Mari Majo · 2018. 4. 13. · le paléographe Guy Perron). . . 476 - Engagement de Joseph Fleury à...

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  • Mari�Majo�Roman historique inspiré de la vie

    d’une Fille du roi dont l’époux, Antoine Roy dit Desjardins, fut assassiné

  • SERGINE DESJARDINS

    Roman historique inspiré de la vie

    d’une Fille du roi dont l’époux,

    Antoine Roy dit Desjardins, fut assassiné

    G u y S a i n t - J e a nÉ D I T E U R

    Mari�Majo�

  • CATALOGAGE AVANT PUBLICATION DE BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA

    Desjardins, SergineMarie Major : roman historique inspiré de la vie d’une Fille du roi dont l’époux, AntoineRoy dit Desjardins, fut assassinéComprend des réf. bibliogr.ISBN-13: 978-2-89455-214-8ISBN-10: 2-89455-214-91. Major, Marie, m. 1689 — Romans, nouvelles, etc. 2. Canada — Histoire — Jusqu’à1763 (Nouvelle-France) — Romans, nouvelles, etc. I. Titre.PS8607.E761M37 2006 C843’.6 C2006-940536-0PS9607.E761M37 2006

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  • À la mémoire de mes parents, Laure Fortin et Rosaire Desjardins.

    À Philippe et à Rodrigue, pour tout ce que nous partageons.

  • «La plus grande partie des cent cinquante filles que vous y avésenvoyées cette année, ont esté mariées en très-peu de temps ; ily à apparence que le reste sera bien tost pourveu ; MonsieurTalon y apporte tous ses soins, et au reste des affaires qui regar-dent l’augmentation de la Colonie. Je vous puis asseurer que jecontinue dans les mesmes sentimens de ne rien épargner de messoins et de mon application pour bannir le vice et établir lesbonnes mœurs dans ce Christianisme dont il à pleu à Dieu deme charger1 ».

    (Extrait d’une lettre de Monseigneur de Laval au ministreColbert datée du 30 septembre 1670)

    1 Monseigneur de Laval, Musée de la civilisation, fonds d’archives du Séminaire deQuébec, Sém. 16, no 28.

  • Table des matières

    Note de l’auteure . . . 11Prologue . . . 16

    Marie Major : Roman historique inspiré de la vie d’une Fille du roi dont l’époux, Antoine Roy dit Desjardins, fut assassiné . . . 21

    AnnexesArbre généalogique . . . 418Marie, Antoine et Pierre : leur vie . . . 419Personnages historiques . . . 453Bibliographie . . . 466Remerciements . . . 474Documents d’archives- Déclarations de Nicolas Pot, François Fortage, Antoine

    Trottier dit Desruisseaux, Jean Lariou, Jean-Baptiste Crevier dit Duvernay et Edmond de Suève concernant l’assassinatd’Antoine Roy dit Desjardins (Transcription faite par le paléographe Guy Perron) . . . 476

    - Engagement de Joseph Fleury à Pierre Le Roy, tonnelier(Transcription faite par le paléographe Guy Perron) . . . 482

    - Mariage entre Marie Major et Antoine Roy dit Desjardins(Transcription faite par Jacqueline Sylvestre Lapierre). . . 484

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  • Note de l’auteure

    Marie Major a réellement existé. Cette Fille du roi, arrivée en Nouvelle-France en l’an de grâce 1668,

    a épousé Antoine Roy dit Desjardins, un soldat du régiment deCarignan. Seize ans après leur mariage, Antoine fut assassiné dans lelit de sa maîtresse. Le meurtrier, on l’aura deviné, était le mari trompé.

    Il y eut procès, l’assassin échappa de justesse à la pendaison, lamaîtresse d’Antoine fut condamnée au bannissement perpétuel ettous les biens de Marie furent saisis.

    Issue d’une famille bourgeoise de la Normandie, Marie Majorconnut, dès son arrivée en Nouvelle-France, une véritable dégringo-lade sociale. Dégringolade qui atteignit son point ultime après la mortde son mari, car elle perdit non seulement tout ce qu’elle possédait,mais aussi son honneur, lequel était, à l’époque, aux dires de nom-breux historiens, « le bien le plus précieux».

    Marie est mon ancêtre. Quand, enfant, j’ai entendu pour la pre-mière fois des bribes de son histoire, j’ai été touchée par le destin decette femme trompée et déchue qui, je l’ai appris plus tard, vivait àune époque où les femmes étaient jugées coupables des écarts deconduite de leur mari.

    Tout au long de ma vie, épisodiquement, il m’arrivait de penser àMarie. Plus je vieillissais, plus le destin tragique de cette femme metouchait car, c’est un truisme de le souligner, les années exacerbentsouvent notre sensibilité. J’ai donc essayé de reconstituer sa vie àpartir de récits fragmentaires, de documents d’archives et d’écrits his-toriques. J’ignorais alors à quel point cette tentative de retisser les filsque la trame du temps a déliés était une tâche colossale.

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  • Colossale, mais ô combien passionnante et instructive !Marie Major m’a propulsée à une époque dont je ne connaissais au-

    paravant que les héros de guerre ou les figures religieuses. Grâce à elle,j’ai appris ce que pouvait être la vie non seulement des Filles du roimais, de façon plus globale, des femmes qui ont vécu au XVIIe siècle.Vies qui n’ont rien à voir avec l’image manichéenne charriant l’idéequ’elles étaient soit des filles de joie, soit de saintes mères de famille.La liberté de plusieurs d’entre elles était soigneusement circonscrite.Il leur suffisait d’être un tant soit peu marginales pour être enferméesou corrigées par leur mari avec l’assentiment des hommes d’Église. Iln’était pas bien vu non plus qu’elles affichent leur savoir. À un pointd’ailleurs, écrit la professeure Josette Dall’Ava-Santucci, que l’on ré-pétait qu’il «était grotesque pour une femme de savoir signer sonnom, […] grotesque de vouloir lire, étudier, penser à autre chosequ’aux lancinantes magies d’amour et [aux] empoisonnements pas-sionnels2 ». Quant au sort jadis réservé aux femmes adultères, c’estun euphémisme de dire qu’il était peu enviable.

    Marie Major m’a entraînée dans les cours de justice où régnaientdes méthodes inquisitoriales. Elle m’a ouvert les portes des prisons duXVIIe siècle et j’y ai trouvé une foule de gens emprisonnés pour desraisons qui nous apparaîtraient aujourd’hui saugrenues. J’ai été cons-ternée par la dureté des mœurs et par la complexité des procédures ju-diciaires. J’ai été abasourdie de constater comment on gravissait leséchelons de la hiérarchie sociale : un boulanger pouvait devenir juge,comme ce fut le cas pour l’un de ceux qui ont jugé le meurtrier d’Antoine.

    Plus ma recherche avançait, plus je mesurais l’étendue de monignorance sur le XVIIe siècle, tant en Nouvelle-France qu’en France.Pour la combler, j’ai bénéficié du travail de nombreux historiens ethistoriennes qui ont écrit sur cette époque. Grâce à eux et à elles,

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    2 Josette Dall’Ava-Santucci, Des sorcières aux mandarines, Paris, Calmann-Lévy,1989, p. 60.

  • j’aime passionnément l’histoire. Pas celle de la petite école où nousdevions souvent ne mémoriser que des dates et des lieux de guerre oudes noms de personnages illustres, mais l’Histoire qui dévoile lesmœurs, les croyances et les mentalités qui modulent le quotidien degens moins connus certes, mais tout aussi importants et intéressants.

    Vous serez sans doute surpris, comme je l’ai été moi-même, de découvrir certains faits tels que des animaux excommuniés parMonseigneur de Laval, certaines croyances magiques, des pendaisonspar effigie, des corps jetés à la voirie, des suicidés emprisonnés, desméthodes de guérison déconcertantes, des castors dont on disaitqu’ils étaient des poissons afin de pouvoir en manger le vendredi etdurant le carême. Pourtant, tout cela, et bien d’autres choses encore,sont des faits historiques qui, s’ils ne servent qu’à nourrir la trame dece roman, n’en sont pas moins véridiques.

    Par ailleurs, il est des sentiments, des souffrances et des joies quisont universels et intemporels. Ce qui se passe dans la tête d’un meur-trier, dans celle d’une femme trompée ou chez ceux qui sont victimesde calomnies ou ostracisés peut trouver des échos des siècles plustard. Même si Marie a vécu il y a plus de trois cent cinquante ans, cer-tains aspects de sa vie sont encore étonnamment actuels.

    Bien sûr, de grands pans de la vie de Marie Major demeurent in-connus et l’imaginaire, dans ce livre, a très souvent dû se substituer auxfaits vérifiés et vérifiables. Les faits imaginés sont toutefois vraisembla-bles car, motivée par le désir de connaître ce qu’a pu vivre Marie, j’aitenu compte des réalités de l’époque. Par exemple, je ne peux prouverque Marie a été enfermée à la Salpêtrière, mais certaines recherches ali-mentent cette idée, dont celle de l’historien Yves Landry. Il écrit en effetqu’en 1668, année où est arrivée Marie, plusieurs filles provenaient del’Hôpital général de Paris dont la Salpêtrière est une annexe3.

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    3 Yves Landry, Orphelines en France, pionnières au Canada. Les filles du roi au XVIIe siècle, Montréal, Leméac, 1992, p. 57.

  • Par ailleurs, comme l’a écrit Noël Audet, la fiction «ne prétend pasdire autre chose que ceci : voilà des événements possibles, qui ont puse produire, qui auraient pu à la rigueur se produire ! […] Et com-ment lui reprocher de dire ce qui est possible, d’autant plus que ceschoses possibles décrivent souvent mieux notre réalité que les acteurs réels pris dans les événements réels. […] Le discours de fictionest un discours global qui embrasse la totalité de l’être humain, parceque son propos consiste à représenter de la façon la plus juste ceuxqu’il met en scène, aussi bien dans leur extériorité et dans les consé-quences de leurs actes que dans leur intériorité la plus secrète4».

    De plus, même si Marie n’a pas vécu tout ce que j’ai décrit, d’au-tres femmes, à la même époque, l’ont expérimenté. Ainsi, c’est autourdu personnage de Marie que se cristallisent différents aspects de la viedes femmes au XVIIe siècle.

    Plusieurs autres personnages ayant réellement existé traversent ceroman et j’ai inséré, à la fin de ce livre, une courte biographie dechacun d’eux. C’est d’ailleurs en cherchant à connaître les personnesayant été en contact, de près ou de loin, avec mes ancêtres que j’ai faitcertains liens qui m’ont permis de mieux comprendre ce qui a pu sepasser réellement, concernant, entre autres, la façon dont le meurtriera réussi à se soustraire à la sentence de mort dont il fut l’objet. Quantaux traits de caractère, aux sentiments et aux paroles des personnageshistoriques, ils sont le fruit de mon imagination.

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    4 Noël Audet, Écrire de la fiction au Québec, Montréal, Québec Amérique, 1990, p. 143-144.

  • «Dans une déclaration rédigée dix-huit ans après son exil, cettefille [Marie-Claude Chamois] raconta les circonstances de sonentrée à la Salpêtrière et de son départ pour le Canada, préci-sant “qu’au Commencement du mois de may 1670 ayant esténommée avec plusieurs autres filles de l’hospital pour aller enCanada par ordre du Roy elles furent conduittes jusqu’au pontrouge par lesd. Ecclesisastiques et par Auber chirurgien del’hospital, la dame de Houssy, supérieure”5 ». YVES LANDRY

    «Dans une cause où l’adultère fut suivi du meurtre de l’amantpar le mari, le Conseil souverain se montra indulgent envers lecoupable et le laissa s’esquiver sans difficulté. [...] Le Conseilpermit à Vendamont de quitter la prison de Québec et de logerchez un cordonnier, rue Saint-Louis. [...] Moins d’un mois plustard, le Conseil accéda à une nouvelle demande de Vendamontet lui permit de se rendre à Montréal, sans escorte et en touteliberté6». RAYMOND BOYER

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    5 Orphelines en France, pionnières au Canada. Les filles du roi au XVIIe siècle, Montréal, Leméac, 1992, p. 101.

    6 Les crimes et les châtiments au Canada français du XVIIe au XXe siècle, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1966, p. 327-328.

  • Prologue

    PARIS, FAUBOURG SAINT-GERMAIN14 AVRIL 1667

    La vie est si fragile.Le fil qui nous maintient vivants se rompt parfois au moment où

    on s’y attend le moins.S’il ne se rompt pas, il peut modifier sa trajectoire à un point tel

    que plus rien ne ressemble à ce que nous avions connu avant.Il en fut ainsi pour Marie Major.Quelques minutes avant que sa vie ne bascule, elle croyait qu’elle

    allait éclater de bonheur.Seule dans son minuscule logement d’une vieille maison du fau-

    bourg Saint-Germain à Paris, Marie dansait en chantant à tue-tête, etsa robe rouge virevoltait autour d’elle, frôlant dangereusement aupassage la flamme de la bougie.

    Depuis qu’elle avait quitté sa Normandie natale pour venir habiterParis avec une amie, tous les espoirs lui étaient permis. Un mer-veilleux sentiment de liberté l’habitait. Elle avait réussi à échapper aucouvent où bien des filles de la bourgeoisie étaient enfermées afin queleurs frères n’aient pas à partager avec elles l’héritage légué par leursparents. Elle avait résisté aussi à toutes les pressions que son oncle,son frère et sa sœur avaient faites afin qu’elle épouse un homme deleur choix. Elle se disait parfois qu’elle avait peut-être même échappéà la mort, car il n’était pas rare que des filles, à peine pubères, se sui-cident plutôt que d’être livrées à des hommes si vieux qu’ils auraientpu être leur grand-père, voire leur arrière-grand-père.

    Elle s’estimait d’autant plus chanceuse qu’elle avait trouvé un em-ploi dans une librairie. Un libraire-imprimeur l’avait engagée parcequ’il connaissait son amour des livres et son talent d’enlumineuse.

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  • Plusieurs, parmi les habitués de la librairie, préféraient, de beaucoup,l’enluminure à l’imprimerie. Lorsque son patron s’absentait, Mariedevait aussi recevoir les clients. Le simple fait d’être entourée quoti-diennement de livres et de plonger le nez dans le cœur de chacund’eux, autant de fois qu’elle le voulait, afin de s’imprégner de leurodeur, la comblait de joie. Mais surtout, elle pouvait enfin lire, sansse cacher, autre chose que des textes religieux. Elle était flattée quedes habitués de la librairie lui demandent son avis sur tel ou tel ou-vrage. Elle en oubliait la timidité qui l’avait toujours fait paraîtremoins intelligente qu’elle ne l’était. C’est avec un aplomb qu’elle nese connaissait pas avant qu’elle partageait maintenant sa passion dela lecture avec plusieurs clients.

    Rodolphe surtout, qui venait de plus en plus souvent.Demain, il l’accompagnerait à une conférence publique. Marie

    n’en manquait pas une. Les hommes de science faisaient tant de dé-couvertes fabuleuses. Elle voulait toutes les connaître. Un autre clientde la librairie l’avait invitée à un bal à la cour du roi, mais Marie avaitdécliné l’invitation. La compagnie des courtisans l’ennuyait.

    «Rodolphe, Rodolphe», chantonnait Marie en dansant.Elle ne porta d’abord guère attention aux bruits de portes qui cla-

    quaient et aux éclats de voix. Dans son appartement exigu, elle se sen-tait à l’abri, protégée. Pour y accéder, il fallait monter les marchesabruptes des trois premiers étages, s’aventurer ensuite dans un cou-loir si étroit qu’il obligeait presque à marcher de biais, trouver laporte qu’un rideau de velours cachait à moitié et la pousser avecforce, car la vieille porte résistait tant et si bien qu’un visiteur nonaverti la croyait condamnée et renonçait, la plupart du temps, à es-sayer de l’ouvrir.

    Les visiteurs semblaient, cette fois, farouchement déterminés. Ilsforcèrent l’accès avec une telle violence que le bruit figea Marie : «Quipouvait bien faire un tel tapage? Est-ce que Rodolphe se serait enhardi, enfin!, à lui rendre visite? Mais non voyons, il ne mettrait

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  • jamais tant de violence dans ses gestes et dans ses pas.» Elle neconnaissait personne qui martelait les marches avec une telle brutalité.Surtout pas Rodolphe.

    Son cœur commença à s’affoler lorsque la porte de sa chambres’ouvrit tout aussi violemment. Deux archers entrèrent, l’un, cour-taud et bedonnant, l’autre, guère plus grand mais fort maigre. Marieles dépassait d’une bonne tête.

    — Marie Major? questionna le plus petit en se haussant sur lapointe des pieds d’une manière qu’il souhaitait imperceptible.

    — Oui, répondit Marie en avalant péniblement sa salive.— Nous avons reçu l’ordre de vous mener à la Salpêtrière. Le sang de Marie se glaça. — La Salpêtrière ! Son exclamation en disait long sur la réputation de ce lieu. On

    avait parlé de la Salpêtrière dans toute la France depuis le grand ren-fermement de 1656, au lendemain des grandes guerres de religion.Étaient enfermées dans cet hôpital, entassées dans des salles com-munes, des infirmes, des orphelines, des aveugles, des teigneuses, descriminelles, des estropiées, celles qui manquaient de respect au roi ouà l’évêque, des défigurées, des protestantes et toutes autres hérétiques,des vieilles qui retombaient en enfance, des violentes, des mendiantes— il y avait plus de quarante mille mendiants dans Paris —, sans ou-blier les démentes et les épileptiques qui, la plupart du temps, étaientenchaînées et dont les gémissements crevaient le cœur. S’y trouvaientaussi les filles rebelles, comme Marie.

    Toute fille qui entrait dans cet hôpital ne rêvait que du jour où elleen sortirait. Cela s’avérait souvent improbable, la Salpêtrière étant unvéritable mouroir. Affaiblies par la malnutrition et par la tensioncausée par l’enfermement, les pensionnaires succombaient rapide-ment aux épidémies qui s’y propageaient.

    La voix de l’un des archers lui parvint comme dans un rêve, un trèsmauvais rêve :

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  • M A R I A G E D ’ A N T O I N E E T D E M A R I E

  • CouvertureCopyrightTable des matièresNote de l’auteurePrologueQuatrième de couverture