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Ils sont les tmoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sonttrop souvent difficilement accessibles au public.Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte prsentes dans levolume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenirdu long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'dition en passant par labibliothque pour finalement se retrouver entre vos mains.Consignes d'utilisationGoogle est fier de travailler en partenariat avec des bibliothques la numrisationdes ouvrages appartenant au domaine public et de les rendreainsi accessibles tous. Ces livres sont en effet la proprit de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.Il s'agit toutefois d'un projet coteux. 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Vous pouvez effectuerdes recherches en ligne dans le texte intgral de cet ouvrage l'adresse ] ht tp ://books .google . corn^ r:COLLECTION RATIONALISTELaurent TAILHADELettres familiresOn ne nettoie pas les tablesd'Augias avec un plumeau.Chamfort.PARIS4 4 4 4 4Librairie de la "RAISON"M, Rue d'Uzs (II) 4 44 4 4 1904 4 4 4(/.(}('}Lettres familiresOUVRAGES DU MME AUTEURLe Jardin des Rves (Lemerre, 1880). Epui$.Un Dizain de Sonnets (Lemerre, 1882). Epuis,Vitraux (Vanier, 1889. Epuis. Lemerre, 1894).Au Pays du Mufle (Vanier, 1891). Epuis.-- La Plume,1894.Terre Latine (Lemerre^ 1897).A Travers les Groins (Stock, 1899).Imbciles et Gredins (La Maison d'Art, 1900).Discours Civiques (Stock, 1901).La Touffe de Sauge (La Plume, 1901).Ptrone. Le Satyricon (Pasquelle, 1902).COLLECTION RATIONALISTELaurent TAILHADELettres familiresOn ne nettoie pas les lahlesd^Augias avec un plumeau.Chamfort.PARISLIBRAIRIE DE LA RAISON l4, RUE d'OZS (il')1904Il a t tir de cet ouvrage cinq exemplairessur papier imprial du Japon et dix exemplairessur papier de Hollande numrots la presse.LETTRES FAMILIRESA MONSIEUR LEYGUESCADET DE GASCOGNE6 janvier 1901.Depuis longtemps, monsieur, le dsir m'aiguillonne de vous confesser quel point je suis dlect par chacun de vos comportements et ravides paroles que vous parpillez profusion surnos ttes, comme les saphirs de Buckingham.Qu'il s'agisse d'inaugurer un buste ou de coUoquerle ruban violet de nobles inconnus, vousoprez avec une lgret de coifeur pour dames,avec un aplomb de dentiste qui font de vous leplus factieux des ministres : Facelum consulem,disent les Petdeloup sur qui vous dominez.Ami du pape, comme Charles Maurras, etpote la faon de Jean Aicard, vous frquentezau Vatican aussi bien qu'au Parnasse. Partout on151^2 LETTRES FAMILIERESVOUS accueille, ne sachant au juste les raisonspourquoi vous frayez chez les personnes, si vousplacez de Thuile ou bien coupez les cors. Le premier ministre de France est devenu votre fief;nul ne sut jamais en vertu de quel sortilge onvous voit grand matre de l'Universit. Mais leToulousain dont vous offrez un type si reprsentatif n'a besoin, pour fructifier, d'autre recommandation que d'avoir, ds ses premiers ans, vuen rve les flots d'or de la Garonne. Toulousains,comme Pedro Gailhard lui-mme, cette bandeofficielle d'Auvergnats, de Flamands et d'Armoricains dont vous tes capitaine. Cadets de Gascogne ! Le mrite d'en tre s'inocule aux arrivistes de la mme manire que le vaccin desgnisses : il n'est aucunement ncessaire d'avoirvu le jour Castres ou Mautauban. Ainsi, vostroupes dambulent par les bourgades rouges duMidi, sous les couchants roses et verts des longssoirs du mois d'aot, sablant les vins d'honneur,affrontant la chre des banquets, cimentant desplaques mmoratives et faisant tomber le voiledes statues. On braille, on palabre, dans un sabirqui tient du patois local et du jargon universitaire. Le tout afin d'tre nomm sous-prfet oureceveur d'enregistrement. De Bordeaux Perpignan votre gloire s'panouit. Chauve commeSiraudin, moustachu comme Fontanarose, vousdistribuez les promesses qui ne cotent rien, lesA MONSIEUR LEYGUES 3poignes de main qui ne dchirent qu'une pairede gants, si bnin, si pris de tout le monde quetoujours l'on espre de Votre Excellence unpaquet ficelle rose, pommade ou confitures,accompagn d'un agrable : Et avec a? A Paris, d'autres victoires promnent votrechar. On se souvient encore de certaine allocution ingnieuse, quand vous daigntes consacrerle marbre de Charcot. Devant un peuple de savants dbarqus des quatre coins de TEurope etdu monde, un jeune kabyle apparut agrmentde guernons la Vercingtorix (c'tait vousmme, sans nulle flatterie) qui dit, avec le puraccent de Villeneuve-sur-Lot : Quand je vois cet homme en toge, je mdemande : Est-ce un magistrat? Est-ce un savant ? Et je m rponds : C'est un apatre. Le fou rire saisit les jeunes mdecins. Plusieurs, ceux du premier rang, s'enfuirent dans lacrainte d'clater scandaleusement, et les rangss'ouvrirent leur dtresse. Mais Lintilhac vousflicita, j'imagine, pour un discours si congru.Voil bien le patriotisme de marchand de pistaches dont les foules se gargarisent, celui dePappadiamantopoulos, de La Gandara, de Goudeski et autres Franais d'importation. Tels,4 WiTpn^ES, FAMfJ^S^sur lesi quais djAlgeu*,, alors e$2)|:/Ba, les mul^Urosdu as-Empire^ se q^ali|iaip;lt{ 4^ cUpjceiif; romains. Tel, de nos jours^ sur les miq^. trj^(tpirsMax Rgis d^laine,; .La France avix Franais) Vos triqmpl^ps, moi^s^^eur le min|trei! i^ sebornent pas aux choses de Tintellect pur. Vouscommandez sur Paphos comme dans la Sorbonne ;vous ne ddaignez point de cueillir des lauriersau-dessous de la cravate blancb^ qqe vjq^^ tenezdefeiu Guipt. Imbu de cette ide (phi comt^ienvpyagsuf de commerce!) qu'il est fort, l^pntde prodiguer les conqutes^ vous re^^placezW.otan auprs des Walkyries, et t^nc^ cjbez les prince^ss dplorables >>, le rle d'un Jupiter auxIpuisquatorzienns amours. lteri^ativemejpiit, latragdie . et l'opra voi^s suscU^iU d'aim^bleispasse-temps. Vous t^^ye^sez les boudoirs et le3alcves ruineuses, sans y laj^^r autre ; chosequ'un peu ^de vos a^rfut;s, Jopn^e. plus q\ie.Lovelace et Gaudissart plus que^ JoQond^ e^w.obstant je, respect que. je vous dois. VQtre,.h^rem,quand vous batifplez ded^a^s, se. reprsente Sc)mlhabah^m plutt qu'Haroun-alRaschid ou que. leroi Schlem.Vou;s. assurez vos. bonnes fortunes coime unqui trouve toute heure portes et bras ouverts.Bon pour des pieds-plats, de, s'amuser aux petitssoins, de faire pied de grue dans les faubourgsdu Tendre. Vous, monjSieuf, en investissez lacapiiKalfe siSrec Ts bottes de Cbars XU'et le fodetdu Roi-Sbfl. Vtts ts mousquetai'e griscomi ^^uzti et caporal 'comme N^lon l*''.Cepelidant, vOs belles tDHirs la liussare neremplissent pas d'orgueil toutes les belles sbvenfiones. O' connat la i*^'nse agrable decelle coMien^e avec qui, ds Tabord, Vousprtes T Wmn pat* la qu et que vous mtesen dettieai^, peine entr dans son sln, devous rendre les armles : Je veux bfeii, monsurle ministre, mais seulement dans l^ chia&br cbiteher, et lorsque ]e serai de !a Cn'fle-Prnaise.... Et vous dicorz touji*s.Moines, cabotins, limonadiers clbres, chacunreoit de vous les palmes ou Ttoile.Vous faites Ginisty officier, car, dites-vous, ilne serait pas convenable qu'Antoine et Ginistyfussent sur le mme plan . Voil ce qui s'appelleentendre le fin des hirarchies, le to-to des prsances. Quel matre d'htel vous eussiez fait, etcombien regrettable que les vaines grandeursvous arrachent un emploi si conforme votrementalit !Rjouissons-nous pourtant. Vous gayez lesaustres fonctions que vous ont imparties les6 LETTRES FAMILIREShasards de la chose publique. Vous remplacezFontanes, Salvandy, Frayssinous etlebonDuruy.Vous invitez la Comdie-Franaise la fine fleurdes ractions. Peut-tre mme demanderez-vousun jour, comme ce brave Cumont, votre prdcesseur macmahonien, visiter les dortoirs duCollge de France . N'importe. Vous tes gai,avenant et plus vulgaire que les pommes. C'estautant qu'il en faut pour contenter le got franais. Et nous parlons de vos gestes, cependantque nous invite l'actualit. Car peut-tre serait-il prsomptueux vous de dire, comme Lintilhac,fidle Achate du ministre o vous rgnez : Jeconsacre mes uvres aux sicles venir ! A MONSIEUR VIGOUROUXMARCHAND DE HARICOTS6 avril 1900.J'arrive tard, monsieur, pour vous offrir moncompliment du magnanime que vous ftes paratre l'audience correctionnelle, ce dernierjeudi. La presse entire a splendi, comme il faut,de vos louanges, et votre nom combienityphallique ! parviendra, sans doute, jusqu'nos ultimes hritiers.Mais, pour tre ajourne, l'expression de mavrcundie n'en est pas moins chaleureuse, etj'prouve un contentement inexprimable vouscongratuler, sur un mode choisi :De ce petit devoir souffrez que je m'acquitteet, l'ayant accompli, causons, les pieds au feu,d LETTRES FAMILIRESavec la mme familiarit que si nous avionsgard ensemble vos lves soissonnais.Donc, vous avez fait condamner une femmegrosse qui gagnait, chez vous, six sous par jour, cause qu'elle vous droba trois mesures defayots, soit, en monnaie trbuchante, un francquatre-vingts centimes, si j'ose me parer de celangage dcimal.Le geste fut synthtique, moral et patent. Al'intgrer, vous cesstes, pour un instant, d'trele haricoteur, marchand de f asoles, confin dansles cosses et les grains, pour devenir l'effigie,l'incarnation parlante du Commerce, avec toutce qu'il implique de gracieux. En vous, le courtaud de magasin, jioji;i moins que le grand banquier et le juge consulaire, se contemplentcomme dans un miroir quitable spculumjustici. Leur me, par vos lvres aphasiques, aparl, dans un ton adquat ses performances.Vous avez dculott la consciece boutiquire.Soyez-en fier, monsieur. Plus impersonnel qu'unmollusque, plus innomable qu'un pou, vousavez, par ce comportement, not votre existence, arrach l'anonymat votre personne, dontl'exemplaire se tire par milliers.Ainsi vous fut ouverte la notorit, ce porchebant o passent tour tour les piscopes, lesacrobates, les gnraux et les catins, mais queles gens de mrite ne franchissent gure queA MONSIEUR VIGOUROUX 9clous &0U5 la lame et les pieds en avant. Lespigsioufs cmt leur destine. Pour conqurir tantde gloire, tous n'avez pas ^u besoin de faire ledaim, la iaondu jeune Lubersac, ni, commece fils des preux, d'insulter oodionnment unmineur qu'il sait incapable d'aller sur le terrain.Mme, il vous serait difficile, je pense, d'treadmis au Jockey, .n*tant ni faussaire, ni btardd'ecclsiastique, ni juif rengat. Les lgancesne paraissent pas faire partie intgrante de votreidiosyncrase : Ton vous imagine aisment avecles ongles noirs, les dents moussues et le pied plat.D'autres ont de l'esprit, du cur, de la fantaisie. Barrs, qui ne fut point dvolue cette beautdu corps dont s'illumine Quesnay de Beaurepaire, a, dans sa poche venin, de quoi malificier Paris et sa banlieue. Edmond Blanc rgxiesur les croupiers de Monte-Carlo et sur les cursde Tarbes, cependant que Lematre, en habitd acadmicien, fait reluire ses bottes que tachefrquemment la cervelle des suicids. Pollonnais a ses mmes et Rochefort son beau-frre.Vous, monsieur, vous vous passez aisment detout cela, n'ayant besoin pour reluire que d'uneseule vertu : l'amour, le ftichisme, l'anthropophagie de la proprit.Sans effort , je devine le milieu o vousvoluez. Non pas la Halle aux Grains, dont lespeintures dcoratives ont ce qu'il faut pour10 LETTRES FAMILIRESVOUS combler d'aise ; non la place de Paris o,notable commerant, vous coulez opinitrementle plus grand nombre possible de lgumes aussisecs qu'avaris, fournisseur, coup sr, duPtomane et, peut-tre, du Saint-Sige : car ceharicot dont vous trafiquez est une provision debouche la fois venteuse et canonique, indispensable au virtuose du Moulin - Rouge, ainsiqu'aux mes pieuses qui s'abstiennent de chair.Non, ce n'est pas sur le thtre de vos exploits ;c'est dans la vie prive, au foyer mme qu'il siedde vous prendre, lorsque vous vous reposez,comme Cincinnatus, des combats et des gloiresde la chose publique.Vous habitez un appartement trs laid, dansune maison sordide ou trop luxueuse. L, vousentassez les horreurs de toute sorte dont l'astucedes industriels : tapissiers, bimbelottiers, bnistes, mystifie le bourgeois. Le faux saxe et lezinc d'art encombrent vos tablettes. Vous mangez dans d'inauthentiques ruolz; mademoisellevotre fille inflige son piano des variations encoresur tels opras, dsuets depuis la mort d'Adolphe Adam. Les chapeaux de votre dame fontune concurrence notable aux sous-sols o l'ondcortique l'objet de votre ngoce. On y voit desquinconces de fleurs, comme en un parterre, etdes chargements de carottes, comme sur le trottoir de Saint-Eustache.A MONSIEUR VIGOUROUX 11Vous lisez le Petit Journal, Depuis que les cosmopolites ont mis en danger la Patrie franaiseet l'change des farineux, vous adjoignez cesfortes lectures un numro adventice de la LibreParole, Drumont vous agre. Car vous tespieux, ayant besoin, pour corroborer votre autorit temporelle, du Glaive spirituel. Il plat votre intelligence de confier l'Absolu la policede vos flageolets. Pour garder votre fils du malde Naples et votre femme des godelureaux, vousne jugez pas indiscret de dranger monsieur dertre. Et vous trouvez tout simple que le dieude Platon cesse de gomtriser pour compter,par del Sirius, Aldbaran et Cassiope, les fvesque vos caleuses emportent sous leur jupon.Vous rsumez les fortes penses, les vertusaustres de la classe o naquit Flix Faure. Bticomme vous Ttes, vous prtendrez lgitimement tous les honneurSj toutes les jouissances. Nanmoins, ne soyez pas trop surpris si, quelquejour, les meurt-de-faim, conqurant le Royaumedu pot-au-feu, vous noient dans la marmite,comme Gulliver dans Taquarium de Brobdignac,et vous accommodent en potage, avec vos propresharicots.A MONSIEUR MAURICE COSSANI>YCAPPET NATIONALISTE7 avril 1900.Vous voici denc, mansiewr et jeuae disciple,en chemin de devenir clbre. Votre conduitegnretase au parvis Notre-Dame est caue ^u*la loterie de la neuvime Chambre, vous gagntes une pice de six jours de prison. A votSre ge,Mozart crivait des symphonies, Pic de la Mirandole discourait en hbreu, et Pascal retrouvaitles propositions d'Euclide. Vous bramez : ViveMillevoye ! etcalottez les agents. C'est une autremanire de prcocit.Un chemineau, votre place, un pauvre diableen goguette et ainsi maltrait les vaches ,que ces messieurs de la magistrature l'eussent, leur tour, houspill comme il faut. Mais ungaron de votre avenir, les gards incombentA MONSIEUR MAURICE GOSSANDEY 13naturellemeniv et la gloire par-dessus le march.Pour oette quasi-semaine de prison, que vous neferez paB, vous tes promu la dignit de martyr. D'ores et dj^ vous pouvez prtendre auxplus hautes Javeurs, la bienveillanoe de Lemaitri, qui. vous brocantera les antiques paillassesoublies dans la succession de Girardin ou deLalou (on prend o' OU! les trouve les. leons deLycnion) ; la bndiction de Coppe, qui vousdonnera un confesseur et un bsindagiste ; lamanificenoe de Barrs, qui vous fera fumer dessoutados. Madame, votre mre doit tre bienheu**reuselCar, ds aujourd'hui, vous n'avez qu' choisirentre les multiples carrires qui s'offrent natur^ment votre ambition. Vous avez affirmi' nergie nationale , manifest, dans la viepublique^ cette culture du Moi que son zlateurcirconscrivit longtemps au-dessous de la cravate.Serez- vous archevque, souteneur, officier, mouchard, brelandier, ou grant de prostihule ?Votre baderne de papa choiera pour vous l'unede ces professions galement honorables, afinque l'espce esterbazienne refleurisse perptuellement l'ombre des trois couleurs.Le massacre des noirs et la traite des blanchesembelliront, dans une alternance heureuse, lesjours fringants de vos belles annes. Puis, quandle temps sera venu de la dvotion et des acci-14 LETTRES FAMILIERESdents tertiaires, pour peu que vous ayez commisun de ces actes dmesurs : meurtre, faux serment, vol avec effraction, qui envoient leurhomme au bagne ou au Snat, vous prendrezplace au milieu des pontifes et goterez, prs deMercier, un lgitime repos. Vous tes Marcellus !Vous tes Astyanax et, sans doute, vous romprez,comme eux, les pres fatalits, encore que, selontoute apparence, vous n'ayiez aucunement ouparler de ces gens-l.Quant moi, je ne saurais assez admirer lapdagogie dont vous tes, coup sr, un desnavets les plus florissants. Le bonheur d'treduqu par les mules de Vaugeois, ou lescuistres du pre du Lac, se manifeste en vousavec tant de charme qu'il faut appeler de grandcur l'avnement de cette jeune France quevous synthtisez. Bon pour les coliers ineptes qui, de leurs doigts imbibs d'encre, piochaient la rgle des participes et le que retranch, d'admirer un tas de pleutres, de sentirleur jeune sang brler d'une hroque joie au lyrisme rvolutionnaire de Michelet, aux emphasesvengeresses de Hugo. Ces crtins s'amusaient lire Montaigne, et Renan, et Voltaire-tueur-dedieux. Ils imaginaient que la pense humaineest loin de tenir dans les compendia jsuitiques.Ils rvaient un monde jeune, libre, fort, l'imagede leur primevre et de leurs espoirs. Vous avezA MONSIEUR MAURICE COSSANDEY 15chang tout cela, et vraiment l'on ne saurait direque vous ayez mal fait.Tant que la bourgeoisie, par l'entremise de seshritiers, se targua de libralisme, les dclamations de Prudhomme fils et de Homais juniorpouvaient faire illusion. Pendant que les hommesnoirs poussaient leur travail de taupes et que seconstituait l'oligarchie militaire, les prsomptifsde la banque ou du comptoir narguaient lesprtres ; ils envoyaient, en leur place, la caserne, les jeunes proltaires. tre soldat, futlongtemps un mtier de meurt-de-faim, commecelui de vidangeur. Le second, nanmoins, taitplus propre. Grce vous, monsieur et jeune disciple, grce vos pareils, il ne reste pas lamoindre erreur possible touchant les doctrinesde l'espce laquelle vous appartenez. Vosfamilles et vos matres ayant renonc, bien tort, l'usage louable du martinet, de la frule etdes plamussades porte musarum dunes vousremplacez les humanits par diverses liguesantismitiques, patriotiques ou catholiques. L sedbite l'orvitan de la sottise nationale.Ces choses ne demandent ni esprit, ni franais,ni courage. Vous reculez, comme des lches quevous tes, sitt qu'un homme vous regarde en faceprts continuer la dcarrade et la frousse dontJudet, ainsi que la plupart des chefs militairesont, en 1870, fourni de si beaux exemples. D'ail-16 I^TTRES FAMIURESleur^ le sens de radmiration n'est pas mort ch^zvous. On vous connat des hros, Droulde etMarchand ; des potes, Coppe et Drouldeencore ; toute une arme de publioistes immaculs et talentueux : Possien, Arthur Meyer, PoUonnais^ (jaston Mry que complte la lucidit dessomnambules ; Charles Maurras, qui sent mauvais du nez ; Rochefort, dont les points de contact avec le marquis de Montespan ne sont unmystre pour quiconque ; enfin, Drumont, lesociologue, Drumont lui-mme, Drumont-Caligula, qui rve pour les juifs une seule tte, afinde les trangler avec le bandage herniaire dontil est pourvu.Cela crot, provigne et multiplie, s'panouitdans vos beuglements, vocifre dans vos curs,dcervelle avec vos bouts de bois . Peu peu,rame franaise atteint au parfait idal du nationalisme, ce mlange du tigre et du cochon, dontvous tes un exemplaire aussi adolescent quedistingu. Si bien que pour vous applaudir, lejournal de Yascagat lui-mme n'a pas assez denageoires en disponibilit.Bleue et verte, la jeune matine flambe surrherbe claire et dans l'azur rajeuni. Les pommiers tout en fleurs semblent, au long des routes,A MONSIEUR MAURICE COSSANDEV 17un cortge de fiances que nimbent d'or les abeilles mlodieuses. C'est la blancheur d'avril, ftede la terre, qui console de l'humaine laideur. Neregardez pas cela, mon garon. Il pourrait vousen choir de vilaines penses. Si vous alliez tomber dans quelque sentiment propre ? Vos auteursne s'en consoleraient jamais, songez-y. Un bonFranais ne doit aimer la nature que dans lesvers du Petit picier ou dans les champs queles Patries fument, de temps autre, avecdes soldats morts.A MONSIEUR PAULUSHISTRION25 juillet igoo.Enfin, monsieur et chevronn baladin, grce vous, le parti de l'Action Franaise a trouv unporte-parole digne de sa gloire et de sa magnanimit. Ce n'tait pas assez de Maurras et de Syveton, de Barrs et de Talmeyr pour affirmerr nergie nationale .Mercier, le grand tmoin de Rennes , malgr tant de faux, d'ignominies et de sclratesse,Mercier lui-mme, le gnral de bagne et de confessionnal, aurait quelque peine satisfaire lesaspirations composites des patriotes anthropophages que faonnent, dans leurs gouts,Edouard Drumont et le pre du Lac. Niort se refuse aux embrassements de la chose Thibaud.Les crouelles de Quesnay suintent, chaqueiA MONSIEUR PAULUS 19jour, un virus identique et, malgr le parfum debidet qu'on lui sent, l'eau bnite d'Arthur Meyersemble fade aux lecteurs pileptiques de Rochefort, notre Sganarelle national. Droulde, aubord de la concha^ se profile sur la mer de Biscaye, tel un cormoran saugrenu et dplum.Bonamour, enfin, que le souvenir de la mreGouturat, cette concierge trop fconde, auventre de laquelle son patriotisme dut le jour,faiblit dans l'imposture et ne cacographiechez Edmond Blanc qu'aux fins de passer lacaisse et de manger du veau.Ces aptres synthtisent et figurent les aspectsgraves du parti. Ce sont les purs, les incorruptibles, ceux qui lisent Millevoye et qui frquentent chez la comtesse de Martel. Ils ont Tintelligence d'un manche balai : c'est pourquoi ilsaiment si fort la hampe du drapeau.Mais non plus qu'Apollon, Ares ne bande pastoujours son arc (ainsi l'auteur de V Appel auSoldat) ; quand on a vocifr, menti, pitindans la crotte de la Ligue et subi l'incontinencelogomachique de Jules Lemaitre, il se faut biendivertir quelque peu. Des troupiers honoraires,comme sont les heiduques de Marinoni, poussent bon droit leurs caravanes. La France aux Franais, sacregnondedieu! C'est pour leurs amusements que la Providence ordonne les clapiers etfomente la vertu ; qu'elle fait natre les rousses-dO LETTRES FAMILIREScagnes et grandir les lves de Saint-GenestLerps. Vous n'ignorez pas combien sont diversesles piphanies de cette gracieuse Providence,ni par quel chemin elle saisit le cur de Franois Coppe. Le pote des Humbles^ commeLouis XIV, a deux manires, dans sa vie : celled'avant la fistule et celle d'aprs, car les voiesdu Seigneur non seulement sont impntrables,mais encore dtournes.Vous, monsieur, vous chantez, avec accompagnement de cabrioles, ptarades^ sauts de carpeset autres gentillesses tout fait idoines figurerl'me clrico-mili taire. Vous fredonnez commeon crit la Libre Parole, Vos habits multicolores, aussi bien que votre face luisante, dmateuse et blme de voyou fard, sont la plus reprsentative image du putanat qui grouille etcoasse dans les marcages nationalistes. Lesvieilles raccrocheuses n'y manquent pas, depuisLoti jusqu' Bob Walter, depuis ThodoreBotrel jusqu' la Vendenne Eugnie Bufiet,venue d'Oran, o son pre tait gendarme, pourrevendiquer sur nos trottoirs le retour desfleurs de lys. Raoul Ponchon mle au vomissement de ses cuites un hoquet national et tricolore.Le Courrier franais, entre deux adresses debrelan et de donzelles polyphages, entonne desmessniennes la faon du Bon Gte , ce-A MONSIEUR PAULUS 21pendant que Gauthier- Villars, ingnieux faussaire dont Tristan Bernard composa les romanset Alfred Ernst, la critique, offre la bande prtorienne un stock de calembours putrides queles chiffonniers de la Butte-aux-Cailles ddaigneraient de ramasser. Il rve, pantin quadragnaire, l'extermination des huguenots. Il appelle, entredeux macarones, la Saint-Barthlmy qui rendrait la France aux capucins. Car les joyeux vontnaturellement la tyrannie, et ces clodoches,mme sans bnfice et pour Tamour de l'art,intgreraient leurs malfaisantes pasquinades. Onconnat l'intransigeance ractionnaire, la pitfervente des proxntes enrichies. Factio iascivientium , disait le prophte Amos.Depuis le boulangisme, dont vous etes l'honneur de profrer la Marseillaise, bien des lilasont fleuri ; mais la succession des ans n'a pasmodifi beaucoup votre immarcessible turpitude.Vous gambillez toujours derrire l'omnibus (ilfaut vous voir, le long de la rivire !), vousessuyez avec la sueur le blanc gras de votre masque sordide et plus que jamais vous revenezde la revue. Les guinguettes de Montmartre,l'esprit de Bonnaud, la tendresse de Privas, lafantaisie norme de Yon-Lug ou d'Hyspa ontassaini le pav, fendu l'oreille du caf-chantantdont vous ftes une des incarnations les plusmtiques. Nanmoins, il parait que la chose vit22 LETTRES FAMILIRESencore, pareille ces dictriades suranneschez qui vont les adolescents jeter leur gourme.Sous les marronniers tuberculeux et les lampesPopp du carr Marigny, vous enseignez la gatfranaise aux ci-devant ngres de la Papouasieou du Dakar.Le torchon de Gaston Mry nous apprend quevotre beau pome s'est repltr dernirement dequelques variantes heureuses. Vous pouvez enfinvous empcher de crier :Vive not'brav' gnral Boulanger.Mais vous glapissezL'cur plein d'motion :Vive Marchand ! Vive Jamont !Votre patrioterie s'oflfusqueVde voir M. Faquinlgionnaire, carj'aux temps hroques,Jamais un couturier n'aurait portLa croix d'honneur !(Croyez cependant qu'on n'est pas un moindreartiste pour mener bien une robe que pour inventer le Clairon ou la Chausse Clignancourt.)Et de sorte que rien ne manque votre gloire le papier antismite vous appelle bon Franais et traite de vers agrables les machins cidessus.A MONSIEUR PAULUS 23Pour avoir tenu un propos de table d'hte : L'art n'a pas de patrie, mais les artistes en ontune, Camille Saint-Sans, dont le crtinismeen toute autre matire fait briller d'un plus vifclat le gnie musical, est devenu Tesclave, leMore enchant de cette btise. Vous, monsieur,parce que vos flatteurs vous ont dit que vousressemblez Bonaparte, vous hennissez dansl'curie des Ratapoils. Et, de fait, vous mritezcette louange. Votre mufle n'est pas sans uneconformit d'ignominie avec celui du facchinomaltais, dont Stendhal nous atteste la crapuleuselaideur.Quant nous, c'est vraiment de grand cur etnon sans une intime joie, que nous vous contemplons dans les rangs de la no-boulange. Votregrimace, votre scurrilit, vos tordions y sontvraiment leur place. Vous apportez la croisade catholique et militaire, l'adhsion de tous lesmauvais lieux.1AU CARDINAL RICHARDPSTOPHORE2 aot 1900.Vous exercez, monsieur, une profession dontla cocasserie atteint les cimes les plus fastidieusesdu ridicule humain. Les divers saltimbanques,ceux qui travaillent la barrire du Trne etceux qui dgrafent, Neuilly, la ceinture despcheresses curieuses d'un frisson nouveau :montreurs de chiens, faiseurs de poids, barnumsde femmes-torpilles ou de phoques savants; latribu des clowns, des acrobates, des jocrisses ;les tenanciers de cochons ambulatoires ; lescroupiers des tombolas o l'on peut, avec beaucoup de veine, gagner un il au fond , semblent, au regard de vous, occuper un grave etsrieux emploi. Hormis les heures de la banqueet du trteau, nipps d'une faon modeste, ilsAU CARDINAL RICHARD 26s'incorporent au commun que vt la Belle-Jardinire et que chapeautent les Quatre-Huit. On lesconfond avec toutes sortes de gens mal pourvusen distinction : Barillier, Gaston Mry, Georgesd'Esparbs n Thomas. Drumont seul et Barrs,gards par la transcendante laideur qui les honore, vivent l'abri d'une si regrettable confusion.Vous, monsieur, quand vous avez fini d'intgrer, en chape, les dvotes pasquinades, lessaintes jongleries, pour la manutention de quoiles contribuables indigents, proltaires de laglbe, de l'usine et de Tatelier suppditent votreprlature grand renfort de billets bleus, voustraversez les carrefours, les places conduisantau palais que vous offre le budget des cultes,dans une simarre de drap rouge qui vous faitressembler un bourreau de mlodrame, sinon un piqueur de chiens. Votre nez a subi la contagion de ces bardes flamboyantes. Il rutile ets'panouit la manire d'une vtelotte ou d'unpiment trop mr, d'une tomate vermeille, ou detout autre lgume pourpre clair par le soleilcouchant. La plbe des cuistres violets secontente d'une robe amthyste et d'un proboscide teintes d'aubergine ; mais vous, monsieur,en qualit d'Eminence et de prince ecclsiastique, vous poussez jusqu'au rubis.Harnais part et dmaillot de votre bibelot.26 LETTRES FAMILIERESdu dcrochez-moi -a cardinalice, quand vousavez remis vos orfrois, vos gants brods, lescrosses et les mitres et que vous sortez, en caleon, du vestiaire, j'estime que, pour orthodoxequ'il soit, votre valet de chambre doit avoirquelque peine vous tenir pour un grand homme.Infrieur au baron de Wormspire, vous bnissezmal, et, quant aux choses du bien dire, vouscrivez sauf le respect que je vous dois comme un fiacre ou, si cela vous fche, commeun pied.Or, vous tes en location dans la troisime Rpublique, seule fin de lui donner sans relchedes bndictions et des mandements. Le taux enest rmunrateur. A part le mtier de roussecagne, on citerait difficilement une industrieaussi bien appointe que la vtre et qui donnemoins de mal. Comme ces demoiselles, vousprenez frquemment la posture agenouille, encore que le grand ge vous interdise d'en fairele mme emploi. Consquemment, il vous fautbnir pendant les heures que vous laisse, chaquejour, l'lucubration des lettres pastorales. Bnissez et vaticinez! C'est pour cela que nous nepouvons boire un verre de vin ni acheter un timbre-poste sans vous payer, sur ces modestes consommations , un droit de havage o secomplat votre rapace humilit. Car, pareil auxoiseaux de l'Isle Sonnante, voua ne labourez.AU Cardinal richard 27ne cultivez la terre, toute votre occupation tant gaudir, marmonner et chanter. Eh bien, pourun cacatos si voisin du suprme papegaut, cevieux chafouin de Pecci, souffrez que je voustrouve un peu mchoire, si j'ose m'exprimer dela sorte. Votre rhtorique manque de nerf. Onvoit que vous n'avez pas t accoutum de parler des visages et que vous ftes, pendant longtemps, Taumnier insuffisamment priapique defemelles bguins.Aux soldats qui vont se^faire btement gorgeren Chine pour dfendre vos commis-voyageurs,ces hideux missionnaires envers qui le Jardin desSupplices n'a de tourments que trop doux et queles bons mandarins ne sauraient vouer des tortures assez lentes,^pour chtier leurs crimes imbciles; aux soldats partant pour la Chine, vousprodiguez vos exhortations dans une pitre melliflue et radoteuse. Vous leur offrez les consolations du patrouillotisme et de la religion, cesdeux ordures complmentaires. Les pauvresbougres s'en vont l-bas, dans ce monde jaunequi, si logiquement, repousse la turbulence, lacupidit occidentale dont vos moines sont lesplus nauseux reprsentants. Mais ils auront,dites-vous, la consolation d'emporter avec euxun aumnier qui pourra les graisser de sainteshuiles, premier qu'ils ne crvent du typhuspourpre, de la fivre jaune ou du vomito negro.28 LETTRES FAMILIRESCela doit, en outre c'est vous qui Tattestez donner leur famille une grande joie, une sacreconsolation de les savoir manipuls leur heuredernire par un placier en sacrements. Le purgatoire est le pain des moines , la mort est lepicotin de tout le clerg. Bien peu savent, eneflet, se conformer au plan du monde et mpriser les terreurs que tous, cardinaux, vques,moines et prestolets, vous exploitez avec uncynisme profitable. Si, depuis Tenfance jusqu*audernier jour, vous salissez l'existence humainede votre immonde contact, c'est pour dpouillerplus Taise, quand vient l'heure suprme, lemichet que vous avez si patiemment cuisin .Nanmoins, le couplet en faveur de l'aumniern'est pas le meilleur morceau de votre banque.Et cette perle en sort, comme de l'hutre paternelle, avec un clal sans pareil. La Chine, affirmez-vous d'un ton de nez fortdvot, la Chine elle-mme comprendra que nousne venons pas en ennemis, mais en dfenseursde la civilisation. Voil qui est parler. Si les poussahs ne crventpas de rire sur leurs potiches vertes, si les magots ne s'avouent pas infrieurs en scurrilit, sile dragon imprial ne se tord pas jusqu' faireclater le bronze de son ventre, c'est que la gaitaura fui pour toujours ce monde sublunaire. Lacivilisation, monsieur, la civilisation de BeiioltAU CARDINAL RICHARD 29Labre, de Marie Alacoque et des geles de Montjuich I La civilisation de Lourdes et des nationalistes ! Ernest Hello, Coppe ou Lon Bloy, le jocrisse enrag que les sacristies mme vomissentde dgot, n'auraient pas risqu une telle capucinade. Vous seul, prlat jovial, en baillez de sibonnes, sous Til favorable des ministres et duPrsident !Cela justifie tout fait le costume qu'on vousvoit. Comme vos collgues de la foire portent unequeue, vous mettez une robe rouge, et cette sortede parure s'harmonise miracle avec le gai devotre tat : les apdeutes linostoles , commedirait M. de Voltaire, font aux paillasses unagrable vis--vis.A MONSIEUR PAUL DROULDESALTIMBANQUE EN DPLACEMENT6 septembre 1900.Je ne saurais, monsieur, quitter le rivage que vous illustrez de votre cocasserie, sans vousfaire part de l'obligation que je vous ai, sansvous dire quels agrables moments vous nousavez donns. Les autres villes d'eaux, ferrugineuses, calcaires ou arsenicales, retapent le foiedes personnes et leur intestin pareillement. Desecclsiastiques soignent Barges les fistulesd'ros, tandis que des officiers un peu mrs yviennent assoupir leurs accidents tertiaires.Brochant l-dessus, le baccara, le poker, lespetits chevaux et, dans les sites prconiss parles loueurs d'nes, force collations o brillent lagoujaterie franaise, la stupidit des gens dumonde en face de la montagne ou de la mer.A MONSIEUR PAUL DROULDE 31Au mufle vagabond, les mois sans R offrentainsi de gnreux plaisirs, qu'il trempe dansrOcan sa femelle plus glatineuse que lespieuvres ou qu'il dirige vers l'Alpe homicide letroupeau anmi de ses marcassins. Tant debeaux lieux dshonors par les auberges et laprsence des touristes, plages, forts, cascades,vagues d'outre-mer ou glaciers de lapis, redonnent la machine des barbares occidentaux unsemblant d'nergie, une vigueur transitoire. Maisvous, monsieur, vous dsopilez trangement lesrates, vous gayez les hypocondres, vous mettezen fuite l'humeur noire et Tatrabile par le seulfait de votre apparition. Vous tes efficace, perdurable et curatif .La ville qui vous possde n'a qu' vous montrer aux baigneurs pour les panouir en gaiet.Son mdecin prescrivait Richelieu quelquesdrachmes de Bois-Robert . Les visiteurs dugole de Biscaye vous avalent doses massives etne s'en portent que mieux ! Car la proscriptionlargit et dmesure votre estomirande scurrilit.C'est le plumet du chicard, la farine du paillasse, les ailerons du frre quatie-bras.Le commun des hommes voit sous un autrejour les proscrits de thtre, ceux qui, rentrs,comme vous, dans la coulisse, n'ont d'autrepeine que d'effectuer une aimable villgiature.L'lecteur franais, compos (vous ne l'ignorezg2 LETTRES FAMILIRESpas) de caporal et de modiste, s'attendrit volontiers sur des maux imaginaires qu'il n'a pas secourir. S'il se reprsente l'Exil, c'est, dans leciel fromageux des chromos, un homme ple,dtach en vigueur, et conversant avec les hirondelles. Ou bien, quand il est d'ge savoir laReine de Chypre, un baryton en trousse zinzolinequi lamente degueulando son pays ador ,dans une Venise de perruquier. Le comte deChambord, cette vieille bedole, faisait juter dervril 1908.Vous tes chrtien, monsieur, chrtien de l'espce huguenote, Tune des plus coriaces et desplus infatues. Si vos ascendants n'ont pas choisipour dieu le Christ--tte-d'ne, conformment l'heureuse doctrine en faveur chez les sociologues du nationalisme ; si vous n'adhrez pasau Symbole qui, dans la mme glise, unit Bob Walter,, Vaugeois, Paulus et Brunetire ;si vous n'avez pas appris l'honneur l'cole desjsuites, l'histoire dans le catchisme et l'amourdes hommes sur les genoux du frre Gocq, vousn'en tes pas moins un ouvrier de bonne odeur450 LETTBES FAMILIRESchez les catholiques ultramontains : ils voustiennent dans une estime pareille celle desmaniaques sombres qui ttent le maigre pisde la vache Colas , comme dit Henri deRgnier.Protestant libral Paris, orthodoxe Villed*Avray, dvou au gouvernement, quel qu'ilsoit, pour les besoins de votre place, vous mangez tous les rteliers, avec un fond de cagotisme dont la turpitude n'exclut pas la sincrit.Magistrat par besoin de nuire, le choix d'unecarrire n'a pas d troubler, un instant, votrecorrecte adolescence; vous tes devenu juge, demme qu' un degr plus bas, vous vous seriezfait agent des murs, valet de bourreau ou saigneur de porcs. Les Monod, les Brenger, tartufes respectables et dlateurs patents dela troisime Rpublique font lever, vos piedsles espces dlictueuses, le gibier de plume coupable d'avoir crit ou publi des gravelures. Al'hermine bordant votre simarre, la belle humeurde Cypris agglutina ce manteau de loutre qui,de piano, vous rendit notoire sur le boulevard,comme dans les charmilles de Paphos. Les infortunes dont tmoigne un ornement de cettesorte relvent comme il faut la dignit professionnelle et ne manquent pas de pousser au noirvotre rigorisme bien connu.A MONSIEUR LE PRSIDENT PUGET 51La charit christicole diffre, vous ne Tignorezpoint, de la commune charit. La compassion, ladouceur, la misricorde, qui font des prsidentsMagnaud et Ser de Rivire les plus anti juridiques des hommes, puisque les tribunaux ontpour but, non de servir l'quit, mais de donnerla main aux pires injustices, toutes les vertusenfin qui mettent au cur un glaive pitoyable,sont proscrites minutieusement de la clricalepdagogie. Le nom sacr de l'Amour faitcumerd'un pareil dgot vicaires et mmiers, chanoines et pasteurs, Calvin et Loyola. C'est l'antagoniste qu'ils redoutent par-dessus toute chose,comme Thiver excre le printemps et les tnbres le grand jour.Votre esprit soigneusement chardonn de cesmauvaises herbes a, de bonne heure, acquis latrempe concordant vos fonctions. Le viscrequi perptre chez vous l'irrigation sanguine estpeut-tre une poire de caoutchouc, peut-tre unsoufflet d'accordon : depuis longtemps, il nemrite plus le nom infamant de cur.Vous distribuez aux malheureux des condamnations qui feraient pleurer les pierres, si lespierres, depuis qu'elles servent construire Thabitacle des privilgis, n'avaient perdu ce don52 LETTRES FAMILIERESdes larmes que leur impartissaient les Magesd'autrefois.Vous distribuez de la douleur comme on coupede la galette aux choppes de la rue de la Lune.Vous ajoutez la misre tous les maux inventspar la cafardise sociale; vous exterminez les besogneux avec rindifrence d'un tamanoir dcimant des fourmis. Les va-nu-pieds, les trimardeurs, les chemineaux, les refleurs de comten*ont pas de bourreau plus apathique, plus rgu>lier que vous, ni le prsident Bourriche d'lveplus reprsentatif. Vous manez de lui commeles ons manent du Plrme, les solcismes deDroulde et la purulence du Petit picier. Vousavez appris Tchelle des peines, la proportionnalit dans les Animaux malades de la peste etnon dans Beccaria.Mais ce n'est pas seulement torturer les indigents que votre verve se dploie. Une ombre depassion anime votre face mchante, votre face deconducteur d'omnibus qui a mal tourn, lorsqueparat la neuvime Chambre un penseur, unanarchiste, un rvolutionnaire, un tre quelconque suspect d'indpendance, de comprhension. Le vol domestique ou autre le faux,l'escroquerie et le recel, au regard du dlit deA MONSIEUR LE PRSIDENT PUGET 53pense ont une minime importance lorsqu'ilsgotent l'honneur de comparatre devant vous.C'est pour les hommes libres que vos glandes venin scrtent le meilleur de leurs poisons.Et c'est pourquoi, monsieur, je prends congde vous offrir mon petit compliment pour leshautes lumires que vous manifestez.Elevs l'un et l'autre dans l'glise anglicane,sous le rgne du cani et de cette pudeur quin'exclut ni les Utiles girls de l'Arme du Salut,ni les tlgraphistes d'Edouard VII, nous n'avonspas encore subi la crise de conscience du cardinal Manning, ni donn caution la chaire dePierre. Nous naissons dit Montaigne christians ou huguenots comme Prigourdins ouPicards. Notre idal supra-terrestre n'est autre qued'une religion conomique, dcente et confortable. Le lord- maire est le premier picier deLondres. Pourquoi le Trs-Haut ne serait-il pasle premier droguiste de TUnivers? Un dieu sansexagration, en redingote noire, dont le carnetd'chances brille aux fins de mois, apparat auxesprits lucides comme le plus solide garant dessaines doctrines et des bonnes murs.Nanmoins, je prise autant que vous-mme lesconfessions latrales qui maintiennent l'ordre etle respect de l'autorit. Rforms, orthodoxes,latins ou grecs, les cultes que nous professons54 LETTRES FAMILIRESbrillent par leur identit ; nos religions, monsieur le Prsident, sont jumelles ; vous savezmieux que moi combien le Jhovah des Isralitesest conforme au Sacr-Cur de M. de Mackau.Socialistes volutionnistes ce soir, demain pitistes autoritaires, nous avons un ennemi commun : le PAUVRE.Nos efforts mutuels tendent le billonner parla violence ou l'abrutissement : conquassabilcapita, si j'ose m'exprimerainsi. Par del dogmes,fictions, lois et thologies, les personnes clairvoyantes comme nous ont bientt fait de discerner la vrit fondamentale, savoir que, pour lemonde moderne, tous les crimes se rsumentdans l'absence d'argent; toutes les vertus dans larichesse ; que les bagnes, les prisons, les ghennesincombent quitablement, et sans autre motifque leur dtresse, l'indigent, au peuple desncessiteux.Au contraire, les quelques centaines de millepossidentes qui dtiennent l'assiette au beurreont pour eux le droit en sa plnitude. Sclratesses, hontes, vices, ridicule, tout est permis qui paye un impt suffisant et rmunrateur.Vous ftes paratre, monsieur, une comprhension louable de ces choses dans votre salam aux Petites-Surs des Pauvres que le Pacton,substitut de basse-cour, avait ointes d'abord decambouis oratoire.A MONSIEUR LE PRSIDENT PUGET 55En offrant votre respect ces malpropres cabotines qui possdent plusieurs millions d'immeubteg, sans compter les valeurs en portefeuille,et qui, pour extorquer encore, pour extorquertoujours les deniers de la sottise, font le simulacre de mendier au profit des garnissaires qu'ellestiennent en rserve pour fausser les scrutins,quand l'Internationale noire a besoin d'un dput, vous avez fait le geste le plus significatif dela bourgeoisie contemporaine. Les nonnes catholiques font le mme travail que nos saintesdiaconesses. Empochant monceaux d'or, ellesdtournent la pcune du riche des vrais ncessiteux. Chaque nuit d'hiver, des hommes, desvieillards meurent de froid sous les ponts, desfemmes accouchent d'enfants morts dans des taudis glacs.Les Petites-Surs des Pauvres acquirent,pendant ce temps, des parcs, des maisons septtages, des domaines ruraux ; elles placent surle Grand-Livre le produit de leurs vols et de leursextorsions. Le spectacle fait fluer M. Costa deBeauregard et le doux Coppe, et M JosephMnard.Vous avez peru qu'il convenait d'unir vos suffrages aux renclements de ces grands hommes,et je vous en flicite avec cordialit.Les Surs des Pauvres, monsieur, les Sursde charit, ces monstres doucereux et sans en-56 LETTRES FAMILIREStrailles, chtres de tout sentiment humain, nousaident rduire en esclavage le Pauvre dtest.Ce sont les bonnes servantes et les auxiliatricesdu Capital-Dieu. C'est pourquoi les honntesgens que nous sommes ne peuvent les priser trophaut ni les saluer trop bas.JoE Surface, esq.Pour traduction conforme :L. T.A MONSIEUR PAUL DE CASSAGJVACCI-DEVANT NGREi3 avril 1903.Vous rgnez, monsieur, la faon d*un roi con-golais ou d'un prince dahomen sur les ttes mdiocrement intelligentes que couvre le PetitChapeau. Vous proclamez, chaque matin, leshontes de la ^ 161rantisme se qualifient eux-mmes volontiers dunom de pcheurs d'hommes , Tinstar dePierre, ce fainant qui menait la squelle dunabi galilen. Pcheurs d'hommes en eflet !Leurs filets sont bien ourdis, leurs hameonsaigus, leurs nasses redoutables. Leurs enginssont habiles aux captures opulentes. Les poissons d'or, les beaux saumons d'argent, les coquillages de perle abondent en leurs viviers. Le fretin n'y manque pas non plus, heureux d'tremang par le phoque en robe noire.Mais qu'importe? Au del, s'tend la mer ternelle, un infini de raison vivante, que se transmettent les peuples de gnration en gnration.L'glise abrutit les consciences par milliers, parmillions, si Ton veut. Mais la pense d'un hommelibre, la doctrine d'un Voltaire, d'un Michelet,d'un Diderot ou d'un Renan suffit pour manciper des milliards d'esprits, leur ouvrant ces temples sereins de l'observation et de laconnaissance, o le pote Lucrce mettait lesuprme bonheur.Voil pourquoi, grimaud anonyme que voustes, vous apportez au nom de l'glise catholique, une contribution d'injures l'apothosed'Etienne Dolet. Pour les entendre, le mprislui-mme est contraint de se baisser : car lescloaques d'abjections o vous voluez stagnentfort au-dessous de l'ordinaire ignominie.n162 LETTRES FAMILIRESDimanche, les manifestants vous ignoraient ;Tan prochain, ils vous ignoreront, s'il se peut,davantage. A mesure qu'elles grandissent, qu ellesconquirent la foule trop longtemps indiffrente,les assises de la Libre Pense gagnent en mmetemps plus de calme et de pacifique hauteur. Leflot monte. Il submerge les entraves ridicules etces fanges innomables dont vous crtes l'endiguer. La grande aube du rationalisme s'tend,victorieuse et fraternelle ; pour clairer le monde,il ne faut au soleil ni rage ni combat.La vtre s'use en vain contre la mmoireauguste d'Etienne Dolet, tmoin de Fintelligence humaine devant la barbarie et les tnbresde l'glise. Cet homme bilieux, vhment, dur ses ennemis, extrme dans ses colres et sesamours, exorbitant, comme une espce de Benvenuto de la typographie, a l'honneur d'veillerencore la haine de la canaille dont vous tes. Polisson ! tartufe ! assassin ! voil bien lacouronne qu'il mrite que vous lui tressiez pouravoir aid la diffusion des lettres anciennes,des Dialogues de Platon et des ouvrages de l'immense Rabelais.Meurtrier, il les mriterait encore, puisque lecrime d'avoir tu le hideux Corapaing ne Tempcherait en aucune manire de briller au premierrang des hommes et des bienfaiteurs. Qu'importeque Faust ait suborn, puis trathi Marguerite!A CHOSE )^ 163Qu'importe que Dolet ait mis mal, ait mis mort ce drle de Compaing ! Pour avoir touchles caractres de plomb, la noble matrice o le Livre est enfant, Tun mrita de dormirentre les bras d*Hlne, belle et permanentecomme Tastre dont elle porte le nom ; l'autred'apposer sa firme aux tomes imprissables quidvoilrent Tesprit moderne VEutyphron et leGargantua,AU BONHOMME SARTOVICE-DIEUi3 aot igo3.Calotte d'or, ensoutan de blanc, charg depierres prcieuses comme la belle Otero, flabell de plumes d'autruches comme le sultanMisapouf, chauss de ribouis que dcrotte lebaiser de vos fidles, vous incarnez, depuis unesemaine, Tlnfaillibilit de Tglise, du Pre, duFils et de l'Esprit, sans avoir fait, pour cela,d'autre efiort que de vous asseoir au-.mitan d'unechaise perce.Les thurifraires de la presse catholique, lesjuifs bien pensants, les moines, les flamidiens,les prestolets discourent sur votre louange. Lepeuple a parfois son pape ou son csar , et vousvoil renomm le pontife du peuple, chez lessocialistes chrtiens, dans les ouvroirs du BonPasteur, dans les patronages de l'abb Santol.AU BONHOMMP SARTO 165La chose tient ce que vous dchiffrez avecpeine la lettre moule^^et^que^votre ducation nemonte pas fort][au-dessus de la culture qu'on voitau dernier des ptrousquins. Sorti du cabaretpour entrer au papaliste , vous gardez la saveurdu terroir. L'ignorance dont vous tes orn prsage aux fidles une re dlicieuse d'abrutissement et d'infftmes superstitions. Vous tes pieuxcomme le cardinal Richard,' lequel passait jadispour tre, avec vous, le plus inepte des porporati,le cardinal Richard qui demandait, propos dela marche de Lohengrin : Ce monsieur Vagni,n'est-ce pas, est un de nos organistes, un hommede Dieu ? Vous tes pieux et gourmand ; Vest^e rle quiconvient au cur de campagne. Votre got pourle vin de Marsala difie abondamment l'intellectde vos ouailles. Il est permis de supposer que leVatican ne manquera jamais du prcieux'liquide.Les vignerons qui croient l'influence de la Trinit sur le phylloxra ne manqueront pas des'attirer les bonnes grces du dieu/.qui faitlesoleil pour les moissons et" les punaises pour Benot Labre, en humectant son vice-dieu.Votre lvation la papaut semble, au premierabord, n'avoir eu d'autre cause que la profondeinintelligence dont vous tes orn. Les Oreglia,les Gotti, les Vannutelli, pour se mettre d'accord,ont fait choix du plus balourd de leurs confrres.166 LETTRES FAMILIERESC'est ainsi, d'ailleurs, que tous les lecteurs desouverains ont accoutum de procder. L'ambition trouve son compte riger sur le pavois unidiot incontestable. Et Tenvie en prouve quelquesoulagement. Les diverses bches qui rgnent etne gouvernent pas, dans la troisime Rpublique, les Flix Faure, les Carnot, les Loubet,fournissent un lumineux exemple de cette vrit.Vous voil donc install sur la Chaire dePierre , si Ton ose imiter le style de M. Boyerd'Agen, bnissant urbi et orbi^ promulguant desdogmes, excommuniant, absolvant, donnantvotre orteil baiser, tandis que les eunuques dela Sixtine chantent a capella des motets de Pergolse, de Vittoria ou de Nani. Vous parlerezdans des encycliques gnralement oiseuses, vousparlerez aux nations le latin o vous n'entendezgoutte ; i( car, dit Joseph de Maistre, si le peupleproprement dit ne comprend pas les mots, c'esttant mieux. Le respect y gagne et V intelligence nyperd rien ! Vous serez jovial ; vous ne connatrez de l'Europe, de la civilisation moderne, de la pense etde l'afiranchissement des hommes, que ks faitsqui plairont votre camerlingue, vos secrtaires d'tat, aux facchini du pont Saint-Ange.L'empereur d'Autriche nia pas admis Rampolla comme rvolutionnaire. Ce danger sembleAU BONHOMME SARTO 167quelque chose, parat-il, auprs du beau Danubebleu. En revanche, Humberto ne jvouvait queredouter le compre de Delcass, mais commeractionnaire cette fois.Allez au quai d'Orsay. Demandez au gnome deTArige, comme au dernier garon de bureau,leur avis sur la question romaine. L*homme duportefeuille et celui du plumeau formeront, avecTunanimit la plus touchante, des vux passionns pour le rtablissement du pouvoir temporel, quoi les hritiers de Victor-Emmanuelseraient loin de prendre plaisir.Mais, encore une fois, vous ignorez ces contingences. Le clerg catholique se composed'hommes instruits et aviss, qui sont de parfaitescanailles, en outre de fort honntes gens qui sontd'incurables idiots. Or, monsieur et trs saintpre, vous etes le bon esprit de vous classerparmi les honntes gens. Vous aurez pour vous lesdvotes chaufferettes, les plerins de Lourdes,ceux qui jugent sans nul motif leur me spirituelle et qui prfrent aux mdecines hippocratiques les fontaines miraculeuses pour gurir detous leurs maux. Les cuisinires mystiques, lessoutenseurs levs chez les Frres quatre^bras,jaculant des oraisons vers la madone afin qu'ellesuppdite le travail de leurs pouses , lesjsuites qui vaquent aux besognes dlicates, auxrapts des hritires, la eaptatio^ des testa-168 LETTRES FAMILIRESments, n'eurent jamais de plus fidle soutien.Vos difficults avec le Quirinal seront d'ordrepurement ecclsiastique, le vaste Monde n'existant pas au regard des personnes pieuses commevous.Et c'est justement cause de cela que vousapparaissez comme le grand pape, le Clment YIIde l'avenir. C'est une coutume qui s'implanteratt ou tard, de ne plus lire au poste que voustenez les citoyens d'un peuple civilis. Le cardinal Gibbons aura beau faire. Les chrtiens deChicago, de Baltimore, les croyants du Far- Westseront toujours des huguenots plus ou moins spcialiss dans telle ou telle coutume, le catholicisme ne pouvant s'adapter aux murs deshommes libres et cultivs.Ce que n'ont pas fait les Wisseman, les Manning, les Newman et autres pusistes, les catholiques amricains n'y sauraient prtendre.Ainsi donc, il importe de choisir le pape dansles vques espagnols, marocains, sudamericcy oungres, ceux-l mmes qui dcrtrent, en 1809, l'infaillibilit du vieux mgalomane Masta.Oui, vous tes le pape de l'avenir, le pape ducatholicisme futur. Il est encore de beaux jourspour la foi de PoUonnais. Si les occidentauxabandonnent peu peu les sacrements et netiennent plus la religion des tnbres,'qu'afinde garder leur coffre-fort ; si le Trs-Haut, pourAU BONHOMME SARTO 169qui, vous et vos cuistres, manigancez tant deparades et de comdies, exerce en Europe lesmodestes fonctions de garde-champtre ou dejuge de paix, vous fondez juste titre de vastesesprances et d'normes ^projets sur le Zoulouland, la Cafrerie, le Dahomey.Le catholicisme, religion ngre, ne peut quecharmer nos frres infrieurs . Accessibles Teau-de-vie, au mal de Naples, aux saintes mursflamidiennes, ils trouveront chez les missionnaires ces facteurs de leur batitude, avec Tamourde la crasse et les mthodes les plus sres d'abrutissement.Pie X, ma vieille bte, soyez le pape des ngres.C'est l'empire qui convient prcisment votreintelligence, l'esprit des galonns, des mondaines, du prsident Puget et des dames de chezMaxim's.Conqurez au Pendu juif les moricauds detoute nuance, depuis le chocolat jusqu'au BeauNoir de la rue du Jour. Demandez son domaine Balthazar, le roi Machur. Sans doute, il setrouvera flatt de vous y rendre hommage etCassagnac vous tiendra lieu d'ambassadeur.A MADAiME THRSE HUMBERTCHEVALIER D INDUSTRIE20 aol 1903.Vous habitez, madame, quelque peu en amontde Saint- Cloud-Bellevue, un agrable cottage,une maison d't que, suivant la plus familirede vos coutumes, vous n'avez pas eu la peine depayer.Ce n est pas tout fait la riante villa ^ontM. Pacton (Jules) gratifie les anarchistes dans sesrquisitoires o la btise tresse des guirlandes la servilit. Mais, pour une femme d'affaires qui,comme vous, a mrit sou ventes fois un baiJ Clairvaux ou Saint-Lazare, la Conciergerie apparat comme un lieu en mme temps confortable et distingu. Les dfonceurs de thorax, lescraseurs de mchoires, les brigades centralesqui crvent les socialistes avec entrain; lesA MADAME THRSE HUMBERT 171mouchards aux cols douteux, aux pingles deverre ; les guichetiers vernis comme des soldatsde plomb, raffinent auprs de vous sur Ja ,galanterie; ils vous soufflent au visage des madrigaux d'un ail qui sent les belles maniresde jadis.Leurs chefs, grands conculcateurs de manifestations rvolutionnaires, lchent la trace de vospas comme les seigneurs de Luggdunnag, balayant avec leur langue les appartements du souverain. M. Lpine, votre excellent ami, n*a pourvous que des roses : il fait mentir les acanthesde son nom quand il s*agit d'efieuiller quelquesptales vos genoux :Ce soir ma robe encore en est tout embaume .Respires-en sur moi Todorant souvenir.Chateaubriand, dans cet endroit o vouscoulez une si aimable villgiature, ne connut pastant d'gards. Il couchait dans la cellule contigu la rserve des condamns mort. Le parricide Benoist, lamentant son ami obscne ,peuplait de hurlements lugubres le cachot deRen, criant la mort comme un chien perdu.Marie-Antoinette fut communment traite de veuve Capet , tandis que la police, le barreau, les pouvoirs publics vous donnent duMadame comme si vous tiez archiduchesse172 LETTRES FAMILIERESd'Autriche ou fille d'un leveur de porcs amricain. Les robes rouges, les robes noires, lestoques, les calottes, les simarres gnuflectent votre aspect. Le parquet se met en cerceau, lesjuges se prosternent. Vous n avez qu' paratre :il n'est plus de magistrature assise ou debout,il ne reste que la magistrature ; plat ventre,adorant dans votre] personne le phantasme duVeau^^d'or.La socit bourgeoise, qui vous admire et vousaime, se reconnat en vous. Elle vous est reconnaissante d'avoir imprim ce branle grandiose Tanse du panier, d'avoir, pendant un quart desicle, imagin des moyens oprants et communiqu l'tre des valeurs fictives en dehors dela Corbeille, du Pristyle aprs trois heures,avant midi.Cette gigantesque manuvre de Bourse laissebien loin derrire elle tant de mesquines filouteries des Mac-Berneau et des Rosemberg. C'estune manire de Panama la porte des gens dumonde, qui stupfie et dlecte la fois les plusnotables commerants.Vendre un cu ce qui vaut trente sous, n'est-cepas la loi fondamentale des changes sur quoireposent la socit^ capitaliste, le ngoce, l'conomie politique, le secret des cabinets et le sentiment national ? Or, vous avez touch environcent millions dans l'espace de vingt ans; vousA MADAME THRSE HUMBERT 17Savez cr (c'est le patois de MM. les experts) unecirculation d'au moins sept fois pareille somme^le tout en voquant les pays fantastiques, les Hesprides mensongres d'un'^testament que [nultre humain n'a pu voir de ses' yeux. Vous]tesla Dame la licorne de la Chimre des Crawford.Il n'est pas, sur la place de Paris, un tripier, unduc, un archevque, une marquise d'Adelswardou une Grille d'gout qui ne fussent glorieux etcharms d'en faire autant.Le prsident Bonnet joue auprs de [vous unexcellent personnage. Femme une telle I i interroge ce chat-fourr, ds que se prsente labarre une femme honnte dont la robe d'un noirpauvre, les gants excoris, le chapeau des QuatreFranases proclament l'indigence par toutesleurs reprises et leurs affaissements. Vous netolreriez pas ce ton mme chez un gardejdessceaux. Vous traitez de haut les robins, qui nesont pas capables d'emprunter seulement unecouple de millions et qui, pour ;se camoufler,portent sur la tte un vase de nuit enfmrinosnoir.Donc, le conseiller Bonnet prte vos discoursune oreille copieuse et non moins paternelle.Sans sourciller, il encaisse vos>agots, vos^mensonges, vos feuilletons, que renoncerait unevendeuse de petit noir. Ce n'est plus le roman,c'est le tribunal chez la portire. Vous boni-174 LETTRES PAMILlRESmentez avec une absence d'imagination qu'gale peine votre logodiarrhe. On a vu des cuisinires, des garons d'htels paums en faute,improviser pour leur justification des historiettesnon moins topiques et beaucoup plus vraisemblables que les sornettes dont vous abreuvez,depuis une semaine, la ville et les faubourgs.Anemonas verborum !Nanmoins, Bonnet de gueules et les assesseursde sable vous entendent obsquieusement. Vouscoupez la parole aux tmoins, au procureur gnral, sans teindre jamais le sourire bnin qu'ilsvous ont consacr. Une voleuse comme vous mrite les plus soutenus respects et les hommagesdes personnes bien pensantes.Mais la tche favorite de M. le Prsident, celle quoi s'acharne sa prdilection, c'est l'apologiedu grand Humbert, fondateur de la dynastie etzlateur de vos emprunts.11 n'a jamais souffert qu'on os&t y toucher.11 embaume sa mmoire dans le benjoin de laplatitude et le natron de Timposture avec dessoins de tarischeute. Il maquille le cadavre del'ancien ministre comme celui du pape Formose;il thuribule devant lui. Sur votre foi, il admetque ce juriste, ce procureur gnral la Cour desComptes put croire l'existence d'un testa-A MADAME THRSE HUMBERT 175ment qu'aucun notaire n'avait enregistr, dontaucun tribunal n'envoya le lgataire en possession provisoire.Oprez sur des gros sous et vous verrez l'accueil rserv ce moyen de dfense par lesmmes enjuponns qui font, ici, la mine de leprendre au srieux.Cette comdie aux actes somnifres, o vousdonnez, la rplique la vieille Thmis afin desauver les gens en place, les gros bonnets et liesfaades lpreuses de la vieille baraque sociale,rsume assez exactement les gestes et les pensesdu monde contemporain. Larronnesse de millions, il n*est personne qui vous .jette la facevotre ignominie. Organisateur d'une escroquerienorme, il ne se trouve pas un magistrat pourdire quel gredin fut votre beau-pre. Ceux quevous avez frustrs eux-mmes dsarment, vaincus par votre impudence et votre loquacit. Vousavez Thonneur d'tre imbcile par la tte ; vousjabottez comme Tpicire du coin. N'importe.Vous demeurez pour tous la Grande Thrse irrvocablement. Car les faits premptoires n'instruisent pas la dmocratie, et quand le bonhomme Peuple adopte un article de foi, il n'endmord pas plus qu' un chien du cuir graiss .Voyez le baron Millerand. Son ministre^ sa ferblanterie, ses bassesses de Compigne, ses fusillades, ses gorgements de proltaires, ses incar-176 LETTRES FAMILIREScrations a'empchent aucunement les lecteursdu XII* de le tenir pour honnte homme etde voter opinitrement pour lui. Tant les pitresont d'influence et de pouvoir sur TantiqueDmos ! Cela n*a pas chang depuis Aristophaneet son marchand de boudins.A MONSIEUR PUGLIESI-CONTIFRANAIS DE FRANCE27 aot 1903.M. Pugliesi-Conti., dput deParis, a inform M. Combes qu'ill'interpellerait, ds la rentre,sur le chant de Vlniernaiionalequi accueille les ministres envoyage.Jusqu' ce jour, monsieur, vous observtes, la Chambre, o vous ont port les nationalistesboutiquiers de la grand'ville, un pythagoriquesilence, imprimant votre faconde le scel d'Harpocrate, ce cachet qui porte pour devise : Laferme! depuis les derniers beaux jours dey Assommoir.Voustes muet, non pas comme ce Conrart dontNicolas Boileau transmit le nom peu coruscantaux rhtoriciens des ges postrieurs. Vous tesmuet d'un silence plus qu'humain et, si je lose12178 LETTRES FAMILIRESdire, ichtyomorphe. La dorade, Talose, le congre,les mollusques bivalves et les crevettes les moinsloquaces ne remportent gure sur vous-mme ensobrit de parole et continence d*locution.Quand Barrs fut au Parlement avec l'intention louable de continuer la fois Gthe, Michelet et Beaconsfield, sa bouche, o quelques dentspaves assument tour tour le brun du roucouet rindigo des mouches viande, sa bouche s'ouvrit pour, en langue d'office, morigner la maisonHachette, dont l'orateur, sans doute, espraitquelque pourboire.Peu de mots suffisent prconiser son bgaiement. Le professeur d'nergie n'tait pointun Dmosthne ; les placiers en vin qui, du matinau soir, colloquent des fts de vermouth, consacrent cet objet une rhtorique autrementgnreuse, des tropes, des hypotyposes et descatachrses qui ne fleurissent point dans le Jardinde Brnice.Elev par de si grands exemples, filleul de lacarpe congrganiste et du lapin tricolore, Franais comme Archdeacon, vous demeurtes coisous le panache de Droulde, sous le rifflard deGamelle, sous le dais carnavalesque des flamidiens et des oblats.L'extinction de voix tait si forte en vous, quele cri : Mort aux juifs ! ne sortait de votre noblepoitrine qu'aux ftes carillonnes, aux grandsA MONSIEUR PUGLIESI-CONTI 179jours de la Patrie franaise , quand, millecontre un, vous dansiez la danse du scalp autourde vos ternels ennemis, les honntes gens.Vous ftes, dans le lazaret du nationalisme, lepestifr qui ne dit mot, la puanteur de votrehaleine tmoignant seule qu'une vermine de plusentrait au service de Lematre (ce Jules!), de Drumont et de Mercier.L'abb Garnier aboie, et le comte de Mun vaticine; Coppe nonne et Marc Sangnier bredouille.Nanmoins, camps sur une estrade, ces babouinspeuvent congrment adjoindre, pendant uneheure (Thorloge, aux impostures de Basile, auxmensonges de Tartufe, la sociologie de Loriquet. C'est lche, c'est bbte, c'est abject, maisles patronages catholiques d'ouvriers et lescoles libres de jsuites ou d'ignorantins,apportent aux bavards nationalistes un effectif dedisciples que le mensonge dlecte et qu'moustille la laideur.Taciturne, jusqu' prsent, comme les Verw^oort les plus crulens, vous montez en chaire.Du haut de la tribune, vous conculquez lesmaons, les cosmopolites, les vendus, quichantent V Internationale, et que dgote la Marseillaise commQ un plat trop rchauff : Conquassabit capita in terra multorum !Ce geste arrive point et brille par son opportunit. Les amis, les admirateurs d'Eugne Pottier,180 LETTRES FAMILIRESles survivants de la lutte magnanime o le vieuxcommunard conquit ses perons, qutent poursa veuve, pour son enfant, une aumne de gloireet de fraternit. Quelque chose manquait cependant Tauteur de V Internationale : c'tait l'injuredes gredins, Fabomination des lches et le reniement des imbciles. C'taient les chardons, lesronces et la cigu, une couronne d'outrages apporte sa tombe par les voyous et les faussaires,proxntes du rgiment ou du confessionnal.Cette lacune, vous la comblerez demain. Pourinsulter l'aise le ministre dont les murs vousdconcertent, dont la fermet rpublicaine vousfait honte et vous fait peur , vous tranerez dansla fange de vos discours le proltaire qui donnaune voix aux revendications des exploits, leurespoir dans l'avenir.Encore que fort suprieure au Godsave theKingde Lulli, au Beau Danois de la reine Hortense,au Vive Henri /F de la Restauration, V Internationale n'est pas un chef-d'uvre. Le pome incorrect dit mal ce qu'il veut dire . C'est l'opinionde Gustave Kahn, qui, mieux que personne, jugedfinitivement en ces matires. La musique, sansfureur, est une lgie, un cantique, mais pas lemoins du monde un chant de rvolte ou de fraternit.La Marseillaise, qu'ont embrenne jamais lafiente jsuitique et les vomissements des hordesA MONSIEUR PUGLISI-CONT 181antismites, avait du moins, pour elle, ce banal entrain de pas redoubl qui rythme l'allure du promeneur, contraignant la rue suivre en mesure lecortge qui dfile. Mdiocre chantillon du stylepompier qui triomphe dans les tableaux de Davidet le thtre de Chnier, les strophes de Rougetde risle ne se relvent que par un cri de bontdont nul, aujourd'hui, n'a gard la mmoire :pargnez les tristes victimesA regret s*armant contre vous.Le Chant du Dpart ^ o la sobre et large inspiration de Mhul se donna tout entire, est d'unefacture autrement releve, d'une incontestablegrandeur. Les vers, en dpit de quelques poncifs,ont une magnificence, une profondeur d'accentdigne de l'poque sublime qui les a ports. Maispour excuter le Chant du Dpart, il faut desmusiciens, des choristes exercs, une tude pralable, qui ne permet gure au premier venud'y faire sa partie.A ces restrictions, il convient d'ajouter quel'hymne de Mhul comme celui de Rouget deTlsle, comme cette ardente Carmagnole, qui faitencore palpiter nos curs, sont des appels aumassacre, des odes guerrires la louange dela destruction, du meurtre et des nationalits. Latrompette guerrire, le son du canon, le cri aux182 LETTRES FAMILIERESarmes , la haine et rhomicide y grondent avecfrocit; le pan de la mort agite leurs drapeaux.Ce n'est pas un tel chant qui convient auxluttes fraternelles du socialisme, la conqute dela terre par la Justice, par la Raison et parTAmour.Comment le peuple de Paris a-t-il adopt lachanson de Pottier, en cet aprs-midi mmorable,o tous, femmes, enfants, ouvriers, potes,vinrent saluer en masse la Rpublique de Dalou,Rpublique proltarienne aux bras chargs d'piset que tranent des lions ? Nul ne le saurait dire.Certes, le Soleil Rouge,\di noble musique de Marcel Legay, d'un souffle gnreux et puissant,mritait davantage un pareil honneur. Mais leschansons ont leur destin , comme dit la romanceidiote de Tagliafico. Et ce destin fut propice 17ternationale, reflet incolore du Chant des Ouvriers,l'ode immortelle de Pierre Dupont.Vos injures, la haine des pieds plats qui veu-lent interdire aux instituteurs d'enseigner lapaix, la concorde et l'humanit, vont impartirune splendeur nouvelle notre air de ralliement.Vienne le pote qui formulera dans une uvreperdurable, dans un mtre dfinitif, l'me de laRvolution balayant Tgout le Christianismeet la Richesse, colonnes infmes de l'obscurantisme contemporain! Mais, en attendant, vieilA MONSIEUR PUGLIESI-CONTI 188Eugne Potlier, nous redirons tes stances rugueuses. Elles conquerront pour nous TEldoradoprochain de Thumanit fraternelle, de cette Marianne qui les entendit gronder pour la premirefois, de la Marianne des Pauvres et des LibresPenseurs, de la Marianne qui sme du pain etsourit la foule, au pas harmonieux des fauvesasservis.A MONSIEUR JOURDANVALET DE BOURREAU A SAINT-QUENTIN4 septembre igoS.Vous occupez, monsieur, l'trange emploi d'inquisiteur civil, disposant comme il plat voshaines, comme il profite vos ambitions, de lalibert, de la vie et de l'honneur des citoyens.Vous cachez sous votre robe les abus les plusinfmes de Tespionnage, de la calomnie et de lamchancet juridique. Vous avez cong de nuire,de mentir, de propager la douleur autour de voussans que nul contrle mette un frein vos caprices les plus ineptes ou les plus sclrats. Idoleirresponsable, votre pouvoir sinistre n*a de bornes que la raison, Tquit dont vous a pourvul'ducation ou la nature.Ceux de vos pareils qui gardent encore desentrailles humaines sous la grotesque simarre etA MONSIEUR JOURDAN 185la chie-en-lit du magistrat, ceux dont la conscience n'est pas oblitre jamais par Tempoisonnement des Jsuites, par Tgosme du mondebourgeois, peuvent la rigueur vaquer leurbesogne sans abus ni prvarication, et donnerquelques moments la recherche de la vrit.L'amour des faibles, l droit des malheureux,toute cette justice que le prsident Magnaud proclame la face des exploiteurs en dpit de sesconfrres acharns l'oppression des victimes trouve quelque audience dans les prtoires, oTesprit chrtien et la sagesse capitaliste n'ontpoint d'accs.Vous, monsieur, loin de faire effort pour atteindre ces hautes clarts, vous employez leplus net de vos labeurs propager l'imposture,paississant la nuit autour des infortuns quevous dsigntes pour les sacrifices juridiques.Vous avez le cachot, vous avez le secret, vousavez la guillotine. Vous jouez en artiste consomm de cette lyre. Vous tes le pourvoyeurtenace et frntique de M. Deibler.Au moment de vos noces, vous avez mis dansla corbeille, par faon de morgengabe, l'pouse,la libert de deux klephtomanes qui, depuis uneanne, croupissent en cellule, attendant votre186 LETTRES FAMILIBESbon plaisir. Vous avez trouv le moyen de choirplus bas que ces voleuses, tandis que pommad,vernis, la bouche en cur et l'air bte du philistin qui convole sans remords et sans crainte, vousalliez toucher avec la dot les prmices de lafemme qui porte votre nom.Votre chef-d'uvre, nanmoins, ne fut pasl'incarcration des tire-laine prises la gare deSaint-Quentin. C'taient de pauvres larronnessesqui ne mritaient, en aucune faon, les hommagesprodigus sans relche par les Hommes noirs la famille Humbert. L'affaire Loizemant taitdigne de tout votre zle : ce fut votre batailled'Austerlitz.Faire dcapiter un innocent, torturer d'honntes femmes, le tout pour complaire aux mespieuses, aux clergs, aux cercles catholiques deRibemont, c'tait un coup de matre qui ne pouvait qu'aider votre avancement. Le profit qu'onen retire ne rend pas moins dlectable une actioninfme, et la robe rouge, aprs l'excution de Tinfortun rat-de-cave, n'tait pas une perspectivepour vous induire le mnager. A la chambredes mises en accusation de Douai disculpantFlamidien, la Cour d'assises de l'Aisne envoyantun innocent l'chafaud, quelle rplique majestueuse, quelle fte pour les marchands d'eucha-ristie et les grossoyeurs de jugements!A MONSIEUR JOURDAN 187Quesnay de Beaurepaire, propos de l'affaireDreyfus et de !' inutilit des preuves , se glorifiait nagure d'avoir fait condamner Pel, l'horloger de Montreuil, accus d'avoir occis, puis incinr sa servante, encore que Taccusation n'etpas retenu un seul tmoignage concluant, et seulement parce que lui, Quesnay, le badaud, le mystifi de Karl, gardait sans nul motif plausible lahaine du pauvre homme et la persuasion de sa culpabilit. Ces choses peuvent s'crire dans un journal tir de nombreux exemplaires, leur auteurhabiter place Possoz et dambuler chaque jour,sans que l'indignation publique ventrece bandit.Vous tes peut-tre moins sot que le Beaurepaire ; mais vous n'tes pas moins excrable quelui. On vous dpeint comme une sorte de malade,jaune, souffrant, tortur par une hypertrophie dela vsicule biliaire, en proie aux vautours de la jalousie et des coliques hpatiques. La pierre deCalvin, la fistule de Louis XIV ont allum vingtbchers ; le labeur de vos digestions rclame, detemps autre, une hostie expiatoire. Votre mchancet gurira peut-tre avec une bonne placeet des doses de calomel.Puget, votre confrre en iniquits, Puget,l'ennemi des Diaconales, de Jean Lorrain, de188 LETTRES FAMILIRESCharbonnel, de Tartiste magnifique et du penseurardent, condamne pour se venger de dboires intimes. Quand il a mis aux fers quelque pauvrediable, sa pelisse de loutre lui semble moinspesante, et les nargues du barreau un peu dulcores.Loizemant innocent, le jury confondu, les calomniateurs catholiques, le clerg retournantdans la boue, lment quidditif de ces gredins,que fera de vous la vindicte publique ?On dplore le temps humain o nous vivons,l'absence du bourreau chinois pareil celui duJardin des Supplices : Testrapade, Tessorillement,le brodequin, la question de Teau et du froidmortell dcrits dans r Homme qui rit^ seraientde trop douces reprsailles pour celui qui prostitue son intrt ou ses rancunes la majest dela Loi ; qui, refusant de chercher la vrit d'uncur humain et d'un esprit impartial, fait entrerla nuit chrtienne, le mensonge, l'imposturedans le calme asile du droit, dans le temple os'labore la civilisation.A L'EX-AMIRAL MARCHALIMPOSTEUR3 octobre 19O3.Vous occupez, monsieur, la grande vedette. Lessalles de rdaction placardent votre image quedonnent, leur tour, les feuilles illustres. Vous faites la pige au meurtre de Foufou. Lesgens qui vont au caf pour aiguiser leurs intelligences par l'absorption des petits verres et lesjeux de cartes les moins rcratifs, ont toutloisir d'ajouter leurs chopes et leurs dominosla contemplation de votre face claques, sousun chapeau du mme nom. Que dis-je ? lesreporters attachs au Kodak ont, pour la circonstance, dcouvert le Fleuve Bleu o Li-ta-pse plut cueillir des nnuphars ; Tinstructionde ces jouvenceaux n'ayant d'autre borne queles dix-neuf in-quarto du Larousse, contrepointsdes supplments.190 LETTRES FAMILIRESCe visage, que produisent les papiers publics,ne rappelle que d'une faon indistincte les traitssuperbes de Nelson, la face rsolue et calme deRuyter, le mufle hroque de Jean Bart.Dmaillot de votre habit, de vos galons, de vospaulettes, de vos crachats, de votre ceinture etde votre bancal, vos beaux favoris poivre et seltombs sous le rasoir, vous brilleriez d'un clatsans second parmi les vieux messieurs queBrunetire difie et que confesse le P. du Lac,pendant les brefs loisirs que lui donne la famillede M. Chaumi. Les yeux faux et papillotants,les paupires blettes du sycophante, la boucheen coup de sabre, les lvres exsangues du bureaucrate constip, le menton sans carrure du lcheet les oreilles asinaires du cafard, vous offrez untype grandement signaltique du guerrier desacristie, admirable dans la dlation, triomphaldans le mensonge, expert dans le faux en critures tant prives que publiques, et servantla messe avec autant de dsinvolture queTabb Fougeray, maillotin concordataire, ou queFlamidien, chaste ducateur du petit Foveau.Car vous appartenez ce corps si difiant des maritimes , dont Olivier Seylor, en un livremieux pens qu'il n'est crit, a dvoil nonseulement les petites complexions, les gotshtrognes, les histoires de femmes, l'attachement au catholicisme et le perptuel besoin deA l'ex-amiral marchal 191trahir la Rpublique, mais encore les histoiresd'avancement, les intrigues, les papiers vols ettout ce qui s'ensuit. Vous tes le digne frrede Cuverville, copain de TArchange Michal,dont un gouvernement trop bnin s'obstine dtourner les trivires ; vous tes le cousin nonmoins digne de Mercier le faussaire, de Mercier,pourvoyeur.de l'Ile du Diable, si laid, si infmeet si rpugnant, qu'on le prendrait pour Quesnayde Beaurepaire costum en soldat. Vous n'avezpas gagn la moindre bataille . Vous n'avez fait,de votre vie, un geste militaire. Vous receveztout naturellement les dsaveux les plus formels;car, ayant mouchard comme un espion, vousmentez comme un laquais et vous acharnezaprs votre victime ; alors mme que vos dentscasses ne vous permettent plus de mordre, vousaboyez dans le chenil nationaliste avec toutela chiennaille suranne, depuis Boubou, le dogueinfirme, jusqu' Lematre, le bichon dcrpi.Dans cette lamentable histoire de la pauvresuicide, qui a voulu chapper aux mauvaistraitements, sinon aux tendresses rpugnantesd'un barbon enrichi, vous avez rendu au commerant, au bourgeois opulent de Tourane, un service que les entremetteurs de Plante ou les valetsde Molire eussent jug fort au-dessous d'eux.Lchement, car, lve des jsuites, vous necombattez jamais en face un adversaire dont le192 LETTRES FAMILIERESpoing est susceptible d^endommager votre beluniforme ou votre pithlium non moins prcieux, vous avez dfr au conseil de guerre lelieutenant Hrou. Certes, il vous agrait de complaire r oncle de la victime . Hrou s'taitrendu impossible sur son bateau; tous les officiers ou la plupart lui tournaient le dos, encoreque vous eussiez fait le ncessaire pour rabibocher rharmonie entre ces messieurs . C'est vousmme, amiral, qui parlez ce beau style ! Hroun'tait pas clrical. Hrou sefvaitde bon cur legouvernement qui le paie. 11 se mlait des affairesd'une malheureuse fille, spare des siens parl'paisseur du monde. 11 dfendait le faible contrele fort, en opposition avec les principes du clerg,des colonels, du faubourg Saint-Germain et desgarons de Barillier. Ce gaillard prenait au srieux les mots de civisme, d'humanit, de piti.Cet officier tait capable de tout, mme d'avoir ducur dans une tempte ou dans un combat naval.De telles choses sont intolrables. La marine,confrrie o les lves des Jsuites font les plusbeaux mariages, ne saurait admettre ces comportements. Il sied que l'ordre prvale. Un amiral,en Chine, est une sorte de vice-roi dont l'uniquedevoir est de fortifier les dprdations des missionnaires, de garder leur butin et d'assurer, entout temps, aux Hastings de la Calotte, unermunratrice impunit.A l'ex-amiral marchal 193Et voici que Pelletan, un civil, un homme quine se peigne pas (c'est Balthy et ses revuistes quil'affirment chaque soir), un journaliste, unhomme qui sait la grammaire et ne mchonneaucune varit de patentres, un propre--rien aucourant de la navigation, de la charpente et deTarmement des vaiss3aux, un brouillon quiregarde les mathurins comme autre chose qued's esclaves, qui demande aux officiers la mmediscipline qu'au premier venu de leurs subordonns, voici que Pelletan drange les coupsmarmitonns par vos soins et vous empchede danser en rond.Il serait injuste de vous accuser d'avoir, en cetteconjoncture, manqu d'audace et d'-propos. La prsence d'esprit est, de toutes les choseshumaines, la moins prsente, affirmait Rivarol,qui, cependant, n'avait pas se plaindre. Quant vous, amiral, vous ftes le champion de la prsence d'esprit. Vous etes, dans les antichambres,dans les rdactions, tous les mouvements qui conviennent pour accabler un adversaire endormi.Ce n'est pas votre faute si l'incident de Touranea fus comme de la poudre moite au lieu d'clater en bombes vengeresses dans l'immeuble de laplace Beauveau et sur la table de Colbert.Vous ignorez apparemment la tactique navale;mais celle de la calomnie a, depuis longtemps,dvoil pour vos yeux ses arcanes les plus secrets.13194 LETTRES FAMILIERESDepuis le macrobe de Montlimar, qui se paie uachiteau sur ses conomies, jusqu' M. AlphonseHumbert, qui manque habituellement de cinquante centimes, vous avez effectu autour des^chefs ractionnaires un priple moins ais quecelui du Yang-ts-kiang. Et vous voil, dsormais,comme un domestique sans place, contraint biner des choux, marcotter des illets, greffer des poires sur le tronc de l'arbousier : insrerDaphni, piros ! moins que vous ne prfriezvous asseoir au Luxembourg, parmi les paves,,et donner au grand Calomniateur de Rennes^l'appui de votre solidarit.Vous tentez une suprme dlation ; vous prparez au rebelle un coup de Jarnac o se platvotre noirceur et votre hypocrisie, un chtimenthirarchique man de M. Pelletan lui-mme,qui tomberait sur Hrou que vous accablez etqui vengerait Hourst que vous dfendtes.Mais voil. Vous n'tes plus amiral franais que pour un nombre de mois trs limit. Vosvengeances diminuent chaque jour comme la peau de chagrin par Balzac imagine. Officiercagot, pusillanime et rapporteur, demain, vousserez promu au grade platonique de vieuxmonsieur, ne pouvant esprer les longs joursd'infamie et de carnage du glorieux Marchand. Vous tes mr pour la petite voiture,,pour l'tat de marguillier.A VICTOR-EMMANUELROI D* ITALIEi5 octobre 1908.Sire, vous voil donc Paris, dans cette mmeFrance, qu'aux jours de votre pubert, avant quele stylet de Bresci et lev le prince de Naplesau trne d'Umberto, vous teniez en une telle dfaveur qu'il n'tait pas licite de jouer Moliredevant vous.Les boutiques se pavoisent. Les marchands delimonade arborent tout ce qu'ils ont de flammes,de pennons, de bannires, comme si dans leursveines le propre sang d'Humbert-aux-BlanchesMains coulait une pourpre fodale. Sur le boulevard, o La Jeunesse imite d'un zle soutenu lespropos d'Anatole France, entre les marronniers qui la temprature des sous-sols accorde unnouveau printemps, les hampes municipales degueules, de sinople et d'or juxtaposent la croix196 LETTRES FAMILIERESpatte des ducs de Savoie aux tendards bleublanc-rouge de la troisime Rpublique. Les gazettes regorgent de dtails, d'anecdotes sur VotreMajest, C'est, dans un infini dtail, le menu devos amusements protocolaires, des pas que vousfaites, des musiques et des speeches que vous endurez avec le scrupuleux tat des nourrituresque les contribuables ont Tinsigne honneur desoumettre vos dgustations. Ils trempent dansTeau des rince-bouche, les calmes ilagorneuxdes jeunes chotiers !Les calicots du Printemps, Bailby, Massard etMillevoye; Edouard Drumont, tenancier de laLibre Parole; Arthur Meyer, greluchon repentides cocottes de l'Empire; Cassagnac, le roi ngrede rtable catholique, font trve, pour un instant, au malotru de leurs discours. Les insultesdont ces goujats que l'aspect d'un souverainjette croppetons dans la gadoue avaient accueilli Edouard VII, n'escorteront pas votrepompe dambulatoire. La Ligue des Poires embellit de foin nouveau la statue de Strasbourg etcravate de rubans meraude les petites malproprets de la place de la Concorde.Vous tes persona