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L’INSTRUMENTATION DE LA GTEC AU SERVICE DE L’ARTICULATION ENTRE COMPÉTENCES INDIVIDUELLES ET EMPLOYABILITÉ : LE CAS DE LA PLATEFORME EDRH06 Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series Eve Saint-Germes Sabrina Loufrani-Fedida GREDEG WP No. 2013-19 http://www.gredeg.cnrs.fr/working-papers.html Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs. The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s). Groupe de REcherche en Droit, Economie, Gestion UMR CNRS 7321

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L’INSTRUMENTATION DE LA GTEC AU SERVICE DE L’ARTICULATION ENTRE COMPÉTENCES INDIVIDUELLES ET EMPLOYABILITÉ : LE CAS DE LA PLATEFORME EDRH06Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series

Eve Saint-GermesSabrina Loufrani-Fedida

GREDEG WP No. 2013-19http://www.gredeg.cnrs.fr/working-papers.html

Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs.

The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s).

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XXIVème

Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

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L’INSTRUMENTATION DE LA GTEC AU SERVICE DE L’ARTICULATION ENTRE

COMPETENCES INDIVIDUELLES ET EMPLOYABILITE :

LE CAS DE LA PLATEFORME EDRH06

Eve SAINT-GERMES Maître de Conférences en Sciences de Gestion

Université de Nice-Sophia Antipolis (UNS)

Laboratoire GREDEG UMR 7321 UNS-CNRS

250 rue Albert Einstein

06560 Sophia Antipolis

e-mail : [email protected]

Sabrina LOUFRANI-FEDIDA Maître de Conférences en Sciences de Gestion

Université de Nice-Sophia Antipolis (UNS)

Laboratoire GREDEG UMR 7321 UNS-CNRS

250 rue Albert Einstein

06560 Sophia Antipolis

e-mail : [email protected]

Résumé :

Dans le contexte actuel de flexisécurité et de sécurisation des parcours professionnels, les

questions d’emploi et d’employabilité dépassent la responsabilité sociale des entreprises pour

interroger un modèle émergent de régulation sociale territorialisé. La GRH et la GPEC sortent

ainsi des frontières classiques de l’entreprise pour élargir la réflexion au territoire. L’un des

principaux dispositifs de GRH-Territoriale (GRH-T) développé sur le terrain et étudié par la

littérature est la GPEC-Territoriale (GPEC-T) ou GTEC, dont l’essor est désormais soutenu

par les pouvoirs publics (circulaire DGEFP du 29 juin 2010). Malgré ce « coup

d’accélérateur » légal et le développement de travaux de recherche sur la GTEC, elle

« demeure encore un « espace vide », c’est-à-dire un espace qu’il s’agit de remplir »

(Jouvenot et al., 2011, p. 7), en clarifiant ses finalités, ses modes de déploiement et

d’instrumentation, ainsi que ses résultats tangibles. Nous nous inscrivons dans ces

questionnements autour de la GTEC, en traitant dans nos travaux la question de recherche

suivante : En quoi et comment l’instrumentation de la GTEC permet-elle une

articulation de la gestion des compétences individuelles et de l’employabilité ?

Afin d’apporter des éléments de réponse à cette question, l’objectif de cette communication

est de décrire et d’analyser un cas d’instrumentation de GTEC, la plateforme eDRH06. Cette

analyse nous permet de mettre en évidence comment la plateforme articule les compétences et

l’employabilité sur le territoire, grâce à la combinaison progressive et judicieuse

d’applications et de services ciblés de DRH mutualisée. En particulier, cette première analyse

de la plateforme eDRH06 fait émerger plusieurs facteurs clés de succès de cette articulation.

Mots clés : gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC), compétences

individuelles, employabilité, théorie de l’acteur-réseau, plateforme numérique

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

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L’INSTRUMENTATION DE LA GTEC AU SERVICE DE L’ARTICULATION ENTRE

COMPETENCES INDIVIDUELLES ET EMPLOYABILITE :

LE CAS DE LA PLATEFORME EDRH06

Introduction

Dans le contexte actuel de flexisécurité et de sécurisation des parcours professionnels, les

questions d’emploi et d’employabilité dépassent la responsabilité sociale des entreprises pour

interroger un modèle émergent de régulation sociale territorialisé (Bories-Azeau et al., 2011).

La GRH et la GPEC sortent ainsi des frontières classiques de l’entreprise pour élargir la

réflexion au territoire (Colle et al., 2008 ; Defélix et al., 2010 ; Calamel et al., 2011) : elles

s’inscrivent désormais dans un « mouvement de territorialisation des coopérations inter-

organisationnelles » (Jouvenot et al., 2011). L’émergence et le développement des pratiques

de GRH inter-organisationnelles territoriales se sont effectués sous l’impulsion des pouvoirs

publics et des syndicats, mais également des entreprises elles-mêmes, avec notamment la

multiplication des situations de co-activité et de co-innovation (Defélix et al., 2009). Si les

expérimentations de GRH-Territoriale (GRH-T) se multiplient ces dernières années, c’est

parce qu’elles répondraient aux enjeux économiques et sociaux de ces différentes parties

prenantes : elles permettraient des économies d’échelle par la mutualisation de certaines

pratiques (recrutement ou formation), un meilleur accompagnement des transitions

professionnelles par une meilleure anticipation de l’évolution des compétences dans

l’entreprise et sur le territoire, ainsi que le développement de l’emploi sur le territoire et d’une

gestion des personnes socialement responsable (Mazzilli, 2009). Toutefois, ces démarches

innovantes soulèvent de nombreux enjeux pratiques et théoriques (Mazzili, 2008) : comment

constituer et opérationnaliser une GRH-T ? Quelle instrumentation construire et avec quels

acteurs ? Quels sont les effets des démarches développées et comment les améliorer ? Quels

cadres théoriques utiliser et construire pour analyser la GRH-T ?... Comme Bories-Azeau et

al. (2011, p. 3) le soulignent, « il semble important de s’interroger sur les dispositifs

émergeants en GRH, étendus au territoire, en considérant l’importance des liens tissés et des

modalités de coordination qu’ils favorisent ou non ».

L’un des principaux dispositifs de GRH-T développé sur le terrain et étudié par la littérature

est la GPEC-Territoriale (GPEC-T) ou GTEC, dont l’essor est désormais soutenu par les

pouvoirs publics (circulaire DGEFP du 29 juin 2010 pour le développement et la coordination

de projets de GPEC-T par les acteurs régionaux de l’Etat). Malgré ce « coup d’accélérateur »

légal et le développement de travaux de recherche sur la GTEC (Bories-Azeau et al., 2008 ;

Mazzilli, 2009 ; Dubrion, 2011 ; Fauvy et al., 2012), elle « demeure encore un « espace

vide », c’est-à-dire un espace qu’il s’agit de remplir » (Jouvenot et al., 2011, p. 7), en

clarifiant ses finalités, ses modes de déploiement et d’instrumentation, ainsi que ses résultats

tangibles. Nous nous inscrivons dans ces questionnements autour de la GTEC, en traitant dans

nos travaux la question de recherche suivante : En quoi et comment l’instrumentation de la

GTEC permet-elle une articulation de la gestion des compétences individuelles et de

l’employabilité ? Afin d’apporter des premiers éléments de réponse à cette question,

l’objectif de cette communication est de décrire et d’analyser un cas d’instrumentation de

GTEC, la plateforme eDRH06, et ainsi de comprendre comment elle articule la gestion des

compétences des individus et de leur employabilité.

Notre communication est structurée de la façon suivante. Dans une première partie, l’analyse

de la littérature nous permet de positionner la GTEC en tant que dispositif de GRH-T au

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service de l’articulation de la gestion des compétences individuelles et de celle de

l’employabilité. Dans un deuxième temps, notre revue de la littérature nous amène à mobiliser

un cadre théorique d’analyse reconnu pour ces démarches de GTEC, la théorie de l’acteur-

réseau (Callon, 1986 ; Akrich et al., 1988 ; Callon et al., 2001 ; Latour, 2006), permettant de

les considérer comme des processus de traduction dans des réseaux d’acteurs et d’innovation

sociale collective (Mazzilli 2009, 2010 ; Jouvenot et al., 2011). Ensuite, dans une troisième

partie, après avoir décrit brièvement notre méthodologie, nous présentons et étudions le cas de

la plateforme eDRH06, à l’aide de la grille d’analyse proposée par Mazzilli (2010) laquelle

appréhende cette instrumentation de GTEC comme le résultat d’un processus de traduction,

distinguant les grandes phases et les points critiques d’émergence d’un acteur collectif sur un

territoire. Enfin, dans une quatrième partie, nous discutons et concluons sur les premiers

apports de notre recherche.

1. La GTEC, un dispositif de GRH-T au service de l’articulation

compétences-employabilité

L’analyse de la littérature nous permet de positionner la GTEC en tant que dispositif de GRH-

T (ou GRH inter-organisationnelle) au service de l’articulation de la gestion des compétences

individuelles (CI) et de celle de l’employabilité.

1.1. La GRH-T, des logiques d’action fondées sur les réseaux et la proximité

La GRH-T est un champ de recherche en construction, caractérisé par une forme

d’effervescence des débats et une dialectique permanente entre connaissances et terrain. Au

final, dans les travaux en sciences de gestion, ce sont principalement les connaissances de

l’analyse des réseaux inter-organisationnels et de l’économie de la proximité qui sont mises

en perspective avec les différents modèles de mise en œuvre de GRH-T qui coexistent

(Mazzilli, 2011).

Les pratiques de GRH inter-organisationnelles sont définies par Mazzilli (2008, p. 4) comme

« une activité ou plusieurs activités de GRH qui s’établissent entre au moins deux

entreprises » et auxquelles « diverses organisations tierces (administration, associations,

etc.) » peuvent participer. Ces activités concernent principalement les pratiques d’acquisition

et de régulation des ressources humaines (recrutement et intégration, formation, carrières,

GPEC), et de communication et de mise en réseau, notamment pour les partages

d’expériences entre acteurs (Defélix et al., 2009, Mazzilli, 2011). Parmi les situations de GRH

inter-organisationnelles types (sous-traitance ou accord explicite entre partenaires, comme

dans les conventions collectives), les pratiques de GRH-T ont la particularité d’intégrer un

rapport à l’espace particulier et de relever d’innovations sociales (Mazzilli, 2008).

Selon Defélix et al. (2010), trois cadres théoriques permettent de contribuer à « penser la

GRH au-delà de ses limites traditionnelles », en offrant des connaissances qui éclairent trois

problématiques clés :

- « Pourquoi élargir la GRH au territoire ? ». La théorie de la contingence (Lawrence et

al., 1973) permet d’identifier et d’analyser les facteurs de contingence internes et

externes poussant la GRH à sortir de ses frontières traditionnelles. Parmi ces facteurs,

nous retenons tout particulièrement les limites des pratiques organisationnelles en matière

de sécurisation des parcours professionnels et d’employabilité ;

- « Dans quel cadre peut avoir lieu l’élargissement de la GRH au territoire ? ». À partir de

la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975), la littérature sur l’analyse des

réseaux organisationnels offre des dimensions de caractérisation (dynamique de création,

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logique constitutive (complémentaire ou additive), stabilité, distribution du pouvoir,

interdépendance des ressources et des activités, etc.) et des typologies des configurations

de réseaux (Pichault et al., 2003). La logique constitutive, les acteurs impliqués, le niveau

d’interdépendance des ressources sont alors des dimensions d’analyse incontournables ;

- « Avec quelles conditions un tel élargissement peut-il avoir lieu ? ». Ce sont les

connaissances de l’économie de la proximité (Zimmermann, 2008) qui améliorent la

compréhension de la dynamique économique territoriale grâce à la proposition et à la

déclinaison de ce concept de proximité. Les collaborations territoriales émergent de la

combinaison de proximités géographiques, organisationnelles et institutionnelles et

s’inscrivent dans des formes de réseaux variés. La proximité géographique permet de

combiner des ressources locales diverses (matérielles, humaines, physiques, etc.). La

proximité institutionnelle décrit la facilitation de la coopération grâce à la confiance, aux

valeurs partagées, aux solidarités entre acteurs qui se connaissent. Enfin, la proximité

organisationnelle décrit la coordination incarnée par des méthodes, des outils, des règles,

des procédures communes, ou encore des réunions nombreuses entre les acteurs.

De plus, la capacité de plusieurs acteurs au sein d’un territoire (entreprises, fournisseurs, sous-

traitants, etc.) à travailler ensemble dans la durée crée au niveau d’une zone géographique

donnée, une compétence territoriale. Proximité et interaction sont ainsi les maîtres-mots d’une

compétence territoriale. Il ne suffit pas de décréter l’existence d’une GRH-T pour que celle-ci

devienne ipso facto une réalité. Selon Defélix et al. (2009), la GRH-T est au rendez-vous si,

effectivement, les ressources et compétences locales sont identifiées et valorisées.

La dialectique territoire prescrit/territoire construit proposée par Raulet-Croset (2008) éclaire

ces constats : logiques ascendante et descendante coexistent dans la construction du territoire,

qui s’effectue finalement à l’interface d’éléments locaux et émergeants, et d’aspects

formalisés et prescrits. La question des acteurs concernés par la démarche de GRH-T permet

de délimiter le territoire pertinent et, réciproquement, la délimitation prescrite d’un territoire

d’intervention (la plupart du temps par les pouvoirs publics) permet de désigner les acteurs

responsables de cet espace. La définition et la délimitation du territoire est une question

essentielle de la GRH-T : il est vu par la littérature comme un construit social, avec une

acception « active » et une acception « passive » (Loubès et al., 2012). En référence à Raulet-

Croset (2008), la plupart des travaux retiennent la dualité territoire construit/territoire prescrit

et la combinaison de dimensions spatiales et de dimensions symboliques pour le délimiter.

Les recherches sur la GRH-T interrogent généralement les logiques d’action ayant conduit

aux pratiques et aux expérimentations de dispositifs observées (Defélix et al., 2010 ; Calamel

et al. 2011 ; Mazzilli 2011) : quelles sont les finalités poursuivies par les différents acteurs ?

Quels sont les types de dispositifs et de pratiques mis en œuvre et développés ? Comment

pouvons-nous les regrouper et les contraster ? En particulier, sur la base d’une dizaine de cas

d’expérimentations et de pratiques, Defélix et al. (2010) identifient trois logiques d’action de

la GRH-T : (1) contribuer à la vitalité du territoire dans une optique de responsabilité sociale ;

(2) élargir et fluidifier le marché interne de l’emploi au territoire ; (3) s’appuyer sur le

territoire pour dégager de nouveaux leviers de performance. Les auteurs proposent alors

d’identifier les différents modèles de GRH-T sur deux axes : (1) le périmètre de gestion tout

d’abord, c’est-à-dire l’existence de situations de co-activité1 et de co-gestion avec d’autres

entreprises ou l’indépendance relative de l’organisation ; (2) l’horizon temporel, et donc la

finalité principale du dispositif (l’emploi à court terme, les compétences et les parcours à

1 Les situations de co-activité peuvent être ou non concurrentes (comme dans le cas de la coopétition).

L’important est la volonté, à un moment donné et sur la totalité ou une partie de la chaîne de valeur, de coopérer

et/ou de se coordonner entre organisations pour conduire une action.

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moyen et long terme). Quatre idéaux-types à l’œuvre sont alors proposés : (1) Responsabilité

Sociale d’Entreprise (RSE) et politique d’emploi concertée ; (2) ouverture du marché interne

de l’emploi au territoire ; (3) préservation des compétences clés ; (4) gestion de l’emploi et

des compétences dans l’entreprise étendue. Mazzilli (2011) identifie quant à elle trois

modèles de GRH-T : (1) la transposition de la GPEC à un échelon territorial ; (2) la

mutualisation des données sociales et des processus RH ; (3) ce que nous appelons la GTEC,

regroupant selon l’auteur l’animation d’un réseau RH territorial et la prospection territoriale

des emplois et des compétences. Afin d’affiner la définition de la GRH-T, il faut interroger le

modèle sous-jacent aux dispositifs observés et analysés : s’agit-il plutôt d’une logique de

transposition du modèle intra-organisationnel à un périmètre inter-organisationnel ou de

l’émergence d’un nouveau modèle ? Mazzilli (2011) conclue ses travaux en validant la

seconde hypothèse : même si plusieurs modèles de GRH-T coexistent, c’est bien un modèle

inédit qui est en construction et qui peut prendre un nouveau « visage », plutôt que de

« prospection RH territoriale » ou d’« animation RH territoriale ». Malgré la diversité et la

variété des modèles, l’extension, la transposition ou l’invention de démarches de GPEC au

niveau territorial s’imposent comme des logiques d’action dominantes dans les dispositifs de

GRH-T développés et étudiés.

1.2. La GTEC, une instrumentation à l’interface des compétences individuelles et de

l’employabilité

L’un des principaux dispositifs de GRH-T développé sur le terrain et étudié par la littérature

est la GPEC-Territoriale (GPEC-T) ou Gestion Territoriale des Emplois et des Compétences

(GTEC2). En première analyse, la GPEC-T peut être considérée comme l’une des modalités

spécifiques de mise en œuvre d’une GRH-T (Dubrion, 2011), ou encore comme des pratiques

et des initiatives résultant de l’extension du domaine classique de la GPEC au territoire

(Jouvenot et al., 2011). En France, des démarches de GPEC-T, nombreuses et variées,

existent depuis plusieurs années, comme en témoignent différentes études descriptives

émanant des acteurs publics de l’emploi (Rouilleault, 2007 ; Ministère de l’Economie, de

l’Industrie et de l’Emploi, 2009 ; Jouvenot et al., 2009 ; DGEFP, 2010). Mais la circulaire du

29 juin 2010 de la DGEFP donne un « coup d’accélérateur » à ces démarches de GTEC

(Jouvenot et al., 2011), en préconisant de « donner un essor nouveau à la mise en place d’une

GPEC territoriale » et en impliquant les acteurs publics régionaux (via notamment la

constitution d’un dispositif régional de coordination des initiatives et l’élaboration d’un plan

d’action régional de développement).

1.2.1. La territorialisation de la gestion des compétences : entre extension de la GPEC et

nouvelle logique

Si la gestion des compétences et le territoire sont associées de plus en plus fréquemment par

les praticiens et les chercheurs, deux notions sont à distinguer derrière cette association

(Defélix et al., 2009). La première est celle d’une gestion de la compétence propre à un

territoire : les « clusters »3 et plus récemment les pôles de compétitivité

4 attestent de la

2 Nous utiliserons indifféremment les appellations « GPEC-T » et « GTEC », car les différences qui peuvent être

mises en avant par la littérature ne sont pas discutées de manière approfondie dans le cadre de cette

communication. Le point 1.2.1. permet cependant de préciser ces distinctions et de clarifier notamment GPEC

territoriale et territorialisée. 3 Un cluster est un regroupement, généralement sur un bassin d’emploi, d’entreprises d’un même secteur

d’activités, ce qui est source d’externalités positives, dites de réseau (Porter, 1998). 4 La déclinaison française des clusters en est aujourd’hui le pôle de compétitivité, officiellement défini comme

une combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de

recherches publiques ou privées, qui s’engagent à travailler ensemble au sein d’une même structure, afin de

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volonté des régions ou des départements d’afficher une spécialisation industrielle ou

technologique. Dans ce cas, il ne s’agit plus de gérer la compétence d’individus, ni même

d’une entreprise, mais celle d’un espace combinant plusieurs entreprises ou organisations,

c’est-à-dire la compétence territoriale. Une seconde réalité possible est celle d’une gestion des

CI à l’échelle d’un territoire : les adhérents d’un système productif local, par exemple, se

concertent pour développer une filière de formation initiale ou continue propre à satisfaire

leurs besoins. Dans ce cas, la base géographique de gestion des CI est élargie.

Dubrion (2011) reprend cette distinction pour proposer une typologie de quatre modèles

idéaux-types de GPEC-T (cf. Tableau 1), en fonction de cette articulation gestion des

compétences/territoire et du caractère offensif ou défensif de la démarche. La GPEC-T est

alors définie comme « l’ensemble des dispositifs qui, à l’intention de plusieurs entreprises, est

mis en œuvre au niveau d’un territoire ou d’un bassin d’emploi pour améliorer la GRH et

plus particulièrement anticiper les changements en matière d’emplois et de compétences »

(Dubrion, 2011, p. 78). Les démarches de GPEC-T sont appréhendées comme des

« réponses » à des problématiques territoriales ou à des besoins d’entreprises portant sur des

objets différents d’anticipation : les compétences territoriales ou les CI.

Tableau 1 : Typologie des formes de GPEC-T

Articulation

compétences/territoire

Nature de la GPEC-T

Gestion de la compétence

territoriale

Gestion territoriale des

compétences individuelles

Défensive GPEC-T comme réponse aux

problématiques d’un territoire à

faible activité économique ou en

déclin

GPEC-T comme réponse aux

besoins d’entreprises œuvrant

dans un contexte économique

difficile

Offensive GPEC-T comme réponse aux

problématiques d’un territoire

innovant

GPEC-T comme réponse aux

entreprises en développement

Source : Dubrion (2011, p. 81)

Dans le domaine de la gestion territoriale des CI, la question de l’articulation avec les

démarches de GPEC internes devient un angle d’achoppement pour les recherches sur la

GPEC-T. En effet, la GPEC-T peut être vue comme une extension et une transposition de la

GPEC classique au niveau du territoire : « la continuité entre GPEC et GPEC-T est tout de

même bien établie », la GPEC-T partageant la « philosophie » et les principales

caractéristiques de la démarche intra-organisationnelle (Jouvenot et al., 2011, p. 7). Mais elle

aussi perçue comme une démarche à inventer, nécessairement en rupture avec la GPEC

d’entreprise et sa logique gestionnaire et « adéquationniste » (Baron et al., 2010) : la GTEC se

veut véritablement préventive, en intégrant par le dialogue social des enjeux sociaux et

économiques locaux. Elle permet de dépasser certaines limites et critiques fréquentes de la

GPEC interne (dérive instrumentale, démarche non adaptée aux PME, transfert des risques de

l’emploi à l’individu et au système de protection sociale, etc.). Ce débat demeure actif dans la

littérature et les tentatives de clarification ne sont pas toujours fructueuses. Ainsi, Loubès et

al. (2012, pp. 5 et 6) identifient deux logiques de territorialisation de la GPEC dans leur état

de l’art, à partir desquelles elles choisissent deux cas d’étude illustratifs : (1) la « GPEC

territorialisée » est une forme d’« extension au territoire de la GPEC intra-organisationnelle

visant la compétitivité dans le cadre de clusters », et développant une logique gestionnaire et

« adéquationniste » sur un territoire construit ; (2) la « GPEC territoriale » relève plutôt de

politiques d’emploi locales « relatives au territoire dans sa globalité, pour aider les salariés

dégager des synergies autour de projets communs à caractère innovant, et disposant d’une masse critique

nécessaire pour une visibilité internationale (Defélix et al., 2009).

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fragilisés » suivant une logique de prévention et d’anticipation sur un espace prescrit. Au

final, leurs résultats ne confirment pas cette distinction, trop contrastée et simpliste, et elles

proposent une approche intégrative autour de la notion de « Projets Territoriaux Emplois

Compétences » qui permet de mieux prendre en compte et d’« analyser les dynamiques

collectives et multi-acteurs » spécifiques à chaque dispositif.

Fauvy et al. (2012, p. 55) proposent, quant à eux, une définition de la GTEC fondée sur les

points d’accord dans la littérature, et que nous retenons pour notre étude : elle « consiste en

des pratiques de GRH organisées (mutualisation des emplois et de la formation, mobilité

régionale, GPEC territorialisée, etc.) à l’extérieur des frontières traditionnelles de la firme

dans le but de renforcer la compétitivité d’un territoire géographique local ». Cet objectif

d’amélioration de la compétitivité d’un territoire concerne différentes parties prenantes

(entreprises, salariés, pouvoirs publics, syndicats, associations, etc.) et donne lieu à des

« pratiques contingentes et contextualisées » de GTEC en fonction des multiples objectifs

locaux et des acteurs impliqués. Au-delà des spécificités locales, les démarches de GTEC

cherchent à « développer conjointement l’employabilité et l’employeurabilité » par des

moyens adaptés localement et à proximité des acteurs du territoire (Baron et al., 2010, p. 7).

1.2.2. La GTEC, un dispositif au service de la compétitivité du territoire : gérer les

compétences pour développer l’employabilité et l’employeurabilité

Les dispositifs de GPEC-T sont des « réponses » locales et négociées à des problématiques de

territoire ou à des besoins d’entreprises (Dubrion, 2011). Ils résultent des initiatives

conjuguées de trois familles d’acteurs : les entreprises, les syndicats et les pouvoirs publics

pour des enjeux différents (Defélix et al., 2009). Le développement de la GTEC est ainsi

porté par les situations de plus en plus fréquentes de co-activité des entreprises, par la

recherche de flexisécurité (ou flexicurité) et de sécurisation des parcours professionnels par

l’acteur syndical, et par l’extension de la responsabilité de pouvoirs publics décentralisés,

visant à faire émerger un « acteur collectif territorial » en charge du développement

économique et social local. Dès lors, un des enjeux économiques majeurs pour un territoire va

être d’obtenir une véritable coopération entre des acteurs disposant de vocabulaires,

représentations et enjeux différents, notamment entre secteurs public et privé. Les logiques

des acteurs peuvent parfois être divergentes et il s’agit d’articuler les différents enjeux par des

actions communes et mutualisées.

L’enjeu principal des organisations syndicales de salariés, et dans une moindre mesure de

celles d’employeurs, est la sécurisation des parcours professionnels devant se concrétiser par

une gestion des parcours interentreprises sur un même bassin d’emplois (à l’instar de

l’expérimentation du contrat de transition, Kaisergruber, 2006). L’ambition de cette forme de

flexisécurité est de permettre à un salarié porteur de compétences particulières et quittant son

employeur initial de pouvoir la redéployer sur le même bassin d’emploi au bénéfice d’un

autre employeur. Les démarches de GTEC visent ainsi explicitement l’amélioration de

l’employabilité sur le territoire : satisfaire les attentes des individus en la matière est considéré

comme un « élément classique d’une « philosophie » de GPEC » étendu aux démarches

territoriales (Jouvenot et al., 2011, p. 7). Avec cette déclinaison territoriale de l’employabilité,

il s’agit de prendre en compte l’attachement au territoire et les mobilités pour mieux adapter

les pratiques de développement des CI au service de l’employabilité. Loufrani-Fedida et al.

(2012) établissent que la GTEC est utile pour mieux articuler gestion des CI et gestion de

l’employabilité, à la fois d’un point de vue pratique (créer un « environnement capacitant »

pour les individus et les entreprises, et mutualiser les moyens) et d’un point de vue critique

(modèle émergent de flexisécurité à la française qui partage les responsabilités de la gestion

de l’employabilité entre les individus, les entreprises et les territoires).

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S’il est question de « territorialisation des parcours professionnels (…), il est clair que

l’acquisition de compétences ne concerne pas uniquement les salariés (leur « employabilité »)

mais aussi les dirigeants, particulièrement ceux de PME. Ils ont besoin d’accompagnement

pour maintenir et développer leur employeurabilité » alors que les évolutions économiques

s’accélèrent et que la règlementation se complexifie » (Baron et al., 2010, p. 4). Cette notion

d’employeurabilité est interprétée par les auteurs comme une compétence à apporter aux

entrepreneurs d’un territoire, par la mise à disposition de moyens « nouveaux, de proximité,

adaptés aux volumes et rythmes particuliers des territoires ou des filières d’activité ». Cette

compétence facilite notamment le développement de démarches de GPEC adaptées dans les

TPE et les PME. Aussi, Loufrani-Fedida et al. (2012) voient dans l’employeurabilité

l’émergence de la notion de marque employeur et de pratiques de communication RH, plutôt

à l’œuvre dans les grandes entreprises et les multinationales, pour améliorer l’attractivité de

l’entreprise vis-à-vis des talents à l’employabilité élevée.

Cet enjeu d’attractivité est partagé et/ou étendu au niveau du territoire pour l’acteur public :

« l’acteur collectif territorial » a été investi progressivement d’une responsabilité

économique, sociale et territoriale, le processus de décentralisation favorisant l’émergence de

« nouveaux acteurs politiques que sont les territoires » (Baron et al., 2010, p. 6). Cela passe

par l’implication des collectivités territoriales auprès des entreprises pour maintenir la

compétitivité du territoire et son attractivité. Par exemple, les chambres de commerce et

d’industrie, ainsi que les branches professionnelles soutiennent les coopérations inter-

organisationnelles et le développement de « capital social » au sein de réseaux. La circulaire

DGEFP du 29 juin 2010 pour le développement et la coordination de projets de GPEC-T par

les acteurs régionaux de l’Etat constitue une étape importante et marque l’importance des

enjeux pour les collectivités locales : pour elles, la GTEC est « utile voire vitale » alors

qu’elle peut être perçue comme optionnelle par les entreprises, selon une rationalité

gestionnaire et économique, plutôt de court terme (Baron et al., 2010). L’engagement des

pouvoirs publics dans la GTEC témoigne d’un certain volontarisme en matière de

préservation voire de développement de l’emploi. Toutefois, malgré ce « coup

d’accélérateur » légal et le développement de travaux de recherche sur la GTEC (Bories-

Azeau et al., 2008 ; Mazzilli, 2009 ; Dubrion, 2011 ; Fauvy et al., 2012), elle « demeure

encore un « espace vide », c’est-à-dire un espace qu’il s’agit de remplir » (Jouvenot et al.,

2011, p. 7), en clarifiant ses finalités, ses modes de déploiement et d’instrumentation, ainsi

que ses résultats tangibles. Nous nous inscrivons dans ces questionnements autour de la

GTEC, en traitant dans nos travaux la question de recherche suivante : En quoi et comment

l’instrumentation de la GTEC permet-elle une articulation de la gestion des

compétences individuelles et de l’employabilité ?

Pour comprendre comment « l’espace vide de la GTEC est rempli » par les acteurs, notre

démarche de recherche est centrée sur les instruments développés. En effet, nous considérons

que l’analyse de l’instrumentation et de sa construction permet d’appréhender les finalités et

les modes de déploiement en amont de la démarche de GTEC et d’apprécier l’efficacité et les

résultats en aval. D’ailleurs, le cadre théorique de l’instrumentation en gestion est mobilisée

par Mazzilli (2009, 2010, 2011) pour proposer des « méthodes » de construction et de

déconstruction des instruments opérationnalisant la GTEC. Cette approche analyse le contenu

et le processus des instruments, les composantes et la dynamique des dispositifs de gestion

(Gilbert, 1998, 2006 ; Oiry 2003, 2006). Au final, s’interroger sur l’instrumentation de la

GTEC dans ce cadre amène à se centrer sur les processus de traduction, de négociation et de

compromis qui permettent de passer d’un composant à l’autre et d’une étape à l’autre. Dans la

lignée de ces travaux, notre démarche d’élaboration théorique nous conduit donc à utiliser la

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théorie de la traduction pour traiter des effets d’une instrumentation de GTEC sur

l’articulation de la gestion des compétences et de l’employabilité.

2. Le cadre théorique de l’acteur-réseau pour appréhender la dynamique

d’émergence d’une instrumentation de GTEC

À la suite de notre revue de la littérature, nous mobilisons un cadre théorique d’analyse

reconnu et utilisé dans les travaux sur la GTEC (Mazzilli 2009, 2010 ; Jouvenot et al., 2011) :

la théorie de l’acteur-réseau5 (Callon, 1986 ; Akrich et al., 1988 ; Callon et al., 2001 ; Latour,

2006). Le principe de base de cette théorie est d’analyser comment la coopération entre les

acteurs d’un projet est produite, et dont l’une des formes abouties prend le visage d’un acteur-

réseau « irréversibilisé ». Ce dernier agit comme un acteur associant de gré ou de force de

multiples actants et qui tente de tenir ensemble les alliés et de rendre les asymétries

irréversibles. Cet acteur-réseau est constitué de l’alliance d’« actants » humains (en d’autres

termes, les acteurs)6 et non-humains (c’est-à-dire « ces choses qui font tenir les acteurs entre

eux », Akrich et al., 1988, tels que des équipements, dispositifs, cadres matériels). D’un point

de vue méthodologique, il convient ainsi de se focaliser autant sur les actions des humains que

sur la manière dont les objets participent à l’action et font agir les humains. Aussi, toute

analyse à partir de la théorie de l’acteur-réseau suppose de suivre les acteurs, de les écouter et

de retranscrire leurs discours et actions sans préjugés d’aucune sorte. La théorie de l’acteur-

réseau permet ainsi de retracer la logique de constitution d’un objet ou projet socio-technique.

Un objet ou projet socio-technique est appréhendé comme « une construction simultanée de

l’objet et de son environnement » (Callon, 2006, pp. 146-147). Cette activité collective forme

un artefact (Callon, 2006).

Pour notre recherche sur l’instrumentation de GTEC au service de l’articulation compétences-

employabilité, la mobilisation de la théorie de l’acteur-réseau présente des atouts majeurs.

D’une manière générale, elle nous apporte les concepts et la théorisation nécessaire à

l’analyse du processus d’instrumentation d’une GTEC. En particulier, les travaux de Callon

(1986) nous permettent de comprendre les étapes du processus de constitution d’une

instrumentation de GTEC, depuis sa problématisation jusqu’à sa stabilisation (ou en d’autres

termes de caractériser la nature des étapes du processus de traduction favorisant

l’acheminement d’un instrument de GTEC vers sa stabilisation). Selon Mazzilli (2010), le

cadre théorique de la sociologie de la traduction permet également de resituer l’historique de

la constitution d’une instrumentation de GRH-T (et donc de GTEC), et ainsi d’appréhender sa

dynamique d’émergence. Il fournit un éclairage sur les conditions à partir desquelles les

acteurs d’un territoire peuvent se retrouver en convergence autour d’un projet de GTEC.

Dans le cadre de notre recherche, nous considérons la GTEC (en tant qu’instrumentation de

gestion) comme un objet socio-technique, au sens donné par Akrich (2006). En particulier,

selon Mazzilli (2010), il est possible d’établir un parallèle entre l’émergence d’une

instrumentation de gestion et celle d’un système socio-technique, lequel consiste à considérer

les relations entre les objets techniques et le contexte (comprenant à la fois l’organisation

sociale, les représentations du monde et les modèles dits culturels, Akrich, 2006).

L’étude de la constitution d’un système socio-technique consiste dans un premier temps à

identifier les actants. Dans un second temps, il s’agit de les suivre dans leur trajectoire,

jusqu’à ce qu’ils forment un acteur-réseau, qui acquiert alors un caractère distinct et

5 Dans la littérature, nous trouvons des dénominations alternatives de la théorie de l’acteur-réseau : la théorie de

la traduction (nom initial), la sociologie de l’innovation ou encore la sociologie de la traduction. 6 Dans la suite de notre communication, nous emploierons le terme d’acteurs pour désigner les actants humains.

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relativement stable, en ayant combattu les traductions concurrentes. Callon et al. (1981, p. 13)

entendent par « traduction », « l’ensemble des négociations, intrigues, actes de persuasion,

calculs, violences grâce à quoi un acteur ou une force se permet ou se fait attribuer l’autorité

de parler ou d’agir au nom d’un autre acteur ou d’une autre force ». Le processus de

traduction (ou de mise en coopération ou encore de création d’un acteur collectif) est divisé en

quatre étapes (Callon, 1986) :

(1) la problématisation désigne le mouvement par lequel un acteur (ou groupe d’acteurs)

définit un projet, formule un problème, en vue de le présenter comme indispensable,

comme un point de passage obligé pour les autres acteurs. Afin de parvenir à ses fins, une

fois identifié l’ensemble des acteurs indispensables à la réussite du projet, l’acteur à

l’origine de la formulation du problème doit négocier avec eux leur participation au

projet ;

(2) l’intéressement consiste à recourir à des dispositifs susceptibles d’intéresser les acteurs

du projet, c’est-à-dire de les transformer en alliés. Ces dispositifs d’intéressement

permettent d’articuler les rôles proposés par l’initiateur du projet et les rôles que les

acteurs acceptent de jouer ;

(3) l’enrôlement désigne « le mécanisme par lequel un rôle est défini et attribué à un acteur

qui l’accepte » (Callon, 1986, p. 189). L’enrôlement est ainsi un intéressement réussi.

C’est dans l’interaction des acteurs, et plus précisément dans leurs conversations, que le

dispositif se construit. Les alliés « s’alignent » sur les objectifs et selon les modalités

qu’ils ont également contribué à définir ;

(4) la mobilisation des alliés a pour objectif de rallier le plus grand nombre d’alliés et de faire

tenir ensemble tous les alliés intéressés, c’est-à-dire de rendre le réseau alors formé,

cohérent et convergent. Ce ralliement implique de choisir des intermédiaires et des

représentants, afin de désigner les porte-paroles de chacun des groupes formant le réseau.

Ainsi, mobiliser progressivement des acteurs qui s’allient revient à constituer « une

chaîne d’intermédiaires qui aboutissent à un seul et ultime porte-parole » (Callon, 1986,

p. 197).

Ainsi spécifiée, la traduction doit être comprise comme un processus de négociation entre les

différentes parties prenantes d’un projet, en l’occurrence ici un projet de GTEC, processus

aboutissant à des compromis qui engagent les acteurs les uns par rapport aux autres, et créant

par là-même un acteur collectif (Jouvenot et al., 2011). Pour la suite de notre travail, nous

retenons la grille d’analyse proposée par Mazzilli (2010) à partir des travaux de Leca et al.

(2006). Cette grille d’analyse appréhende l’instrumentation de GTEC comme le résultat d’un

processus de traduction, distinguant les grandes phases et les points critiques d’émergence

d’un acteur collectif territorial (cf. Tableau 2).

Tableau 2 : Grille d’analyse d’une instrumentation de GTEC à partir du processus de

traduction

Étape du processus Contenu

Problématisation

Résoudre un problème concret

Cibler des alliés potentiels

Déterminer une logique

Intéressement

Raconter une bonne histoire

Système de récompense matériel

Système de récompense symbolique

Enrôlement Principaux « supports inscrits »

Mobilisation (et Accord

Négociation

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stabilisation) Porte-Parole

Construction d’une identité et stabilisation

Source : Mazzilli (2010, p. 8)

3. Le cas de la plateforme eDRH06

Après avoir exposé la méthodologie à laquelle nous avons recours (3.1), nous présentons la

plateforme eDRH06 (3.2), ainsi que le processus d’émergence de cette instrumentation de

GTEC, à partir du cadre d’analyse de la théorie de la traduction (3.3).

3.1. Méthodologie

Notre recherche, de type exploratoire, repose sur une démarche qualitative, centrée sur l’étude

d’un cas unique : la plateforme eDRH06 - www.edrh06.com. Cette plateforme est une DRH

mutualisée en ligne au service des entreprises du territoire de Sophia Antipolis (SA),

comprenant des services et des solutions innovantes en RH. Plus précisément, sa mission est

d’aider les entreprises du territoire Sophipolitain à recruter, accueillir, intégrer et former leurs

salariés pour répondre à leurs besoins de développement et de compétitivité.

Le recueil des matériaux empiriques a commencé en juin 2012 et continue à l’heure où nous

écrivons cette communication. La nature des données collectées est qualitative et le mode de

collecte des données est multiple : entretiens individuels, réunions collectives, documentation,

et dialogues informels. À ce jour, nous avons réalisé 5 entretiens semi-directifs d’une durée

moyenne de 1 heure 30, avec les porteurs du projet eDRH06. Nous avons ainsi rencontré le

chef de projet (le Responsable des projets développement RH, Chambre de Commerce et

d’Industrie Nice Côte d’Azur – CCI NCA) à 3 reprises, et deux acteurs clés (le Président du

Club des Dirigeants de SA, la Présidente du Club des DRH de SA). Lors des entretiens, nous

avons demandé aux personnes rencontrées de nous raconter l’histoire du projet depuis sa

création, ses enjeux, les motifs de leur participation ou de leur soutien au projet de GTEC,

leur représentation des intérêts d’une GTEC, leur rôle dans le projet, l’évaluation qu’ils en

font à ce jour, les résultats attendus à plus long terme et les pistes de développement futures.

Nous avons également participé à 4 réunions de présentation de la plateforme, lors desquelles

nous avons pu échanger avec les acteurs en présence. Parallèlement à cette investigation, une

analyse documentaire (plaquettes de présentation, site internet eDRH06, articles et

communiqués de presse, réseaux sociaux numériques, documents de travail, compte-rendu de

réunion, etc.) nous a permis de compléter les informations issues des entretiens et réunions, et

ainsi de comprendre l’évolution du projet avant notre arrivée. Enfin, la collecte des données

est complétée par les dialogues informels avec les personnes rencontrées lors de l’étude, via

email, téléphone ou toute autre conversation sans accord préalable.

Les premières données recueillies nous permettent d’éclairer l’origine du projet, de formaliser

l’historique de la plateforme eDRH06 depuis son lancement en 2009 (même si l’arrivée des

chercheurs sur le terrain date de 2012), ainsi que de comprendre ses finalités, ses modes de

déploiement et ses résultats tangibles. Aussi, notre étude de cas est amenée à se prolonger par

le recueil de nouveaux matériaux empiriques. Nous exposons pour l’heure les tout premiers

résultats de notre analyse des données.

3.2. Présentation de la plateforme eDRH06

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Depuis 2009, le projet eDRH06 regroupe plusieurs DRH de SA, avec de nombreux autres

partenaires, qui partagent et échangent sur des problématiques communes, mutualisent leurs

moyens et mettent en place des solutions collaboratives et partagées. Le résultat de cette

réflexion collective est une « plateforme ludique et numérique de DRH mutualisée » sur le

territoire. Cette plateforme devait être à l’image de SA7, une technopole innovante et

numérique, à vocation internationale. La plateforme est en anglais et en français. Elle est

disponible sur Internet et en application mobile, avec des services interactifs (e-mail, SMS).

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) est au cœur du

projet, autour de l’idée d’une eDRH, virtuelle, numérique, dématérialisée comme les

verbatims suivants le soulignent.

« La capacité de mettre en relation demande et offre étant facilitée par Internet, la notion d’eDRH s’est imposée.

Elle permet un meilleur profilage, une forte réactivité, l’usage des réseaux sociaux, soit autant d’éléments

importants dans le succès de la démarche » (Président du Club des Dirigeants, entretien).

« Pas de structure matérialisée. D’importants efforts de mutualisation des moyens. Un pilote : la CCI. Et un

outil : le net. Voilà les ingrédients qui ont permis à la toute première plateforme eDRH sophipolitaine de se

mettre en place » (revue de presse).

« Cette eDRH n’est pas que virtuelle. Il s’agit aussi d’être le plus « léger », le plus proche, le plus dédié possible

aux entreprises de Sophia Antipolis. La plateforme se veut un outil pragmatique pour les 191 entreprises

utilisatrices » (Chef de projet, entretien).

Cette démarche s’adresse à la fois aux entreprises, aux actifs (salariés et en recherche

d’emploi) et au territoire. Elle est ancrée sur les métiers actuels de SA et ses deux filières

d’excellence, à savoir les Sciences des Technologies de l’Information et de la Communication

(STIC) et les Sciences du Vivant. La priorité a été donnée délibérément aux métiers clés de

ces filières, souvent en tension sur le bassin d’emploi, et non aux fonctions transversales

(commercial, communication, etc.). La main-d’œuvre sur le territoire est très qualifiée et

spécialisée, avec près de 80% de cadres et ingénieurs, chercheurs, développeurs, etc. Dès lors,

l’objectif affiché du dispositif de GTEC eDRH06 est d’attirer et de fidéliser les hauts

potentiels et les talents sur le territoire. L’analyse des étapes de problématisation et

d’enrôlement permettra de revenir de manière approfondie sur les différents enjeux et

spécificités du projet et des actants.

Concrètement, 15 services sont proposés, ciblés sur les TPE/PME ou à destination des

entreprises de toutes tailles. Ils sont présentés en 3 modules : mobilité internationale,

formation et outils RH communs (cf. Tableau 3). L’ensemble de ces services est accessible

sur le portail « Ressources Humaines » : www.edrh06.com. La plateforme est en ligne depuis

janvier 2012 et a été inaugurée le 19 juin 2012.

La plateforme eDRH06 a obtenu, le 20 novembre 2012, une reconnaissance au niveau

national avec le « Prix Agir 2012 », décerné par l’Académie de l’Intelligence Economique8,

pour sa démarche innovante et prospective dans le domaine des RH. À la fin 2012, 191

entreprises ont utilisé la plateforme.

7 Fondée en 1969, Sophia Antipolis, située dans le département des Alpes-Maritimes, est la première technopole

d’Europe. Pôle de compétitivité à vocation mondiale, SA regroupe plus de 1 450 entreprises et près de 30 000

emplois directs en recherche scientifique de pointe dans le domaine des technologies de l’information et de la

communication (TIC), du multimédia, des sciences de la vie (médecine et biochimie), de l’énergie, de la gestion

de l’eau, des risques et du développement durable. On y trouve également près de 5 000 étudiants et chercheurs.

En matière de communication, SA se définit en trois mots : technologie, excellence et innovation. 8 L’Académie de l’Intelligence Economique a pour objet de valoriser, promouvoir et diffuser un savoir-faire

professionnel en intelligence économique (IE) adapté aux besoins concrets de l’entreprise. Le Prix AGIR

(Anticipation, Gestion et Intelligence des RH) récompense l’excellence d’une initiative ou d’un applicatif

mettant en œuvre les pratiques de l’IE pour traiter une problématique générale ou spécifique touchant aux RH.

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Dans le cadre de cette communication, nous présentons uniquement la plateforme eDRH06

Sophia Antipolis. Toutefois, suite à la « réussite » de ce projet, l’extension et la transposition

de la démarche à d’autres territoires du département des Alpes-Maritimes est en cours. Une

nouvelle plateforme a ainsi été lancée dans le domaine de l’industrie en octobre 2012

(eDRH06 Industrie : www.emploisindustrie06.com).

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Tableau 3 : Les services proposés par la plateforme eDRH06

Services RH TPE/PME Toutes tailles

Mobilité internationale

Recruter des talents

Talent Recruitment Toolkit

Formalités administratives

Côte d’Azur Welcome Guide

Aide au logement

Intégration du conjoint

Veille réglementaire

Formation

Formations mutualisées

Trouver un organisme

Financement

Boîte à outils

Outils RH communs Communauté RH (EcoBiz RH)

Diagnostic GPEC

N° Vert Risques Psychosociaux

Observatoire des compétences

3.3. Analyse du projet de GTEC eDRH06

Nous retraçons ici l’histoire du projet eDRH06 à partir de la grille d’analyse du processus de

traduction, distinguant les quatre grandes phases (problématisation, intéressement,

enrôlement, mobilisation) et les points critiques d’émergence d’un acteur collectif territorial.

3.3.1. La problématisation

Résoudre un problème concret : améliorer l’attractivité du territoire auprès des talents

Le projet d’innovation sociale eDRH06 a débuté en 2009. Le point de départ de ce projet est

le rapport stratégique Sophia Vision9, commandé par la Fondation Sophia Antipolis. Cette

réflexion stratégique a été menée par le Club des Dirigeants, la CCI et la CASA

(Communauté d’Agglomération de SA). Plus précisément, dans le cadre d’une stratégie RH

axée sur le capital humain, trois enjeux territoriaux clés constituent les fondements de ce

projet (mise en œuvre d’une stratégie RH territoriale) :

- La concurrence entre les territoires. En effet, il s’agit de dynamiser un bassin d’emploi

concurrencé au niveau de la chasse aux talents10

dans le secteur des hautes technologies ;

- La difficulté à attirer, intégrer, fidéliser les talents sur le territoire. Le slogan de la

plateforme est d’ailleurs explicite sur le sujet : « Sophia Antipolis welcomes Talent ! » ;

- La raréfaction et/ou volatilité des compétences clés, tout particulièrement dans les deux

filières d’excellence du territoire (STIC et Sciences du Vivant).

Le projet est donc une réponse à un problème concret de maintien et de développement de

l’attractivité du territoire pour des profils rares hautement qualifiés et employables. Cette

problématisation est élaborée à partir de l’analyse des besoins des entreprises et des acteurs

9 Sophia Vision est un des projets phare du Club des Dirigeants de SA, initié en 2006. L’objectif final de ce

comité de réflexion était de repositionner SA comme l’une des toutes premières technopoles mondiales, en

définissant les aspects clés du projet stratégique de développement des activités et des emplois à horizon 10-15

ans. 10

Les acteurs du projet ont décidé d’axer leur stratégie RH et leur communication sur la notion de talents, dans

la mesure où leur objectif est d’attirer les meilleurs pour répondre aux besoins des entreprises du territoire. Dans

la pratique, la plateforme s’appuie clairement sur une démarche compétences : recrutement par les compétences,

développement des compétences par la formation, etc.

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publics en matière d’attractivité et de stabilisation des compétences, afin de concrétiser leurs

ambitions stratégiques pour SA.

« L’objectif est d’attirer les meilleurs pour rendre le territoire meilleur » (Président du Club des Dirigeants,

entretien).

Ainsi, l’initiative du projet vient du Club des Dirigeants de SA, et du diagnostic stratégique

réalisé sur le territoire. La mise en œuvre a été portée et coordonnée par la CCI NCA et Team

Côte d’Azur, avec de multiples partenaires ou alliés potentiels, qui ont été intégrés

progressivement et en fonction de l’élaboration des différents modules et services.

Cibler des alliés potentiels : une démarche partenariale et collaborative

Pour faire face aux enjeux stratégiques autour des compétences et des talents, la Chambre de

Commerce et ses partenaires ont mis en œuvre une démarche originale conjuguant innovation

sociale et performance économique. C’est à l’issue de groupes de travail collaboratifs avec les

DRH et les chefs d’entreprises qu’est apparu le besoin de mutualisation et de coproduction

d’outils et de services. Plus précisément, à partir d’une première réunion d’une vingtaine de

DRH en 2009, la démarche s’est concrétisée très rapidement par l’organisation de formations

mutualisées (en 2010, 20 sessions réalisées autour de 18 entreprises, avec 200 salariés

formés). Dans un premier temps, tout se faisait « à la main » : une personne recensait les

besoins et organisait les formations inter-entreprises. La coordination informelle a rapidement

montré ses limites, avec en particulier des problèmes de surcharge et d’inefficacité de la

communication par e-mails.

« Au début, il y avait beaucoup trop de mails échangés entre nous [DRH et responsables de formation]. Très

rapidement, nous avons ressenti le besoin de nous institutionnaliser en créant une plateforme mutualisée »

(Chargé de développement RH, INRIA, réunion).

Par conséquent, un outil d’inscription en ligne a été créé (eDRH06) pour gérer et accélérer le

mouvement, tandis que la CCI désignait un chef de projet pour coordonner le projet global

« eDRH Sophia Antipolis » et le faire « grandir et avancer ». À partir des formations

mutualisées, les autres services ont été développés en associant des alliés en fonction des

objectifs et des thématiques : les services de la plateforme ont été déployés dans de

nombreuses directions pour aider les petites et les grandes entreprises à connaître, attirer et

développer les compétences du territoire (formations mutualisées, recrutement par les

compétences, observatoire des compétences, diagnostic GPEC pour PME, numéro vert

risques psycho-sociaux, guides d’accueil et documentation pour l’intégration sur le territoire,

etc.). Les actifs du territoire, salariés ou demandeurs d’emploi, bénéficient de cette recherche

de fidélisation géographique par un meilleur accueil et une intégration facilitée. Ils peuvent

également disposer d’une vitrine « discrète » pour les personnes en poste, et d’un outil de

recherche efficace d’emploi. L’observatoire des compétences est un véritable outil

d’appréciation en « temps réel » de la valeur de son portefeuille de CI sur le territoire, à partir

de l’analyse des compétences les plus recherchées.

Basées sur le principe de mutualisation, les solutions aux besoins RH exprimés sont : (1) co-

produites avec l’implication et l’expertise des services RH des entreprises partenaires ; (2)

partagées et mises à la disposition de toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles

(start-up, TPE, PME, grands groupes).

« eDRH est une très belle initiative de mutualisation des ressources des entreprises de la région. Un vrai contrat

gagnant-gagnant » (Group Talent Manager, Virbac, témoignage presse).

« Ce projet est une histoire d’hommes, d’entreprises, d’associations d’entreprises et de partenaires »

(Responsable formation, Fondation Sophia Antipolis, réunion).

« Il a fallu se réunir et apprendre à travailler ensemble » (Chef de projet, entretien).

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Le contexte de crise économique et la rareté relative des ressources sur le territoire sont des

éléments qui ont catalysé la participation des acteurs à la démarche. Le projet eDRH06

s’appuie ainsi sur une démarche partenariale et collaborative. En effet, de très nombreux

partenaires ont participé à ce projet, avec des niveaux d’investissement différents : partenaires

fondateurs, pilote du projet, acteurs institutionnels et territoriaux, entreprises (cf. Tableau 4).

« Dans un contexte de crise, et donc de rareté des ressources, en 2009, les acteurs [associations d’entreprises et

institutions] se sont naturellement mobilisés pour répondre à des enjeux qui appellent à une nécessaire

mutualisation » (Chef de projet, entretien).

Tableau 4 : Les acteurs du projet de GTEC eDRH06

Types d’acteurs Les alliés du projet eDRH06

Partenaires fondateurs Club des Dirigeants, Team Côte-d’Azur

Institution pilote du projet CCI Nice Côte d’Azur (CCI NCA)

Acteurs institutionnels et

territoriaux

AFPA, ANDRH Côte d’Azur, APEC, ARACT, Communauté d’Agglomération

Sophia Antipolis (CASA), Club des DRH de Sophia Antipolis, CNRS, Dirrecte,

Incubateur Paca-Est, INRA, INRIA, Fondation Sophia Antipolis, Maison de

l’Emploi, Skema Business School, Telecom Valley, Université de Nice-Sophia

Antipolis, etc.

Entreprises des

Technologies de

l’Information et Télécoms

Amadeus, Antyas, Astek, Avisto, CNRS, CSR, Hitachi, Icera, Infotel,

Incubateur Paca-Est, INRIA, Logica, LoginPeople, Luxotiica, M2MSolution,

Mac² C (start up concepteur de l’outil), Median, Mines Paris Tech, Numara,

OneAccess, Orange, Qualisteo, SAP, SII, Sophia Conseil, Sopra Group,

STEricsson, Studiel, Sunplus, Supralog, Syselio, Texas Instruments, Thales

Entreprises des Biotech /

Santé / Pharma

European Society of Technology, Charabot, Forté Pharma, Galderma,

Laboratoires Genevrier, Merck Serono, Theramex, Virbac

Autres partenaires

(« business »)

Adecco, Harmonie Mutuelles, Persan, Psya, etc.

Déterminer une logique : les axes de développement

Afin de faire adhérer les alliés potentiels au projet, il a été nécessaire de définir une logique

fédératrice des 15 services et solutions RH à proposer. Cette logique propose de regrouper ces

15 outils RH en 3 axes de développement, reprenant les étapes clés d’un processus de gestion

des talents : (1) Attirer et recruter ; (2) Accueillir et intégrer ; (3) Former et développer. À ces

3 axes, a été ajouté par la suite un 4ème

axe de développement : partager des outils RH. La

détermination de cette logique en 4 axes a été importante pour créer une cohésion d’ensemble

entre tous les outils RH proposés par la plateforme, et pour faciliter la communication aussi

bien en interne (entre les différents alliés) qu’en externe (vis-à-vis des différents publics

cibles : entreprises, actifs salariés ou non, et territoire de SA).

3.3.2. Les dispositifs d’intéressement

Raconter une bonne histoire : la mutualisation des intérêts

Afin d’intéresser les alliés potentiels, le Club des Dirigeants et la CCI ont insisté sur l’intérêt

économique du projet face à la compétitivité internationale des territoires et la crise de 2008.

En effet, ils l’ont présenté comme étant indispensable au développement économique de

l’ensemble de la région. Pour répondre au défi des talents auquel sont confrontés les

territoires dans une économie devenue celle de la connaissance, ils ont cherché à justifier et à

monter des services RH mutualisés en s’appuyant sur la puissance d’Internet.

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XXIVème

Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

17

« L’approche éco-systémique est nécessaire : chacun se nourrit de l’autre. Autrement dit, on est toujours plus

fort ensemble » (Président du Club des Dirigeants, entretien).

« Exister seul devenait compliqué (…) Il y a clairement eu la volonté de faire ensemble et c’est cette volonté qui

a poussé le projet eDRH06 » (Chef de projet, entretien).

Pour le chef de projet, c’est donc vraiment la mutualisation des intérêts qui a été le moteur de

l’émergence de l’acteur réseau collectif. Les difficultés financières de certaines entreprises ont

fait naître la « volonté de partager les choses » pour renforcer l’attractivité du territoire pour

les petites entreprises et les compétences clés.

« En tant qu’animateur de la communauté RH du département 06 (180 adhérents), nous sommes très rapidement

passés d’une communauté d’intérêts (partage d’expériences et bonnes pratiques) à une communauté de besoins

clairement exprimés : partager un projet commun, celui d’une DRH mutualisée apportant des services et des

solutions co-produites et partagées pour répondre à des problématiques communes » (Chef de projet, entretien).

Cette mutualisation des intérêts a été soutenue par les niveaux élevés de proximités

organisationnelle et institutionnelle sur le territoire de SA, dans la mesure où la technopole a

une identité claire et stable autour des TIC et de l’informatique. Développer une application

numérique et innovante de GTEC en réseau était ainsi un projet en phase avec l’image et la

culture territoriale partagée.

Système de récompense matériel : la mise en ligne de la plateforme eDRH06

La mise en ligne de la plateforme eDRH06 depuis janvier 2012 permet aux alliés de prendre

conscience de ses dimensions ludiques et numériques, en adéquation avec les cœurs de

métiers (STIC et Sciences du Vivant) et l’identité de SA. Les partenaires peuvent dès lors

apprécier, par l’usage, les 15 services proposés par la plateforme, et ce grâce à un ciblage par

publics (demandeurs d’emploi et salariés en poste, start-up, PME, grandes entreprises ou

instituts de recherche). Les trois axes de développement autour des talents structurent l’outil

qui est un portail au service de l’employabilité et de l’employeurabilité sur le territoire (cf.

Image 1 et Figure 1 de synthèse de la plateforme).

Image 1 : Page d’accueil de la plateforme eDRH06 (mars 2013)

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

18

Pour les actifs, la plateforme offre une vitrine adaptée en fonction de la situation et du

portefeuille de compétences, avec une exposition maximale pour les demandeurs d’emploi et

une garantie d’anonymat pour les salariés en poste. C’est donc un outil qui améliore

l’employabilité par une présentation codifiée et ciblée des compétences détenues et

potentielles en fonction des besoins du territoire. Pour les entreprises, le développement de

l’employeurabilité dépend de la taille de l’entreprise : pour les TPE/PME, la plateforme offre

des outils pour développer la gestion par les compétences et offrir des services impossibles à

développer en interne (documentation pour la formation et l’intégration, diagnostic GPEC,

aides au recrutement, n° verts risques psycho-sociaux, formations mutualisées) ; et les grandes

entreprises profitent des modules de formations mutualisées, ainsi que d’accueil et

d’intégration sur le territoire, problématiques communes à toutes les entreprises. La

perspective d’un plan de formation territorial et de la mise en œuvre d’une plateforme

mobilité les fédère également. Mais ce sont les apports en termes de communication RH et de

gestion de leur marque employeur qui sont déterminants dans la participation des acteurs au

projet.

Système de récompense symbolique : e-réputation et marque employeur / territoire

Le territoire de SA bénéficie de ressources pour gérer son image de marque et sa réputation

avec une agence de marketing territorial dédiée (Team Côte d’Azur), qui a été un acteur clé

du projet. Le développement réussi d’une plateforme de GRH mutualisée et virtuelle sur le

territoire est un projet de nature à apporter une plus-value pour l’identité et la marque de SA.

La communication autour de la plateforme est intensive et organisée, et elle s’apparente à une

stratégie de gestion de marque-employeur, mais d’un point de vue territorial. « Sophia

Antipolis welcomes Talent ! » est le slogan de ce plan de communication RH pour améliorer

l’attractivité du territoire et de ses entreprises. Il constitue en grande partie le système de

récompense symbolique du dispositif : améliorer l’image de marque employeur et territoire

pour attirer les plus employables et fidéliser les compétences.

D’autre part, et comme déjà souligné dans la présentation de la plateforme eDRH06, cette

dernière a obtenu, le 20 novembre 2012, une reconnaissance au niveau national avec le « Prix

Agir 2012 », décerné par l’Académie de l’Intelligence Economique, pour sa démarche

innovante et prospective dans le domaine des RH. Plus précisément, la reconnaissance a porté

sur l’originalité de la démarche, la synergie des actions pour un développement territorial, un

système d’offre de mutualisation des compétences sur un territoire, l’étendue de l’offre et la

transférabilité du projet.

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

19

Figure 1 : Synthèse de la plateforme eDRH06

3.3.3. L’enrôlement

Lors de la 3ème

étape du processus de traduction, la démarche de GTEC « s’incorpore dans des

supports inscrits », c’est-à-dire que les acteurs, les outils conçus et leurs utilisations

s’articulent progressivement pour constituer un acteur collectif. Ils sont enrôlés grâce à la

plateforme qui, via notamment la nomenclature des compétences, a permis de créer « un

langage commun » (chef de projet, entretien).

Incorporation des approches dans des « supports inscrits » : l’utilité des services RH clés

(formation, recrutement, observatoire des compétences)

La plateforme s’est construite, progressivement, par tâtonnements et « par briques ». Le

portail unique est récent (version 1 depuis juin 2012) et permet de créer une entrée unique aux

différents services. « Toutes les briques sont ouvertes », c’est-à-dire libres d’accès, sauf pour

les formations mutualisées, le recrutement des talents et les aides au logement. La plateforme

a été qualifiée de différentes manières, notamment de « centre de services partagés » et de

« portail collaboratif ». Pour chaque service RH proposé sur la plateforme, les partenaires

sont clairement identifiés sur les supports de communication. Chaque service est piloté par un

responsable de mission. Par exemple, Mac² C est l’acteur pilote du service « Recruter des

talents », la CCI pour les formations mutualisées, etc. Nous présentons ici les 3 services RH

clés de la plateforme eDRH06.

Attirer les talents Fidéliser les talents

3 axes de développement

Stratégie (et marketing) RH

territoriale

Attirer et recruter Former et

développer

Accueillir et intégrer

Mobilité internationale :

- Recruter des talents

- Talent Recruitment Toolkit

- Formalités administratives

- Côte d’Azur Welcome Guide

- Aide au logement

- Intégration du conjoint

- Veille réglementaire

Formation :

- Formations

mutualisées

- Trouver un

organisme

- Financement

- Boîte à outils

Outils RH

communautaires :

- Communauté RH

(EcoBiz RH)

- Diagnostic GPEC

- N° Vert Risques

Psychosociaux

- Observatoire des

compétences

Communication RH

- Site web

- Applications mobile

- Réseaux sociaux numériques (LinkedIn)

- Plaquettes de présentation

- Newsletters

- Evénements…

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XXIVème

Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

20

1er

service : Les formations mutualisées

Ce service RH est le résultat du plus ancien groupe de travail collaboratif (3ème

version de

l’application sur la plateforme). Dans le contexte où les TPE/PME, majoritaires sur le

territoire, ont du mal à répondre aux besoins de leurs salariés en termes de formation, la

plateforme offre aux responsables formation, OPCA (pour le financement des besoins

exprimés de formation), associations d’entreprises et pôles de compétitivité, un service

complet de formations mutualisées. Ce service permet la diffusion automatique des

programmes de formation, l’inscription en ligne et en lien avec le prestataire retenu. En

d’autres termes, l’outil offre une vitrine des formations proposées par les organismes locaux

et des besoins exprimés par le marché. Les programmes de formation11

sont conçus et validés

par les responsables formations des entreprises partenaires. L’objectif de ce service est de

consolider les besoins communs de formations des organisations (en dehors de leurs

compétences critiques, cœurs de métier). Plusieurs avantages sont avancés pour motiver les

entreprises à adhérer à la démarche : réduire les frais de formation (en termes de

déplacements, logements, etc.), sécuriser le choix du prestataire (en bénéficiant des

évaluations réalisées sur les sessions précédentes), améliorer l’efficacité de la formation en

bénéficiant des retours d’expériences et des partages de pratiques entre chargés de formation.

Pour les acteurs publics territoriaux, mobiliser et faire travailler les organismes de formation

locaux est également un objectif.

« La mutualisation des actions de formation offre de nombreux avantages, notamment ceux d’optimiser les

budgets formation, de satisfaire plus de demandes et de diversifier l’offre aux salariés de chaque entreprise »

(Responsable formation, INRIA, témoignage).

« Pour les formations, nous dépensions plus d’argent en frais de déplacement, d’hébergement et restauration,

qu’en frais pédagogiques. D’où l’idée : ne serait-il pas mieux de faire venir les formateurs à Sophia ? De

nombreuses entreprises étant confrontées au même problème, il suffisait de regrouper les demandes pour un

même type de formation et d’assurer la formation dans les locaux d’une des entreprises, la facture globale étant

partagée. C’était pour nous une façon d’accroître les compétences du territoire azuréen » (Président du Club

des Dirigeants, entretien).

Concrètement, deux fois par an, le chef du projet eDRH06 recueille les besoins des 33

entreprises partenaires afin d’organiser des sessions de formation. En 2012, 13 entreprises ont

mutualisé leurs formations, 27 sessions de formation ont été organisées et 300 stagiaires ont

été formés. Début 2013, 70 organismes de formation locaux sont inscrits pour 1 200

programmes de formation proposés, et 836 recherches côté demandeurs.

D’un point de vue technique, le service « Formations mutualisées » permet de créer des fiches

formation, avec une mise en forme « marketée », c’est-à-dire une recherche par mots clés

pour une mise en relation ciblée des besoins avec les offres de formation. Les participants au

groupe de travail se partagent la prise en charge de l’organisation des différentes sessions

ouvertes après consolidation des besoins des entreprises (seuil de 8 à 10 participants prévus en

moyenne pour lancer l’organisation d’une session). Ils mutualisent les formations via la

plateforme et ses applications : ouverture de session avec envoi de mails aux chargés de

formation préinscrits, inscription en ligne, alerte mail et SMS pour envoi des convocations,

etc. L’ambition de ce module serait de proposer à terme un plan de formation territorial, en

s’appuyant sur les organismes de formation locaux.

« Dans ce domaine, la zone géographique est importante pour les stagiaires et pour donner du sens à la

mutualisation » (Chargé de formation, réunion).

11

Les formations demandées sont des modules classiques et transversaux : gérer son temps et ses priorités,

optimiser sa communication, gestion de projets, management d’équipe, gestion du stress, etc.

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

21

2ème

service : Le recrutement des talents par les compétences

Les deux outils développés pour faciliter le recrutement des compétences sur SA (« Recruter

des talents » et « Talent Recruitment Toolkit ») sont spécialisés sur les deux domaines

d’activités stratégiques clés de SA : les STIC et les Biotech / Santé / Pharma. Ils ont donc

comme particularités d’être territorialisés et construits sur une « entrée par les compétences »

techniques répertoriées dans l’optique de constituer un vivier de talents. À la fin 2012, et donc

en l’espace de 24 mois, un vivier de 8 000 profils a été constitué à la disposition des

entreprises de SA.

Le service « Recruter des talents » est disponible à partir du portail de recrutement territorial

www.sophiaantipolis-carrers.com, et s’adresse aux responsables recrutement et mobilité

internationale, ainsi qu’aux chefs d’entreprises des filières STIC et Sciences du Vivant. Il leur

permet d’avoir accès à un vivier de talents composé d’ingénieurs et de scientifiques

souhaitant venir travailler sur le territoire, ainsi qu’une mise en relation directe avec des

profils de compétences ciblés. L’identification des compétences a été réalisée avec l’aide

d’experts métiers, avec un travail de traduction classique des métiers en compétences

techniques fines.

« L’objectif est de savoir mieux recruter à l’international sans coûts supplémentaires pour les entreprises »

(revue de presse).

« Ce système est une aide précieuse, qui permet d’être très précis sur la définition du profil et réactif »

(Dirigeant M2MSolution, témoignage presse).

L’outil Talent Recruitment Toolkit a été développé par la Telecom Valley et est en cours de

développement de sa 2ème

version. Cet outil est une méthode interactive, « à vocation

informative et pédagogique » qui a été réalisée dans le but d’accompagner les TPE/PME non

spécialistes des RH, dans leur processus de recrutement. Une enquête de 200912

dressait en

effet le constat de fortes attentes et difficultés des start-up et PME en matière de recrutement.

Ce sont les problématiques d’identification et d’attractivité des talents, de connaissance et

d’utilisation des dispositifs d’aide à l’emploi qui avaient alors émergé.

Dans un premier temps, les groupes de travail sur le thème, constitués de « recruteurs », ont

mis au point un formulaire électronique fondé sur les compétences, et identique à la fois pour

le candidat et l’entreprise. Pour pouvoir être partagé, le formulaire a été construit comme un

référentiel numérique de compétences détaillées pour les deux filières, avec une navigation

aisée par menus déroulants, avec des cases à cocher pour déterminer le profil candidat ou

recherché. C’est donc un outil de recherche ciblé et adapté pour les entreprises et les profils

particuliers du territoire. Une option de confidentialité est notamment offerte : des modes

anonymes pour les candidats (CV non accessible mais compétences répertoriées) et les

recruteurs (diffusion de l’annonce ciblée aux candidats présélectionnés). Pour les candidats, la

plateforme leur permet d’améliorer leur visibilité, même en poste, et donc d’augmenter leur

employabilité et de prendre conscience de leurs compétences. Pour les entreprises, la

plateforme leur permet de cibler leurs recherches sur quelques candidatures, de générer des

annonces envoyées aux candidats par SMS, de recruter de façon discrète (de telle sorte à ne

pas divulguer leur stratégie de développement par exemple), et enfin de visualiser les CV et

alertes. Cet outil a été prolongé par un service de veille territoriale sur les CI disponibles et

recherchées : l’observatoire des compétences.

3ème

service : L’observatoire des compétences

L’observatoire des compétences est réalisé, de manière continue et en instantané, à partir des

compétences disponibles (détenues par les candidats) et requises (demandées par les

12

Commission Emploi-Formation de Telecom Valley.

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

22

entreprises). Il offre une cartographie par grands domaines de compétences. Cette

cartographie permet de voir quelles sont les compétences critiques du territoire dans une

démarche de GTEC. Plus précisément, à partir de l’exploitation des bases de données du site

www.sophiaantipolis-careers.com, l’Observatoire restitue, au niveau des compétences les plus

fines, en temps réel et sous formes de graphiques dynamiques :

- d’une part, les compétences disponibles « en stock » dans le vivier mis à disposition des

entreprises ;

- d’autre part, les compétences recherchées par les entreprises de SA, à partir des offres

diffusées (données non nominatives).

L’analyse des écarts constitue un intérêt tout particulier pour les entreprises, les Institutions et

les investisseurs en quête d’une connaissance approfondie de ce bassin d’emploi, des

possibilités de développement endogènes, de plans d’actions ciblées en termes de formation

ou de recrutement hors du territoire.

3.3.4. La mobilisation (et la stabilisation du réseau)

L’acteur réseau doit être « irréversibilisé » pour que la dynamique d’innovation sociale soit

complète. Au terme du processus de traduction, l’accord autour du projet et les accords issus

des négociations sont au cœur de la mobilisation et de la stabilisation du réseau. Le porte-

parole contribue à la diffusion de ses logiques.

Accord : une plateforme au service des TPE/PME locales

À son origine, le projet de GTEC était centré sur les besoins des TPE et PME locales en

matière de GRH. Avec de fortes problématiques d’intégration et d’accueil partagées par les

grandes entreprises, la plateforme a finalement développé des services transverses et destinés

également aux entreprises de grande taille. Ce sont les besoins des entreprises en matière de

compétences sur le territoire et de compétences RH en interne qui ont guidé la démarche et

son instrumentation.

« Notre parti pris en tant que CCI est d’aider les entreprises, alors que la GPEC-T a pour vocation également

d’aider les individus, les salariés » (Chef de projet, entretien).

Le pilotage de la démarche par la CCI s’est développé dans le cadre d’une convention avec la

Direccte. Dans le cadre de la circulaire de 2010 sur la GTEC, la Direccte est en charge de

déployer ce type d’action et la CCI a servi d’ « organisme relais » sur ce projet eDRH06. Or,

les acteurs publics territoriaux ne hiérarchisent pas aussi clairement les objectifs

d’employeurabilité et d’employabilité sur le territoire. Ce sont les partenaires les plus

sensibles aux questions d’emploi et de sécurisation des parcours professionnels sur le

territoire, de protection et d’insertion professionnelle des populations les plus fragiles. Ainsi,

même si les TPE/PME étaient les bénéficiaires prioritaires du projet de plateforme, une

instrumentation de GPEC-T émerge à l’interface d’un tryptique d’acteurs : le territoire, les

entreprises (grandes et petites), et les individus/salariés. Ils sont actants et contributeurs dans

l’émergence de l’instrumentation.

Les grandes entreprises ont joué un rôle clé dans l’avancement du projet. Les intérêts

reconnus par les grandes entreprises à leur participation ou soutien au projet de GTEC sont

multiples : ancrage territorial au côté des petites entreprises, développement de leur marque

employeur et accès à une CVthèque importante.

« Nous n’avions pas de besoin direct de partage (…), mais nous l’avons fait pour le territoire et le bassin

d’emplois. Il est important pour une grande entreprise de travailler dans un tissu d’entreprises. La

mutualisation de services RH permet ainsi non seulement d’aider les petites entreprises à monter des formations

mais aussi à recruter. Elle vise également à faciliter l’intégration de nouveaux salariés (obtention de permis de

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XXIVème

Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

23

travail, logement, etc.). Des problématiques qui sont communes à tous : grands et petits » (DRH d’Amadeus,

plus gros employeur de la technopole – 2 500 salariés directs, revue de presse).

« Cette DRH mutualisée apporte des solutions portées par les grandes entreprises pour être mises à la

disposition ensuite de toutes les entreprises, notamment les plus petites qui n’ont pas de fonction RH

internalisée » (Chef de projet, entretien).

Si les grandes entreprises du territoire ont joué les « locomotives », ce n’est pas pour leur seul

avantage. Les TPE/PME innovantes y trouvent également leur compte.

« Nous venons de croître récemment. Nous étions 4 en août et sommes 10 aujourd’hui. Parmi les 6 ingénieurs

embauchés, 2 l’ont été grâce à la plateforme eDRH, avec un coût qui n’a rien à voir avec le circuit

traditionnel » (Directeur de Qualiteo, une start-up spécialisée dans les systèmes de mesure des consommations

électriques, revue de presse).

Un autre objectif avéré de la plateforme est de faire bénéficier les TPE/PME des bonnes

pratiques RH développées par les grandes entreprises en place. La mobilisation du réseau se

renforce par les accords multiples engagés et négociés par les acteurs selon les services.

Négociation : l’usage effectif des outils RH de la plateforme

Les formations mutualisées se révèlent mises en œuvre principalement pour les entreprises et

les institutions partenaires de grande taille dans la mesure où ce sont leurs salariés qui

permettent d’atteindre les seuils critiques d’ouverture des sessions de formation. La

mutualisation des besoins permet aux petites entreprises de former au meilleur coût et à

proximité leurs salariés, mais elles utilisent finalement assez peu ce service. Les besoins des

TPE et PME en la matière sont plutôt traités via des modules de documentation et

d’orientation (financement de la formation, trouver un partenaire) ou d’intervention et de

conseil (diagnostic GPEC).

Quant aux services de recrutement, ils sont finalement très aboutis et combinent à la fois

outils de recherche de type job board territorialisé pour les actifs en recherche d’emploi ou en

poste, vivier de talents pour toutes les entreprises, accompagnement au diagnostic GPEC et au

recrutement ciblé dans les TPE/PME, observatoire des compétences pour servir la GTEC et

base de documentation et de localisation des ressources. Finalement, ces outils favorisent la

mobilité de l’ensemble de la main d’œuvre sur le bassin d’emploi, la notion de guerre des

talents n’étant pas unique, il s’agit de favoriser le placement et la recherche d’emploi sur le

territoire.

« 99% des gens ont un profil plus ordinaire, il y a finalement tellement peu de profils très pointus » (Chef de

projet, entretien).

Porte-parole : le chef de projet, un traducteur officialisé tardivement

Le chef de projet (CCI NCA) a été le pilote de la démarche de GTEC. Le rôle de la CCI dans

le projet est double : (1) faire échanger, partager, les besoins et les services sur le territoire ;

(2) l’organisation des formations mutualisées. Les partenaires fondateurs se sont accordés

pour désigner un « ensemblier » institutionnel, la CCI, et le chef de projet désigné a rempli ce

rôle de coordination tardivement. En effet, même s’il lui est souvent attribué ce rôle de chef

de projet, ce dernier considère qu’il n’a pas vraiment pu jouer son rôle de coordinateur de

projet, dans la mesure où cette attribution n’était pas son rôle officiel.

Toutefois, c’est lui qui joue le rôle d’acteur traducteur ou centre de traduction. En effet, afin

de mobiliser les partenaires autour du projet de GTEC eDRH06 (obtenir leur implication, les

motiver, les inciter à échanger, etc.), le chef de projet CCI NCA s’est vu jouer le rôle de

« porte-parole » chargé de « traduire » les objectifs et les contraintes globales du projet, dans

un langage à la portée de chacun, en tenant compte des attentes et des exigences des différents

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

24

alliés. Ce processus est destiné à favoriser la compréhension mutuelle et à convaincre les

acteurs de s’engager dans le projet global.

Construction d’une identité et stabilisation du réseau

L’outil eDRH06 Sophia Antipolis existe depuis janvier 2012. Depuis sa mise en ligne, le chef

de projet et quelques acteurs clés s’investissent dans une campagne de communication

intensive afin de faire en sorte que la plateforme soit utilisée. Pour ce faire, tous les moyens

de communication sont mobilisés : site web, application mobile, réseaux sociaux numériques

(LinkedIn), plaquettes de présentation, newsletters, mailing, événementiel, etc. D’ailleurs, les

financements13

par les partenaires ont été uniquement réinjectés en communication.

La plateforme eDRH06 est également présentée lors de salons de recrutement internationaux

(Europe, Asie, USA) et un partenariat a été établi avec le MIT Boston pour donner un accès

privilégié aux stagiaires de la plus prestigieuse école d’ingénieurs.

En outre, cette plateforme eDRH06 sera l’outil d’une GPEC territoriale à venir, encore

inaboutie. La rétention des talents suppose une mobilité territoriale facilitée. La Présidente du

Club des DRH précise que deux axes de travail sur la mobilité ont particulièrement émergé :

la question des conjoints et des mobilités externes subies, notamment dans le cadre de Plans

de Sauvegarde de l’Emploi. Un projet de plateforme mobilité est à l’étude, avec le soutien de

la Direccte et de l’AFPA, et l’intervention de l’APEC notamment sur l’accompagnement de

conjoints. Il s’agirait de construire les supports pour favoriser et sécuriser la mobilité sur le

territoire.

« Il faut formaliser et démultiplier les possibilités d’emplois des salariés, avec des filières élargies sur Sophia, et

en faire ainsi un territoire élargi » (Présidente Club des DRH, entretien).

Au final, eDRH06 est une instrumentation non encore stabilisée, malgré un stade déjà bien

avancé. Son déploiement est un laboratoire d’initiatives et d’innovations sociales, autour de la

mutualisation et de la communication.

« Une GPEC-T est un processus long, compliqué, l’investissement de nombreux acteurs » (Présidente Club des

DRH, entretien).

« Une GPEC-T nécessite un plan d’actions concret que nous sommes en train de définir » (Chef de projet,

entretien).

En guise de synthèse, nous mettons en perspective l’instrumentation de la GTEC eDRH06

étudiée grâce au cadre d’analyse proposé par la théorie de l’acteur-réseau, distinguant les

quatre grandes phases du processus de traduction et les points critiques d’émergence d’un

acteur collectif territorial (cf. Tableau 5).

13

Les financements proviennent de 1/3 Etat (Direccte), 1/3 région, 1/3 CASA (Communauté d’Agglomération

de SA).

Page 26: L’instrumentation de la GTEC au service de … · de projets de GPEC-T par les acteurs régionaux de l’Etat). Malgré ce « coup d’accélérateur » ... (2010), trois cadres

XXIVème

Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

25

Tableau 4 : Analyse de la plateforme eDRH06 à partir du processus de traduction

Étape du

processus

Contenu Plateforme eDRH06

Problématisation Résoudre un problème

concret

Cibler des alliés

potentiels

Déterminer une logique

Rapport stratégique Sophia Vision de la Fondation de Sophia

Antipolis en 2009 : mise en évidence des 3 enjeux

stratégiques territoriaux, dont l’attractivité des talents sur le

territoire

Démarche partenariale et collaborative entre des acteurs

institutionnels proactifs et coordonnés : CCI NCA,

Fondation, Clubs Dirigeants et DRH, Team Côte d’Azur,

grandes entreprises et TPE/PME

Définir les 4 axes de développement : (1) Attirer et recruter ;

(2) Accueillir et intégrer ; (3) Former et développer ; (4)

partager des outils RH

Intéressement Raconter une bonne

histoire

Système de

récompense matériel

Système de

récompense

symbolique

Mutualiser les pratiques de GRH entre les entreprises

Mettre en ligne rapidement la plateforme eDRH06

15 services proposés par la plateforme, ciblage par publics

(demandeurs d’emploi et salariés en poste, TPE/PME,

grandes entreprises ou instituts de recherche)

Attractivité du territoire et des entreprises : e-réputation,

image de marque employeur / territoire

Obtention du « prix Agir 2012 » de l’Académie de

l’Intelligence Economique pour les dimensions innovante et

prospective de la démarche

Enrôlement Principaux « supports

inscrits »

L’utilité des 3 services RH clés :

- 1er

service : les formations mutualisées

- 2ème

service : le recrutement par les compétences

- 3ème

service clé : l’observatoire des compétences

Mobilisation (et

stabilisation)

Accord

Négociation

Porte-Parole

Construction d’une

identité et stabilisation

Une plateforme au service de la GRH dans les TPE/PME du

territoire et de l’attractivité du territoire pour les

compétences : développer l’employeurabilité sur le territoire

L’usage effectif des outils RH de la plateforme selon les

services et les acteurs :

- Formations mutualisées : grandes entreprises et

établissements de recherche

- Recrutement : demandeurs d’emploi en poste et en

recherche / entreprises variées

Chef de projet (CCI NCA)

Communication intensive : web, mailing, événementiel,

supports divers

Toujours en cours

4. Discussion et conclusion

Notre discussion porte sur deux points. Le premier point de discussion, qui constitue l’apport

majeur de notre travail, concerne notre problématique d’articulation CI-employabilité. Pour

Loufrani-Fedida et al. (2012), l’analyse des littératures spécialisées sur la gestion des CI et

l’employabilité les ont conduites à mettre en avant le rôle majeur joué par la GTEC comme

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Congrès de l’AGRH – Paris, du 20 au 22 novembre 2013

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matrice globale et référence commune aux deux démarches. Notre analyse du cas eDRH06

permet de montrer concrètement comment la plateforme articule les compétences et

l’employabilité sur le territoire, grâce à la combinaison progressive et judicieuse

d’applications et de services ciblés de DRH mutualisée. En particulier, cette première analyse

de la plateforme eDRH06 fait émerger plusieurs facteurs clés de succès de cette articulation :

une démarche partenariale et collaborative ouverte et progressive, l’adaptation des modules

aux différents profils d’entreprises et de salariés utilisateurs (TPE/PME et grandes entreprises,

demandeurs d’emploi et salariés en poste), ou encore l’utilisation intensive des TIC (site

internet, mails, SMS, réseaux sociaux numériques, applications mobiles, etc.). De notre point

de vue, notre travail s’intègre dans les développements récents des recherches sur la GTEC

cherchant à faciliter la dialectique entre connaissances et terrain. À l’instar de Mazzilli (2010),

notre recherche montre que la concrétisation d’une GTEC ne tient pas uniquement au

développement d’outils sophistiqués, l’utilisation des TIC n’étant qu’un aspect du projet de

GTEC eDRH06.

Le second point de discussion se situe au niveau de l’employeurabilité des entreprises. Le cas

étudié présente la spécificité d’être d’abord ciblé sur les TPE et PME du territoire, ainsi que

sur leurs besoins en GRH et en compétences pour se développer. La démarche de GPEC-T

développée dans eDRH06 est avant tout une recherche de transposition et d’extension de

dispositifs de GPEC pour les petites entreprises, grâce à la mutualisation de ressources sur le

territoire. Elle se poursuit aujourd’hui par l’invention d’une démarche de GPEC au niveau

territorial, à partir de l’extension de la plateforme numérique à une plateforme physique de

mobilité (dont les publics cibles sont les actifs en poste ou demandeurs d’emploi). Le cas

étudié confirme la construction d’un modèle inédit de GRH-T à deux « visages », la

« prospection RH territoriale » et/ou l’« animation RH territoriale » (Mazzilli, 2011). Nous

rappelons donc l’un des constats importants que nous avons établi dans la littérature : malgré

la diversité et la variété des modèles, l’extension, la transposition ou l’invention de démarches

de GPEC au niveau territorial s’imposent comme des logiques d’action dominantes dans les

dispositifs de GRH-T. Il nous semble donc que les travaux sur la GPEC-T ou la GTEC

devraient encore approfondir cette question centrale de l’articulation des démarches

territoriales et des démarches intra-organisationnelles. La définition et la délimitation de la

notion d’employeurabilité est une autre piste de recherche qui émerge de notre analyse, avec

une distinction qui s’impose entre les petites et les grandes entreprises. La taille conduit à

orienter sur des pratiques de mutualisation pour les PME et de communication RH pour les

grandes entreprises.

En définitive, cette communication se veut être un premier pas dans la compréhension de

l’instrumentation de GTEC au service de l’articulation entre CI et employabilité. Nous

continuons actuellement le recueil des données sur le projet eDRH06 Sophia Antipolis. Dans

un deuxième temps, nous envisageons de mener une étude de cas comparative entre la

plateforme eDRH06 Sophia Antipolis et la plateforme eDRH06 Industrie. L’objet serait ici

d’étudier quelles sont les démarches de codage et les opérations de traduction formalisées sur

les plateformes pour articuler CI et employabilité.

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DOCUMENTS DE TRAVAIL GREDEG PARUS EN 2013GREDEG Working Papers Released in 2013

2013-01 Raphaël Chiappini Persistence vs. Mobility in Industrial and Technological Specialisations: Evidence from 11 Euro Area Countries2013-02 Kevin D. Hoover Was Harrod Right?2013-03 Kevin D. Hoover Man and Machine in Macroeconomics2013-04 Isabelle Corbett-Etchevers & Aura Parmentier-Cajaiba Toying with Regulation: ‘Strategizing Tools’ as Organizational Bricolage2013-05 Aura Parmentier-Cajaiba Research Diary Mapping: Enhancing Reflectivity in Process Research2013-06 Richard Arena Sraffa’s and Wittgenstein’s Crossed Influences: Forms of Life and Snapshots 2013-07 Christophe Charlier & Sarah Guillou Distortion Effects of Export Quota Policy: An Analysis of the China - Raw Materials Dispute2013-08 Cristiano Antonelli & Alessandra Colombelli Knowledge Cumulability and Complementarity in the Knowledge Generation Function2013-09 Marco Grazzi, Nadia Jacoby & Tania Treibich Dynamics of Investment and Firm Performance: Comparative Evidence from Manufacturing Industries2013-10 Anna Calamia, Laurent Deville & Fabrice Riva Dynamics of Investment and Firm Performance: Comparative Evidence from Manufacturing Industries2013-11 Lauren Larrouy Bacharach’s ‘Variable Frame Theory’: A Legacy from Schelling’s Issue in the Refinement Program?2013-12 Amel Attour Adoption et modèles de diffusion régionale de l’innovation dans les gouvernements locaux: le cas du développement de l’e-Gouvernement en Lorraine2013-13 Anaïs Carlin, Sébastien Verel & Philippe Collard Modeling Luxury Consumption: An Inter-Income Classes Study of Demand Dynamics and Social Behaviors2013-14 Marie-José Avenier & Catherine Thomas Designing a Qualitative Research Project Consistent with its Explicit or Implicit Epistemological Framework2013-15 Amel Attour & Maëlle Della Peruta Le rôle des connaissances architecturales dans l’élaboration de la plateforme technologique d’un écosystème en émergence: le cas des plateformes NFC2013-16 Evelyne Rouby & Catherine Thomas Organizational Attention Elasticity: An Exploratory Case of Cement Production2013-17 Małgorzata Ogonowska & Dominique Torre Residents’ Influence on the Adoption of Environmental Norms in Tourism

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2013-18 Isabelle Salle & Pascal Seppecher Social Learning about Consumption2013-19 Eve Saint-Germes & Sabrina Loufrani-Fedida L’instrumentation de la GTEC au service de l’articulation entre compétences individuelles et employabilité : le cas de la plateforme eDRH06