Le Vocabulaire de Kierkegaard_Politis

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    Dans la mme collectionLe vocabulaire de ...

    A,.istote,par P PellegrinBachelard,par J.-CI. ParienteBouddhisme,par S. ArguillreBentham,pa r J.-P Clro et Ch. LavalBerkeley,par Ph. HamouComte,par J. GrangeDerrida, par Ch. RamondDescartes,pa r F. de Buzon

    et D. KambouchnerDiderot,par A. IbrahimL'colede Francfort, pa r Y. Cusset

    et S. Haberpicure,par J.-F. BalaudFoucault,par J. RevelF,.ege, par A. BenmakhloufF,.eud, par P.-L. AssounGoodman,pa r P.-A. HugloHegel,par B. BourgeoisHeidegger,pa r J.-M. VaysseHume,par Ph. SaltelHusserl,par J. English

    Kant, par J.-M. VaysseKierkegaard,par H. PolitisLacan,par J.-P ClroLeibniz,par M.de GaudemarLvinas,par R. Calin et P.-D. SebbahLvi-Strauss,par P ManiglierLocke,par M. ParmentierMachiavel,par Th. MnissierMainede Biran, par P. Montebello

    ISBN 2-7298-1087-0

    Matre Eckhart,par G. Jarczyket P.-J. Labarrire

    Malebranche,par Ph. DesocheMalraux,par J.-P ZaraderMarx,par E. RenaultMerleau-Ponty,par P DupondMontesquieu,par C. SpectorNietzsche,par P WotlingPascal, par P MagnardPlaton, parL. Brisson et J.-P. PradeauPrsocratiques,par J.-F. BalaudQuine,par J. G. RossiRousseau,par A. CharrakRussell,par A. BenmakhloufSaint Augustin,par Ch. NadeauSaint Thomas d'Aquin,pa r M. Nod-

    LangloisSartre, par Ph. Cabestan etA. TomesSceptiques,par E. NayaSchelling,par P DavidSchopenhauer,par A. Roger

    Spinoza,par Ch. RamondStociens,par V LaurandSuarez,par J.-P CoujouTocqueville,par A. AmielVico,par P GirardVoltaire, par G. WaterlotWittgenstein,par Ch. Chauvir

    et J. Sackur

    Ellipses dition Marketing S.A., 2002 - www.editions-ellipses.com32, rue Bargue 75740 Paris cedex15

    Le Code de la proprit intellecluel1e n'autorisant, auxterme!'> de l'article L.1225.2 et 3Q a).d'unepart. que le,, copie"ou reproductions strictement rserves l'usage priv du copistee.1non destines une utilisation collective, et d'nuire part. que les analyses et les courlescitations d a n ~UII but d'exemple ct d'illustmtion, toute reprsentation ou reproductionintgraleou partielle faite s.ms le conselllement del'auteur ou de ses ayants droit ou ayantscauseest illicite (Art, L.122-4),Cette reprsentation ou reprodUl:tion,par quelque procd que ce soii constituerait unec(.)ntrefaonsanctionne par lefoi articles L. 335-2 et suivants du C()dc de hl propritintellectuelle,

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    Alternative/Ou bien - ou bien [fnfen-fller]

    * Ds son titre, L'alternative nonce un enjeu philosophique qu'onrsumera par cette formule redouble ou bien ou bien oubien - ou bien la spculation. Que l'thicien (qui parle dans la 2 epartie de l'ouvrage) s'adresse l'esthticien (dont les propos occupentla 1re partie) pour le lui faire comprendre, permet d'apercevoirquelles analogies la spculation entretient avec l'esthtique. Car c'estdu ct de l'esthtique qu'apparat d'abord le ou bien - ou bien, le autau t, non comme exigence thique mais, tout l'inverse, commeindiffrenciation, comme invitation l'indiffrence l'esthticien metla disjonction de l'tre-l entre parenthses, il suspend cettedisjonction au profit d'un art du non-engagement qui se prtendae!erno modo. Il y a, selon l'thicien, une proximit ambigu entrestade esthtique et spculation une absence analogue d'engagement,une non-inscription comparable dans l'effectivit peuvent leur trereproches (cf. AltI, SV3 II, p. 40-4110C III, p. 39-41). Au fauxdilemme esthtique, au captieux dveloppement dialectiquespculatif, au choix biais et en trompe-l'il entre de purs possibles(au plan de l'esthtique) ou entre des contradictoires abstraits qui nesont pas des contraires rels (au plan du Systme), l'thicienkierkegaardien rpond par une comprhension diffrente du mlf-au!qui, cette fois, pose bien l'alternative, au sens strict (cf. Ait, SV3 III,p. 149/0C IV, p. 143).**

    Dans ce contexte intervient une dnonciation de la mdiation

    formule par le juge Wilhelm qui n'accepte pas d'endosser le titre dephilosophe, d'une part, dit-il, pour taquiner son ami esthticien,d'autre part, plus srieusement, parce qu'il veut maintenir fermementl'opposition entre thique et spculation (cf. Ait, SV3 III, p. 160/0CIV, p. 154). Wilhelm dnonce une semblable faute commise parl'esthticien au plan de l'action et par le penseur systmatique au plande la pense tous deux abolissent le principe de contradiction.

    . On trouvera une liste des abrviatio . 61.

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    foi (non la certitude sensible, pas davantage la pense pure) donneaccs aulait paradoxal, la doctrine de l'Homme-Dieu on ne pensepas l'altrit absolue, on se rapporte elle et l'on y croit.

    ChrtientjChristianitjChristianisme [ChristenClom(christianisme), Christenhed (chrtient), det Christelige(la christianit, le spcifiquement chrtien)]

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    *

    Le christianisme (Christendom) renvoie chez Kierkegaard deuxdomaines qui ne se situent pas sur le mme plan de ralit. Lachrtient (Christenhed) dsigne l'glise officielle, fonctionnantinstitutionnellement dans un temps et un lieu selon des codes tablispar exemple - et tout spcialement - l'glise comme systme

    religieux de rfrence au Danemark durant la premire moiti duXIXe sicle. Ce christianisme-l, Kierkegaard l'appelle aussichrtient gographique en tant qu'il rsulte d'abord desparticularits de la naissance et de l'appartenance socioculturelle unpays I l vit des millions de chrtiens - on peut compter ldessus! oui, on peut autant y compter que si les mmes treshumains, tant ns [en terre islamique], taient musulmans (Pap.

    XI 1 A 512 < 1854. Or, ce qui permet Kierkegaard d'tre sifrocement critique envers le christianisme comme chrtientgographique, c'est la conception qu'il a du christianisme entenducette fois comme le spcifiquement chrtien ou la christianit (detChristelige) Dans "la chrtient" tous sont chrtiens; lorsque toussont chrtiens, le christianisme du Nouveau Testament eo ipso n'estpas l, oui il est impossible (Instant, SV3 XIX, p. 163/0C XIX,

    p. 166). L'uvrede

    Kierkegaard vise simultanment dnoncer lachrtient comme non chrtienne (parce que rapportant lechristianisme des catgories de pense humaines sociologiquementdtermines) et rendre attentif la christianit comme expressionaction du paradoxe du Dieu fait homme une fois pour toutes ct pourtoujours. Ce fait paradoxal [Voir aussi supra Aptre] introduiteffectivement l'ternit dans le temps, modifiant de faon dcisive lerapport des hommes l'absolu vivant.

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    tmoigner en payant de sa personne, en oprant grce Dieu unevritable transformation de son rapport soi-mme et de ses rapportsavec autrui, en s'employant inscrire dans la ralit quotidienne lavrit dece qu'il a peru du message chrtien), n'est pas un tmoinmais un imposteur.***

    Dans cette dnonciation de la chrtient gographique,Kierkegaard voit en Feuerbach (1804-1872) non un ennemi mais unalli indirect. En effet, dansL'essence du christianisme, Feuerbachdvoile l'essence anthropologique de la religion (l'tre de Dieu est,selon Feuerbach, l'tre mme de l'homme) et il combat l'oprationidologique de la religion qui, dit-il, aline l'tre humain en l'acculant croire que son tre propre lui est tranger, tant le reflet d'un Autre

    (cet Autre tant l'homme, maisperu fantasmatiquementetreprsent fantastiquement parce qu'illusoirement projetparl'humanit mme hors de soi, en un tre autre que soi). L'essencedu christianisme Kierkegaard rpond parL'cole du christianisme(titre qu'on traduirait mieux, avec H.-B. Vergote, par desExercicesdans la christianit - ou encore unEntranement [actif et engag Jdans la direction du deve1lir-chrtien). L'cole du christianisme

    (ouvrage publi par Kierkegaard en 1850 sous le pseudonyme AntiClimacus) ne se contente pasde rcuser polmiquement lesdescriptionset analyses prsentes dansL'essence du christianisme(1841), mais il les assume pour y rpondre dialectiquementencherchant par-del l'illusion chrtienne contemporaine (repreetdnonce par Feuerbach, lecteur bien inform du Systme hglienmais lecteur refusant la dialectique synthtisante hglienne au profit

    d'un schme du renversement permettant au genre humain de ser approprier ce dont l'avait dpossd une religion chrtiennemystificatrice) une lecture diffrente du christianisme - commechristianit cette fois- , plus justement et plus scandaleusementfidle la vrit du Nouveau Testament.La christianit selonKierkegaard n'lude plus l'historicit spcifique dumessagechristique, elle n'est pas platement anthropologique, elle prend encompte l'individu-singulier qu'elle ne laisse pas se diluer de manireindiffrencie dans la gnralit du genre humain. Ce sont les

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    bourgeois cossus et bien-pensants du XIxe sicle qui, aveugles auchristianisme-christianit, se rendent prisonniers d'une religionconventionnelle reposant sur une image aline de Dieu, alors que lachristianit est la rencontre paradoxale de l'infini et du f i n i -

    rencontre minemment libratrice qui, correctement comprise,pulvrise toutes les alinations, et spcialement l'alinationidologique, puisqu'elle rcuse le primat de l'imaginaire au profit durel effectif. [Voir infra Exigence du temps].

    Contemporain/Contemporanit [den Ikke-Samtidige(le non-contemporain) ; den Samtidige

    (le contemporain) ; den umiddelbare Samtidighed(la contemporanit immdiate) ; den virke/igeSamtidighed (la contemporanit effective)]

    *Les Miettes philosophiques posent la question paradoxale d'unpoint de dpart pris dans le temps partir duquel serait rendueaccessible une batitude ternelle. La difficult ne vient passeulement de l'htrognit des deux champs (le temps, l'ternit)

    elle rsulte encore du fait que - supposer possible une pareillerencontre - on aura, en tant qu'tre humain incapable de mettre lechamp temporel entre parenthses, prendre position par rapport elle. L'individu qui se trouve tmoin de la rencontre paradoxale parcequ'il vit durant la priode o celle-ci historiquement se produit,bnficie-t-il d'un avantage quand on le compare un tre humainvivant une poque postrieure? Climacus-Kierkegaard rpond quela contemporanit immdiate (tre l lors de l'vnement, y assister,y participer en tant que tmoin historique direct) ne peut jamais treplus qu'une occasion. Car la foi n'est pas une connaissance dans lamesure o aucun connatre ne peut avoir pour objet cet absurdel'ternel est l'historique (Mi, SV3 VI, p.58/0C VII, p.58).Connatre, c'est connatre ou bien un lment ternel o u bien unlment historique; on connat l'un ou l'autre, jamais les deux

    ensemble. Par exemple, ou bien je connais historiquement l'individunomm Spinoza qui vcut entre 1632 et 1677 - ou bien je connaisintellectuellement le spinozisme; mme si je lis la doctrine de

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    Spinoza la lumirede sa vie (ou sa vie la lumire de sa doctrine),je reste unilatralement situ dans un seul de ces deux champs, l'exclusion de l'autre.Or, quandje me rapporte l'ternel s'incarnantdans le temps,au Dieu ternel s'tant fait historiquement homme, j'ai me tenir vis--vis de lui dans une relation telle queje maintienne,en un acte paradoxal, cet objet paradoxal historico-ternel. C'estcomme croyant que le disciple se rapporte ce matre-ci de tellesorte qu'il s'occupe ternellement de son tre-l historique(Mi,SV3 VI,p. 58-59/0C VII,p. 58). Effectuant cette vise paradoxale,le contemporain et le non-contemporain rencontrent exactement lamme difficult.Nul n'a le moindre privilge compar l'autre ni lecontemporain parce qu'il aurait vu personnellement l'vnement,ni lenon-contemporain parce qu'il pourrait tre mieux document sur lescirconstances et les consquences historiques, ou encore parce qu'ilserait meilleur thologien. On ne reoit pas la foide seconde maintout croyant est disciple de premire main, tout croyant, en tant quetel, est contemporain de l'vnement christique.** Kierkegaardne met pas en cause la ralit historique d'un homme(Jsus) ayant vcu une poque donne etau sujet de qui l'onpossde des documents. Mais cette personne, nul autre que le croyanne peut la reconnatre comme tant Dieu [Voirinfra Signe-de-Iacontradiction]. Allons jusqu' nous reprsenterun tyran tout-puissant

    acharn collecter des informations concernantun vnement ou unesrie d'vnements (cf.Mi, SV3 VI,p. 83/0C VII, p. 86). Navementce tyran s'imagine qu'un changement qualitatif (un savoir donnantaccs la vrit) rsultera de l'accumulation quantitative des donnes(l'enqute). supposer qu'il ait contraint les tmoins encore vivants avouer la totalit de ce qu'ils savent et de ce qu'ils ont observconcernant cet vnement, aurait-il russi satisfaire sonvu? Non,

    car la prtention d'embrasser quantitativement l'vnement estillusoire. Quelles que soient les techniques dont elle dispose,l'enqute tyrannique (mtaphore extrme de l'historiographiequantitative) est voue l'chec parce qu'elle se trompe d'objet. Loinde viser le qualitatif travers le quantitatif, l'enqute convenabledevrait sauter horsdu quantitatif pour trouver la qualit non dans

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    une synthse impossibledu qualitatif et du quantitatif mais dans leurrencontre paradoxale. Cette conceptionkierkegaardienne dutmoignage est doublement instructive. Premirement, elle aides'interroger sur la nature de l'vnement historique et sur la valeur du

    discours historique. Deuximement, cette faon de poser le problmedu tmoignage oblige rflchir surle statut de la foi. Il n'y apas dereprsentation directe du Dieu vivant, Jsus s'est donn voir sousl'apparence d'un homme quelconque et cette forme n'tait en rienapparence-trompeuse, car s'il en tait ainsi, cet instant-ci ne serait pasl'instant (Mi, SV3 VI, p. 60/0C VII, p. 60). Climacus pose danstoute sa force paradoxale la questionComment donc l'aspirant-au

    savoir devient-il croyant oudisciple? (Mi, ibid.). Il le devientinstantanment (ici-maintenant) et pourtant ilne le devient niponctuellementni de faon contingente mais paradoxalement.Et s'ildevient disciple, c'est que la condition pour le devenir lui est donnede l'extrieur et qu'elle est apporte dans l'instant [VoirinfraInstant]. Cette condition-ci n'est pas n'importe laquelleunepareille condition doit assurment tre une conditionternelle (Mi,

    ibid.). Foi et paradoxe sont congruents la foi est l'organe duparadoxe qui, lui-mme, estet exprime la rencontre de l'ternel avecle temps.

    L'homme d'un temps ultrieur a la possibilit d'trecontemporain effectif tout autant que peut l'tre (mais ne l'est pasobligatoirement) un contemporai' immdiat. L'historicitdu Christs'inscrit dans l'histoire humaine (sinon cette historicit du Christneserait qu'un jeu verbal ouun tour de magie sans consistance) on aici affaire l'histoire au sens 1 (histoire comme succession organised'vnements et narration savante de ces vnements).Maisl'historicit du Christ est galement ce par quoi l'histoire humaine estplus et autre que l'histoire au sens1. L'histoire au sens 2 ne cesse pasd'tre une histoire humaine (elle n'est pas magiquement transformeen quelque chose d'autre) mais, simultanment, elleest rptereprise (sans Aufhebu/lg, sans suppression-conservation,sansdpassement-relve la Hegel) comme histoire articule l'ternit,

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    Dans la dfinition de la dialectique se trouvent spcialement misen cause le statut du sujet pensant vivant d'une part, et sa relationavec l'objectivit d'autre part. L'exercice de la pense (ceci valantpour Socrate, Platon, Hegel, Kierkegaard, quoiqu'ils n'attribuent pas la pense une fonction identique dans l'accs la vrit) est untravail. Ce travail peut souligner les apories, renforcer les limites,multiplier les obstacles, tout comme il peut exprimer le choixinverse parier pour l'accs rationnel la ralit, pour l'laborationprogressive d'un discours de vrit, pour le cumul russi des tapesde recherche du sens. Dans le premier cas (dialectiques n 1 et nO 4),est accentu le mouvement d'accs la vrit, avec ce qu'il a denovateur mais aussi de dcevant et de douloureux; dans le secondcas (dialectiques nO 2 et nO 3), sans pour autant que le mouvement derecherche soit occult, ce qui est dcisif, c'est la production dursultat qui va jusqu' s'riger en autoproduction (chez Hegel). Or si,avec Kierkegaard, on juge que se maintient ouverte la fracture entrela finitude et l'infinit, entre la pense et l'tre, on n'accepte pas lasuppression-conservation hglienne (Aujhebung en allemand). cette reprise-relve on oppose alors une rptition-reprise(Gjentagelse en danois) laquelle on accde non par la voiesystmatique mais par la foi paradoxale qui conserve (sansdpassement) la contradiction des opposs au sein mme du geste quisauve.***

    Du grand dbat Kierkegaard-Hegel, on ne retient ordinairementque les critiques violentes adresses par Kierkegaard au Systme.

    Traiter ainsi le discours kierkegaardien, c'est oublier sa dimensionphilosophique. Car c'est au nom mme d'une comprhensionpertinente de la dialectique et par respect pour l 'activitphilosophante - nullement par rejet de la philosophie - queKierkegaard se veut attentif ce qu'il y a d'inachev et de ngatif(c'est--dire de positif en germe mais toujours-non-encoredfinitivement-germ) dans la pense humaine en qute de sens jene suis pas pote et je procde seulement dialectiquement (CrT,SV3 V, p. 82/0C V, p. 179). Cette assertion de Johannes de Silentio

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    Ce sont lesPrincipes de la philosophie du droit de Hegel quilivrent un fil conducteur pour dbrouiller la complexit du dispositifkierkegaardienthique/morale/vie-thique/thicit. En effet, ds sathse sur Le concept d'ironie constamment rapport Socrate

    (1841), Kierkegaard cite et commente cet ouvrage publi par Hegelen 1821. LesPrincipes de la philosophie du droit dveloppent troisparties complmentaireset congruentes 1) Droit abstrait 2)Moralit [en allemandMoralitiit] 3) Vie-thique [en allemandSittlichkeit]. Dans la 2e partie Hegel, appliquant la grilleinterprtativede son Systme laCritique de la raison pratique,analyse la moralit selon Kant, qu'il admire tout en lajugeant

    insuffisante. La moralit kantienne permet, dit Hegel,de sortir desimpasses du droit abstrait maisaboutit aux impasses d'unsubjectivisme exacerb ( chercherdu ct de Fichte et surtout desRomantiques allemands) il faut donc (toujours selon Hegel) faires'assumeret se dpasser la moralit kantienne en une vie-thiquecapable de trouver - par-del la personne juridique inventepar ledroit romain(cf. 1re partie des PPD) puis par-del l'impratif

    catgorique auquel obit le sujet moral kantien (cf. 2e partie desPP D) - la personnalit thico-politique moderneen sa triplescansion(cf. 3epartie desPPD [a) famille, b) socit civile,c) tat]).Pour accder l'thique kierkegaardienne ce dtour estindispensable. Kierkegaard refuse de revenir Kant, ce qui leramnerait en dede Hegd. Comme Hegel, il juge indispensablemais insuffisant le sujet de la moralit kantienne. En lecteur avis de

    Hegel, Kierkegaard souhaite ne pas privilgier l'intriorit audtriment de l'extriorit. Privilgier l'intriorit serait traiter lasubjectivit de manire unilatrale on doit intgrer la dfinitionkantiennede la moralit mais non s'en tenir elle.Sur ce pointKierkegaard est d'accord avec Hegel pour l'un comme pour l'autre,il est indispensablede rapporter la subjectivit une objectivitsuprieure laquelle la subjectivit est appele participer.Si lesujet kierkegaardien est isol, il ne l'est ni au sens de l'autonomiekantienne niau sens de la subjectivit romantique paroxystique (chezF. Schlegel interprte de Fichte, par exemple). La tche de l'individu-

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    singulier (den Enkelte) kierkegaardien est bien de partiCIperauthentiquement une vie-thique o il fait l'exprience d'un rapportvrai la ralit commeeffectivit. Ici la question d'une suspensiontlologique del'thique (traite dansCrainte et tremblement[1843]) prend toute sa porte philosophique [Voirinfra Suspensiontlologique de l'thique]. L'articulation Kant-Hegel quant au rapportmoralit/vie-thique (articulation hautement dialectique dans leSystme hglien) se dialectise autrement mais tout aussi fortementchez Kierkegaard par l'intervention d'un moment thico-religieux quiprend en comptela dfinition hglienne de la vie-thiquecommeSittlichkeit mais la rcuseen dernire instance au profitd'uneconception de la christianit qui permet seule l'individu-singulierd'oprer une rentre dans la gnralit sans pour autant tre absorben elle. L'thico-religieux kierkegaardien est, de faon radicalementneuve, cette vie-thique effective (non hglienne mais nullementpr-hglienne) entrelaant dynamiquement gnralitet singularit,objet et sujet, infini et fini, ternitet temporalit, libertet histoire,extrioritet intriorit, existence humaineet tre de Dieu.***

    Deux remarques pour affiner ce qui prcde.Premirement Lafaon dont Kierkegaard comprend Socrate (son ironie, sa maeutique,son rle dans l'invention du sujet moralet de la philosophie)mriterait d'tre explicite dansce cadre. Le concept d'ironieconstamment rapport Socrate intgre dans une Annexecentrale (portantsur la conception hglienne de Socrate) un exposdes raisons pour lesquelles Hegel, en sesLeons sur l'histoire de la

    philosophie, fait de Socrate

    le fondateurde

    lamorale

    (cf.CI,

    SV3l, p. 248-256/0C II, p. 205-214/traduction H. Politis dansAutour deHegel. Hommage B. Bourgeois, Paris, 2000, p. 370-378). Partantde l, Kierkegaard trace le portrait d'un Socrate ironistecontinuellement en route vers l'ide, combattant inlassablement parson questionnement les prjugsde ses contemporains afin de lescontraindre exercer leurjugement et leur discernement, mais sansfranchir lui-mme le pas qui mnerait l'laboration d'une doctrine[Voir infra Ironie]. - Deuximement On constateque dfinirl'thique kierkegaardienne implique de puiser dans tout un rservoir

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    de notions fondamentales (historicit, foi, libert, intrioritetextriorit, sujet, savoir, tre, existence, christianisme, ordinaireetextraordinaire, Antiquit et modernit, etc.). Jamais systmatiqueau sens hglien du terme, la pense de Kierkegaardfait systme,tant ordonneet vivante les lments d'informationet decomprhension s'articulent logiquement entre eux, se prcisent lesuns par les autres, rpondent les uns aux autres.La langueconceptuelle kierkegaardienne mrite d'tre connue et parleen tantque telle.

    tre-I/Existence/Vie [fxistents (existence) ; Liv (vie) ;Ti/viEre/se (tre-l)]

    *Les traductions franaises de Kierkegaard traitent ordinairementcomme des termes quivalentsvie, existence, tre-l. Cela entranedes contresens graves mais inaperus des lecteurs franaisnepouvant se reporterau texte original danois.On ne dira jamais assezque beaucoup de problmesvitaux ne sonten rien des problmesexistentiels. L'existence est qualitativement plus et autre quele faitd'exister (autrement dit l'existencecomme tre-l [en danoisTilvrelse en allemand Dasein]). L'existence est aussiqualitativement bien plus que la vie (biologiqueet socio-historique)parce qu'elle inclut en elle une dimension heuristique et dynamique.On peroit cette spcificit de l'existence par rapport la vie si l'onse rfre mtaphoriquement l'ros duBanquet platonicien Cettecomplexion de l'existence(Existents) rappelle la conception grecqued'ros qui se trouve dans leBanquet [ ...]. Car Amour ici signifiemanifestement l'existence(Existents), ou cepar quoi la vie (Uv) estdans le Tout, cette vie qui est la synthse de l'infiniet du fini.Dnuement et Richesse engendrrent ainsi, suivant Platon, ros, dontl'essence est forme des deux ensemble.Mais qu'est l 'existence?C'est cet enfant qui a t engendr par l'infini et le fini, par l'terneletle temporel,et qui, en consquence, est constamments'efforant(P-S, SV3 IX, p.79-8010C X, p. 87. Voir Platon,Banquet, 203 a -204 b). L'existence est la connexion - dialectiquement porteparl'esprit - de l'infini et du fini, de l'ternel et du temporel. Cette mise

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    en relation est effectuation mais un tel mouvement d'effectuation nese conclut pas, humainement parlant, par une synthse dfinitivementacquise. L'individu humain a bienexistentiellement se rapporter auTout, eti l ne le peut qu'en s'engageant dansun geste dcisif assumantla perspective de la synthse, anticipant la synthse ralise, visantune vie pleine qui serait la synthse russie du sens etdu sensible.Toutefois l'tre humain ne se rapporte cette vie richementsignifiante que dans le lieu et l'oprationdu manque dans l'icimaintenant humain la synthse, chaque instant approche, demeureinaccomplie.

    ,* On lira dansLa maladie la mort l'analyse concernant l'esprit

    dfini comme rapport ayant se rapporter titre de tiers ce qui estdj un rapport(cf. MM, SV3 XV, p. 73-74/0C XVI, p. 171-172). Ilconvient de rappeler ici que la maladie lamort ne se confondpas avecla mort mme.La rfrence d'Anti-Climacus est l'vangilede Jean I l y avait un hommemalade; c'tait Lazarede Bthanie,le village de Marie et de sa sur Marthe. [... ] Les surs envoyrentdire Jsus "Seigneur, celui que tu aimes est malade." Ds qu'il

    l'apprit, Jsus dit "Cette maladie n'aboutira pas. la mort, elleservira la gloire de Dieu c'est par elle que le Fils de Dieu doit treglorifi." (Jean XI, 1-4

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    enferm en son ternit pour l'ternit et renferme pourtant en soimme l'tre-l (P-S, SV3 IX, p. 102/0C X, p. 113).

    Exigence du temps [Tidens Fordringl

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    *Johannes Climacus se rjouit qu'on le considre pjorativement comme le seul qui ne comprend pas les exigences du temps (P-S,SV3 IX, p. 23510C X, p. 260). De son ct, William Afham trace leportrait contrast de deux individus. L'un se tait avant de parler aupoint de finir par garder le silence car il suit une pense, une ettoujours la mme. L'autre se dpense en runions publiques afin d'ynoncer bruyamment ce que le temps exige; livr l'instant fugace,prisonnier d'une rhtorique sans contenu, il ne dit jamais les mmeschoses sur les mmes sujets (c'est un sophiste, remarqueraitSocrate) ; les applaudissements des auditeurs et les loges desjournalistes rcompensent ce brillant orateur (cf. Stades, SV3 VII,p. 17/0C IX, p. 11-12) ; le confrencier comme son auditoire sontsoumis aux exigence du temps. De faon analogue, dans la chrtientgographique, le prtre, plus attentif plaire ses ouailles qu' leurouvrir le Royaume de Dieu, satisfait les exigences humaines ou cequ'on dsigne comme les exigences du temps (Discours chrtiens,3e partie, SV3 XIII, p. 158/0C XV, p. 157). Commentant leconcept de la chrtient tablie , Anti-Climacus souligne que noussommes tous des chrtiens exactement au sens o nous toussommes des tres humains}} (EC, SV3 XVI, p. 202/0C XVII,p. 190). Souscrire aux exigences du temps, c'est opter tort pour lachrtient au dtriment de la christianit [Voir supraChristianisme] .

    **Deux remarquables exemples kierkegaardiens montrent commenton peut vaincre l'exigence du temps. I l s'agit du Compte rendulittraire (30 mars 1846) et de La crise et une crise dans la vie d'uneactrice (24-27 juillet 1848). Le Compte rendu littraire exprimel'admiration de Kierkegaard envers Thomasine Gyllembourg (1773-

    1856), clbre romancire danoise qui sut durant toute sa vied'crivain rester fidle soi et l'ide qu'elle se faisait de son uvre,

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    manifestant ainsi une belle exigence sans commune mesure avec lesmisrables exigences du temps. Ni le gnie ni le talent ni lavirtuosit, souligne Kierkegaard, ne font la qualit d'une production.La possibilit de crer une uvre est plutt la rtribution que ledieu a octroye l'auteur quand celui-ci, tant parvenu une secondefois la maturit, a conquis de l'ternel dans une conception de lavie (CRL, SV3 XIV, p. 18/0C VIII, p. 139). Rien n'est alors auservice de l'humanit en masse, rien ne rpond l'exigence vantardede l'vanescente actualit, mais sont mises en avant lesdterminations religieuses dcisives, qui sont prcisment celles del'individualit (lndividualitet) et de la singularit (Enkelthed) (CRL,SV3 XIV, p. 23/0C VIII, p. 145). Des conclusions trs proches se

    dduisent d'un examen du thtre o intervient cette fois JohanneLuise Heiberg (1812-1890), qui La crise e t une crise dans la vied'une actrice rend un vibrant hommage. Le temps est le dialectiquequi vient du dehors (CVA, SV3 XIV, p. 120/0C XV, p. 301). Enobissant l'ide, la grande actrice combat cette dialectiquepurement extrieure. Une telle actrice, dont la gnialit ne relve pasde dterminations naturelles, entretient un rapport dialectique avec

    l'ide elle se rapporte la mme ide pour la seconde fois et laseconde puissance. Parce que, au lieu d'tre un rpter quantitatif,cette seconde fois comporte une rptition-reprise selon unelvation qualitahve en puissance, l'actrice obtient de raliser l'ide.Dans ce cas s'opre une mtamorphose (cf. CVA, SV3 XIV, p. 119-124/0C XV, p. 301-306) qui ne rsulte pas de la perfectibilit directequantitative car cette mtamorphose est une transfiguration

    impliquant un saut qualitatif par lequel la ralit n'est niidentiquement ritre ni anantie au profit d'une ralit autre, maisse trouve maintenue tout en tant transforme en profondeur.***

    Prisonnire d'une pseudo-objectivit professorale, notre poquecherche en aveugle son salut dans l'accumulation de connaissanceslivresques et la multiplication factice de publications vite crites.Johan Ludvig Heiberg (1791-1860) fut l'un de ces trop savantslecteurs qui passrent sans transition de l'tat d'tudiant celui deprofesseur. Il est inutile de raconter, tant i l est clbre grce au

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    compte rendu qu'en donne le Post-Scriptum aux Miettes, le miraclemirage spculatif de ce fameux matin de Pques Hambourg oHeiberg se convertit au Systme, accdant au hglianisme aumoment mme o i l tait, ce faisant, victime des exigences du temps(cette anne-l, non seulement tait en train de s'affirmer larenomme de Hegel mais encore la date de Pques concidait avec le1er avril). Refusant de participer la confusion de l'poque, lespseudonymes kierkegaardiens s'abstiennent d'enseigner (d'o leurgot pour l'opuscule, le fragment, les miettes). Prtentionprofessorale creuse d'un ct, brochure tonique de l'autre. Mlangesuspect de religion et de spculation dans un cas, sparation de la foiet de la philosophie solidement maintenue dans l'autre cas.

    Rhtorique sduisante et fourbe ou bien silence habit par l'esprit.Savoir en trompe-l'il ou bien autopsie de la foi (selon uneexpression des Miettes). Tour de prestidigitation ou bien miracle.Faux prophte lac prchant aux individus cultivs une encyclopdiedes sciences philosophiques ou bien aptre appel d'en haut unemission dont la signification est universelle. Tartufferie livresque oubien Promesse du Livre. Chrtient officielle ou bien christianisme

    christianit. Climacus fait observer que si l'individu (lndivid) serapportait sans plus, directement, au dveloppement de l'esprit-del'tre-humain, il en rsulterait alors que dans chaque gnration ilnatrait seulement des exemplaires dfectueux d'tres humains. Maisil y a pourtant bien de la diffrence entre une gnration d'treshumains et un banc de harengs (SV3 X, p. 48/0C XI, p. 46).S'opposent l deux conceptions de l'humanit. L'une, rductrice,

    confond humanit avec espce et ancre le temps dans un pass quel'exigence du temps ressentie comme crise de socit s'acharne envain dpasser pour l'accomplir; elle replie l'ide de Dieu sur celledu genre humain au lieu d'inscrire l'histoire de l'humanit dans ledessein de Dieu. L'autre, clairant l'humanit la lumire de savocation divine, n'oublie jamais que la temporalit est porteused'avenir (anticipation de l'ternit) en tant qu'elle donne aux tres

    humains l'occasion de ratifier chaque instant de leur histoire cetteIncarnation de l'infini dans le fini qui s'effectua paradoxalement une

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    Le gnie sort positivement de l'ordinaire anticipant l'avenir, il lefait apercevoir tous les hommes qui ne sont pas des gnies. Legnie chappe son poque au sens o, dpassant dans la dure sescontemporains, il les projette versun avenir ( venir) qu'ils ne

    connaissent pas encore ou tardent reconnatre. Toutefois, tantseulement hors des normes auxquelles ses contemporains immdiatsse rfrent, le gnie n'est pas dfinitivement hors norme s'il chappeincontestablement son poque (cette caractristique tant inclusedans sa dfinition),il n'chappe nullement l'immanence commetelle mais s'y inscrit tout entier. La diffrence par laquelle le gnie entant que personnalit gniale impose son originalit, sa qualit

    spcifique, reste donc relative. Elle n'a de signification qu'en tantqu'elle est destine s'effacer ultrieurement.***

    On ne doit pas confondre un faittonnant (si inespr, siinattendu, si humainement indit soit-il)et ce que Kierkegaardappelle lefait paradoxal- celui-ci ne relevant en riendu domaineesthtique mais se dfinissantpar rapport au christianismechristianit. la foi chrtienne n'ont accs ni l'entendement ni legnie. Contrairement ce que font sophistiquement une thologiedvoye et une science spculative trop sre de soi,il importe denejamais mlanger tlologie esthtique immanente et tlologiereligieuse-paradoxale (cf. DGA, SV3 XV,p. 62-64/0C XVI, p. 160-162). Il est indispensable de respecter une conceptualit distinguantle temporel et l'ternel, le fini et l'infini, l'humainet le divin,l'intellectualit et la spiritualit, l'esthtique et le religieux, ou encorel'ordinaire (l'individu quelconque [ quelconque n'tant paspjoratif]), l'exceptionnel(le gnie) et l'extraordinaire(l'aptre).C'est seulementen s'aidant d'une telle conceptualit qu'on peutdployer une dialectique philosophique quine se rduise pas dubavardage.

    Hros tragique [tragisk Heltj* Par l'tude duhros tragique on se donne les moyens de poserdeux questions kierkegaardiennesmajeures: 1) la question des

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    frontires du stade thique; 2) la question de la spcificit du gestereligieux en tant qu'il diffre d'un geste thique aussi bien que d'ungeste esthtique. On trouve donc ici dessins en filigrane les stades(esthtique, thique, religieux). Dans Crainte et tremblement sont

    prsents (cf. CrT, SV3 V, p. 51-62/0C V, p. 146-158) plusieurs castragiques de sacrifice d'un enfant par son pre sacrifice d'Iphigniepar Agamemnon (voir Euripide, Iphignie Aulis) ; fille de Jephtsacrifie par son pre (voir dans l'Ancien Testament le Livre desJuges) sacrifice par Brutus de son fils (voir Tite-Live, Histoireromaine, II, 5). Agamemnon, Brutus ou Jepht, chacun dans sadouble dimension prive et publique, sont des hros tragiques en

    eux le pre et le chef, l'individu et la collectivit se heurtent avec unegale lgitimit; le principe de la collectivit l'emporte sur leprincipe individuel, mais sans ruiner en son fondement ce principe.C'est pourquoi il y a tragdie aucun des deux principes que runiten sa personne le hros tragique n'est condamn au profit de l'autre etpourtant ils se livrent une lutte mort d'o ni l'un ni l'autre ne sortiravainqueur. On constate que Kierkegaard a fort bien lu la Potique

    d'Aristote et les Leons sur ['esthtique de Hegel et qu'il sait s'enservir tout en dveloppant une pense parfaitement neuve.**

    Lorsqu'il rpond l'appel de Dieu l'invitant sacrifier son fils surle mont Moriyya, Abraham est-il par rapport Isaac comme Brutuspar rapport son fils, Agamemnon par rapport sa fille, Jepht parrapport la sienne? Assurment non. Premirement, le hrostragique accomplit son geste assassin au profit d'une communautsodo-politique ; mais c'est sans finalit socio-politique qu'Abrahamconduit Isaac vers le lieu du sacrifice. Deuximement, la souffrancedu hros tragique est perue par la collectivit humaine au profit delaquelle i l tue, et elle ne manque pas de le plaindre; Abraham, aucontraire, est contraint, dans l'accomplissement de son desseincriminel, de s'exclure du groupe humain qui est le sien il ne peuttre compris par aucun individu humain (ni son pouse, ni son fils, ni

    personne d'autre). Troisimement, Abraham est priv de toutepossibilit de justifier humainement son geste devant les hommes ilest condamn au silence; mais le hros tragique dispose d'arguments

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    pour expliquer sa situation personnelle et sa position politique (latragdie est d'abord, en ce sens, un discours et met en scne desarguments ; elle est galement l'exposition thtrale des paroles deceux qui sollicitent le hros tragique, lui rpondent, l'invitent accepter son sort, pleurent avec lui). Quatrimement, le hros

    tragique est solitaire sans tre isol par son caractre exceptionnel,il peut faire horreur aux autres hommes, mais cette horreur mmesouligne indirectement qu'il est un homme au milieu des autres;Abraham est radicalement isol (coup de tous les autres hommes)sans tre proprement parler seul (car il est devant Dieu).Cinquimement, ces hros tragiques tuent leur enfant - mme sicela n'advient que par le biais d'une reprsentation sur les planches

    d'un thtre - et ils ont faire l'exprience du deuil, tandis que, aumoment dcisif, Dieu rend Abraham son fils par un gestemiraculeux; cheminant vers le mont Moriyya, Abraham, i l faut lesouligner, n'a jamais dout qu'aurait lieu ce miracle.***

    Le hros tragique, en tant que hros, appartient l'esthtique(toutefois n'importe quel hros esthtique n'est pas un hros tragiquestricto sensu). Abraham, qui n'a rien d'un hros tragique, estl'exception relevant de la sphre religieuse. Cette oppositionconceptuelle trs importante obit aux critres qui sparent lereligieux de l'esthtique. Par exemple, le hros est intressant, alorsqu'Abraham n'est jamais intressant (s'il tombait sous la catgorie del'intressant, il ne serait pas Abraham). Si, pour ce qui concernel'issue miraculeuse du sacrifice d'Isaac, intervient bien quelque chosecomme une rconciliation, celle-ci ne se confond nullement avec uneconciliation. En effet, tmoignant incontestablement d'une prsencede l'absolu dans le sensible et l'tre-l, elle tmoigne aussi,irrcusablement, de ce que cette prsence est celle d'une altritparadoxale. La rconciliation n'est alors ni un accord ni uncompromis entre parties contractantes, elle n'est pas non plus larsolution esthtique d'un conflit tragique, mais elle s'apparente l'affirmation religieuse selon laquelle celui qui apprend de Dieu,[celui-l] est confirm dans l'homme intrieur. Donc, mme s'ilperdait tout, il gagnerait pourtant aussi tout (3e des Trois discours

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    difiants du 16 octobre 1843, SV3 IV,p. 92/0C VI, p. 91). [Voiraussiinfra Suspension tlologique de l'thique].

    Instant [0ieblik]

    * Il Y a chez Kierkegaard deux perspectives bien diffrentesconcernant l'instant l'une traitede l'instant dans son rapport autemps (au plan de l'immanence) l'autre conoit l'instant commeintersection vivante entrele temps et l'ternit (en rfrence l'Incarnation selon le christianisme).Il est important de ne pasconfondre l'instant au sens 1 (expression parmi d'autres de lafinitude) et l'instantau sens 2 (expression de la rencontre fconde de

    l'infini etdu fini, du divin et de l'humain - c'est--dire l'instantcomme plnitudedu temps). L'instant au sens 1 est abstrait, ils'inscrit dans une lecture rductricedu temps comme spar de l'tre.Kierkegaard renvoie auParmnide de Platon propos des difficultsthoriques concernant la participation de l'Unau temps. Dans cecontexte, l'instant est un maintenant aussitt aboli auquel succdeunautre maintenant tout aussi passager. L'instant se confond ici avec le

    soudain(to exaiphns en grec chez Platon,det Pludselige en danoischez K:erkegaard), le ponctuel, l'inscable temporel, l'atome detemps. (Sur tout ceci, voir surtoutLe concept d'angoisse et ne pasmanquerde lire la grande note consacre dans cet ouvrage l'instantplatonicien cf.CA, SV3VI, p. 171-173/0C VII,p. 182-184). Conuainsi, l'instant renvoie au temps comme non-tre,il montre que tempset tre ne s'accordent pas. - Trs diffremment, l'instant au sens 2

    est concret, il postule une lecture ouvertedu temps commetemporalit concrte parce qu'il implique la prsence de l'ternel aucur du temps. C'est dans lesMiettes philosophiques (1844) ainsique dans lePost-Scriptum aux Miettes (1846) qu'on trouve lesanalyses les plus dmonstrativesconcernant la conceptionkierkegaardienne de l'instant au sens 1et au sens2, ces deux senss'organisant en une dialectique des stades qui va de l'esthtique (o le

    temps, prouv comme illusoirement concret, doit) l'thicoreligieux (exprience de la concrtude temporelle qui, sans tre plnitudedu temps, s'y rapporte qualitativement).

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    La rflexion de Kierkegaardsur l'instant lui permet en outre depenser l'esthtique comme production artistique, cration potique etjouissance esthtique, mais aussi plus largement commeart de fairede sa vie un art. L'esthticien privilgie l'instant au sens 1 (tempsdiscontinu, labile, vanescent) au dtriment de j'instant au sens 2 ;sempiternellement en qute de l'intressant, avide du sensationnel ou l'afft de l'inquitante tranget, l'esthticiense spcialiseensituations piquanteset en occasions rares, qu'il saithabilementprovoquer.L'alternative (1 re partie) ou lesStades sur le chemin de lavie en offrent de multiples illustrations. Conu comme une collectionde kairos prcieux, d'instants rompant avec la quotidiennet banale,le temps se limite une succession d'pisodes intressants sansacqurir la consistance d'une temporalit thiqueet spirituelle (celleci relevant de l'instant au sens 2).***

    La distinction entre instant au sens 1et instant au sens 2 a unefonction double, philosophiqueet polmique. Ellecontribue spcifier les poques et les sphres. L'instant au sens 1 renvoie auxpenses de l'Antiquit, au paganisme, un discours commandparl'ide d'essence intemporelle plutt qu' un respect de la temporalitcomme milieu authentiquement humain. L'instant au sens 2 impliquele christianisme, la modernit, la dimension de l'historique,l'hypothse selon laquelle le devenir est capable d'accepter etd'assumer l'vnement, le neuf, la dcision, la libert. L'instant ausens 1 s'analyse sur le terrain dela logique et de la phnomnologie,l'instant au sens 2 se dit dans le langage thiqueet thico-religieux.Au plan polmique, Kierkegaard rabat (sans les confondre)le savoirspculatif moderne sur la pense antiqueen considrantque laspculation moderne - malgr ses rfrences explicites l'histoire, la libert, l'infini, au ngatif, la synthse du temporel et del'ternel - ne produit pas de l'instant une conception autre que cellede l'instant au sens1. Enfin, partir de ce diptyque conceptuelconcernant l'instant, on aperoit les raisons pour lesquelles, lors deson attaque de 1855 contre l'glise tablie, Kierkegaard intitule sonintervention publiqueL'instant. Quand Kierkegaard affirme qu'iln'crit pas pour l'instant, cela signifie qu'il pense faireune uvre

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    repres commodes, que Socrate (le Socrate historique plutt quecelui des dialogues platoniciens) est le rfrent kierkegaardienmajeur en matire d'ironie, tandis que lean-Paul Richter (1763-1825)ou, plus srement, l . G. Hamann (1730-1788) sont des modlesd'humour.

    Troisime mise en gardeUne tude du concept d'ironie

    reste voue la superficialit tant qu'on n'a pas compris queKierkegaard, portant su r Hegel un regard indiscutablement critiquemais le lisant avec attention et pertinence, s'appuie sur les Leonsd'esthtique,les Leons surla philosophiede l'histoire, les Leonssur l'histoire dela philosophie,les Principes de la philosophie dudroi t (dmonstration de ceci dans H. Politis, Le discoursphilosophique selon Kierkegaard, Doctorat d'tat,Sorbonne [Paris-1], 1993, chap. 5 et 6, p. 333-510). Kierkegaard n'voque pas uneironie intemporelle, il la conoit partir de dveloppementshistoriques et socioculturels. De ce point de vue on doit s'intresser l'ironie socratique (fondatrice du geste mme de l'interrogationphilosophique) et l'ironie romantique (expression exacerbe dusujet pensant qui, cherchant chapper tantt potiquement tanttspculativement sa situation de crature, tente de s'instaurer encrateur de son propre monde).* *

    La critique par Kierkegaard de l'ironie romantique estextrmement fructueuse. En matriser les arguments permet d'viterde confondre Kierkegaard avec un Romantique (ce qu'il n'est enaucun cas, mme s'il connat bien, comme on le constate en lisantL'a l te rna t ive ou les Stades, les techniques d'criture et lesprsupposs idologiques des Romantiques). Dans la 2e partie duConcept d'ironie constamment rapport Socrate (1841),Kierkegaard examine l'ironie moderne de F. Schlegel (1772-1829), leclbre auteur du roman Lucinde(1799), ainsi que celle de L. Tieck(1773-1853) et celle de K. W F. Solger (1780-1819). Non seulementKierkegaard juge que Schlegel s'enlise dans l'irrel, mais encore,gnralisant sa critique, il insiste sur l'incapacit de tout le

    romantisme saisir l'effectivit en voulant (avec raison) dnoncerune ralit mesquine, l'crivain romantique finit ( tort) par fuirl'tre-l; il se prtend moderne mais, s'isolant en un mouvement

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    rtrograde, il valorise nostalgiquement le pass. L'auteur de Lucindene parvient pas proposer des dterminations suprieures viables.L'amour rciproque de Julius et Lucinde est condamn reproduireindfiniment ce qu'on pourrait appeler l'instant ternel de lajouissance, une infinit qui n'est en rien l'infinit et qui, en tant quetelle, est non potique (Cl, SV3 I, p. 308/0C II, p. 272). L'ironieromantique a un rle pdagogique puisqu'elle fustige le prosasmebourgeois et invite avancer sur le chemin de la vie, mais ellen'accde pas la ralit et s'achve en somnambulisme parce qu'elleconfond l'idal avec la fausse ternit potique. Solger est meilleurphilosophe que Schlegel mais il n'chappe pas non plus aux critiquesde Kierkegaard, qui lui reproche surtout de manquer du concept decration et du concept corrlatif de rconciliation.***

    Selon Kierkegaard, le moment socratique correspond ladcouverte de la subjectivit ngatrice abstraite (rflexivit) quianantit un un les phnomnes, tandis que l'ironie romantiquecorrespond l'invention de la ngativit la seconde puissance(rflexivit de la rflexivit) qui dtruit non tel ou tel phnomne

    mais l 'tre-l entier. Kierkegaard remercie (nullementironiquement !) Hegel d'avoir soulign la valeur philosophique del'ironie socratique et montr l'chec spculatif de l'ironie romantique.Il souscrit la dfinition hglienne de l'ironie comme ngativitinfinie absolue Hegel dnonce la tendance du sujet ironique draliser la ralit, ne se rapporter qu' soi, avec cette consquencede faire s'vanouir ce soi avec tout le reste. C'est sur la base de cet

    accord avec Hegel que Kierkegaard se spare de lui parce qu'ilredoute que, dans un cadre spculatif, l'ironie se transforme malgrelle en facteur de mdiation entranant terme sa suppressionconservation au sein du Systme. Dans la perspectivekierkegaardienne, on tire des leons du mauvais usage romantique del'ironie et, tout autant, du mauvais emploi hglien du ngatif. Dslors, on n'opre pas un dpassement de l'ironie sur le mode d'une

    rectification-relve des significations, mais on va chercher l'humourpar-del l 'ironie et ai l leurs . Ce dplacement (qui n'est pasdpassement) de l'ironie en direction de l'humour scande une manire

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    importants de la philosophie (pour reprendre la rfrence hgliennecite) mais il en fait le fondement de la philosophie systmatique si l'on abandonne la mdiatioI), on abandonne la spculation(Ait,SV3 III, p.163/0C IV, p. 158) car la mdiationest assurmentl'ide dela spculation(P-S, SV3 X,p. 72/0C XI, p. 73). SelonKierkegaard, tout mouvement rsultant d'une mdiation spculativeest illusoire; prtendre introduire la mdiation (comme mdiationdes contraires) dans l'tre pur est inepte carl o rgne l'identit, iln'y a aucune placepour le mouvement, donc nulle placepour lamdiation.

    * *Au mieux, la mdiation confronte,remanie et rnove descontraires relatifs. Kierkegaard reprend l'exempledonn par Hegel

    dans laScience de la logique propos de Parmnide et Hraclite(cf.P-S, SV3 X, p. 72-73/0C XI, p. 74). On met bien en reliefce quispare Kierkegaard de Hegelen comparantcet extrait du Post-Scriptum la remarque de Hegel que voiciParmnide toutd'abord avait nonc la pense simplede ['tre pur comme l'absolu etcomme unique vrit,et [... ] avec l'enthousiasme purdu penser quise saisit pour la premire fois dans son abstraction absolueseul

    l'tre est, et le nant n'est pas du tout. - Le profond Hraclite,contre cette abstraction simpleet unilatrale, fit ressortir le concepttotal et plus lev du devenir, et ditl'tre est aussi peu que le nant,ou encore toutcoule, ce qui veut dire que tout estdevenir (Sciencede La logique, t. 1, livre l, dj cit,p. 60). Or, Kierkegaard choisitdecommenter non le contenu de ces analyses consacres Parmnide et Hraclite, mais leur forme c'est bon droit queHegel rapproche

    les deux penseurs parce que, malgr la dissemblance entre leursdoctrines,i l n'y a pas entre elles htrognit radicale mais elles sesituent sur le mme plan. Cette mise en rapportdialectique dedoctrines opposes opre une mdiation relative, nonune mdiationabsolue Ainsi lorsque la spculation mdiatiseentre la doctrinedes lates et la doctrine d'Hraclite, cela peut alorstre tout faitcorrect; car la doctrine des lates ne se rapportepas comme uncontraire la spculation mais est elle-mmespculative, etpareillement la doctrine d'Hraclite(P-S, SV3 X, p. 72-73/0C XI,

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    p. 74). Johannes Climacus insiste sur les conditions de l'opration demdiation toute mdiation spculative, quoiqu'elle prtende agirentre des contraires absolus (des contradictoires), ce qui estlacondition d'un mouvement susceptible de produire de la nouveautdans la ralit, ne parvient - aumieux! - qu' concilier descontraires relatifs. Mais lorsque l'un des deux contraires estlaspculation mme, que l'autre est un contraire par rapport laspculation, et qu'il y a mdiation, et que la mdiation est assurmentl'ide de la spculation, alors c'est un mouvement illusoire [ ...J,puisque la force oprant la conciliation est la spculation mme(c'est--dire son ide, laquelle est la mdiation)>>(P-S, SV3 X,p. 72/0C XI, p. 73).***

    Dans La rptition, Constantin Constantius utilise cette mmerfrence hglienne Hraclite et Parmnide. Opposant rptitionreprise mdiation, Constantius affirme que ce n'est pas la mdiationmais la rptition-reprise qui explique convenablement le diffrenddes lates et d'Hraclite. Et il avance l'hypothse que l'examen desdoctrines latique et hrac1itenne permet de faire chec laphilosophie hglienne(Rp, SV3 V, p. l30/0C V, p. 20). D'abord,

    la stratgie kierkegaardienne antisystmatique oppose concept concept la rptition-reprise ruine la mdiation. Ensuite,au lieud'accepter l'hypothse hglienne selon laquelleles. philosophesgrecs devraient tre intgrs dans un dveloppement historicophilosophique qui les dpasserait en les expliquant, il convient, selonKierkegaard, de regarder vers eux afin de profiter plusjudicieusement des enseignements qu'ils nous ont lgus. Cette

    dmarche (qui ne consiste nullement retourner aux Grecs en dede la modernit mais quise tourne vers eux pour chercher auprsd'eux les conditions d'laboration d'une pense trs diffrente de laleur tout en tant digne d'elle) apparat comme spcialementpertinente quand on pose la question principielle dumouvement. Laspculation hglienne trahit Parmnide ou Hraclite en les tirant elle. Mais Hraclite et Parmnide aident comprendre en quoi estfallacieusela dmarche hglienne.

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    teint le flambeau. Il ya, si l'on veut, quelque chose d'indescriptiblement engageant et tentant dans le faitde se confier un pareil guide,c'est apaisant comme un souvenir dans lequelil n'y a rien donton sesouvienne. Mais, d'autre part, ce n'est pourtant gure rassurant desuivrece guidemuet; car il ne cache rien, sa silhouette n'est en rienun incognito, tel qu'il est, telle est la mort, et par l c'en est fini. Unemlancolie insondable gt dans le fait que ce gnie, avec son amicalesilhouette, s'incline sur le mourant et, du souffle de son dernierbaiser, teint la dernire tincelle de vie, tandis que le vcu s'est djvanoui peu peuet que la mort est reste l comme le secret qui,lui-mme inexpliqu, a expliqu que la vie tout entire tait un jeu[... ]. Mais c'estl que rside aussi le mutisme de l'anantissementle tout tait seulement unjeu d'enfant et maintenantle jeu est fini(CA, SV3 VI,p. 180,n. lIOC VII,p. 192, n. *).** La reprsentation antique de la mort et du sommeil traits enjumeaux te la mort tout caractre dramatique. Symtriquement,elle empche de penser le temps comme temporalit puisqu'il estrduit une succession d'instants abstraitement interchangeables.L'art antique, dans sa dimension privilgie d'art plastique (cf. aussi

    Hegel, Cours d'esthtique), illustre ce temps qui, rduit unesuccession ponctuelle saisie dans la dimension de l'immanence,nerenvoie qu' lui-mme,ne recle aucune nigme spiritelle, ne sousentend nul mystre. Au contraire, prenant la mort au srieux, laconception moderne de l'esprit oblige penser le temps commehistoire (individuelle et collective) o chaque minute compte pour debon (cf.Sur une tombe, 3e des Trois discours sur des circonstances

    supposes, 29 avril 1845, SV3 VI,p. 296-323/0C VIII,p. 61-89).Chez Lessing Kierkegaard trouve une pense des frontires qui l'aide mieux comprendre la signification chrtienne (et moderne) de lamort. Cette signification chrtienne de la mort, Kierkegaard, par lavoix du pseudonyme Anti-Climacus, la commente dans un ouvragedont le titre a t stupidement traduit en franaispar Trait dudsespoir, alors qu'il s'agit d'un magnifique et stupfiant trait de

    l'esprance, son titre original authentique(Sygdommen til Dt;;den)renvoyant la formulation de l'vangile (Jean XI, 4) selon laquelle

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    discours philosophique selon Kierkegaard, Doctorat d'tat, 1993,chap. Il].

    Pathtique [det Pathetiske (le pathtique) ; Pathos]

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    * PremirementKierkegaard, tout en s'efforant de faire reconnatre

    la dimension pathtique prsente non seulement dans la vie humainemais encore dans le fonctionnement de la pense [Voir infraPenseur abstrait], distingue plusieurs formes de pathtique n'ayantpas mme valeur ni mme fonction Le pathos esthtiques'exprime dans la parole et peut en sa vrit signifier que l'individu(lndivid)s'absente de soi-mme pour se perdre dans l'ide, tandis quele pathos existentiel surgit grce au fait que l'ide se rapporte

    l'existence de l'individu en la rgnrant (PS, SV3 X, p. 82/0C XI,p. 83). L'esthtiquement pathtique n'est pas l'existentielle mentpathtique tout pathos n'est pas existentiel, loin de l. Cetteprcision permet d'viter de confondre le religieux avec l'esthtique.Deuximement,Kierkegaard insiste sur le fait que le pathtique neprend sa juste porte que strictement corrl au dialectique [Voirsupra Dialectique]. Pris tout seul, le pathos est incomplet et peut

    mme devenir nuisible.**

    On commencera comprendre quoi servent chez Kierkegaardces distinctions primordiales en examinant la faon dont i l parle deF. H. Jacobi (1743-1819). Il y a, au dbut des Stades sur le chemindela vie, une apprciation favorable concernant Jacobi. Celui-ci parlede la terreur de se penser soi-mme immortel (Sta, SV3 VII,p. 16/0C IX, p. 10). C'est une allusion un rcit de Jacobi

    tmoignant d'une exprience mtaphysique terrifiante (dit-il) qu'il fitdans sa jeunesse. Pour s'en dlivrer il inventa, l'ge adulte, unremde J'avais besoin d'une vrit qui ne ft pas ma crature, maisdont moi, je fusse la crature. Elle devait remplir mon vide, apporterde la lumire dans la nuit environnante, briller comme le jour devantet en moi ainsi que j'en trouvais la promesse en mon tre intime(Lettre de Jacobi F. Koppen, 1803). Dans la perspective de Jacobi,

    l'infini cesse de susciter l'effroi quand on se le reprsente comme un

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    tre infini, une cause agissante doue de volont. Du point de vue dtJohannes Climacus dans le Post-Scriptum (o Jacobi est voqu plu:longuement que dans les Stades), la conviction passionne de Jacobest bien trop immdiate pour tre chrtienne Jacobi confonegravement foi et croyance; il s'imagine que sa croyance est foi. Sa

    conception de la religion est intressante dans la mesure o elh:s'oppose nettement la spculation (Jacobi voit en Spinoza lephilosophe le plus radical qui soit et, partir de cette assertion, ilpropose un choix qui, d'aprs lui, n'admet nul 3 e terme ou bien lapense de Spinoza ou bien celle de Jacobi lui-mme !). Mais,justement, la conviction religieuse de Jacobi reste intressante , i ly a en elle un facteur esthtique qui fausse l'accs au christianisme (

    la christianit) parce qu'elle fait la part trop belle au subjectivisme et l'imaginaire. Jacobi postule que sa doctrine es t le "vrairationalisme" De fait, personne avant lui ne l'avait entendu ainsi. Onet plutt reconnu l le contraire du rationalisme. C'est dans saconception de la raison que Jacobi se montre le plus franchementmystique (L. Lvy-Bruhl, La philosophie de Jacobi, Paris, 1894,p. 247). Kierkegaard refuse sans compromis possible la perception

    immdiate de l'absolu par ce sens sui generis que Jacobi appelletantt sentiment, tantt raison, tantt instinct (Lvy-Bruhl, ibid.,p.246).

    *** Jacobi est galement l'inventeur d'un mouvement pathtique, unsalto mortale qu'il prsente comme une acrobatie, une culbute, unacte plutt qu'un discours (cf. Jacobi, Lettres Moses Mendelssohnsur la doctrine de Spinoza, trad. J.-J. Anstett, Paris, 1946, p. 75-299).Dans une clbre lettre J. Neeb (30 mai 1817), Jacobi dcrit ainsison saut: Il n'est pas question, pour moi [Jacobi], de se prcipiter latte la premire, du haut d'un rocher, dans un abme; - mais bien dese lancer, en partant de la surface du sol, de faire un tour complet sursoi-mme (c'est un saut prilleux), par dessus les rochers et l'abme,et de se retrouver sain et sauf sur ses pieds, debout, de l'autre ct(cf. Lvy-Bruhl, op. cit., p. 245). Pourquoi, lorsqu'il s'agit de rompre

    avec l'immanence et d'affirmer le saut dans la foi comme sautqualitatif [Voir infra Saut], Kierkegaard en appelle-t-il au

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    se laisse pas penser (P-S, SV3 IX, p. 86/0C X, p. 95) puisqts'agit de prendre une dcision en vertu de l'absurde. Climacus juassez svrement le comportement de Jacobi vis--vis de Lessinparce qu'il a analys dans les Miettes philosophiques,d'une paquels rapports un chrtien peut entretenir avec la vrit et, d'au!part, quelles relations un tre humain peut avoir avec un autre !humain quant la communication de cette vrit. Jacobi alticule mplusieurs donnes fondamentales. Son salto mortale reprsente l acte de subjectivation par rapport l'objectivit de Spinoza, 1n'est] pas le passage de l'ternel l'historique (P-S, SV3 Dp. 86/0C X, p.95). De mme que Jacobi oppose deux formed'ternit, l'une personnelle, l'autre spinoziste, sans poser la questiOlplus pertinente selon Climacus, du passage de l'ternell'historique - question qui est la fois celle de Lessing et celle deMiettes- , de mme les interlocuteurs (Jacobi et Lessing) ddialogue que Jacobi restitue par crit, pensent en des lieux thoriquediffrents et leurs positions ne sont nullement s y m t r i q u e ~[Prcisions concernant tout ceci dans H. Politis, Doctorat d'ta,1993, chap. Il].

    Penseur abstrait [den abstrakte T ~ n k e r(le penseurabstrait) ; den abstrakte T ~ n k n i n g(le penser abstrait)]

    *Le penser abstrait est sub specie aeterni(cf. P-S, SV3 X, p. 9/0CXI, p. 1). Sa position est fausse du fait qu'il se maintien

    unilatralement dans l'intemporel (excluant le temps). On penseabstraitement quand on met entre parenthses l'lment du temps,quand on chappe fictivement la temporalit et la finitude, quandon les limine par une opration intellectuelle pour ne considrer quel'ternit (entendue ici comme essence intemporelle immuable).Penser abstraitementimplique cette abstraction,cette coupure, cettesparation, ce clivage, cette cassure qui consiste sectionner les liensreliant le temps l'ternel. Aussi la pense abstrayante s'occupe-t-elleprincipalement de l'immortalit qu'elle dmontre en confondantindment immortalit et ternit si l'on appelle ternit ce nontemps o se dploie la pense (cf. P-S, SV3 X, p. l/OC XI, p.2),

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    voix lointaine ou encoreun discours ventriloque. Ce n'est que laparole d'un homme absorb par sa crbralit. Kierkegaard s'amusevoquer un libraire de Copenhague, si distrait qu'il en venait, paratil, poser cette bizarre questionEst-ce bien moi quiparle? .Pour ne pas risquer de ressembler comiquement ce libraire distraiou au penseur abstrait,on sera attentif viter le grave contresensconsistant identifier toute forme de pense avec la pense abstraitehostileau penser abstrait, Kierkegaard ne manque jamais de donnersa pleine valeur dynamique la pense quand celle-ci, tout enconnaissant ses limites et en les respectant, fait l'effort de serapporter paradoxalement ce qui n'est pas elle et qu'elle saitdiffrent d'elle. [Voir aussiinfra Saut; Systme].

    Religiosit A/Religiosit B [Religieusitet A ;Religieusitet Bl

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    * Le Post-Scriptum aux Miettes philosophiques, rdig par lepseudonyme Johannes Climacus, insiste sur la distinction entre lereligieux A et le religieuxB. Le religieux A comprend toute forme dereligiosit partirdu moment o celle-ci inclut l'engagement

    personnel et pathtique. ce compte, Socrate, lorsqu'il se rfre son dmon(daimn) ou quand il renvoie la rminiscence pourexpliquer que chacun a retrouver en lui-mme les Ides que sonme a contemples autrefois, serait un reprsentant (nullement leseul, mais un bon reprsentant) du religieux A - celui-ciappartenant encore au registre de l'immanence.La religiosit Asuppose que l'tre humain cherche en soi-mme d'abord l'ternit,cette dimension tant inscrite en lui, de telle sorte qu'il n'y a pas icid'lment qualitatif nouveau ou diffrent qui intervienne et soit rencontrer. Au contraire, la religiosit B (c'est--dire le religieuxspcifiquement chrtien,du point de vue de Kierkegaard) impliquenon seulement le mouvement pathtique mais encore le mouvemendialectique [Voirsupra Dialectique; Pathtique]. Qu'elle ait besoindu dialectique, signifie qu'elle a faire un lment d'altritabsolue, trange et trangre. Le religieux B est une rencontre -nonpas une synthse mais vraiment une rencontre - paradoxaledu

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    Phnomnologie de l'esprit Hegel, blmant les excs romantiques,considre l'difiant comme ce dont il faut grandement se mfier carpeuvent y tre absents le srieux, la douleur, la patience et le travaildu ngatif (cf. Pseudonymie et paradoxe, p. 196). Pour Hegel,l'difiant est ce quoi l'on doit vouloir chapper, c'estla fadeurdu

    sentiment et c'est ce qui n'est pas susceptible d'tre reprisdialectiquement car, dans l'dification telle que la conoit Hegel, iln'y a pas de ngativit l'uvre. Kierkegaard,quand il publie desdiscours difiants signs de sonpropre nom, ou quand il faitintervenir le pseudonyme Anti-Climacus, ce chrtien authentiquerdigeant des discours vise difiante, rpond Hegel et relve(sans Aujhebung !) le dfi en montrant que l'difiant n'a nullement

    cette fadeur. Chez Kierkegaard, l'difiant n'est jamais lnifiant.Saut [Springl

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    * Dans une note de travail pour les Miettes philosophiques,Kierkegaard crit Lessing emploie le mot saut que ce soitcomme une expressionou comme une pense est indiffrent,je lecomprendscomme une pense (Pap. V B 1, 3 . Et cf. parexemple Jacques Colette,Histoire et Absolu, Paris, 1972, p. 161).Johannes Climacus dans lesMiettes et le Post-Scriptunr aux Miettes,mais aussi Johannes de Silentio dans Crainte et tremblementdveloppentla conception kierkegaardienne du saut qualitatif surlaquelle se joue, en grande partie, la position originale deKierkegaard et par rapport la philosophie et par rapport auchristianisme. Cette position, trs diffrente de celle de Lessing, lui

    doit beaucoup. Dans l'opuscule intitulSur la preuve de l'esprit et dela puissance (1777) par rfrence la 1re ptre aux Corinthiens del'aptre Paul, Lessing refuse d'allerpar extrapolation du contingentau rationnel, desauter de vrits historiques des conclusionsmtaphysiques.Le fait et le droit appartiennent des ordres distincts.Entre l'historique et le mtaphysique il ya, insiste Lessing, un fossinfranchissable pour quiconque veut d'abord obir la raison. La

    formulation de Lessingest justement clbre S i aucune vrithistorique ne peut tre dmontre,rien non plus ne peut tre

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    philosophique selon Kierkegaard, Doctorat d'tat,Sorbonne [Paris-1], 1993, chap. 11, p. 869-975].

    Signe/Signe-de-fa-contradiction [Tegn (signe) ;Modsigelsens Tegn (signe-de-Ia-contradiction)]

    * Dans L'cole du christianisme, Kierkegaard ou plutt sonpseudonyme Anti-Climacus analyse la notion de signe. U n signeest l'immdiatet nie ou l'tre autre diffrent de l'tre premier. N'estpas dit par l que le signe n'est pas immdiatement quelque chosemais qu'il est un signe, et que ce qu'il est comme signe, i l ne l'est pasimmdiatement, ou bien [encore] i l n'est pas, comme signe,l'immdiat qu'il est (EC, SV3 XVI, p. 122/0C XVII, p. 114). Ce

    que peroit quiconque regarde, par exemple, une boue sur l'eau, cen'est pas la boue car ce qui se montre empiriquement est seulementun objet flottant (bton, morceau de caoutchouc, lige). Le signen'est jamais directement signe. D'o un risque d'erreur et mme demystification le signe est seulement pour celui qui sait que c'estun signe, et au sens le plus fort seulement pour celui qui sait ce qu'ilsignifie; pour tout autre, le signe est ce qu'il est immdiatement

    (ibid.). Il Y a un dcalage irrductible entre la perception et le savoir.Aucun passage direct n'est offert de la perception de l'objet au savoirdu signe. Le reprage, mme s'il parat facile et instantan, nes'effectue que parce que sont dj l'uvre la dtermination-derflexion et le travail de la pense.**

    Or, il peut y avoir un signe dans le signe.On dfinira alors unecatgorie spciale de signe, que Kierkegaard appelle (EC, SV3 XVI,p. 122/0C XVII, p. 115) signe-de-Ia-contradiction. Ce signe-ciexprime une contradiction, il se donne pour le contraire de ce qu'ilest. En rgle gnrale il y a dans le signe dcalage entre perception etsavoir mais, dans le cas prsent, la vrit du signe s'opposecontradictoirement ce que le signe montre [Voir aussi supraIronie]. Cela rend le signe essentiellement quivoque, incertain (etnon pas simplement quivoque ou incertain par l'effet normal del'articulation de l'intellection sur la perception). Or c'est entre l'infini

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    et le fini, entre Dieu et un tre humain particulier, que lacontradiction est la plus extrme. L'Homme-Dieu est un "signe" (EC, SV3 XVI, p. 122/0C XVII, p. 114) et ce signe-ci estsuprmement signe de contradiction (cf. Luc II,34). Homme-Dieu, leChrist est celui en qui la vrit s'oppose l'apparence. L'apparatredu signe christique est le contraire de son tre. Dans sonimmdiatet, Jsus est un homme d'humble condition (ici, on peut serfrer la figure du serviteur esquisse dans les Miettesphilosophiques) ; mais, en son tre, il est Dieu. Tout au long de saprsence sur la terre, il est Dieu sous une forme non reconnaissable.L'cole du christianisme insiste sur la notion d'incognito, dveloppeaussi dans les Miettes. Dieu ne vit pas sa vie terrestre dans unincognito simple - tel celui du policier en civil qui rendosse volont son uniforme. Le Christ ne revt pas un incognito partielqu'il pourrait ponctuellement abandonner n'importe quel momentdu temps, mais il adopte ce qu'Anti-Climacus appelle l'incognitoabsolu (son incognito terrestre n'est jamais supprim). L'incognito dusigne-de-Ia-contradiction est continuellement maintenu avec la plusgrande rigueur (cf. EC, SV3 XVI, p. 125/0C XVII, p. 117). Il n'y aaucun moyen humain de lever cet incognito de Dieu ayant pris formehumaine. Le signe-de-Ia-contradiction est alors doublement un signe.La foi intervient bien comme savoir du signe, mais ce savoir-ci doitvenir d'un autre lieu que le savoir des codes normalement associs la perception dans l'apprhension du signe simple. Rflchissant cela, on retrouve quelques thmes majeurs des Miettes l'incognito,le paradoxe, la communication indirecte, l'ide selon laquelle mmele contemporain historiquement le plus proche de l'vnementchristique a s'en rendre chrtiennement contemporain [Voir supraContemporanit].***

    Il Y a paradoxe parce qu'il y a rencontre de deux lmentsradicalement trangers l'un l'autre (l'infini et le fini). Est paradoxalela rencontre de l'immanence avec la transcendance au sein mme del'immanence (ce qui, en bonne logique, est absurde). Le discours

    christiqueest

    qualitativement diffrent du discours socratiquepuisque cette parole neuve ne reconduit pas J'me un savoir

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    intemporel prcieusement enfoui au fond d'elle-mme qu'elle auraitse remmorer, mais oblige l'individu humain faire dansla finitudemme et durant la temporalit l'preuved'une altrit qui estvraiment pour lui altrit, tant inextricablement ce qu'il y a de plussemblable luiet de plus antinomique. C'est aussi cela, le travailphilosophique effectu par Kierkegaard avoir creus sans relche,la suite de Lessing surtout mais dans une perspective distincte delasienne, toutes les difficults concernantla foi dans sa relation autmoignage historique. Loin de chercher conduire versla foi (ilsouligne d'ailleurs qu'aucun tre humainne peut donner la foi unautre), Kierkegaard passe son uvre alerter ses lecteurs, luttercontre leur somnolence (l'un de sespseudonymes est d'ailleursVigilius Haufniensis, le Veilleur [de nuit] de Copenhague,le Vigilantde Copenhague). Il traite ainsi le religieuxcomme un lieu, uneexprience et un discours trs tranges qui ne sont pasphilosophiques au sens socratique duterme mais auxquels unphilosophepeut cependant s'intresser, condition qu'il s'interrogeavec vigilance sur les pouvoirs et les limites dela philosophie,et condition qu'il soit honnte, c'est--dire modeste.

    Suspensiontlologiquede l'thique[teleologiskSuspension af det fthiskel

    * Clarifiant les rapports complexes du gnral, du particulier etdusingulier, le Problme1 trait dansCrainte et tremblement permetde mieuxcomprendre le statut kierkegaardien de l'thique [Voirsupra thique/Morale]. Y a-t-il une suspension tlologiquedel'thique? (CrT, SV3 V, p.51-62/0C V, p. 146-158). Kierkegaardpose cette question partirde la Gense (22, 1-2

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    s'isole prsent comme l'individu-singulier, comme plus haut quelegnral. Si ceci n'est pas la foi, alors Abraham estperdu (CrT, SV3V, p. 52/0C V, p. 147). Abraham doit subir l'preuve du sacrifice deson fils durant la suspension tlologique de l'thique, maisAbraham n'est aucunement perdu. Il ne sauraittomber sous lacritique hglienne de la moralit abstraite. Abraham n'est pas unindividuparticulier oppos arbitrairement lagnralit, mais unindividu-singulier.*** Toute l'analyse du gnral(det Almene) telle qu'elle est menedans le Problme 1 se comprendpar rfrence double laCritique de La raison pratique et aux Principes de la philosophie dudroit. Cet examen fait apparatre comment Silentio souscrivant, par

    del la formulation kantienne dela moralit, au discours hglien surla vie-thique, peut, en fonction mmede cette rfrenceet ens'appuyant rigoureusement sur elle, la rcuser finalement au profitd'unesuspension (kierkegaardienne) prcdant unerptition-reprise(kierkegaardienne, elle aussi) qui n'estjamais une mdiation(hglienne). On ne doit pas manquerde rapprocher les deuxcitations suivantes Mdiation est un mot tranger, rptition

    reprise(Gjentagelse) est un bel-et-bon mot danois, etje congratule lalangue danoise d'avoir un termephilosophique (Rp, SV3 V,p. 13110C V, p. 20).Ici se montrela ncessit d'une nouvellecatgoriepour comprendreAbraham (CrT, SV3 V, p. 56/0C V,p. 151). Cette catgorie dialectique post-hglienne est larptitionreprise kierkegaardienne.

    Systme [Systemet (le Systme

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    * * En complment de cette argumentation philosophique,Kierkegaard se sert contre le Systme d'un riche arsenal d'armespolmiques. Par exemple, l'exigence de rationalit est dlibrmentdplace par Kierkegaard du plan de la connaissance celui de la

    psychologie l'activit rationnelle se voit alors transforme polmique ment en dlire de l'imagination, en reprsentation illusoire trsmal relie l'tre-l. Kierkegaard renvoie l'exigence systmatique audomaine du fantasme (au plan psychologique) ou celui du fantastique (au plan esthtique). Il n'y a pas de mdiations qui articuleraientrellement le je de l'individu empirique et le Je du sujet pur.Voil pourquoi le sujet empirique, quand il joue (srieusement,

    hlas !) se prendre pour un sujet pur, ne profre que des mots creux(donc ne produit rien de rel). [Voir aussi supra Penseur abstrait].***

    L'antisystmatisme de Kierkegaard n'est nullement un antihglianisme primaire. D'habitude, les commentateurs ignorent ougomment cet aveu de Johannes de Silentio, l'auteur pseudonyme deCrainte et tremblement J'ai, quant moi, mis suffisamment detemps comprendre la philosophie hglienne, je crois aussi nel'avoir pas trop mal comprise; j'ai assez de tmrit pour penser quelorsque, en dpit des soins que j'y ai mis, je ne peux pas comprendreHegel dans quelques passages, c'est que lui-mme n'a pas t tout fait clair. Tout cela, je le fais facilement, naturellement, ma tte n'ensouffre pas (CrT, SV3 V, p.32/0C V, p. 126). De son ct,Johannes Climacus insiste sur le fait que devenir hglien estsuspect, comprendre Hegel est le maximum (P-S, SV3 X, p. 69,n. 1I0C XI, p.70, n. *). Dans le Post-Scriptum encore, JohannesClimacus rend Hegel l'hommage suivant, qui peut guiderquiconque souhaite rflchir sans tricher sur la relation deKierkegaard Hegel Faire de Hegel un diseur de balivernes, celadoit tre rserv ses admirateurs un adversaire saura toujoursl'honorer pour avoir voulu quelque chose de grand et ne l'avoir pasatteint (P-S, SV3 IX, p. 93-94, n. l/OC X, p. 104, n.- H.-B. Vergote a justement insist sur l'importance de cetteformulation).

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    1845, ST

    1845, Sta

    1846, P-S

    1846, CRL

    1846-1847, LA

    1847, A

    1848, CC

    1848, CVA

    1849,DGA

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    S. KIERKEGAARD, Sur une tombe,SV3 VI,p. 296-323/0C VIII, p. 61-89 .[Pas de nom d'auteur], Stades surle chemin de lavie. tudespar diffrents [intervenants],rassembles, remises l'imprimeur et publiesparHILARIUS BOGBINDER, SV3 VII, p. 5-164 etSV3 VIII, p. 5-281/0C IX, p. 1-454.JOHANNES CLIMACUS, Post-Scriptum dfinitifnon scientifique aux Miettes philosophiques. critconjointement mimique-pathtique-dialectique,requte existentielle. PubliparS. KIERKEGAARD, SV3 IX, p. 5-252/0C X, p. 1-279; et SV3 X, p. 3-289/0C XI, p. 1-306.Un compte rendu littraire. Deux poques,Nouvelle par l'auteurde Une histoire-de-tousles-jours, publie parJ. L. Heiberg.Copenhague. Reitzel.1845, compte rendu [rdig]par S. KIERKEGAARD, SV3 XIV, p. 7-102/0CVIII, p. 127-230.S. KIERKEGAARD [ouvrage rest l'tat depapiers non publis du vivant de Kierkegaard, saufun bref extrait], Le livre sur Adler, Pap.VII 2 B235, p. 3-230/0C XII, p. 1-227.S. KIERKEGAARD, Les uvres de l'amour.Quelques rflexions chrtiennes souslaforme dediscours,SV3 XII, p. 7-367/0C XIV, p. 1-357.S. KIERKEGAARD, Penses qui blessent parderrire - pour l'dification. Confrenceschrtiennes[3 e partie des Discours chrtiens],SV3 XIII, p. 155-231/0C XV, p. 153-230.INTER ET INTER, La crise et une crise dansla vied'une actrice,SV3 XIV, p. 103-124/0C XV,p.283-306.H. H., Sur la diffrence entre un gnie et unaptre, SV3 XV, p. 49-64/0C XVI, p. 145-162.

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    1849, MM

    1850,EC

    1854-1855,A l

    1855,Inst

    ANTI-CLlMACUS,La maladie la mort. Undveloppement psychologique chrtien pourl'dification et le rveil publi parS. KIERKEGAARD, SV3 XV,p. 65-180/0C XVI,p. 163-285.ANTI-CLlMACUS,L'cole du christianisme,[ouvrage] publi par S. KIERKEGAARD, SV3XVI,p. 5-242/0C XVII, p. 1-231.S. KIERKEGAARD,Articles de journaux, SV3XIX,p. 7-88/0C XIX,p. 1-92.S. KIERKEGAARD,L'instant nO 1-10, SV3 XIX,p. 89-330/0C XIX, p. 93-313.

    Par ailleurs, le sigle TOB renvoie La Bible, traductioncumnique, dition intgrale, Paris et Villiers-le-Bel, Les ditions duCerf/Socit biblique franaise, 1994[5e dition].

    Note importantePour faciliter le reprage des rfrences,je mentionnechaque fois

    simultanment la troisime dition danoise desSamlede Vrker [= SV3](Copenhague, Gyldendal, 20volumes, 1962-1964)et les uvrescompltes franaises[= OC] (traduction P.-H. Tisseau et E.-M. JacquetTisseau, Paris, ditions de l'Orante, 20 volumes, 1966-1986).En ce quiconcerne lesPapiers de Kierkegaard (publis auDanemark aprs samort), j 'utilise l'dition danoise desPapirer [= Pap.] tablie parP A. Heiberg, V Kuhret E. Torsting (1909-1948) dans larditionaugmente par N. Thulstrup et N. J. Cappel!llrn (Copenhague,Gyldendal, 22 volumes dont 3 d'index, 1968-1978).

    Dans tous les cas(Vrker et Papirer), la traduction propose estla mienne, faite directement partir du danois.

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  • 7/30/2019 Le Vocabulaire de Kierkegaard_Politis

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