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Macbeth N° 196 Par Yonel BULDRINI Macbeth de Giuseppe Vedi Coproduction du Théâtre de Trèves et de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole Conférence sur «Macbeth» par Patrick Thil, Conservateur des hypothèques et membre d'honneur du Cercle Lyrique de Metz Samedi 2 octobre 2010, à 16h (nouvel horaire), Foyer de l'Opéra-Théâtre Metz-Métropole (entrée libre). LES REPRESENTATIONS DE « MACBETH » Vendredi 8 octobre (20h), dimanche 10 octobre (15h) et mardi 12 octobre (20h). Direction musicale : Victor Puhl Décors : Claude Stephan Mise en scène : Gerhard Weber Dramaturgie : Dr Peter Larsen Costumes : Ulli Kremer Distribution vocale : Vera Wenkert (Lady Macbeth, épouse de Macbeth) ; Evelyn Czesla (la suivante de Lady Macbeth) ; Jean-Marc Ivaldi (Macbeth, général de l'armée du roi Duncan) ; Pawel Czekala (Banco, général de l'armée de Duncan) ; Svetislav Stojanovic ( Macduff, noble écossais) ; Peter Koppelmann (Malcolm, fils du roi Duncan). Chœurs du Théâtre de Trèves et Chœurs de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole Orchestre philharmonique de la Ville de Trèves. Couverture : Macbeth apercevant le spectre de Banco (peinture de Théodore Chassériau de 1854) Conception du livret pour le Cercle Lyrique de Metz : Yonel Buldrini et Georges Masson. Directeurs de publication : Georges Masson, président et Jean-Pierre Vidit premier vice-président. Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90 261 à 57006 Metz Cedex 1 Adresse e-mail du président : [email protected] Adresse du site Internet : www.associationlyriquemetz.com Composition graphique et impression : Co.J.Fa. Metz - tél. 03 87 69 04 90. Macbeth de Giuseppe Verdi CERCLE LYRIQUE DE METZ 2009-2010

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MacbethN° 196 Par Yonel BULDRINI

Macbethde Giuseppe Vedi

Coproduction du Théâtre de Trèves et de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Conférence sur «Macbeth» par Patrick Thil, Conservateur des hypothèques et membre d'honneur du Cercle Lyrique de Metz

Samedi 2 octobre 2010, à 16h (nouvel horaire),Foyer de l'Opéra-Théâtre Metz-Métropole (entrée libre).

LES REPRESENTATIONS DE « MACBETH »Vendredi 8 octobre (20h), dimanche 10 octobre (15h) et mardi 12 octobre (20h).

Direction musicale : Victor Puhl Décors : Claude StephanMise en scène : Gerhard Weber Dramaturgie : Dr Peter LarsenCostumes : Ulli KremerDistribution vocale : Vera Wenkert (Lady Macbeth, épouse de Macbeth) ; Evelyn Czesla(la suivante de Lady Macbeth) ; Jean-Marc Ivaldi (Macbeth, général de l'armée du roiDuncan) ; Pawel Czekala (Banco, général de l'armée de Duncan) ; Svetislav Stojanovic( Macduff, noble écossais) ; Peter Koppelmann (Malcolm, fils du roi Duncan).Chœurs du Théâtre de Trèves et Chœurs de l'Opéra-Théâtre de Metz MétropoleOrchestre philharmonique de la Ville de Trèves.

Couverture : Macbeth apercevant le spectre de Banco (peinture de Théodore Chassériau de 1854)Conception du livret pour le Cercle Lyrique de Metz : Yonel Buldrini et Georges Masson.Directeurs de publication : Georges Masson, président et Jean-Pierre Vidit premier vice-président.Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90 261 à 57006 Metz Cedex 1 Adresse e-mail du président : [email protected] du site Internet : www.associationlyriquemetz.comComposition graphique et impression : Co.J.Fa. Metz - tél. 03 87 69 04 90.

Macbethde Giuseppe Verdi

C E R C L E L Y R I Q U ED E M E T Z

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Macbethde Giuseppe Verdi

parYonel BULDRINI

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sants), l'envoi de plaquettes détaillées sur les opéras joués à Metz, desconférences à entrée libre, des informations lyriques, etc…

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S O M M A I R E

Avant-propos Page 5

La situation de l'opéra italien et Macbeth Page 6

«Il papà di tutti» Page 7

Les souffrances du bon Piave Page 9

Non ! pas de Finale à la Fausta ! Page 10

Le nouveau Macbeth de 1865 Page 11

De Shakespeare à Verdi-Piave ou l'étonnante aventure

de l'élaboration d'un livret Page 14

La musique et l'intrigue des deux versions de Macbeth Page 18

Acte premier (47') Page 18

Acte deuxième (30') Page 20

Acte troisième (31') Page 24

Acte quatrième (40') Page 27

Particularités dans l'abondante discographie de Macbeth Page 31

La version refaite de 1865 Page 33

Quelques Macbeth valeureux, au gré d'enregistrements en

studio ou en public Page 36

Pour l'auditeur ayant besoin de mise en scène Page 37

Ce que fut «Macbeth» en 1991 Page 40

Victor Puhl au pupitre Page 41

Visitez le site du CLM Page 42

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Il vous suffit de cliquer sur Cercle Lyrique de Metz.

Nous avons ouvert de nouvelles rubriques et en particulier des dossiers : 1/ Quel avenir pour l'Opéra-Théâtre de Metz ? 2/ Un dossier Ambroise Thomas dans la perspective du bicentenaire de sa

naissance.3/ Un autre sur la résidence de Nathalie Stutzmann à l'Arsenal…4/ Un listing portant les titres des 195 plaquettes éditées à ce jour par leC.L.M. avec la signature de leurs auteurs, et remises officiellement auxArchives municipales de Metz, le contrat de don ayant été signé conjointe-ment par Dominique Gros, maire de Metz et Georges Masson, président duCercle Lyrique de Metz (à la date du 8 septembre 2010).

Par ailleurs, vous trouverez le détail des programmations de l'Opéra-Théâtre de Metz, de l'Arsenal et de l'Orchestre National de Lorraine pourla saison 2010-2011.

Des rubriques sont ouvertes portant sur les critiques de spectacles lyriquesà Metz, Nancy, Strasbourg, Paris… de même que celle sur « L'opéra àl'écran » qui s'est étoffée. Y figure aussi la liste des onze ouvrages pro-grammés à Kinépolis pour la saison 2010-2011 avec les noms des princi-paux interprètes.

On signalera en outre, les chapitres intéressants portant sur les Conseilsdiscographiques relatifs aux opéras représentés à Metz la saison écoulée,de même que les pages In mémoriam rendant hommage aux divas et grandschanteurs disparus, et avons reporté sous l'intitulé Archives, les événe-ments lyriques que nous avions développés en 2009.

Sans oublier le Blog, l'Album photos, l'Espace membres.

Et bien sûr, les avantages réservés aux adhérents du Cercle Lyrique deMetz : facilités d'abonnements à l'Opéra-Théâtre de Metz, les meilleuresplaces disponibles procurées aux adhérents (Appeler Mijo au03 87 15 60 60 qui fera le maximum pour satisfaire nos membres coti-

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(27 ans), dont l'organe grasseyant au début, s'était ensuite plus généreuse-ment développé tout en s'enrayant au dernier air. Les autres rôles avaientété bien distribués, incarnés en particulier par deux Anglais, Hohn Tranter,une voix de basse franche, bien taillée à la mesure de Banco, et PeterJeffes, un ténor pur et bien timbré (Macduff). Un peu moins présent fut leMalcolm de Guy Flechter. La bonne surprise était venue du chef hongrois,Tamas Veto, qui fit saillir la partition. On avait souligné, in fine, le travailde l'ensemble vocal du théâtre qui avait eu la lourde tâche d'animer lechœur des sorcières, celui des sicaires et des proscrits écossais. La distri-bution accueillait par ailleurs, la première prestation messine de la suivan-te, Christine Schweitzer, qui fut membre du chœur de l'ALAM et qui s'é-tait distinguée au Concours international de chant de Toulouse.

VICTOR PUHL AU PUPITRE

Il est inutile de présenter Victor Puhl, le chef d'orchestre originaire deMetz où il naquit en 1965, et qui avait fait l'été dernier, un tabac en diri-geant le « Mosella » de Pierre Thilloy au concert inaugural du CentrePompidou. Il est venu régulièrement, comme chef invité, conduirel'Orchestre national de Lorraine. On rappellera simplement qu'il dirigerason premier concert à 13 ans à Bouzonville, qu'il avait eu, au Conservatoirede Metz, comme professeur de solfège, son grand père, Léon Graebert, etque c'est grâce à lui qu'il se lança dans la carrière musicale. Il y avait aussiappris le piano, le saxophone, l'analyse, l'harmonie et la direction d'orches-tre. Puis Victor Puhl continua son parcours de chef par le biais de stages àSalzbourg, Tanglewood, et auprès de Léonard Bernstein, et avait obtenuson premier prix de Paris où il travailla six ans dans la classe de directionde Jean-Sébastien Béreau qui fut directeur du Conservatoire de Metz. Grimpant les échelons de la hiérarchie de la baguette, Victor Puhl futl'assistant de Charles Dutoit à l'Orchestre National de France, fut l'invité dediverses formations françaises, puis étrangères, dont L'Orchestre philhar-monique de Roumanie, celui de Bucarest, celui d'Olomuc en Tchéquie,etc… Il fut pendant une dizaines d'années le chef d'orchestre de l'Opéra deZwickau en Saxe avant d'être nommé, il y a quelques années, directeur del'Orchestre philharmonique de Trèves qui assure les concerts sympho-niques et accompagne, à la fosse, les opéras. C'est lui sera à celle de Metz,pour les trois représentations de « Macbeth ».

Georges MASSON

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GIUSEPPE VERDI

Macbeth« Melodramma » en quatre actes et dix tableaux de Francesco Maria

Piave, avec des retouches du Comte Andrea Maffei,d'après le drame de William Shakespeare

AVANT-PROPOS

Macbeth fut très joué du vivant de Verdi mais la première moitié du XXe

siècle s'en désintéressa, comme du reste des autres opéras dits "de jeu-nesse", et seuls Nabucco et Ernani furent péniblement maintenus au réper-toire. Le cinquantième anniversaire de la disparition de Verdi, en 1951,ouvrit une époque de réévaluation de ses premiers opéras, scellée par denombreuses reprises à la Radio italienne. La RAI s'entendit ensuite avec lavieille firme Cetra qui publia en disques microsillons ces reprises souventpalpitantes, aujourd'hui rééditées en disques compacts. La reprise du Teatroalla Scala, inaugurant sa saison lyrique le 7 décembre 1952 avec Macbeth,et s'assurant la présence éclatante d'une Lady Macbeth d'exception -MariaCallas !- donna l'impulsion au retour de Macbeth dans le répertoire cou-rant.Dans la région de Lorraine, le "jeune" Verdi fut fêté de 1978 à 1986,lorsque l'Opéra de Nancy proposa avec succès Nabucco, I Masnadieri,Luisa Miller et Attila dont la fulgurance stupéfia les Nancéiens de 1986. Cefut ensuite le tour de Metz qui donna Macbeth en décembre 1990, monté àson tour par Nancy en 1996. La Capitale des Ducs de Lorraine se réservaitpar la suite une belle primeur : une sympathique production de Un Giornodi regno, irrésistible opéra bouffe combinant la mélancolie donizettienne àla pulsion verdienne, monté pour fêter la Place Stanislas, en fonction dusous-titre de l'opéra : Il finto Stanislao, Le faux Stanislas !Macbeth revient avec bonheur aujourd'hui à Metz, saluons la Direction du

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CE QUE FUT LE « MACBETH » DE 1991

Les précédentes représentations de « Macbeth » à Metz avaient eu lieu enjanvier 1991. La plaquette en avait été déjà rédigée par Yonel Buldrini pourle Cercle Lyrique de Metz.Voici ce qu'on avait dit alors de cette production venue de l'Opéra deMarseille dans la mise en scène de Jacques Karpo, l'Opéra-Théâtre de Metzétant alors dirigé par Christiane Issartel. Tous deux avaient, semble-t-il, une fascination commune pour les héros dudramaturge anglais, Shakespeare, puisque « Macbeth » succédait à« Hamlet ». Les similitudes d'atmosphère et d'éclairage, dégageaient, d'unopéra à l'autre, les mêmes opacités laiteuses, les mêmes abîmes fuligineux,les décors fondus et abstraits étant chez l'un, inspirés d'une moderne géo-métrie mouvante, et chez le second, plus classique dans la représentationde colonnes (qui se resserraient sur Macbeth comme une prémonition). Lescostumes s'inscrivaient dans le même esprit d'authenticité, mais c'étaitaussi la même costumière, Katia Duflot, qui les tailla tous deux à l'iden-tique. Or, le double inconvénient des décors monumentaux (comme tous ceuxdéjà venus de la cité phocéenne auparavant) était, qu'une fois ramenés auvolume de la scène messine, ils paraissaient plus disproportionnés, et que,d'autre part, ils limitaient les possibilités d'aération d'une mise en scènerelativement statique dans la mesure où les colonnes entravaient le champd'action des personnages et empêchaient la mobilité d'une figurationimportante. Les têtes couronnées jouaient alors un peu des coudes.Cependant, la mise en scène de Karpo était efficace, qui mit en avant,comme l'avait conçu Verdi, le personnage central de Lady Macbeth. Unrôle énorme. Martine Surais sut restituer la psychologie tortueuse du rôlequ'elle ne fut toutefois pas parvenue à bien cerner vocalement. On s'étaitdemandé si elle ne s'était pas trompée au I et au II en incarnant les héroï-nes wagnériennes au puissant et rugueux soprano dramatique, accentuantson chant de poitrine, variant un peu trop de registres. Elle fut plus verdien-ne au "brindisi" du II et plus crédible dans sa scène de somnambulisme. Ils'agissait pour elle d'une prise de rôle. On avait excusé ses légers manquesde justesse. Mais on en était à se demander tout de même si elle était prêteà surmonter la tragédie lyrique et on l'avait préféré, la saison précédente,dans une autre "lady", celle d' "Albert Herring" de Britten. Prise de rôleégalement pour son partenaire, Michèle Porcelli un baryton, jeune encore

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Théâtre qui l'a choisi, et rappelons en discrète suggestion, que d'autres"jeunes Verdi" attendent… tout prêts à dévoiler leurs ors et velours…

« J'ai parcouru le Macbeth, et à la lecture de cette musiquej'ai été frappé par des choses que je n'aurais pas voulu trouver. »

G. Verdi à l'éditeur Escudier qui lui proposait de reprendre Macbeth en 1864

LA SITUATION DE L'OPÉRA ITALIENET MACBETH

En 1839, de prolixes compositeurs multipliaient, avec des fortunes diver-ses, les opéras. L'infortuné Bellini ayant prématurément disparu, "surna-geaient" Saverio Mercadante (1795-1870), Giovanni Pacini (1796-1867) etles frères Luigi (1805-59) et Federico (1809-77) Ricci, tandis qu'un seulhomme dominait l'opéra italien : Gaetano Donizetti. Dans ce contexte seglisse un rude campagnard inconnu nommé Giuseppe Verdi et dont le pre-mier opéra, Oberto Conte di San Bonifacio, est bien accueilli en cette find'année 1839. On connaît l'échec de l'opéra-bouffe Un Giorno di regno quisuivit, et la véritable "bombe" lancée dans le monde de l'opéra italien, queconstitua sa troisième oeuvre : Nabucodonosor.Verdi était lancé et devait réaliser au delà de toute espérance la prophétiedu Maestro Donizetti : « Il ira loin, et même très loin ». Sa route se pour-suit, auréolée de triomphes : I Lombardi alla Prima Crociata (1843),Ernani et I Due Foscari (1844), Giovanna D'Arco et Alzira (1845), Attila(1846), et, tous trois de 1847 : Macbeth, I Masnadieri et Jérusalem, rema-niement de I Lombardi.L'année suivante il donne Il Corsaro, puis La Battaglia di Legnano et LuisaMiller (1849) et enfin Stiffelio (1850). Après le succès, la gloire, avec troischefs-d'œuvre qui se succèdent curieusement l'un derrière l'autre :Rigoletto (1851), Il Trovatore et La Traviata (1853).Avec le recul du temps, on a compris les mérites des opéras ayant précédéRigoletto. Une spontanéité, une fougue et ce style verdien inimitable quidonne la chair de poule venaient bouleverser le climat de l'opéra roman-tique, certes passionné, mais noble et délicat tel que l'avaient établiVincenzo Bellini et Gaetano Donizetti. L'écriture vocale exigeant plus deforce de projection de la part des chanteurs, ajoute à cette spontanéité quiséduisit tant le public. La musique de Verdi, tel Attila (!), emportait tout surson passage !

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Macbeth, encore galvanisés par le Maestro Giuseppe Sinopoli.

Un dvd de 2007 fixe l'interprétation proposée par le festival d'été deMacerata, filmé du 2 au 5 août 2007, dans le curieux théâtre-arène« Sferisterio » de cette petite ville du centre de l'Italie.

Pour mémoire, signalons que le dvd "pirate" existe, comme d'abord lemicrosillon puis le cd, et il nous permet notamment de retrouver enMacbeth, un baryton-basse ayant eu son heure de gloire en interprétant unimpressionnant Jago dans le célèbre film d'Otello avec Plácido Domingo etKatia Ricciarelli.

Yonel BULDRINI

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Cette force s'exerçait peut-être au détriment d'une orchestration plus som-maire et énergique, en régression donc, par rapport à un Donizetti qui miten place un tissu orchestral étroitement lié au chant : un instrument soliste"doublant" souvent le chant. Certains critiques font du reste le bec findevant le jeune Verdi et l'on n'est pas prêt de pardonner à Télérama qui, àpropos de Macbeth précisément, parle de « flonflons verdiens ». Toujoursest-il que ces opéras "fonctionnent" pour ainsi dire, et remportent l'adhé-sion immédiate du public, tant la concision et le génie de Verdi font mer-veille dans la difficile tâche d'habiller, et même d' "habiter" un livret !Avec Macbeth, Verdi réussit l'opéra le plus achevé de cette période, exer-çant sur les personnages un approfondissement psychologique inégaléjusque-là. Le rude Maestro de Busseto en était conscient puisqu'il remanial'oeuvre en 1865, pour un théâtre parisien.

« IL PAPÀ DI TUTTI »

En appelant Shakespeare « le papa de tous », Verdi exprimait sa profondeadmiration pour le dramaturge anglais que tout auteur d'oeuvres théâtralesdoit considérer comme un père, c'est-à-dire un maître. Outre Otello (1887),Falstaff (1893) fut tiré d'autres pièces de Shakespeare et l'on sait que Verdi,par humilité, se refusa toujours de mettre Hamlet en musique. Il se mont-rera donc d'autant plus attentif à l'Hamlet de Ambroise Thomas, allant jus-qu'à s'indigner des mauvais traitements infligés au drame du génialAnglais : « Est-il vrai qu'ils y intercalent deux ballets Hamlet et des dan-ses !! Quelle dissonnance ! Pauvre Shakespeare ! comme ils te l'ont arran-gé ! Il est impossible de faire pire. Qu'ont-il fait du caractère aussi grand etaussi original de Hamlet ? Et puis, où sont l'ampleur, la puissance, l'at-mosphère noble, étrange, sublime qu'on respire dans l'Hamlet anglais ? ».Sans aucune commande d'un théâtre, Verdi se fit même écrire le livret ReLear qu'il ne mettra jamais en musique, tout en restant passionné par lesujet pendant plus de cinquante-cinq ans ! Puis, lorsqu'il proposa ce livretà Pietro Mascagni, celui-ci lui posa une question fort légitime : « Maestro,et pourquoi n'avez-vous pas, vous-même, mis en musique Le Roi Lear ? »,la réponse du bon Verdi fut : « La scène dans laquelle le roi Lear se trouveface à la forêt m'épouvanta ! ».

En 1846 Verdi en est à son neuvième opéra, Attila, qui fait fureur dans toutel'Italie et particulièrement à Florence, l'un des centres importants de l'opé-

sont données par le Festival de Glyndebourne en 1972, le chef JohnPritchard ayant sous sa baguette le valeureux Macbeth de Kostas Paskalis,secondé par Josephine Barstow en Lady Macbeth.

Curieux film que celui tourné par Claude d'Anna en 1987 (et réédité depuisen dvd), avec ce parti pris de noirceur générale, c'est le moins que l'on puis-se dire, l'espace se réduisant le plus souvent à de sombres souterrains dechâteau médiéval que même Ann Radcliffe n'aurait su décrire ! des costu-mes sans couleur… Mais l'aspect sordide-macabre, tendance bien actuelle,avec notamment ces restes de cadavres aux os encore couverts de lam-beaux de peau, est bien inutile. Que dire des sorcières rampantes, presquenues et sales ? mais comment du reste représenter des sorcières ?... et quiplus est dans le monde de conventions qu'est l'opéra !Rappelons d'autre part que la mention de « film » signifie que les interprè-tes évoluant devant nous sur l'image font semblant de chanter, et que leurprestation réelle fut enregistrée en studio puis plaquée sur la bande image,mais cela suffit peut-être au rêve de l'auditeur devenu ainsi spectateur !...Il faut d'ailleurs reconnaître que cela ne gêne pas vraiment, tant l'atmosphè-re s'avère prenante. Seuls certains moments demeurent sensibles, lorsqu'ils'agit d'un moment de chant intense et que l'on voit bien que l'interprèteouvre seulement la bouche pour chuchoter son texte.Shirley Verrett est toujours une Lady Macbeth idéale, même si, les annéespassant, la fraîcheur (de la voix et de la raucité) de 1975 n'est plus… et lesaigus devenant un peu tendus parfois. Leo Nucci est un Macbeth intériori-sé, sobre et mesuré, en chant comme en jeu et compose une interprétationfort intéressante. Son timbre clair constitue une sorte de nouveauté, parrapport aux Macbeth noirs, rocailleux (Enzo Mascherini !) ou "gras"(G. Guelfi). Faisant modérément vibrer son beau timbre clair, précisément,il fait de son grand air du quatrième acte une méditation amère mais bienconsciente et résignée.Veriano Luchetti (Macduff) et Samuel Ramey (Banco) prêtent leur voixsomptueuse à des acteurs que l'on a préférés pour l'image.Le prestigieux chef Riccardo Chailly "suit" le drame, sans effets particu-liers et sans chercher à faire sonner avec éclat son « Orchestra del TeatroComunale di Bologna ».

Une version bien connue car diffusée plusieurs fois à la télévision, fut fil-mée directement durant des représentations en 1987 (à la « DeutscheOper » de Berlin). Un Macbeth de velours noir, Renato Bruson, reçoit uneréplique au vibrato métallique incisif de Mara Zampieri, sulfureuse Lady

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sonnage deux barytons habituellement intéressants mais dont l'interpréta-tion n'est pas disponible sur le site youtube, l'amer Mario Zanasi, et le fra-gile Cornell MacNeil…

Si Giuseppe Taddei dessine un Macbeth visiblement terrorisé, dans sesenregistrements intégraux (notamment à Palerme en 1960, accompagnéd'une trop élégante, attentive, précise, ciseleuse et aristocratique LadyMacbeth : Leyla Gencer !), le grand baryton nous laisse une belle et sensi-ble gravure (en récital studio) du grand air si verdien du quatrième acte.http://www.youtube.com/watch?v=WCURmnQVvN8&feature=PlayList&

p=E57264A2482D87B7&index=0&playnext=1

Le célèbre Tito Gobbi, plaintif et désespéré en 1955 avec Oliviero DeFabritiis, hargneux et ironique avec Francesco Molinari-Pradelli en 1969 :

http://www.youtube.com/watch?v=Fsek_DBitbIhttp://www.youtube.com/results?search_query=%22tito+gobbi%22+mac-

beth&aq=f

Le rêveur et mélancolique Kostas Paskalis, amer et nuancé, avec JohnPritchard en 1972

http://www.youtube.com/watch?v=_rJg95xWG9ADeux barytons d'aujourd'hui, avec la sobriété de mise : Simon Keenlyside, intériorisé, presque neutre :

http://www.youtube.com/watch?v=QYULC1ONtmI…ou un Thomas Hampson sobre mais émouvant tant il habite son rôle :

http://www.youtube.com/watch?v=IRPzBv9sLQk&feature=related

Enfin, si Macbeth usurpe la couronne d'Ecosse, un baryton de choix méri-te celle du meilleur interprète : couleur de voix, chant et sentiments modu-lés : Renato Bruson !

http://www.youtube.com/watch?v=og4c8xwWqcg&feature=relatedhttp://www.youtube.com/watch?v=8l_DkzTU-SA&feature=related

POUR L'AUDITEUR AYANT BESOIN DEMISE EN SCÈNE…

De belles images conformes à l'esprit que souhaitait le Maestro Verdi nous

Macbeth voyant le fantôme de BanquoDOCUMENT

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ra en Italie, avec Naples, Milan, Venise et Rome. A l'époque, un théâtrelyrique, qu'il soit privé ou municipal, confiait sa saison à un « impresa-rio » : au sens premier, un entrepreneur de spectacles d'opéra, qui s'assu-rait la collaboration de chanteurs et organisait la production de costumes etde décors. L'impresario commandait alors un nouvel opéra à un composi-teur estimé. L'un des plus importants impresari du XIXe siècle futAlessandro Lanari, qui commanda notamment à Donizetti cette belleParisina qui devait faire connaître au grand ténor français Gilbert LouisDuprez, un important tournant dans sa carrière, avec son fameux Do dipetto (ut de poitrine) surnommé « urlo donizettiano » ou « urlo alla france-se », hurlement donizettien et hurlement à la française, mais ceci est uneautre histoire !1

Ayant obtenu l'adjudication du prestigieux Teatro della Pergola deFlorence, Alessandro Lanari commande un nouvel opéra au Maestro Verdiet ce dernier sort de son tiroir les sujets de Macbeth et I Masnadieri (DieRäuber ou Les Brigands) de Friedrich von Schiller. Le choix doit dépend-re des chanteurs engagés : I Masnadieri est conçu pour un ténor, et Verdipense à un baryton pour Macbeth... Pendant plusieurs mois, Lanari estincapable de préciser s'il obtiendra un premier ténor ou un baryton derenom... et Verdi passe donc d'un opéra à l'autre !... Finalement, l'impresa-rio Lanari s'assure pour le Teatro della Pergola, le concours de l'excellentFelice Varesi, futur créateur de Rigoletto et le Maestro peut donc se consa-crer à Macbeth.

LES SOUFFRANCES DU BON PIAVE

Francesco Maria Piave avait déjà écrit Ernani, I Due Foscari et retouchéAttila pour Verdi et leur collaboration devait durer de nombreuses années.Le compositeur nourrissait une véritable estime à l'égard de Piave mais ilne le ménageait guère, n'hésitant pas à l'invectiver et à lui faire recommen-cer maintes fois les passages ne correspondant pas à son idée.En ce qui concerne Macbeth, Verdi envoya à Piave un canevas en prosecomprenant la distribution des actes, des scènes et même des morceauxmusicaux (c'est-à-dire les airs, duos, finales). Il ne restait à Piave qu'à s'oc-

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1 Voir notre étude dans « Dom Sébastien Roi de Portugal ou le dernier des soixante-dix », dans la revue Internet ForumOpéra, page 3 : www.forumopera.com/uploads/pdf_dossiers/Dom_Sebastien.pdf

réalisé au cours d'une exécution en public, celui-ci eut le mérite d'être lepremier enregistrement disponible. Aujourd'hui nous disposons souventdes bandes des représentations théâtrales, évidemment plus électrisantesque les enregistrements en studio les ayant suivies… Quoi qu'il en soit,Leonard Warren se montre sensible et humain, sans affectation, même lors-qu'il chuchote presque, indépendamment de son timbre particulier « denez », que l'on apprécie ou non. La notoriété et la valeur de LeonieRysanek ne sauraient faire admettre ses suraigus approximatifs… mais elledessine une intéressante et digne Lady Macbeth, contrastant avec les sul-fureuses-vénéneuses à la voix plus rauque ou incisive. Carlo Bergonzi estle plus chaleureusement velouté des Maduff ; l'incontournable (en cesannées), à défaut d'être impressionnant, Jerome Hines campe un Bancocorrect. Erich Leinsdorf propose une lecture énergique mais qui laisse "res-pirer" la musique, comme dans le grand air de Macbeth (acte IV), rarementaussi "étiré". Il a de plus la belle idée d'antéposer au finale, celui de la ver-sion originale, montrant la mort de Macbeth, amère de remords, solutionque retiendra le Maestro Abbado en 1975.

Macbeth : Leonard WarrenLady Macbeth : Leonie Rysanek

Banco : Jerome HinesMacduff : Carlo BergonziMalcolm : William Olvis

Dama di Lady Macbeth : Carlotta OrdassyMedico : Gerhard Pechner

Metropolitan Opera Orchestra and ChorusConductor : Erich Leinsdorf

1959 (studio)

QUELQUES MACBETH VALEUREUX, AU GRÉ D'ENREGISTREMENTS

EN STUDIO OU EN PUBLIC…

Le "stentor sensible" de Giangiacomo Guelfi, à la voix immense :http://www.youtube.com/watch?v=_OBzK0zo6is

A côté d'interprètes corrects sans plus comme, voire trop intérioriséscomme Dietrich Fischer-Dieskau, il faudrait connaître ce que font du per-

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cuper de la versification... ce qui ne se passa pas très bien…« PEU DE MOTS... PEU DE MOTS... PEU DE MOTS MAIS SIGNIFI-CATIFS », insiste Verdi avec d'autoritaires majuscules : trop long, Piaveétait trop long ! Et Verdi de s'emporter, soulignant son mot préféré avecforce points d'exclamation : « brevità !!! » (la brièveté).S'il n'y avait que la prolixité du pauvre Piave ! Verdi alla même jusqu'àfaire réécrire deux scènes délicates (les épisodes des sorcières et le som-nambulisme de Lady Macbeth) par le digne comte Maffei, traducteur deSchiller et auteur du livret de I Masnadieri.Le livret et la composition terminés, il fallait s'occuper de la mise en scènequi s'effectuait -ô temps heureux !- selon les indications du librettiste,transmises à la direction du théâtre mais voici ce que Verdi écrivait à pro-pos de celles de Piave... « Lanari se plaint de toi car tu lui as envoyé uneesquisse à laquelle on ne comprend rien (et je veux bien le croire) ». On nepeut pas être plus direct ! Bellini suppliait avec effusion les changements,Donizetti prenait des gants ou emballait la remarque dans un humourpatient et légèrement ironique... Verdi, lui, ne mâche pas ses mots.Il surveille chaque détail de près : apprenant, par exemple, que la soie et levelours n'existaient pas à l'époque du véritable Macbeth, il en interdit l'uti-lisation !Il s'occupe particulièrement de la réalisation scénique de moments délicatsrelevant du genre fantastique comme l'apparition du fantôme de Banco(Finale II) ou la danse des Esprits de l'air invoqués par les sorcières afin deranimer les sens de Macbeth, évanoui (Acte III). Voici précisément ce quele compositeur écrivait à Piave à propos de cet épisode, dans un savoureuxP.S. : « Ah! Diable, tu ne sais donc pas quoi faire dire aux sorcières lorsqueMacbeth est évanoui ?... N'est-ce pas indiqué dans Shakespeare ? N'y a-t-il pas une phrase qui aide les Esprits de l'air à rappeler ses sens ?... Oh pau-vre de moi !!... Addio ! Addio ! ». Il faut comprendre la précision verdien-ne, consciente du fait que les théâtres italiens de l'époque avaient peu l'ha-bitude du fantastique, puisque rares étaient les opéras relevant de ce genre.

NON ! PAS DE FINALE À LA FAUSTA !

Après la réalisation scénique, il fallait penser à la partie musicale et s'atta-quer (c'est le mot !) aux chanteurs. Verdi se montre diplomate avec laSignora Barbieri Nini qui voulait pour Lady Macbeth un air comme celuide l'impératrice dans la Fausta de Donizetti. Une prière de repentir et une

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Malcolm : Antonio SavastanoDama di Lady Macbeth : Stefania Malagù

Medico : Carlo ZardoOrchestra e Coro del Teatro alla Scala di Milano

Maestro Concertatore e Direttore : Claudio Abbado1976 (studio)

Une curiosité, l'enregistrement de la première reprise ayant fait date, carelle fit prendre conscience de la valeur de l'oeuvre et de la consécutiveentrée de celle-ci dans le répertoire courant. Cet enregistrement ne rend pasjustice aux sonorités si belles du Teatro alla Scala, et "lamine" encore l'in-terprétation déjà terne de l'uniformément rocailleux Enzo Mascherini dansle rôle-titre. Délaissant de même le coupant et rèche Gino Penno(Macduff), tournons-nous vers ce qui fait l'intérêt de l'enregistrement, illu-minant la soirée de sa présence remarquable, cette vibration métallique, cetimbre incisif s'il en est, cette voix déchirante évidemment incomparable,d'une artiste qui l'est autant : Maria Callas ! une Lady Macbeth glaçant lesang !Avec cet enregistrement il s'agit donc, non d'aborder et de connaître l'opé-ra, mais de découvrir la plus impressionnante des Lady Macbeth… et lasavante et brûlante direction d'un grand chef, Victor De Sabata.

Macbeth : Enzo MascheriniLady Macbeth : Maria Callas

Banco : Italo TajoMacduff : Gino Penno

Malcolm : Luciano della PergolaDama di Lady Macbeth : Angela Vercelli

Medico : Dario CaselliOrchestra e Coro del Teatro alla Scala di Milano

Maestro Concertatore e Direttore : Victor De Sabata

Milan, inauguration de la saison 1952-53 du Teatro alla Scala, 7décembre 1952

Le premier enregistrement en studio et officiel, réalisé « dans la fou-lée », selon l'expression consacrée, d'une série de représentations auMetropolitan Opera de New York, avec la même distribution, date de 1959.A une époque où il était impensable de publier un enregistement d'opéra

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cabalette finale de désespoir terminent en apothéose cet opéra à l'héroïnenégative, qui s'empoisonne pour expier ses méfaits (l'amour pour son beau-fils qu'elle fait tuer par dépit, telle une Phèdre romaine). Ce n'est pas vrai-ment ce que Shakespeare a prévu et Verdi le démontre patiemment à laBarbieri Nini : « d'ailleurs, ce serait une profanation d'altérer un caractèreaussi grand, aussi énergique, aussi original que l'a créé le grand auteur tra-gique anglais ».Auprès du baryton Varesi qui devait chanter Macbeth, il insiste sur l'impor-tance des paroles : « Je ne cesserai jamais de te recommander de bien étu-dier la situation et les mots ; la musique vient toute seule. En somme jedésire que tu serves le "poeta" [le librettiste] plus que le "maestro" ».A l'issue de répétitions longues et fatigantes, menées par un Verdi tacitur-ne et rarement satisfait, Macbeth fut représenté avec succès au Teatro dellaPergola de Florence, le soir du 14 mars 1847.

LE NOUVEAU MACBETH DE 1865

A peine achevé, Macbeth devint l'opéra préféré du Maestro qui s'informatoujours avec soin des moyens mis en oeuvre dans les reprises ultérieures,allant jusqu'à interdire à la Scala de monter l'opéra car elle n'avait pasréuni, selon Verdi, les conditions nécessaires.Bien des années plus tard, en 1864, il accepta l'offre de l'éditeur françaisLéon Escudier de traduire Macbeth en français pour le donner au Théâtre-Lyrique de Paris. Escudier se faisait fort en effet de retrouver le succèsrécent obtenu par les traductions de Rigoletto puis de Violetta, titre de laversion française de La Traviata. Verdi reprend donc la partition deMacbeth... mais écrit à Escudier : « "Ahimè" [mélange subtil de hélas et depauvre de moi], j'ai été frappé par des choses que je n'aurais pas voulu trou-ver. Pour tout dire en un mot, certains morceaux sont faibles ou manquentde caractère, ce qui est encore pire... ».A cette importante déclaration, fait suite une liste des passages qu'il croitdevoir réécrire et correspondent d'ores et déjà à ce qu'il fera et que nousconnaissons de nouveau dans la version de 1865 ! Il faut dire aussi qu'ilportait le regard d'un homme de cinquante deux ans, sur un travail compo-sé par un jeune homme de trente-quatre ans…Il va donc refaire ces « "choses" [qu'il] n'aurai[t] pas voulu trouver »mais... dix-sept années ont passé, apportant les expériences de Rigoletto,de La Traviata et une maturation profonde de son style qui allait déployer

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LA VERSION REFAITE DE 1865

Les enregistrements sont nombreux et ont la chance d'être souvent homo-gènes, c'est-à-dire qu'il n'est pas besoin à l'auditeur -pour une fois !- deconstituer rêveusement sa distribution idéale, prenant des interprètes ça etlà dans les enregistrements existants !

Un pour tous, le plus beau en sonorités… de tout et de tous, quasiment !D'abord le plus bel orchestre qui soit pour cette musique, celui du Teatroalla Scala, magnifiquement capté par les techniciens de la célèbre firmeallemande à la jaune étiquette, une éblouissante sonorité, éclairant d'uncoup et de manière éclatante, la conception du Maestro Verdi qui, précisé-ment à propos de Macbeth, rappelait comme seuls les orchestres d'Italiepossédaient des cuivres au son… cuivré, précisément ! cette incomparablesonorité chaleureuse, généreuse enveloppant l'auditeur. C'est encore le casde bien des orchestres d'illustres maisons d'opéra italiennes, comme leGran Teatro La Fenice de venise ou le fameux Teatro San Carlo de Naples,du Teatro dell'Opera de Rome… et bien sûr, illustre entre tous, du Teatroalla Scala.Le talentueux Piero Cappuccilli est irréprochable, bien qu'il doive compteravec le Macbeth noir et velouté de l'incontournable Renato Bruson (prota-goniste d'une douzaine d'enregistrements, pirates et officiels confondus).On a en revanche une Lady Macbeth idéale en Shirley Verrett, en ce qu'el-le représente ce timbre rauque et presque laid voulu absolument par Verdi.Au beau Banco de Nicolai Ghiaurov répond l'éclatant Macduff de PlácidoDomingo, irréprochable lui-aussi même si le grand air de ténor bien ver-dien réservé au rôle, fut souvent interprété, et avec plus de chaleur ou deséduction, par les Del Monaco, Corelli… et notamment de manière remar-quable par un ténor injustement rejeté dans l'ombre : Veriano Luchetti.Notons que Claudio Abbado réintroduit seulement pour cette exécutiondiscographique la mort de Macbeth, ainsi que les moments de danse dutroisième acte, non conservés lors de la somptueuse reprise au Teatro allaScala ayant motivé l'enregistrement.

Macbeth : Piero CappuccilliLady Macbeth : Shirley Verrett

Banco : Nicolai GhiaurovMacduff : Plácido Domingo

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ses magnifiques couleurs sombres dans le tout proche Don Carlo, oeuvremagistrale et élaborée.Le nouveau Macbeth produit donc une certaine impression de malaise chezl'auditeur qui sent le décalage produit par les différences de style. LorsqueVerdi révisera son Simon Boccanegra -vingt-cinq ans !- après la création,l'effet produit sera similaire : que ceux qui connaissent Verdi imaginent lasubstitution de certains passages de La Traviata ou de Il Trovatore au pro-fit d'autres, tirés de Otello !!Quant au premier Macbeth, on peut être étonné par la sévérité de l'autocri-tique verdienne : la musique en est moins sombre, moins fouillée, certesmais elle possède une pointe d'émotion immédiate à la Nabucco, un soup-çon d'héroïsme à la Ernani, bref une belle spontanéité, un pathos plus ver-dien que jamais!...La comparaison est passionnante, nous la réservons au guide-commentairequi suit mais l'on peut déjà résumer ainsi les différences entre les deux ver-sions. Outre quelques passages délicats simplement retouchés (Macbeth etles sorcières, Macbeth et le fantôme de Banco), quatre morceaux furentpurement et simplement retirés de la partition et remplacés par de lamusique nouvelle : - la cabalette de Lady Macbeth au début de l'Acte II (remplacée par un airmoins virtuose et plus méditatif).- la grande cabalette finale III de Macbeth (remplacée par un Duettino entrelui et son épouse).- le Choeur des réfugiés écossais (remplacé par une musique plus intério-risée).- la brève Aria finale de la mort de Macbeth (remplacée par un brillanthymne de victoire).Il est bon enfin, d'insister sur une caractéristique fort judicieusement miseen relief par un commentateur des années 1970 : il faut en effet remarquerque le morceau le plus insolite, génial et novateur de la partition (la scènede somnambulisme de Lady Macbeth), existait déjà dans la version origi-nale !

Paradoxalement, ce Macbeth "amélioré" de 1865 fut mal accueilli ! et mal-gré le soin "retoucheur" dont fit preuve Verdi et son observation des exi-gences parisiennes : ballet et langue française obligatoires. Le pauvrehomme dut faire face à d'injustes attaques qui provoquèrent son indigna-tion amère : « Il se peut que je n'aie pas bien "rendu" Macbeth, écrit-il à l'é-diteur Escudier, mais [dire] que je ne connais pas, que je ne comprends nine sens Shakespeare, non, par Dieu, non. C'est un poète de ma prédilection,

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Malcolm : Emil AlekperovDama di Lady Macbeth : Sonia Lee

Medico : Han-Gweong JangCoro da camera di Bratislava

Orchestra Internazionale d'ItaliaMaestro Concertatore e Direttore : Marco Guidarini

Enregistré dans la Cour d'Honneur du « Palazzo Ducale » deMartina Franca, lors des représentations du 25 au 27 juillet 1997

3°) L'enregistrement de quelques extraits voulus par le Maestro Muti encomplément de sa gravure intégrale de la seconde version :Mais attention ! les microsillons originaux comportaient les extraits sur laface 6, or seul le premier report en trois disques compacts les conserve !le report suivant, en 2 Cd seulement, se permet de les négliger !

4°) Quelques extraits "mis en ligne" sur Internet sur le "site" YoutubeCabalette Lady Macbeth (acte II) "Trionfai! securi alfine" (remplacée en

1865 par l'aria « La luce langue » ; Olivia Stapp, Opéra de Gênes 1986http://www.youtube.com/watch?v=vGCN_vlmKao&feature=related

Grande Cabalette Macbeth - Finale Terzo originale : « Vada in fiamme ein polve cada l'alta rocca di Macduffo », remplacée en 1865 par un bref duoavec Lady Macbeth.

amputée de son da capo ou reprise, à l'Opéra de Gênes en 1986, dansl'interprétation du baryton Vicente Sardinero :

http://www.youtube.com/watch?v=oBQ0XblqQQQintégrale dans l'interprétation du baryton Mauro Augustini, à Vienne

en juillet 2004 :http://www.youtube.com/watch?v=kuhOs1eYDOo&p=2EAEAC65EA20

D8E1&playnext=1&index=18Coro originale « Patria opressa » ouvrant l'acte IV (recomposé en 1865),

Opéra de Gênes 1986 : http://www.youtube.com/watch?v=6KbHJZ4r2vsFinale Quarto originale : morte di Macbeth « Mal per me che m'affidai »,

(remplacé par l'ensemble final brillant et fugué en 1865), interprété ici parle baryton Michele Kalmandi, à l'Opéra royal de Stockholm, le 2 avril2009 :

http://www.youtube.com/watch?v=qwBlgC5Ld_Q

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que j'ai eu entre les mains depuis ma tendre jeunesse et que je lis et reliscontinuellement ».La critique de la critique n'est plus à faire… les scrupules et le génie deVerdi l'annulent !Retraduite en italien, cette version française de Charles Nuitter etAlexandre Beaumont est celle que l'on joue de nos jours, souvent amputéedu ballet mais parfois enrichie de l'ancien Finale (mort de Macbeth) placéavant l'hymne de victoire final. Nous verrons plus loin les mérites du"vieux" Macbeth fort viable, comme le prouvent les enregistrements ayantcapté les reprises de la version originale de 1847...

DE SHAKESPEARE À VERDI-PIAVE OU L'ÉTONNANTE AVENTURE DE

L'ÉLABORATION D'UN LIVRET

Il n'y pas si longtemps que l'on prête aux livrets d'opéras l'attention qu'ilsméritent. Ceux du XIXe siècle français sont souvent décriés, la moqueriesuprême étant de déclarer : « C'est bien du Barbier et Carré !! ». Il est vraique je me suis surpris, lors d'une représentation de Mignon, de deviner lesrimes un peu niaises de leurs vers impossibles ! L'Italie pèche par le défautinverse, pour ainsi dire. Les textes sont littéraires au possible, souventarchaïsants et l'amateur d'opéra apprenant l'italien pour "s'y retrouver",s'étonnera du nombre de mots ou d'expressions non employés par la languecourante. L'époque romantique (1810-40) eut plus de chance avec l'ineffa-ble Eugène Scribe pour la France, et Felice Romani, SalvatoreCammarano, Jacopo Ferretti, Gaetano Rossi qui donnèrent leurs meilleurslivrets à Gioachino Rossini, Vincenzo Bellini et Gaetano Donizetti. De lagénération suivante, Francesco Maria Piave devint l'étroit collaborateur deVerdi et, à la fin du siècle, Arrigo Boito qui adapta si bien Shakespeare. La« Giovane Scuola », jeune école plus commodément appelée « Vérisme »,(vers 1890), eut des librettistes talentueux et efficaces, à commencer par lecompositeur Ruggero Leoncavallo, fin lettré écrivant lui-même ses livrets !L'étude de l'adaptation d'une oeuvre littéraire en livret d'opéra offre un ter-rain de recherche passionnant nous faisant découvrir peu à peu ce qui inté-resse les librettistes et les compositeurs dont nous devons comprendre lesmotivations.

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sion originale dépouillée par rapport au grand hymne final, mais plus dra-matique que ce dernier, et surtout plus touchante.

PARTICULARITÉS DANS L'ABONDANTEDISCOGRAPHIE DE MACBETH

La version originale de 1847Plus qu'une curiosité de passionné qui veut connaître, l'approche de la ver-sion originale est une démarche essentielle faisant découvrir le « premier »Macbeth, d'une part, et révélant ensuite sa validité et l'excessive sévérité duMaestro Verdi à l'égard de sa propre composition. On se souvient en effetde la remarque de ce commentateur éclairé des années 70, que nous invo-quions plus haut, rappelant simplement que le morceau le plus "moderne"et intéressant de l'opéra, la scène de somnambulisme de Lady Macbeth,existait déjà dans la version originale !Plusieurs possibilités existent pour la connaissance des morceaux de la ver-sion orginale non conservés dans la version refaite :

1°) L'enregistrement de la première reprise moderne de la version origina-le, concert de la BBC, devenu disque "pirate" microsillon, repris depuis, encd officiel.

Macbeth : Peter GlossopLady Macbeth : Rita Hunter

Banco : John TomlinsonMacduff : Kenneth Collins

Chorus : BBC SingersBBC Concert Orchestra

Conductor : John MathesonLondres, Royal Albert Hall, 25 juillet 1978

2°) L'enregistrement d'une autre exécution intégrale de la version origina-le, cette fois au « Festival della Valle d'Itria », à Martina Franca dans lesPouilles, et spécialisé dans les opéras ou les versions rarement donnés.

Macbeth : Evgenij DemerdjievLady Macbeth : Iano Tamar

Banco : Andrea PapiMacduff : Andrea La Rosa

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La réductionPiave se retrouvait avec Macbeth face à un drame assez vaste et compor-tant de nombreux changements de décor totalisant vingt-six tableaux ! Onsait que le texte chanté doit être beaucoup plus court que le texte dit, lechant comportant maintes répétitions, lorsqu'il ne ralentit pas le débit desparoles ; il faut donc raccourcir la matière première, pour ainsi dire. Le liv-ret de Piave ramène par conséquent les tableaux à un nombre de dix... déjàimportant pour un opéra comportant une continuité musicale et dramatiquetrès affaiblie par les interruptions des changements de décors.On aboutit à un tel résultat de condensation au moyen de plusieurs procé-dés. Le plus évident est la "suppression" (de scène, de personnages secon-daires...) et Piave élimine ainsi douze des vingt-six tableaux deShakespeare.Un autre procédé, plus complexe et plus intéressant, consiste en une sortede "simplification-resserrement" visant à regrouper les répliques répétantla même chose : à l'opéra on ne peut se disperser, les choses doivent êtredites une bonne fois, les personnages ont besoin d' "airs", cellules de basede l'opéra, dans lesquels ils se définissent et épanchent leurs sentiments.La caractérisation des types de personnages et des situations doit se fairerapidement, en accord avec la musique et produire le plus grand effet pos-sible, ponctuellement, sur le public. Les personnages n'ont donc pas à seraconter tout au long de plusieurs scènes similaires, on assiste par consé-quent, à une condensation visant à enrichir les passages ainsi concentrés,en les intensifiant.L'exemple le plus intéressant d'un air ainsi constitué est la géniale scène desomnambulisme de Lady Macbeth, considérée comme le morceau le plusoriginal de l'opéra. Il s'agit d'un monologue chanté -ou plutôt déclamé,comme le voulait Verdi- par une Lady Macbeth hallucinée et prisonnièrede la folie engendrée par ses crimes. Une seule chose la préoccupe désor-mais : laver une imaginaire tache de sang qui souille sa main. Cette fixa-tion traduite en musique atteint une force expressive inouïe telle que Verdiet Piave l'ont agencée. Quelle surprise alors, de ne trouver dans le passagecorrespondant du drame, qu'une alternance de répliques entre LadyMacbeth, le médecin et la suivante ! Le travail de condensation avait faitmerveille.

L'augmentationLe travail du librettiste ne s'arrête pas là... S'il raccourcit c'est, en quelquesorte, pour mieux rallonger : parallèlement à l'opération de suppression-condensation il faut veiller à mener à bien la tâche inverse que nous pour-

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de l'enfer » et d'avoir versé autant de sang qui demande à présent justicedevant l'Eternel ! En s'effondrant, il a ces derniers mots, superbes de réalis-me et de repentir : « Je meurs, vile couronne !... et seulement pour toi ! ».L'italien « per te » permet en plus le passionnant double sens de pour toi età cause de toi…

« Mal per me che m'affidaiNe'presagi dell'inferno !...Tutto il sangue ch'io versai

Grida in facciadell'Eterno !...

Sulla fronte… maledettaSfolgorò… la sua vendetta !...

Muojo… al Cielo… al mondo in ira.Vil corona !… e sol per tè ! (Muore.) »

MACBETH (se relevant avec effort)« Pour mon malheur je me fiai

Aux présages de l'enfer !...Tout le sang que j'ai répandu,Crie à la face de l'Éternel !...

Sur mon front… mauditIl foudroya… sa vengeance !...

Je meurs… haï du Ciel… du monde.Vile couronne !… et seulement pour toi ! (Il meurt) »

Verdi ne fait pas charger aussitôt son orchestre mais réserve quelques paro-les aux personnages présents :

« Macduff : Scozia afflitta, omai respira !(l'Ecosse affligée désormais respire)Tutti : Or Malcolmo, è il nostro Re.

(Tous : à présent, Malcolm est notre Roi.) »

La note musicale générale sur le mot « Re » (Roi) est longuement tenue, etsuffit comme cri unanime de triomphe, alors que l'impressionnante chargeorchestrale vient sceller le drame et terminer l'opéra.

Cet ancien finale replace l'attention générale sur le personnage principal enfaisant apparaître son erreur, sa détresse et même une certaine forme derepentir… au lieu de le faire mourir hors scène et de l'oublier en se lançantdans un brillant finale choral. C'est en cela qu'on peut préférer cette conclu-

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rions nommer "ajout-amplification". Nous l'avons dit, l'opéra a besoind' "airs", de morceaux musicaux, et le texte de base n'offre pas toujoursmatière à cela. Il faut donc inventer du texte et un nouveau sentiment àexprimer, tout en demeurant en accord avec ce que l'on connaît du person-nage.L'air de Lady Macbeth au début du deuxième acte est ainsi "inventé" parrapport à la pièce originale. De même, le grand choeur "Patria oppressa"qui commence le dernier acte n'a pas d'équivalent, et pour cause : il est horsde question de faire parler plusieurs personnages en même temps dans unepièce de théâtre. On sait que les choeurs sont l'une des spécialités verdien-nes : un critique de l'époque a même dit malicieusement que Verdi, s'il lepouvait, ferait chanter les fauteuils d'orchestre ! Il fallait donc un choeurdans Macbeth. Le second procédé d'augmentation que nous avons nommé "amplification"vise à utiliser une idée existante mais en la développant afin d'aboutir à unair, par exemple. Les quelques brèves répliques de Banco, notamment,deviennent sous la plume de Piave un grand air pour basse. L'amplification est aussi la clef des fameux "ensembles concertants" de l'o-péra italien. Ils reposent sur la possibilité, évoquée plus haut, de faire chan-ter simultanément plusieurs personnages, ce qui aboutit à l'exposition desentiments différents, exprimés par des textes différents mais parfaitementunis dans l'harmonie musicale ! Ainsi est réalisé le grand ensemble final dudeuxième acte dans lequel chaque personnage se voit doté d'un "nouveau"texte.Dans le drame, Lady Macbeth a tôt fait de congédier les invités du banquetmais Verdi, qui fait de cette scène un Finale d'acte, a besoin d'un ensembleet prolonge ainsi la perplexité des invités (face au trouble de Macbeth quiest le seul à voir le fantôme de Banco), ainsi que les reproches adressés parLady Macbeth à son époux.

Les modifications de la structureLes compositeurs et les librettistes sont parfois amenés à transformer ledécoupage du drame original car, par exemple, une fin d'acte ne fournit pasforcément une base intéressante pour un Finale d'acte. La scène du banquetévoquée dans le paragraphe précédent a été choisie par Verdi pour consti-tuer le Finale de son deuxième acte tandis que chez Shakespeare, l'acte sepoursuit encore durant deux tableaux !En ce qui concerne notre Macbeth en tant que « melodramma », comme ondit en italien pour désigner un opéra de l'époque d'Or 1800-1860, il neconserve absolument pas la structure originale du drame, comme on peut

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22. Scena e Battaglia. L'orchestre fait entendre une belle phrase musicaleéperdue… et un choeur interne pousse un cri de lamentation : « Elle estmorte ! ». L'annonce officielle de la mort de la reine ne produit pas d'effetsur Macbeth, qui lance alors une phrase sublime de lucidité shakespearien-ne :

« La vita… che importa ?...È il racconto di un povero idiota.Vento e suona che nulla dinota ! »

(La vie… qu'importe ?... / C'est le récit d'un pauvre idiot. / Du vent et duson qui ne dénotent rien !) - des mots que Jago pourrait prononcer !En revanche, Macbeth apprend avec stupeur que la forêt de Birnam..."s'avance" !!... ...On entend des bruits de bataille au loin soulignés par l'orchestre tandis quele décor change et représente...

... Une plaine. [QUATRIÈME TABLEAU (8')]

L'armée de Malcolm s'était camouflée sous des rameaux et cela explique laprophétie de la forêt de Birnam… qui marche ! Macbeth, face à Macduff,affirme ne craindre aucun homme né d'une femme... « Je ne suis pas né : /Je fus arraché au sein maternel » (!!), réplique Macduff. Macbeth comp-rend avec épouvante qu'il a perdu et tous deux sortent en se battant.

23. Inno di vittoria-Finale Quarto. [Version remaniée de 1865] : onannonce la victoire de l'armée légitime et Macduff, un genou à terre, salueen Malcolm le nouveau roi ; tous chantent un hymne de victoire célébrantla libération de l'Ecosse. Verdi écrivit cet hymne conforme au goût dupublic parisien, épris de grand spectacle plus que d'émotion véritable.Pourtant, de belles envolées lyriques traduisant l'espoir des Ecossais vien-nent illuminer ce choeur et tempérer l'aspect brillant de ce passage (ô géniede Verdi, émouvant même dans les passages de circonstance !).

Le finale original était très différent mais également intéressant, de ce fait,certains théâtres et firmes discographiques ont décidé d'amalgamer lesdeux finales.Morte di Macbeth - Finale Quarto original de 1847.Macbeth reste en scène après la terrible révélation de Macduff. Il sait qu'ila perdu et après avoir livré combat, il tombe transpercé. Malcolm entredemandant « l'usurpator » que lui désigne Macduff. Macbeth se relèveavec peine et, dans une sorte d'air final, regrette de s'être fié aux « présages

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le constater dans le tableau qui suit.

Outre la restructuration opérée dans le découpage en actes, on peut y voirle résultat de la curieuse opération de « réduction », allant jusqu'à conden-ser quatre tableaux shakespeariens ! quand ce n'est pas la « suppression »pure et simple de douze tableaux. On distinguera enfin, l' «ajout» de ma-tière nouvelle, pour constituer le premier tableau de l'acte II de l'opéra.

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SHAKESPEARE PIAVE - VERDI

Tableaux Tableaux

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ACTE I

ACTE II

ACTE III

ACTE IV

ACTE V

ACTE I

ACTE II

Tableau ajouté par Piave-Verdi

ACTE III(Tableau unique)

ACTE IV

dienne jusqu'au bout des ongles, pour ainsi dire ! (…et ne nécessitant pasla petite reprise chorale que Verdi, curieusement, ajouta en 1865, commepour diminuer l'impact du pathétique patriotique.)Précisément, le public ne pouvait manquer de saisir l'allusion, lorsqueMacbeth était représenté dans le Nord de l'Italie alors opprimé par la botteautrichienne. La musique si pathétique de Verdi habillant des paroles aussisignificatives que « La patria tradita / Piangendo ne invita ! / Fratelli ! Lapatrie trahie nous invite en pleurant, Frères ! », ne pouvait manquer d'exal-ter le cœur des opprimés… et induire les autorités autrichiennes à fairereprésenter Macbeth sans son quatrième acte ! !

DEUXIÈME TABLEAU : Une pièce du château de Macbeth, comme dans l'acte I ; il fait nuit. (14')

20. Gran Scena del Sonnambulismo. Une note lugubre de la clarinetteouvre l'acte, puis Verdi rappelle le magnifique thème du triste prélude dupremier acte qui accompagnera également le dialogue entre le médecin etla dame de compagnie. L'état de la reine les effraie... la voilà d'ailleurs,errante, une lampe à la main, les yeux écarquillés, à la fois folle et som-nambule, se frottant en vain les mains afin de faire disparaître une imagi-naire tache : « Una macchia », de sang. Seul le halètement -bien verdien-des cordes, et la plainte du cor anglais accompagnent le monologue deLady Macbeth qui revoit les crimes passés et n'oublie jamais, même danssa semi-folie, de soutenir son mari vers la dignité et le pouvoir ! Elle seretire lentement vers sa chambre, suivie de la dame de compagnie et dudocteur, horrifiés d'avoir entendu des révélations comme : « pouvait en cevieillard / Autant de sang imaginer ? ».Un morceau étonnant, tentant de traduire en musique l'état halluciné dupersonnage et, répétons-le, déjà conçu et présent dès la première version de1847.

TROISIÈME TABLEAU : Une salle du château. (6')

21. Scena ed Aria. Macbeth entre, très agité, car Malcolm s'est allié auxAnglais pour le renverser. Dans un air superbe, il donne libre cours à sonamertume et à sa lassitude : « Piètà, rispetto, amore » : aucun de ces troissentiments ne viendra réconforter sa vieillesse. Le blasphème seul sera sonchant funèbre. D'abord accompagné par ce "halètement" typiquement ver-dien des cordes, l'air finit par se déployer et tous les violons en reprennentle thème dans un effet sublime tellement verdien.

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LA MUSIQUE ET L'INTRIGUE DES DEUXVERSIONS DE MACBETH

(Durée totale de l'opéra : 2h30)

« Muojo… al Cielo… al mondo in ira.Vil corona !… e sol per tè ! (Muore.)»« Je meurs… haï du Ciel… du monde.

Vile couronne !… et seulement pour toi ! (Il meurt) »Macbeth, Finale original de 1847

1. Preludio (3')Un thème étrange puis lourd et inquiétant annonce le choeur des sorcièresde l'Acte III puis laisse la place à une superbe mélodie dont l'émotion pro-fonde porte la signature de Verdi, dès le début de l'opéra! Malgré un calmeapparent, ce thème représente en fait le tourment de Lady Macbeth etaccompagnera sa scène de folie somnambule du quatrième acte.

ACTE PREMIER (47')

PREMIER TABLEAU : Un bois (13')

2. Introduzione. Trois groupes de sorcières entrent et commentent joyeu-sement leurs activités maléfiques.

3. Scena e Duetto. Macbeth et Banco, généraux de l'armée écossaise vien-nent interroger les sorcières à propos de leur avenir. Celles-ci saluentMacbeth au moyen de titres prestigieux et lorsque des messagers viennentlui annoncer une nomination de la part du roi, il tremble de voir se réaliserle dernière prophétie lui révélant son accession au trône d'Ecosse !.... 4. Stretta dell'Introduzione. Le retour des sorcières, certaines de revoirMacbeth, termine le tableau.

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Est-il besoin de préciser l'impact que peut produire sur le public un tel mor-ceau par rapport au duo, tout à fait courant, de la nouvelle version ?!... (etd'autant plus lorsque le baryton est en mesure de couronner l'air par unimpressionnant aigu final).

Le Rideau tombe.

ACTE QUATRIÈME (40')

PREMIER TABLEAU : Un lieu désert à la frontière de l'Ecosse et del'Angleterre. Au loin, la forêt de Birnam. (14')

18. Coro di profughi scozzesi [Versions 1847 & 1865]. Ce choeur « deréfugiés écossais », comme dit le titre du morceau, épuisés, désolés, suffità nous décrire le résultat des actes de Macbeth qui a mis son pays à feu età sang. Verdi s'est fait une spécialité dans l'illustration musicale de la souf-france d'un peuple mais on est bien ennuyé de devoir choisir entre la ver-sion originale de ce choeur et sa forme totalement remaniée ! La musiquede 1865 est plus profonde, la douleur plus intériorisée ; des nuancespiano/forte en crescendo sont imposantes et véritablement poignantes...La découverte de la version originale réserve un choc à l'auditeur, quidécouvre un véritable pendant au « Va pensiero » de Nabucco !Une triste mélodie au rythme doucement berceur, certes un peu naïve parrapport à la musique plus intériorisée de 1865, mais sincère, et dégageantnéanmoins un charme irrésistible provoquant une émotion immédiate...

19. Scena ed Aria. Madcuff pleure son épouse et ses fils assassinés parMacbeth. Dans un air superbe, au pathétique typiquement verdien, il selamente de ne pas les avoir défendus : « Ah, la paterna mano », de sa mainpaternelle, et d'avoir fui, mais souhaite se trouver un jour face au tyran. [Scena et Ensemble final du tableau] Malcolm entre à la tête d'une arméeimposante et, ayant demandé quels étaient ces bois, s'entend répondre :

« La foresta di Birnamo »,Nom fatal, malgré sa sympathique italianisation, prononcé par les sorciè-res : « Tu vivras glorieux et invincible / Jusqu'au jour où tu verras la forêtde Birnam / Se mouvoir », or Malcolm enjoint chacun de cueillir desrameaux et de s'en camoufler…Malcolm engage Macduff à le suivre pour se venger et tous brandissentalors leur épée et jurent de libérer l'Ecosse, dans une grande phrase, ver-

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SECOND TABLEAU : Salle d'entrée du château de Macbeth (32')

5. Scena e Cavatina. Lady Macbeth fait une entrée impressionnante enlisant (sans accompagnement musical) une lettre de son époux lui narrantles prodiges des sorcières. Dans la « Scena » et Cavatine consécutives elles'affirme comme la véritable force du drame :

« Tu es un esprit ambitieux Macbetto2

Tu aspires à la grandeur,Mais seras-tu malfaisant ?

Rempli de méfaits est le cheminDe la puissance, et malheur à celui qui y avance

Dans le doute et recule.[Début de la cavatine « Vieni ! t'affretta ! »]

Viens ! hâte-toi ! je veuxAllumer ce cœur froid qui est le tien !

Je te donnerai le courageD'accomplir l'audacieuse entreprise ;

Le trône d'EcosseTe promettent les prophétesses…Que tardes-tu ? accepte le don,Monte sur lui, pour régner. »

Le rythme de la cavatine est posé et insistant comme s'il s'agissait d'unecabalette ! une manière efficace de souligner musicalement la détermina-tion du personnage. Un serviteur annonce à Lady Macbeth que son épouxrevient accompagné du roi d'Ecosse ; elle se lance alors dans une triom-phante cabalette évoquant les plus noirs desseins : « Toi, nuit, enveloppe-nous de ténèbres immuables ; / Que le poignard ne voie pas la poitrine qu'ilfrappe... ».

6. Scena e Marcia. Macbeth entre et son épouse lui fait comprendre que leroi ne doit pas repartir le lendemain...Une marche lointaine se fait entendre tandis que le roi d'Ecosse et sa suitedéfilent au fond de la scène.

7. Gran Scena e Duetto. Verdi a intitulé la première partie de son N°7« Grande scène » car il s'agit presque d'un air tant le morceau est expres-

2 Les noms anglais sont habituellement traduits lorsqu'ils passent dans l'opéra italien (Amleto, Macbetto Macduffo), pourdes questions de métrique et de facilité de prononciation, mais Verdi a presque toujours conservé le nom original deMacbeth lorsqu'il est question du personnage, ainsi que dans le titre de son opéra.

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17. Scena e Duettino - Finale Terzo.Macbeth revient à lui et trouve la reine à ses côtés ; il lui rapporte toutesles prédictions mais elle ne croit pas au règne des descendants de Banco et,stimulant son époux, se lance avec lui dans un duo bref mais déterminé :« Heure de mort et de vengeance ». Musicalement, ce bref duo n'apporterien à l'acte, l'ancien finale étant bien plus efficace et impressionnantcomme nous le verrons. Cette révision de Verdi permet, dramatiquement,de faire revenir Lady Macbeth en scène, car elle n'apparaissait plus de lafin du deuxième acte jusqu'à sa scène de folie dans l'acte IV. D'autre part,ce changement permet "techniquement" pour ainsi dire, d'épargner les for-ces du baryton chargé du rôle-titre qui, après un long troisième acte, devaitassumer un grand air final.

Aria-Finale Terzo : version originale de 1847.Macbeth revient à lui et se ressaisit : l'heure n'est pas à de vaines chimèresmais à raffermir son pouvoir ! Une impressionnante phrase descendante del'orchestre souligne sa détermination et introduit l'attaque d'une fière caba-lette !

« Vada in fiamme, e in polve cadaL'alta rocca di Macduffo !

Que parte en flammes, et tombe en poussièreL'altier château fort de Macduffo !Enfants, épouse par le fils de l'épée

Que s'écoule le sang à moi fatalQue ma colère, ma vengeance

Se répandent par l'Ecosse.Autant qu'elle abonde en mon cœur,Autant qu'elle assaille mon âme. »

Dramatiquement, le héros peut enfin s'affirmer sans la petite poussée habi-tuelle de son épouse qui ne paraît pas dans cet acte. Quant à la musique, ils'agit d'une de ces dignes cabalettes vengeresses mise en vogue par lesRomantiques italiens (Donizetti, Bellini, Pacini, Mercadante…) et magni-fiées par Verdi qui s'en fit une spécialité, atteignant un beau paroxysmeavec la fameuse cabalette " Di quella pira " de Il Trovatore. On constated'autre part que malgré l'aspect conventionnel du morceau, en tant quecabalette vengeresse précisément, le Maestro se montre déjà moderne en1847, en ce qu'il ne prévoit pas un da capo systématique (une répétitionpure et simple de la mélodie) mais une reprise simple de la phrase éclatan-te « L'ira mia la mia vendetta » (Que ma colère, ma vengeance / Se répan-dent par l'Ecosse).

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sif : Macbeth croit tout d'abord voir un poignard dont la garde est tournéede son côté, l'invitant à suivre le chemin du pouvoir. L'horreur s'emparealors de Macbeth, puis s'efface devant une folle détermination lorsqu'ils'élance vers les appartements du roi. Lady Macbeth ne peut s'empêcherd'être quelque peu angoissée quant à l'issue de l'entreprise... mais elle a vitefait de se ressaisir face à un mari déjà rongé de remords : celui-ci revit lascène de son crime, halluciné et abattu et c'est elle qui rapportera le poi-gnard dans les appartements du roi afin que les gardes soient accusés ducrime. Macbeth, hagard, semble pourtant conscient de son destin scellé parla phrase qu'il adresse à sa femme : « Fatal mia donna ! » et que Verdi vou-lait chuchotée !Elle revient et montre à Macbeth ses mains ensanglantées comme les sien-nes et pourtant elle conserve, elle, toute sa présence d'esprit !La version originale de 1847 diffère peu, la ligne vocale de Lady Macbethperdant seulement quelques ornementations, une sobriété musicale renfor-çant la détermination du personnage.

8. Scena e Sestetto - Finale Primo. Macduff, un noble écossais, entre,accompagné de Banco et s'apprête à réveiller le roi selon son désir. Bancoen proie à un sombre pressentiment voit revenir un Macduff horrifié etincapable de s'exprimer ; il devra constater lui-même l'assassinat du roiDuncano. Stupeur générale ! Malcolm (le fils du roi) et la première damede compagnie de Lady Macbeth viennent compléter le grand sextuor finaloù tous (y compris le couple d'hôtes assassins !) expriment leur détresse eninvoquant la vengeance divine… ensemble magnifié par un grand souffleau mouvement ondulant typiquement verdien !

ACTE DEUXIÈME (30')

PREMIER TABLEAU : Une pièce du château (7')

9. Scena ed Aria. (Scena) Soulignant l'enchaînement fatal des événementssuivant le meurtre du pouvoir, l'orchestre rappelle le motif fluide et inquietdu duo "chuchoté" « Fatal mia donna », et Macbeth entre, pensif. Sonépouse lui demande pourquoi il la fuit, profondément ancré dans une pen-sée fixe : « Le fait est irréparable ! », affirme-t-elle. La fuite soudaine deMalcolm en Angleterre a fait considérer celui-ci comme coupable du meur-tre de son père, il laisse donc le trône vide à Macbeth ! Mais ce dernier estpréoccupé par l'annonce des sorcières, précisant que Banco serait père de

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se fait entendre, bientôt suivi du thème amer et inquiétant des sorcières,entendu au début du prélude de l'opéra. Celles-ci annoncent les précieuxingrédients qu'elles jettent dans la marmite : crapaud venimeux, plume dechouette, langue de vipère, sang de guenon, pouce d'un enfant étouffé ennaissant et autres délicieuses spécialités...

14. Ballo. S'ensuit le sempiternel ballet, cher au goût des Français, que lepauvre Verdi dut ajouter en 1865. Pendant une dizaine de minutes on verraévoluer différents esprits et êtres fantastiques dominés par Hécate, déessede la nuit. Elle dit aux sorcières de révéler son avenir à Macbeth mais nonla fin qui l'attend. Hécate disparaît et les sorcières se lancent dans uneronde infernale rendue musicalement par une sombre mais savoureusevalse.

15. Gran scena delle Apparizioni. Les sorcières accèdent au désir deMacbeth : trois apparitions se succèdent : la première le met en garde cont-re Macduff ; la deuxième, un enfant ensanglanté, lui donne cette énigme« Nul homme né d'une femme ne pourra te nuire ». Enfin, apparaît unenfant couronné portant un arbrisseau... et une autre énigme :

« Tu vivras glorieux et invincibleJusqu'au jour où tu verras la forêt de Birnam

Se mouvoir et venir contre toi. »

Macbeth semble rassuré : on ne vit Jamais se mouvoir une forêt ! Il tientencore à savoir si la descendance de Banco montera sur son trône mais lessorcières refusent de répondre ; il les menace de son épée... le chaudrondisparaît alors sous terre. Huit rois vont apparaître l'un après l'autre : le premier effraie Macbeth quilui trouve des ressemblances avec Banco... Banco lui-même sera le hui-tième roi et désignera en riant à Macbeth les sept précédents, sa descen-dance !Suffoqué, Macbeth demande aux sorcières s'ils vivront et face à leuracquiescement il s'effondre, évanoui. [Cette scène fit l'objet de quelques retouches en 1865.]

16. Coro e Ballabili. Les sorcières invoquent les Esprits de l'air afin qu'ilsraniment les sens de Macbeth et aussitôt ondines et sylphides dansentautour de lui… à nouveau sur l'un de ces airs de danse bien verdiens (etsurtout suffisant, ce qui permet de couper plus allégrement le Ballet N° 14dans les représentations modernes !).

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rois… Discrètement stimulé par l'insinuante Lady Macbeth, il s'avère doncdéterminé à verser le sang une seconde fois... Aria Lady Macbeth « La luce langue » : la lumière languit, et la nuit pro-pice à cacher le crime étend son voile… « Le destin le veut !... », s'écrieLady Macbeth. Sa méditation insistant sur le destin qui intervertit ainsi lesrégnants est d'abord sombre, froide et déterminée. Puis le morceau s'animelorsqu'elle exulte en un Allegro vivo d'une joie intériorisée à l'idée du trôneet du sceptre qui l'attendent. Cet air, à la ligne vocale privée de virtuosité,confère au personnage une épaisseur psychologique évidemment impres-sionnante.

… ce qui est moins le cas de la simple cabalette de triomphe de 1847,dans laquelle Lady Macbeth donne simplement libre cours à sa joie, certai-ne de parvenir au trône d'Ecosse :

« Trionfai ! securi alfine :J'ai triomphé ! Enfin assurés

Nous marcherons sur le trône d'Ecosse.A présent je défie l'éclair, le tonnerre

De révolter son assise. »Le morceau se présente techniquement comme une cabaletta traditionnelledont la ligne vocale est assez ornée, demandant une certaine virtuosité àl'interprète. Nous tenons-là, l'une de ces fameuses « choses que je n'auraispas voulu trouver », comme l'écrivait pudiquement Verdi, après avoir par-couru la partition en vue de donner Macbeth en France. Il faut néanmoinsconsidérer objectivement cette cabalette : si elle impressionne moins que lamusique de 1865, elle n'en demeure pas moins une typique et belle caba-lette verdienne avec sa véhémence caractéristique et impressionnante…pour peu que l'interprète soit à la hauteur des vocalises, avec leurs terribles"écarts" à la Abigaille de Nabucco !...

DEUXIÈME TABLEAU : Un parc. Au loin, le château de Macbeth(8')

10. Coro di Sicari. Des sicaires engagés par Macbeth pour assassinerBanco se cachent et l'attendent…

11. Gran Scena. Banco entre avec son fils Fleanzio et lui fait part de sespréoccupations : c'est par une nuit aussi noire que fut assassiné le roiDuncano ! Ce que Verdi nomme « Gran scena » est en fait un fort bel airpour basse, tout à fait révélateur de son style avec ces grandes phrases de

violons soutenant la voix.Tous deux disparaissent dans le parc mais on entend la voix de Bancos'écrier : « Fuis, mon fils !... O trahison ! »

TROISIÈME TABLEAU : une salle magnifiquement préparée pour un banquet (15')

12. Finale Secondo. Différents morceaux musicaux constituent ce finalequi dure un bon quart d'heure. [a) musique de fête] Tout d'abord, une joyeu-se musique de fête se fait entendre : c'est l'une de ces irrésistibles et inef-fables musiques de bals typiquement verdiennes que l'on retrouve avecamusement de Ernani à Un Ballo in maschera -justement !- en passant parRigoletto ou La Traviata. [b) brindisi e Scena] Macbeth salue les invités etdemande à Lady Macbeth d'entonner un brindisi en leur honneur. Après lepremier couplet, un sicaire vient annoncer en aparté à Macbeth la mort deBanco... et la fuite de son fils. Frappé par la nouvelle, Macbeth veut s'as-seoir mais le fantôme de Banco occupe sa place !Le trouble de Macbeth provoque la perplexité des invités qui, bien sûr, nevoient pas le fantôme. Lady Macbeth sauve la face en invoquant une « mal-adie passagère » et en chantant aussitôt le second couplet du brindisi...Soudain, le fantôme de Banco apparaît à nouveau... Macbeth, terrifié, levoit lui jeter du sang à la face... enfin, l'ombre s'évanouit. [Verdi retouche en 1865 la musique accompagnant l'apparition du fantôme,pourtant déjà impressionnante et valide mais "résonnant" à la Verdi de1847… Il atténue le frémissement des cordes et celui de la ligne vocale deMacbeth, rendant le passage plus noir, plus prenant et dramatique.][c) concertato] Macbeth se ressaisit et lance le grand ensemble concertantdu Finale : il arrachera le secret du futur aux sorcières. Lady Macbeth luifait honte de ses hallucinations, Macduff et le choeur des invités clamentleur malaise face aux mystérieux tourments du nouveau roi... l'ensembles'enfle en crescendo puis culmine sur une ultime note, chantée à l'unisson,tandis qu'une charge orchestrale bien verdienne accompagne la chute durideau.

ACTE TROISIÈME (31')

TABLEAU UNIQUE : Une obscure caverne ; un chaudron.

13. Coro d'Introduzione. Un premier motif tourmenté (supprimé en 1865)

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Lady Macbeth en état de somnambulisme. Lesdeux personnages du fond réagissent à sa folie, ladame de compagnie exprimant sa surprise et ledocteur, à côté, se livrant à une analyse scienti-fique (peinture de Heinrich Füssli, vers 1781-84,Musée du Louvre).

Macbeth et Banquo en compagnie des trois sorcières sur la lande

Photo de collage desdessins decostumes réalisés pour laproduction2010 de"Macbeth" duThéâtre deTrèves, encoproductionavec l'Opéra-Théâtre deMetz-Métropole(documents dePeter Larsen,chargé de ladramaturgie etd’Ulli Kremer,costumes)

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