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L'ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE EN CLASSE DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Marie-Christine Fougerouse Klincksieck | « Ela. Études de linguistique appliquée » 2001/2 n o 122 | pages 165 à 178 ISSN 0071-190X Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-ela-2001-2-page-165.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Klincksieck. © Klincksieck. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 129.45.26.73 - 18/12/2018 19h52. © Klincksieck Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 129.45.26.73 - 18/12/2018 19h52. © Klincksieck

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L'ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE EN CLASSE DE FRANÇAISLANGUE ÉTRANGÈREMarie-Christine Fougerouse

Klincksieck | « Ela. Études de linguistique appliquée »

2001/2 no 122 | pages 165 à 178 ISSN 0071-190X

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-ela-2001-2-page-165.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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L’ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE ENCLASSE DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE

Résumé : En didactique de la grammaire, l’heure n’est plus au dogme unique,à l’application d’une quelconque théorie. Pour entrer dans la classe de FLEafin de cerner la matérialité de cette situation, nous avons recueilli desdonnées auprès d’enseignants. Notre analyse des caractéristiques dominantess’organise autour de trois pôles : la place de la grammaire, sa présentationet le matériel didactique utilisé. Il ressort que c’est la composante linguis-tique qui occupe le plus de place en cours, que les démarches sont variées,que les enseignant tendent vers l’enseignement d’une langue authentique ensituation, que les apports documentaires personnels se substituent progressi-vement au matériel constitué.

Actuellement, il s’avère bien difficile de se faire une idée précise despratiques en usage dans les classes de FLE en ce qui concerne l’ensei-gnement de la grammaire. Cette composante linguistique, qui a connu unepériode de disgrâce, une sorte de passage à vide dans les années soixanteet soixante-dix, semble revenue en force aujourd’hui dans la classe delangue. Ce retour démontre qu’elle est incontournable pour quiconqueveut apprendre à communiquer en français. À l’heure où l’éclectismeparaît légitimé, les pratiques les plus hétérogènes se côtoient. Certainsenseignants, très marqués par la grammaire notionnelle/fonctionnelle dansla lignée du Niveau-seuil et d’Archipel, pratiquent un enseignement fondésur le sens ; d’autres, peu convaincus par ces méthodes, sont revenus àune approche beaucoup plus traditionnelle ; d’autres encore, dans le doute,tentent de concilier les extrêmes, partagés entre l’attrait pour unedémarche onomasiologique et l’influence d’une grammaire (très) tradi-tionnelle qu’ils connaissent et maîtrisent bien. Au milieu de cette confu-sion, il est difficile de dégager quelques lignes directrices porteuses d’unecohérence génératrice de principes eux-mêmes cohérents pouvant donnerlieu à des pratiques de classe plus unifiées, sécurisantes pour l’enseignantcomme pour l’apprenant.

Afin d’avoir une idée plus précise sur la façon dont s’enseigne aujour-d’hui la grammaire dans les classes de FLE en France, nous avons élaboréun questionnaire destiné aux enseignants (cf. annexe). Notre recherche

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s’oriente dans trois directions : la place de la grammaire parmi les autrescomposantes linguistiques, les démarches suivies pour sa présentation, etenfin le matériel privilégié pour l’enseignement. Ce questionnaire a étécomplété par trente enseignants en activité dans des écoles de langues enprovince et à Paris 1. Cette étude ne prétend pas à l’exhaustivité ; elle sertseulement à dégager des tendances parmi lesquelles nous retiendrons lespoints les plus significatifs. De plus, il est évident que la grammaire fonc-tionne en synergie avec les autres composantes de la langue ; en ce sens,enseignants et chercheurs éprouvent des difficultés à l’isoler dans unevisée analytique. Élaborer un questionnaire diffusé auprès d’enseignantss’avère de facto quelque peu artificiel, mais néanmoins incontournable.

D’après notre enquête, il apparaît que l’enseignement du FLE est uneprofession fortement féminisée où l’âge moyen des enseignants se situeentre trente et quarante ans. Par ailleurs, les deux tiers ont une formationspécialisée en FLE et une expérience moyenne d’enseignement allant dehuit à quinze ans. Tous ont actuellement en charge un groupe dont lesniveaux varient de débutants à perfectionnement.

I. LA PLACE DE LA GRAMMAIRE DANS LA CLASSE DELANGUE

Pour les enseignants, la grammaire est la composante linguistique qu’ilsestiment la plus importante en classe de langue, avant le lexique, la civili-sation et la phonétique 2. À l’aube du nouveau millénaire, il semble bienque le rejet dont elle a souffert durant la période rigide de l’approchecommunicative ne soit plus à l’ordre du jour. Même s’il est incontestableque l’apprenant apprend à communiquer en communiquant, il ne peut néan-moins se passer de grammaire dans les pratiques langagières. Tout sedéroule comme si la grammaire redevenait un passage obligé pour l’ensei-gnement du français. Toutefois, il ne faut pas en conclure que cette dernièreserait l’unique objet de l’enseignement, car il est précisé que la compré-hension et l’expression orales sont également importantes. Cette remarqueest d’autant plus significative que ces composantes n’étaient pas proposéeset qu’un enseignant sur trois a pris soin de le préciser. Dans leur esprit, ilexiste une relation évidente entre un enseignement (/apprentissage) formelde la langue et la mise en pratique des formes dans des situations decommunication essentiellement orales. Les enseignants de FLE appliquentle principe de l’approche communicative selon lequel l’apprentissage de lalangue passe par des pratiques communicatives en langue cible, mais avecde la grammaire. Dans le cadre de la classe, cette dernière est ancrée dansune réalité textuelle et contextuelle : il cesserait d’y avoir une coupure entreemplois et formes, on tendrait enfin vers la complémentarité.

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1. Il s’agit d’une analyse qualitative et non quantitative.2. Le questionnaire étant intitulé « La grammaire dans la classe de langue », le choix a étépeut-être un peu guidé.

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Ce retour en force de la grammaire dans la classe de langue paraîtcorrespondre aux attentes des apprenants, car c’est elle qui suscite le plusd’intérêt de leur part. Elle devance le lexique et la civilisation, la phoné-tique n’apparaissant pas comme primordiale. Il y a donc correspondanceentre ce qu’attendent les apprenants et ce que proposent les enseignants 3.Cependant, il faudrait éviter de tomber dans l’écueil d’un enseignement dela langue toujours plus grammaticalisé sous prétexte que les apprenantssont enthousiastes et en réclament davantage. Il semble que les ensei-gnants, sous la contrainte de la demande, ont été obligés de réintroduirede la grammaire dans leur enseignement. Cette réintroduction s’est faiteau détriment d’une ou plusieurs autres composantes qu’il est difficile dedéfinir avec certitude. Tout au plus pouvons-nous émettre l’hypothèse quela pratique de l’oral est moins présente, même si elle est indispensablepour parvenir à la maîtrise du français.

Il convient d’autre part de s’interroger sur les causes de cette recon-naissance de la valeur de la grammaire par les enseignants comme par lesapprenants. Peut-être leur apporte-t-elle un sentiment de sécurité. Lorsquel’apprenant prend connaissance d’une nouvelle règle de grammaire, il al’impression de maîtriser une partie du système linguistique, même si leréemploi dans des situations de communication ne va pas toujours de soi.Pour un apprenant en français, apprendre la grammaire, même avec uneapproche traditionnelle, c’est parvenir progressivement à appréhender lalangue. Il la perçoit comme un élément de stabilité parmi le nombre plusou moins élevé de réalisations langagières potentiellement possibles pourun acte de parole. Ce dernier étant lié à la situation de communicationentendue au sens large, il n’est pas aisé – ni d’ailleurs souhaitable – deproposer un inventaire exhaustif que l’apprenant apprendrait par cœur.L’enseignant, conscient de ces limites mais aussi de la nécessité deprendre appui sur ce qui lui semble le plus stable dans la langue, intègrela grammaire dans son programme de cours. Il reste cependant à déter-miner dans quelle proportion.

D’après les déclarations des enseignants, le temps consacré à la gram-maire en classe de FLE varie entre 20 et 70 % du cours ! Ces donnéessont à nuancer : seul un enseignant sur cinq dit faire de la grammairependant 60 à 70 % du temps de classe ; la même proportion en faitpendant 20 %, les autres se répartissant entre 30 et 50 % du temps decours. Ces résultats orientent malgré tout sur l’impression d’un enseigne-ment du FLE fortement grammaticalisé. Nous nous interrogeons sur letemps disponible pour l’enseignement des autres composantes linguis-tiques. Notons que les enseignants qui font de la grammaire seulementpendant 20 % du temps – soit 12 minutes par heure – proposent un ensei-

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3. Lors d’une étude menée entre 1995 et 1997 (cf. Thèse de doctorat, pp. 407-409), nousavions remarqué la même chose.

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gnement plus équilibré. Par ailleurs, il serait judicieux de connaître plusprécisément les représentations de l’enseignant quant à la « grammaire enclasse » : s’agit-il seulement de la présentation et de l’explication d’unpoint, c’est-à-dire de grammaire au sens restreint ? Est-il question d’unprocessus plus vaste qui regrouperait l’observation, la réflexion, laconceptualisation et la contextualisation des formes linguistiques ? Selonles réponses, les temps indiqués n’auront pas la même signification.

Au vu de ces résultats, nous dirons qu’il ne faudrait pas que la gram-maire prenne une trop grande place en classe de FLE. À trop vouloirrépondre aux attentes des apprenants, les enseignants risquent de tomberdans le piège d’une focalisation excessive sur la grammaire, alors quecelle-ci ne garantit pas nécessairement une bonne compétence communi-cative orale et/ou écrite en français.

II. LA PRÉSENTATION DE LA GRAMMAIRE EN CLASSE

Dans la classe de FLE, le cours de grammaire s’organise autour d’unmélange de grammaire traditionnelle et notionnelle-fonctionnelle, la gram-maire textuelle n’étant pratiquée que par un enseignant sur trois. Ceconstat révèle qu’une démarche issue de l’approche communicative,fondée sur le sens, est entrée dans la classe de langue soit par le biais deslectures en didactique, soit par la formation initiale et/ou continue. Lagrammaire n’a peut-être pas été réintroduite en classe sous son aspect leplus traditionnel. Un amalgame est nécessaire pour proposer à l’apprenantdes procédures lui permettant d’acquérir un réel savoir et surtout unsavoir-faire en français. Cette association entre deux types de grammairedevrait logiquement conduire à des pratiques de classe rénovées qui accor-dent davantage de place à l’expression en situation. La présence de lagrammaire traditionnelle montre que son utilité est reconnue par les ensei-gnants. Il semble qu’il soit difficile de s’en passer ; en effet, des tentativesde description du français comme celles de Un niveau-seuil n’ontrencontré que peu d’échos sur le terrain. La grammaire traditionnelleserait très présente dans l’enseignement du français pour un publicétranger ; les enseignants considéreraient donc que cette description estpartagée par tous.

Cette empreinte traditionnelle toujours prégnante dans les pratiquesd’enseignement se retrouve logiquement dans le métalangage : les ensei-gnants admettent faire usage d’une terminologie traditionnelle. Par contre,un tiers d’entre eux précise utiliser le métalangage « le plus simplepossible ». Ce souci est le reflet d’une préoccupation : les enseignantscraignent de ne pas être compris par leurs élèves, et sont donc contraintsà une simplification maximale. En effet, dans la classe de FLE, il sembleà peu près reconnu par tous que les procédures explicatives doivent êtreadaptées à ce public spécifique, et elles diffèrent par conséquent de cellesdestinées à des locuteurs natifs. Les enseignants sont constammentpartagés entre ce qu’ils connaissent et maîtrisent le mieux, à savoir lagrammaire traditionnelle, et le souci permanent de s’adapter à leurs

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élèves. Enseigner la grammaire en FLE ne peut se résumer à un cours delinguistique. Il s’agit avant tout de reformuler un savoir adapté auxbesoins et aux capacités de l’apprenant de sorte que l’explication proposéene soit pas plus complexe que le point étudié. Toutefois, la simplificationmétalinguistique ne doit pas provoquer un simplisme et un manque derigueur à la fois réducteurs et/ou caricaturaux, conduisant l’apprenant àune impasse.

Afin de contourner les difficultés liées à l’usage d’un métalangage troptraditionnel, les enseignants auraient pu proposer une démarche inductive.Dans ce cas, les exemples contextualisés permettent aux apprenants d’éla-borer leurs propres règles. Or, d’après notre enquête, la pratique de lagrammaire inductive demeure minoritaire : les deux tiers des enseignantslui préfèrent la démarche déductive. Nous constatons malgré tout unealternance entre les deux en fonction du point étudié et du niveau desapprenants. Cette combinaison de démarches traduit un souci permanentd’adaptation à la classe. Elle favorise également un changement de rythmepropice à briser une monotonie peu bénéfique à la concentration de l’ap-prenant 4. Un tiers des enseignants pratiquent un enseignement implicitede la grammaire, mais jamais de façon exclusive : il est associé auxdémarches déductives ou inductives. Ils demeurent attachés à l’énoncéclair de la règle grammaticale, de manière, pensent-ils, à être mieuxcompris et éviter les confusions.

Cette préférence marquée pour la démarche déductive se retrouve dansles étapes suivies en classe pour le traitement d’une question grammati-cale. Les enseignants savent définir et caractériser leurs démarches tantd’un point de vue synthétique qu’analytique. Pour quatre enseignants surcinq, l’introduction d’un point de grammaire se fait par le biais d’un docu-ment dont la nature n’est pas toujours précisée (oral, écrit, documentauthentique,…). Nous en déduisons que pour eux le sens prime sur l’as-pect formel : une forme est d’abord abordée en contexte, avant d’êtreisolée puis analysée. Cette attitude révèle que dans les années 90, lesenseignants ne se sont pas contentés de réintroduire de la grammaire sousune forme traditionnelle dans la classe ; ils ont également compris etintégré l’importance du sens dans la communication. L’approche commu-nicative a donc laissé sa marque dans les pratiques de classe.

Parallèlement, dans les démarches décrites, plus d’un tiers des ensei-gnants passent par un réemploi en production (orale et/ou écrite) dans ladernière étape. Le souci de faire découvrir une forme en contexte, puis devérifier si l’apprenant l’a effectivement intégrée dans son système intério-risé démontre que la grammaire ne peut désormais être considérée commeune composante linguistique pouvant fonctionner seule. La situation decommunication fait partie intégrante du processus d’apprentissage de la

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4. Certaines méthodes de langue (comme Le Nouveau Sans frontières) misent au contraire surla régularité dans la présentation et dans les démarches, dans le but de sécuriser l’apprenant.

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grammaire. Les enseignants reconnaissent le lien étroit entre les deux : lasituation de communication sert à introduire le point puis à le réinvestir.Nous en déduisons que les enseignants entendent le terme « grammaire »dans un sens relativement large, ce qui nous amène à reconsidérer letemps passé à faire de la grammaire en classe : les temps moyens relevésn’apparaissent plus aussi imposants, car les différentes composanteslinguistiques sont imbriquées ; tout fonctionne en interrelation, et leslimites entre chacune ne peuvent être définies d’une manière aussi rigou-reuse que par le passé.

Entre un point de grammaire introduit dans un document et son réin-vestissement dans une production guidée tendant vers l’authentique, lesenseignants ne se contentent pas de dicter des règles : ils font égalementréfléchir les apprenants sur les formes à partir d’un corpus. La grammairen’apparaît plus désormais comme la composante linguistique sur laquelleseul l’enseignant possède un savoir qu’il doit transmettre. Il devient unmédiateur pour l’apprentissage. L’apprenant est considéré comme un êtreintelligent qui sait réfléchir sur la langue et qui s’exprime. De plus, lesexercices de conceptualisation grammaticale sont entrés dans la classe delangue. Les deux tiers des enseignants disent les pratiquer, même si cen’est pas systématiquement. Ceux qui n’en font pas évoquent le manquede temps et le faible niveau de connaissances métalinguistiques de leursapprenants en langue maternelle 5. Ils n’en nient pas la pertinence mais ilss’adaptent à des contraintes et à leur groupe. Pour la majorité, la concep-tualisation grammaticale est considérée comme nécessaire et essentielle àla mémorisation. Pour l’enseignant, solliciter la réflexion de l’apprenantest un moyen de s’assurer de ce qui est compris. Cette manière deprocéder présente une alternative à l’emploi du métalangage traditionnel,ce dernier n’étant pas absolument transparent et universel. Les enseignantsen FLE acceptent de sortir de leur rôle de détenteur du savoir linguistiquepour aller vers le savoir partagé. De plus, ils considèrent qu’une règle estmieux intégrée par l’apprenant lorsqu’il a réfléchi sur un corpus et parti-cipé à son élaboration, même s’ils procèdent ensuite eux-mêmes à unereformulation.

En classe, dans les étapes suivies pour la grammaire, les enseignantsinsistent fortement sur la présence de la règle et des exercices. Lorsquel’on parle de grammaire, ces deux éléments s’imposent comme desévidences. Les exercices visent à mettre en application la règle pour systé-matiser les formes et mesurer la compréhension. Dans un premier temps,il s’agit d’exercices de simple manipulation, non contextualisés, desformes linguistiques.

L’enseignement de la grammaire se fait donc selon une démarche quisuit les étapes suivantes avec trois variantes (1, 2 et 3) :

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5. Pour H. Besse, cette dernière considération constitue en effet un frein à l’usage des exer-cices de conceptualisation.

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6. Les éléments entre crochets correspondent à ce qui est optionnel dans les démarchesdécrites.

1. Document (oral ou écrit)

Corpus

Réflexion collective

Règle

[Exercices d’application] 6

[Production (orale/écrite)]

2. Document (oral ou écrit)

Point de grammaire

Règle

[Exercices d’application]

[Production (orale/écrite)]

3. Énoncé de la règle

Explication

[Exercices d’application]

[Production (écrite/orale)]

Les démarches sont plus ou moins détaillées, ce qui signifie que pourchacun « faire de la grammaire en classe de langue » renvoie à desréalités différentes. Toutefois, la règle (énoncée par les apprenants et/oules enseignants) est un passage obligé.

La notion de « règle grammaticale » en classe de FLE ne doit pas êtreinterprétée comme l’équivalent de règles pour le français langue mater-nelle (FLM). En FLE, les enseignants avancent de manière très progres-sive. En effet, plus des deux tiers donnent la règle approximativerectifiable par la suite, ou une partie de la règle uniquement. Seul un quartn’hésite pas à donner la règle complète. Il convient de nuancer cesdonnées en fonction du niveau des apprenants et de la complexité du pointétudié. Aux niveaux avancé et supérieur, les apprenants ont besoin deprécision et apprécient de faire le point complet sur une question gram-maticale, alors que des débutants ou des faux-débutants n’ont pas toujoursles moyens d’assimiler l’explication complète. Dans ce cas, l’enseignantpréfère y revenir à d’autres moments de l’apprentissage, ce qui expliqueles choix majoritaires en faveur d’une règle incomplète. Même si laréflexion linguistique du groupe sur le corpus est pertinente, l’enseignant,en dernier ressort, formalise la règle (ou une partie). Seul un sur cinq faitconfiance aux apprenants et ne revient pas sur la règle élaborée par laclasse : il considère sans doute qu’elle est suffisamment précise et prochede ce qu’il pourrait lui-même proposer, et qu’il vaut mieux passer direc-tement alors à des applications plus ou moins guidées pour en vérifier lacompréhension. En classe, pour la grammaire, tout se passe comme sil’enseignant laissait momentanément la main à l’apprenant pour revenirensuite à une répartition plus traditionnelle des rôles.

En ce qui concerne l’ordre dans la présentation des contenus linguis-tiques, les enseignants reconnaissent bénéficier d’une certaine liberté d’or-ganisation. Plus des deux tiers ne suivent ni une progression donnée, niune méthode de langue, mais leur propre progression. Les progressionsproposées par les manuels de FLE ne font que peu recette, même si ellessont destinées à faciliter la tâche des enseignants. Cette liberté de choix

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met également en lumière le peu de contraintes exercées par les Écoles delangues, qui font confiance à leurs enseignants tout en exigeant en retourune garantie sur la qualité des cours dispensées. Cette liberté est donctoute relative…

III. LES OUTILS POUR LA GRAMMAIRE

Enseigner la grammaire en classe de langue suppose de la part de l’en-seignant – qu’il soit locuteur natif ou non – une connaissance assezpoussée des mécanismes du français. Cette connaissance n’est bien sûr pastransférable directement en classe de FLE. Une étape de réflexion surl’ensemble du système grammatical est indispensable pour une adaptationaux nécessités du groupe-classe. Les apprenants n’étant pas des linguistes(sauf exception), ils attendent des explications qui leur soient accessibleset non des règles destinées à des natifs réfléchissant sur leur proprelangue. Cette dimension semble avoir été intégrée par les enseignants denotre échantillon, puisque tous – à une exception près – utilisent du maté-riel destiné à un public d’apprenants étrangers cherchant à acquérir lefrançais. Même le tiers des enseignants qui n’a pas de formation spécifi-quement FLE se sert de ces ouvrages.

Les ouvrages les plus prisés pour préparer la partie grammaticale d’uncours de FLE sont ceux que nous appellerons les « grammaires/exercices »,c’est-à-dire ceux qui proposent une alternance entre la présentation expli-cative d’un point et une série d’exercices visant l’entraînement et la véri-fication de la compréhension du mécanisme de la règle 7. Pourtant, leurscontenus s’avèrent parfois superficiels, car ils ont été conçus avant toutpour des apprenants. Les grammaires de FLE sont également consultées :elles délivrent une information plus concise, plus complète et adaptée aupublic 8. Les méthodes de langues constituent aussi, dans leur façon deprésenter la grammaire, des points de repères qui peuvent être utiles à lapréparation d’un cours 9. Un peu plus d’un enseignant sur cinq a recours àun dernier type d’ouvrages : les grammaires de référence pour Français 10.Ils pensent qu’il est parfois utile d’y aller chercher de l’informationcomplémentaire pour mieux dominer une question grammaticale en classede FLE.

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7. Du plus ou moins cité, nous retrouvons : la collection Grammaire progressive du français,niveau débutant (1997), niveau élémentaire (1995), niveau avancé (1997) de CLÉ international,puis la série Grammaire des premiers temps (1996), L’exercisier (1992), L’expression françaiseécrite et orale (1974) des Presses Universitaires de Grenoble.8. Il s’agit respectivement de la Grammaire du français : Cours de civilisation française dela Sorbonne (Hachette, 1991), de la Grammaire pour l’enseignement/apprentissage du FLE(Didier-Hatier, 1996), de la Grammaire vivante du français (Larousse, 1987), de la Grammaireutile du français : Mode d’emploi (Hatier, 1989) et du Français au présent (Didier, 1987).9. En général, les enseignants n’ont pas donné les titres précis.10. Les ouvrages cités sont : La grammaire d’aujourd’hui (Flammarion, 1986), La grammairepour tous (Hatier, 1997), Le bon usage (Duculot, 1993 [13e édition]) et la Grammaire du fran-çais classique et moderne (Hachette, 1962).

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La majorité des enseignants posséderait donc de solides bases en gram-maire française (du moins le pensent-ils), ce qui leur permet de se satis-faire des outils spécifiquement FLE, dont la vocation est plus pratique etpragmatique que strictement théorique. Il semble qu’ils recherchentdavantage des démarches de classe que des connaissances approfondiessur tel ou tel point.

Nous remarquons qu’ils sont relativement exigeants quant à leursattentes grammaticales dans les méthodes de langues. Pour un tiers d’entreeux, aucune ne correspond à leur conception de la grammaire. Peut-êtresont-ils en quête d’outils parfaits mélangeant les démarches, variant lespratiques et diversifiant les exercices. Nous avons noté que les notions derègles et d’exercices sont attachées à la grammaire, mais des variationssont possibles en ce qui concerne les étapes à suivre en cours. Desméthodes qui s’attachent à une cohérence et à une récurrence dans lesmêmes démarches ne peuvent pas satisfaire des attentes aussi variées.Deux méthodes se dégagent néanmoins : Panorama 11 et Cadences 12. Lapremière est à dominante traditionnelle dans sa présentation grammaticale,alors que la seconde tend davantage vers une grammaire notionnelle-fonc-tionnelle. Ces deux tendances reflètent les deux types de grammaire prati-qués en classe de langue, l’un et l’autre n’étant peut-être pas facilementconciliables au sein d’un même ouvrage.

L’analyse des cahiers d’exercices utilisés en classe de langue montre queles « grammaires/exercices » sont, ici encore, privilégiés 13. Les ensei-gnants se servent par conséquent des mêmes outils pour préparer leurscours et pour présenter les points de grammaire en classe. Un mêmeouvrage fait double emploi : il est le livre de référence documentaire pourle professeur, ainsi que le manuel utilisé pendant le cours pour travaillersur les formes. En comparaison, les cahiers d’exercices sans explications 14

et ceux qui fonctionnent en complément d’une méthode de langue 15 sontmoins prisés. Néanmoins les cahiers d’exercices, dans leur diversité deprésentation et d’approche, ne sont pas totalement satisfaisants, 20 % desenseignants n’en utilisant aucun. Ces enseignants-là ne cèdent pas à l’at-trait des produits finis à vocation universaliste ; ils préfèrent créer leurpropre matériel, qui sera plus adapté à leur cours et à leur groupe.

D’après les types d’exercices proposés aux apprenants, il semble queles enseignants utilisent les cahiers pour la systématisation des formes

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11. Panorama 1, 2, 3 (1996) et Panorama 4 (1998), CLÉ international.12. Cadences 1 (1994) et Cadences 2 (1995), Hatier-Didier.13. Nous retrouvons les mêmes ouvrages qu’auparavant (cf. note 7) auxquels il faut ajouter leCours de grammaire française : Activités niveaux 1 & 2 (Hatier-Didier, 1996).14. Il s’agit des collections « 350 exercices de grammaire » (Hachette, 1987-1992), « Entraînez-vous » (CLÉ international, 1991-1995) et « Premiers exercices de grammaire/Nouveaux exer-cices de grammaire » (Hatier-Didier, 1983-1985), de la Grammaire vivante du français,Exercices d’apprentissage (Larousse, 1990-1992) et de La grammaire autrement (PressesUniversitaires de Grenoble, 1984).15. Les enseignants n’ont pas toujours donné les titres précis.

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linguistiques, car les exercices les plus communs sont les exercices lacu-naires et les transformations. À l’examen des cahiers d’exercices gram-maticaux, ce sont en effet ces deux types qui sont largement privilégiés.En complément, plus de la moitié des enseignants proposent des exercicesde production orale et/ou écrite pour enseigner la grammaire. Ce type deproduction ne se trouve que rarement dans des cahiers d’exercices, et lesenseignants sont donc contraints de les fabriquer pour leur classe. Letravail se fait en cours (dans un premier temps) pour vérifier la compré-hension immédiate, ce qui est l’objectif des cahiers de « grammaire/exer-cices ». Apparemment, le plus souvent, des exercices sont aussi donnés àfaire à la maison pour fixer les formes et pour laisser davantage de tempspour les autres activités de classe. Il s’agit vraisemblablement d’exercicesde production écrite qui font appel à un effort individuel dans le réemploiguidé, et qui visent donc à dépasser la systématisation bien souventdécontextualisée des cahiers d’exercices.

Insatisfaits du matériel préfabriqué, les deux tiers des enseignants ontrecours à des documents authentiques et à des vidéos pour enseigner lagrammaire. Nous pouvons penser que les enseignants ont la volonté devarier les documents introductifs servant de base à l’élaboration de corpuspour la réflexion grammaticale. Ces recherches impliquent un surcroît detravail : il faut d’abord trouver des documents pertinents puis élaborer unedémarche pédagogique adaptée à un groupe donné. Au vu de tout le maté-riel destiné à la classe – il suffit de regarder les catalogues des maisonsd’édition pour s’en convaincre –, il est remarquable que les enseignantsfassent malgré tout preuve de créativité. Signalons également l’entrée del’Internet et de l’enseignement assisté par ordinateur (EAO) pour la gram-maire, ce qui témoigne de la diversité des ressources à la disposition desenseignants dans certains Centres de langues. Les nouvelles technologiessont susceptibles d’apporter dans la classe d’autres ressources diversi-fiées ; elles permettent en outre un travail en autonomie respectant lerespect du rythme d’apprentissage de chacun.

L’analyse de notre enquête montre que l’approche communicative amarqué les pratiques grammaticales en classe de FLE. En effet, la gram-maire notionnelle-fonctionnelle, fondée sur le sens, est désormais entréedans les cours de langue. Dans le milieu spécifique de la classe, les ensei-gnants essaient de recréer une communication favorable à un fonctionne-ment de la langue tendant vers des situations réelles. De plus en plus dedocuments authentiques sont introduits dans la classe pour montrer le fran-çais tel qu’il est pratiqué par des locuteurs natifs. Les documents fabriquésdes méthodes de langue sont quelque peu délaissés même s’ils sont encoresouvent utilisés pour introduire une question grammaticale.

Il semble se dégager trois catégories d’enseignants.

a) Certains, très motivés par leur travail, sont toujours en quête de docu-ments nouveaux propres à susciter l’intérêt des apprenants, et ils sontdonc favorables à la manipulation et la mémorisation des formes dansun cadre semi-authentique. Ce sont les mêmes qui adaptent leurs

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démarches au lieu de céder à la facilité des produits tout prêts. Ils sontégalement très ouverts aux apports des nouvelles technologies à laclasse de langue.

b) Une autre catégorie d’enseignants, plus conservateurs, met en œuvre unenseignement grammatical plus traditionnel. Plus enclins à se focalisersur les formes linguistiques, ils pratiquent ouvertement un enseignementexplicite et déductif de la grammaire. Il y a d’abord une centration surl’aspect formel de la langue, bien que le souci de réemploi dans dessituations authentiques ne soit pas absent.

c) D’autres enseignants, enfin, varient leurs pratiques, alternant lesdémarches onomasiologique et sémasiologique.

Toutes ces diverses pratiques grammaticales témoignent d’un éclectismerévélateur des représentations grammaticales de chaque enseignant dans lagestion de son cours de langue.

Le thème de la grammaire en classe de FLE évoque systématiquementla règle, les exercices et le métalangage. Ces éléments se rattachent à unelongue tradition d’enseignement/apprentissage de la grammaire. Les tenta-tives de rénovation n’ont pas réussi à s’imposer dans les classes, maiselles ont néanmoins laissé leurs traces et tiré la grammaire de son ornièreformelle centrée essentiellement sur la langue, pour l’orienter vers lacompétence de communication. Vouloir supprimer la règle et les exercicesdu cours de grammaire ne paraît pas raisonnable, mais la connaissance deslois régissant le français doit s’accompagner d’une mise en pratique dansun cadre de communication élargi tendant vers l’authentique. Quant aumétalangage, des procédures inductives et davantage de conceptualisationéviteraient le recours à une terminologie pas toujours adaptée à une classede FLE. Dans leur pratique grammaticale quotidienne, il est tout de mêmeremarquable que les enseignants essaient de proposer des démarchesdiversifiées, alors que les outils dont ils font usage sont encore marqués,pour la plupart, par le traditionalisme. Ils savent se détacher de ce qui leurest proposé lorsqu’ils le jugent nécessaire.

Les données recueillies dans cette enquête, relativement stables et cohé-rentes, montrent que les enseignants maîtrisent les concepts didactiques etsont capables de prendre du recul pour réfléchir sur leurs pratiques. Cequi se dégage, ce sont des démarches grammaticales personnelles relati-vement construites qui reflètent l’omniprésence de cette composante dansla classe de langue. Les enseignants oscillent entre la grammaire tradi-tionnelle et les apports de l’approche communicative. Comme le noteC. Puren, « la fin des méthodologies constituées et l’entrée dans unenouvelle ère éclectique ouverte à la diversité maximale des procédés,techniques et méthodes, constituent une chance pour les enseignants expé-rimentés qui y trouvent l’occasion de donner libre cours à leur créativitédidactique » (1997 : 12). Pour la grammaire, cette « chance » a déjà étésaisie par certains enseignants. Il est cependant regrettable que cesrecherches documentaires, ces variations dans les démarches, ces exer-cices adaptés à une classe ne soient que peu diffusés. Des liens plus étroits

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entre la classe de langue et la recherche en didactique de la grammairefavoriseraient des échanges générateurs de progrès, dans la mesure où lesbesoins et les objectifs de la classe seraient pris en charge par uneréflexion collective fédératrice.

Marie-Christine FOUGEROUSEUniversité Jean Monnet, Saint-Étienne

BIBLIOGRAPHIE

BÉRARD, E. 1991. L’approche communicative : Théorie et pratiques, Paris :CLE international (coll. « Didactiques des langues étrangères »).

BESSE, H. et PORQUIER, R. 1984. Grammaires et didactique des langues,Paris : Hatier-Didier-CRÉDIF (coll. « LAL »).

COURTILLON, J. 1985. « Pour une grammaire notionnelle », Langue Française,n° 68, décembre 1985, pp. 32-47.

CUQ, J-P. 1996. Une introduction à la didactique de la grammaire en françaislangue étrangère, Paris : Didier-Hatier.

DE SALINS, G-D. 1996. Grammaire pour l’enseignement/apprentissage du FLE,Paris : Didier-Hatier.

FOUGEROUSE, M-C. 1999. Analyse des représentations de la grammaire dansl’enseignement/apprentissage du français langue étrangère, Thèse de doctorat,Université de la Sorbonne Nouvelle.

GERMAIN, C. et SEGUIN, H. 1995. La grammaire en didactique des langues,Québec Canada : CEC (coll. « Le point sur… »).

MOIRAND, S. 1990. Une grammaire des textes et des dialogues, Paris : Hachette(coll. « F »).

PUREN, C. 1994. La didactique des langues à la croisée des méthodes. Essai surl’éclectisme, Paris : Didier-CREDIF.

PUREN, C. 1997. « Que reste-t-il de l’idée de progrès en didactique deslangues ? », Les langues modernes, n° 2, mai-juin-juillet 1997, pp. 8-14.

ANNEXELA GRAMMAIRE DANS LA CLASSE DE LANGUE

1. Identité : .................................... Âge : ................ Sexe : M / F....................................

2. Formation / expérienceCursus universitaire : ..................................................Nombre d’années d’enseignement en F.L.E. : ............Niveau actuel du groupe : ............................................

3. En classe de langue, à quoi accordez-vous le plus d’importance ?

- au lexique - à la civilisation- à la phonétique - à la grammaire- autre : ..............................................................

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4. En classe, qu’est-ce qui suscite le plus d’intérêt de la part des appre-nants ?

- le lexique - la civilisation- la phonétique - la grammaire- autre : ..............................................................

5. Combien de temps (en %) consacrez-vous approximativement à lagrammaire en classe ?

............................................................................

6. Quel type de grammaire pratiquez-vous le plus souvent ?

- traditionnelle (morpho-syntaxique)- textuelle- notionnelle/fonctionnelle- autre : ..............................................................

7. Quelle relation faites-vous entre la grammaire et la situation decommunication ?

............................................................................

8. En cours, faites-vous un enseignement de la grammaire :

- implicite- explicite- déductif- inductif

9. Quel métalangage utilisez-vous pour expliquer la grammaire ?Pourquoi ?

............................................................................

............................................................................

10. Faites-vous des exercices de conceptualisation grammaticale ?

non oui

Pourquoi ?............................................................................

11. Lors de l’étude d’un point de grammaire :

- vous laissez les apprenants avec la règle sur laquelle ils se sont mis d’accord

- vous donnez la règle complète- vous donnez une partie de la règle seulement- vous donnez la règle approximative, rectifiable par

la suite

12. Sur un point de grammaire, quelles étapes suivez-vous en classe ? ............................................................................

13. Pour organiser la progression grammaticale en classe :

- vous vous appuyez sur un programme donné par votre centre de langue

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- vous vous appuyez sur une méthode de langue- vous organisez votre propre progression

14. Quel(s) ouvrage(s) de grammaire utilisez-vous pour préparer voscours ?

............................................................................

15. Quelle méthode de langue vous semble la plus proche de votreconception de l’enseignement de la grammaire ?

............................................................................

16. Quel(s) cahier(s) d’exercices privilégiez-vous pour la classe ?............................................................................

17. Citez les types d’exercices que vous faites faire le plus souvent àvos apprenants ?

............................................................................

18. En général, les exercices de grammaire se font :- en classe - à la maison

Pourquoi ?............................................................................

19. Les méthodes de langue et les cahiers d’exercices exceptés, quel(s)autre(s) outil(s) utilisez-vous pour l’enseignement de la grammaire ?

............................................................................

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