L'impression 3D, comment atteindre les cadences industrielles ?

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MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet MCI PART TIME 2015 INSTITUT LEONARD DE VINCI THÈSE PROFESSIONNELLE Denis RODITI L’impression 3D, comment atteindre les cadences industrielles ? © 3D Systems

Transcript of L'impression 3D, comment atteindre les cadences industrielles ?

MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet MCI PART TIME 2015

INSTITUT LEONARD DE VINCI

THÈSE PROFESSIONNELLE

Denis RODITI

L’impression 3D, comment atteindre les

cadences industrielles ?

© 3D Systems

Denis RODITI 2/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

« L’impression 3D a le potentiel de révolutionner la façon

dont nous fabriquons presque tout », Barack Obama,

Discours sur l’État de l’Union.

« La prochaine étape de l'impression 3D consistera à

imprimer entièrement de nouveaux types de matériaux.

Finalement, nous allons imprimer des produits complets -

circuits, moteurs et batteries compris. À ce moment, tous

les paris sont ouverts. » Hod Lipson

Denis RODITI 3/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Vincent Montet et Alexandre Stopnicki pour leur

enseignement et leur enthousiasme communicatif sur tous les enjeux du digital, ainsi que

l’ensemble du corps enseignant.

Mes remerciements vont ensuite à tous les professionnels et spécialistes qui ont eu la

gentillesse de me faire bénéficier de leur expertise et de de leurs compétences sur la

fabrication additive.

Guillaume Riottot, MBA MCI Part-Time2014, pour m’avoir aiguillé sur les bons sujets

au tout début de ma thèse.

Arthur Cassaigneau, Marketing Manager chez Sculpteo

Cindy Mannevy, Communication & Marketing Manager chez Prodways, filiale du

Groupe Gorgé

Alexandre Martel, co-fondateur et rédacteur en chef du site www.3Dnatives.com, le

site français de référence sur l’impression 3D

Jean-Luc Laval, Deputy Group Marketing Director chez Fives

Georges Taillandier, président de l’Association française de prototypage rapide et

fabrication additive (AFPR)

Arnauld Coulet, directeur de l’agence Fabulous

Raphaël Gorgé, CEO du Groupe Gorgé, pour avoir répondu à l’un de mes tweets en

live dans l’émission Tech&Co sur BFM Business du 27 août 2015

Les étudiants du Fablab de La Défense, pour m’avoir montré le fonctionnement des

imprimantes MakerBot

Denis RODITI 4/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Table des matières RÉSUMÉ ....................................................................................................................................................5

MOTS-CLÉ .................................................................................................................................................7

SUMMARY ................................................................................................................................................8 KEYWORDS ............................................................................................................................................ 10

RECOMMANDATIONS SYNTHÉTIQUES ................................................................................................. 11

INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 14

PARTIE UNE - L'IMPRESSION 3D, UNE NOUVELLE MÉTHODE POUR FABRIQUER LES OBJETS ........... 17

1.1. La fabrication additive : une définition ..................................................................................... 17

1.2. L'impression 3D dans la culture populaire ................................................................................. 19

1.3. Les différents procédés de fabrication ...................................................................................... 21

1.4. Les matériaux compatibles ........................................................................................................ 31

1.5. La taille du marché ..................................................................................................................... 37

1.6. Les principaux acteurs................................................................................................................ 40

1.7. Les domaines d'application ........................................................................................................ 42

PARTIE DEUX - L'IMPRESSION 3D DANS L'INDUSTRIE ........................................................................ 56

2.1. Les industriels ont-ils pris conscience des enjeux ? .................................................................. 56

2.2. Les principaux usages de la fabrication additive dans l'industrie ............................................. 58

2.3. Les 7 vertus « disruptives » de l’impression 3D ........................................................................ 66

2.4. Quels impacts sur la chaîne de valeur ? ................................................................................... 70

2.5. La fabrication en nuage ............................................................................................................. 73

2.6. Révolutionner les outils de CAO ............................................................................................... 75

2.7. La fabrication additive, en concurrence avec les méthodes traditionnelles de l’industrie ? .. 78

PARTIE TROIS - COMMENT ATTEINDRE LES CADENCES INDUSTRIELLES............................................. 78

3.1. À armes égales face aux méthodes traditionnelles – 3 points clé ......................................... 78

3.2. Remplacer ou compléter l'injection plastique (et autres procédés « standards ») ? ............. 94

CONCLUSION : L'IMPRESSION 3D, VRAIE OU FAUSSE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ?........................ 96

BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE ...................................................................................................... 101

ANNEXES ............................................................................................................................................. 102

Interviews de professionnels ......................................................................................................... 102

Documentation ............................................................................................................................... 134

Denis RODITI 5/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Re sume

Obscur procédé né dans les années 80, la fabrication additive ou « impression 3D » est

aujourd’hui de mieux en mieux connue du grand public.

En 2013, les médias annonçaient l’arrivée de l’imprimante 3D dans les foyers, trônant à côté

de l’ordinateur personnel. Les technologies étaient cependant loin d’être toujours au point.

Aujourd’hui encore, les particuliers achetant des imprimantes 3D sont en grande majorité

des « makers », des bricoleurs, des geeks adeptes du « do-it-yourself ». Les usages pour le

commun des mortels sont eux très limités : qui souhaite s’encombrer d’une telle machine –

dangereuse pour la santé de surcroît – pour remplacer des tringles à rideaux, créer une

figurine à son effigie ou remplacer une coque d’iPhone ?

Les vrais usages de l’impression 3D, on les trouve aujourd’hui dans l’industrie. Réduire les

coûts et les délais de fabrication, inventer des formes complexes impossibles à réaliser via

des méthodes traditionnelles, produire des pièces plus légères, plus résistantes,

personnalisées et économes en énergie – autant d’avantages de la fabrication additive qui

séduisent de plus en plus les industriels. L’aéronautique, l’automobile, le secteur médical ou

encore la joaillerie ont bien pris conscience des enjeux et cherchent à augmenter la part de

la fabrication additive dans leur spectre de production.

Si l’impression 3D grignote du terrain sur les autres modes de fabrication artisanaux et

industriels, les constructeurs sont cependant confrontés à des problèmes de productivité et

de rentabilité. Très utile pour fabriquer des produits personnalisés en quantité limitée,

l’imprimante 3D est encore loin de pouvoir remplacer les procédés traditionnels pour la

fabrication de grandes séries.

Des projets prometteurs issus des services R&D des fabricants ou de la recherche

académique visent néanmoins à réduire ces désavantages, voire à changer la donne.

Multiplier par cent la vitesse des imprimantes 3D, élargir le nombre de matériaux

Denis RODITI 6/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

combinables par machine : ces progrès techniques participent de cette troisième

« révolution industrielle » chère à Jérémy Rifkin.

La fabrication additive ne remplacera pas l’injection plastique, la fonte ou le moulage dans

un avenir proche, mais elle est en train de bouleverser notre façon de concevoir les objets.

En obligeant les entreprises à réviser leurs méthodes de design et de production, la

fabrication additive ouvre des perspectives de création et d’économie quasi illimitées. Si

l’impression 3D ne sonne pas encore le glas de l’usine traditionnelle, elle nous oblige à revoir

notre manière de penser et va conduire les industriels à changer radicalement leurs façons

de concevoir leurs produits.

Denis RODITI 7/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Mots-clé

Denis RODITI 8/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Summary

Little-known process born in the 80s, additive manufacturing or "3D printing" is now

becoming better known to the general public.

In 2013, it was taken for granted that soon everyone would have a 3D printer at home.

Nevertheless, the technologies were far from always being developed. Today, individuals

buying 3D printers are for most of them "makers", tinkerers, enthusiasts geeks of "do-it-

yourself". The uses for the common man are themselves very limited: who wants to be

burdened with such a machine – besides dangerous to health - to replace curtain rods,

creating a figurine in his likeness or replace a hull iPhone?

Today, the real purpose of 3D printing lies in the industry. Reduce costs and production

times, inventing complex forms impossible to achieve via traditional methods, produce

lighter parts, more resistant, personalized and energy efficient – all these advantages of

additive manufacturing increasingly convince the enterprises. Tech industries in aerospace,

automotive, medical or jewelery already incorporate this new component and seek to

increase its share in the production spectrum.

If 3D printing is gaining ground over handcraft and industrial manufacturing methods,

manufacturers are faced with problems of productivity and profitability. Very useful for

making customized products in limited quantities, the 3D printer is still far from replacing

traditional processes for the manufacture of large series.

Nonetheless, promising projects from R&D departments of the manufacturers or academic

research aim to reduce those drawbacks, or even change the game. Some seek to multiply

by one hundred the pace of production of the 3D printers, others to expand the number of

combined materials by machine. These attempts are part of this famous third "industrial

revolution" dear to Jeremy Rifkin.

Additive manufacturing will not replace plastic injection, casting or molding in the near

future, but it is upsetting the way we design objects. By forcing manufacturers to review

their methods of design and production, additive manufacturing opens up almost unlimited

Denis RODITI 9/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

creative and economic opportunities. If the traditional factory won’t be entirely changed by

3Dprinting in a near future, 3Dprinting could reshape our way of thinking and lead the

industrials to conceive their products in a radically different way.

Denis RODITI 10/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Keywords

Denis RODITI 11/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Recommandations synthe tiques

L’impression 3D est un procédé qui permet de faire du prototypage rapide, de l’outillage et

de la fabrication directe de petites et moyennes séries. Afin de permettre à la fabrication

additive d’atteindre les cadences industrielles, les fabricants et chercheurs (mais pas

uniquement eux) vont devoir innover sur plusieurs aspects.

Les « classiques » de l’industrie

Tous les industriels cherchent à augmenter la vitesse, la précision, la fiabilité et le taux

d’utilisation de leurs machines. En ce qui concerne la fabrication additive, les chercheurs et

fabricants ne doivent pas se limiter à améliorer les procédés existants. Ils doivent aussi

explorer de nouvelles méthodes de fabrication (un exemple :la méthode Clip, développée

par Carbon 3D) pour contourner les limitations propres à la déposition de matière couche

par couche.

Faire baisser les coûts

Le principal frein à la fabrication en grandes séries est le coût unitaire et l’impossibilité de

réaliser des économies d’échelle. Le coût des matières premières s’explique en grande partie

par le fait que les fabricants d’imprimantes 3D obligent les utilisateurs à acheter leurs

propres matières premières, qu’ils vendent avec des marges élevées, imitant le modèle

économique des imprimantes 2D. Il va falloir à l’avenir questionner cette méthode de

rentabilité et trouver des solutions pour diminuer les prix, par exemple en « libéralisant » le

choix d’utilisation des matières premières.

Imprimer plus grand

La taille des pièces est limitée par celle des machines. L’une des pistes pour contourner cet

obstacle serait de coupler l’imprimante 3D avec la robotique.

Denis RODITI 12/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Développer de nouveaux matériaux et améliorer l’expertise-machine sur les matériaux

existants

Bien que la liste des matériaux compatibles avec la fabrication additive ne cesse de

s’allonger (l’un des derniers en date est le verre), le véritable défi consiste à rendre ces

matériaux « industrialisables ». En effet, un matériau clé pour l’industrie comme le métal

exige encore beaucoup d’interventions manuelles en post-production pour être utilisable.

Les constructeurs doivent encore améliorer leur expertise-machine sur ces matériaux pour

optimiser et automatiser autant que possible leur fabrication.

Des logiciels CAO spécialisés en « fabrication additive »

La plupart des logiciels de CAO existants ne sont pas adaptés à la fabrication additive ou en

exploitent insuffisamment les caractéristiques. Les éditeurs vont devoir perfectionner leurs

logiciels, mais cela ne suffira pas. L’amélioration des outils de conception passera

nécessairement par une augmentation importante de la puissance de calcul des ordinateurs,

élément déterminant pour concevoir des objets complexes, multi-matériaux et avec un

niveau de détail parfois très élevé.

Former les ingénieurs

La formation des ingénieurs sur la fabrication additive est encore très insuffisante. Un travail

de fond devra être établi pour former des ingénieurs imaginatifs et « prêts-à-l’emploi » sur

ce secteur en pleine croissance.

Définir des normes

Le respect de normes est l’une des pierres angulaires du monde de l’industrie. Plus le

marché de la fabrication additive croît, plus il devient urgent que les pays et les fabricants

s’accordent sur des normes communes reconnues au niveau international.

Denis RODITI 13/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Sécuriser le cadre juridique

Afin d’éviter le même scénario catastrophe qui a secoué l’industrie de la musique ou du film,

les entreprises devront rapidement trouver des moyens de contrôler l’authenticité des

pièces produites afin de garantir le respect de la propriété intellectuelle.

Denis RODITI 14/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Introduction

Un nombre grandissant de mémoires ou thèses professionnelles – y compris au sein du MBA

MCI – sont consacrés à l’impression 3D. L’enjeu pour moi était de dénicher une

problématique qui n’avait pas été traitée, un volet nouveau qui n’avait pas été exploré.

Dans ma recherche de cette problématique nouvelle, j’ai trouvé un allié de poids : l’actualité.

La fabrication additive se développe à une telle vitesse qu’elle amène son lot de nouveautés

chaque semaine, et ce qui hier semblait impossible paraît le devenir chaque jour un peu

moins.

Fin 2014 lorsque j’ai commencé ma formation part-time à l’Institut Léonard de Vinci,

l’impression 3D était déjà décrite comme une « révolution », mais cette « révolution »

s’apparentait en vérité bien davantage à une « évolution ». À une nouvelle façon de

concevoir les objets, plutôt qu’à une lame de fond susceptible de balayer l’industrie toute

entière.

C’est toujours le cas au moment où j’écris ces lignes : bien que les niches occupées par

l’impression 3D prennent des dimensions de plus en plus importantes, notamment dans les

industries de pointe comme l’aéronautique (un Airbus A350 comporte aujourd’hui environ

1000 pièces imprimées en 3D1), on ne peut pas dire que le système de production de masse

ait été vraiment ébranlé par l’irruption de la fabrication additive.

Certes, des imprimantes 3D capables de concevoir des maisons, des gâteaux en chocolat ou

des embryons d’organes humains font régulièrement la une de l’actualité. Mais ces

découvertes, si spectaculaires et prometteuses soient-elles, restent à l’heure actuelle des

prouesses souvent isolées et, pour beaucoup d’entre elles, anecdotiques par rapport aux

enjeux de l’économie globale.

La croissance attendue de ce secteur reste néanmoins très forte et suffit à faire pâlir d’envie

une industrie occidentale en constant déclin. Selon le rapport Wohlers, le marché mondial

de l’impression 3D s’élèvera à 21 milliards d’euros en 2020 contre 3,6 milliards en 2014, soit

1 http://bit.ly/1Ml6txb

Denis RODITI 15/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

une croissance d’environ 33% par an. Le fait que les deux premières puissances mondiales,

les États-Unis et la Chine, investissent massivement dans ces technologies suffit à capter

l’attention. Dans son discours sur l’état de l’Union, en février 2013, le président Obama a

notamment déclaré que « [l’impression 3D] a le pouvoir de révolutionner la façon dont nous

fabriquons presque tout. »

Dont acte. Mais de quelle révolution parle-t-on ? En 2013, au fil des promesses futuristes des

médias et des fabricants, l’individu lambda s’imaginait qu’il disposerait bientôt d’une

imprimante 3D personnelle à la maison, rangée à côté de son ordinateur de bureau. Bien

entendu, la bonne vieille imprimante 2D, déjà dépassée, aurait disparu. L’impression 3D

serait une révolution « comparable à celle de l’Internet », selon ses plus fervents

promoteurs. La fabrication d’objets réels se couplerait aux possibilités infinies du monde

digital et la boucle serait bouclée.

En 2016, ce rêve est encore très loin d’être devenu une réalité. Les rares possesseurs

d’imprimantes 3D – dont les prix ont, il est vrai, chutés – sont en majorité des bricoleurs, des

« makers », des bidouilleurs qui en font un usage que nous qualifierons aimablement d’ «

artisanal ». Les usines, qui font par ailleurs de plus en plus appel à la robotisation, n’ont pas

fondamentalement changé leurs façons de produire des objets.

Il suffit de visiter un Fablab ou de se rendre à une « Maker Faire » pour en comprendre la

raison. Bien qu’y soient surtout exposés des imprimantes domestiques, et non industrielles,

on ne peut être que frappé de désillusion devant la lenteur, et l’aspect « bricolé » des objets

produits. Une simple figurine de 10 centimètres, de facture grossière, émergera au bout de

2h30 d’un processus de fabrication aussi hypnotique que dérisoire. Le « sense of wonder »

est bien là, en partie du moins, mais comment associer cette production laborieuse et

artisanale à la révolution que les médias nous vantent à longueur de journées ?

Pourtant, les raisons d’espérer existent. En août 2015, Google investissait 100 millions de

dollars dans Carbon 3D, une start-up à l’origine d’un procédé de fabrication jusqu’à 100 fois

plus rapide que les procédés existants. En décembre 2014, 3D Systems présentait sa « High

Speed Fab Grade », une machine de type industrielle dont la vitesse d’exécution est 50 fois

supérieure à celle de ses concurrents. Cette machine devrait à moyen-long terme permettre

Denis RODITI 16/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

la fabrication du smartphone modulaire de Google dans le cadre du projet ARA2. L’Université

de Sheffield développe de son côté une imprimante capable de rivaliser avec la vitesse d’une

ligne de production d’usine standard3. Atteindre les cadences industrielles, et ainsi la

personnalisation de masse, semble être devenu le nouveau credo des chercheurs et des

fabricants.

Le 27 août 2015, Raphaël Gorgé, PDG du Groupe Gorgé dont la filiale Prodways est leader

européen dans l’impression 3D, était l’invité de BFM Business, dans l’émission « Tech&Co »,

pour une table ronde autour du thème : « L'impression 3D risque-t-elle de bouleverser la

propriété intellectuelle ? »4. Peu passionné par cette thématique, pourtant incontournable,

j’envoyais un tweet en live pour demander à Raphaël Gorgé ce qu’il pensait des tentatives

de l’université de Sheffield et de 3D Systems pour faire passer l’impression 3D au rythme de

production industriel. Le chef d’entreprise confirma avoir « des idées avancées » sur la façon

d’augmenter la vitesse des machines et conclut, un sourire en coin, que cette phase de

production accélérée pourrait arriver plus tôt que prévu. Bref, je tenais mon sujet, et ma

problématique.

2 http://bit.ly/1zpeYOA

3 http://bit.ly/1WUWtzj

4 http://bit.ly/1LAcCFh

Denis RODITI 17/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

PARTIE UNE : L’IMPRESSION 3D, UNE NOUVELLE MÉTHODE POUR FABRIQUER LES OBJETS

1.1. La fabrication additive : une définition

La fabrication additive, ou impression 3D, a été inventée en France. Les chercheurs Alain Le

Méhauté (Alcatel), Olivier de Witte (Cilas) et Jean-Claude André (CNRS) l’ont brevetée dès

1984. Alcatel et Cilas ne voyant pas d’avenir pour cette technologie, ils abandonneront

rapidement ces brevets. En 1986, l’américain Chuck Hull fondera 3D Systems, et

commercialisera la première imprimante 3D du monde.

La fabrication additive prend le contrepied des méthodes traditionnelles de l’industrie

comme l’usinage ou le laminage, puisqu’elle consiste non pas à soustraire de la matière,

mais au contraire à en ajouter couche par couche afin d’obtenir l’objet final imaginé par les

designers.

L’imprimante 3D utilise pour cela des logiciels de modélisation de CAO/CAD. Ces logiciels

permettent de créer tous types d’objets ou de modéliser des objets existants qui auraient

été numérisés via un scanner 3D.

Afin de clarifier la terminologie, précisons que le terme de « fabrication additive » est utilisé

par les spécialistes pour désigner des applications de qualité industrielle, qui exigent parfois

de maîtriser toute la chaîne de fabrication, de la poudre à la pièce livrée conforme aux

spécifications. La fabrication additive est un terme générique qui englobe le prototypage

rapide, l’outillage rapide, la fabrication directe et l’impression 3D. Ci-dessous un schéma

explicatif :

Denis RODITI 18/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Le terme d’ « impression 3D » a été créé dans une volonté de démocratiser ces technologies

auprès du grand public.

Denis RODITI 19/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

1.2. L’impression 3D dans la culture populaire

Avant de devenir une réalité dans les années 80, l’impression 3D a existé dans les cerveaux

féconds d’auteurs populaires ou de science-fiction, à commencer par celui d’Hergé. Dans

Tintin, le méchant Rastapopoulos convoitait la photocopieuse 3D inventée par le professeur

Tournesol pour répliquer des œuvres d’art15.

En 1964, l’auteur de « 2001 : l’Odyssée de l’espace » et futurologue Arthur C.Clarke,

imaginait lui le Replicator, une « machine à répliquer à l’infini » grâce à laquelle « les objets

[seraient] aussi faciles à fabriquer qu’aujourd’hui les livres à imprimer ».

On retrouve également le Replicator dans Star Trek, où l’imposante machine permettait de

matérialiser à peu près tous les désirs des occupants du vaisseau Enterprise – ici ce qui

ressemble à un délicieux repas.

5 http://bit.ly/1SiPyPQ

Denis RODITI 20/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Plus récemment, Neal Stephenson, dans son roman

« L’Âge de diamant » paru en 1995, évoque des « matri-

compilateurs » alimentés en matières premières et

utilisant les nanotechnologies pour fabriquer des produits

à la demande.

Denis RODITI 21/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

1.3. Les différents procédés de fabrication

On peut regrouper les nombreux procédés selon le type de technologie utilisée

(Polymérisation, Pulvérisation, Fusion, Déposition) et le(s) matériau(x) qu’ils visent à traiter

– liste non-exhaustive6.

Source : Aniwaa

La stéréolithographie (SLA)

Mise au point en 1986 par 3D Systems, la stéréolithographie (SLA) est reconnue comme le

premier procédé d’impression 3D et le premier à avoir été commercialisé.

6 bit.ly/23lKMWA

Denis RODITI 22/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Il consiste à solidifier un liquide via un laser ultra-violet. Un plateau immergé dans un bac

supporte le matériau ainsi constitué et descend pour passer d’une couche à la suivante.

Il s’agit d’un procédé relativement lent. À cela s’ajoute la contrainte, une fois l’impression

terminée, de rincer l’objet avec un solvant pour le débarrasser de ses déchets et de le passer

ensuite au four pour le solidifier. Les objets restent par ailleurs assez fragiles, c’est pourquoi

la SLA se limite à du prototypage plutôt qu’à la production d’objets finis.

Source : 3D Printing Industry

Le Digital Light Processing (DLP)

Le principe est similaire au SLA, sauf qu’au lieu d’un rayon UV, c’est une ampoule inactinique

(rouge) qui solidifie la résine. Le procédé est en général plus rapide que le SLA. Un autre

avantage de DLP sur la stéréolithographie est que la cuve de résine nécessaire est moins

profonde, ce qui se traduit généralement par une réduction des déchets et des coûts

d'exploitation inférieurs.

Denis RODITI 23/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Source : 3D Printing Industry

Le dépôt de filament fondu (FDM ou FFF)

Si la stéréolithographie a permis à Chuck Hull de connaître le premier succès commercial

dans l’impression 3D, c’est à S.Scott Crump que l’on doit l’invention du Fused Deposition

Modeling (FDM) à la fin des années 80. Scott Crump co-fondera Stratasys avec sa femme en

1989 pour commercialiser son procédé.

Son principe est simple : un filament passe à travers une buse d’extrusion chauffée entre

170°C et 260°C. Ainsi, il fond et se dépose sur un support couche par couche. La première

couche terminée, le plateau d’impression descend pour recevoir la seconde et ainsi de suite.

À noter que l’épaisseur des couches – et donc la finition de l’objet – varie en fonction du

matériel et des réglages (0,02 mm en moyenne).

Denis RODITI 24/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Aujourd’hui, une grande majorité d’imprimantes 3D personnelles utilisent cette technique,

dont le brevet a expiré en 2009. Outre son coût abordable comparé à d’autres procédés, le

FDM a l’avantage de pouvoir utiliser une grande variété de matériaux et de couleurs.

Précisons enfin que le FDM est une marque déposée par Stratasys, donc on peut préférer

l’appellation « Fused Filament Fabrication » (FFF), utilisée notamment par la communauté

RepRap sous licence libre.

Source : 3D Printing Industry

Le frittage laser (SLS) / La fusion laser (SLM)

Le procédé SLS a un point commun avec la SLA : l’utilisation d’un laser. La différence vient du

matériau, qui n’est plus liquide, mais se présente sous forme de poudre de plastique, de

céramique, de verre ou de métal.

Denis RODITI 25/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Un rouleau vient déposer la poudre, contenue dans un bac, en fines couches (0,1 mm) sur le

plateau d’impression. Le laser entre en jeu pour solidifier la première couche, puis

l’opération se répète pour les suivantes. Une fois le processus terminé, on retire l’objet puis

on le débarrasse des restes de poudre non fusionnée.

L’avantage de ce procédé est qu’il génère très peu de déchets et permet de réaliser des

formes très complexes. En revanche, le SLS a l’inconvénient de nécessiter un temps de

refroidissement très long et les matériaux peuvent présenter des problèmes de porosité.

L’un des principaux brevets déposés par 3D Systems liés à cette technologie a expiré en 2014,

donc on devrait assister à une baisse importante des prix et à un fort développement de la

technologie dans les années qui viennent.

Source : 3D Printing Industry

Denis RODITI 26/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Direct Metal Laser Sintering (DMLS)

Ce procédé, développé par l’allemand EOS, s’apparente très fortement au SLS, sauf qu’il

s’applique exclusivement sur de la poudre de métal. Il permet de produire des pièces aussi

résistantes que si elles avaient été conçues par des techniques de fonderie ou d’usinage, ce

qui fait du DMLS l’une des rares technologies de fabrication additive à être utilisé pour de la

production. Les secteurs de l’aérospatial, de l’automobile et du médical l’utilisent.

Electron Beam Melting (EBM)

L’Electron Beam Melting procède également par fusion de poudre de métal, sauf qu’au lieu

d’utiliser un laser, cette technologie – propriétaire du suédois Arcam AB – emploie un

faisceau d’électrons sous vide. La température de chauffe (entre 700° et 1000°) est plus

élevée que dans la technologie DMLS, ce qui permet de produire des pièces métalliques très

denses et de conserver les propriétés du matériau utilisé. Le procédé est ainsi prisé dans

l’industrie médicale, en particulier pour les implants, mais est également utilisé dans

l’aéronautique et l’automobile.

Denis RODITI 27/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Source : 3D Printing Industry

Laminage par dépôt sélectif (SDL)

Le SLD est un procédé développé par Mcor Technologies, une société d’origine irlandaise qui

s’est spécialisé dans l’impression 3D de papier. Il utilise donc des couches de papier adhésif

qui sont ensuite collées successivement grâce à un cylindre chauffé et découpées avec un

laser, couche par couche, selon la forme choisie. Un autre cylindre déplace alors chaque

nouvelle feuille de matériau sur la précédente et le processus est répété jusqu’à obtenir

l’objet complet.

Denis RODITI 28/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Source : 3D Printing Industry

Le Polyjet et MultiJet

Le procédé est similaire à la stéréolithographie. Cependant, au lieu d’employer un laser pour

travailler les couches successives, une tête d’impression y projette de petites gouttes de

photopolymère, de la même façon qu’une imprimante à encre classique. La lampe UV fixée

aux têtes d’impression joint ensuite le polymère et fixe la forme de la couche. La plateforme

de construction s’abaisse en fonction de la hauteur de couche définie et un nouveau dépôt

de matériau est ainsi effectué sur la couche précédente.

L’avantage de cette technologie est qu’elle ne nécessite pas de post-traitement comme le

ponçage ou le rinçage. Il est également possible d’adjoindre au matériau d’impression un

deuxième matériau de support qui se dissout dans l’eau.

Le procédé Polyjet a été breveté par la société israélienne Objet (rachetée depuis par

Stratasys) en 1999.

Denis RODITI 29/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Le Binder Jetting

Le procédé de projection de liant permet d’obtenir des impressions 3D détaillées et en

couleurs. Un cylindre étale une couche de poudre sur la plateforme de construction. L’excès

de poudre est ensuite poussé sur les côtés, permettant ainsi le remplissage du lit avec une

couche compacte de poudre. Les têtes d’impression appliquent alors simultanément un liant

liquide et la couleur sur la poudre.

Source : 3D Printing Industry

La bio impression 3D

Denis RODITI 30/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

La bio impression 3D consiste à déposer de façon précise des cellules vivantes ou du matériel

organique en trois dimensions. La technologie en étant à ses débuts, il existe presque autant

de principes de fonctionnement que de fabricants de bioimprimantes 3D. Le schéma ci-

dessous illustre la méthode employée par l’imprimante « Regenovo », développée par des

chercheurs de l’université de Hangzhou Dianzi en Chine. Elle est capable d’imprimer des

morceaux de foie ou encore du cartilage.

Crédits: Broadsheet.ie.

Denis RODITI 31/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

1.4. Les matériaux compatibles

Il existe aujourd’hui plus de 200 matériaux compatibles avec l’impression 3D7. Ce nombre

s’est considérablement accru au cours des trente dernières années. Ces variétés de

matériaux se présentent sous différents états (poudre, filaments, pastilles, granules, résine)8.

Des fabricants travaillant pour des secteurs tels que la dentisterie développent également

des matières spécifiques qui répondent plus précisément aux besoins de certains types

d’applications.

Il est impossible de dresser un panorama complet de tous les matériaux utilisés dans

l’impression 3D, car beaucoup d’entre eux – trop nombreux pour être énumérés – sont des

matériaux qui sont la propriété de leurs fabricants. Nous allons donc nous concentrer sur les

matériaux les plus répandus et les plus prometteurs pour l’industrie.

Les plastiques

Le matériau de base utilisé par les imprimantes 3D est le plastique. Il en existe de plusieurs

sortes.

Le Nylon, ou Polyamide – un plastique solide, flexible et résistant qui a prouvé son efficacité

dans l’impression 3D. Il s’utilise sous forme de poudre lors du frittage ou bien de filament via

la technique de Fusion Deposition Modeling (FDM). Sa couleur naturelle est le blanc, mais on

peut le colorier avant ou après l’impression. Dans sa forme « poudreuse », on peut

également le combiner avec de l’aluminium en poudre pour produire de l’Alumide – un

autre matériau couramment utilisé pour le frittage.

7 Source : « Guide des matières », Fabulous, 2015

8 bit.ly/1nhgL9r

Denis RODITI 32/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les résines – s’utilisant sous forme opaque, transparente ou souple, elles constituent le

matériau de base de plusieurs procédés de fabrication additive tels que la stéréolithographie

et le Polyjet. Elles peuvent être thermoplastiques ou thermodurcissables, via la

polymérisation.

L’Acrylonitrile butadiène styrène (ABS) - un polymère thermoplastique similaire au

plastique des LEGO. Solide et déclinable en une multitude de couleurs, il convient surtout

pour les imprimantes 3D d’entrée de gamme qui fonctionnent selon le procédé FDM. Plus

résistant à la chaleur que le PLA, il présente néanmoins de plus forts risques de casser lors de

l’impression. Il est possible d’acheter de l’ABS sous forme de filaments auprès d’un grand

nombre de sources non-propriétaires, ce qui explique en partie sa popularité.

L’Acide Polyactique (PLA) – un dérivé de l’amidon de maïs, une substance utilisée

notamment dans l’emballage alimentaire. Biodégradable, il est plus respectueux de

l’environnement que son principal concurrent l’ABS. Par ailleurs, il est possible de l’éliminer

avec de l’eau plutôt que des solvants et de le réutiliser. Il peut s’utiliser sous forme de résine

pour des process de DLP/SLA aussi bien que comme filaments pour le FDM. Sa déclinaison

en une variété de couleurs inclut le « transparent », ce qui peut se révéler utile pour

certaines applications de l’impression 3D. Il peut également être utilisé pour concevoir des

objets à but alimentaire (tasses, assiettes, bols). En revanche, il n’est pas aussi résistant et

flexible que l’ABS.

Les métaux

La possibilité d’imprimer avec du métal a changé la donne. Aux débuts de l’impression 3D,

quand on ne pouvait imprimer qu’avec du plastique et d’autres matériaux secondaires, les

sceptiques considéraient que cette nouvelle technologie n’aurait jamais sa place dans la

« vraie » industrie manufacturière.

Denis RODITI 33/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Aujourd’hui, les imprimantes 3D industrielles utilisent un nombre grandissant de métaux et

d’alliages. Les deux plus courants sont l’aluminium et les dérivés du cobalt, mais la liste est

vouée à s’agrandir.

L’aluminium – Offre une bonne résistance. Idéal pour les applications nécessitant un poids

léger et de bonnes propriétés thermiques, utilisé pour les pièces qui sont soumises à de

fortes charges.

L’acier ou l’inox – L’un des métaux les plus utilisés, en raison de sa solidité, est l’acier

inoxydable en poudre pour les process de frittage/de fusion/EBM. De couleur argentée à

l’origine, il peut être plaqué d’autres matériaux pour lui donner l’apparence du bronze ou de

l’or.

Le chrome cobalt – D’aspect lisse, il offre une grande précision. Ces caractéristiques font

que l’alliage de chrome cobalt s’emploie couramment dans l’industrie médicale pour la

fabrication de prothèses médicales ou de couronnes dentaires. Un matériau également

résistant à la chaleur et à l’usure, donc un métal idéal pour l’ingénierie à haute température

et la fabrication de turbines.

Les métaux précieux : L’argent, l’or, le bronze et le platine – Au cours des dernières années,

les métaux précieux se sont rajoutés à la liste des métaux compatibles avec l’impression 3D,

avec des applications évidentes dans le secteur de la bijouterie. Ce sont deux matériaux très

solides qui sont utilisés sous forme de poudre. Ils ne sont néanmoins pas imprimés

directement, mais fabriqués à partir de moules créés par impression 3D.

Le titane – L’un des métaux les plus solides qui existent. Fourni en poudre, il peut être

utilisé lors de process de frittage/ de fusion/EBM. Il est très répandu dans le domaine de la

médecine, l’aérospatiale, l’automobile, l’industrie chimique et bien d’autres industries

lourdes.

Denis RODITI 34/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les matières minérales

Les céramiques – Les céramiques (photosensibles, émaillée, déposée) font partie avec les

métaux des matériaux qui connaissent depuis quelques années une forte progression grâce

aux améliorations des procédés de fabrication additive. Ce matériau, relativement récent

dans l’impression 3D, a l’avantage d’être compatible avec des aliments. Fabriquée à partir

de poudre céramique, imprimé en 3D puis chauffé au four pour finition, il est recyclable et

résistant à la chaleur. Il est présent dans les applications médicales, sanitaires ou

industrielles. C’est avant tout le matériau par excellence pour les tasses, soucoupes,

assiettes, ou encore statues et figurines.

Le sable – Le sable imprimé en 3D est utilisé par les fondeurs afin de fabriquer des moules

pour couler des métaux. Cela permet de raccourcir les coûts et de diminuer les délais par

rapport à l’outillage classique. Combiné avec d’autres matériaux, il peut également être

utilisé dans le domaine de l’architecture.

Le verre – Le verre fait partie des matériaux d’avenir dans l’impression 3D. Le MIT a dévoilé

en septembre 2015 une imprimante 3D capable de fabriquer du verre de haute qualité et

transparent à la lumière. L’avantage par rapport à la fabrication artisanale est d’automatiser

le processus de fabrication et de pouvoir utiliser des formes nouvelles et totalement

originales grâce au design digital.

Le béton – Encore en phase expérimentale, le béton imprimé en 3D intéresse bien entendu

le secteur du BTP et les architectes. Aux Philippines, un hôtel est en train de faire construire

une extension de 135m2 grâce à un robot imprimant du béton en 3D !9. Le géant du BTP

suédois Skanska a également signé un accord avec l’Université de Loughborough pour le

9 bit.ly/1mJg0VW

Denis RODITI 35/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

développement et la commercialisation d’un robot capable d’imprimer en 3D à partir du

béton. De façon générale, les procédés d’impression utilisés pour le béton sont similaires à

ceux employés pour les céramiques.

Les matières organiques

Les cires – elles permettent de créer des moules de haute précision, dans des secteurs

comme la bijouterie ou la dentisterie. Résistantes à la chaleur, elles servent aussi à fabriquer

des moulages pour des objets métalliques.

Les végétaux – Fibre de lin, pierre, bois, soja peuvent être imprimés en 3D… Pour le bois, il

s’agit en réalité d’un alliage de polymères et de bois recyclé, mais le rendu est très similaire à

celui du véritable bois.

Les matériaux marins – algues, coquilles d’huîtres.

Les matières alimentaires – De nombreux aliments peuvent être imprimés en 3D : chocolat,

fromage, sucre, etc. La technique utilisée est celle du dépôt de matière fondue (FDM), sauf

que l’on remplace la tête d’extrusion traditionnelle par une seringue.

Les expérimentations pour imprimer de la nourriture en 3D se sont multipliées ces dernières

années. À long terme, l’objectif est d’utiliser l’impression 3D pour produire des repas entiers

et parfaitement équilibrés.

Denis RODITI 36/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Pour H. Lipson et M.Kurman, l’imprimante 3D alimentaire sera la « killer app » qui va

pousser chacun à s’acheter sa propre imprimante10 . Un point de vue contesté par

Christopher Barnatt, auteur de « 3D printing : The next Industrial Revolution »11. Pour ce

futurologue, l’imprimante 3D ne deviendra jamais le micro-ondes de demain en raison de sa

lenteur et de son manque de praticité. Les paris sont lancés !

Les futures innovations

Les bio-matériaux

Il existe un nombre très important de recherches conduites sur les bio-matériaux pour des

applications médicales, notamment. De grandes institutions explorent le potentiel des tissus

vivants incluant l’impression d’organes en vue de les transplanter, ainsi que de tissus

externes voués à remplacer des parties du corps humain. D’autres recherches de ce secteur

se concentrent sur le marché alimentaire – la viande imprimée en 3D étant l’exemple le plus

souvent cité.

Le graphène – matériau révolutionnaire de la famille du carbone, souple et résistant, il offre

une excellente conductivité. Parmi les prouesses récentes autour de ce matériau, on peut

citer la fabrication des premières batteries fonctionnelles imprimées en 3D à partir de

graphène ou, dans le domaine de la médecine, l’invention de l’encre à graphène qui un jour

permettra peut-être de réparer des os, des nerfs et des muscles à l’aide de nanostructures

imprimées en 3D.

Les conducteurs – certaines machines permettent d’imprimer en 3D des circuits

électroniques sur tous types de supports. Ainsi, on peut imaginer que bientôt, une pièce ne

10

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013 11

«3D Printing : The Next Industrial Revolution », Christopher Barnatt, 2013

Denis RODITI 37/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

sera pas conçue en fonction de ses composants électroniques, mais que ces derniers s’y

intégreront n’importe où.

Les matériaux 4D – pourquoi vouloir rajouter une dimension supplémentaire à l’impression

3D ? Encore au stade expérimental, l’impression 4D vise à concevoir des objets qui prennent

vie, s’auto-assemblent et se transforment au fur et à mesure. Elle consiste à intégrer une

source d’impulsion physique (chaleur, gravité, magnétisme…) à la matière première

imprimée. Elle agira comme un stimulateur sur la matière pour la transformer au contact

d’un élément donné.

On peut ainsi imaginer que dans le futur, les produits pourront s’auto-assembler sans

l’intervention des usines d’assemblage ni celle des robots. Par exemple, un meuble Ikéa se

montera tout seul ! « C’est comme de la robotique, mais sans fils ni moteurs » déclara ainsi

Skyler Tibbits, le directeur du Self-Assembly Lab du MIT lors d’une conférence TED12. Les

secteurs concernés sont grosso modo les mêmes que pour l’impression 3D. Quelques

matériaux programmables en cours d’expérimentation : les plastiques, des granulés de bois,

des textiles ou encore des fibres de carbone.

1.5. La taille du marché

Selon le rapport Wohlers, qui fait autorité, le marché de la fabrication additive pourrait

atteindre 12,5 milliards de dollars (9,4 milliards d’euros) en 2018 et 21 milliards de dollars

(15,8 milliards d’euros) en 2020. Le rythme de croissance du secteur se maintiendrait donc à

un niveau d’environ 33% par an.

Attirés par ce secteur porteur, de plus en plus d’analystes s’efforcent d’évaluer son potentiel

de croissance. Canalys estime que les ventes liées à l’impression 3D en 2013 ont totalisé 2,5

milliards de dollars (1,9 milliard d’euros) et projette un marché à 16,2 milliards de dollars

12

bit.ly/1kPonHg

Denis RODITI 38/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

(12,2 milliards d’euros) en 201813. Le cabinet d’études Lux Research considérait en avril

2014 que le marché total de l’impression 3D devrait quadrupler pour atteindre environ 12

milliards de dollars (9 milliards d’euros) à l’horizon 2025, tiré notamment par ses utilisations

industrielles dans l’aérospatiale, le médical ou encore l’automobile14. L’Institut Xerfi table

pour sa part sur une évolution allant de 2,8 milliards d’euros en 2014 à 8,5 milliards en 2020,

soit une croissance moyenne de plus de 20% par an.

Les estimations des analystes sur le marché de la fabrication additive divergent donc parfois

beaucoup, mais tous s’accordent sur son énorme potentiel de croissance. Afin de clarifier le

spectre de ces prévisions, nous avons conçu schéma récapitulatif reprenant les analyses de

plusieurs cabinets d’études :

13

bit.ly/1kV7VWO 14

bit.ly/1hBwSpb

Denis RODITI 39/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Denis RODITI 40/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les États-Unis dominent largement le marché, avec 38% des imprimantes 3D installées sur le

territoire américain. La Chine, le Japon et l’Allemagne représentent chacun environ 9% des

installations contre 3% seulement pour la France.

Alexandre Martel, cofondateur et rédacteur en chef du site www.3Dnatives.com,

pronostique néanmoins un rééquilibrage des parts de marché : « La part de fabricants US

pourrait diminuer dans les années à venir, au profit des constructeurs européens ou chinois.

En Chine, ils ne se contentent pas de copier des technologies, ils ont toute une R&D locale

qui développe ses propres machines. Des sociétés comme Hunan Farsoon ou Tiertime sont

déjà bien plus présentes localement que Stratasys et 3D Systems et se développent même à

l’international. Certaines ont pour vocation de rivaliser avec les deux géants américains,

Prodways en France a la même volonté. Sur un marché comme celui du métal, qui est un des

plus prometteurs, voire le plus prometteur, les Européens sont plutôt bien placés avec EOS,

Arcam ou même Prodways. »

George Taillandier, président de l’AFPR, se montre plus sceptique : « Si [la France] avance,

[elle] va reprendre sa place. Sinon, les États-Unis vont se partager le marché avec le Japon, la

Chine et l’Allemagne. Les plus gros constructeurs de machines métalliques sont allemands.

Les Chinois ne sont pas loin derrière, ils remontent la pente sans états d’âme et il n’y a

aucune raison qu’ils n’y arrivent pas. Le Japon ne sait pas exporter, mais ils ont de l’avance

chez eux, ils disposent de très bonnes technologies».

À l’heure actuelle, les deux acteurs dominants du secteur restent les américains 3D Systems

et Stratasys.

1.6. Les principaux acteurs

On peut distinguer trois groupes d’acteurs au niveau mondial. 15

1. Les leaders généralistes.

Positionnés sur tous les segments, ils ciblent aussi bien les professionnels que le grand public.

15

bit.ly/1UkpP8y

Denis RODITI 41/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les deux leaders de l’impression 3D sont les américains Stratasys et 3D Systems, loin devant

leurs concurrents. Créés respectivement en 1984 et 1989, ils sont encore dominants sur le

marché mondial.

2. Les fabricants d’imprimantes et d’intrants.

Ils visent surtout une clientèle d’industriels et de professionnels. On peut citer l’allemand

EOS, le suédois Arcam et le français Prodways Notons que du côté français, l’arrivée de Fives

et Michelin, via leur joint-venture spécialisée dans la fabrication additive, pourrait constituer

un futur poids lourd du secteur au niveau mondial. L’alsacien Beam, premier fabricant

européen d’imprimantes 3D par dépôt de poudres métalliques, s’est également taillé une

place de choix dans ce créneau de plus en plus concurrentiel.

3. Les prestataires de services d’impression.

Ils ont pour but de démocratiser la fabrication additive et proposent un catalogue de milliers

de références d’objets à imprimer en 3D. Les plus connus sont Thingiverse, Shapeways,

Materialise ou encore Sculpteo.

Menace de nouveaux entrants :

- Les fabricants de matériels informatiques et d’impression traditionnelle

Parmi cette catégorie de nouveaux entrants, Hewlett-Packard est le plus avancé. Sa

technologie MultiJet Fusion est prévue pour l’automne 2016. Selon HP, cette technologie

développée en interne est 25 fois plus rapide que le Fused Deposition Modeling (FDM) et 10

fois plus rapide que le frittage de poudre. Si l’impression sera initialement limitée au

plastique, elle devrait par la suite utiliser des polymères et des métaux. HP a également

lancé son PC Sprout dédié aux créatifs, qui intègre un scanner 3D, une plateforme de

modélisation et de design ainsi que la possibilité d’imprimer en 3D ses objets grâce à un

partenariat avec Sculpteo.

Denis RODITI 42/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Epson a annoncé en 2014 vouloir commercialiser sa première imprimante 3D dans les cinq

années à venir.

- Les éditeurs de logiciels

Autodesk, multinationale américaine spécialisée dans le design par ordinateur, s’est allié

avec Microsoft. Le géant informatique propose désormais son logiciel phare Spark dans

Windows 10. Autodesk a également sorti sa propre imprimante 3D, Ember, librement

améliorable par la communauté des makers. Dassault Systems a également placé

l’impression 3D au cœur de sa stratégie de développement.

À ces deux catégories de nouveaux entrants, nous en rajouterons une troisième :

- La Silicon Valley

En août 2015, Google a investi 100 millions de dollars via sa filiale Google Ventures dans

Carbon 3D. Cette société, également financée par Autodesk, a développé une technologie

jusqu’à 100 fois plus rapide que n’importe quel procédé d’impression 3D existant.

Apple a de son côté déposé un brevet lié à l’impression 3D couleur en décembre 2015. Ce

procédé, qui vise a priori les particuliers, permettrait de combiner plusieurs coloris au sein

d’un même objet imprimé.

1.7. Les domaines d’application

Le champ d’application est potentiellement infini. En ce qui concerne les secteurs industriels,

on peut les classer ainsi par ordre d’importance décroissant.16

16

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Denis RODITI 43/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Dans l’aperçu qui suit, nous n’allons pas nous restreindre aux applications industrielles telles

qu’elles existent aujourd’hui, mais plutôt explorer les grands secteurs susceptibles d’être

bouleversés de façon industrielle par la fabrication additive. En effet, si l’impression 3D de

nourriture par exemple n’en est qu’un à stade expérimental, rien ne dit que les industriels de

l’alimentaire ne s’empareront pas de cette technologie dans les années à venir – et certains

signes indiquent d’ailleurs que cela est déjà le cas.

Aperçu des principaux secteurs utilisant la

fabrication additive

Denis RODITI 44/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Matériel médical – prothèses dentaire, implants, organes,

instruments

Le secteur médical est sans doute le premier à avoir intégré aussi tôt les technologies de

fabrication additive. En une dizaine d’année, la dentisterie et le marché des prothèses

auditives ont été bouleversés par l’arrivée de l’impression 3D. Aux États-Unis, le marché des

prothèses auditives se serait entièrement converti à la fabrication additive en moins de 500

jours 17!

En France, le groupe Gorgé a investi ce secteur dès le début. « Majoritairement et

historiquement, on est dans le dentaire,

explique ainsi Cindy Mannevy,

Communication & Marketing Manager

chez Prodways, la filiale du Groupe Gorgé

spécialisée dans la fabrication additive.

Cela peut paraître étonnant, mais le

marché du dentaire est le marché qui est le

plus mature sur l’impression 3D. Je ne sais

pas si vous avez déjà eu un appareil dentaire, mais avant, pour prendre l’empreinte de votre

mâchoire, le dentiste vous mettait un moule infâme dans la bouche. Ce n’était pas précis du

tout. Aujourd’hui, ils vous mettent une petite boule dans la bouche, la petite boule scanne,

ça dure trente secondes à peine, et le fichier STL est envoyé à une imprimante qui fabrique

le modèle. »

Jean-Luc Laval, Deputy Group Marketing Director chez Fives, confirme : « L’impression 3D

trouve des applications fantastiques dans le secteur médical. Le fait que les médecins auront

enfin la possibilité de créer une prothèse aux dimensions exactes de l’os qu’elle remplace,

par exemple. Aujourd’hui, le chirurgien va vous raboter une hanche pour que les modèles

grossiers de prothèse dont il dispose s’adaptent le mieux possible à votre anatomie. Résultat,

vous allez subir un temps d’adaptation très long et boiter toute votre vie. Demain, ce même

17

bit.ly/1E41q1h

Denis RODITI 45/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

chirurgien produira une prothèse de hanche aux dimensions exactes de celle que vous avez

cassée, et ça c’est une vraie révolution. »

Pour Alexandre Martel, cofondateur et rédacteur en chef du site www.3Dnatives.com, c’est

également dans le secteur médical que les prouesses de l’impression 3D sont les plus

éclatantes. « L’exemple de cette patiente hollandaise ayant reçu une boîte crânienne

imprimée en 3D m’a marqué à vie je pense (note : la prouesse a été révélée en mars 2014).

Le fait que cette technologie ait le pouvoir d’améliorer considérablement la vie de certains

patients m’impressionne toujours. »

Aéronautique, aérospatial et Défense – fabrication de prototypes

en R&D, pièces plus légères, petites séries

La fabrication additive présente une opportunité évidente pour les secteurs de

l’aéronautique et de l’espace. Prenons l’exemple de l’avion. Un avion est composé d’une

série limitée de pièces très différentes, vouées à durer longtemps, et qui doivent être les

plus légères et résistantes possibles. En effet, plus l’avion est léger, moins il consomme de

kérosène, et donc moins il coûte cher en carburant. Par ailleurs, le Flight Pact a imposé aux

fabricants d’avions une réduction de 75% de leurs émissions de CO2 d’ici 2050, donc

diminuer le poids des pièces présente un double enjeu stratégique – à la fois économique et

écologique.

La fabrication additive est la méthode idéale pour répondre à ces différents challenges.

D’autant que les techniques d’usinages traditionnelles produisent beaucoup de copeaux,

pouvant engendrer jusqu’à 95% de déchets dans la fabrication d’une pièce. La fabrication

additive permet ainsi d’économiser sur des matières extrêmement coûteuses ainsi que sur le

nombre de pièces utilisées – par exemple, on peut réduire de 12 à 5 le nombre d’étapes

nécessaires à la fabrication de pales de turbines. Airbus et Boeing ont déjà parfaitement pris

conscience de ces enjeux.

Denis RODITI 46/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Dans le secteur spatial, la NASA et l’Agence spatiale européenne (ESA) ont commencé à

utiliser la fabrication additive pour produire des outils et des pièces de rechange dans la

station spatiale internationale. L’Agence spatiale japonaise (JAXA) envisage même désormais

d’imprimer des satellites directement sur place. L’impression 3D pourrait également aider à

résoudre les problèmes de rationnement, en permettant aux astronautes d’imprimer leur

nourriture dans l’espace. Enfin, autre enjeu et pas des moindres, la possibilité de construire

des bases imprimées en 3D sur la Lune grâce à des robots imprimant le régolithe présent à la

surface.

Automobile et Transport – fabrication de prototypes en R&D, pièces

de rechange

L’industrie automobile commence à utiliser la fabrication additive, au-delà des prototypes et

de la réalisation d’outillage, pour la fabrication de pièces proprement dites. Elle produit par

exemple des garnitures d’intérieur, le capot des moteurs ou encore certains composants des

moteurs utilisés pour le sport automobile, qui correspondent à des besoins très spécifiques

et en série limitée.

En ce qui concerne les prototypes et l’outillage, l’intégration de ces technologies est bien

avancée. Depuis une dizaine d’années, Michelin utilise la fabrication additive métallique

pour concevoir les outillages nécessaires à la fabrication de millions de pneus. Les moules

ainsi réalisés permettent d’optimiser les performances des pneus et de prendre une avance

significative sur la concurrence. Selon une étude du cabinet SmarTech, certains grands

fabricants automobiles produisent déjà plus de 100 000 pièces par an grâce à l’impression

3D.18

L’industrie automobile s’intéresse également au développement de la production de pièces

de rechange, directement par les particuliers ou via les réparateurs professionnels de

18

bit.ly/1Ady1gU

Denis RODITI 47/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

proximité. Fournir des pièces de rechange personnalisées et à la demande permet en effet

de réaliser de larges économies en termes de stockage.

Certaines entreprises pionnières commencent déjà à fabriquer des voitures presque

entièrement imprimées en 3D (châssis, carrosserie, éléments de l’habitacle), à l’instar de

Local Motors. Le constructeur américain devrait commercialiser son premier modèle

électrique LM3D Swim, en 201619.

Le modèle LM3D Swim de Local Motors

Audi a également présenté une réplique fonctionnelle à l’échelle ½ de son ancien modèle

Flèche d’Argent pour démontrer son savoir-faire dans l’impression 3D métallique. Le

fabricant allemand a clairement annoncé vouloir appliquer l’impression de métal à la

production en série.

19

bit.ly/1yrnYYu

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La valeur ajoutée de l’impression 3D dans le secteur de l’automobile est néanmoins moins

forte que dans l’aéronautique et l’espace pour quatre raisons principales : les pièces

automobiles ont des formes moins complexes, l’enjeu autour de la légèreté des matériaux

n’est pas aussi crucial, les matériaux de pointe sont adoptés plus lentement et surtout les

besoins de production unitaires sont beaucoup plus élevés, ce qui rend le moulage par

injection plus compétitif.

Textiles, Meubles, Joaillerie, Jouets… — objets personnalisés

La bijouterie, la joaillerie, l’horlogerie ou encore la cristallerie sont des domaines qui tirent

parti des avantages de l’impression 3D, pour un usage professionnel – notamment artisanal

– en permettant la conception de pièces d’un seul tenant et d’une extrême précision. C’est

l’un des secteurs dans lesquels la personnalisation des modèles en fonction des souhaits de

la clientèle peut le plus facilement s’appliquer : la bijouterie de luxe n’emploie quasiment

plus que des imprimantes 3D pour réaliser les moulages « à cire perdue ». Ces moulages

sont utilisés pour la conception et la fabrication rapide de pièces uniques d’une grande

finesse.

Denis RODITI 49/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Pendentif cupidon & loving bambis disponibles sur le site www.jweel.com

Dans le domaine de l’ameublement et de la décoration, certaines marques s’emparent des

nouvelles possibilités offertes par la fabrication additive pour proposer du mobilier et des

objets laissant une part d’initiative croissante à l’acheteur final (cependant encore en grande

partie limité au choix des formes et des coloris). Il s’agit surtout de jeunes sociétés, les

grandes enseignes du secteur habituées à fournir des produits entièrement finis semblant

tarder à prendre ce virage.

S’ils ne réagissent pas, les industriels de jouet pourraient de leur côté être les premiers à

pâtir de l’usage de l’impression 3D par les particuliers. La société Hasbro a ainsi pris les

devants et engagé plusieurs partenariats pour proposer la fabrication, personnalisée et à la

demande de figurines dont elle détient les droits. Ils envisagent également la vente

d’imprimantes 3D pour enfants. Néanmoins, les normes de sécurité étant particulièrement

strictes dans le secteur du jouet, il est plus probable que le grand public se tourne dans un

premier temps vers des services d’impression 3D comme Sculpteo ou Shapeways pour

fabriquer ses pièces. À noter que Lego, sans doute l’acteur le plus vulnérable face à une

banalisation de l’impression 3D, est également très actif et a noué plusieurs partenariats,

notamment avec Google, afin de transformer cette menace grandissante en avantage

compétitif.

Denis RODITI 50/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les premières applications dans la mode et le textile ont aussi fait leur apparition. De

nombreux habits et accessoires, tels que des chaussures, des robes, des chapeaux ou des

sacs peuvent être imprimés en 3D. Les équipementiers sportifs ne sont pas en reste, et le

patron de Nike Erik Sprunk estime par exemple que d’ici quelques années, les clients de Nike

customiseront entièrement leur paire de chaussures sur le site de la marque avant de

l’imprimer en 3D chez eux ou dans une enseigne à proximité20.

En ce qui concerne l’impression de figurines personnalisées et de goodies, c’est également

un phénomène qui devrait séduire le marché B2C et les entreprises, à condition que les prix

chutent encore.

Photomaton 3D à Paris XVII, projet AVATAR émoi

High-tech – fabrication de prototypes en R&D

20

http://bit.ly/1G2tmWR

Denis RODITI 51/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

L’impression 3D gagne du terrain dans le secteur high-tech. Selon une enquête d’UPS, qui a

interrogé plus de 500 responsables d’entreprises high-tech, 72% des personnes interrogées

ont déclaré avoir expérimenté la fabrication additive21. Les trois-quarts d’entre elles

l’utilisent pour l’aide au design de nouveaux produits, un peu plus de la moitié pour la

conception d’échantillon ou de maquettes de produits, 34% pour la production de produits

finis et 24% pour des pièces de rechange. La Chine apparaît comme la locomotive de ces

innovations, elle représente à elle seule la moitié de ces « early-adopters » contre seulement

29% pour l’Amérique du Nord. Néanmoins, sur la totalité des personnes interrogées, seules

4% déclarent « utiliser activement l’impression 3D », donc la marge de progression reste

encore très importante dans ce secteur.

Source : UPS, étude « « Change in the (Supply) Chain »

Dans le secteur high-tech, l’une des innovations susceptibles de bouleverser le secteur serait

l’impression 3D de circuits imprimés, possible à l’heure actuelle mais encore à un stade très

précoce.

L’architecture et le secteur de la construction –

21

bit.ly/1ZWvusq

Denis RODITI 52/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

L’une des applications de base de l’impression 3D dans l’architecture est depuis longtemps la

création de maquettes de démonstration, qui permet d’illustrer en détails la vision de

l’architecte.

Grâce à des logiciels spécialisés comme 3D CAD ou BIM, imprimer ces modèles devient assez

rapide, facile et peu cher. De nombreux grands cabinets d’architecte utilisent aujourd’hui

couramment la fabrication additive, pour leur propre usage ou en le proposant en tant que

service, pour favoriser l’innovation et améliorer la communication. Mais ce qui retient

surtout l’attention aujourd’hui, c’est la volonté affichée d’architectes – de plus en plus

nombreux – à vouloir imprimer directement des structures ou des bâtiments en 3D. Le

chinois Winsun a sans doute été l’acteur qui a suscité le plus d’engouement autour des

possibilités offertes par l’impression 3D dans l’érection de bâtiments. En 2014, il s’est fait

connaître en imprimant une dizaine de maisons de 200m2 chacune à Shanghaï. L’année

suivante il a imprimé en 3D le tout premier immeuble d’une hauteur de 5 étages ainsi

qu’une villa de 1100 mètres carré.

En Europe, l’un des précurseurs en la matière est l’italien Enrico Dini, avec son imprimante

D-Shape, qui pourrait bien un jour servir à imprimer des bases sur la Lune. Les néerlandais,

connus pour leur esprit avant-gardiste, sont également très présents dans l’architecture et

innovent avec des projets un peu fous.

Maison en forme de ruban Moëbius conçu par l’entreprise néerlandaise Universe

Architecture créé par l’architecte Janjaap Ruijssenaars

Denis RODITI 53/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Tetris House conçue par l’entreprise néerlandaise Universe Architecture

À Amsterdam, la société MX3D prévoit également d’imprimer un pont en 3D grâce à un

robot à six bras.

Mais bâtir des structures avec des design improbables n’est pas la seule utilité de

l’impression 3D dans le secteur de la construction, loin de là.

Les principaux avantages de la fabrication additive, à savoir une forte réduction des coûts et

une grande rapidité d’exécution, pourrait servir des buts sociaux et humanitaires. Construire

des maisons en quelques dizaines d’heures et à bas prix pourrait permettre à des personnes

de condition modeste de se loger facilement, ou aux victimes de catastrophes naturelles

(tremblements de terre, tsunamis…) de retrouver un toit le jour même ou le lendemain.

L’une des méthodes les plus prometteuses en ce sens est le « contour crafting », développée

en Californie par Behrokh Khoshnevis22. L’ « ingénieur-architecte » de demain aura pour outil

une tête d’impression orientable suspendue par des câbles, un portique électrique (ou

demain des robots contrôlés par ordinateur) pour ériger des édifices en un temps record. Il

22

bit.ly/1hxEBpZ

Denis RODITI 54/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

utilisera si possible des matières présentes sur place (sable, gravier, argile…) et les énergies

renouvelables disponibles pour demeurer neutres sur le plan écologique. Le contour-crafting

est perçu par Jérémy Rifkin comme l’un des éléments importants de la troisième révolution

industrielle23.

L’industrie alimentaire, la gastronomie

Imprimer sa nourriture en 3D est à la fois l’une des promesses de la fabrication additive les

plus excitantes et les plus difficiles à atteindre, même si les technologies progressent aussi

dans ce domaine. Les premières tentatives ont été à base de sucre, de chocolat ou encore de

cellules de bovins. Il est aujourd’hui possible d’imprimer beaucoup d’aliments (yaourts,

fromages, brocolis…). Les freins sont liés au temps de préparation, à la cuisson des aliments,

mais la dimension psychologique entre aussi en compte, puisque beaucoup de personnes

jugent déstabilisant de manger des aliments dans des formes qui ne ressemblent pas du tout

à leur aspect d’origine.

Salad tower inspirée par le vase Aalto réalisé à l’aide de l’imprimante Foodini

Il y a fort à parier que cette habitude va néanmoins rentrer dans les mœurs. Certains grands

chefs utilisent déjà l’impression 3D pour concocter des plats, ou du moins certains de ses

23

http://huff.to/1PqPPPz

Denis RODITI 55/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

composants. De façon plus anecdotique, le spécialiste des bonbons Lutti a ouvert une

boutique d’impression de bonbons en 3D à Paris24.

Ce type de démarches va très certainement se multiplier dans les années à venir et les

industriels de l’alimentaire, intégrer cette technologie dans leur proposition commerciale ou

pour de la communication en points de vente. La NASA s’intéresse aussi de près à

l’impression 3D de nourriture dans l’espace, et a notamment financé un projet qui vise à y

imprimer des pizzas. À plus long terme, il deviendra possible de préparer des plats

savamment équilibrés, parfaitement dosés en nutriments afin de répondre aux besoins

physiologiques de chacun, et de les proposer ainsi aux hôpitaux ou même aux particuliers.

L’impression 3D est-elle open source ?

La réponse est oui et non. De plus en plus de marques bien installées, comme les géants du

secteur Stratasys et 3D Systems, utilisent des technologies propriétaires. À l’instar de ce qui

se passe pour l’ordinateur ou le mobile, avec notamment d’un côté l’iOS fermé d’Apple et de

l’autre le système ouvert Androïd de Google, on peut parier que dans les années qui

viennent ces deux approches coexisteront. Certains fabricants ayant pignon sur rue

privilégieront un système propriétaire et d’autres défendront l’open source, en fonction de

leur vision du marché.

24

bit.ly/1ScNMQ7

Denis RODITI 56/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

DEUXIÈME PARTIE : L’IMPRESSION 3D DANS L’INDUSTRIE

2.1. Les industriels ont-ils pris conscience des enjeux ?

La plupart des secteurs d’activité expérimentent aujourd’hui l’impression 3D, mais les

disparités entre les acteurs industriels restent très fortes : pour faire simple, lorsque certains

– comme Airbus ou Rolls-Royce – utilisent déjà cette méthode pour réaliser de nombreuses

pièces finies, beaucoup réfléchissent toujours à la façon dont la fabrication additive pourrait

s’intégrer dans leur cycle d’innovation et de conception. Néanmoins, les grandes entreprises

dans leur ensemble ont déjà bien pris la mesure des enjeux. Selon une étude de Price

Waterhouse Cooper réalisée début 2014, deux-tiers des 100 plus grosses industries

mondiales ont recours à l’impression 3D25 :

25

pwc.to/1lHCrdO

Denis RODITI 57/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les grandes entreprises sont cependant l’arbre qui cache la forêt. « Les industries de pointe

(aérospatial, défense, aéronautique, automobile) ont bien pris conscience des enjeux autour

de la fabrication additive, mais pas les industries "intermédiaires", avance Arnauld Coulet,

directeur de l’agence Fabulous. D'où notre positionnement en tant que conseil en amont du

projet et maître d'œuvre pour la réalisation du projet. » Fabulous, société de conseil en

solutions d’impression 3D, travaille aussi bien avec des grands comptes qu’avec des start-up.

Les principaux arguments qui convainquent leurs clients d'utiliser l'impression 3D sont, par

ordre d’importance, le fait de ne pas « avoir à rentabiliser un moule », « la possibilité de

réaliser des formes complexes » et « l’emploi de matières certifiées dans certains secteurs

tels que le médical, l’aéronautique et le luxe ».

Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) s’est interrogé, dans un rapport

paru en mars 2015, sur la place qu’occupera la fabrication additive dans l’industrie. Si le CESE

constate que celle-ci « est encore loin de rivaliser avec les rendements (et donc les coûts de

production par unité) de la production de masse qui caractérise […] l’industrie », il ajoute

que « ses atouts spécifiques pourraient bien être porteurs de changements profonds dans le

fonctionnement de l’industrie manufacturière, voire dans l’organisation de la société toute

entière. »26

Contrairement à une idée reçue, l’impression 3D n’a donc pas vocation à se substituer à la

production de masse délocalisée dans les pays émergents. En revanche, elle peut permettre

de relocaliser une partie de la production. Nous développerons ce point un peu plus loin,

mais notons déjà que cet espoir pour les États occidentaux de lutter ainsi contre leur

désindustrialisation croissante – source de chômage et de tensions sociales –, voire de se

réindustrialiser dans certains secteurs, est plutôt une bonne nouvelle. Pour autant,

l’impression 3D n’a pas toujours porté ces promesses. À l’instar des technologies de rupture

(Internet dans les années 90, le téléphone portable dans les années 2000), l’impression 3D a

d’abord été confinée à des usages bien définis concernant une fraction infime de la

population.

26

Voir annexe

Denis RODITI 58/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

2.2. Les principaux usages de la fabrication additive dans l’industrie

Le prototypage rapide

En l’occurrence, sa première valeur ajoutée a été le prototypage rapide. Le prototypage

rapide de nouveaux produits recouvre encore, en 2015, 70% du chiffre d’affaires lié au

marché de la fabrication additive27.

Avant l’arrivée de l’impression 3D, le prototypage rapide était un secteur d’activité très

coûteux et gourmand en ressources pour les entreprises : adaptation des lignes de

production, validation des procédés, certifications, etc. Or la fabrication additive permet de

réduire les délais, de diminuer les coûts et de réaliser des maquettes complexes, voire

expérimentales.

Le processus consiste dans un premier temps à créer virtuellement le prototype grâce à un

logiciel de CAO ou de modélisation. Ces données, qui se présentent de façon standard en

format STL, sont ensuite converties en un langage compris par l’imprimante 3D. La machine

lit alors la traduction de ces données et dépose des couches successives de matériau liquide,

en poudre ou en feuilles, pour créer le modèle physique à partir d’une série de sections

transversales. Ces couches, qui correspondent à la section transversale virtuelle du modèle

CAO, sont automatiquement jointes pour créer la forme finale du prototype ; le processus

dure en général quelques heures.

27

http://bit.ly/1SkIx2G

Denis RODITI 59/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Comme l’illustre ce graphique, issue d’une étude du cabinet Gartner, la fabrication additive

recoupe aujourd’hui une variété d’utilisations beaucoup plus étendue28. Ces usages ont trait

à la fois à la conception des produits, à la chaîne d’approvisionnement, à la réduction des

coûts ainsi qu’au marketing et à la communication. Il ne sera pas utile de détailler tous ces

aspects dans le cadre de notre problématique, aussi attardons-nous sur les méthodes liées à

la production stricto sensu.

L’outillage rapide

Avant même de parler de conception de produits finis, qui est le but « ultime » de

l’impression 3D, notons que l’impression 3D permet de réaliser des moules et toutes sortes

28

http://gtnr.it/1swZR7r

Denis RODITI 60/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

d’outils de production qui vont faciliter la conception et/ou l’assemblage des pièces

détachées en vue d’un produit fini.

Cette méthode permet des gains de temps et la diminution des coûts de production. Opel,

par exemple, utilise les machines de Stratasys pour son récent modèle Adam. Ces outils

conçus par fabrication additive permettent notamment de fixer de façon précise des

éléments sur le bas de caisse ou les déflecteurs sur le toit, l’assemblage des vitres et du toit

ouvrant ou encore l’alignement des lettres du logo du véhicule.29

L’outillage rapide ne concerne pas uniquement l’industrie automobile, mais de très

nombreux secteurs comme la construction mécanique, l’aéronautique, la défense et l’espace,

la production de verres de très haute précision, l’entretien de voies ferrées et bien d’autres

encore.

Une autre possibilité offerte par l’impression 3D qui intéresse beaucoup les industriels est la

création de moules adhoc. « On voit apparaître de plus en plus la possibilité d’imprimer en

29

bit.ly/1PMdExm

Denis RODITI 61/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

3D des moules pour faire de l’injection ou en fonderie, explique ainsi Alexandre Martel,

cofondateur et rédacteur en chef du site 3Dnatives.com. Jusqu’à aujourd’hui, les moules

pouvaient coûter plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Là, on va pouvoir

imprimer des modèles complexes de moules et les injecter ensuite en série. Cela demande

encore des développements car ils peuvent-être utilisés des milliers de fois et subir des

contraintes mécaniques importantes. Stratasys, 3D Systems ou Voxeljet travaillent sur ces

sujets-là. »

La fabrication directe

Grâce à la diversité grandissante des machines sur le marché, des vitesses de fabrication qui

– selon les spécialistes – doubleraient tous les deux ans, et de la variété toujours plus large

des matériaux pouvant être utilisés, les imprimantes 3D servent de plus en plus à concevoir

des produits finis. Fin 2014, selon une étude de PwC, 11% des 100 plus grandes entreprises

du monde utilisaient l’impression 3D pour la production de produits finis30. D’après le

cabinet Gartner, une technologie devient « mainstream » lorsque son taux d’adoption

atteint 20%. Pour ces grandes entreprises, la fabrication additive n’est ainsi plus très loin de

devenir un procédé « comme un autre ».

Les progrès dans la taille des pièces (qui va de quelques centimètres à plusieurs mètres) et

leur précision (de l’ordre du micron) ont permis d’élargir le champ des secteurs concernés.

L’aéronautique a très tôt su tirer parti des avantages de l’impression 3D pour réaliser des

milliers de pièces d’avion – ailes, moteur... L’automobile l’utilise surtout pour les prototypes

et l’outillage, mais commence également à s’en servir pour développer des pièces finies. Les

agences spatiales participent activement aux recherches dans ces technologies et

l’envisagent sous de multiples aspects (pièces de navettes, nourriture dans l’espace,

construction de bases lunaire et martienne…). Le secteur de l’énergie y investit aussi

massivement. General Electric prévoit par exemple de produire 25 000 tuyères de moteur

via la fabrication additive et se sont engagés à dépenser 22 milliards de dollars dans cette

30

http://pwc.to/1lHCrdO

Denis RODITI 62/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

technologie31. La firme américaine a déclaré que la fabrication additive concernerait déjà 50%

de sa fabrication en 2016.

Le domaine qui recourt le plus à l’impression 3D est cependant celui de la santé. Les

prothèses dentaires et auditives sont fréquemment imprimées en 3D. Aux États-Unis, le

marché des prothèses auditives se serait entièrement converti à la fabrication additive en

moins de 500 jours32 ! La numérisation de la morphologie propre à chaque individu permet

également de concevoir des prothèses et des implants sur mesure. Enfin, l’un des secteurs

les plus en pointe dans la personnalisation à destination des particuliers est la bijouterie.

Lorsqu’on parle de fabrication directe, on parle de pièces uniques, de petites ou moyennes

séries (plusieurs milliers de la même pièce par an). De nombreuses jeunes entreprises

utilisent cette méthode de conception pour se développer avec peu de moyens, sans devoir

importer des pièces en provenance de pays à faible coût de main d’œuvre, mais en

fabriquant localement tout en faisant preuve d’ingéniosité. Les grandes entreprises y

recourent aussi de plus en plus pour inventer de nouvelles pièces ou diminuer le coût et les

délais de fabrication de pièces existantes, comme nous l’avons déjà vu, mais aussi pour

fournir des pièces détachées à la demande et ainsi limiter leurs stocks.

Malgré tous ses avantages, la fabrication additive pourra-t-elle pour autant supplanter une

technique comme l’injection plastique, vieille d’un siècle et demie (son invention remonte à

1872) ? En novembre 2014, la société californienne Type A Machines a cherché à en avoir le

cœur net.

Demain, la personnalisation de masse ?

Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’avec l’impression 3D, les économies d’échelle ne

sont plus nécessaires puisque produire 10 000 objets en plastique ou un seul coûtent

exactement le même prix à l’unité. Tout le contraire d’une méthode comme l’injection

31

http://for.tn/1GKnAbu 32

bit.ly/1E41q1h

Denis RODITI 63/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

plastique qui pour être rentable nécessite un volume de production important. De fait, la

fabrication additive semble au premier abord plus appropriée pour la fabrication de séries

limitées.

En regroupant des imprimantes 3D et en les paramétrant de façon optimale, la société Type

A Machines a d’abord démontré que l’impression 3D était nettement plus avantageuse que

le moulage par injection pour des volumes inférieurs à 800 pièces33. Le rythme de

production s’est révélé jusqu’à vingt fois plus rapide et l’investissement en matériel

beaucoup plus faible.

33

Voir livre blanc en annexe

Denis RODITI 64/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Au-delà de 800 pièces, l’impression 3D peut encore tirer son épingle du jeu à condition

d’avoir un seul opérateur pour vingt imprimantes et 50% du temps de production sans

intervention humaine. Au-delà de 10 000 pièces, cet avantage disparaît.

Denis RODITI 65/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Cette étude comparative est intéressante car elle permet de mesurer – à un instant T de

l’évolution des progrès techniques liés à la fabrication additive – les seuils de rentabilité par

rapport aux méthodes traditionnelles. Cependant, la pertinence de ce type

d’expérimentations est limitée. D’une part, car comme dit précédemment, les coûts des

matières et la rapidité des machines s’améliorent sans cesse, et donc rendront vite ces

résultats caduques. D’autre part, et c’est là l’essentiel, il s’agit d’une approche purement

quantitative et non qualitative de la fabrication additive.

Or le talon d’Achille de la production de masse, c’est le sacrifice de la variété sur l’autel des

économies d’échelle. C’est la célèbre phrase d’Henry Ford, à propos de la Ford-T : « Vous

pouvez l’avoir dans n’importe quelle couleur – pourvu que ce soit le noir. » Pour pouvoir

profiter de ces économies d’échelle, l’entreprise doit renoncer dans bien des cas à la

tentation de modifier les caractéristiques de son produit, sauf si une opportunité de marché

apparaît suffisamment importante pour justifier un nouvel investissement. Modifier,

moderniser ou apporter la moindre variation au produit entraîne un impact sur le résultat

net. La production de masse n’est donc rentable que si elle permet à l’entreprise de vendre

un même produit en grandes quantités.

L’acheteur, lui, peut ainsi se procurer des produits de façon rapide et à bas coût… mais des

produits standards et interchangeables. Dès lors, pourquoi ne pas se tourner vers la

Denis RODITI 66/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

production artisanale ? Si elle permet de faire du sur-mesure, l’artisanat a pour principal

inconvénient de ne pas pouvoir être développée sur une large échelle.

Pour résumer, la production de masse équivaut à davantage de rentabilité et de profit pour

les entreprises, et des prix moins élevés pour les consommateurs. L’effet pervers de ces

économies d’échelle est l’absence de variété et de personnalisation des produits. Au

contraire, la production artisanale permet de facilement varier et personnaliser les produits,

mais se limite à de petites quantités. Depuis plus d’un siècle, dans les pays industrialisés, ces

deux mondes – la production de masse et la production artisanale – coexistent, séparés par

un gouffre.

L’impression 3D pourrait-elle jouer le rôle de passerelle ? Les technologies de fabrication

additive réunissent certaines propriétés de la production de masse et de l’artisanat et

ouvrent ainsi de nouvelles perspectives.

À l’instar de la machine d’atelier, l’imprimante 3D est automatisée ; et comme l’artisan, elle

est polyvalente. La personnalisation ne coûte presque plus rien, puisque produire mille

objets différents ou mille objets identiques revient au même prix. Compte tenu de ses

caractéristiques hybrides, en quoi l’impression 3D bouleverse-t-elle déjà l’industrie

manufacturière dans son ensemble ?

2.3. Les 7 vertus « disruptives » de l’impression 3D34

1. Le prototypage vraiment rapide.

Avant l’arrivée de l’impression 3D, ce qu’on appelle le « prototypage rapide » était tout sauf

rapide, et il fallait souvent une semaine ou plus aux spécialistes pour fournir une réplique

physique d’un nouveau produit ou d’un nouveau composant d’un produit existant.

Aujourd’hui, grâce à l’impression 3D, un produit qui aurait nécessité un mois de travail en

traversant 3 ou 4 changements de design dans sa phase de prototypage peut sortir en une

34

onforb.es/1NpHxEp

Denis RODITI 67/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

semaine. Les produits arrivent donc plus vite sur le marché, économisant du temps et de

l’argent aux entreprises.

2. Les tests itératifs rapides sur le design des produits.

Au-delà du prototypage, l’impression 3D permet de tester différents modèles de produits

dans les conditions réelles du marché. Prenons l’exemple de Ford. Depuis la création de

l’entreprise, les ingénieurs de Ford devaient créer un nouveau moule s’ils voulaient tester un

prototype de moteur. Un process qui prenait environ 6 mois et coûtait des centaines de

milliers de dollars. Aujourd’hui, Ford produit ses moules en 4 jours pour un coût de 4000

dollars grâce à l’impression 3D. Cette réduction colossale de temps et d’argent, le

constructeur automobile l’utilise à son avantage pour fabriquer de nombreux prototypes de

moteurs pour ses nouveaux véhicules et tester ces prototypes simultanément. Les

ingénieurs peuvent ainsi challenger des dizaines de variations et, grâce à ces nombreuses

itérations, optimiser les performances du moteur.

Cette accélération de la production brouille – dans le bon sens du terme – la frontière entre

le prototypage et les produits finis. L’impression 3D permet à des petites entreprises, et

même souvent des start-up, de lancer de nouveaux produits sur le marché sans gros

investissement de départ. L’A/B testing qui existe dans l’univers du digital devient ainsi

possible dans le monde physique.

3. La production de séries limitées.

Dans l’industrie traditionnelle, une entreprise doit d’abord investir dans des moules ou de

l’outillage avant de fabriquer le premier produit fini. Si le moule coûte 50 000 dollars et que

le coût incrémental pour produire une unité revient à 50 centimes, le premier produit

fabriqué coûtera $50,000.50 ! Ce coût est gérable si l’intention de l’entreprise est de

fabriquer des millions d’unités. Mais si elle souhaite n’en produire que 500 ? Avec

l’impression 3D, il n’y a aucun investissement de départ. Aujourd’hui, pour des productions

Denis RODITI 68/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

inférieures à 1000 pièces, l’impression 3D devient ainsi une alternative rentable quel que

soit le secteur d’activité concerné.

4. La personnalisation de masse.

Jusqu’à récemment, si vous deviez faire remplacer votre hanche, le médecin vous présentait

cinq modèles de prothèses différentes et sélectionnait celui qui s’apparentait le plus à votre

propre hanche. Aujourd’hui, il scanne votre hanche et vous proposera de la remplacer avec

une réplique parfaite, avant de vous opérer. Aux États-Unis, Invisalign a bâti un business de

plusieurs millions de dollars en produisant ainsi des gouttières personnalisées pour chaque

patient. Evidemment, la personnalisation a un prix, mais le service client offert – en

médicine mais pas uniquement – devient incomparable.

5. Des inventaires virtuels.

Pour chaque conception de nouveau produit, l’industrie manufacturière prévoit un stock de

pièces de rechange afin de satisfaire la demande sur plusieurs années. Tenir un tel inventaire

revient très cher. Ces coûts incluent le capital pour produire cet inventaire, les provisions de

charge (pour les produits perdus ou volés), l’obsolescence, le stockage, les assurances, le

traçage des stocks et la distribution. Pourquoi ne pas plutôt imprimer en 3D les produits à

l’unité en fonction de la demande ? Avec l’impression 3D, vous pouvez imprimer ce dont

vous avez besoin, à l’endroit et au moment que vous souhaitez. Virtualiser ses inventaires a

par ailleurs des retombées positives sur l’écologie.

6. La longue traîne.

L’impression 3D ne bouleverse pas seulement la phase de production lors du lancement de

nouveaux produits, mais amène également l’entreprise à mieux gérer la fin de vie de ses

produits. Aujourd’hui, un frigo de quinze ans qui fonctionne bien, mais dont il manquerait

deux rayons ou une poignée d’ouverture serait sans doute mis au rebut. Le fabricant

considérerait ce produit comme « terminé » et n’ira plus l’entretenir. Mais grâce à

Denis RODITI 69/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

l’impression 3D, ce fabriquant a aujourd’hui la possibilité d’imprimer les parties manquantes

ou cassées, et même d’ajouter de nouvelles fonctionnalités à ce frigo « hors d’usage ». La

longue traîne change fondamentalement la façon dont les designers et les ingénieurs vont

concevoir le cycle de vie d’un produit dans un futur proche.

7. Une renaissance dans l’innovation des produits

En abaissant les barrières d’entrée à leur conception et à leur fabrication, ainsi qu’en

donnant la possibilité d’imaginer des formes de produits beaucoup plus complexes,

l’impression 3D annonce une nouvelle ère d’innovation dans l’industrie manufacturière. Le

foisonnement des designs possibles va finalement questionner les entreprises existantes et

les amener à repenser leurs produits actuels.

Les entreprises sont déjà en train de remplacer leurs produits fabriqués selon les méthodes

traditionnelles par de la production imprimée en 3D, tirant parti des capacités supérieures

de design et de la flexibilité de production permises par cette technologie. General Electric

utilise par exemple des imprimantes 3D métalliques pour produire des systèmes d’injection

de carburant pour des moteurs d’avions, réduisant ses composants de 21 à un seul, et en

incorporant des géométries impossibles à réaliser via d’autres méthodes, ce qui a conduit à

en améliorer significativement l’efficience.

Cette renaissance dans l’innovation des produits va s’accélérer à mesure que les entreprises

redessineront des produits existants pour imaginer de nouveaux produits qui restent

inimaginables aujourd’hui.

Quel modèle de développement ?

Des industriels œuvrant dans des secteurs très variés utilisent déjà l’impression 3D : que ce

soit dans l’automobile, l’aéronautique, le BTP, le high-tech ou le médical, le recours à cette

technologie devient de plus en plus fréquent. SI le prototypage reste encore la principale

Denis RODITI 70/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

raison pour laquelle la plupart de ces entreprises font appel à la fabrication additive, elles

ont également en ligne de mire le développement de nouveaux produits et la volonté de

raccourcir leur cycle de production pour mieux satisfaire les attentes de leurs clients.

Pour les produits finis, l’industrie trouve de nombreux avantages à utiliser l’impression 3D.

Elle permet de fabriquer des composants qui durent plus longtemps, qui sont plus économes

en énergie, plus résistants ou plus efficaces tout simplement. « Les composants sur mesure

imprimés en 3D pour les moteurs, par exemple, peuvent être conçus pour véhiculer de plus

gros volumes d’air de refroidissement ou pour supporter plus de poids », nous expliquent

Hod Lipson et Melba Kurman35. La fabrication additive a aussi l’avantage de fabriquer des

produits en une seule fois, alors que ceux-ci étaient auparavant composés de plusieurs

pièces. Boeing, par exemple, a découvert qu’il pouvait imprimer en 3D une conduite d’air

pour un avion de combat en une seule pièce contre vingt auparavant. Le recours à cette

technique permet de raccourcir la chaîne d’approvisionnement et, in fine, de réduire les

stocks.

L’impression 3D a enfin l’avantage de pouvoir produire localement. Cette rationalisation des

stocks présente un avantage écologique évident, puisque les entrepôts consomment de

l’électricité (chauffage, éclairage…) etc. Nous allons maintenant voir en quoi tous ces

avantages peuvent potentiellement bouleverser des pans entiers de l’industrie et la

structure de l’usine de demain.

2.4. Quels impacts sur la chaîne de valeur ?

Quelles sont les futures étapes à franchir afin de concrétiser cette

révolution industrielle ?

35

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013

Denis RODITI 71/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Selon l’Institut Xerfi, il peut s’écouler entre 20 et 50 ans entre la mise au point d’une

technologie et son usage courant. 36Le laser, mis au point en 1958, n’a trouvé ses premières

applications que dans les années 80-90. Si l’on se fie donc à l’histoire, l’impression 3D ayant

été inventée en 1984, la décennie 2010-2020 devrait correspondre à sa phase de

démocratisation. Il est cependant très probable que cette démocratisation concerne bien

davantage le monde industriel que le grand public.

Source : Institut Xerfi

L’impression 3D a potentiellement les capacités de dynamiter la chaîne de valeur telle

qu’elle existe dans l’industrie.

36

bit.ly/1JEakT1

Denis RODITI 72/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Source : Institut Xerfi

Comme on l’a vu, le prototypage a déjà été facilité et accéléré par la fabrication additive. La

production permet aujourd’hui de fabriquer des pièces personnalisations sur des séries

limitées, mais nous allons voir un peu plus loin, que cela pourrait aussi bientôt être le cas

pour les grandes séries. Cela pourra signer dans certains secteurs la fin du fordisme et des

économies d’échelle. Dans un scénario extrême, on peut imaginer que les étapes de

stockage, de conditionnement, de transport et de distribution soient tout simplement

éliminées de l’équation à condition que chacun puisse fabriquer les objets dont il a envie à

domicile.

Denis RODITI 73/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Source : Institut Xerfi

De façon plus réaliste, on peut déjà affirmer que ces quatre étapes deviendront bien moins

coûteuses et indispensables : le stockage, car un nombre grandissant de pièces pourra être

fabriqué à la demande. Tandis que le conditionnement, le transport et la distribution se

trouveront fortement réduits par la relocalisation d’une partie de la production – il

deviendra plus coûteux d’expédier une pièce depuis la Chine que de la fabriquer sur son sol.

Outre une forte baisse des coûts, cela entraînera la possibilité de livrer plus rapidement les

produits et améliorera l’empreinte écologique.

2.5. La fabrication en nuage

Pour bien comprendre comment la chaîne de valeur pourrait ainsi être raccourcie de moitié,

il faut imaginer une autre forme d’industrie. Plus de chaînes de montage interminables,

assemblées dans de vastes usines pour de la fabrication en grandes séries, mais des millions

Denis RODITI 74/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

de petits nœuds de production reliés entre eux à petite échelle. Non plus un système de

production rigide et centralisé, mais un système local décentralisé : la fabrication en nuage.

Ces centres de fabrication seront autonomes, mais néanmoins coordonnés en fonction des

besoins sur tel ou tel projet. Capables de concevoir chacun une large variété de produits ou

de pièces à la demande dans un délai serré, ils pourront si besoin mettre en commun leurs

ressources pour y parvenir.

Dans leur ouvrage de référence « Fabricated : The New World of 3D Printing », H. Lipson et

M.Kurman prennent l’exemple d’une personne souhaitant commander une moto sur

mesure. « Vous lanceriez un appel sur ce […] nuage de production. Des milliers d’entreprises

se verraient automatiquement attribuer la tâche d’imprimer chacune une pièce particulière,

sur-mesure, et de vous l’expédier une fois prête. Le lendemain matin, en ouvrant votre porte

d’entrée, vous vous retrouveriez enseveli sous une petite avalanche constituée d’un millier

de pièces de moto de toutes tailles, les unes en métal, les autres en matière plastique. » 37

Les ressources du nuage étant extensibles, elles s’adapteraient automatiquement à la charge.

Plus besoin de se soucier de la capacité de production. Le nuage distribuerait de façon

intelligente le travail de production et coordonnerait les différents fabricants du réseau de

manière à répondre à votre demande.

Pour le président de l’AFPR, la fabrication en nuage « sera certainement une des possibilités,

qui trouvera son utilité pour certaines filières ». Ce modèle paraît en tout cas plausible car il

s’apparenterait beaucoup à la révolution subie par le secteur des télécommunications

Autrefois, les réseaux téléphoniques étaient vastes, centralisés et lourds à gérer ;

aujourd’hui, chacun possède un téléphone mobile et communique via un réseau géant.

Internet, grâce notamment au cloud computing, rend possible l’interconnexion, la

démultiplication et la simultanéité des données. La fabrication en nuage favorisera

l’innovation, en supprimant les barrières à l’entrée, comme cela s’est produit dans le

domaine du logiciel.

Evidemment, il y a un hic : qui s’occupera de l’assemblage ? Cela pourrait être soit

l’utilisateur final, à condition qu’il aime (un peu ou beaucoup, selon les cas) bricoler, soit un

37

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013

Denis RODITI 75/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

atelier d’assemblage avant livraison au consommateur, mais dans ce cas, peut-on toujours

parler de fabrication en nuage ?

L’autre solution consiste à produire ces objets d’un seul tenant. Cette capacité est d’ailleurs

propre à la fabrication additive : contrairement aux autres méthodes de production

nécessitant de passer par des moules, des fraiseuses, etc., l’imprimante 3D a pour avantage

de réaliser une clé à molette ou un conduit d’air pour avion en une seule fois. Cependant,

elle n’y parvient qu’avec des pièces relativement simples. Imprimer entièrement un robot ou

un téléphone portable est impossible à l’heure actuelle.

Des imprimantes permettent déjà théoriquement de produire des circuits imprimés, comme

la Voxel8 ou l’Aerosol Jet 5X d’Optomec bien que ces techniques se cantonnent

essentiellement au prototypage. Néanmoins, on peut prédire sans trop de risques que ces

obstacles finiront par être soulevés dans un avenir proche.

Pour en revenir au schéma proposé par Xerfi, l’étape de la consommation – si elle demeure

inchangée – risque d’être hypertrophiée. En effet, puisque tout devient plus facile d’accès,

certains prédisent que l’on pourra être inondé d’objets à force d’imprimer à tour de bras.

Les rebuts, qui constituent la dernière étape, pourraient ainsi poser de graves problèmes

environnementaux. Autrement dit, ce qu’on a gagné en termes d’écologie avec la

suppression des transports de marchandise et la production de pièces plus « éco-friendly »,

on risque de le perdre en bout de chaîne. Ce scénario catastrophiste doit cependant être

relativisé : à court et moyen termes, les principaux utilisateurs de l’impression 3D resteront

les entreprises et non les particuliers.

2.6. Révolutionner les outils de CAO

Quel que soit le(s) future (s) modèle (s) de développement de l’impression 3D, l’un des

principaux défis à relever viendra des outils de CAO. La majorité des outils actuels sont

uniquement capables de définir les contours d’un objet, or il est essentiel de connaître un

objet dans son intégralité pour le reproduire parfaitement.

Denis RODITI 76/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les outils actuels ne permettent ni de connaître les dosages de matières, dans le cas d’objets

composés de multiples matériaux, ni les éventuels creux et la disposition précise des

éléments à l’intérieur de ces objets. Par conséquent, on ne peut qu’en produire des

répliques grossières n’ayant parfois qu’une vague ressemblance avec l’original. À supposer

même qu’un scanner, à la façon d’un rayon X, puisse numériser l’intérieur d’un moteur à

réaction ou d’un rein, l’imprimante sera-t-elle capable de concrétiser cette modélisation ?

Cette limitation des outils de CAO est d’une certaine façon assez logique, lorsque l’on sait ce

pourquoi ces logiciels ont été conçus.

Ils sont utilisés à l’origine par les studios de création animée et des jeux vidéo. Inutile de

connaître ce qui se cache sous la salopette de Mario ou la combinaison de Buzz l’éclair du

moment que les personnages offrent un excellent rendu sur l’écran !

Or comme le précisent les auteurs de « Fabricated : The New World of 3D Printing », la

fabrication d’une simple théière relève du tour de force. « Si vous deviez concevoir et

essayer d’imprimer en 3D une belle théière aux formes élaborées et recouverte d’une belle

décoration, vous pourriez obtenir un objet ayant extérieurement l’aspect d’une théière

magnifique. Cependant, votre fichier de conception ne spécifiant pas la forme de la cavité

interne de la théière ni le fait que son bec soit nécessairement creux, ni le fait que le

couvercle doit bien tenir en place tout en étant amovible, votre théière imprimée en 3D ne

posséderait pas ces propriétés de structure interne et serait donc inutilisable. »38. Il existe

des logiciels spécialisés qui ont pour vocation de pallier les insuffisances de la lecture

optique en « devinant » les formes sous la surface et en ajoutant les détails manquants, mais

les erreurs demeurent très nombreuses.

Imprimer sous la surface n’est pas l’unique challenge à relever pour les logiciels de CAO

actuels. Augmenter la puissance de calcul des ordinateurs est aussi une nécessité pour

pouvoir imprimer des pièces de plus en plus complexes.

S’il est facile d’imprimer une figurine en plastique ou une pièce en métal, c’est une autre

paire de manches de fabriquer ne serait-ce qu’une chemise : « Imaginons, par exemple, que

vous souhaitiez concevoir et imprimer en 3D une chemise constituée de plusieurs millions de

38

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013

Denis RODITI 77/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

minuscules mailles faites d’un mélange de matières plastiques, certaines dures et d’autres

molles. […] Avec un bon logiciel de modélisation, vous pourriez facilement et rapidement

concevoir un simple anneau destiné à constituer une maille. Néanmoins, fabriquer et

enclaver plusieurs millions de ces anneaux minuscules serait extrêmement fastidieux et

demanderait énormément de temps. Si vous deviez spécifier une matière plastique

différente pour chaque maille, l’ordinateur déclarerait forfait. Même en supposant qu’il soit

capable de mémoriser les différents types de matières plastiques à utiliser, la modélisation

en 3D de ce vêtement dépasserait de beaucoup la capacité de n’importe quel outil actuel de

conception. » 39, nous expliquent H.Lipson et M.Kurman.

Pour Jean-Luc Laval, Deputy Group Marketing Director chez Fives, tous les logiciels de CAO

ne sont pas adaptés. « Les gros fabricants de logiciels commencent à prendre conscience

qu’il faut le faire, mais tout reste encore à inventer. Les logiciels raisonnent par poutres,

alors que dans la fabrication additive, il faut résonner au niveau du grain, de l’atome. »

Cependant sur un sujet connexe, à savoir le format des fichiers d’impression 3D, les choses

évoluent. Le format STL (Standard Tessellation Language), qui était encore la norme en 2013

lorsque l’ouvrage de Hod Lipson et Meg Kurman a été publié, a été depuis détrôné par le

3MF. L’annonce a été faite par Microsoft lors de la conférence Build en mai 201540.

Le format STL a été créé par 3D Systems dans les années 80, une époque à laquelle les

ressources informatiques étaient beaucoup plus limitées qu’aujourd’hui. Le STL éliminait les

détails, des couleurs, et autres finesses de design afin de libérer de la mémoire pour les

ordinateurs. Ce qui hier était un avantage est devenu depuis quelques années une

contrainte qui limite les possibilités de conception graphique en vue d’une impression 3D.

Le nouveau format 3MF, annoncé par Microsoft et soutenu par un consortium mondial, a

plusieurs avantages. D’abord, il permet de prendre en comptes toutes les informations

relatives au modèle 3D (couleurs, textures…). Ensuite, il se veut suffisamment flexible pour

s’adapter en même temps que le matériel et donc de répondre à de futurs besoins. Enfin, il

est compatible avec la plupart des logiciels 3D du marché. Outre l’augmentation de la

puissance de calcul des ordinateurs et le développement de logiciels tenant davantage

39

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013 40

http://bit.ly/1AmGr52

Denis RODITI 78/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

compte des caractéristiques de la fabrication additive, la CAO aura besoin d’un autre

élément crucial : la formation des ingénieurs. C’est peut-être cela qui prendra le plus de

temps.

2.7. La fabrication additive, en concurrence avec les méthodes

traditionnelles de l’industrie ?

Il est très difficile d’apporter une réponse claire à cette question, car tout dépendra de la

nature et de la rapidité des progrès technologiques qui se produiront au cours des trente ou

cinquante prochaines années. Pour autant, on peut déjà établir un constat clair : la

fabrication additive ne se limite plus à des usages ultra spécifiques comme c’était le cas dans

les années 80-90. Mieux, elle occupe une part grandissante dans les process industriels, à

des phases plus ou moins avancées de production.

TROISIÈ MÈ PARTIÈ : COMMÈNT ATTÈINDRÈ LÈS CADÈNCÈS INDUSTRIÈLLÈS ?

3.1. À armes égales face aux méthodes traditionnelles – 3 points

clé

On peut avancer trois grands défis que la fabrication additive va devoir surmonter si elle

veut pleinement mériter son statut de révolution industrielle.

Denis RODITI 79/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

1. Franchir le cap de la grande série. Cela implique notamment d’accélérer la vitesse

d’impression, de diminuer les coûts ou encore de multiplier le nombre de matériaux

imprimables pour rivaliser avec les autres méthodes de production.

2. Établir des normes

Les réglementations et normes sont souvent contraignantes, voire inadaptées, dans la

plupart des secteurs industriels. Les acteurs de la fabrication additive vont devoir se

« normaliser » pour rentrer dans ces moules ou définir de nouvelles normes.

3. Sécuriser le cadre juridique

L’imprimante 3D fonctionnant avec des fichiers numériques, il deviendra de plus en plus

facile de reproduire des objets n’importe où. Les enjeux sont identiques à ceux de la

musique ou de l’image, à la différence qu’il s’agit de produits physiques. À cela s’ajoutent les

risques liés à la contrefaçon.

Augmenter la vitesse

L’un des inconvénients majeurs de l’impression 3D est sa lenteur. Imprimer une simple

figurine en plastique peut prendre plusieurs heures et nécessite parfois du post-traitement

pour finaliser l’objet. En ce qui concerne le procédé FDM, deux facteurs principaux influent

sur la vitesse : la résolution des couches de matière et la vitesse de la buse.

Dans l’exemple ci-dessous, imprimer la large roue brune avec une résolution de 100 microns

prend trois fois plus de temps que de l’imprimer avec une résolution de 300 microns – une

courbe donc parfaitement linéaire.41

41

bit.ly/1PeohwQ

Denis RODITI 80/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Ainsi, pour augmenter la vitesse d’impression, on peut soit décider de sacrifier la finesse de

l’objet en augmentant la taille de la buse soit augmenter la vitesse de celle-ci.

Denis RODITI 81/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Afin de contourner le problème, 3D Carbon a développé la technologie Continuous Liquid

Interface Production (CLIP)42. Pour ceux qui ont vu le film Terminator 2, le procédé évoque la

matérialisation du terrifiant T-1000 à partir d’une flaque de métal liquide. Pour simplifier,

disons que c’est une technique proche de la stéréolithographie qui utilise une combinaison

de rayon UV et d’oxygène pour façonner un objet à partir d’un bassin de résine. Cet objet est

réalisé de 25 à 100 fois plus vite que s’il l’avait été via une technologie « standard ».

Ainsi selon Carbon 3D, la méthode CLIP permet de concevoir un objet complexe de 51 mm

de diamètre en 6 minutes 30, contre respectivement 3 heures, 3 heures et demie et 11

heures et demie en utilisant les technologies Polyjet, SLS et SLA43. Google en tout cas a été

suffisamment impressionné pour y investir 100 millions de dollars en août 2015 via sa filiale

Google Ventures.

Augmenter la vitesse n’exige pas nécessairement d’inventer des technologies nouvelles.

Parfois, il suffit de bousculer un peu les standards du secteur – voir d’inverser les règles de

conception en vigueur. Ainsi, 3D Systems a décidé d’utiliser des têtes d’impression fixes,

42

bit.ly/1Ehqbas 43

http://carbon3d.com/

Denis RODITI 82/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

mais des plateaux mobiles. Cela permet aux pièces de circuler dans la chaîne d’impression de

façon continue, comme dans une ligne de production industrielle classique. Ce concept,

baptisé « High Speed Fab Grade » permettrait d’imprimer des matériaux 50 fois plus

rapidement qu’avec les procédés habituels. Il devrait notamment permettre à moyen-long

terme de fabriquer les futurs smartphone modulaires de Google via le projet ARA44.

D’autres acteurs, y compris dans le monde académique, cherchent à améliorer les

technologies existantes pour augmenter la vitesse de production. C’est le cas de l’Université

de Sheffield, en Angleterre. Le professeur Hopkinson y a breveté une technique appelée

High-speed Sentering (HSS). Au lieu d’avoir recours au laser comme dans le frittage laser, le

HSS consiste à utiliser une encre sensible aux rayonnements infrarouges. Cette encre sera

déposée sur la couche de poudre métallique avant d’être solidifiée par le passage de la

lumière infrarouge. Ce procédé se veut 100 fois plus rapide que les autres méthodes de

fabrication additive, et prétend ainsi concurrencer le moulage à injection pour la production

de grandes séries.

44

http://bit.ly/1zpeYOA

Denis RODITI 83/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

L’imprimante 3D développée par l’Université de Sheffield a également un autre atout : elle

permettra des volumes de fabrication conséquents – jusqu’à 1 mètre cube. Or « imprimer

plus grand » est une autre gageure pour espérer rivaliser avec l’industrie « au sens large ».

Augmenter la taille

La plupart des technologies développées dans le secteur de l’impression 3D se heurtent à

une limitation physique : l’imprimante 3D… En effet, la taille des pièces ne peut pas excéder

la taille de l’imprimante qui les fabrique ! Dès lors, difficile de concevoir des objets

d’envergure, puisque la grande majorité des imprimantes disponibles sur le marché ne

dépassent pas les dimensions d’une grande photocopieuse de bureau.

Pouvoir imprimer « plus grand » revêt cependant une importance particulière car,

contrairement aux chaînes de montage industrielles qui recourent à l’assemblage, l’un des

principaux avantages de la fabrication additive est de pouvoir réaliser des objets complexes

en un seul tenant.

Deux chercheurs du Massachussets Institute of Technology (MIT) ont ainsi développé une

nouvelle méthode pour contourner la problématique liée à la taille de l’imprimante45. Au

lieu de fabriquer l’objet de vos rêves en 3D, leur système – baptisé Hyperform – l’imprime…

en 2D. Le matériau conservant sa structure moléculaire d’origine, il suffit ensuite de le

déplier pour qu’il adopte le volume prévu au départ. Cette technique ingénieuse a permis

par exemple de créer un chandelier huit fois plus grand que le lit d’impression sur lequel il a

été produit.

Les chercheurs comparent leur système à des meubles Ikea dont le manuel d’assemblage

figurerait au cœur même des matériaux :

Avant dépliage :

45

on.mash.to/1RH6TTA

Denis RODITI 84/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Après dépliage :

Il n’y a pas de limite théorique à la taille des objets qui peuvent être conçus de cette façon.

En revanche, l’intervention humaine reste toujours nécessaire pour déplier l’objet même si

Denis RODITI 85/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

les équipes planchent sur une technologie qui permettrait à celui-ci de s’auto-assembler. La

NASA s’intéresse de près à ces travaux, la place dans les fusées étant très limitée et le poids

des machines, coûteux en carburant.

Ces expérimentations sur des matériaux « intelligents » n’en sont qu’à leurs toutes

premières phases d’application. Il demeure encore très hypothétique qu’ils puissent

réellement changer la donne dans les vingt prochaines années. D’ici là, la solution la plus

évidente consistera à concevoir des imprimantes toujours plus grandes. Depuis 2-3 ans, le

bâtiment a déjà tiré parti de ces imprimantes grand format. Le chinois WinSun a fabriqué un

immeuble d’habitation de 6 étages et une villa de 1100 m2 grâce à une imprimante 3D de 40

mètres de long.

Une villa construite par le chinois Winsun

D’autres imprimantes comme la D-Shape d’Enrico Dini, sont également capables d’imprimer

en grandes dimensions pour, demain, construire les maisons écologiques du futur, créer des

architectures improbables ou encore bâtir des bases sur la Lune.

Denis RODITI 86/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Dans le domaine de la construction, l’impression 3D et la robotique iront de pair : le

laboratoire néerlandais MX3D est l’un des précurseurs de cette alliance entre ces

technologies. En 2017, il prévoit d’imprimer en 3D un pont métallique à Amsterdam à l’aide

d’un robot à six bras.

Ce projet, aux frontières de l’industrie, des nouvelles technologies et du design, laisse à

penser que la véritable évolution pour fabriquer toujours plus grand consistera pour

l’imprimante 3D à « sortir de sa boîte » et à se doter de « bras » et de « jambes », une

possibilité offerte par la robotique.

Augmenter le nombre de matériaux, développer le multi-matériau

Imprimer des pièces de taille variable à très grande vitesse, fut-ce par des robots, ne

permettra jamais de concevoir des produits finis prêts à l’emploi. L’immense majorité des

biens que nous consommons sont composés d’au moins plusieurs – voire d’une multitude de

Denis RODITI 87/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

matériaux. S’ils veulent se passer du coût et des contraintes liés à l’assemblage, les

industriels vont devoir inventer des machines ou des procédés capables de combiner ces

différents matériaux.

Mais si le multimatériau représente une formidable opportunité pour l’impression 3D, il

constitue aussi une difficulté supplémentaire pour des logiciels graphiques qui n’ont pas

encore intégré cette composante. « Modéliser un outil en acier ou en titane est une chose,

mais modéliser un outil constitué d’un mélange dans lequel le titane prédomine à l’intérieur

tandis qu’un acier plus dur prédomine à l’extérieur en est une autre, expliquent H.Lipson et

M.Lurman. Si certaines imprimantes 3D sont déjà capables de fabriquer ce type d’objet

constitué de deux ou plusieurs métaux, il n’existe pas encore un logiciel de conception qui

rendrait cette tâche possible. »46

Autant l’avouer tout de suite, cette piste de recherche n’est pas encore au cœur des

préoccupations des fabricants. Leurs efforts se concentrent principalement sur

l’amélioration des méthodes de fabrication des matériaux imprimables, dont le métal. La

possibilité d’imprimer avec du métal a constitué une rupture technologique clé pour les

industriels. Cependant, le processus de fabrication est encore loin d’être optimal. Les pièces

métalliques conçues en 3D nécessitent encore un travail de finition (sablage, traitement

thermique, usinage…) très conséquent avant de pouvoir être utilisées.

Les recherches se poursuivent pour limiter au maximum l’intervention humaine dans le

processus. La Nasa a notamment développé un procédé capable de mélanger différents

types de métaux et alliages. Cette méthode permet de fabriquer des métaux composites

ayant pour avantage de combiner plusieurs propriétés (magnétiques, thermiques…) sans

devoir les souder47.

En ce qui concerne les matières plastiques, Stratasys a lancé en janvier 2014 la première

imprimante 3D multi-matériau en couleur, capable de combiner trois types de plastique

différents. Ces innovations dans une gamme de matériaux ne sont sans doute qu’une timide

percée vers de réelles applications multi-matériau.

46

« Fabricated :The New World of 3D Printing », H.Lipson et M.Kurman, 2013 47

http://bit.ly/1PO0ki5

Denis RODITI 88/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Sur le plan de la recherche pure, le MIT a déjà franchi le pas supplémentaire puisque

l’institut a développé une imprimante 3D, la MultiFab, capable de combiner jusqu’à dix

matériaux à la fois avec une bonne précision. Cette imprimante ne coûte par ailleurs que

7000 dollars, contre environ 200 000 dollars pour les modèles multi-matériau

commercialisés par les grands fabricants48.

L’impression de composants électroniques est également un axe de recherche fondamental

pour les acteurs de l’impression 3D. L’électronique se niche au cœur de la plupart des objets

du quotidien (téléphone portable, ordinateur, voiture…). Ainsi, des sociétés comme

Optomec ou Voxel 8 ont présenté en 2015 leur premier modèle capable de concevoir des

circuits imprimés. L’imprimante de Voxel 8 se présente comme la première imprimante

électronique du marché49. Elle fonctionne selon le principe du FDM : un extrudeur imprime

dans un premier temps l’objet avec le filament plastique approprié, et un deuxième

extrudeur vient ensuite y déposer une encre conductrice à base d’argent. L’un des avantages

majeurs de recourir à l’impression 3D est de donner la possibilité aux ingénieurs et designers

de disposer les circuits électroniques où ils le souhaitent, au lieu que ces derniers dictent la

conception de l’objet.

Baisser les coûts

L’un des principaux facteurs de de diminution des coûts dans l’impression 3D vient du fait

que des brevets portant sur des technologies clé tombent dans le domaine public.

Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises refusent d’investir dans l’impression 3D par peur d’être

poursuivies par les firmes détentrices de brevets dominantes dans le secteur. Cette crainte

entraîne une augmentation du coût des machines qui pèse à la baisse sur la demande. Aux

États-Unis, les brevets expirent généralement au bout de vingt ans, sauf pour ceux qui ont

été déposés avant 1995. Par exemple, le brevet décrivant la technologie du Frittage Laser

(SLS) déposé par Deckard au début des années 90 a expiré en janvier 2014. Ce type de

48

bit.ly/1G2dm7h 49

bit.ly/1Cz567X

Denis RODITI 89/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

technologies fondamentales dans l’impression 3D, après l’expiration de leurs brevets

respectifs, vont entraîner une forte croissance de la demande qui conduira à une baisse du

coût des machines.50

Si – comme le montre ce graphique – le nombre de brevets autour de l’impression 3D

explose, 2014 aura été une année charnière en termes de nombre de brevets tombés dans

le domaine public.

50

bit.ly/1KwMsmE

Denis RODITI 90/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Comme dans le cas du SLS, nombre de ces brevets concernaient des procédés basiques

d’impression 3D qui, désormais librement ré-exploitables et améliorables par d’autres

entreprises, contribueront à la forte croissance du secteur. Lorsque le brevet sur les

technologies Fused Deposit Modeling (FDM) a expiré, le prix des machines a aussitôt chuté

de 1000$ à 350$ en moyenne.51

Les autres facteurs expliquant la baisse des prix sont l’amélioration des technologies et la

concurrence de plus en plus forte dans le secteur. Selon certains spécialistes, la fabrication

additive métallique pourrait devenir quatre fois plus rapide et moitié moins cher dans les

cinq prochaines années.

51

bit.ly/1KwMsmE

Denis RODITI 91/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

En-dehors des brevets, l’autre facteur de coût est le prix des matières premières, qui n’a

pour ainsi dire pas bougé au cours des dernières années. L’une des raisons principales est

que la plupart des fabricants obligent leurs utilisateurs à acheter leurs matériaux, comme

pour l’impression 2D classique.

La baisse des coûts est la principale évolution qu’attend Arnault Coulet, cofondateur de

l’agence Fabulous pour convaincre ses clients encore réticents d’adopter l’impression 3D.

« Ma deuxième attente concerne l’augmentation de la rapidité de production, et enfin

l’augmentation du cadencement de production », précise-t-il dans l’interview qu’il nous a

accordée.

Augmenter le taux d’utilisation, la fiabilité et la précision des

machines

Pour Georges Taillandier, président de l’Association française de prototypage rapide et de

fabrication additive (AFPR), c’est un point clé. Aujourd’hui, le taux d’utilisation des machines

tourne autour de 50%. « Pour atteindre la cadence industrielle, il faudrait obtenir des taux

d’utilisation d’au moins 90%, nous explique M. Taillandier. Cela se joue au niveau de la

fiabilité des machines, de la durabilité des composants, du service de maintenance offert par

les constructeurs. »

Denis RODITI 92/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Comment expliquer des taux aussi faibles ? D’abord, bien sûr, car les technologies

développées sont encore récentes. Les plus anciennes existent depuis les années 80, alors

que les méthodes utilisées par l’industrie au sens large datent de la seconde moitié du XIXe

siècle.

Mais ce n’est pas la seule raison : pour Georges Taillandier, ces progrès surviendront lorsque

« de vrais industriels se lanceront sur le marché », avant d’ajouter : « Ce n’est pas pour faire

injure aux industriels d’aujourd’hui, mais les entreprises nées avec l’impression 3D qui disent

vouloir faire de la production industrielle n’ont pas l’expérience et le savoir-faire des vrais

industriels. » Dit autrement, des entreprises comme Prodways, Sculptéo ou Beam, en France,

malgré leurs technologies innovantes, ne seraient de fait pas taillées pour assurer des

cadences de production industrielles.

Ce n’est pas le cas de Fives, industriel français créé en 1812 et qui a réalisé plus d’1,5

milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2014. Fives a annoncé en septembre 2015 la création

d’une joint-venture spécialisée dans la fabrication additive avec Michelin. Jean-Luc Laval,

Deputy Group Marketing Director chez Fives rejoint l’avis de Georges Taillandier.

« Aujourd’hui les fournisseurs actuels d’impression 3D sur le marché B2B ne sont pas tous,

loin s’en faut, des fournisseurs industriels. Ils se sont inventés industriels à partir de la

technologie de fabrication additive, mais n’ayant pas l’historique d’acteur industriel, ils ne

maîtrisent pas aussi bien que nous la fiabilité des processus et ne raisonnent pas vraiment en

termes de production de masse. »

Le cabinet Wohlers Associates, qui

publie chaque année le fameux

« rapport Wohlers » devenu une

référence dans le domaine de la

fabrication additive, n’a pas manqué

de souligner cette association dans

une slide présentant les principaux

investissements de

Denis RODITI 93/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

l’année 201552.

Etant donné l’importance grandissante des enjeux autour de la fabrication directe, il est

néanmoins très probable que tous les acteurs de la fabrication additive, issus du monde de

l’industrie ou devenus industriels sur le tard, cherchent à atteindre de tels taux d’utilisation

de leurs machines ainsi qu’à améliorer leur fiabilité et leur précision.

Établir des normes

Établir des normes internationales est une étape primordiale pour permettre à la fabrication

additive de passer au stade de l’industrialisation. Face à un marché de plus en plus

foisonnant et concurrentiel, il convient de définir des standards de qualité qui s’appliquent

aux opérateurs de tous les pays. Si un opérateur peut en principe choisir ou non de respecter

les normes, certaines normes ont une valeur réglementaire, et il devra donc obligatoirement

les appliquer. Pour les acteurs du secteur, il deviendra de plus en plus difficile, voire

impossible, d’accéder à certains marchés, et en particulier à des appels d’offre

internationaux s’ils n’acceptent pas les règles du jeu. Ces règles s’appliquent aux matériaux

employés, aux systèmes – matériels et logiciels – de fabrication additive ainsi qu’aux

produits finaux.

Cette contrainte est bien comprise, puisque le nombre de pays participants aux processus de

normalisation internationale augmente sans cesse, que ce soit en Asie, en Europe ou aux

États-Unis. Et c’est l’un des chevaux de bataille de Georges Taillandier, en tant que président

de l’Association française de prototypage rapide et de fabrication additive (AFPR). « Ce que

j’attends, c’est […] l’arrivée des premières normes propres à la fabrication additive. Il y en a

une qui est en cours de lecture sur les conditions de réception des pièces. Et celle-là j’y tiens !

Vous pouvez la lire, elle est disponible sur le site de l’afnor. Au moins une norme française

qui aura été passée directement en ISO/ASTM quasiment sans modification (note : L’ISO est

l’Organisation Internationale de Normalisation, créée en 1947. L’ASTM désigne l’organisme

52

bit.ly/1QDgUR4

Denis RODITI 94/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

de normalisation américain. Les deux organismes ont signé plusieurs accords pour renforcer

leur partenariat sur la fabrication additive).»

Sécuriser le cadre juridique

La démocratisation de l’impression 3D soulève des problématiques liées au respect des

droits de propriété intellectuelle. La libre circulation de fichiers virtuels, disponibles en open

source, menace le respect des ayant-droits. Il sera encore plus difficile de légiférer que pour

les films ou la musique, car l’on ne parle plus uniquement d’univers digital, mais de

production d’objets physiques. Si un créateur souhaite intenter une action en justice, contre

qui portera-t-il plainte ? La personne qui a numérisé l’objet, celle qui a mis en ligne le fichier

numérique ou celle qui aura imprimé l’objet ?

Des solutions techniques existent déjà. Elles visent à identifier les objets grâce à des

marqueurs (micro-tags, nanoparticules…), afin de s’assurer qu’il s’agit d’objets uniques non

reproductibles. Quant aux fichiers numériques, il existe des systèmes qui empêchent les

internautes d’imprimer plus d’une fois un modèle disponible sur des sites de partage en

ligne ou d’autres, intégrés aux imprimantes 3D, qui interdisent à celles-ci d’imprimer des

objets non homologués ou non libres de droit (armes à feu, fichiers illicites…). Si l’objet peut

être imprimé, elles contrôlent également le nombre d’impressions autorisées.

3.2. Remplacer ou compléter l’injection plastique (et autres

procédés « standards ») ?

La réponse à cette interrogation, qui touche au cœur de notre problématique, n’est pas

simple. Le premier réflexe serait de répondre « non ». Même si l’on améliore la précision, la

vitesse, la fiabilité et le taux d’utilisation des machines, la fabrication additive ne sera

probablement jamais en mesure de surpasser l’efficacité des méthodes traditionnelles pour

la production de masse. « Il n’y aura jamais de concurrence directe avec les méthodes

traditionnelles », affirme M. Taillandier.

Denis RODITI 95/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Selon le président de l’AFPR, la raison en est simple : « si l’on veut vraiment bénéficier de

tous les biens que peut apporter la fabrication additive, on doit absolument en avoir une

conception différente. C’est une technologie qui va apporter la possibilité de fabriquer des

pièces totalement nouvelles, donc c’est complémentaire. Et puis, on sait très bien que sur lit

de poudre, on ne pourra pas fabriquer des pièces de deux mètres cubes. Il y a des

contraintes de taille. Les lois physiques existent toujours. » S’il admet que la robotique

pourrait cependant permettre de surmonter ce dernier obstacle, cela reste pour lui de la

spéculation à long terme.

Jean-Luc Laval tient de son côté un discours un peu plus nuancé : « Globalement, la

fabrication additive est assez complémentaire des méthodes traditionnelles et n’est pas

nécessairement vouée à les remplacer, nous explique-t-il. Néanmoins, elle va de plus en plus

s’imposer parce que l’homme inventera des pièces qui auront des caractéristiques nouvelles

et tellement améliorées que vous ne saurez pas les faire autrement que par la fabrication

additive. Donc petit à petit la fabrication additive va prendre le dessus sur de plus en plus de

pièces fabriquées de façon classique mais à condition qu’il s’agisse de pièces complexes. Ces

pièces complexes n’existent pas aujourd’hui – la fabrication additive a donc un grand

avenir. »

Autrement dit, le scénario le plus probable est que la demande va évoluer, et que la

fabrication additive deviendra naturellement la méthode privilégiée – voire la seule valable –

pour y répondre. Ce choix devrait également avoir des retombées positives pour l’emploi.

« Cela va permettre aussi de relocaliser une partie de la production, en fabriquant des objets

personnalisés répondant à des besoins clients spécifiques, poursuit M. Laval. Une partie de

ce que les sociétés produisent aujourd’hui en série sera demain personnalisé, unitaire. Pour

prendre l’exemple du dentaire, vous n’avez pas une dent pareille, et donc la fabrication

additive permet de faire des dents différentes les unes à côté des autres. On va ainsi quitter

le modèle taylorien type « je produis en masse la même pièce », mais cela ne se fera pas du

jour au lendemain. »

Pour Alexandre Martel, cofondateur et rédacteur en chef du site www.3Dnatives.com, il n’y

a pas d’opposition frontale entre l’impression 3D et les autres méthodes traditionnelles de

l’industrie. « Je ne pense pas que les fabricants [d’imprimantes 3D] se fixent comme objectif

Denis RODITI 96/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

de remplacer le travail dans les usines. L’idée, c’est plutôt « on a une technologie, on veut

l’améliorer ». Ils ont différentes contraintes face à eux : le prix des machines, leur rapidité, la

diversité ou le prix des matériaux… La diversité des matériaux, c’est l’un des gros enjeux –

c’est ce qui ressort de nos discussions avec les fabricants, des salons et des dernières

innovations. Quant à remplacer le travail des usines, il me paraît trop tôt pour aborder ce

sujet. »

Pour cet observateur des évolutions du secteur, l’impression 3D n’est qu’une corde à l’arc de

la prochaine révolution industrielle. « Il y a toujours eu cette idée d’automatiser les process

de fabrication, mais cela ne passera pas nécessairement par l’impression 3D. Pourquoi se

restreindre à une méthode pour fabriquer un produit ? L’impression 3D est simplement un

outil additionnel. »

Conclusion : l’impression 3D, vraie ou fausse révolution industrielle ?

Pour le président de l’AFPR, la réponse est claire. « La révolution industrielle, ce n’est pas

l’impression 3D, ce sont les nouvelles méthodes de conception. On va fabriquer la matière,

alors qu’avant on partait d’une matière existante pour fabriquer les pièces. Ce changement

de paradigme va amener à inventer d’autres méthodes de contrôle des pièces, pas

uniquement liées à l’impression 3D. »

Même son de cloche chez Sculpteo. « L’impression 3D est une nouvelle manière de fabriquer.

Il n’y a rien de complètement révolutionnaire là-dedans, affirme Arthur Caissaignau. Un

iPhone ne sera jamais imprimé en 3D dans les 10-15 ans à venir. On n’a pas assez de degré

de précision ni la capacité de venir jouer sur de multiples matériaux. En revanche, ce qui

jusqu’ici avait été fait à la main, de manière artisanale, traditionnelle, en très petites

quantités et à des coûts assez importants peut potentiellement être bouleversé par l’arrivée

Denis RODITI 97/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

de l’impression 3D. Celle-ci permet de développer de nouveaux usages à destination de

créateurs indépendants, de start-ups de hardware qui n’auraient pu se lancer s’il y avait des

coûts d’investissement. Donc c’est plutôt une technologie qui vient créer de nouvelles

possibilités et qui rogne sur des procédés de fabrication traditionnels ou qui nécessitaient

beaucoup d’investissements de départ pour une petite production. Pour en revenir à votre

question initiale, je ne crois pas que ce soit une révolution industrielle dans les usines.

L’usine de demain ne va pas changer grâce à l’impression 3D. On n’est pas du tout sur les

mêmes cadences de production. »

Néanmoins, comme on l’a vue dans la troisième partie, les techniques évoluent vite. La

fabrication additive est de plus en plus utilisée pour de la fabrication directe, et cette

tendance va se renforcer, car les capacités des machines s’améliorent à un rythme très

similaire à ceux des ordinateurs. La loi de Moore, qui a régi les lois de l’informatique pendant

50 ans, a encore de belles années devant elle en ce qui concerne la fabrication additive. Des

imprimantes toujours plus rapides, toujours plus performantes, capables d’imprimer

toujours plus de matériaux : le potentiel d’amélioration est encore énorme.

Le perfectionnement des capacités des machines ira de pair avec une relocalisation d’une

partie de la production. Il deviendra plus économique pour les entreprises de fabriquer à

proximité, plutôt que d’importer depuis la Chine ou le Bangladesh. Les usines de demain ne

seront pas rigides, centralisés et tayloriennes, mais des centres de production autonomes,

polyvalents et interconnectés capables de s’adapter en temps réel à la demande. Ce

nouveau modèle productif fera entrer de plein pied les nations développées dans l’ère de la

personnalisation de masse.

Certes, nous sommes encore très loin de cette utopie capitaliste. Mais il y a 50 ans, qui

pouvait imaginer qu’au lieu de cabines téléphoniques et des téléphones à cadran rotatif, les

gens se promèneraient avec des téléphones mobiles, tout en surfant sur Internet ? Le réseau

mondial ne s’arrêtera pas aux portes des usines, il va au contraire les transformer de fond en

comble, comme il s’apprête à le faire dans le secteur de l’énergie. Comme l’explique Jérémy

Rifkin dans son ouvrage « La Troisième Révolution Industrielle », les particuliers produiront

bientôt sans doute leur propre énergie verte, qu’ils consommeront, stockeront et

revendront en fonction de leurs besoins sur le réseau global de l’énergie. En sera-t-il de

Denis RODITI 98/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

même pour l’impression 3D ? Des « makers » venus de tous horizons créent déjà chez eux,

grâce à des imprimantes 3D et d’autres techniques équivalentes, des objets qu’ils revendent

ensuite sur des places de marché et autres sites de partage. Souvent, ils ne vendent ou ne

mettent à disposition que le fichier permettant de créer soi-même ces objets qu’ils ont

inventé. Grâce au coût de plus en plus dérisoire des imprimantes 3D, n’importe qui sera

bientôt en mesure d’imprimer chez lui ces objets, ou de les faire fabriquer par des sociétés

de service.

Mais prétendre que l’impression 3D constitue à elle seule une révolution industrielle, c’est

regarder par le petit bout de la lorgnette. L’impression 3D est une méthode radicalement

nouvelle de concevoir les objets, mais sans Internet, et surtout sans le développement

phénoménal de domaines de recherche parallèles tels que l’informatique, les

nanotechnologies, la robotique ou encore la biologie de synthèse, ses applications resteront

limitées. Il y aura toujours des limites à construire des objets par superposition de couches,

et à accélérer le processus de fabrication, surtout si l’on souhaite concevoir des produits

complexes avec un très haut niveau de détails.

Si c’est la convergence de ces technologies, et non la fabrication additive en soit, qui doit

révolutionner l’industrie, la fabrication additive pourrait jouer le rôle de cheville ouvrière.

Prenons le cas des nanotechnologies. Parmi les dix meilleures universités dans le monde

(selon le classement QS53), cinq sont déjà équipées des imprimantes 3D de Nanoscribe

GmbH, le leader du marché de la fabrication additive à l’échelle nanométrique. Ces

technologies miniatures ouvrent la possibilité de développer des applications dans le secteur

médical, par exemple la chirurgie oculaire ou la bio-impression, l’optique, les technologies

de l’information et de la communication ou encore l’électronique54. La capacité d’imprimer

au niveau atomique permet ainsi de repousser les limites de ce que l’on estimait jusqu’alors

irréalisable.

La biologie de synthèse est un autre exemple intéressant. En 2010, une équipe de l’institut

Craig Venter aux États-Unis créé la première bactérie artificielle. Son ADN a été modélisé sur

ordinateur puis synthétisé en laboratoire, faisant d’elle la « première espèce capable de se

53

http://bit.ly/1pb0XBd 54

http://bit.ly/1QNvsgt

Denis RODITI 99/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

reproduire ayant pour parent un ordinateur »55. Depuis quelques années, cette discipline des

biotechnologies attire les convoitises des industriels de nombreux secteurs – des géants de

la chimie, de l’énergie, de l’agroalimentaire, de la pharmacie et même de l’informatique,

Microsoft et Google en tête, y ont déjà investi des centaines de millions de dollars. Avec, à la

clé, la possibilité de développer des biocarburants, des nouveaux médicaments anti-

paludisme, des ingrédients pour cosmétiques, etc.

Que vient faire l’impression 3D là-dedans ? Les imprimantes 3D servent déjà à imprimer des

tissus humains pour les besoins de la médecine et de l’industrie des cosmétiques ; Organovo

a ainsi signé en 2015 des partenariats avec l’Oréal et le géant pharmaceutique Merck. À

terme, il deviendra possible d’imprimer des organes entiers, mais aussi des micro-

organismes, des plantes, en passant par des appareils bioélectroniques. Au lieu de fabriquer

ces objets couche par couche à partir de fichiers de CAO ou de scans, ces imprimantes 3D

utiliseront le code digital stocké dans l’ADN et des méthodes d’auto-assemblage

« naturelles ». L’impression 3D du vivant n’en est qu’à ses balbutiements.

Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie, la robotique offre également des

perspectives attrayantes. On le sait, la robotique constitue déjà une réalité de plus en plus

présente dans les usines. Tesla Motors a automatisé et robotisé une part importante de ses

chaînes de montage pour doubler ses capacités de production. 56 Les liens entre l’impression

3D et la robotique sont voués à se resserrer.

D’une part, pour les makers, mais aussi les étudiants et même les chercheurs, l’imprimante

3D œuvre à la démocratisation des robots, puisqu’il est possible désormais de créer soi-

même son robot humanoïde grâce à une simple imprimante 3D (voir le projet open source

InMoov57). De même, il est aujourd’hui très facile de fabriquer des prothèses à très bas coût

(main, jambe…) pour pallier des situations de handicap. Pour les acteurs de l’industrie et du

design, la véritable révolution qui se profile pourrait bien être la fusion pure et simple entre

la fabrication additive et la robotique. À ce jour, l’un des exemples les plus frappants est le

robot conçu par le néerlandais MX3D, qui vise à construire en 2017 un pont à Amsterdam

grâce à la fabrication additive métallique. L’Agence Spatiale Européenne (ESA) examine par

55

http://bbc.in/1WTtAn5 56

http://bit.ly/1I7UmUl 57

http://bit.ly/1Uxs2gX

Denis RODITI 100/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

ailleurs la possibilité d’imprimer une base lunaire en 3D, par l’intermédiaire de robots

équipés de bras avec tête d’impression. À plus long terme, on peut ainsi imaginer une nuée

de robots se coordonnant entre eux pour concevoir toutes sortes de structures, sur Terre ou

d’autres planètes grâce à la fabrication additive.

L’une des clés du développement de ces alliances hybrides entre l’impression 3D et d’autres

technologies révolutionnaires réside dans la puissance de calcul des ordinateurs.

Que ce soit dans le domaine des nanotechnologies, de la biologie synthétique ou de la

robotique, il sera impératif que l’informatique suive le mouvement pour permettre à ces

projets futuristes de voir le jour. Or la miniaturisation croissante des composants

électroniques se heurte aujourd’hui à des limites physiques, puisqu’en-deçà du nanomètre,

le comportement de la matière change et les coûts explosent. En 2015, pour la première fois,

Intel a retardé la sortie de sa nouvelle génération de micro-processeurs de six mois : la

période entre chaque progrès passe ainsi de deux ans à deux ans et demi, et ce rythme de

performance pourrait encore ralentir.

L’informatique va ainsi devoir elle aussi se réinventer si elle ne veut pas mettre en péril –

entre autres – le développement des technologies mentionnées ci-dessus, y compris celui de

la fabrication additive. Comme nous l’avons mentionné dans les lignes consacrées aux

logiciels de CAO, il est par ailleurs essentiel que les éditeurs conçoivent des logiciels conçus

spécifiquement pour la fabrication additive.

Cette mise en perspective, en guise de conclusion, est destinée à illustrer l’interdépendance

de toutes ces technologies, et à souligner l’intérêt ne pas se contenter d’analyser la

fabrication additive comme un procédé révolutionnaire isolé. Il faut enfin noter que le

concept d’ « impression 4D », que nous avons évoqué dans la partie consacrée aux

matériaux du futur, se situe d’une certaine manière à ce carrefour entre impression 3D,

robotique, nanotechnologies et biologie synthétique. L’avenir nous réserve encore de bien

étranges alchimies.

Denis RODITI 101/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Bibliographie :

« La troisième révolution industrielle », Jérémy Rifkin

« Makers, la nouvelle révolution industrielle », Chris Anderson

« L’impression 3D, une révolution en marche », Benjamin et Mathieu Lavergne

« L’âge de diamant », Neal Stephenson

« Fabricated: The New World of 3D Printing», Hod Lipson et Melba Kurman

« 3D Printing : The Next Industrial Revolution », Christopher Barnatt

Webographie :

3DNatives!:!http://www.3dnatives.com/!

3Ders!:!http://www.3ders.org/!

3DPrint!:!http://3dprint.com/!

3DPrinting!Industry!:!http://3dprintingindustry.com/!

3Dprintr : https://www.3printr.com/!

Denis RODITI 102/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Annexes

Interviews de professionnels

Interview de Georges Taillandier, président de l’Association Française de Prototypage rapide

et de Fabrication Additive (AFPR)

Quelles sont vos missions en tant que président de l’AFPR ?

Distribuer l’information par rapport à la fabrication additive de la façon la plus juste possible.

De tenter de fédérer l’ensemble des acteurs du domaine, que ce soit dans la recherche

académique, industrielle ou autre. Tout ce qui tourne autour de la conception, du

développement et de la normalisation de pièces, de matériaux, de machines. Nous avons

signé plusieurs accords internationaux, notamment avec nos homologues indiens et

québécois. En France, nous avons des accords de réciprocité avec pour la formation et avec

MICAD pour tout ce qui a trait à la CAO. Nous avons d’autres accords avec un certain

nombre de laboratoires.

Comment avez-vous perçu l’évolution du secteur depuis la création de l’AFPR en 1992 ?

La première étape a été la stéréolithographie, donc la fabrication de maquettes d’usinage 3D

pour faire de l’image, du rendu 3D. Cela a servi à valider des modèles, puis des modes de

fonctionnement, ensuite fabriquer de l’outillage, en général pour la fonderie. Après on est

passé au prototypage rapide dans les 10 années qui ont suivi. Et maintenant, nous faisons de

la fabrication concrète, avec du plastique d’abord puis avec du métal aujourd’hui sur des

Denis RODITI 103/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

applications industrielles. Voir l’historique complet : http://www.afpr.asso.fr/lafpr-en-

quelques-dates/

Quelles tendances identifiez-vous sur le marché ?

La fabrication métallique ainsi que tout ce qui est céramique, c’est quasiment la même

chose. Ensuite il y a des niches, comme les machines destinées à fabriquer des circuits

imprimés 3D. Du côté de Limoges, par exemple. Sur les technologies utilisées, c’est toujours

poudre, laser, électron, on commence à avoir du fil et de la projection. Ce dernier procédé

est bien adapté à la réparation des pièces existantes.

Sur quelles améliorations se focalisent les fabricants ?

Vitesse, précision, taux d’utilisation des machines. Passer de 50% à 97% dans le taux

d’utilisation des machines. Pour atteindre la cadence industrielle, il faudrait avoir des taux

d’utilisation d’au moins 90%. Ça se joue au niveau de la fiabilité des machines, de la

durabilité des composants, du service de maintenance offert par les constructeurs. On verra

arriver ces progrès quand de vrais industriels se lanceront sur le marché. Ce n’est pas pour

faire injure aux industriels d’aujourd’hui.

On voit cependant aujourd’hui en France avec la joint-venture entre Five et Michelin que

les véritables industriels se lancent aussi dans l’impression 3D.

Michelin utilise l’impression 3D pour de production d’outils depuis une dizaine d’années.

Mon idée est qu’on devrait atteindre la production de pièces automobiles de moyenne

dimension d’ici 2020. Cependant, il n’y aura jamais de concurrence directe avec les

Denis RODITI 104/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

méthodes traditionnelles. La raison en est simple : si on veut vraiment bénéficier de tous les

bienfaits que peut apporter la fabrication additive, on doit absolument en avoir une

conception différente. C’est une technologie qui va apporter la possibilité de fabriquer des

pièces totalement différentes, donc c’est complémentaire. Et puis, on sait très bien que sur

lit de poudre, on ne pourra pas fabriquer des pièces de deux mètres cubes. Il y a des

contraintes de taille. Les lois physiques existent toujours.

Mais ne pensez-vous pas qu’avec les progrès de la robotique, ces contraintes de taille

pourraient disparaître ?

Si, il y a des choses qui vont s’améliorer, mais là on est plus à horizon 5 ou 10 ans. On peut

imaginer des choses, mais avant que ces pièces soient certifiées ou validées, il va se passer

beaucoup de temps. Pourquoi ? Parce qu’on parle d’aéronautique et de naval. On a des

contraintes qui sont dues aux règles de sécurité. Il va falloir qualifier la technologie et

certifier les pièces. Une certification, c’est cher et long à obtenir. Avant de pouvoir le faire

sur des grandes pièces, il va falloir le faire sur des pièces de petite et moyenne taille. On va

commencer aussi à devoir designer différemment. Et là, c’est pareil, cela passera par de la

certification. Aujourd’hui, on sait ce qu’il faut faire, mais on n’a pas forcément les outils à

fournir aux ingénieurs d’un bureau d’études standard, donc on passe par des sociétés de

service.

Quelle est la différence entre la CAO classique et la CAO adaptée à la fabrication additive ?

Pour la fabrication additive, il faut que le logiciel tienne compte des matériaux utilisés.

L’ingénieur de bureau d’études de demain devra être métallurgiste ou chimiste ainsi qu’un

bon concepteur pour pouvoir mettre la bonne matière au bon endroit.

Denis RODITI 105/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

L’usine du futur aura-t-elle une forme différente de celle qu’on connaît aujourd’hui ?

La fabrication en nuage sera certainement une des possibilités, qui trouvera son utilité pour

certaines filières. Il faut néanmoins tenir compte du fait que si on veut que les pièces soient

qualifiées et certifiées, il ne faudra utiliser qu’un seul matériau par machine. La raison est

pratique. Si vous mettez un matériau dans une machine, il y en aura partout. Donc si vous

voulez utiliser un autre matériau, il faudra au préalable dépolluer la machine.

Vous ne croyez donc pas dans la généralisation des machines multi-matériaux, comme ce

prototype développé par le MIT qui peut utiliser jusqu’à 10 matériaux différents ?

Cela peut marcher pour de la résine, de la chimie. Cela ne marchera jamais pour du

métallique. Et puis, cela n’a fondamentalement pas d’intérêt pour de la production.

À propos de production, quels sont pour vous les entreprises ou les secteurs qui ont le

mieux intégré la fabrication additive ?

Le problème n’est pas la prise de conscience des industriels des atouts de la fabrication

additive, car l’automobile ou l’aéronautique l’utilisent déjà depuis des années, cette prise de

conscience doit être celle des politiques pour donner les moyens à la recherche de rendre

cette technologie industrielle. Autrement dit, la technologie existe, les industriels la

connaissent, certains se la sont accaparées et l’utilisent pour leurs propres besoins, mais

dans des niches. Vous ne la trouverez pas chez des sous-traitants ou des artisans qui forment

la majorité des industriels. Pour que cela passe dans ces métiers-là, il faut que la technologie

soit plus qualifiée, que des règles de certification existent.

Denis RODITI 106/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Les politiques n’ont-ils pas assez mis les moyens financiers pour soutenir cette technologie

selon vous ?

Il y a besoin d’une aide à ce développement-là. C’est le même choix qui a été fait pour la

CAO, dans le numérique en général. Nos gouvernements dans les années 80 ont laissé filer la

machine-outils. S’ils ne font rien, on a déjà perdu beaucoup de choses, on risque aussi de

perdre cette bataille-là. N’oublions pas que le premier brevet lié à la fabrication additive est

français. Même si la technologie nous revient depuis les États-Unis, je peux vous assurer que

les applications ont d’abord été développées chez nous. Les premières applications de

fonderie, sur l’aluminium, le titane, l’acier, etc. c’est moi qui les ai conçues. Le problème,

c’est qu’on n’a jamais été soutenus sur ce sujet-là et qu’on a tout revendu aux Américains.

Ne pensez-vous pas néanmoins qu’on a rattrapé notre retard avec le succès d’entreprises

comme Prodways et Sculptéo ?

Non, Prodways ni Sculptéo n’ont que quelques années d’expérience. Si vous cherchez des

entreprises qui marchent dans le métallique, il y a 3DSystems, Michelin, mais c’est à peu

près tout. On peut citer Beam aussi en France. Phenix était français, mais ils ont été rachetés

par 3D Systems. Si le projet de joint-venture Five-Michelin démarre, on reprendra notre

avance. On a une avance technologique certaine, mais il faut faire en sorte de pouvoir

fabriquer pour l’industrie.

Et comment voyez-vous l’influence grandissante d’autres acteurs comme la Chine dont

l’Etat investit beaucoup dans la fabrication additive ?

Si on avance, on va reprendre notre place. Sinon, les États-Unis vont se partager le marché

avec le Japon, la Chine et l’Allemagne. Les plus gros constructeurs de machines métalliques

Denis RODITI 107/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

sont allemands. Les Chinois ne sont pas loin derrière, ils remontent la pente sans états

d’âme et il n’y a aucune raison qu’ils n’y arrivent pas. Le Japon ne sait pas exporter, mais ils

ont de l’avance chez eux, ils disposent de très bonnes technologies.

L’impression 3D est-elle une révolution industrielle ?

La révolution industrielle, ce n’est pas l’impression 3D, ce sont les nouvelles méthodes de

conception. On va fabriquer la matière, alors qu’avant on partait d’une matière existante

pour fabriquer les pièces. Ce changement de paradigme va amener à inventer d’autres

méthodes de contrôle des pièces, pas uniquement liées à l’impression 3D. Aujourd’hui, sur le

métallique, la seule méthode qu’on a, c’est la tomographie (rayons X). Ce n’est pas gratuit. Si

les pièces prennent du volume important, il va falloir trouver des machines de tomographie

avec une forte puissance et on n’en a pas beaucoup. Il va donc falloir trouver d’autres

méthodes de certification de la qualité des pièces.

En tant que président de l’AFPR, quelles sont les actions dont vous êtes le plus fier ?

Tout ce que je peux dire c’est que l’association a été créée il y a plus de 20 ans, qu’elle est

reconnue au niveau international et que l’on a tous les ans fait ressortir des industriels

français ou autres sur leurs applications. On joue donc notre rôle de maintien de cet

écosystème depuis toujours.

Avez-vous l’impression que l’on vous écoute de plus en plus chez les industriels et les

politiques ?

On est de plus en plus sollicités, en tous les cas.

Denis RODITI 108/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Quelles évolutions dans le secteur de la fabrication additive attendez-vous avec le plus

d’impatience ?

Ce que j’attends, c’est l’amélioration de la fiabilité des machines et l’arrivée des premières

normes propres à la fabrication additive. Il y en a une qui est en cours de lecture sur les

conditions de réception des pièces. Et celle-là j’y tiens ! Vous pouvez la lire, elle est

disponible sur le site de l’Afnor. Au moins une norme française qui aura été passée

directement en ISO-ASTM quasiment sans modification.

Denis RODITI 109/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

En 2015, le groupe Five et Michelin se sont associés pour créer une joint-venture

spécialisée dans l’impression 3D métallique, Fives Michelin Additive Solution. Cette

nouvelle entité devrait proposer dès 2016 – si les autorités de la concurrence l’autorisent –

des machines de fabrication additive destinées à des industriels pour de la production de

masse.

Interview de Jean-Luc Laval, Deputy Group Marketing Director chez Fives

Comment est née l'idée de créer une joint-venture avec Michelin dans la fabrication additive ?

Au départ, le groupe Fives n’envisageait pas la fabrication additive comme un réel enjeu de

développement. À titre personnel, je considérais que c’était une techno qu’il fallait qu’on regarde de très près

et j’ai donc poussé le groupe à s’y intéresser. D’une part, l’impression 3D pouvait nous permettre d’innover

sur des pièces très complexes via nos propres machines. D’autre part il y avait l’idée qu’un jour nous pourrions

concevoir nos propres imprimantes 3D.

Au cours de mes recherches j’ai croisé le président de l’Association Française de Prototypage Rapide (AFPR),

Georges Taillandier, à qui j’ai présenté le groupe Fives. Lui travaillait depuis un certain temps avec Michelin

sur ces sujets-là et a donc lancé l’idée que nos entreprises collaborent sur un projet autour de l’impression 3D.

L’alliance a été naturelle car Michelin avait de son côté l’expérience en tant qu’utilisateur de la fabrication

additive et nous, celle de fabriquer des machines véritablement industrielles.

Qu’entendez-vous par « véritablement industrielles » ?

Aujourd’hui les fournisseurs actuels d’impression 3D sur le marché B2B ne sont pas tous, loin s’en faut, des

fournisseurs industriels. Ils se sont inventés industriels à partir de la techno fabrication additive, mais n’ayant

pas l’historique d’acteur industriel, ils ne maîtrisent pas aussi bien que nous la fiabilité des processus et ne

Denis RODITI 110/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

raisonnent pas vraiment en termes de production de masse.

Quels sont les avantages de la fabrication additive dans l’industrie ?

La fabrication additive permet de concevoir des pièces plus légères, plus résistantes, de diminuer les pertes de

charge*. Par exemple lorsque vous imprimez des canaux de lubrifiants ou d’air, de fluide, vous allez pouvoir

faire des canaux qui sont sans angle vif, donc fabriquer un système qui va être beaucoup plus performant.

L’impression 3D permet par ailleurs de produire des pièces très complexes, dont les modèles sont encore pour

la plupart à inventer.

Pourquoi avez-vous choisi de vous focaliser sur le marché du métal ?

En tant qu’industriel fabriquant des grosses machines haut de gamme pour l’industrie lourde, l’aéronautique

notamment, la majorité des pièces sont fabriquées en métal. Il était donc naturel de rester dans le marché du

métal plutôt que celui du plastique, dont nous sommes moins spécialistes. Cela ne signifie pas qu’un jour nous

ne ferons pas de plastique.

Quelles seront les technologies utilisées ?

Tout ce que je peux vous dire est qu’il s’agira de technologies basées sur les poudres.

Qui seront vos clients ?

Tous ceux qui sont utilisateurs de pièces métalliques et pour lesquels il serait intéressant de faire de la

fabrication additive. Autrement dit les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile, du spatial, du médical, de

Denis RODITI 111/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

l’outillage également à travers la fabrication de moules. Tous les acteurs qui fabriquent aujourd’hui des

machines qui travaillent le métal s’adressent à ces secteurs-là.

Quel sera votre positionnement par rapport à vos futurs concurrents sur ce marché ?

C’est surtout l’expérience et l’utilisation qui sont importants. Nous on bénéficie de la longue expérience

d’utilisation de Michelin. Quant à 3D Systems, ils ont racheté il y a 2 ans le français Phénix qui faisait de

l’impression 3D métallique. Tous ceux qui font de l’impression 3D métallique aujourd’hui sont nos

concurrents, mais ce n’est pas très gênant, parce que chacun a sa manière de faire, la techno est en pleine

croissance et le marché est grand, donc il y a encore de la place pour beaucoup de monde à mon avis. Le vrai

enjeu est surtout de faire connaitre la techno pour que de plus en plus d’industriels s’y intéressent.

Justement, où en est-on de ce point de vue-là ?

Je suis persuadé qu’ils en ont pris conscience il y a assez peu de temps. Certains avaient de l’avance, comme

General Electric, Airbus ou Boeing. Tous les acteurs de l’aéronautique ont déjà touché de près ou de loin à la

fabrication additive.

Quelles sont vos ambitions à court/moyen/long terme avec ce projet ?

Je ne peux pas vous dévoiler les objectifs, qui sont confidentiels, mais ce qui est certain c’est que nous voulons

devenir un acteur clé de la fabrication additive à long terme. Nous allons nous appuyer pour cela sur notre

légitimité d’acteur industriel, fabriquant des machines réputées fiables. Il faudra néanmoins s’attendre à de la

concurrence américaine, allemande et chinoise en particulier.

Denis RODITI 112/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Quelles sont les améliorations de l’impression 3D métallique sur lesquelles vous allez travailler ?

Tout le monde cherche à optimiser la vitesse de production, ce qui est logique. C’est une des clés. Il y a

surtout aussi la précision, la répétabilité. Ce sont des lapalissades puisque dans le monde industriel, ces règles

s’appliquent quelle que soit la techno utilisée. Les vrais enjeux sur la fabrication additive c’est que les

ingénieurs s’approprient cette techno pour concevoir différemment. Ça, c’est le vrai challenge de demain.

Aujourd’hui, je croise encore beaucoup d’ingénieurs qui sortent des écoles et qui n’ont toujours pas – ou très

peu – appris à concevoir en raisonnant « fabrication additive ». Je pense que c’est ce qui va prendre le plus de

temps. Tous les logiciels de CAO ne sont pas adaptés. Les gros fabricants de logiciels commencent à prendre

conscience qu’il faut le faire, mais tout reste encore à inventer. Les logiciels raisonnent par poutres, alors que

dans la fabrication additive, il faut résonner au niveau du grain, de l’atome.

Comment percevez-vous l'évolution du marché de l'impression 3D dans les 10 prochaines années ?

Ma vision est que la fabrication additive a beaucoup plus d’avenir dans l’industrie que dans les foyers.

Contrairement à ce qu’ont pu raconter les médias il y a deux ans, l’impression 3D à la maison n’est pas pour

demain. D’abord, toutes les machines produites aujourd’hui sont dangereuses pour la santé. Le plastique, en

fondant, émet des vapeurs toxiques. On ne parle pas assez de cet aspect-là. Ensuite, les usages sont très

compliqués à réglementer. Par exemple, si vous fabriquez une boîte destinée à entrer en contact avec de

l’alimentaire, qu’est-ce qui vous dit que vous l’avez conçue à la bonne température, qu’elle peut se mettre

dans le lave-vaisselle, etc. ? Il n’y a pas aujourd’hui de normes à respecter comme dans l’industrie.

Pensez-vous que le gouvernement français a pris conscience des enjeux autour de la fabrication additive ?

Il a mis du temps. Pour ne rien vous cacher, vous savez peut-être que Fives copilote le 34ème plan de l’usine du

futur. Au départ, la fabrication additive ne figurait pas dans ce plan. C’est moi qui ai demandé à la rajouter, car

cela me paraissait indispensable. Le gouvernement nous avait demandé quel industriel il fallait mettre autour

de la table. Or à l’époque Fives n’était pas spécialement mûr, car les discussions avec Michelin n’avaient pas

Denis RODITI 113/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

encore commencé, et donc le seul acteur était le Groupe Gorgé. Si aujourd’hui le Groupe Gorgé est connu par

le gouvernement français, c’est donc grâce à Fives ! (Rires).

Quelle sera selon vous la place de l'impression 3D au sein des usines du futur ?(i.e : va-t-elle remplacer les

méthodes industrielles traditionnelles, va-t-elle obliger à repenser la structure de l'usine, etc.)

Globalement, la fabrication additive est assez complémentaire des méthodes traditionnelles

et n’est pas nécessairement vouée à les remplacer. Néanmoins, elle va de plus en plus

s’imposer parce que l’homme inventera des pièces qui auront des caractéristiques nouvelles

et tellement améliorées que vous ne saurez pas les faire autrement que par la fabrication

additive. Donc petit à petit la fabrication additive va prendre le dessus sur de plus en plus de

pièces fabriquées de façon classique mais à condition qu’il s’agisse de pièces complexes. Ces

pièces complexes n’existent pas aujourd’hui – la fabrication additive a donc un grand avenir.

Il restera toujours des opérations d’usinages, mais en moindre quantité. On fera moins de

copeaux demain.

Cela va permettre aussi de relocaliser une partie de la production, en fabriquant des objets

personnalisés répondant à des besoins clients spécifiques. Une partie de ce que les sociétés

produisent aujourd’hui en série sera demain personnalisé, unitaire.

Pour prendre l’exemple du dentaire, vous n’avez pas une dent pareille, et donc la fabrication

additive permet de faire des dents différentes les unes à côté des autres. On va donc quitter

le modèle taylorien type « je produis en masse la même pièce », mais cela ne se fera pas du

jour au lendemain.

Quel exemple dans l’impression 3D vous a surpris ?

Denis RODITI 114/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Au-delà du métal, l’impression 3D trouve des applications fantastiques dans le secteur

médical. Le fait que les médecins auront enfin la possibilité de créer une prothèse aux

dimensions exactes de l’os qu’elle remplace, par exemple. Aujourd’hui, le chirurgien va vous

raboter une hanche pour que le modèle grossier de prothèse dont il dispose s’adapte le

mieux possible à votre anatomie. Résultat, vous allez subir un temps d’adaptation très long

et boiter toute votre vie. Demain, ce même chirurgien produira une prothèse de hanche aux

dimensions exactes de celle que vous avez cassée, et ça c’est une vraie révolution.

Un dernier mot ?

S’il y a un coup d’accélérateur à donner, c’est dans l’enseignement, et la façon de concevoir

les objets.

* En mécanique des fluides, la perte de charge correspond à la dissipation, par frottements,

de l’énergie mécanique d’un fluide en mouvement sous forme de chaleur(Définition

Wikipédia).

Interview d’Arnauld Coulet, directeur de l’agence Fabulous (réponse par email)

Selon vous, les industriels et les entreprises ont-ils pris conscience du potentiel de

l'impression 3D ?

Oui pour les industries de pointe (aérospatial, défense, aéronautique, automobile), non pour

les industries "intermédiaires", d'où notre positionnement en tant que conseil en amont du

projet et maître d'oeuvre pour la réalisation du projet.

Denis RODITI 115/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Quels sont dans l'ordre d'importance les principaux arguments qui convainquent vos

clients d'utiliser l'impression 3D ?

- Ne pas avoir à rentabiliser un moule

- Réaliser des formes complexes

- Matières certifiées dans certains secteurs (médical, aéro, luxe)

Quelles sont les évolutions technologiques que vous attendez avec le plus d'impatience

pour convaincre de futurs clients (encore réticents avec les possibilités actuelles) de passer

à l'impression 3D ?

le trio :

- baisse des coûts

- augmentation rapidité production

- augmentation cadencement de production

Vous avez déclaré "L’époque où cette technologie était limitée au prototypage et aux très

petites séries (1 à 10 pièces) est pourtant déjà derrière nous. Aujourd’hui, l’enjeu est de

concurrencer d’ici peu les méthodes traditionnelles de production d’objets, notamment

l’injection plastique, mais aussi la fonderie. »

Or aujourd'hui on est encore très loin de la production de masse personnalisée et une

méthode comme l'injection plastique parait à des années-lumière d'être remplacée par

l'impression 3D. Qu'est-ce qui vous rend si optimiste ?

Dans les secteurs haut de gamme sur lesquels nous travaillons, l'impression 3d permet de

fabriquer des objets à forte valeur ajoutée. Sur ce créneau nous ne fabriquons pas des

volumes de 100 000 pièces, mais sur des séries de 10 000 pièces l'impression 3D tient

largement son rôle et sa rationalité économique vis à vis des techniques traditionnelles.

Denis RODITI 116/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Contrairement à ce que l'on croit l'impression 3D (industrielle) permet de fabriquer des

pièces à forte valeur ajoutée, et pas uniquement des têtes de Yoda comme on le voit dans

les médias !

Donc hier on faisait 10 pièces et cela s'appelait du prototypage rapide. Aujourd'hui nous

entrons dans la phase de rapid manufacturing, il est déjà possible de faire 10 000 pièces avec

une rationalité économique. Pour le million de têtes de yoda ou de stylos bille ce ne sera

effectivement pas pour tout de suite, mais ce n'est pas la valeur ajoutée de l'impression 3D.

Vous avez également déclaré : "Jusque-là, la rapidité de l’impression et le volume des

objets imprimés étaient limités. Mais ces problèmes techniques sont en voie de

résolution."

Pensez-vous qu'un jour nos téléphones mobiles, nos voitures, nos frigos, etc. seront

entièrement réalisés par impression 3D ? Si oui, comment cela pourrait-il devenir rentable ?

Vaste question qui tient à mon avis du fantasme pour l'instant, cf ma réponse ci-dessus, plus

le fait que les objets dont vous parlez impliquent de l'électronique par ex...

Ce qui n'empêche pas de penser que nous sommes sur une loi de Moore, et donc quant aux

problèmes techniques ils sont bien en cours de résolution car les obstacles ne sont pas

immenses, alors que les investissements sont conséquents avec des gros acteurs qui vont

entrer sur le marché (HP, Canon, Google, etc).

Denis RODITI 117/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Interview Alexandre Martel, rédacteur en chef du site 3Dnatives

Pensez-vous que l’impression 3D va passer à la cadence industrielle et, si oui, à quelle

échéance ?

C’est une vraie question, je pense que personne n’a la réponse à l’heure actuelle, mais des

travaux vont dans ce sens. Par exemple le « High Speed Fab Grade » de 3D Systems, qui

dispose de lignes de production avec plusieurs plateaux où les couches sont imprimées les

unes à côté des autres, est assez impressionnante.

Le simple fait d’être capable d’imprimer tous les types de matériaux, sans même parler de

les mélanger, sera déjà une avancée majeure pour la technologie.

On voit également apparaître de plus en plus la possibilité d’imprimer en 3D des moules

pour faire de l’injection ou en fonderie. Jusqu’à aujourd’hui, les moules pouvaient coûter

plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Là, on va pouvoir imprimer des

modèles complexes de moules et les injecter ensuite en série. Cela demande encore des

développements car ils peuvent-être utilisés des milliers de fois et subir des contraintes

mécaniques importantes. Stratasys, 3D Systems ou Voxeljet travaillent sur ces sujets-là.

Je ne pense pas que l’impression 3D a pour vocation de rivaliser ou de remplacer des lignes

de production, mais plutôt de compléter ou de combiner ces méthodes pour des séries

limitées.

Comment percevez-vous alors ces tentatives de 3D Systems, du néerlandais TNO ou

encore de l’université de Sheffield pour rivaliser avec les cadences industrielles ? Pensez-

vous que les fabricants aient l’objectif à terme de remplacer les usines par l’impression 3D ?

Je ne pense pas que les fabricants se fixent comme objectif « de remplacer le travail dans les

usines ». L’idée, c’est plutôt « on a une technologie, on veut l’améliorer ». Ils ont différentes

contraintes face à eux : le prix des machines, leur rapidité, la diversité ou le prix des

matériaux… La diversité des matériaux, c’est l’un des gros enjeux – c’est ce qui ressort de

Denis RODITI 118/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

nos discussions avec les fabricants, des salons et des dernières innovations. Quant à

remplacer le travail des usines, il me paraît trop tôt pour aborder ce sujet.

Il y a toujours eu cette idée d’automatiser les process de fabrication, mais cela ne passera

pas nécessairement par l’impression 3D. Pourquoi se restreindre à une méthode pour

fabriquer un produit ? L’impression 3D est simplement un outil additionnel.

Prenez un tournevis et un marteau. Le tournevis n’a pas vocation a remplacer le marteau, ce

sont deux outils distincts qui ont chacun une utilité bien définie. Vous pouvez bien

évidemment essayer de taper une vis avec un marteau, mais la méthode n’est pas la bonne !

Cependant, l’argument que brandissent souvent les promoteurs de l’impression 3D, c’est

la perspective de relocaliser une partie de la production.

Il y a des applications qui marchent, comme l’aéronautique, le médical, la joaillerie, trois

grands secteurs ayant adopté le plus rapidement cette technologie. Après, il y a des cas où

cela ne s’appliquera pas. On voit par exemple que l’automobile a aujourd’hui beaucoup de

mal à intégrer l’impression 3D au-delà du prototypage.

Les traditionnelles lignes de production ont été réfléchies pour pouvoir fabriquer des

modèles similaires à grande échelle le plus rapidement possible. L’impression 3D n’a pas été

créée pour ça à la base.

Si on a besoin de fabriquer 50 000 voitures identiques pour demain, l’impression 3D ne

répond certainement pas à cette problématique, ni aujourd’hui ni dans 50 ans.

Ne pensez-vous pas néanmoins qu’il y a une évolution au niveau du marketing des

marques qui souhaitent de plus en plus faire de la personnalisation de masse ? À partir du

moment où tout le monde voudra une voiture qui répond exactement à ses critères,

l’impression 3D aura son intérêt. C’est ce qu’on voit déjà avec l’imprimante de 3D Systems

Denis RODITI 119/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

qui a pour but notamment de fabriquer en grande quantité le smartphone modulaire de

Google via le projet ARA.

Oui bien sûr, il y a là un vrai intérêt. Pour revenir à l’automobile, on peut citer Local Motors.

Cette entreprise a pour concept, comme son nom l’indique, de développer un réseau

mondial de garages de quartier, capables de fabriquer une voiture personnalisée à votre

goût et pour des coûts de production moindres, notamment grâce à une meilleure gestion

des stocks et pièces détachées permises par l’impression 3D.

Vous parliez tout à l’heure des matériaux comme d’un enjeu crucial pour le

développement de l’impression 3D. Aujourd’hui, il existe environ 200 matériaux

compatibles avec l’impression 3D. Les objectifs des fabricants ne sont-ils pas déjà atteints

de ce point de vue-là ?

Il n’y a pas seulement le matériau, il y a également l’expertise proposée autour de ce

matériau. Sur les métaux, par exemple, il y a encore des problématiques liées à la finition.

Aujourd’hui, imprimer un bijou en métal n’aurait aucun intérêt, parce que le travail

nécessaire pour la post-production serait bien trop important. Un réel accompagnement du

client sur la connaissance des matériaux est nécessaire à mon avis.

On pourrait également espérer l’arrivée de nouveaux matériaux, comme les textiles ou

l’alimentaire. Et enfin la combinaison de matériaux issus de différentes familles (la famille

des métaux et des polymères par exemple) au sein d’une même imprimante 3D.

En 2015, les États-Unis dominent le marché de l’impression 3D (note : selon un rapport du

Conseil économique, social et environnemental (CESE) paru en mars 2015, les US

représentent 38% du parc d’imprimantes 3D contre 9% pour la Chine et 3% pour la France).

Par contre en Chine, comme c’est le cas aux USA d’ailleurs, il y a une volonté très forte du

Denis RODITI 120/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

gouvernement d’investir des sommes considérables dans cette technologie. Pensez-vous

que le rapport de force va se modifier ?

La part de fabricants US pourrait diminuer dans les années à venir car historiquement les

grands acteurs sont nés là-bas comme 3D Systems, Stratasys ou Exone, au profit des

constructeurs européens ou chinois. En Chine, ils ne se contentent pas de copier des

technologies, ils ont toute une R&D locale qui développe ses propres machines. Des sociétés

comme Hunan Farsoon ou Tiertime sont déjà bien plus présentes localement que Stratasys

et 3D Systems et se développent même à l’international (note : Farsoon a récemment signé

un partenariat avec Prodways). Certaines ont pour vocation de rivaliser avec les deux géants

américains, Prodways en France a la même volonté. Sur un marché comme celui du métal,

qui est un des plus prometteurs, voire le plus prometteur, les Européens sont plutôt bien

placés avec EOS, Arcam ou même Prodways.

Malgré ces réjouissantes perspectives, n’y a-t-il pas une bulle spéculative autour de

l’impression 3D comme ce fut le cas dans les années 2000 avec Internet ? On voit que

certaines grosses sociétés du secteur ont beaucoup licencié ces derniers mois.

Parler d’une bulle me paraît exagéré. Qu’il y ait 4-5 cinq acteurs dont les résultats aient été

particulièrement décevants, en Bourse notamment, ou qu’une entreprise comme MakerBot

ait licencié 20% de ses effectifs ne signifie pas qu’il y ait une bulle. Il n’y a pas de grande

dépendance entre les banques, les investisseurs et les acteurs de l’impression 3D. Si demain

ces sociétés font faillite, ce n’est pas le système tout entier qui s’écroule. Ce qu’on remarque

surtout, c’est que malgré ces annonces, les ventes continuent d’accélérer avec des chiffres

de croissance compris entre 20% et 40% chaque année.

Pensez-vous qu’un jour on aura tous une imprimante 3D à la maison comme on nous l’a

promis en 2013 ?

Denis RODITI 121/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

À titre personnel, j’aimerais beaucoup que chacun ait une imprimante 3D chez soi, même si

ça ne me paraît pas envisageable à court terme. L’utopie de créer soi-même les produits qui

nous entourent est séduisante !

Pour moi, le véritable intérêt de la technologie passera par des objets du quotidien imprimés

en 3D, sans forcément que le client final ne le sache d’ailleurs, avec à la clef des objets mieux

pensés, moins chers, davantage personnalisés.

Par exemple, l’entreprise américaine Invisalign produit environ 50 000 appareils dentaires,

dénommés gouttières, par jour grâce à l’impression 3D. La joaillerie, les prothèses auditives,

les implants médicaux existent déjà. Et demain pourquoi pas nos voitures ? nos chaussures ?

nos jouets ? Le consommateur ne va pas toujours détecter le rôle de l’impression 3D dans

ces nouveaux produits dont il bénéficie, mais cette technologie aura un impact grandissant

sur son quotidien.

Si vous deviez citer un exemple récent d’application de l’impression 3D qui vous a bluffé ?

Ce n’est pas le plus récent, mais l’exemple de cette patiente hollandaise ayant reçu une

boîte crânienne imprimée en 3D m’a marqué à vie je pense (note : la prouesse a été révélée

en mars 2014). Le fait que cette technologie ait le pouvoir d’améliorer considérablement la

vie de certains patients m’impressionne toujours.

Denis RODITI 122/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Entretien avec Arthur Cassaignau, Marketing Manager chez Sculpteo

Que fait Sculpteo ?

Sculpteo est un service d’impression 3D en ligne. C’est une société qui dispose d’un

parc d’imprimantes 3D professionnelles. Ces imprimantes valent entre 60 000€ et

850 000€, et utilisent près d’une dizaine de technologies différentes. Le plus gros du

parc de Sculpteo se compose d’imprimantes SLS, donc à frittage laser. D’autres

utilisent le procédé SLA, avec de la résine. D’autres encore permettent de travailler la

cire, de fabriquer des objets en multi-couleurs, etc.

L’innovation qu’a apporté Sculpteo par rapport aux métiers traditionnels de

prototypistes, c’est d’avoir créé une plateforme en ligne. Typiquement, au lieu

d’envoyer un mail avec un fichier par WeTransfer, d’attendre un devis pendant 24h

ou 48h, etc. , Sculpteo condense tout ça dans une plateforme web. Cette plateforme

permet d’optimiser un fichier 3D et de le rendre très facilement

imprimable. Autrement dit, on upload son fichier, on sait tout de suite s’il est

imprimable, on a un prix et une date de livraison.

Denis RODITI 123/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

En parallèle de cette activité, on

retrouve sur le site de Sculpteo des

outils en ligne qui permettent de

retravailler son fichier 3D pour

l’imprimer dans les meilleures

conditions possibles.

L’interface de Sculpteo permet d’optimiser des fichiers SLT

Au départ, Sculpteo se présentait comme un service B2C, aujourd’hui vous

vous orientez clairement plus vers le B2B. Qu’est-ce qui explique ce revirement

de stratégie ?

Sculpteo, à sa création, a été pensé comme un service ouvert à tous. Ça l’est

toujours, puisque n’importe qui peut se connecter sur www.sculpteo.com et se créer

un compte. Maintenant, le B2B représente plus de 80% de notre business. On ne

souhaite pas se couper pour autant du B2C. Mais il est vrai que l’impression 3D pour

le grand public a certaines limites.

La première est certainement le prix. L’impression 3D reste encore un moyen de

production assez cher. Avec une imprimante desktop à moins de 2000 euros, on va

être assez vite limités en termes de types de matériau. Ca va être principalement de

l’ABS ou du PLA, qui est du plastique dérivé de l’amidon de maïs.

Denis RODITI 124/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Imprimante 3D permettant de concevoir des objets à base de matières plastiques

PLA ou ABS

Si l’on souhaite des impressions de meilleure qualité ou qui utilisent d’autres

matériaux, il va falloir rapidement investir dans des machines plus coûteuses ou

choisir des services dédiés.

Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la meilleure des impressions 3D aujourd’hui

reste moins bonne que de l’injection plastique moyenne gamme – je veux parler du

procédé qui est utilisé pour fabriquer des objets de consommation courante comme

des souris, des claviers d’ordinateurs, des lunettes, etc.

L’autre frein pour le grand public, c’est le design. C’est-à-dire la capacité à effectuer

soi-même des fichiers 3D. Ce n’est pas donné à tout le monde !

Que manque-t-il pour que l’imprimante 3D envahisse les foyers ?

D’abord, cette technologie se démocratise. Les progrès techniques permettent

d’obtenir de meilleures finitions qui se rapprochent de plus en plus de l’injection

plastique. Les prix des services et des machines baissent. Et les logiciels

Denis RODITI 125/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

d’impression 3D sont de plus en plus souvent gratuits, avec des interfaces de plus en

plus intuitives, parfois des applications.

Aujourd’hui, malgré ces progrès-là, le grand public n’est pas forcément très friand

d’impression 3D. C’est bien de permettre à chacun de fabriquer ses objets,

maintenant il faut avoir l’intention de faire quelque chose et bien souvent ce qui nous

est offert par d’autres moyens de consommation comme Amazon, le retail, etc. est

préféré dans l’intention de consommation. Tout le monde n’a pas l’intention de

devenir designer et de passer des heures et des heures à créer ses propres objets.

Qui sont vos concurrents ?

Nos principaux concurrents sont Shapeways et Materialise. Ensuite, on a des

concurrents directs mais qui ne sont pas forcément sur Internet, des compagnie qui

valent déjà des milliards et sont cotées au Nasdaq comme Stratasys ou 3D

Systems. Mais pour l’instant Sculpteo croît plus vite que l’ensemble du marché, dont

la croissance est de 30%.

Pensez-vous, comme Jeremy Rifkin ou Chris Anderson, que l’impression

3D est un levier incontournable d’une prochaine révolution industrielle ?

L’impression 3D est une nouvelle manière de fabriquer. Il n’y a rien de complètement

révolutionnaire là-dedans.

Un iPhone ne sera jamais imprimé en 3D dans les 10-15 ans à venir. On n’a pas

assez de degré de précision ni la capacité de venir jouer sur de multiples matériaux.

En revanche, ce qui jusqu’ici avait été fait à la main, de manière artisanale,

traditionnelle, en très petites quantités et à des coûts assez importants peut

Denis RODITI 126/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

potentiellement être bouleversé par l’arrivée de l’impression 3D. Celle-ci permet

de développer de nouveaux usages à destination de créateurs indépendants, de

start-ups de hardware qui n’auraient pu se lancer s’il y avait des coûts

d’investissement. Donc c’est plutôt une technologie qui vient créer de nouvelles

possibilités et qui rogne sur des procédés de fabrication traditionnels ou qui

nécessitaient beaucoup d’investissements de départ pour une petite production.

Pour en revenir à votre question initiale, je ne crois pas que ce soit une révolution

industrielles dans les usines. L’usine de demain ne va pas changer grâce à

l’impression 3D. On n’est pas du tout sur les mêmes cadences de production*.

Quel type de profils recherchent les entreprises spécialisées dans l’impression

3D ?

Des profils assez qualifiés, plutôt des ingénieurs et des programmateurs pour du

software. Il y a toujours besoin de fonctions support comme le marketing, les sales,

le support client. En France, il y a peut-être une grosse centaine de sociétés qui sont

directement liées à l’impression 3D. La plus importante doit employer environ 200

personnes. Nous sommes sur des volumes d’emploi relativement faibles.

Maintenant, ça peut doubler, tripler, voir plus dans les années à venir. Mais dans 5

ans, on n’aura pas résolu le problème du chômage en France grâce à l’impression

3D.

Merci à Arthur Cassaignau pour ses réponses. Pour en savoir plus sur

l’impression 3D, lire ici le très instructif baromètre annuel établi par

Sculpteo, basé sur l’avis de 1118 répondants à l’échelle mondiale.

Denis RODITI 127/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

*À noter tout de même qu’il existe des initiatives prometteuses comme celle de

l’Université de Sheffield, en Angleterre, qui développe une imprimante 3D capable de

concurrencer les modes de fabrication en série.

Prodways, futur géant de l’impression 3D ?

Prodways, filiale spécialisée dans l’impression 3D du Groupe Gorgé, se rêve en

numéro 3 mondial du secteur. Derrière les géants américains Stratasys et 3D

Systems. A-t-elle les moyens de ses ambitions ? Premiers éléments de réponse avec

Cindy Mannevy, Marketing & Communication Manager chez Prodways.

Comment est né Prodways ?

Nous sommes un pôle d’excellence 3D à part au sein du Groupe Gorgé. Prodways

est né du rachat de la société Phidias Technologies et plus particulièrement de la

rencontre entre Raphaël Gorgé et André-Luc Allanic, créateur de

Denis RODITI 128/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

la technologie MOVINGLight®. En deux ans, nous sommes passé d’une à 150

personnes.

André-Luc Allanic et Raphaël Gorgé, PDG du Groupe Gorgé

Que fait Prodways ?

Prodways est un fabricant d’imprimantes 3D. On vend des imprimantes, des matières,

des solutions d’engineering, bref, le panel complet de la fabrication additive. On se

positionne sur un segment B2B à forte industrialisation. On ne fait pas du tout

d’imprimantes familiales ni destinées aux TPE/PME. Nos imprimantes, à fortes

Denis RODITI 129/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

capacités de production, ciblent les industriels, voire les intégrateurs. Donc c’est

vraiment du B2B2B.

Les imprimantes 3D de Prodways

Quel est votre avantage par rapport à vos concurrents ?

Tout d’abord, il faut savoir que l’impression 3D s’oriente surtout en fonction des

technologies disponibles. Aujourd’hui, nous sommes propriétaires de la technologie

MOVINGLight®. Cette technologie brevetée et unique, à la base de la fondation de

Prodways, se rapproche de la stéréolithographie.

Avec les technologies concurrentes, imprimer des pièces ultra précises va vous

demander des heures et des heures. Ou alors vous voulez produire en masse et à

ce moment-là vous ne devez pas avoir de trop grandes exigences en termes de

Denis RODITI 130/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

précision. Notre technologie est la seule qui permet d’obtenir à la fois de grosses

capacités de production et un niveau élevé de précision et de résolution.

À quelle(s) problématique (s) faites-vous face ?

Aujourd’hui, l’une de nos principales problématiques, c’est la gestion de la

confidentialité. Quand une entreprise vous envoie un fichier STL*, elle vous envoie

tout le savoir de sa société, du bureau d’études, ce qui fait sa valeur ajoutée.

C’est pourquoi si vous allez sur notre site internet, vous verrez très peu

d’ « application cases », ou alors sur des pièces qui datent de vingt ans et qui n’ont

donc rien de révolutionnaire. On a signé des « non disclosure agreement» qui nous

empêchent de communiquer sur nos très nombreux projets de développement.

Sur le plan informatique, les fichiers STL sont des fichiers très lourds qu’on ne peut

pas envoyer par simple email, donc il y a de grosses contraintes de sécurisation des

réseaux pour éviter les fuites, que cela ne passe par WeTransfer ou d’autres réseaux

non sécurisés.

Plus généralement, sur quels secteurs vous positionnez-vous ?

Majoritairement et historiquement, on est dans le dentaire. Cela peut paraître

étonnant, mais le marché du dentaire est le marché qui est le plus mature sur

l’impression 3D.

Je ne sais pas si vous avez déjà eu un appareil dentaire, mais avant, pour prendre

l’empreinte de votre mâchoire, le dentiste vous mettait un moule infâme dans la

bouche. Ce n’était pas précis du tout. Aujourd’hui, ils vous mettent une petite boule

Denis RODITI 131/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

dans la bouche, la petite boule scanne, ça dure trente secondes à peine, et le fichier

STL est envoyé à une imprimante qui fabrique le modèle.

Mâchoire humaine créée par une imprimante 3D Prodways

La technologie est si précise que si vous ne vous êtes pas bien brossé les dents, et

qu’il vous reste un bout de saucisson, le scan va l’enregistrer et l’imprimante

réimprimer le bout de saucisson entre vos dents.

Pour en revenir aux secteurs de nos clients, viennent ensuite les grosses industries

comme l’aérospatial ou l’automobile, qui font du moule à injection et des machines-

outils . Et enfin le médical et la bijouterie.

Quel est votre business model ?

Nous avons un rôle d’aide et de conseil sur toutes les étapes de la chaîne 3D. La

première étape pour nos clients, c’est d’optimiser leurs fichiers 3D. Nous avons donc

des ingénieurs spécialisés qui les aident à prototyper leurs pièces en 3D. La

deuxième étape, c’est quand ils ont leur fichier STL et qu’ils se demandent : « qu’est-

ce que j’en fais ? ». Là, soit ils trouvent que ce n’est pas bien et on refait toute une

étude de prototypage, soit ils souhaitent l’imprimer. Et là, nous les conseillons sur la

technologie d’impression qui correspond à leur projet.

Denis RODITI 132/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Ensuite, soit notre service bureau imprime leurs pièces à la demande ou alors, si la

production est très importante, nos clients ne voudront pas payer à la pièce et la

meilleure solution consistera alors à acheter l’une de nos machines. Dans ce

deuxième cas de figure, on leur proposera la machine et les matières qui

correspondent à leur besoin.

Une fois que vos clients ont acheté vos machines, j’imagine que la relation ne

s’arrête pas là ?

Absolument, nous continuons de les accompagner. Nous intervenons à chaque

étape du cycle de vie de l’additive manufacturing.

Comment comptez-vous vous différencier de ces mastodontes américains, qui

dominent le marché de l’impression 3D. La bataille va-t-elle se jouer sur les

technologies brevetées ou davantage sur les services et les usages ?

Cela va se jouer sur les deux tableaux. Mais le principal enjeu sera de fournir des

services globaux, avec un vrai accompagnement et un vrai savoir-faire.

Au début on travaillait sur de la photopolymérisation, ensuite on est passés sur le

frittage de poudre. Maintenant, notre différence ne se fait pas vraiment là, puisque

Stratasys et 3D Systems sont déjà multi-technologies.

Notre vraie différenciation va plutôt se jouer sur le service et l’accompagnement.

Aujourd’hui, 3D Systems utilise des machines « fermées ». Nos machines, elles, sont

« semi-ouvertes », c’est-à-dire qu’on noue des partenariats et qu’on développe des

applications afin de rester toujours au cœur de la demande du client.

Par exemple, si un client formule un besoin lié à la biocompatibilité ou souhaite

imprimer dans d’autres matériaux, on va être capable d’ouvrir la porte à des

partenariats « matières » avec le CEA, 3DCeram, DeltaMed et d’autres.

Denis RODITI 133/133 Thèse professionnelle MBA Spécialisé Marketing Commerce sur Internet

Pensez-vous que vous vous orienterez un jour vers le B2C ?

Pour l’instant, ce n’est pas du tout notre préoccupation.

*Le format STL, pour « stéréolithographie », a été créé par l’entreprise 3D

Systems. C’est le format de fichier utilisé par la majorité des sociétés

travaillant dans l’impression 3D.

LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Innovations technologiques et performance industrielle

globale : l’exemple de l’impression 3D

Renée Ingelaere

Mars 2015

2015-07NOR  : CESL1500007XLundi 6 avril 2015

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Mandature 2010-2015 – Séance du 24 mars 2015

Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son bureau en date du 25 mars 2014 en application de l’article  3 de l’ordonnance no  58-1360 du 29  décembre  1958 modifiée portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Le bureau a confié à la section des activités économiques la préparation d’un avis et d’un rapport intitulés  : Innovations technologiques et performance industrielle globale : l’exemple de l’impression 3D. La section des activités économiques, présidée par M. Jean-Louis Schilansky, a désigné Mme Renée Ingelaere comme rapporteur.

INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE :

L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D

Avis du Conseil économique, social et environnemental sur le rapport présenté par

Mme Renée Ingelaere, rapporteur

au nom de la section des activités économiques

2 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Sommaire � Avis ____________________________________ 9

� Introduction 9

� L’impression 3D, une des technologies incontournables de l’ère numérique 10

� L’impression 3D constitue désormais une réalité industrielle 10

Ê Des progrès récents considérables 10

Ê Des applications concrètes dans de nombreux secteurs 11

� Un important potentiel de remise en cause du modèle productif actuel 11

Ê De la production de masse à la personnalisation des produits 11

Ê Des perspectives prometteuses pour une localisation de proximité des activités 12

Ê Des économies de matières premières et d’énergie 12

Ê De nouveaux acteurs dans les chaînes de production 13

Ê De nouvelles organisations du travail 13

Ê Makers et Fab-Labs, une nouvelle donne sociétale 13

� La France doit saisir cette opportunité de renforcer son offre productive et sa compétitivité globale 14

Ê Une part aujourd’hui modeste au niveau mondial 14

Ê Des atouts certains en matière de logiciels, de services et de matériaux 14

� Les préconisations du CESE à l’attention des pouvoirs publics et des professionnels : créer un « écosystème » favorable en France 15

� Une meilleure information sur l’impression 3D 15

� Un développement des formations et des qualifications à tous les niveaux 15

Ê Offrir des occasions de donner le goût des sciences et de l’innovation aux jeunes 16

Ê Créer de véritables spécialités 16

Ê Adapter la formation permanente aux nouveaux métiers 17

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 3

� Un indispensable effort de recherche-développement 18

Ê Encourager la recherche dans les laboratoires publics et favoriser les partenariats 18

Ê Favoriser les synergies entre les structures en charge de la valorisation de la recherche 19

� Renforcer le financement de l’innovation en France 19

Ê Améliorer le soutien public 19

Ê Mieux tirer parti des financements de l’Union européenne 20

Ê Structurer la recherche sur le long-terme (les « Investissements d’avenir ») 21

� Relever les nouveaux défis en matière de propriété intellectuelle et de sécurité 21

Ê Faire prendre conscience aux entreprises des nouveaux risques 22

Ê Sécuriser l’environnement juridique des entreprises 22

Ê Prendre en compte les impacts écologiques et de santé 23

� Participer davantage aux processus internationaux de normalisation 23

Ê Maintenir le processus de normalisation dans le cadre de l’ISO et du CEN 23

Ê Impliquer fortement les entreprises françaises intéressées 24

� Favoriser l’émergence d’activités et d’emplois dans les territoires 24

Ê Clarifier et accélérer les plans industriels liés aux innovations technologiques 24

Ê Développer de nouvelles unités de productiondans les territoires 25

Ê valoriser les atouts des entreprises françaises en logiciels et développement de nouveaux matériaux et en faire une stratégie volontariste de la France 25

Ê S’appuyer sur les aspirations à l’autonomie et à la création collective 25

� Conclusion 26

4 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

� Déclaration des groupes __________________ 27 � Scrutin __________________________________ 44 � Rapport _________________________________ 49

� Introduction 49

L’impression 3D, de la recherche à l’industrialisation ____________________________ 52

� Une technologie déjà « vieille » de plus de 30 ans 52

� Des premières réalisations prometteuses : du prototypage rapide à la personnalisation de masse 56

� L’état du marché mondial et les perspectives 62

� Le maintien de la suprématie des États-unis 62

� Les principales entreprises dans le monde 63

� Un potentiel de croissance significatif 65

� De l’utilisation professionnelle aux usages domestiques, une frontière de plus en plus floue (makers et fab-labs) 67

La réflexion et l’action des pouvoirs publics ___________________________ 70

� Les économies les plus avancées 70

� Les États-Unis 70

� L’Allemagne 72

� La Grande Bretagne 73

� Quelques états asiatiques 73

� La position de la France 75

� Le rôle de l’Union européenne 77

� La stratégie numérique de 2010 77

� La traduction de cette réflexion : le programme « Horizon 2020 » et la « renaissance industrielle européenne » 79

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 5

L’impression 3D et ses conséquences sur les activités productives ____________________ 81

� L’impact de l’impression 3D sur les modes de production 81

� L’impact économique 81

� L’impact écologique 82

� Questionnements sur l’activité professionnelle 83

� Le développement de nouveaux métiers et de nouvelles compétences… 84

� … mais quel impact sur le volume globale de l’emploi ? 85

� Formation et recherche publique/privée 87

� La formation à l’impression 3D 88

� La recherche institutionnelle et les structures de soutien et d’accompagnement 88

Ê Le CEA 89

Ê L’INRIA 90

� L’action de quelques structures de soutien et d’accompagnement 90

Ê Le réseau des instituts Carnot 91

Ê Les centres techniques 92

Ê Les pôles de compétitivité 92

Ê Le rôle de l’Association française de prototypage rapide (AFPR). 93

� Le financement 94

� Des exigences renouvelées en matière de sécurité 97

� Sécurité juridique : impression 3D et propriété intellectuelle 97

Ê La distinction entre usages commercial et privé 97

Ê Les pistes évoquées pour améliorer la régulation 100

6 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

� Les autres incertitudes inhérentes à la fabrication additive 102

Ê Les interrogations liées à la qualité des produits 102

Ê Les incertitudes sur l’impact environnemental 102

Ê La possibilité d’applications dangereuses 103

� Une « diplomatie » normative de plus en plus intense 103

� L’avance américaine 105

� L’internationalisation de l’activité normalisatrice 105

� Conclusion 108

Annexes _____________________________________ 109

Annexe n° 1 : composition de la section des activités économiques à la date du vote _________________________________________ 109

Annexe n° 2 : liste des personnalités auditionnées et rencontrées ___________________________________________ 111

Annexe n° 3 : liste des références bibliographiques_______________________ 113

Annexe n°4 : table des sigles ___________________________________________ 117

présenté au nom de la section des activités économiques

par Mme Renée Ingelaere

Avis Innovations technologiques et performance industrielle globale : l’exemple de l’impression 3D

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 9

INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE :

L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D1

Avis

IntroductionAlors même que les grands principes de l’impression 3D (ou « fabrication additive », les

deux termes pouvant aujourd’hui être utilisés indifféremment) ont été mis au point il y a une trentaine d’années, cette technologie n’a attiré que depuis trois ou quatre ans l’attention des médias grand public en raison de l’accroissement considérable de ses applications, réelles ou potentielles. Une sorte de consécration pour cette innovation a été atteinte lorsqu’elle a fait l’objet d’un signalement particulier du Président des États-Unis, Barack Obama, affirmant, dans son discours sur l’état de l’Union de février 2013, qu’elle « a le pouvoir de révolutionner la façon dont nous fabriquons presque tout ».

L’impression 3D recouvre en réalité toute une série de procédés qui ont en commun de fabriquer des objets par dépôt de couches successives extrêmement fines de matière, lesquelles sont solidifiées au fur et à mesure par une source d’énergie (laser, par exemple). Permettant d’adopter directement des formes précises et complexes, elle s’oppose aux méthodes traditionnelles dites «  soustractives  » par lesquelles la matière est usinée pour parvenir au résultat souhaité. La fabrication additive est pilotée par un logiciel qui se base lui-même sur un plan virtuel en trois dimensions : son développement est donc intimement lié à celui des technologies numériques.

L’impression 3D est ainsi désormais considérée - avec l’internet mobile, l’internet des objets, le Cloud computing, le Big data, l’automatisation des métiers du savoir, la robotique de pointe ou encore les matériaux avancés - comme l’une des technologies liées au numérique susceptibles de transformer profondément - dans des proportions qui demeurent certes encore à préciser - les modes de production et, par conséquent, les modèles économiques actuels.

Cette nouvelle technologie est donc représentative de toutes celles dont notre pays doit prendre rapidement la pleine mesure pour améliorer sa performance industrielle globale. Si elles ont naturellement été plus spécifiquement adaptées à la fabrication additive, les préconisations avancées ci-dessous par notre assemblée reposent sur des fondamentaux qui sont communs à l’ensemble de ces grandes transformations. En ce sens, l’impression 3D est un bon exemple des équations que notre économie et, plus largement, notre société doit résoudre, un cas pratique des difficultés d’acclimatation d’une innovation dans notre pays.

1 L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 168 voix pour et 2 abstentions (voir l’ensemble du scrutin en annexe).

10 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

L’impression 3D, une des technologies incontournables de l’ère numérique

Une innovation employée seulement dans des marchés de niche à haute valeur ajoutée ou qui a vocation à remplacer, à terme, la quasi-totalité des modes de production actuels ? S’il est encore trop tôt pour répondre avec certitude à cette question, il apparaît d’ores et déjà évident que la fabrication additive tiendra - et commence déjà à tenir - une place significative dans le nouveau paysage industriel mondial qu’elle pourrait bien contribuer à bouleverser. Une raison plus que suffisante pour que notre pays, là comme ailleurs, écarte le risque de laisser passer une occasion de contribuer à sa compétitivité globale par une diffusion large de cette technologie.

L’impression 3D constitue désormais une réalité industrielle

L’impression 3D a tout d’abord été utilisée pour le « prototypage rapide », permettant une amélioration en termes de délais, de coût et de prise en compte de la complexité dans la réalisation des maquettes et des travaux expérimentaux. Ce besoin demeure aujourd’hui important, par exemple pour les ingénieurs, les architectes ou les designers de produits (ainsi que pour certains artistes). La diffusion des machines de fabrication additive s’est également traduite par une production variée de petites pièces en plastique qui a pu, un temps, laisser croire que cette technique risquait d’être confinée à la diffusion de gadgets. Mais ces premières étapes apparaissent aujourd’hui clairement dépassées.

Des progrès récents considérablesLe développement permanent des capacités de cette technologie se traduit par une

amélioration combinée touchant à la fois la diversité des machines disponibles sur le marché (il existe aujourd’hui plus de 80 modèles de machines d’impression 3D industrielles dans le monde, auxquels s’ajoutent ceux utilisés par les particuliers), les vitesses de fabrication (dont les spécialistes estiment qu’elles doublent tous les deux ans) et la variété des matériaux qui peuvent désormais être utilisés.

Ces derniers, de l’ordre de 200 en 2014 et dont le nombre augmente chaque année, sont aujourd’hui constitués non seulement de plastiques et de composites mais aussi de métaux (et de leurs alliages), de céramiques ou encore de matières organiques. Les perspectives les plus fascinantes se profilent ainsi avec les immenses potentialités d’utilisation des tissus biologiques ou des nanomatériaux.

En outre, certaines machines sont désormais capables d’utiliser simultanément plusieurs matériaux de même nature, plastiques ou métaux et il sera sans doute possible, à l’avenir, d’employer en même temps plusieurs matériaux de nature différente. Des progrès immenses ont également été réalisés quant à la taille des produits fabriqués (allant de quelques centimètres à plusieurs mètres) et à leur précision (de l’ordre du micron).

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 11

Des applications concrètes dans de nombreux secteursLes activités les plus variées sont d’ores et déjà concernées, à des degrés divers, par ce

tournant.

C’est le domaine de la santé qui vient aujourd’hui le premier à l’esprit avec la mise au point de prothèses et d’implants sur mesure, parfaitement adaptés à chaque patient grâce à la numérisation de ses caractéristiques morphologiques. Les prothèses dentaires et auditives sont désormais couramment réalisées en impression 3D. Cette dernière est également utilisée pour la reconstruction faciale, non seulement pour la simulation des interventions délicates mais aussi pour les opérations elles-mêmes (la restauration de la fonction des organes posant encore des problèmes délicats à résoudre, notamment la revascularisation des tissus).

Le secteur aéronautique a également été l’un des tous premiers utilisateurs : des milliers de pièces complexes sont produites en fabrication additive pour les avions (ailes, moteurs). À noter que les agences spatiales (États-Unis, Europe, Japon) s’intéressent aussi de très près à cette technologie. De son côté, l’industrie automobile, au-delà des prototypes et de la réalisation d’outillages, commence à s’en servir pour la fabrication de pièces proprement dites. Dans le secteur de l’énergie, d’importantes dépenses d’investissements ont aussi été engagées par de grandes entreprises du secteur avec la perspective de réaliser des pièces de turbines à gaz.

On peut également citer, parmi les domaines les plus en pointe, la bijouterie y compris la joaillerie, l’horlogerie ou la cristallerie (pour la conception d’objets complexes d’un seul tenant et d’une extrême précision) et le secteur alimentaire (pour des professionnels et, à partir de capsules d’ingrédients frais prêts à l’emploi, pour les particuliers). L’industrie du jouet, celle de l’ameublement ou encore les professionnels du BTP (jusqu’à la construction de maisons), sans oublier les acteurs de l’internet - qui tendent à devenir globaux - réfléchissent sérieusement aux possibilités nouvelles offertes par l’impression 3D.

Un important potentiel de remise en cause du modèle productif actuel

Certes la fabrication additive est encore loin de pouvoir rivaliser avec les rendements (et donc les coûts de production par unité) de la production de masse qui caractérise aujourd’hui l’industrie. Mais, outre que les progrès évoqués plus haut commencent à permettre à certaines fabrications en grandes série de trouver leur équilibre économique, les atouts spécifiques de cette technologie pourraient bien être porteurs de changements profonds dans le fonctionnement de l’industrie manufacturière, voire dans l’organisation de la société tout entière.

De la production de masse à la personnalisation des produitsLe premier de ces atouts consiste à permettre, à partir d’un même investissement, la

production d’objets personnalisés, rendue possible à partir d’une modification des fichiers numériques de base. Cette « customisation » permet à l’utilisateur final - qu’il s’agisse d’un particulier créant ou modifiant un modèle à partir d’une imprimante 3D personnelle ou du client bénéficiant des services d’un intervenant professionnel - de choisir certaines

12 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

caractéristiques particulières du produit, voire d’être associé plus ou moins étroitement à sa conception même.

C’est ainsi qu’aujourd’hui la fabrication additive peut répondre aux besoins de petites séries très spécifiques, par exemple dans le sport automobile ou la bijouterie de luxe (pour aboutir à des pièces uniques d’une grande finesse).

Davantage tournées vers le grand public et des volumes de production plus importants, la fabrication de figurines à la demande ou la possibilité de choisir certaines formes ou les coloris de meubles montrent que les intervenants traditionnels ou de nouveaux concurrents plus réactifs seront amenés, plus ou moins rapidement, à prendre ce tournant.

Des perspectives prometteuses pour une localisation de proximité des activités

Cette nouvelle technologie porte en elle un potentiel de raccourcissement des distances et des délais entre la conception, la production et la consommation des produits. Alors que l’impression 3D est souvent associée, dans de nombreux rapports, à l’idée de « relocalisation de la production », il faut éviter de laisser croire que celle-ci pourrait se traduire par le retour de productions de masse actuellement réalisées dans les pays émergents. Il faut plutôt entendre par là qu’une partie significative des activités futures - à fort contenu numérique - pourrait se développer en favorisant une assise territoriale à proximité de leurs marchés de consommation. Cela suppose un écosystème qui soit favorable à l’impression 3D comme, par exemple, l’existence de nouvelles qualifications, ce qui soulève donc la question de formations initiales et continues adaptées.

Dans ce nouveau contexte, il faut bien souligner que l’impact global sur le volume de l’emploi demeure encore très incertain compte tenu, parallèlement, des suppressions dues à l’automatisation accrue des processus et de la réduction de l’activité, par exemple dans les transports et la logistique. On peut néanmoins s’attendre à un certain développement de l’emploi local appelant des qualifications de tous niveaux. Les PME du commerce et de l’artisanat, pour ne prendre que cet exemple, pourront ainsi jouer un rôle significatif dans le développement de la réparation des biens, facilitée par la possibilité d’imprimer les pièces détachées. Parallèlement à l’activité des particuliers pour leur propre compte, cette filière professionnelle apporterait des garanties de sécurité.

C’est donc bien à « l’usine du futur » qu’il faut se préparer, sachant que ce concept doit s’entendre comme la combinaison - dans un tissu productif renouvelé - d’entreprises de toutes tailles, depuis celles demandant d’importants investissements en capital jusqu’à des unités beaucoup plus petites et spécialisées situées à l’interface entre industrie et services.

Des économies de matières premières et d’énergieLa fabrication additive semble aussi présenter des avantages tangibles en termes

d’optimisation des ressources naturelles. Des économies de matières premières sont en effet permises - par comparaison aux procédés traditionnels de fabrication « soustractive » - en n’utilisant que les quantités strictement nécessaires. Cela conduit aussi à des économies d’énergie  : ainsi, par exemple, dans l’aéronautique, l’allègement du poids des avions qui résulte de l’impression 3D de certaines pièces se traduit-il par un gain de combustible.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 13

Le bilan environnemental de l’ensemble des activités économiques pourrait également s’améliorer grâce à la limitation des transports de marchandises due à une fabrication plus proche du marché.

Simultanément, le recyclage des matériaux utilisés (avec une consommation accrue des matières plastiques qui constituent aujourd’hui encore l’essentiel des matériaux utilisés) et les risques de pollution de l’air (microparticules) restent une préoccupation qu’il faut impérativement prendre en compte.

De nouveaux acteurs dans les chaînes de productionIl sera également nécessaire de lever certaines inquiétudes relatives à la qualité et à la

sécurité des produits ainsi qu’à la détermination des responsabilités en cas de malfaçons et de dommages compte tenu du nombre accru d’intervenants nouveaux tout au long de la chaîne de production (fabricants et vendeurs de machines et de matériaux, concepteurs des logiciels et des fichiers numériques, fabricants proprement dits, qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un particulier).

Ce point est particulièrement sensible en ce qui concerne le domaine de la santé et la fabrication des dispositifs médicaux par impression 3D. L’avis du CESE sur La place des dispositifs médicaux dans la stratégie nationale de santé (rapporteurs  : Thierry Beaudet et Edouard Couty, janvier 2015) a formulé des préconisations pour assurer la sécurité et la qualité de ces dispositifs.

De nouvelles organisations du travailLa généralisation progressive des technologies numériques transforme en

profondeur les organisations du travail. La technique de l’impression 3D peut amplifier ces transformations par les liens plus directs qu’elle permet entre innovation, conception et réalisation des productions. Associé à un mode de management plus coopératif, elle peut aussi favoriser des formes de travail plus transversales et collaboratives faisant davantage appel à la créativité de chaque salarié.

Makers et Fab-Labs, une nouvelle donne sociétaleAu-delà des transformations potentielles dans le domaine économique, c’est bien la

société dans son ensemble qui semble devoir être affectée par ces nouvelles technologies qui n’offrent pas seulement de nouveaux outils mais une nouvelle approche dans les démarches d’innovation. C’est ainsi que la philosophie basée sur le Do it yourself (« faire les choses soi-même ») et sur le partage des informations (l’open source), alliée à la généralisation rapide de l’utilisation des technologies numériques (parmi lesquelles l’impression 3D), a donné naissance au mouvement des Makers et à de nouveaux lieux - à la fois points physiques de rencontre et espaces interconnectés - les Fab-Labs.

Il en résulte aujourd’hui une frontière de plus en plus poreuse entre l’activité purement personnelle (loisir, bricolage) et la création d’entreprises, notamment artisanales, ayant potentiellement accès à un marché quasiment mondial. C’est cette nouvelle réalité qui doit impérativement être prise en compte pour mettre en place un écosystème favorable à l’innovation dans notre pays.

14 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

La France doit saisir cette opportunité de renforcer son offre productive et sa compétitivité globale

L’impression 3D a été inventée au même moment (1984) en France et aux États-Unis. Mais l’excellent niveau de recherche ne s’est pas aussitôt transformé, de ce côté-ci de l’Atlantique, en activité économique. Il y a bien urgence aujourd’hui à définir une stratégie claire et déterminée dans ce domaine.

Une part aujourd’hui modeste au niveau mondialLes données publiées dans le Wohlers Report 2014 montrent une nette prédominance

des États-Unis qui représentent 38 % du nombre total des imprimantes 3D installées à ce jour dans le monde, assez loin devant le Japon, l’Allemagne et la Chine (de l’ordre de 9 % chacun). Dans ce classement des utilisateurs, la France apparaît au 7e rang mondial avec un peu plus de 3 %, un peu derrière le Royaume-Uni et l’Italie et devant la Corée du Sud.

Les États-Unis comptent également les deux leaders mondiaux du secteur, 3D Systems et Stratasys qui procèdent régulièrement à des acquisitions - tant dans le domaine des équipements professionnels que dans celui des imprimantes  3D personnelles - pour maintenir leur position dans le foisonnement actuel de créations au sein d’un secteur qui est encore loin d’être arrivé à maturité. Au niveau européen, les entreprises allemandes sont en pointe, tout particulièrement sur le segment, encore réduit mais en forte croissance, des machines utilisant des poudres métalliques.

En France, les acteurs significatifs dans la fabrication de machines apparaissent aujourd’hui en nombre très limité après le rachat en 2013 de la société Phénix Systems par 3D  Systems. L’industrie indépendante de machines professionnelles d’impression 3D en France repose désormais essentiellement sur le groupe Gorgé via sa filiale Prodways, notamment spécialisée dans les imprimantes 3D pour prothèses dentaires et qui se positionne sur les marchés du médical, de l’aéronautique ou encore de la joaillerie. On peut également signaler la « jeune pousse » alsacienne BeAM, active dans l’industrie aéronautique.

Des atouts certains en matière de logiciels, de services et de matériaux

Si le marché des équipements échappe désormais largement aux entreprises françaises, il faut aussitôt souligner qu’au sein du marché global de l’impression  3D (3  milliards de dollars au niveau mondial en 2013), ces machines n’en représentent qu’un tiers (1 milliard de dollars), la moitié étant constituée des services qui lui sont associés (1,5 milliard de dollars), le solde correspondant aux matériaux utilisés (0,5 milliard de dollars).

Pour bénéficier de l’important potentiel de croissance d’un marché encore en phase de décollage (de l’ordre de 33  % par an, avec la perspective d’un marché global de la fabrication additive qui pourrait dépasser les 20 milliards de dollars en 2020), les entreprises françaises devraient prioritairement s’appuyer sur les atouts qui leur sont reconnus dans le domaine des logiciels (avec des leaders mondiaux tels que Dassault Systèmes), des services (à l’exemple de Sculpteo) ou de la recherche sur de nouveaux matériaux.

Parallèlement, il est indispensable que l’appropriation de cette technologie progresse au sein du tissu industriel et artisanal de notre pays, tout particulièrement au sein des PME,

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 15

les quelques études de terrain disponibles montrant encore une grande méconnaissance des possibilités offertes par l’impression 3D.

Les préconisations du CESE à l’attention des pouvoirs publics et des professionnels : créer un « écosystème » favorable en France

Il s’agit ici d’envisager les principales conditions d’une intégration la plus rapide possible de la fabrication additive et de ses applications dans l’appareil productif de notre pays. Comme pour la plupart des innovations technologiques, des améliorations sont à apporter dans les domaines de la formation, de la recherche-développement et du financement. Il convient également de s’interroger sur les modifications parfois profondes à prendre en compte en matière de sécurité juridique et de normes. Enfin et surtout, il est indispensable d’examiner les implications potentielles de l’intégration de cette nouvelle technologie en matière de développement des activités économiques et de création d’emplois sur le territoire.

Une meilleure information sur l’impression 3DLes travaux de notre assemblée ont révélé un déficit d’information tant des entreprises

que du grand public sur l’impression 3D, sur la nature, le rythme et le contenu des transformations qui peuvent en découler pour le système productif, la structuration de la chaine de valeur, les métiers et l’organisation du travail.

C’est pourquoi, afin de permettre ou d’aider à la mise en œuvre des autres recommandations du présent avis, le CESE demande aux acteurs économiques et sociaux de prendre les moyens d’observer les évolutions en cours dues aux technologies du numérique, parmi lesquelles l’impression 3D, notamment dans le cadre des observatoires analytiques prospectifs des métiers et des qualifications, sur les territoires et dans les branches professionnelles, d’informer toutes les parties intéressées de leurs analyses prospectives et d’adapter, pour ce qui les concerne directement, leurs politiques d’anticipation de ces évolutions (GPEC, formation, qualifications, normes, etc.).

Le CESE invite les pouvoirs publics, le Conseil national de l’industrie (CNI), avec ses comités stratégiques de filière, et la commission nationale des services à susciter des analyses prospectives pour enrichir leurs travaux et ainsi mieux définir leurs actions.

Un développement des formations et des qualifications à tous les niveaux

La France ne peut espérer constituer un écosystème favorable au développement de l’impression 3D - comme de toute autre innovation de cette ampleur - que si elle se donne les moyens d’augmenter en permanence le niveau des connaissances et des compétences dans ce domaine.

16 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Offrir des occasions de donner le goût des sciences et de l’innovation aux jeunes

Il existe une réelle désaffection à l’égard de la science et de ses métiers qui mène à l’affaiblissement de la culture de l’innovation dans notre pays, que notre assemblée a souvent relevée (cf. La compétitivité  : enjeu d’un nouveau modèle de développement, rapporteur  : Isabelle de Kerviler, 2011). Une meilleure reconnaissance des métiers scientifiques conduirait nombre de diplômés de nos écoles d’ingénieurs à faire valoir leurs formations et leurs capacités dans ces secteurs plutôt que dans d’autres activités comme la finance.

Alors que l’innovation basée sur le numérique ne fait que se développer, les différentes enquêtes sur l’innovation (conduites notamment par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), et par l’Union européenne) montrent que les entreprises considèrent le manque de personnel qualifié comme un des principaux obstacles à l’innovation.

L’enseignement de l’informatique sous ses différentes formes et l’immersion dans l’univers du numérique doivent être prévus le plus tôt possible dans le cursus scolaire (primaire, collège) et être valorisés tant auprès des garçons que des filles. Une plus grande mixité des métiers de l’informatique et du numérique est une nécessité pour répondre aux besoins de l’économie. Dans le cadre d’une refonte du programme scolaire au Royaume-Uni destiné à mieux préparer les jeunes actifs de demain, le ministère de l’éducation britannique a débloqué 500 000 livres pour aider les écoles à s’équiper en imprimantes 3D et prévoit l’apprentissage de la programmation informatique et l’utilisation d’imprimantes 3D dès l’âge de cinq ans. Le CESE préconise qu’un programme ambitieux soit expérimenté dans ce sens en France.

Il devrait s’agir d’une démarche autorisant l’expérimentation et la manipulation, ce que l’impression 3D facilite, à la suite des programmes de « La main à la pâte » au milieu des années 1990. Le contexte apparait particulièrement favorable dans la mesure où, pour les enfants du XXIe siècle, l’informatique sous toutes ses formes est tout sauf une «  nouvelle technologie » puisqu’ils n’ont jamais connu le monde sans elle. Si l’on suit les réflexions et propositions de l’Académie des sciences en mai 2013 («  L’enseignement de l’informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre  »), c’est au primaire que doit commencer la sensibilisation des jeunes enfants, poursuivie par l’acquisition de l’autonomie, initiée au collège. La phase du perfectionnement, quant à elle, doit intervenir au lycée. Elle doit également concerner les jeunes des Centres de formation d’apprentis (CFA) en lien avec les spécialités professionnelles préparées.

Parallèlement, le CESE considère que, pour le corps enseignant, des formations adaptées à ces différents niveaux d’apprentissage devront impérativement être proposées.

Notre assemblée considère que le développement des Fab-Labs locaux répond aussi à cette nécessité d’initiation attractive aux technologies numériques le plus en amont possible.

Créer de véritables spécialitésLe rapport a montré que les formations à l’impression 3D sont assez peu visibles, en

comparaison d’autres spécialités du numérique, comme la robotique par exemple. Seuls quelques lycées professionnels, des universités et des écoles d’ingénieurs proposent des

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modules de formation telle que, par exemple, la filière « Ingénieur informatique et applications ingénierie graphique et technologies 3D  » proposée par l’ESIEE Paris (école d’ingénieurs consulaire). Lorsque les professionnels - industriels - sont interrogés, ils ne manquent pas de déplorer cette situation qui impose de facto la mise en œuvre de formations maisons.

Pour le CESE, il est indispensable de créer ou de mieux faire apparaitre les pôles d’excellence de la formation 3D du niveau «  écoles d’ingénieurs  », qu’il s’agisse de la fabrication des machines, de l’élaboration des logiciels ou de l’ensemble des services associés. La constitution de plusieurs pôles en réseau donnerait la visibilité indispensable aux compétences nationales. À l’heure de l’économie de réseau, il n’est pas opportun de procéder à un regroupement physique. Mieux vaudrait créer un signe distinctif dans le cadre, par exemple, des instituts Carnot donnant une information contrôlée sur les formations dispensées.

Si pour ce qui concerne la formation des ingénieurs et techniciens, de véritables spécialités 3D se justifient, le développement de nouvelles compétences professionnelles spécialisées s’impose aussi dans les domaines logistiques, commerciaux, juridiques et, plus généralement, dans les activités de services. Ces compétences « technologiquement intensives  » peuvent tout particulièrement concerner la fonction de l’éco-efficience qui implique une optimisation dans l’utilisation des ressources.

Il importe également d’encourager le développement des formations à l’utilisation de l’impression 3D au sein des Universités régionales des métiers et de l’artisanat (URMA) qui dispensent des formations du CAP jusqu’à la licence.

Adapter la formation permanente aux nouveaux métiersLa vitesse à laquelle l’innovation numérique pénètre le monde de la production est

sans égale avec ce qui était connu traditionnellement et qui permettait à chacun une réelle adaptation à la nouveauté technique. Les besoins des entreprises en termes de qualifications ne sont pas toujours satisfaits par le système de la formation initiale. Le nombre d’étudiants sortant chaque année des écoles d’ingénieurs ou des universités ne suffit pas à couvrir la demande de l’appareil productif. Le rôle de la formation permanente est alors déterminant d’autant qu’on constate une accélération de l’obsolescence des compétences. Certes, les connaissances que l’on pourrait qualifier de base demeurent  ; néanmoins, le recours à des cycles de formations spécifiques de durées variables est désormais une composante de la formation permanente et justifie le développement d’une veille relative aux qualifications et à leur évolution, étroitement associée à une veille technologique sur les perspectives de l’impression 3D.

Notre assemblée engage à la réflexion sur certains domaines de formation qui correspondent à des spécialités numériques naissantes ou très spécialisées. Ces compétences, comme le souligne le secteur professionnel du numérique, sont celles que les entreprises demandent pour certains de leurs services (marketing, communication ou commerciaux). Cependant, elles éprouvent beaucoup de difficultés à satisfaire leurs besoins de recrutement et, de ce fait, recherchent les savoir-faire au sein des sociétés prestataires dans ces domaines.

Il faut souligner que les besoins en formation continue à l’usage des imprimantes 3D doivent d’ailleurs concerner tous les secteurs d’activité et pas uniquement les professionnels du numérique. Le CESE souligne le rôle des organisations professionnelles et des chambres consulaires pour, d’une part, contribuer à la sensibilisation des

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professionnels sur les opportunités offertes par cette nouvelle technologie et pour, d’autre part, participer au développement de formations dans ce domaine.

Un indispensable effort de recherche-développementEn matière de R&D, les progrès sont à attendre, non seulement en termes de montants

investis mais également d’accroissement de leur efficacité.

Encourager la recherche dans les laboratoires publics et favoriser les partenariats

Notre assemblée s’est interrogée à de multiples reprises sur les logiques présidant à la structuration du dispositif de la recherche en France ainsi qu’à son financement. Depuis près de vingt ans, de nombreux dispositifs ont été créés et très peu supprimés, ce qui aboutit à en rendre le système peu lisible et parfois redondant.

La recherche publique en France est de qualité reconnue et justifie le maintien de notre pays dans le peloton de tête de la recherche. Dans le domaine du numérique et particulièrement de l’impression 3D, le rapport a montré que la recherche - quel que soit le pays où elle s’opérait - se situait à un stade tel que les coûts étaient souvent partagés entre les budgets publics et ceux des entreprises, ce qui constitue un partenariat d’importance. Ce fait se vérifie particulièrement aux États-Unis par le jeu des différentes agences fédérales. Il se concrétise aussi en Allemagne fédérale par le biais des instituts Fraunhofer.

En France, depuis quelques années, l’accroissement de l’impact économique de la recherche publique (laboratoires, universités) par le transfert de la R&D vers la production et la commercialisation, est devenu un objectif prioritaire et, à ce titre, est intégré dans l’agenda stratégique «  France Europe 2020  ». Ainsi, certains des grands organismes de recherche publics assurent des partenariats avec des entreprises. Tel est le cas du CEA LITEN avec l’entreprise Prodways du groupe Gorgé. Ce partenariat consiste, pour le LITEN, à remplir un rôle d’accélérateur d’innovation au service des industriels et contribue à placer l’entreprise dans une position de leader sur différents segments du marché de l’impression 3D en pleine expansion.

Pour le CESE, ce type de partenariat entre recherche publique et entreprises innovantes est naturellement à développer, d’autant que les entreprises spécialisées dans la technique de la 3D sont, à quelques exceptions près, plutôt des PME que des ETI ou de grands groupes. Une accélération de la recherche s’impose tout particulièrement dans un domaine où la France dispose d’atouts importants, celui des matériaux innovants (métaux et leurs alliages, matières organiques).

Dans cette optique, le CESE apprécie et suivra avec intérêt la mise en place et les développements de l’appel à projets « LabCom » de l’Agence nationale de la recherche qui vise à la création de 100 laboratoires communs entre recherche académique et PME ou ETI et à faciliter, ainsi, le rapprochement de la recherche publique avec le monde de l’entreprise.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 19

Favoriser les synergies entre les structures en charge de la valorisation de la recherche

La valorisation de la recherche est assurée par un nombre important de structures, à tel point que la Cour des comptes a pu évoquer à leur sujet « un dispositif foisonnant ». Il n’en demeure pas moins que ce foisonnement rend l’ensemble peu lisible notamment pour les acteurs du terrain, surtout si on y ajoute quelques structures à vocation européenne.

La multiplicité des dispositifs induit aussi, selon l’OCDE, « une impossibilité - ou du moins des difficultés - quant à la coordination et au pilotage des dispositifs pour atteindre les objectifs fixés par l’État ». Elle ne facilite guère, non plus, la recherche par les petites entreprises des meilleurs interlocuteurs en réponse à leurs besoins.

Notre assemblée perçoit l’intérêt des instituts Carnot, des pôles de compétitivité, des instituts de recherche technologique, ainsi que celui des Sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT), créées dans le cadre du fonds national de valorisation et du programme d’investissements d’avenir. Elle perçoit, tout autant, l’intérêt des centres techniques industriels qui fonctionnent avec l’appui des organismes professionnels et qui irriguent l’ensemble du territoire ainsi que celui des pôles d’innovation de l’artisanat.

Néanmoins, pour le CESE, il y a urgence, à l’heure de la « révolution numérique », d’organiser les synergies nécessaires pour dégager un guichet unique accessible aux entreprises.

L’objectif de cette initiative est de renforcer sur tous les territoires les liens entre les acteurs de l’écosystème d’innovation, la détection de projets et leur accompagnement vers le marché.

Renforcer le financement de l’innovation en FranceTrouver des sources de financement est nécessaire à tous les stades de développement

d’une innovation, depuis la recherche initiale jusqu’à la mise sur le marché, la phase la plus périlleuse étant souvent le passage aux démonstrateurs puis le processus d’industrialisation.

Si de nouveaux instruments existent déjà ou se mettent en place - Crédit d’impôt recherche (CIR), aide des grands groupes aux PME innovantes (corporate venture), dispositifs à l’initiative des territoires, financement participatif (crowdfunding)... -, il reste aujourd’hui nécessaire de combler certaines lacunes dans la trajectoire du financement.

Améliorer le soutien publicBpifrance est un acteur essentiel des politiques de soutien à l’innovation en France qui

supplée le rôle aujourd’hui très insuffisant du système bancaire dans le financement de l’économie et, tout particulièrement, de l’innovation. Créée en 2013, de la fusion d’OSEO, de CDC-Entreprises et du fonds stratégique d’investissement, la banque publique offre une palette d’outils complémentaires au service des PME et ETI et ses interventions se caractérisent par leur capacité d’entraînement.

Outre son action qui s’accompagne d’une offre bancaire classique, Bpifrance développe des outils de financements complémentaires répondant à des besoins spécifiques des entreprises insuffisamment couverts par le marché : prêts de développement, de création, financements de court terme. Elle apporte aussi des garanties pour permettre le financement

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de projets plus risqués sur trois segments : la création d’entreprises ou leur transmission ; les prêts de développement des entreprises ; le renforcement de leur trésorerie.

Bpifrance s’est emparée de l’impression 3D récemment dans le cadre de séminaires thématiques ayant pour objet de faire travailler ensemble des entreprises de toutes tailles sans omettre la recherche académique et en s’appuyant sur un avantage comparatif national que l’on peut résumer ainsi : la France est un des pays les plus numériques dans le monde mais n’est pas en avance dans l’utilisation de cette technologie dans l’entreprise. Alors que, selon certains experts, la bataille de la production de machines semble être perdue, il reste dans les domaines des logiciels et des services, des segments importants sur lesquels les entreprises françaises sont bien placées dès lors qu’elles sont soutenues dans leurs efforts.

Le CESE préconise que Bpifrance dispose de moyens humains et financiers suffisants afin de poursuivre ses efforts dans la durée et atteindre ainsi - grâce à un effet de levier - ses objectifs affichés dans le secteur de l’impression 3D.

Comme l’a souligné le Conseil national de l’industrie, la comparaison internationale du taux de satisfaction des demandes de prêts bancaires des PME, réalisée par la Banque centrale européenne, place la France à un niveau nettement moins favorable que l’Allemagne. Les chefs d’entreprise déplorent une insuffisante connaissance du secteur de l’industrie de la part des établissements bancaires de proximité. Dans ce contexte, le CESE invite le secteur bancaire à construire dans la durée des relations de confiance entre les PME et les responsables des établissements de crédit.

Parallèlement, afin notamment de pallier l’attitude frileuse du système bancaire français, le CESE recommande aux pouvoirs publics de mettre en place une incitation à orienter l’épargne longue gérée par les investisseurs (y compris les compagnies d’assurance) vers l’innovation et la prise de risque.

Le CESE invite également les collectivités territoriales à s’associer avec des partenaires locaux pour lancer des fonds de financement de l’innovation à l’instar des premières expériences régionales dans ce domaine (Auvergne, Nord-Pas de Calais...). L’ancrage territorial des activités productives ne pourrait qu’en sortir renforcé.

Mieux tirer parti des financements de l’Union européenneLes différents Programmes-cadres de recherche et développement technologique

(PCRDT) de l’Union européenne représentent des enjeux d’importance. Les bilans tirés des sept PCRDT font apparaitre le même constat après chaque campagne : la participation française est relativement faible et inférieure au montant de sa contribution au budget de l’Union. La France a ainsi reçu 8,2 % du total des contributions versées au titre du 7e PCRDT (2007-2013) dans le domaine qui comprend les « matériaux et nouvelles technologies de production », se situant au 5e rang, loin derrière l’Allemagne (20,3 %). Il y aurait là, pour le CESE, un champ intéressant d’investigation d’autant que les PCRDT représentent, depuis quelques décennies, le seul moyen d’une action concertée de recherche communautaire sur certaines thématiques.

Le 8e PCRDT «  Horizon 2020  », entré en vigueur en 2014, comporte des priorités répondant aux attentes des acteurs français de la recherche et regroupera les différents programmes communautaires de recherche et d’innovation en un seul document.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 21

L’agenda stratégique français «  France Europe 2020  » ambitionne d’organiser et de renforcer le dispositif national d’accompagnement sur les projets européens notamment ceux portant sur « l’usine du futur ».

On soulignera de nouveau que les moyens financiers alloués au 8e PCRDT ont fortement crû sur proposition de notre pays (de 54 % par rapport au précédent PCRDT) passant de 50 à 77 milliards d’euros.

Pour le CESE, le programme « Horizon 2020 » est une occasion importante à saisir pour la structuration de la recherche européenne et nationale - et leur déclinaison territoriale - concernant les technologies du numérique. Les montants qui seront alloués à ces technologies devraient permettre au continent européen de ne pas se laisser distancer par les États-Unis et les économies d’Asie.

Enfin, notre assemblée souligne l’avancée effectuée par l’Union européenne au service de l’innovation par la création d’instruments de financement du risque pour les PME. Cet effort est relayé en France par Bpifrance qui propose également des formations au financement du risque à destination des intermédiaires de l’accompagnement. Le CESE insiste sur la nécessité d’améliorer encore l’accompagnement des entreprises petites et moyennes dans le montage de ces dossiers, en particulier en rendant le dispositif européen beaucoup plus lisible.

Structurer la recherche sur le long-terme (les « Investissements d’avenir »)

La structuration de la recherche sur le long terme est assurée par les investissements d’avenir. Le secteur du numérique constitue l’un des axes stratégiques retenus à la fois en sa qualité de secteur porteur de croissance mais aussi par son « impact diffusant sur le reste de l’économie, en contribuant à améliorer la compétitivité globale de l’industrie et des services et en étant le support d’offres innovantes dans tous les secteurs » (rapport Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national, Michel  Rocard et Alain Juppé, 2009).

Un deuxième programme d’investissements d’avenir a été annoncé en juillet 2013 pour financer certaines priorités de la transition énergétique mais aussi de l’innovation, de la compétitivité industrielle, du numérique, de la recherche et de la santé. Un montant de 12 milliards d’euros a été ouvert à ce titre par la loi de finances initiale pour 2014.

Le CESE insiste pour que les sommes dégagées constituent un investissement de long terme pour la recherche et ses applications.

Relever les nouveaux défis en matière de propriété intellectuelle et de sécurité

On a vu que le développement de la fabrication d’objets par la technique de l’impression 3D est étroitement lié aux progrès les plus récents enregistrés dans le domaine de la numérisation. Il est donc logique de retrouver ici les questions déjà soulevées depuis quelques années par les secteurs de l’édition (musique, films, livres…) en matière de protection des droits des créateurs. La problématique du respect de la propriété littéraire et

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artistique (le droit d’auteur et ses droits voisins) est, en effet, sensiblement la même que celle du respect de la propriété industrielle (brevets, dessins et modèles, marques).

Parallèlement, l’application de la règle traditionnelle du Code civil qui incrimine le «  fabricant  » en cas de dommages causés par une malfaçon doit s’adapter à l’apparition de nouveaux intervenants dans la chaîne de production (créateurs de fichiers numériques, plateformes de partage ou de vente, services d’impression…). Il en va de même pour la responsabilité élargie du producteur qui rend celui-ci responsable du bien qu’il fabrique y compris pour sa fin de vie (recyclage ou traitement).

Faire prendre conscience aux entreprises des nouveaux risquesIl apparaît tout d’abord que les règles juridiques en vigueur ne sont pas, dans leur

principe même, remises en cause par les innovations numériques, en l’occurrence par l’impression 3D  : ainsi, en l’absence d’autorisation du titulaire des droits, la fabrication de l’objet protégé sera considérée comme une contrefaçon impliquant aussi bien le producteur que le client final, quelle que soit la technologie employée. Dans le cas de la fabrication additive aussi, ce sera le rôle de la jurisprudence d’établir les responsabilités de chacun et donc de clarifier progressivement le cadre juridique.

À ce stade, il est donc primordial d’attirer l’attention des entreprises qui se lancent dans la fabrication additive sur les risques encourus, tout particulièrement dans une période de jurisprudence naissante. Pour le CESE, les différentes instances consulaires - dans le cadre de leurs nouvelles stratégies et en liaison avec les fédérations professionnelles - devraient se mobiliser et se donner les moyens en matière de conseil et de formation pour permettre aux entrepreneurs d’éviter les deux écueils contraires : se lancer inconsidérément dans une nouvelle technologie ; laisser passer une occasion de développer leurs activités par crainte d’un risque non maîtrisé.

Sécuriser l’environnement juridique des entreprisesLe droit de l’usage privé - qui considère, globalement, que la contrefaçon n’est pas

établie lorsqu’une copie est réalisée en dehors de toute relation commerciale - semble susciter une inquiétude particulière dans la mesure où l’impression 3D pourrait permettre aux particuliers de fabriquer - pour leurs besoins personnels mais au détriment de l’activité des professionnels - des objets usuels en nombre important.

Il faut tout d’abord souligner que, compte-tenu des contraintes techniques et de coût, ce risque est encore très loin de correspondre à une réalité tangible. Ensuite, les mésaventures du dispositif Hadopi ont prouvé qu’il sera de plus en plus illusoire d’essayer de faire porter la responsabilité sur les utilisateurs finaux (dont la suppression du principe même de l’exception de copie privée - en droit d’auteur - ou d’usage privé - en droit de la propriété industrielle - ne serait qu’une variante).

Certaines formes nouvelles de régulation doivent pouvoir cependant permettre de concilier un encadrement juridique accru de ce nouveau mode de production et son développement. Au-delà des dispositifs techniques d’accès conditionnels («  Gestion des droits numériques  ») qui peuvent être mis en place par les entreprises elles-mêmes, le CESE considère notamment que la responsabilité des plateformes d’intermédiation (hébergeurs de fichiers) devrait être plus clairement engagée afin de les inciter à réellement contrôler le caractère licite des fichiers qu’elles hébergent.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 23

Plus largement et compte-tenu de l’ampleur des enjeux en termes économiques et d’emploi, le CESE encourage les pouvoirs publics à soumettre au débat leurs propositions, notamment dans le cadre de la « grande loi sur le numérique » annoncée il y a plusieurs mois mais qui tarde à se concrétiser et qui devrait notamment préciser de nouveaux dispositifs juridiques de protection face à la contrefaçon.

Prendre en compte les impacts écologiques et de santéComme l’avait déjà souligné l’avis du CESE sur les Transitions vers une industrie économe

en matières premières (rapporteur  : Yves Legrain, 2014), le concept d’économie circulaire prend en compte l’ensemble du cycle de vie des produits et repose sur l’écoconception, privilégie l’allongement de la durée de vie des produits et anticipe leur recyclage. Elle est complémentaire de l’écologie industrielle qui vise à optimiser la circularisation des flux de produits et déchets et le développement d’une économie de l’usage.

Dès la conception, les critères de durabilité, de modulabilité, de réparabilité et de recyclabilité doivent être intégrés.

Par ailleurs, face aux risques de pollution de l’air et d’impact sur la santé lors des processus de fabrication additive, le CESE attire l’attention des acteurs sur le respect de la législation en vigueur concernant les matériaux, les équipements et leur utilisation.

Participer davantage aux processus internationaux de normalisation

S’ils ont assurément un coût direct ou indirect pour les entreprises, ces processus sont particulièrement utiles dans la diffusion de l’innovation en apportant des garanties aux entreprises. Il reste que participer le plus étroitement possible à la définition des nouvelles normes peut se révéler être un atout concurrentiel significatif.

Maintenir le processus de normalisation dans le cadre de l’ISO et du CEN

Symbole du passage au stade de l’industrialisation, l’activité de normalisation internationale de l’impression 3D se développe sur un rythme rapide. Ainsi, au niveau international, le nombre des pays participants ne cesse de croitre et les représentants des pays asiatiques s’ajoutent à ceux des États-Unis et de l’Europe. D’après les dernières informations en notre possession, le programme de normalisation s’étoffe et plusieurs groupes de travail supplémentaires se sont mis à l’œuvre.

On sait, certes, que les normes sont en principe d’application volontaire. Néanmoins, certaines, ayant valeur règlementaire, entraînent une application obligatoire. De leur respect, dépend, par exemple, la possibilité d’accéder à certains marchés, y compris des marchés sur appels d’offre internationaux. Le CESE considère comme de la première importance que la normalisation soit portée au niveau de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et du Comité européen de normalisation (CEN), ce qui permet ainsi une confrontation entre organes nationaux ou « régionaux » de normalisation.

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Impliquer fortement les entreprises françaises intéresséesLe CESE a noté avec intérêt que notre pays et notre industrie sont représentés par l’Union

de normalisation de la mécanique (par délégation de l’AFNOR). Le tissu entrepreneurial de l’impression 3D en France ne comptant pas suffisamment de grandes entreprises fortement intéressées, tout au moins dans la fabrication des machines, il est clair que cette représentation garantit une présence active de notre pays dans les comités chargés de rédiger les différents textes techniques. La veille technique est, en tout état de cause, déterminante pour apprécier les évolutions dans le système de normalisation.

Le CESE invite à une plus forte implication des entreprises françaises dans les comités de normalisation dédiés, le cas échéant par l’intermédiaire de leurs fédérations professionnelles.

Le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique a mis en place un dispositif d’aide financière afin d’encourager la participation des PME dans les travaux de normalisation européens et internationaux. L’aide financière est allouée à des experts issus de PME qui souhaitent s’investir dans ces travaux via une structure collective (association professionnelle, pôle de compétitivité) qui sera titulaire de la convention. Le CESE souhaite que ce dispositif fasse davantage l’objet d’une promotion auprès des PME afin qu’il soit utilisé de manière optimale.

Favoriser l’émergence d’activités et d’emplois dans les territoires

Les nouveaux outils numériques autorisent une production plus efficace et plus libre. À cet égard, l’impression 3D permet de personnaliser les objets - il suffit de modifier le fichier numérique -, de rentabiliser de courtes séries et de flexibiliser l’organisation de la chaîne de production.

Pour de nombreux experts, l’impression 3D pourrait permettre la « relocalisation » des moyens de production industriels dans les pays développés. Les professionnels du secteur font tous référence à cette possibilité, étant entendu, cependant, qu’il serait illusoire de penser à un retour à l’identique. Parce que l’impression 3D offre l’occasion d’innover de manière plus agile et de gagner de la rapidité dans l’innovation, elle possède les atouts qui permettent de développer de nouvelles activités sur les territoires.

Clarifier et accélérer les plans industriels liés aux innovations technologiques

Des projets de réindustrialisation ont fait, depuis quelques années, leur apparition dont le soutien aux filières et secteurs industriels, illustré par la mise en place d’un Conseil national de l’industrie et par les 34 plans de « La nouvelle France industrielle ». Parmi ces plans, celui intitulé « Usine du futur » précise qu’il « permettra à la France d’être au rendez-vous du prototypage rapide, de la convergence des réseaux sociaux, de l’hyper-connexion des entreprises, des interfaces homme-machine, de la robotique, de la réalité augmentée, du numérique, de l’impression 3D, de l’intelligence artificielle et du design ».

Le CESE souhaite une clarification rapide des intentions des pouvoirs publics quant à l’avenir des 34 plans industriels et, plus particulièrement, celui dédié à

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« l’usine du futur » dont le financement des sept expériences pilotes n’est pas encore assuré. En effet, la définition d’une vision claire de la politique industrielle qui sera menée dans les prochaines années - pour la promotion de la fabrication additive comme des autres innovations technologiques - est indispensable pour que puisse se mettre en place un système productif adapté à la compétition mondiale.

Développer de nouvelles unités de productiondans les territoiresLe CESE considère que le développement des technologies du numérique, et

notamment celle de l’impression 3D, doit être davantage pris en compte et encouragé dans la démarche globale de transition vers une économie plus circulaire.

Le développement « industriel » de l’impression 3D pourrait avoir comme conséquence de mieux répondre à la demande du marché en petites séries et générer le développement de petites unités de production.

La fabrication additive est d’ailleurs elle-même une technologie qui se prête particulièrement bien à la production de pièces détachées, donc au développement des activités de réparation qui est potentiellement génératrice d’emplois locaux. Elle se prête au développement d’une filière maintenance et réparation. Le CESE recommande que les fabricants puissent permettre aux réparateurs agréés d’avoir accès aux fichiers 3D de fabrication des pièces détachées et aux modes de réparation.

valoriser les atouts des entreprises françaises en logiciels et développement de nouveaux matériaux et en faire une stratégie volontariste de la France

Les entreprises françaises ont des atouts reconnus parmi les leaders mondiaux dans le domaine des logiciels, des services et de la recherche et la fabrication de nouveaux matériaux. Le CESE recommande que ces potentiels soient valorisés et soutenus.

S’appuyer sur les aspirations à l’autonomie et à la création collective

Le développement de la 3D ne saurait s’expliquer sans l’avènement en parallèle de la génération des Makers dont le développement doit beaucoup à la généralisation de l’utilisation des technologies numériques de pointe et de l’internet. Ainsi, l’impression 3D, au même titre que les autres technologies de l’univers numérique, fait essentiellement appel à l’activité dans sa dimension qualitative. Cette dimension intéresse les entreprises « agiles » capables de trouver la bonne niche au bon moment. Les start-ups et leurs jeunes collaborateurs auront d’ailleurs vraisemblablement toujours un temps d’avance sur les « grosses structures ».

Pour le CESE, ces modifications du paysage productif devraient entraîner des évolutions dans l’organisation du travail permettant la combinaison des nouvelles compétences qui en découlent avec les compétences existantes, l’élargissement des capacités d’autonomie, d’initiative et d’innovation, le développement de nouveaux dispositifs de collaboration au sein de l’entreprise avec des relations et des organisation de travail réinterrogées.

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Le CESE recommande que l’observation prospective et l’anticipation des évolutions intègrent cette dimension d’organisation pour progresser dans le sens de l’humanisation et de la valorisation du travail.

ConclusionS’il est encore trop tôt pour cerner avec précision la place que va prendre l’impression 3D

dans l’ensemble des activités économiques, il est d’ores et déjà assuré que cette technologie sera de plus en plus incontournable dans de nombreux secteurs et elle apparaît porteuse de potentialités élevées dans des domaines-clés de l’avenir.

À l’évidence, la France ne peut donc pas se permettre de prendre le risque que son appareil productif ne se saisisse pas pleinement de cette innovation. Les recommandations faites par le CESE dans cet avis visent à conforter ses atouts et à remédier à certaines des faiblesses dont pâtissent les entreprises françaises notamment en matière de formation, de recherche et de financement.

Au-delà de la fabrication additive elle-même, cet avis permet de soulever des questions qui peuvent aujourd’hui s’appliquer à l’ensemble des innovations technologiques les plus récentes, en particulier celles qui sont étroitement liées au développement du numérique. Elles ont en effet pratiquement toutes en commun de pouvoir bouleverser la nature des productions (davantage adaptées à l’utilisateur final du produit ou du service), la localisation des activités (pouvant conduire à un renouveau du développement des territoires), le nombre des acteurs (et la répartition de la valeur ajoutée entre eux) ou encore les qualifications professionnelles et l’organisation du travail.

À partir de cet exemple de l’impression 3D, le CESE plaide ainsi pour que les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs économiques et sociaux du pays se saisissent de ses propositions pour améliorer la performance globale de l’économie française.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 27

Déclaration des groupesArtisanat

Désormais, l’impression 3D ne se limite plus à la réalisation de prototypes ; elle est de plus en plus utilisée pour la fabrication de produits finis dans les secteurs de l’industrie, de l’artisanat ou encore de la santé.

Toutefois, en France, sa diffusion reste encore modeste en comparaison à d’autres pays, y compris au niveau européen.

Or, cette technologie numérique est susceptible de transformer profondément nos modes de production dans les années à venir, et de contribuer à améliorer la performance globale de notre appareil productif. Il importe donc d’encourager son développement.

L’impression 3D ouvre en effet des perspectives nouvelles pour un grand nombre de secteurs :

– faciliter la personnalisation des produits et une production à la demande ; – améliorer également l’impact environnemental des activités économiques, grâce

à une moindre consommation de matières premières, une fabrication plus rapide et plus proche du marché de consommation. Autant d’avantages par rapport aux procédés classiques de fabrication.

Cette technologie devrait aussi relancer les métiers de la réparation en facilitant la fabrication de pièces détachées ; elle peut donc contribuer à l’objectif d’une économie plus circulaire.

Plus largement, elle pourrait favoriser la réappropriation d’une partie de notre production au niveau local.

C’est pourquoi, il est nécessaire de mettre en place tout un écosystème favorable à la diffusion de cette technologie.

Il faut notamment aider les PME à identifier les leviers à actionner pour concevoir et développer un projet innovant, mais aussi pour assurer sa commercialisation. À ce titre, la création d’un « guichet unique » serait souhaitable.

En matière de financement, en plus du rôle d’accompagnement de BPIfrance, de nouveaux dispositifs devraient être conçus pour orienter l’épargne vers l’innovation, notamment au profit d’activités ancrées dans les territoires.

Faire progresser l’appropriation de cette technologie au sein du tissu industriel et artisanal, suppose également d’améliorer les connaissances et les compétences sur l’impression 3D.

La mobilisation des acteurs, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue, est donc primordiale. À l’égard des PME, les organisations professionnelles et les réseaux consulaires ont notamment un rôle à tenir pour les sensibiliser aux opportunités de la production additive et participer au développement de formations adaptées.

Au-delà de toutes ces initiatives, il n’en reste pas moins que l’usage de cette technologie suscite encore des questions  : notamment en termes de propriété industrielle, de responsabilité du fabricant, de sécurité et de normes des produits…

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C’est donc à juste titre que l’avis appelle les pouvoirs publics à avancer sur la sécurisation de son environnement juridique; ce sera en effet un élément déterminant de sa diffusion à une échelle la plus large possible.

Le groupe de l’artisanat émet le vœu que cet avis du CESE puisse au moins contribuer à améliorer la connaissance sur les nombreuses promesses offertes par cette technologie du numérique pour renforcer notre compétitivité.

Il a donc voté l’avis.

AssociationsFabriquer par addition de matière plutôt que par soustraction a un impact d’autant

plus important que cette technologie est aujourd’hui ultra performante. La France est malheureusement absente du marché de production des machines industrielles qu’elle aurait pourtant pu initier puisque la première demande de brevet dans le domaine de l’impression 3D a été déposée par un Français, en 1984. L’incapacité de notre pays à transformer une découverte en activité économique semble être un mal récurrent. En Europe, l’Allemagne a su saisir cette opportunité pour concurrencer la suprématie des États-Unis.

Notre pays dispose cependant d’atouts à faire valoir et la préconisation demandant une accélération de la recherche dans le domaine des matériaux innovants est capitale pour assurer notre présence industrielle. Au-delà de la chimie, on pense également à la biologie puisque l’on va jusqu’à se poser la question d’imprimer des tissus vivants.

L’impression 3D intéresse l’ensemble du secteur productif, l’usine comme les petites unités, elle concerne aussi les pratiques individuelles. Les applications concrètes sont multiples dans de nombreux secteurs. Il s’agit donc d’intégrer cette innovation technologique tant dans l’industrie que dans les services qui sont, particulièrement dans ce domaine, intimement liés.

Il convient de maîtriser les risques, sous forme de défis à relever comme proposé, notamment à travers la normalisation, pour assurer la protection juridique des entreprises et celle de la propriété intellectuelle, la protection des utilisateurs, la protection de l’environnement avec des garanties écologiques.

Comme toute innovation, l’impression 3D a des conséquences en termes d’activités (localisables à proximité) et d’emplois. Cette mutation interpelle naturellement la recherche et le financement mais elle appelle aussi de nouvelles organisations du travail. Pour gagner en productivité, l’entreprise doit s’appuyer sur une main d’œuvre plus qualifiée. La technologie, à la portée du plus grand nombre, développe les capacités créatrices de tous les acteurs de l’entreprise, elle favorise ainsi un management plus collaboratif.

De tout cela on retient aisément que la question de la formation conditionne fortement la performance industrielle dans l’innovation technologique. Dans cette ère du numérique, il est indispensable de produire des logiciels et de savoir les utiliser.

Le groupe des associations soutient - une fois de plus - très fortement la proposition de donner le goût des sciences et de l’innovation aux jeunes. L’impression 3D offre une méthode attractive d’initier aux technologies numériques. L’école, dans toutes ses dimensions, ne peut rater cette occasion. Notre pays a besoin d’artisans, d’ouvriers, de techniciens, d’ingénieurs formés dans les domaines scientifiques - et cette qualification doit être valorisée – pour faire face à cette mutation. Il ne s’agit pas seulement de répondre à un besoin immédiat mais

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 29

de donner un niveau de culture scientifique et technique qui offre à chacun les moyens d’assumer les évolutions. De plus, dans ce domaine des sciences de l’ingénieur, le potentiel de création d’emplois pourrait bénéficier à une meilleure mixité des métiers.

Au-delà de l’entreprise, c’est la société dans son ensemble qui est interpellée par le « fabriquer soi-même » et le mouvement des makers qui se développe rapidement. Par une dynamique territoriale avec, par exemple au niveau local, des Fabs-Labs scolaires ou de quartier, le grand public s’appropriera mieux les enjeux de fabrication des entreprises. Ainsi, les préconisations de cet avis servent autant la compétitivité des entreprises que la créativité des citoyens et le discernement des consommateurs.

Le groupe des associations rend hommage au travail de le rapporteur. Il approuve l’ensemble des préconisations. Il a voté l’avis.

CFDTBien qu’ancienne, l’imprimante 3D reste un objet peu connu même si quelques images

ou articles ont montré des réalisations soit grandioses, soit « gadgets » mais en tout état de cause qui ne donnent pas une perception de la réalité de l’utilisation de cette technique.

L’aéronautique et l’automobile sont des secteurs qui l’ont déjà intégrée dans leur modèle de production. Pour les intervenants auditionnés, l’impression 3D pourrait reconfigurer les processus de fabrication classique dans tous les domaines, sous réserve d’un écosystème favorable à son développement.

L’avis suggère des propositions en ce sens en améliorant le lien entre recherche et développement, les modes de financements, la sécurité juridique des produits, l’offre de formation et l’organisation du travail.

La CFDT approuve l’ensemble de ses préconisations. Elle insiste sur la nécessité d’anticiper les effets potentiels du développement de cette technologie, notamment pour préparer aux métiers de demain.

Des industriels déjà utilisateurs de cette technique nous ont décrit ses conséquences : prototypage virtuel avec le client, accélération dans la conception et la commercialisation, fabrication immédiate en séries et sans stock donc moins de logistique, moins de transport, moins de déchets etc. Cette évolution nécessite une montée en compétences des salariés, la transformation de la maintenance et pourrait permettre la réparation par des artisans ou par les utilisateurs eux-mêmes.

Dans quelle proportion l’impression 3D participera-t-elle de «  l’usine du futur  » et d’une évolution de l’artisanat ? Une nouvelle dynamique est-elle en train de naître dans les territoires ? Les makers - ceux qui font eux-mêmes dans les Fab-Labs - sont-ils les précurseurs de nouveaux types d’emplois? Ces questions n’ont pas aujourd’hui de réponses précises.

Constatant un déficit d’informations, la CFDT a soutenu la proposition d’inviter les acteurs économiques et sociaux à utiliser les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications pour analyser les évolutions en cours liées à toutes les technologies du numérique et adapter ainsi les politiques en matière de formation et de mutation professionnelle.

L’avis invite à suivre l’exemple de pays qui favorisent la sensibilisation à l’impression 3D dès le primaire. Cela nécessite de former les enseignants à tous les niveaux et la formation continue doit aussi permettre aux salariés concernés d’accéder à ces technologies.

30 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Devant ces enjeux, il est urgent de redonner le goût des sciences aux élèves y compris aux filles : la mixité des emplois du numérique est une nécessité pour répondre aux besoins de l’économie du futur. En parallèle, soutenir le développement des Fab-Labs dans les quartiers est aussi une action susceptible de faire naître une appétence pour les métiers du numérique.

L’impression 3D ouvre une nouvelle ère dans la fabrication des objets. Elle peut participer d’une organisation du travail plus collaborative, plus créative, et de l’apparition d’un nouveau paysage industriel. Ce rapport du CESE contribue à éclairer les mutations en cours.

La CFDT approuve les préconisations de cet avis et l’a voté.

CFE-CGCAffirmer que notre industrie a de l’avenir, c’est croire en sa capacité à rester dans la

course à l’innovation, gage de performance et de haute valeur ajoutée. Ceci impose à l’ensemble des parties prenantes, collectivités territoriales incluses, de mobiliser les moyens et l’énergie nécessaires, à temps, de l’amont (les centres de recherche publics, privés), à l’aval (la production effective de biens et de services). Le tout devant s’appuyer sur des incitations à l’investissement de long terme.

L’exemple de la fabrication additive, communément appelée impression 3D, illustre parfaitement les enjeux et défis auxquels la France industrielle est confrontée : big data, cloud, objets connectés, robotique, cyber-services. La vague numérique emporte tous les secteurs et toutes les filières. Nous n’en sommes qu’au commencement et tous les jours de nouveaux usages sont inventés. D’ailleurs Michel Serre, dans un essai philosophique, La petite poucette, l’a pointé.

Que l’ensemble de notre appareil productif s’en saisisse n’est donc pas une option mais une incontournable nécessité offrant de nombreuses opportunités de rebond pour le développement d’activités nouvelles pouvant faciliter l’ancrage local.

Nous remercions Mme le rapporteur de porter cet avis, dont nous partageons nombre de recommandations. Nous saluons également le travail très fourni du rapport qui l’a précédé. Tous deux concourent, selon nous, à sensibiliser les acteurs, tout particulièrement la puissance publique, au risque de décrochage face aux innovations de rupture. Pas suffisamment investies et intégrées dans les modèles économiques, elles peuvent se révéler alors un handicap difficile à surmonter.

La fabrication additive, pourtant co-inventée en France et aux États-Unis, a vu ces derniers prendre le leadership en matière de fabrication d’équipements et de machines 3D.

Si ce marché semble désormais nous échapper, celui du logiciel en revanche est notre marque. Il doit le rester. La CFE-CGC insiste sur la normalisation qui doit être vue comme un outil stratégique au service d’une politique industrielle.

De l’apprentissage du code numérique en formation initiale dès le plus jeune âge, ou en continu pour assurer l’évolution des métiers, la formation constitue un élément-clé de cette transformation à marche forcée.

Notons que la France dispose d’écoles d’ingénieurs reconnues, performantes, s’agissant des sciences des matériaux ou de la métallurgie des poudres nécessaires à la mise en œuvre de cette technologie. C’est un atout supplémentaire, il faut le souligner.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 31

Dans ce contexte d’opportunités mais aussi de risques forts, l’emploi et l’employabilité demeureront au cœur des préoccupations de notre organisation.

«  Usine du futur  », usine durable, d’une industrie acceptable et acceptée à une industrie désirée, de nombreuses étapes restent à franchir. Notre organisation insiste tout particulièrement sur la clarification et l’accélération des 34 plans industriels liés aux innovations technologiques. C’est ce que nous défendons activement dans le cadre de la CNI. De plus, la CFE-CGC tient à souligner que le modèle de la pression très agressive par les coûts des donneurs d’ordre sur les fournisseurs a montré ses limites (il existe de nombreux rapports sur le sujet), et ce au risque de fragiliser de nombreuses PME-PMI et, in fine, l’ensemble de filières d’approvisionnement. Dépasser cette logique pour tendre vers l’innovation collaborative, illustrée depuis peu dans la filière aéronautique, devient une voie salutaire pour l’industrie en général.

La CFE-CGC a voté cet avis, et affirme que notre pays réunit tous les ingrédients de la réussite. En attestent les filières d’excellence ou les très nombreuses start-up présentes, reconnues dans les salons internationaux du numérique.

Disruptive ou continue, l’innovation caractérise une nation dans sa capacité à croire en son futur, en ses nouvelles générations qui cherchent, osent, se lancent.

Alors oui, nous affirmons que notre industrie a de l’avenir, et qu’innovations technologiques et performance industrielle globale sont liées.

CFTCEn proposant ce sujet à la section des activités économiques, le rapporteur nous a permis

de constater que l’impression 3D ne relevait pas du domaine prospectif mais connaissait, dans les entreprises, des applications dans des secteurs très diversifiés  : aéronautique, bijouterie, jouets, ameublement, construction dans le BTP, agroalimentaire.

Mais le secteur le plus impressionnant concerne vraiment la santé. L’audition d’un chirurgien, spécialiste de la réparation faciale nous a montré l’intérêt de l’impression 3D, non seulement pour rendre un visage à un grand blessé mais surtout pour restaurer les fonctions des organes abîmés, permettant ainsi à une personne victime de traumatisme de retrouver une vie presque normale.

Cette fabrication additive présente au plan économique de véritables atouts : les matières premières utilisées le sont de manière rationnelle et sans gaspillage, elles nécessitent donc, pour de petites unités de production dans les territoires moins de stockage et moins de transport. C’est un changement véritable dans l’acte de production et une technologie qui favorisera la réparation des objets.

Le groupe de la CFTC partage l’essentiel des préconisations développées dans l’avis et choisit de commenter trois conditions qui lui apparaissent comme fondamentales au développement de l’impression 3D.

Il s’agit en premier lieu de la nécessité de former les élèves dès leur plus jeune âge aux nouvelles technologies pour préparer de nouveaux cursus adaptés au monde du travail.

La curiosité scientifique, l’appétit à créer des objets seront d’autant plus fortifiés chez les jeunes si les enseignants ont eux-mêmes été formés à l’impression3D.

Cet enseignement doit se poursuivre dans les lycées, les CFA, les écoles d’ingénieurs en essayant d’attirer davantage de filles vers les filières scientifiques.

32 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Dans les entreprises industrielles, dans le cadre du plan de formation, il est aussi indispensable que des modules soient proposés aux salariés pour les initier à ces nouvelles technologies.

La CFTC approuve la préconisation de l’avis incitant les banques à devenir partenaires de projets industriels. Un message de recommandation à l’AFB, autorité de tutelle, pourrait consister à demander aux banques de dédier des salariés sur une longue période aux PME. Le turn-over incessant constaté dans les banques démotive, en effet, les salariés et désespère les clients. La connaissance du travail des PME finirait par dissiper la peur de prêter.

Enfin, la CFTC insiste sur l’urgence d’une loi sur le numérique pour stabiliser l’environnement juridique des entreprises.

La jurisprudence viendra ensuite au fil de l’eau enrichir le droit, mais c’est au législateur qu’il appartient d’abord de se mobiliser.

La CFTC a voté cet excellent avis.

CGT La technique d’impression 3D est loin de se résumer à un gadget innovant et amusant !

Grâce à des auditions judicieusement choisies, notre section a découvert une technique industrielle déjà expérimentée et utilisée dans de nombreux secteurs, une technique à forts potentiels susceptible, si elle est bien conduite, de bouleverser le modèle industriel productif actuel.

Le rapport fait œuvre de pédagogie pour faciliter la compréhension des enjeux liés au développement de la technique dite de production additive. Il permet de concentrer l’avis sur les préconisations pour que la France se donne les moyens d’en concrétiser les potentialités.

Partie prenante du processus numérique, cette technique permet d’utiliser des logiciels produits partout dans le monde pour des fabrications territorialisées, adaptées à des demandes locales, diversifiées, voire individualisées. De ce fait, elle est compatible avec de petites et moyennes unités de production, appuyées sur l’emploi local. Par des politiques bien conduites, la France pourrait transformer en atouts ce qui est présenté aujourd’hui comme son handicap premier : un appareil productif reposant sur des unités de taille faible. Cette technique est économe en utilisation des matières premières et en nécessités de transports, elle se prête à une meilleure réparabilité des produits. Elle participe donc des ressorts de développement de l’économie circulaire.

Si l’impact global sur le volume d’emplois est difficilement mesurable, l’avis oriente, à juste titre, ses préconisations pour un effet dynamique sur la localisation des emplois et leur développement à tous les niveaux de qualification. Il préconise de bousculer les organisations du travail et les pratiques managériales pour laisser une plus large place à la créativité des salariés, à des organisations transversales et de coopérations, touchant aussi bien les relations hiérarchiques dans l’entreprise que les relations entre entreprises. L’information et la sensibilisation du grand public sont une question clé, comme l’accessibilité de la technique aux jeunes, dès l’école, pour leur donner le goût de la science et de l’innovation.

Anticiper, accroître sur le long terme, l’effort de recherche, accélérer les plans industriels liés aux innovations, accroître la place de la France dans les processus de normalisation, développer une stratégie volontariste, l’avis ne laisse rien dans l’ombre.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 33

Sauf peut-être la pugnacité politique nécessaire, dans la durée, à un tel changement pour dégager les moyens de tous ordres définis par l’avis, et aussi pour vaincre les obstacles, notamment ceux tenant aux choix court-termistes actuels des directions d’entreprises et à la pression permanente de la financiarisation.

La CGT a voté l’avis.

CGT-FOCet excellent avis sur l’impression 3D appelée aussi « production additive » constitue,

aux yeux du groupe FO, un texte de référence sur le sujet. À travers un état des lieux, une présentation des principes de fonctionnement, des applications en cours et des usages possibles, ce rapport donne un nouveau coup de projecteur sur cette technologie de fabrication en plein essor et stimule la réflexion sur les perspectives et défis industriels qu’elle suscite ou pourrait provoquer. Techniquement, les possibilités de l’impression tridimensionnelle semblent illimitées et il existe une demande forte pour des usages professionnels de l’impression 3D chez les grands groupes industriels et les PME-PMI. Cette technologie compétitive séduit également les centres d’études, les ingénieurs, architectes, designers qui y voient un moyen économique d’expérimenter, tester facilement et rapidement des prototypes. Grâce à des imprimantes dont le prix baisse rapidement, les particuliers manifestent aussi un intérêt croissant, voire un engouement pour des machines qui fabriquent à domicile divers objets.

En effet, les avancées dans les procédés d’impression tridimensionnelle autorisent la fabrication d’objets de toute sorte et de très bonne résolution dans une grande variété de matériaux soit à l’usine, à l’atelier ou même à la maison. Ces techniques d’impression 3D présentent l’avantage d’offrir une plus grande liberté dans la fabrication des objets permettant d’obtenir des formes souvent très complexes possédant de nouvelles propriétés physiques (résistance, légèreté) qui n’étaient même pas envisageables et réalisables auparavant, tout en diminuant tant la quantité de matières premières utilisées, que la quantité de déchets produits par rapport aux procédés manufacturiers classiques.

Le prototypage de nouveaux produits demeure l’application commerciale la plus utilisée par l’impression 3D et concerne des pans entiers de l’industrie tels que les secteurs de la santé, de l’automobile, de l’aéronautique, du jouet, de la lunetterie, de la bijouterie et de l’horlogerie. À titre d’exemple, dans le domaine de la santé, l’impression 3D est devenue incontournable, notamment dans la fabrication de prothèses ou d’implants, les biomatériaux utilisés étant hautement personnalisables par le biais de la numérisation, permettant ainsi une adaptation idéale à la physionomie du patient. L’impression tridimensionnelle révolutionne également les traitements à l’attention des grands brûlés via la reproduction de tissus humains à partir de cellules souches, ou encore les greffes d’organes, limitant ainsi, tant les risques de rejet que les délais d’attente d’une transplantation.

Malgré l’existence de freins à l’essor de l’impression 3D, technologiques (matériaux compatibles trop peu nombreux, vitesse d’impression), économiques (coût des machines, coût des matériaux), juridiques (cadre législatif et réglementaire à définir, traçabilité et sécurité des produits, gestion de la propriété intellectuelle, piratage, etc.), cette technologie s’apprête à bouleverser les habitudes de fabrication et de consommation. L’industrie manufacturière semble donc vouée à se réinventer et à se transformer sous l’effet des nouvelles technologies de production.

34 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

S’il est pratiquement certain que l’impression 3D pourra faciliter le développement de petites industries innovantes et d’un artisanat «  numérique  », il est encore difficile aujourd’hui d’affirmer que cette nouvelle révolution industrielle sera une opportunité pour relocaliser la production manufacturière en France et ainsi contribuer à la réindustrialisation de notre pays. En l’absence de politique industrielle volontariste à l’époque, la France qui était dans les années 1980 pionnière dans le secteur de l’impression 3D a raté ce marché estimé, en 2014, à 1,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Les États-Unis et l’Asie qui se disputent le leadership de l’impression 3D ont pris depuis longtemps la décision de soutenir le développement de la fabrication additive. La France ne compte aujourd’hui aucun producteur d’imprimante et il n’est pas certain qu’elle puisse rattraper son retard. Dotée en industriels de la chimie spécialistes des matériaux innovants, elle est en revanche bien placée dans la fabrication des composants chimiques de base. Pour FO, les pouvoirs publics doivent urgemment soutenir cette filière et favoriser les logiques d’écosystèmes à travers des filières regroupant l’ensemble des parties prenantes comme dans le secteur de l’aéronautique.

Cela étant, pour FO, l’introduction de ces nouvelles technologies a et aura des répercussions profondes sur l’organisation, les méthodes et procédés de travail. Celles-ci modifient profondément en termes de repères (modification de l’organisation du travail, astreintes et recours accru au temps partiel), de communication (culture de l’urgence, réduction des communications verbales), de charge de travail (accroissement de la demande, pression temporelle, flexibilité, disponibilité permanente, stress), d’exigences d’aptitudes (polyvalence des opérateurs et banalisation des tâches), de rémunération des découvertes, inventions et créations réalisées par le salarié. Il est donc primordial, pour FO, de regarder l’impact des contraintes potentielles sur les salariés de l’introduction des nouvelles technologies et ce, dès à présent.

Enfin, pour Force Ouvrière, les entreprises françaises ne pourront pas tirer parti de ce relais de croissance que pourrait constituer la troisième révolution industrielle annoncée si les salariés continuent à être perçus comme un coût.

Le groupe Force Ouvrière, tout en saluant le travail de le rapporteur, souhaite que cet avis fasse forte impression. Il l’a voté.

CoopérationL’étude de l’impression 3D illustre parfaitement comment une technologie nouvelle

peut avoir, en synergie avec d’autres, un impact majeur sur notre modèle économique. L’avis offre un panorama très complet des opportunités et risques liés à l’introduction de la technologie (ou des technologies) de l’impression 3D, en particulier sur trois points.

Le premier porte sur la compétitivité de la France. Nos laboratoires de recherches et nos entreprises, en particulier les PME, sont souvent à l’initiative du développement des technologies sans que nous soyons au rendez-vous de leur valorisation  commerciale. Ce constat est une nouvelle fois dressé concernant l’impression 3D. Il convient d’amplifier encore nos efforts en termes de politique industrielle, et le groupe soutient pleinement la demande de l’avis d’une clarification sur les 34 plans industriels dont « l’usine du futur ».

En deuxième lieu, le groupe de la coopération est particulièrement attentif à l’impact sur l’emploi de la diffusion de cette technologie. Il semble que les conséquences soient extrêmement incertaines. Il est probable que des mutations en termes de localisation des

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 35

activités aient lieu. Il est par ailleurs certain que cette technologie participe et participera à transformer les compétences recherchées dans l’industrie, en accélérant encore la nécessité de l’élévation des qualifications. L’enjeu de la formation initiale comme professionnelle doit être à nouveau souligné comme un des premiers leviers de compétitivité de notre pays. Il est impératif de poursuivre sur le long terme l’investissement éducatif, et d’être en capacité d’inventer également des modes d’éducation et de formation adaptés au monde de demain.

Le dernier point porte sur la transformation des modes d’organisations économique, à la fois entre les entreprises, dans les filières, entre donneurs d’ordre et sous-traitants, et dans les entreprises avec des modes nouveaux d’organisation du travail. Le travail conduit rejoint ici les enjeux pointés par l’avis adopté par le CESE sur Performance et gouvernance des entreprises.

Nous projetons souvent notre monde futur comme une simple évolution de notre réalité présente. Cet avis nous accompagne dans l’exercice de penser la transformation de notre système économique au sens le plus large.

Le groupe de la coopération a voté en faveur de l’avis.

EntreprisesLa systématisation de l’impression 3D fait partie des révolutions technologiques qui

sont en mesure de bouleverser notre quotidien. Même si cette révolution n’est pas forcément perceptible par le grand public, elle est de nature à changer profondément les modes de consommation et le modèle économique auquel nous sommes habitués.

La fabrication additive a des conséquences dans de nombreux domaines : – elle permet de passer d’une production de masse à de petites séries

personnalisables ; – elle va raccourcir considérablement les délais de fabrication et peut permettre

une relocalisation de la fabrication si elle rencontre un écosystème favorable ; – elle permet des économies de matières premières en utilisant seulement ce qui

est utile à la fabrication et évite ainsi le gaspillage ; – elle va avoir des conséquences sur l’organisation du travail en permettant des liens

plus directs entre innovation, conception et réalisation des productions ; – enfin, elle va amplifier les tendances actuelles telles que l’open source ou le « faire

les choses soi-même  » et gommer ainsi les frontières entre l’activité purement personnelle et la création d’entreprises, notamment artisanales.

La France, par son expertise dans le domaine du numérique, peut profiter de ce marché en croissance pour peu que l’appropriation de cette technologie progresse, notamment dans les TPE/PME. Le déficit d’information aujourd’hui constaté doit se résorber si nous souhaitons devenir des leaders dans ce domaine.

L’impression 3D doit gagner en visibilité, donner lieu à un développement de nouvelles compétences professionnelles dans les écoles d’ingénieurs mais aussi au sein des universités régionales des métiers et de l’artisanat.

Pour éviter d’être distancés par d’autres pays qui sont aujourd’hui en avance sur nous, il est important de prendre dès maintenant les mesures qui s’imposent. Nous en citerons quatre qui nous paraissent être les plus importantes :

– réaliser une meilleure synergie entre recherche privée et publique ;

36 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

– rendre les dispositifs de valorisation de la recherche plus lisibles ; – doter BPIfrance de moyens humains et financiers suffisants pour qu’elle puisse

jouer tout son rôle dans ce domaine ; – enfin, il faut que les collectivités locales, en lien avec les partenaires locaux,

puissent lancer des fonds de développement de l’innovation pour renforcer l’ancrage local des activités.

La bataille pour le développement de la 3D dans notre pays passera aussi par une bonne information juridique des entreprises et une présence accrue de celles-ci dans les comités de normalisation. Ne pas permettre à tous les acteurs d’intégrer efficacement les instances qui créent la norme serait une faute majeure. Les branches professionnelles ont un rôle primordial à y jouer.

Presque tous les champs de l’économie sont concernés par cette révolution. Riche de ses talents, de ses filières de formation et de l’expertise de ses entreprises, la France doit accompagner et prendre un rôle de leader. Aucun secteur d’activité ne sera en dehors de ces changements. Depuis la plus petite prothèse sur mesure à la fabrication en série de maisons, l’impression additive va entrer de plus en plus dans notre vie de citoyen et de consommateur.

Le travail mené par Renée Ingelaere sur ce thème est remarquable. Son avis est court, précis, extrêmement bien documenté et permet d’éclairer les membres de notre assemblée sur cette révolution qui n’en est qu’à ses débuts. Ses recommandations sont celles de quelqu’un qui connaît parfaitement le sujet et le groupe des entreprises s’y associe totalement.

Pour toutes ces raisons, le groupe des entreprises a voté cet avis.

Environnement et natureL’innovation est parfois considérée comme pouvant répondre à tous les problèmes par

certains et jugée comme accessoire par d’autres. L’impression 3D est un bon exemple de cette dualité.

Si l’impression 3D n’a pas vocation à remplacer les modèles de production classiques, elle peut néanmoins remettre en question certains fondements et offrir de réelles opportunités pour la fabrication en petites séries.

En effet : – alors que traditionnellement il est nécessaire de produire en masse pour obtenir

des prix compétitifs, l’impression 3D permet de répondre aux besoins réels en termes de quantité, et donc – en théorie – peut éviter la surproduction ;

– alors que la fabrication classique de biens engendre des « chutes » des pertes de matières, l’impression 3D, dite additive, évite ce gaspillage et peut réduire jusqu’à 40 % les besoins de matières ou d’énergie ;

– alors que les usines de production sont majoritairement délocalisées, l’impression 3D peut être installée près des besoins de consommation dans les territoires ;

– enfin, alors que certains produits sont non réparables - entre autres par manque de mise à disposition de pièces détachées par les producteurs -, l’impression 3D pourrait permettre de développer une nouvelle filière de réparation et ainsi lutter contre l’obsolescence programmée et être source de création d’emploi.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 37

Le groupe Environnement et nature veut aussi soutenir l’idée que la France a toute capacité à se positionner sur la création et le développement de nouveaux matériaux – particulièrement à partir de matières recyclées.

Bien sûr, ces potentiels requièrent des points de vigilance et des nouvelles compétences qui sont en partie soulignés dans l’avis. Le groupe Environnement et nature est particulièrement sensible :

– aux enjeux de santé car les matières utilisées actuellement sont essentiellement des plastiques et la méthode de fabrication additive peut engendrer l’émanation de composés organiques volatiles lors du chauffage ;

– à la nécessité d’éco-concevoir les produits fabriqués pour qu’ils puissent intégrer les cycles de réparabilité, de recyclabilité.

Nous espérons que la visibilité offerte à l’impression 3D par cet avis permette aux différents acteurs de mieux coopérer pour développer à bon escient son potentiel et ainsi donner du sens au progrès.

Tout en regrettant qu’une vision prospective n’ait pas été plus développée, le groupe Environnement et nature a voté cet avis.

MutualitéL’imprimante 3D, tout comme les objets connectés, fait partie des technologies liées au

numérique qui nous interroge sur notre modèle économique, les mutations technologiques et plus globalement sur ses conséquences sociétales.

Longtemps considérée comme «  gadget  » l’impression 3D semble avoir trouvé une véritable opportunité de croissance notamment dans le domaine médical  : en effet, elle semble en voie de s’imposer comme l’un des piliers de la médecine de demain.

Si la fabrication par impression 3D de dispositifs médicaux comme les prothèses orthopédiques est courante depuis plusieurs d’années, certaines applications fortement médiatisées constituent un exploit scientifique et suscitent de grands espoirs dans le domaine médical.

Ainsi, parmi les applications les plus attendues figurent la fabrication d’organes ou le bio-printing  : la fabrication par impression 3D d’organes vitaux (rein, cœur…) à partir des cellules souches du patient. Cette perspective offrirait la possibilité de contourner deux difficultés : la carence de dons d’organes et le rejet des organes implantés.

Le groupe de la mutualité ne peut qu’encourager la recherche dans ce domaine d’autant plus qu’elle viserait à améliorer la qualité des soins apportés aux patients.

Cependant, il rappelle que les exigences de santé publique imposent une vigilance accrue en matière de sécurité et de qualité des dispositifs médicaux qui seraient fabriqués par impression 3D. Comme l’avis le rappelle, l’avis du CESE sur les dispositifs médicaux avait formulé des préconisations dans ce sens.

Pour notre groupe, il est également important de prendre en compte les impacts écologiques et de santé liés à ce mode de fabrication. Si d’un côté l’impression 3D permet des gains de matières premières, de temps et de transport, il peut exister des risques pour la santé liés à l’émission de particules émises lors de l’impression et le dépôt de matières plastiques qui peuvent être dangereuses si elles sont inhalées.

38 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Au-delà de la révolution technologique, l’impression 3D, et plus largement les technologies numériques, comme le souligne justement l’avis, modifie nos rapports à l’acte de produire, de consommer et d’innover. Les nouvelles manières de « faire ensemble » à travers notamment les Fab-Labs qui permettent l’accès direct aux imprimantes 3D développent en effet de nouvelles formes collaboratives et de partage.

Cette culture de l’innovation et l’apprentissage de démarches collaboratives doivent non seulement intervenir très tôt dans le cursus scolaire mais plus largement irriguer l’ensemble de la population.

Enfin le groupe de la mutualité soutient les préconisations de l’avis visant la valorisation et le soutien des entreprises françaises dont les potentiels notamment dans le domaine des logiciels et de la recherche sont réels. La question du financement de l’innovation rejoint ici les préoccupations soulevées dans l’avis sur les dispositifs médicaux et notamment la place de Bpifrance.

Le groupe de la mutualité a voté l’avis.

Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

L’avis illustre, avec l’exemple de l’impression 3D, les enjeux d’adaptation de notre industrie aux nouveaux paradigmes techniques et plus globalement notre capacité à y intégrer l’innovation. Si l’impact potentiel de cette technologie sur nos modes de production et nos modèles économiques est évoqué, les fortes incertitudes qui demeurent aujourd’hui sur son usage réel dans les différents secteurs et l’absence de visibilité nous laissent cependant un peu sur notre faim.

Parmi les freins à l’intégration de cette innovation dans notre économie, l’avis déplore la désaffection des jeunes à l’égard de la science et de ses métiers et souligne en particulier l’enjeu de la mixité des métiers de l’informatique et du numérique. Nous avions déjà eu l’occasion de soulever ces enjeux dans un précédent avis du CESE dans lequel nous avions pu observer que l’enseignement supérieur était loin d’échapper aux enjeux de non mixité. Alors que la majorité des étudiants sont des filles et que leur taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur est supérieur à celui des garçons, les étudiantes demeurent sous-représentées dans les filières les plus sélectives. Ce différentiel est particulièrement marqué dans les formations d’ingénieur, secteur particulièrement déséquilibré.

Il nous faut être particulièrement vigilant quant aux enjeux d’orientation qui demeurent le facteur prépondérant de la mixité des métiers. C’est la logique d’orientation française elle-même qu’il s’agit de questionner. En multipliant les paliers de sélection à chacun des niveaux dans une volonté assumée d’écrémer, et en permettant encore trop peu de passerelles, elle constitue également un frein à la progression de la mixité.

L’avis montre bien de quelle façon le développement de cette technologie s’inscrit dans le cadre de la nouvelle économie numérique et dans quelle mesure elle s’accompagne de pratiques de création et de développement qui lui sont propres. On voit bien notamment l’importance de disposer de structures légères et de moyens permettant l’expression de la créativité de chacun. Dans le récent avis de notre assemblée sur le développement de la pédagogie numérique nous avions déjà souligné l’importance de développer les Fab-Labs,

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 39

en particulier au sein des universités, et de soutenir les projets portés par les étudiants. Nous réitérons cette recommandation.

Le groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse a voté en faveur de cet avis.

Personnalité qualifiéeMme de Kerviler : « Je voudrais tout d’abord remercier Renée Ingelaere d’avoir proposé

à la section d’étudier l’impression 3D, dont nous avions tous entendu parler mais sans bien en cerner le potentiel industriel.

Je commencerai par aborder l’impact de cette nouvelle technologie sur le goût des sciences et sur l’innovation. Puis, je soulignerai pourquoi la BPI doit financer les PME qui œuvrent dans ce secteur. Enfin, je conclurai sur l’incertitude juridique qui règne autour de l’impression 3D.

1. Tout d’abord l’impact sur le goût des sciences et sur l’innovation

Dans son avis sur la compétitivité, le CESE avait rappelé que les métiers scientifiques et techniques faisaient l’objet d’une réelle désaffection dans notre pays. Or, la création d’objets personnalisés à l’aide de l’impression 3D permet de donner un aspect ludique à cette technologie et devrait susciter des vocations scientifiques chez les jeunes. Par ailleurs, l’impression 3D a la capacité de libérer l’innovation. En effet, elle permet de fabriquer des objets en quelques semaines et non plus en quelques mois. Elle permet de baisser considérablement le montant de l’investissement initial, qui est divisé au moins par 100 par rapport à l’investissement dans l’industrie traditionnelle. Elle permet, enfin, d’accroître la diversité des objets qui nous entourent.

Passons maintenant au financement.

2. Pourquoi la BPI doit investir dans ce secteur?

L’impression 3D a été inventée la même année (1984) en France et aux USA. Or, en 2014, les USA représentent 38 % du total des imprimantes 3D installées dans le monde et la France 3 % ! Dans la fabrication des machines, après le rachat en 2013 de la société française Phénix System par le groupe américain 3D Systems, la France ne compte plus que le groupe Gorgé, via sa filiale Prodways, et une start up alsacienne. Alors que la France a des atouts importants en matière de logiciels (avec un leader mondial - Dassault System) et en matière de services, il faut éviter que les jeunes entreprises ne soient rachetées avant d’atteindre le stade des ETI. Pour ce faire, des financements par la BPI sont très importants. En effet, en tant qu’actionnaire, la BPI serait informée de toute cession potentielle et pourrait éviter que des jeunes « fleurons » de l’industrie française soient achetés par des pays concurrents.

Je conclurai sur l’incertitude juridique, qui est un autre gros enjeu de ce secteur. Cette insécurité est très forte du fait de l’apparition de nouveaux acteurs dans la chaîne de production, ce qui dilue les responsabilités.

Certes, comme le dit le projet d’avis, la jurisprudence va clarifier progressivement le cadre juridique. Mais je pense que - si nous voulons voir l’impression 3D se développer en France - nous devrions demander aux juristes spécialisés dans la propriété littéraire et industrielle de travailler sur ce sujet et d’anticiper les réponses qui pourraient être apportées par les magistrats.

Je voterai, bien sûr, pour le projet d’avis ».

40 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Professions libéralesLa fabrication additive, autrement appelée impression 3D, est une technologie qui

connait un véritable enthousiasme. Si les produits fabriqués aujourd’hui sont essentiellement des maquettes et des prototypes, des produits de consommation à la demande et des pièces industrielles en plastique, une extension du champ des applications est envisagée, entre autres, pour les moules et outils industriels, les pièces industrielles en métal, les prothèses et implants ou encore des tissus biologiques vivants etc. Demain est prévue la fabrication de machines et de véhicules entiers, y compris pour l’exploration spatiale, ou encore d’organes humains fonctionnels. Le champ est vaste et c’est ce que nous rappelle l’avis.

L’utilisation médicale est particulièrement intéressante. La fabrication de prothèses auditives ou dentaires en sont l’exemple le plus connu. L’audition du Professeur Devauchelle, concernant la reconstruction faciale, était à ce titre très instructive. Il a rappelé qu’après avoir permis la création des premiers objets anatomiques, l’impression 3D permet aujourd’hui la chirurgie reconstructrice, non seulement en redonnant un visage mais aussi une véritable identité au patient, avec ses propres expressions, ou encore en redonnant - autre exploit - la sensibilité du toucher, en recréant des cellules, des tissus, voire des organes entiers. Demain, fabriquer la peau sera possible.

Tout cela n’est pas sans risque juridique ! L’impression 3D est un nouvel outil au service des créateurs mais aussi des éventuels contrefacteurs. En permettant de fabriquer et donc de répliquer en trois dimensions tout objet physique existant, l’impression 3D impacte le droit d’auteur, mais également la propriété industrielle que sont les brevets, les dessins et modèles, les marques etc. Le spectre est large. L’impression 3D n’entraînera pas de révolution juridique puisque les titulaires de droits et de titres de propriété intellectuelle bénéficient déjà d’armes légales et jurisprudentielles adéquates pour y répliquer de manière efficiente. En revanche, elle nécessitera des adaptations : il faut repenser ou rénover les exceptions de copies ou d’usages privés, afin d’éviter les erreurs commises dans le passé concernant les domaines musicaux, cinématographiques et audiovisuels.

De façon générale, l’arsenal légal est bien adapté. Mais il faudra préciser ou adapter les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité civile et pénale. Les systèmes de prévention et de répression des fraudes devront eux aussi évoluer. Sans oublier d’autres problématiques juridiques nouvelles, en particulier la responsabilité du fabricant ou encore le statut de l’hébergeur.

D’ores et déjà, les perspectives laissent supposer que cette technologie va changer radicalement la donne pour des pans entiers de l’industrie, nous devrons, pour être prêt, faire des efforts importants en matière de recherche et développement. Il nous faut être très prudent quant à l’effet globalement positif à attendre pour l’emploi même s’il est évident que des besoins apparaissent en termes de nouvelles compétences. Cette innovation technologique nous rappelle notre insuffisance des formations alors que se fait sentir un besoin en ressources humaines qualifiées pour ces nouveaux métiers. En voulant encourager la culture de l’innovation et adapter la formation permanente aux nouveaux métiers, l’avis plaide en ce sens.

Le groupe des professions libérales l’a voté.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 41

UNAFL’impression 3D présente tous les aspects d’une «  technologie de rupture  » capable

de bouleverser des pans entiers de notre industrie mais aussi de notre vie quotidienne. Le présent avis permet d’en appréhender ses multiples facettes. L’impression 3D cultive des avantages : c’est une force pour la réindustrialisation, elle repousse les limites de la créativité par son alliance avec internet, elle permet de se réapproprier l’innovation des produits par leur singularité, leur originalité.

Pourtant, pour le groupe de l’UNAF, cette troisième révolution industrielle, annoncée par certains, doit être accompagnée pour bénéficier aux familles et pour que les plus jeunes soient associés à cette nouvelle ère industrielle.

L’exemple de l’Angleterre et de la Chine sont à souligner avec intérêt. En octobre 2013, le Ministre de l’éducation britannique a annoncé l’ajout de l’impression 3D aux programmes scolaires avec l’objectif de sensibiliser les plus jeunes à ces nouveaux outils de fabrication. Depuis la rentrée 2014, des dizaines d’écoles en Angleterre se sont équipées et forment dorénavant leurs élèves aux imprimantes 3D. La Chine, quant à elle, a créé en 2014 à Canton la première école exclusivement dédiée à cette nouvelle technologie.

En France, cette année, le campus Arts et Métiers de Lille vient d’ouvrir une formation à l’impression 3D destinée aux chefs d’entreprise, aux salariés et aux demandeurs d’emploi. L’enjeu est clairement affiché de permettre aux PMI/PME de rester compétitives et de maîtriser l’impression 3D.

L’effort d’éducation en France doit être accéléré pour faciliter la rencontre des jeunes avec ces nouvelles technologies. Cela nécessite que les écoles s’équipent pour permettre aux jeunes de s’exercer avec les outils qu’ils retrouveront ensuite dans l’entreprise facilitant ainsi l’accès à l’emploi.

Le groupe de l’UNAF partage donc la recommandation de voir expérimenter un programme ambitieux en France à l’image de l’initiative anglo-saxonne.

Deuxième point sur lequel le groupe de l’UNAF veut insister : les atouts de l’impression 3D pour la santé des Français. En effet, le domaine de la santé n’a pas tardé à s’approprier ces technologies. L’opportunité de délivrer des traitements personnalisés, sur mesure, est perçue comme l’une des meilleures voies d’amélioration de l’efficacité thérapeutique. 100 % des prothèses auditives sont faites par impression 3D. Si imprimer des organes tels que le cœur ou le rein reste du domaine du rêve en raison de leur complexité, la recherche médicale alliée à l’impression 3D permet d’envisager les premiers essais cliniques à moyen terme pour des tissus plus simples tels que la cornée, la peau ou l’os.

Le groupe de l’UNAF a voté l’avis.

UNSAL’avis qui nous est soumis aujourd’hui pourrait très bien illustrer, s’il en était besoin,

l’utilité de notre assemblée. Sur un thème qui pourrait apparaître particulièrement ardu car très technologique, et donc réservé aux seuls spécialistes, l’avis s’est attaché à expliciter les contenus, mais aussi les problématiques et les enjeux que la fabrication additive ouvre, avant de formuler un certain nombre de recommandations pratiques pour ne pas en rester au constat.

42 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Pour réussir cet exploit, il aura fallu beaucoup de travail et un souci pédagogique constant. C’est, pour l’UNSA, une réussite et nous tenons à en remercier le rapporteur ainsi que les personnels du CESE qui l’ont épaulée.

L’impression 3D est un excellent vecteur pour démontrer les potentialités économiques que l’innovation numérique peut apporter de façon générale mais aussi la façon dont elle peut renouveler les problématiques industrielles, sociales ou sociétales, voire, parfois, les bouleverser, appelant à adapter des réponses ou même, carrément, à en construire d’inédites.

L’impression 3D n’en est plus, si l’on se réfère à l’échelle désormais très raccourcie du temps de l’innovation technologique, depuis longtemps au stade expérimental. Elle a déjà commencé à atteindre le stade industriel. Et, parce que c’est une technologie du 21ème siècle, elle se joue d’emblée sur le terrain mondial.

Dans quelle mesure ira-t-elle au bout de ses potentialités ? Il est impossible de le dire et l’avis a raison de conserver une certaine prudence sur ce point en observant que ses secteurs d’application resteront sans doute limités. Mais la prudence ne doit pas empêcher de comprendre que, si le train de la fabrication additive est parti, il est encore possible que l’économie française, ses entreprises comme ses salariés, soient bien dans ses wagons, voire dans ses locomotives, dans des domaines où notre compétitivité est certaine comme celui des logiciels, des services et des matériaux.

Comme toutes les technologies, l’impression 3D n’est pas riche que de ce qu’elle permet matériellement de produire, même si elle ouvre vraiment un nouveau champ des possibles en la matière. Elle offre également cette capacité à répondre en même temps à des questions aussi fondamentales que celle de la localisation des emplois sur le territoire national, que celle aussi d’une nouvelle organisation du travail ou encore d’un circuit de qualification professionnelle à penser et à construire. Elle offre aussi, pour notre société et ses citoyens, des opportunités pour construire de l’initiative et du coopératif, donc de l’autonomie, à travers une technologie de fabrication qui, certes, intéresse les entreprises mais aussi le citoyen « lambda » à travers les Fabs-Labs.

Si cet avis informe et donc sensibilise, et c’est, pour l’UNSA, une véritable vertu, il ouvre aussi des pistes par ses recommandations. Certaines sont forcément générales dans un domaine où les citoyens, mais aussi les acteurs économiques, sociaux et environnementaux, sont très loin de maîtriser massivement les enjeux posés.

D’autres sont plus précises et opérationnelles. Parmi celles-ci, on peut citer les préconisations qui touchent au niveau européen, celles qui concernent les politiques éducatives et de formation ou encore celles qui appellent à des politiques publiques résolues quant au cap stratégique industriel et de recherche à tenir.

L’UNSA a donc voté l’avis.

44 – AvIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

ScrutinScrutin sur l’ensemble du projet d’avis

présenté par Renée Ingelaere, rapporteur

Nombre de votants 170

Ont voté pour 168

Se sont abstenus 2

Le CESE a adopté.

Ont voté pour : 168

Agriculture Mme Bernard, MM. Ferey, Giroud, Pelhate, Roustan, Mme Sinay, M. vasseur.

Artisanat Mme Amoros, MM. Bressy, Crouzet, Mmes Foucher, Gaultier, MM. Griset, Le Lann, Liébus.

Associations M. Allier, Mme Arnoult-Brill, MM. Charhon, Da Costa, Mme Jond, M. Leclercq, Mme Prado.

CFDT M. Blanc, Mme Boutrand, MM. Cadart, Duchemin, Gillier, Mmes Hervé, Houbairi, MM. Le Clézio, Mussot, Mme Nathan, M. Nau,

Mmes Nicolle, Pajéres y Sanchez, Prévost, M. Ritzenthaler.

CFE-CGC M. Artero, Mmes Couturier, Couvert, MM. Dos Santos, Lamy, Mme Weber.

CFTC M. Coquillion, Mme Courtoux, M. Louis, Mme Parle.

CGT Mmes Crosemarie, Dumas, M. Durand, Mmes Farache, Hacquemand, MM. Mansouri-Guilani, Marie, Michel, Naton, Teskouk.

CGT-FO Mme Baltazar, MM. Bellanca, Bernus, Mme Boutaric, MM. Chorin, Lardy, Mme Millan, M. Nedzynski, Mme Nicoletta, M. Peres, Mme Perrot,

MM. Pihet, Porte, Mme Thomas, M. veyrier.

Coopération M. Argueyrolles, Mme de L’Estoile, M. Lenancker, Mmes Rafael, Roudil, M. verdier.

Entreprises MM. Bailly, Bernasconi, Mmes Castera, Coisne-Roquette, Dubrac, Duhamel, Duprez, Frisch, M. Gailly,

Mme Ingelaere, MM. Jamet, Lebrun, Marcon, Mariotti, Mongereau, Pottier, Mmes Prévot-Madère, Roy, M. Schilansky, Mme vilain.

Environnement et nature

MM. Beall, Bonduelle, Bougrain Dubourg, Mmes de Béthencourt, Ducroux, MM. Genest, Genty, Guérin,

Mmes de Thiersant, Laplante, Mesquida, vincent-Sweet, M. virlouvet.

Mutualité MM. Andreck, Davant, Mme vion.

Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

M. Dulin, Mmes Guichet, Trellu-Kane.

Outre-mer MM. Budoc, Janky, Kanimoa, Osénat, Mmes Romouli-Zouhair, Tjibaou.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 45

Personnalités qualifiées

M. Bailly, Mme Ballaloud, Brishoual, Brunet, Cayet, Chabaud, M. Delevoye, Mmes Dussaussois, El Okki, Flessel-Colovic, Fontenoy, MM. Fremont,

Geveaux, Mmes Gibault, Grard, Graz, Hezard, M. Jouzel, Mme de Kerviler, M. Le Bris, Mme Levaux, M. Martin, Mmes de Menthon, Meyer, M. Obadia,

Mme Ricard, M. Richard, Mme du Roscoät, MM. Soubie, Terzian, Urieta.

Professions libérales

MM. Capdeville, Gordon-Krief, Mme Riquier-Sauvage.

UNAF Mme Basset, MM. Damien, Farriol, Feretti, Fondard, Joyeux, Mmes Koné, Therry, M. de viguerie.

UNSA MM. Bérille, Grosset-Brauer.

Se sont abstenus : 2

Personnalités qualifiées

MM. Hochart, Khalfa.

présenté au nom de la section des activités économiques

par Mme Renée Ingelaere

Rapport Innovations technologiques et performance industrielle globale : l’exemple de l’impression 3D

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 49

Rapport

IntroductionEntrée de plein pied dans la mondialisation, bousculée par le cycle accéléré du

renouvellement des produits et des processus induits par l’innovation, la France parvient difficilement à adapter son modèle productif aux nouveaux déterminants de la croissance et de la demande mondiale. Comme l’attestent les classements internationaux, les performances du système d’innovation placent la France derrière les économies les plus innovantes2.

Le fort potentiel en ressources scientifiques et technologiques de la recherche publique ne trouve pas suffisamment le chemin de la valorisation dans les entreprises vers le marché et la création d’emploi.

Or, la dynamique de la mondialisation se caractérise très précisément par un basculement dans un monde de haute valeur ajoutée tiré par l’innovation, définie comme cette capacité « à porter le nouveau, à changer les paradigmes technologiques, organisationnels, économiques, sociétaux »3, apte à transformer les économies et les sociétés, à modifier les futurs. Cette dynamique de fond entraine de profondes mutations.

Au cœur de ce vaste mouvement, nos économies et, plus généralement, nos sociétés sont confrontées à l’émergence de technologies disruptives, issues de la grande vague d’innovation qui bouleverse déjà nos vies quotidiennes de citoyens, la vie professionnelle et notre appareil de production. Elles structurent les stratégies de redéploiements industriels à venir et leur performance. Elles sont l’enjeu des prochaines batailles concurrentielles et de compétitivité entre économies développées et émergentes.

Quelles sont-elles  ? Une étude prospective à 20254 définit plusieurs technologies comme autant de ruptures dont l’impact est susceptible de transformer profondément des pans importants de l’économie. Une majorité de ces technologies sont et seront issues du domaine du numérique. Plusieurs d’entre elles sont reprises dans un récent rapport sur « la transformation numérique de l’économie française »5. Il s’agit de l’internet mobile, de l’internet des objets, du cloud computing, du big data, de l’automatisation des métiers du savoir, de la robotique de pointe, des matériaux avancées et de l’impression 3D.

L’enjeu majeur à venir se situe autour de la maîtrise des compétences, de l’invention d’usages inédits et de la transformation des entreprises et de leurs organisations face au développement du numérique.

2 Le Global Innovation Index (Johnson Cornel University, INSEAD, WIPO) classe ainsi la France au 22e rang mondial et au 10e rang de l’Union européenne. Quant à la Commission européenne, son « Tableau de bord de l’innovation » 2014 situe la France à la 11e place de l’UE, juste au-dessus de la moyenne de l’Union.

3 Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin, L’innovation, un enjeu majeur pour la France, Ministère du Redressement productif et Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, avril 2013.

4 McKinsey France, Industrie2.0. Jouer la rupture pour une Renaissance de l’industrie française, novembre 2013.5 Philippe Lemoine, La nouvelle grammaire du succès - La transformation numérique de l’économie française,

rapport au gouvernement, novembre 2014.

50 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Raison de plus pour s’emparer du foisonnement de ces technologies, maîtriser leur développement et leurs usages et dépasser nos faiblesses que tant de rapports et d’études ont identifiées, qu’il s’agisse de la dégradation continue de notre compétitivité industrielle, de la vulnérabilité des secteurs exposés à la concurrence mondiale, de la baisse de rentabilité de nos entreprises, de l’inadaptation de notre système de formation et du niveau du chômage.

*

L’impression 3D ou fabrication additive - deux termes aujourd’hui utilisés indifféremment - est née il y a une trentaine d’années et correspond aux «  procédés par ajout de matière consistant à fabriquer directement des pièces à partir d’un modèle numérique 3D sans recourir à un outillage »6. Elle s’est développée progressivement pour figurer aujourd’hui, pour certains, comme l’une des technologies disruptives phare de la nouvelle croissance. Permettant de transformer l’information numérique pour produire toute sorte d’objets complexes qu’il est impossible à fabriquer selon les procédés industriels traditionnels, l’impression 3D séduit au-delà des chercheurs et des entrepreneurs, des millions d’utilisateurs individuels dans le monde.

Sa maîtrise résume l’équation que l’économie française doit résoudre pour bénéficier de cette nouvelle croissance fondée sur l’articulation entre innovations technologiques et performance industrielle, le respect des ressources naturelles et l’évolution des modes de consommation.

L’impact du numérique et des technologies qui en sont issues sur le cycle de production et sur sa performance préfigure un véritable changement de paradigme. Toutes les étapes du cycle sont concernées et le client final y trouve une place centrale. Il a la possibilité désormais, par les technologies, de s’emparer des capacités de production. C’est le mouvement des Makers, parfaitement illustré par le déploiement des usages de l’impression 3D. Parmi les trois leviers de la stratégie produit de l’entreprise, à savoir prix bas, innovation continue (performance), offre personnalisée (« intimité du client »), cette dernière revêt une importance tout particulière.

Face à une telle mutation économique, technologique et sociétale, il convient de s’interroger sur :

– les choix de politique industrielle et d’innovations technologiques que les décideurs publics doivent opérer, afin d’en faire bénéficier l’économie et la société, en termes de nouvelle croissance et d’emploi. Or, il est difficile d’identifier aujourd’hui les nouveaux produits, services, ou les nouvelles technologies qui émergeront dans les années à venir. Cela nécessite un travail d’anticipation des besoins futurs et nouveaux des populations, ainsi que des nouveaux marchés. Il convient alors d’explorer plusieurs trajectoires, d’entretenir les compétences dans plusieurs domaines et de gérer cette complexité ;

– le degré d’acceptabilité de l’économie et de la société vis-à-vis de ces profondes mutations ;

– la nouvelle organisation productive découlant de la mise en œuvre et du développement de ces innovations et donc le visage de l’usine du futur ;

– les nouvelles compétences requises et la structure de l’emploi engendré.

6 Définition de l’International Organization for Standardization (ISO), cf. infra.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 51

À travers l’exemple de l’impression 3D, le présent rapport propose d’aborder ce changement de paradigme et d’analyser ses conséquences à la fois sur le système de production industrielle, sur les métiers et l’emploi et sur les usages, plaçant «  le client-fabriquant », c’est-à-dire les Makers, dans la chaîne de fabrication de nouveaux produits.

Il ambitionne de souligner la rupture que pourrait introduire l’impression 3D et l’ampleur de ses applications. Plusieurs types d’enjeux peuvent alors être définis :

– les enjeux géoéconomiques et géopolitiques sont liés à la conquête technologique et celle des marchés. Quelle est aujourd’hui la place de la France, qui fut pionnière en ce domaine ? L’analyse des dépôts de brevets dans le domaine de l’impression 3D montre que les États-Unis semblent détenir l’avantage compte tenu du nombre de brevets et du nombre de pays d’application de ces brevets. La Chine apparaît comme le premier déposant dans ce domaine7 ;

– les enjeux productifs sont liés à la capacité des acteurs économiques à promouvoir et mettre en œuvre une telle technologie pour transformer profondément l’organisation productive et les relations au marché du plus grand nombre de filières concernées et ouvrir de nouvelles voies d’innovation et de création de richesse : se placer en quelque sorte en « empathie » permanente avec la demande du marché ;

– les enjeux juridiques et de sécurité sont révélés par le bouleversement des usages induits par la socialisation de la technologie et en particulier par les pratiques du «  client-fabriquant  ». Il s’agit des questions inédites de droit de propriété intellectuelle et industrielle et de sécurité des produits ;

– les enjeux sociaux sont ceux liés à la mise en œuvre et à la diffusion des technologies disruptives. Elles bouleversent les modes actuels de production, les modèles économiques, réduisent le plus souvent le volume des emplois, modifient sensiblement les qualifications professionnelles, et rendent inopérant à la fois les organisations et les compétences qu’il convient de repenser entièrement. L’accompagnement du changement, l’innovation collaborative, la prospective des nouveaux métiers qui en découle, la réponse en terme de formation tant initiale que continue deviennent des enjeux majeurs ;

– les enjeux écologiques sont liés à l’utilisation de la matière et à la consommation d’énergie ;

– les enjeux financiers sont liés à l’attitude de l’appareil bancaire, lui-même assez hostile à l’égard de la prise de risques, surtout en relation avec des innovations ;

– un dernier enjeu concerne plus largement la relation de notre pays à l’innovation et à la prise de risque. Or, l’innovation, par définition, s’accompagne d’une prise de risques supplémentaires qui ne peut exclure l’échec8. Il est vrai que notre système culturel de référence - à commencer dans le domaine scolaire - a tendance à stigmatiser l’échec au lieu d’en retenir les acquis et l’expérience. Alors que l’innovation constitue un élément déterminant de la compétitivité, il est urgent d’en développer la culture et le goût, particulièrement auprès des jeunes, ce qui passe naturellement par la reconnaissance du droit à l’erreur mais surtout par la construction d’un écosystème qui lui soit favorable.

7 Cf. Dou Henri, Clerc Philippe, Trends in 3D printing from a Patent Information Analysis (APA), International Journal of Multidisciplinary Research and Advanced in Engineering, à paraître mars 2015.

8 Interview d’Anne Lauvergeon, La Cohorte, mai 2014.

52 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

L’impression 3D, de la recherche à l’industrialisation

Une technologie déjà « vieille » de plus de 30 ansEn juin 2014, l’Office européen des brevets (OEB) décernait son prix de l’inventeur dans

la catégorie « pays non européens » à Charles W. Hull, l’ingénieur américain qui a développé, au début des années 1980, la technologie de la fabrication additive (désormais popularisée sous le nom d’« impression 3D ») sous son premier procédé, la « stéréolithographie ».

Célébrée à cette occasion par l’OEB comme une étape qui « pourrait un jour prendre sa place parmi les plus grands progrès techniques réalisés dans le secteur manufacturier depuis la révolution industrielle »9, cette innovation n’avait initialement pour objectif que de faciliter la création des pièces en plastique destinées à la réalisation de maquettes ou de prototypes pour la mise à l’essai de nouveaux produits : la méthode traditionnelle du moulage est alors remplacée par la superposition - et la solidification par une source d’énergie (un laser, par exemple) - de milliers de couches extrêmement fines de matières permettant d’adopter directement les formes précises souhaitées, aussi complexes soient-elles. Cette fabrication par empilement est pilotée par un logiciel qui, lui-même, se base sur un plan virtuel en trois dimensions  : son développement est donc intimement lié à celui des technologies numériques.

Pourtant, si Charles W. Hull, alors installé à valencia en Californie, est ainsi aujourd’hui considéré comme le « père » de cette technologie, son invention doit être replacée dans un contexte de multiples recherches parallèles dans le même domaine. Sans remonter jusqu’aux premiers essais utilisant une source laser pour réaliser des objets solides à base de matières plastiques à la fin des années 1960, les années 1980 ont vu les premiers aboutissements10 avec, notamment, les travaux de Hideo Kodoma (Nagoya) puis de Yori Marutani (Osaka) au Japon ou encore les publications d’Alan Herbert aux États-Unis. La première demande de brevet a même été déposée en juillet 1984 par le Français Jean-Claude André (Institut national polytechnique de Lorraine à Nancy, CNRS) précédant de peu celle de Charles W. Hull lui-même en août de la même année (accordée en mars 1986).

Quoiqu’il en soit, ce mois de mars 1986 a aussitôt vu la création, par Charles W. Hull et Raymond Freed de la société 3D Systems qui a commercialisé, à partir d’avril 1988, les toutes premières machines de fabrication additive au monde. Cotée au sein de l’indice boursier Nasdaq, le marché d’actions des États-Unis spécialisé dans les valeurs technologiques, cette entreprise est aujourd’hui un des leaders mondiaux du secteur avec Stratasys, société créée en 1989 par Scott Crump dans le Minnesota, également cotée au Nasdaq (cf. infra la présentation des grandes entreprises du secteur).

9 http://www.epo.org/learning-events/european-inventor/finalists/2014/hull_fr.html.10 Cf. Terry Wolhers et Tim Gornet, History of additive manufacturing, Wohlers Report 2012.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 53

D’aucuns voient d’ailleurs dans cette différence entre les deux côtés de l’Atlantique - un excellent niveau de recherche dans notre pays pouvant rivaliser avec celui de la première puissance mondiale mais une incapacité à transformer concrètement cette découverte en activité économique - une sorte de symbole d’un « mal français ».

Au-delà des activités professionnelles de pointe, la fabrication additive a simultanément connu un engouement auprès de particuliers mettant en commun leurs savoirs - dans l’esprit du Do it yourself (DIY) et des logiciels «  open source  » dont le code peut être lu, amélioré ou modifié par chacun - notamment au sein des Fab-Labs (contraction de l’anglais fabrication laboratory, laboratoire de fabrication). Ces lieux ouverts au public - dont l’idée est née au sein du Center for Bits and Atoms du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à l’initiative de Neil Gershenfeld - mettent à sa disposition des machines pilotées par ordinateur et permettant la conception et la réalisation d’objets. On compte en 2014 plus d’une centaine de ces Fab-Labs en France, labellisés ou non par le MIT (et au sein desquels l’impression 3D est une méthode utilisée parmi d’autres). La démocratisation de ces outils de production est d’ailleurs accélérée par la baisse régulière de leur prix11, la frontière entre activités professionnelles et activités personnelles et de loisirs tendant à s’estomper : chacun peut désormais se considérer comme un entrepreneur potentiel. On peut ainsi penser que, parallèlement au développement attendu de l’utilisation des imprimantes 3D à domicile, des «  systèmes de production collaboratifs de proximité dotés d’un matériel beaucoup plus perfectionné disposeraient de bien plus d’atouts pour s’imposer »12.

Au niveau mondial, en 2013, il s’est vendu 9 800 machines industrielles de fabrication additive (contre 7 800 en 2012, soit + 26 %) et 72 500 imprimantes 3D personnelles (contre 35 500 en 2012, soit plus qu’un doublement)13.

Corollaire de ce développement et de certaines réalisations particulièrement spectaculaires notamment dans le domaine de la santé, l’impression 3D a dernièrement fini par attirer l’attention de tous les médias grand public. L’hebdomadaire The Economist lui consacrait ainsi sa couverture en février 2011 : « Imprime moi un Stradivarius - Comment une nouvelle technologie de production va changer le monde  »14. La fabrication additive commence également à faire l’objet de déclarations de la part de responsables politiques, la plus emblématique étant celle du Président des États-Unis affirmant que l’impression 3D « a le pouvoir de révolutionner la façon dont nous fabriquons presque tout »15 (Barack Obama, discours sur l’état de l’Union, février 2013). Enfin, des intellectuels se sont aussi emparés du sujet jusqu’à y voir, non seulement la perspective d’un changement profond dans le fonctionnement de l’industrie manufacturière mais bien aussi dans l’organisation de la société toute entière. Jeremy Rifkin en est l’un des représentants les plus emblématiques qui voit, à terme, dans l’impression 3D, un passage « de la production de masse à la production

11 Quelques centaines d’euros pour les imprimantes destinées aux particuliers. Les fabricants escomptent cependant - à l’image des imprimantes classiques - que les matériaux leur procureront des marges supérieures aux machines elles-mêmes (dont certaines ne peuvent d’ailleurs fonctionner qu’avec les cartouches de matériaux fournies par le fabricant).

12 Arthur Guillouzouic-Le Corf, L’impression tridimensionnelle, une technologie clé pour les usines du futur ?, Réalités industrielles (Annales des Mines), novembre 2013.

13 Source : Wohlers report 2014.14 « Print me a Stradivarius - How a new manufacturing technology will change the world ».15 « the 3D printing that has the potential to revolutionize the way we make almost everything ».

54 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

par les masses  »16. Il s’est d’ailleurs vu confier en 2012, par la Chambre de commerce et d’industrie de région Nord de France et le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, une mission de prospective originale, celle de l’élaboration d’une «  feuille de route  » visant à faire du Nord-Pas de Calais une région pionnière pour la «  Troisième révolution industrielle  » et les créations d’activités et d’emplois qui lui sont associées.

Les services (édition de logiciel, services d’impression, marché des fichiers en ligne…) et les matériaux associés à ces imprimantes occupent d’ores et déjà la place principale sur ce marché (1,8  milliard de dollars contre 700  millions de dollars pour les machines elles-mêmes). Ces données sont à la fois déjà significatives et encore très modestes rapportées à l’ensemble de l’économie.

L’enjeu désormais est bien de savoir quelle sera, à terme, sa place dans le nouveau paysage industriel mondial : un procédé simplement dédié à la réalisation de gadgets pas toujours indispensables  ? Une innovation employée dans des marchés de niche à haute valeur ajoutée  ? Ou bien une technologie ayant vocation à remplacer, à terme, la quasi-totalité des modes de production traditionnels ?

16 voir Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle - Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde (éditions Les Liens qui Libèrent, 2013) et La nouvelle société du coût marginal zéro - l’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme (éditions Les Liens qui Libèrent, 2014).

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 55

Encadré 1 : Les différents procédés d’impression 3D

Au-delà des principes de base communs (ajout de matière couche par couche, procédé à commande numérique, modèle 3D), il existe en réalité plusieurs techniques d’impression 3D qui comportent chacune de nombreuses variantes. Elles ne nécessitent ni les mêmes équipements, ni les mêmes matériaux.

Les principaux procédés peuvent être classés en trois grandes familles : – la photopolymérisation : un matériau liquide est solidifié grâce à la lumière.

Ce procédé est à la base de la plus ancienne technique d’impression 3D, la stéréolithographie (ou SLA) qui utilise un laser à rayons ultraviolets. Il présente des avantages en termes de grande précision mais ne peut utiliser qu’un nombre très limité de matériaux (par ailleurs très coûteux), ne permet pas d’imprimer en couleurs et le temps d’impression est long.

Les principales variantes de ce procédé sont la Digital Light Processing (DLP), plus rapide et pouvant utiliser des matériaux plus variés tout en conservant un bon niveau de précision, la technologie Polyjet qui permet notamment d’imprimer simultanément plusieurs types de matériaux différents et la Two-Photon polymerization (2PP) qui permet de fabriquer des objets à échelle nanoscopique ;

– le liage de poudre regroupe plusieurs procédés par lesquels le matériau de base, une poudre, est fusionnée par diverses techniques. Le principal avantage est de pouvoir offrir une grande diversité de matériaux, métalliques en particulier.

On classe dans cette catégorie le frittage laser - Selective Laser Sintering (SLS) et Direct Metal laser Sintering (DMLS) - et par lequel un laser très puissant permet de fusionner de fines particules de poudre, la technologie E-Beam ou Electric Beam Melting (EBM) et sa variante EBF3 qui fusionnent une poudre de métal avec un laser à électrons ou encore la technique Three-Dimensional Printing (3DPM) dans laquelle la glue qui vient encoller le matériau en poudre permet des impressions en couleur. On peut en rapprocher les techniques à jet d’encre ou Multi-Jet Modeling (MJM) qui utilisent la cire fondue comme matière première (pour la fabrication de moules notamment), une glue spéciale étant déposée pour solidifier l’objet au fur et à mesure de sa fabrication ;

– le dépôt progressif de matière. Cette méthode du dépôt de filament fondu - la plus ancienne après la stéréolithographie - est connue sous les marques FDM (Fused Deposition Modeling), FFF (Fused Filament Fabrication) ou encore MPD (Molten Polymer Deposition). Le filament est fondu au fur et à mesure de l’impression par couches successives très fines. De nombreux matériaux sont utilisables (divers types de plastiques mais également du métal, des aliments ou des cellules) par ces machines simples à utiliser et permettant une grande variété d’usages (mais, souvent, une précision moindre).

Actuellement, la stéréolithographie et le frittage laser sont les procédés les plus employés dans l’industrie tandis que le dépôt de filament fondu a été récemment popularisé par l’arrivée des imprimantes 3D personnelles.

Source : Mathilde Berchon, L’impression 3D, Éditions Eyrolles, 2014.

56 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Des premières réalisations prometteuses : du prototypage rapide à la personnalisation de masse

Les premières machines, utilisées dans des laboratoires ou des bureaux d’études, étaient très chères et très lentes. Elles produisaient de petites pièces, essentiellement en plastique, dédiées au maquettisme et au prototypage. En quelques années des progrès considérables ont été enregistrés17, d’une part, concernant les vitesses de fabrication18 et, d’autre part, la variété des matériaux désormais utilisés, de l’ordre de 200 en 2014 et dont le nombre augmente chaque année, qui peuvent être répartis en quatre catégories principales19 :

– les plastiques et les composites ; – les métaux (aluminium, aciers, nickel, titane, cuivre, or, argent, platine...) et leurs

alliages ; – les céramiques (y compris le sable, le plâtre ou le béton) ; – les matières organiques (cires, filaments de bois, papier, matières alimentaires,

tissus biologiques).

On peut y ajouter, derniers développements en date riches de vastes perspectives, les nano matériaux (mais on ne peut pas - ou pas encore - imprimer le cuir, le bois ou les matières textiles).

En outre, non seulement les matériaux utilisables sont maintenant beaucoup plus nombreux mais certaines machines sont désormais capables d’utiliser simultanément plusieurs matériaux de même nature, plastiques ou métaux. Il est très probable qu’il sera possible, à l’avenir, d’employer en même temps plusieurs matériaux de nature différente. Des progrès immenses ont également été réalisés quant à la taille des produits fabriqués (allant de quelques centimètres à plusieurs mètres) et quant à leur précision (qui peut atteindre de l’ordre du micron).

Technologie en plein développement, la fabrication additive donne ainsi lieu à de nombreuses réalisations qui en restent actuellement au stade de la prouesse technique (première carrosserie de voiture ou premières maisons entièrement imprimées en 3D20). C’est dans le même esprit qu’il faut accueillir les annonces concernant «  la plus petite imprimante 3D au monde  » (mise au point en Autriche par l’Université technologique de vienne) ou «  la plus grande imprimante 3D au monde » (envisagée par l’entreprise chinoise Nanfang Ventilator en février 2014)21.

17 Audition de M. Jean-Gilles Cahn, Economiste à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, devant la section des activités économiques du CESE, 15 mai 2014.

18 « La vitesse des imprimantes double tous les deux ans », interview d’Abraham Reichental, PDG de 3D Systems, Les Echos, 9 avril 2014.

19 Audition de M. Philippe Heinrich, Consultant en nouvelles technologies et spécialiste de l’impression 3D, devant la section des activités économiques du CESE, 22 mai 2014.

20 La société chinoise Shanghai WinSun a ainsi imprimé les pièces composant une dizaine de maisons en 24  heures qui ont ensuite été assemblées. Ces bâtiments qui mesurent 200  m2 chacun coûtent environ 30  000  yuans (3  500  euros) et les matériaux utilisés sont issus de déchets recyclés. D’autres projets liant immobilier et impression 3D sont également en cours de développement aux États-Unis et en Europe comme, par exemple, le projet KamerMaker à Amsterdam (source : Les Echos, 15 avril 2014). Le Président de WinSun, M. Yihe Ma, a été l’un des intervenants du World Forum de Lille qui s’est tenu du 21 au 23 octobre 2014.

21 Le premier projet n’est « pas plus grand qu’une brique de lait » pour un poids de 1,5 kg tandis que les dimensions du second seraient de 28 mètres de long x 23 m. de large x 9,5 m. de hauteur.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 57

Pour autant, si son utilisation pour la réalisation de prototypes reste aujourd’hui courante dans certains métiers comme les ingénieurs, les architectes et les designers de produits (et sans oublier les artistes qui peuvent y puiser de nouveaux vecteurs pour leur créativité), la fabrication additive est aussi en train de devenir une réalité pour la production industrielle elle-même tant le nombre de ses applications possibles s’est diversifié. L’impression 3D recouvre aujourd’hui, en réalité, tout un ensemble de technologies22 et, sans parler de celles utilisées par les particuliers, il existe aujourd’hui environ 80 modèles de machines industrielles dans le monde.

Quelques exemples parmi d’autres des réalisations les plus courantes ou les plus spectaculaires permettent de se faire une idée, certes encore imparfaite, de ses potentialités - sans même tenir compte de celles (forcément discrètes) menées dans le domaine de la Défense. Nous présentons ci-dessous les principales applications selon les secteurs dont elles relèvent.

C’est bien le secteur de la santé qui est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions tant les possibilités nouvelles - et les marchés qui leur sont liés - apparaissent impressionnants. Tout d’abord, la réalisation de maquettes très précises permet leur utilisation par les étudiants et les chirurgiens pour s’exercer à des gestes nouveaux ou difficiles. Ensuite, la mise au point de prothèses et d’implants sur mesure (le titane étant biocompatible), parfaitement adaptés à chaque patient grâce à la possibilité de numériser ses caractéristiques morphologiques (par scanner, échographie ou IRM), donne lieu à des annonces quasi-quotidiennes.

L’utilisation pour la fabrication des prothèses dentaires ou auditives est déjà entrée dans les habitudes. Ainsi, les laboratoires de prothèses dentaires utilisent désormais massivement l’impression 3D, ce qui a conduit les constructeurs à proposer des matériels spécifiques pour cette activité. De même, en l’espace de trois ans seulement, la part de l’impression 3D dans la production des prothèses auditives - qui constituent un marché mondial à fort développement de plusieurs centaines de millions d’euros - est-elle passée de 0 à 100 %. Le remplacement des os (hanches, mâchoires, crâne23...) devient également possible. Les recherches ainsi que les premières applications se poursuivent, par exemple pour la reconstitution de la peau. La reproduction des organes solides tels que le cœur, les reins, le foie ou les poumons n’est toutefois pas encore à l’ordre du jour en raison, notamment des difficultés de vascularisation des tissus : en effet, on ne peut pas « reproduire la complexité d’un organe entier et de ses fonctions simplement en superposant des couches de cellules »24.

22 La « stéréolithographie » (SLA), le « frittage sélectif par laser » (SLS pour Selective Laser Sintering) et le « dépôt fil tendu » (FDM pour FusedDepositionModeling) étant les plus répandues. Cf. encadré 1 supra.

23 Une prothèse crânienne en plastique, imprimée sur mesure en 3D, a été implantée avec succès pour la première fois aux Pays-Bas en mai 2014.

24 voir Pauline Léna, L’impression 3D en médecine : la chirurgie d’abord, Le Figaro, 5 mai 2014.

58 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Encadré 2 : La chirurgie et l’impression 3D

C’est à partir des années 1990 que l’utilisation de l’impression 3D (stéréolithographie) a permis la création des premiers objets anatomiques. Ceux-ci ont tout d’abord été utilisés pour simuler des interventions délicates avant de passer à leur réalisation (par exemple, la séparation de jumeaux siamois par le Professeur Kawamoto à l’Université de Californie de Los Angeles). Cet apprentissage des opérations chirurgicales permet non seulement de « voir » les gestes à réaliser (ce qui est déjà possible par la seule image 3D) mais aussi de « sentir » la consistance des tissus.

L’impression est désormais également utilisée dans les interventions de reconstruction faciale, que les défigurations soient dues à des malformations congénitales, à des tumeurs (bénignes ou malignes) ou encore à des traumatismes. L’objectif de cette chirurgie n’est pas seulement de restaurer une forme acceptable des visages mais aussi la fonction des organes, c’est-à-dire la mobilité qui seule peut permettre de retrouver des expressions, la parole, l’alimentation ou encore la sensibilité du toucher : un masque ne constitue pas à lui seul une véritable identité.

Les problèmes qui en découlent (notamment la revascularisation des tissus) sont cependant très difficiles à résoudre et amènent à soulever la question du croisement entre les nouvelles technologies et la dimension biologique pour favoriser les capacités de re-création de cellules, de tissus voire d’organes entiers. C’est ainsi que l’impression en 3D des premiers vaisseaux sanguins a été réalisée à Boston. De même, fabriquer de la peau grâce à cette technologie sera sans doute bientôt possible.

Et, même si cela ressemble aujourd’hui encore à de la science-fiction, rien n’interdit de penser, qu’à terme, la conservation de cellules du cordon ombilical ou de cellules embryonnaires (cellules souches) à la naissance de chaque enfant pourra un jour permettre - en cas de besoin - la reconstitution de tel ou tel de ses organes et ainsi éviter à l’avenir les lourdes opérations de transplantations. En ce sens, il est même possible d’affirmer que ces dernières pourraient bien n’avoir été qu’une courte parenthèse dans l’histoire de la chirurgie. Enfin, concernant les questions éthiques qui peuvent se poser, le Professeur Devauchelle, Chirurgien au CHU d’Amiens, souligne qu’« on ne fait de la vie qu’avec de la vie ».

Source : M. Bernard Devauchelle, audition devant la section des activités économiques du CESE, 20 novembre 2014.

Le secteur aéronautique et spatial a été l’un des tous premiers utilisateurs. Les deux géants Airbus et Boeing produisent, dès à présent et de façon plus rapide que par les procédés traditionnels (Pour les pales de turbine, par exemple, il est ainsi possible de réduire de 12 à 5 le nombre des étapes nécessaires à leur fabrication), des milliers de pièces complexes pour les ailes et les moteurs d’avions. Cette méthode permet également d’alléger chaque avion avec toutes les garanties de sécurité, ce qui se traduit par des économies substantielles en combustible. Des organismes tels que l’Agence spatiale des États-Unis (NASA) ou l’Agence spatiale européenne (ESA) s’y intéressent également de près pour produire des outils et des

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 59

pièces de rechange dans la station spatiale internationale voire, à terme, comme l’envisage également sérieusement l’Agence spatiale japonaise (JAXA)25, pour imprimer des satellites directement sur place.

L’industrie automobile qui utilise la fabrication additive encore essentiellement pour réduire les délais et les coûts de fabrication de ses prototypes, s’y intéresse désormais aussi pour la réalisation des outillages nécessaires à la fabrication des véhicules et celle de parties de moules afin d’améliorer la qualité des pièces. Mais la production de pièces elles-mêmes commence également à être concernée, par exemple pour les garnitures intérieures, le capot des moteurs ou encore certaines composantes des moteurs utilisés pour le sport automobile (correspondant à des besoins très spécifiques et en série limitée).

Il est également à noter que ce secteur pourrait être particulièrement concerné par le développement de la production de pièces de rechange, directement par les particuliers ou via des réparateurs professionnels de proximité.

Dans le secteur de l’énergie, de grandes entreprises telles que General Electric ou Siemens ont investi dans cette technologie pour la fabrication de leurs turbines à gaz avec la perspective, à horizon de cinq à dix ans, de passer à la production de pièces impossibles à réaliser par usinage et résistant sur longue durée à la chaleur. Une équipe de chercheurs d’Harvard a réussi à produire, par cette méthode, des batteries lithium-ion plus petites qu’un grain de sable.

La bijouterie, la joaillerie, l’horlogerie ou encore la cristallerie sont également des domaines pour lesquelles l’impression 3D se révèle déjà particulièrement bien adaptée pour un usage professionnel - artisanal notamment - en permettant la conception de pièces d’une seul tenant et d’une extrême précision. Par ailleurs, il s’agit de l’un des secteurs dans lesquels la personnalisation des modèles en fonction des souhaits de la clientèle peut le plus facilement s’appliquer  : actuellement, la bijouterie de luxe n’emploie quasiment plus que des imprimantes 3D pour réaliser les moulages « à cire perdue » utilisés pour la conception et la fabrication rapide de pièces uniques d’une grande finesse.

Dans le domaine alimentaire, des imprimantes à l’usage des professionnels (boulangers, pâtissiers, restaurateurs) permettent déjà d’utiliser du chocolat ou des confiseries. La société Barilla a annoncé que ses clients pourront bientôt choisir la forme et la composition de leurs pâtes tandis qu’un procédé d’impression 3D de viande artificielle vient d’être mis au point aux États-Unis26. Par ailleurs, un programme de recherches financé par la NASA travaille à l’« impression » de nourriture (pizzas) dans l’espace pour les astronautes. On peut également citer l’initiative de la start up barcelonaise Natural Machines qui envisage de commercialiser une imprimante 3D grand public baptisée Foodini au prix de 1 000 euros environ et recherche des partenariats avec des acteurs de l’agro-alimentaire pour la production des « capsules » d’ingrédients frais prêtes à l’emploi qui seraient utilisées dans ces machines.

Citons également le cas des industriels du jouet27 qui pourraient d’ailleurs, faute de réaction, figurer à terme parmi les premières victimes de l’usage de l’impression 3D par les particuliers (les pièces en plastique de forme simple de la société Lego, par exemple),

25 Ambassade de France au Japon, Vers la production de pièces par impression 3D pour le spatial, Agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT), Ministère des Affaires étrangères et du développement international, mars 2014.

26 Résultat d’une recherche conduite au sein de l’Université du Missouri, il vient de donner naissance à une start up américaine, Modern Meadows. http://modernmeadow.com/

27 http://www.zesmallfactory.com/blog/jouets-et-impression-3d/

60 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

directement ou, plus vraisemblablement, via des sites en ligne offrant leurs services. Ainsi, la société Hasbro a-t-elle engagé plusieurs partenariats pour proposer la fabrication, personnalisée et à la demande (donc sans stock), de figurines dont elle détient les droits ou encore pour envisager la vente d’imprimantes 3D pour enfants.

Dans le domaine de l’ameublement et de la décoration également, certaines marques se saisissent des nouvelles possibilités offertes par la fabrication additive pour proposer du mobilier et des objets laissant une part d’initiative grandissante à l’acheteur final (cependant encore essentiellement limité au choix des formes et des coloris)28. Il s’agit surtout de jeunes sociétés, les grandes enseignes du secteur habituées à fournir des produits entièrement finis semblant tarder à prendre ce virage.

Les principaux acteurs d’internet qui tendent à devenir globaux ne sont pas en reste. Google vient ainsi de passer un accord avec 3D Systems pour commercialiser en 2015 une nouvelle imprimante permettant de produire des téléphones portables sur mesure. Des acteurs de l’impression classique (Hewlett-Packard notamment) envisagent également sérieusement de prendre le tournant de cette technologie.

L’enjeu, naturellement, est de parvenir à fabriquer de telles pièces avec un rendement comparable à celui des modalités actuelles de la production de masse. À l’évidence, la fabrication additive cherche aujourd’hui à véritablement entrer dans une phase de développement en tant que moyen de production réellement industriel permettant de combiner la fabrication en grande série et la personnalisation la plus poussée en associant les consommateurs à la conception même du produit acheté (la « customisation de masse »).

28 C’est, par exemple, le cas de la marque brésilienne Allcreatorstogether (TOG) à laquelle collabore le designer français Philippe Starck. Cf. véronique Lorelle, La bibliothèque ? C’est moi qui l’ai faite, Le Monde, 17 septembre 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 61

Encadré 3 : L’artisanat et l’impression 3D

La politique de l’État visant à aider l’artisanat et les Très petites entreprises (TPE) à s’adapter aux évolutions de la technologie et de la société s’est principalement concrétisée par la mise en place des centres de ressources spécialisés que sont les « Pôles d’innovation pour l’artisanat et les petites entreprises » en liaison avec les organisations professionnelles, les centres de formation et les organismes consulaires (chambres de métiers et de l’artisanat). L’un des quatre axes opérationnels de ces pôles vise ainsi à « introduire les technologies numériques et les Technologies de l’information et de la communication (TIC) tout au long de la chaîne de valeur ».

Il est évident, aujourd’hui, que l’intégration de ces technologies conditionne la capacité à innover. Or, les TPE accusent toujours un retard numérique (47 % seulement des TPE ont un site Internet, d’après le baromètre 2013 d’OpinionWay). Il est donc nécessaire de concevoir - en lien avec les secteurs d’activité - des outils d’information ou des applications numériques qui facilitent l’appropriation des dernières technologies ou les intègrent directement dans leurs processus de production. Dans ce cadre, l’exemple des technologies de l’impression 3D dans l’artisanat de production mérite d’être signalé.

En effet, utilisée depuis quinze ans dans le secteur médical pour les prothèses et, depuis le milieu des années 1980, dans l’aéronautique et les transports pour les pièces mécaniques, l’impression 3D est en train de se propager à l’ensemble des activités de production car elle permet, outre le prototypage à faible coût, la production de pièces uniques ou de petites séries à des tarifs devenus compétitifs. Selon les acteurs en pointe du secteur, l’impression 3D pourrait même connaître un développement massif et modifier de manière durable les processus industriels.

L’impression 3D se rencontre déjà aujourd’hui dans certaines activités de production de l’artisanat : la prothèse dentaire et la fabrication de dispositifs médicaux, la fabrication de pièces mécaniques pour l’aéronautique et l’automobile, l’imprimerie, la joaillerie, l’orfèvrerie, la fabrication de jouets et de jeux. Dans les prochaines années, cette technologie, en plus de remplacer les modes de fabrication traditionnels dans de nombreux métiers, devrait aussi relancer les métiers de la réparation et de la fabrication de pièces détachées. Selon la loi sur la consommation, dite « loi Hamon », publiée le 18 mars 2014, les producteurs devront d’ailleurs désormais indiquer aux consommateurs les possibilités de réparations ultérieures de l’objet acquis et la durée pendant laquelle les pièces détachées nécessaires à leur réparation seront disponibles. Le fabricant ou importateur devra de plus fournir ces pièces, dans un délai de deux mois, aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non, qui le demandent. Par ailleurs, des ateliers de prototypage et des imprimeurs se positionnent à travers des services en ligne d’impression 3D de pièces uniques ou de séries limitées pour des marchés de niche.

Avec la perspective d’une diffusion possible de cette technologie dans les foyers, certaines industries pourraient être menacées par la concurrence des imprimantes personnelles, notamment l’industrie du jouet avec l’impression de figurines, poupées et jeux. Les secteurs des transports et de la messagerie pourraient également être impactés par la relocalisation de la production. Il est également possible qu’à terme certaines entreprises renoncent à produire elles-mêmes pour ne plus s’occuper que de la conception, de la protection de leurs fichiers-objets en 3D et de leur vente.

Source : Institut supérieur des métiers, Enjeux de l’innovation dans l’artisanat et le commerce de proximité, avril 2014.

62 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

L’état du marché mondial et les perspectivesSelon le rapport Wohlers 2014 - du nom du cabinet de conseil américain Wholers

Associates qui publie chaque année, depuis près de vingt ans, des données généralement considérées comme fiables sur la situation et les perspectives d’avenir dans l’industrie de la fabrication additive - le marché de l’impression 3D dans le monde a atteint 3,07 milliards de dollars (2,31 milliards d’euros sur la base 1 dollar = 1,33 euro) en 2013, en progression de près de 35 % par rapport à 2012.

Dans ce total, les parts respectives des produits et des services s’équilibrent avec respectivement des ventes s’élevant à 1,55 et 1,52 milliards de dollars (1,17 et 1,14 milliards d’euros). Au sein de la catégorie « produits », les équipements eux-mêmes représentent les 2/3 du chiffre d’affaire (environ 1 milliard de dollars soit 750 millions d’euros) contre 1/3 pour les matériaux utilisés (au sein desquels les métaux représentent encore moins de 10 % du total).

Le maintien de la suprématie des États-Unis

Fig. 1 : Les imprimantes 3D installées dans le monde en 2013 (en pourcentage du total mondial)

Etats-Unis 38,0 %

Japon 9,4 %

Allemagne 9,2 %

Chine 8,8 %

Royaume-Uni 4,3 % Italie 3,5 % France 3,3 %

Corée 2,5 %

Autres 21,0 %

Autres : Canada (1,9 %), Taïwan (1,5 %), Russie et Turquie (1,4 %), Espagne (1,3 %), Suède (1,2 %).

Source : Wohlers Report 2014.

Le nombre total cumulé des systèmes de fabrication additive installés par pays depuis 1988 (date de la première livraison d’une machine professionnelle à ses utilisateurs) jusqu’à la fin de l’année 2013 montre le maintien, à ce stade de la prédominance des États-Unis qui représentent 38 % du total des imprimantes 3D installées à ce jour dans le monde, assez loin

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 63

devant le Japon, l’Allemagne et la Chine (de l’ordre de 9 % chacun). La France apparaît au 7e

rang mondial avec un peu plus de 3 %, un peu derrière le Royaume-Uni et l’Italie et devant la Corée du Sud.

L’observation du nombre des machines vendues au cours de l’année 2013 montre que les États-Unis maintiennent leur avantage au cours de la dernière période devant leurs trois principaux poursuivants (avec toutefois un rythme plus élevé en Chine qu’au Japon et en Allemagne). Plus loin, derrière le Royaume-Uni, la France et la Corée ont refait récemment une partie de leur retard sur l’Italie.

Les principales entreprises dans le mondeMoins d’une quarantaine d’entreprises dans le monde - présentes dans une douzaine

de pays et dans trois grandes régions (États-Unis, Asie, Europe) - produisent et vendent aujourd’hui des équipements de fabrication additive de niveau professionnel, destinés à être utilisés par l’industrie. On retient par convention, dans cette catégorie, les machines dont le coût dépasse 5 000 dollars (3 800 euros), sachant que certaines d’entre elles peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars29.

Les États-Unis comptent les deux leaders mondiaux (cf. supra), 3D Systems et Stratasys, cette dernière entreprise - et sa filiale Solidscape - apparaissant toutefois désormais rattachées à Israël, pays dans lequel elle dispose également d’une implantation à Rehovot. Avec des chiffres d’affaires 2013 de, respectivement, 513 et 484 millions de dollars (386 et 364 millions d’euros)30 et en forte progression chaque année, ces deux acteurs dominent aujourd’hui le marché d’assez loin et procèdent d’ailleurs régulièrement à des acquisitions pour maintenir leur position dans le foisonnement actuel de créations et d’acquisitions au sein d’un secteur qui est loin d’être consolidé. En nombre de systèmes installés (donc sans tenir compte de leur prix), Stratasys a occupé 55 % du marché mondial en 2013 (5 375 ventes) devant 3D Systems (18 % avec 1 765 ventes). Le leader mondial a donc vendu environ 26 700 des quelque 66 700 systèmes installés dans le monde depuis 1988 (et même 35 200 en incluant ceux des sociétés qu’il a racheté) contre 15 700 pour son principal concurrent. On peut également citer, Outre-Atlantique, les sociétés Asiga, ExOne, Fabrisonic, Optomec, ou encore Sciaky.

En Asie, la Chine présente également aujourd’hui un nombre significatif d’intervenants (Beijing Tiertime, Beijing Longyuan, Hunan Farsoon, Shaanxi Hengtong, Shanghai Union-tech, Trump Precision Machinery, Wuhan Binhu). Les autres intervenants dans cette région du monde sont le Japon (Aspect, CMET) et la Corée du Sud (Carima, Inss Tek).

Au niveau européen, les entreprises allemandes sont en pointe, à commencer par EOS - qui a atteint un chiffre d’affaires de 141 millions de dollars en 2013 (106 millions d’euros) - mais aussi avec Concept Laser, Envisiontec, Rapid Shape, ReaLizer, SLM Solutions, Trumpf, Voxeljet, Innovation Meditec. Deux autres sociétés significatives sont situées au Royaume-Uni

29 Le Wohlers Report 2014 signale un modèle de la société américaine Sciaky - une filiale du groupe Phillips Service Industries liée, dans le domaine de l’aéronautique, au Département de la Défense des États-Unis - dont le prix est estimé à 5 millions de dollars (3,8 millions d’euros).

30 Ces données comprennent, outre la vente des équipements proprement dits, celle de matériaux et de services qui leur sont liés (source : Wohlers Report 2014).

64 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

(Renishaw) et en Suède (Arcam). On peut, enfin, citer des sociétés basées en Autriche (Lithoz), au Danemark (Blueprinter), en Irlande (Mcor Technologies) ou encore en Italie (DWS).

En France, les acteurs significatifs apparaissent aujourd’hui en nombre très limité, surtout depuis que la société Phénix Systems - avec ses compétences sur la fabrication directe de pièces dans certains matériaux (aciers inoxydables, titane, céramique) - a été rachetée en juin 2013 pour être intégrée à 3D Systems.

L’industrie indépendante de l’impression 3D en France repose désormais essentiellement sur le groupe Gorgé31 qui en a fait un des éléments stratégiques de son développement via sa filiale Prodways depuis le rachat en mai 2013 de Phidias (entreprise française notamment spécialisée dans les imprimantes 3D pour prothèses dentaires en résine)  : les brevets et le savoir-faire de cette dernière - également convoitée par des groupes américains et européens - avaient motivé l’intervention du ministère du redressement productif pour lui trouver un acquéreur français. Le groupe Gorgé - dont le président a reçu, à l’Elysée en septembre 2014, le prix de l’Audace créatrice - souhaite désormais contester la suprématie des deux leaders 3D Systems et Stratasys en se positionnant notamment sur les marchés du médical, de l’aéronautique (pièces de turbine) ou encore de la joaillerie.

Il fabrique essentiellement des machines professionnelles et souhaite - dans la perspective de pouvoir proposer une offre globale à ses clients - développer la fabrication des matériaux utilisables dans ces machines (telles que les résines liquides qui constituent aujourd’hui environ la moitié du marché). L’enjeu est également de développer la fabrication de matériaux dotés de propriétés spécifiques à certains usages, par exemple des résines biocompatibles pour les applications médicales32.

On peut également signaler la «  jeune pousse » alsacienne BeAM33, issue (spin off) du Centre régional d’innovation et de transfert de technologie (CRITT) Irepa Laser, qui est d’ores et déjà très active dans l’industrie aéronautique.

Elle rejoint ainsi le cercle restreint des entreprises d’impression 3D utilisant des poudres métalliques, secteur encore réduit (moins de 350 machines vendues dans le monde en 2013) mais en plus forte croissance que le reste du marché de la fabrication additive. La très grande majorité des entreprises intervenant sur ce segment porteur du métal étaient d’ailleurs européennes jusqu’au rachat de Phénix par 3D Systems. Environ 75 % des machines installées dans le monde à la fin 2013 provenaient d’Allemagne (EOS pour un tiers du total mondial, Concept Laser, Trumpf, ReaLizer, SLM Solutions), le reste étant fourni, outre Phénix/3D Systems, par des sociétés suédoise (Arcam) et britannique (Renishaw)34. Des fabricants chinois sont également récemment apparus sur ce marché qui échappe aujourd’hui largement aux entreprises américaines.

Du côté des imprimantes 3D personnelles, c’est-à-dire en principe celles d’un coût inférieur à 5 000 dollars (3 800 euros), le Wohlers Report 2014 estime à plus de 250 le nombre des sociétés qui interviennent actuellement sur ce marché. Il note, après une période où peu de procédés fondamentalement nouveaux sont apparus - beaucoup étant d’ailleurs plus ou moins inspirés du projet RepRap (Cf. encadré ci-dessous) - « un important développement de la professionnalisation des fabricants de machines. Ils ont quitté le stade des non-conformistes

31 http://www.groupe-gorge.com/blog/category/metiers/impression-3d/.32 Entretien du rapporteur avec M. Raphaël Gorgé, Président directeur général du groupe, le 13 novembre 2014.33 http://www.beam-machines.fr/index.php.34 La société MTT technologies qui était également présente sur ce marché jusqu’en 2011 a vu ses activités

réparties depuis cette date entre Renishaw et SLM Solutions.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 65

et des particuliers bricolant dans leur garage pour celui de véritables startup et de petites et moyennes entreprises  ». Cet organisme prévoit une réduction à cinq ou six du nombre des acteurs qui, à terme, pourront faire face à la concurrence des leaders sur le marché professionnel qui interviennent également sur ce marché.

Ainsi, Stratasys a notamment absorbé en août 2013 la start up MakerBot Industries qui s’est spécialisée avec succès dans l’impression 3D grand public avec, notamment ses modèles d’imprimantes personnelles Replicator (vendues entre 1 400 et 2 200 dollars, soit entre 1 100 et 1 700 euros environ) et le site de partage de fichiers de données Thingiverse. De son côté, 3D Systems propose ses modèles Cube et CubeX à respectivement 1  300 et 2 500 dollars (environ 1 000 et 1 900 euros).

La frontière entre matériels professionnels et personnels tend d’ailleurs à s’estomper et la limite des 5 000 dollars a moins de sens qu’auparavant : plusieurs machines de qualité, considérées comme « personnelles », dépassent maintenant ce montant tandis qu’à l’inverse, des sociétés - y compris les plus grandes - équipent leurs ingénieurs et leurs designers de matériels relativement peu onéreux (par exemple, le modèle Projet de 3D Systems affiché à 4 900 dollars, soit 3 700 euros).

Encadré 4 : Le projet RepRap

Contraction de l’anglais Replication Rapid prototyper, le projet RepRap est né en 2005 à l’université de Bath (sud-ouest de l’Angleterre) à l’initiative d’Adrian Bowyer. Son objectif était de créer en open-source (c’est-à-dire sans dépôt de brevet, les plans étant libres d’accès sur le web et donc utilisables par n’importe qui) une imprimante 3D qui pourrait, entre autres, se reproduire elle-même. En réalité, à ce stade, les machines RepRap ne peuvent pas elles-mêmes s’auto-répliquer de façon autonome mais peuvent être utilisées pour produire une partie des pièces qui les composent (des parties en plastique dans un premier temps, certains éléments en métal également - mais avec une manipulation supplémentaire - dans les dernières versions).

Ce projet a donné lieu au développement d’une véritable communauté sur internet cherchant à améliorer constamment les produits qui sont aujourd’hui disponibles à des prix ayant substantiellement baissé et se situant dans une fourchette de 330 à 800 dollars (environ 250 à 600 euros). Inconvénient du système open-source plusieurs fabricants ont cependant proposé à la vente de soit-disantes nouvelles machines RepRap ne contenant aucune réelle innovation.

Un potentiel de croissance significatifLes perspectives de croissance devraient rester élevées au cours des prochaines années,

soutenues, d’un côté, par les ventes des imprimantes 3D « personnelles » et, de l’autre, par le développement de l’utilisation de cette technologie pour des opérations de fabrication de produits finis, notamment en métal (et non plus seulement pour la réalisation de maquettes et de prototypes). Wohlers considère donc que le marché de la fabrication additive pourrait atteindre :

– 12,5 milliards de dollars (9,4 milliards d’euros) en 2018 ; – 21 milliards de dollars (15,8 milliards d’euros) en 2020.

66 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Le rythme de croissance du secteur se maintiendrait donc à un niveau de l’ordre de 33 % par an.

À plus long terme, les estimations peuvent varier dans des proportions extrêmement importantes tant les hypothèses retenues peuvent diverger considérablement. On pourra simplement retenir, à titre indicatif, que si la fabrication additive finissait par conquérir ne serait-ce que 2 % des activités industrielles actuelles, son potentiel mondial atteindrait alors 210 milliards de dollars (158 milliards d’euros) soit dix fois plus que les montants attendus pour 2020.

Ce secteur prometteur attise également la concurrence parmi les analystes qui s’efforcent d’apprécier son potentiel de croissance. C’est ainsi que Canalys35 estime que les ventes liées à l’impression 3D en 2013 ont totalisé 2,5 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros) et envisage la poursuite d’une croissance très rapide avec un marché qui atteindrait :

– 3,8 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) en 2014 ; – 16,2 milliards de dollars (12,2 milliards d’euros) en 2018.

À l’intérieur de ces montants, la répartition devrait s’établir à environ 1/3  pour les machines et 2/3 pour les matériaux et les services associés. Selon ces observateurs du secteur, le marché des seules imprimantes 3D aurait augmenté de 109 % en 2013 à 711 millions de dollars (535 millions d’euros) et encore de 79 % en 2014 pour atteindre 1,3 milliard de dollars (1 milliard d’euros).

Parallèlement, Canalys considère qu’«  il existe une opportunité évidente pour que des sociétés proposent des services d’impression 3D afin de répondre à la demande croissante pour les produits personnalisés que cette technologie rend possible ». Cette demande va continuer à croître en s’appuyant sur trois facteurs principaux : les possibilités de personnalisation des produits, la commodité de l’impression sur place et l’efficacité de la fabrication (moins de déchets et de dépenses d’énergie).

Pour sa part, le cabinet d’études Lux Research36 estimait, en avril 2014, que le marché total de l’impression 3D devrait quadrupler pour atteindre environ 12 milliards de dollars (9 milliards d’euros) à l’horizon 2025, tiré notamment par ses utilisations industrielles dans l’aérospatiale, le médical ou encore l’automobile. Dans ce total, les ventes d’imprimantes ne représenteraient plus que 3,2 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros).

Dans une étude complémentaire publiée en septembre 201437 et consacrée à la Chine, Lux Research souligne que l’équipement en machines de fabrication additive est encore modeste dans ce pays avec 8 700 imprimantes produites et vendues localement (c’est-à-dire hors exportations et importations) en 2013 et une qualité de production qui laisse encore à désirer. Pour autant, la Chine semble vouloir se donner les moyens de devenir un leader mondial dans ce secteur également (notamment via un équipement de l’ensemble du système éducatif, du primaire aux universités) et un niveau de 37 800 ventes d’imprimantes est attendu pour 2018, soit là encore un quadruplement mais à un horizon beaucoup plus rapproché.

35 http://www.canalys.com/newsroom/3d-printing-market-grow-us162-billion-2018.36 http://www.luxresearchinc.com/news-and-events/press-releases/read/3d-printing-market-

quadruple-12-billion-2025.37 http://www.luxresearchinc.com/news-and-events/press-releases/read/3d-printed-china-

%E2%80%93-china-bids-leadership-emerging-3d-printing.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 67

Quelles que soient les différences entre ces approches dans les estimations chiffrées du marché actuel et à venir, elles se rejoignent sur l’essentiel, c’est-à-dire l’existence d’un énorme potentiel de croissance après la phase de décollage de cette technologie à laquelle nous sommes en train d’assister. Améliorations significatives de la vitesse des temps d’impression, plus grand nombre possible de combinaisons de matériaux, de couleurs et de finition, prix en baisse : l’ensemble de ces éléments y contribue.

De l’utilisation professionnelle aux usages domestiques, une frontière de plus en plus floue (makers et fab-labs)

On peut faire remonter la véritable naissance du mouvement Maker (du verbe anglais to make  : faire, fabriquer) à 2005, année du lancement du magazine Make et du premier rassemblement Maker Faire [sic] dans la Silicon valley. Si la philosophie de cette manifestation - basée sur «  l’envie de faire des choses soi-même  » - concerne aussi des activités traditionnelles apparentées aux loisirs et au bricolage, la généralisation rapide de l’utilisation des technologies numériques de pointe (parmi lesquelles l’impression 3D) et d’internet par des particuliers a conduit à l’apparition de ce phénomène entièrement nouveau : le « mouvement des Makers » au sein duquel se développe, dans des lieux ouverts d’innovation - à la fois points physiques de rencontres et espaces interconnectés - et avec une forte dimension communautaire, un militantisme basé sur des relations de partage et de collaboration qui s’appliquent notamment au savoir via l’open source (allant jusqu’à remettre en cause le rapport dominant à la propriété intellectuelle), à la conception et à la production de biens et de services.

Cette nouvelle technologie ouvre aussi la perspective pour des milliers d’inventeurs individuels de parvenir à créer leur propre petite entreprise ayant potentiellement directement accès à un marché quasiment mondial. L’apparition en 2007 de RepRap (cf. encadré supra), première imprimante 3D de bureau en open source, qui a précédé MakerBot, imprimante 3D à la portée des particuliers, a ainsi été une étape essentielle considère Chris Anderson dans « Makers, la nouvelle révolution industrielle »38 qui y voit une analogie avec la diffusion des premiers ordinateurs personnels il y a une trentaine d’années. Pour lui, c’est désormais la fabrication concrète des objets - l’industrie manufacturière - qui va être affectée par la combinaison de la fabrication numérique et de la fabrication personnelle : « elle élargit l’industrie à une population de producteurs bien plus nombreuse : à côté des industriels existants, des foules de monsieur-tout-le-monde deviennent entrepreneurs ».

Cette idée d’une frontière de plus en plus poreuse entre activités personnelles et professionnelles s’appuie ainsi sur le fait que la création d’entreprises - y compris dans le domaine industriel - peut désormais se trouver très simplifiée, en raison :

– d’une part, de «  l’innovation ouverte » c’est-à-dire le partage (utilisation et mise en ligne) de fichiers libres de droits facilitant la circulation de ces innovations (mais ce qui soulève tout de même le problème de la rémunération de la création intellectuelle) ;

38 Publié aux éditions Pearson France, 2012.

68 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

– d’autre part, de la réduction considérable des investissements nécessaires et donc du coût du lancement industriel de la fabrication de certains produits (notamment la possibilité de débuter par la fabrication de petites séries personnalisées pour tester le marché et des frais de commercialisation très faibles via internet).

On peut y ajouter les possibilités également ouvertes par internet concernant le financement collaboratif (crowdfounding) qui permet de court-circuiter les réseaux de crédit traditionnels, en particulier celui des banques souvent frileuses vis-à-vis des nouveaux entrepreneurs.

Dans une logique intermédiaire, de grandes entreprises considèrent qu’elles ont tout à gagner à encourager la créativité de leurs salariés et de l’entourage de ces derniers. Nombre d’entre elles ont ainsi repris à leur compte le dispositif des Fab-Labs (cf. supra). C’est, par exemple, en France, le cas de Dassault-Systèmes, leader mondial des applications logicielles 3D qui considère que l’impression 3D est un véritable procédé industriel et met à la disposition des utilisateurs de son Fab-Lab - physiquement basé à vélizy (Yvelines) et associé à un réseau social international - des postes de scan et de modélisation 3D s’appuyant sur les outils phares de l’entreprise dans ce domaine (logiciels Solidworks et CATIA). Permettant de tester divers matériaux et plusieurs types d’imprimantes, ce lieu est un moyen de nouer des partenariats avec d’autres acteurs - confirmés ou nouveaux entrants - du secteur de la fabrication additive et de repérer les talents qui pourraient être utiles à l’entreprise39.

Toujours en France - « où la pratique d’auto-organisation et le réflexe communautaire sont moins forts »40 conduisant les ateliers de fabrication à s’adosser souvent à des institutions publiques et parapubliques ou à des entreprises - les exemples suivants ont également donné lieu à des annonces faisant une large place à l’utilisation de l’impression 3D :

– dans son Technocentre de Guyancourt (Yvelines), Renault a ouvert, dès novembre 2012, son propre Fab-Lab à proximité de ses laboratoires de R&D pour permettre à ses collaborateurs, notamment aux ingénieurs, de renouer avec une démarche expérimentale ;

– Air Liquide a aussi lancé à Paris, en décembre 2013, son « i-Lab » conçu pour être, à la fois, une structure de réflexion (Think tank) et d’expérimentation (Corporate Garage) afin de développer de nouvelles offres (produits et technologies). Il s’agit, ici aussi, de matérialiser rapidement des concepts et de nouer des partenariats avec des start-ups ;

– dans le même esprit visant à stimuler l’innovation, Airbus a inauguré, en février 2014 à Toulouse, son premier « ProtoSpace » qui se veut l’équivalent d’un Fab-Lab. Le leader mondial de la construction aéronautique a ainsi entendu créer un endroit ayant vocation à cristalliser des intuitions : les personnes ayant des projets peuvent ainsi passer au stade de la réalisation tout en se confrontant à d’autres. Cette initiative a vocation à essaimer dans les autres implantations ;

39 visite de la section des activités économiques du CESE au siège de Dassault Systèmes à vélizy le 25 septembre 2014.

40 Cf. État des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique, Rapport d’étude, Direction générale des entreprises, Ministère de l’Économie, de l’industrie et du numérique, avril 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 69

– la Snecma a inauguré, en juin 2014, l’installation du Fab-Lab de son «  Atelier innovation services  » à Montereau (Seine-et-Marne). Dans un état d’esprit « maker » et dans le but d’identifier les profils « intrapreneurs », celui-ci est ouvert aux salariés du groupe Safran qui peuvent venir y tester leurs idées41.

De même, les pouvoirs publics les plus à l’affut de toute nouvelle source de croissance et de création d’emplois s’y intéressent : aux États-Unis, le président Obama, encore lui, vient de déclarer le 18 juin « journée nationale des makers »42...

41 voir « Fablab : l’innovation libérée grâce à l’impression 3D - la montée en puissance des FabLabs industriels ». http://www.industrie-techno.com/la-montee-en-puissance-des-fablabs-industriels.29907

et « insuffler un esprit « makers » dans l’entreprise », L’Usine nouvelle n°3375 (mai 2014).42 Benoît Georges, Les Makers, pionniers de l’industrie de demain, Les Échos, 17 juin 2014.

70 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

La réflexion et l’action des pouvoirs publics

On ne compte plus les rapports, officiels ou non, portant sur les nouvelles technologies et leur impact sur l’économie et plus largement la société. Ces documents, fruit des réflexions académiques, rencontrent, depuis quelques années, un assez large écho de la part des pouvoirs publics. Dans le domaine de la fabrication additive, les travaux universitaires menés aux États-Unis ont connu une concrétisation politique par la voix du Président Obama. Cette intervention présidentielle a, en quelque sorte, marqué l’entrée de la fabrication additive dans le monde diplomatique.

Dans ce sillage, beaucoup se sont engouffrés. L’action des pouvoirs publics dans de nombreux États s’oriente essentiellement dans la mise en œuvre d’un environnement propice au développement de cette technologie  : création de synergies entre recherche académique et recherche privée et appliquée ou mise en place de moyens permettant la formation, souvent dès l’école, à la fabrication additive, dans un contexte plus vaste qui est celui de la formation au numérique.

Les économies les plus avancées

Les États-UnisCompte tenu de ses potentialités, reconnues de longue date dans le cadre universitaire43

ou dans celui du World technology evaluation center, la fabrication additive fait l’objet d’une attention soutenue de la part de l’administration fédérale aux États-Unis, dans le cadre de la promotion de l’économie numérique au sens le plus large du terme.

Avec un parallélisme certain, traduisant des préoccupations identiques, les États-Unis comme l’Union européenne ou certains autres États industrialisés se sont préoccupés du devenir de leur appareil industriel face à la montée de nouveaux concurrents considérés comme particulièrement agressifs.

Ainsi, en février 2012 le National Science and Technology Council - organe placé auprès de la Maison Blanche - proposait un plan stratégique dans le domaine des industries « de pointe  »44. Les documents accompagnant ou présentant cette action, commençant par un rappel de l’importance et du rôle du secteur secondaire dans la puissance des États, déploraient une perte sensible de compétitivité de l’industrie américaine par rapport à certains de ses concurrents - nouveaux venus mais aussi des pays avancés, comme l’Allemagne ou le Japon, par exemple.

Pour répondre à ces défis, le conseil d’experts proposait de mettre en place une politique d’innovation dans le domaine des industries «  avancées  ». Se fondant sur le

43 voir à cet égard Neil Gershenfeld « How to make almost anything : the digital fabrication revolution », Foreign Affairs, novembre/décembre 2012. Rappelons que Neil Gershenfeld est le concepteur des Fab-Labs.

44 A national strategic plan for advanced manufacturing, Executive Office of the President, National Science and Technology Council, février 2012.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 71

précédent de l’industrie des semi-conducteurs dont le développement fut largement dû aux investissements de l’État fédéral, la stratégie nationale encourageait l’administration à renouveler cet effort. Le conseil national soulignait que les investissements publics devaient être conjugués avec des investissements privés afin de créer un environnement propice à la ré industrialisation des États-Unis, comme la formation des salariés, les « démonstrateurs », ou la modernisation des infrastructures. La recherche des partenariats public/privé s’est avérée une pierre angulaire du programme envisagé comme son application prioritaire aux petites et moyennes entreprises américaines par le biais du Small business act et de son administration.

Le gouvernement fédéral, dans le domaine des investissements de R&D, se risquant sur des champs que le secteur privé ignore et ou évite, se voyait confier la mission d’investiguer dans quatre domaines :

– les matériaux avancés ; – les plates-formes multifonctions ; – les processus de fabrications avancées ; – les infrastructures de données.

Nombre des grandes agences fédérales  : NASA, DARPA, DOE, NSF, participent à ces investissements et le «  crédit d’impôts recherche et expérimentation  » (research and innovation tax credit) devrait être rendu permanent.

En juillet 2012, démontrant une capacité de réaction contrastant avec celle de l’Union européenne, le «  réseau national pour l’innovation industrielle  » (National network for manufacturing innovation, NNMI) était mis en place.

Le NNMI consiste en un réseau d’instituts groupant industriels, universités, partenaires « gouvernementaux » en fait les différentes agences fédérales mais aussi des organisations à but non lucratif.

Ce réseau national pour l’innovation industrielle regroupe et s’appuie sur un certain nombre d’instituts  : «  institut pour l’innovation industrielle  » (Institute for manufacturing Innovation) mais aussi l’institut national pour l’innovation dans la fabrication additive ou NAMII (national additive manufacturing innovation Institute). Il s’agit d’un institut pilote, dans un premier temps, dont la direction est installée dans l’Ohio (dans la Rust belt américaine c’est-à-dire dans le « vieux » domaine industriel américain, devenue depuis la « TechBelt » dans le couloir Cleveland-Pittsburgh)  ; prouvant ainsi que ces régions ne sauraient être laissées à l’abandon par l’État fédéral.

Doté d’un budget de 30  millions de dollars par l’administration fédérale et de 45 millions de dollars engagés par la sphère « privée », l’institut, désormais popularisé sous le nom générique de America Makes croît rapidement. Outre les différentes agences fédérales, les universités, les fondations et plus de 40  entreprises dont General Electric, IBM, Boeing, Northrop Grumman, Stratasys, Westinghouse Nuclear en font partie.

72 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

L’AllemagneL’Allemagne offre un exemple particulièrement intéressant de réflexion/action en

matière de stratégie dans le domaine de la recherche et de l’innovation au service de son industrie. Il s’agit pour le gouvernement fédéral de « renforcer la croissance et la prospérité du pays en confortant son attractivité et ses exportations, alors que de multiples voix se font entendre dans ce pays pour souligner l’urgence de renforcer son socle industriel ainsi que celui de l’Europe »45.

Depuis 2006, trois programmes dits de « Stratégie High Tech » se sont succédés dont l’objectif est de faire de l’Allemagne « l’un des champions mondiaux en termes d’innovation. Pour cela, l’accent est particulièrement mis sur la recherche appliquée et sur la nécessité de raccourcir les délais entre la recherche et l’apparition de nouveaux produits ou services »46.

Plusieurs enjeux ont présidé à la nouvelle définition de cette stratégie dont : – l’identification des défis prioritaires parmi lesquels l’économie et la société

numérique (industrie 4.0, big data, services intelligents, cloud computing, agenda numérique…) ;

– la promotion des synergies et l’amélioration du transfert de technologie ; – l’impulsion d’une dynamique favorable à l’innovation dans l’économie ; – la mise en place d’un cadre propice à l’innovation ; – la transparence et la participation.

La fabrication additive, déjà présente dans l’appareil productif allemand, fait naturellement l’objet d’attention certaine. Plusieurs plates-formes existent  ; ainsi la vDMA compte-t-elle dans ses rangs une association spécialement dédiée à la fabrication additive.

Illustration de l’intérêt porté outre-Rhin à la fabrication additive est le rôle des instituts Fraunhofer. Une « Alliance » de la fabrication additive regroupe onze de ces instituts formant une chaine abordant le concept de cette technologie dans son ensemble. On rappellera que le but des instituts Fraunhofer se situe autant dans la recherche pure de haute qualité que dans « l’irrigation » du tissu économique allemand. Incidemment on notera que la réflexion américaine, évoquée plus haut, se réfère explicitement au rôle essentiel joué par les « Fraunhofer » dans le développement de la culture scientifique et technique en Allemagne.

Pour ce qui est de l’alliance, celle-ci a centré son activité sur cinq domaines : l’ingénierie biomédicale, l’ingénierie des microsystèmes, l’ingénierie dans les secteurs de l’automobile et aérospatiale, la fabrication d’instruments et l’assemblage.

Enfin, pour mémoire, mais ce point sera abordé ultérieurement, il n’est pas neutre que le DIN soit en quelque sorte leader dans l’exercice de normalisation dans le cadre de l’ISO démontrant par-là l’importance que l’Allemagne attache à ce domaine industriel dans lequel ses entreprises jouent un rôle de premier plan.

45 voir, par exemple, la déclaration de septembre 2014 de M. Thilo Brodtmann, responsable de la vDMA (association allemande de l’ingénierie et de la construction mécanique, regroupant de très nombreuses entreprises) demandant aux autorités européennes de tout faire pour accroitre la part de l’industrie dans le PIB de l’Union jusqu’à 20 % d’ici à 2020.

46 Nouvelle stratégie high tech du gouvernement fédéral Allemand, Ambassade de France en Allemagne, Portail pour la science, septembre 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 73

La Grande BretagneLe Royaume-Uni semble compter fermement sur l’impression 3D pour améliorer ses

positions en matière industrielle et son réseau universitaire est particulièrement actif en la matière.

Un intéressant rapport d’octobre 201247 remarque, et cela est vrai pour de nombreux pays, que si beaucoup a été écrit sur les capacités techniques de l’impression 3D et sur ses effets potentiels sur la société, peu a été fait en matière de politique en faveur de cette technologie. Les auteurs de ce document, engageant au développement d’une action publique en faveur de la 3D, fondent leurs espoirs sur la formation d’une 3D printing task force regroupant nombre d’institutions publiques mais aussi des entreprises dont celles du secteur : producteurs de biens et de services, etc.

Des éléments de la conclusion de ce document peuvent s’appliquer à d’autres pays que la Grande-Bretagne, lorsqu’il est évoqué la gestion du temps entre l’apparition d’une technologie et sa « popularisation » la plus large ou le fait que les évolutions futures de la 3D sont encore assez difficilement prédictibles : elle peut ne jamais devenir un marché de masse ou bien ses applications économiques peuvent s’avérer totalement différentes de ce qu’on attend aujourd’hui. Cependant, les pouvoirs publics doivent suivre attentivement ces développements, être préparés à abandonner toutes formes d’intervention si la technologie ne répond pas aux espoirs placés en elle ou les adapter aux évolutions inattendues.

Le mémorandum Technology and innovation futures  : UK Growth opportunities for the  2020s48 traduit certaines de ces préoccupations. Ce document considérant le développement de cette technologie remarque qu’une nouvelle législation s’avère nécessaire notamment pour la protection des droits intellectuels.

Quelques états asiatiquesParmi les économies du continent asiatique, la Corée du sud ambitionne, à l’horizon

2020, de devenir un acteur « majeur » de l’impression additive en représentant 15 % du marché mondial (aujourd’hui, selon les données du rapport Wolhers, la Corée ne représenterait que 2,5 % de ce marché) et compter 5 entreprises « innovantes et compétitives » en 3D, alors que le marché des imprimantes 3D dans ce pays devrait croître de l’ordre de 30 % l’an d’ici à 2020.

Début avril 2014, le gouvernement sud-coréen a annoncé son intention de créer des centres technologiques dédiés à cette technologie. Outre un investissement de l’État pour une somme relativement modeste (7  millions d’euros) le plan envisage surtout des programmes de formation et un effort particulier tourné vers les petites entreprises par la mise à disposition gratuite d’imprimantes 3D.

Selon les responsables sud-coréens en charge de l’impression 3D, dans le cadre d’une coordination interministérielle d’une politique qui intègre, outre la 3D, l’internet des objets, le big data et l’e-commerce, «  le secteur de l’impression 3D actuel orienté grand public est considéré comme la version 1.0 de l’industrie de l’impression 3D et la stratégie du gouvernement

47 Andrew Sissons et Spencer Thompson, Three dimensional policy why Britain needs a policy framework for 3D printing, Big innovation centre, octobre 2012.

48 Office for Science, Technology and Innovation Futures : UK Growth Opportunities for the 2020s – 2012 refresh.

74 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

est de l’élargir pour y inclure la production 2.0 basée sur les commandes à distance et le service 3.0 à intelligence intégrée. L’intégration ultérieure avec l’internet des objets devrait permettre la création d’un environnement d’impression 3D  intelligent où les services d’impression pourront être exploités par des dispositifs intelligents, des commandes vocales49… Enfin, le gouvernement sud-coréen espère que l’impression 3D industrielle et grand public marcheront « main dans la main » au long de ce processus ».

Pour sa part, le Japon a engagé un programme de valorisation de la 3D dans son économie, s’appuyant sur l’exemple du secteur automobile. Le gouvernement, mi-2014, vient d’encourager à la formation d’une « alliance industrielle » regroupant une trentaine de sociétés dont Mitsubischi, Nissan, Panasonic, Kawasaki. Chaque partenaire contribue financièrement en complément de l’investissement initial de l’État d’un montant équivalent à 36 millions de dollars. Un certain nombre d’universités japonaises dont l’Institut national des sciences avancées sont associés à cette alliance dont le but est le développement de machines d’impression métal permettant la production en titane (pour les secteurs automobile, aéronautique ou encore aérospatial). Des résultats probants sont espérés pour 2019. Parallèlement, le gouvernement japonais a décidé d’investir dans la formation à la 3D dans l’enseignement supérieur dans un premier temps (universités et écoles techniques), les établissements du secondaire devant s’ajouter fin 2015.

Contestant la primauté des États-Unis dans le domaine de la fabrication additive, la Chine s’est lancée depuis plusieurs années dans la compétition, avec pour ambition de dépasser son principal concurrent, en se dotant d’un programme de soutien au développement de cette technologie.

L’Asian Manufacturing Association (AMA) a ainsi été créée, avec pour but d’irriguer l’économie chinoise. Mêlant recherche académique et celle des entreprises, l’AMA prévoit de construire 10 centres de recherche et d’innovation en 3D dans dix des plus grands centres de pays, complétant ainsi le maillage universitaire. Chaque centre devrait recevoir une dotation d’environ 20 millions de yuans (environ 2,5 millions d’euros) et compter dans ses locaux des centres de formation et des halls d’exposition. Le premier de ces centres a été ouvert en mars 2013 dans la région de Nankin dans le cadre du programme TORCH (programme de soutien à l’innovation dépendant du ministère de la science et de la technologie).

Début 2013, l’impression 3D est devenue l’une des plus importantes technologies du futur pour la Chine. En effet, le nouveau «  programme national de recherche et de développement dans les hautes technologies » (programme 863) a été adopté en avril 2013 par le ministère de la science et de la technologie et met cette technologie au premier rang de ses préoccupations.

Plusieurs des techniques employées feront l’objet d’aides de l’État, notamment celles pouvant servir dans les domaines de l’espace et de l’aéronautique, dans les «  alliages  » complexes, dans les « hautes températures », voire dans le domaine de l’individualisation des produits (la customisation)50.

Singapour n’est pas en reste. Ainsi, le Premier ministre de cet État déclarait en août 2013 que le conseil du développement économique devait investir 500 millions de dollars

49 La Corée du sud précise sa stratégie pour que l’impression 3D devienne un moteur de l’économie, Infohightech 2014.

50 ADIT veille technologique internationale La Chine dans la course à l’impression 3D, 28 février 2014 et China’s 3D printing industry set for rapid expansion, 29 mai 2013 ainsi que « About Asian Manufacturing Association.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 75

(375 millions d’euros) sur les cinq ans à venir dans un plan de soutien au développement de l’industrie de l’impression 3D. En juin 2014, l’ouverture d’un centre de recherche pour l’impression 3D - NTU Additive Manufacturing Center - était annoncée fruit d’un partenariat entre l’université technologique de Nanyang et le producteur d’imprimantes 3D SLM Solutions. Le partenariat « vise à développer de nouvelles générations d’imprimantes 3D permettant d’atteindre des échelles d’impression bien plus importantes qu’actuellement et en utilisant tout type de matériaux »51.

La position de la FranceUne réflexion sur la fabrication additive dans notre pays s’est organisée, au début de

la décennie 1990, par le biais de l’association française du prototypage rapide créée en 1992 afin de promouvoir cette technique et d’en structurer le développement y compris au niveau européen.

Comme le relève l’OCDE52, «  la France se caractérise par une réflexion stratégique permanente, généralement de grande qualité analytique… Par contre, il apparaît que la cohérence des décisions mises en œuvre est assez faible…  ». La politique «  …est aujourd’hui guidée par plusieurs plans stratégiques …et se compose d’une multiplicité de plans et mesures sectorielles qui semblent n’obéir à aucune vision plus large ». L’impression 3D n’échappe pas à cette règle.

Si l’on ne compte plus les rapports officiels sur l’économie numérique non plus que les plans destinés à venir en soutien de son développement, ceux traitant spécifiquement de la 3D sont beaucoup moins nombreux.

Avant d’évoquer les documents officiels, il convient de mentionner le rapport, publié en novembre 2013, par les experts du cabinet Mc Kinsey France intitulé « Industrie 2.0 jouer la rupture pour une renaissance de l’industrie française  » qui mettent en exergue les douze ruptures qui devraient transformer l’industrie à l’horizon 2025, pointe l’impression 3D, au même titre que l’internet mobile, celui des objets, le cloud computing, le génie génétique de nouvelle génération, les matériaux avancés, etc. La conclusion du développement consacré à cette technologie vaut d’être rappelée : « Au total, l’impression 3D provoquera sans doute une mue profonde  de l’industrie. Les modèles économiques qui sont apparus sur le Web ces dernières années pour les biens immatériels (crowdsourcing, peer to peer, open source) vont probablement s’étendre au monde physique. Leurs répercussions pourraient être aussi profondes sur les entreprises productrices de biens de consommation qu’elles l’ont été sur les entreprises de médias par exemple. Dans l’industrie manufacturière les gains de productivité potentiels auront le même type d’implications que la robotique : relocalisation de la production de proximité des marchés de consommation, effet de substitution du capital au travail »53.

Quelques semaines avant la parution du rapport McKinsey, le gouvernement lançait dans le cadre de «  la nouvelle France industrielle  » 34  plans de reconquête industrielle, dont un seul, consacré à l’usine du futur, faisait explicitement référence à l’impression

51 ADIT actualité technologique internationale BE Singapour 92, Un centre de recherche pour l’impression 3D ouvre ses portes à Singapour, 13 juin 2014.

52 Examen de l’OCDE des politiques d’innovation – France 2014, OCDE version préliminaire 2014.53 Mc Kinsey, France Industrie 2.0, op.cit..

76 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

3D54. Au-delà d’une approche générale, les différents plans dont la finalité est d’optimiser les synergies entre acteurs industriels, enseignement supérieur et acteurs publics, ont fait l’objet de feuilles de route détaillées. Le plan « usine du futur » doit permettre à notre pays « d’être au rendez-vous du prototypage rapide, de la convergence des réseaux sociaux, de l’hyper connexion des entreprises, des interfaces homme-machine, de la robotique, de la réalité augmentée, du numérique, de l’impression 3D, de l’intelligence artificielle et du design »55.

Comme on peut s’en apercevoir, le programme est ambitieux se résumant à l’accompagnement du tissu industriel national vers les technologies et les méthodes de production les plus efficaces afin de disposer d’usines performantes «  flexibles, sûres, respectueuses de l’environnement, économes en énergie et assurant la place de l’homme au centre de son modèle »56.

Le plan comporte 31 actions parmi lesquelles, dans les actions de R&D l’impression 3D est présentée ainsi :

« Les États-Unis investissent massivement sur ce créneau qui va constituer une vraie rupture pour nombre de fabrications industrielles. Les filières manufacturières françaises doivent expérimenter ces technologies, en collaboration avec le tissu de PME du domaine, qui est par ailleurs à développer ».

La description détaillée des actions à conduire s’inscrit dans l’idée qu’il convient de «  populariser  » cet outil dans le domaine de la production et non plus uniquement du prototypage. Outre un approfondissement dans le domaine des machines comme des matériaux, le groupe de travail engage «  au développement d’une offre groupant matériel et logiciel à l’attention des Fabs-Labs et à faire émerger des centres de recherches spécialisés dans tous les domaines de l’impression 3D et à faciliter les partenariats entre ces centres et les constructeurs français d’équipements de production 3D ». On ne saurait, pour l’heure, aller plus loin.

Le programme «  Investissements d’avenir  » a été lancé en 2009 par l’État, pour le financement duquel un «  grand emprunt  » - 35  milliards d’euros - a été lancé. Les investissements d’avenir permettent de financer soit de nouvelles opérations de recherche/développement, soit de remplacer des financements budgétaires de projets déjà existants.

Depuis juillet 2013, un nouveau programme d’investissements d’avenir a été mis en place, visant à financer certaines priorités dans le domaine de l’innovation, de la compétitivité industrielle, du numérique. Le pilotage du nouveau programme est assuré par un commissariat général qui est chargé de veiller à la cohérence de la politique d’investissement de l’État. Le programme se traduit par des appels à projets nationaux destinés à sélectionner des équipes d’excellence. Il soutient également des projets innovants dans certaines thématiques comme le Cloud computing ou le Big data mais pas l’impression 3D.

54 Ministère du Redressement productif, La nouvelle France industrielle, septembre 2013.55 La nouvelle France industrielle, 34e plan : Usine du futur, feuille de route, 16 avril 2014, propositions du groupe

de travail.56 La nouvelle France industrielle, op.cit.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 77

Le rôle de l’Union européenneLa fabrication additive figure assez régulièrement dans les réflexions conduites au

niveau communautaire comme un exemple de nouvelle technologie susceptible de promouvoir l’excellence des entreprises européennes. Alors qu’il s’agit de maintenir et de renforcer le secteur industriel européen face à ses différents concurrents, elle illustre aussi assez fréquemment les possibilités offertes par l’usine du futur.

Depuis de très longues années, la Commission européenne réalise ou fait réaliser nombre d’études sur les effets des nouvelles technologies sur le tissu industriel du vieux continent. De même interroge-t-elle chacun sur cette question et multiplie-t-elle les communications sur les différentes stratégies qu’elle entend voir adopter.

Beaucoup des travaux les plus récents abordent le devenir de l’industrie européenne et ont pour objectif de la promouvoir et d’inverser les tendances actuelles et de porter par exemple sa part dans le PIB communautaire à 20 % à l’horizon 2020 alors qu’elle se situe, aujourd’hui, aux environs de 16 %. Rappelons que l’industrie représente 80 % des exportations de l’Europe et que 80  % des investissements privés de recherche-développement sont réalisés dans le secteur industriel.

La stratégie numérique de 2010Pour atteindre l’objectif fixé, la Commission table sur un développement des

technologies numériques. À cet égard, dès 2010, elle a mis au point une «  Stratégie numérique  ». Dans ce document elle relevait entre autres qu’en matière de recherche et innovation, les investissements liés au développement des TIC restaient trop faibles en Europe, particulièrement par rapport aux États-Unis. « L’Europe investit dans la R&D liée aux TIC un montant qui non seulement représente une proportion des dépenses totales de R&D bien moindre (17 % contre 29 %) mais qui en valeur absolue correspond à peine à environ 40 % des dépenses engagées par les États-Unis (en 2007, 37 milliards d’euros contre 88 milliards d’euros) »57 et de conclure que «  le manque d’investissements dans la R&D liée aux TIC représente une menace pour l’ensemble des secteurs secondaire et tertiaire européens ».

Dans ce cadre, l’objectif de la Commission est d’accroitre le nombre d’entreprises, notamment petites, s’engageant dans le numérique et de renforcer les droits de la propriété intellectuelle en la matière.

Les communications, rapports, etc. se sont ainsi multipliés dans les dernières années avec pour objet la « renaissance industrielle » de l’Union, l’état de son innovation, l’importance d’une politique industrielle intégrée permettant de développer la compétitivité et la « durabilité » du vieux continent. Pour la Commission, rappelant que « pour asseoir la reprise économique et la compétitivité, il sera primordial de disposer d’une base industrielle forte  »58, il convenait de hâter l’investissement dans les technologies de pointe dans six domaines :

57 Une stratégie numérique pour l’Europe, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Bruxelles,19 mai 2010 com. (2010) 245 final.

58 Pour une renaissance industrielle européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Bruxelles, 22 janvier 2014 COM(2014) 14 final.

78 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

technologies de fabrications avancées, technologies clés génériques, véhicules et transports propres, bioproduits, construction et matières premières et réseaux intelligents.

Dans le domaine des technologies de fabrication avancée, pour la Commission, « il s’agit de mettre en place une communauté de la connaissance et de l’innovation portant sur l’industrie manufacturière à haute valeur ajoutée et établir des partenariats public-privé sur l’industrie de transformation durable touchant à l’utilisation rationnelle des ressources et de l’énergie, aux usines de demain, à la photonique et à la robotique, à la mise à jour des capacités d’innovation et à la compétitivité de l’industrie manufacturière européenne. L’une des prochaines priorités est l’intégration des technologies numériques dans les processus de fabrication, compte tenu de l’émergence de la dimension industrielle de l’internet. Les processus de fabrication intégreront de plus en plus la « datamasse ».

Ces différents objectifs sont issus de multiples travaux d’experts, dont le plus emblématique est peut-être celui, remis en 2011, portant sur les technologies clés génériques59 (TCG) ou Key enabling technologies (KET).

Ce rapport rédigé par un groupe de 27 experts de haut niveau et présidé par M. Jean Therme a distingué, pour l’Union, six technologies clés « futurs moteurs de l’innovation dans les processus et les produits » :

– la micro et la nanoélectronique ; – les matériaux avancés ; – la biotechnologie industrielle ; – la photonique ; – la nanotechnologie ; – les systèmes avancés de fabrication entendus comme l’addition des systèmes de

production et les services associés, les process et les équipements matériels.

Ces technologies dont le caractère «  interdisciplinaire  » est largement souligné, s’appuient toutes sur un effort intense de R&D, des cycles d’innovation rapides, d’importants investissements et des emplois hautement qualifiés. Elles doivent révolutionner l’ingénierie ou transformer la production de biens, moderniser les marchés traditionnels. Elles apparaissent comme des catalyseurs de la modernisation industrielle. Or, pour la Commission, « la faiblesse principale de l’UE réside dans les problèmes qu’elle rencontre pour transformer sa base de connaissances en biens et services »60 ce que le rapport du groupe « Therme » appelle la « vallée de la mort ». Une stratégie européenne, reposant sur trois piliers  : la recherche technologique ; la démonstration de produits ; les activités manufacturières a donc été mise en œuvre.

D’autres réflexions sont venues étayer les décisions de la Commission. Ainsi peut-on citer un important travail sur la production et le commerce des technologies clés s’intéressant à la position de l’Union dans la « chaîne de valeurs » en termes de contenu technologique et

59 High-Level expert group on Key enabling technologies, final report 2011.60 Une stratégie européenne pour les technologies clés génériques – une passerelle vers la croissance et l’emploi

Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, Bruxelles, 26 juin 2012 com. (2012) 341 final.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 79

analysant la spécialisation des États membres61. Ces documents abordent naturellement la fabrication additive pour en noter la croissance et les potentialités. Ainsi insistent-ils sur les montants prévus de ventes à la fois des produits et des services, les avantages que cette technique procure notamment en termes de coûts ou de risques, d’économies de matières, de capacités de production de petites séries ou encore celles de créer des «  produits correspondant pleinement au XXIe siècle c’est-à-dire « customisés », etc.

La traduction de cette réflexion : le programme « Horizon 2020 »

et la « renaissance industrielle européenne »Passer des mots à l’action est souvent un exercice particulièrement délicat et difficile

pour l’Union ; ce que reconnait volontiers la Commission dans l’un de ces derniers rapports62.

Le programme « Horizon 2020 » se présente comme le successeur des Programmes cadre de recherche et développement technologique (PCRDT) de l’Union. Démarré en janvier 2014 pour une durée de 7 ans, il est doté d’un budget de 79,2 milliards d’euros visant à soutenir le travail des différents acteurs de la recherche et de l’innovation tant des secteurs publics que privés : organismes de recherche, établissements de l’enseignement supérieur, entreprises… Les partenariats sont particulièrement recherchés dans le domaine des financements et les effets « leviers » des nouveaux mécanismes mis en place sont très attendus. Ainsi, dans son dernier rapport au Parlement européen et au Conseil, la Commission note que «  le mécanisme de financement avec partage des risques, créé conjointement par la Commission et le groupe Banque européenne d’investissement (BEI), garantit que pour chaque milliard d’euros de budget de l’Union, la BEI mobilise 12 milliards d’euros de prêts et plus de 30 milliards d’euros en investissement final en recherche & innovation »63.

Le programme se concentre sur trois priorités : – l’excellence scientifique, par la promotion de la recherche fondamentale et

l’ouverture de voies nouvelles vers les technologies futures et émergentes, la recherche collaborative et la volonté de doter l’Union d’infrastructures de recherche d’envergure mondiale accessibles à tous les chercheurs, le soutien à la mobilité des chercheurs ;

– la primauté industrielle, un soutien accru à l’innovation, un recours privilégié aux partenariats public/privé en matière de TIC, de nanotechnologies, etc. ;

– les défis sociétaux en favorisant les projets interdisciplinaires permettant de répondre aux grands défis notamment climatiques ou la transition énergétique auxquels l’Union est confrontée et qu’aucun État membre ne peut prétendre relever seul.

61 E. van de velde et Alii Production and trade in Kets-based products : the EU position in global value chains and spécialization patterns within the EU, final report juin 2013. voir également Advanced manufacturing new manufacturing engineering, Commission européenne, septembre 2013. P. viola et Alii. Developing an evaluation and progress methodology to underpin the intervention logic of the action plan to boost demand for European innovations, groupe technopolis, rapport final pour la commission européenne, 21 mars 2013.

62 Rapport annuel sur les activités de l’Union européenne en matière de recherche et de développement technologique en 2013, rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 4 septembre 2014 com. (2014) 549 final.

63 Rapport annuel, op.cit.

80 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Parmi les spécificités du programme « Horizon 2020 », outre son unicité, la Commission met en avant l’accès simplifié aux divers financements et une hausse de l’objectif de participation des PME.

Dans le domaine plus spécifique des systèmes de production, des Partenariats public-privé (PPP) ont été mis en place notamment pour le développement des « usines du futur » (FOF). Six domaines prioritaires ont été identifiés pour « Horizon 2020 » :

– procédé de fabrication avancé ; – système de production intelligent et adaptatif ; – numérique, virtuel, efficience au service de l’usine ; – l’entreprise collaborative ; – l’humain au centre de la production ; – la fabrication en réponse aux besoins des clients.

L’accent est mis sur les PME. La fabrication additive est explicitement indiquée parmi les objectifs de R&D à développer, au même titre que les nanotechnologies. Le budget alloué est de 1,15 milliard d’euros pour une période de sept ans courant jusqu’à 2020. La fabrication additive se retrouve dans certaines actions, par exemple dans le domaine des « technologies génériques et industrielles  »  : action dotée d’un budget de 13,6  milliards d’euros pour la période 2014/2020. Enfin, chaque État a mis en place un réseau de points de contact national.

Synthétisant en quelque sorte ses différentes actions, la Commission s’est prononcée dans une récente communication « pour une renaissance industrielle européenne »64.

Cette communication comporte un important chapitre intitulé «  modernisation de l’industrie : investir dans l’innovation, les nouvelles technologies, les facteurs de production et les qualifications ».

Rappelant que «  les principaux vecteurs de compétitivité de l’industrie de l’Union resteront l’innovation et le progrès technologique » la Commission relève que « les technologies numériques sont au cœur des gains de productivité de l’industrie européenne. Leur puissance de transformation et leur influence croissante dans tous les secteurs sont en train de redessiner les schémas de production et de commercialisation traditionnels et amèneront l’industrie à concevoir de nouveaux produits et surtout de nouveaux services (« servitisation de l’industrie »). Une transition numérique est en cours dans l’économie mondiale et la politique industrielle doit intégrer les nouvelles possibilités technologiques telles que l’informatique en nuage, le traitement des gros volumes de données « datamasse », l’édification de chaînes de valorisation des données, les applications industrielles de l’internet, les usines intelligentes, la robotique, la conception et l’impression 3D ».

Elle engage dès lors à l’investissement dans l’innovation, rappelant l’effort prévu dans la programme « Horizon 2020 » mais aussi ceux prévus après l’adoption du nouveau cadre financier pluriannuel, au titre des fonds structurels et d’investissement européens « fonds ESI  » et propose aux États membres «  d’associer les instruments des politiques régionale et industrielle pour créer des plates-formes de spécialisation intelligente aidant les régions à mettre en place des programmes de spécialisation intelligente, en facilitant les contacts entre les entreprises et les regroupements d’entreprises et en ouvrant l’accès aux technologies innovantes et aux virtualités du marché ».

64 Pour une renaissance industrielle européenne. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Bruxelles 22 janvier 2014 Com(2014)14 final.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 81

L’impression 3D et ses conséquences sur les activités productives

L’impact de l’impression 3D sur les modes de production

L’impact économiqueL’introduction massive du numérique, dans toutes ses dimensions, commence déjà à

bouleverser le monde du travail. Il est relativement aisé d’imaginer, entre autres, les effets de la robotisation de nouvelle génération sur l’activité industrielle et les organisations. À cet égard, l’impact de nouveaux outils, à l’optimum de leur déploiement, devrait être largement supérieur à ce que les vagues successives de robotisation ont pu avoir comme effet dans le passé. On peut, également, penser que les effets du cloud computing et du big data seront de grandes portées sur des segments entiers des services.

Pour sa part, l’impression 3D, dès lors - comme nous l’avons montré plus haut - qu’elle n’est plus essentiellement utilisée pour le prototypage rapide mais qu’elle produit, industriellement, par exemple, des éléments de plus en plus complexes, souvent en petite quantité et répondant à une demande précise de personnalisation - le concept de «  customisation de masse  » prend alors toute sa signification - et qu’elle dépasse ainsi le stade du «  gadget  », ne peut que participer au bouleversement possible ou probable de la production et prendre ainsi toute sa place dans «  l’usine du futur  » (cette dernière comprenant d’ailleurs des unités de production de toutes tailles).

Ainsi, le rapport « Industrie 2.0 »65 souligne pour ce qui concerne la 3D, que « les modèles économiques qui sont apparus sur le Web ces dernières années pour les biens immatériels («  crowdsourcing  », «  peer to peer  », «  open source  ») vont probablement s’étendre au monde physique. Leurs répercussions pourraient être aussi profondes sur les entreprises productrices de biens de consommation qu’elles l’ont été sur les entreprises de médias par exemple. Dans l’industrie manufacturière, les gains de productivité potentiels auront le même type d’implications que la robotique : relocalisation de la production à proximité des marchés de consommation, effet de substitution du capital au travail ».

La « relocalisation de la production » dont il est question ci-dessus (et qui ne doit pas être entendue comme le retour de productions actuellement déjà délocalisées dans les pays émergents mais bien comme le développement de nouvelles activités), est très souvent évoquée aux États-Unis dans nombre d’articles de presse et d’études académiques. Ainsi, un article de la revue Forbes conclut que « cela n’aura plus de sens d’envoyer des matériaux bruts jusqu’en Chine pour qu’ils soient assemblés en produits finis puis renvoyés aux États-Unis. L’industrie manufacturière redeviendra(it) une industrie locale où les produits seront fabriqués à proximité de la demande ou des matériaux bruts ». À cet égard, un rapport récent de Transport

65 Industrie 2.0 - Jouer la rupture pour une renaissance de l’industrie française, Mac Kinsey France, novembre 2013.

82 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Intelligence66 pointe le fait que le développement de l’impression 3D, ayant les effets que l’on vient d’évoquer, emporterait des conséquences sur la chaîne de valeur et conduirait à freiner, voire plus, les tendances constatées de la « globalisation » et impacterait sensiblement les transports. Et le rapport de relever, parmi les conséquences possibles d’un développement industriel de la 3D, l’émergence d’un nouveau secteur de logistique à la fois spécialisé dans le stockage et le transport de proximité des matériaux de base nécessaires aux imprimantes. Ces évolutions, si elles s’opèrent, se feraient sur plusieurs années.

À travers cet exemple, il est permis de penser qu’une partie de l’appareil productif basera son développement sur le concept de proximité. Les entreprises pourraient alors se réinsérer dans leur territoire, retrouver ainsi une véritable assise territoriale ce qui, somme toute, nous ferait revenir à des formes plus traditionnelles que celles que nous connaissons aujourd’hui. Pour certains experts (P. Choderlos de Laclos, Directeur général du CETIM67), l’adaptation du système productif à l’ensemble des technologies de l’information (dont la 3D) mettrait en présence deux modèles économiques complémentaires : celui « d’unités très sophistiquées à fort engagement capitalistique » et celui composé d’unités plus petites et plus spécialisées, situées à l’interface entre industrie et services. C’est dans ce modèle de proximité que l’impression 3D et ses évolutions apporteraient la performance, la différenciation et la personnalisation, éléments essentiels pour affronter la compétition mondiale.

Pour corroborer cette vision d’un futur possible, un rapport réalisé pour l’Agence nationale de la recherche (ANR) consacré aux systèmes de production du futur68 rappelle que «  savoir produire efficacement de petites quantités conduit notamment à de nouveaux paradigmes de la fabrication en micro séries de produits différenciés à la demande soit au sein de micro-usines soit directement chez le client ».

Les deux types de réflexions, que nous venons d’évoquer, soulignent que le « modèle proximité » a toute sa place même s’il ne saurait se substituer à terme rapproché à la fois à la production de masse et à la grande entreprise.

L’impact écologiqueLa fabrication additive semble présenter des avantages tangibles en termes de

bilan carbone et d’optimisation des ressources naturelles  : limitation des transports de marchandises qui pourront être produites au plus près des consommateurs  ; économie d’énergie (le Département de l’énergie des États-Unis avance même un chiffre de 50 % par rapport aux méthodes de production actuelles) ; économie de matières premières permises - par comparaison aux procédés traditionnels de fabrication « soustractive » - en n’utilisant que les quantités strictement nécessaires : ainsi, dans l’aéronautique, on estime qu’à partir d’un bloc de matière, l’usinage entraîne 95 % de copeaux, la pièce finale ne représentant que 5  % du total initial. Avec la fabrication additive, réaliser la même pièce n’entraînera

66 J. Manners-Bell et K. Lyon, The implication of 3D printing for the global logistic industry, Transport Intelligence Ltd, août 2012.

67 « L’usine du futur », entre compétition mondiale et service au marché local, Le Monde, 8 juillet 2014.68 Futurprod, Les systèmes de production du futur, Coordination D. Brissaud, Y. Frein, v. Rocchi, novembre 2013.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 83

que l’équivalent de 3 % de déchets, le volume de matière nécessaire étant donc réduit de 100 à 869. Ce nouveau type d’opérations demande enfin moins de temps pour la fabrication, du moins - à ce stade - pour les pièces uniques ou pour les petites séries.

Questionnements sur l’activité professionnelleL’impression 3D tant au niveau international qu’à celui de notre pays - tout au moins

dans les recherches « académiques » - n’apparait que comme un élément parmi d’autres au sein de l’ensemble des nouvelles technologies et les incertitudes à son égard en terme d’emploi sont grandes, lorsque le sujet est abordé, ce qui n’est pas toujours le cas, loin de là.

Parallèlement, les premières études de terrain spécifiquement consacrées à la diffusion de la fabrication additive en France tendent à montrer une certaine frilosité du tissu des PME à s’approprier cette technologie, que ce soit par méconnaissance des possibilités de production et des nouveaux marchés qu’elle offre, par manque de moyens en R&D ou des dépenses d’investissement et de formation qu’elle entraînerait70.

Les très nombreux travaux d’experts qui se succèdent depuis quelques décennies et qui scrutent les effets de l’introduction des nouvelles technologies - particulièrement celles faisant appel au numérique - présentent une double conclusion quand la question de l’emploi et du travail est abordée et que l’on peut résumer ainsi :

– d’une part, les nouveaux outils contribueront à changer l’organisation du travail, par une sorte de déterminisme technicien ainsi que les qualifications, contribuant à modifier sensiblement la hiérarchie au sein des entreprises. Ils permettront l’éclosion de nouvelles compétences. Ils auront un effet positif sur la qualité du travail, les tâches pénibles et répétitives étant désormais dévolues aux machines ;

– d’autre part, l’incertitude règne concernant le volume de l’emploi singulièrement dans le domaine de la production industrielle. L’essentiel de la réflexion prospective sur la question de l’emploi porte surtout sur les effets de l’introduction de la robotique de dernière génération. Ainsi en est-il, par exemple, de l’étude de deux chercheurs de l’Université d’Oxford, estimant que 47 % des emplois de 702  professions enregistrées dans les nomenclatures américaines auraient de fortes chances ou risques d’être concernés par l’automatisation, sous toutes ses formes  : logicielle ou matérielle et particulièrement la robotisation (notamment compte tenu de la baisse sensible du prix de ces machines) - en prolongeant, sinon en amplifiant, les tendances déjà observées - à l’horizon d’une décennie voire au maximum de deux décennies71.

Si les métiers du transport et de la logistique seront encore les plus susceptibles d’être «  impactés » par l’automatisation de l’activité, les fonctions administratives et celles dites de support le seront tout autant. La robotique de « nouvelle » génération, dotée de plus grandes capacités « sensorielles » et d’une plus grande dextérité, devrait être à l’origine de la suppression de certains emplois, lesquels ne seraient pas forcément les moins qualifiés.

69 Audition de M. Alain Bernard, professeur à l’École centrale de Nantes, devant la section des activités économiques du CESE, 5 juin 2014.

70 Cf. L’impression 3D, enjeux et perspectives, Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) Centre, en partenariat avec la CCI Centre, décembre 2014.

71 Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, The future of employment : how susceptible are jobs to computerization ?, Université d’Oxford, septembre 2013.

84 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

En France, une étude récente72, réalisée en concertation avec les partenaires sociaux de la branche Syntec numérique, laisse augurer des créations nettes d’emplois dans le secteur du numérique professionnel, de l’ordre de 36 000 à l’horizon 2018. Ces créations se feraient davantage dans les secteurs connexes que dans la branche elle-même.

L’étude générale, qui recense les besoins en formation, fait quelques références à l’impression 3D mais concentre son attention sur les éléments les plus déterminants pour elle  ; c’est-à-dire le cloud computing, l’internet mobile, celui des objets, le big data et la robotique de dernière génération.

Le développement de nouveaux métiers et de nouvelles compétences…

Au-delà de ces éléments généraux, on notera le sort « lapidaire » réservé à l’impression 3D et ses effets sur l’emploi dans l’agenda «  digital  » pour l’Europe de la Commission  : «  L’impression 3D rendra nombre d’emplois obsolètes et requerra de nouvelles compétences. Beaucoup de nouveaux emplois seront créés hors du cadre strict de la 3D : experts en technologies de l’information, designers, ingénieurs et experts logisticiens, etc. Les systèmes éducatifs et les marchés du travail auront à répondre à ces besoins »73.

Dans une autre de ses livraisons consacrée à l’industrie du futur74, la Commission engage aux ajustements à envisager pour répondre à la demande de nouveaux emplois plus qualifiés afin de contrôler le processus de production alors que le nombre d’emplois, généralement moins qualifiés, pour réaliser cette production devrait largement décroître. Le besoin de spécialistes formés aux techniques numériques, à l’analyse des risques sous toute leur forme - dans le cas présent, aux risques «  techniques » - à la « compréhension méthodologique  » (customisation, design pour l’automatisation), etc. interpelle alors les établissements de l’enseignement supérieur : universités ou écoles d’ingénieurs.

Les personnalités auditionnées par la section comme celles rencontrées par le rapporteur, ont corroboré les besoins en spécialistes du design, en conception CAO bio printing ou CAD impression 3D, mais aussi en juristes spécialisés et en commerciaux eux-mêmes spécialisés.

Selon le magazine Forbes, la demande en compétences 3D est en croissance accélérée. En l’espace de quatre ans, selon Forbes, le nombre d’emplois requérant pour les tenir une compétence «  3D  » aurait crû de 1  834  % depuis 2010 et de 103  % entre août 2013 et août 2014. Les compétences les plus demandées sont celles d’ingénieurs projets, de « développeurs d’applications logicielles », de « marketing managers » tant dans le software que dans le hardware. Les divers métiers d’expertise extérieure sont très recherchés  : par exemple, les spécialistes juridiques.

De manière assez symptomatique, on assiste au développement des demandes de free-lances. Les sites spécialisés se font de plus en plus présents sur lesquels les

72 J.F. Lécole et Alii, Contrat d’études prospectives du secteur professionnel du numérique, Katalyse rapport final, 21 août 2013.

73 3D Printing Futurium – European Commission, http://ec.europa.eu/digital-agenda/futurium/en/content/3d-printing.74 Business Innovation Observatory. Advanced Manufacturing New manufacturing Engineering, Commission

européenne, septembre 2013.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 85

« professionnels » proposent à la fois leurs services et leurs projets. Il est évident que ces free-lances sont en même temps des makers, inaugurant en quelque sorte un nouveau mode d’activité. Parmi les sites les plus importants on compte  : 3D-Printing-jobs.com  ; 3dprintingindustry.com ; mediabistro.com, etc. Ces sites présentent un caractère mondial. Les offres ou les propositions sont autant américaines que britanniques, indiennes, canadiennes ou encore néerlandaises.

Il n’en reste pas moins que certains métiers très directement «  industriels » devraient se maintenir comme ceux permettant la finition des pièces imprimées en 3D par exemple.

… mais quel impact sur le volume globale de l’emploi ?La diffusion des innovations techniques dans l’appareil productif engendre un

processus que, depuis Schumpeter, on nomme «  destruction créatrice  ». Les nouvelles technologies détruisent des emplois, le plus souvent peu qualifiés dans certains secteurs et en créent d’autres, généralement plus qualifiés, dans d’autres secteurs. Ce phénomène a pu être constaté depuis le début de ce qu’il est convenu d’appeler l’ère industrielle. Il ne s’est pas développé sans heurts naturellement, l’histoire des deux derniers siècles et demi est là pour en témoigner.

Longtemps, le rythme d’introduction des nouvelles techniques a permis une adaptation relativement aisée à défaut d’avoir été toujours sereine. Cependant, dans la période immédiatement contemporaine, l’apparition toujours plus rapide des technologies numériques, leur ubiquité - puisqu’elles s’appliquent indifféremment dans le domaine professionnel comme dans la sphère privée - l’émergence d’une nouvelle économie de réseau, dématérialisée - dans laquelle les individus jouent parfois un rôle équivalent à celui tenu par les grands opérateurs traditionnels -, la faculté qu’elles ont de permettre une production de plus en plus flexible et, avec l’impression 3D, une « customisation » des produits, ont constitué autant d’éléments contribuant à modifier profondément le paysage de la production des biens et des services, voire même au-delà.

Comme le remarque M. Marc Giget75, alors que nous vivons une période de poussée technologique considérable, illustrée par un accroissement du nombre de dépôts de brevets, par le nombre des chercheurs dans le monde et par celui des revues scientifiques, dans le même temps, les progrès des nouvelles technologies ont des conséquences redoutables sur les emplois en les détruisant massivement… et pour le moment, note-t-il, les pertes ne sont pas compensées par des créations en volume suffisant comme on a pu le connaitre avec l’arrivée de l’électricité ou du téléphone.

Comme le remarquent les auteurs du rapport d’information de l’Assemblée nationale, évoqué précédemment : « Si le numérique déroute tant aujourd’hui, c’est parce que la deuxième phase de la théorie schumpétérienne tarde à apparaître ».

Il est peu contesté que l’introduction des technologies nouvelles contribue donc à supprimer des emplois surtout les moins qualifiés « adressant aux sociétés un défi de formation professionnelle, d’adaptation des compétences et de gestion du chômage »76.

75 Marc Giget est Président de l’European Institute for Creative Strategies and Innovation, entretien dans 01net du 30 juillet 2013.

76 Rapport d’information sur le développement de l’économie numérique française, op.cit.

86 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

On ajoutera que cette «  mutation  » technique s’est opérée alors que l’économie se mondialise, permettant à de nouveaux acteurs d’entrer en compétition, de faire valoir certains avantages comparatifs et contraignant par-là nos économies à se restructurer souvent dans des délais très courts, pour maintenir leur compétitivité.

Une recherche similaire à celle des universitaires oxoniens a été menée en France par le cabinet Roland Berger en octobre 201477, portant sur les effets potentiels sur l’emploi de l’introduction des technologies de l’information. Si les six éléments digitaux retenus ne comprennent pas l’impression 3D, les conclusions de cette étude rejoignent celles portant sur les États-Unis. 42 % de tous les emplois français seraient potentiellement automatisables à l’horizon de 20 ans.

Pour ses auteurs, la nouvelle vague d’automatisation ne concernera pas que les emplois manuels. Cependant, et en substance, le tableau possible pourrait être le suivant :

– « la fragilisation des emplois industriels peu qualifiés se poursuivra ; – plus largement, les bas salaires, associés aux faibles niveaux de qualification, sont les

plus exposés dans l’industrie comme dans le secteur tertiaire (services à faible contenu cognitif ) ;

– mais des emplois intermédiaires sont également à risque. Il s’agit notamment des fonctions administratives d’entreprise, des métiers juridiques ou de nombreuses fonctions d’encadrement intermédiaire, constitués majoritairement d’activités facilement automatisables ».

En conclusion de l’étude ses auteurs considèrent que «  la vague de transformation digitale à l’œuvre depuis les années 2000 pourrait être aux cols blancs dans la décennie à venir ce que la mondialisation et l’automatisation industrielle ont été aux cols bleus dans les années 1980-1990 ».

L’impression 3D n’est qu’un élément de l’innovation technologique et la plupart des experts estiment qu’elle n’a pas encore montré toutes les potentialités dont elle est porteuse. Cet état de fait explique qu’elle n’apparaisse pas dans les recherches menées que nous avons évoquées.

La plupart de nos interlocuteurs, auditionnés en section ou lors d’entretiens particuliers, n’ont pas envisagé la 3D comme devant, dans un délai moyen, bouleverser le volume de l’emploi. Ils ont, à l’instar des autorités américaines, insisté sur le fait que le développement de cette technologie permettait de conserver une partie de l’emploi sur le sol national en particulier les services centraux : ceux dédiés à la qualité, etc., ainsi que la R&D.

Plus encore, lors de son audition devant la section, M. J. Puzo remarquait que « l’impression 3D est une façon de ramener la production près du siège et du service R&D ou du bureau d’études, mais  », ajoutait-il, «  c’est forcément pour de nouveaux projets, pas pour des choses qui tournent depuis 20 ans ».

Ce point conduit à s’interroger sur le lien qui est fait entre impression 3D et relocalisation des activités. Aucun de nos interlocuteurs n’envisage une telle solution «  à l’identique  » mais plutôt, comme le soulignait M. C. Moreau, Directeur général de Sculpteo, lors de son

77 Think Act, Les classes moyennes face à la transformation digitale comment anticiper ? Comment accompagner ? Roland Berger Strategy Consultants, octobre 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 87

audition devant la section, parce que cette technologie donne la possibilité d’innover de manière plus agile et de gagner de la rapidité dans l’innovation ; ce qui « fait revenir les usines sur les territoires ».

On sait que le phénomène de «  relocalisation  » des activités, sans être de grande ampleur, existe et qu’il répond à certaines logiques. Une étude récente78 a analysé les trois logiques poussant les entreprises à relocaliser leurs activités. Les relocalisations sont dites soit :

– d’arbitrage ; – de retour ; – de développement. 

Il apparait, selon nos interlocuteurs, que les relocalisations dues à l’impression 3D participent essentiellement des logiques :

– d’arbitrage - lancement de nouveaux projets, qu’il s’agisse d’investissement dans une technologie innovante ou d’une nouvelle gamme de produit ;

– de développement compétitif pour lequel un repositionnement dans la chaîne de valeur par l’innovation et la montée en gamme s’avère essentiel et pour lequel l’existence d’un « écosystème » de qualité - potentiel de formation, fournisseurs des machines et de matériels, qualité des infrastructures de tous ordres - constitue un critère déterminant.

Formation et recherche publique/privéeAlors que l’impression 3D a plus de trente ans d’âge, on peut considérer qu’elle est

encore dans une phase intermédiaire d’industrialisation. Aussi, les innovations proviennent-elles de plusieurs sources de recherche dont celle des utilisateurs eux-mêmes.

Aujourd’hui, la phase d’industrie naissante est dépassée. À l’ère du prototypage succède celle de la fabrication directe. Cependant, la demande de certains utilisateurs n’est pas toujours satisfaite pour des raisons de coût des machines notamment. Comme le remarquent J. P. J. de Jong et E. de Bruijn, dans un article fort intéressant,79 pendant des années les imprimantes 3D produites étaient chères et donc réservées en quelque sorte au monde professionnel. Plus récemment des modèles meilleurs marchés ont permis une nouvelle orientation industrielle. Néanmoins, pour ces auteurs, il restait à satisfaire la demande des consommateurs individuels pour que ceux-ci ne fabriquent pas eux-mêmes leurs appareils. Ce modèle, ainsi que certaines de ses variantes, explique le recours au système de l’open source et sa popularité dans la communauté des makers.

Il n’en reste pas moins, qu’à la base, la formation initiale à cette technologie représente un enjeu important, tout comme elle en représente un - essentiel - aux nouvelles technologies.

78 Relocalisations d’activités industrielles en France, Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), Ministère du redressement productif /DATAR, décembre 2013.

79 Jeroen P. J. de Jong et E. de Bruijn. Innovation lessons from 3D printing, MITSLOAN Management review, hiver 2013.

88 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

La formation à l’impression 3DUn rapport récent (2014) d’un groupe d’experts de la plateforme Additive manufacturing80

met en avant ce point.

Face à la pénurie de formations spécifiques à l’impression 3D - ce qui nous a été confirmé par de nombreux professionnels eux-mêmes - le groupe d’experts propose le développement de modules de formation 3D prenant notamment en compte le « design et la modélisation », particulièrement dans l’enseignement « supérieur/technique » mais aussi l’amélioration de la connaissance générale du sujet dans l’ensemble de l’enseignement.

Or, on ne peut qu’être frappé de la relative absence de formations à cette technologie dans le système scolaire de notre pays. Certes, quelques lycées professionnels et quelques universités proposent des modules de formation à la 3D, cependant comme le souligne le rapport parlementaire sur le développement de l’économie numérique française (précédemment évoqué) «  notre pays est extrêmement en retard sur l’enseignement de l’informatique ».

Les écoles d’ingénieurs proposent pour certaines d’entre elles des formations à la 3D.

À titre d’exemple, le centre Arts et Métiers ParisTech de Lille propose désormais des formations de courte durée (1 à 5 jours) à l’impression 3D, mêlant théorie et phases pratiques. Après une introduction de caractère général, trois modules abordent  : la fabrication numérique avec analyse du retour d’expériences ; la chaîne numérique : du scan numérique à l’impression 3D ; enfin un module intitulé « repenser ses conceptions avec l’impression 3D : qualifier son besoin en sortant du cadre  ». Ces formations sont ouvertes à toute personne souhaitant mettre en œuvre l’impression 3D «  de façon professionnelle ou par passion  ». L’objectif pédagogique est formulé ainsi : « A l’issue de la formation, on doit être capable de :

– appréhender l’écosystème de l’impression 3D ; – mettre en œuvre toute la chaîne numérique du scan 3D à l’impression 3D ; – introduire l’impression 3D dans ses projets ; – créer ou repenser les conceptions en intégrant les nouvelles possibilités qu’offre

l’impression 3D. »

La situation apparait peu satisfaisante dans le système «  général  » hors certaines expériences menées dans des Fab-Labs qui proposent des cycles courts de familiarisation à la 3D. Il y a fort à parier que les jeunes élèves devraient être particulièrement réceptifs à ce type d’initiation.

La recherche institutionnelle et les structures de soutien et d’accompagnement

La technologie de la 3D a fait des progrès significatifs ces dernières années. Cependant, il reste à poursuivre les recherches, la plupart collaboratives, dans de nombreuses directions dont naturellement les matériaux, l’équipement et les applications et donc les secteurs ou activités les plus favorables au développement de la 3D.

80 Additive Manufacturing : Strategic Research Agenda 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 89

Dans le domaine des matériaux, aujourd’hui, les métaux, les plastiques, les céramiques, le tungstène sont largement utilisés alors qu’il y a dix ans les résines formaient l’essentiel de la matière de base. Désormais, le titane, l’aluminium et les alliages comme le nickel-chrome font l’objet de recherches autorisant une certaine diversification.

L’étape suivante pourrait être celle des biomatériaux. Il n’est plus du domaine de l’irréalisable d’envisager l’impression de peau ou d’autres tissus vivants offrant des perspectives spectaculaires dans le domaine du soin aux grands brûlés (cf. à cet égard, les réalisations du Wake Forest Institute aux États-Unis dont certains membres ont construit deux bio-imprimantes dont une permettant d’imprimer des cellules directement sur les zones brûlées. Associée au travail d’un scanner qui déterminera à la fois la dimension et la profondeur de la blessure et informée par les données cliniques, l’imprimante pourra alors placer à la fois le type et le nombre de cellules permettant de traiter la brûlure. Ces deux machines n’en sont encore qu’au stade de la recherche).

Dans le domaine des équipements, les recherches s’orientent à la fois sur les capacités des imprimantes c’est-à-dire leur taille mais aussi sur leur vitesse d’impression ou bien encore des machines pouvant imprimer simultanément plusieurs matériaux, etc.

Enfin, dans le domaine des applications et donc des secteurs à fort potentiel, les recherches sont assez actives.

Les coûts de ces recherches sont souvent importants et de facto sont partagés entre les budgets publics et ceux des entreprises. Aussi, est-il intéressant de reprendre l’une des réflexions d’un rapport de l’Institute for Defense Analyses (IDA, États-Unis)81 préconisant la signature de contrats «  pré-compétitifs  » liant «  agences  » gouvernementales, recherche académique et secteur industriel afin de développer des démonstrateurs et des projets pilotes.

En matière de recherche institutionnelle et collaborative, on mettra plus particulièrement l’accent sur l’apport de deux organismes publics de recherche : le CEA et l’INRIA.

Le CEAActeur primordial de la recherche en France, le Commissariat à l’énergie atomique

et aux énergies alternatives intervient dans trois grands domaines dont les technologies de l’information. Il est donc moins étonnant qu’il pourrait y paraître que le Commissariat s’intéresse à la fabrication additive. Au-delà des travaux menés dans le cadre du LETI Grenoble (laboratoire d’électronique de technologie de l’information) qui n’entrent pas dans le champ de ce rapport, il faut noter que le CEA-LITEN, (laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et des nanomatériaux), fort d’un millier de chercheurs assure un partenariat important tant avec des laboratoires académiques qu’avec l’industrie. À ce titre, un partenariat a été finalisé avec Prodways (groupe Gorgé) portant sur le développement et l’optimisation des technologies d’impression 3D dédiées à des applications industrielles et biomédicales. Ce partenariat est l’occasion pour le LITEN de disposer d’une plate-forme entièrement dédiée à l’impression 3D et a pour objet d’améliorer les propriétés des matériaux utilisés et d’optimiser les procédés de conception ainsi que le

81 Scott J. et Alii. Additive Manufacturing  : Status and Opportunities, IDA Science and technology policy institute, mars 2012.

90 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

nettoyage des pièces polymères, céramiques ou métalliques alors que les systèmes en cause seront multi-matériaux82.

Selon la directrice du CEA-LITEN, Mme Florence Lambert, « en donnant à Prodways accès aux compétences du LITEN sur les matériaux et les procédés, celui-ci remplit son rôle d’accélérateur d’innovation au service des industriels et contribue à placer cette entreprise dans une position de leader sur différents segments du marché de l’impression 3D en pleine expansion ».

L’INRIAL’Institut national de recherche en informatique et en automatique, établissement

public à caractère scientifique et technologique depuis 198583, constitue un ensemble de rang international avec ses huit centres régionaux. L’institut compte aujourd’hui près de 4  500  personnes dont près de 3  500  «  scientifiques  » (en 2013  : 1  772 chercheurs et enseignants-chercheurs, 1 280 doctorants et 258 « post doc » répartis dans 172 équipes-projets dont 139 fonctionnent en collaboration soit avec des universités soit avec d’autres établissements publics).

L’institut est, depuis sa création, dédié aux sciences du numérique mais également au transfert de technologies vers le monde de la production, grandes entreprises comme PME. Parmi les thèmes de recherche, il faut noter que dans son dernier rapport d’activité publié (rapport 2013) l’impression 3D fait l’objet d’un chapitre spécifique, intitulé « Inventer la production » dans lequel l’institut dresse le bilan de ses actions dans les domaines des algorithmes et des logiciels notamment visant à la simplification de la création d’objets virtuels. D’autres études conduisent les chercheurs de l’INRIA à développer des imprimantes 3D pouvant réaliser, grâce à des logiciels adaptés, des objets non seulement fidèles aux modèles virtuels mais qui obéissent aussi aux lois physiques comme celles de l’équilibre84.

L’action de quelques structures de soutien et d’accompagnement

L’accompagnement de la recherche et du développement de l’impression 3D dans le tissu industriel français participe d’un ensemble plus vaste  : celui de l’irrigation de l’innovation « numérique  » dans ce tissu productif. Ce sujet est l’objet de très nombreux rapports, dont certains de notre institution, et il fait l’objet, aussi, de beaucoup d’initiatives. Ainsi, à titre d’exemple, les « actions » inscrites au budget de l’État en matière de recherche industrielle, au nombre de trois, visent pour deux d’entre elles au soutien et à la diffusion de l’innovation technologique et au soutien de la recherche industrielle stratégique, la troisième visant les organismes de formation supérieure et de recherche. Il existe une « multitude » de dispositifs dont on peut se demander si elle ne nuit pas plutôt à son objectif de favoriser le passage de la recherche à l’innovation.

82 Cf. Prodways et le CEA s’associent pour développer les technologies d’impression 3D de demain www.cea.fr/cea-tech/actualites/partenariat-prodways-liten-140966.

83 L’institut a été créé en 1967 sous le nom d’IRIA et était alors un des principaux éléments du Plan Calcul lancé en 1966.

84 INRIA, Comment faire tenir des objets obtenus par impression 3D dans la posture que l’on souhaite et sans support ?, octobre 2013.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 91

Le paragraphe qui suit dépasse le bref examen de quelques-unes des structures mises en place pour accompagner le transfert de l’innovation vers les entreprises. En effet, certains des fleurons de la recherche publique française y seront abordés, non point tant dans leur domaine d’excellence mais plutôt en tant que partenaires des efforts de recherche de plus petites structures de production.

Le réseau des instituts CarnotLe réseau des 34  instituts Carnot a pour objectif de développer une recherche

partenariale avec les entreprises et les collectivités territoriales. Pour ce faire ils mènent une politique d’accompagnement R&D auprès des entreprises dans le cadre d’un réseau permettant de développer des synergies85.

Ces instituts sont, pour la plupart, des laboratoires publics reconnus par un label accordé par le ministère en charge de la recherche lequel assure le pilotage du dispositif. Les instituts sont régis par une charte précisant la qualité des relations avec les partenaires socio-économiques, la recherche académique, la propriété intellectuelle, la gouvernance, etc.

L’Agence nationale de la recherche est en charge de la gestion financière et du suivi du dispositif. L’agence est l’outil de la mise en œuvre du financement de la recherche sur projets en France. En outre, la position de l’agence dans les coopérations européennes et internationales a été renforcée par les dernières dispositions juridiques (décret n° 2014-365 du 24 mars 2014) ce qui lui permet de se coordonner avec ses homologues européennes.

Parmi les grands domaines de compétences du réseau, on trouve la trilogie : mécanique, matériaux et procédés. C’est dans ce domaine que se situent les efforts en matière d’impression 3D, réalisés par les instituts Carnot comme MICA (Materials Institute Carnot Alsace) ou ICEEL (Institut Carnot énergie et environnement en Lorraine) dont l’expertise est reconnue en matière notamment des matériaux et des procédés industriels.

À titre d’exemple, dans le cas de MICA, IREPA LASER (évoquée plus haut) a conçu une machine de fabrication additive EasyCLAD® MAGIC, en partenariat avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), certains autres instituts Carnot comme M.I.N.E.S et ARTS et la société ATECA, sous-traitant aéronautique. Le modèle de machine 3D placé dans une cabine de 8 m3 autorise la fabrication de pièces de grande dimension et de masse pouvant atteindre 300 kg. Une société nouvellement créée a reçu cette machine. Cette société (BeAM) fabrique et commercialise les machines de la marque EasyCLAD qui offrent des possibilités de gains appréciables dans la réalisation comme dans la réparation de pièces complexes en aéronautique comme dans le « médical ».

Certaines des équipes d’ICEEL travaillent dans le domaine des procédés d’usinage et d’assemblage des matériaux en couche et de l’application logicielle pour le procédé de prototypage rapide par «  stratoconception  », c’est-à-dire selon un procédé permettant la fabrication, couche par couche, d’un objet dessiné en CAO, sans aucune rupture de la chaîne numérique ou d’outillage rapide particulièrement de moules en tous matériaux. On peut

85 Les instituts Carnot représentent 15 % de la recherche publique française. Ils ont été consolidés par un fonds de 500  millions d’euros dans le cadre du programme des investissements d’avenir. On notera avec intérêt l’existence d’un programme inter Carnot-Fraunhofer financé conjointement par l’ANR et le ministère allemand en charge de la recherche. Ce programme a notamment pour objet de financer des projets communs « Carnot/Fraunhofer » dans plusieurs domaines dont celui des technologies de l’information et de la communication.

92 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

signaler le partenariat lié entre l’institut Jean Lamour, composant d’ICEEL et les « Ateliers CINI SA » initié par le pôle de compétitivité Materalia (soutenu par BPIfrance) qui a débouché sur le développement d’une gamme nouvelle de matériaux composites pour la fabrication rapide de pièces fonctionnelles allégées par frittage laser sélectif (SLS)86.

À la suite de Mme Berchon87, l’on peut encore citer comme laboratoires traitant de la 3D, ceux de l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM) et de l’Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes (IRCCyN) travaillant sur l’ingénierie des systèmes, produits, performances et perceptions.

Les centres techniques Les centres techniques industriels constituent également une ressource importante

pour le transfert de l’innovation dans les entreprises. Ces structures, au nombre de 21 réparties sur tout le territoire national, ont pour vocation de promouvoir le progrès technique et l’adaptation des entreprises aux besoins du marché, par des activités de recherche-développement, d’innovation et de diffusion des connaissances techniques, ainsi que le souligne un récent rapport qui leur est consacré88. Selon le président du réseau des centres techniques industriels près de 40 000 entreprises entrent en contact avec les centres chaque année.

Parmi les centres techniques les plus avancés dans le domaine de la 3D, on compte, naturellement pourrait-on dire, le Centre technique des industries de la mécanique (CETIM). Le CETIM, au demeurant labellisé institut Carnot, accompagne environ 4  000  entreprises du secteur (sur un total de l’ordre de 31 000). Il propose à ses clients une offre de six work packages : de l’analyse de la pertinence du recours à la 3D dans les domaines d’application de l’entreprise à l’assistance à l’installation et au démarrage et à l’organisation de la production, en passant par les étapes de la reconception des pièces, l’évaluation de la solution envisagée, les essais, l’assistance à la maîtrise d’ouvrage et l’intégration des nouveaux moyens dans l’environnement de l’entreprise89.

Les pôles de compétitivitéLancés en 2004, les pôles de compétitivité représentent la concrétisation de la théorie

des clusters, développée par Michael Porter dans les années 1980. Ces pôles ont vocation à rapprocher sur un même territoire des entreprises, des centres de formation et des unités de recherche d’un même secteur d’activité dans le but d’élaborer des projets innovants.

On compte aujourd’hui 71 de ces entités labellisées par l’État. Sept d’entre elles sont mondiales et onze en ont la vocation. Le financement est pour partie assuré depuis mars 2006 par un Fonds unique interministériel (FUI) et, pour une autre part, par l’ANR dans le cadre d’appels à projets partenariaux ainsi que par l’agence pour l’innovation industrielle (AII) et BPI France à la fois dans le cadre des appels à projets R&D du FUI ou dans celui des Projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC).

86 Les instituts Carnot la recherche pour les entreprises 60 exemples de recherche partenariale, Réseau des instituts Carnot, juin 2012.

87 Mathilde Berchon, L’impression 3D, Eyrolles, 2014, op.cit.88 Clotilde valter, Les CTI (centres techniques industriels) et CPDE (comités professionnels de développement

économique) au service du redressement productif, rapport remis au Premier Ministre, octobre 2014.89 CETIM. Fabrication additive, fabrication directe, impression3D, prototypage rapide, 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 93

Les pôles sont naturellement spécialisés. Certains sont à vocation «  mécanique  », d’autres travaillent sur les matériaux, etc. Plusieurs prennent en compte si l’on peut dire la fabrication additive sans que cela apparaisse très nettement tout au moins dans les statistiques officielles. On pense au pôle EMC2 (dont les établissements qui ressortissent de son champ de compétence s’intéressent aux technologies avancées de production  : fabrication de machines et équipements divers) ou à viameca, Microtechniques, Minalogic, Materalia, etc.

Pour ce qui concerne viameca, ce pôle mène le projet FALAFEL (fabrication additive par laser et faisceau d’électrons) visant à mettre en œuvre et à valider, dans des conditions industrielles sur composants aéronautiques, des procédés de fabrication directe de pièces métalliques ou composites à matrice métallique et de faire émerger une filière nationale à la pointe de ces nouveaux procédés, concernant notamment les technologies de fabrication de machines dédiées. L’objectif affiché est de réduire le temps et les coûts de fabrication des pièces, d’en réduire le poids et de disposer d’une technologie propre et flexible par rapport à l’usine de masse et par là au final de participer à la création d’une filière stratégique française d’industrialisation des procédés de fabrication additive.

Lors de son audition par la section des activités économiques, M. Puzo, Président de Matéralia, rappelait que la stratégie «  était de faire monter en gamme les PME grâce à des projets innovants à base de nouveaux matériaux. Le rôle du pôle est de mettre en relation des PME avec des chercheurs académiques et des écoles de formation  ». Un cluster «  fabrication additive  » a été créé par le pôle à Charleville-Mézières et, selon l’auditionné, «  il s’agit de prendre une dizaine de PME de la région, des équipes de l’université de Champagne-Ardenne, quelques écoles des environs et de les faire réfléchir, travailler, investir en fabrication additive ».

En février 2013, les contours d’une nouvelle phase des pôles ont été dessinés : « pôles 3.0 » par laquelle on envisage de faire de ces structures des « usines à produits d’avenir ». Cette phase serait aujourd’hui à l’arrêt90.

Le rôle de l’Association française de prototypage rapide (AFPR).L’AFPR rassemble un ensemble d’acteurs français de l’impression 3D. Comme le rappelait

le professeur A. Bernard, lors de son audition par la section des activités économiques, l’AFPR a pour objectif de :

– rassembler les partenaires de la fabrication additive ; – répondre à des besoins multisectoriels ; – favoriser la formation et le transfert de technologie ; – rassembler, capitaliser puis diffuser l’information la plus objective et la plus

complète ; – soutenir les projets innovants ; – construire un lien d’échange didactique et technique ; – se positionner dans un cadre européen et mondial.

Depuis 1992, l’association organise des assises européennes du prototypage rapide. La 19e édition des assises a eu lieu en juin de cette année. Le professeur Bernard remarquait

90 C. Erhel et L. de La Raudière, députées, Le développement de l’économie numérique française, rapport d’information déposé par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale n° 1936, 14 mai 2014.

94 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

à ce propos qu’une dynamique semblait enclenchée dans le domaine de la 3D et qu’entre chercheurs, sociétés de conception ou de services et producteurs, une filière était en passe d’être créée. Il appelait de ses vœux à la création d’une task force qui pourrait ainsi bénéficier de moyens afin « d’engager un processus non pas de mutation technologique mais d’évolution de grande ampleur pour que la fabrication additive puisse prendre toute sa place dès la conception des pièces  ». Il appelait également à ce «  que les industriels s’impliquent davantage dans l’appropriation de ces techniques mais aussi dans les avancées au plan de la connaissance à travers par exemple le recrutement de doctorants en convention CIFRE  »91. Rappelons que le dispositif des Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) subventionne toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d’une collaboration de recherche avec un laboratoire public. Les travaux aboutissent à la soutenance d’une thèse en trois ans. Les CIFRE sont intégralement financées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche qui en a confié la mise en œuvre à l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT).

On remarquera avec intérêt que les 9e rencontres du Collège des sciences de l’ingénierie et des systèmes (CSIS), structure collaborative entre quatre établissements : Centrale Paris, Normale sup Cachan, SUPELEC et l’université Paris-Sud ont été organisées à l’occasion des assises européennes de la fabrication additive. À cette occasion un centre de compétences en fabrication additive devrait être créé tirant bénéfice du potentiel scientifique du plateau de Saclay. Ce centre, dont l’ouverture est prévue en 2015, sera porté par l’institut de recherche technologique SystemX qui contribuera à son financement et à sa gestion. Le centre devrait être doté de machines de dernière génération destinées à mener des projets de recherche et des actions de formation tant initiales, pour les élèves ingénieurs et les étudiants en licence/master, que continue pour les personnels des différents partenaires industriels92.

Le financementL’accès au financement constitue, avec l’autofinancement, un facteur essentiel du

développement et de la pérennisation des entreprises. La comparaison avec l’étranger n’est pas à l’avantage de notre pays. À titre d’exemple, l’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) relève que le capital-innovation français est 33 fois moins développé qu’aux États-Unis (642 millions d’euros contre l’équivalent de 21,3 milliards d’euros) et son poids dans le PIB « pèse » 5,7 fois moins qu’aux États-Unis (0,3 % contre 1,8 %). On remarquera que la position française n’est pas meilleure par rapport à certains de ses voisins européens comme la Grande Bretagne ou les États de l’Europe du nord.

Le capital-investissement répond, pour partie, aux besoins de financement de l’économie. Pour l’industrie française, ces besoins sont évalués à environ 12 milliards d’euros par an selon les représentants de l’AFIC.

Le capital-investissement agit sur quatre segments : – le capital-innovation assurant le financement des entreprises (souvent des start-

up) de leur naissance à leur « rentabilité » ;

91 Retour sur les assises européennes de la fabrication additive. Vu (d’)ailleurs. Entretien entre S. Allemand et A. Bernard Paris-Saclay 30 juin 2014.

92 Paris-Saclay à l’heure de la fabrication additive. Innover/entreprendre. Entretien entre S. Allemand et L. Michard, directeur exécutif du CSIS, Paris Saclay, 20 juin2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 95

– le capital-développement concernant les entreprises ayant franchi le premier stade, donc en croissance. Il s’agit surtout de PME ;

– le capital-transmission ; – le capital-retournement.

Seuls les deux premiers segments nous intéressent dans ce rapport.

Si les phases d’amorçage sont plutôt bien couvertes, notamment par le financement participatif des « crowdfunding », si l’activité des « business angels » continue de croitre, la phase de capital-développement est beaucoup plus délicate à négocier.

Le bilan de l’activité de l’AFIC93 qui regroupe plus de 270 sociétés de gestion actives montre une forte croissance des montants investis en capital-innovation pour le dernier exercice connu (2013) : + 45 % par rapport à 2012 pour un montant de 642 millions d’euros dans 489 entreprises et, malheureusement, une baisse des montants investis dans le capital-développement (1 827 millions d’euros en 2013 pour 802 entreprises contre 1 946 en 2012 dans 871 entreprises).

94 % des entreprises soutenues en capital-innovation avaient reçu moins de 5 millions d’euros et 88 % des entreprises soutenues en capital-développement avaient reçu moins de 5 millions d’euros. On remarque, enfin, que la répartition sectorielle des investissements innovation donne la première place (sur la période 2009-2013) aux «  biotechs  » (34  %) devant les entreprises du numérique (24 %) suivies par celles du secteur de l’énergie (14 %).

Beaucoup de fonds concentrent leur intérêt sur les secteurs précédemment évoqués. Un fonds spécialement dédié à la robotique française et européenne a été créé en mars 201494. « Robolution capital » s’intéresse plus particulièrement à la robotique de service allant jusqu’aux « cobots » (systèmes automatisés à l’interface de la robotique et de l’humain), aux exosquelettes et aux drones à usage de service dans le secteur de l’énergie ou de l’agriculture. On voudrait croire que l’impression 3D fait partie de cette approche « futuriste ».

On citera également la création du Livret d’épargne « Troisième révolution industrielle », un produit financier innovant lancé en janvier 2015 par la Chambre de commerce et d’industrie Nord de France et le Crédit coopératif qui souhaitent associer les habitants au financement d’entreprises. Rémunéré au taux de 1,75  % jusqu’à 1  500  euros (pour encourager les épargnants modestes) et de 0,8 % au-delà avec un plafond de 100 000 euros (l’argent restant totalement disponible) ce livret permettra d’attribuer des prêts bonifiés à des projets correspondant à au moins un des huit « piliers » retenus : l’efficacité énergétique ; le passage aux énergies renouvelables  ; les bâtiments producteurs d’énergie  ; le stockage de l’énergie  ; l’internet de l’énergie  ; la mobilité des personnes et des biens  ; l’économie circulaire ; l’économie de la fonctionnalité.

93 Activité des acteurs français du capital-investissement en 2013, AFIC/Grand Thornton, avril 2014.94 Lancé à l’initiative de Bruno Bonnell et de la société de gestion Orkos Capital, ce fonds réunit des investisseurs

institutionnels, industriels et privés (dont le Fonds européen d’investissement, AG2R La Mondiale, BPIFrance, Orange, EDF et Thales).

96 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Fig. 2 : Les chiffres clés du capital-investissement en France

Source : AFIC, Activité des acteurs français du capital-investissement en 2013 (avril 2014), graphique CESE.

On ne saurait clore ces développements sans évoquer les soutiens financiers apportés. Comme le rappelle l’OCDE, le système français d’aide publique (ou non) à l’innovation est considérable par son ampleur et sa diversité. BPIfrance, tout à la fois organisme de garantie et de cofinancement, joue un rôle important dans ce dispositif. Le groupe public agit en appui des politiques conduites par l’État et les collectivités régionales provoquant un effet de levier, le système bancaire étant généralement associé à la même hauteur. La loi lui donne notamment pour mission de favoriser l’innovation, l’amorçage, le développement, l’internationalisation et la mutation des entreprises.

BPIfrance gère ainsi, dans le domaine de l’investissement-innovation, cinq fonds directs pour 1,1 milliard d’euros (et 114 millions d’euros investis en 2013) et, dans son rôle de « fonds de fonds innovation », compte 56 partenaires pour un total géré de 3,1 milliards d’euros.

Elle utilise donc plusieurs types d’outils financiers pour favoriser l’investissement dans l’innovation et être ainsi « au plus près du terrain ». Un nouveau plan « fédérateur » : Nova lui permet de viser à une plus grande simplification et à une accélération des procédures, à davantage de services d’accompagnement et à un continuum de financement.

L’impression 3D est entrée dans les préoccupations de BPIfrance par la remontée d’expérience des experts «  de terrain  » de la banque qui l’ont estimée comme une problématique essentielle pour les entreprises. Récemment, en octobre 2014, le groupe a abordé cette technologie dans le cadre de séminaires thématiques, mettant l’accent sur les mutations qu’elle pourrait apporter dans la production et l’organisation du travail. Le séminaire d’octobre présentait la double ambition d’évoquer la technique et de « faire sauter

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 97

le pas aux entreprises, le système étant tellement imprédictible qu’il faut mettre tout le monde en contact avec cette technique car si la révolution est là il faut en être »95.

Des exigences renouvelées en matière de sécuritéLes nouvelles modalités de production rendues possibles par le processus de

fabrication additive soulèvent également des questions importantes en matière de sécurité, qu’il s’agisse des aspects juridiques (et de leurs conséquences économiques) mais aussi, plus largement, des risques liés à la qualité et à l’utilisation illégale et/ou dangereuse des objets pouvant ainsi être réalisés.

Sécurité juridique : impression 3D et propriété intellectuelle

L’impression 3D étant une technique de fabrication étroitement liée aux développements les plus récents de la technologie numérique qui facilitent - via l’existence de numériseurs 3D - la copie autorisée ou non et la diffusion en ligne de plans puis la fabrication - par l’imprimante 3D elle-même - d’objets concrets à partir de ces fichiers, il est logique de retrouver ici les types de débats nés de la numérisation des contenus créatifs (musique, films, livres...) qui a bouleversé les industries concernées. Cette évolution apparaît d’autant plus inévitable que les prix des équipements baissent régulièrement de manière significative.

Les problèmes soulevés portent bien entendu sur la mise en œuvre du respect de la propriété littéraire et artistique et donc du droit d’auteur. Ce dernier - qui, lui, n’exige pas de formalité d’enregistrement - n’est toutefois pas le seul concerné : les droits de la propriété industrielle peuvent également l’être, qu’il s’agisse des brevets, des dessins et modèles ou encore des marques d’autant que l’utilisation de cette innovation a d’ores et déjà quitté le seul champ des maquettes et des prototypes au sein duquel il s’est d’abord cantonné pour s’étendre à de très nombreuses productions96.

La distinction entre usages commercial et privéL’utilisation de la technologie de l’imprimante 3D par des professionnels dans un

but commercial est naturellement soumise aux règles générales en vigueur protégeant la propriété intellectuelle  : en l’absence d’autorisation du titulaire des droits, l’impression tridimensionnelle de l’objet protégé sera considérée comme une contrefaçon et constitue donc un délit impliquant l’entreprise qui a réalisé l’impression comme son client. En ce sens, « aussi révolutionnaire soit-elle, l’impression 3D n’entraînera pas de révolution juridique »97 même s’il est toujours possible de se demander si, à force d’adaptations successives, ce droit ne

95 Paul-François Fournier, Directeur de l’innovation de BPIfrance, lors d’un entretien avec le rapporteur.96 L’ensemble des dispositions législatives et règlementaires concernant ces droits sont regroupées dans le Code

de la propriété intellectuelle (CPI) dont la 1ère partie concerne la propriété littéraire et artistique (le droit d’auteur et ses droits voisins) tandis que la 2e partie porte sur la propriété industrielle : les dessins et modèles (livre v), les brevets (livre vI) et les marques (livre vII).

97 Audition de Mme Aude vivès-Albertini, Avocate au Barreau de Paris, devant la section des activités économiques du CESE le 18 septembre 2014.

98 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

finira pas par changer de nature. Mais, s’il semble que les principes légaux et jurisprudentiels actuels soient suffisants, les propriétaires de droits et ceux chargés de les faire respecter devront - doivent déjà - s’organiser et se former pour faire face à ces nouveaux outils de production utilisables par des contrefacteurs.

En effet, les stratégies de défense des titulaires de droits et la mobilisation des autorités administratives et judiciaires doivent évoluer pour que la prévention et la répression tiennent compte de l’accroissement du nombre des acteurs et de la variété de leurs interventions dans la chaîne de production qui constituent autant d’occasions de fraude potentielle (depuis la fabrication et la vente d’imprimantes 3D jusqu’à l’impression des objets eux-mêmes en passant par la fourniture des matériaux et des services d’impression, la création et le téléchargement des fichiers CAO, les plateformes de partage ou de vente). Pour autant, les principes du Code de la propriété intellectuelle peuvent être transposés sans difficultés majeures.

Concernant les véritables créations numériques originales destinées à une impression 3D98, une incertitude semble toutefois exister sur la possibilité de pleinement les protéger, que ce soit en tant qu’« œuvres de l’esprit » susceptibles de bénéficier du droit d’auteur ou encore au titre des divers droits de la propriété industrielle. Certains envisagent donc une explicitation de la règlementation dans ce domaine - source potentiellement importante de contentieux - qui s’oppose cependant à la philosophie du libre accès aux données très présente dans le milieu des internautes.

À l’inverse, concernant les particuliers, l’utilisation pour leur propre usage et hors de toute relation commerciale ne constitue pas une contrefaçon tombant sous le coup de la loi, que l’on se réfère à la protection :

– du droit d’auteur (qui dispose notamment que celui-ci ne peut interdire « les copies ou reproduction réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »99) ;

– des dessins et modèles («  Les droits conférés par l’enregistrement d’un dessin ou modèle ne s’exercent pas à l’égard d’actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales »100) ;

– des brevets (les droits conférés par ceux-ci ne s’étendant pas « aux actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales »101) ;

– des marques (le critère retenu pour établir la contrefaçon étant celui d’une utilisation de la marque qui ne soit pas « étrangère à la vie des affaires »102 et qui tende à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique).

Toutefois, le problème nouveau posé par cette exception de copie privée appliquée à l’impression 3D tient à ce que, dans le contexte d’une large démocratisation de ce nouvel outil de production et comme l’indique l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), «  étant donné l’échelle mondiale de la fabrication, les enjeux pourraient être

98 Par opposition aux fichiers numériques 3D obtenus en « scannant » un objet réel qui existe déjà.99 Article L. 122-5, 2°du CPI qui précise toutefois «  à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être

utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autre que la copie de sauvegarde [...] ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique ».

100 Article L. 513-6 a) du CPI.101 Article L. 613-5 a) du CPI.102 Cf. Cour de cassation, arrêt n°464 du 10 mai 2011.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 99

plus importants  »103 pour les résultats économiques des entreprises concernées. Celles-ci pourraient ainsi, à terme, voir une partie de leur clientèle potentielle s’évaporer par la facilité avec laquelle les particuliers pourraient fabriquer, pour eux-mêmes mais de façon massive, des copies d’objets physiques. L’OMPI souligne ainsi le danger que certaines entreprises soient à terme découragées d’investir dans la recherche-développement et la conception de nouveaux produits.

C’est donc bien à la nécessité de parvenir à un nouveau modèle économique que pourraient être prochainement confrontés certains industriels face à cette mutation  : la valeur ajoutée n’apparaît plus uniquement dans la vente de produits finis ou de services en aval (pièces détachées, réparation) fournis par des professionnels, mais se répartira désormais sur la totalité d’une chaîne de production au sens large incluant, en amont, la conception et la mise à disposition (gratuite ou rémunérée) des fichiers numériques préalables à l’impression tridimensionnelle.

Le «  buzz  » médiatique actuel sur l’impression 3D personnelle ne doit toutefois pas conduire à faire croire que les particuliers pourront très bientôt fabriquer eux-mêmes, chez eux et à partir d’une même machine, la plupart de leurs objets usuels. Compte-tenu des contraintes techniques (nécessité d’une maîtrise des logiciels, petite taille des machines, nombre de matériaux disponibles encore très limité...) et de coût, la réalité actuelle - et pour, au moins, les dix prochaines années - est très loin de le permettre104. A plus long terme, les avis sont partagés entre les observateurs qui n’excluent pas des avancées technologiques plus ou moins spectaculaires dans ce domaine et ceux qui, considèrent, dès à présent, que « les imprimantes 3D ne s’imposeront jamais dans les foyers »105.

Mais l’impression 3D des particuliers ne passe pas forcément par l’équipement des ménages en machines de fabrication additive. Comme le souligne notamment une étude de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), « dans l’immédiat, l’usage de l’impression 3D par le grand public apparaît donc plutôt anecdotique. Cependant de nombreuses sociétés présentes sur internet proposent aux particuliers des services d’impression d’objets à partir de leur propre modèle numérique ou à partir d’un catalogue de modèles mis à leur disposition sur une plateforme numérique »106, ce qui peut légitimement inquiéter les créateurs.

Il reste que les copies privées «  ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur »107, principe qui peut servir de base à certaines des formes de régulation les plus fréquemment avancées dans le débat public.

103 Catherine Jewell, L’impression 3D et le futur des objets, OMPI Magazine, juin 2013. 104 Cf. l’audition de M. Clément Moreau, Directeur général de Sculpteo, devant la section des activités économiques

du CESE, 9 octobre 2014.105 Carl Bass, PDG d’Autodesk, leader mondial des logiciels 3D, cité par Lucie Robequain, Les industriels américains

s’affrontent sur le potentiel de l’impression 3D, Les Echos, 9 avril 2014.106 Fatima Ghilassene, L’impression 3D - Impacts économiques et enjeux juridiques, Les Dossiers de la Direction des

études de l’INPI n°2014_04, septembre 2014.107 Article L. 122-5 du CPI (avant-dernier alinéa).

100 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Les pistes évoquées pour améliorer la régulation Chacun des niveaux de la chaîne de production (création des fichiers virtuels, mise

à disposition en ligne, fabricants d’imprimantes 3D, production proprement dite d’objets réels, commercialisation éventuelle) serait ainsi concerné par la mise en place de nouvelles règles qui pourraient notamment passer par :

– la mise en jeu de la responsabilité des utilisateurs finaux. Il reste que leur nombre de plus en plus élevé et leur dispersion géographique rendront la chasse à la contrefaçon à ce niveau difficile et coûteuse. En France, l’application de la loi de 2009 dite «  Hadopi  » - du nom de la «  Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet », organisme indépendant visant à avertir puis à sanctionner les téléchargements illicites - et les controverses qui l’ont accompagnée montrent bien les limites de ce type de démarches. Cette expérience montre également la nécessité d’offrir des alternatives aux pratiques frauduleuses en pariant, par exemple, que « la promotion de plateformes en ligne de téléchargement légal et payant d’objets à imprimer en 3D pourrait permettre aux auteurs et concepteurs d’objets d’obtenir rémunération  »108, sous la forme d’abonnements ou d’achats à l’unité d’objets ;

– l’accent sur la responsabilité des plateformes d’intermédiation. De plus en plus nombreux sont les sites qui mettent à la disposition des internautes des fichiers d’impression 3D (par exemple, Sculpteo, Thingiverse, Shapeways, Cults3D). L’objectif serait ici de les inciter fortement à contrôler le caractère licite des fichiers qu’ils hébergent notamment en engageant leur responsabilité juridique devant les tribunaux compétents dans les cas où ces contenus n’auraient pas été supprimés après la notification de leur caractère illégal. Actuellement, une grande incertitude demeure : si l’on prend l’analogie avec le plagiat en littérature, ces nouveaux acteurs doivent-ils être plutôt considérés comme des imprimeurs (non responsables des plagiats) ou des éditeurs (responsables) ? Cette question ne semble pas forcément réglée dans le cas de la fabrication additive109 ;

– la sécurisation des fichiers d’impression 3D. Sous le terme générique de DRM (Digital Rights Management. En français  : Gestion des Droits Numériques, GDN) se rangent déjà - y compris pour certains fichiers d’impression 3D - divers dispositifs techniques ayant pour but de restreindre l’utilisation qui est faite des œuvres numériques grâce à des systèmes d’accès conditionnel110. La validité du principe de tels dispositifs est assurée en France par la loi (découlant des accords internationaux) et la jurisprudence qui a rappelé que « la copie privée ne constituait qu’une exception légale aux droits d’auteur et non un droit reconnu de manière absolue à l’usager »111. La reproduction privée - qui ne doit ainsi ni porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur (cf. supra) - peut ainsi être légalement limitée ;

108 Pauline Berdah, L’impact de l’impression 3D sur la propriété intellectuelle, mémoire de Master 2, Droit des TN SI (nouvelles technologies et société d’information), Université Paris Ouest Nanterre / La Défense, mars 2014.

109 Cf. l’audition de M. Clément Moreau, Directeur général de Sculpteo, devant la section des activités économiques du CESE, 9 octobre 2014.

110 Lecture du support (CD, DvD, logiciels...) limitée en nombre, réduite à une zone géographique ou à un matériel spécifique, impossibilité ou limitation de la copie privée du support, cryptage de chaînes de télévision, streaming garantissant une utilisation unique, etc.

111 Cf. notamment l’arrêt « Mulholland Drive », Cour de cassation, arrêt n°549 du 28 février 2006.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 101

– la facilitation de l’identification visuelle des objets imprimés en 3D par l’apposition d’un marquage obligatoire afin de mieux les distinguer des originaux et d’en faciliter le contrôle (acquisition des droits pour l’édition et la diffusion, conformité à l’usage auxquels ils sont destinés) comme cela se fait déjà couramment pour de nombreux produits au sein de l’Union européenne (étiquetage, marquage «  CE  ») ou même au niveau mondial (poinçon pour l’identification des métaux précieux)112 ;

– une taxe sur les supports de stockage numérique existe déjà (CD, DvD, disques durs, clés USB, lecteurs MP3, smartphones, tablettes...) à titre de contrepartie des copies à usage privé, les sommes ainsi collectées étant reversées aux artistes et aux maisons de disques par la vingtaine de sociétés de perception et de redistribution des droits existantes (dont la SACEM). Dans le même esprit, son équivalent pour la fabrication additive (imprimantes 3D, recharges, logiciels de conception d’objet en 3D...) pourrait se justifier alors que les imprimantes 3D et les scanner 3D n’appartiennent pas aujourd’hui à la liste limitative des produits et supports qui génèrent la taxe de rémunération pour copie privée. Cette taxe pourrait d’ailleurs également porter sur les matériaux ou encore sur les services d’impression 3D en ligne. Il resterait encore à régler le double problème, d’une part de l’assiette et du taux de ce prélèvement et, d’autre part, de l’organisation de la collecte et des critères de sa redistribution.

Face à cette complexité et plus radicalement, il est même envisageable d’imaginer que l’exception de copie privée (en droit d’auteur) ou d’usage privé (en droit de la propriété industrielle) soit supprimée pour le cas particulier de l’impression 3D compte-tenu des risques économiques (encore théoriques pour le moment mais potentiellement très élevés) que cette technologie pourrait faire peser sur certains secteurs d’activités.

Quelle(s) que soi(en)t la (ou les) piste(s) qui seront finalement retenues, adapter les dispositifs juridiques existants à la nouvelle donne technologique apparaît aujourd’hui aux acteurs du secteur comme une nécessité et les pouvoirs publics sont invités à rapidement engager une réflexion publique en ce sens113, par exemple dans le cadre de la « grande loi sur le numérique » annoncée il y a quelques mois - avec, notamment pour objectif de remplacer le dispositif Hadopi - mais qui tarde à se concrétiser.

Tout l’enjeu est de parvenir à combiner une clarification de l’encadrement juridique de ce nouveau mode de production qui n’entre pas en contradiction avec son libre développement. Dans ce contexte d’un internet mondialisé, pour être efficace, ces mesures de régulation ne sauraient d’ailleurs se limiter à un seul pays et devraient être mises en œuvre au minimum au niveau européen. On notera, à ce propos, la volonté du nouveau Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, de prendre « d’ambitieuses mesures législatives visant à créer un marché unique du numérique connecté », notamment « en modernisant nos règles en matière de droit d’auteur en tenant compte de la révolution numérique et des nouveaux comportements des consommateurs »114.

112 voir Seligmann Guillaume, L’impression 3D, une révolution et un champ de bataille juridique, les Echos, 21 octobre 2013.

113 Tel est également l’objet de la question écrite adressée par M. François Cornut-Gentille, député, au gouvernement lui demandant « de préciser les réflexions menées par le gouvernement concernant l’encadrement juridique des imprimantes 3D » (Journal officiel du 17 juin 2014).

114 Jean-Claude Juncker, Un nouvel élan pour l’Europe  : mon programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique - Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne, 15 juillet 2014.

102 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Les autres incertitudes inhérentes à la fabrication additive

Les interrogations liées à la qualité des produitsAu-delà de la question de la propriété intellectuelle proprement dite, se pose le problème

de la sécurité physique lié à la fiabilité des pièces ainsi obtenues (toxicité, résistance à la chaleur, aux chocs ou à l’usure). Cette préoccupation concerne plus particulièrement la bonne conduite des opérations de production réalisées par les particuliers eux-mêmes. On pense notamment aux domaines particulièrement sensibles que constituent les pièces de rechange, par exemple dans les secteurs de l’automobile et de l’électroménager, les produits liés à la santé ou encore les jouets pour enfants.

L’enjeu est ainsi, notamment, celui de la standardisation et de la conformité à des normes - aussi bien pour les matériaux employés, pour les systèmes de fabrication additive (matériels et logiciels) que pour les produits finaux eux-mêmes - de manière à assurer au consommateur que les objets ainsi fabriqués disposeront bien des mêmes caractéristiques physiques, chimique ou mécaniques que leurs originaux.

Parallèlement, dans ces nouvelles conditions, comment pourront intervenir les dispositifs de garantie et d’assurance  ? La recherche des responsabilités en cas de malfaçon ayant éventuellement entraîné un accident risque de devenir complexe. En effet, l’application de la règle traditionnelle du code civil qui incrimine le « fabricant » risque de se heurte à la difficulté de déterminer qui doit endosser ce rôle : le vendeur de l’imprimante, celui du matériau que celle-ci utilise, le concepteur du fichier numérique, la personne (professionnel ou particulier) qui aura procédé à l’impression finale de l’objet ?

Les incertitudes sur l’impact environnementalPour l’instant, les matériaux employés sont encore principalement - et même

presque exclusivement dans le cas des particuliers - des plastiques. La perspective d’un développement de plus en plus significatif de l’utilisation de l’impression 3D par les ménages posera donc nécessairement la question des conséquences d’une consommation plus importante de ces plastiques pour des productions dont l’utilité réelle peut d’ailleurs souvent paraître discutable. En effet, si de nombreuses matières plastiques sont bien, en principe, recyclables, un récent rapport du CESE115 a montré que seule une faible proportion de ces déchets plastiques est effectivement recyclée (19  % en France, 25  % dans l’Union européenne116) en raison notamment de la diversité des matériaux rangés dans cette catégorie - qui ne doivent pas être mélangés pour conserver leurs propriétés spécifiques - et des difficultés de collecte dues à la grande dispersion des acteurs.

Parallèlement, des chercheurs de l’Institut de technologie de l’Illinois et de l’INSA de Lyon ont attiré l’attention sur la forte diffusion de microparticules dans l’air produite

115 Yves Legrain, Transitions vers une industrie économe en matières premières, Avis et rapports du Conseil économique, social et environnemental, janvier 2014.

116 Commission européenne, Livre vert sur une stratégie européenne en matière de déchets plastiques dans l’environnement, mars 2013. On notera également que, pour des raisons techniques, seulement 5  % de plastiques recyclés sont incorporés dans des produits neufs.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 103

par le fonctionnement des imprimantes 3D lors de la fonte des composants utilisés. Les risques induits pour la santé des utilisateurs pourraient être d’autant plus élevés avec la multiplication des lieux de fabrication de caractère non-professionnel moins susceptibles de respecter certaines contraintes (bonne ventilation des pièces, éloignement des personnes pendant le fonctionnement des machines...)117.

La possibilité d’applications dangereusesAinsi, des inquiétudes sont-elles apparues depuis que les médias se sont fait l’écho ces

derniers mois de la possibilité de fabriquer de véritables armes à feu en impression 3D (en plastique, voire en métal), entraînant un risque de prolifération non contrôlée et pouvant faciliter le franchissement des contrôles de sécurité.

Certains en appellent à l’intervention d’un contrôle des pouvoirs publics dans ce domaine et des solutions techniques préventives sont à l’étude pour tenter de limiter la circulation de tels fichiers118. Toutefois, comme le note Cécile Désaunay, «  l’enjeu est réel mais ne doit pas faire oublier qu’il est pour l’instant plus coûteux et moins efficace d’utiliser une imprimante que d’acheter une arme illégalement sur internet »119.

Plus largement, il sera inévitablement tentant pour certains d’utiliser l’impression 3D - comme toute nouvelle technique - à des fins clairement illégales120…

Une « diplomatie » normative de plus en plus intense

Depuis une dizaine d’années et plus intensément depuis 2010-2011, la fabrication additive fait l’objet d’un travail de normalisation marquant ainsi une nouvelle étape dans la diffusion de cette technologie. Les travaux de normalisation ont débuté, de manière presque concomitante dans de nombreux pays.

On rappellera brièvement, ici, la définition d’une norme. Il s’agit «  d’un document formulant des exigences, des spécifications, des lignes directrices ou des caractéristiques à utiliser systématiquement pour assurer à l’aptitude à l’emploi des matériaux, produits, processus ou services »121.

Document écrit, une norme est d’élaboration concertée entre les différentes parties intéressées (producteurs, utilisateurs…). Elle est approuvée par un organisme qualifié ou reconnu, accessible à tous, destinée à une application répétitive ou continue et est

117 Brent Stephens, ParhamAzimi, Zeineb El Orch, Tiffanie Ramos, Ultrafine particleemissionsfrom desktop 3D printers, juin 2013.

118 La société danoise Createit REAL propose ainsi, dans ses imprimantes, un « logiciel intelligent » (smart software) qui scanne les fichiers 3D, interdisant l’ouverture de ceux présentant des caractéristiques laissant supposer qu’ils pourraient servir à l’impression 3D d’armes à feu.

http://www.createitreal.com/download/English%20Press%20Release%20%231.pdf.119 Cécile Désaunay, La révolution de l’impression 3D aura-t-elle lieu  ?, Futuribles international, Note d’analyse

prospective n°159, avril 2014.120 Cf. l’exemple d’un homme arrêté en août 2014 dans le Sud-est de la France pour avoir créé de faux distributeurs

automatiques de billets grâce à une imprimante 3D afin de récupérer les données bancaires des clients (Source : Le Point, Le Parisien).

121 Cf. définition ISO. À ce jour l’ISO a publié plus de 19 500 normes.

104 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

d’application volontaire122. Elle est révisée périodiquement. On distingue des normes de définition ou terminologie et des normes de spécification « technique ».

Les normes, au-delà de leur finalité technique, constituent autant d’éléments d’ordre économique et stratégique dans la mesure où leur application permet soit de protéger un marché soit de le conquérir. À cet égard, on rappellera que l’accord de Marrakech, du 15 avril 1994, instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comporte un accord spécifique relatif aux Obstacles techniques au commerce (OTC) visant expressément les normes et encourageant à privilégier la voie de la norme internationale ; celle-ci pouvant contribuer à faciliter le transfert de technologie au bénéfice des pays en développement.

En France, aux termes de l’article 2 du décret 2009-697 du 16 juin 2009, l’Association française de normalisation (AFNOR)123 et les organismes agréés par le ministre en charge de l’industrie sont chargés d’assurer l’action de normalisation et sa promotion. Ils représentent notre pays dans l’élaboration des normes européennes et/ou internationales. Aux termes de l’article 5 du décret précédemment évoqué, l’AFNOR est le membre français des organisations non gouvernementales de normalisation, c’est-à-dire de l’ISO (International Organization for Standardization) ou de ses homologues pour l’électronique et les télécommunications  : la Commission électronique internationale (CEI) et l’Union internationale des télécommunications (ITU) au niveau mondial et du Comité européen de normalisation (CEN), du Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC) et de l’ETSI (European télécommunications standards institute) au niveau européen.

Les sujets abordés aujourd’hui par la normalisation sont de plus en plus horizontaux et transversaux. Les normes portent, aujourd’hui, autant sur les produits et matériels que sur la « qualité », la sécurité ou l’environnement. 90 % des normes publiées en France sont d’origine internationale.

Les normes sont, nous l’avons dit, d’application volontaire. Néanmoins, un pourcentage d’entre elles est rendu obligatoire - de l’ordre de 1 % - par un texte réglementaire « lorsqu’elle est imposée comme moyen unique de satisfaire aux exigences de ce texte »124.

Les normes sont élaborées par des groupes d’experts au sein de comités techniques (CT). Au niveau international, à titre d’exemple, on compte plus de 250 CT à l’ISO. Chaque CT dispose d’un secrétariat animé par un organisme national : l’AFNOR, par exemple. Dans le cas de la fabrication additive, le secrétariat du CT de l’ISO est présidé par le Deutsch Institut für Normung (DIN).

La normalisation traitant de la fabrication additive a débuté d’abord au niveau national. Ainsi, par exemple, en France, l’Association française du prototypage rapide (AFPR) a créé des commissions de travail «  fabrication rapide métal » et «  fabrication rapide plastique » dès 2006. En juillet 2010, à l’instigation de l’AFPR et de certains pôles de compétitivité (viameca, EMC2), l’Union de normalisation de la mécanique (UNM) créait une commission de normalisation (UNM 920) « fabrication additive » relevant du comité stratégique AFNOR « ingénierie industrielle, biens d’équipements et matériaux ».

122 Cf. Le rôle des brevets et des normes dans l’innovation et l’emploi. Avis du Conseil économique et social sur le rapport de M. Christian Ramphft, adopté le 27 mai 1998. JO avis et rapports du CES n°11, 4 juin 1998.

123 Depuis le 1er janvier 2014 l’Union technique de l’électricité (UTE) et l’AFNOR se sont rapprochées au point de fondre les équipes opérationnelles de l’UTE au sein de l’AFNOR.

124 Cf. article 14 du décret 2009-697 et le Guide relatif à la bonne utilisation des normes dans la réglementation, Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, juin 2009.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 105

L’avance américaineC’est, cependant, des États-Unis qu’est venu l’effort le plus important, lorsque l’American

society for technics and materials ((ASTM) International) - un des très nombreux organismes américains de normalisation - a lancé son comité ASTM 42, en 2009 sur la fabrication additive, lui assurant une avance certaine à la fois dans le domaine de la terminologie et dans celui des spécifications techniques. L’ASTM, qui développe un programme très important de partenariat avec de nombreux organismes de normalisation des pays émergents dont la Chine, imposant de facto ses normes à ces pays facilitant ainsi l’entrée sur ces marchés des produits américains - lesquels répondent naturellement à ces normes - a publié plusieurs normes dont une (F 2792) de terminologie125.

L’internationalisation de l’activité normalisatriceÀ l’initiative de plusieurs pays soucieux de ne pas laisser aux seuls États-Unis la faculté

de «  normaliser  » la fabrication additive, une collaboration s’est rapidement nouée entre l’ASTM et l’ISO. Un comité technique ISO/TC 261 « fabrication additive » a été créé en février 2011, à l’initiative du DIN allemand qui préside à ses destinées.

Le comité a comme domaine d’intervention la fabrication additive concernant les procédés, termes et définitions, chaînes de processus (matériels et logiciels), procédures d’essai, paramètres de qualité, accords clients fournisseurs et éléments fondamentaux, sous la référence ISO 17296. Quatorze pays sont représentés dans le comité technique tous européens ainsi que les États-Unis. Quatre groupes de travail ont été constitués dont un (tests et méthodes) est piloté par la France ; les autres le sont par la Suède, l’Allemagne et la Grande Bretagne.

Les travaux ont débouché sur la définition, déjà évoquée dans l’introduction, de la fabrication additive  : «  Procédés par ajout de matière consistant à fabriquer directement des pièces à partir d’un modèle numérique 3D sans recourir à un outillage ».

Cette définition est évidemment reprise dans notre pays, les travaux étant suivi par les spécialistes de l’UNM par délégation de l’AFNOR.

Outre les définitions, trois autres parties du programme de travail international ont franchi des étapes importantes : la vue d’ensemble des catégories de procédés, des types de pièces et des matériaux de base ; les spécifications des critères de performance et des caractéristiques de qualité ; le traitement des données.

D’autres normes ont été publiées, assez rapidement (procédure dite fasttrack), sous le double timbre ISO/ASTM, et ont été reprises en normes françaises. Il s’agit des normes NF ISO/ASTM 52921 « Terminologie normalisée pour la fabrication additive - systèmes de coordonnées et méthodes d’essai », d’une part, et, d’autre part, NF ISO/ASTM 52915 « Spécification normalisée pour le format de fichier pour la fabrication additive(AMF) version 1.1 ».

125 On rappellera à cet égard les propos tenus en 1996 par le président d’AMP incorporated assignant à la normalisation quatre fonctions stratégiques : elle définit les produits de demain ; elle sert de catalyseur à la liaison entre stratégie et marché ; participer à son élaboration permet d’être informé et de prendre l’initiative ; enfin la normalisation n’étant jamais neutre, elle permet de créer le marché.

106 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

De nombreux comités techniques à caractère sectoriel ont aussi à connaître de la fabrication additive  : ceux s’intéressant aux matières plastiques, aux systèmes optoélectroniques jusqu’à la médecine bucco-dentaire, etc.

Au niveau européen, l’activité du CEN est éclipsée par celle de l’ISO, naturellement. Il n’existe aucun comité technique « CEN » relatif à la fabrication additive. On mentionnera, néanmoins, un programme de recherche inscrit dans le cadre du 7e PCRD dont l’objectif est, justement, de promouvoir les activités normatives de la fabrication additive au niveau européen.

Ce programme, Support action for standardisation in additive manufacturing (SASAM), fortement encouragé par le CEN et la Commission européenne dans le cadre et l’esprit de la Stratégie 2020 qui place la normalisation comme un facteur clé dans le domaine productif126, a réuni pendant 18 mois - de septembre 2012 à avril 2014 - nombre d’experts qui ont réalisé une étude synthétique et une revue de la littérature internationale sur la normalisation en fabrication additive.

Ce projet, regroupant 18  partenaires  : industriels, utilisateurs pôles de compétitivité, centres techniques, laboratoires universitaires notamment et organismes de normalisation a été coordonné par les Pays-Bas.

Un guide d’action a été publié début 2014. Il engage au développement d’une réelle normalisation européenne ou, à tout le moins internationale (du type ISO), et non exclusivement américaine. Parmi les conclusions de ce travail, les participants soulignent le potentiel en emplois de haute qualité que ce type de technologies détient (sans toutefois préciser le volume de ces emplois) et dans le domaine technique l’idée qu’une priorité doit être donnée aux processus « hybrides » de production, facilitant l’intégration de la fabrication additive dans les lignes de production « traditionnelles ». Il est également à relever que les travaux ayant conduit à la rédaction de ce guide engagent d’autant plus à la normalisation de la fabrication additive que cette technique est utilisée autant par des professionnels que par des « personnes privées » et que les impératifs de sécurité sont alors peut-être encore plus déterminant, notamment lorsqu’il s’agit de manipuler des poudres...127

126 Cf. notamment F. Scapolo, P. Churchill, v. viaud, Indutriallandscape vision 2025 for early standardisation, Joint Research Centre et Commission européenne, octobre 2013.

127 Cf. également des mêmes auteurs How will standards facilitate new production systems in the context of EU innovation and competitiveness in 2025 ? Rapport principal et annexes, mai 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 107

Normalisation : où va-t-on ?128

Tableau 1 : Structure de la normalisation de la fabrication additive à l’ISO

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128 D’après Catherine Lubineau Europe, États-Unis, international  : la normalisation en fabrication additive fixe ses priorités AEFA Union de normalisation de la mécanique juin 2013.

N.B. En gris les normes déjà adoptées.

108 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

ConclusionLongtemps réservée au prototypage rapide et aux laboratoires universitaires,

l’impression 3D ou fabrication additive fait depuis quelques années une entrée remarquée dans le monde de la production. Aux côtés des autres éléments du numérique, à savoir Big data, Cloud computing, robotique de nouvelle génération, internet des objets, nanotechnologies, la 3D offre d’évidentes perspectives industrielles que certains secteurs comme la santé, l’aéronautique ou l’automobile ont déjà intégré. Plus généralement, elle peut ouvrir des perspectives intéressantes concernant la transformation des modèles productifs, la relocalisation des productions, la montée en qualification dans les organisations du travail.

À l’instar de l’ordinateur personnel, l’impression 3D connait une double vie pourrait-on dire. Elle poursuit, simultanément, sa pénétration du monde professionnel et de la sphère personnelle, les Makers et les Fab-Labs se trouvant à leur intersection. À cet égard, on peut s’interroger sur le phénomène de société induit par les nouvelles technologies numériques qui permettent notamment une plus grande personnalisation des productions.

L’impression 3D a fait une entrée remarquée dans le jeu économique lorsqu’elle a été évoquée comme un élément déterminant de la reconquête industrielle des États-Unis par le président Obama. On l’a vu, les économies les plus avancées comme émergentes, ont adopté une politique volontariste pour le développement national de la fabrication additive en favorisant la création d’un «  écosystème  », notamment par un effort de formation dispensée dès le plus jeune âge, les synergies entre le monde universitaire et les entreprises, ou les partenariats public-privé afin de passer rapidement de la recherche à la création de richesses. En Europe, l’Allemagne s’est déjà fortement positionnée dans le secteur des machines de fabrication additive. La France, précurseur dans l’impression 3D, doit désormais sans plus tarder faire une plus grande place à l’« usine du futur » dans ses plans de reconquête industrielle.

Alors que des applications sont encore en devenir (tissu humain), que la diversification des matériaux susceptibles d’être imprimés en 3D se poursuit, une nouvelle rupture technologique se profile et devrait projeter l’impression 3D vers un champ des possibles inédit à ce jour et la doter de capacités entièrement nouvelles avec des conséquences significatives sur les modèles économiques de nombreux secteurs et une évolution du tissu productif faisant toute leur place à toutes les tailles d’entreprises.

L’exemple de l’impression 3D est d’autant plus significatif qu’il désigne des enjeux plus généraux sur les conditions dans lesquelles nous affrontons aujourd’hui les défis de l’innovation technologique et de la performance.

Dans le vaste mouvement d’innovation irrigué par les outils numériques, il faut s’interroger sur les difficultés de la France à tenir son rang. Il y a urgence à ne pas laisser passer une nouvelle opportunité de contribuer au développement de notre économie et sa compétitivité globale.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 109

AnnexesAnnexe n° 1 : composition de la section des activités

économiques à la date du vote

3 Président : Jean-Louis SCHILANSKY

3Vice présidents : André LECLERCQ et Isabelle de KERvILER

❐ Agriculture

3Dominique BARRAU

3 Roger CHOIX

❐ Artisanat

3 Jean-Pierre CROUZET

❐ Associations

3André LECLERCQ

❐ CFDT

3Monique BOUTRAND

3Dominique GILLIER

❐ CFE-CGC

3Gabriel ARTERO

❐ CFTC

3Agnès COURTOUX

❐ CGT

3Maryse DUMAS

3Marie-José KOTLICKI

❐ CGT-FO

3 Jacky CHORIN

3Andrée THOMAS

❐ Coopération

3Amélie RAFAEL

110 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

❐ Entreprises

3 Patrick BAILLY

3 Françoise FRISCH

3 Renée INGELAERE

3Gontran LEJEUNE

3 Jean-Louis SCHILANSKY

❐ Environnement et nature

3Anne de BÉTHENCOURT

3 Pénélope vINCENT-SWEET

❐ Mutualité

3 Jean-Pierre DAvANT

❐ Outre-mer

3 Patrick GALENON

❐ Personnalités qualifiées

3 Jean-Pierre FREMONT

3 Laurence HEZARD

3 Isabelle de KERvILER

3Alain OBADIA

❐ UNAF

3Aminata KONÉ

3 Paul de vIGUERIE

❐ UNSA

3 Luc BÉRILLE

❐ Personnalités associées

3 Pierre BURBAN

3 Yves GIQUEL

3 Frédéric GRIvOT

3 Sonia HAMOUDI

3Mohamed MECHMACHE

3 Jean-Marc PLANTADE

3 Sylvie PRADELLE

3Denis SEGRESTIN

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 111

Annexe n° 2 : liste des personnalités auditionnées et rencontrées

3M. Jean-Gilles Cahnéconomiste à la CCIP

3 Philippe Heinrichconsultant, spécialiste de l’Impression 3D

3M. Alain Bernardprofesseur à l’École Centrale de Nantes

3Mme Aude Vives-Albertiniavocat au Barreau de Paris en droit de la propriété intellectuelle et nouvelles technologies

3M. Joseph Puzoprésident-directeur général d’Axon Cable

3M. Clément Moreaudirecteur général et co-fondateur de Sculpteo

3M. Bernard Devauchelleprofesseur des universités, chef du service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie du CHU d’Amiens

La section s’est rendue à vélizy pour visiter Dassault Systèmes. La section a entendu une présentation de l’impression 3D par :

3M. Frédéric Vacher directeur stratégie marketing.

Le rapporteur a, par ailleurs, rencontré en entretien individuel les personnes suivantes :

3Mme Mathilde Berchonrédactrice en chef Making Society

3Mme Nathalie Geslin-Levasseurresponsable développement, ingénierie industrielle biens d’équipements et matériaux, AFNOR Normalisation

3Mme Catherine Lubineaudirecteur technique, Union de normalisation de la mécanique (UNM)

3M. Jean-Marie Pruvotdirecteur Nord France Invest Développement

3M. Olivier Durtestedirecteur du pôle mécanique « Mecanov »

3M. Paul-François Fournierdirecteur exécutif de BPIfrance

3Mme Émilie Garciaresponsable sectorielle à la direction de l’innovation à BPIfrance

112 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

3M. Paul Perperedélégué général de l’Association française des investisseurs pour la croissance

3M. Dominique Rencurelprésident de la commission Capital Innov de l’Association française des investisseurs pour la croissance, associé, Orkos Capital

3M. Raphaël Gorgéprésident-directeur général, Gorgé groupe

3M. Oliver Strebelledirecteur général adjoint, Gorgé groupe

3M. Jérôme Duboisresponsable innovation process de fabrication scientifique et technologie du futur, PSA Peugeot Citroën

3Mme Dominique Boudinmanager service innovation et économie numérique CCI Grand Lille, expert auprès de la Commission européenne

3M. Gérard Chevalierprésident-directeur général de CYBEL

3M. Pierre Faureprésident de l’Association Française des utilisateurs du Net

3M. Jean-Charles RosierAssemblée permanente des Chambres des Métiers et de l’Artisanat

3Mme Mathilde Jacquemetchargé de mission veille/innovation à l’Institut supérieur des Métiers

3M. Jean-Baptiste Mozziconaccidirecteur à l’INPI

3M. Philppe Vasseurprésident du CCI de Région Nord de France

3M. Luc Doubletprésident de Nord France Invest

3M. Marc Verlydirecteur général du Groupe IRD

3Mme Sylvie Duchassaingdirectrice régionale des études à la CCI de Région Nord de France

3M. David Brusselledirecteur de la Direction régionale des finances

3M. Gontran Lejeuneancien président du CJD, membre de la section des activités économiques du CESE

Le rapporteur et l’ensemble des membres de la section des activités économiques remercient vivement toutes ces personnes pour leur apport aux travaux.

Le rapporteur remercie vivement M. Philippe CLERC, conseiller expert intelligence économique internationale de CCI France, pour la qualité de son expertise.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 113

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OCDE, Examens de l’OCDE des politiques d’innovations France 2014.

Prost J.M., Le financement des entreprises industrielles, rapport du groupe de travail du Conseil national de l’industrie, octobre 2014.

John Manners-Bell et Ken Lyon, The implications of 3D printing for the global logistics industry, Transport intelligence Ltd, août 2012

Futurprod –, Les systèmes de production du futur, Atelier de réflexion prospective-rapport final coordonné par D. Brissaud, Y. Frein, v. Rocchi pour l’Agence nationale de la recherche, novembre 2013.

Économies interconnectées : comment tirer parti des chaînes de valeur mondiales, OCDE 2013.

Relocalisations d’activités industrielles en France - Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), décembre 2013.

116 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

Think Act Les classes moyennes face à la transformation digitale Comment anticiper ? Com-ment accompagner ?, Roland Berger Strategy Consultants, octobre 2014.

Pierrick Bouffaron, Impression 3D les prémisses d’une nouvelle Révolution industrielle ? Mis-sion pour la science et la technologie, ambassade de France aux États-Unis, août 2014.

INNOvATIONS TECHNOLOGIQUES ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE GLOBALE : L’EXEMPLE DE L’IMPRESSION 3D – 117

Annexe n°4 : table des sigles

ASTM American society for technics and materials

AFIC Association française des investisseurs pour la croissance

AFNOR Association française de normalisation

AFPR Association française de prototypage rapide

AII Agence pour l’innovation industrielle

AMA Asian Manufacturing Association

ANR Agence nationale de la recherche

ANRT Association nationale de la recherche et de la technologie

BEI Banque européenne d’investissement

CEI Commission électronique internationale

CEN Comité européen de normalisation

CENELEC Comité européen de normalisation électrotechnique

CESE Conseil économique, social et environnemental

CETIM Centre technique des industries de la mécanique

CIFRE Conventions industrielles de formation par la recherche

CRITT Centre régional d’innovation et de transfert de technologie

CSIS Collège des sciences de l’ingénierie et des systèmes

CT Comités techniques

DIN Deutsch Institut für Normung

DIY Do it yourself

DLP Digital Light Processing

DMLS Direct Metal Laser Sintering

3DPM Three-Dimensional Printing

EBM Electric Beam Melting

ESA Agence spatiale européenne

ETSI European télécommunications standards institute

FUI Fonds unique interministériel

IDA Institute for Defense Analyses

INPI Institut national de la propriété industrielle

ISO International Organization for Standardization

ITU Union internationale des télécommunications

JAXA Agence spatiale japonaise

KET Key enabling technologies

MIT Massachusetts Institute of Technology

MJM Multi-Jet Modeling

NAMII National additive manufacturing innovation Institute

NASA Agence spatiale des États-Unis

NNMI National network for manufacturing innovation (Réseau national pour l’innovation industrielle)

118 – RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENvIRONNEMENTAL

OEB Office européen des brevets

OMC Organisation mondiale du commerce

OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

OTC Obstacles techniques au commerce

PCRDT Programmes cadre de recherche et développement technologique

2PP Two-Photon polymerization

PPP Partenariats public-privé

PSPC Projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité

SASAM Support action for standardisation in additive manufacturing

SLS Selective Laser Sintering

TCG Technologies clés génériques

TIC Technologies de l’information et de la communication

TPE Très petites entreprises

UNM Union de normalisation de la mécanique

UTBM Université de technologie Belfort-Montbéliard

Imprimé par la direction de l’information légale et administrative, 26, rue Desaix, Paris (15e) d’après les documents fournis par le Conseil économique, social et environnemental

No de série : 411150007-000315 – Dépôt légal : mars 2015

Crédit photo : 123RF

Retrouvez l’intégralité de nos travaux sur

www.lecese.fr

� L’apport économique des politiques de diversité à la performance de l’entreprise : le cas des jeunes diplômés d’origine étrangère (étude)

� Projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français

� Concertation entre parties prenantes et développement économique

� Transitions vers une industrie économe en matières premières

� Performance et gouvernance de l’entreprise

� Efficacité énergétique : un gisement d’économies ; un objectif prioritaire

Dernières publications de la section des activités économiques

� La pédagogie numérique : un défi pour l’enseignement supérieur

� Le défi de l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins

� La microfinance dans les Outre-mer

� La place des dispositifs médicaux dans la stratégie nationale de santé

� Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques

� Les données numériques : un enjeu d’éducation et de citoyenneté

� Rapport annuel sur l’état de la France

� Combattre les violences faites aux femmes des plus visibles aux plus insidieuses

LES DERNIÈRES PUBLICATIONS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL (CESE)

Sonia Hamoudi

septembre 2014

Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS

L’apport économique des politiques de diversité

à la performance de l’entreprise : le cas des jeunes diplômés

d’origine étrangère

No 41114-0020prix : 13,70 €ISSN 0767-4538

ISBN 978-2-11-

www.lecese.fr

CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIALET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna 75775 Paris Cedex 16 Tél. : 01 44 43 60 00

S’il est une catégorie fortement concernée par les discriminations à l’embauche et qui ne sauraient reposer uniquement sur des problématiques purement sociales ou territoriales, c’est celle des jeunes, dont les jeunes diplômés issus de l’immigration. Sous-représentés dans le monde de l’entreprise, ces derniers le sont encore plus dans les postes à responsabilité.

Afin de refléter en son sein la composition de la société française, la Charte de la diversité a été rédigée en 2004, marquant la volonté des entreprises, au travers de la RSE, de se saisir de la question des discriminations

liées aux origines. La diversité est apparue comme un atout au service de la performance économique autant qu’un élément de politique sociale voire sociétale.

L’étude dresse un bilan de cette Charte qui, en élargissant ses objectifs, a perdu de son impact sur sa cible initiale. Elle s’interroge sur la possibilité d’améliorer la mesure de la diversité des origines dans les entreprises tout en s’inscrivant dans un cadre constitutionnel français très éloigné du modèle anglo-saxon.

DiffusionDirection de l’information

légale et administrativeLes éditions des Journaux officiels

tél. : 01 40 15 70 10www.ladocumentationfrancaise.fr

LES É

TUDE

S DU

CONS

EIL ÉC

ONOM

IQUE

, SOC

IAL E

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IRONN

EMEN

TAL

411140020_000914_politique_diversite_performance_entreprise_couv_etu.indd 1 22/09/2014 15:31:50

LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

No 41115-0007 prix : 19.80 €ISSN 0767-4538 ISBN 978-2-11-138661-7

CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna 75775 Paris Cedex 16 Tél. : 01 44 43 60 00 www.lecese.fr

S’il est encore trop tôt pour cerner avec précision la place que va prendre la fabrication additive (plus connue sous

le nom d’« impression 3D ») dans l’ensemble des activités économiques, cette technologie apparaît porteuse de

potentialités importantes et il est d’ores et déjà assuré qu’elle sera incontournable dans de nombreux secteurs. À

l’évidence, la France ne peut pas laisser passer cette occasion et doit encourager son appareil productif à se saisir

pleinement de cette innovation. Les recommandations faites par le CESE visent ainsi à conforter nos atouts et à

remédier à certaines faiblesses notamment en matière de formation, de recherche et de financement. Cet avis

permet aussi de soulever des questions qui ont trait à l’ensemble des technologies liées au numérique. Ces

dernières ont, en effet, en commun de bouleverser la nature des produits et des services (davantage adaptés à

l’utilisateur final) et la localisation des activités, de faire émerger de nouveaux acteurs ou encore de modifier en

profondeur l’organisation du travail. À partir de cet exemple de l’impression 3D, le CESE plaide ainsi pour que

les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs économiques et sociaux du pays se saisissent de ses propositions

pour améliorer la performance globale de l’économie française.

-:HSMBLB=X][[V\:Diffusion

Direction de l’information légale et administrative

Les éditions des Journaux officiels tél. : 01 40 15 70 10

www.ladocumentationfrancaise.fr

1 of 6

Low volume, agile, additive manufacturing and capital costs.

Rutter, A. Sharma, V. November 2014

Abstract:

As the industry transitions from rapid prototyping to rapid production technologies

[1]. Low cost, high quality Free Form Fabrication machines such as the Type A Machines

Series 1 become viable alternatives to conventional injection molding services. The

following is a comparative study among low volume injection molding services, external

service bureaus (using multiple machine additive manufacturing systems), industrial

additive manufacturing systems purchased for internal use, and low cost (sub $5,000)

multiple machine additive manufacturing systems such as the Series 1 3D Print Cell. To

answer the question, can Additive Manufacturing Clusters compete With Injection

Molding?

Key Factors:

• A new wave of multiple machine additive manufacturing systems, such as the 3D

Print Cell, comprised of units in the $2500-$5000 range can compete with existing

industrial additive machines ($30-60k) and so must be considered as viable

alternatives.

• New additive manufacturing tools change the game, due to substantially lower

capital investment costs, and can offer productivity rates of 10-20 times greater than

that of existing industrial systems for similar capital expenditure.

• In analyzing the costs per part, this paper assumes that the machines are

purchased. So while a low cost service bureau is included for comparison, the

2 of 6

analysis should also consider that an in-house production capability is assumed as

part of this projection.

This white paper does not analyze the following additional advantages:

• In-house additive manufacturing allows direct control of lead times and other aspects

of production.

• Additive manufacturing restructures risk within business planning, by removing

tooling costs and therefore the risks otherwise inherent to iteration and innovation.

• High volume production of identical parts will be more cost effective using traditional

highly optimized processes (part volumes of over 10,000).

• Additive manufacturing can produce part geometries that traditional manufacturing

cannot, often in materials that are difficult to work conventionally.

• The tooling costs of Injection molding can dramatically increase when changes are

required, or when complexity is high.

Data:

The following data is based on a sample of three different 3D printed parts. Using

tooling and part costs from a rapid turnaround, low cost injection molding service. And print

times generated from Type A Slicing software to calculate amortized per part costs.

3 of 6

Figure 1.

Figure 2.

4 of 6

Figure 3.

Diagram Information Figures 1-3:

Injection Molding Volume costs drawn from average quotes from injection molding service bureaus.

Industrial Systems Machine cost of $60,000, amortized over 1 year with projected 3,900 hour annual usage. 1/10th person operator burden (1 operator for 10 systems).

External Service An external service bureau at $10/hr (current market rate for low-cost services).

Desktop 3D Print Cell Systems 2 Machine cost of $2795 and identical usage and labor to industrial systems

Desktop 3D Print Cell Systems 1 Machine cost of $2795, identical usage, but more efficient labor (20 machines per operator and 50% ‘lights-off’ running).

5 of 6

Analysis:

The reality that 3D printing outperforms injection molding is not surprising in the

sub 100 part volume. With all classes of Additive manufacturing being significantly

cheaper on a per part basis than injection molding. However the much higher capital

costs of the additive industrial systems mean that they cease to be price competitive at

volumes between 100 and 200.

Most people would be surprised to see that even an external service bureau can

be competitive out to around 350 parts.

With the dramatically lower costs per part that can be realized with an in-house

3D Print Cell, additive manufacturing is cost competitive out to around 800 parts.

And with the labor savings that can be realized with reliable, network managed

machines like the Series 1, its possible for additive manufacturing to be cost competitive

out to 10,000 units. This is the kind of volume production that most people would have

thought impossible.

Further comparison:

These projections do not cover the following factors that must be considered

when comparing 3D Printer Cell systems with industrial additive manufacturing:

• Material costs are typically 4 times greater for industrial systems.

• The dramatically lower cost of a 3D Print Cell system means that for similar

investment ($60,000), a cell of 20 systems can be purchased in comparison to a

6 of 6

single industrial system. This allows for far high rates of production, more

efficient use of labor, and better resilience to failure.

• A number of small manufacturers are already switching to low-volume production

using multiple machine additive systems, reaping benefits like being able to ship

a product as early as possible that meets minimum function, and then iterating

during production to make their product even more competitive.

• The accessible nature of multiple unit 3D printer systems such as the 3D Print

Cell must also be considered. With custom applications, modifications to

machines and proprietary materials all being seen and used successfully by

customers of Type A Machines. These are all options that are not available when

working with industrial additive systems.

References:

[1] Bak, David. "Rapid prototyping or rapid production? 3D printing processes move

industry towards the latter." Assembly Automation 23, no. 4 (2003): 340-345.

Sharma, V., Rutter, A., Type A Machines (2014). Injection molding comparison model

with Series 1 3D Printers compared to Industrial printers [Raw data]

1

2

GUIDE DES MATÉRIAUX USUELS

Impression 3D

Fabrication additive

2015 - FABULOUS

3

4

AGEncE conSEIL En SoLUTIonS D’IMpRESSIon 3D

FABULOUS est un bureau d’experts 3D, alliance de la technologie

et du conseil qui fait bénéficier à ses entreprises clientes (grands

comptes ou start-up) des avantages compétitifs de l’impression 3D

industrielle dans leur secteur d’activité.

Accompagnement de la conception jusqu’au développement,

en passant bien entendu par la production avec une capacité

machines unique en Europe.

5

rApIDItÉprÉcISIOnreLOcALISAtIOncOÛtStOcKSADAptABILItÉ

6

1. Définition page 7

2. Matériaux page 11

3. Offres page 51

4. contacts page 57

SoMMAIRE

7

1L’IMpreSSIOn 3D

LA FABrIcAtIOn ADDItIve

8

L’impression 3D est le terme employé largement par les médias

et à destination du grand public.

La Fabrication additive est un terme plus technique plutôt employé

dans l’industrie et l’ingénierie.

L’impression 3D regroupe plusieurs familles de technologies

qui reposent toutes sur un principe commun : l’addition de couches

de matière.

Les intérêts principaux sont :

× Simplifier la production : Gain de temps, étapes (usinage) et

réduction du time to market.

× créer des objets uniques : personnalisés, sur mesure, séries

limitées, ou même des objets rares introuvables.

× produire des formes complexes non-démoulables dans les process

traditionnels.

× Optimiser les coûts : fabrication additive et non plus soustractive.

× Limiter les stocks : fabriquer quand c’est commandé !

× relocaliser la production : circuits courts, économies, gain

de temps.

9

1. Modélisation 3D / cAO.

Le format de fichier standard est

le .StL.

Dessin d’une forme en 3

dimensions sur ordinateur.

2. Un logiciel spécifique

“découpe” la forme en tranches,

pour ensuite envoyer ces données

à une machine d’impression 3D.

Un prOcÉDÉ cOMMUn à tOUteS LeS technOLOGIeS ADDItIveS : L’ADDITIon DE coUchES

10

3. L’imprimante 3D fabrique

l’objet couche par couche.

4. L’impression est terminée ,

l’objet est utilisable.

11

2LeS MAtÉrIAUx

12

Il existe environ 200 matériaux différents à ce jour pour la fabrication

additive, ici ne sont presentés que les plus usuels.

Sont présentés dans ce guide, les matériaux à l’état brut - sortie de

machine - sans finition, étant entendu que chaque matériau peut faire

l’objet de finitions spécifiques selon le cahier des charges initial.

A. Les plastiques | page 11

B. Les métaux | page 23

C. Les matières minérales | page 35

D. Les matières organiques | page 41

E. Les innovations | page 45

13

14

A. LeS pLAStIqUeS

15

poLyAMIDE 12

× Points forts :

plastique noble, résistant aux hautes

et basses températures, bonne

résistance mécanique, durable.

Il peut être teint.

× Contraintes :

Aspect légèrement poreux.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre par laser.

× Applications :

16

× Applications :

poLyAMIDE 12 | chArGÉ ALUMInIUM

× points forts :

plastique noble, contient de

l’aluminium, résistant aux hautes

et basses températures, très bonne

résistance mécanique, durable.

× Contraintes :

Aspect legèrement poreux et gris alu.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre par laser.

17

poLyAMIDE 11

× Points forts :

plastique noble, biosourcé à base

d’huile de ricin ; résistant aux hautes

et basses températures, bonne

résistance mécanique, durable.

Il peut être teint.

× Contraintes :

Aspect légèrement poreux.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre par laser.

× Applications :

18

poLyAMIDE 11 | chArGÉ BILLeS De verre

× Points forts :

plastique noble, biosourcé à base

d’huile de ricin ; résistant aux hautes

et basses températures, bonne

résistance mécanique, durable.

Il peut être teint.

× Contraintes :

Aspect légèrement poreux.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre par laser.

× Applications :

19

RÉSInE TRAnSpAREnTE

× Points forts :

Simule un plastique polycarbonate,

transparence, très bonne définition

des détails, grande dimension.

× Contraintes :

résine photosensible, non durable,

jaunissement dans le temps, résine

cassante, tenue en température

limitée (<56°c).

× Technologie utilisée :

Stéréolithographie.

× Applications :

20

RÉSInE opAqUE

× Points forts :

Simule des plastiques courants

comme l’ABS, très bonne définition

des détails, grande dimension.

× Contraintes :

résine photosensible, évolue dans

le temps, résistance mécanique non

durable, résine cassante, tenue en

température limitée (<56°c).

× Technologie utilisée :

Stéréolithographie.

× Applications :

21

RÉSInE SoUpLE

× Points forts :

résine simulant un élastomère,

plusieurs duretés sont possibles,

très bonne définition des détails.

× Contraintes :

résine photosensible qui perd ses

qualités élastomériques dans

le temps. couleur noire.

× Technologie utilisée :

Multijets.

× Applications :

22

p.L.A.

× Points forts :

très abordable, facile d’accès.

Large choix de couleurs.

plastique bio-dégradable.

× Contraintes :

Monochrome, surface striée.

× Technologie utilisée :

Dépôt de fil fondu.

× Applications :

23

A.b.S

× Points forts :

très abordable, facile d’accès.

Large choix de couleurs.

× Contraintes :

Surface striée, monochrome.

× Technologie utilisée :

Dépôt de fil fondu.

× Applications :

24

25

26

B. LeS MÉtAUx

27

AcIER

× Points forts :

très solide, bonne résistance

mécanique, mêmes propriétés

qu’en fonderie.

× Contraintes :

nécessite un post-traitement.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre métallique

par laser.

× Applications :

28

ALUMInIUM

× Points forts :

très léger, mêmes propriétés

qu’en fonderie.

× Contraintes :

nécessite un post-traitement.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre métallique

par laser.

× Applications :

29

InoX

× Points forts :

très solide, bonne résistance

mécanique, mêmes propriétés

qu’en fonderie, microstructure.

× Contraintes :

nécessite un post-traitement.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre métallique

par laser.

× Applications :

30

InconEL

× Points forts :

très bonnes propriétés mécaniques,

très résistant, mêmes propriétés

qu’en fonderie.

× Contraintes :

nécessite un traitement thermique,

aspect granuleux.

× Technologie utilisée :

Fusion de poudre métallique

par laser.

× Applications :

31

TITAnE

× Points forts :

très résistant, léger, stérilisable,

compatible avec les normes

médicales, aspect pailleté, mêmes

propriétés qu’en fonderie.

× Contraintes :

nécessite un post-traitement.

× Technologie utilisée :

Fusion de poudre métallique

par laser.

× Applications :

32

chRoME cobALT

× Points forts :

Léger, stérilisable, compatible avec

les normes médicales.

× Contraintes :

nécessite un post-traitement.

× Technologie utilisée :

Fusion de poudre métallique

par laser.

× Applications :

33

bRonzE

× Points forts :

Utilisé pour la fonderie, résistant.

× Contraintes :

post-traitement nécessaire.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre métallique

par laser.

× Applications :

34

oR

× Points forts :

qualité exceptionnelle, matériau

noble.

× Contraintes :

prix élevé, technologie rare.

× Technologie utilisée :

Frittage de poudre métallique

par laser.

× Applications :

35

36

C. LeS MAtIèreS MInÉrALeS

37

poUDRE MInÉRALE

× Points forts :

Impression muliticolore, bon rendu

des détails, ne nécessite pas de

finition particulière.

× Contraintes :

Matière relativement fragile,

résistance mécanique moyenne.

× Technologie utilisée :

Multijets sur lit de poudre.

× Applications :

38

cÉRAMIqUE phOtOSenSIBLe

× Points forts :

très précis, pièce très qualitive, très

bonnes propriétés.

× Contraintes :

technologie peu répandue, petite

capacité machine.

× Technologie utilisée :

résine fortement chargée

en céramique polymérisée par laser.

× Applications :

39

cÉRAMIqUE ÉMAILLÉe

× Points forts :

toutes les couleurs d’émaillage

sont possibles, permet des formes

complexes par rapport à la céramique

traditionnelle.

× Contraintes :

rendu des détails approximatif,

nécessite une étape d’émaillage

obligatoire, matériau fragile.

× Technologie utilisée :

Multijets sur lit de poudre.

× Applications :

40

cÉRAMIqUE DÉpOSÉe

× Points forts :

plusieurs types de céramiques sont

possibles.

× Contraintes :

rendu des détails approximatif,

matériau fragile.

× Technologie utilisée :

Dépôt de fil par extrusion.

× Applications :

41

SAbLE SUR LIAnT

× Points forts :

très grande capacité machine.

× Contraintes :

poids, matériau cassant.

× Technologie utilisée :

Multijets sur lit de sable.

× Applications :

42

bÉTon

× Points forts :

constructions géantes.

× Contraintes :

technologie en cours

de développement.

× Technologie utilisée :

Dépôt de fil par extrusion.

× Applications :

43

44

D. LeS MAtIèreS OrGAnIqUeS

45

MATÉRIAUX oRGAnIqUES : Un ApERçU DES noUvELLES poSSIbILITÉS

× Points forts :

très originaux, qualités spécifiques.

L’impression 3D est aujourd’hui une technologie en pleine croissance.

Des centaines de nouveaux matériaux sont en test avec pour certains déjà des

applications de production.

Ici un apercu de la variété de ces nouveaux matériaux :

× Contraintes :

Matériaux en développement.

× Technologie utilisée :

Dépôt de fil.

× Applications :

46

• Alimentaires (chocolat, sucre ...)

• végétaux (Fibre de lin, pierre, bois, soja ...)

• Matériaux marins (Algues, huîtres...)

47

48

E. LeS InnOvAtIOnS

49

LE fUTUR DE L’IMpRESSIon 3D

• tissus vivants • carbone, graphène

• Matériaux 4D • conducteurs

Il y a beaucoup d’innovations matières relatives à l’impression 3D.

Ici une approche des matériaux qui émergent dans divers domaines :

50

51

3OFFreS

52

FABULOUS vous accompagne sur toute la longueur de votre projet

d’impression 3D avec pour objectif d’exploiter les technologies de

fabrication numérique au maximum de leurs possibilités.

nos 3 offres :

A. Le Lab

b. La prod

c. Le tank

53

LE LAb

conDUITE DE pRojET

Étude de faisabilité 3D

proposition de

solutions techniques

et matières

validation d’aspect

contrôle qualité

BAt 3D

concEpTIon

Modélisation 3D

Audit

de fabrication additive

veille sectorielle

reverse engineering

Scanning

DIREcTIon ARTISTIqUE

création 3D

Sélection et Brief

d’artistes 3D

54

LA pRoD

conSEIL En InTERnALISATIon

Sélection et négociation

imprimante et matériaux

Installation de FabLab d’entreprise

transfert de technologie

et ingéniérie, maintenance.

cApAcITÉ DE pRoToTypAGE ET pRoDUcTIon

+ de 30 imprimantes industrielles

+ de 200 matériaux

d’impression 3D possibles

+ de 7 technologies

de fabrication additive

55

LE TAnk

MARkETInG

& coMMUnIcATIon

conception et mise en

oeuvre de campagnes

pour promouvoir

vos projets

coMMERcIALISATIon

Étude

et développement

new business model

en relation avec

le projet

jURIDIqUE

propriété industrielle,

cadre règlementaire

de l’impression 3D

56

57

4cOntAct

58

[email protected] | 04 37 26 05 06

www.fabulous.com.co

ARnAULT coULET

Directeur

[email protected]

06 76 79 44 74

RobIn coULET

Marketing & communication

[email protected]

06 42 94 13 02

oLIvIER coULET

Directeur technique

[email protected]

06 98 05 34 46

MARyLoU MoRAT

chef de projet

[email protected]

06 47 09 24 77

59

LISTE DES AppLIcATIonS SEcToRIELLES

Agroalimentaire

Aérospatiale

Aéronautique

Automobile

Art & Design

Bricolage

horlogerie | Bijouterie

Distribution

Immobilier | Architecture

Jouets | Jeux-vidéo

Luxe

Merchandising

Médicale | Dentaire

Mécanique

Musées

Optique

robotique

Sport

textile

60

http://www.tctmagazine.com

http://referentiel.nouvelobs.com

http://i.dailymail.co.uk

http://alittleaustrian.com

http://www.3dnatives.com

http://www.nationalgeographic.fr

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62