Langue hebraique reconstituée Fabre d-Olivet Partie 1.pdf
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LA
LANGUE HËBRAÏQUE
RESTITUÉE,
ET LE VÉRITABLE SENS DES MOTS HÉBREUX
RÉTABLI ET PROUVÉ
PAR LEUR ANALYSE RADICALE.
OuvRAGE dans lequel on trouve réunis
t*. Une DtssMT~TtON utTRODTCTiVE sur l'origine de la Parole, l 'é tude des langues qui peuvent y
conduire, et le but que l'Auteur s'est proposé;
a*. Une G&AMMAÏRE HaMLUQTE, fondée sur de nouveaux principes, et rendue utile à l'étude des
langues en général
3". Une série de RACtMS HM&AÏQmss, envisagées sous des rapports nouveaux, et destinées à faci-
liter l 'intelligence du langage, et celle de la science étymologique;
4°. Un DtSCOVRS PMHMHtAïRE
5". Une traduction en français des dix premiers chapitres du Sépher, contenant la CosMOGOtHE
de MoïSE.
Cette traduction, destinée à servir de preuve aux principes posés dans la Grammaire et dans le Diction-
naire, est précédée d'une VERSïoN MTTÉRAM, en français et en anglais, faite sur le texte hébreu présenté
en original avec une transcription en caractères modernes, et accompagnée de notes grammaticales et cri-
tiques, où l'interprétation donnée à chaque mot est prouvée par son analyse radicate, e t sa confrontation
avec le mot analogue samarita%, èhaldaïque, syriaque, arabe, ou grec.
PAR FABRE-D'OLIVET.
A PARIS,
~L'AUTEun,
rue de Traverse, n". 9, faubourg St.-GermainCaEZ/BARROis, l'ainé Libraire, rue de Savoie, a". i3.
(EBEHNART, Libraire, rue du Foin St.-Jacques, n". ïa.
~1 p-
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J.-M. EBERHART, IMPRIMEUR DU COLLÈGE ROYAL DE FRANCE,
RUS DU FMN NAINT-TAOqCES, N. t~.
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LA
LANGUE HEBRAÏQUE
RESTITUÉE.
PREMIÈRE PARTIE.
DISSERTATION INTRODUCTÏVE.
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~MWW~~MW~WWMMM~WWMMM~WM~~MMMWMM~M~WMMMWW~~
DISSERTATION INTRODUCTIVE.
i.
~tr~ï yo/ de la Parole, et sur l'étude des Langues qui
~eM~e~~ conduire.
L'ORiciNE de la Parole est généralement inconnue. C'est en vain
que les savans des siècles passés ont essayé de remonter jusqu'aux
principes cachés de cenhénomène brillant qui distingue l'homme
de tous les êtres dont il est environné, réfléchit sa pensée, l 'arme du
flambeau du génie, et développe ses facultés morales; tout ce qu'ils
ont pu faire, après de longs travaux, a été d'établir une série de con- jectures plus ou moins ingénieuses, plus ou moins probables, fondées
en général sur la nature physique de l'homme qu'ils jugeaient invariable,et qu ils prenaient pour base de leurs expériences. Je ne parle pointici des théologiens sèholastiques qui, pour se tirer d'embarras sur ce
point difficile, enseignaient que l'homme avait été créé possesseur d'une
langue toute formée; ni de l'évoque Walton, qui, ayant embrassé cettecommode opinion, en donnait pour preuve les entretiens de Dieu même
avec le premier homme, et les discours qu'Eve avait tenus au ser-
pent (a) ne réfléchissant pas que ce prétendu serpent qui s'entretenait
avec Eve, et auquel Dieu parlait aussi, aurait donc puisé à la même
source de la Parole, et participé à la langue de la Divinité. Je parle deces savans qui, loin de la poussière et des cris de l'école, cherchaient de
bonne foi la vérité que l'école ne possédait plus. D'ailleurs les théologienseux-mêmes avaient été dès long-temps abandonnés de leurs disciples.Le père Richard Simon, dont nous avoirs une excellente histoire cri-
tique du Vieux-Testament, ne craignait pas, en s'appuyant de j'au-torité de St~Grégoirc de Nysse, de rejeter l'opinion théologique à cet
(a) Wahoo, proiegom. t.
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DISSERTATIONvj
égard, et d'adopter celle de Diodore de Sicile, et même celle de
Lucrèce (o) qui attribuent la formation du langage à la nature de
l'homme, et à l'instigation de ses besoins. (&)Ce n'est point parce que j'oppose ici l'opinion de Diodore de Sicile
ou de Lucrèce à celle des théologiens, qu'on doive en inférer que jela
juge meilleure. Toute
l'éloquence de J.-J. Rousseau ne saurait me la
faire approuver. C'est un extrême heurtant un autre extrême, et par cela même, sortant du juste milieu où réside la vérité. Rousseau dans
son style nerveux et passionné, peint plutôt la formation de la société
que celle du langage il embellit ses fictions des couleurs les plus vives,et luMneme, entramé par son imagination, croit réel ce qui n'est que
fantastique. (c) On voit bien dans son écrit un commencement pos-sible de civilisation, mais non point une origine vraisemblable de la
Parole. H a beau dire que les langues méridionales sont filles du plai-
sir, et celles du nord de la nécessité on lui demande toujours com-
ment le plaisir ou la nécessité peuvent enfanter simultanément des mots
que toute une peuplade s'accorde à comprendre, et surtout s'accordeà adopter. N'est-ce pas lui qui a dit, avec une raison plus froide et plus
sévère, que le langage ne saurait être institué que par une convention,et que cette convention ne saurait se concevoir sans le langage ? Ce
cercle vicieux dans lequel l'enferme un Théosophe moderne peut-il être
éludé? Ceux qui se.livrent à la prétention de former nos langues, et
toute la science de notre entendement par les seules ressources des
circonstances naturelles, et par nos seuls moyens humains, dit ce
Théosophe, (~) s'exposent de leur plein gré à cette objection terriblequ'ils ont eux-mêmes élevée; car qui ne fait que nier ne détruit point,et l'on ne réfute point un argument parce qu'on le-désapprouve si le
langage de l'homme est une convention, comment cette convention
s'est-clle établie sans langage? ~?
(a) Rich. Stm. Hismit'e crit. L . ch. (e)Ë'M
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INTRODUCTIVE. ~j
Lisez avec attention et Locke et Condillac, son disciple le plus labo~
rieux; (a) vous aurez, si vous voulez, assisté à la décomposition d'une
machine ingénieuse, vous aurez admiré peut-être la dextérité du dé-
compositeur mais vous serez resté aussi ignorant que vous l'étiez au-
paravant et sur l'origine de cette machine, et sur le but que s'est pro-
posé son
auteur, et sur sa nature
intime, et sur le
principe qui en tait
mouvoir les ressorts. Soit que vous réfléchissiez d'après vous-même,soit qu'une longue étude vous ait appris à rénéchir d'après les autres,vous ne verrez bientôt dans l'habile analyste qu'un opérateur ridicule,
qui s'étant flatté de vous expliquer et comment et pourquoi danse
tel acteur sur le théâtre, saisit un scalpel et dissèque les jambes d'un
cadavre. Socrate et Platon vous reviennent dans la mémoirè. Vous les
entendez encore gourmander les physiciens et les métaphysiciens de
leur temps (6) vous opposez leurs irrésistibles argumcns à la vaine
jactance de ces écrivains empyriques, et vous sentez bien qu'il ne suffit
pas de démonter une montre pour rendre raison de son mouvement.
Mais si l'opinion des théologiens sur l'origine de la Parole choquela raison, si celle des historiens et des philosophes ne peut résister à
un examen sévère, il n'est donc point donné à l'homme de la connaître.
L'homme, qui selon le sens de l'inscription du temple de Delphes, (*)ne peut rien connaître qu'autant qu'il se connaît lui-même, est donc
condamné à ignorer ce qui le place au premier rang parmi les êtres
sensibles, ce qui lui donne le sceptre de la Terre, ce qui le constitue
véritablement homme; la Parole! Non, non cela ne peut être, parce
que la Providence est juste. Un nombre assez considérable de sages parmi toutes les nations a pénétré ce mystère, et si malgré leurs e~rt~,ces hommes privilégiés n'ont pu communiquer leur science et la rendre
universelle, c'est que les moyens, les disciples ou les circonstances ia-
vorables leur ont manqué pour cela.
(a) Lock. an j6'M
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vuj DISSERTATION
Car la connaissance de la Parole, celle des élémens et de l'originedu langage, ne sont point au nombre de ces connaissances que l'on
transmet facilement à d'autres, ou qu'on démontre à la manière des
géomètres. Avec quelque étendue qu'on les possède, quelques racines
profondes qu'elles aient jetées dans un esprit, quelques fruits nombreux
qu'elles y~Ient développés, on n'en peut jamais communiquer que le
principe. Ainsi, rien dans la nature élémentaire ne se propage ni tout
de suite, m tout à la fois l'arbre le plus vigoureux, l'animal le plus
parfait, ne produisent point simultanément leur semblable. Ils jettent,selon leur espèce, un germe d'abord très-dISérent d'eux, qui demeure
Infertile, si rien d'extérieur ne coopère à son développement.Les sciences archéologiques, c'est-à-dire toutes celles qui remontent
aux principes des choses, sont dans le même cas. C'est en vain queles sages qui les possèdent s'épuisent en généreux efforts pour les pro-
pager. Les germes les plus féconds qu'ils en répandent, reçus par des
esprits incultes, ou mal préparés, y subissent le sort de ces semencesqui, tombant sur un terrain pierreux, ou parmi les épines, y meurent
stériles ou étouSées. Les secours n'ont pas manqué à nos savans c'est
l'aptitude à les recevoir. La plupart de ceux qui s'avisaient d'écrire sur
les langues ne savaient pas même ce que c'était qu'une langue car
il ne suffit pas pour cela d'avoir compilé des grammaires, ou d'avoir
sué sang et eau pour trouver la dISérence d'un supin à an gérondif;il faut avoir exploré beaucoup d'Idiomes, les avoir comparés entr'eux
assidûment et sans préjugés; afin de pénétrer, par les points de con-
tact de leur génie particulier, jusqu'au génie universel qui préside àleur formation, et qui tend à n'en faire qu'une seule et même langue.
Parmi les Idiomes antiques de l'Asie, il en est trois qu'il faut abso-
lument connattre si l'on veut marcher avec assurance dans le champde l'étymologle, et s'élever par degrés jusqu'à la source du langage.Ces Idiomes, que je puis bien, à juste titre, nommer des langues dans
te sens restreint que l'on donne à ce mot, sont le chinois, le saïuscilt,
et l'hébreu. Ceux de mes Lecteurs qui connaissent les travaux des
savans de Calcula,
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INTRODUCTIVE. ix
s'étonner que je nomme l'hébreu en place de l'arabe,dont cet estimable
écrivain fait dériver l'Idiome hébraïque et qu'il cite comme l'une des
langues-mères de l'Asie. Je vais expliquer ma pensée à cet égard, et
dire en même temps pourquoi je ne nomme ni le persan ni le tàtare
oïghoury que l'on pourrait penser que j'oublie.
Lorsque W. Jones jetant sur le vaste continent de l'Asie et sur les jMesnombreuses qui en dépendent, un ceil observateur, y plaça cinq nations dominatrices entre lesquelles il en partagea l'héritage, il créa
un tableau géographique d'une heureuse conception, et d'un grand
intérêt, que l'historien ne devra pas négliger; (~) mais il eut égard en
etablissantcette division, plutôt à la puissance et à l'étendue des peuples
qu'il nommait, qu'à leurs véritables titres à l'antériorité; puisqu'il ne
craint pas de dire que les Persans, qu'il range au nombre des cinq na-
tions dominatrices, tirentleur origine des Hindous et des Arabes, (6) et
que les Chinois ne sont qu'une colonie indienne; (c) ne reconnaissant
ainsi que trois couches primordiales, savoir celle des Tâtares, celle des
Hindous, et celle des Arabes.
Quoique je ne puisse lui accorder entièrement cette conclusion, jene laisse pas d'en inférer, comme je viens de le dire, que cet écri-
vain en nommant les cinq nations principales de l'Asie, avait eu plus
d'égard à leur puissance qu'à leurs véritables droits à 1 antériorité. Il
est évident du moins, que s'il n'eût pas dû céder à l'éclat dont le nom
arabe s'est environné d~ns ces temps modernes, grâce à l'apparitionde Mahomed, et à la propagation du culte et de l'empire islamite,
W. Jones n'eut point préféré le peuple arabè au peuple hébreu, pour en fan une des souches primordiales de l'Asie.
Cet écrivain avait fait une étude trop sûre des langues asiatiques
pour ne pas savoir que les noms.que nous donnons aux Hébreux et aux
Arabes, quoiqu'ils paraissent très-dissemblables, grâce à notre manière
de les écrire, ne sont au fond que la même épithète modifiée par deux
dialectes dinérens. Tout le monde sait que l'un et l'autre peuple rap-
(«) ~M
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x DISSERTATION
porte son origine au patriarche Héber (*) or, le nom de ce prétenduPatriarche ne signifie rien autre chose que ce qui est placé derrière on
tïM-c~/a, ce qui est e/o~y~ cac~e~ dissinaulé, p~e~M/OM/co
qui passe, ce qui terntine, ce qui est occidental, etc. Les Hébreux,dont le dialecte est évidemment antérieur à celui des Arabes, en ont
dérivé A~& et les Arabes ~
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INTRODUCTIVE. X)
b.
de Moyse tandis que ce Sépher, refuge sacré de 1 idiome hébreu, lui
paraissait contenir, indépendamment d'une inspiration divine, y(a)
plus de vraie sublimité, de beautés exquises, de moralité pure, d'his-
toire essentielle et de traits de poésie et d'éloquence, que tous les livres
ensemble, écrits dans aucune langue, et dans aucun siècle du monde.
Quoique ce soit beaucoup dire, et qu'on pût, sans faire le moindre
tort au
Sépher,
lui
comparer
et même lui préférer
certainsouvrageségalement fameux parmi les nations, j'avoue qu'il renferme pour ceux
qui peuvent le lire, des choses d'une haute conception et d'une sagesse
profonde; mais ce n'est point assurément dans l'état où il se montre
aux lecteurs vulgaires qu'il mérite de tels éloges, à moins qu'on ne
veuille se couvrir les yeux du double bandeau de la superstition et du
préjugé. Sans doute W. Jones l'entendait dans sa pureté, et c'est ce'IIque j'aime à croire.
Au reste, ce n'est jamais que par des ouvrages de cette nature qu'une
langue acquiert des droits à la vénération. Les livres des principes
universels appelés King par les Chinois, ceux de la science divine ap-
pelés ~ec~x ou Beda par les Hindous, le Sépher de Moyse, voilà ce
qui rend à jamais illustres et le chinois, et le samscrit, et l'hébreu.
Quoique le tâtare oïghoury soit une des langues primitives de l'Asie,
je ne l'ai point fait entrer au nombre de celles dont l'étude est néces-
saire à celui qui veut remonter au principe de l a Parole; parce querien ne saurait ramener à ce principe, dans un Idiome qui n'a pointde littérature sacrée. Or, comment les Tâtares auraient-ils eu une lit-
térature sacrée ou profane, eux qui ne connaissaient pas même les
caractères de'l'écriture? Le célèbre
Gen-ghis-kan, dont
l'empire em- brassait une étendue immense, ne trouva pas, au rapport des meilleurs
auteurs, un seul homme parmi ses Moghols, en état d'écrire ses dé-
pêches. (6) Timour-Lenk, dominateur à son tour d'une partie de l'Asie, <
ne savait ni lire ni écrire. Ce défaut de caractère et de littérature, en
laissant les idiomes tâtares dans une fluctuation continuelle, assez
(~~J.MI.p.tS. (b) ~~«c~/MMC. des Recher. ~
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xij DISSERTATION
semblable à celle qu'éprouvent de nos jours les dialectes informes des
peuples sauvages de 1 Amérique, rend leur étude inutile à 1 étymolo-
gie, et ne peut servir qu'à jeter dans l'esprit des lueurs incertaines,
et presque toujours fausses.
On ne doit rechercher l'origine de la Parole que sur des monmnens
authentiques où la Parole elle-même ait laissé son empreinte ineffa-çable. Si le Temps et la faux des révolutions eussent respecté davantageles livres de Zoroastre, j'aurais égalé sans doute à Fhébreu l'ancienne
langue des Perses appelée Zend, dans laquelle sont écrits les frag-mens qui nous en restent; mais après un examen long et impartial,
je n'ai pu m'empêcher de voir, malgré toute la reconnaissance que j'airessentie pour les travaux inouis d'Anquetil-du-Perron qui nous les a
procurés, que le livre appelé aujourd'hui le ~e/z
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INTRODUCTIVE. xilj probable que les caractères du Pelhvi et du Zend sont évidemment
d'origine èhaldaïque.Je ne doute pas que les fameuses inscriptions qui se trouvent dans
les ruines de l'ancienne Isthakar, (a) nommée Persépolis par les Grecs,et dont aucun savant n'a pu déchIHrer encore les caractères, n'appar-tiennent à la langue dans laquelle étaient écrits originairement les livres
sacrés des Parses, avant qu'ils eussent été
abrégés et traduits en
pehiviet en zend. Cette langue, dont le nom même a disparu, était peut-être parlée à la cour de ces monarques de l'Iran, dont fait mention
Mohsen-al-Fany dans un livre très-curieux intitulé jD~&M~~ (*), et
qu'il assure avoir précédé la dynastie des Pishdadiens, que l'on regardeordinairement comme la première.
Mais sans m'engager plus avant dans cette digression, je crois en
avoir dit assez pour faire entendre que l'étude du Zend ne peut être
du même Intérêt, ni produire les même fruits que celle du chinois,du samscrit et de l'hébreu, puisqu'il n'est qu'un dialecte du samscrit,
et qu'il n'offre que quelques fragmens de littérature sacrée, traduitsd'une langue inconnue plus ancienne que lui. Il suffit de le faire en-
trer comme une sorte de supplément dans la recherche de l'originede la Parole, en le considérant comme le lien qui réunit le samscrit à
l'hébreu.
H en est de même de l'Idiome scandinave, et des poésies runiquesconservées dans ~Edda. (~) Ces vénérables débris de la littérature
sacrée des Celtes, nos aïeux, doivent être regardés comme un moyende réunion entre les langues de l'antique Asie, et celle de l'Europe mo-
derne. Ds ne sont
point à
dédaigner comme étude auxiliaire, d'autant plus qu'ils sont tout ce qui nous reste d'autenthique touchant le culte
des anciens Druïdes, et que les autres dialectes celtiques, tels que le
Basque, le Breton armorique, le Breton wallique, ou cumraig, ne
(a) Millin JtfoKMme~ M
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DISSERTATIONxiv
possédant rien d'écrit, ne peuvent mériter aucune espèce de confiance
dans l'objet important qui nous occupe.
Mais revenons aux trois langues dont je recommande l'étude le
chinois, le samscrit et l'hébreu: jetons un moment les yeux sur elles,et sans nous inquiéter, pour l'heure, de leurs formes grammaticales,
pénétrons dans leur génie, et voyons en quoi il diffère principalement.La Langue chinoise est de toutes les langues actuellement vivantes
sur la surface de la terre, la plus ancienne; celle dont les élémens
sont les plus simples et les plus homogènes. Née au milieu de quelqueshommes grossiers séparés des autres hommes par l'effet d'une catas-
trophe physique arrivée au globe, elle s'est renfermée d'abord dans
les plus étroites limites, ne jetant que des racines rares et matérielles,
et ne s'élevant pas au-dessus des plus simples perceptions des'sens.
Toute physique dans son origine, elle ne rappelait à la mémoire que
des objets physiques environ deux cents mots composaient tout sonlexique; et ces mots, réduits encore à la signification la plus restreinte,.< tachaient tous à des Idées locales et particulières. La Nature, en
volant ainsi de toutes les langues, la défendit long-temps contre le
mélange; et lorsque les hommes qui la parlaient, s'étant multipliés,
purent se répandre au loin et se rapprocher des autres hommes, l'art
vint à son secours et la couvrit d'un rempart impénétrable. J'entends
par ce rempart les caractères symboliques dont une tradition sacrée
rapporte l'origine à Fo-hi. Ce saint homme, dit cette tradition, ayantexaminé le ciel et la terre, et recherché la nature des choses mitoyennes,
traça les huit JToMO, dont les diverses combinaisons suffirent pour
exprnner toutes les idées alors développées dans l'intelligence du peuple.Au moyen de cette invention il fit cesser l'usage des nceuds dans les
cordes qui avait eu lieu jusqu'alors. (*)
Cependant à mesure que le peuple chinois s'étendit, à mesure queson intelligence fit des progrès, et s'enrichit de nouvelles idées, sa
(*) Cette tr&ditMn est 'Me de la grande l'empereur Kang-hi fit traduire en tâtare, et
histoire T~~e-~c&t-jKMM-~aKg'OK, que décora d'une préface.
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xvj DISSERTATION
balie pour souche primitive, montre que le pur hindy, originaire de
la Tàtarie, jargon informe à l'époque de cette colonisation, a reçu d'une
langue étrangère quelconque, ses formes grammaticales et se trou-
vant dans une situation convenable à être, pour ainsi dire, greffé par
elle, a développé une force d'expression, une harmonie, une abon-
dance, dont tous les Européens qui ont été à même de l'entendre parlent avec admiration. (a)
En effet, quelle autre langue posséda jamais une littérature sacrée
pi s é tendue ? Avant que les Européens, revenus de leurs préjugés,aient épuisé la mine féconde qu'elle leur offre, que d années s'écou-
leront encore 1
Le samscrit, au dire de tous les écrivains anglais qui l'ont étudié,est la langue la plus parfaite que les hommes aient jamais parlée. (&)Elle surpasse le grec et le latin en régularité comme en richesse, le
persan et l'arabe en conceptions poétiques. Elle conserve avec nos
langues européennes une analogie frappante, qu'elle tient surtout de
la forme de ses caractères, qui, se traçant de gauche à droite, ont
servi, selon l'opinion de W. Jones, de type ou de prototype à tous
ceux qui ont été et qui sont encore en usage en Asie, en Afrique et
en Europe.Maintenant passons à la Langue hébraïque. On a débité un si grand
nombre de rêveries sur cette Langue, et le préjugé systématique ou
religieux qui a guidé la plume de ses historiens, a tellement obscurci
son origine, que j'ose à peine dire ce qu'elle est, tant ce que j'ai à
dire est simple. Cette simplicité pourra cependant avoir son mérite,car si je ne l'exalte pas jusqu'à dire avec les rabbins de la synagogue,ou les docteurs de l'Eglise, quelle a présidé à la naissance du monde,
que les anges et les hommes l'ont apprise de la bouche de Dieu même,
et que cette langue céleste, retournant à sa source, deviendra celle
que les bienheureux parleront dans le ciel; je ne dirai pas non plusavec les philosophistes modernes, que c'est le jargon misérable d'une
(a) /MJ. T. I. p. 4~3. Halhed, dans la p/t~ace de la G ramm, du
(~Wilkia'sj~o~oK~&ce~a~M.p.a~ ~e~a~e
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INTRODUCTIVE. xvijla-
c
horde d'hommes malicieux, opiniâtres, défians, avares, turbulens;
je dirai, sans partialité aucune, que l'hébreu renfermé dans le Sé-
pher est le pur idiôme des antiques Égyptiens.Cette vérité ne plaira pas aux gens passionnés pour ou contre, je
le sens bien mais ce n'est pas ma faute si la vérité flatte si rarement
les passions.
Non, la Langue hébraïque n'est ni la première ni la dernière deslangues ce n'est point la seule des langues-mères, comme l'a cru
mal à propos un théosophe moderne que j'estime d'ailleurs beaucoup,
parce que ce n'est pas la seule qui ait enfanté des merveilles divines (
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ÏNTRODUCTÏVE. xix
c.
est d'en effet très-médiocre et pour ainsi dire nul; tandis que la pre-mière transporte le Lecteur en lui présentant une suite damages su-
blimes. Les caractères samscrits ne'disent rien à l'imagination, et l'œll
qui les parcourt n'y fait pas la moindre attention c'est à l'heureuse
composition de ses mots, à leur harmonie, au choix et à l'enchaî-
nement des idées, que cet idiôme doit son éloquence. Le plus grand
effet du chinois est pour les yeux; celui du samscrit est pour les oreilles.L'hébreu réunit les deux avantages, mais dans une moindre propor-tion. Issu de l'Égypte, où l'on se servait à la fois et des caractères hié-
roglyphiques et des caractères littéraux (
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xx DISSERTATION
leurs lignes en forme de sillons en allant de droite à gauche et reve-
nant alternativement de gauche à droite (
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!NTRODUCTIVE. XX)
que intelligence de la Parole et des langues en générât et le mouve-
ment inusité que j'avais donné à mes études, m'avalent convaincu dèsr
long-temps que la Langue hébraïque était perdue et que la Bible
que nous possédions était loin d'être l'exacte traduction du Sépher de
Moyse. Parvenu à ce Sépher original par d'autres voies que celle des
Grecs et des Latins, porté de l'orient à l'occident de l'Asie par une
impulsion contraire à celle que l'on suit ordinairement dans l'explora-tion des langues, je m'étais bien aperçu que la plupart des interpré-tations vulgaires étaient fausses, et que, pour restituer la langue de
Moyse dans sa grammaire primitive, il me faudrait heurter violem-
ment des préjugés scientifiques ou religieux que l'habitude, l'orgueil,
1 intérêt, la rouille des âges, le respect qui s'attache aux erreurs an-
tiques, concouraient ensemble à consacrer, à raffermir, à vouloir
garder.Mais s'il fallait toujours écouter ces considérations pusillanimes)
quelles seraient les choses
qui se
perfectionneraient ? L'homme
dansson adolescence a-t-il besoin des mêmes secours que l'enfant à la lisière ?
Ne change-t-il pas de vêtemens comme de nourriture ? et n'est-il pasd'autres leçons pour l'àge viril que pour la jeunesse? Les nations sau-
vages ne marchent-elles pas vers la civilisation celles qui sont civili-
sées, vers l'acquisition des sciences? Ne voit-on pas la tanière du troglo-
dyte faire place au chariot du chasseur, à la t ente du pasteur, à la
cabane de l'agriculteur; et cette cabane se transformer tour à tour,
grâce au développement progressif du commerce et des arts, en coma
mode maison, en château, en palais magnifique, en temple somptueux?
Cette cité superbe que vous habitez, et ce Louvre qui étale à vos yeuxune si riche architecture, ne reposent-ils pas sur le même sol où s'é-
levaient naguères quelques misérables baraques de pécheurs ?i'
Il est, n'en doutez pas, il est des momens marqués par la Provi-
dence, ou l'impulsion qu'elle donne vers de nouvelles idées, sappantdes préjugés utiles dans leur origine, mais devenus superflus, les force
a céder, comme un habile architecte déblayant les grossières char-
pentes qui lui ont servi à supporter les voûtes de son édiiicc. Autant
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les mauvaises directions qu'on pourrait leur donner, montrer le pointexact de la question aux esprits explorateurs, et bien faire entendre à
ceux que des Intérêts ou des préjugés quelconques guideraient ou éga-
reraient, que je mépriserai toute critique qui sortira des limites de la
science, s'appuiera sur des opinions ou des autorités illusoires et que
je ne connaîtrai de digne athlète que celui qui se présentera sur le champ
de bataille de i vérité, et armé par elle.Car, sagit-il de mon style ? je l'abandonne. Veut-on s'attaquer à ma
personne ? ma conscience est mon refuge. Est-il question du fond de
cet ouvrage ? qu'on entre en lice; mais qu'on prenne garde aux rai-
sons qu'on y apportera. Je préviens que toutes ne seront pas égale-ment bonnes pour moi. Je sais fort bien, par exemple, que les Pères
de l'Église 't cru, jusqu'à St.-Jérôme, que la version hellénistiquedite des Septante, était un ouvrage divin, écrit par des prophètes
plutôt que par de simples traducteurs, ignorant souvent même, au
dire deSt.-Augustin, qu'il
existât un autreoriginal (~)
mais je
sais
aussi que St.-Jérôme, jugeant cette version corrompue en une in-
finité d'endroits, et peu exacte (&), lui substitua une version latine,
qui fut jugée seule authentique par le Concile de Trente, et pour la dé-
fense de laquelle l'Inquisition n'a pas craint d'allumer la flamme des
bûchers (c). Ainsi les Pères ont d'avance contredit la décision du
Concile, et la décision du Concile a condamné à son tour l'opiniondes Pères; en sorte qu'on ne saurait tout-à-fait trouver tort à Luther
d'avoir dit que les interprètes hellénistes n'avaient point une connais-
sance exacte de l'hébreu, et que leur version était aussi vide de sens
que d'harmonie (
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DISSERTATIONXXIVavait bien condamne cet ouvrage d'après l'idée que toute l'Église s'en
était formée de son temps.Ce n est donc ni de l'autorité des Pères, ni de celle des Conciles,
qu'il faudra s'armer contre moi car f une détruisant l'autre, elles
restent sans effet. Il faudra se montrer avec une connaissance entière
et parfaite
de l'hébreu,
et me prouver)
non par
des citationsgrecqueset latines que je récuse, mais par des interprétations fondées sur des
principes meilleurs que les miens que j'ai mal entendu cette langue,et que les bases sur lesquelles repose mon édifice grammatical sont
fausses. On sent bien qu'à l'époque où nous vivons ce n'est qu'avec de
tels arguments qu'on peut espérer de me convaincre (*).
Que si des esprits droits s'étonnent que seul, depuis plus de vingt
siècles, j'aie pu péuétrer dans le génie de la langue de Moyse, et com-
prendre les écrits de cet homme extraordinaire, je répondrai ingé-nument que je ne crois point que cela soit; que je pense, au contraire,
que beaucoup d'hommes ont en divers temps et chez différens peuples
possédé l'intelligence du Sépher de la même manière que je la pos-
sède mais que les uns ont renfermé avec prudence cette connaissance
dont la divulgation eût été dangereuse alors, tandis que d'autres l'ont
enveloppée de voiles assez épais pour être difficilement atteinte. Quesi l'on refusait obstinément de recevoir cette explication, j'invoqueroisle témoignage d'un homme sage et laborieux, qui ayant à répondreà une semblable dimculté, exposait ainsi sa pensée 'f Hest très-possiblea qu'un homme retiré aux confins de l'Occident, et vivant dans le XIX/*
e
a siècleaprès J.-C.,
entende mieux les livres deMoyse,
ceuxd'OrphéeH et les fragmens qui nous restent des Étrusques, que les interprètes
(*) Les Pères de l'Eglise peuvent sans doute
être cités comme les autres écrivains, mais
c'est sur des choses de fait, et selon les règles
de la critique. Lorsqu'il s'agit de dire qu'ils
ont cru que la traduction des Septante était
un ouvrage inspiré de Dieu, les citer en pa-
reil cas est irrécusable mais si l'on prétend
par !a prouver que cela est, la citation est
ridicule. Il faut étudier, avant de s'engager
dans une discussion critique, les excellentes
règles que pose Fréret, le critique le plus
judicieux que la France ait possède. (Voyez
~
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xxvj DISSERTATION
Je crois donc qu'on ne peut, sans fermer volontairement les yeuxa l'évidence, rejeter un assertion aussi naturelle, et me refuser d'ad-
mettre que les Hébreux sortant d'Égypte après un séjour de plus de
quatre cents ans, en emportèrent la langue. Je ne prétends pas détruire
par là ce qu'ont avancé Bochart, Grotius, Huet, Leclerc (o), et les
autres érudits modernes, touchant l'identité radicale qu'ils ont ad-mise avec raison, entre l'hébreu et le phénicien; car je sais que ce
dernier dialecte, porté en Égypte par les rois pasteurs, s'y était iden-
tiûé avec l'antique égyptien, long-temps avant l'arrivée des Hébreux
sur le bord du Nil.
Ainsi donc l'idiome hébraïque devait avoir des rapports très-étroits
avec le dialecte phénicien, le èhaldaïque, l'arabe, et tous ceux sortis
d'une même souche; mais long-temps cultivé en Égypte, il y avait
acqr~s des dévcloppemens intellectuels qui, avant la dégénérescencedont
j'ai parlé, en faisaient une
langue morale tout-a-fait différente,
du chananéen vulgaire. Est-il besoin de dire ici à quel point de perfec-tion était arrivée l'Egypte? Qui de mes Lecteurs ne connaît les éloges
pompeux que lui donne Bossuet, quand sortant un moment de sa
partialité théologique, il dit que les plus nobles travaux et le plus bel
art de cette contrée consistait à former les hommes (&) que la Grèce
en était si persuadée, que ses plus grands hommes, un Homère,.un
Pythagore, un Platon, Lycùrgue même, et Solon, ces deux grands
législateurs, et les autres qu'il se dispense de nommer, y allèrent ap-
prendre la sagesse.
Or, Moyse n'avait-il pas été instruit dans toutes les-sciences des Égyp-tiens ? N'avait-il point, comme l'insinue l 'historien des Actes des
Apôtres (r), commencé par là à être puissant en paroles et en œuvres~
Pensez-vous que la différence serait très-grande, si les livres sacrés dès
Égyptiens, ayant surnagé sur les débris de leur empire, vous permet-taient d'en faire la comparaison avec ceux de Moyse? Simplicius qui,
(a)Bochart, C&OHa!
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C/.
jusqu'à un certain point, avait été à même de la faire, cette compa-
raison, y trouvait tant de conformité (
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xxviï) DISSERTATION
de "mémoires sacerdotaux, comme font soupçonné Leclerc, Richard
Simon et l'auteur des conjectures sur la Genèse (
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INTRODUCTIVE. xxix
les mains d'une peuplade grossière, abandonnée à elle-même au milieu
des déserts de ndumëe. C'était un géant qui s'était montré tout à coupau sein d'une troupe de pygmées. Le mouvement extraordinaire qu'ilavait imprimé à sa nation ne pouvait pas durer, mais ils suffisait quele dépôt sacré qu'il lui laissait dans le Sépher fut gardé avec soin pour
que les vues de la Providence fussent
remplies.D paraît, au dire des plus fameux rabbins (a), que Moyse lui-même
prévoyant le sort que son livre devait subir, et les fausses interpréta-tions qu'on devait lui donner par la suite des temps, eut recours à une
loi orale qu'il donna de vive voix à des-hommes sûrs dont il avait éprouvéla 6 délité, et qu'il chargea de transmettre, dans le secret du sanctuaire, à
d'autres hommes qui, la transmettantà leur tour d'âge en âge, !a fissent
ainsi parveniràlapostéritéla plus reculée(~). Cette loi orale, que les Juifs
modernes se flattent encore de posséder, se nomme j&TaA~Ze (*)j,d'un mot hébreu qui signifie ce qui est reçu, ce qui vientd'ailleurs,
ce qui NcjDas~e (~ main en Ts~M/z~ etc. Les livres les plus fameux
qu'ils possèdent, tels que ceux du Zohar, le ~a~~ lesJ~o~M~w~les deux Gemares, qui composent le T%cc~M
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xxx DISSERTATION
mation qu'on peut placer, environ quinze cents ans avant l'ère chré
tienne, l'émission du Sépher. Après la mort de ce législateur tbéocra-
tique, le peuple auquel il avait confié ce dépôt sacré demeure en-
core dans le désert pendant quelque temps, et ne s établit qu'après
plusieurs combats. Sa vie errante influe sur son langage, qui dégénère
rapidement. Son caractère
s'aigrit; son
esprit turbulent s'allume. U
tourne les mains contre lui-même. Sur uouze tribus qui le compo-
saient, une, celle de Benjamin, est presqu'entièrement détruite. Ce-
pendant la mission qu'il avait à remplir, et qui avàit nécessité des lois
exclusives, alarme les peuples voisins; sès mœurs, ses institutions ex-
traordinaires, son orgueil, les irritent; il est en butte à leurs attaques.En moins de quatre siècles, il subit jusqu'à six fois l'esclavage; et six
fois il est délivré par les mains de la Providence, qui veut sa conser-
vation. Au milieu de ces catastrophes redoublées, le Sépher est. res-
pecté couvert d'une utile obscurité, il suit les vaincus, échappe aux
vainqueurs, et pendant long-temps re~te inconnu à ses possesseursmêmes. Trop de publicité eût alors entraîné sa perte. S'il est vrai que
Moyse eût laissé des instructions orales pour éviter la corruption du
texte, il n'est pas douteux qu'il n'eût pris toutes les précautions pos-sibles pour veiller à sa conservation. On peut donc regarder comme
une chose très-probable, que ceux qui se transmettaient en silence et
dans le plus inviolable secret, les pensées du prophète, se confiaient
de la même manière son livre et, au milieu des troubles, le préser"vdtentd~ la destruction.
Mais enfin, après quatre siècles de désastres, un jour plus douxsemble luire sur Israël. Le sceptre théocratique est partagé les Hé-
breux se donnent un roi, et leur empire, quoique resserré par de puis-<sans voisins, ne reste pas sans éclat. Ici un nouvel écueil se montre.
La prospérité va taire ce que n'ont pu les plus effroyables revers. La
mollesse, assise sUr le trône, s'insinue jusque dans les derniers rangs
du peuple. Quelques froides èhroniques, quelques allégories mal com-
prises, d'cs chants de vengeance et d'orgueil, des chansons de volupté,.
décorés des noms dejosué, de Ruth, de Samuel, de David, de Salo-
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f
ÏNTRODUCTIVE. ~xxj
mon usurpent la place du Sepher. Moyse est négligé ses lois sont mé-
connues. Les dépositaires de ses secrets, investis par le luxe, en proieà toutes les tentations de l'avarice, vont oublier leurs sermons. La
Providence lève le bras sur ce peuple indocile, le frappe au moment
où il s'y attendait le moins. Il s'agite dans des convulsions intestines;il se déchire. Dix tribus se
séparent
et gardent le nom d'Israël. Les
deux autres tribus prennent le nom de Juda. Une haine irréconciliable
s'élève entre ces deux peuples rivaux; ils dressent autel contre autel, trône
contre trône Samarie et Jérusalem ont chacune leur sanctuaire. La
sûreté du Sépher natt de cette division.
Au milieu des controverses que fait naître ce schisme, chaque peuple
rappelle son origine, invoque ses lois méconnues, cite le Sépher ou-
blié. Tout prouve que ni l'un ni l'autre ne possédait plus ce livre, et
que ce ne fut que par lm bienfait du ciel qu'il fut trouvé, long-temps
après (*), au fond d'un vieux conre, couvert de poussière, mais heu-
reusement conservé sous un amas de pièces de monnaie que l'avariceavait vraisemblablement entassées en secret, et cachées à tous les yeux.
Cet évènement décida du sort de Jérusalem. Samarie privée de son palla-
dium, frappée un siècle auparavant par la puissance des Assyriens, était
tombée; et ses dix tribus, captives, dispersées parmi les nations de
l'Asie, n'ayant aucun lien religieux, ou, pour parler plus clairement,n'entrant plus dans les vues conservatrices de la Providence, s'y étaient
fondues tandis que Jérusalem, ayant recouvré son code sacré, au
moment de son plus grand péril, s'y attacha avec une force que rien
ne put
briser. Vainement les peuples
de Juda furent conduits en escla-
vage vainement leur cité royale fut détruite comme l'avait été Samarie,le Sépher, qui les suivit à Babylone, fut leur sauve-garde. Ils purent bien perdre, pendant les soixante-dix ans que dura leur captivité, jusqu'àleur langue maternelle, mais non pas être détachés de l'amour pour leurs lois. H ne fallait pour les~lcur rendre qu'un homme de génie.Cet homme se trouva, car le génie ne manque jamais là ou la Provi-
dence l'appelle.
(*) Voyez C%'w~. ÏI. c. 3~. t ey ~w. et conterez /!o~. H. c li. t a.
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xxxij DISSERTATION
Esdras était le nom de cet homme. Son âme était forte, et sa cons-tance à l'épreuve de tout. H voit que le moment est favorable que la
chute de l'empire assyrien,renversé par les mains de Cyrus.lui donne la
facilité de rétablir le royaume de Juda. Il en profite habilement. H
obtient du monarque persan la liberté des Juifs; il les conduit sur les
ruines de Jérusalem. Mais avant même leur captivité, la politique desrois d'Assyrie avait ranimé le schisme samaritain. Quelques peupladescuthéennes ou scythiques, amenées à Samarie, s'y étaient mêlées à
quelques débris d'Israël, et même à quelques restes de Juifs qui s'yétaient réfugiés. On avait à Babylone conçu le dessein de les opposer aux Juifs dont l'opiniâtreté religieuse inquiétait (a). On leur avait en-
voyé une copie du Sépher hébraïque, avec un prêtre dévoué aux in-
térêts de la cour. Aussi, lors qu'Esdras parut, ces nouveau samaritains
s'opposèrent de toutes leurs forces à son établissement (&). Ils l'ac*
cusèrentauprès
dugrand
roi de fortifier uneville,
e t de faire plu-tôt une citadelle qu'un temple. On dit même que,'non contens de
le calomnier, ils s'avancèrent vers lui pour le combattre.
Mais Esdras était difficile à intimider. Non seulement il repousseces adversaires, déjoue leurs intrigues; mais les frappant d'anathème,'élève entr'eux et les Juifs une barrière insurmontable. Il fait plusne pouvant leur ôter le Sépher hébraïque, dont ils avaient reçu la
copie de Babylone, il songe à donner une autre forme au sien, et
prend la résolution d'en changer les caractères.
Ce moyen était d'autant plus facile, que les Juifs ayant, à cette
époque, non seulement dénaturé, mais perdu tout-à-fait l'idiome de
leurs aïeux, en lisaient les caractères antiques avec dnRculté, accou
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XXXVINTRODUCTIVE.
jamais reçu un livre dont Esdras aurait été l'auteur. Ils se Sont bien
gardés de recevoir les autres écritures et c'est aussi ce qui peut faire
douter de leur authenticité (c). Mais mon dessein n'est nullement
d'entrer dans une discussion à cet égard. C'est seulement des écrits
deMoyse
dont je m'occupe; je
les aidésignés exprès
du nom de Sé-
pher, pour les distinguer de la Bible en général, dont le nom grec
rappelle la traduction des Septante, et comprend toutes les additions
d'Esdras, et même quelques unes plus modernes.
S. 111.
6'M~ec~o~~OTM du
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DISSERTATIONxxxvj
y avait un interprète chargé de l'expliquer au peuple en langue vul-
gaire. Delà vinrent ce qu'on appelle les T~~MvyM (*). Il est assez dif-
ficile de dire aujourd'hui si ces versions furent d'abord écrites par des docteurs, ou abandonnées à la sagacité des interprètes. Quoi qu'ilen soit, il parait bien certain que le sens des mots hébraïques devenant
de plus en plus incertain, il s'éleva de violentes disputes sur les di-verses interprétations qu'on donnait au Sépher. Les uns, prétendant
posséder la loi orale donnée en secret par Moyse, voulaient qu'on la
fit entrer pour tout dans ces explications; les autres niaient l'existence
de cette loi, rejetaient toute espèce de traditions, et voulaient qu'ons'en tînt aux explications les plus littérales et les plus matérielles.
Deux sectes rivales naquirent de ces disputes. La première, celle. des
Pharisiens, fut la plus nombreuse et là plus considérée elle admettait
le sens spirituel du Sépher, traitait en allégories ce qui lui paraissait
obscur, croyait à la Providence divine et à l'immortalité de l'âme (~).La seconde, celle des Sadducéens, traitait de fables toutes les traditions
des Pharisiens, se moquait de leurs allégories, et comme elle ne
trouvait rien dans le sens matériel du Sépher qui prouvât ni même
énonçât l'immortalité de l'âme, elle la niait; ne voyant dans ce queleurs antagonistes appelaient âme, qu'une suite de l'organisation du
corps, une faculté passagère qui devait s'éteindre avec lui (b). Au
milieu de ces deux sectes contendantes, une troisième se forma, moins
nombreuse que les deux autres, mais infiniment plus instruite ce fut f
celle des Esseniens. Celle-ci, considérant qu'a force de vouloir tout
plier à l'allégorie., les Pharisiens tombaient souvent dans des visionsridicules, que les Sadduoécns, au contraire, ptïnb sécheresse de leurs
interprétations, dénaturaient les dogmes de Moyse, prit un parti mi-
toyen. Elle conserva la lettre, et le sens matériel à l'extérieur, et garda
la tradition et la loi orale pour le secret du sanctuaire. Les Esséniens
formèrent loin des villes, des sociétés particulières; et peu jaloux des
(*) Du mot chat
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INTRODUCTIVE. xxxvi)
charges sacerdotales remplies parles Pharisiens, et des honneurs civils
brigués par les Sadducéens, s'appliquèrent beaucoup à la morale et à
l'étude de la nature. Tous ceux qui ont écrit sur la règle et l'esprit de
cette secte en ont fait les plus grands éloges (a). Il y avait des Essé-
niens partout où il y avait des Juifs; mais c'était en Égypte qu'il s'en
trouvait davantage. Leur principale retraite était aux environs d'Alexan-drie vers le lac et le mont Moria.
Je prie le Lecteur curieux de secrets antiques de faire attention à
ce nom (*) car s'il est vrai, comme tout l'atteste, que Moyse ait laissé
une loi orale, c'est parmi les Esséniens qu'elle s'est conservée. Les
Pharisiens, qui se flattaient si hautement de la posséder, n'en avaient
que les seules apparences, ainsi que Jésus le leur reproche a chaque ins-
tant. C'est de ces derniers que descendent les Juifs modernes, à l'excep-tion de quelques vrais savans dont la tradition secrète remonte jus-
qu'à
celle des Esséniens. Les Sadducéens ont produit
les Karaïtes ac-
tuels, autrement appelés Scriptuaires.Mais avant même que les Juifs eussent possédé leurs Targums chai-
daïques, les Samaritains avaient eu une version du Sépher, faite en
langue vulgaire; car ils étaient moins en état encore que les Juifs d'en-
tendre le texte original. Cette version, que nous possédons en entier,étant'la .première de toutes celles qui ont été faites, mérite par con-
séquent plus de confiance que les Targums, qui, s'étant succédés et
détruits les uns les autres, ne paraissent pas d'une haute antiquitéd'ailleurs le dialecte dans lequel est écrite la version samaritaine a
plus de rapport avec l'hébreu que l'araméen ou le èhaldaïque desTargums. Un attribue ordinairement à un rabbin nommé Angeles, le
Targum du Sépher, proprement dit, et a un autre rabbin, nommé
Jonathan, celui des autres livres de la Bible, mais on ne saurait fixer
l'épuque de leur composition. On infère seulement qu'ils sont plus
(a) Joseph de tf~o J~M~.L. Il. c. !a. Phit.d'c Mf~ con~mp~. Bu'!
(*) Je n'ai pae))0itoiu,)e poMO, de du'o que
!e mont Morm est devenu l'un des Symbote~de ta tna';otinenu Adonhirauntc. Ce mot st-
guiOe pmpfcmcRt ~(t ~«Mt'Mo )
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xxxvuj DISSERTATION
anciens que le Thalmud, ~arce que le dialecte en est plus correct et
moins défiguré. Le Thalmud de Jérusalem surtout est écrit dans un
style barbare, mêlé de quantité de mots empruntés des langues voi-
sines, et principalement du grec, du latin et du persan (a). C'était
l'idiome vulgaire des Juifs au temps de Jésus-Christ.
Cependant les Juifs, protégés par les monarques persans, avaient jouide quelques momens de tranquillité; ils avaient réédifié leurs temples; ils
avaientrelevéles murailles de leur ville. Tout à coup la situation des choses
change l'empire de Cyrus s'écroule Babylone tombe au pouvoir des
Grecs tout fléchit sous les lois d'Alexandre. Mais ce torrent qui se
déborde en un moment, et sur l'Afrique et sur l'Asie, divise bientôt ses
ondes, et les renferme en des lits différens. Alexandre mort,ses capitainesmorcdent son héritage. Les Juifs tombent au pouvoir des Selleucidcs.
La langue grecque, portée en tout lieu par les conquérans, modifie de
nouveau l'idiome de Jérusalem, et l'éloigné de plus en plus de l'hébreu.
Le Sépher de Moysc, déjà défiguré par les paraphrases chaldaïques,va disparaître tout-à-fait dans la version des Grecs.
Grâce aux discussions que les savans des siècles derniers ont élevées
sur la fameuse version des Juifs hellénistes, vulgairement appelée ver-
sion des Septante, rien n'est devenu plus obscur que son origine (&).Ds se sont demandé à quelle époque, et comment, et pourquoi elle
avait été faite (c) si elle était la première de toutes, et s'il n'existait
pas une version antérieure en grec, dans laquelle Pythagore, Platon,.
Aristote, avaient puisé leur science (e~); quels furent les septante in-
terprètes, et s'ils étaient ou n'étaient pas dans des célulles séparées en
travaillant à cet ouvrage (e) si ces Interprètes enfin étaient des pro"
phètes plutôt que de simples traducteurs (/*).
(a) 7?< cr~f. L. H. ch. t8.
(b) ~K~. cr it. L. Il . c. 2 .
(c) De~p!crres Auctor. script. tract. 11.
Watton:IX.
(d) Cyrili. Alex. L. 1. EuM-h. ~~p~, ~f~K.
c. 3.Â.mbr
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INTRODUCTT\E. &XMX
Après avoir assez longuement examiné les opinions divergentes quiont été émises à ce sujet, voici ce que j'ai jugé le plus probable. Ou
pourra, si l'on veut recommencer ce travail épineux, qui au bout
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xt DISSERTATION
l'affranchissement de quelques esclaves juifs. Ce souverain pontifesoit qu'il fùt touché par la bonté du roi, soit qu'il M'osât pas résister à sa volonté, lui envoya un exemplaire du Sépher de Moyse, en lui
permettant de le faire traduire en langue grecque. tl ne fut plus ques-tion que de choisir les traducteurs. Comme les Esséniens du mont
Moria jouissaient d'une réputation méritée de science et de sainteté,
tout me porte à croire que Démétrius de Phalère jeta les yeux sur eux,et leur transmit les ordres du roi. Ces sectaires vivaient en anaèho-
rètes, retirés dans des célulles séparées, s'occupant, comme je l'ai déjà
dit, de l'étude de la nature. Le Sépher était, selon eux, composé
d'esprit et de corps par le corps ils entendaient le sens matériel de
la Langue hébraïque; par l'esprit, le sens spirituel perdu pour le vul-
gaire (~). Pressés entre la loi religieuse qui leur détendait la commu-
nication des mystères divins, et l'autorité du prince qui leur ordon-
nait de traduire le Sépher ils surent se tirer, d'un pas si hasardeux
car, en donnant le
corps
de ce livre, ils obéirent à l'autorité civile; et
en retenant l'esprit, à leur conscience. Ils firent une Version verbale aussi
exacte qu'ils purent dans l'expression restreinte et corporelle et pour se mettre encore plus à l'abri des reproches de profanation, ils se ser-
virent du texte et de la version samaritaine en beaucoup d'endroits, et
toutes les fois que le texte hébraïque ne leur offrait pas assez d'obscurité.
Il est très douteux qu'ils fussent au nombre .de soixante-dix pour achever ce travail. Le nom de version des Septante vient d'une autre
circonstance que je vais rapporter.Le Thalmud assure que d'abord ils ne furent que cinq Interprètes,
ce qui est assez probable; car on sait que Ptolémée ne fit traduire que'les cinq livres de Moyse, contenus dans le Sépher, sans s'embarrasser
des additions d'Es~h-as (&). Bossuet en tombe d'accord, en disant.quele reste des livres sacrés fut dans la suite mis en grec pour l'usage des
Juifs répandus dans l'Egypte et dans la Grèce, où non seulement ~s
avaient publié leur ancienne langue qui était l'hébreu, mais encore le
(a) Joseph. deBe~oJH~.L.II.ch. la.PhiL (6) Joseph: ~
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chaldéen que la captivité leur avait appris (
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dn DISSERTATION
)
si l'on en excepte quelques Esséniens initiés dans les secrets de la M
orale, les plus savans se piquaient à peine de remonter du grec, du
latin ou du jargon barbare de Jérusalem aux Targums èhaldaïques,devenus pour eux presque aussi difficiles que le texte (*).
C'est dans cet état d'ignorance, et lorsque la Bible grecque usurpait
partout la place du Sépher hébraïque, que la Providence, voulant
changer la face du Monde, et opérer un de ces mouvemens néces-saires, dont je crois inutile d'exposer la raison profonde, suscita Jésus.
Un nouveau culte naquit. Le christianisme, d'abord obscur, consi-
déré comme une secte juive, s'étendit, s'éleva, couvrit l'Asie, l'A-
frique et l'Europe. L'empire romain en fut enveloppé. Jésus et ses
disciples avaient toujours cité la Bible grecque les Père& de l'Églises'attachèrent à ce livre avec un respect religieux, le crurent Inspiré,écrit par des prophètes, méprisèrent le texte hébraïque,
et comme
le dit expressément St. Augustin (a), ignorèrent même son existence.
Cependant les Juifs, enrayés de ce mouvement qu'ils étaient hors d'état
d'apprécier, maudirent le livre qui le causait. Les rabbins, soit par
politique, soit que la loi orale transpirât, se moquèrent ouvertement
d'une version illusoire, la décrièrent comme un ouvrage faux, et la
firent considérer aux Juifs comme plus funeste pour Israël, que le
veau d'or. Ils publièrent que la Terre avait été couverte de ténèbres
pendant trois jours à cause de cette profanation du Livre saint; ety
<la rcNexion toute simple que le mot'THtt, en
hébreu, signifie l'un et l 'autre. On voit sou-
vent qu'il s 'attache moins à la manière dont
les noms propres
sont écritsqu'à celte
dont
ils étaient prononcés de son temps, et qu'illes lit non avec la lettre hébraïque, mais
avec la lettre grecque~ Cet historien qui pro-met de traduire et de rendre le sens d~Moyse,sans y rien ajouter ni diminuer, s'en éteigne
cependant an moindre propos. Des le premier
chapitre de son livre, il dit que Dieu ôta ta-
parole au serpent, qu' il rendit sa langue ve-
nimeuse, qu' il le condamna à n'avoir plus de
pieds, qu'il commanda a Adam de marcher
sur la tête de ce serpent, etc. Or, si PMon et
Joseph se montrent si ignorans dans~a con-
naissance du texte sacré, que devaient etre~
les autres
Juifs?J'excepte toujours
les Ease-
niens.
(*) Uestr&ppotté dans St. Luc que JeM
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INTRODUCTIVE. dn;comme on peut le voir dans le Thalmud y ordonnèrent un jeune an~
nuel de trois jours en mémoire de cet événement.
Ces précautions étaient tardives; le dépôt mal gardé devait changer de main. Israël semblable à un coffre grossier, fermé d'une triple ser-
rure, mais usé par le temps, ne lui offrait plus un asile assez sur. Une
révolution terrible
s'approchait
Jérusalem allait tomber, et l'Empire
romain, cadavre politique, était promis aux vautours du Nord. Déjàles ténèbres de l'ignorance noircissaient l'horizon déjà les cris des
Barbares se faisaient entendre dans le lointain. Il fallait opposer à ces re'
doutables ennemis un obstacle insurmontable. Cet obstacle était ce livre
même qui devait les soumettre et qu'ils ne devaient point comprendre.Les Juifs ni les Chrétiens ne pouvaient entrer dans la profondeur
de ces desseins. Ils s accusaient réciproquement d'ignorance et de mau-
vaise foi. Les Juifs, possesseurs d'un texte original dont ils n'entendaient
plus la langue, frappaient d'anathème une version qui n'en rendait que
les formes extérieures et grossières. Les Chrétiens, contens de ces formes
que du moins ils saisissaient, n'allaient pas plus avant, et méprisaienttout le reste. ïl est vrai que de temps en temps il s'élevait parmi eux
des hommes qui, profitant d'un reste de clarté dans ces jours téné-
breux, osaient fixer la base de leur croyance, et la jugeant au fond
ce qu'ils la voyaient dans ses formes, s'en détachaient brusquement et
avec dédain. Tels furent Valentin, BastUde, Marciton, Apellcs, Bar.
desanèy et Manès le plus terrible des adversaires que la Bible ait ren-
contrés. Tous~raitaMnt d'Impie l'auteur d~m livre où l'Être bon patexcellence e~
représenté comme l'auteur du
mal. o& cet Être crée
sans desseaa~ préfère arbitrairement, se repend, s'irrite, punit sur une
postérité innocente le crime d'un seul dont il a préparé la chute f~}.Mânes, jugeant Moyse sur le livre que les Chrétiens disaient être de lui,
regardait ce prophète comme ayant été inspiré par le Génie du mal (A).Marcion, un peu moins sévère, uç. voyait en lui que l'organe du Créa-
teur du monde élémentaire, fort différent de l'Être-Supréme (c). Les
(a~BeMsctre: .NM& d'à ~&K~. pss&m.Epiphan. &fp/ passim.
(&) ~cf. ~Kf. ~rcAc~ §. y.(P)Ter(aU. Contr. ~rfV. L. H.
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xliv DISSERTATION
uns et les autres causèrent des orages plus ou moins violens, suivant
la force de leur génie. Ils ne réussirent pas, quoiqu'ils eussent en ce
point la vérité pour eux, parce que leur attaque était imprudente,
intempestive, et que sans le savoir, ils portaient hors de propos, le
flambeau sur une charpente rustique, préparée pour soutenir un édi-
fice plus imposant et plus vrai.
Ceux des Pères dont les yeux n'étaient pas tout-à-fait fascinés~cherchaient des biais pour éluder les plus fortes dimcultéa. Les uns
accusaient les Juifs d'avoir fourré dans les livres de Moyse des choses
fausses et injurieuses à la Divinité (~) les autres avaient recours aux
allégories (b). S~ Augustin convenait qu'il n'y avait pas moyen de
conserver le sens littéral des trois premiers chapitres de la Genèse, sans
blesser la piété, sans attribuer à Dieu des choses indignes de lui (c).
Origène avouait que si l'on prenait l'histoire de la création dans le sens
littéral, elle est absurde et contradictoire (c~). H plaignait les ignorans
qui, séduits par la lettre de la Bible, attribuaient à Dieu des sentimenset des actions qu'on ne voudrait pas attribuer au plus injuste et au
plus barbare de tous les hommes (e). Le savant Beausobre, dans son
~Z~o~e (/M ~
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chose extraordinaire et tout-à-fait bizarre! qu'on avait fait, à mesure-
qu'on en avait eu besoin, non seulement ta version latine, mais la copte
l'éthyopienne, l'arabe, la syriaque même, la persane, et les autres.
Mais pour recourir au texte original il aurait fallu entendre l'hébreu~
Et comment entendre une langue perdue depuis plus de mille ans? Les
Juifs, à l'exception d'un très-petit nombre de sages auxquels les plushorribles tourmens ne l'auraient pas arrachée, ne la savaient guèremieux que S* Jérôme. Cependant le seul moyen qui restât à ce Père
était de s'adresser aux Juiis. Il prit un maître parmi les rabbins de
l'école de Tibériade. A cette nouvelle, toute l'Église chrétienne jetteun cri d'indignation. S*'Augustin blâme hautement S* Jérôme. Rumn
l'attaque sans ménagemens. S~Jérôme, en butte à cet orage, se repentd'avoir dit que la version des Septante était mauvaise; il tergiverse;tantôt il dit, pour flatter le vulgaire, que le texte hébraïque est cor"
rompu; tantôt il exalte ce texte, dont il assure que les Juifs n'ont pu
corrompre une seule ligne. Lorsqu'on lui reproche ces contradictions~il répond qu'on ignore les lois de la dialectique, qu'on ne sait pas quedans les disputes on parle tantôt d'une manière et tantôt d'une autre,et qu'on fait le contraire de ce qu'on dit (a). H s'appuie de l'exemplede St Paul; il cite Origène. Buffin le traite d'impie, lui répond qu'O-
rigène ne s'est jamais oublié au point de traduire l'hébreu, et que des
Juifs ou des apostats seuls peuvent l'entreprendre (&). S' Augustin, un
peu moins emporté, n'accuse pas les Juifs d'avoir corrompu le texte
sacré il ne traite pas S' Jérôme d'impie et d'apostat il convient
même que la version des Septante est souvent incompréhensible maisil a recours à la providence de Dieu (c), qui a permis que ces inter-
prètes aient traduit l'Écriture de la manière qu'il jugeait être le plusà propos pour les nations qui devaient embrasser a religion èhrétienne.
Au milieu de ces contradiction'; sans nombre, S* Jérôme a le cou-
rage de poursuivre son dessein; mais d'autres contradictions, d'autres
(a) Pt Morm ~~crc&StM. Rich. Simoa:S
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DÏ9SERTATÏON
obstacles pbïs terribles Fattëndent. H voit que l'hébreu qu'il veut saisir
lui éehappe à chaque ÎBstamt cpae !~a Jui& (put consume flottent dans
la plus grande Incertitude; qu'tt&a& s'accordent point sur le sens des
mots,
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ÏNTMDUCTIVE. xïvi;
ductions qui ontété faites dans toutes les langues de ITEupope.soit avant~soit depuis la réformation de Luther, parce quelles ne sont toutes éga"
lementque des copies plus ou moins éloignées du grec et du latin.
Que Martin Luther, qu'Augustin d'Eugubio disent tant qu'ils vou<dront que les heRémstes sont des ignorans, Us ne sortent pas de leur
lexique en copiant S' Jérôme. Que Santés Pag~n, qu'Arias MontanuS),essaient de discréditer la Vulgate que Louis CbppcUe passe trente-six
ans de sa vie à en relever les erreurs que le docteur James, que le père
Henry de Bukentop, que Luc de Bruges~comptent minutieusement
les fautes de cet ouvrage, portées selon les uns.~deitk mille, selon les
autres à quatre mille quele cardinal Cajetan, quele Cardinal Bellarmin~les sentent ou les avouent ils n'avancent pas d'un iota l'intelligence du
texte. Les déclamations de 'ùalvin, les travaux d'OUvetan, de Corneille
Bertram, d'Ostervald, et d'une hmnité d'autres savans, ne produisent
pas un meilleur effet. Qu'importent les pesans commentaires de Calmet,les diffuses dissertations de Hottinger? quelles clartés nouvelles voi~on
naître des ouvrages de Bochard, de Huët, de Leclerc, de Lelong, de
Michaëlis? l'hébreu en est-il mieux connu? Cette Langue, perdue de-
puis vingt-cinq siècles, cèdc-t-elle aux recherches du père Houb~ "nt,à celle de r infatigable Rennicott? A quoi sert-il que l'un ou l'autre, ou
tous les deux ensemble, fouillent les bibliothèques de l'Europe, en com-
pulsent, en compilent, en confrontent tous les vieux manuscrits? à rien
du tout. Quelques lettres varient, quelques points-voyelles changent,mais la même obscurité reste sur le sens du Sépher. Dans quelque langue
qu'on le tourne, c'est toujours la version des hellénistes qu'on traduit, s puisque c'est elle qui sert de lexique à tous les traducteurs de l'hébreu.
Il est impossible de sortir jamais de ce cercle vicieux si l'on n'acquiertune connaissance vraie et pariaite de la Langue hébraïque. Mais com-
ment acquérir cette connaissance ? Comment ? En rétablissant cette
Langue perdue dans ses principes originels en secouant le joug des
hellénistes en reconstruisant son lexique en pénétrant dans les sanc-
tuaires des EssénicïM en se méfiant de la doctrine extérieure des Juils
en ouvrant ennn cette arche sainte, qui, depuis plus de trois mille ans,
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xM!) DISSERTATION INTRODUCTÏVE.
fermée à tous les profanes, a porte jusquà nous y par un décret de la
Providence divine, les trésors amassés par la sagesse dès Égyptiens.Voilà le but d'une;partie de mes travaux. Marchant vers l'origine de
la Parole, j'ai trouvé sur mes pas le chinois, le samscrit, et l'hébreu.
J'ai examiné leurs titres. Je les ai exposés à mes Lecteurs. Forcé de faire
un choix entre ces trois idiomes primordiaux, j'ai choisi l'hébreu. J'ai
dit comment composé à son origne, d'expressions intellectuelles, mé-
taphoriques, universelles, il était InsenMbïement revenu à ses élémens
les plus grossiers, en se restreignant à des expressions matérielles, propreset particulières. J'ai montré à quelle époque et comment il s'était entiè-
rement perdu. J'ai suivi les révolutions du Sépher de Moyse, uniquelivre qui lerenierme~ J'ai développé l'occasion et la manière dont se
firent les principales versions. J'ai réduit ces versions au nombre de
quatre savoir les paraphrases chaldaïques ou targunis la version
samaritaine, celle des hellénistes appelée la version des Septante, cn~ncelle de 8~ Jérôme Du la Vulgate. J'ai assez indiqué l'idée qu'on en de-
vait prendre.C'est maintenant à ma Grammaire à rappeler les principes oubliés
de la Langue hébraïque, à les établir ~d'une manière solide, à les en-
chaîner à des résultats nécessaires c'est à ma traduction de la Cosmo-
gonie de Moyse, et aux notes qui r~ecQm~agncnt, à montrer la ibrce et
la concordance de ces résultats. Je vais me~nvrer sans crainte à ce travail
difficile, aussi certain de son succès que de son utilité, si mes Lecteurs
Jaignent m'y suivre avec l'attention et la confiance qu'il exige.
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LANGUE HÉBRAÏQUE
PREMIÈRE PAR TIE.
LA
RESTITUÉE.
~K~
t~Ê~
GRAMMAB~ï~BRAÏQUE."L.
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jtM~~tM~~MMMMMM~M~tMM~~MMMMWWM~t~~
GRAMMAIRE HÉBRAÏQUE.
CHAPITRE PREMIER.
Principes Généraux.
§. I.
~~fo&Ze but de cette Gi~Mt~Mù!
I L y a longtemps qu'on a dit que la Grammaire était l'art d'écrire et
de parler correctement une langue; mais il y a longtemps aussi qu'on
aurait dû penser que cette définition, bonne pour les langues vivantes,
ne valait rien appliquée aux langues mortes.
Qu'est-il besoin, en effet, de savoir parler et même écrire, si c'est
composer que l'on entend par écrire, le samscrit, le zend, l'hébreu,
et les autres langues de cette nature ? ne sent-on pas qu'il ne s'agit
point de donner à des pensées modernes une envelope qui n'a pas été
faite pour elles; mais, au contraire, de découvrir, sous une envelope
inusitée, les pensées antiques dignes de renaître sous des formes plus
modernes!* Les pensées sont de t ous les temps, de tous les lieux, de
tous les hommes. Il n'en est pas ainsi des langues qui les expriment.
Ces langues sont appropriées aux moeurs, aux lois, aux lumières, aux
périodes des âges elles se modiiien< mesure qu'elles avancent dans
les siècles; elles suivent le cours de la civil!sation des peuples. Quand
l'une d'elles a cessé d'être parlée, on doit se borner l'entendre dans
ÏM écrits qui lui survivent. Continuer,à la parler ou même à l'écrn'e, 7
lorsque son génie est éteint, c'est vouloir ressusciter un cadavre c'
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4 &RAMMAÏRE HEBRAÏQUE,r
avec des manières françaises, s'affubler de la toge romaine, ou pa-
raitre dans les rues de Paris avec la robe d'nn ancien DruÏde.
Il faut que je l'avoue ingénucmcnt, malgré quelques préjugés scho'
lastiques, froissés' dans mon aveu; je ne saurais approuver ces com-
positions pénibles, soit en prose, soit en vers, ou de modernes
Européens se mettent l'esprit