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Louis-ÉdouardCestac

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YvesChiron

Louis-ÉdouardCestac

Artège

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Summarium:Summariumsuperdubioanconstetdevirtutibus…,Rome,SacraCongregatiodeRitis,1920.

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L

Chapitre1EnfanceetJeunesse

ouis-ÉdouardCestacestnéàBayonneen1801.Lavillecomptealorsunpeuplusde13000habitants.Situéeaux

confinsdesLandesetduPaysBasque,elles’estdéveloppéeauconfluentdedeuxrivières,laNiveetl’Adour,quivontsejeterdans lamer, àquelqueskilomètresde là.Unedes étymologiesdu nom de Bayonne le fait remonter au basque ibaiona quisignifie«bonnerivière».Audébut duXIXe siècle,Bayonne est à la fois une ville de

garnisonetunevilledecommerce.Àdifférentsmomentsdesonhistoire, elle a dû son développement aux fortifications qui laprotégeaient : de l’époque romaine subsistent la Tour desAugustins et laTourdesDeuxSœurs ; à la finduXVe siècle,après trois siècles d’occupation anglaise, a été construit leChâteauVieux,quiexisteencore;Vauban,àpartirde1680,faitentourerlavilled’unsystèmedefortificationsetenfaitunevilledegarnison.En même temps, Bayonne devient « un port fameux et de

grand trafic ». En 1666, Colbert fonde, sur la rive droite del’Adour,l’ArsenalduRoiquiconstruitdesbâtimentsdeguerre.Le20février1726,uneChambredecommerceestétabliepourfavoriserleséchangescommerciaux.En1784,unefranchiseestaccordéequi exempte lesmarchandises étrangèresdedroits dedouaneetdeformalités.L’EspagneestlepartenairecommercialprincipalduportdeBayonne.Àcetteépoque,prèsde90%desmarchandises qui partent de Bayonne par bateau vont en

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Espagne et 70 % des marchandises qui entrent dans le portviennent de cemême pays.Bayonne a été, notamment, un desprincipauxportsd’entréeducacaoenFrance,d’oùla traditionchocolatièrequisubsisteencoreàBayonneaujourd’hui.

Mi-basque,mi-gascon

Dominique Cestac, le père d’Édouard, avait succombéd’abord à l’appel du large. Né en 1761 à Sariac, en Bigorre,dansunefamilled’agriculteurs– ilétait ledouzièmeenfantdelafamilleetavaitunfrèrejumeau–,ilavaiteu,trèsjeune,«desidéesexceptionnellesetfortétrangesdanscestempsetdanscepays».L’expressionestde l’abbéCestac,quiprécisedanssesNotesmanuscrites:«Ilsentaitunentraînementirrésistibleversles voyages,mais les longsvoyages.Le toit paternel lui pesaitd’un poids intolérable et chose étonnante, cédant à cetteimpulsioncontre laquelle ilnepouvaitplus lutter, ilpartit trèsjeune,mêmeavantd’avoirfaitsapremièreCommunion.»Dominique Cestac a-t-il fait une fugue jusque Bayonne –

l’abbé Cestac n’emploie pas le mot – ou est-il parti avecl’accorddesesparents?Entoutcas,ils’engagecommemoussesurlesbateaux.Ilferadesvoyageslointains.Unjour,lenaviresur lequel ilétaitembarqué,eutunevoied’eau. Ilmenaçaitdecouler, malgré le pompage que l’équipage effectuait. Le jeuneDominiqueCestac fit vœu, s’il réchappait du naufrage, d’alleren pèlerinage à Notre-Dame de Garaison, sanctuaire célèbresitué à une quinzaine de kilomètres de Sariac. Comme enréponseàcetteprière,etàcelledesautresmembresd’équipage,lebateaunecoulapas,maisfitnaufragesurunbancderochers,près desAçores. L’abbé Cestac a rapporté, d’après le récit desonpère, que« lesmalheureuxnaufragés y restèrent plusieurs

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On disait parfois « le séminaire des frèresDestenabe ». Eneffet, le supérieur de l’établissement était l’abbé ArnaudDestenabe,sonfrère,Jean,luiaussiprêtre,étaitprofesseuretundeleursneveux,Arnaud,étaitmaîtred’étude.L’abbéDestenabe,a écrit un ancien élève du séminaire et son historien, fut un« supérieur bon et ferme, attaché à la tradition. Il forme lacommunautéàsonimage;ilyfaitrégnerlarégularité,lapiété,etviseplusausolidequ’aubrillant»2.Les élèves entraient immanquablement auPetit Séminaire le

1er novembreetn’en sortaientque le31août. Ilyavait classetous les jours, sauf le dimanche, mais il y avait aussi deuxpromenades hebdomadaires. Si on y ajoute les grandes fêtesreligieuses, forcément chômées, et les promenades dites « defaveur»,onenarriveàunecentainedejourssansclasse.LesupérieuravaitplacélejeuneCestac,enconsidérationde

sonâge,enclassederhétorique,l’équivalentdenotreclassedepremière.MaisLouis-Édouardn’avaitpasleniveaurequis,d’où« une série d’humiliations qui me furent bien salutaires »,reconnaîtra-ilplus tard.Auboutdedeuxmois,onlefitpasserdans la classe inférieure, la seconde. Il s’y passionna pour lesmathématiques,aupointd’yexceller.L’annéed’après,ilseraunbon élève de rhétorique puisque, à la fin du 1er trimestre de1817 il sera premier en composition de français3. Et en mars1818, il est inscrit au tableau d’honneur4. Il en envoiel’attestationàsesparentsmais,parunespritdesincèrehumilité,il leur demande « de ne la montrer à personne. » Il l’est ànouveaulemoissuivantetencoreenaoût.Àlafindesonannéede rhétorique, les appréciations générales qu’il reçoit sontélogieuses : « Religion : très bien. Application : soutenue.Progrèsetforce:bonenrhétorique»5.Lesoir,àlarécréation,àla demandedu supérieur, il joueduviolon.Parfois, il fait des

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« concerts » avec l’abbé Bricquet, le professeur demathématiques.IlresterapendanttroisansauPetitséminaired’Aire.C’estde

cetteépoquequedatentlespremièreslettresdeluiquiaientétéconservées.Adressées à sesparents, elles contiennent toujoursquelques lignes ou même quelques pages à l’intention de sasœurÉlise.Édouard s’ymontre trèsaffectueuxà l’égardde sasœur, de dix ans sa cadette. Leurs liens étroits qu’ilsconserveront toujours, et qui deviendront une directionspirituelle,conduirontÉliseà s’intéresserdeprèsà l’apostolatdesonfrèrepuisàluiconsacrer,elleaussi,savie.Iln’enapas faitétalage–onne l’apprendqu’incidemment,

dans une lettre bien postérieure6 – mais le jeune séminaristes’estefforcédelui-même,dèssonentréeauséminaire,àsuivreun«règlementdevie»;fixant,sansdoute,l’heuredesonlever,l’heure de son coucher, les prières à faire tout au long de lajournée et les dispositions d’esprit à avoir en différentescirconstances de la vie quotidienne. Il conviendra dans cettelettreàsasœur,en1828:«Ilencoûtedepliersavolontésousl’inflexible volonté d’une règle. À la vérité, les avantages ensontimmenses,etjerépondrais,sanshésitation,dusalutd’unepersonne qui aurait vécu ainsi sous l’obéissance d’un bonrèglement. Mais, je le répète, il en coûte surtout pour s’yhabituer,etjet’assurequ’ilfautducourage.»On relève aussi chez ce « petit séminariste » – il n’est pas

encore tonsuré – une sorte d’autorité spirituelle qui estimpressionnante.Iln’aquedix-septansquandilfélicitesamèredes’êtreconfesséeetd’avoircommuniéetqu’ill’exhorte,avecbeaucoup d’assurance, à se détacher dumonde : « Rien n’estcomparableàlajoiequ’ongoûtedanscemoment?RecevoirsonDieu!Ah!quelbonheur![…]Quandaurons-nouslebonheur

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de nous voir tous ensemble au paradis ? Jusque-là point debonheurparfait,parcequecemonden’estpasfaitpournous.»Lamêmelettrecontientunepetiteleçonspirituelleàl’intentiondesasœurÉlise,quivenaitd’avoirseptans:«Onm’aditquetu allais te confesser : c’est fort bien, car on ne peut aller enparadissionneserepentpasdesespéchés.Jepensequ’onadûbient’instruirelà-dessus;maistonbonfrèreveutencoretedireunpetitmot,parcequ’il t’aimebien.Écoute : lorsque tudirastespéchés, il faudraquetupensesquetu lesdisàDieumêmequi lesvoit,et tu luiendemanderaspardon.Ensuite tuprierasDieupourmoi;turéciterasunPateretunAveàmonintention.Soistoujoursbiensage»7.En septembre et en octobre 1818, il passe ses vacances à

Artagnan,chezsasœurMarianneetsonbeau-frère,etàSariac,danslafamilledesonpère,puis il retourneauPetitSéminaired’Aire pour une dernière année scolaire. C’est cette année-làqu’ilretrouvaMichelGaricoïts,élève,commelui,delaclassedephilosophie. Un de leurs condisciples, Larrose, qui deviendracuré d’Accous, a donné le témoignage suivant : « J’ai eul’avantagederecevoirlesbonsexemplesdemoncondiscipleM.Cestac.M. l’abbéManaudas, alors notre préfet d’étude, ayantvite reconnuma légèreté etmonmanque de piété,me plaça àl’étude et au réfectoire, au milieu de deux saints : feu l’abbéGaricoïtsetfeul’abbéCestac.Cesdeuxétudiantsétaientd’unepitié angélique. L’abbé Cestac aimait beaucoup la très sainteVierge…Pendantsontravail,lesoraisonsjaculatoiressortaientfréquemment de sa bouche, et partout il était un modèle demortification»8.Cestac s’intéressa beaucoup à la philosophie, jugeant

sévèrementlesauteursmodernes.Dansunelettreàsesparents,en février 1819, il ironise sur « leurs déclamations » : « Ils

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IlcommencerapourtantunedeuxièmeannéeàSaint-Sulpice,maisilnelaterminerapas.PourlaNoël1821,sessupérieurslerenvoientàBayonne.

1.Bordarrampé,p.12.2. J.LATASTE,HistoireduPetitSéminaired’Aire-sur-l’Adour,Aire-sur-l’Adour,ImprimerieCentrale,1935,p.91.3.Lettredu1erjanvier1818àsesparents,Lettres,I,p.2.4.Lettredu30mars1818àsesparents,Lettres,I,p.5.5.CitéparÉ.Cestacdanslalettreadresséeàsesparents,le31août1818,Lettres,I,p.23.6. Il écrira le 22 juillet 1828 à sa sœur Élise : « Je connaisencore mieux que toi l’importance d’un bon règlement.L’expérience que j’en fais depuis près de treize ansmemet àmêmed’enjugeravecassurance»(Lettres,t.I,p.142).7.Lettredu30mars1818àsesparents,Lettres,I,p.6.8. Lettre de l’abbé Larrose, le 18 novembre 1873, citée dans«LePèreGaricoïtsetlePèreCestac»,Nouvellesdefamille,n°4,septembre1925,p.50-51.9.Lettredu23mai1819àsesparents,Lettres,t.I,76-77.10.SurlaMissiondeBayonne,cf.ErnestSEVRIN,LesmissionsreligieusesenFrancesouslaRestauration,Vrin,1959,t.II,p.103-414 et Bernard GOÏTY,Histoire du diocèse de Bayonne,Secrétariatdel’ÉvêchédeBayonne,2007,p.293-295.11.Lettredu11avril1819,Lettres,t.I,p.54.12.V.DUBARRAT, «Brochures sur laMission deBayonne en1819 », dansMélanges de bibliographie et d’histoire locale,Pau,Imprimeriecatholique,t.VI,1904,p.204-210.13.Lettredu25avril1819,Lettres,t.I,p.62.

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14.PendantlaMission,ilavaitdéjàpubliéunebrochurecontrelespamphletsqu’onasignalés:Quelquesréflexionsadresséespar un ancien militaire aux Bayonnais, à l’occasion dequelquesécritsanonymesquiviennentd’êtrepubliéscontrelaMissionquialieuencemomentàBayonne.15.L’AmidelaReligion,n°514,14juillet1819,p.303.16.Lettredu23mai1819,Lettres,t.I,p.72-73.17.C’estaudébutdesonépiscopat,quelediocèsedeBayonnesera ramené aux limites du département desBasses-Pyrénées ;lesdiocèsesd’AireetdeTarbesétantrestaurés.18.Registred’inscription,1820(ArchivesdeSaint-Sulpice).19.AustinGOUGH,ParisetRome.LescatholiquesfrançaisetlepapeauXIXesiècle,LesEditionsdel’Atelier,1996,p.235.20. J.M. de BUJANDA, Index librorum prohibitorum. 1600-1966,Médiaspaul/LibrairieDroz,2002,p.97.21. L.-G. MICHAUD, Biographie universelle ancienne etmoderne,Delagrave,t.V,1854,p.179-382;LouisBERTRAND,BibliothèquesulpicienneouHistoirelittérairedelaCompagniede Saint-Sulpice, A. Picard, t. II, 1900, p. 140-149 ; E.LEVESQUE,«Boyer(Pierre-Denis)»,Dictionnaired’HistoireetdeGéographieEcclésiastiques,Letouzey,t.X,1938,col.312-313.22. ICARD, Circulaire nécrologique, cité par L. Bertrand,Bibliothèquesulpicienne,op.cit.,t.II,p.273.23. L. BERTRAND, Bibliothèque sulpicienne, op. cit., t. II, p.161-163etFrançoisLAPLANCHE,«GarnierAntoine»,dansLesSciences religieuses, t. 9 duDictionnaire du monde religieuxdanslaFrancecontemporaine,Beauchesne,1996,p.265-266.24.L.Bertrand,Bibliothèquesulpicienne,op.cit.,t.III,p.347-358.

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25.Notesmanuscrites,p.11.26.TestamentspirituelduBonPère,3mars1868,Lettres,t.IV,p.469.27.Lettredu26avril1830,Lettres,t.I,p.200.28.Nousnousréféronsiciàladernièreéditionpubliéeen1923.29. Statuts synodaux du diocèse de Bayonne, Bayonne,ImprimerieBuhart-Fauvet,1830,p.2-3.30.Lettredu3juillet1821,Lettres,t.I,p.104.31.Lettredu6septembre1821,Lettres,t.I,p.110.

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voit le triomphe des libéraux, Louis-Philippe succédant àCharlesX.Danslessemainesquisuivent,enaoût,l’abbéCestacrédige « Quelques réflexions sur les événements ». Peut-êtres’agit-il d’un article qu’il envisageait de publier dans quelquerevue?Celongtexteresteranéanmoinsinachevé22.Ilaunplanclair, en trois parties : quelle est la cause de la révolution,quellessontsescaractéristiqueset«quelleserasadestinée?»Au-delàdescausesimmédiatesdelaRévolutiondejuillet–le

refus des ordonnances –, il la voit comme « la suite, lacontinuation » de la révolution de 1789.Ce sont « lesmêmesdoctrines, les mêmes hommes, les mêmes cris, les mêmesmoyens » qui ont été à l’œuvre. C’est un « esprit » qui atriomphéànouveau:«l’indépendancecontrel’autoritélégitime,l’esprit d’incrédulité, constituant l’homme essentiellementindépendant […] cet esprit d’orgueil qui porte l’homme às’irriter contre tout frein, à briser tout joug. » En fait, selonl’abbé Cestac, « la révolution était déjà toute faite dans lesesprits»avantlesévénementsdejuillet.Quand laPologneentreàson tourenrévolution,àpartirde

novembre 1830, le jugement de l’abbé Cestac change. Cetteinsurrection lui semble légitime. La Russie avait annexé unepartiedelaPolognequatredécenniesplustôt.L’insurrectionquicommencele29novembre1830àVarsovieestunsoulèvementde la nation polonaise pour retrouver son indépendance. Elledurera près d’un an. « Leur cause est évidemment juste, endroit»écritl’abbéCestacàsasœurÉlise.Certes,larévolutiondelaPologne«n’estpas,àvraidire,purementcatholique»,ilya«uneallianceentre lesopinions lesplusopposées,entre lesferventscatholiqueset les libérauxmême irréligieux»,mais laraison de leur révolte est légitime : les catholiques polonaisveulent«reconquérirleurlibertépolitiqueetreligieuse».Mais

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l’abbéCestacestlucide:«silesPolonaistriomphent,ilsaurontencoreàlutterentreeuxprobablement,àmoinsquel’espritdesagesseneprésideàlaconstitutionqu’ilsdevrontsedonner.Lecatholicisme,aprèsavoirtriomphédudespotismequil’étouffait,aura à se défendre contre l’anarchie qui pourra le menacerencore»23.

CestacetLamennais

De cette même époque, date une autre lettre, à uncorrespondant inconnu, où l’abbé Cestac développe desconsidérations plus générales sur la vague des révolutions quiontsecouél’Europe24.Larévolutiondejuilletavul’avènementd’une monarchie libérale en France, mais l’insurrection de laPologne n’est pas terminée (les troupes polonaises ne serontvaincuesparlaRussiequ’enseptembre1831).Etl’abbéCestac,avecdesaccentsetdesmotsqui sont, àcetteépoque,ceuxdeLamennais et de L’Avenir, écrit : « Au milieu des débrisamoncelésautourdenous,ilaétéconsolantpournoscœursdevoirs’élever,soutenusparlafoietlegénie,destinésàvivifierlasociété, à régénérer le monde, Dieu et la liberté. Invinciblebesoin de la nature humaine, condition nécessaire de la paixsociale,cesdeuxmotsreprésententl’hommetoutentier».La formule, « Dieu et la liberté », vient, bien sûr, de

Lamennais.EllesymboliseetrésumeleprogrammedeL’Avenir,journalquiparaît àpartirdu16octobre1830,à l’initiativedel’abbéFélicitédeLamennais,del’abbéGerbet,duP.Lacordaireet de Charles de Montalembert. Avec comme mot d’ordre,«Dieuetlaliberté»,lejournalveutréconcilierlafoienDieuetlesaspirationsà la libertédupeuple.À la foisultramontainetdémocratique, en consonance avec la tonalité romantique de

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l’époque, L’Avenir défend, à la fois, l’autorité souveraine dupape en matière religieuse et la souveraineté du peuple enmatièrepolitique,et,enmêmetemps,ildéfendleprincipedelaséparationdel’Égliseetdel’État.L’Avenir était lu au séminaire de Larressore, comme dans

nombredesséminairesdeFrance.Ilétaitmêmelu,auréfectoire,pendantlesrepasquiseprenaientensilence.Commel’arelevélebiographed’undesconfrèresdel’abbéCestac:«onlisaitauréfectoire,dansL’Avenir, lesarticlesétincelantsdeLamennais,Lacordaire,GerbetetMontalembert;maîtresetélèvesrestaienttoutfrémissants,souslaparolechaudeetconvaincuedesjeunesréformateurs.Ilyavaitsurtoutdesexplosionsàpeinecontenuesquand le gallicanisme recevait des nouveaux ultramontains cescoupsterriblesdontilnes’estpasrelevé.Onseprenaitd’amourpour Rome ; en saluant le Pape infaillible, on le vengeait detroissièclesd’injuresetd’avanies»25.Sur un plan plus strictement philosophique et théologique,

l’abbé Cestac partagea-t-il, à un moment, les idées deLamennais?CeseraunedesdifficultésquiserontsoulevéesparlePromoteurdelaFoilorsdesonprocèsdebéatification.Peud’écritsphilosophiquesetthéologiquesdel’abbéCestac

à cette période nous sont connus. L’abbé Puyol en cite ou enrésume quelques-uns26 : un « Essai de conciliation des idéesrationnelles et révélées », « Quelle est la voie de vérité pourl’homme dans les desseins de la Providence ? », un coursphilosophiquesurlareligion(professéentre1827et1829),uneétudesur l’hypothèse«duprogrèsà l’infini»etuneautresurl’originedumal27.À les lire, on peut relever des similitudes entre certaines

thèsesdel’écolemenaisienneetlesidéessoutenuesparlejeuneabbéCestac:ladéfianceàl’égarddelaraisonséparéedelafoi,

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banlieue.»On se tromperait si l’on imaginait que c’est à cette époque

quel’abbéCestacadécouvertlespauvresetacomprisledevoirde charité qui s’imposait à tous les chrétiens. Il se souviendraque tout jeune enfant, il accompagnait sa grand-tante à lacathédraleetqu’encheminildistribuaitduchocolatauxpauvresqu’il rencontrait. Plus près de l’époque qui nous intéresse, sacorrespondance révèle les charités, cachées, qu’il pratiquait deconcert avec sa sœur, alors qu’il était encore professeur àLarressore, et combien il lui tenait à cœur de secourir lespauvres : «Tu ne saurais croire,ma chère amie, le plaisir quem’acausélerécitdetesvisiteschezcespauvresfamilles.Moncœur est consolé en voyant que tu aimes les pauvres ; mais,pauvretoi-même,tun’aspasgrand-choseàleurdonner.Ehbien,ma chère amie, nous ferons un accord : de temps à autre je teferaipasserquelquechosepour lespauvres,et labonneœuvreserademoitiéentretoietmoi.Jefournirai,ettoitudistribuerasavecprudence et selon le besoin.Pour aujourd’hui tu recevrascinqfrancsquejedestineàcetteœuvre;n’endisrien,celadoitêtreentretoietmoi»8.Vicaire à la cathédrale, il sera plus immédiatement et plus

fréquemment en rapport avec les pauvres. Il logeait chez sesparents, à deux pas de la cathédrale. Les pauvres, s’ils ne letrouvaientpasà sonconfessionnal,allaient jusqu’à laportedeson domicile et attendaient, dans l’escalier, qu’il leur donnequelque secours. Sa réputation de charité se répandit trèsrapidement et tous les jours la file d’attente se reformait.Unefois, parce qu’elle se présentait tous les jours, l’abbé Cestacavait renvoyé une jeune pauvresse sans lui donner un secours.Bientôt,ileneutduremordsetiln’eutdecessedelaretrouverdanslarueetdel’encourageràrevenirtouslesjours,commeà

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l’ordinaire.Uneautrefois,c’estunejeunefillede16ans,«d’unebeauté

rare,exceptionnelle»,quiseprésentaàlui,nesachantoùaller,craignant pour sa vie ou sa liberté et implorant son secours.L’abbé Cestac la confia à une « veuve respectable », mère dedeuxfillesdumêmeâge,puisluiproposadeseréfugierdansuncouvent,loindeBayonne9.Les pauvres, la visite des malades, le confessionnal, la

préparationdes sermonsoccupent laplusgrandepartiede sontemps.Àcetteépoque,unerevuedeParis,L’Échode laJeuneFrance, l’a contacté pour être son correspondant à Bayonne,crééun«comité»etl’ainvitéàrédigerdesarticles.Cetterevue,dont le sous-titre était « Journal des Progrès par lechristianisme », avait été créée en 1833 parArthurBerryer, lefils du célèbre avocat et homme politique légitimiste, et seflattaitd’avoirdanssoncomitéderédactiondegrandsécrivains,telBalzacouLacordaire.DansleProspectus,quifigureentêtedu premier numéro, la revue se donne pour programme dedéfendre« labelleFrancechrétienneet royaliste«et lanceunappel enthousiaste : « Amoureux de la vieille monarchie,amoureux du vieux génie, amoureux de la belle France, venezavecnousparlegrandsentier,parlesbellesroutesroyales,parlescheminsresplendissantsdegloire;venezavecnouscartoutcegoût,toutcegénie,toutecettevertu,toutceladoittrouverunécho parmi les jeunes gens de France qui veulent marcher enavant.»10L’abbé Cestac déclina l’invitation qui lui était faite. Il

s’excusadenepasavoirréponduplustôt:«Sijen’aipasécrit,c’est que je n’ai pu écrire, absorbé, ou plutôt écrasé par unministère extrêmement laborieux, allant sans cesse duconfessionnal à la chaire, de la chaire au confessionnal, ou

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auprès des malades, je n’ai pu trouver un seul instant pourprendrelaplume.»11

1.Registre (ArchivesdudiocèsedeBayonne).Dans sesNotesmanuscrites, l’abbé Cestac relève qu’il fut nommé le 25 août(jour de sa fête, la saint Louis) et qu’il est entré en fonctiondeuxjoursplustard,le27août,quiétaitunsamedi,jourdédiéàlaViergeMarie.2.Notesmanuscrites,p.33.3.Notesmanuscrites,p.19.4.Notesmanuscrites,p.33.5.Statutssynodaux,op.cit.,p.118-122.6.FrançoisRENAULT,Le cardinalLavigerie, Fayard, 1992, p.14etInquisitio,p.165.7.PubliédansInquisitio,p.136-137.8.Lettredu14mars1831,Lettres,t.I,p.218.9. Cette jeune fille, après « une succession d’événementsdivers»,épousa«unrichevicomtequiluidonnasonnometsafortune»(Notesmanuscrites,p.35).Maiselleoublia,semble-t-il,celuiquiavaitété,danssajeunesse,unprotecteursecourable.10.L’EchodelaJeuneFrance,n°1,avril1833,p.1.11. Lettre du 4 octobre 1835, publiée dans Inquisitio, p. 138-139.

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1.Notesmanuscrites,p.39.2.DuboscdePesquidoux,p.30.3.Notesmanuscrites,p.39.4.LettrepubliéedansInquisitio,p.192-193.5.Sortedepainàbasedefarinedemaïs.6. Josette PONTET-FOURMIGUÉ, Bayonne, un destin de villemoyenneàl’époquemoderne,Biarritz,J&Déditions,1990,p.540.7.«Duranttroisans,nonsanspeine,jel’avoue,jepourvusauxbesoins et à l’éducationdemespetites adoptées» (DuboscdePesquidoux,p.30).8.Notesmanuscrites,p.40-41.9.DuboscdePesquidoux,p.30.10.LettrereproduitedansInquisitio,p.192-193.11.Notesmanuscrites,p.44.12.Notesmanuscrites,p.45.13.Notesmanuscrites,p.46.14. Registre des orphelines, Archives de la Congrégation desServantesdeMarie(Anglet).15.Notesmanuscrites,p.46.16.Notesmanuscrites,p.46.17. Registre des Orphelines de Marie (Archives de laCongrégationdesServantesdeMarie,Anglet).18. Registre des Orphelines de Marie (Archives de laCongrégationdesServantesdeMarie,Anglet).19.Lettredu10juin1837,Choixdelettres,p.5.20.Notesmanuscrites,p.46.21. Madeleine GUILLEBAULT, Sainte Jeanne-Elisabeth,

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fondatricedesfillesdelaCroix,LaPuye,1992.22.Lettredu17décembre1837,Lettres,t.II,p.1-5.23. Si la cuisine était assurée par une ou deux orphelines,dirigéesparune«maîtresse», unpieux laïc,M.Tachon, sansêtre employé par l’orphelinat, rendra, pendant des années, demultiplesservicesmatériels.

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L

Chapitre6Ausecoursdesprostituées

a prostitution était un des fléaux de Bayonne, ville degarnisonetvilleportuaire.Beaucoupdesjeunesfillesdes

campagnesduPaysBasque,duBéarn,oudesLandesvenaientàBayonnetenterleurchance,commedomestiquesouemployées1.Uncertainnombred’entreelles,«sansexpérience,libéréesdelatutelledeleursparents»2,seretrouvaient,parappâtdugainouparnaïveté,livréesàuneexploitationsordide.Les autorités tentaient de combattre ce fléau,mais de façon

sporadiqueet sans se soucierdemettreenplace,dans laville,les moyens d’une réinsertion sociale : « De temps en temps,dans lesboutiquesquibordent l’Adour, des rafles avaient lieupendantlanuit;lapolice,alors,peuplaitlaprison‘‘Mignon”delocatairesd’ungenreparticulier:certainesjeunesfilles, jugéesrécupérables,étaientembarquéesvers les îles lointaines,Saint-Domingueen tête ; lesautresattendaientd’être relâchéespourreprendreleurtristecommerce.»3C’est progressivement que l’abbé Cestac a été amené à

s’occuper des prostituées deBayonne. Il a raconté comment ilfut embarqué, comme malgré lui, dans cette nouvelle œuvrecharitable:«Unmatin,jerécitaismonbréviaire.Mamère,aveclaquelle j’habitais,vintm’interrompre,etmeditqu’unefemmejeune,quiavaitl’airmalheureux,demandaitavecinstanceàmeparler.Jelafisentrer.Cettefemmeétaituneprostituée,qui,auxpremièresquestions,sejetaàmespieds,m’avouantaveclarmesdequellieuellevenait,etmesuppliantdelasauver.Uneheure

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revenus auGrand-Paradis, et enmême temps pour qu’elles seconstituentunpetitpéculequileurseraitconservéjusqu’àleurdépartdel’orphelinat.L’abbé Cestac, toujours vicaire à la cathédrale, et toujours

logé chez samère, passait fréquemment auGrand-Paradis (pasassez souvent se plaignait affectueusement Élise). Mais leursrelations passaient aussi par des lettres. Une petite orphelineallaitporterlalettred’Éliseàl’abbé,etcelui-ciluirépondaitparune lettre qui prenait lemême chemin, ramenée par une autrepensionnaire.

LepèlerinageàBuglose

Si,danscettepérioded’hésitationetderecherche,beaucoupont cherché à décourager l’abbé Cestac ou ont émis des avissceptiques, il a reçu aussi des encouragements qui l’ontconforté.Il se souviendra d’un conseil que lui avait donné, quelques

mois plus tôt on l’a vu, la fondatrice des Filles de laCroix àproposdesfillesabandonnées:«Nelesenfermezpas,laissez-leslibres;j’aitoujoursremarquéquelorsqu’ontenaitleschatsenfermés,celalesrendaitfurieuxetqu’ilscherchaientdetoutemanière à s’échapper ; qu’au contraire, lorsqu’on les laissaitlibres, portes et fenêtres ouvertes, ils demeuraient calmes ets’endormaient.»30Il recherchait donc une maison à la campagne. Il visita

plusieursmaisons,àUstaritz,àSaint-PéetàHasparren.Aucunene convenait, pour une raison ou pour une autre, et l’argentmanquait toujours ; « Je marchai donc en aveugle et dans levide»diral’abbéCestac.Pouryvoirplusclair,ilserendit,pourlapremièrefoisdesa

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vie, en pèlerinage à Notre-Dame de Buglose, principalsanctuairedesLandes,oùlaViergeMarieestvénéréedepuisleXVesiècle.SaintVincentdePaulestné,nonloindelà,àPouy(aujourd’huicommunedeSaint-Vincent-de-Paul).Lepèlerinagemarialétaitdoncaussiunpèlerinagevincentien.L’abbéCestacs’y rendit le 19 juillet 1838, pour la fête de saint Vincent dePaul.IlserenditdeBayonneàDaxenvoiture,puispoursuivitàpiedjusqu’ausanctuaire,aumilieudespins.Ilavaitl’intentiondedemanderà laViergeMarie l’argentnécessaireàsonprojet(50000francs).Mais,dira-t-il,«vousmefermâteslabouche,etvousmefîtesentendrecetteparole,sidignedevousetdevotregrandeur, ô ma divine Mère : ‘‘Ne me demande que monesprit”.31»Il s’agissait d’une nouvelle parole intérieure. Cette parole,

reçuedanslecœur,éclairait,indiquaitunedispositiond’espritàgarder,maisnedonnaitpaslasolution.Peu de temps après sa visite àBuglose, il fit une rencontre

qui lui parut, sur le coup, décisive32. Un évêquemissionnairefrançais, Mgr Flaget, évêque de Bardstown, aux États-Unis,faisait une tournée en France en faveur de l’Œuvre de laPropagation de la Foi. En un an, d’octobre 1837 à la fin del’année1838,l’évêque-missionnaireserenditdansaumoinsunequarantainedediocèses,visitant lesévêques,prêchantdans lescathédrales et d’autres églises, visitant aussi des communautésreligieuses33. En juillet 1838, alors qu’il était de passage àBayonne et résidait au séminairede la ville, il passadevant leGrand-Paradis.Ils’intéressaàl’œuvredel’abbéCestacetàsonprojetd’unétablissementséparépourlesanciennesprostituées.Illuiconseillad’écrireàlasupérieureduBonPasteurd’Angers,MèreMarie-EuphrasiePelletier, que nous avons déjà évoquée.« Cette communauté abonde en religieuses et en ressources

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pécuniaires,dit l’évêqueà l’abbéCestac ;ellenedemandepasmieuxquedefonderdenouveauxétablissements;proposez-luiceluiquevousavezenvue,ellel’accepteradesuite.L’œuvresefait et vous êtes libre ; écrivez-lui dema part et dites-lui quec’estmoi-mêmequivousaiouvertcettevoie»34.DanssesNotes, l’abbéCestacdit simplementqu’il écrivit à

Mère Marie-Euphrasie et « que la réponse de la bonneSupérieurene se fit pas attendre : elle était affectueuse,mêmecommunicative[…]Mais laconclusionétaitbiendifférentedecellequej’attendais.Elleterminasalettreenmedisantqu’elleétait disposée à m’envoyer des Sœurs pour la direction d’unRefuge, mais à condition que je mette à leur disposition unemaisonmontée.Cetteréponseéquivalaitàunrefus.»35Leschosesnesesontpastoutàfaitpasséescommecela.La

correspondance de Mère Marie-Euphrasie permet d’éclairerl’épisode différemment. Le 30 juillet, l’abbéCestac lui a écritpourlapremièrefois.Illuiafaitpartdesadéterminationàveniren aide aux prostituées désireuses de sortir de leur condition,mais il a dit aussi son manque de ressources. Il a évoquéégalement, semble-t-il, un « magnifique local [qui] était àvendre, à quelque distance de la ville »36. En réalité, iln’entendait pas se décharger de son projet sur la congrégationduBon-Pasteur,maisilattendaitd’elleuneaidefinancièrepouracheterlamaisonenvisagéeetl’envoidequelquessœurspourleseconder. Le 5 août suivant,M.Marie-Euphrasie écrivait à lasupérieureduBonPasteurdeNancy:«Hiermatinnousavonsreçu une demande en règle de la ville de Bayonne qui nousdemandepourquatredépartements ; la lettreestsignéeensuitepar l’évêque de Bardstown, le saint, et on m’y dit que lesanciennesmaisonsn’offrentplusdesecours,etc.»37.Donc, lamunicipalité de Bayonne et Mgr Flaget avaient appuyé

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mais des rappels ou des précisions. Ainsi, la « Mère desorphelines» a autorité sur lesdeuxmaisons (Grand-Paradis etNotre-Dame du Refuge). Comme « mère supérieure » elle«nommeàtouslesemploisdesdeuxmaisons»,mais«toutdoitsefaireavecgrandespritdedouceur,decharitéetdesimplicité,ilserabonqu’elles’entendeaveclamèredespénitentes».CesinstructionsauxServantesdeMarieseterminentparune

longueexhortationsur«laconfianceenlaDivineProvidence»et la dévotion à la très sainte Mère de Dieu. Vous devezconsidérer Marie, « comme votre vraie Supérieure et bonneMère»,répètel’abbéCestac.Cette lettre écrite à Melleray, plus qu’une Règle est une

charte de fondation. Elle sera jointe aux Constitutions quel’abbé Cestac écrira, plus tard, à Bétharram et elle est restée,tout au long de l’histoire des Servantes de Marie, jusqu’àaujourd’hui,untextederéférence.

ÀParis

Après son séjour àMelleray, l’abbé Cestac ne retourna pasimmédiatement à Bayonne. À Nantes, il s’embarqua sur unbateau à vapeur qui lemena, en trois jours, àOrléans. Puis ilpritunediligencejusqu’àParis.Ilyrestaquelquesjoursetpritpension«chezunebonnedemoiselleassezâgée».Le samedi, il se rendit à l’église Notre-Dame des Victoires

qui, depuis quelques années, connaissait un renouveau deferveuretattiraitungrandnombrede fidèles.Lecuré,CharlesDesgenettes, avait, à la fin de 1836, envisagé de démissionnerdevantlepeuderésultatsobtenusdanssaparoisseetsonéglisetrèspeufréquentée.Puislesamedi3décembre1836,alorsqu’ilcélébraitlamesseàl’auteldelaVierge,aumomentduSanctus,

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il avait reçu une parole intérieure : « Consacre ta paroisse auCœur Immaculé de Marie »53. Il avait hésité puis le 11décembre,àlamessedudimanche,ilavaitannoncéuneréunionde prières, le soir, pour la conversion des pécheurs.À l’heurefixée,ilavaitconstaté,avecsurprise,uneaffluenceconsidérabledefidèles.Le12janvier1837,ilfondaitlaConfrérieduSaintetImmaculéCœurdeMarie.Depuis,lafréquentationdesonéglisen’avait pas baissé et de nombreux cas de conversion et deguérisons, à l’autel de laVierge, étaient rapportés.UnManuelde prières, édité au début de 1839, connaissait un énormesuccès.Lapressecatholiqueévoquaitfréquemmentlerenouveaudela

foietdelapratiquereligieusedanscetteparoisseparisienne.Lagrâcedont l’abbéDesgenettesavaitété lebénéficiaireavaitétéconnue.Iln’estdoncpasétonnantquel’abbéCestac,depassageàParis,aitvouluserendredanscetteparoissedu«miracle».DanssesNotes,ilracontecomment,grâceàuneintervention

de l’abbé Desgenettes lui-même, il put célébrer la messe àl’autel de la Vierge. Les deux prêtres, si dévots à la SainteVierge, eurent aussi une fervente conversation puisque l’abbéDesgenettes offrit à l’abbé Cestac le Manuel del’archiconfrérie;«je[le]reçuset[l’]emportaiavecbonheur»dira-t-il.À Paris, l’abbé Cestac put également revoir certains de ses

« anciens et vénérablesmaîtres deSaintSulpice», notammentM.Carrière.Ilcrututileaussid’allerrendrevisiteàunBayonnaisdevenu

richeetcélèbre, JacquesLaffitte.Nédansune famillemodesteet nombreuse (son père était charpentier et avait dix enfants),Laffitteavaitcommencéparêtreapprenticharpentier,puisétaitdevenuclercdenotaire avant demonter àParis où il avait été

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engagé par le banquier Perrégaux. Il fit une belle carrière aupointdedevenirl’associédubanquieren1807.En1809,ilétaitnommé régent de la Banque de France. En 1816, il était éludéputé, libéral, de Bayonne. Étant un des instigateurs de laRévolutionde1830,ilfut,pendantquelquesmoisPrésidentduConseil etministre desFinances. Il connut alors un très graverevers de fortune, mais il put fonder une nouvelle banqued’affairesen1836.C’est donc un homme important, influent, encore riche, et

réputé pour sa générosité, que l’abbéCestac est allé visiter enaoût 1839 dans son hôtel particulier dans l’ancienne rued’Artois(devenuerueLaffittedepuis1830!).L’entretienfuttrèsbref et sec. L’abbé Cestac l’a rapporté ainsi dans ses Notesmanuscrites : «Onm’introduisit.M.Laffitte était assis à sonbureau.–Quedemandez-vous?medit-il.–Monsieur,jevenaiscomme Bayonnais vous faire connaître une petite œuvre decharitéquejeviensdefonderàBayonne.–Qu’avez-vouspourlasoutenir?–LaProvidenceetlesgenscharitables.–Donnez100francsàM.l’Abbé.Cefuttout.Jemelevai,lesaluaid’unesimpleinclinationd’actiondegrâceetjepartis».Le don était minime, pour un homme dont la fortune était

encoreestiméeà4millionsdefrancs(cequ’ignoraitsansdoutel’abbéCestac).Maissurtoutilavaitétéfaitsansélanducœuretsansquelerichebanquiernes’intéresseàl’œuvredeceluiquiétaitvenulevisiter.Encore à Paris, il adressa une longue lettre auMinistre des

Cultes pour l’informer de ses fondations de Bayonne etd’Anglet. Il expliquait notamment pourquoi à Notre-Dame duRefugeilallaitemployerlesrepentiesauxtravauxagricoles:« 1° La difficulté d’entretenir l’établissement par les

ressourcesdelacharité,vul’insuffisancedestravauxd’aiguilleque jen’excluspas cependant, tandisquedansune institution

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congrégationreligieuseetàladoterdeRègles.Dèslesjourssuivants,audébutdumoisdedécembre,l’abbé

CestacpartitàBétharram.Ilvoulutécrirelesconstitutionsdelafuture congrégation à l’ombre d’un sanctuaire qu’il vénérait etdans la communauté de son ami Michel Garicoïts. Plus tard,dans une lettre à une religieuse, il racontera comment il ad’abord été dans l’incapacité de rédiger quoi que ce soit puiscomment, grâce à l’intercession de saint Joseph, « premierpatrondel’œuvreetlieutenantgénéraldelatrèssainteVierge»,tout s’est dénoué : « J’étais allé àNotre-Dame de Bétharram,pour y faire les Constitutions de l’œuvre. Depuis le samedijusqu’aumercredi,pasunseulmotneputtomberdemaplume.Lemercredi,jemesentisinspirédem’adresseràsaintJoseph;jedislasainteMesseàsonautel,et,rentrédansmachambre,jeprislaplume;commed’unseultrait,j’arrivaiàlafin,sansavoiréprouvélemoindreembarras.»1Le9décembre,ilavaitachevélarédaction.Le texte en est assez bref, ne comprenant que six articles

longuementdéveloppés2 :Del’origineetducommencementdela congrégation des Servantes de Marie ; Constitutionsgénérales ; Les conditions d’admission ; De l’admission despauvresOuvrières deMarie ; desObligations et exercices despauvres Servantes deMarie ; De l’élection et nomination dessupérieurs;Desdiversemplois.Il s’agissait d’institutionnaliser, en quelque sorte, les

communautés déjà existantes ; de formaliser, canoniquement,desrèglesdéjàsuivies(mêmes’ilyadesdispositionsnouvelles)et d’organiser les différentes missions confiées à lacongrégation.Unedesnouveautésdecesconstitutionsde1841est l’apparition de ce que l’abbé Cestac appelait une«communautésecondaire»:lesOuvrièresdeMarie.Àcôtédes

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ServantesdeMarie,maissousleurdépendance,lesOuvrièresdeMarie,quiétaientadmisesàfairedesvœux,seraientappeléesàaccomplir des tâches matérielles « selon les besoins et lesconvenances ». Ne seraient exigés d’elles ni dot, ni mêmetrousseau,niqu’ellessachentécrire,«ilsuffiraqu’ellessachentlire».Dans l’espritde l’abbéCestac, ils’agitde«faireentrerdans la vie religieuse […] des personnes que leur positionsemblaitenéloignerpourtoujours.»UnefoislesConstituionsachevées,l’abbéCestacallaporter

letexteàMgrLacroix,quilesétudiaàtêtereposée.Aprèsunehuitaine de jours, l’abbé Cestac retourna à l’évêché. MgrLacroixfit«quelquesobservationstrèslégères»surletextedesConstitutionsetfixalejouroùseferaitl’institutioncanoniquedelanouvellecongrégation.Le 4 janvier 1842, l’évêque de Bayonne pouvait écrire à

l’archevêque de Toulouse : « Depuis quelques jours, lesconstitutions et les règles sont approuvées par moi et c’estaprès-demainquelessœursdoiventfaireleursvœux.Cesvœux,qui sont ceux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, sontannuels, et ce n’est qu’au bout de dix ans qu’on leur permetd’enfairedeperpétuels.[…]TouteslesSœursquifontpartiedecet Institut naissant sont pieuses, ferventes, et donnent degrandesespérances.»3

Lespremiersvœux

Lacérémonieeut lieu le6 janvier,en lafêtede l’Épiphanie,danslachapelledeNotre-DameduRefuge.MgrLacroixvintàpied, de Bayonne, accompagné de son secrétaire, l’abbéFranchistéguy. L’abbéCestac a raconté : « Le temps était sec,maistrèsfroid.Leschemins,couvertsdeglace,nepermettaient

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ni cheval, ni voiture. Monseigneur dut donc venir à pied. Lapauvretéétaitextrême:nousn’avionspasunpeudeboispourfaire chaufferMonseigneur ni pour lui donner un peu de laitcuit.Et si l’onput réussir à ramasserquelquesbroussailles, lesouffletnousmanquaitpourallumerlefeu.Maiscettepauvretémêmenousdonnaitunsujetdejoieetdeconsolation;etjedoisledireici,ômadivineMère,Monseigneursemontradanscettecirconstance ce qu’il était : un vrai saint. Il était radieux dejoie!»4Quatorze jeunesfillesprirent l’habitdesServantesdeMarie

et treize d’entre elles prononcèrent leurs premiers vœux5,s’engageantàvivreselonlesConstitutionsapprouvéesparMgrLacroix.Unmois plus tard, le 4 février, SœurMarie-Joseph et deux

autres Servantes de Marie partirent au Collège Royal deToulouse(quideviendra,plustard,leLycéedeToulouse).Elless’occuperontde la lingerieetde l’infirmerie.La situationétaitassez particulière. Le Collège royal de Toulouse était unétablissement d’État, dont la direction et le corps professoralétaienttouslaïcs.Maislaprésencedereligieusesnefutpassanseffets.L’archevêque deToulouse le dira, quelques années plustard, dans un rapport adressé au pape Grégoire XVI :«L’Universitéa,dansToulouse,unCollègeRoyal,quiest,parconséquent, sous le régime universitaire. Il y a un aumônier,comme dans les autres collèges de ce genre. Un proviseurestimable par ses sentiments religieux y avait appelé desreligieuses pour prendre soin des malades. Cette circonstancepeutêtrecauseduplusgrandnombredepensionnairesqu’onyvoitdepuisquelquesannées.»6Le2avril1842,lamèredel’abbéCestacquittasamaisonde

Bayonneet s’installaàNotre-DameduRefuge.L’abbéCestac,

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pleinair.[…]Dernièrementjesortaisdelacabanepourrevenirà Notre-Dame ; c’était par une matinée bien froide ; je lesrencontrai la pioche à la main, pouvant à peine la tenir, etnéanmoinstravaillantdetoutesleursforces.Cettevuemefitdubien.»10

LahainedeChaho

L’orphelinat du Grand-Paradis continuait une vie plutôtprospère.En1846, ilyavaitseptentréesnouvelles,et,dans lemême temps, plusieurs jeunes filles en sortaient ayant trouvéuneplacedansdesfamillesdeBayonneoud’ailleurs11.Entréeset sorties s’équilibraient à peu près : l’orphelinat comptait 25pensionnairesàlafindel’année1846.À Notre-Dame, le nombre des entrées était beaucoup plus

élevé. Il fallait trouver de nouvelles ressources pour lacommunauté. Aussi, à côté des autres activités qui semaintenaient à Anglet, les Servantes de Marie, à partir denovembre1846, tinrentune« tableà lahalle»,c’est-à-direunétal au marché couvert de Bayonne. Elles y vendaient « deschapelets, des tapis, des porte-montres, des bas, desmitaines,desbiscuits,descordons,desscapulaires,etc.,etautrespetiteschoses confectionnées àNotre-Dame »12. Bientôt, ce sont desstatues de la Vierge Marie, moulées en plâtre, qui sontfabriquées à l’orphelinat et vendues, mais sans rapporterbeaucoupd’argent.Lavie,modesteetmêmepauvre,desServantesdeMarie,des

Orphelines,desPénitentes,etdel’abbéCestaclui-même,auraitdûconvaincretoutbayonnaisdebonnefoi.Pourtant,àpartirde1846 et jusqu’en 1848, un journaliste de Bayonne, AugustinChaho, va prendre pour cible l’abbé Cestac, de manière

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grossièreetdiffamatoire.L’abbéCestaceneutlepressentimentle19juillet1846,lors

de son pèlerinage traditionnel à Buglose pour la fête de saintVincentdePaul.Alorsqu’ilcélébraitlamessedanslachapelle,il eut, dira-t-il, « une vue d’une grande croix qui m’étaitpréparée et que je trouverais en allant àBayonne»13. Il s’agitnon pas d’une vision, mais plutôt d’un pressentiment fort. Lelendemain,deretouràBayonne,ildécouvraitdanslejournallepremierarticledeChaho,dirigécontreluietsonœuvre.Augustin Chaho (1811-1858) s’était signalé très jeune par

deuxouvrageshostilesauchristianisme :Parolesd’unvoyant,en1834,enréponseauxParolesd’uncroyantdeLamennais,etPhilosophie des révélations, en1835, qui contestait toutes lesreligions révélées14.À partir de 1844, il publia àBayonne unjournalquiparaissaittroisfoisparsemaine,Ariel:CourrierdesPyrénées. La publication se signalait par son hostilité à laMonarchiedeJuilletetàl’Églisecatholique.Àpartirde juillet1846,donc, ilmultiplia lesarticlescontre

l’abbé Cestac et Notre-Dame du Refuge. C’était un déluged’accusations infondées, de calomnies et de dérision. Bientôtl’abbéCestacécritàunesœur:«Lescalomniesm’environnentdetoutesparts.Ilestimpossibled’énumérertoutesleshorreursquisedisentsurmoncompte.Iln’yapasd’infamiequel’onnedébite,etpartout.Dernièrement,enpassantdevantunefouledemonde,deuxjeunesgensm’apostrophèrentd’unevoixélevéeenm’appelant minge-piastre, c’est-à-dire avare et entassant del’or.»15Unmoisplustard,ilécritàuneautrecorrespondante:« Il n’y a pas encore une demi-heure que, passant par laPoissonnerie, en revenant de la cathédrale, j’ai été insulté,outragé de paroles par de pauvres jeunes gens qui croyaientpeut-êtremefairedelapeineetquimecomblaient,aucontraire,

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d’unedoucejoie.Oui,machèreenfant,vivelacroix!etqu’ellevivesurtoutdansnoscœurs!»16Onneciteraqu’unexemple.Dansunarticleintitulé«L’abbé

Cestacetlebœufparalytique»,ChahoaccusaitlefondateurdeNotre-DameduRefuged’avoir,paravarice,achetéàbasprixunbœuf impropre à la vente et de le donner à manger à sesreligieuses.L’articleseconcluaitparunenote ironique :«Lesvierges cloîtrées ont des estomacs à l’épreuve de toutes lessortesdeviandes.»17L’abbéCestacneréponditjamaisàcesoutragesetl’onverra

que,plustard,ilaural’occasiond’ungestedecharitéàl’égarddesonpersécuteur.

Joiesetépreuves

Le début de l’année 1847 futmarqué par le renouvellementdes vœux pour cinq ans que prononcèrent les Servantes deMarielesplusanciennes.LademandeestvenuedeSœurMarie-Madeleineetd’autressœursquiaspiraientàunengagementplusdurable,etnonplusausimplerenouvellementannueldesvœux.L’abbé Cestac n’a pas donné une réponse immédiate18. Il aréfléchi et prié, il a sans doute consultéMgr Lacroix, puis lacérémonie a lieu le 6 janvier 1847, dans la chapelle deNotre-Dame du Refuge. Huit prêtres du diocèse entouraient l’abbéCestac.Dans cette même période, le Grand-Paradis traversait des

turbulences.Le3décembre1846,SœurMarie-Madeleineavertitl’abbéCestacdansunelettre:«Lacommunautén’étantpastropbien, il pourrait y avoir unpeude révolte. »19Quelques joursplus tard, elle écrit à une autre religieuse : « Depuis quelquetempsnousavonsdes croixau sujetdes enfants.Priez ; faites

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la formatrice des futures sœurs institutrices. Le 13 décembre1850, ilpeut écrire :«Hiernousavonscommencéàorganiserlesleçonsdel’enseignement.»4Jusqu’àsamort,seizeansplustard, Sœur Marie-Saint-Jean sera, pour l’abbé Cestac, unecollaboratriceprécieuse.En mars 1851, cinq Servantes deMarie se rendirent à Pau

pour passer l’examen du brevet d’enseignement. Toutes furentreçues.En août de lamêmeannée, trois autres furent reçues àPauettroisàToulouse.Parlasuite,onleverra,lesServantesdeMarie pourront enseigner sans avoir ce brevet d’enseignement,enprésentantseulementunelettred’obédience.

Les«Nazareth»

Quasiment toutes les écoles que l’abbé Cestac et sacongrégation vont être appelés à ouvrir étaient situées, à cetteépoque, dans des villages ou de modestes bourgades decampagne. Iln’yavait, leplussouvent,qu’uneclasse, soituneou deux dizaines d’élèves. Avec bon sens et sagesse, l’abbéCestac ne voulut jamais confier l’école à une seule sœur et ilvoulaitquelamaisonquiaccueillelaclassesoitaussicelleoùlogeraient les sœurs.Ouvrir une école signifiait donc toujoursfonder une petite communauté, que l’abbé Cestac appelait un«Nazareth».Un«Nazareth» comptait toujours trois sœurs :uneétaitchargéedefairelaclasse,àladeuxièmeétaitconfiéeladirectiondestravauxmanuelsauxquelsétaientforméesaussilesfilles, une troisième s’occupait des tâches ménagères et dujardin.Carlessœursdesécolesétaientappeléesàvivrecommelesgensduvillagequi les accueillait et à subvenir, autantquepossible,àleursbesoins.L’abbéCestacveillatoujoursàobtenirl’accord du maire du village et à ce que les sœurs restent en

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bonneententeaveclecurédelaparoisse.Après les examens demars 1851, les trois premières écoles

s’ouvriront :àMaslacq,àCastetisetàMoumour; toutes troisdanslesBasses-Pyrénées.Parlasuitedesécolesserontouvertesdansd’autresdépartements.

LeSyllabaire

Dèscetteépoque, l’abbéCestac,avecl’aidedeSœurMarie-Saint-Jean,amisaupointunenouvelleméthodepourapprendreà lire, à écrire et des rudiments d’orthographe. Elle futapprouvée par l’évêque de Bayonne le 12 janvier 1852 et futéditéequelquesmoisplustard.Lemanuelde123pages,intituléSyllabaire,secomposaitde

huit«exercices»,avecplusieursleçonschacun5.Oncommencepar l’apprentissage des lettres, puis celui des syllabes les plussimples (ai, au, eu, oi, ou, etc.) et des dix chiffres de base.L’apprentissage est progressif et dès le troisième exercice, onfait lire ou réciter aux enfants dix-huit phrases simples, endécomposé syllabique, toutes à connotation religieuse oumorale:1°Di-euse-ralepè-redel’â-mefi-dè-le.2°Ma-riese-ramamère.Etc.Mais leSyllabairen’estpasqu’unmanuelpourapprendreà

lireetàécrire,c’estaussiunlivred’instructionreligieuse.Unegrandepartiedulivreestcomposéedeprièresetdestextespourl’enseignementdelafoi(leNotrePère,l’AveMaria, leCredo,leConfiteor, lescommandementsdeDieu, lescommandementsde l’Église, les actes de foi, d’espérance, de charité et decontrition).Ilcontientaussil’ordinairedelamesseenlatineten

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français, l’ordinaire des vêpres du dimanche et un « Petitexamendeconscience»pourpréparerunebonneconfession.CeSyllabaire, qui sera réédité à plusieurs reprises, était un

manuelàl’usagedesmaîtressesetdesélèves.Pour les élèves, l’abbé Cestac et Sœur Marie-Saint-Jean

mirent aupoint ungrand tableauqui était accroché aumurdechaque classe.Largede 1,70m, haut de 0,70m, il comportaittoutesleslettresdel’alphabet,enmajusculesetenminuscules,les principales syllabes et les chiffres de 0 à 9. Lamaîtresse,avecunerègle,guidait lalecturedesenfantssurletableau.Aucentre, un espace blanc permettait aux enfants d’écrire dessyllabesetdesmotsenaccrochantlesunsàcôtédesautresdescartons comportant chacun une lettre. Un petit livret de seizepages fut édité qui donnait à la maîtresse la méthode pourutiliser le tableau et apprendre aux enfants à écrire et lesrudiments de l’orthographe6.À la fin du livret figurait la listedes mots « dont il est important que les enfants connaissentl’orthographe».Ilyenavaittrente-quatre.LeSyllabaireetsonGuideresterontenusagedanslesécoles

desServantesdeMariejusquedanslesannées1881aumoins.

LesConstitutionsdesBernardines

C’est à l’époqueoù s’ouvraient les premières écoles, que labranche contemplativedesServantes deMarie trouva sa formedéfinitive.On l’a vu, les Pénitentes de Saint-Bernard, appelées plus

familièrementBernardines,sontnées,presquespontanémenten1846.Ellesontcommencéàmeneruneviesolitaireetmortifiéeavant que des règles complètes soient élaborées. Commetoujours, l’abbéCestac ne s’est pas précipité pour donner une

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et profitable. La maison du pauvre attire le pauvre. Souventtrenteàquarantemendiantsseréunissentàlafoissurcesbancs.L’aumôneconsisteàmidienunesoupe,lamêmequecelledelacommunauté,etparécuelléesaussinombreusesquelecomportesur place la faim du mendiant. Le reste de la journée, ondistribueàchacundupainentellequantitéquebesoinest.[…]L’abbéétablitbientôtdesdistributionsgénéralesdevêtementsetdecomestiblesàl’occasiondesfêtesdePâquesetdeNoël»30.Quanddesmisèresplusgrandessurviennent,l’abbéCestacy

répond. En 1855, la France et plusieurs pays d’Europe sontfrappés par une épidémie de choléra. Ce sont les soldatsrapatriésdeCriméequiontintroduitlamaladiecontagieuseenFrance. Bayonne et sa région sont touchées à partir du moisd’août et jusqu’en octobre. Un étudiant en médecine, qui asoigné les malades dans l’arrondissement de Bayonne et quiconsacrerabientôtsathèseàl’épidémie,rapporte:«Lecholéra,danssesmanifestations,asévisansaucunedistinctiond’âge,desexe,deconstitutionetdetempérament.C’estainsiquel’enfantet le vieillard, le tempérament sanguin et le lymphatique,l’homme fortement constitué et celui doué d’une constitutiondébile, le riche et le pauvre ont eu à subir plus ou moinsfortementl’imprégnationcholérique.»31Cefutle26aoûtqu’onsignala lespremiersmortsdans la région,«des individusbienportants la veille étaient pris subitement de vomissements, dediarrhée, de crampes, et succombaient dans l’espace de dix àdouzeheures».Ilyeut,aupicdel’épidémie,jusqu’à40mortsparjouràBayonne.Les Servantes de Marie essayèrent de venir au secours des

victimes du choléra à Anglet, à Bayonne et dans d’autreslocalités.L’évêquedeBayonnelui-mêmesollicitelesServantesdeMarie. Le 9 septembre, il écrit à l’abbé Cestac qui a déjà

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envoyé des sœurs à Saint-Palais et ailleurs : « Je suis trèssensibleàvotrecharitéetaudévouementdevoschèresSœurs.JesuisbienaisequevousvoussoyezbornéàtroisSœurspourSaint-Palais ;carvoiciqued’après le rapportqueM. leSous-Préfet est venu me faire cet après-midi la pauvre paroisse deGuiche est dans une plus grande souffrance qu’aucune autre.Danslequartierquiestauborddel’eauetquiestleseulatteint,l’étatdespauvresmaladesqu’ilavusestaffreux ; ilm’aparléd’unménageoù,surlemêmelit,ilatrouvélepèremort,lamèreàcôtéducadavredesonmarietunejeunefillesedébattantsurunpeudepailleaveclamort.C’estàfendrelecœur,etpersonnedanslequartierpoursoignerlesmalades.SilaquatrièmeSœurquevousvousproposiezd’envoyeràSaint-Palaispouvaitalleravec une autre dans ce pauvre quartier de Guiche, je leurremettrais une aumône pour soulager les nécessités les plusurgentes.»32LesServantesdeMarie se sont engagées sans compter dans

cequel’abbéCestacaappelé«legrandcombatdelacharité».Ilavaitaussiunevisionsurnaturelledelasituation:l’épidémieest un châtiment divin et l’occasion pour les sœurs de sesacrifier.Ilécritàunesœurquisoignelesmaladesducholéra:« Avant tout, la charité, ma bien chère enfant. Restez où ladivineMaîtressevousaenvoyée,etdévouez-vouspourconsoler,soigner et sauver ces pauvres victimes de la justice divine, cesâmes qui se sauveront par la pénitence et l’abandon à lasouveraine volonté de Dieu. »33 Vingt-sept sœurs payèrent deleurvieleurdévouementauprèsdesmalades.Quelquesannéesplustard,dansunelettrecirculaireadressée

auxSœurs,ilrappelleral’impératifdelacharitéquidoitanimerlacongrégation:«Necroyezpasquelacommunautésoitriche.Oh!non,ellenel’estpas,elleneveutpas l’être,parcequela

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divineMaîtressenel’apasété.C’estprécisémentparcequ’elleest pauvre qu’elle a le sentiment très vif de la misère et dessouffrancesdupauvre,toutenayantlenécessaire.[…]Jevousledispuisquenoussommesenfamille,jevousledismêmeavecbonheur,etvousserezaussiheureusesdel’apprendre,plusquejamaisnotrebonneMaîtresseaouvertdanssonœuvrelesportesde la charité ». Et comme l’hiver 1861 était particulièrementrigoureux, l’abbé Cestac a pensé aux pauvres qui seprésenteraient au Refuge et au Grand-Paradis : « Dès lecommencement de lamauvaise saison, elle nous a fait acheterpour les pauvres plus de mille francs d’effets d’hiver :couvertures de laine et tricots de laine, chemises, pantalons,draps de lit, vêtements d’hommes, de femmes, d’enfants…Enmême temps, elle inspire aux pauvres de venir, ils viennentfidèlement et engrandnombre. Ils sont heureuxde recevoir lacharitéetnousplusheureuxdelaleurdonner:c’estnotrejoie,notreconsolation,notrebonheur.»34

EnEspagne

L’EspagnevaêtrelepremierpaysétrangeroùlesServantesdeMarie vont exercer leur apostolat. Un prêtre originaire deBayonne,l’abbéHarriet,étaitdevenurecteurdelaparoisseetdel’Œuvre Saint-Louis-des-Français à Madrid. Il fit appel à lacongrégation de l’abbé Cestac pour l’hôpital dont il avait laresponsabilité. En janvier 1856, quatre Servantes de MariepartirentàMadridpoursoigner lesmaladesde l’hôpitalSaint-Louis-des-Français. Elles furent amenées aussi à donner desleçons de français au fils du docteur Martra, médecin del’hôpital, puis aux fillettes du banquier Laffitte (neveu del’ancienministre).

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quelques bienfaiteurs qui sollicitent l’abbé Cestac pour qu’ilouvre une école dans leur village.Comme il l’écrit à la fin de1861 àMlleMeillan, qui avait été à l’origine de la premièreécoledesServantesdeMarie, àMaslacq : «Lesdemandesdesœurssesontmultipliéescetteannée.Ilfaudraitrépondreparun‘‘non” sec et formel. Je n’ose pas le faire de crainte d’allercontre les vues de notre divineMaîtresse. Et si l’on répond :Nousessaierons…nousverronsplustard…”,surce,onsemetàl’œuvre,onachète,onbâtit,onrapproprielesmaisons,onlesmeuble, et puis ce sontdes instancesquine finissentpas, despopulations qui se tourmentent, qui s’inquiètent et nous voilàpris ; et c’est ainsi qu’avec 40 sœurs, nous avons peine pourpourvoirauxfondationsnouvelles.»4L’évolution du statut juridique de la Congrégation des

ServantesdeMariefavoriseaussisaréorganisationetdoncsonexpansion. Le 21 février 1860, par décret impérial, laCongrégationestautoriséeàouvrirunefilialeàBayonne(enfaitc’est la reconnaissance légale de l’orphelinat du Grand-Paradis)5. En fait, la Congrégation des Servantes de Mariedevenait plus indépendante ; l’abbé Cestac la préparait, enquelquesorte,àl’heureoùilneseraitpluslà.L’abbé Cestac suggéra à l’évêque de Bayonne de nommer

Sœur Marie-François de Paule « Directrice Générale » de laCongrégation. C’était une des premières entrées dans lacongrégation. Mgr Lacroix la nomma en mai 1860. Dans unelettre circulaire aux sœurs, l’abbé Cestac annonce ce« changement fondamental » en précisant : « cette nominationn’est cependantqueprovisoire, elledoit être régularisée, selonlesConstitutions,parl’électionàlaquelledevrontparticiperlessœursanciennes»6.Le choix de l’abbé Cestac et de l’évêque de Bayonne fut

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ratifié par laCongrégation.Les sœurs qui occupaient déjà desresponsabilités générales furent confirmées dans leursfonctions:SœurMariedelaVisitationéconomegénérale,SœurMarie-Saint-Jean secrétaire et chargée de la comptabilité etSœurMarie-Anastasieresponsabledesateliers.Néanmoins, l’abbé Cestac gardait la direction morale et

spirituelledel’œuvreetdesSœurs.Ilrestaitenliensavectoutesles écoles par une correspondance encore plus abondante quejadis.Danslesdixdernièresannéesdesavie,ilmultiplieaussilaprédicationderetraitespour lessœursdesécoles,n’hésitantpasàtraverserlaFrancepourlesretrouverdanslarégiondeleurapostolat.D’uneannéeàl’autre,généralementenseptembreouenoctobre, avant la rentrée des classes, on le voit prêcher desretraites à Oloron, à Frouzins (pour les sœurs de la Haute-Garonne), dans l’Ain, dans le Nord, dans d’autres endroitsencore.D’autrescommunautésreligieusesoudesévêquesfontappel

aussi à l’abbéCestac pour prêcher des retraites : en décembre1858, il prêche une retraite aux élèves du Petit Séminaired’Aire-sur-l’Adouretenaoût1860àlacommunautédesFillesde Marie à Auch. Il en est heureux car ces retraites luipermettentdeparlerdelaViergeMarie.«Plusquejamais,écrit-illorsd’unedecesretraites,jecroisvoirseréalisercettepenséequi est depuis longtemps dans mon esprit : c’est que notremission à nous est de fairemieux connaître etmieux aimer ladivineMèreduciel.Car,plusjevais,plusjevois,etplusjesuisconvaincuqu’elle n’est ni connueni aimée commenotredivinSauveurveutqu’ellelesoit.»7

«NotretrèssainteetbonneMaîtresse»

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Ladévotionqu’avaitl’abbéCestacpourlaViergeMarieétaitabsolueet impérieuse.Elleétaitdans la lignéede l’expressionaudacieuse formulée par saint Louis-Marie Grignion deMontfort:Peripsametcumipsaetinipsa[«Parelle,avecelleetenelle»].À un protestant qui, un jour, lui reprochait sa dévotion

excessiveenverslaViergeMarie,l’abbéCestacavaitrépondu:« Je vais au Fils par la Mère, j’invoque celle-ci, le Christarrive…Vous,aucontraire,vousditesChrist,Christ,etChristnevientpas.»8Dès ledébutde sonœuvre,on l’avu, il place sonactionet

toutessesdécisionssousleregarddeMarie.En1844,ilécrivaità un ami : « Pourmoi, accoutumé à être dirigé comme par lamainparlaTrèsSainteVierge,jetrembletoujoursdem’écarterd’unelignedelavraievoieparlaquellejedoismarcher.»9Ilaformésapropresœuret lesServantesdeMariedanscet

espritdefiliationmariale.SœurMarie-Madeleineécrivaitàuneautre sœur : « Allons, pauvre [Sœur Marie-Louis] Gonzague,allons,allonsauciel!etallons-yparlecœuretl’espritdenotretrès sainte et bonne Maîtresse. Oh ! que nous sommesheureuses,parcebeautitrede‘‘Servante”,d’avoirdesdroitssiforts et si puissants, j’ose le dire, sur son Cœur si bon et sitendre!»10Comme saint Bernard, l’abbé Cestac aurait pu dire : De

Marianunquamsatis, « onneparle jamais assezde laViergeMarie».Ilconsidèrecommeunegrâced’avoirpurencontrerdesâmesprivilégiéesquiontvulaVierge.Le12août1851,ilreçoitlavisite,àNotre-DameduRefuge,

du Père Marie-Alphonse Ratisbonne. Celui-ci, né dans unefamille juive deStrasbourg, s’était converti à la foi catholiqueaprès avoir eu une apparition de la Vierge à Rome, dans la

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Vierge:elleseulel’afondée,l’adéveloppée,elleseulepourralaconserver et lamaintenir dans l’état et dans les conditions oùelle laveut. […] jepuisvousdireque riendecequevousmeditesn’estarrivéjusqu’ànous.»36MgrLacroixsemblaitaussideplusenplusréticentàaccepter

des fondations nouvelles hors de son diocèse. En 1867, MgrLavigerie, archevêque d’Alger, qui connaissait l’abbé Cestacdepuis longtemps, on l’a vu, lui proposa d’envoyer desServantesdeMarieenAlgériepourfonderunecolonieagricoleet éducative. L’abbé Cestac accueillit favorablement laproposition:«[…]NotredivineMèreaurait-ellesursonœuvrede nouvelles vues ? Et votre Grandeur serait-elle l’instrumentprovidentieldestinéàlespréparer?»37Le25aoûtsuivant,MgrLavigerie lui-même vint rendre visite à l’abbé Cestac pourévoquerpluslonguementleprojet.Devanttoutelacommunautéassemblée à la chapelle, dans une allocution qui précéda unebénédiction solennelle du Saint-Sacrement, l’archevêqued’Algerévoqua,entermesenthousiastes,leprojet.L’annoncefitsensation à Bayonne et la presse y fit écho : « Espérons queMonsieur l’abbé Cestac se rendra à l’appel de MonseigneurLavigerie. Personne n’estmieux préparé que lui à concourir àl’entreprise tellement chrétienne et si patriotique de lacolonisation africaine et nous ne doutons pas, qu’après avoirtrouvé le secret de la fertilisation des sables d’Anglet, il nes’ingénieavecsuccèsàfertiliserceuxd’Afrique»38.MgrLavigerieparladuprojetaupapePieIXetl’abbéCestac

demanda l’approbation de l’évêque de Bayonne. Mais MgrLacroix s’opposa à cette implantation lointaine.L’abbéCestacs’inclina avec un esprit d’obéissance absolu. Désolé, il dutrépondreàMgrLavigerie:«Ladéfensequim’aétéfaiteestsiformelle, si absolue, qu’il n’y a pas à y revenir. Je dois croire

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que l’heure n’est pas venue et que nous devons abandonner àd’autres une œuvre dont peut-être nous n’étions pas dignes[…]»39L’abbé Cestac a pu, à un moment, se sentir pris entre le

marteau et l’enclume. L’évêque de Bayonne paraissait vouloirconserver un contrôle étroit sur le développement de lacongrégation et les intentions du Saint-Siège par rapport auxcongrégationsautonomessemblaientinquiétantes.Cettemêmeannée1867, l’abbéCestac se fait communiquer

les constitutions de trois congrégations qui ont été déjàapprouvéesparRomeetilfaitvenirdeladocumentationsurlesujet.IldemandeaussiconseilàMgrBaillès,ancienévêquedeLuçon, retiré à Rome, et qu’il avait connu bien auparavant àBayonne.Celui-ci le rassure et l’éclaire sur les intentions de Rome :

«LarecommandationdeMgrdeBayonneetdequelquesautresÉvêques qui ont reçu vos saintes Filles dans leur diocèse serasuffisantepourquelesServantesdeMariecontinuentàédifierles lieux où elles sont déjà établies et de se répandre dansbeaucoupd’autreslieuxquilesattendent.Cen’estpasleSaint-Siègequidétruiracequiestsimanifestementl’œuvredeDieu;il lui donnera, au contraire, pour sa conservation,une fermeté,une solidité, une constante régularité qui lamettra à l’abri detoutélémentdestructeur.»40Le20mars1868, l’abbéCestacécrità l’évêquedeBayonne

pour obtenir de Rome l’approbation de sa congrégation. Lalettreestrestéeinachevée.L’abbéCestacn’apurédigerquelespremières lignes des Constitutions qu’il voulait modifier pourlesfaireapprouverparleSaint-Siège.

L’unitéd’uneœuvre

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Quelquesjoursplustard,le27mars,ilmouraitd’uneruptured’anévrisme. Il avait pu recevoir les derniers sacrements desmainsdel’abbéDuclos.LaGazettedescampagnes,dontl’abbéCestacétaitunfidèle

abonné,nousl’avonsvu,luirendithommage,lesaluantcommeun de ces « hommes trempés », qui s’est dévoué de manièrehéroïque à « l’apostolat des âmes marié à l’apostolatagricole »41. Ce même numéro contenait une longue note del’abbéCestac,consacréà la traitemécaniquedesvaches.C’estsansdouteledernierécritdufondateurdeNotre-Dameconsacréàl’agriculture.L’abbéCestacyexpliquaitlefonctionnementdel’appareilàtrairelesvachesdontleRefuge,toujoursàlapointedesprogrèsagricoles,avaitfaitl’acquisition.Ils’agitd’unenotetrès technique, avec des recommandations et des observations.Ellemontre que, jusqu’à la fin de sa vie, l’abbé Cestac a étéattentif aux questions agricoles, et aux avantages que peuventprocurerlesdéveloppementsdelatechnique.L’abbéCestac aurait voulu être enterré àSaint-Bernard, aux

côtés des plus humbles et des plusmortifiées de ses filles. Ilavait composé, dans ce but, une épitaphe simple. Dans sontestament, rédigé en 1855, il avait demandé en effet : « Pourmon corps, on en fera ce qu’on voudra. Seulement j’auraisdésiréqu’onleplaçâtàSaint-Bernard,auseuildel’entrée,pourquetousceuxquientrentàlachapelleymarchentdessus,etserappellent de prier pour ma pauvre âme. Pour épitaphe, jedemanderais qu’on mît ces mots : Ici repose la dépouillemortelle de Louis-Édouard Cestac, prêtre très indigne, etpauvreserviteurdelatrèssainteMèredeDieu;priezpoursonâme.»Mgr Lacroix ne voulut pas de cet éloignement. Il réussit à

persuader la Supérieure Générale des Servantes de Marie de

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Tabledesmatières

Préface

Introduction

Abréviations

Chapitre1EnfanceetJeunesse

Mi-basque,mi-gasconGuériparlaViergeMarieUnevocationprécoceCestacetGaricoïts

Chapitre2Séminariste

Auséminaired’Aire(1816-1819)LamissiondeBayonneÀSaint-Sulpice(1820-1821)Desmaîtresspirituels

Chapitre3ProfesseuretPrêtre

L’extrêmerigueurd’unconfesseurDirecteurspiritueldesasœurAusynodediocésainLesrévolutionsde1830CestacetLamennais

Chapitre4Vicaireàlacathédrale

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ConfesseurUnexposédelafoiVicairedespauvres

Chapitre5Ausecoursdesorphelines

LesabandonnéesLeHougasséDifficultésetdécouragementAu«Grand-Paradis»Lesquatrepremières

Chapitre6Ausecoursdesprostituées

L’ÉgliseausecoursdesprostituéesLalumièred’HasparrenLegrenierLepèlerinageàBugloseChateauneufAménagementdeNotre-DameduRefugeÀMelleray(juillet1839)LachartedesServantesdeMarieÀParisPremièreattaqueLa«BonneSœur»

Chapitre7Unnouvelapostolat

LespremiersvœuxUne«flagranteillégalité»?SœurMarie-Madeleine,directriced’âmesetsupérieureLes«Repenties»,pénitentesetlibres

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Chapitre8LesBernardines

L’appeldessablesLahainedeChahoJoiesetépreuvesLareconstructiondeSaint-BernardLarévolutionde1848Leschangementsde1849

Chapitre9L’apostolatparl’école

LechanoineCestacLespremièresécolesLes«Nazareth»LeSyllabaireLesConstitutionsdesBernardinesLareconnaissancelégale«Reconstituerlafamillechrétienne»UnepédagogiedeladouceurCestacetNapoléonIIILacharitéenacteEnEspagneL’abbéCestacagriculteur

Chapitre10Unespiritualitémariale

Fondationsetretraites«NotretrèssainteetbonneMaîtresse»Laprière«AugusteReine»LaLégiond’HonneuretundernierprojetL’approbationparRomeL’unitéd’uneœuvre

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VerslabéatificationUnVénérableàinvoquer

Remerciements

SourcesArchivesŒuvresimpriméesdel’abbéCestacOuvragesetarticlessurl’abbéCestacAutresétudesconsultées