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LEAGUE 01? HAÏ 10:'S . :uunicatod to the G. 360. 1932. I. caters of the Council. Geneva, April 9tli, 1932. PROTECTION OH rirOMTISS III POLAND. PETITION FROM H. B01IA1Ï SUSZ1C0 CONCERN: NG THE IIAIETER IE ..HIGH UNRAINIAH POLITICAL PRISONERS ARB ALLEGED TO HAVE BEEN TR lATED IE POLISH PRISONS. Note by the Secretary-General. In accordance with the Council resolut ions of June 27th 1921 and September 5th 192;, the Secretary-General forwarded tli.Lg petition on Deccnber 21st 1931 "to the Polish Dele- gation accredited to the League of Nations, for the obser- vât ions of the Polish Governr.cnt. After havin', obtained fron the Acting President of the Council an extension of the tir.e liait fixed for the presen- tation of its observations,, the Polish Government forwarded the;:: in a latter fron the -dish Delegation accredited to the league of Nations dated April 5th 1932. The Secrctary-Ccneral has the honour to circulate, for the information of the onbors of the Council, the text of the petition, together with the letter fron the Polish Dele- gation .

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LEAGUE 01? HAÏ 10:'S .

:uunicatod to the G. 360. 1932. I.caters of the Council.

Geneva,

April 9tli, 1932.

PROTECTION OH rirOMTISS III POLAND.

PETITION FROM H. B01IA1Ï SUSZ1C0 CONCERN: NG THE IIAIETER IE

..HIGH UNRAINIAH POLITICAL PRISONERS ARB ALLEGED TO HAVE

BEEN TR lATED IE POLISH PRISONS.

Note by the Secretary-General.

In accordance with the Council resolut ions of June 27th

1921 and September 5th 192;, the Secretary-General forwarded

tli.Lg petition on Deccnber 21st 1931 "to the Polish Dele­

gation accredited to the League of Nations, for the obser­

vât ions of the Polish Governr.cnt.

After havin', obtained fron the Acting President of the

Council an extension of the tir.e liait fixed for the presen­

tation of its observations,, the Polish Government forwarded

the;:: in a latter fron the - d i s h Delegation accredited to

the league of Nations dated April 5th 1932.

The Secrctary-Ccneral has the honour to circulate, for

the information of the ■ onbors of the Council, the text of

the petition, together with the letter fron the Polish Dele­

gation .

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I. PETITION

Monsieur le Secrétaire r éneral delà Société des Nations,G e n è v e .

Pétition ukrainienne urgente concernant les mauvais traitensnts

et les t rtures infligées aux prisonniers politiques ukrainiens

par la police polonaise.

Monsieur le Secrétaire,

Dans sa session de janvier prochain, la Société des

Nations aura à s'occuper des plaintes ukrainiennes contre la

Pologne, concernant les excès commis en C-alicie orientale 1 ' au­

tomne dernier.

En complément du dossier sur le traitement contraire

aux conventions internationales qui est infligé à la popula­

tion ukrainienne en Pologne, j Tai 1 'honneur de présenter ci-

joint une plainte urgente contre les graves sévices que subissent

les prisonniers politiques ukrainiens du fait des fonctionnaires

polonais, dans les prisons preventives de la police polonaise.

J ’ ai passé moi-même neuf mois, quoique innocent, en

prison préventive comme prisonnier politique ukrainien (annexe 1 ),

et je ne dois qu'à mon âge et à ma position sociale d'avoir

été à l'abri des mauvais traitements physiques. En revanche,

j’ai été moi-même témoin de mauvais traitements infligés à

d * autres, j ’ai recueilli de la boucha de nombre de mes compa­

triotes le récit des brutalités et des tortures qu'ils ont eu

à subir en prison, et j'ai constate moi-même les traces et

les séquelles de sévices sur de nombreux prisonniers ukrainiens.

Je cite notamment les cas particuliers des Ukrainiens

Bardachiwskyj (annexe 2), Myhul (Annexe 3), lachman (aime k 4) ,

Dazyszyn (annexe 5), Krusnelnyckyj (annexe 6 ), plus une liste

d 1 autres Ukrainiens, connus de moi, qui ont été maltraités

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par la police polonaise (annexe 7), ainsi qu’une liste des

fonctionnaires de police les plus coufutles qui o t été recon­

nus et accusés par les victimes au cours de l ’action judiciaire

(annexe 8 ).

Le fait de ces sévices et tor bures est connu des autori­

tés polonaises par les no:Poreuses plaintes des prisonniers

ukrainiens et par les dé,.;os rions faites au cours de nombreux

procès contre des Ukrainiens. les sévices, néanmoins, n ’ont pas

cesse , ex nu . e saoisi ac n o n n ’ a e ue do-inee aux '. ....o cimes .

C ’est pourquoi, au sortir de la prison p:: évent ive polonaise et

au nom des Ukrainiens qui sont encore détenus dans les orisons

polonaises et qui y souffrent, j ’ adresse la présente pétition

à la Société des Mations, afin d ’obtenir d ’elle qu’en conformi­

té avec les co vivent ions inteor nationales sur la protection des

minorités elle fasse une enquête en Polo aie sur les mauvais tra

b bi ,1'Cv _ v S .L La j— L 1 : o du... p,.r la police coionai.se, assu-

re la protection de ceux qui so a t encore en p r i s o a , et obtien­

ne une juste satisfaction ou. I s s urav .s dommages psychiques

et physiques des nombreuse s victiae s de ces mauvais traitements.

Considérant eu 'il se .roouve encore de nombreux ukrainiens

dans los prisons prévautives polonaises et qu’il se produit

sans cesse de nouvelles arrostocions .’ukrainiens,qui seront

exposés aux même s crue Is sévices ; considérant d ’ autre part

que nous n ’avons pas, nous Ukra. ions, de moyens de droit ef­

ficaces. tant de droit national que de droit iat or rational,

.. notre disposition, je dema. de uo la clavse du "cas d’ur­

ne ne o” soit appliquée j. la présente pétition.

Je me réserve de présenter de nouveaux documents à ce sujet

n t P:a la Haute Société des Hâtions, en complément de

pétition.

- cl ,o_l V o

Lvrow,novembre 1951. (sipnê) Roman Suszko

H*

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Los irxnivals traitements im l laés aux prisonniers politiques ukrainiens dans los prisons de la solico pot osaise.

En contradiction avec les obligations internationales

assumées par la Pologne au sujet de 1* égalité de droits des

populations non-polonaises, et notamment do la population

ukrainienne, les autorités policières polonaises, los agents

de police, et nome de hauts fonctionnaires (commissaires)

infligent de mauvais traitements aux prise: ni ers ukrainiens

arrêtés pour des raisons politiques, du:; eut 1 ’ instruction ot

durant leur détention en prisc-n préventive, Paru le bu., de

leur arracher les aveux que l ’on désire -traite sorts inhumains,

tortures physiques et morales, qui contreviennent non seulement

aux lois, mais môme aux droits d ’humanité les plus élémentair es.

Les procédés infligés aux prisonniers ukrainiens, des

jeunes pens pour la olupa..t, causent los plus prends domma­

ges à leur s an te;, et souvent pour toute la vie. Ces met bodes

d ’ instruction, ue l ’on ne peut comparer ou* celles de 1. ’in­

quisition au moyen-âge, amènent souvent des ”av ujx" et des

accusa Liions contre tiers, qui causent le p lus prend tort

aux prisonnoirs eux-mu; ne s, ainsi qu’aux pe.t seules accusées par

eux à tort, car, sur la t use de ces prétenlus aveux faits à la

police, elles sont souvent condamnées à des a nées de prison.

La ncuvoile loi de juillet a.029 sur 1 se poursuit® pé­

nales a introduit une nouvelle forme d ’instruction, l ’ins-

tr etion par ninistbre public, os vertu de laquelle 1 ’ins­

truction des affaires pénales est laissée entre les mains de­

là police pendant trois mois, alors qu’auparavant elle ne

l ’était que pondant 4-8 heures. Durant ce temps, la police

cherche los "preuve snécessaires, sans aucun ce ntrôl. , s.é on

ses méthodes à elle, et pour mettre le résultat de son instruc­

tion à l ’abri de toute vérification, il lui senb.it à ’ invoquer

le ”secrot de service”.

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Une autre loi spéciale a introduit récornuent ni Pologne

les conseils de guerre, qui jugent à une allure accélérée,

sans les formalités ordinaires o 1 ■ sur le seul témoignare oral

du procureur public. Cette loi cause le plus grand tort à la

population ukrainienne, car, devant le conseil de guerre, le

procureur public base son réquisitoire uniquement sur les

"preuves" ra semblées par la police, cette institution ne

c ompor t a;vb pas le j ug e d ’ i ns t r uc t i o 11.

Les cas particuliers cités dans les annexes montrent de

quelle manière 011 se procure ces "preuves" contre les res­

sortissants ukrainiens emprisonnés. Ces cas ne representnt

d ’ailleurs qu’une fraction des mauvais traitements qui ont

eu lieu.

Au point de vue humanitaire, ces sévices de la police

polonaise contre les prisonniers politiques ukrainiens sem­

blent déjà une chose monstrueuse et incroyable. Or, iis

sont un fait quotidien en Oalicie or ont aie et en Volhynie.

Les divers bureaux do police en ont fait un véritable

système; ils donnent des noms spéciaux aux divers genres de

torture, dont il existe toute une gradation.

A côté des mauvais traitements de l’espèce rudimentaire,

tels que coup de poing au visage, bourrades dans les côtes,

coups de pied, etc., voici les méthodes les plus employées:

Coups de bâton sur le dos, les reins, le postérieur.

De même sur la plante des pieds, au talon, sur les jambes.

On frappe jusqu’à faire perdre connaissance au prisonnier.

(Voir les annexes).

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"Sonnerie de clochas". On lie les nains du prisonnier, sous

los ;oneux repliés, on lui passe sous les jarrets un gros

bâton; deux policiers le soulèvent aux deux bouts et balan­

cent le prisonnier de bi de là, jusqu'à ce qu'il toin.be à ter­

re ou contre un mur. (Annexe 4} .

Su sue nsi on. On lie les mains au prisonnier derrière lo dos ,

on lui attache une corde aux poignets, puis on le soulève

au moyen de cette corde passée dans un crochet fixé au mur.

Les bras et les articulations des épaules subissent ainsi

une torsion des plus douleur ou-: es. Pour au ..'.-ut-or la oulcur,

on tire et relâche alternativement la corde, de façon à faire

mouvoir tout

(annexe 3).

- O V wJl

crochet, la tâte en bas, plongeant dans un seau d ’eau jus­

qu’aux oreilles et aux narines; puis on le frappe sur la

plante des pieds ou en d * autres parties du corps. La douleur

provoque des mouvements involontaires oui font ploie; r la

tête sous l'eau, occasionnant ainsi des accès d ’étouffement

pénible s (annexe 5).

La tasse de thé. Le prisonnier est étendu sur un banc, la

toto en bas et en lui verse de proescs quantités d'eau dans

les narines et dans la toi. c he , au moyen d ’un entonnoir ou

d'une théière, jusqu’à ce qu’il se peoduise des accès

d ’étouffement (annexe S).

Désarticulation des doiits. Cn recourbe les doipts de la

main en arrière, ou l'on écarte deux doipts de la

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cain, jusqu’à ce qu’ils forment un angle de 20 degrés (Annexe o ),

Brutalités aux parties génitales, coups dans lesi’ei ns,

1 ’estomac et autres organes internes sensibles (Arnexe 2 , etc.)

A part les cruautés de ce genre, les policiers

emploient aussi des procédés plus rudînentaires, qui suffisent

h produire le résultat désire auprès des caractères le peu de

résistance. Telles sont les "manifestations sportives", qu'ils

appliquent surtout aux membres des sociétés de sport et de

gymnastique ukrainiennes. Far exemple:

Le ,1eu de ballon ; Le prisonnier, lié, est placé au

milieu d'un cercle formé par des policiers, qui se le renvoient

de l ’un à l ’autre à coups de poing, comme un ballon. Le jeu se

prolonge jusqu’à ce que le prisonnier perde oonr.aiss.-.noe. Le

même jeu se joue aussi à coups de pied (football).

Equitation. On donne l ’ordre au prisonnier de marcher

à quatre pattes, de brouter p r terre, d’y boire de l’eau sale.

Souvent, un policier lui monte sur le dos et le fait trotter,

galoper, etc. à quatre pattes.

Telles sont quelques-unes des méthodes appliquées par

la police aux prisonniers ukrainiens, Si l’on considère la

cruauté de ces méthodes, il n ’y a pas lieu de s’étonner que les

prisonniers malades, à. bout de forces, à demi inconscients,

souvent ratifient les aveux que leur présente la poli se et les

accusations contre eux-mêmes ou contre d ’autres camarades, sans

savoir de quoi il s’agit ou bien dans 1 ’espoir d’abréger leurs

souffrances. Ils comptent qu’il leur sera possible de s'expliquer

sur la valeur de ces prétendus aveux, devant le juge d ’instruction

ou au cours du procès lui-même. Il n ’y a pas un seul procès

politique, ces dernières années, à Lvov, Przemysl, Sambir, Stryj,

Kolomyja, Stanislavov, Czortkic, Tarnopol, et autres sièges de

tribunaux de district, où l'on n'ait pas entendu de plaintes des

prisonniers politiques ukrainiens sur les mauvais traitements

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endurés pendant 1 ’instruction préliminaire. Ces plaintes

n ’ont malheur eu s .rient servi cto rien jusqu'ici, les autorités

judiciaires polonaises ne laissant jamais fournir la preuve

des toitures subies, 'Récemment encore, lorsque 71 prisonniers

politiques ukrainiens firent la grève de la faim à Lvov, en

signe de protestation contre les brutalités de la police polo­

naise , le gouvernement polonais, malgré 1 ' enquête des procireurs

publics Zubrzyoki et Czemer inski, ne prit aucune mesure pour

mettre fin à ces sévices, L 1 existence d 1 une circulaire officielle

interdisant les sévices corporels et 1 'emploi de tortures pour

obtenir des aveux, démontre uniquement que les autorités gouver­

nementales polonaisesn’ignorent pas 1 'existence de ces tortures

et de ces brutalités, Malheureusement cette circulaire n ’a

nullement mis jusqu’ici un terme aux méthodes employées par la

police polonaise.

Voici maintenant le témoignage personnel que je puis

apporter sur les pratiques de la police polonaise dans les

prisons de Lemberg.

J ’ai cassé une première fuis six mois en prison pré­

ventive , comme prisonnier politique ukrainien, en 1225-22,

innocent et sans qu’il y eût de procédure judiciaire.

Une deuxième fois, en 195;)-51, je passai en prison

neuf mois. Je fus accusé par le Ministère public d ’avoir commis

l e ■crime prévu aux art. 58 et 52 du Code pénal polonais, c’est-

à-dire un crime politique, lion dossier que j’ai pu consulter

après ma libération, montre nettement avec quelle légèreté,

quelle absence de scrupules, les fonctionnaires du Ministère

publia polonais accusent les personnalités ukrainiennes de "haute

trahison" (articles 58 et 59), Uniquement paroe qu’elles se

réclament de leur nationalité ukrainienne. S'il m ’a été difficile

de me défendre contre cette accusation, à moi qui ai fait mes

études de droit et qui, par conséquent, possède des connaissances

juridiques théoriques, on peut se représenter la pénible situation

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d’autres Ukrainiens qui n'ont pas ces connaissances et qui,

de plus, sont exposés aux mauvais traitements et aux tortures.

Je fus arrêté, tien qu’il n ’y eût aucune preuve

d’aucune sorte oontre moi, La visite domiciliaire, la "fouille"

faite sur moi, ne fournirent aucune charge. Aucune pièce,

aucun indice, aucun témoignage contre moi. Il n ’y avait que les

affirmations orales de la police, mais elle ne pouvait les

prouver, et c’est pourquoi elle se retranchait derrière le

"secret de service".

Les trois premières semaines de ma détention, je les

passai dans la prison de police de la rue Jachovycz, seul dans une

petite cellule, séparé du monde entier, sans livres, sans journaux,

et même sans permission de promenade.

Ma cellule se trouvait au-dessous de celle où les

Ukrainiens emprisonnés étaient "interrogés". Jour après jour, vers

19 heures, commençait 1 ’"interrogatoire", accompagné de mauvais

traitements et de tortures ; il durait jusque tard dans la nuit,

j’entends! î» nettement, non seulement les cris et les gémissements

des victimes, mais aussi, en partie, les aveux et les questions

que les policiers leur posaient avec énergie.

Tandis que des "interrogatoires" de ce genre avaient

lieu dans la fcellule au-dessus de moi, des fonctionnaires de

police entrèrent soudainement dans ma cellule et me demandèrent

si je reconnaissais les crimes dont j’étais accusé; sinon, je

serais soumis à "un interrogatoire semblable". Cette pensée, et

les gémissements et expressions d ’angoisse qui me parvenaient

d’autres cellules voisines, me menèrent presque à la folie. J'eus

des idées de suicide.

Lorsque je fus enfin mené devant le juge d ’instruction,

pour qu’il ratifiai formellement ma détention, je lui rendis compte

de tout pour le procès-verbal et je demandai mon transfert de la

prison de police à la prison judiciaire, ainsi que 1 ’application

de la procédure ordinaire oontre moi. Quinze minutes après, sur

l ’ordre de la police, je me retrouvai à la prison de police, où

je devais passer quatre semaines encore.

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Mais nos déclarations devant le ju-5e d* instruction

e u r e n t pour effet de me faire transférer dans un autre édifice, rue

bat ory, où il ne se trouvait que des convalescents, c’est-à-dire

pour la plupart des prisonniers politiques rendus malades par les

b r u t a l i t é s subies. Je fus enfermé dans une cellule ou, peu de temps

a u p a r a v a n t, deux prisonniers d'origine juive s’étaient suicidés

pour échapper aux mauvais traitements de la police, L'officier de

police de service attira mon attention sur ce fait, dans le but de

-n' intimider.

Au bout d’un mois de détention, la promenade quotidienne

me fut permise. Le spectacle qui s ’ offrit à mes yeux les premiers

j our s était a fi r eux.

Lans les cours de la prison se traînaient des malades,

times, le visage tuméfié par les coups.

J ’ai vu des prisonniers qui ne pouvaient marcher e t

L'avaient nul besoin de promenade. Lais il leur fallait marcher en

rond, au commandement, afin de souffrir davantage. J ’ai vu des

prisonniers, et je sais leurs noms, dont les pieds étaient tellement

enflés par suite des coups qu’ils ne pouvaient mettre aucune ckaussuru;

ils enfilaient le bout de leurs pieu s dans leurs souliers et devaient

marcher ainsi, sous les cris des policiers.

Ici plupart de ces malheureux étaient des étudiants ukrai­

niens et des jeunes gars de la campagne ukrainienne. Ils avaient été

tellement maltraités, tellement martyrisés pendant 1 ’"interrogatoire”

que la police elle-même n ’osait pas les transférer dans les prisons

judiciaires ni los enfermer avec d’autres prisonniers, qui auraient

pu le cas échéant témoigner devant le tribunal des traces de sévices

[constatées de leurs propres yeux, 'En même temps, il faut empêcher que

Les familles n ’apprennent leur martyre et ne cherchent à alléger leur

sert.

Mais la vue même ce ces malades ne pouvait me donner une

idée complète des méthodes en usage à la police contre les prisonnière

Politiques ukrainiens.

Lvrsqu’enfin je fus transféré de la prison de police à la

pison judiciaire, je passai plus de sept mois avec divers prisonniers

ukrainiens, en différentes cellules. Sans vouloir entrer dans le uétail

‘5 la vie àn prison, j’ai recueilli deux des données authentiques et

i6s déclarations formelles, dont je cite quelques cas dans les annexes

■i-après.

Une commission d’enquête neutre, instituée par la Société

ys Notions, pourra en tout temps vérifier ces faits, et an recueillir

&utres, en interrogeant individuellement les prisonniers politiques

Asiniens,

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Le oas à-g 3tefan BardacLiws1 'jM .

Stefan Bardachiwkyj, âgé de 2 3 ans, élève de l ’ vole

des Arts et Métiers de Lemberg est originaire de Mackov/icsy,

près de Przemysl.

Au printemps 1950, il a été arrêté dans la maison de

sa mère et retenu 14 mois en prison préventive. Lut*s de son arres­

tation, on lui enjoignit seulement de se présenter au commissariat

de Pvlice ce Przemysl si bien qu’il ne prit avec lui ni linge de

rechange ni objets de toilette. En réalité, on 1'emmena à la gare

d'où il fut transporté directement à Lemberg.

C’est seulement après quatre jours passés au poste de

police qu'il fut rais en présence du commissaire de police Czechowski

Ce commissaire s ’assura de la personnalité de

Burdacaiwslci j et lui demanda s'il appartenait à 1 ' organisation

militaire ukrainienne. CommeBardaohiv-skyj répondait négativement

le commissaire déclara : "Eh bien! puisque tu ne veux pas parler

volontairement, nous allons continuer la conversation en présence

de témoins".

Le commissaire ordonna alors à l ’agent présent de

conduire Bar dachiwsky j à 1'"interrogatoire". L ’agent secret, par

un long corridor, le conduisit jusqu’à une salle dont les fenêtres

étaient voilées et finalement l'y poussa brutalement, Au-dessus

d'une table placée contre la paroi brûlait une lampe électrique.

A coté de la table se tenait six à huit hommes vêtus de "bleus"

tels qu’en portent les mécaniciens. Ils s’étaient vêtus de cette

manière afin de ne pas être reconnus, Quand 1'agent qui avait

amené Bar dachiws:cy j le poussa dans la chambre, deux de ces hommes

se précipitèrent immédiatement sur lui. L'un deux lui lança un

violent coup de poing suns le menton, . si bien que Burdachiwskyj

chancela en arrière. A cet instant, l'autre lui appliqua un coup

de poing sur la nuque. 3 a r & a ç h i w k y j tomba sur le sol, le vi­

sage en avant, Puis on lui martela les cotes s coups de pieds

et,avec force injures, on l 'obligea de ue lever. Sans qu'il

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lui soit possible de se défendre, on lui lia les mains au dos,

et, finalement, il se trouva suspendu dans le vide. Les mains tou­

jours liées au dos, on 1 ’étendit sur un banc assez bas. Sen visage

était tourné en haut. Le oorps fut disposé de façon à ce que les

pieds pendissent sans au~un appui. Bariachiwskyj, constamment

harcelé de coups de pieds et de bourrades, était déjà complètement

épuisé. Leux agents de police s ’assirent sur lui, l ’un sur la

poitrine et l'estomac, si bien que la victime ne pouvait plus respi­

rer, l'autre sur les jambes. Tandis que celui qui était assis sur

sa poitrine continuait de le frapper à coups de poing, l'autre,

assis sur ses jambes, lui retirait ses chaussures, D-ns un état à

demi comateux, Bardachiwskyj sentit tout à coup une douleur fulgu­

rante au talon. Elle le fit hurler. L'un des policiers lui enfonça

un mouchoir dans la bouche. Les autres continuèrent de frapper. Sous

les coups répétés, Bardachiwskyj s ’évanouit.

Quand il revint à lui, il n'était plus attaché au banc.

Il était entièrement mouillé parce qu’on 1 ’avc.it arrosé avec de

l'eau. Il était si faible qu'il ne pouvait pas s'asseoir seul sur

le banc. V n agent le soutint. Beux autres étaient assis à la table

et un troisième faisait tournoyer sous ses yeux son baton caoutchout

en hurlant : "Maintenant, tu peux donc parler, fils de putain! Avoue

tout, ou crève ! Jusqu’à maintenant, tu as reçu ~ent coups. Il est

certain, mon garçon, qu'une attaque t 'aurait enlevé mais, comme je

suis un brave homme, je me suis efforcé de te ramener à la vie".

Là-dessus, diverses questions furent encore posées à Bardachiwskyj.

Il dût donner des détails sur ses études et ses occupations privées.

Il nia catégoriquement de participer à un travail de sape quelconque

Quand il déclara avoir tout dit, un agent de police reprit : "Bous

allons bien voir si tu as tout avoué. Allons! enlève tes pantaluns".

A nouveau quelques-uns se précipitèrent sur Bardachiwskyj, lui

arrachèrent ses pantalons et 1'étendirent sur le banc. Comme la

première fois, l'un s'assit sur 1 ’estomac et l'autre sur les pieds.

Presque sans connaissance, Bardachiwskyj ne pouvait opposer aucune

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résistance, Celui qui était assis sur les pieds commença à

tirer autant qu’il pouvait les parties génitales et à frapper avec

les doigts sur les testicules. Si inhumainement martyrisé,

Bardachiwskyj perdit encore une fois connaissance.

Ses bourreaux 1'aspergèrent encore une fois d ’eau

froide et il revint à lui. Il était si affaibli qu’il ne pouvait

même plus parler. A toutes les questions il ne pouvait répondre

qu’en secouant la tête, Comme il n ’était plus en état de marcher,

on le porta dans sa cellule en 1 ’insultant et le battant.

Les douleurs terribles et indescriptibles qu’il ressen­

tait le rendaient si impuissant, qu’il ne put même pas mander Ici

soupe du mutin. Tôt après, un policier polonais en uniforme entra

dans la cellule en portant un seau d’eau froide. Il ordonna à

Bardachiwskyj de baigner ses pieds que les coups répétés avaient

enflés.

D n s la soirée, un agent conduisit Bardachiwskyj à

1’"interro-atoire”. Après qu’il eut déclaré qu’il ne pouvait rien

dire, rien ajouter à ses dépositions, on lui appliqua le même trai­

tement que la veille. De nouveau on le lia sur le banc et il reçut

cinquante coups de baton sur les talons. Il s’évanouit et de nouveau

on 1 'arrosa d’eau afin de le faire revenir à lui.

Puis on modifia sa position. Cn le disposa de manière à

ce que les jambes reposassent sur le banc mais que la tête pendit.

Sous la tête on plaça un seau d ’eau et un agent lui dit : "Maintenant,

tu ne peux pas parler f-arce que tu es fatigué, .mais nous allons te

réconforter avec di thé afin que tu puisses parler !" Trois hommes

s'assirent sur Bardachiwskyj, un quatrième apporta un broc d’eau et

un entonnoir. Svus les gro.s rires de ces brutes, il se mit en devoir

de verser de l'eau dans les narines de Bardachiwskyj à l ’aide de

cet entonnoir.

L ’eau eut ,tôt fait de remplir les narines et la bouche

si bien que Bardachiwskyj ne pouvait plus respirer et, souffrant

terriblement, commençait d’étouffer. Dans ces sortes de tortures,

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ce n'est pas seulement la douleur qui est terrible, mais cette

angoisse qui saisit tout homme sur le point de se noyer bien

qu’ici le pauvre martyr sache bien qu'il est dans une chambre,

sur un banc et qu'il ne peut se noyer.

Après la deuxième absorption d'eau, Bardachiwskyj commer

/\ à vomir. Cvmme sa tete pendait, le dégoûtant liquide se répandit

sur le visage, les yeux, le front.

Cette torture de l'eau continua et Bardachiwskyj perdit

encore une fois connaissance. En se réveillant, il entendit les

cris et les vociférations des policiers: "Maintenant, tu vas

avouer comme chante un gentil canari ! autrement, mon garçon,

c'en e&t fait de toi". On le cvueha sur le ventre, on lui retira

veste et pantalons. Et les coups de pleuvoir. Les agents s'encou­

rageaient mutuellement : "Frappe bien sur les reins afin qu’il

pisse de l ’huile", etc. Bardachiwskyj hurlait de douleur tel un

animal. Un des hommes lui enfonça un mouchoir sale dans la bouche,

un autre s'assit sur sa tête et lui écrasa le nez afin d'augmenter

la douleur. L'asphyxie commençante priva Bardachiwskyj de tout

sentiment,

Quand Bardachiwskyj revint à lui, il entendit et

reconnut la voix du commissaire de police Ozechowski. "Pourquoi

donc me torturent-ils ainsi?" - lui demanda-t-il,"F-ites-moi

donc tuer tout de suite"! Un des policiers 1'interrompit en criant

"Il n'y a pas de commissaires ici ! Il n'y a que des ministres !" -

"Sache bien, fils de p... que c’est le ministre Skladkowski qui

t’a battu". Puis on demanda encore une fois à Bardachiwskyj s'il

était prêt à avouer. Comme il faisait un geste de dénégation, un

des policiers dit "C'en est assez! qu'un autre passe à 1'"interro­

gatoire ", Nous viendrons bien à bout de celui-là demain. Charogne !

demain tu ne manqueras pas de crever! " Bardachiwskyj fut reconduit

tant bien que mal dans sa cellule. Il s'évanouit encore en cours

de route.

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Souffrant affreusement et possédé de l’angoisse

la:..: laquelle les menuees des policiers 1 * avaient ai s,

c ’est ainsi qu’il passa le reste de la nuit et le jour

suivant. Ses piecls étaient enflés à un tel âegré qu’il

ne pouvait se pouvoir.

Le Soir, on le conduisit encore une fois à

1 ’"interrogatoire”. Il ne pouvait ni chausser ses sou­

liers ni se tenir debout sur ses piers naïades* Chacun c

ses mouvements lui causait une douleur telle qu’il était

a chaque instant prêt de s’évanouir. Les policiers le

prirent par le bras et, le soutenant ainsi, le conduisi­

rent , le traînèrent plutôt jusqu’à l 1 ’’interrogatoire”,

Là siégeait le Commissaire supérieur Bileeicz,

chef de la Chambre d ’instruction. Quand il vit la

manière dont Bardachiwskyj était introduit, il s’écria:

"Mois cet homme ne fait que simuler. Prooablement, la

dose n ’est-elle pas assez forte pour lui”. Quand, suns

force, Bardachiwskyj se laissa tomber sur la chaise

placée devant la table da Bilevn.cz, ce dernier se rendit

compte que le prévenu, à cause de ses pieds enflés, n ’en

passait que 1 ’extrémité dans ses souliars. Le commissai

sue 'rieur apeuya alors de toutes ses forces sur les

aa avex do Bardachiwskyj afin de forcer les pieds à péné­

trer dans las- souliers. Bardachiwskyj perdit connaissan

et, da nouveau, on le fit revenir à lui à. l ’aide à * eau

froide. Après l ’avoir copieusement insulté, le commisse!

lui demanda si enfin il voulait avouer. Après que

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Bardachiwskyj eut déclaré qu’il avait vraiment tout

dit, qu’il lui était tout à fait impossible de dire

davantage, le commissaire ordonna, au milieu de

menaces et d’injures, qu’or le reconduise à sa cellule.

Bardachiwskyj demeura encore environ un mois

dans cette prison afin de laisser aux traces de tous

ces sévices le temps de s’effacer. Pendant ce temps-là,

il ne fut plus interrogé.

Malgré sa défense, il fut condamné à trois ans

de régime cellulaire rigoureux par un tribunal polonais

se basant sur les déclarations arrachées de force à un

autre détenu. Pendant le jugement, le Président du

tribunal lui interdit de mentionner les mauvais traite­

ments que lui avait fait endurer la police,

Stefan Bardachiwskyj est un jeune homme rangé

et le seul soutien de sa mère, Agé de 22 ans seulement,

ses cheveux, à la suite des sauvais traitements et des

brutalités des policiers polonais, ont commencé à blanchir.

Ses nerfs sont malades. Il est maintenant sujet à des

attaques nerveuses. Il a reçu tant de coups sur les

reins que pendant longtemps il a uriné du sang.

Certes, tous ces sévices n ’ont pas tué Stefan

Bardachiwskyj, mais on ne peut pas dire, dans l'état

misérable où. il se trouve, qu'il vive.

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- IS -

Le cas Ivan i-vn i ^

Ivan :..yhul est un étudiant technicien de Lemberg. Il

est âgé de 21 ans et né à Hr lad a (Grzenda) près de Lember;:. En

automne 1930, il a été arrêté sous 1'inculpation de sabotage et

retenu onze mois en prison préventive.

Afin d 1 obtenir des aveux, la police lui a appliqué les

tortures suivantes :

Lors du premier ’’interrogatoire", on lui désarticula

les doigts des mains, qu'il avait sensibles, jusqu'à ce qu'éva­

nouissement s'ensuive, Un agent qui avait des mains particulière­

ment puissantes se saisit de la main droite de Myhul afin de tenir

dans l'une 1 1 annulaire et le petit doigt, l'index et le médius

dans l'autre. Fuis, brusquement, il écarta ces doigts dans un

angle de 90° avec toute la force dont il était capable, Myhul

ressentit d'abord une douleur, une déchirure dans 1 1 articulation

de la main comme si les tendons et les muscles lui étaient arra­

chés. La douleur le terrassa et seule une vigoureuse aspersion

d'eau le fit revenir à lui. Ce même soir, on lui écartela encore

trois ou quatre fois les doigts en alternant avec d'autres

tortures.

Myhul ne pouvant faire d'autre aveux, on lui lia les

mains avec une chaîne dont les maillons étaient si fortement

tendus qu'ils lui entraient dans la chair, très profondêment. Il

fut jeté à terre et couché sur le dos. Entre les bras déjà

enchaînés, les genoux furent violemment introduits. Finalement,

un bâton solide fut glissé sous les articulations des genoux,

au-dessus des mains liées. Deux policiers tenaient les extré­

mités du bâton. Les épaules de Myhul touchaient le sol tandis

que les pieds étaient au-dessus de sa tête. On lui retira alors

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ses souliers et, on commença de le frapper sur la plante des

pieds avec un bâton caoutchouté. Il s 1 évanouit de douleur.

On 1 1 aspergea d ’eau et on continua de le frapper. Il s 1 éva­

nouit encore une fois et on eut de nouveau recours à l'eau

froide. Quand il revint à lui, deux agents le délivrèrent

de ses liens et lui ordonnèrent de retourner dans sa cellule.

Comme il ne pouvait presque pas se tenir debout, l'un des

policiers le conduisit à travers le corridor de la prison

jusqu'à 1 'escalier où, de toutes ses forces, il le précipita.

Myhul tomba si malencontreusement qu'il perdait abondamment

son sang par le nez. Il était aussi blessé au visage et aux

mains. C'est à bout de force, à quatre pattes et presque en

rampant qu'il regagna sa cellule.

Après cet événement, on le laissa deux jours en

paix. Souffrant et fiévreux, il était étendu dans sa cellule

sans pouvoir faire un mouvement,

Tard dans la soirée du deuxième jour, les policiers

le transportèrent pieds nus dans la chambre de torture.

Comme il ne répondait pas, il reçut un tel coup sur la tête

qu'il tomba sur le sol. Deux policiers, sans regarder en

aucune façon où ils frappaient, le rouèrent de coups de pieds.

Ils s 'interpellaient à la manière des joueurs de foot-bail ;

"surtout pas de "out" - "un but dans le ventre", Les policiers

polonais se sentaient dans une ambiance sportive. Ils commen­

cèrent à faire de 1'"athlétisme léger" avec Myhul, Ils lui

ordonnèrent de se lever, de se tenir aà "garde-à-vous", de sau­

ter en longueur, de sauter sur place, de prendre un d -5part

lancé, etc. A chacun de ces commandements, Myhul qui ne pouvait

se tenir debout sur ses pieds que les coups avaient enflés,

tombait. Après deux heures de cet "amusement", il était si

couvert d 1 ecchymoses, si maculé de sang, si faible qu'il ne

pouvait même pas crier. On le reconduisit enfin à sa cellule.

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A l’aide d'un agent provocateur, la police polonaise

essaya de faire parler Myhul. Au matin du jour suivant, un

"détenu" vint partager sa captivité. Il était attaché avec une

chaîne. Ses pieds étaient entourés de haillons, son vêtement

était déchiré, il semblait malade et affaibli comme s'il avait

été battu par les policiers.

Au premier moment, Myhul ne se rendit pas compte de

son identité. Bien que lui-même ne puisse presque pas bouger,

il aida le nouvel arrivant, puisque ce dernier avait les mains

liées, à manger sa soupe.

Le nouveau venu commença à raconter qu’il apparte­

nait à 1 1 organisation secrète UWO, que la police l'avait pris

sur le fait et cruellement maltraité lors de "1 'interrogatoire".

Il se nomma d'un nom sur lequel la police avait déjà demandé

des renseignements à Myhul, Cette sincérité et les questions

que le nouveau détenu lui posait, questions en tout semblables

à celles posées par la police, la manière d'être de l'homme,

tout cela enfin contribua à convaincre Myhul qu'il se trouvait

en présence d'un agent provocateur de la police, d'un mouchard,

C ’était un témoin à charge que la police s'assurait de cette

manière.

Peu après, le nouveau fut conduit à "11 interrogatoi­

re" , Une demi-heure plus tard, ce fut le tour de Myhul, Son

voisin de cellule se tenait devant le commissaire; il avait

les mains toujours liées et faisait probablement des aveux.

Le commissaire se tourna ensuite vers Myhul et lui demanda

de faire des aveux complets afin de ne pas être obligé de

le soumettre encore à la torture. Il lui dit qu'il savait

déjà tout puisque ses camarade s avaient avoué » Il désigna

le voisin de cellule, qui avait tout avoué également et lui

ordonna de répéter ses affirmations en face de Myhul.

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Celui-ci commença par dire à Myhul qu'il ferait

mieux de suivre son exemple et de tout avouer. Lui-même,

dit-il, avait avoué parce qu'il voulait vivre.. S'il n'avait

pas avoué volontairement, la police lui aurait tout de même

arraché les aveux et lui aurait ruiné la santé. Il laissa

encore entendre à Myhul que tous ses camarades avaient avoué

et 1 ' avaient accusé,, Mais lui maintenant, à son tour, allait

tous les accuser y compris Myhul. Il prétendit bien connaître

Myhul et savoir à quelles actions politiques il avait pris

part. Il prétendit même être le chef du groupe ukrainien de

combat auquel Myhul appartenait. Il prétendit aussi avoir

ordonné quelques attentats à Myhul.

Aux protestations de Myhul disant avec véhémence

qus tout cela était inventé de toutes pièces, qu'il n'avait

jamais pris part à un acte de sabotage, que jusqu'à présent,

il n'avait jamais vu ce détenu, n'avait jamais entendu parler

de lui, le prétendu voisin da cellule répliqua que c'était

bien possible et n'avait rien détonnant. Le fait même de

conspirer 1 1 obligeait à s; cacher sous un pseudonyme et de

transmettre ses ordres par des intermédiaires. C'est ce qui

rendait plausible que Myhul ne le connût pas tandis que lui

connaissait bien Myhul.

Comme Myhul protestait avec énergie et niait avec

indignation toutes ces accusations et appelait le détenu

inconnu un provocateur, celui-ci réagit immédiatement et

laissa tomber le masque. Il se dressa fièrement et, se

tournant vers le commissaire de police : "Puisqu'il en est

ainsi, veuillez, je vous prie, Monsieur le Commissaire, me

faire délivrer de mes liens et me laisser seul avec ce fils

de p.., Je vais lui parler un autre langage"«

En fait, le commissaire libéra l'agent provocateur

de ses liens. rar contre, il fit lier Myhul et 1'abandonna à

de nouvelles tortures„

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L'agent de police délivré de ses entraves donna un

coup de poing sur la bouche de Myhul en hurlant : "Tu sais qui

je suis, fils de chienne. Tu m'as déjà reconnu dans la cellule.

Bien, bien ! nous allons jouer cartes sur table., Je suis l ’agent

de police Chimycz. Je peux bien te le dire puisque tu ne sorti­

ras pas vivant d'ici ! Hais premièrement, tu dois tout avouer.

Après tu pourras crever". En fait, il s 'agissait bien de l'agent

Chimycz, qui a déjà joué un rôle au cours de divers procès inten­

tés aux ukrainiens.

Il appela deux aides à la rescousse. Les mains liées

au dos, Myhul fut placé contre la paroi, face à ses tortionnai­

res. On attacha à ses mains une corde solide, longue de quel­

ques metres, puis on la fit courir sur un crochet placé au-

dessus de la tête de Myhul, dans la paroi, Deux policiers

commencèrent de le hisser. Myhul faisait des efforts désespérés

avec les mains afin de ne pas se laisser tordre les bras dont

il sentait déjà les articulations se démettre aux épaules. Puis

les policiers mollirent et tendirent la corde suecessivement si

bien que Myhul n ' avait plus la force de résister et que tout

le poids de son corps était supporté par les articulations des

mains, les poignets. En même temps, on le frappait au visage

et dans les côtes. Ces coups faisaient se mouvoir le corps

suspendu à la corde, redoublaient la douleur des épaules

déboîtées. Myhul perdit connaissance.

^e l'eau froide le fit revenir à lui. On lui posa

encore quelques questions et on lui lut une déclaration. Mais

à moitié évanoui et inconscient, Myhul en comprit à peine le

sens. A chaque question, il dut répondre au moins par un

mouvement de tête et chaque fois que, conformément à la

vérité, il voulait répondre négativement, la corde 1 'entraînait

de nouveau vers la hauteur.

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On confronta Myhul avec d ’autres Ukrainiens, Tous

portaient les traces des plus cruels sévices. Parmi eux se

trouvait le lycéen Lewyckyj , du gymnase de Lemberg, originaire

du même village que Myhul. Il y avait aussi 1'étudiant

Czajkowskyj, de Rerneniw, près de Lemberg, le serrurier Lachrnan

de Zaschkiw, près de Lemberg également. Si l'un des détenus

ainsi confrontés niait une des questions, ou la développait dans

un sens différent de celui voulu et indiqué par le proces-verbal,

il était immédiatement maltraité en présence de ses camarades,

L 'instruction contre Myhul dura un mois. Au cours

de 22 jours, il fut presque journellement torturé. Le jour où

lui fut appliquée la torture de la corde que nous avons décrite

ci-dessus, il décida de se suicider, tellement il était déprimé.

Mais il était beaucoup trop faible pour atteindre la fenêtre

de sa cellule, en casser la vitre et se couper l ’artère avec

un débris de verre. Bien qu'il soit dans un état misérable,

il fut encore soumis à la torture. Son corps n'était plus

capable de résistance. Aux premiers coups, afin d'éviter les

horreurs d'autres tortures, il avoua tout ce que ses bourreaux

voulurent bien lui faire avouer,

Après avoir repris quelques forces, il se rendit

compte qu'il ne s 1 était pas seulement nui à lui-même, mais

que les aveux arrachés par la torture avaient rendu pire encore

la situation des autres détenus. Quand il se rendit compte que

la police ne tiendrait aucun compte de ses rétractations et que,

tout au plus, elle le soumettrait à de nouvelles brutalités, il

essaya pour la seconde fois de se suicider. Avec son mouchoir

et avec la doublure de sa veste, il se boucha le nez et la

bouche afin d 'amener 1'asphyxie. Il perdit connaissance mais

le personnel de surveillance le ramena à lui.

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Déjà lors des sévices les plus cruels, Myhul avait

prié l ’officier de service du lui envoyer un médecin. Au bout

de huit jours seulement survint un individu en blouse blanche

qui demanda à Myhul ce qui lui manquait. Il ne lui donna

aucune aide, ne lui apporta aucun soulagement mais se contenta

de 1 1 injurier.

Lorsque Myhul fut transféré à la prison du tribunal,

le médecin du tribunal, lors de la visite d 1 entrée, remarqua

les traces des mauvais traitements. Il banda les pieds de Myhul,

lui ordonna de baigner ses talons, mais se refusa énergiquement,

malgré toutes les demandes de Myhul, d 'établir un procès-verbal

de cette visita sanitaire. Plusieurs camarades de cellule de

Myhul ont constaté l'état dans lequel il se trouvait et ont

entendu le récit do ses tortures immédiatement après leur

application.

Entre autres, Myhul, au cours d'ur entretien avec

le juge Seulciewiez , lui a dicté un procès-verbal exact dans

lequel il dépeint la manière dont la police lui a arraché

ses prétendus aveux. Malgré cela, des mois se sont écoulés sans

que rien ne se passe. Lorsque 71 détenus ukrainiens, afin de

protester oontre les tortures subies en préventive, firent une

grève de la faim de huit jours, Myhul remit au Procureur de la

République la description exacte des tortures qui lui avaient

été infligées. Avec l'aide de Myhul, le Procureur général a

établi un procès-verbal des tortures sub iesCz emerenski, tel

est le nom du Procureur, ne voulait d'abord pas considérer

comme véridiques les dires de Myhul, Puis, il promit d 'interve­

nir énergiquement, Jusqu'à aujourd'hui, Myhul n'a reçu aucune

satisfaction, ni matérielle, ni morale. La police n'a nullement

modifié sa manière de faire, mais, par contre, Myhul a été

condamné à dix années d'emprisonnement.

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Le cas Ivan Lachrnan.

Ivan Laohman, serrurier, de Lemberg, natif de Zaszkiv près

de Lemberg, êgé de 2j ans, a été arrêté en automne 1jsO en sa qua­

lité d'ukrainien sous 1 'inculpation d ’appartenir à 1 'organisation

militaire ukrainienne. Lorsqu'il fut arrêté dans sa demeure, on

trouva deux vieux revolvers au’en sa qualité de serrurier il avait

réparés et qu'il voulait revendre, Les agents le conduisirent

directement au commissarle t de police. En cours de route, ils 1'en­

traînèrent dans un débit de boissons de la rue Syxtus où, bien qu'il

soit abstinent, ils 1'obligèrent à boire de l'alcool. C'est en état

d'ébriété qu'il comparut devant le commissaire de police qui 1 ' inter­

rogea aussitôt. Tandis qu'il niait toutes les accusations portées

contre lui, on le battit jusqu'à ce qu'évanouissement s’ensuive.

,uand il reprit connaissance dans la cellule de la prison, il res­

sentit de grondes douleurs par tout le corps, son visage était

enflé et il avait le nez brisé.

Le soir du deuxième jour, il fut de nouveau battu dans

une cellule du deuxième étage de la prison à o police de la rue

Batory. On lui martela les talons avec des bâtons caoutchoutés

et on le jeta à terre. Avec leurs sera.Iles ferrées, les policiers

lui marchèrent sur 1 ’ ex t rémit :. des doigts. Les ongl s en devinrent

bleus et, olus tard, i^ux tvribèv ;nt.

Puis on lui lia l.>s mains avec une chaîne et on les fixa

à la h ut sur du genou. Puis un b^ton fut passé sous los articula­

tions des genoux. Deux policiers le soulevèrent et balancèrent

5insi Lachrnan de -ci, de -là m u r , finalement, le lancer à toute

force sur le sol. En tombant, il ftait précipité tantôt sur le dos,

t'ntôt sur la tête, p rfois sua les genoux, etc . L js policiers

polonais nommèrent ce procédé " la sonnerie des cloches ’* . Ils

sonn rent” ainsi plusieurs fois. Une de ces chutes endommagea

;'r vcment l ’appareil auditif d, Lachrnan. Depuis ce jour-là,

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L-Ohman a constem.rn.ent dos bourdonnements d 'oreilles et l’une d’elles

suppure_ rendant le martyre de la ’’sonnerie’’ L. chman a été plusieurs

fois projeté contre la paroi. S ’il perdait connaissance au cours

ào ces mauvais traitements, il était aussitôt rappelé à lui par des

aspersions d’eau froide.

Parallèlement à cette méthode, Lachrnan a subi d ’autres

sévices dont, sous le sceau du serment, il a confié la nature au

juge d ’instruction Furgalski oui en a dressé procès-verbal. Des

mois ont vainement passé et Lachrnan a été condamné à trois ans de

prison oar le tribunal.

Le cas Jurko Dazyszyn.

Jurko Dazyszyn, étudiant à l ’école technique supérieure

de Lemberg, âgé de 2 6 ans, a été arrêté en novembre I9 3 O pour des

raisons politiques, On le conduisit à la prison préventive de la

rue JL-kowioz et, plus tard, à celle de la rue Bat or y. Il d .meura

six mois en préventive et passa sept autres mois dans la prison

relevant du tribunal.

Las tortures commencèrent lors de son interrogatoire par

les autorités de police,à fin. décembre et furent poursuivies pendant

huit jours entiers. On lui appliqua les mêmes méthodes qu'aux autres

prévenus ukrainiens, par e emple: désarticulation des doigts, brû­

lures par le feu, ingurgitation forcée d ’eau par les narines, etc.

On usa encore d ’un autre procédé à son égard: après lui

avoir lié pieds et mains avec une corde, on le hissa jusqu’à un

orochet fixé assez haut dans la paroi, Dazyszyn était ainsi suspon­

du lr tête en bas, Puis les policiers lui placèrent la tête dans

un seau rempli d ’eau froide, les narines et la bouche ne demeurant

à l ’air libre eue si le prisonnier frisait des efforts surhumains

pour dégager la tête, la redresser un peu. C ’est cet instant que

les tortionnaires choisissaient pour le frapper sur les talons et

le piquer avec un objet tranchant. Sous 1 ’empire de la douleur,

tous les muscles se tendaient et la tête faisait des mouvements

involontaires à droite et à gauche. En ce rythme de pendule, elle

Plongeait oarfois dans le sceau et il résultait des dises d ’asphyxie

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Et quand le prisonnier essayait de relever la tete, il ressentait

do terribles do leurs par tout le corps. A la fin, le sang lui

s o r t i t par la bouche, les oreilles et le nez,

Pour mettre une fin à toutes ces tortures, Dazyszyn

a essayé de se suicider; par deux fois; la première en tentant de

se trancher une artère, l'autre en essayant de provoquer une Hémor­

ragie interne en avalant des débris de verre, I v i a i s les surveillants

firent échouer ses tentatives.

Les gardiens de prison polonais eux-mêm s, témoins de ces

mauvais traitements incroyables, ont exprimé leur dégoût des méthodes

et de la cruauté de la police polonaise au cours de l’instruction.

Après la deuxième tentative de suicide, la police f’essa

toute torture. Elle ne livra Dazyszyn q. la prison ordinaire que

quelques mois après, afin de permettre aux traces des sévices de

s’effacer. En présence du juge d ’instruction Jenuzewski, Dazyszyn

récusa tous les aveux que le police lui avait rrachés et communiqua

au procureur général Czeaierinski qui, après la grève de la faim des

71 détenus ukrainiens avait entrepris une enquête sur les agissements

de la police polonaise, tous les mauvais traitements qu’il avait dû

subir. Mais au cours du procès en cours à ^emberg contre les Ukrai­

niens, le président du tribunal refusa de prendre en considération

Iss mauvais traitements subis par Dazyszyn, qui se trouvait égale-

tnenent au nombre des inculpés.

Lg__ças Taras Rruszelnycky.j.

Taras H-usælryckyj étudiant en philosophie, de Lemberg, âgé

21 ans, est le fils du pédagogue et écrivain bien connu Anton

Ki’uszelnycky j.

En septembre 1 9 2 9 , il a été arrêté sous l'inculpation

d'avoir perpétré l'attentat à coup de bombes contre le bâtiment

du "T-rgi Wschodnie", Il a été arrêté en même temps que vingt de

Ses camarades et cinq étudiantes ukrainiennes.

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EruscZelnyzkyj est demeuré environ deux mois à la

frison préventive dp la rue Jachnwicz. Comme il ne reconnaissait

pas sa culpabilité, on le conduisit à la chambre de torture

spéclalenent aménagée à cet effet. Les fenêtres sont fermées, une

lampe électrique rougfi empêche les inculpés de reconnaître les agents

de police. La chaîne avec laquelle on l'attacha avait été tellement

tendue que les maillons lui pénétrèrent dans la chair dont le sang

coula. Cn le frappa à coup de bâton caoutchouté sur la plante des

pieds Jusqu’à ce qu'évanouissement s’ensuive. On plaça ses doigts

dans la jointure des portes qu’on ferma lentement jusqu'à ce que

le sang jaillisse sous les ongles, Cn enfila aussi les aiguilles

sous Les ongles, on lui arracha ces touffes de cheveux, on lui fit

absorber du thé comme cn avait fait ingurgiter de l ’eau aux autres

condamnés (voir appendice 2 )«

Fuis Kruszelnyckyj avoua tout ce que voulait lui faire

avouer le commissaire de police, dans 1 'espoir que ses tortures

prendraient fin.

Mais le deuxième jour, ^n lui posa de nouvelles questions

destinées à alimenter la culpabilité de ses camarades » Comme il

refusait de reconnaître les allégations de la police, il fut tor­

turé à nouveau.

Le jeune Kruszelnyckyj , de constitution faible, plutôt

rêveur et musicien qu'homme d'action, ne put supporter plus long­

temps son martyre et commença de divaguer. Il commença oe dire tout

ce qui lui passait par Le tête, il "avoua" des attentats dont il

n'avait jamais eu .l'idée, qu’il n'aurait même jamais cru possibles.

H ajouta à celles de la pclice de nouvelles affirmations tout à

fait fantaisistes.

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Ces "aveux" parurent si sensationnels que la police

lui ordonna de les consigner lui-même par écrit. Krusczelnyzky

obtempéra naturellement parce qu’il espérait mettre ainsi

fin à ses tortures. i l u is, au-dessous de la signature qui

rnrrphait ce procès-verbal il avait écrit les deux lettres

"P.P.". la police n ’y fit pas attention. Ces initiales sont

abréviation eu terme ukrainien "pid prymuson", c'est-à-

dire sous contrainte.

C'est seulement au tribunal, en présence des jurés que

Kruszelnyckyj avoua son subterfuge afin de pouvoir prouver

au tribunal que ses déclarations n ’avaient pas été ftites

librement, mais sous la menace de torture. Il voulait avoir

une preuve tangible afin de pouvoir réfuter une accusation

éventuelle du procureur général, celle par exemple, d’avoir

récusé tous les aveux faits aux autorités di police sous

1 ’instigation de son défenseur.

C ’est dans de telles subtilités qu'un prévenu martyrisé

doit chercher un appui, un salut.

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Korns ub quelques ukrainiens torturés par la police polonaise

et avec lesquels je suis entré en contact lors de mes arrestations

des années 28-29 et 20-01.

1 . Bo.jarskyj V7o 1 ody myr Etudiant & l ’école de commerce. Un an de

prison, à Lvov.

2. Par.czewskyj l.r:dr 1 j Lycéen. Prison ce Lvov.

3. Hrynyk D< nylo Etudiant à l ’école vétérinaire supérieure. Ori­

ginaire de Koszeliv. ce-cle de ZolkvV. 27 ans. ,3 rus de prison

à Lvov.

4. Jazyszyn Lï.du cercle ce B&lz. 5 a..s de prison è Lvov.

5. Kaczmarskyj I m,ii Lycéen, de Lvov, 5 ans de prison. Actuelle­

ment au pénitencier de Rawicz.

6 . Kacraarskyj Rorr^n Etüuiant, de Lvcv. Prison de Lrohobycz.

7. Kg c^ars ky j V; o 1 o dy my r Etuui<aL3, de Lvov. En prison préventive.

8 . Kruszelnycky,j Taras, de Lvov. Trois ans de prison à Lrouobycz.

9. Kozusko Mychajlo Agriculteur. Cercle de Belz. Trois ans de

prison à Lvov.

10. Krc-wczuk Agriculteur. Cercle de Belz. 5 ans uc prison à Lvov.

11. Kyryluk 0. Garuc-forestier de Zncsinie-Lvov. 4 ans de prison

à Lvov.

12. Koreiuk Bondan Ituciüût en philosophie. Lvov. 2 ans de prison.

12. Knysz Boudin Zeuobiusz. avocat stagiaire. Prison de Lvov.

14. Laavpika L.iuba Lycéen. 6 ans de prison à Lvov.

15. Lasi.lc^uk Ivly ola 24 ans. Relieur. ^ i r.s < c orison à Lvov.

16. Lc~,.yckyj Ivan Lycéen. 8 ;.ns ue prison à Lvov.

17. Myrosz. J . Etuuiv.nt. 7 ans de prison à Ra\. ic*.

!&• Ivielnyu. Bolouymyr Lyc^cu. 1 ..n ce prison à Lvov.

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IS. 1,1;. ii£.'/a;iv 0 . Lycéen, £ ans de prison à Erohooycz..

20. harolevycz C . de Znesinie-Lvcv . 4 < ns à Eronocycz.

2 1 . Oreyner. Wolocyn:yr Lycéen. Coicamne & £ucrt par Le tribunal excep­

tionnel. Peine commuée en 15 , nn d 1 emprisonnement à Rav.icz.

££. Plachtyna Ivan Lycée. . Cor ca.xu ù mort par le tribunal excep tion­

nel , Peine co^ciuée en lé . ns au prison à Rawicz.

Si. PojaciuK WoloQvViyr Etudiant en philosophie, de Kolonyju,

arrêté à deux reprises. Liai traité yui s remis en liberté.

2-z. Palecky.j Ivan, de Grr.cnda, -rès u.e Lvov. Lycéen, o ans ce

prison à Lvov.

25. Szmyrka TJasyl Agriculteur, de ".olicia Kcmarowa près de Sokal

5 ans d’emprisonnement.

26. Sydjr T . Agriculteur du csrcle de Belz. 5 ans d’emprisonnement

à Lvov.

£7. Stecyszyn Bohdan. 19 ans. Employé de commerce de Lvov. 4 ans

d ’emprisonnement à Lvov.

£8 . Sal.jak ïï^lcdymyr £C ans. Relieur, ae Lvov, 5 ans d'emprisonne­

nt nt à Lvcv.

29. Tereszczuk 1.1. de Znesinie Lvov. Lycéen, 4 ans de prison

50. Czct Stefan du cercle de Sokal. 5 ans d'emprisonnement à Lvov

ul, Cza.jkowsky.1 Mychajlo £1 ans. Lycéen, de Remeniv près de Lvov,

9 mois de préventive. Maintenant en liberté,

5£. V.'acyk Ivan de Znesinie Lvcv. 4 ans d 1 emprisonnement à Lvov.

vv. T7reciona E wh e n £6 ans. Etudiant à l'école technique supérieure,

14 mois de préventive. Libéré.

û4. Szczur Roman ^1 ans. 14 mois• de préventive. Libéré.

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Liste de quelques-uns des fonctionnaires du police

auteur des sévices subis par les détenus, reconnus et

accusés par eux au cours des débats du tribunal.

c i l e w i o z Cornai ssair e de Police, Chef de1'Instruction de Lvcv.

C z e c h o w s k i Commissaire de Police, Directeur de lasection ukrainienne de 1 ’Instruction de Lvov.

F e d u n i s z y n Commissaire de Police suppléant à la secticd 'instruction des délits politiques du cyrcle de Lvcv.

S m o l n i c k i Commissaire de Police suppléant attachéà la Stoction d ’instruction des délits politiques jusqu’à 1929.ActUtelltetnent à Tczew.

C g r o d n i k \

!

iV o j c i e c h o w s k i '

R a d o n ) Tous sous-officiers de police( fonctionnant n qualité d ’assis-

1 u ri a s y tants de la section criminelle( et agents secrets.

C h i m i a k )

K o w a 1 c z u k ;/V

h' u d n y )

V.T i s n i e w s k i Maréchal des logis chvf, L irecteur desprisons préventives dus rues Jachowicz et Batory.

C h i m y c z Agent secret,

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II. OBSERVATIONS EU GÜUVURNELŒ!': POL QUAI S.

Genève, le 5 avril 1932.

Monsieur le Secrétaire général,

Per votre lettre en date du 21 décentre 1931

N '’4/33227/222 vous avez 'bien voulu me faire parvenir une

lettre émanant de M. Roman Suszko, datée du mois de novembre

1931 et concernant le traitement dont auraient été l'objet

les prisonniers ukrainiens dans les prisons polonaises.

J ’ai 1 ’honneur de vous soumettre ci-après les observa­

tions de mon Gouvernement au sujet de ladite lettre.

Le Gouvernement polonais s’abstient d ’examiner les

motifs qui ont conduit M. Suszko à adresser à la Société des

Nations ’’une pétition” contenant des griefs au s à monstrueux

dont la "teneur démontre suffisamment la mentalité viciée st

criminelle de leur auteur. Entamer une discussion à ce sujet,

serait admettre en quelque sorte la possibilité des faits

allégués. Sans rechercher les sources de telles allégations il

ne sera pas sans intérêt de remarquer que certains milieux

minoritaires ukrainiens qui, il y a peu de temps encore ont

violemment combattu l ’auteur de ces informations mensongères,

ont trouvé utile non seulement de les reproduire mais leur ont

prêté même leur appui. Si ”la pétition” devait être pour

M. Suszko un acte de "réhabilitation” politique et si elle a eu

pour lui les suites qu’il désirait, on ne peut que laisser

sans commentaires de telles méthodes, employées sous prétexte

d ’une action entreprise soi-disant au non des principes

humanitaires.

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Le Gouvernement polonais juge nécessaire de mettre à

la disposition des membres du Comité de Minorités quelques ren­

seignements sur la personne même du pétitionnaire,

M. Suszko est connu aussi "hien des autorités polonaises,

que des milieux ukrainiens, où il est considéré comme un personnage

compromis au point de vue moral et politique. Les sobriquets de

"Sycz" et ’’Kijowski" employés par lui dans diverses circonstances

se trouvent impliqués dans une série d ’affaires qui tombent scus

le coup du code pénal. Sous le nom de "Syoz" il faisait partie de

l ’organisation illégale de terrr.ristes ukrainiens U,0.W. Le plus

caractéristique, peut-être, pour sa moralité, est le rôle,jusqu’à

présent assez obscur, que Roman Suszko a joué dans 1 ’affaire du

meurtre du colonel Otmarsztajn, chef de l ’Etat major du ’’Corps

des Tireurs ukrainiens”.

L ’affaire mérite d ’être relatée brièvement: après la

déTsacle de l ’armée de la République nationale ukrainienne en 1919,

1 ’Etat-Major des "Tireurs Ukrainiens" a caché dans les environs

de Lubar la caisse du Corps,contenant des scrrr.es importantes en

monnaie-or. Un certain temps après,M. Suszko reçut l'ordre de re­

trouver le trésor en question et de le transmettre au Conseil des

Tireurs, dc-ni; les chefs se trouvaient à l'étranger. M. Suszko

accomplit sa mission, mais des malenténdus entre lui et le Conseil

ayant surgi quant au règlement des comptes, le Conseil confia

I ’examen c1. e la question à une Commission spéciale. Le colonel

Otmarsztajn qui en faisait partie se rendit personnellement au

camp des Tireurs ukrainiens près de Kalisz afin ce procéder à

1 ’enquête.

Le colonel Otmarsztajn n ’est plus revenu de ce voyage.

II a été tué à coups de fusil dans la nuit du 2 au 3 mai 1922;

son corps fut retrouvé parmi les fils de fer barbelés constituant

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I

1 ' enceinte du camp militaire. Roman Suszko était le dernier de

ceux qui s’étaient entretenus avec le colonel et 1 *avait

accompagné jusqu’à 1 ’enceinte. Il faut noter que Otmarsztajn

n'a pas été reconduit par la route usuelle conduisant à la sta­

tion du chemin de fer, mais dans la direction opposée, où se

trouvait parmi les fils de fer un passage secret. On ne trouva

sur le cadavre aucune note concernant llenquête qu’il venait

pourtant d ’effectuer. Bientôt après, Roman Suszko disparut, en

se rendant clandestinement à 1’ étranger.

Ces quelques faits caractérisent, semble-t-il, suffi­

samment la personnalité de Suszko et font apparaître sous un

jour particulier les allégations formulées par lui. Il convient

de souligner encore que toutes les personne s citées par lui c ans

sa pétition avaient été, conjointement avec lui-même, arrêtées

sous 1 ’ inculpation d ’actes criminels commis sous le patronage

de 'l’Organisation militaire ukrainienne” (U. 0.Y7. j tels que sabo­

tages, agressions terroristes, expropriations et autres. De

1'affaire des 38 inculpés 5 seulement ont été classés, tous les

autres inculpés furent condamnés à des peines diverses. Ce n’est

point un hasard que les informations de 11. Suszko ne contiennent

que les noms des membres de "l’LT,O.W.", Il est clair que la

démarche de M. Suszko constitue une des nombreuses manifestations

de la propagande antipolonaise menée avec tant d’acharnement par

l1Organisation des Nationalistes Ukrainiens constituant, comme

on le sait, la façate et l ’agence politique de "l'Organisation

militaire ukrainienne” (U.0,’,7. ).

Pe l ’avis .du Gouvernement polonais, il n ’est pas

sans intérêt de constater que "La pétition" de M. Suszko coinci de

avec l'action menée dernièrement sur le terrain international

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par des milieux communistes et dirigée contre la "terreur

olanche" et surtout contre le système pénitentiaire en Pologne.

Le cette façon "la pétition" en question est une des formes de

cette propagande*

Vu que "la pétition" de K» Suszko n ’a rien èe commun

avec la protection des minorités et que son but n ‘était pas

< ’ or, tenir telle ou autre décision des instances internationales,

mais qu’elle ne constitue qu’une continuation de la propagande

calomnieuse dirigée contre 1 es autorités polonaises - le Gouver­

nement polonais en protestant d rune manière expresse contre une

action de ce genre, ne trouve pas possible d e présenter des

observations quant au fond des griefs dont les véritables motifs

semblent suffisamment clairs»

Veuillez agréer, etc.*.

' si gné ) Th. GWIAZT OWSKI,

Chargé d ’affaires a.i.