelle

    Huppert :

    venir

    au

    thtre,

    ne

    serait-ce

    pas

    accder l'ge adulte ? L'actrice

    s'engage dans

    la

    facile

    dialectique

    ainsi ouverte

    :

    le

    thtre, o l'on travaille

    sans

    filet,

    sous

    les

    yeux

    de tous, est

    videmment

    plus

    prilleux.

    Pourtant n'est-ce

    pas

    au

    cinma

    qu'il

    faut

    tre

    vrai

    et

    jouer

    parfois

    au

    thtre, la rciproque n'tant

    pas

    vraie : l'acteur ou l'actrice

    de thtre,

    en visite l'cran, honore

    un

    film

    de sa

    prsence.

    Le

    thtre continue

    de

    bnficier d'une forte

    plus-value

    culturelle, et un tapage mdiatique

    accom-

    pagne

    les

    acteurs de film

    qui

    montent sur

    les

    planches

    (voir,

    pour

    Isabelle

    Huppert, le

    bruit

    qui

    a entour ses

    prestations

    thtrales dans

    Orlando

    ou

    dans Mde,

    au

    festival

    d'Avignon).

    On

    y

    admire

    alors

    ce

    que

    Roland

    Barthes

    rangeait nagure

    parmi

    les

    mythes du

    Jeune

    Thtre

    hritant

    eux-mmes

    des

    mythes

    de

    I'ancien

    :

    la

    d'un

    acteur

    dvor

    par

    son

    personnage >>,

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    15/94

    t

    i

    I

    I

    t

    t'

    I

    28

    L'acteur

    de cinma

    mdiocre de

    la

    sensibilit

    au

    bon

    acteur

    du

    jugement.

    Celui-ci

    n'a

    pas

    la

    folie

    de chercher prouver

    les

    motions

    qu'il

    communique

    (>

    L'acteur

    sensible est soumis aux caprices

    de

    l'humeur et de l'instinct

    ;

    ce

    qu'il

    obtient un soir sur scne, dans

    le feu

    du

    moment,

    il

    n'est

    pas

    sr de le russir un autre :

    le

    comdien de

    nature est

    souvent

    dtestable,

    quelquefois

    excellent

    .

    Lejeu

    doit

    se

    fonder

    sur

    l'art

    et

    l'tude,

    et

    non

    sur

    I'improvisation hasardeuse

    du sentiment

    ;

    l'acteur est le

    (>

    de

    sa

    propre

    cration,

    ,

    Diderot

    rpond :

    lfio

    lu

    posie dramatique).

    "Le

    public

    absent,

    ignor,

    I'actrice doit se

    gllrc

    scule,

    sa

    vrit

    est

    ce

    pix"

    (I-ettres

    Mlle Jodin)

    Ce

    repli de

    la

    mlne

    sur

    elle-mme,

    du

    groupe

    de comdiens sur

    son

    organicit

    propre.

    fifelt

    par

    la

    suite

    un des

    fondements du

    naturalisme

    thtral et,

    dans

    son

    rlllugc.

    d'un

    jeu

    cinmatographique

    qui

    y

    trouverait

    une

    formule

    par

    avance

    thoriser,

    Ainsi,

    ds

    Diderot

    et

    malgr le

    >

    du

    Paradoxe,les deux

    ver-

    tRtH

    du

    jeu

    thtral

    se

    rejoignent

    plus

    qu'ils

    ne

    s'opposent.

    Ce

    qui

    se

    joue

    ll,

    e

    n'est

    pas

    la raison

    contre

    le cur,

    le

    froid

    contre

    le

    chaud,

    mais

    une

    lnorgie

    qui

    s'alimente

    toutes

    les

    sources.

    Il

    y

    a, dans

    l'acteur

    pens

    par

    Dltlertx,

    et dans

    la

    tension de

    ses

    crits,

    le rve

    d'une

    synthse

    entre

    nature

    It

    lechnique

    que

    raliserait

    en

    partie,

    bien

    plus

    tard,

    le

    inma.

    Ltart

    du

    comdien

    [,en

    discussions

    du

    XVrue

    sicle

    ont

    remis en

    chantier la

    question

    dtt

    geste,

    fnvoynt

    une

    primitivit

    perdue

    du

    langage,

    une

    puret

    d'avant

    la

    psrole,

    voque

    avec

    nostalgie

    par

    les

    philosophes.

    Depuis

    que

    nous avons

    appris

    gesticuler, nous avons

    oubli

    I'art des

    panto-

    tnimes...

    Ce

    que

    les

    Anciens disaient

    le

    plus

    vivement,

    ils

    ne

    I'exprimaient

    pas

    pur des mots,

    mais

    par

    des

    signes

    ;

    ils nele

    disaient

    pas,

    ils le moniraient

    ,2.

    C'est

    au cours

    du

    xtxe sicle

    que

    cette

    nouvelle attention

    porte

    au

    lontc

    inspirera

    des tentatives

    de thorisation

    de la

    pantomime

    et du

    mouvement.

    Convaincu,

    comme

    plusieurs

    de

    ses contemporains

    d'une

    pnxible

    adquation

    entre

    un

    geste

    et

    sa signification,

    l'locutionniste

    ilrunois

    Delsarte

    (1811-1871)

    fut le

    premier

    parler

    d'une

    >

    tlu

    gcste,

    et

    proposer

    une

    codification

    trs

    complte de

    l'art de l'acteur,

    un

    pertoire

    de

    poses

    et attitudes

    expressives

    correspondant

    une

    large

    gamme

    d

    "

    tnessages

    >>.

    Tout

    le

    corps

    et

    le visage de

    l'acteur sont

    mis au

    service

    de

    ee

    lungage

    non-verbal,

    qui

    repose

    sur

    une

    psychologie

    rudimentaire,

    ell'ectant

    une attitude

    chaque

    sentiment

    sans

    nulle

    prise

    en

    compte

    du

    (llllcxte3.

    l,es

    principes delsartiens

    se

    retrouvent,

    consciemment

    ou

    non,

    dans

    plusicurs

    traits d'art

    dramatique

    de

    la

    fin

    du

    xlxe sicle

    ;

    pour Gustave

    Uurcia,

    auteur

    d'un

    trait

    paru

    en

    1882,

    le

    jeu

    de

    l'acteur

    peut

    tre

    I

    Voil

    lc

    chapitre

    6 sur

    1'acteur

    amricain,

    p.

    1 17.

    J,

    Jcrrrr-Jacques

    Rousseau,

    Essai sur l'origine

    des langues,

    cit

    par Patrick Pavis,

    2000, 1

    I

    l.

    l.

    ('1,

    Alain Porte,

    1992.

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    16/94

    30

    L'acteur

    dc

    cinma

    enseign,

    comme

    la

    grammaire,

    au

    moyen d'une

    srie

    de rgles

    1.

    En Frnce,

    certains

    comdiens

    se

    rfrent

    au

    comdien

    crbtal

    dt

    Para-

    doxe

    pour

    affirmer

    leur

    professionnalisme,

    car

    l'esthtique

    de

    la distancia-

    tion

    lorise

    la techniqu

    : on

    le

    voit dans

    L'Art

    et

    le

    comdien

    (1880),

    un

    trait

    de Coquelin

    l'an,

    interprte

    historique

    de

    Cyrano

    dans

    la

    pice de

    Rostand.

    Mais

    c,est aux

    tats-Unis

    que

    Delsarte

    exercerait

    la

    plus

    grande

    influence,

    par

    I'intermdiaire du directeur du Madison

    Square Theater

    de

    New

    York, Steele

    MacKaye,

    et

    sa technique

    de

    >

    directement

    inspire

    de

    Delsarte.

    Celui-ci

    eut

    par ailleurs

    un

    continuateur

    intressant

    en

    Charles

    Aubert,

    auteur

    d'un

    A

    rt

    du

    Mime

    (

    1901,

    rvis

    en

    1920)

    dans

    lequel

    sont

    voqus,

    pour

    la

    premire

    fois

    dans un

    trait

    de

    cette

    nature,

    les

    problmes

    spcifiques

    de

    l'acteur

    de cinma.

    Aubert afne

    le

    lexique

    gestuel

    et

    expressif

    de

    Delsarte

    et

    s'appuie

    sur

    une

    smiotique

    encore

    pls

    pcise,

    tablissant

    un

    long

    catalogue,

    accompagn

    de

    croquis,

    pour

    touts

    lei

    positions

    du corps

    et les

    mimiques

    faciales.

    Il

    se

    conentri

    sur

    le visage

    et

    propose des systmes

    binaires

    d'expression,

    autour

    de

    la

    position

    des sourcils

    ntamment

    : ainsi,

    pour toutes

    les

    mimiques

    lies la

    voiont et

    l,intelligence

    (rflexion,

    mpris,

    dgot...)

    des

    sourcils

    bas,

    froncs, provoquant

    ds

    rides verticales

    la

    naissance

    du

    front, et

    une

    tension

    musculaiie

    dans

    tout le

    corps

    ;

    pour

    toutes

    les

    attitudes

    o

    intelligence

    et

    volont

    sont inactives

    (admiration, gaiet,

    peur,

    souffrance.'.)

    des sourcils

    hauts,

    carts,

    provoquant

    sur

    le front

    des rides

    horizontales,

    et

    un

    relchement

    musculaire

    giral.2

    Dans

    des

    domaines

    voisins

    du thtre

    se

    dvelopperont

    un

    peu

    plus

    tard

    des

    systmes

    quivalents

    de

    notation

    gestuelle;

    pour

    la danse,

    la

    ,.

    cintogrphie

    rr,

    un systme

    d'criture

    du

    mouvement

    propos

    par

    Rudolph-

    vbn Laban

    (i879-1958)

    ;

    pour

    la

    musique,

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    17/94

    32

    L'acteur

    de

    cinma

    elle

    n'a

    pas

    une

    raison

    intrieure.

    [...]

    C'est

    le

    processus normal

    et logique:

    l'exprience

    intrieure

    vient en

    premier,

    puis

    elle

    revt une forme

    extrieure.

    l,a

    Formation

    de l'acteur

    152.

    Si

    Stanislavski

    recommande

    galement

    une

    formation

    physique de

    l'acteur, toujours

    attentif

    au

    rythme

    et

    la

    plasticit

    de

    ses

    mouvements,

    c'est

    cet

    aspect

    que Meyerhold

    met

    le

    plus

    en

    lumire''

    Il

    ne

    faut

    cependant

    pas

    figer

    les

    oppositions:

    les deux hommes

    partageaient

    une

    immense

    volont

    de

    recherche,

    et ont

    toujours

    remis

    en

    question leurs

    ides

    dans

    le sens

    de

    I'exprimentation.

    Meyerhold

    commena

    sa carrire

    d'acteur

    auprs de

    Stanislavski

    au Thtre

    d'Art

    de

    Moscou,

    laboratoire

    d'art

    dramati-

    qu d"

    l'poque,

    puis

    le

    quitta, considrant

    qu'avec

    le

    ralisme

    son

    matre

    rltuit

    ",

    quelque

    sorte

    rendu

    la

    mdiocrit

    du

    got

    bourgeois'.

    Ce

    qui

    ne

    l'empcha

    pas

    de

    travailler

    avec

    lui

    plusieurs reprises,

    et

    de

    toujours

    lui

    garder

    son

    amiti

    et un

    immense

    respect.

    Meyerhold

    fut

    excut

    par

    le

    rgime

    stalinien

    en

    1940, deux

    ans aprs

    la

    mort de

    Stanislavski,

    qui

    l'avait

    ptotg

    jusqu'au

    bout.

    Chez

    Meyerhold,

    la

    distance

    entre

    l'acteur et

    le

    personnage

    qu'il

    incarne

    est

    totale.

    Une

    recherche

    essentiellement

    plastique

    privilgie le

    corps

    et

    le

    geste

    sur

    la

    mimique et l'motion,

    le

    travail minutieux d'un

    actur

    qui

    s'observe,

    conscient

    chaque

    instant

    de

    ce

    qu'il

    construit.

    En

    effet, si

    Meyerhold,

    comme

    Reinhardt,

    et

    par

    la

    suite

    Piscator,

    Brecht,

    propose un

    systme

    thtral

    global

    -

    prnant l'clatement

    de

    la

    "

    bote scnique

    du

    thtre

    l'italienne,

    et de

    nouveaux

    types de

    relation

    entre

    le spectateur

    et

    le

    spectacle

    -

    c'est

    l'acteur

    qui

    est au

    cceur

    de

    cette

    conception.

    Un

    acteur

    form

    par la biomcanique

    chre

    Meyerhold;

    force d'entranement

    rigoureux,

    le comdien

    acquiert

    la

    matrise

    de chacun

    de ses

    mouvements,

    et

    fait

    de

    son

    corps

    une

    parfaite machine

    au

    service de

    sa

    crativit.

    L'exercice

    du

    corps

    ne dispense

    pas

    de

    celui

    de

    la

    pense; I'acteur

    de

    Meyerhold

    n'est

    ni

    une marionnette,

    ni

    la

    simple

    adaptation

    au

    thtre du

    modle constructiviste.

    Il s'enrichit

    au contraire

    de toutes

    les

    sources

    o

    Meyerhold

    a

    puis,

    la

    commedia

    dell'arte

    surtout,

    le

    cirque,

    la

    foire,

    le

    n,

    partir

    desquels

    il

    propose sa

    vision

    dt

    grotesque,

    qui,

    comique

    ou tragique,

    t e.itart

    d'Hoffmann

    comme

    du sculpteur

    Jacques

    Callot,

    implique

    le

    triomphe

    de

    la

    forme sur

    le

    fond.

    1. Batrice

    Picon-Vallin,

    matre

    d'oeuvre

    des

    crits sur

    Ie

    thtre

    de

    Meyerhold,

    rappelle

    que

    Stanislavski

    a laiss

    huit

    volumes d'crits

    soigneusement

    composs,

    alors

    qu'on

    n'a de

    Meyerhold

    qu'un

    monceau

    de

    lettres, de

    discouls,

    de

    fragments,

    de

    notes de

    mise

    en

    scne,

    le tout n'ayant

    t

    que

    tardivement

    rendu

    public.

    2.

    La

    solitude

    de

    Stanislavski

    in

    Meyerhold,

    1980'

    62.

    Unmoment

    thorique

    33

    ll

    r'cnrichit

    aussi

    du cinma,

    dont Meyerhold

    pensait que

    la scne

    devait s'ins-

    plrcr,

    pour

    renouer

    par-del le

    vieux

    thtre

    >>

    avec la

    vitalit

    de Shakespeare,

    Cgltlcrtln,

    Lope

    de

    Vega.

    Il voit le rapport entre

    cinma

    et thtre enltermes

    de

    flvtlit

    fructueuse

    :

    Seul

    le

    thtre

    qui

    se

    cinf,e

    soutient

    la comparaison

    avec

    lo

    cinma

    (1928).

    Il faut

    que

    le thtre

    assimile

    les meilleures

    acquisitions

    du

    elnma;

    pour

    le

    jeu

    de

    l'acteur,

    cela exclut

    la recherche

    des

    finesses

    psy-

    ehlques,

    mais

    non

    l'emprunt des

    techniques

    propres l'acteur de

    cinma,

    omme

    les raccourcis,

    le

    jeu

    mimique,

    I'habilet exprimer

    une

    intention

    tnr

    parole

    ,.

    ce

    dtre,

    il

    admire

    Chaplin

    et

    peroit un lien

    trs

    fort

    entre

    ce

    qu'il

    appelle

    le

    chaplinisme

    et

    1'un des

    principes

    du

    jeu

    biomcanique,

    selon

    lor;ucl

    "

    le

    jeu

    de l'acteur

    a ncessairement

    besoin

    d'un

    entranement

    de

    type

    ocrobutique

    .

    (1980,

    217

    -221).

    Lcs

    thories

    conomiques

    inspirent encore

    Meyerhold,

    qui prne une

    tuylorisation

    thtrale

    >>

    en

    empruntant

    au

    productivisme

    de

    F.W. Taylor

    le

    principe de l'conomie

    des

    mouvements

    inutiles.

    Plusieurs

    des

    principes

    de

    Meyerhold

    se

    retrouvent,

    peu

    ou

    prou,

    dans

    hr

    onthtiques

    thtrales de

    Brecht, d'Artaud,

    de Grotowski

    ;

    voire

    (avec

    des

    iltnccs

    importantes)

    dans les

    propositions

    de

    son contemporain

    britannique

    ordon

    Craig,

    qui

    voyait

    l'acteur

    idal

    comme

    une

    ),

    lp'uucune

    autonomie

    gnante

    n'empcherait

    de manipuler

    au seul

    service

    dU

    tcxte

    thtral

    ;

    ou

    plus simplement

    dans le

    jeu d'un

    Jouvet qui avait

    pour

    Moycrhold

    la

    plus grande admiration. En

    URSS

    mme,

    Koulechov,

    Kozint-

    llV

    et

    Trauberg,

    Eisenstein,

    s'inscrivaient

    tous

    dans

    le

    sillage

    de

    Meyerhold,

    ont

    I'influence

    s'exera

    de faon considrable

    surle

    cinma

    de son poque'

    Lcs

    cinastes-thoriciens

    Koulechov

    Du

    cinaste

    Lev Koulechov,

    on

    a

    retenu

    la

    clbre

    >

    :

    trois

    plnns identiques

    du

    visage

    impassible de

    l'acteur

    Ivan Mosjoukine, dont

    l'cxpression

    semblait

    pourtant

    se

    modifier selon

    qu'on le mettait en

    regard

    tl'9b.iets

    suscitant

    la

    joie,

    la convoitise,

    la tristesse.

    Que

    ce

    rcit ait

    avant

    Iout

    valeur de

    mythe

    fondateur,

    renvoyant des

    faits

    impossibles

    recons-

    lllucr

    historiquement,

    qu'il

    ait t

    la base d'une

    rflexion

    sur le

    montage,

    Iout

    cela

    u

    de3a

    fait l;objet

    de nombreuses

    discussionsl,

    qui

    n'ont

    pas

    I,

    Sur

    I'effet-Koulechov,

    laali,

    le

    mythe,

    et

    les usages

    hasardeux

    qu'en a fait la

    critique,

    voir

    llllrnment

    B. Amengual,

    >

    (Du

    ralisme au

    cinma,Natbaf:

    1998), Iris,

    vrrl,4

    n"

    1,

    l"'semestre 1986

    (

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    18/94

    34 L'acteur

    de

    cinma

    toutes

    pour motif central, tant

    s'en faut,

    la

    question

    de

    l'acteur. Or

    c'est

    bien sa

    contribution

    qu'il

    semble s'agir

    de

    rduire a minima

    ;

    raction

    poli-

    tique, certes,

    au cinma

    d'acteurs de

    la Russie tsariste,

    dont

    Mosjoukine

    est

    l'incarnation

    ;

    raction, galement,

    d'artiste

    vigilant,

    attentif

    la nou-

    veaut d'un

    moyen d'expression

    qui

    balaie

    les vieilles

    catgories

    thtra-

    les. Dans de

    prcises

    et

    prcieuses

    mises au

    point, Franois Albra

    a

    souli-

    gn que

    la fameuse

    exprience,

    ft-elle authentique,

    aurait

    eu

    moins

    pour

    but

    de

    promouvoir le

    montage que

    de

    remettre en question

    le

    jeu

    thtral,

    ses conventions,

    sa conception

    de

    l'expressivit.

    Dire

    que

    >

    revient dire

    qu'au

    cinma

    l'intriorit

    n'a

    pas

    de sens :

    tout

    se

    passe

    l'extrieur,

    dans

    le

    geste, le

    comportement,

    la

    mobilit

    des

    traits

    du visage.

    Le travail

    de Koulechov

    va

    donc

    vers une thorie

    de

    l'acteur, dont

    la

    cl de

    vote est

    la

    notion de

    modle

    >> (naturchik).

    La technique

    d'un

    acteur de

    thtre tant

    considre

    comme oppose

    celle

    de

    l'acteur de

    cinma,

    Koulechov entendait

    former des

    comdiens

    spcifiquement

    pour

    le

    cinma.

    Le terme de

    modle

    >>

    est

    ambigu,

    parce que

    dj

    employ

    dans

    son

    sens

    pictural

    ;

    Vera

    Kholodnaia,

    la

    plus grande

    star fminine

    d'avant

    la

    Rvolution,

    tait surnomme'

    >,

    rappelle

    Natalia Noussinova, qui

    voit

    l

    du

    reste

    une

    possible

    source

    pour

    Koulechov

    (Farinelli-Passek,

    2000)

    ;

    d'autre

    part,

    le texte

    le plus

    connu

    du

    >,

    Poetika

    Kino,

    sous la

    plume de

    Boris

    Kazanski,

    reprend

    la

    notion

    de

    modle dans

    le mme

    sens, d'une

    faon moins

    ddaigneuse

    pour

    l'acteur

    qu'on

    ne

    pourrait

    le

    penser

    -

    puisque Kazanski

    propose

    d'abord

    une

    sorte

    de rhabilitation

    du

    rle du modle

    en

    peinture

    -

    mais avec

    l'intention

    de

    nier

    tout vritable

    art

    dramatique

    chez l'acteur

    de film :

    Le

    rle de l'interprte

    au

    cinma

    n'exige

    nullement

    les

    facults et

    les talents

    qui

    constituent

    l'art de

    l'acteur sur scne.

    Ce

    n'est

    pas

    I'art dramatique

    qui,

    ici,

    a une

    grande

    importance,

    mais

    la

    ),

    c'est--dire

    la facult

    de

    prendre

    telle

    ou telle

    position,

    d'excuter

    tel mouvement

    [...]

    Ce

    talent

    est

    si loign

    de

    celui

    de

    l'acteur

    et

    il est,

    par

    essence,

    si

    proche

    du modle,

    qu'il

    conviendrait

    mieux

    de

    I'appeler

    art de la pose

    ,.1

    Tout

    est si troitement

    li

    cette

    priode

    -l'a11,la

    politique, le cinma

    et

    le

    thtre,

    mais

    aussi

    les

    hommes eux-mmes,

    qui

    avaient

    tous diverses

    occasions

    de

    travailler

    ensemble,

    comme

    acteurs,

    ralisateurs,

    thoriciens

    -

    qu'il

    est

    difficile

    de

    rattacher,

    sans schmatiser,

    les

    expriences

    russes

    chaque

    courant

    de

    pense

    thtrale.

    Koulechov,

    parlant

    de

    I'atelier

    expri-

    mental

    (o

    il eut

    pour

    lves,

    entre

    autres,

    Poudovkine

    et

    Boris

    Barnet),

    dit

    1. BorisKazanski,

    Poetika

    Kino, cit

    par

    FranoisAlbera,

    Zes Formalistes

    russes

    et le cinma,

    Nathan,

    1996, 117.

    Un

    moment thorique 35

    $'ll

    y

    truvaillait

    en

    parallle

    avec Stanislavski,

    mais en

    tenant

    compte de

    Utsr

    lcs

    particularits

    du cinma

    (entretien

    de

    1962). Mais-

    il rcuse

    dilttmcnt

    les mthodes

    du

    thtre raliste

    et

    se

    montre cet

    gard

    plus

    [Coho

    le

    Meyerhold:

    loin

    de

    la recherche d'un

    quelconque naturel, le

    inonnugt

    esi

    affaire

    de construction et

    de synthse.l

    Modle,

    certes, l'acteur

    est

    pourtant

    loin de

    et

    r

    onrerver

    toute

    la force expressive de

    son

    physique

    quelles que

    soient

    hl

    lttltudes

    qu'on

    lui

    fait

    prendre

    ;

    il doit

    tout

    moment

    tre

    conscient

    de

    il

    qu'il

    thit,

    >.

    l,c

    visage, ce

    qui

    en

    principe

    chappe

    la

    prcision

    et la signification

    du

    Icste,

    est voulu aussi contrlable

    que

    le corps

    ;

    c'est un visage-machine

    (M.

    lnnrpolski),

    qui

    doit lui aussi s'entraner

    des exercices

    limits

    et

    prcis,

    ce

    pourquoi

    Koulechov voque

    le

    systme

    d'expression de

    Franois Delsarte, mais

    n

    uniquement

    pour

    rendre compte des

    modifications

    possibles

    du

    mcanisme

    Irurnain

    >>

    :

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    19/94

    36

    L'acteur

    de cinma

    L'utopie

    que reprsente

    cette volont

    de contrle

    total

    ne

    peut

    que

    se

    limiter

    t

    thrie.

    Quant

    aux films,

    les acteurs

    y

    oubliaient

    heureusement

    qu'ils taient

    des

    modles

    >>,

    c1rt

    la

    critique

    Nea

    Zorkaa,

    laquelle

    &po."

    les

    contradictions

    de Koulechov

    : le

    fait

    que

    >,

    son

    atelier

    ft

    la

    premire

    tentative

    pour former

    des comdiens

    professionnels

    ;

    le

    fait

    que,

    malsr

    ses

    thoriei,

    tous

    ses

    films

    >

    soient

    des

    o

    fifms

    d'acteurs

    ,r1.

    La

    thorie

    n'en

    existe pas

    moins,

    ambitieuse et

    utile

    dans

    son

    intention

    mme

    -

    ctet

    l'acteur

    nouveau

    qu'attend

    encore

    le

    film'

    Peut-tre

    est-ce

    l'un

    des sens

    possible

    de

    la

    fameuse

    phrase de

    Poudovkine

    prfaant

    en

    1929

    L',Art

    du

    cinma

    de Koulechov

    :

    >'

    La

    FEKS

    Paralllement

    l'atelier

    de

    Koulechov

    se

    dveloppent

    des

    thories

    voisi-

    nes,

    excluant

    toutes

    des titres

    divers

    l'acteur

    traditionnel

    du

    thtre.

    Il

    ne

    peut

    avoir

    aucune

    place dans

    le rve

    de

    gomtrie

    dynamique

    >>

    de

    Dziga

    ^V"rtou,

    dans

    sa

    vision

    du cinma comme

    >

    montrer

    >

    dans

    Verdone-Amengual,

    1970.

  • 5/21/2018 Nacache Lacteur de Cinema

    20/94

    38

    L'acteur

    de cinma

    Avant de

    partir

    la recherche

    des

    interprtes, il faut

    nettement

    sentir

    -

    sinon

    voir

    et

    entendre

    -

    les

    personnages que

    vous voyez

    poindre

    en structurant votre