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FOURNET-FAYARD Céline N° étudiant: 19901816 MASTER 1 PRO FLE Mémoire de stage: Le théâtre comme moyen déclencheur de parole en français langue étrangère Sous la direction de Madame Pierra Gisèle Année universitaire 2005-2006 Université de Montpellier III Route de Mende 34119 Montpellier cedex 5

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FOURNET-FAYARD CélineN° étudiant: 19901816MASTER 1 PRO FLE

Mémoire de stage:

Le théâtre comme moyen déclencheur de parole enfrançais langue étrangère

Sous la direction de Madame Pierra Gisèle

Année universitaire 2005-2006Université de Montpellier III

Route de Mende34119 Montpellier cedex 5

INTRODUCTION

En lieu d'introduction, je tiens à dire que ce travail de recherche s’appui sur plusieurs de mes

expériences. En effet, je me suis basée sur mes observations en tant qu'assistante linguistique, que

je décrirai en première partie de ce mémoire, mais aussi sur des expériences plus personnelles,

comme celles de théâtre en français et en langue étrangère. Et en troisième lieu sur mon travail

effectué au sein de la classe « Pratiques théâtrales en FLE » avec madame Gisèle Pierra.

Il a été démontré à plusieurs reprises que le théâtre peut être une sorte de thérapeutique pour

des personnes plus ou moins timides. J'en ai moi même fait l'expérience au cours de ma scolarité

sur les conseils d'une de mes professeurs de français. Cette dernière m'a vivement encouragée à

faire du théâtre afin de pouvoir dépasser mon problème de timidité au moment de prendre la parole

en classe. Et ça a fonctionné. Aujourd'hui, je ne ressens plus mes joues rougir lorsque je prends la

parole et je ne bafouille plus. Je ne ressens plus cette honte qui m'envahissait lorsque je prenais la

parole en classe et je ne me focalise plus sur le regard des autres. Le théâtre a vraiment exercé sur

moi son pouvoir magique de désinhibiteur. Et à l'occasion, j'ai découvert une véritable passion pour

le théâtre et pour les planches (entre nous j'avais même envisagé de devenir actrice, c'est pour vous

dire à quel point le théâtre m'avait transformée).

Le deuxième facteur qui a fait que j'ai choisi de m'intéresser à ce sujet est une expérience que

j'ai faite récemment. En effet, l'année dernière, au cours de mon séjour en Espagne en tant

qu'assistante linguistique, je me suis inscrite à une classe de théâtre au sein de l'université de Vigo,

dans la ville d’Ourense. Ce cours était une initiation théâtrale qui avait pour objectif de développer

les notions de corps et d'espace. Ce fut un travail fort intéressant pour moi car il avait deux

avantages, d'une je pouvais renouveler avec ma passion pour le théâtre et de deux améliorer mes

compétences en espagnol mais aussi en galicien, langue que je venais tout juste de découvrir. Je

tiens à souligner, rapidement, que l'Espagne est un pays composé de ce qu'on appelle des

1

communautés autonomes, qui seraient l'équivalent de nos régions mais avec toutefois une grande

différence, elles bénéficient d'une très forte décentralisation. Ces communautés étant très

indépendantes elles ont réussi à conserver leur langue régionale et le galicien est la langue

régionale de la Galice. Cette langue est encore très parlée de nos jours et fait l'objet d'une politique

de soutien de la part du gouvernement. Celle-ci doit être obligatoirement utilisée au sein de

l'administration et notamment au niveau de l'éducation. Apprendre le galicien était donc pour moi

une obligation, cela m'a permis de mieux comprendre mes élèves mais aussi de mieux

communiquer avec mes collègues de travail. Je me suis donc inscrite à un cours de galicien, mais

malheureusement ou heureusement je crois que j'ai plus appris en cours de théâtre qu'en classe de

langue. Ce dernier me donnait l'occasion de vraiment pratiquer cette langue. Par la suite, vu que

cela fonctionnait avec moi pour le galicien, j'ai voulu tenter l'expérience du théâtre avec mes élèves,

afin d’essayer d’améliorer et de désinhiber leur expression, c'est ce que j'expliquerai en première

partie de ce mémoire.

Le troisième facteur qui a fait que j'ai choisi ce sujet pour mon mémoire de stage est le cours

de « Pratiques théâtrales en FLE » que j'ai suivi au premier semestre. Ce cours m'a permis de porter

un regard critique sur mon expérience de théâtre en langue étrangère mais aussi sur le travail que

j'ai effectué avec mes élèves lors de mon assistanat.

Ce travail se divise en deux parties. La première partie se verra consacrée au stage, les

conditions de son déroulement et les observations qui en ont découlé. Quand à la seconde partie, il

s'agit d'un travail de recherche basé sur la problématique suivante: « La pratique théâtrale peut-elle

être un déclencheur de parole en classe de langue étrangère? », que je tenterai d'argumenter au

mieux.

2

RAPPORT DE STAGE

A. Conditions et déroulement du stage:

J'ai réalisé ce stage durant l'année scolaire 2004/2005, en Espagne, plus précisément dans

une petite ville de Galice, au nord du Portugal, du nom de Xinzo de Limia. J'ai pu obtenir ce poste

grâce au programme européen Comenius. A la base, ce stage était pour moi, l'occasion de partir à

l'étranger et de réfléchir à mon avenir, par la suite, j'ai découvert un véritable engouement pour

l'enseignement et plus particulièrement l'enseignement du français comme langue étrangère.

Mon travail consistait donc à donner des cours de conversation, et ce, douze heures par

semaine sur une période de huit mois. J'avais affaire à des élèves âgés de 11 à 19 ans, d'origine

espagnole pour la plupart qui avait le français en deuxième langue (Langue Vivante 2), la première

étant l'anglais, bien évidemment. Je tiens à préciser que tous les élèves étaient bilingues voire

trilingues. En effet, ils parlaient tous le castillan et le galicien, qui est, comme je l'ai déjà mentionné

dans mon introduction, la langue officielle au même statut que le castillan dans cette région.

Certains élèves étaient des immigrés marocains et parlaient donc couramment l'arabe, le français, et

le castillan ou bien le galicien.

Je travaillais avec deux enseignants de français, dont une, ma tutrice, Sophie Monbroise, était

française. Avec les classes les plus avancées, les « Cuarto de la ESO », les « Primero de

bachilerato » et les « Segundo de bachilerato », qui correspondent respectivement aux classes de

Seconde, Première et Terminale dans un lycée français, j'avais carte blanche. C'est à dire que je

pouvais donner des cours de conversation en utilisant mes propres méthodes et sans aucune

interférence de la part du professeur. Ces classes étaient composées de petits nombres d'élèves,

notamment en « Primero » et « Segundo de bachilerato », 10 et 6 élèves respectivement. Pour la

classe de « Cuarto de la ESO », je fonctionnais en dédoublement, c'est à dire onze élèves une

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semaine et les onze autres la suivante. Avec ces classes, j'ai pu accomplir pleinement mon travail

d'assistante linguistique. J'ai réussi à mettre en place des débats, sur l'inégalité homme/femme qui

est un thème très présent en Espagne, le racisme (car la ville Xinzo de Limia compte une grande

communauté d'immigrés marocains), etc. J’ai également beaucoup exploité d’activités ludiques afin

de désinhiber leur expression. Je leur ai fait visionner des films français sous-titrés en français

comme « Amélie Poulain », « Etre et avoir » ou encore « Le bonheur est dans le près », que nous

avons travaillé de diverses façons par la suite. J’ai également tenté une expérience théâtrale avec

une classe.

Avec les classes les moins avancés, c'est-à-dire, les « Tercero », « Segundo » et « Primero de la

ESO » (qui correspondent donc aux classes de sixième, cinquième et quatrième d'un collège

français), mon travail était celui d'une enseignante de français langue étrangère. Chaque niveau

disposait d'un livre adapté et d'un cahier d'exercices et heureusement pour moi d'un manuel pour le

professeur, de la méthode « Action XXI » des éditions Santillana. Mon travail était simple car je

n'avais qu'à suivre le livre: prendre la page du jour, voir le texte, les points grammaticaux et les

exercices correspondants. Simple, oui et non, car donner des cours au sens strict du terme n'est pas

chose aisée surtout lorsque l'on n'a subi aucune formation préalable. Je dois dire que les premières

semaines ont été un peu difficile car il a fallut prendre le rythme des deux professeurs car ces

derniers utilisaient des méthodes de travail différentes et je devais m'adapter à chacune d'elle.

C'est donc avec les classes les plus avancées mais surtout la classe de « Primero de bachilerato »

que j'ai mis en place des activités pour travailler la compétence de communication. Mon rôle étant

celui d’assistante linguistique, c’est-à-dire, d’assistante de conversation, j’ai donc essayé de

développer le côté oral avec eux. Comme je l'ai déjà mentionné nous avons fait des débats axés sur

des thèmes variés qui s'apparentaient à leur réalité. Outre les débats, pour pratiquer l'oral nous

avons fait beaucoup de jeux de rôle. Nous avons travaillé le côté mimo-gestuel, grâce à des jeux de

mimes, mais aussi grâce au théâtre. En effet, suite à mon apprentissage du théâtre en langue

étrangère, je me suis décidée à mettre en place avec mes dix élèves de « Primero de bachilerato » un

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atelier théâtre qui n’a duré que quatre séances. Nous avons travaillé avec des textes extraits du

livre : « Pièces et dialogue pour jouer la langue française » de Sylvaine Hinglais et Myrtha

Liberman. Parmi les textes proposés ils en ont choisi trois, qu’ils ont travaillé de façon autonome en

sous-groupes. Je n’intervenais que pour corriger la prononciation des textes lorsque c’était

nécessaire.

B. Conclusions et réflexions liées au stage:

Lors de ma tentative d'activité théâtrale avec mes dix étudiants je me suis vite rendu compte

qu'il leur manquait un élément moteur qui aurait fait avancer plus rapidement notre mise en scène.

En effet, au début nous voulions faire une représentation devant les autres élèves du lycée qui

avaient le français comme deuxième langue, mais nous avons du nous y résigner faute de temps. Ce

qui rendait l'activité vide de sens, il n'y avait plus d'objectif, de but à atteindre. Faire du théâtre c'est

bien mais si il n’y a pas d’objectif final, l’expérience est vouée à l'échec. L'autre problème est que

les apprenants qui travaillaient en sous-groupes utilisaient malgré mon interdiction leur langue

maternelle pour parler entre eux et décider de la mise en scène. L'expérience s'étalant seulement sur

quatre séances, d'une heure chacune, je n'ai pas eu vraiment l'occasion de développer cette activité

pleinement. Cette expérience ne fut pas un échec en elle même, au contraire, elle fut très bonne car

nous avons passé de très bon moment ensemble et que les apprenants ont pris du plaisir à y

participer. Toutefois c'est avec un certain regard critique que je la vois aujourd'hui, notamment après

avoir assisté au cours de madame Pierra et après avoir mené une réflexion sur le sujet. Je me rends

donc compte de toutes les erreurs que j'ai commises et de tous les détails qui auraient contribués à

une amélioration de l'activité. Toutefois cela ne me décourage pas, au contraire, il me tarde de

renouveler l'expérience avec cette fois un acquis pédagogique non négligeable en poche.

Suite à cette activité et au travail de recherche que nous avons effectué au cours de la classe de

« Pratiques théâtrale », j'ai donc décidé de me pencher plus amplement sur le sujet et de voir

exactement quels étaient les facteurs qui font du théâtre une sorte de déclencheur de parole.

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MEMOIRE

Introduction:

• Le théâtre comme moyen d'expression:

C'est en démontrant dans un premier lieu que le théâtre est un moyen déclencheur

d'expression, de parole qu’il sera possible de démontrer qu'il a le même pouvoir lors de l'acquisition

d'une langue étrangère.

La dramaturgie relationnelle a pour objectif le développement d'attitudes qui favorisent

l'expression spontanée, la communication relationnelle dans les interactions et la créativité en

pédagogie. Pour bien expliquer ce fait, j'aimerais parler brièvement d'un type de théâtre qui existe

déjà depuis plusieurs années et qui illustre, pour moi, parfaitement le pouvoir libérateur qu'exerce le

théâtre sur les gens; cela s'appelle le théâtre de l'opprimé. Il s'agit d'une méthode théâtrale inventée

et développée par Augusto Boal dans les années soixante, d'abord au Brésil puis en Europe, et qui

est maintenant répandue dans le monde entier. Cette méthode utilise le théâtre comme langage,

comme moyen de connaissance et de transformation de la réalité intérieure, relationnelle et sociale.

Il s'agit d'un théâtre qui rend le public actif et qui sert aux groupes de « spect-acteurs » à explorer, à

mettre en scène, à analyser et à transformer la réalité qu'eux-mêmes vivent. Une des principales

hypothèses de base est que « le corps pense », cela signifie une conception de l'être humain comme

globalité de corps, d'esprit et d'émotion. Tout en touchant des aspects personnels et émotifs, le

Théâtre de l'opprimé ne se pose pas comme thérapie, mais comme instrument de « libération »

collective s’appuyant sur la prise de conscience autonome des personnes, sur le « miroir multiple du

regard des autres ».

Le théâtre, en général, demande d'exprimer des sentiments, des émotions par la parole, mais

aussi par le corps. C'est un lieu où peut s'extérioriser tout ce qui, le plus souvent reste tu. La

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pratique du théâtre est saine, elle donne de l'aisance dans la relation avec les autres et dans

l'expression. Elle permet de franchir les barrières psychologiques, la peur du ridicule, autant de faits

qui entravent l'expression d'un sujet. La pratique du théâtre en langue étrangère permet davantage

encore cette libération, dans la mesure où le choix d'une autre langue est comparable au port d'un

masque. C'est pourquoi je pense que le théâtre peut être un excellent moyen pour déclencher la

parole chez un apprenant en français langue étrangère.

• Le théâtre comme moyen d'expression en langue étrangère:

Faire du théâtre donne un rapport vivant à la langue. Grâce au théâtre les élèves se mettent à

bouger et à parler en français. Grâce au théâtre l'apprenant s'exprime au travers d'un personnage en

s'impliquant en tant qu'individu au niveau imaginaire, ce qui facilite ses besoins d'expression et de

communication verbale, gestuelle et corporelle. Effectivement, « il s'agit d'abord de susciter la

communication et le plaisir de parler en français, de se perfectionner. La pratique de la langue

étrangère par le biais du jeu dramatique peut être, du moins au début, fort déroutant pour des

apprenants habitués à un mode d'apprentissage plus classique où le rapport frontal professeur/élèves

est encore souvent la règle. »1 En effet, en situation de classe un étudiant étranger n'a pas vraiment

la possibilité de pouvoir s'exprimer librement, il doit répondre à un schéma de classe où l'interaction

se fait de professeur à élève et d'élève à professeur, mais pas vraiment entre élèves. La classe de

théâtre est l'endroit où peuvent avoir lieu des échanges, des interactions d'élèves à élèves et qui ne

seront pas sanctionnées par l'enseignant, au contraire elles sont vivement conseillées pour le travail

de groupe. C'est le moment pour l'étudiant de mettre en pratique les enseignements qu'il a reçus en

langue étrangère et d'oraliser.

Echanger des paroles en situations et ne pas simplement se contenter d'un savoir passif de la

langue est la base d'une pédagogie langagière à objectif communicatif. Le sujet apprenant devient

sujet expressif, l'activité théâtrale permet alors à l'apprenant de pratiquer la parole, une parole

créative et spontanée. Dans la pratique théâtrale en français, l'enjeu linguistique est prépondérant:

1 HALLE, Cathi, « Apprendre le français par la pratique théâtrale », dans Le français dans le monde, n° 311, page 35

7

ainsi la continuité avec l'enseignement scolaire apparaît évidente et ce loisir devient de fait une

instance de légitimation de l'enseignement de la langue française. La langue n'est alors plus un

simple support aux disciplines d'enseignement, mais devient nécessité d'expression et de

communication obtenant de nouvelles dimensions. Celles-ci se veulent non seulement personnelles

mais aussi collectives et elles permettent de briser quelque peu le rapport vertical

enseignants/apprenants. En effet, les apprenants ont comme impératif de compréhension de

transposer l'échange, mais cette fois-ci de manière horizontale par un libre développement des

aptitudes acquises à l'école. Dès lors, la seconde langue devient véritablement effective et première

dans le contexte théâtral, elle est l'outil même par lequel l'élève pourra à son tour créer et utiliser la

richesse de cette dernière. Nous assistons donc à un décloisonnement de l'espace pédagogique, que

ce soit au sens littéral du terme ou au sens figuré. Les étudiants étrangers peuvent instaurer des

rapports nouveaux avec le monde qu'ils découvrent et auquel ils peuvent soudain prendre part grâce

à leur production. « Sont alors mis en relation des paramètres nouveaux et l'acquisition naturelle se

voit stimulée par le processus de théâtralisation de l'expression pouvant, grâce au texte et aux

échanges divers qu'il suscite, offrir de nombreux repères pour une amélioration de l'expression

quelle que soit sa nature. Cette amélioration de la parole par l'affirmation du sujet est permise par le

travail de l'expressivité qui incombe au théâtre. »2

Pour mieux comprendre en quoi le théâtre réussit-il à libérer la parole d'apprenants étrangers,

je m’intéresserai aux divers paramètres qui font de la classe de théâtre un lieu déclencheur de

parole pour un apprenant de français langue étrangère. En effet, la parole se voit libérée dans une

classe de théâtre car celle-ci est apparentée à une communication authentique, qui est elle-même

rendue possible grâce au décloisonnement de l'espace pédagogique, c'est-à-dire de la configuration

de la pièce, mais aussi, au décloisonnement de la configuration des échanges qui ont lieu entre les

élèves et l'enseignant. Les interactions qui ont lieu au sein d'un atelier de théâtre participent, elles

aussi, à cette communication authentique, et plus particulièrement la parole non scénique.

2 PIERRA, Gisèle, « Pratique théâtrale : le goût de la parole retrouvée », dans Le français dans le Monde n°299, page 37

8

L'autre vecteur important dans la libération de la parole est le facteur groupe. En, effet, je

démontrerai que le travail en groupe permet à l'apprenant dans un premier temps de trouver une

place comparable à la place au sein d'une société, qui lui permettra de mieux gérer ses relations

avec autrui, mais aussi, qui lui conférera une certaine autonomie et un sentiment de sécurité qui sont

des éléments essentiels à l'expression du moi et donc déclencheur de parole.

En dernier lieu, je me pencherai sur un facteur non moins important qui peut peut-être sembler plus

futile mais qui est un des moteurs principaux pour la motivation et donc l'acquisition d'une langue

étrangère. Il s’agit du facteur ludique.

1. Le décloisonnement du réseau de communication.

Je commencerai donc cette réflexion avec le décloisonnement du réseau de communication,

c’est-à-dire tous les facteurs qui influencent les échanges qui ont lieu dans une classe de théâtre.

Dans un premier temps, je démontrerai en quoi les interactions qui ont lieu dans cette classe se

rapprochent de la communication authentique. Ensuite, j’aborderai le thème du décloisonnement

spatial et interactionnel. Le troisième point quand à lui sera consacré à la parole scénique et je

terminerai sur la parole non scénique.

1.1.La communication authentique:

Au sein d'une classe de langue traditionnelle et conventionnelle, l'objectif explicite est

l'acquisition d'un savoir linguistique, alors que la communication authentique, elle, est stimulée par

des objectifs personnels et subjectifs.

La classe de langue depuis l'émergence de l'approche communicative se veut plus proche des

situations de communication naturelle, en enseignant notamment les actes de parole, en utilisant des

documents authentiques et en pratiquant les jeux de rôle. Pour communiquer la maîtrise de la

compétence linguistique ne suffit pas, il faut aussi connaître les composantes de la compétence de

communication. La compétence de communication est un terme très général qui désigne la capacité

9

d'un individu à communiquer, cette compétence va se développer au fur et à mesure des

expériences. On fait entrer l'apprenant dans la langue en détournant son attention d'un

enseignement du système de la langue, en attirant son attention sur la parole en situation, sur la

communication. « La communication est composée d'une part de verbal, de para verbal et de non

verbal, ce qui a tendance à être nié dans l'enseignement en classe où le corps est trop souvent

enchaîné à une position statique et où la relation voix/corps est vidée de son essence subjective. »3

La pratique théâtrale met en jeu des compétences orales plutôt qu'écrites. Il ne s'agit plus

d'enseigner le français mais d'enseigner à communiquer en français. Savoir communiquer dans une

langue étrangère implique une maîtrise des compétences linguistiques, discursives, mais également

référentielles et socioculturelles. D'autre part, on sait que dans un exposé, un discours, un dialogue,

seulement 10 % du message est transmis par la parole. Pour communiquer il faut certes maîtriser le

code (la langue) mais il faut aussi maîtriser un certain savoir-faire et savoir-être. Le corps est donc

d'une grande importance pour la mise en oeuvre de l'acte de communication. Par lui passe un grand

nombre d'informations implicites. Sur l'importance du corps dans la communication on pourrait

parler de l'enfant qui communique d'abord avec son corps et après avec le langage. Communiquer

dans une langue implique donc la maîtrise de ce langage corporel, or ce n'est pas dans une classe

traditionnelle, assis sur une chaise, que va pouvoir se développer ce langage corporel. « En

proposant des exercices où l'expression corporelle est mise en avant et où la parole n'en est que la

suite logique et expressive, l'enseignante redonne sa place à la part sémiotique dans la

communication. »4 Grâce à ces retrouvailles du corps et de la voix, l'apprenant retrouve l'essence

même de la communication. Il peut bouger et parler en même temps, chose qui paraît bien plus

proche de la communication authentique que d'être assis sur une chaise et derrière une table pour

communiquer avec autrui. Le théâtre prend en compte la dimension implicite de l'acte de

communication, les paramètres non verbaux par le travail du corps, de la diction, de l'intonation

3 FREBOURG, Fabien, Le développement d'une communication authentique et originale par une pratique théâtrale en FLE, Travaux de didactique n° 47, page 52.

4 FREBOURG, Fabien, Le développement d'une communication authentique et originale par une pratique théâtrale en FLE, Travaux de didactique n° 47, page 52.

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dans la mise en scène. Pour Henri Boyer (dans « Nouvelle introduction à la didactique du Français

Langue Etrangère »), le théâtre permet de travailler ce qu'il appelle les « traits de l'oralité ». C'est-à-

dire, la prosodie qui correspond aux pauses, aux accents d'insistance et à la modification de la

courbe intonative. Des particularités qui tiennent à la linéarité de la parole comme les hésitations,

les ruptures de constructions, les constructions inachevées, les reprises, etc. Autant de faits qui

correspondent à la réalité des échanges et qui diffèrent des échanges aseptisés que l'on peut entendre

sur les enregistrements audio des méthodes de FLE. Dans la communication authentique il faut

également savoir faire face à l'imprévisible et même comme dit René Richterich « le prévoir ». Au

théâtre l'imprévisible fait partie intégrante du jeu d'acteur, celui-ci est souvent confronté à

l'improvisation. Même dans les scènes les plus travaillées il y a toujours une place libre à

l'improvisation qui donne une dimension plus réaliste lors de l'interprétation.

La classe de théâtre en FLE semble être le cadre approprié à l'établissement d'une

communication authentique car elle porte en elle les conditions nécessaires, évitant de cette façon

toute reproduction artificielle et illusoire. En effet, les apprenants communiquent et s'expriment en

français de manière spontanée lorsqu'il s'agit de ce que l'on nomme la parole non scénique. Ils ne

produisent pas des énoncés artificiels dénués de sens et sans aucun rapport avec la situation dans

laquelle ils se trouvent. Tous les facteurs nécessaires à une communication authentique sont réunis

dans une classe de théâtre: l'espace est décloisonné, la parole est libérée de l'évaluation normative

(lorsqu'il s'agit de parole non scénique) et pour finir la parole est guidée (lorsqu'il s'agit de la parole

scénique).

1.2. L'espace décloisonné:

L'enseignement scolaire est marqué par une distinction franche des rôles sociaux entre le

professeur et les apprenants. L'enseignant se trouve dans une position de supériorité. Cette

supériorité se reflète dans l'organisation spatiale de la classe, mais aussi dans la position centrale

qu'occupe l'enseignant dans le réseau de communication. « La situation communicative non-

verbale de l'enseignant, à savoir sa position face à la classe, rappelle en permanence que l'on

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n'attend pas d'autres réactions que celles qui sont suscitées par l'enseignant. »5 Ce qui correspond au

schéma classique des interactions de classe, qui fonctionne sur un mode ternaire, c'est-à-dire:

question (de l'enseignant) – réponse (de l'apprenant) – évaluation (de la réponse de l'apprenant par

l'enseignant). On constate donc que la configuration de l'espace (le lieu) influence la configuration

des échanges, le réseau de communication. Dans le cadre de la classe de théâtre, la configuration

spatiale est différente, l'enseignant se retrouve au milieu des élèves. Dans le cours de Madame

Pierra, nous étions tous déchaussés et assis en cercle, ce qui conférait à la classe une autre

dimension. Nous n'avions plus l'impression d'être dans une salle de classe mais plutôt au sein d'un

atelier de théâtre. Il en est de même pour des étudiants étrangers.

Il est donc question d'un décloisonnement spatial à proprement parlé, nous ne sommes plus

dans une salle de classe, il n'y a plus de chaises, ni de tables, ou d'estrade, autant d'éléments qui

conféraient à l'enseignant une position de supériorité et qui muselaient le corps et la parole des

apprenants. L'espace physique est complètement modifié, même si l'on reste dans une salle de

classe, on est obligé de pousser les chaises et les tables pour pouvoir faire de la place et recréer une

scène imaginaire où auront lieu les interprétations des élèves. Les apprenants se retrouvent alors

dans un espace ouvert. Ils ne sont plus attachés à leur chaise et à leur bureau. Ils sont libres de se

déplacer, de marcher, de s'asseoir dans la position qu'ils veulent, il n'y a plus de contraintes

physiques. Le corps peut alors s'exprimer en toute liberté. Les apprenants ne sont plus passifs mais

actifs.

Il est également question d'un décloisonnement du type d'enseignement. Le professeur n'est

plus considéré comme un être supérieur, il est descendu de son estrade. Il peut être assis parmi les

apprenants lorsqu'il est question de travailler avec le groupe entier ou bien il peut être en position de

retrait lorsque les apprenants travaillent en sous groupes. On parle alors de méthode centrée sur

l'apprenant. En effet, le professeur se tient en retrait, et n'intervient qu'à la demande des étudiants.

Cette méthode a pour but de favoriser les échanges verbaux entre les apprenants. Ils finissent par

oublier la présence du professeur et obtiennent une place communicative toute différente, ils

5 SCHIFFER, Ludger, Pour un enseignement interactif des langues étrangères, p55

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s'expriment plus fréquemment et plus librement. L'enseignant se trouve alors non plus dans une

position dominante mais dans une position de partenaire central à la communication. Les élèves

sont amenés à communiquer les uns avec les autres.

Le changement du réseau de communication ainsi que celui de l'espace de la communication

confère à la classe de théâtre une nouvelle dimension centrée sur l'apprenant qui favorise

l'interaction dans le groupe d'apprentissage. « Dans la perspective pédagogique que F. Oury a

privilégiée, le rôle du maître peut se résumer comme suit: ce n'est pas un dispensateur de savoir

mais un coordonnateur et un guide du groupe auquel il est incorporé. Et c'est le groupe, et non le

maître seul, qui initie la vie. Car c'est grâce à la relation avec le groupe et dans la médiation du

travail que l'individu se construit et accède progressivement à l'autonomie. »6 Nous ne pouvons que

constater la similarité de ce qui a été appelé « pédagogie institutionnelle » et notre classe de théâtre.

Une classe de théâtre est un espace à vivre, il s'y crée des relations, des conversations, on y rit on y

joue la comédie, on se détend et on apprend.

Si l'on se réfère toujours à la méthode du pédagogue Fernand Oury, l'appropriation de

l'espace par un élève est d'une importance capitale dans la réalisation de l'expression. « Pour

pouvoir dire « je », il faut d'abord être quelque part: il est donc nécessaire de créer des lieux. »7 On

retrouve dans la classe de théâtre cette même règle, les apprenants s'approprient l'espace. Un des

premiers exercices proposé par madame Gisèle Pierra, dans son cours, consiste à inviter le groupe

d'apprenant à marcher vite et occuper de manière harmonieuse l'espace mis à leur disposition, ils

doivent chercher un équilibre parfait des positionnements dans l'espace. Il s'agit de faire prendre

conscience aux apprenants de l'importance de l'espace en théâtre mais également prendre

conscience de l'autre, de se déplacer en fonction de l'autre. Pour s'exprimer il est nécessaire de se

positionner, que ce soit physiquement parlant ou verbalement.

La notion d'espace dans la classe de théâtre est un des facteurs prépondérants dans le

déliement des langues des apprenants. En classe de théâtre, les apprenants font face à deux types de

6 HOUSSAYE, Jean, Pédagogues contemporains, « Fernand Oury », page 240, 2417 HOUSSAYE, Jean, Pédagogues contemporains, « Fernand Oury », page 239

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paroles, il y a tout d'abord, la parole scénique, qui est celle du texte, et ensuite la parole non

scénique, qui est la parole des échanges, des conversations entre les élèves et avec le professeur.

1.3. La parole scénique:

Nous avons donc affaire à une parole scénique qui est la parole du texte que les apprenants

ont à mettre en situation et dont ils ont à inventer les interactions par le biais des dialogues et des

monologues; et à la parole non scénique. La parole non scénique, elle, correspond à une parole

spontanée en interaction dans le cadre des exercices, des improvisations et des discussions diverses.

L'apprenant doit se confronter à la langue étrangère, celle de l'oeuvre, celle pratiquée dans des

échanges permanents au sein du groupe. Il doit donc passer par la langue étrangère pour interpréter

le texte ou échanger ses idées de mises en scène. Or cette épreuve suscite au départ des frustrations

chez l'apprenant dont les possibilités langagières sont réduites. Mais ces obstacles communicatifs du

début du travail vont permettre, par un phénomène de compensation, le développement du langage

corporel. « Ainsi que tout acte langagier, cette parole scénique met en jeu la simultanéité d'éléments

et articule verbal, non-verbal et para-verbal par les dialogues, les indications scéniques, la

gestuelle. »8 Par le biais du théâtre la langue étrangère retrouve donc ce qui fait du langage son

unicité. Grâce au travail du langage corporel l'apprenant va être à même d'expérimenter une certaine

désinhibition ainsi qu'une libération gestuelle. Celles-ci vont favoriser l'initiative de la prise de

parole, et ce avec une prise de risque supérieure à celle envisagée ou redoutée au départ par

l'apprenant. Cet investissement et cette prise de risque sont évidemment de nature à favoriser

l'acquisition langagière. C'est ainsi que le handicap premier (un langage verbal limité) devient, par

le détour du langage corporel le moteur de l'acquisition langagière.

Grâce au théâtre l'apprenant interprète un texte qui est celui d'un autre, notamment d'un

écrivain, et qui est donc fiable à cent pour cent au niveau linguistique. Cette fiabilité linguistique

apportera de la sécurité à l'apprenant. Ce sont les paroles d'un autre. En montant sur scène et en

interprétant un rôle, l'acteur/apprenant peut se cacher derrière un masque et ne se sent donc plus

8 PIERRA, Gisèle, Chemins de paroles: d'une pratique théâtrale en Français Langue Etrangère. Vers une esthétique de l'expression, page 110.

14

jugé. Il peut alors se laisser aller au jeu et déclamer son texte qu'il a appris avant en toute sécurité.

Son corps se met alors à bouger plus librement vu que la contrainte du texte est dépassée.

L'apprenant est libéré de son insécurité langagière et de son interlangue. L'apprenant devra alors

communiquer ce qu'il a compris du texte. Son corps exprime les émotions que contient le message

de l'auteur. Il interprète à sa façon le message. En se confrontant à l'oeuvre, l'apprenant s’expose

indéniablement à la culture de la langue étrangère. Il découvre un auteur, en interprétant le texte, il

cherche à pénétrer le monde de cet auteur et par conséquent à comprendre les implicites culturels

qui se trouvent dans n'importe quel texte. On a tendance à parler de la langue comme une langue-

culture car elle est à la fois un produit socio-historique, un système linguistique et une pratique

sociale. Lorsque Françoise Demougin parle de langue-culture, elle en dégage quatre entrées. La

première correspond à ce qu'on appelle les donnés premiers qui sont identifiés comme les traits

caractéristiques d'un groupe humain et qui sont acquis à partir d'informations collectées en

particulier dans le système politique, le système social, le système économique mais également

l'organisation culturelle. La deuxième entrée correspond au substrat socio-historique. Le substrat

socio-historique, n'est autre que l'analyse de l'ensemble des comportements humains liés à

l'appartenance sociale, économique et culturelle. La troisième entrée appelée système sémiotique

correspond aux références culturelles spécifiques, aux connotations codifiés (consensuelles ou

conflictuelles) et aux conventions socioculturelles, c'est-à-dire les règles de politesse, de bienséance

qui ont cours dans une communauté, les codes gestuels, comportementaux, de proxémie, etc. La

quatrième entrée quant à elle fait référence aux structures d'un imaginaire collectif qui relèvent des

représentations symboliques d'un groupe. On peut dire que le théâtre met en valeur à la fois des

représentations collectives stables, des traits d'identités moins stables, parfois conflictuels, des

imaginaires instables relevant de ce que Barthes identifiait comme « les mythologies du présent ».

Le théâtre et par conséquent le texte d'une oeuvre apparaît comme un document modélisateur

particulièrement efficace dans l'ouverture d'un nouveau champ de perception en dehors des

automatismes mentaux acquis en langue maternelle, dans la reconnaissance d'indices sémantiques

15

multiples (linguistiques, non-verbaux et socio-culturels). Le théâtre est un document culturel, au

sens sociologique ou même anthropologique du terme, il fournit des « images de... ». Loisir

révélateur d'une culture, reflet d'une société et agent d'un certain imaginaire, le théâtre permet une

connaissance, une compréhension meilleure de la langue ciblée. Le théâtre permet à l'apprenant

étranger d'avoir accès à ce qu'aucun enseignement disciplinaire ne peut lui apporter: la faculté

d'interprétation et le plaisir de lire du locuteur natif, tous deux fondés sur la perception d'une

structure qui se donne à voir. Mais c’est grâce à la parole non scénique que l’apprenant améliorera

la parole spontanée.

1.4. La parole non scénique:

La parole non scénique correspond comme je l'ai déjà mentionné dans la partie précédente aux

échanges qui ont lieu dans la classe entre les apprenants lors de leur travail en groupe, ou avec

l'enseignant au moment de discuter de la mise en scène. Cette parole non scénique s’apparente à ce

que l’on pourrait nommer l’oral spontané, celui de la conversation de tous les jours, de la

communication quotidienne. L'apprenant en classe de théâtre est confronté à deux types

d'interaction, l'interaction professeur/élève et l'interaction au sein du groupe d'élèves, le français

étant la seule langue de communication possible. Or, la configuration spatiale d’une classe

traditionnelle influence les échanges qui ont lieu dans cette même classe et cet oral qualifié de

spontané y est généralement interdit, on parle alors de bavardages, de conversations qui parasitent

et qui nuisent au bon déroulement de la classe. Dans une classe de théâtre ces échanges se verront

largement encouragés. D’eux dépendront la réussite de l’exercice proposé aux élèves. Toutefois, on

ne peut négliger le fait que si l'on travaille avec des apprenants qui possèdent la même langue

maternelle, il leur sera difficile de parler la langue étrangère entre eux. Instinctivement ils parleront

et utiliseront leur langue maternelle dans les échanges. C'est donc à l'enseignant de veiller à ce que

ces derniers s'expriment dans la langue étrangère. Mais l'enseignant ne peut pas jouer le rôle de

gendarme constamment, et ce n'est pas le but d'une pédagogie centrée sur l'apprenant. Il est donc

nécessaire de poser des conditions dès le début, et notamment l'interdiction du recours à la langue

16

maternelle. Si les apprenants réussissent à se tenir au contrat et à utiliser la langue étrangère au sein

du groupe, ils se rendront vite compte que l'enseignant n'est pas là pour les sanctionner mais qu'ils

sont libres de s'exprimer entre eux du moment qu'ils utilisent la langue étrangère. Cette parole non

scénique est libérée de toute évaluation quelle qu’elle soit et permet à l'apprenant de s'exprimer

plus librement. Ce dernier, en effet, est mis dans un climat de confiance où la bonne humeur règne

et où le professeur n'est plus vu comme un examinateur mais comme un directeur de troupe. Ce

climat de confiance est rendu possible du fait du décloisonnement de l'espace ainsi que celui des

échanges et des rapports entre enseignant et apprenants. Les apprenants si l'on suppose qu'ils sont

de nationalités différentes n'ont le choix que du français pour communiquer entre eux. Ils se servent

alors de cette langue pour échanger leurs idées, leurs impressions, leurs critiques, etc. Ils

communiquent entre eux sans aucune contrainte, ils n'ont pour juge de leur production orale que

leurs camarades qui sont d'un niveau équivalent au leur. Comme ils ne se sentent pas jugés sur leur

maîtrise de la langue, ils prennent plus de risques et parlent plus. L'approche théâtrale se situe alors

dans une similitude relative avec l'acquisition en milieu extrascolaire. La parole des apprenants est

plus vivante, plus présente, leur interlangue évolue plus rapidement que s'il s'agissait d'une classe de

langue conventionnelle. « La parole se construit par les erreurs en se rapprochant d'une qualité de

plus en plus acceptable. »9 C'est en commettant des erreurs et en se rendant compte par soi-même

ou bien par une remarque des autres que l'apprenant va construire son interlangue et l'améliorer

jusqu'à parvenir à ce qu'on appelle la langue cible. Cette parole non scénique est à double tranchant

car si l'apprenant parle plus, en revanche, il n'est pas corrigé de manière systématique par

l'enseignant et peut de ce fait intérioriser des erreurs qu'il donne pour correctes vu que les autres

apprenants ne sont pas aptes à le corriger et ne le font pas.

L'atelier de théâtre est alors comparable à un atelier de parole où l'expression est rendue

possible du fait du caractère authentique des échanges, de l'espace non conventionnel où le

mouvement est libre et où les positions des apprenants ne sont pas figées. Tous ces facteurs réunis

9 PIERRA, Gisèle, Chemins de paroles: d'une pratique théâtrale en Français Langue Etrangère. Vers une esthétique de l'expression, page 43.

17

font que la classe de théâtre permet aux apprenants de s’exprimer plus facilement que dans une

autre classe d’enseignement des langues. Leur parole est libérée de toutes les contraintes qui

pouvaient aliéner cette libre expression.

18

2. Le rôle du groupe dans l'expression:

Le groupe est un autre facteur qui rentre dans la composition de la recette magique de la

classe de théâtre qui, comme par enchantement, libère la parole des apprenants. Pour reprendre

l’expression de Gisèle Pierra il s’agit d’un « chemin de parole » ; une sorte de pèlerinage. Une route

sur laquelle on collecte les informations qui permettront la libération de la parole. Le facteur groupe

se décline en quatre points qui mis bout à bout les uns aux autres permettent cette libération de la

parole. Je parlerai donc de la place de l’apprenant au sein du groupe et de la relation de ce dernier

avec les autres membres du groupe, mais également de l’autonomisation que permet le travail de

groupe et pour terminer du sentiment de sécurité.

2.1.La place de l'apprenant au sein d'un groupe de travail:

La notion de place est une notion fondamentale dans la réalisation de l'expression. Au même

titre que l'apprenant a besoin de définir un espace pour pouvoir se dire il a également besoin de

définir sa place au sein d’une société pour s'exprimer. Dans le cours de Jean Marie Prieur nous

avons vu qu’en langue maternelle, l'enfant apprend à devenir un être social, il apprend à s'exprimer,

à communiquer, selon des règles de conduite et d'interaction, selon des normes sociales. C'est en

quoi son rapport à la langue n'est pas une acquisition instrumentale, mais une inscription

symbolique: il est inscrit à une place symbolique à partir de laquelle il se constitue comme sujet.

Son rapport à la langue maternelle est donc double, il s'agit à la fois d'un rapport d'inscription et

d'identification. Dans le cas d'une personne qui émigre ou qui apprend une langue étrangère, cette

personne se retrouve pour un temps dans un rapport d'extériorité, elle est apprenant et non sujet.

Pour les adultes l'identité individuelle et sociale est en grande partie fixée et c'est le désir de ne pas

s'exposer qui va jouer comme un frein dans l'apprentissage. Jean Marie Prieur compare

l'apprentissage d'une langue étrangère à une expérience de « dépaysement », « une expérience

subjective de décentrement », « de dessaisissement de soi. » Lorsqu'on apprend une langue

19

étrangère on a le sentiment de ne pas être soi, d'être en représentation. Il est donc très important

pour des apprenants de retrouver ce sentiment d'appartenance à une communauté. Grâce au travail

de groupe l'apprenant se sent investi d'une double mission, tout d'abord une mission d'apprentissage,

mais aussi une mission sociale. Le travail de groupe aboutit donc à un apprentissage social qui par

la suite permettra une amélioration des performances dans la langue étrangère. « Le désir de

s'identifier à des personnes appartenant à la communauté linguistique étrangère ou de s'intégrer dans

celle-ci est décisive dans l'apprentissage de la langue étrangère. »10

Les premières séances d'un cours, comme celui de madame Gisèle Pierra, sont essentielles, car c'est

au cours de celles-ci que se constituent les différents groupes. Elles permettent au groupe et aux

sous groupes de tisser des relations en créant un climat de confiance et de désinhibition

indispensable à la libération de l'expression. En effet, le théâtre est un travail collectif de la voix, de

la diction et du corps dans l'espace, l'étudiant n'est pas seul comme c'est le cas lors d'une classe

traditionnelle. Dans une telle situation, lorsqu'un étudiant s'exprime c'est pour répondre à une

question posée par l'enseignant, qui est le seul détenteur de savoir et qui évaluera quoi qu'il

advienne la réponse. L'apprenant est alors en situation totale d'insécurité, il prend un risque énorme,

il va être jugé selon sa réponse par l'enseignant mais aussi par les autres apprenants. L'apprenant

ressent alors un sentiment de solitude qui inhibe son expression. Dans une classe de théâtre les

apprenants sont plus décontractés. Ils sont conviés à travailler en groupe. Tout d'abord, la classe de

théâtre elle-même constitue un premier groupe. Il s'agit d'apprenant qui ont un même objectif en

dehors d'apprendre une langue qui est celui de faire du théâtre. Cet objectif allié au projet commun

qu'ils devront accomplir, une représentation en public, permet la constitution d’un groupe aux

relations fortes. Ensuite il y a les sous groupes qui correspondent à un nombre délimité d'apprenants

qui auront certaines affinités entre eux au départ. En effet les sous groupes se constituent soit parce

que les apprenants ont envie de travailler avec un tel ou un tel, soit parce que c'est le texte qui les

réunit. Ces apprenants vont devoir créer ensemble et présenter leur travail ensemble. De par mon

expérience théâtrale je peux affirmer qu'une troupe de théâtre est souvent identifiée à une famille. Il

10 SCHIFFER, Luger, Pour un enseignement interactif des langues, page13

20

y a un désir commun de réussir qui contamine tous les membres du groupe et qui confère une forte

solidité aux liens qui s’y créent. Le travail de groupe conduit à l'addition des forces.

Pour qu'un travail de groupe interactif soit efficace, il doit réunir diverses conditions: tout

d'abord un comportement pédagogique interactif, des contenus qui rendent possible le travail en

commun, une communication centrée sur l'apprenant, le développement de l'autonomie des

apprenants et des interactions libres et spontanées. Dans un atelier de parole comme je l'ai défini

plus haut, l'apprenant est placé dans un processus interactif de communication authentique au cadre

social précis, à savoir le groupe composé d'un certain nombre d'étudiants partageant le même

objectif où va se développer une confiance mutuelle qui sera capitale pour la suite, pour vaincre le

sentiment de ridicule et faire disparaître certaines barrières psychologiques.

2.2.La relation avec autrui :

L'interaction sociale dans le groupe est favorisée de façon continue par l'aide mutuelle et le

travail en commun. Ce comportement coopératif dans le groupe d'apprentissage ne peut-être séparé

de l'interaction positive entre enseignants et apprenants. Dans ce travail de groupe, les élèves

peuvent apprendre le travail autonome sous le contrôle de ceux qui coopèrent avec eux : ils

apprendront à pratiquer l'autocritique, mais aussi à accepter la critique venant d'autrui. La correction

non publique par le camarade perturbe moins l'élève, au point de vue affectif, que la correction

faite par l'enseignant. Le rôle que l'apprenant peut assumer dans le groupe grâce au travail en

commun est susceptible d'influencer sa motivation de façon déterminante. Il peut s'apercevoir qu'il

est capable d'apporter une contribution importante au succès du travail. La communication

informelle qui est un frein et une entrave dans une classe traditionnelle est loin d'être un facteur de

perturbation dans une classe de théâtre, car celle-ci produit au contraire des effets positifs dans

toutes les tâches où il s'agit de quête, de recherche, de créativité. Le travail de groupe signifie, en

comparaison avec l'enseignement frontal, individualisation du travail et prise en compte du rythme

d'apprentissage; car, en face du petit groupe, l'individu aura moins de répugnance que devant la

classe tout entière à laisser remarquer à ses camarades ses difficultés d'apprentissage non encore

21

résolues. Il est significatif que dans l'enseignement frontal, ce soit le plus souvent les élèves forts

qui lèvent la main ou viennent dire à l'enseignant qu'un point leur demeure obscur.

Le travail de groupe permet donc de lutter contre la timidité par l'intégration des apprenants en

groupe et sous-groupes de travail. Ceux-ci devront d'abord apprendre à se connaître, à s'accepter et

collaborer dans un projet commun. En petits groupes, l'organisation devient plus évidente et laisse

place à une collaboration plus étroite. Un travail en groupe est comparable à la formation d'une

chaîne, où chaque maillon est essentiel au maintien de celle-ci. Si un maillon lâche, toute la chaîne

s'écroule. Il en est de même pour les apprenants qui travaillent en groupe, si un membre du groupe

est absent le groupe a du mal à fonctionner, et le travail n'avance pas aussi facilement. Le

dynamisme engendré par les relations de groupe apparaît comme un précieux outil pour

l'acquisition d'une langue étrangère. C'est la relation à l'autre (et la dimension affective de ce lien)

qui va le plus souvent inscrire l'apprentissage dans une dynamique, faciliter l'appropriation de la

langue. Le lien à autrui va jouer comme un accélérateur d'apprentissage. L'identification à autrui est

un processus très important, c'est par ce phénomène d'identification que se constitue le sujet, le

« je » qui permet l'expression.

2.3.L'autonomisation:

Comme nous l'avons vu précédemment, le travail de groupe aboutit à une certaine

autonomisation de l'apprenant. Les apprenants sont amenés à travailler en groupe et à s'autogérer.

L'enseignant est vu comme un assistant. Il n'est plus comme dans l'enseignement frontal celui qui

dirige les échanges. L'enseignant impulse des propositions au lieu de transmettre un savoir. Il s'agit

d'une part de rendre les groupes autonomes, par rapport à l’enseignant, et d'autre part de rendre les

individus autonomes les uns des autres. Dans un atelier de théâtre les rôles sont en quelques sortes

renversés, puisque c'est l'étudiant qui prend la parole et l'enseignant qui l'écoute. L'élève prend

réellement conscience qu'il travaille pour lui et non pour le professeur. Il se crée alors des liens au

sein du groupe qui permettent l'affirmation de l'individu. L'apprenant développe son sens de la

critique et de l'autocritique. Pour qu'un travail de groupe fonctionne il faut que tous les membres

22

participent, si tous sont d'accord, alors le travail effectué en serra valorisé. Même l'élève le plus

enclin à la passivité est grâce au travail de groupe amené à fournir un travail personnel, il devra

prendre des responsabilités et deviendra donc autonome. Chacun contribue à sa manière à la

réalisation du projet. Le fait d'avoir un projet commun, en l’occurrence la représentation finale

devant un public, renforce les liens entre les membres du groupe et les invitent à s'investir

personnellement dans la réalisation de ce projet. En général dans un travail de groupe il y a

répartition des tâches, que ce soit de manière volontaire ou involontaire. Chaque apprenant se sent

alors investi d'une mission qu'il tentera de mener à bien afin d'obtenir la considération des autres

membres du groupe. Il se sentira donc valorisé dans son travail et cela le motivera davantage à

s'impliquer dans le processus de création. Pour arriver à cette autonomie, l'apprenant doit par

conséquent reconstruire un monde dans lequel il pourra s'identifier, se trouver une place et

s'exprimer. Apprendre une langue c'est apprendre à se reconstruire, à redécouvrir l'autonomie dont

on jouit pleinement dans sa langue maternelle.

La phase d'autonomisation face au professeur est quant à elle bien plus délicate. Il est difficile

pour les apprenants de travailler par eux-mêmes dans les premiers temps. Ils se tournent toujours

vers le professeur pour obtenir son approbation, son aval. Ils ont ce besoin car ce travail peut être

très déconcertant si l'apprenant a toujours été confronté à un enseignement de type frontal. Ils sont

déstabilisés et ne savent pas comment agir, c'est à eux de prendre des initiatives et ils ne sont pas

habitués à le faire. Dans les premiers temps les sous-groupes ne sont pas très productifs du fait

qu'ils ne savent pas comment faire, et ce qui est réellement attendu d'eux. Mais un groupe se lance

et puis l'autre et ils finissent tous par s’autogérer. Ils expriment leurs idées de possible mise en

scène, en débattent entre eux et les soumettent à l'enseignant une fois qu'ils sont tous d'accord. C'est

eux qui proposent à l'enseignant, et non l’enseignant qui leur dit quoi faire.

La phase d'autonomisation peut aussi être difficile pour l'enseignant. En effet, on remarque très

souvent que c'est un travail sur soi pour l'enseignant. Celui-ci se voit perdre sa position dominante

et se retrouve mis au rang d’assistant. Avant de commencer un tel travail, l'enseignant doit se faire à

23

l'idée qu'il ne sera plus la figure centrale des échanges et qu'il ne devra pas essayer d'en prendre le

contrôle. Il n'est pas là pour dire aux apprenants ce qu'ils doivent faire. Il est une présence

nécessaire mais pas dans le sens conventionnel d'une classe traditionnelle. Son rôle est tout autre et

pour que les apprenants réussissent la phase d'autonomisation il doit en prendre conscience.

2.4.Le sentiment de sécurité:

La constitution d'un climat de confiance entre les apprenants et l'enseignant est une étape

primordiale à l'instauration d'une communication libérée, spontanée. « Le cours de théâtre propose

un cadre sécurisé où le regard de l'Autre (le sien dans un rapport narcissique et celui de l'autre) est

nécessairement accepté, limitant de cette façon les retenues. »11 Constituer un groupe avec un projet

commun crée un milieu favorable aux échanges. Le fait que ce groupe soit homogène,

linguistiquement parlant, permet d’établir la désinhibition de la parole. Les apprenants se sentent

alors dans une sorte de norme et n'ont pas peur de faire des fautes quand ils s'expriment, puisqu'ils

ont tous plus ou moins les mêmes difficultés.

Les apprenants inventent, s'amusent, éprouvent du plaisir à être ensemble. Ils se sentent en

confiance et se livrent plus facilement, ils se risquent également plus facilement. D'autre part, ils ne

se considèrent pas réellement au sein d'une classe, les apprenants ne voient plus le professeur

comme tel mais plutôt comme le directeur d'une troupe de théâtre et de ce fait prennent plus de

liberté au moment de s'exprimer, notamment en ce qui concerne la parole non scénique. Ils ne se

sentent plus jugés lorsqu'ils osent parler, ils se sentent en confiance, sur un même pied d'égalité avec

les autres apprenants qui doivent dorénavant faire face à une nouvelle difficulté. Les étudiants ont

comme nouvel objectif de se concentrer sur la mise en scène, ils ne se focalisent plus

essentiellement sur leur manière de s'exprimer, ils oublient pendant un instant qu'ils parlent une

autre langue pour résoudre un autre problème. Le travail corporel permet en effet le franchissement

de nombre de barrières psychologiques qui entravaient l'investissement de l'apprenant: par le travail

corporel, l'apprenant prend progressivement confiance en lui-même, pour finalement s'exprimer

11 FREBOURG, Fabien, Le développement d'une communication authentique et originale par une pratique théâtrale en FLE, Travaux de didactique n° 47, page 54.

24

totalement en langue étrangère, et progresser ainsi dans son acquisition.

De par mon expérience, j'ai toujours remarqué que je m'exprimais plus facilement en langue

étrangère quand il fallait que je fasse part d'une opinion personnelle et quand je me trouvais en

confiance au sein d'un groupe. Et ce fut le cas lors de mon apprentissage du théâtre en langue

étrangère, au bout de quelques semaines, je prenais plus de risques, même si l'improvisation

représentait pour moi l'épreuve la plus difficile, alors qu'en français c'est un de mes exercices

préférés. Sur ce point, mon expérience diverge un peu car j'étais la seule étrangère du groupe et par

conséquent je me focalisais principalement sur ma manière de parler au point d'en oublier les bases

rudimentaires du théâtre. Mais le groupe avec lequel je travaillais, faisait tellement d'efforts pour me

mettre en confiance que j’ai fini par m'exprimer plus librement et par oublier mon bagage

linguistique déficient, au fur et à mesure des séances j'osais de plus en plus. Ce constat paraît

évident car c'est comme le dit si bien l'expression : « en forgeant qu'on devient forgeron » et, c'est

donc en parlant que l'on apprend à parler. Apprendre signifie que l'erreur sera présente, mais c'est en

se rendant compte de ses erreurs que l'on apprend et qu'on améliore son interlangue. Mais en

situation scolaire, ce processus qualifié d'essai-erreur est limité par la pression normative qui

privilégie la perfection des énoncés, ce qui a tendance à augmenter les inhibitions ou retenues des

apprenants et ainsi former une résistance à parler. Dans un classe traditionnelle la communication

est contrainte comme nous l'avons vu précédemment à une règle spécifique qui incite tous les

apprenants à mettre en retrait une partie de leur subjectivité, c'est-à-dire à laisser hors de classe les

traits correspondants à leur personnalité. Or comme cela a été mentionné précédemment,

l'apprentissage d'une langue étrangère implique une redécouverte de soi.

Le travail de groupe fait en classe de théâtre, l'autonomisation qui en résulte au même titre

que le processus d'identification ainsi que la notion de sécurité sont autant de facteurs qui font de la

classe de théâtre le terrain parfait pour l'apprentissage d'une langue étrangère mais surtout un bon

déclencheur de parole.

25

3. Le rôle du ludique dans l'expression.

En quoi le ludique peut-il sembler si important pour l’aboutissement de la parole ? Voilà la

question à laquelle je tenterai de répondre au cours de cette dernière partie. Je commencerai par une

réflexion simple, qu’est-ce qui fait du théâtre une activité ludique ? De là j’aborderai les notions de

plaisir, d’attitude et de motivation, et je terminerai ma réflexion sur la notion de ludique comme

déclencheur de parole.

3.1.En quoi le théâtre est-il une activité ludique?

Par activité ludique on entend toute activité relative au jeu. Le jeu est défini, dans le Petit

Larousse, comme une activité non imposée, à laquelle on s'adonne pour se divertir, pour en tirer un

plaisir. Très tôt dans l’histoire de l’humanité, le jeu a été considéré comme faisant partie intégrante

des activités naturelles de l’homme. Le jeu est un acte total et global de l’individu. « Jouer, c’est

s’activer de corps et d’esprit selon son rythme et ses besoins pour en retirer un plaisir intrinsèque et

bienfaisant. Le jeu est un état subtil et privilégié qui déconnecte de la réalité. »12 L'activité théâtrale

consiste à faire du théâtre, qui par définition se dit : jouer la comédie, jouer un rôle, un personnage,

jouer dans une pièce. Linguistiquement parlant on place le théâtre au rang de « jeu ». Le théâtre est

également considéré comme un loisir. Bon nombre d’enfants ont des loisirs en dehors de l’école

pour se détendre, se défouler, et les adultes en font de même, le théâtre fait parti de ces loisirs. Le

théâtre étant rangé dans la catégorie des jeux et qui plus est lorsqu’il s’agit d’une pratique de classe,

on peu donc le qualifier d’activité ludique. Etant une activité ludique le jeu est considéré comme

une action compensatoire et exploratoire. Le théâtre rejoint cette affirmation car comme je l’ai

mentionné en introduction, le théâtre permet aux personnes qui le pratiquent de compenser leur

problème de timidité, par exemple, mais également d’explorer la réalité qui les entoure par

l’interprétation de personnages aux antipodes de leur personnalité. Les apprenants de langue

étrangère voient l'activité théâtrale comme une activité ludique car ils s'y adonnent avec un certain

plaisir. C'est un moment de détente.

12 DE GRANDMONT, Nicole, Pédagogie du jeu : jouer pour apprendre, page 5

26

Dans l'enseignement, tout peut devenir ludique, et il en est de même pour la classe de FLE, il

suffit de bien organiser son activité. Le théâtre en langue étrangère, au même titre que les jeux de

rôle, apparaît comme une activité ludique aux yeux des apprenants car tout d'abord, l'objectif

premier qu'ils y voient est d'apprendre à faire du théâtre et non apprendre la langue comme telle. Ils

se croient débarrassés des activités typiques d'un enseignement traditionnel, comme la grammaire,

les exercices de lecture et de compréhension, les exercices d'expression écrite, etc. Il est vrai qu'en

théâtre on ne fait pas appel à des activités d'écriture mais plutôt à des activités relevant de l'oral.

Etant donné que les apprenants se centrent sur l'activité théâtrale, sur la mise en scène,

l'interprétation des textes, ils finissent par oublier qu'ils sont dans un cours de langue et ils ne

réalisent pas qu'ils apprennent. Sans le savoir et sans s'en rendre compte les apprenants font de la

grammaire, celle qui est inscrite dans le texte de façon implicite mais aussi celle qu'ils utilisent

lorsqu'ils communiquent avec les autres de manière spontanée. D'autre part, le théâtre étant

considéré comme un loisir, les apprenants arrivent généralement en classe en adoptant une attitude

positive et qui est un moteur pour l'apprentissage (cf. partie 3.2. L’attitude, la motivation et le

ludique).

Le caractère ludique de l'apprentissage par le théâtre, outre la spontanéité qu'il génère dans

l'acte d'apprendre, facilite la phase d'individualisation par le plaisir pris et ce de manière plus simple

qu'avec un autre support didactique. Le plaisir naît quand les apprenants finissent par s'accepter,

qu'ils acceptent leur voix dans la langue étrangère, qu'ils acceptent le regard de l'autre sur leur

image et sur leur parole. Le plaisir naît quand ils se sentent intégrés au sous-groupe auquel ils

appartiennent, lorsqu'ils réussissent à passer outre l'inhibition initiale et à accepter le cadre dans

lequel ils sont. Comme le disent si bien Maryam et Olivier Chartier, professeurs de français langue

étrangère à Galatasaray en Turquie: « L'activité théâtrale en français est le choix d'une continuité

linguistique entre la sphère strictement scolaire et celle du loisir. Dans cette perspective, l'activité

théâtrale devient un lieu d'apprentissage volontaire, de novation et re-création par le biais d'un

support linguistique nouveau ayant entre autre pour fonction le développement de la personnalité

27

qui permet une participation sociale plus large, plus libre, et une culture désintéressée du corps, de

la sensibilité, de la raison. »13

L'aspect ludique du théâtre lui confère un élément essentiel en ce qui concerne la motivation

des étudiants dans l'apprentissage de la langue étrangère et donc dans la finalité qui est l'expression.

3.2.L’attitude, la motivation et le ludique:

Apprendre une autre langue constitue une tâche ardue qui demande beaucoup d'efforts à celui

qui l'entreprend. Pour en venir à bout, il faut certainement être motivé. D’autre part, on sait que la

notion de plaisir est une des composantes majeures de l’activité ludique, voire même son moteur.

« Le plaisir correspond à cette sensation de bien-être qui envahit le sujet et le place dans un état de

joie et de bonheur sans qu’il y ait préalablement besoin de condition ou de scénario pour y

parvenir. »14 Cette notion de plaisir est une notion intrinsèque aux théories de la motivation et de

l’attitude. Il existe diverses théories sur les thèmes de l'attitude et de la motivation. Une des théories

qui existe sur l'attitude est fondée sur les intentions. On peut très bien avoir une attitude positive à

l'égard de la paix comme c'est le cas pour la majorité des personnes peuplant cette planète. Mais très

peu s'engagent dans des organisations militant pour la paix. Il existe une échelle de valeur propre à

chacun de nous qui intervient dans la détermination des actions en fonction de ces attitudes. Pour

ce qui est de la motivation la théorie la plus célèbre est celle de Nuttin, qui dit que « le point de

départ d'un acte motivé n'est pas un stimulus, ni même un état de choses comme tel; c'est un sujet en

situation. »15 L'état de choses se référant au but. L'individu est la notion centrale de la motivation,

c'est lui qui détermine ses buts et par conséquent sa motivation. Le but étant construit par un

individu il porte nécessairement les marques des attitudes de ce même individu. Or, nous savons

qu’un des moteurs de notre société actuelle est la recherche du plaisir, d’un sentiment de bien-être.

Dans le cas de l'apprentissage d'une langue étrangère, les notions de motivation et d'attitude

sont liées au processus d'identification d'un individu pour une communauté linguistique et nécessite

13 CHARTIER Mariam et olivier, Le marque page: Approche des méthodes des pratiques théâtrales dans le cadre scolaire, http://membres.lycos.fr/lemarquepage/reportage/4brno/brno.htm, mars 2003, consulté en avril 2006

14 DE GRANDMONT, Nicole, Pédagogie du jeu : jouer pour apprendre, page 5015 BOGAARDS, Paul, Aptitude et affectivité dans l'apprentissage des langues étrangères, page 50

28

donc une motivation à long terme. L'apprentissage de la langue étrangère n'est pas un but mais

plutôt un moyen qui permettra à la personne de s'intégrer à la nouvelle communauté, de se sentir à

l’aise dans cette communauté. Dans l'apprentissage d'une langue étrangère, l'attitude joue un rôle

majeur. Mais les attitudes, qu’elles soient positives ou négatives ne sont pas figées, elles peuvent se

modifier.

Les jeux de rôle et le théâtre apportent aux apprenants une motivation qui est liée au côté

ludique de l'apprentissage. Ils apprennent et se perfectionnent sans s'en rendre compte. En effet,

comme je l'ai déjà mentionné ultérieurement, les apprenants adoptent généralement une attitude

positive en s'inscrivant à une classe de théâtre, comme celle de l'IEFE à Montpellier. C'est une

classe optionnelle, elle ne leur est donc pas imposée. Les étudiants qui choisissent de s'y inscrire ont

un objectif en tête. Chaque personne a un propre objectif, ceux-ci peuvent être très variés, comme

par exemple: échapper aux autres options, faire du théâtre pour se désinhiber, ou bien faire du

théâtre parce que cela semble plus drôle qu'une classe plus conventionnelle ou encore faire du

théâtre parce qu'on aime ça. Le fait donc que ce soit une activité choisie et non imposée importe

énormément lorsqu'il s'agit de l'attitude. Cette attitude qui aura donc tendance à être positive joue un

rôle prépondérant dans la formation de l'opinion que les apprenants vont se faire de l'activité, qui, à

son tour, joue un rôle non négligeable dans l'apprentissage de la langue étrangère.

Cette attitude positive à l'égard de l'activité théâtrale, de par son côté ludique, favorisera

l'apprentissage de la langue étrangère mais également le déclenchement de la parole chez

l'apprenant.

3.3.Le ludique comme déclencheur de parole:

« A partir du moment où les apprenants commencent à entrer en relation grâce au ludique, la

communication apparaît, par l'acceptation du corps et de la présence de chacun. C'est la pulsion

langagière qui va permettre aux apprenants de résoudre les difficultés langagières. »16 En effet, le

facteur ludique est un facteur du déclenchement de la parole chez un sujet apprenant, quel que soit

16 PIERRA, Gisèle, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, page 66

29

l'objet de l'apprentissage. Le ludique provoque un sentiment de confiance et de sécurité qui réussit à

délier les langues de façon plus facile que dans une classe de grammaire par exemple.

Le côté ludique d’une quelconque activité pédagogique permet de développer de nouvelles

connaissances chez un apprenant en démystifiant un peu l’effort d’apprendre. Non pas que l’effort

soit absent, mais tout simplement celui-ci est moins perçu par l’apprenant. Selon Nicole De

Grandmont, la pédagogie du ludique repose sur les bases de la pédagogie de l’indirect et celle de la

non-intervention. On retrouve des traces de ces deux pédagogies dans la pratique théâtrale en classe

de langue étrangère. En effet, elles correspondent d’une part à l’apprentissage détourné, c’est-à-

dire, apprendre à l’élève sans qu’il s’en rende compte, en d’autres termes la pédagogie de

l’indirect ; et d’autre part à la position de retrait de l’enseignant qui confère une certaine liberté à

l’apprenant, donc la pédagogie de non-intervention.

Le théâtre apporte donc ce côté ludique à l'apprentissage du français. L'apprenant sort du

carcan scolaire habituel, il a pour objectif de se divertir tout en apprenant et en renforçant son

niveau de langue et d'expression dans cette langue. Les apprenants communiquent entre eux de

manière plus détendue que s'ils étaient au sein d'une classe typique, « ils jouent au théâtre », et dans

cette expression il y a le mot jouer, ils se divertissent, ils rient, ils bougent, se trompent et rient de

leurs erreurs. « L’approche ludique améliore l’enseignement en modifiant les relations

maître/élèves, permet au pédagogue plus de liberté pour l’observation des élèves, introduit, le cas

échéant des correctifs plus pertinents tout en favorisant un enseignement individualisé. »17 Pour que

le jeu soit possible il faut d’abord que certaines compétences soient acquises, tout comme pour

pratiquer l’activité théâtrale en langue étrangère. Il faut être capable au moins de savoir déchiffrer le

texte à interpréter. On sait qu’avant de parler, l’enfant entre en interaction avec son entourage, non

sous la seule pression du besoin mais aussi, par des conduites ludiques où imitation et déplacement

métaphorique se conjuguent pour accéder aux symboles. Le jeu contribue donc dès l’enfance, au

développement des pratiques langagières, et ce au-delà des premières années de la vie. On retrouve

cette théorie en psychologie, où on utilise le jeu pour observer le comportement des enfants et

17 DE GRANDMONT, Nicole, Pédagogie du jeu : jouer pour apprendre, page 90

30

chercher une explication à leur mal être qu’ils n’arrivent pas à exprimer verbalement. Le jeu permet

donc d’exprimer certaines choses, et cette fonction est aussi celle du théâtre.

31

Conclusion:

Le théâtre peut donc être un réel outil pédagogique pour un enseignant de français langue étrangère

qui cherche à développer l’expression orale de ses apprenants. Il est un véritable moyen pour

déclencher la parole chez des sujets qui apprennent une langue étrangère. C’est notamment grâce à

son côté ludique qui démystifie l’effort d’apprentissage, mais aussi qui détermine la motivation et

donc l’attitude des apprenants envers l’objet d’apprentissage et qui en accélère le processus

d’acquisition. L’autre point qui fait du théâtre un bon libérateur d’expression est un travail de groupe

interactif. Le théâtre est un travail de groupe qui permet à l’apprenant de langue étrangère qui se

trouve momentanément dans une phase de trouble de retrouver une place qui lui confèrera toute la

sécurité nécessaire à la libération de son expression et de sa personne. Mais c’est surtout le

décloisonnement du réseau de communication qui rend tout cela possible. En effet, c’est grâce à ce

décloisonnement qui est à la fois spatial et relationnel que vont se créer de nouveaux échanges, que

les apprenants vont pouvoir exprimer leur opinion et surtout laisser entendre leur voix qui était

jusqu’alors muselé.

Pour conclure, je terminerai sur ces mots de Daniel Mesguich: « Au théâtre, on rigole, on cherche,

on réfléchit, mais le fait de risquer son corps, sa présence, d'apprendre par coeur, le fait de se

prendre pour, le fait de jouer à se prendre pour parce qu'on ne peut pas y croire, de ne croire à rien,

de ne pas adhérer à quelque chose, le fait qu'il y a une liberté, une ouverture immense qui est une

arme pédagogique bien plus grande que tous les cours, avec tous les profs très gentils qui se

penchent sur la copie de l'élève pour expliquer telle ou telle chose... le théâtre, donc, est un milliard

de fois supérieur. Alors, oui, bien sûr, l'enseignement, quel qu'il soit, par le théâtre est de toute façon

plus fort et plus grand! Mais, en ce qui concerne la langue, je pense que le théâtre est aussi une

sorte de conservatoire, il apprend les secrets de la langue, le halo de la langue, ce que n'apprend pas

une grammaire ou un dictionnaire parce qu'on le vit de l'intérieur. Une intimité de la langue se

trouve dans le fait de jouer cette langue. Parce qu'on doit la réinventer, l'inventer, comme si elle

venait de soi. On devient l'inventeur de la langue qu'on apprend. Et ça change tout. »18

18 MESGUISCH, Daniel, « Travailler le texte en le revivant », Le Français dans le Monde n°329, page 55

32

BIBILOGRAPHIE

➢ Ouvrages:

– BOAL, Augusto, Jeux pour acteurs et non acteurs: pratique du théâtre de l'opprimé, La découverte, Paris, 2004, 307 pages

– BOGAARDS, Paul, Aptitude et affectivité dans l'apprentissage des langues étrangères, CREDIF-Hatier, coll. LAL, Paris, 1988, 191 pages

– BOYER, Henri, Nouvelle introduction à la didactique du français langue étrangère, Clé international, Paris, 1990, 239 pages

– DE GRANDMONT, Nicole, Pédagogie du jeu: jouer pour apprendre, Les éditions logiques, coll. Pratiques pédagogiques, Montréal (Québec), 1997, 112 pages

– HOUSSAYE, Jean, Pédagogues contemporains, Armand Colin, Paris, 1996, 267 pages

– PIERRA, Gisèle, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, L'Harmattan, Paris, 2001, 237 pages.

– PIERRA, Gisèle, Chemin de paroles: d'une pratique théâtrale en Français Langue Etrangère, vers une esthétique de l'expression, coll. Série Travaux de didactique, Presses de Montpellier III, 1998, 167 pages

– SCHIFFER, Ludger, Pour un enseignement interactif des langues étrangères, CREDIF-Hatier, coll. LAL, Paris, 1991, 57 pages

➢ Articles:

– ALCALDE, Céline, « Pourquoi le théâtre? » dans Travaux de didactique du FLE, n°47, pages 13 à 26, 2002

– ASTRUC, Lorna, « Le théâtre pour développer la compétence de communication » dans Travaux de didactique du FLE, n°47, pages 57 à 65, 2002

– DEGRET, Alain, « Pratique du théâtre en classe de FLE » dans Travaux de didactique du FLE, n° 43/44, pages 55 à 63, 2000

33

– FAULQUES, Charlotte, « La dynamique de groupe dans l'apprentissage des langues étrangères » dans Travaux de didactique du FLE, n°47, pages 75 à 83, 2002

– FREBOURG, Fabien, « Le développement d'une compétence de communication authentique et originale par une pratique théâtrale en FLE » dans Travaux de didactique du FLE, n° 47, pages 49 à 55, 2002

– HALLE, Cathy, « Apprendre le français par la pratique théâtrale », dans Le français dans le monde, n°311, pages 35 à 36, 2000

– MESGUISCH, Daniel, « Travailler le texte en le revivant » dans Le français dans le monde, n°329, pages 54 à 55, 2003

– PIERRA, Gisèle, « Le corps et le sujet dans l'acquisition de l'expression en FLE » dans Travaux de didactique du FLE, n° 40, pages 97 à 108, 1999

– PIERRA, Gisèle, « Pratiques théâtrales: le goût de la parole retrouvée » dans Le français dans le monde, n°299, pages 36 à 39, 1998

– RAYBAUT, Anne-Marie, « Quelques perspectives du jeu théâtral dans une didactique du FLE » dans Travaux de didactique du FLE, n°47, pages 67 à 72, 2002

– « Dossier à l'école du théâtre » dans Le français dans le monde, n°305, pages 55 à 65, 1999

➢ Sites internet:

– CHARTIER Mariam et olivier, Le marque page: Approche des méthodes des pratiques théâtrales dans le cadre scolaire, http://membres.lycos.fr/lemarquepage/reportage/4brno/brno.htm, mars 2003, consulté en avril 2006

– HAYDE, Maga, Franc parler: Enseigner le français avec le théâtre, http://www.francparler.org/parcours/theatre_recapliens.htm, novembre 2004, consulté en avril 2006

34

ANNEXES

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION................................................................................................................................1RAPPORT DE STAGE.........................................................................................................................3MEMOIRE...........................................................................................................................................7

Introduction: .................................................................................................................................71.Le décloisonnement du réseau de communication.....................................................................10

1.1.La communication authentique:..........................................................................................101.2. L'espace décloisonné:.........................................................................................................121.3. La parole scénique:............................................................................................................151.4. La parole non scénique:.....................................................................................................17

2.Le rôle du groupe dans l'expression:..........................................................................................182.1.La place de l'apprenant au sein d'un groupe de travail:.......................................................192.2.La relation avec autrui :......................................................................................................212.3.L'autonomisation:................................................................................................................222.4.Le sentiment de sécurité:.....................................................................................................24

3.Le rôle du ludique dans l'expression...........................................................................................253.1.En quoi le théâtre est-il une activité ludique?.....................................................................263.2.L’attitude, la motivation et le ludique:................................................................................283.3.Le ludique comme déclencheur de parole: .........................................................................29

Conclusion:....................................................................................................................................32BIBILOGRAPHIE.............................................................................................................................33ANNEXES.........................................................................................................................................35

36