“Le renouvellement de l’image de la Colombie a travers la ...

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1 UNIVERSITÉ PARIS SORBONNE ENA Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l’Information et de la communication Ecole Nationale d’Administration Master Professionnel 2e année Option: COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES “Le renouvellement de l’image de la Colombie a travers la diplomatie culturelle et la marque pays” Nom et Prénom : Alfonso Rodríguez Andrea del Pilar Promotion : George Orwell Option : Communication des Institutions Publiques Soutenu le : 23 septembre 2016 Mention : Note du Mémoire :

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UNIVERSITÉPARISSORBONNE

ENA

EcoledesHautesEtudesenSciencesdel’Informationetdelacommunication

EcoleNationaled’Administration

MasterProfessionnel2eannéeOption:COMMUNICATIONDESINSTITUTIONSPUBLIQUES

“Lerenouvellementdel’imagedelaColombieatraversladiplomatie

culturelleetlamarquepays”

NometPrénom:AlfonsoRodríguezAndreadelPilar

Promotion:GeorgeOrwell

Option:CommunicationdesInstitutionsPubliques

Soutenule:23septembre2016

Mention:

NoteduMémoire:

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Remerciements Je tiens à remercier à Madame Boursin, professeur des Universités Celsa Paris- Sorbonne pour le temps consacré, en plus de son soutien et ses orientations dans la rédaction de ce mémoire. Je voudrais aussi remercier ma famille Mama et Caro, ma petite sœur, qui avec leur soutien et amour m’a permis croire que cette aventure à l'ENA et le master en Communication du Celsa était tout à fait réalisable. À mon père qui malgré son départ inattendu il m'a donné la force et la confiance en moi même pour faire face aux différents défis de la vie. Pour mes amis colombiens Mónica, Marcela, Marisol et Alan et ceux que j'ai rencontré à Strasbourg qui m'ont accompagné tout au long du master je voudrais aussi vous adressez mes remerciements puisque sans vous la vie ne serais pas aussi amusante. Merci pour chaque instant de bonheur ensemble. Je voudrais également remercier Monsieur Luis Armando Soto Boutin, Directeur des Affaires Culturelles au MAE colombien qui m'a sans doute transmis son amour pour le travail dans le secteur culturel et qui a eu la confiance en moi pour me donner la responsabilité de coordonner différentes initiatives culturelles. Toute ma gratitude envers lui pour son soutien au long de ma formation en France. Finalement je voudrais remercier David Guilbaud mon ami et lecteur de ce mémoire puisqu'avec son soutien j'ai trouvé de la morale quand le temps devenait plus court et les responsabilités professionnelles plus grandes.

Andrea del Pilar Alfonso Rodr íguez

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SOMMAIRE

INTRODUCTION............................................................................................................................6

Partie1:L’applicationdesconceptsdediplomatieculturelleetde,lamarquepaysaucascolombien............................................................................................................111.1Leconstructivismeetl’applicationdusoftpower...........................................................131.1.1Ladiplomatieculturelle,unoutildesoftpower.......................................................................151.1.2Lamarquepaysetsonrôledanslesrelationsinternationales.........................................16

1.2Ladiplomatieculturelleetlamarquepayscommestratégiesdecommunication...................................................................................................................................................................171.2.1Ladiplomatieculturelleetsonmessage.....................................................................................181.2.2Lamarquepaysetsonmessage......................................................................................................19

1.3LaColombiedanslesdixdernièresannées........................................................................231.3.1Laviepolitique:verslafinduconflitinternecolombien...................................................251.3.2Uneéconomieémergente..................................................................................................................291.3.3Sonpositionnementauniveauinternational............................................................................32

Partie2:Evolutiondeladiplomatieculturelleetdelamarquepayscolombienne(2006-2016)...............................................................................................................................372.1Ladiplomatieculturellecolombienneaucoursdesdixdernièresannées.............392.1.1Uneévolutioninstitutionnelleàsouligner.................................................................................402.1.2Lesobjectifsdeladiplomatieculturellecolombienne,sonbudgetetsesactivités.412.1.3Denouvellesactivitésdynamisentladiplomatieculturellecolombienne...................46

2.2Lamarquepayscolombienneetsonévolution.................................................................482.2.1«Colombiaespasión»:unpremieressaidemarquepays................................................502.2.2«LaRespuestaesColombia»unemarquepaysd’avant-garde?....................................53

Partie3.L’imagedelaColombie:uneimageenpleinrenouvellement?.............603.1Variablesquantitatives.............................................................................................................613.1.1LetourismeenColombie:derecordenrecord.......................................................................613.1.2DesétudiantsétrangersdeplusenplusnombreuxenColombie....................................633.1.3LesinvestissementsétrangersenColombie:unfacteurdusuccèsactueldel’économiecolombienne................................................................................................................................643.1.4Lemondes’ouvreauxcolombiens.................................................................................................66

3.2Variablesqualitatives................................................................................................................683.2.1LaColombieestprésentesurlascèneculturellemondiale................................................683.2.2L’impactmédiatiqueduprocessusdepaix................................................................................70Conclusionpartielledelatroisièmepartie...........................................................................................72

Conclusionfinale......................................................................................................................74

Annexes........................................................................................................................................77

Bibliographie.............................................................................................................................80Résumé..................................................................................................................................................................84MotsClés:............................................................................................................................................................84

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ListedeFigures Figure 1 : Drapeau de la Colombie

Figure 2 : Localisation géographique de la Colombie

Figure 3 : Membres du groupe d’économies émergentes : CIVETS

Figure 3 : Logo du café colombien

Figure 4 : Logo de la stratégie ‘La Colombie est passion’

Figure 5 : Logo de la stratégie ‘La respuesta es Colombia’

Figure 6 : Différents logos de « La Réponse est la Colombie »

Figure 7. Comparaison des logos de marque pays du Brésil et de la Colombie Figure 8. Exemples de gros titres des différents médias internationaux à propos du processus de paix entre le gouvernement et la guérilla des FARC. Figure 9. Exemples des messages envoyés par les leaders mondiaux dans le cadre du processus de paix entre le gouvernement colombien et les FARC.

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Listedetableauxetgraphiques Tableau 1 : Comparaison entre la « marque pays » et la marque d’un produit selon Ying Fan Tableau 2 : Comparaison entre la communication visée par la diplomatie culturelle et celui de la « marque pays » Graphique 1 : Pays producteurs de cocaïne par hectares entre 2003-2013 selon le rapport de 2015 du bureau de Nations Unies contre les drogues et le crime ONUDC1 Graphique 2 : Croissance du PIB de la Colombie en comparaison avec la moyenne mondiale (2006-2014) Graphique 3 : Comparaison de l’indice de Gini colombien avec la moyenne observée en Amérique Latine (1990-2012) Graphique 4 : Quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit quand vous entendez le mot « Colombie » ? Etude d’image Graphique 5 : Budget de la Direction d’Affaires Culturelles 2007-2015

Graphique 6 : Quantité d’activités culturelles entre 2007 et 2015

Graphique 7 : Nombre de pays où se sont déroulées les activités culturelles colombiennes entre 2006 et 2015 Graphique 8 : Arrivée de touristes en Colombie entre 2010 et 2014

Graphique 9 : Quantité de visas étudiants étrangers en Colombie entre 2005 et

2014

Graphique 10 : évolution des IDE en Colombie entre les années 2000 et 2014

Graphique 11 : Investissement étranger en Colombie comparaison juin 2015 et juin 2016 Graphique No. 12 Passeport Ranking entre 2006 et 2016 : comparaisons entre certains pays latino-américains.

1 Disponible à : https://www.unodc.org/documents/wdr2015/WDR15_ExSum_F.pdf

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INTRODUCTION

1. Présentation du sujet

L’image positive d’un pays est un objectif que tout Etat veut atteindre,

consolider ou exploiter puisque cette perception positive permet à l’Etat d’améliorer

la commercialisation de ses produits, d’attirer plus de touristes, d’étudiants

étrangers et d’investissements, d’avoir une position plus favorable lors de

négociations internationales ou dans les organisations multilatérales, ou tout

simplement d’augmenter sa capacité d’influence. Pour la Colombie, pays connu

pour ses problèmes de sécurité dus à un long conflit interne et pour être l’un des

premiers producteurs de cocaïne dans le monde, gérer son image à l’étranger est

un défi majeur.

La Colombie est aujourd’hui engagée dans un processus de paix avec la

guérilla des FARC, lequel a rencontré un grand écho international et médiatique.

Depuis avril 2016, le gouvernement a entamé un processus similaire avec une

seconde guérilla, plus importante, l’ELN. En outre, le nombre de séquestrations et

homicides a considérablement diminué et l’économie du pays a connu un fort

redressement. Pour toutes ces raisons, Le Figaro a décrit la Colombie en 2014

comme « un miracle économique en Amérique du Sud ». 2 Malgré cette

amélioration de sa situation interne et économique, reconstruire la réputation de la

Colombie à l’étranger demande une forte et constante mobilisation en termes de

communication publique. Dans cette perspective, l’objectif de ce mémoire est

d’étudier les effets produits, entre 2006 et 2016, par deux outils de diplomatie

publique ayant pour but d’améliorer cette réputation : la diplomatie culturelle

colombienne, d’une part, et la marque pays, d’autre part.

2 Voir Bèle, Patrick and Patrick Bèle and. ‘La Colombie, Un Miracle Économique En Amérique Du Sud’. May 10, 2014. (Accès: April 8, 2016). http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/05/10/20002-20140510ARTFIG00023-la-colombie-un-miracle-economique-en-amerique-du-sud.php.

7

L’image d’un pays peut être étudiée sous plusieurs aspects, dès lors que ce

sujet touche à différentes disciplines. Cependant, cette étude de cas se limitera à

deux champs : celui des relations internationales et celui de la communication et

du marketing. L’analyse portera, dans un premier temps, sur la diplomatie

culturelle, qui a cessé d’être un outil subsidiaire de la diplomatie et est aujourd’hui

un instrument puissant au service de la politique étrangère colombienne. Dans un

second temps, l’étude se tournera vers la « marque pays », stratégie de marketing

visant à utiliser les techniques de marketing et de communication afin de

promouvoir l’image d’un pays et changer les attitudes, les identités ou l’image

d’une nation d’une manière positive3.

2. Intérêts personnels et professionnels pour le sujet

Après avoir travaillé au Goethe Institut à Bogotá, à l’Institut Français à

Londres et à la direction des Affaires Culturelles du ministère des Affaires

étrangères de Colombie, je peux affirmer que la diplomatie culturelle est l’aspect

de la diplomatie que je connais le mieux – et aussi celui pour lequel je nourris le

plus grand intérêt. Ces diverses expériences m’ont permis de mieux comprendre

les visions allemande, française et colombienne de la mise en œuvre d’activités

culturelles qui visent toujours à diffuser un message positif pour le public étranger.

J’ai ainsi appris comment, en pratique, les pays essayent de promouvoir leurs

cultures, leurs idées, et leur vision du monde et étudié la manière dont ils

cherchent à se différencier des autres. Mon objectif avec ce mémoire est

désormais d’étudier, selon une approche académique, l’impact de ces actions

destinées à soutenir la construction de l’image positive d’un pays.

En tant que diplomate, représentante de la Colombie et ayant vécu les

conséquences du fait de provenir d’un pays associé au narcotrafic et au

3Szondi, G. (2008) ‘Public diplomacy and nation Branding: Conceptual similarities and differences’, Discussion papers in diplomacy, (ISSN 1569-2981).

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terrorisme, ma réflexion m’a conduit à m’interroger sur le point de savoir si les

actions menées par l’Etat colombien ont eu un effet positif sur la perception de

mon pays à l’étranger. Cet impact est nécessairement difficile à mesurer ; pour

autant, mon objectif est de proposer au lecteur une forme d’évaluation. Répondre à

ce défi est ainsi l’objet principal de cette étude. Mon souhait est que ce travail

permette non seulement de comprendre les effets communicationnels des activités

culturelles et de des différentes stratégies de marketing de la marque pays, mais

également de mieux apprécier l’impact de ces outils de diplomatie publique.

3. Problématique et hypothèses

Problématique : dans quelle mesure la marque pays et la diplomatie culturelle

peuvent-elles contribuer au renouvellement de l’image d’un pays ? Etude de cas :

la Colombie, 2006-2016.

Hypothèses :

1. La marque pays et la diplomatie culturelle sont deux outils qui ont pris une

place importante dans la diplomatie de l’Etat colombien.

2. Cependant, et malgré la bonne volonté de gouvernements désireux de faire

rapidement évoluer l’image négative qui est celle de la Colombie dans le

monde, le renouvellement de cette image doit s’inscrire dans une démarche

de long terme.

4. Méthodologie utilisée

Ce travail de recherche a suivi la méthodologie suivante : afin d’aborder les

concepts théoriques de national branding, de diplomatie culturelle et de soft power

ont été utilisés des articles académiques relevant des deux champs des relations

internationales et du marketing. Outre ces articles, l’analyse s’est appuyée sur les

slogans et vidéos des deux campagnes ayant promu la marque pays Colombie,

ainsi que sur un examen du budget, du nombre et du type d’activités culturelles

organisés par les ambassades et la direction des Affaires culturelles du ministère

9

des Affaires étrangères de Colombie. Ce travail d’analyse a enfin permis d’élaborer

une méthode d’évaluation à même de mieux rendre compte des effets de l’action

culturelle et de la marque pays colombiennes.

La réalisation d’entretiens avec les acteurs dont les fonctions les placent au cœur

de ces enjeux ont également formé une part essentielle de ce travail de recherche.

J’ai ainsi rencontré, dans cette perspective :

- Luis Armando Soto, directeur des Affaires culturelles, Ministère des

Affaires étrangères de Colombie

- Diana Cruz, directrice du Marketing, Sancho Publicity

- Mauricio Jaramillo, professeur à l’Université du Rosaire (Bogota,

Colombie) dont les travaux ont porté sur la diplomatie culturelle comme

outil de politique étrangère.

- Lina María Echeverry, ex-directrice, Observatoire Marque Pays

Amérique Latine

5. Plan du mémoire

Afin de donner une réponse à la problématique explicitée plus haut, ce

mémoire sera organisé en trois temps. Dans un premier temps sera défini le cadre

conceptuel des trois notions les plus importantes de cette étude : celles de national

branding, de diplomatie culturelle et de diplomatie publique. A ce cadre s’ajoutera

une description détaillée du contexte dans lequel s’inscrit l’analyse des deux

variables à étudier. Une deuxième partie permettra d’analyser, sur la période allant

de 2006 à 2016, la manière dont s’est déployée la diplomatie culturelle

colombienne, à travers une analyse comparative des politiques menées par le

gouvernement du président Alvaro Uribe (2006-2010) et celui du président actuel,

Juan Manuel Santos (depuis 2010), ainsi que par une analyse de la marque pays

en Colombie et des deux campagnes menées jusqu'à présent. Enfin, une dernière

partie sera consacrée, grâce à une méthode élaborée par l’auteur de cette étude, à

10

une évaluation des effets de la stratégie de marque pays et de la diplomatie

culturelle colombiennes.

11

Partie1:L’applicationdesconceptsdediplomatieculturelleetde,lamarquepaysaucascolombien.

Les Etats sont devenus de plus en plus conscients de l’importance d’avoir

une bonne image, dans un monde globalisé où les marchés et les individus sont

toujours plus interconnectés. Mais paradoxalement, ces mêmes Etats veulent

également se différencier de plus en plus les uns des autres : chacun veut affirmer

la spécificité de ses produits, de ses offres touristiques, de ses valeurs et de son

identité culturelle afin d’augmenter sa capacité d’influence et son attractivité4.

Il est dès lors important de distinguer le concept général d’« image » du concept

particulier d’« image d’un pays ». L’image fait référence à la manière dont une

chose est perçue, tandis que l’image d’un pays peut être définie comme « l’impact

que les généralisations et les perceptions relatives à un pays ont sur l’appréciation

qu’a une personne sur la marque et les produits de ce pays »5.

Afin de consolider, d’améliorer et de tirer des avantages de leur image pays, les

Etats utilisent leurs valeurs, cultures et caractéristiques uniques afin d’augmenter

leur capacité d’influence. C’est à travers la diplomatie publique que les ressources

particulières à chaque pays vont pouvoir se traduire en actions. 6 Parmi ces

4Dinnie, K. (2014) Nation branding: Concepts, issues, practice. United Kingdom: Routledge.5 JAFFE, NEBENZAHL 2001 6 Gilboa Eytan. “Searching for a theory of public diplomacy”. The annals of the American Academy of Political and social sciences, Vol. 616, Public diplomacy in changing world (Mar.2008) p.61

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actions, deux actions particulières vont être abordées dans le cadre de la présente

étude : la diplomatie culturelle, d’une part, et la marque pays, d’autre part.

La définition du concept de diplomatie publique a fait l’objet de débats depuis son

apparition pendant la guerre froide. Il est défini de manière courante comme un

procès de communication direct vers une audience étrangère. Cette

communication, venant du gouvernement ou d’autres acteurs privés, est définie de

manière à générer du soutien au sein des opinions publiques étrangères. L’objectif

est ici d’influencer les gouvernements étrangers à travers l’opinion de leurs

citoyens, par l’intermédiaire d’activités intervenant dans les champs de la

l’information, de la culture, ou encore de l’éducation.7 La diplomatie publique est un

concept multidisciplinaire, qui se situe à l’intersection des relations internationales

et de la communication. Elle joue un rôle essentiel dans la défense et la protection

de la réputation d’un pays en corrigeant les images négatives et stéréotypes – ou à

tout le moins en les neutralisant.8

Cette première partie permettra de mettre en évidence cette pluridisciplinarité

sous-tendant la diplomatie publique. Dans un premier temps, la diplomatie

culturelle fera l’objet d’une étude spécifique à travers le prisme de la théorie

constructiviste de relations internationales. La marque pays – « nation branding » –

sera quant à elle étudiée depuis le point de vue du marketing et de la

communication publique. Enfin, cette première partie présentera de manière plus

approfondie le contexte de cette étude de cas et de la problématique retenue, au

moyen d’une analyse de la situation politique, économique et du positionnement

de la Colombie au niveau international au cours des dix dernières années.

7 Gilboa. Op.Cit. p. 57. 8 Szondi, G. (2008) ‘Public diplomacy and nation Branding: Conceptual similarities and differences’, Discussion papers in diplomacy, p.24

13

1.1Leconstructivismeetl’applicationdusoftpower

Le constructivisme est une théorie des relations internationales qui met

l’accent sur la construction sociale des affaires internationales. Cette école de

pensée, apparue dans les années 1990, tient l’un de ses auteurs les plus

représentatifs en la personne d’Alexander Wendt, qui a défendu l’idée selon

laquelle « les structures et les États ont des significations multiples pour les

différents acteurs en fonction de leurs propres compréhensions et pratiques

intersubjectives ».9 C’est à travers le prisme de cette théorie que la diplomatie

culturelle ainsi que la marque pays colombiennes seront analysés.

Le constructivisme se concentre sur l’influence que les idées et des normes ont sur

le comportement des Etats, chaque Etat possédant une identité flexible et

malléable mais qui dépend du contexte historique, culturel, politique et social dans

lequel elle s’inscrit.10 Cette identité de l’Etat joue un rôle essentiel : elle a pour

fonction de raconter à l’Etat lui-même comme aux observateurs extérieurs qui il est

ou qui il voudrait être.11 Pour Fred Chernoff, professeur de relations internationales

et expert reconnu en la matière, le système international est une construction

sociale dans laquelle les êtres humains interagissent les uns avec les autres, ce

qui s’oppose aux théories classiques des relations internationales voyant dans les

Etats des acteurs rationnels et égoïstes choisissant les options qui génèreront pour

eux un bénéfice maximal.12

Le constructivisme va nous permettre de mieux comprendre et de donner plus de

valeur au concept de soft power, que son auteur Joseph Nye définit comme « la

capacité pour un Etat d’obtenir ce qu’il veut par son attraction plutôt que par

coercition, un Etat [attirant] les citoyens d’autres Etats par ses échanges culturels

9Van Ham, P. (2008) ‘Place Branding: The state of the art’, Public Diplomacy in a changing world, 616, p. 14510Pauselli, G. (2013) ‘Theories of international relations and the explanation of foreign aid’, Revista Iberoamericana de estudios para el desarrollo, vol. 2(2254-2035), p.86.11Van Ham, P. (2008) Op. Cit. p 14612Behravesh, M. (2011) Constructivism: An introduction. Available at: http://www.e-ir.info/2011/02/03/constructivism-an-introduction/ (Accès: 17 Avril 2016).

14

et ses valeurs ».13 Il est important de souligner que le concept de soft power a

émergé pendant la Guerre froide, époque durant laquelle on ne parlait pas de

« constructivisme social ».14 Aujourd’hui, cependant, ce paradigme des relations

internationales, qui souligne l’importance des idées et identités comme sources de

pouvoir, fournit un cadre conceptuel nous permettant de mieux analyser les

politiques de soft power.15

Dans un monde aussi complexe que celui d’aujourd’hui, le soft power joue un rôle

majeur : il est devenu un levier à part entière de la politique étrangère et n’est plus

considéré comme un outil de deuxième catégorie, bien qu’il ne puisse produire

d’effets qu’à long terme. Une politique de soft power peut être jugée réussie

lorsque l’Etat, quels que soient sa taille ou son poids dans le système international,

arrive à développer sa capacité à attirer, à convaincre et à mobiliser les autres16.

Selon Joseph Nye, les stratégies de soft power doivent être orientés vers

l’utilisation des réseaux, le développement et la communication de récits

convaincants, l’établissement de normes internationales et la construction de

coalitions en tirant parti des ressources clés qui lient un pays à un autre17. Le soft

power peut sembler une option meilleure et moins risquée que la puissance

économique ou militaire appelée “hard power” ; pour autant, il est souvent difficile à

utiliser, facile à perdre, et coûteux à rétablir.18

Comme Michel Foucault et Antonio Gramsci l’ont affirmé, les idées sont aussi une

forme de pouvoir, de nature non pas matérielle mais discursive.19 C’est ce pouvoir

discursif qui peut être développé à travers des stratégies de soft power comme le

sont la diplomatie culturelle et la marque pays, chacune dans un champ différent

13 Gegout, C. (2013) ‘Le retrait de l’Europe et la montée en puissance de la Chine en Afrique’, Politique européenne, n° 39(1), pp. 44–75. 14Leca, J. (2009) ‘Soft Power. Sens et usages d’un concept incertain’,Ceriscope Science Po, . 15 Gegout, C. (2013) Op. Cit 16 McClory, J. (2015) A global ranking of soft power. Available at: http://softpower30.portland-communications.com/pdfs/the_soft_power_30.pdf (Accès: 2 Avril 2016) p. 15 17 Nye, J.(2011) ‘Power and foreign policy‘, Journal of political power. P.19 18 Nye .J. in McClory, J. (2015) A global ranking of soft power. Available at: http://softpower30.portland-communications.com/pdfs/the_soft_power_30.pdf (Accès: 2 Avril 2016) 19 Van Ham, P. (2008) p 146

15

mais avec l’objectif commun de promouvoir une image positive d’un pays en

utilisant l’identité de l’Etat.

1.1.1Ladiplomatieculturelle,unoutildesoftpower

L’auteur du concept de soft power, Joseph Nye, a identifié trois sources de

cette puissance intangible. La première est la culture, entendue comme l’ensemble

de pratiques qui ont un sens pour la société, tandis que la deuxième se trouve

dans les valeurs politiques et que la troisième réside dans la politique étrangère du

pays. 20 Le concept de « culture » peut être précisé à l’aide de la définition

proposée par la déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’UNESCO, qui

la définit comme « l’ensemble de traits matériels, intellectuels et affectifs, spirituels

distinctifs qui caractérisent une société ou un groupe social, y compris, en plus de

l'art et de la littérature, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les

systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »21 . De son coté Edgar

Montiel, professeur et fonctionnaire à l’UNESCO précise que la culture est « un

élément stratégique de premier ordre, peut-être le plus influent, pour sa

polyvalence et la plasticité, il agit dans le but de discerner les consciences et les

comportements ».22

Ces définitions nous permettent d’affirmer que la diplomatie culturelle est un outil

qui traduit en actes la puissance intangible d’un pays : c’est à travers elle que les

sources évoquées par Nye se conjuguent et se renforcent mutuellement. La

diplomatie culturelle est l’une des dimensions de la politique étrangère qui permet

aux Etats d’atteindre leurs objectifs politiques de rapprochement avec des Etats

avec lesquelles les liens sont presque inexistants ou de renforcement de liens de

coopération existants. Ce type de diplomatie « est l'instrument utilisé par les Etats

20 Nye, J.S. (2008) ‘Public diplomacy and soft power’, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 616, p.96 21 Rodriguez, F. (2008) ‘México y la Convención sobre la protección y la promoción de la diversidad de las expresiones culturales de la UNESCO’ en Foro Internacional, el Colegio de México, vol XLVIII, no.4, pp.861-885. 22 Montiel, E. (2010) Diplomacia cultural: Un enfoque estratégico de política exterior para la era intercultural; Cuadernos UNESCO Guatemala: Cultura y vida; Vol.:2; 2010. p.5

16

dans la poursuite de leurs intérêts en faveur d'une approche plus subtile ».23

La diplomatie culturelle peut ainsi être définie comme l’ensemble des stratégies et

des activités menées par l'Etat et par ses représentants à l’étranger, grâce à la

coopération culturelle et éducative, afin de diffuser une image positive du pays et

d’atteindre les objectifs de sa politique étrangère.24 Cet outil de diplomatie publique

soutient la thèse du paradigme constructiviste des relations internationales,

puisqu’elle souligne le rôle et la puissance des idées et des valeurs comme

vecteurs d’influence dans le système international.

1.1.2Lamarquepaysetsonrôledanslesrelationsinternationales

La marque pays, aussi appelée nation branding, est un phénomène

complexe et relativement récent, qui trouve ses origines dans la propagande. Les

Etats semblent de plus en plus conscients de l’importance de développer cet

instrument pour attirer l’attention sur leur pays et ses capacités en termes

d’investissement et de tourisme. Selon John Grant, l’un des chercheurs les plus

reconnus sur le sujet, la marque pays se définit comme « un groupe d’idées

culturelles stratégiques ». Il ajoute qu’ « à travers les fondements de leur identité

nationale, les marques pays possèdent des ressources culturelles bien plus riches

et plus profondes que tout autre type de marque, tels que les marques de produits

ou de marques d'entreprise ».25

Ce concept fait l’objet de débats importants, centrés autour de la question

suivante : est-il possible de faire d’un pays une « marque » ? Certains analystes

politiques pensent qu’il est trop difficile d’associer l’Etat à des pratiques

commerciales d’image et de gestion de la réputation.26 Bien que ce débat ne

constitue pas le cœur du présent travail de recherche, la question doit être posée,

23 Rodríguez, F. (2014) ‘Diplomacia Cultural. Una nota exploratoria’, Observatoire des Amériques, Cda volume 14 numero 3 juin 2014 p.3 24Rodríguez, F. (2014) Op.Cit. p.425 Dinnie, K. (2014) Nation branding: Concepts, issues, practice. United Kingdom: Routledge. p.4 26 van Ham, P. (2008) ‘Place Branding: The state of the art’, Public Diplomacy in a changing world, 616, pp. 126–149. doi: 10.2307/25097998.p.132

17

et il nous faut garder à l’esprit cette controverse. L’enjeu est dès lors de mieux

cerner le concept de marque pays, qui est dans un premier temps une stratégie de

communication, et qui peut être défini comme un « mélange unique et

multidimensionnel des éléments intangibles qui forment la nation, avec une

différenciation fondée sur la culture et la pertinence pour l'ensemble de ses publics

cibles ».27

Cette stratégie de communication met particulièrement l’accent sur les valeurs et

l’identité nationale d’un pays : c’est sur ce point, en particulier, que le concept de

marque pays peut être relié à la théorie constructiviste des relations

internationales. Comme nous l’avons évoqué plus haut, le constructivisme reste

ancré sur le rôle de l’Etat comme acteur central dans le système international et

met l'accent sur les normes, les valeurs et identités comme des éléments

essentiels et nécessaires dans la politique internationale assurant la stabilité et la

prévisibilité, ce qui représente un point de départ important pour l’étude du concept

de marque pays.28 Le constructivisme part du principe selon lequel les identités

propres des Etats dépendent de leurs contextes historiques, sociaux et politiques,

mais que cette identité peut évoluer dans le temps : cet aspect est essentiel pour

la marque pays.29 La bonne gestion de cette identité à travers la marque pays est

devenu un capital, un patrimoine stratégique pour les Etats, qui offre un avantage

concurrentiel crucial dans le monde globalisé d’aujourd’hui.30

1.2Ladiplomatieculturelleetlamarquepayscommestratégiesdecommunication

Comme nous l’avons déjà observé, la diplomatie culturelle et la marque

pays sont deux outils de diplomatie publique différents mais orientés vers le même

objectif : améliorer et consolider l’image positive d’un pays à l’étranger. Atteindre

27 Dinnie, K. (2014) Op. Cit p.5 28 Van Ham, P. (2008) Op. Cit. p.145 29 Van Ham, P. (2008) Op. Cit. p 146 30 Dinnie, K. (2014) Op. Cit p.6

18

cet objectif exige de diffuser un message, d’où l’importance de la gestion de la

communication de ce message pour chacun de ces deux instruments. Pour la

diplomatie culturelle comme que pour la marque pays, un élément clé réside dans

la construction d’une relation de dialogue personnel et institutionnel avec une

audience étrangère, en mettant l’accent sur les valeurs – ce qui diffère de la

diplomatie classique, dans laquelle l’accent est mis sur les problèmes.31

Le défi central est de convertir les ressources de soft power en influence effective :

ceci doit nécessairement passer par des stratégies de communication efficaces, à

même d’atteindre les publics ciblés. La communication, le soft power et la capacité

d’influence sont intrinsèquement liés et se renforcent mutuellement.32 Jonathan

McClory, fondateur de l’index Soft Power 30, affirme que l’efficacité des stratégies

de communication qui mettent en avant les ressources de soft power peut être

mesurée par la capacité d’influence qu’exerce le pays, ce qui confirme l’existence

de cette interdépendance. Le rôle de la communication est dès lors essentiel dans

la gestion de la diplomatie culturelle et de la marque pays : dans les deux cas, on

parlera de « communication publique » puisque l’initiateur du message est l’Etat

lui-même.

1.2.1Ladiplomatieculturelleetsonmessage

La diplomatie culturelle est un outil de politique étrangère qui est mis en

place et géré par l’Etat à travers la direction des Affaires culturelles du ministère

des Affaires étrangères. Cette direction est en charge d’organiser des activités

culturelles, éducatives et même sportives à travers les ambassades afin de

consolider les liens avec les pays où se déroulent ces actions et d’atteindre des

31 Van Ham, P. (2008) Op. Cit. p 135 32 McClory, J. (2015) A GLOBAL RANKING OF SOFT POWER. Available at: http://softpower30.portland-communications.com/pdfs/the_soft_power_30.pdf (Accès: 2 Avril 2016).p. 42

19

objectifs de politique étrangère. C’est donc l’Etat qui est l’initiateur du message,

son émetteur, et qui le contrôle.33

Quelle que soit le type d’activité culturelle envisagé, la communication avec

l’audience étrangère est directe, dans le but d’influencer leur vision du pays

émetteur du message et d’influencer in fine celle de leur gouvernement. L’idée est

donc que la diplomatie culturelle influence le gouvernement étranger à travers ses

citoyens. Ces citoyens étrangers qui vont recevoir le message sont des cibles très

bien définies : il s’agit des élites culturelles, des décideurs politiques ainsi que des

faiseurs et leaders d’opinion.34

Ce message orienté vers les élites du pays étranger établit une communication

non seulement directe mais aussi réciproque, qui construit une compréhension

mutuelle entre les deux pays. Les activités culturelles essayent souvent d’identifier

des éléments de l’histoire, de la culture ou des peuples qui les rassemblent et qui

permettent de rendre plus efficace le dialogue entre les deux peuples. 35 La

diplomatie culturelle est un outil qui produit des résultats à long terme : selon

Gyorgy Szondi, elle repose sur le comportement tandis que la marque pays se

centre davantage sur le visuel et les symboles comme on le verra plus loin.

1.2.2Lamarquepaysetsonmessage

Du point de vue du marketing comme discipline, « la marque pays concerne

l’application des techniques d’image, de marketing et de communication afin de

promouvoir l’image d’un pays».36 C’est à travers ces techniques que le message

qui est envoyé a pour but d’altérer ou changer les attitudes et l’image d’une nation

33 Szondi, G. (2008) ‘Public diplomacy and nation Branding: Conceptual similarities and differences’, Discussion papers in diplomacy, (ISSN 1569-2981).p. 1734Szondi, G. (2008) Op. Cit p. 13.35Szondi, G. (2008) p. 1636 Fan, Y. (2007) ‘BRANDING THE NATION: COMPLEXITY AND PARADOX’, Journal of Vacation Marketing, 121, p.5

20

d’une manière positive.37 L’information qui va être transmise « doit provenir de la

culture d’un pays plutôt que simplement prendre la forme d’un logo ou d’une

campagne publicitaire superficielle ».38 La marque pays peut aussi aider à effacer

les idées fausses que les audiences ont des pays et permet de repositionner le

pays d’une manière plus favorable.39

Il est ainsi indispensable de souligner les différences principales entre la marque

pays et la marque d’un produit commercial. La marque pays ne s’accompagne pas

d’une offre tangible, et ses attributs sont difficiles à définir et à décrire. Les seuls

avantages fournis par le nation branding à son public sont de nature émotionnelle

plutôt que fonctionnelle, ce qui le distingue du branding commercial et de ses

produits tangibles.40 Un tableau comparatif détaillé permet de mieux comprendre

ces différences.

Tableau 1 : Comparaison entre la « marque pays » et la marque d’un produit selon Ying Fan41 Marque Pays Marque d’un produit Offre N’offre rien de tangible Offre un produit ou un

service Attributs Difficile à définir Très bien définis Bénéfices Purement émotionnel Fonctionnelles et

émotionnelles Objectif Promouvoir l’image d’un

pays Développer les relations

Image Complexe, varié et vague Simple et claire Audience Diverse, interne et

externe Cible claire et segmentée

Source : Fan, Y. (2007) ‘BRANDING THE NATION: COMPLEXITY AND PARADOX’, Journal of Vacation Marketing, 121 p.6 Cette différence fondamentale en tête, il est important de comprendre que

l’initiateur et le coordinateur du message portés par la marque pays est l’Etat, qui à

37Szondi, G. (2008) p 538Dinnie, K. (2014) Op. Cit p.539Dinnie, K. (2014) Op. Cit p.640Fan, Y. (2007) Op.Cit. p.5 41Ying Fan: théoricien de la marque pays

21

son tour sous-traite à des agences de marketing ou à des consultants le

développement des idées centrales et la définition du design visuel de la stratégie

de communication soulignant le caractère particulier et différencié du pays.42 A la

différence de la diplomatie culturelle, la marque pays est une communication à

sens unique dans laquelle « le communicateur a le contrôle sur le message qui a

la tendance à être simple et concis et laisse peu d'espace pour le dialogue et

l'interaction ».43

L’audience du message que veut transmettre la marque pays est l’une des

caractéristiques de cette stratégie de communication : les nationaux comme les

citoyens étrangers sont ciblés, avec le même niveau d’importance. « Les citoyens

du pays ont un rôle principal qui consiste à vivre la marque et à servir comme

ambassadeurs de celle-ci »44, ils ont la responsabilité de transmettre le message et

de le rendre plus crédible. Le nation branding se différencie de la diplomatie

culturelle par son spectre d’audience beaucoup plus large : elle utilise les médias

de masse, davantage favorables aux slogans et aux images qu’aux idées

complexes, et qui réagissent mieux aux personnages simples et attrayants plutôt

qu’aux experts et aux intellectuels.45

Cette dualité de l’audience de la marque pays nous pousse à examiner le défi

majeur que rencontre ce type de communication : comment communiquer une

seule image ou un seul message à différentes audiences dans différents pays ?

Ying Fan décrit ce dilemme comme consistant à essayer d’être une chose pour

toutes les audiences dans toutes les occasions.46 Par conséquent, la marque pays,

stratégie de communication qui se base sur la promotion de ressources

intangibles, est complexe et doit être pensée à long terme. Cela suppose une

42Szondi, G. (2008) p.1243Szondi, G. (2008) p.1644Szondi, G. (2008) p.1245Szondi, G. (2008) p.1346Fan, Y. (2007) p.10

22

volonté politique afin que cela ne se traduise pas en une courte campagne

publicitaire avec des résultats éphémères.

Comparaison entre la communication de la diplomatie culturelle et la marque pays Après avoir décrit le fonctionnement de la communication de la diplomatie

culturelle et celle de la marque pays, il est possible de présenter leurs différences

et similitudes dans un tableau afin de rendre la comparaison plus compréhensible

et détaillée.

Tableau 2 : Comparaison entre la communication visée par la diplomatie culturelle et celui de la « marque pays »47.

Diplomatie culturelle Marque Pays

Objectif Promotion du pays avec un intérêt politique (agenda de politique étrangère)

Promotion du pays avec un intérêt plutôt économique (attirer plus d’investissement et de tourisme)

Contexte Politisé, centré dans les priorités géopolitiques du gouvernement.

Dépolitisé : il y a un accord entre les acteurs et le secteur public ainsi que le privé.

Audience Citoyens étrangers, élite politique et culturelle, ainsi que les faiseurs et leaders d’opinion.

Public plus large, les cible de ce message sont les nationaux ainsi que les citoyens étrangers sans distinction de nationalité.

Type de communication

Réciproque (ouvert au dialogue)

A sens unique (restreint au dialogue et interaction)

Rôle de l’Etat Initiateur et émetteur du message

Initiateur et coordinateur du message mais il n’est pas l’émetteur

Tactiques Expositions, participation dans les festivals de cinéma internationaux, promotion de l’apprentissage de la langue, célébration des jours nationaux, programmes d’échanges et tout type d’activité culturelle.

Logo, slogan, publicité du pays a travers les chaînes plus importantes, brochures, e-marketing et événements publicitaires comme participation dans des salons de tourisme.

Cadre temporel

Long terme Long terme

Budget Subventionné par le gouvernement

Partenariat entre le secteur public et le privé

Media Mass media insignifiants mais les réseaux sociaux

Repose principalement sur les mass media, grand rôle des publicités.

47 Inspiré du tableau proposé para Gyorgy Szondi dans ‘Public diplomacy and nation Branding: Conceptual similarities and differences’pp.17-18 et des recherches de l’auteur de ce mémoire.

23

commencent à jouer un rôle important (e-diplomacy)

1.3LaColombiedanslesdixdernièresannées

Après avoir abordé les aspects théoriques de la diplomatie culturelle et de la

marque pays selon le point de vue des théories des relations internationales d’un

côté et du marketing et la communication de l’autre, il est nécessaire de définir le

contexte dans lequel vont être appliqués ces concepts. L’étude de cas de ce

mémoire se centrera sur le cas colombien : il est dès lors important de comprendre

la vie politique, la situation économique et le positionnement international de la

Colombie au cours des dix dernières années. Ce pays latino-américain est une

république avec un régime présidentiel dans lequel le rôle du président est très

marqué : par conséquent les trois aspects ci-dessus énoncés seront étudiés selon

ce qui c’est passé pendant le second mandat du président Álvaro Uribe Vélez

(2006-2010) et les deux mandats de Juan Manuel Santos Calderón (2010-2016).

Cependant, avant d’aborder les points annoncés, il est nécessaire de

rappeler quelques généralités à propos de la Colombie, puisque des détails

simples comme la couleur du drapeau et les caractéristiques géographiques, ont

une incidence dans la construction des logos et slogans, particulièrement dans une

stratégie de « marque pays ».

Aspects généraux de la Colombie :

Figure 1 : Drapeau de la Colombie

24

Ce drapeau trouve ses origines à l’époque de la Grande Colombie : c’est la raison

pour laquelle le Venezuela et l’Equateur possèdent les mêmes couleurs dans leurs

drapeaux avec quelques petites différences. Pour la Colombie, le drapeau est un

symbole national et chaque couleur a une signification spéciale : le jaune

symbolise l’or et la richesse du pays, le bleu représente les deux océans qui

baignent ses littoraux, et le rouge représente le sang des hommes qui ont lutté

pour la libération du pays de l’emprise espagnole.

Figure 2 : Localisation géographique de la Colombie

Source: Ceriscope-SciencePo voir http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part2/pauvrete-et-clientelisme-electoral-en-colombie?page=2 La Colombie est l’unique pays d’Amérique du Sud avec deux côtes, d’une part sur

l’océan Atlantique et d’une autre sur l’Océan Pacifique ; c’est le quatrième pays le

plus vaste d’Amérique du Sud après le Brésil, l’Argentine et le Pérou. Sa

25

localisation sur la ligne de l’Equateur fait qu’elle possède un climat tropical pendant

toute l’année et offre des paysages très variés, des Caraïbes à l’Amazonie en

passant par la cordillère des Andes qui traverse le pays. La Colombie compte

aujourd’hui une population de 48.661.498 habitants (selon l’institut de statistique

colombien DANE), ce qui correspond à la troisième plus grande population

d’Amérique Latine.

1.3.1Laviepolitique:verslafinduconflitinternecolombien

Pour comprendre la complexité de la situation politique de la Colombie au

cours de la dernière décennie, il est nécessaire de revenir un peu plus en arrière.

La Colombie connaît le plus long conflit interne du continent : la lutte armée des

guérillas marxistes qui a commencé pendant les années soixante, qui paraît

désormais anachronique, y est encore active. Cette longue histoire de violence a

provoqué plus de 220.000 morts (dont 81% de civils) et affecté plus de cinq

millions de personnes selon le gouvernement colombien. 48 La violence s’est

exacerbée avec l’apparition, dans les années 1980, de forces paramilitaires

appelées Autodéfenses Unies de Colombie (AUC) qui entendaient se défendre des

guérillas et qui étaient parfois financées par des multinationales afin de protéger

leurs produits ou industries des attaques des guérillas. L’apparition de ce nouvel

acteur dans le conflit et le manque d’efficacité de l’Etat colombien pour fournir et

assurer la sécurité dans tout le territoire se sont traduites par une grave crise

humanitaire avec le déplacement de plus de cinq millions d’habitants entre 1958 et

2012 selon le rapport de Human Rights Watch de 2014. Cela place la Colombie au

deuxième rang mondial des pays comptant le plus de déplacés.

A l’heure actuelle, les groupes d’insurgés plus importants et encore actifs

sont les FARC (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia) et le ELN (Ejército

48 Dezcallar, J. “La Oportunidad de Reinventarse a Sí Misma.” April 2014. (Accès: Avril 16, 2016). http://www.politicaexterior.com/articulos/politica-exterior/la-oportunidad-de-reinventarse-a-si-misma/.

26

de liberación nacional) qui comptent près de 10.000 hommes dans leurs rangs. Ils

ne sont cependant pas soutenus par la population, en raison des exactions

cruelles et inhumaines qu’ils ont perpétrées depuis plus de soixante ans. Ces

guérillas ont pu néanmoins maintenir leur capacité de lutte, pas seulement par la

violence (en menaçant la population civile à travers des homicides, des pratiques

d’extorsion et des séquestrations), mais aussi grâce aux revenus tirés des

marchés des drogues dont ils sont acteurs et bénéficiaires. La Colombie est

connue pour être le premier producteur de cocaïne au monde (voir graphique 1),

malgré les mesures prises par les différents gouvernements depuis les années

1980 pour lutter contre la production et la commercialisation des drogues. Ce fléau

social continue à alimenter l’activité des guérillas grâce aux montants incroyables

qu’elles en retirent et qui leur permettent de demeurer en activité : c’est pourquoi

ces guérillas sont appelées, depuis les années 1990, « narco-guérillas ». Il est

aussi important de souligner que la production, la commercialisation, le trafic et la

lutte contre les drogues ont un coût humain considérable et affectent la sécurité, la

stabilité institutionnelle et même environnementale du pays.

Graphique 1 : Pays producteurs de cocaïne par hectares entre 2003-2013 selon le rapport de 2015 du bureau de Nations Unies contre les drogues et le crime ONUDC49

49 Disponible à : https://www.unodc.org/documents/wdr2015/WDR15_ExSum_F.pdf

27

Mandats du président Alvaro Uribe Vélez (2002-2006 ; 2006-2010) Elu en 2002, le président Uribe hérite d’un pays confronté à une forte crise

économique, ayant vécu une grande déception avec l’échec de son prédécesseur

à signer un accord de paix avec les FARC. La Colombie était alors proche d’être

qualifiée d’ « Etat failli ». Avec le soutien de la population, Uribe déclare la guerre

aux guérillas et engage la politique centrale de son mandat appelée « sécurité

démocratique ». Mais c’est grâce au Plan Marshall négocié et mis en place par son

prédécesseur, Andres Pastrana (1998-2002), avec les Etats-Unis, qu’Uribe a pu

doubler les effectifs de l’armée et la moderniser pour obtenir des résultats positifs.

C’est grâce au Plan Colombia que le pays devient le troisième récepteur d’aide

américaine après l’Israël et l’Egypte. Ce programme d’aide avait pour but initial de

renforcer l’Etat colombien dans plusieurs dimensions (militaire, juridique et sociale)

pour combattre la production et le trafic de drogue, perçus comme un fléau

international. Cependant, avec les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et le

soutien du gouvernement colombien à la politique de lutte antiterroriste menée par

George W. Bush, les FARC et le ELN ont été reconnus comme groupes terroristes

par les Etats-Unis et l’Union Européenne, permettant aux fonds du Plan Colombia

d’être utilisés pour lutter aussi contre cette menace interne.

Pendant les huit ans au pouvoir du président Uribe, les guérillas ont été

considérablement affaiblies. Elles se sont déplacées vers les frontières du pays, ce

qui a nui aux relations de la Colombie avec ses voisins ; d’autre part les groupes

paramilitaires se sont démobilisés. Ce processus de démobilisation, fortement

critiqué, était nécessaire pour permettre d’avancer vers une réelle solution au

conflit interne colombien. Les deux mandats présidentiels d’Uribe ont reçu un large

soutien de la population. Pour autant, il a été sévèrement critiqué par les

organisation internationales de défense des droits humains, principalement en

raison du scandale des « faux positifs » : il a été prouvé que les militaires

colombiens ont assassiné des civils pour les faire apparaître comme militants des

28

guérillas et améliorer les statistiques du gouvernement, ce qui a grandement

fragilisé la légitimité de la « sécurité démocratique ».

Mandats du président Juan Manuel Santos Calderón (2010-2014 ; 2014-2018) Le président Juan Manuel Santos a remporté les élections de 2010 en grande

partie parce qu’il incarnait la continuité de la « Sécurité démocratique » : il a en

effet été ministre de la Défense du président Uribe. Son slogan était celui de la

« prospérité démocratique » : grâce aux bons résultats du gouvernement

précédent, la Colombie pouvait espérer vivre mieux dans un pays apaisé. Les

guérillas étaient si affaiblies qu’elles s’étaient réfugiées au Venezuela, bénéficiant

de la complaisance du gouvernement chaviste ; les forces paramilitaires avaient en

théorie disparu ; enfin, la Colombie était parvenue à se positionner comme une

économie émergente, ce qui permettait d’espérer qu’elle s’engage sur le chemin

d’une prospérité durable.

Les colombiens étaient convaincus que la lutte armée contre les guérillas était le

meilleur moyen pour se débarrasser définitivement de ce fléau : très peu

imaginaient que l’ancien ministre de la Défense, à présent président, allait engager

un nouveau processus de paix avec le FARC. C’est en novembre 2012 que Santos

annonce au pays et à la communauté internationale le début des dialogues qui

allaient avoir lieu à La Havane, Cuba. Une négociation très complexe commença,

faisant l’objet d’une opposition très forte de la part de l’ex-président Uribe et de

tous ses partisans, ce qui a d’autant plus divisé l’opinion publique. Malgré cette

opposition et les contraintes normales d’un processus de paix aussi compliqué, ce

dernier se trouve aujourd’hui dans sa phase finale. La signature d’un accord est

attendue pour l’année 2016, et le gouvernement se prépare pour le post-conflit. Ce

contexte positif a encouragé la deuxième guérilla du pays à s’associer à ce que

Santos a appelé « le bus de la paix » : en avril 2016, l’ELN a accepté de s’engager

dans le processus de paix. Cette fois-ci, les négociations auront lieu en Equateur

et recevront le soutien de pays tels que l’Uruguay, le Venezuela ou la Norvège,

comme a été le cas pour le processus engagé avec les FARC. Les processus de

29

paix sont coûteux politiquement et matériellement ; mais encore plus coûteuse est

la mise en place des politiques du post-conflit. Il s’agit là du défi majeur pour

l’avenir de l’Etat colombien. En tout état de cause, il est certain que ces processus

de paix changent la perception de la Colombie à l’étranger, laissant penser que la

situation sécuritaire s’améliore, ce qui produit un effet positif sur l’image du pays.

1.3.2Uneéconomieémergente

Après les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), les CIVETS (Colombie, Indonésie,

Vietnam, Egypte et Afrique du Sud) apparaissent comme les économies devant

faire l’objet d’une attention particulière au cours des prochaines années, selon le

président de la banque HSBC qui s’exprimait en 2010 à Hong-Kong.50 Les CIVETS

sont ainsi la deuxième génération de pays disposant d’une économie dynamique,

caractérisée par une croissance constante, une classe moyenne en expansion

ainsi qu’une importante force de main d’œuvre jeune. Figure 3 : Membres du groupe d’économies émergentes : CIVETS

Source: Wikimedia Commons

50 Voir “After BRICs, Look to CIVETS for Growth - HSBC CEO,” April 27, 2010, accessed May 4, 2016, http://www.reuters.com/article/hsbc-emergingmarkets-idUSLDE63Q26Q20100427.

30

La Colombie est considérée aujourd’hui comme une économie émergente,

enregistrant une croissance soutenue même en période de crise mondiale (voir

graphique 2). Elle attire notamment l’attention des investisseurs étrangers, qui

voient ce pays comme le « nouvel Eldorado des investisseurs ». La confiance des

investisseurs s’incarne dans le fait qu’au cours des vingt dernières années,

l’investissement étranger direct (IED) est passé de 1,5% du PIB à 4,5% et a été

multiplié par douze.51

Ceci est le résultat d’une des politiques essentielles du président Uribe, appelée

« Confiance des investisseurs » et qui a été d’une certaine manière maintenue par

le président actuel. L’ouverture et la libéralisation de nouveaux marchés à travers

la signature d’accords de libre-échange bilatéraux comme celui conclu avec les

Etats-Unis (entré en vigueur en 2012) ou celui avec l’Union européenne (en

vigueur depuis 2013) ont été décisifs pour l’expansion des relations commerciales

de la Colombie.

C’est grâce à cette solide croissance de son économie, à sa stabilité

macroéconomique et à l’ouverture à des nouveaux marchés que l’économie

colombienne est, depuis 2014, la troisième plus forte d’Amérique Latine après

celles du Brésil et du Mexique. Mais le pays doit faire face à de grands défis :

d’une part, améliorer ses infrastructures pour augmenter sa compétitivité en

réduisant les coûts de production ; d’autre part, réduire sa dépendance à

l’exploitation des ressources énergétiques. Un troisième enjeu, plus important et

complexe à gérer, est celui de la réduction des inégalités. Selon le Programme des

Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Colombie est le quatorzième

pays le plus inégalitaire au monde. Le coefficient de Gini, qui est de 0 en situation

d’égalité parfaite et de 1 en situation d’inégalité absolue, le confirme (voir

graphique 3) ce qui témoigne d’un grave problème social.

51 Garzón, Rolando and Casa Editorial El Tiempo. En 20 Años, Los “mejores amigos” de Colombia Trajeron El 30 % Del PIB - Indicadores. (EL TIEMPO), (Accès Août 5, 2014). http://www.eltiempo.com/economia/indicadores/inversion-extranjera-en-colombia/14346577.

31

Graphique 2 : Croissance du PIB de la Colombie en comparaison avec la moyenne mondiale (2006-2014)

Source : Banque Mondiale52 Graphique 3 : Comparaison de l’indice de Gini colombien avec la moyenne observée en Amérique Latine (1990-2012)

Source : Sciences Po53

52Voir http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG/countries/1W-CO?display=graph53 Voir http://www.sciencespo.fr/opalc/content/indice-gini-des-inegalites-colombie

32

1.3.3Sonpositionnementauniveauinternational

Au XXIe siècle, la Colombie a fait l’objet d’une attention particulière de la

communauté internationale dû au fait que ses grands problèmes internes comme

le trafic de stupéfiants, les déplacements forcés, les dégâts environnementaux

induits par la production et la fumigation des champs de drogues, la fragilisation

des droits humains et le terrorisme sont des thèmes prioritaires du nouvel agenda

international. « La liaison entre le conflit colombien et le trafic de drogues a

toujours été un des principales arguments pour considérer ce conflit comme un

problème de sécurité internationale »54, ce qui a joué un rôle essentiel dans la

définition de la politique étrangère de la Colombie et dans son positionnement au

niveau international tout en ayant également un effet sur l’image du pays.

Il est important de souligner que, depuis le XXe siècle, la politique étrangère

colombienne a oscillé entre deux doctrines : d’une part, une doctrine orientée vers

le nord, celle du « Respice pollum » qui fait référence à l’alignement de la

Colombie avec les politiques des Etats-Unis et des pays développés ; d’autre part,

la doctrine du « Respice Similia » orientée vers les pays similaires à la Colombie.

Cette dernière doctrine valorise ainsi les relations de la Colombie avec ses voisins

régionaux ou avec les pays en voie de développement. Cette dualité se traduit

dans les différences qui distinguent la politique étrangère d’Alvaro Uribe de celle

du président actuel, Juan Manuel Santos.

Mandat d’Alvaro Uribe Vélez

Les bons résultats de l’armée colombienne dans la lutte contre la guérilla durant le

premier mandat du président Uribe (2002-2008) ont entraîné le repli des guérilleros

vers les frontières. Plusieurs milliers de Colombiens ont traversé la frontière, en

particulier vers le Venezuela et l’Equateur, afin de fuir la crise interne, le conflit est

54 Cancelado, Henry. “Las Redes Del Poder En El Sistema Internacional, Análisis Del Caso Colombiano.” Revista de relaciones internacionales, estrategia y seguridad Vol.1 No.2 (2007). (Accès Mai 10, 2016). http://www.umng.edu.co/documents/63968/76572/HCancelado.pdf.

33

ainsi devenu international aussi par le faite de refugiés colombiens dans les pays

voisins.

La politique de « sécurité démocratique » a eu la chance de s’inscrire dans un

agenda international faisant de la lutte contre le terrorisme une priorité. Dans ce

sens, le gouvernement Uribe a fortement marqué son alignement avec les

politiques de George W. Bush. Le Plan Colombia, déjà évoqué, a été l’outil qui a

facilité le renforcement des relations entre les Etats-Unis et la Colombie. Cet

alignement très fort a été mal perçu dans la région, dans un contexte politique

régional dominé par les gauches latino-américaines.

L’application du respice pollum était manifeste : le gouvernement voyait dans son

allié nord-américain la possibilité de disposer des ressources et de la coopération

nécessaires à la lutte contre les deux fléaux de la guérilla et du trafic de drogue.

L’exemple le plus clair des tensions alors à l’œuvre dans la région a été le

bombardement réalisé par l’armée colombienne en 2008, sans l’autorisation du

président équatorien, d’un champ des FARC localisé en territoire équatorien, à

proximité immédiate de la frontière entre les deux pays. Les présidents Rafael

Correa, Hugo Chávez et Evo Morales, grandes figures de la gauche latino-

américaine, ont fortement réagi : cette crise diplomatique a dégradé les relations

de la Colombie avec ses voisins et l’ont isolée au niveau régional.

La politique étrangère colombienne de cette période a été caractérisée par

l’utilisation d’un type de diplomatie méconnu des colombiens : la « diplomatie

microphone », dans laquelle le ministère des Affaires étrangères était marginalisé

tandis que la diplomatie était coordonnée et gérée par le président et le ministre de

Défense. L’arrivée au pouvoir du président Santos a, en revanche, donné lieu à un

changement d’approche.

34

Mandat de Juan Manuel Santos

Le nouveau président de la Colombie prend ses fonctions en pleine crise

diplomatique avec les voisins les plus importants du pays, le Venezuela et

l’Equateur. Dès le premier jour de son mandat, il décide de faire montre aux

présidents Hugo Chávez et Rafael Correa de son pragmatisme en les invitant à la

cérémonie d’installation présidentielle. Les accords de San Pedro Alejandrino,

signés en août 2010 entre le président Santos et Chávez, marquent quant à eux le

début d’une nouvelle histoire de réconciliation, de travail mutuel et de

normalisation des relations malgré les différences idéologiques et politiques entre

les deux gouvernements, l’un de gauche et l’autre de centre droit. Cette approche

du président Santos, dans laquelle s’inscrit le fait que sa première visite officielle a

été au Brésil (et non pas aux Etats-Unis comme ç’avait été le cas de la plupart de

ses prédécesseurs), marque un changement de doctrine en politique étrangère au

profit du « respice similia ».

Le président Santos veut montrer à la communauté internationale une Colombie

plus sure, avec une économie dynamique, ouverte aux investisseurs et aux

touristes mais qui joue également un rôle important comme puissance régionale

secondaire. Ceci s’est incarné dans le rôle joué par la Colombie dans la création

de l’Alliance du Pacifique en 2012 : cette dernière est devenue la communauté

économique plus attractive de la région et réunit le Mexique, le Pérou, le Chili et la

Colombie. La Colombie a également joué un rôle très important dans la

négociation des ODD (objectifs de développement durable) adoptés par tous les

pays membres des Nations Unies lors du sommet de Rio+20 en septembre 2015.

Ces objectifs définissent l’agenda de développement jusqu'à 2030 et succèdent

aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Un dernier thème de

l’agenda international sur lequel la Colombie a joué un rôle important est celui de

la lutte contre les drogues. Avec quelques pays d’Amérique centrale, la Colombie a

défendu aux Nations Unies en avril 2016 la nécessité de lutter contre ce fléau

d’une autre manière. Après plusieurs décennies de lutte directe et frontale dont les

35

résultats ont été négligeables, les trafiquants et producteurs se sont adaptés aux

nouvelles formes de lutte et le fléau demeure : la Colombie reste l’un des premiers

producteurs de cocaïne. La Colombie et ses partenaires mènent aujourd’hui les

réflexions au sein des Nations Unies afin de trouver des moyens innovants pour

lutter contre la production, la commercialisation et le trafic de drogues.

Malgré la diversification de l’agenda d’une politique étrangère colombienne qui

tâche de ne pas se focaliser uniquement sur le thème de la sécurité comme ce fut

le cas durant le mandat du président Uribe, le thème central qui attire l’attention de

la communauté internationale est le processus de paix avec les FARC engagé

depuis 2012 à Cuba. La dimension régionale du conflit colombien a rendu

indispensable la participation de la communauté internationale à la recherche

d’une solution à celui-ci. Les pays amis et garants du processus de paix comme la

Norvège, le Chili, Cuba et le Venezuela jouent un rôle essentiel dans les

négociations entre les FARC et le gouvernement colombien.

Après avoir analysé la politique étrangère de la dernière décennie, nous pouvons

affirmer que la politique interne détermine l’agenda international de la Colombie et

que les thèmes dominants de cet agenda sont la sécurité et la lutte contre les

drogues. Ainsi, bien que les deux présidents aient abordé la politique étrangère

d’une manière différente, leur diplomatie a des points communs : l’intérêt de

rapprocher la Colombie vers l’Asie de l’Est, l’adhésion de la Colombie à l’OCDE, la

volonté de jouer un rôle exemplaire dans les structures d’intégration régionales et

sous-régionales, ainsi que la promotion de la culture de la Colombie à l’étranger –

ce que nous verrons dans la deuxième partie.

36

Conclusionpartielledelapremièrepartie La diplomatie culturelle et la marque pays sont deux outils de diplomatie publique

qui aident à mobiliser les idées, qui permettent de donner de la valeur aux

ressources de soft power de chaque pays ce qui peut se traduire à long terme par

une amélioration ou une consolidation de l’image positive d’un pays. Le message

que chacun de ces outils va transmettre doit cependant être soutenu par une

stratégie de communication claire et structurée sur le long terme.

Les différentes études d’impact menées pour évaluer les effets des politiques de

diplomatie culturelle ou le développement d’une bonne stratégie de marque pays

arrivent à la même conclusion : il n’y a pas de moyen unique pour mesurer leur

impact. Ce constat a conduit à la création de différents index qui visent à évaluer le

pouvoir d’influence d’un pays : Soft power index, Futurebrand country brand index,

entre autres. En l’absence de variables fixes permettant de mesurer l’influence

d’un pays dans le monde, la perception de cette dernière est difficile à quantifier : il

existera donc autant d’index et de moyens de mesure que de perceptions. Ceci est

un vrai défi pour les acteurs en charge des activités de diplomatie culturelle ou des

stratégies de marque pays, dès lors qu’il n’est pas aisé de démontrer les résultats

obtenus par ces outils très coûteux.

Pour un pays comme la Colombie qui, au cours des dix dernières années, est

devenu une économie émergente, a amélioré sa situation sécuritaire et qui joue

désormais un rôle de puissance régionale secondaire, la marque pays ainsi que la

diplomatie culturelle constituent des facteurs qui valorisent ses bons résultats. Par

conséquent, il est nécessaire de regarder en détail la manière dont la Colombie a

utilisé ses politiques publiques pour améliorer son image à l’étranger au cours des

dix dernières années, ce qui sera exposé dans la deuxième partie de ce mémoire.

37

Partie2:Evolutiondeladiplomatieculturelleetdelamarquepayscolombienne(2006-2016)La Colombie est un pays qui est conforté dans son statut d’économie émergente,

qui entrevoit une fin de son conflit interne à court terme et qui se positionne

comme un pays influent au niveau régional. Il a cependant du mal à gérer son

image à l’étranger. Ce pays continue à être associé a des aspects négatifs : les

cartels de drogues, la guérilla ou encore l’insécurité. Même s’il existe des éléments

positifs avec lesquels la Colombie est associée, tels que le café ou le football,

spécialement lors de la coupe du monde 2014 qui s’est déroulée au Brésil, ces

deux éléments restent faibles face aux éléments négatifs auxquels les étrangers

associent la Colombie.

Lors d’une étude d’image intitulée « Image de la Colombie depuis la perspective

étrangère »55 publiée en 2015 et conduite sur un échantillon de plus de 1.500

étrangers originaires du continent américain, il a été observé que la Colombie

possédait une image multidimensionnelle. D’une part, 27% des étrangers

interviewés associaient ce pays aux drogues, au terrorisme, à l’insécurité et à la

corruption ; d’autre part, 20% d’entre eux associent le mot « Colombie » au café.

Cette étude témoigne de l’existence d’une grande différence de perception entre

les étrangers qui ont visité la Colombie et ceux qui n’ont pas encore voyagé et

55 Echeverri Cañas, L.M.; ter Horst, E.; Hernán Parra, J. (2015). "Imagen país de Colombia desde la perspectiva extranjera". Arbor, 191 (773): a244. doi: http://dx.doi.org/10.3989/arbor.2015.773n3014

38

découvert ce pays. Parmi les étrangers qui ont visité la Colombie, 20% associent

le pays à des gens accueillants, aimables et joyeux tandis que cette variable

représente seulement 5% pour les personnes qui n’ont jamais voyagé en

Colombie. Cela signifie que les étrangers acquièrent une très bonne perception de

la Colombie après leur visite. Il est cependant important de souligner que 36% des

étrangers qui n’ont jamais visité la Colombie associent ce pays aux drogues, au

terrorisme, à l’insécurité et à la corruption, mais que ce chiffre ne se réduit pas

fortement parmi les personnes qui ont été déjà en Colombie : 19% d’entre elles

continuent d’associer le pays à ces aspects négatifs (voir graphique n°4).

Graphique n°4 : Quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit quand vous entendez le mot « Colombie » ? Etude d’image

Source : Echeverri Cañas, L.M.; ter Horst, E.; Hernán Parra, J. (2015). "Imagen país de Colombia desde la perspectiva extranjera" Il y a par conséquent un potentiel et un capital à exploiter : lors des visites

d’étrangers en Colombie, les perceptions évoluent positivement en raison de

l’amabilité et de l’accueil des Colombiens. Mais le gouvernement colombien doit

être réaliste et compter avec le fait que, comme le montre cette étude, il existe

historiquement une image négative liée à la Colombie, qu’il est difficile de

39

combattre : là se trouve le défi que doivent relever les stratégies de communication

visant à la promotion du pays.

Cette étude de perception nous aide à comprendre le rôle que jouent la diplomatie

culturelle ainsi que la marque pays dans la redéfinition de l’image positive de la

Colombie puisque « l’image d’un pays est un ensemble de significations qui ont un

sens dans l’esprit des gens à partir de ce qu’ils écoutent, disent, et de ce qu’ils se

souviennent d’une destination particulière »56. Cette deuxième partie du mémoire

se concentrera sur l’évolution de la diplomatie culturelle et de la marque pays en

Colombie, ce qui nous permettra de déterminer les atouts, les défis et les aspects

à améliorer pour que ces deux outils puissent à long terme atteindre leur objectif :

améliorer l’image du pays.

2.1Ladiplomatieculturellecolombienneaucoursdesdixdernièresannées

« La politique étrangère de la Colombie s’appuie sur la culture comme

facteur fondamental pour atteindre ses objectifs stratégiques »57 : c’est ainsi que le

Vice-ministre des Relations internationales de Colombie, Camilo Reyes Rodríguez,

a ouvert la rencontre andine sur la diplomatie culturelle qui a eu lieu à Bogotá en

septembre 2007. Cette rencontre, soutenue par l’UNESCO, a vu les pays de la

région andine et le Mexique se réunir pour échanger à propos de la valeur et de

l’utilité de la diplomatie culturelle, perçue comme un outil nécessaire pour atteindre

dans un premier temps des objectifs de politique étrangère, mais qui a dans un

deuxième temps l’objectif ultime d’améliorer l’image positive d’un pays. L’image

positive a un impact dans plusieurs domaines, dont l’économie du pays et sa

capacité d’influence notamment. Il est possible d’affirmer que la Colombie a bien

compris l’utilité de la diplomatie culturelle, comme en témoignent les actions

56 Echeverri Cañas, L.M.; ter Horst, E.; Hernán Parra, J. (2015). Op.Cit. p.357 Ministerio de Relaciones Exteriores. (2008). Encuentro Andino de Diplomacia cultural. Retrieved from http://www.cancilleria.gov.co/sites/default/files/PDF%2B-%2BEncuentro%2BAndino%2Bde%2BDiplomacia%2BCultural.pdf p.13

40

menées en ce sens pendant le mandat du président Uribe ainsi que celui de Juan

Manuel Santos. Nous allons désormais aborder l’évolution de la diplomatie

culturelle colombienne dans les dix dernières années.

2.1.1Uneévolutioninstitutionnelleàsouligner

L’action culturelle de la Colombie à travers son Ministère des Affaires

étrangères (MAE) a établi sa base juridique sur l’arrêté numéro 401 de 1983, qui

crée le plan de promotion de la Colombie à l’étranger (PPCE) : la diplomatie

culturelle n’est ainsi pas un instrument nouveau en Colombie. C’est la direction des

affaires culturelles (DIAC) qui, sous la direction du vice-ministre des Affaires

multilatérales, planifie, gère et coordonne les actions culturelles que réalisent les

différentes représentations diplomatiques de la Colombie à l’étranger et les

différentes activités culturelles, éducatives et sportives conduites dans le cadre de

coopérations avec d’autres pays ou dans le cadre d’organismes multilatéraux.

Au cours des années récentes, l’organisation administrative de la DIAC a

évolué. Depuis 2011, cette direction est divisée en quatre coordinations : la

coordination des programmes et conventions en culture, éducation et sport ; la

coordination de l’UNESCO ; celle de l’action culturelle de la Colombie à l’étranger ;

et la coordination de la diplomatie sportive et culturelle à caractère social. Sous le

gouvernement précédent, la DIAC était divisée par zones géographiques. Il y avait

quatre conseillers : un pour les affaires culturelles avec l’Europe, un pour l’Asie,

l’Océanie, l’Amérique centrale et les Caraïbes, un pour l’Amérique du Nord et du

sud et un dernier pour les aspects multilatéraux et stratégiques 58 . Selon le

directeur de la DIAC, Luis Armando Soto Boutin, les processus administratifs

internes qui ont conduit à cette évolution organisationnelle traduisent un

58Ministerio de Relaciones Exteriores. (2008).Op.Cit. p.75-76

41

renforcement institutionnel de la direction, laquelle est organisée aujourd’hui de

manière thématique59.

D’autre part, le nombre de fonctionnaires qui travaillent dans cette direction est

aussi un facteur à prendre en compte et qui nous permet d’apprécier l’importance

que le MAE colombien donne à cet aspect de la politique étrangère. L’ex directrice

de la DIAC, María Clara Parias Durán60, a estimé que l’un des défis de la DIAC

pendant le mandat du président Uribe était le manque de personnel : à cette

époque, la DIAC était constituée d’une dizaine de fonctionnaires tandis que, depuis

l’arrivée du président Santos et la multiplication des thèmes que cette direction est

amenée à traiter, elle compte plus d’une trentaine d’agents. Le nouvel

organigramme de la DIAC ainsi que l’augmentation de ses effectifs démontrent

d’une part que la diplomatie culturelle colombienne s’adapte à ses objectifs qui

sont plus ambitieux et innovants, et d’autre part que le MAE comprend

l’importance de la gestion du soft power pour s’insérer dans le système

international.

2.1.2Lesobjectifsdeladiplomatieculturellecolombienne,sonbudgetetsesactivités Afin de comprendre en détail le fonctionnement de la diplomatie culturelle

colombienne et de déterminer l’existence ou non d’une continuité dans le long

terme, il est nécessaire d’examiner quels ont été les objectifs que celle-ci s’est

fixés pendant les trois derniers mandats présidentiels. Pendant le deuxième

mandat du président Uribe (2006-2010), l’objectif de la DIAC était d’aborder la

culture « comme un facteur transversal qui aura une importance majeure pour la

consolidation des relations stratégiques bilatérales, l’élan des processus

d’intégration, le rapprochement vers l’Asie-Pacifique et l’Océanie et

59 Interview Directeur des Affaires Culturelle au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisé le 22 mars 2016. 60 Ministerio de Relaciones Exteriores. (2008).Op.Cit.p.92

42

l’élargissement de l’agenda international vers des thèmes positifs avec de

nouveaux interlocuteurs »61.

Pour le premier mandat du président Santos (2010-2014), l’objectif était de

« générer et profiter du positionnement de la Colombie dans les dynamiques et

thématiques mondiales en participant dans les forums d’Amérique Latine et des

Caraïbes ainsi que d’Asie-Pacifique et établir un agenda international diversifié

orienté vers des thèmes qui engendrent le développement »62. Pour son deuxième

mandat (2014-2016) le gouvernement a fixé à la diplomatie culturelle l’objectif

suivant : « promouvoir la Colombie comme un pays moderne, innovateur, divers,

inclusif et engagé pour la recherche d’une coexistence pacifique en profitant des

scénarios pour le positionnement de la Colombie dans les thématiques et

dynamiques mondiales »63

Il est possible d’identifier une continuité de la diplomatie culturelle au cours de ces

trois mandats présidentiels. Plusieurs éléments de continuité se distinguent : la

Colombie recherche grâce à cet instrument des nouveaux partenaires, elle

cherche aussi à consolider les relations avec ses partenaires traditionnels et elle

veut diversifier les thématiques de son agenda international historiquement dominé

par le thème de la sécurité.

On peut affirmer que la diplomatie culturelle colombienne est un rare exemple

d’une politique d’Etat plutôt que de gouvernement en Colombie, puisque comme

cela a été évoqué, le pouvoir du président est significatif et que, tous les quatre

ans, le nouveau président instaure de nouvelles politiques et de nouvelles

61 Ministerio de Relaciones Exteriores. (2008). Op.Cit.p.78 62 Cancilleria, R. E. (2013, January). Proyecto de inversión promoción de Colombia en el Exterior- Resumen ejecutivo. Retrieved from https://www.cancilleria.gov.co/sites/default/files/informe-ejecutivo-2012-promocion-col-exterior.pdf63 Ministerio de relaciones exteriores. (2016). Resumen ejecutivo Plan de Promoción de Colombia en el Exterior. Retrieved from https://www.cancilleria.gov.co/sites/default/files/planeacion_estrategica/promocin_de_colombia_en_el_exterior.pdf p.3

43

manières d’agir pour se différencier de son prédécesseur. Cela se fait parfois au

détriment de l’obtention de bons résultats, surtout dans des domaines où les

résultats ont besoin de temps pour se matérialiser. La diplomatie culturelle

colombienne se caractérise par une continuité dans les dix dernières années, alors

même qu’elle a évolué pour s’adapter au style du gouvernement : la forme a

changé mais non le fond, puisque l’objectif reste le même. Cet instrument de la

politique étrangère s’adapte au contexte et propose des activités dans de

domaines nouveaux tels que la diplomatie sportive, les activités gastronomiques

ou encore la promotion de l’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère

en Colombie.

En termes de budget la DIAC été accoutumée à avoir un budget annuel compris

entre 3 et 4 millions de pesos, soit environ 2 millions de dollars. Cependant, depuis

le deuxième mandat du président Uribe, son budget a peu à peu augmenté : entre

2007 et 2015, la moyenne du budget annuel a été de 7,6 millions de pesos,

presque le double de la moyenne observée jusqu’alors. L’évolution du budget

consacré aux activités culturelles du MAE peut être observée dans le graphique

n°5. La courbe nous montre que le montant annuel a été plus ou moins constant

entre 2009 et 2012 ; mais l’existence de fortes fluctuations de ce budget fragilise la

continuité des activités culturelles à l’étranger. Ainsi, entre 2007 et 2009, y a-t-il eu

une diminution du budget annuel de 44% ; entre 2012 et 2013, en revanche, il y a

eu une augmentation de 223%, tandis qu’2013 et 2015 a été enregistrée une

nouvelle baisse, de 43%. Ces fortes variations du budget annuel de la DIAC se

font au détriment de la constance des missions de Colombie à l’étranger et mettent

en péril l’atteinte des objectifs fixés pour cette diplomatie culturelle à long terme.

Les variations du budget déterminent aussi la quantité d’activités culturelles

réalisées et le nombre de pays où elles ont lieu. Ce constat est manifeste si l’on

compare la courbe du graphique n°5 (budget annuel entre 2007 et 2015) celle du

graphique n°6 (quantité d’activités culturelles réalisées par la DIAC à travers les

missions diplomatiques de la Colombie à l’étranger dans cette même période), et

44

celle du graphique n°7 (nombre de pays où la Colombie a été présente à travers

ses actions culturelles). Ces courbes peuvent pratiquement se superposer : les

variations du budget semblent impacter directement les deux autres variables. Il

est ainsi possible d’affirmer que les variations fortes du budget affectent la

présence de la Colombie à travers les activités culturelles : plus le budget est

élevé, plus la présence de la Colombie est importante ; s’il diminue, la présence de

la culture colombienne et son positionnement à l’étranger sont remis en question.

On observe ainsi qu’entre 2007 et 2009, la diminution du budget s’est traduite par

une diminution de 45% du nombre d’activités culturelles réalisées. A l’inverse,

entre 2012 et 2013, lorsqu’a été enregistrée l’augmentation la plus forte du budget,

la quantité d’activités a augmenté de 169%. Enfin, entre 2013 et 2015, le nombre

d’activités s’est réduit de 37%, passant de 317 activités à 199.

Graphique No.5

Source : Chiffres Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport DIAC 2015.

9.824

5.508 5.499 4.8575.879

13.143

9.0197.600

2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

BudgetdelaDirectiondesAffairesCulturelles,2007-2015(millionsdepesos)

Budgetenmilliondepesos

45

Graphique n°6

Source : Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport DIAC 2015.

Graphique n°7

Source : Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport 2015.

417

317

230 231

149185

314

214 199

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Quantitéd'activitésculturellesentre2007et2015Numérod'activitésculturelles

27

4352

46 4654

59

70

5458

0

10

20

30

40

50

60

70

80

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Nombredepaysoùsesontdérouléeslesactivitésculturellescolombiennesentre

2006et2015

Quantitédepays

46

Il est également nécessaire de souligner que le nombre de pays où se déroulent

les activités culturelles est lié au nombre de missions diplomatiques de la

Colombie à l´étranger. La Colombie possède aujourd’hui 59 ambassades à

l’étranger ; durant la précédente mandature, ce nombre n’était que de 52, ce qui

explique une présence de la Colombie plus réduite. La plus forte présence de la

Colombie pendant le gouvernement Uribe a été atteinte en 2008, avec des

activités culturelles dans 52 pays, tandis qu’avec le président actuel, qui a ouvert

sept nouvelles ambassades, cette présence a augmenté. Un pic a été atteint en

2013, année durant laquelle la Colombie a été présente dans 70 pays. Ce chiffre

signifie qu’il y a encore un grand nombre de pays dans lesquels la Colombie n’a

pas mené d’activités culturelles et avec lesquels les relations pourraient être

renforcées. Si cette présence est en lien direct avec les objectifs stratégiques du

MAE, la Colombie pourrait établir davantage de ponts et de canaux de dialogue.

Dans cette perspective, les ambassades doivent aller au delà de la réalisation

d’activités dans les seules capitales où est située l’ambassade et être plus actives

auprès des pays avec lesquels elles partagent des compétences complémentaires.

2.1.3Denouvellesactivitésdynamisentladiplomatieculturellecolombienne

L’action culturelle dans le monde se compose d’activités musicales, d’arts

visuels, cinématographiques et d’arts scéniques, qui sont autant de domaines dans

lesquels la Colombie est active. Cependant, le gouvernement Santos a introduit

des initiatives nouvelles qui, comme l’affirme le directeur de la DIAC, « ouvrent des

espaces pour aller au-delà des circuits classiques de la diplomatie culturelle »64. La

diplomatie culturelle colombienne propose ainsi des activités innovantes, telles que

la promotion de l’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère et le

déploiement d’une stratégie de diplomatie sportive et musicale.

L’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère vise, d’une part, à

promouvoir la Colombie comme lieu d’apprentissage de cette langue à travers le

64Interview du directeur des Affaires culturelles au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisée le 22 mars 2016.

47

cours d’espagnol pour guides touristiques des pays membres du Forum de

coopération Amérique Latine-Asie de l’Est (FEALAC) et, d’autre part, à promouvoir

la culture colombienne en offrant des cours d’espagnol aux diplomates des pays

avec lesquels la Colombie souhaite renforcer ses relations : Guyane, Ghana,

Jamaïque, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Surinam et Barbados.

Le cours d’espagnol pour guides touristiques a eu un double impact : d’une part

pour les universités colombiennes qui, dans différentes villes (Bogotá, Manizales,

Medellín et Bucaramanga), ont reçu près de 170 citoyens provenant de pays

relativement méconnus des Colombiens : le Myanmar, le Vietnam, le Laos,

l’Indonésie, la Malaisie, la Chine, le Cambodge, Singapour ou la Thaïlande.

D’autre part, il a permis de faire de la Colombie une destination pour

l’apprentissage de l’espagnol par les ressortissants d’une région lointaine avec

laquelle le MAE veut créer et renforcer des liens de coopération. En 2013,

l’Agence Présidentielle de Coopération Internationale (APC-Colombia) a qualifié

cette initiative de meilleur programme de coopération sud-sud de la Colombie. Le

programme, qui a eu un grand impact, a déjà été renouvelé trois fois depuis 2013

et pourrait être pérennisé (cf. annexe 1).

Par ailleurs, la DIAC a mis en place depuis 2011 un programme d’échanges

sportifs qui a été suivi par un programme d’échanges musicaux, lesquels visent à

attirer les enfants et adolescents proches du conflit colombien (18 municipalités ont

été identifiées comme prioritaires) et à les éloigner du recrutement forcé par des

groupes organisés illégaux tout en renforçant leur inclusion sociale. Il s’agit d’un

programme très particulier, qui apparaît comme un instrument de diplomatie

reflétant les caractéristiques et difficultés liées au contexte interne de la Colombie

mais en y ajoutant un aspect international. Comme son directeur l’affirme, « ce

programme veut montrer comment la Colombie prend soin de ses jeunes et met en

valeur les expressions culturelles et sportives locales des jeunes »65. Il s’agit donc

65 Interview avec le directeur des Affaires culturelles au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisée le 22 mars 2016.

48

bien d’une nouvelle manière de promouvoir la Colombie, qui incarne l’engagement

de la Colombie pour prévenir l’accès des jeunes aux groupes illégaux.

Entre novembre 2011 et décembre 2015, plus de 1067 enfants et adolescents ont

participé à ces échanges sportifs et musicaux. Dans près de 16 disciplines

sportives et 10 genres musicaux, les jeunes ont voyagé dans plus de 40 pays

différents, où ils ont effectué des entraînements sportifs avec des entraîneurs et

des jeunes de leur âge et rencontré des personnalités du sport qu’ils pratiquent.

C’est le cas des jeunes qui ont fait un échange en athlétisme en Jamaïque et ont

rencontré Usain Bolt, ou encore des jeunes qui ont fait un échange en football à

Dubaï et ont rencontré Diego Maradona en 2014 (cf. annexe 2). Une récente étude

d’impact sur l’un des projets de diplomatie sportive a montré que, lors de l’échange

à l’étranger, les enfants apprennent que le sport est une source d’opportunité et

veulent ensuite réellement construire un meilleur projet de vie. Ils ont une meilleure

conscience de la vie en communauté et veulent poursuivre une formation

académique qui leur assure un meilleur avenir66.

Il s’agit donc d’un programme qui ouvre l’esprit des jeunes et qui s’inscrit dans le

cadre d’une approche innovante, puisque la diplomatie s’articule ici avec une

action d’inclusion sociale. Elle a également un double impact : d’un côté, un impact

positif sur la communauté locale qui participe aux échanges ; d’un autre côté, une

promotion positive du pays à l’étranger. C’est un modèle qui attire l’attention et le

directeur du programme a indiqué qu’un pays comme le Paraguay avait déjà

manifesté son souhait de le reproduire.

2.2Lamarquepayscolombienneetsonévolution La marque pays (ou nation branding) est un élément qui démontre le niveau de

compétitivité d’un pays dans les marchés internationaux. Pour autant, cet outil de

66 Direction des Affaires culturelles – MAE-Colombie (2016), ‘Rapport étude d’impact échange Samaniego-Suisse’ p.4

49

marketing a émergé relativement récemment en Amérique Latine. Dans le cas

colombien, la première stratégie de marque pays naît quand la Première dame de

la nation, Lina Moreno de Uribe, participe à un évènement de textile et mode à

Milan dans le cadre programme appelé « identité Colombie » en 2004. C’est à ce

moment que la Première dame, et le directeur de Proexport67, Luis Guillermo

Plata, se rendent compte du besoin de créer une stratégie de marketing pour

améliorer l’image de la Colombie à l’étranger, stratégie devant englober tous les

secteurs commerciaux et non un seul en particulier.

David Lightle68, expert américain en stratégies de marque pays, a été invité en

Colombie pour faire une proposition sur le sujet et son premier constat a été que

l’image que projetait la Colombie à l’étranger était duale : d’un coté le pays

conservait une image négative en raison du trafic de drogues et de la violence,

mais de l’autre le pays était vu positivement à l’étranger grâce au café69. En faite

Juan Valdez Café (cf. figure 1), est une marque qui a acquis de longue date un

rayonnement international très important ; cependant, la fédération nationale des

caféiculteurs n’a pas cherché à conclure des alliances avec d’autres marques et,

de toute façon, la marque Juan Valdez ne représente pas tous les secteurs de

l’économie colombienne.

C’est ainsi que la marque pays naît en Colombie, à travers la stratégie Colombia

es Pasión (« La Colombie est passion ») lancée en août 2005. Il s’agit là du

premier essai du pays pour commencer à changer sa réputation et son image à

l’étranger. Au cours de la dernière décennie, la Colombie a créé deux stratégies de

marque pays : après ‘Colombia es pasión’ a été lancé, en 2013, ‘La Respuesta es

67 Proexport est une entité publique qui a pour but de promouvoir les exportations non traditionnelles, le tourisme international et l’investissement étrangers en Colombie. Depuis 2014, cette entité s’appelle Procolombia. 68 David Lightle, expert américain dans le domaine de la marque pays a développé les stratégies de marketing de la Nouvelle Zélande, Taiwan, Australie et la Thaïlande.69 López, L.E., Jerónimo, M., Cardona, J.P., María, A. and Hernández, C. (2014) Evolución de la marca país en Colombia: análisis de la respuesta es Colombia. Available at: http://intellectum.unisabana.edu.co/bitstream/handle/10818/10401/Laura%20Estefan%C3%ADa%20L%C3%B3pez%20Miranda%28TESIS%29.pdf?sequence=1&isAllowed=y (Accès: 4 Août 2016).p.18

50

Colombia’ (« La réponse, c’est la Colombie »). Pour mieux comprendre l’impact de

la marque pays sur la perception de la Colombie à l’étranger il est nécessaire de

connaître en détail les caractéristiques de chacune de ces deux stratégies que l’on

étudiera plus avant.

Figure 3 : Logo du café colombien

2.2.1«Colombiaespasión»:unpremieressaidemarquepays

Quand l’expert en marque pays David Lightle est venu en Colombie pour proposer

au gouvernement une stratégie de marketing et ainsi gérer l’image et le prestige du

pays, il a visité 14 villes et 131 communes. Son objectif était de connaître à fond la

culture colombienne, et il a compris à cette occasion que le problème résidait dans

le fait que les colombiens n’avaient jamais pris de mesures pour améliorer et

défendre leur image70

A travers les entretiens qu’il a menés avec plus de 450 Colombiens, qui ont

répondu à la question « Vous, les Colombiens, vous êtes qui ? », le consultant

américain a pu identifier un dénominateur commun, la « passion ». Ce terme

résume le mieux la manière dont les Colombiens se décrivent. La campagne

publicitaire se voulait ainsi le reflet de l’essence de la communauté colombienne71.

Surtout parce qu’une marque pays doit créer des émotions et les personnes 70 Lucía, M., Rosker, R.E. and Echeverri, L.M. (2008) El país como una marca Estudio de caso: Colombia es Pasión. Available at: http://www.cesa.edu.co/Pdf/El-Cesa/10L.Echeverri-Colombia-es-Pasion.pdf (Accès: 2 Août 2016). p.25 71Lucía, M., Rosker, R.E. and Echeverri, L.M. (2008) Op. Cit. p.25

51

doivent s’identifier avec elles pour créer un message avec plus de capacité de

diffusion.

Le 25 août 2005 a marqué le lancement officiel de cette stratégie de marque pays,

qui a retenu la passion comme élément différenciant vis-à-vis des stratégies de

marque des autres pays. ‘Colombia es pasión’ a pour objectif général de

« renforcer l’image du pays à l’étranger pour augmenter ses performances en

terme de tourisme, d’opportunités de business et d’investissement étranger dans

les produits, marques et entreprises colombiennes »72. Pour atteindre cet objectif,

deux étapes ont été définis comme prioritaires, d’un côté au niveau national il a été

créée une campagne publicitaire appelé « Muestra tu pasión » (« Montre ta

passion »), pour que les Colombiens ressentent un sentiment d’appartenance et

par conséquent deviennent des acteurs multiplicateurs du message. La seconde

étape était orientée vers le public international, afin d’attirer le tourisme et

l’investissement étrangers.

Pour rendre cette stratégie de marketing possible, des ressources ont été

mobilisées dont 30% proviennent des partenariats public/privé ou des ressources

du gouvernement gérées à travers Proexport, et 70% proviennent des ventes de

licences aux entreprises colombiennes pour l’utilisation de la marque.

Le logo est une dimension essentielle de la marque pays, c’est peut-être l’unique

manière de rendre tangible la stratégie de marketing d’un pays. Dans le cas de

cette première expérience colombienne de marque pays le design du logo, voir

figure 2, « réunit cinq éléments qui résument la perception des colombiens sur la

signification du mot passion, ces cinq éléments sont : le cœur, le feu, la silhouette

féminine, la couleur rouge et une fleur »73.

72 Salazar, C., Daniela, S. and Segrera, S. (2009) Análisis crítico de la marca Colombia es pasión, su estrategia, componente y efectividad.Una mirada desde la Responsabilidad social Empresarial. Available at: http://www.javeriana.edu.co/biblos/tesis/comunicacion/tesis179.pdf (Accès: 4 Août 2016). 73Lucía, M., Rosker, R.E. and Echeverri, L.M. (2008) Op. Cit. p.26

52

Figure 4 : Logo de la stratégie ‘La Colombie est passion’

Ce logo en forme de cœur a fait partie de beaucoup de campagnes publicitaires

relatives à des événements locaux comme internationaux, et est devenu très

familier à de nombreux Colombiens. Cependant, ce logo à du faire face à des

fortes critiques, la société colombienne pointant du doigt un lien insuffisant entre le

logo et la Colombie74.

La marque pays « Colombia es Pasión » a atteint deux succès qui doivent être

valorisés. D’un côté, cette marque a obtenu une reconnaissance internationale par

l’Organisation internationale du Tourisme (OIT) en 2009, grâce a la campagne

touristique dont le slogan était « La Colombie, le seul risque est de vouloir y

rester ». Cette campagne a permis « le retour de la Colombie sur la carte du

tourisme mondiale »75. D’un autre côté, Simon Anholt, créateur du concept de

« marque pays » a souligné en 2010, que la solidité de la marque pays

colombienne trouve son origine dans la campagne « Muestra tu pasión » à

l’occasion de laquelle le travail d’éducation et d’appropriation de la marque de la

part de la population colombienne a été efficace76.

74López, L.E., Jerónimo, M., Cardona, J.P., María, A. and Hernández, C. (2014) Op.Cit. p. 1975 Guilland, M.-L. (2012) ‘ la Colombie, le risque est de vouloir y rester ’ -Vers une Colombie touristique: Usages et détournements de l’imaginaire du risque. Available at: http://viatourismreview.com/wp-content/uploads/2015/06/Article4.pdf (Accès: 7 Août 2016). p.4 76El Espectador (2010) ‘El gurú de la marca país’, (July), .

53

Cependant, le premier essai de marque pays en Colombie a été confronté à deux

types de critiques, une de forme et l’autre de fond. Du côté de la forme, «la

conception du logo de la Colombie est Passion a été critiqué, les courbes

féminines du cœur pouvant être associés au tourisme sexuel ; de plus, il n'y avait

pas de lien entre la forme du logo et celle de la Colombie ; enfin, le rouge est une

couleur associée au sang, et son emploi pour changer l'image d'un pays associé à

la violence a été critiqué 77 . S’agissant du fond de la stratégie de marque pays,

celle-ci « a été accusée d’être une initiative du gouvernement du président Uribe et

de ne pas être une stratégie d’Etat, pouvant ainsi se confondre avec une

campagne publicitaire »78.

Malgré les critiques, le premier essai colombien de marque pays a créé une

conscience du besoin d’avoir une stratégie de communication publique qui puisse

renouveler l’image de la Colombie à l’étranger et qui permette à tous les secteurs

de l’économie de s’en bénéficier. Néanmoins, avec l’arrivée du nouveau président

Juan Manuel Santos et la nouvelle stratégie de marque pays que son

gouvernement a proposé, un certain sentiment de confusion s’est installé. Fin

2012, après huit ans d’existence de ‘Colombia es pasión’ a été lancée la

campagne ‘La respuesta es Colombia’ : une nouvelle stratégie de marketing et un

nouveau logo sont ainsi apparus.

2.2.2«LaRespuestaesColombia»unemarquepaysd’avant-garde?

Dans ce cas, ce n’est plus l’entité Proexport qui gère la marque, mais le nouveau

bureau « Marque pays » qui dépend directement de la présidence de la

République et du ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme. En

septembre 2012, la nouvelle marque pays de Colombie est lancée, l’objectif cette

77 Vargas, C.C.V. (2012) Colombia y su marca país: Un secreto de Estado. Available at: http://www.revistapym.com.co/destacados/colombia-su-marca-pais-secreto-estado (Accès: 15 Août 2016).78Vargas, C.C.V. (2012)

54

fois ci étant d’utiliser une identité visuelle fondée sur les lettres « CO », qui depuis

1974 identifient la Colombie dans le cadre du code ISO.

Le directeur commercial et de marketing de la marque pays, Jose Pablo Arango, a

ainsi affirmé que « l’effort du gouvernement avait pour objectif de consolider et

profiter du bon moment qui traverse la Colombie, en développant une stratégie de

communication qui démontre tous les faits qui confirment pourquoi ‘La Réponse

est la Colombie’79. Le directeur a insisté sur le fait que la perception des étrangers

sur la Colombie était plutôt liée au contexte de la Colombie il y a dix ans. Le public

international perçoit la Colombie comme un pays violent et corrompu, en

méconnaissant les changements et progrès survenus dans le pays : il existe ainsi

une différence nette entre perception et réalité du pays.

Le slogan ‘La réponse est la Colombie’, selon le bureau « Marque pays », veut

montrer que la Colombie est un pays où il est possible de trouver des solutions.

Par exemple, la Colombie peut être « la réponse aux entrepreneurs qui cherchent

des produits de qualité ; les touristes peuvent aussi trouver des réponses à ses

besoins de business ou d’activités culturelles, entre autres » 80 Selon Andrés

Quintero, membre de Rep Grey, une des plus importantes agences de marketing,

« le monde est en recherche : les industriels cherchent de nouveaux partenaires,

les investisseurs sont à la recherche de nouveaux marchés, les touristes cherchent

d'autres paysages et d'autres expériences et les réponses se trouvent dans un

pays tel que la Colombie »81 .

Le logo de cette stratégie de marque pays a été influencé par l’image de Google,

(cf. figure 3) : les couleurs accentuent les messages que contient le logo, le bleu

représente les rivières et les deux océans qui baignent le territoire colombien, le

vert représente ses montagnes et ses vallées, le jaune ses ressources minérales 79López, L.E., Jerónimo, M., Cardona, J.P., María, A. and Hernández, C. (2014) Op.Cit. p. 23 80 El País (2012) Gran polémica y confusión genera la nueva marca país. Available at: http://www.elpais.com.co/elpais/colombia/noticias/gran-polemica-y-confusion-genera-nueva-marca-pais (Accès: 15 Août 2016). 81 García, M. (no date) ‘¿Qué país cambia de marca?... La respuesta es Colombia’, Brandemanía .

55

et son soleil, le violet la diversité de sa flore, le rouge par contre représente la

chaleur et passion de son peuple82. Ce logo veut surtout montrer que Colombie se

différencie des autres pays par sa vaste biodiversité, sa diversité de régions, de

climats et de cultures, et les cinq formes géométriques du logo représentent les

cinq régions de la Colombie. Avec le code CO au centre du logo, l’idée est de

montrer une Colombie passée à la modernité, dans laquelle l’ère du numérique est

arrivée. C’est également une manière facile pour le public de se rappeler des

spécificités de la Colombie et de la différencier des autres marques pays83.

Figure 5 : Logo de la stratégie ‘La respuesta es Colombia’

La version visuelle de la ‘La réponse est la Colombie’ se distingue par un style de

géométrie créative, qui est flexible et peut être transformé. Le logo a la capacité de

s’adapter au message qui veut être communiqué, comme on peut l’observer dans

la figure 4 : il y a un logo pour parler des exportations, de la biodiversité, de la

culture, de l’investissement, de la diversité des fleurs, et même pour montrer que la

Colombie est le deuxième pays au monde avec la plus grande quantité

d’amphibiens. Il est ainsi manifeste que cette nouvelle marque pays se veut plus

moderne et dynamique.

82El País (2012) Op. Cit.83wickcreativo (2012) Nuevo logo, nueva imagen, marca país Colombia. Available at: https://www.youtube.com/watch?v=PvVGDHmMbYg&feature=youtu.be (Accès: 15 Août 2016).

56

Figure 6 : Différents logos de « La Réponse est la Colombie »

La consolidation de la marque est toujours en cours, comme a été expliqué

auparavant une marque pays doit se penser au long terme, par conséquent après

avoir été lancé officiellement il y a 4 ans ‘La réponse est Colombie’ reste dans une

phase initiale de positionnement. Grâce au boom de l’utilisation des réseaux

sociaux, cette stratégie de marque pays a eu un impact numérique fort : son site

internet reçoit plus de 500 000 visites mensuelles84.

84 Medina, M.A. (2014) ‘La respuesta es Colombia’ tomará más tiempo en consolidarse’, El Espectador (September).

57

Cependant les critiques n’ont pas tardé à émerger. La première tient au fait que,

pour un étranger, la première chose qui vient à l’esprit en entendant ‘La réponse

est la Colombie’ est : la réponse à quoi ? Le slogan a ainsi besoin d’un

complément pour que le public étranger comprenne que l’objectif est de montrer

que la Colombie est devenu un pays qui offre des réponses et des solutions85. La

deuxième critique importante a trait à la similitude du logo avec celui de la marque

pays du Brésil (cf. figure 5).

Figure 7. Comparaison des logos de marque pays du Brésil et de la Colombie

ConclusionpartielledeladeuxièmepartieDurant la dernière décennie, la Colombie a pris conscience qu’il était nécessaire

de promouvoir une image positive du pays à l’étranger: il lui fallait dire au monde

que la Colombie ne correspondait plus à l'image que la plupart des gens avaient

encore en tête. C’est un pays qui reste confronté à de nombreux défis, tels

que celui des inégalités sociales. Cependant, on peut affirmer que l’intérêt que les

gouvernements des présidents Uribe et Santos ont porté au renouvellement de

l’image du pays est majeur, comme en témoignent l’évolution de la diplomatie

culturelle colombienne et celle de la marque pays (avec deux stratégies de

85 El País, R. and A, E.P.S. (2012) Gran polémica y confusión genera la nueva marca País. Available at: http://www.elpais.com.co/elpais/colombia/noticias/gran-polemica-y-confusion-genera-nueva-marca-pais (Accès: 5 Avril 2016).

58

marketing déjà mises en oeuvre).

L’Etat colombien a compris que la diplomatie culturelle était un outil qui, au delà de

permettre d’atteindre des objectifs en politique étrangère, pouvait également

influencer la perception du pays par un public étranger. Aujourd’hui, la direction

des Affaires culturelles du MAE est une direction qui connaît un renforcement

institutionnel notable, qui met en oeuvre des initiatives innovantes. Parmi celles-ci,

nous pouvons citer la promotion de l’apprentissage de l’espagnol en Colombie ou

encore l’initiative de diplomatie sportive et musicale, dans le cadre de laquelle plus

de 1 200 jeunes sont partis à l’étranger. Ces jeunes ont ainsi pu prendre

conscience du potentiel du sport et de la musique pour construire un avenir

meilleur que le passé de leurs parents qui ont souffert de la violence générée par

la guérilla, les paramilitaires ou les trafiquants de drogues. Si cette diplomatie

culturelle se caractérise par son innovation et son dynamisme, elle dépend des

crédits budgétaires qui lui sont affectés: comme nous l’avons observé, ce budget

est fluctuant et représente une fragilité sur le long terme s'agissant des objectifs

que le MAE s'est fixés.

S'agissant de la marque pays, il est important de souligner les efforts que la

Colombie a fait pour créer une marque qui représente le pays. Avec ‘Colombia es

pasión’ et ‘La Respuesta es Colombia’, une évolution profonde de la manière dont

Colombie veut être perçue à l’étranger a été engagée. Cependant, ces deux

stratégies de marketing ont chacune été associées à une présidence: pour l'une,

celle d'Uribe, et pour l'autre, celle de Santos. Or une stratégie de marque pays doit

se penser dans la perspective d'une continuité sur le long terme: en Colombie,

ces stratégies sont des stratégies politiques (de gouvernement) et pas

institutionnelles (d’Etat). Leur efficacité peut dès lors être mise en question: si

chaque nouveau gouvernement entend changer la stratégie mise en oeuvre,

l'atteinte des objectifs fixés sera difficile et la population colombienne risque de ne

voir dans ces stratégies que de banales campagnes publicitaires

gouvernementales.

59

60

Partie3.L’imagedelaColombie:uneimageenpleinrenouvellement? « Malgré de nombreux défis, le pays sud-américain redécouvre son potentiel, bien

loin des clichés »86 : c’est la phrase par laquelle le journal français La Croix a

ouvert un dossier consacré à la Colombie et intitulé ‘Le nouveau visage de la

Colombie’. Les médias internationaux commencent ainsi aujourd’hui à parler de la

renaissance de ce pays qui est devenu moins violent, connaît une réussite

économique durable et commence à revenir au premier plan de la scène

internationale.

Mais ce constat est-il réellement lié aux efforts entrepris par les gouvernements

colombiens à travers la diplomatie culturelle et la marque pays ? Il n’est pas facile

de répondre à cette question, mais c’est bien l’objectif de ce mémoire. Pour cela,

nous allons tâcher d’examiner des variables quantitatives et qualitatives afin de

déterminer si l’image de la Colombie à l’étranger a évolué positivement et si,

aujourd’hui, se manifeste un renouvellement de celle-ci.

Evaluer l’impact des stratégies de diplomatie culturelle et de marque pays mises

en œuvre par la Colombie est audacieux et ambitieux, mais l’objectif ici est de

86 “La Colombie, En Route Vers la Paix,” Monde Ameriques, July 18, 2016, (accès Août 28, 2016, http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/La-Colombie-en-route-vers-la-paix-2016-07-18-1200776549.

61

choisir des variables qui permettent le mieux d’estimer si l’objectif de chacune de

ces politiques publiques a été atteint.

Il existe bien sûr des moyens de mesurer l’impact de la marque pays qui sont déjà

très sophistiqués, comme c’est le cas des méthodes mises en œuvre par la société

de conseil Future Brand qui produit le Country Brand Index. Selon ce classement

des marques pays du monde, la marque de la Colombie est passé du 85e rang en

2012 au 63e rang en 2014. Il y a donc manifestement une évolution positive de la

marque pays colombienne et nous allons à présent étudier les variables

quantitatives et qualitatives qui permettront de confirmer ou non la réalité de ce

renouvellement de l’image de la Colombie à l’étranger.

3.1Variablesquantitatives

« Pour mesurer le positionnement d’une marque pays, il est important d’inclure le

nombre de touristes qui visitent le pays, le niveau d’investissements étrangers,

l’opinion des leaders ; ce sont des variables qui déterminent quel est le niveau de

positionnement de la marque dans l’esprit du public étranger »87 . Ce sont ce type

de variables que nous étudierons. Celles que nous avons choisies sont les

suivantes : évolution du tourisme, nombre d’étudiants étrangers en Colombie,

évolution des investissements étrangers, ainsi que le classement du passeport

(c’est à dire le nombre de pays dans lesquels les Colombiens sont exemptés de

visa pour un voyage de courte durée).

3.1.1LetourismeenColombie:derecordenrecordAugmenter le tourisme est un des objectifs principaux de la marque pays : il s’agit

d’un indicateur fort de la perception d’un pays par les étrangers. La corrélation est

la suivante: plus il y a une bonne perception d’un pays par un public étranger, plus 87 Lucía, M., Rosker, R.E. and Echeverri, L.M. (2008) El país como una marca Estudio de caso: Colombia es Pasión. Available at: http://www.cesa.edu.co/Pdf/El-Cesa/10L.Echeverri-Colombia-es-Pasion.pdf (Accès 2 Août 2016). p.8

62

ce public étranger sera tenté de visiter ce pays. C’est la raison pour laquelle il est

nécessaire d’observer l’évolution du tourisme en Colombie dans les dernières

années : on observe une évolution positive et soutenue chaque année (cf.

graphique 8). Depuis 2010, on constate chaque année une augmentation

substantielle du nombre de visiteurs étrangers qui viennent en Colombie pour une

courte durée ; entre 2010 et 2014, le nombre de touristes en Colombie a augmenté

de 40%. Sans doute l’amélioration de la sécurité dans les grandes villes

colombiennes et l’engagement du gouvernement pour attirer plus de touristes

expliquent-ils que le tourisme colombien enregistre une croissance au dessus de la

moyenne mondiale selon l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT). Le potentiel

du tourisme colombien est évident, surtout à travers l’exemple d’une ville comme

Medellín, symbole des cartels de drogues, de Pablo Escobar et qui a été désignée

dans les années 1990 comme une des villes les plus violentes au monde, mais qui

est aujourd’hui devenue une ville moderne qui attire l’attention des touristes

(obtention en 2016 du prix World Travel Award comme meilleure destination en

Amérique du Sud, après des villes aussi importantes que Rio de Janeiro, Buenos

Aires, Montevideo ou Santiago du Chili). Graphique No.8 Arrivée de touristes en Colombie entre 2010 et 2014

Source : Migración Colombia

63

Cette forte croissance du tourisme permet d’affirmer que la Colombie projette une

meilleure image aux yeux du monde, et que son prestige augmente grâce à la

bonne expérience vécue par les touristes.

3.1.2DesétudiantsétrangersdeplusenplusnombreuxenColombie

Il est important aussi d’étudier le rythme d’arrivée d’étudiants étrangers en

Colombie : « la capacité d’un pays d’attirer les étudiants étrangers et la promotion

des échanges, sont un instrument très puissant de diplomatie publique (…) il a été

démontré que les échanges d’étudiants internationaux ont un impact positif indirect

quand ils retournent dans leurs pays d’origine et parlent du pays où ils ont été

accueilli »88.

Dans ce sens, et après avoir recueilli au ministère des Affaires étrangères les

données relatives au montant de visas accordés à des étudiants internationaux

entre 2005 et 2014, il est possible de déclarer que la Colombie attire de plus en

plus d’étudiants étrangers (cf. graphique 9). Entre 2005 et 2011 a ainsi été

enregistrée une augmentation de 113% d’étudiants provenant de l’étranger ; cette

augmentation a été de 69% entre 2011 et 2014. Cet indicateur démontre

clairement que la Colombie attire de plus en plus l’attention et que le pays est de

mieux en mieux perçu.

88 McClory, J. (2015) A global ranking of soft power. Available at: http://softpower30.portland-communications.com/pdfs/the_soft_power_30.pdf (Accès: 2 Avril 2016).p. 28

64

Graphique No.9

Source : Migración Colombia89

3.1.3LesinvestissementsétrangersenColombie:unfacteurdusuccèsactueldel’économiecolombienne

Les investissements directs étrangers (IDE) sont un indicateur qui montre non

seulement la bonne phase que traverse une économie en termes

macroéconomiques ou de transfert de technologie, mais également a manière dont

le pays récepteur réussit dans la concurrence internationale visant à pour attirer ce

type d’investissements. En la matière, la marque pays joue un rôle important pour

différencier le pays de ses concurrents.

Dans le cas de la Colombie, le graphique No. 10 nous montre que les IDE ont été

multipliés par 5 au cours de la dernière décennie. En 2004, la Colombie recevait

3.116 millions de dollars ; en 2014, le pays a reçu 16.054 millions de dollars. Cette

augmentation exponentielle est tout à la fois le résultat du boom minero-

énergétique, de l’amélioration de la sécurité et de la stabilité macroéconomique,

selon Mauricio Reina, chercheur colombien de l’Institut Fedesarrollo. Cependant le

89 Migración Colombia est l’autorité migratoire qui fait partie du MAE colombien.

020004000600080001000012000

2005 2011 2013 2014

QuantitédevisasétudiantsétrangersenColombieentre2005et

2014

No.Devisasétudiantsétrangers

65

rôle que jouent la marque pays et la diplomatie culturelle pour renvoyer l’image

d’une Colombie positive et attractive est complémentaire et nécessaire.

Certaines fluctuations ont certes été observées au cours des dix dernières années,

notamment en 2010 lorsque la Colombie a reçu le plus bas montant d’IDE avec

6.430 millions de dollars, en raison de la crise pétrolière. Mais un fort

redressement est intervenu l’année suivante, avec 14.643 millions de dollars. La

Colombie n’avait jamais eu des niveaux aussi hauts d’IDE : son économie est

devenu de plus en plus attractive, le défi à présent étant de diversifier les secteurs

d’investissement et éviter qu’il se produise un phénomène de « capitaux

hirondelles » en raison de la trop grande concentration des IDE dans le secteur

énergétique.

Graphique No.10 : évolution des IDE en Colombie entre les années 2000 et 2014

Source : Ministère de l’Economie et du Tourisme

66

Graphique No. 11 : Investissement étranger en Colombie comparaison juin 2015 et juin 2016

Source : Banque de la République de Colombie

3.1.4Lemondes’ouvreauxcolombiens

Un autre indicateur intéressant qui nous permet de voir comment un pays est

perçu à l’étranger tient à la capacité qu’ont ses citoyens de voyager sans visa. Le

Henley & Partners Visa Restrictions Index permet d’évaluer cette capacité par

rapport à la situation des citoyens d’autres pays. En la matière, plus l’image du

pays est négative, moins ses ressortissants peuvent voyager sans visa et

inversement.

Afin de comprendre l’évolution du classement du passeport de la Colombie entre

2006 et 2016, nous avons choisi d’effectuer une comparaison avec d’autres pays

d’Amérique Latine. Le graphique no. 12 montre qu’entre 2006 et 2015, la Colombie

a toujours été classée au dessous de la plupart des pays de la région latino-

américaine, ce qui signifie que les Colombiens ont moins de facilités pour visiter

d’autres pays par rapport à leurs voisins. Cependant, l’amélioration du contexte

colombien entre 2015 et 2016 s’est traduite par un grand changement dans ce

classement : la Colombie est passé du 75e rang au 50e rang, progression

exceptionnelle que Henley & Partners ont souligné car rares sont les pays qui

67

connaissent une telle progression. En temps normal, le rythme des suppressions

des restrictions pour les voyageurs d’un pays est lent : il exige des accords

bilatéraux, qui supposent un certain temps de négociation et de ratification. Mais

cette évolution rapide du classement de la Colombie est la conséquence de la

décision de l’Union européenne de supprimer l’exigence de visa pour les

Colombiens désireux de se rendre dans l’espace Schengen pour une courte durée.

Après un long processus de négociation et de débats, les Colombiens peuvent

depuis décembre 2015 voyager sans restrictions dans 26 pays supplémentaires.

Les Colombiens sont ainsi passés de 34 pays accessibles sans visa en 2014 à 63

pays aujourd’hui.

En outre, il est important de souligner que depuis juillet 2016, la Colombie fait

partie du programme Global Entry composé de huit pays (Allemagne, Royaume-

Uni, Pays-Bas, Panama, Corée du Sud, Canada et Mexique)90. Les citoyens de

ces pays auront des facilités pour rentrer aux Etats-Unis, ce qui sera surtout utile

pour les voyageurs qui visitent fréquemment ce pays. Même si les Colombiens

devront encore disposer d’un visa pour entrer aux Etats-Unis, appartenir à ce

programme est un avantage et revêt une portée symbolique forte : les Colombiens

ne sont plus tenus à distance comme s’ils étaient tous des narcotrafiquants ou des

délinquants.

Sans doute, l’accord entre la Colombie et l’UE et celui avec les Etats Unis sont des

grands succès diplomatiques, mais qui ont aussi un impact positif concret pour les

citoyens colombiens qui peuvent aujourd’hui voyager dans plus de pays avec

moins de restrictions. Ces éléments témoignent de ce que l’image du pays est en

plein renouvellement.

90 Ministerio de Relaciones Exteriores. “Global Entry.” July 26, 2016. (Accès: 2 septembre, 2016). http://www.cancilleria.gov.co/global-entry.

68

Graphique No. 12 Passeport Ranking entre 2006 et 2016 : comparaisons entre certains pays latino-américains.

Source : Henley & Partners Visa Restrictions Index

3.2Variablesqualitatives

Les variables quantitatives témoignent de ce que l’image de la Colombie est en

train de changer d’une manière positive. Cependant, il existe aussi des variables

qualitatives qui peuvent contribuer à notre réflexion sur cette question. Ces

variables non quantifiables numériquement sont, d’une part, la présence de la

Colombie comme invité d’honneur dans d’importantes activités culturelles

internationales et, d’autre part, l’impact médiatique du processus de paix entre le

gouvernement colombien et les guérilla des FARC.

3.2.1LaColombieestprésentesurlascèneculturellemondiale La Colombie, à travers sa diplomatie culturelle et les initiatives de son ministère

de Culture, tâche d’être présente dans des foires du livre, dans des festivals

cinématographiques ou dans des activités culturelles qui permettent de diffuser

69

l’art colombien. Il est de plus en plus fréquent que le pays soit invité d’honneur

dans des espaces culturels de grande réputation.

Pour donner un exemple, en 2016 la Colombie a été le centre d’une grande

attention en matière littéraire, puisqu’elle a été l’invitée d’honneur des foires du

livre de Panama et du Pérou ; en novembre, elle sera le pays invité pour la foire du

livre de Guadalajara, qui est l’une des plus importantes du continent. Certes, la

littérature colombienne se distingue dans la région : il existe de plus en plus de

jeunes écrivains dont les œuvres connaissent un succès important et commencent

à être traduites dans plusieurs langues étrangères, tels que Juan Gabriel Vásquez,

Hector Abad Faciolince ou même William Ospina. De plus, et paradoxalement, la

mort du prix Nobel de littérature colombien Gabriel García Márquez a suscité un

renouveau de l’intérêt pour son œuvre littéraire dans le monde entier, et a imposé

la Colombie dans l’agenda littéraire. La présence de Colombie comme invité

d’honneur dans les foires du livre mondiales permet, en tout état de cause, de faire

du message envoyé par le pays vers l’étranger un message positif et puissant

grâce à cet aspect littéraire.

En 2014, la Colombie a été invitée d’honneur à la plus grande foire d’art

contemporain d’Espagne, Arco Madrid 2015. Il s’agissait là d’une opportunité de

non seulement diffuser son art en Europe, mais aussi de diffuser l’image d’un pays

contemporain, moderne, qui évolue et dont l’art est représentatif de ces évolutions

positives. L’art colombien a ainsi été fortement présent en Espagne, avec plus

d’une vingtaine d’expositions organisées depuis.

Un autre exemple fort du fait que le monde regarde la Colombie d’une autre

manière est la proposition adressée par le président Hollande au président

colombien en 2014, lors de la visite d’état de ce dernier à Paris, d’organiser une

« année France-Colombie » en 2017. Ce projet culturel est d’une ampleur

considérable, en ce qu’il réunit plusieurs secteurs : culturel, éducatif, sportif,

économique et commerciale des deux pays et témoigne d’une meilleure perception

70

de l’ampleur du potentiel colombien dans ces différents secteurs. La Colombie est

le deuxième pays de la région, après le Brésil, qui a reçu cette importante

invitation91.

3.2.2L’impactmédiatiqueduprocessusdepaix Comme évoqué plus haut, le gouvernement du président Santos a entamé en

novembre 2012 un processus de paix avec la guérilla des FARC. Ce processus est

devenu un sujet majeur d’attention à l’échelle internationale. Le 24 août 2016,

l’accord final a été signé, permettant à un cessez-le-feu bilatéral d’entrer en

vigueur cinq jours plus tard. Il s’agit d’un moment majeur dans l’histoire de la

Colombie, après plus de cinquante ans de guerre. Ce grand événement a été suivi

par les médias les plus importants, comme en témoigne la figure 6. La reprise de

cet événement dans la plupart des médias internationaux témoigne d’un fort

impact médiatique, qu’il est trop tôt pour mesurer mais qui permet au public

étranger de constater que la Colombie entame un nouveau chapitre de son

histoire.

Il est important de souligner que l’opinion positive et le soutien des leaders

mondiales permet de rendre plus efficace le message positif produit par le

processus de paix et par conséquent aide à changer l’image de la Colombie. Le

président Barack Obama, le pape François, l’ex-président américain Bill Clinton et

Ban Ki Moon, entre autres leaders d’opinion, se sont exprimés à propos de ce

processus. Leur poids politique et médiatique, à travers les réseaux sociaux en

particulier, donnent une puissance considérable à leurs prises de position : Barack

Obama et le pape François sont ainsi les figures les plus suivies au monde sur

Twitter. La figure 7 reprend quelques réactions de ces leaders d’opinion aux

accords de paix conclus par le gouvernement Santos et les FARC.

Les médias internationaux et les messages de soutien à ces évolutions influencent 91 Ambassade France en Colombie. “Qué Es El Año Francia – Colombia 2017?” 2017. (Accès :septembre 5, 2016). http://www.ambafrance-co.org/Que-es-el-Ano-Francia-Colombia-2017.

71

d’une manière positive le regard du public étranger sur le pays. Ainsi que la

ministre des Affaires étrangères de Colombie, María Ángela Holguín Cuéllar l’a

déclaré : « la Colombie va changer son regard vers l’extérieur une fois que les

accords de paix seront signés, puisque nous allons comprendre que nous sommes

un pays normal. (…) L’extérieur nous regarde déjà d’une manière différente : il y a

une croissance de l’investissement, le tourisme a augmenté… Je pense qu’il y a

beaucoup de personnes qui ne se rendent pas compte comment, aujourd’hui, nous

sommes perçus depuis l’étranger. Il y a des pays qui visitent la Colombie alors que

nous ne l’aurions jamais imaginé. » Le changement de perception de l’étranger

vers la Colombie est si fort que même les Colombiens n’arrivent pas à concevoir

qu’ils soient perçus d’une manière si positive. Figure 8. Exemples de gros titres des différents médias internationaux à propos du processus de paix entre le gouvernement et la guérilla des FARC.

72

Figure 9. Exemples des messages envoyés par les leaders mondiaux dans le cadre du processus de paix entre le gouvernement colombien et les FARC.

Conclusionpartielledelatroisièmepartie L’objectif de cette dernière partie du mémoire était d’observer, à travers l’examen

de variables quantitatives et qualitatives, quel est le regard du public étranger

envers la Colombie et si cette perception du pays avait changé. Il est manifeste

que l’image de la Colombie a été marquée par le contexte de violence et de trafic

de drogues pour lequel le pays est connu. Cependant, le tourisme, les

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investissements étrangers, et le nombre d’étudiants étrangers qui viennent se

former en Colombie montrent que le pays devient de plus en plus attractif. Le

résultat en est la possibilité pour les Colombiens de voyager avec moins de

restrictions (visas, etc.), ce qui a été mis en évidence par le Henley & Partners

Visa Restrictions Index.

Sur le plan qualitatif, il est important de souligner que le processus de paix et les

accords conclus entre le gouvernement et la guérilla des FARC a eu un fort impact

positif dans les médias, renforcé par le soutien qu’ont manifesté les leaders

d’opinion mondiaux. S’agissant du conflit interne, le public étranger a accepté

beaucoup plus vite que le public colombien lui-même que le pays entamait un

nouveau et meilleur chapitre de son histoire. Le scepticisme des Colombiens face

au processus de paix est considérable, en raison de la souffrance accumulée au

cours de cinquante ans de conflit et des échecs des négociations de paix

précédentes. Si ce scepticisme se traduisait par une non-ratification des accords

de paix, l’évolution positive de l’image positive du pays à l’étranger pourrait être

freinée.

Ce troisième chapitre nous a permis de mettre en évidence le fait que l’image de la

Colombie était en plein renouvellement. Néanmoins il est nécessaire de souligner

que la marque pays colombienne, selon le Country Brand Index, est en train de

reculer au niveau régional. Selon ce classement, la marque pays de la Colombie

était au 9e rang en 2013 ; au 10e rang en 2014 ; et au 11e rang en 2016. Cela

signifie que sa position s’affaiblit en comparaison avec les marques pays de ses

voisins d’Amérique Latine, qui sont entrain de monter en puissance et de gagner

en efficacité. La Colombie doit dès lors être vigilante sur ce point et maintenir les

efforts engagés.

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Conclusionfinale Les deux leviers de la diplomatie culturelle et de la marque pays ont été ceux

retenus dans le cadre de ce mémoire pour analyser l’image de la Colombie à

l’étranger. Ses deux outils matérialisent les ressources de soft power du pays et

ont, au-delà de leurs caractéristiques différentes, un même objectif : améliorer et

consolider la bonne image d’un pays à l’étranger. C’est à travers l’évolution de ces

deux outils de diplomatie publique qu’il a été possible d’arriver à la conclusion

suivante : la diplomatie culturelle et la marque pays contribuent à la bonne phase

que traverse aujourd’hui la Colombie, cependant une meilleure performance de

chacun de ses deux outils et une plus grande complémentarité entre les deux

pourraient renforcer encore l’efficacité du message qu’ils portent.

Comme l’a affirmé Santiago Jara, ex-conseiller au ministère colombien des

Affaires étrangères, il est nécessaire de comprendre le concept de marque pays

comme un parapluie : un message qui englobe les intérêts de tout un pays et qui

par conséquent doit être utilisé par toutes les institutions publiques liées aux

objectifs de la marque pays, comme le tourisme ou l’investissement, et au public

étranger en général.

Le problème de la Colombie est que le travail entre la marque pays (ProColombia)

et le ministère des Affaires étrangères est très limité. Chaque institution cherche à

atteindre ses objectifs propres et néglige l’opportunité que représenteraient des

projets communs. La complémentarité des actions actuelles est limitée, car chaque

institution veut faire valoir ses résultats propres et oublie que la diplomatie

culturelle et la marque pays partagent un même but. Cette situation est un défi

majeur, puisqu’elle s’explique par une culture institutionnelle dans laquelle chaque

institution cherche avant tout à atteindre ses objectifs propres.

De plus, il est nécessaire de souligner que malgré les efforts des gouvernements

colombiens au cours des dernières années pour montrer au public étranger que la

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Colombie n’était plus le pays violent et peu développé que tout le monde avait en

tête, deux problèmes doivent encore être surmontés. Le premier tient à la

diplomatie culturelle, diplomatie qui promeut des activités innovantes et qui veut

avoir une présence dans un grand nombre de pays : le manque d’un budget stable

fait que la continuité de ces activités est mise en question.

Le deuxième problème qui doit être souligné est le fait qu’en à peine dix ans, deux

stratégies de marketing ont été lancées : le court temps d’existence de ces

stratégies de marque pays a nui à leur efficacité. A peine les Colombiens s’étaient-

ils approprié le message de «Colombia es pasión » qu’il leur a tout à coup fallu

s’adapter et comprendre « La respuesta es Colombia ». Les Colombiens n’ont

ainsi pas vraiment eu le temps de devenir de vrais multiplicateurs du message,

faute d’une stratégie pensée sur le long terme.

Il est fort probable que le nouveau président qui sera élu en 2018 pensera, comme

le président Santos en 2013, que le contexte de Colombie a de nouveau évolué et

jugera que La Respuesta es Colombia n’est plus adaptée à ce nouveau contexte.

Une nouvelle stratégie de marque pays pourra être lancée, ce qui sera sans doute

très coûteux et empêchera une nouvelle fois les Colombiens de devenir des

multiplicateurs efficace du message porté par ce qui ne sera perçu que comme

une banale campagne publicitaire gouvernementale. Le manque d’une stratégie de

marque pays sur le long terme pourrait endommager le renouvellement de l’image

du pays qui est observé actuellement.

Enfin, il est nécessaire d’insister sur le fait que la diplomatie culturelle et les

stratégies de marque pays colombiennes doivent, pour être plus performantes,

s’inscrire dans le concept de « digital first ». Ce concept est essentiel, selon le Soft

Power Index, pour atteindre des bons résultats et accroître le soft power. La

Colombie a bien compris le pouvoir des réseaux sociaux pour attirer l’attention et

transmettre son message au plus grand nombre. En témoigne, notamment, le fait

que le président colombien Juan Manuel Santos est l’un des vingt leaders

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mondiaux les plus suivis sur Twitter (au 16e rang en 2016) et le second plus suivi

des leaders d’Amérique Latine. De plus, la Colombie a été le premier pays au

monde à utiliser Periscope pour diffuser en direct un événement institutionnel. Il

est désormais nécessaire d’aller plus loin, en formant les diplomates et les

fonctionnaires publics pour construire une diplomatie digitale efficace.

La diplomatie digitale doit être complémentaire à la diplomatie culturelle et à la

marque pays : c’est un outil qui permettra une diffusion plus efficace du message

et de renforcer considérablement son impact dans la durée. La Colombie doit faire

face à plusieurs défis pour consolider le renouvellement de son image, mais

surtout s’appuyer sur cette diplomatie digitale pour obtenir des résultats encore

plus importants que ceux que l’on a mis en évidence dans ce mémoire.

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AnnexesAnnexe 1

La Vice-ministre des Affaires étrangères, Patti Londoño, reçoit à Bogota en 2013 le premier groupe de 59 guides touristiques provenant de 13 pays d’Asie de l’Est. Photo: MAE-Colombie.

Cérémonie remise de diplôme au MAE lors des quatre mois de cours d’espagnol en Colombie- décembre 2013. Photo: MAE-Colombie.

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Annexe 2

Jeunes de la municipalité de Tumaco (Nariño) au sud-ouest de la Colombie qui ont participé à l’échange musical qui a eu lieu à Hanoi et Singapour en mai 2016. Au cours de celui-ci, ils ont pu échanger avec des jeunes chanteurs de musique traditionnelle de ces pays.Photo : MAE-Colombie

20 jeunes athlètes colombiens ont pu partager son expérience avec le champion olympique d’athlétisme Usain Bolt pendant l’échange sportif à Kingston en juin 2015.

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16 jeunes ont participé à l’échange sportif en football à Dubaï et ont rencontré le joueur de football argentin Maradona en 2014.

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Résumé La bonne image d'un pays est devenue un moyen pour améliorer, consolider ou même accroître sa capacité de soft power. Les pays sont, à l'heure actuelle, de plus en plus conscients de cet état de fait, et tâchent ainsi de renforcer leur capacité d'influence et d'attraction à travers la diplomatie publique. Pour un pays comme la Colombie, souvent connu pour être un pays violent confronté à de graves problèmes sociaux en raison de la guérilla et de l'activité des bandes de narcotrafiquants, changer cette perception est un grand défi. Afin de mieux comprendre comment la Colombie oeuvre à changer et renouveler son image à l'étranger, deux outils de diplomatie publique ont été analysés, dans le cadre d'une approche englobant les dix dernières années: la diplomatie culturelle, d'une part, et la marque pays, d'autre part. La Colombie se trouve aujourd'hui dans un contexte nouveau, dont témoignent son économie émergente et le processus de paix avec la guérilla des FARC. Par conséquent, la diplomatie culturelle et la marque pays sont soutenues par un contexte favorable à la diffusion du message que la Colombie entend transmettre: elle n'est plus le pays que le public étranger a en tête, des évolutions positives ont eu lieu et se poursuivent, et le pays est aujourd'hui capable d'apporter une contribution positive au monde. C'est dans cette perspective que nous avons étudié la diplomatie culturelle colombienne, qui est dynamique et propose des activités innovantes, et la marque pays, pour laquelle ont déjà été mises en oeuvre deux stratégies de marketing essentielles pour le renouvellement de l'image de la Colombie. Pour autant, ces stratégies ne sont pas pensées dans le long terme, ce qui entrave leur capacité à atteindre des résultats durables. La diplomatie culturelle et la marque pays doivent dès lors devenir des diplomaties publiques complémentaires, et non pas indépendantes comme c'est le cas aujourd'hui. Afin d'atteindre des résultats réels et durables, elles doivent s'approprier le concept de "digital first": le numérique peut en effet permettre d'augmenter l'impact de chacun de ses outils de diplomatie publique.

MotsClés:

• Diplomatie publique • Diplomatie culturelle • Marque Pays • Soft Power • Colombie • Image